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TEODORA CRISTEA
STRATÉGIES DE LA TRADUCTION
Troisième édition
© Editura Fundaţiei România de Mâine, 2007
Editură acreditată de Ministerul Educaţiei şi Cercetării
prin Consiliul Naţional al Cercetării Ştiinţifice din Învăţământul Superior
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tehnice, este strict interzisă şi se pedepseşte conform legii.
TEODORA CRISTEA
STRATÉGIES DE LA TRADUCTION
Troisième édition
AVANT- 11
PROPOS……………………………………………………………………..
INTRODUCTION
1. LA GRAMMAIRE DE LA TRADUCTION COMME STRATÉGIE
D’APPRENTISSAGE DE LA LANGUE CIBLE
1.1. La grammaire de la traduction - un concept dynamique 13
……………………...
1.2. La grammaire de la traduction - contenu d’une thématique 14
…………………..
10
14. SÉMASIOLOGIE ET ONOMASIOLOGIE DANS L’ACTE TRADUCTIF 183
…..
14.1. Structuration conceptuelle et structuration 183
linguistique…………………….
14.2. Acte traductif et solidarité des approches sémasiologique
et onomasiologique………………………………………………………… 184
14.3. Répertoires parallèles et niveaux 186
fonctionnels……………………………...
14.4. 191
Conclusion……………………………………………………….…………
Sujets de devoirs…………………………………………………………... 192
Références 192
bibliographiques………………………………………………
15. EN GUISE DE CONCLUSION: DE LA DÉPENDANCE À LA MAITRISE 193
Bibliographie sélective……………………………………………………….. 194
Sources des 195
exemples…………………………………………………………
11
AVANT-PROPOS
13
Introduction
1. LA GRAMMAIRE DE LA TRADUCTION COMME STRATÉGIE
D'APPRENTISSAGE DE LA LANGUE CIBLE
1
Pour l'opposition entre traduction et transcodage v. T. Cristea, Contrastivité et
traduction, TUB, 1982, pp. 15 sqq.
15
Il convient donc, et c'est ce qui constituera la trame des développements qui
suivent, d'esquisser une problématique, d'en étudier les ouvertures et les incidences.
La variété des éléments susceptibles d'être pris en compte est évidemment très
grande et le degré de détail extrêmement fin. Aussi est-il nécessaire de fixer certaines
limites en fonction du but précis que j'ai assigné à la grammaire de la traduction. Dans
la mise en place des structures symétriques on s'attachera à préciser les contraintes du
transfert et à dégager les stratégies alternatives en laissant ouverte la voie à d'autres
solutions.
Plusieurs démarches peuvent être suivies pour explorer le champ de la
traduction. Elles relèvent toutes des techniques comparatives mais la constante de la
comparaison reste le procédé de la comparaison; ce n'est que le point de départ qui est
différent. L'approche peut être orientée en deux directions opposées:
- selon la première c'est le niveau de description (lexématique, phrastique,
transphrastique) qui subordonne les procédés de traduction, ce qui fait que le même
procédé se retrouve à des niveaux différents;
- selon la seconde, de nature onomasiologique, c'est la zone conceptuelle ou
l'intervention communicative qui subordonne les procédés de traduction.
Confrontée aux difficultés d'organiser un domaine aux caractéristiques aussi
variées, la grammaire de la traduction doit opérer une sélection dictée par la démarche
adoptée. Les différents chapitres de cet essai sont structurés autour de deux thèmes
majeurs:
- la découverte des unités de traduction
Par des procédés de segmentation des textes sont mises en évidence des unités
qui, à différents niveaux de description, sont transférables dans la langue cible par des
équivalents de structuration identique ou différente;
- la mise en place et la description des procédés de traduction
À partir de l'analyse de textes bilingues seront examinées les équations de
traduction, en distinguant entre les contraintes relevant de la contrastivité et les options
relevant des stratégies alternatives.
Quant aux démarches adoptées, dans une première partie on étudiera les
procédés de traduction identifiés aux niveaux de description mentionnés. Une
deuxième partie sera consacrée à l'étude de quelques zones conceptuelles et de leur
incarnation linguistique dans les deux langues comparées.
De multiples interrogations sont nécessairement soulevées, qui concernent aussi
bien l'équivalence des intentions à travers les barrières de la structuration linguistique
spécifique. Il s'agit dans ce cas d'une symétrie de fonctionnement discursif, beaucoup
plus délicate à manier en raison de ces conditionnements contextuels.
Précisées sous l'éclairage de la dimension didactique, les finalités de la
grammaire de la traduction vont de pair avec les procédures d'analyse mises en oeuvre
et avec les critères appliqués dans la sélection et la classification des données.
Les textes bilingues fournissent un matériel très riche et incohérent au premier
abord, mais leur examen n'en fait pas moins émerger l'existence d'un donné structuré
selon certaines règles de correspondance. Si imparfaite que soit cette procédure à cause
des dysharmonies qui peuvent exister entre le texte de départ et le texte d'arrivée, elle
16
n'en sert pas moins à délimiter l'aire en dehors de laquelle les solutions ne sont plus
admises.
Pour des raisons que j'exposerai au fil des chapitres, il est nécessaire de se servir
dans la conduite de la recherche d'autres instruments qui relèvent de divers modèles de
description en accord avec le domaine qui est pris en compte. De tels instruments
doivent déboucher sur le concept de symétrie interlinguale établie à partir d'un axe de
symétrie, le donné commun.
On peut donc conclure que toute traduction suppose une analyse du texte de
départ, actuel ou virtuel, une stratégie conduisant à une répartition des charges
sémantico-pragmatiques sur des unités de la langue cible et une finalité qui n'est autre
chose que l'expression linguistique d'une signification symétrique de celle réalisée en
langue de départ.
17
18
I-ère section
L'UNITÉ DE TRADUCTION
2. UN CONCEPT CLÉ DE LA TRADUCTOLOGIE
“Le problème de l'unité de traduction, c'est-à-
dire celui qui concerne la possibilité d'identifier
des éléments formels facilitant ou venant
corroborer des procédures analytiques, nous
semble capital pour l'établissement d'une
démarche d'investigation scientifique dans le
domaine traductologique.”
(MICHEL BALLARD)
signification
L L'
exégèse relation exégèse
intralinguale interlinguale intralinguale
19
de celles pratiquées normalement dans la tradition lexico-grammaticale, souvent
périmée et désaccordée par rapport aux exigences de la mise en équivalence
interlinguale. Aussi ne s'agit-il pas de construire l'ensemble de données en fonction
d'une pareille analyse, mais de réévaluer les unités constitutives du texte de départ dans
la perspective qui les laisse passer en langue d'arrivée. L'analyse pratiquée en langue
de départ ne se superpose pas nécessairement à la segmentation effectuée en vue de la
traduction.
Mais l'UT n'est pas qu'une unité à double face, elle a aussi un double statut
suivant que l'on prend en compte la relation qui s'institue entre les deux entités
appartenant aux deux langues en contact de traduction (aspect dynamique) ou le
résultat de la mise en relation (aspect résultatif statique). Une fois reconnu ce double
statut, d'opération et de résultat de l'opération, on peut en tirer des conclusions
normatives et constituer des classes d'UT qui deviennent ainsi autant de solutions de
traduction transférables à d'autres textes.
1
Pour une discussion du concept v. M. BALLARD, „L'unité de traduction essai de
redéfinition d'un concept”, in M. BALLARD (éd.), La traduction à l'université, Presses
Universitaires de Lille, 1993, p. 223-254.
20
2) L'unité source est cohésive et non compositionnelle, auquel cas il existe trois
types de transfert:
a) l'unité source est sécable en dépit de son caractère cohésif et non
compositionnel. C'est le cas d'un assez grand nombre de locutions verbales qui
répondent aux tests de la cohésion, mais qui n'en sont pas moins transférées terme à
terme. Ainsi, dans une locution roumaine telle que a lua cuvîntul, le constituant
nominal ne peut être individualisé (*a lua acest cuvînt) ni quantifié (*a lua un cuvînt, *a
lua mai multe cuvinte). Il est également impossible de substituer au substantif ou au
verbe un synonyme (*a-şi însuşi cuvîntul, *a lua vorba). Ce caractère cohésif existe
dans l'expression correspondante du français prendre la parole (*prendre cette parole,
*
prendre une parole, *prendre plusieurs paroles, *prendre le mot etc.). C'est le cas
également d'un grand nombre de locutions, qui tout en étant cohésives, sont
constituées d'unités transférées individuellement: a lua loc - prendre place, a cădea de
acord - tomber d'accord, a-şi face sînge rău - se faire du mauvais sang, a lăsa în
părăsire - laisser à l'abandon, a-şi cîntări cuvintele - peser ses mots etc.
b) l'unité source est sécable en ce sens que l'un des constituants au moins se
trouve en correspondance directe: a înghiţi găluşca - avaler le morceau/la pilule, a fi
mînă spartă - être un panier percé, etc.
c) l'unité source est insécable, tous les constituants étant transférés par des
correspondants indirects: a fi în toi - battre son plein, a trage la măsea - lever le coude,
a pune cruce la ceva - en faire son deuil etc.
Le tableau ci-dessous rend compte de ces possibilités de transfert:
21
Comme il résulte de ces exemples, l'insécabilité est une catégorie translinguale
qui est révélée par le transfert, la cohésion et la (non)compositionnalité jouant un rôle
secondaire dans le transfert.
22
(vi') ... (il) savait où il fallait s'attarder et où il devait passer son chemin.
(J. Bart, 218-10)
(vii) ... o aşteptau porţiile zdravene cu fasole cu cîrnaţi.
(vii') ... l'attendaient de sérieuses portions de saucisses aux haricots blancs.
(P. Pardău, 130-40)
Notons également qu'il existe des locutions figées qui sont plus étoffées dans une
langue que dans une autre:
a fi la cuţite cu cineva - être à couteaux tirés avec qn.
cu mîinile legate - mains et poings liés
a fi înghesuiţi ca sardelele - être serrés comme des harengs en caque
bun ca pîinea caldă - bon comme le pain (est bon)
La contrepartie de l'étoffement est l'omission, le traducteur ne considérant pas
comme nécessaire de traduire certains éléments du texte de départ:
(viii) Lungiţi la rînd, sub peticul de umbră la baza piramidei de bulgări de
cărbuni, dormeau doborîţi hamalii, negri, pe jumătate goi.
(viii') Couchés à la file, dans l'ombre d'un tas de charbons, les dockers, fourbus,
noirs, à demi nus, dormaient.
La dilution et l'étoffement sont beaucoup plus fréquents que la concentration, car
ce qui compte en traduction c'est de rendre le texte d'arrivée explicite.
2.4. Conclusion
Les traductologues ont eu raison de mettre en vedette l'importance de
l'identification des unités de taduction. Si les traducteurs chevronnés sont guidés par
l'intuition et par l'expérience plutôt que par une ligne de conduite fondée
scientifiquement, il en va autrement pour le traductologue dont le rôle est justement de
démonter les mécanismes de mise en correspondance de l'unité source avec l'unité
cible, afin d'en tirer des enseignements d'ordre général. „... par la force des choses le
problème de l'unité de traduction est étroitement lié aux conceptions que l'on a de la
traduction, à la croyance que l'on a (ou non) en la possibilité de la théoriser” (M.
BALLARD, 1993: 224).
Il est évident que notre recherche, dans la mesure où elle envisage la traduction
non seulement comme un métier mais aussi et surtout comme une stratégie didactique,
ne saurait se contenter d'une attitude qui nie toute valeur généralisable à l'unité de
traduction comme concept opératoire. Le scepticisme de certains théoriciens ne semble
d'ailleurs pas être justifié par la pratique traduisante elle-même, qui n'est autre chose
que la valorisation d'une expérience sous la forme d'un répertoire systématique de
solutions de traduction. Aussi croyons-nous qu'il est absolument nécessaire de fournir
aux traducteurs débutants des points de repère dans la quête des unités de traduction.
C'est un processus dynamique, où la connaissance de la langue source et celle da la
langue cible déterminent l'efficacité de la mise en équivalence. Les décisions portant
sur la segmentation du texte de départ ne peuvent pas être prises indépendamment de
l'accumulation d'informations spécifiques. Il s'agit d'un vecteur de capacité à
23
reconnaître dans le texte de départ les unités sémantiquement insécables et
pragmatiquement pertinentes.
SUJETS DE DEVOIRS
• Illustrez à l'aide d'un texte de votre choix l'interrelation unités source - unités
cible.
• Quels sont les multiples rapports entre les propriétés structurelles d'insécabilité,
de cohésion et la propriété sémantique de (non)compositionnalité?
• Analysez à l'aide d'un texte de votre choix les rapports quantitatifs entre les
unités source et les unités cible tels qu'ils se manifestent dans le transfert.
• Divisez le texte suivant en unités de traduction:
Rămas în picioare în apropierea uşii deschise, noul venit părea incomodat, îşi
răsucea în mînă o pălărie veche, neagră. Nu mai suporta să se ştie cercetat cu răceală şi
condescendenţă. Atîta doar că Andrei îi desluşise pe faţă un zîmbet discret, rece,
dispreţuitor ce contrasta cu agitaţia mîinilor. - Credeam că o să te uimească îndrăzneala
mea, spuse nesigur Redman. Acum eşti mare, celebru, o somitate. Am vrut de multe
ori să pătrund în cabinetul tău. Odată am urcat pînă sus dar o secretară m-a anunţat că
nu primeşti.
(A. Buzura, Orgolii)
• Expliquez la contraction des UT dans les textes suivants:
Afară erau înşirate cîteva mese de lemn Dehors, les tables vertes en bois
vopsite în verde s'alignaient
(J. Bart)
Puse o întrebare banală asupra chipului Il posa une question banale sur la
cum lucrează dragele de tip nou. manoeuvre des nouvelles dragues.
(J. Bart)
Soarele rămînea ascuns în perdele de Le brouillard cachait le soleil.
neguri cenuşii.
(J. Bart)
Cerul întreg era o mare de văpăi scrijelită Le ciel tout entier était une mer de
de dîrele roşii ale trasoarelor. flammes, sillonnée par les traceurs.
(T. Popovici)
• Étudiez les procédés de dilution et d'étoffement dans les textes suivants:
• Analysez les rapports entre les unités source et les unités cible du texte suivant:
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
25
LADMIRAL, J.-R., 1979 - Traduire. Théorèmes de la traduction, Paris, Payot.
LEDERER, M., 1987 - „La théorie interprétative de la traduction”, in Le Français dans le
Monde, Numéro spécial août-septembre, 11-17.
MALBLANC, A., 1966 - Stylistique comparée du français et de l'allemand, Paris, Didier.
MOUNIN, G., 1963 - Les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard.
PERGNIER, M., 1973 - „Aspects linguistiques de la traduction”, in Études de linguistique
appliquée, no. 12, 26-38.
PERGNIER, M., 1980 - Les fondements sociolinguistiques de la traduction, Paris, Champion.
SELESKOVITCH, D. et LEDERER, M., 1984 - Interpréter pour traduire, Paris, Didier.
VINAY,J.P. et DARBELNET, J., 1958 - Stylistique comparée du français et de l'anglais, Paris,
Didier.
26
3. UNITÉS DE TRADUCTION ET NIVEAUX FONCTIONNELS
Les unités de sens ne sont pas mesurables
quantitativement; elles prennent vie lorsqu'un
nombre suffisant de mots rencontre les
connaissances pertinentes qui leur donneront
une existence éphémère; les unes après les
autres elles s'agrègent à ce qui a déjà été retenu,
formant ainsi un sens plus général...
(MARIANNE LEDERER)
3.2. Conclusion
Les unités de traduction sont délimitées à la fois par la cohésion des séquences
phrastiques et par la prise en compte de la dimension pragmatique, ce qui fait que le
traducteur opère sur le texte par des traductions fragmentaires successives et par leur
intégration dans l'unité supérieure. Les correspondances que le traducteur établit
exigent que l'on passe par l'analyse du niveau micro-structurel pour arriver à une
équivalence des conditions d'emploi. Mais quelles que soient les solutions adoptées
dans la traduction, il est évident que l'étude des caractéristiques syntactico-sémantiques
dépasse largement le cadre d'une description linguistique immanente.
Les différents niveaux fonctionnels des unités signifiantes doivent faire l'objet
d'une série d'analyses comparatives dont l'objectif premier serait de séparer ce qui,
dans la traduction, est grammaticalement contraint de ce qui est optionnel, ce qui est
imposé par le code linguistique de ce qui relève des conditions d'emploi.
SUJETS DE DEVOIRS
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
29
4. LE NIVEAU MORPHO-SÉMANTIQUE
ET LA MISE EN ÉQUIVALENCE
- les oppositions de temps et de mode sont pertinentes dans les deux langues (en
français elles sont marquées en fonction de l'environnement, la forme du présent de
l'indicatif de la première personne étant identique à celle de la deuxième personner de
l'indicatif et de l'impératif, et celle de la troisième personne du pluriel de l'indicatif
étant identique à celle du subjonctif présent); le nombre ne doit être marqué qu'en
français;
30
- les traits de nombre et de définitude de l'objet direct sont pertinents dans les
deux langues.
La phrase roumaine ne peut être désambiguïsée en vue de la traduction en français
que si l'on dispose d'informations supplémentaires fournies par le contexte situationnel.
sing. sing.
plur. plur.
Plusieurs cas sont à prendre en considération lorsqu'on établit une équivalence
de traduction:
a) La divergence se trouve sous la dominance stricte du thème nominal
• C'est la cas, en premier lieu des noms singularia / pluralia tantum:
chinul fricii - les affres de la peur
întunericul adînc - les profondes ténèbres
(i) Trebuie dus de aici molozul.
(i') Il faut emporter les gravats (décombre, plâtres)
(Cl. Dignoire, 1988, 25 sqq)
(ii) ... en quête d'un logement lors de ses fiançailles.
(ii') ... în căutarea unei locuinţe încă de la logodnă.
(Ph. Hériat,31-38)
(iii) În atelier regăsea mirosul de talaş.
31
(iii') Dans l'atelier il retrouvait l'odeur des copeaux.
(iv) A plecat în zori.
(iv') Il est parti à l'aube.
32
(viii) Ainsi, au spectacle des ors et des pourpres, la nuit commençait-elle à
substituer son négatif où les tons chauds étaient remplacés par des blancs et des gris.
(viii') Astfel, spectacolului cu aur şi purpură noaptea a început să-i substituie
negativul său, în care tonurile calde erau înlocuite cu alburi şi griuri.
(Cl. Lévi-Strauss, 54-72)
b) Le singulier distributif peut être rendu par un pluriel (ou inversement):
(ix) Primele săgeţi al soarelui ce iese din mare aprind în inima noastră flacăra
bucuriei de a trăi.
(ix') Les premières flèches du soleil qui sort de la mer allument dans nos coeurs
la joie de vivre.
(J. Bart, 232-115)
(x) Pe terenul de sport al Comisiei, un grup de tineri jucau tenis, în cămăşi de
mătase, pantaloni albi şi pantofi speciali cu pingele de azbest.
(x') Sur le terrain de sport de la Comission, un groupe de jeunes gens jouaient au
tennis, en chemise de soie, pantalons blancs et sandales à semelle d'amiante.
(J. Bart, 224-97)
(xi) Ascultîndu-i, Penelopa privea cum răsare din adîncuri luna de argint, trăgînd
după ea umbrele corăbiilor scufundate.
(xi') Tout en les écoutant, Pénélope regardait la lune d'argent émerger des
profondeurs et tirer derrière elle l'ombre des navires engloutis.
(P. Pardău, 125-28)
c) Un pluriel intensif peut apparaître comme équivalent d'un singulier en langue
cible:
(xii) ... apa molcomă a Teuzului tîrîndu-se leneşă pe sub răchitele pleoştite.
(xii') ... les eaux tranquilles du Teuz se traînant paresseusement sous les saules
pleureurs.
(T. Popovici, 42-50)
(xiii) Apostol Bologa mergea liniştit, parc-ar fi scăpat de toate grijile. Sudorile i
se uscaseră pe faţă şi pe gît.
(xiii') Apostol Bologa marchait tranquillement, comme un homme qui aurait
échappé à tous ses soucis. La sueur avait séché sur sa figure et son cou.
(l. Rebreanu, III, 295-21)
d) Dans un contexte négatif, l'opposition singulier / pluriel s'annule souvent, ce
qui peut conduire à des traductions divergentes:
(xiv) Viaţa ar fi tristă fără nici o taină.
(xiv') La vie serait trop triste s'il n'y avait pas de mystères.
(P. Pardău, 128-30)
4.2.2. Le possessif
La principale divergence qui sépare le roumain du français est le traitement
de l’opposition possession aliénable/vs/possession inaliénable. Les langues
incarnent de manière différente les idées rattachées à ce que l’on appelle par une
formule devenue célèbre „la sphère personnelle”. Les linguistes n’ont pas manqué
d’observer le comportement particulier des noms qui relèvent de ce domaine
référentiel.
33
On sait que le français réserve l’emploi du datif possessif à la seule
possession inaliénable, principalement aux noms qui désignent des parties du corps
humain. Le roumain, en échange, connaît une très grande „extension” de
l’inaliénable, extension qui englobe tous les objets avec lesquels il s’établit une
relation associative, ce qui entraîne un emploi extrêmement large du datif possessif.
Encore faut-il savoir exactement ce que l’on entend par possession inaliénable, car
les distinctions ontologiques ne sont pas à même de rendre compte du traitement
linguistique différent. La ligne de partage entre la possession aliénable et la
possession inaliénable n’est pas tracée de la même manière dans les deux langues
et ce sont plutôt les propriétés distributionnelles des équivalents qui se trouvent à la
base de ces variations linguistiques pouvant provoquer des distorsions dans la
traduction. Ainsi, les noms des „facultés de l’âme” ne sont pas traités en français
comme des inaliénables, ce qui impose comme réalisateur du rapport de possession
l’adjectif possessif:
(xv) Privind-o, gîndul mi se pierdea fără sfîrşit în fărîma-i de cer vînăt.
(xv'´) Tout en la regardant, ma pensée se perdait à l’infini dans le pan de ciel mauve.
(M.Caragiale, 37-93)
(xvi) Năpădit de o dulce aromeală, îmi lăsam visările să nască şi să se
topească în voie în noianul de armonii sublime.
(xvi') Envahi par une douce langueur, je laissai naître et se fondre à son gré
ma rêverie dans la nuée d’harmonies sublimes.
(M.Caragiale, 36-93)
1
Npc = nom de partie du corps humain
34
(xviii) Bărbia îi tremura.
(xviii') Son menton tremblait.
(M.Preda, II, 190-102)
(xix) Obrazul buhăit i se strîmbă caraghios.
(xix ') Son visage bouffi grimaçait, ridicule.
(T.Popovici, 109-168)
(xx) Urechile începură să-i ţiuie.
(xx') Ses oreilles bourdonnaient.
(T.Popovici, 114-175)
Notons que le datif possessif peut apparaître en français:
(xxi) Mîinile îi tremurau.
(xxi') a) Ses mains tremblaient.
b) Les mains lui tremblaient.
(xxii) îi bătea inima.
(xxii') a. Son coeur battait encore.
b. Le coeur lui battait encore.
• L’objet possedé est objet direct
Les traductions sont indirectes, à un datif possessif du roumain il correspond
en français un adjectif possessif, si la possession est aliénable:
(xxiii) A venit cu mine să vă facă portretele.
(xxiii') Elle est venue avec moi pour faire vos portraits.
(M.Preda, 221-110)
(xxiv) Cîrciumarul îşi goli cu oarecare silă paharul…
(xxiv') Le patron vida son verre un peu à contre-coeur…
(M.Eliade, 247-249)
L’étonnante variété des moyens dont disposent les deux langues pour
exprimer le rapport de possession accroît les difficultés de la mise en
correspondance, la traduction de cette relation référentielle mettant à l’épreuve la
compétence du traducteur et sa capacité de maîtriser les facteurs qui doivent être
pris en compte dans l’analyse du texte de départ.
4.3. Conclusion
Les divergences signalées au niveau des unités morphématiques tiennent de
l’analyse contrastive, mais les résultats d’une analyse comparative ne sont pas sans
conséquence pour la mise en correspondance. Le transfert des entités non
autonomes soulève des difficultés qui relèvent autant des contraintes imposées par
le système de la langue que des variations textuelles. Le traducteur ne peut éviter
ces embûches qu’au prix d’une analyse très poussée de tous les facteurs qui
exercent une influence sur le choix des moyens d’expression.
Comme nous l’avons vu, les divergences en matière de nombre, morphème
lié, se placent soit au niveau du lexème, soit au niveau du syntagme nominal, tandis
que celles qui se manifestent dans le domaine du possessif, morphème libre,
proviennent des règles de structuration de la phrase, étant détérminées par divers
facteurs, tant lexicaux que syntaxiques. Ces difficultés débouchent donc sur
d’autres territoires, engageant d’autres niveaux.
Lorsqu’on aborde un texte dans la perspective de sa traduction, les analyses
font ressortir des mécanismes insoupçonnés que l’on doit maîtriser. Le traducteur
aussi bien que l’enseignant qui forme des traducteurs doivent tirer parti de ces
analyses et du jeu des contraintes qui agissent dans les deux langues mises en
correspondance.
SUJETS DE DEVOIRS
37
• Quels sont les facteurs qui entrent en ligne de compte lorsqu'on établit
l'équivalence des micro-systèmes grammaticaux?
• Quelles seraient les coordonnées d'une comparaison de la catégorie du genre
en roumain et en français?
• Étudiez quelques divergences dans le fonctionnement de la catégorie du genre
dans la classe des noms /+Animé/ susceptibles d'entraîner des difficultés de traduction.
• Analysez la catégorie du nombre dans les textes suivants:
39
vorbească puţin emoţionat. – Îşi muşca degetele cu ciudă. – Îşi strică ochii citind
pînă noaptea tîrziu.
e) I-a şters ochii cu batista. – I-a tamponat uşor obrazul cu alcool. – Oboseala îi
adîncea trăsăturile delicate ale feţei şi îi încercăna ochii. – Dogoarea îi încingea obrajii.
f) Îl apucă de mîini. – L-a luat de braţ şi l-a condus pînă la uşă. – Îl mîngîie
uşor pe obraji cu vîrful degetelor. – O luă de umeri şi o împinse spre uşă. – S-a
rănit la mîna stîngă. – L-a înşfăcat de guler şi l-a dat afară. – S-a spălat pe cap.
– Am crezut că vrea să-l ia de păr.
g) Băieţii îşi luau bicicletele în timp ce eu mă uitam în mulţime s-o văd pe
Maria. Cînd o zării ridicai braţul ca de obicei, dar îmi dădui seama că ea nu ştia că
sînt acolo şi o strigai. O văzui că întoarce capul. Atunci ridicai iar braţul. Dar ea
nu-mi răspunse printr-un gest asemănător.
Îi întorsei spatele Mariei şi ca să-mi fac de lucru şi să nu stau holbat să mă uit
la clipa asta grea, pusei piciorul pe bordura de ciment a grilajului, îmi înodai
şireturile deja înodate, îmi scuturai manşetele care n-aveau nimic, apoi îmi luai
cărţile şi mi le aranjai liniştit sub braţ. Ridicai privirea: Maria nu mai era.
(M.Preda)
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
41
Langue
L L'
Relation
transfert (direct) x x'
fourche lexicale x x', y'...
x, y x'
lacune lexicale x ∅
∅ x'
42
Le trou lexical peut être une virtualité ou une réalité concrète d'une langue
naturelle L considérée dans ses rapports avec une autre langue naturelle L':
Trait t1 t2 t3 t4
Langue
L I lex ∅ ∅ I lex
L' ∅ ∅ I lex I lex
I lex = item lexical (ou lexème)
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ii) Elle a toujours aimé les boucles d'oreille, les broches, les peignes et d'autres
colifichets.
(DFC)
La langue source a ses propres lacunes lexicales qui ne correspondent pas aux
lacunes de la langue cible. En transposant un énoncé en langue cible, le traducteur doit
découvrir les moyens susceptibles de compenser l'absence de lexème spécifique. Il y
aurait également tout intérêt à inventorier les lacunes caractéristiques des langues en
contact afin de déceler les traits typologiques contrastifs.
5.2.2. L'opposition structure incorporante /vs/ structure non incorporante est une
autre divergence de structuration lexicale qui provient de l'existence de frontières
différentes retracées dans les deux langues entre le mot et la lexic complexe. Le terme
de „structure incorporante” désigne la propriété lexicale d'un lexème de réaliser par
une seule unité lexicale, d'habitude dérivée et indexée en tant que telle dans le
dictionnaire, un faisceau de traits „incarnés” dans l'autre langue par une suite de mots
fomant série. Il en résulte que la structure incorporante est une catégorie corrélative:
elle n'apparaît que par contraste avec une lexémisation de type analytique. Cette
opposition peut se manifester aussi bien au niveau intralingual (s'enrichir - devenir
riche) qu'au niveau interlingual: un élément incorporant de la langue source peut avoir
comme hétéronyme une lexie complexe, ou inversement. Cette relation se laisse
représenter comme suit:
L L'
amidonnerie amidon
beurrerie fabrică de; unt
brosserie perii
cimenterie ciment
sucrerie zahăr
• noms d'agent:
bonnetier tricotaje
boutonnier nasturi
chocolatier fabricant de ciocolată
bouchonnier negustor de dopuri
betteravier cultivator de sfeclă
baigneur care se scaldă
45
bâilleur persoană (om) care cască
bâcleur care rasoleşte o treabă
• noms collectifs
46
• Vb à Ablatif et à Objet direct implicite - Vb support de séparation + Dt
Ablatif du point de départ:
débourber din noroi; a curăţa/a spăla de noroi
décaisser din ladă, din casa de bani
dépoter a scoate din ghiveci
débusquer (inamicul) din poziţie
48
Pour interpréter correctement une UT de la langue source, il est nécessaire
d'établir le nombre d'informations qui conditionnent l'interprétation correcte.
La désambiguїsation est fonction de la nature de l'ambiguîté qui peut être de
deux types généraux:
- l'ambiguїté qui se laisse résoudre par l'analyse du micro-contexte (ambiguїté
déterministe);
- l'ambiguїté qui ne peut être résolue qu'en faisant appel au macro-contexte
situationnel ou à des données statistiques (ambiguїté probabiliste).
Le premier type d'ambiguîté est résolue sur le terrain de la langue source par
l'analyse des mots immédiatement environnants: le micro-contexte linguistique (ou co-
texte) contient toutes les informations nécessaires à un décodage correct de nature à
assurer la fidélité de la traduction.
Ainsi la préposition par a des correspondants différents suivant la nature du nom
qu'elle introduit:
49
ascuţit: une voix aigre - o voce ascuţită
neplăcut, supărător: le grincement aigre d'une
porte - scîrţîitul supărător al unei uşi;
neductil: fer, cuivre aigre - fier, cupru neductil;
Ambiguїté
5.3.2. L'aire d'extension des hétéronymes peut être différente parce que le
découpage de la réalité peut être plus analytique dans une langue par rapport à une
autre. Il y a généralisation dans une langue L quand on emploie un lexème dont
l'extension est plus grande que celle de son hétéronyme en L' et particularisation
lorsque, pour le même lexème, on se sert de deux ou de plusieurs hétéronymes. Dans
le premier cas on parle de focalisation et dans le second de scission.
Ainsi, le roumain se sert de deux mots dérivés différents pour exprimer l'action
et le résultat de l'action ou l'état, tandis que le français emploie le même mot; il y a
donc focalisation:
aranjare (action)
arrangement
aranjament (résultat)
combinare (action)
combinaison
combinaţie (résultat)
contemplare (action)
contemplation
contemplaţie (état)
corupere (action)
corruption
51
corupţie (état)
Dans certains cas, la distance sémantique entre les deux mots focalisés est plus grande:
consum
consumaţie consommation
consumare
receptare
réception
recepţie
En étroite liaison avec la délimitation des aires d'emploi des hétéronymes, les
restrictions sélectives qu'ils présentent précisent leurs possibilités de se combiner avec
d'autres lexèmes en fonction des traits inhérents et des thèmes de ces derniers. Ces
associations lexicales sont désignées parfois par le terme de présupposition lexicale.
Ainsi, il existe certains mots qui ne se disent que relativement à certains autres mots.
Un exemple caractéristique d'affinité de ce genre est celui des étiquettes
collectives. Leur emploi restrictif peut être divergent dans les deux langues, ce qui
attire des scissions lexicales:
fr. BOUQUET
de fleurs d'arbres de persil etc.
BUCHET PÎLC LEGĂTURĂ, MĂNUNCHI
de flori de copaci de pătrunjel
• Le mot français vol peut s'appliquer non seulement à un groupe d'oiseaux
qui volent ensemble, mais aussi à des insectes, tandis que le roumain se sert dans ce
cas de deux lexèmes différents:
fr. VOL
53
d'oiseaux de moucherons
STOL ROI
de păsări de musculiţe
fr. TROUPEAU
de moutons, de chèvres de vaches d'oies
TURMA CIREADĂ CÎRD
de oi, de capre de vaci de gîşte
• Le mot roumain haită s'emploie indifféremment pour les chiens et pour les
loups, tandis que le français utilise deux mots différents: meute de chiens, harde de
loups. D'autre part, le mot français harde peut s'appliquer aussi à d'autres animaux
vivant ensemble:
de lupi - HARDE - de daims, de cerfs - TURMĂ
HAITĂ
de cîini - MEUTE
• Le mot roumain teanc est couramment utilisé en relation avec des noms tels
que dosare, farfurii, bancnote, hîrtii etc.; il correspond à deux mots français: pile et
liasse qui se partagent la zone, le choix étant dicté par le nom auquel ils servent
d'introducteur quantitatif:
roum. TEANC
de dosare, de farfurii de bancnote
PILE LIASSE
de dossiers, d'assiettes de billets
de banque
La prise en compte des sens figurés donnerait une autre image des divegences
lexicales et ferait apparaître une autre distribution des traits sémantiques sur les divers
hétéronymes en présence (v. ci-dessous LA MODULATION, p 141)
5.4. Conclusion
Une analyse attentive des relations hétéronymiques met en relief des difficultés
de taille quand on veut tirer toutes les conclusions pratiques qui s'imposent. Si l'on veut
traduire en objectifs les résultats d'une investigation portant sur les divergences de
structuration lexicale, on doit préciser les aires qui peuvent être concernées. Aussi, une
approche onomasiologique comparative ne serait-elle sans intérêt pour l'apprenant
aussi bien que pour le traducteur (v. ci-dessous III-ème section).
54
Il existe en ce qui concerne l'hétéronymie plusieurs domaines qui pourraient
tirer profit d'une comparaison effectuée à ce niveau:
– la rédaction d'un dictionnaire bilingue, en tant qu'inventaire des équivalences
lexico-grammaticales établies à partir d'un mot pivot, l'entrée lexicale;
– l'analyse contrastive, qui doit déboucher sur une analyse typologique;
– la didactique du français-langue étrangère, qui doit établir la progression
lexicale par ordre de difficulté et d'utilité des lexèmes;
– la stylistique comparée, qui doit fournir au traducteur des inventaires aussi
complets que possible de procédés d'équivalence;
– la traductologie, qui doit découvrir les procédés de compensation en cas de
lacune lexicale et de réorganisation des moyens d'expression.
SUJETS DE DEVOIRS
... printre rămăşiţe de maşini şi tancuri ... parmi les débris d'autos et de chars
ruginite... d'assaut rouillés...
(T. Popovici)
Un camion supraîncărcat trecu prin Un poids lourd surchargé passa
faţa cîrciumii. devant le bistrot.
(M. Eliade)
Gore îşi băgă repede ceasul în Gore enfonça vivement sa montre
buzunarul vestei... dans son gousset...
(M. Eliade)
Era o odăiţă cu ciment pe jos şi cu C’était une petite pièce au sol
fereastra tencuită. cimenté dont on avait muré la
(M. Eliade) fenêtre.
Şi începu să aştepte nerăbdător, bătînd Il se mit à attendre impatiemment, en
cu degetele în masă. tambourinant sur la table.
(T. Popovici)
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
56
6. L'UNITÉ PHRASTIQUE: LA PARAPHRASE INTERLINGUALE
Pour notre part, nous avons fait l'hypothèse que
le mot, comme entité linguistique abstraite, ne
collabore au sens de l'énoncé que d'une façon
indirecte: il commence par se combiner aux
autres mots pour constituer la signification de la
phrase, et c’est celle-ci qui, vu la situation de
discours, produit le sens de l'énoncé.
(O. DUCROT)
57
D'autres phrases sont insécables et la signification des éléments constitutifs pris
un à un n'est plus opérante pour le transfert. Dans ce cas, les instructions infèrent un
transfert global. il y a non compositionnalité de l'énoncé:
(ii)Nu mă priveşte, spuse Gore întunecat. Eu am făcut rămăşag că-ţi arăt pe
madam Popovici. Nu mai e mult.
(ii')Je m'en fous, dit Gore d'un air sombre. J'ai parié que je vous montrerai
Madame Popovici. C'est tout près d'ici.
(M. Eliade, 251-254)
Une autre raison qui rend difficile de refuser à la phrase le statut d'unité de
traduction c'est que la traduction reste conditionnée par des impératifs du système des
langues engagées dans l'acte traductif.
L’analyse de la paraphrase interlinguale implique une prise de position
théorique: cette relation doit être placée au niveau du système de la langue et non au
niveau de discours, la dimension pragmatique de la traduction, étant de cette manière,
laissée dans l’ombre. „Cette négation de la dimension énonciative dans les théories
linguistiques de la paraphrase n’est pas l’effet du hasard: elle constitue la condition
sine qua non pour pouvoir théoriser la relation de paraphrase en termes d’équivalence
sémantique.” (C.FUCHS, 1994 : 74). Dans une paraphrase interlinguale la phrase de
départ et la phrase d’arrivée partagent par delà les variations imposées par le transfert
de la langue source à la langue cible un noyau sémantique commun. Une fois la
paraphrase définie comme une relation d’équivalence qui repose sur un invariant
sémantique, le théoricien de la traduction doit décrire la manière dont se constituent les
couples (les familles) paraphrastiques. À la différence de la paraphrase intralinguale, la
mise en correspondance de deux structures appartenant à deux langues différentes est
toujours une opération orientée, la réversibilité du transfert (la rétroversion) pouvant
conduire à des résultats divergents.
58
changements de nature quantitative (effacement, dilution, étoffement), d'autres enfin
consistent en une réorganisation du schéma actanciel de la phrase. Les paraphrases
indirectes reposent sur des procédés de traduction indirects tels que la transposition,
l'équivalence, l'adaptation. Les différences qui séparent du point de vue structurel la
phrase d’arrivée de la phrase de départ se laissent décrire en termes de composition
d’opérateurs élémentaires. Selon C.FUCHS (1994 : 59), ces opérateurs sont au
nombre de quatre: ajout ou effacement d’un élément en un point donné de la
chaîne, déplacement d’un élément d’un point à un autre en un point de la chaîne,
enfin substitution d’un élément d’un point à un autre en un point de la chaîne. Nous
devons faire remarquer que ces éléments sont, dans le cas de la traduction, des
hétéronymes (équivalents lexicaux), ce qui met en valeur l’interaction des faits de
lexique avec la structuration syntaxique de la phrase. Le schéma suivant rend
compte de ces divers types de paraphrases interlinguales:
Paraphrases 1 interlinguales
directes indirectes
(sans application de (avec application de
procédés indirects) procédés indirects)
1
Ces différents types de paraphrases seront étudiés au chapitre consacré aux procédés
de traduction.
59
des linguistes, on se trouve dans un domaine qui engage les principes mêmes de
l'explication linguistique.
Pour circonscrire ce domaine une triple délimitation est nécessaire:
a) la distinction entre phrase simple et phrase complexe repose sur l'opposition
un seul / deux (ou plusieurs) groupe(s) prédicatif(s), le groupe prédicatif étant l'élément
central de l'unité phrastique:
(iii) Il tremble de peur. (phrase simple)
(iii') Tremură de frică.
(iv) Il tremble parce qu'il a peur. (phrase complexe)
(iv') Tremură pentru că îi este frică.
Nous devons pourtant faire remarquer que cette distinction est obscurcie par
l'existence de certains groupes prédicatifs qui ne comportent pas de verbe fini; il s'agit
principalement des formes verbo-nominales (infinitif, gérondif, participe passé) qui
peuvent former des prédicats et régir des déterminants spécifiques des verbes finis:
(v) Il a été puni parce qu'il a menti.
(v') A fost pedepsit pentru că a minţit.
(vi) Il a été puni pour avoir menti.
b) La distinction entre la phrase complexe d'une part et la suite de deux (ou de
plusieurs) unités phrastiques en rapport de juxtaposition logique d'autre part met en jeu
un critère de nature formelle en vertu duquel la parataxe s'oppose à l'hypotaxe: dans le
premier cas, l'interprétation du rapport logico-sémantique repose uniquement sur le
sens des éléments lexicaux, sur l'ordre de successivité des événements (états) rapportés
et bien entendu sur le savoir partagé, tandis que dans le second, un connecteur explicite
ce rapport:
(vii) J'ai mis mon manteau. Il fait froid. (parataxe)
(vii') Mi-am pus paltonul. E frig.
(viii) J'ai mis mon manteau parce qu'il fait froid. (hypotaxe)
(viii') Mi-am pus paltonul pentru că este frig.
La phrase complexe (structure hypotactique) pourrait donc être définie comme
l'unité syntaxique comportant deux (ou plusieurs) phrases reliées à l'aide d'un relateur
(connecteur) qui explicite le rapport sémantique qu'elles contractent. La suite de phrases
reliées du point de vue logico-sémantique (structure paratactique) constitue un texte.
c) À l'intérieur de la phrase complexe il faut distinguer entre phrase de
coordination et phrase de subordination. C'est sur ce point précis que portent les débats
actuels, la distinction entre connecteurs coordonnants et connecteurs subordonnants
n'étant pas toujours aussi nette que les listes des grammaires traditionnelles la
présentent.
Parmi les tests auxquels on fait appel pour discriminer les deux types de
structures figurent principalement les suivants (M. PIOT, 1988: 5 sqq.):
a) le test de la questionnabilité
Suivant ce test, la phrase introduite par une conjonction de subordination peut
apparaître en réponse à une question posée sur celle-ci, tandis que la phrase introduite
par un connecteur de coordination n'est jamais questionnable. „En effet, à la question
60
Pourquoi n'est-il pas venu? on ne peut répondre par *Car il était malade, alors que
l'on peut répondre: Parce qu'il était malade. (M. PIOT, 1988: 6).
Il faut pourtant constater que des contraintes limitatives restreignent
considérablement l'aire d'application de ce test: d'une part, il existe en français, comme
en roumain, des conjonctions de subordination qui ne peuvent être utilisées dans la
réponse: Pourquoi n'est-il pas venu? * Vu qu'il est malade. De ce n-a venit? * Căci este
bolnav; d'autre part il y a des classes tout entières de subordonnées qui ne sont pas
questionnables (les conditionnelles, les concessives etc.)
b) Le test de la permutabilité de la phrase subordonnée
La phrase introduite par un connecteur de subordination peut subir des
déplacements dans la structure complexe:
(ix) Il est venu bien qu'il soit malade.
(x) Bien qu'il soit malade, il est venu.
(ix') A venit, deşi este bolnav.
(x') Deşi este bolnav a venit.
Un nombre important de contreexemples viennent infirmer, dans les deux
langues, la validité de ce test:
(xi) Il s'est mis à pleuvoir, si bien que nous ne sommes plus sortis.
(xii) *Si bien que nous ne sommes plus sortis, il s'est mis à pleuvoir.
(xi') A început să plouă aşa că nu ne-am mai dus la plimbare.
(xii') *Aşa că nu ne-am mai dus la plimbare, a început să plouă.
c) Le test de la coordination des phrases introduites par des connecteurs
Seules les phrases subordonnées se laissent coordonner:
(xiii) J'ai mis mon duffle-coat parce qu'il pleut et parce qu'il fait assez froid.
(xiv) *J'ai mis mon duffle-coat car il pleut et car il fait assez froid.
(xiii') Mi-am pus jacheta căptuşită pentru că plouă şi pentru că este destul de frig.
(xiv') *Mi-am pus jacheta căptuşită, căci plouă şi căci este destul de frig.
(xv) Il est venu mais il ne m'a pas rapporté le livre et il est reparti tout de suite.
(xvi) *Il est venu mais il ne m'a pas rapporté le livre et mais il est reparti tout de
suite.
(xv') A venit dar nu mi-a adus cartea înapoi şi a plecat imediat.
(xvi') *A venit dar nu mi-a adus cartea înapoi şi dar a plecat imediat.
d) Le test de la suppression du sujet coréférentiel et du verbe
Là encore, nous devons constater que ce test n'est opérant que pour certaines
conjonctions de coordination:
(xvii) Il est sévère mais (il est) juste.
(xviii)*Il ne vient pas trop souvent parce que / car n'a pas le temps.
Ce qui plus est, la suppression du sujet coréférentiel ne se pose pas pour le
roumain du fait du caractère non obligatoire de la présence du sujet (le roumain est une
langue à sujet vide):
(xviii') Nu vine prea des pentru că n-are timp.
63
c) elles permettent de mettre en relation des unités syntaxiques de niveau et de
structuration différents:
• phrase simple - phrase complexe:
(xxv) Cu toată purtarea sa rezervată, nu putea scăpa de familiarităţile celor din cartier.
(xxv') Si réservé qu'il fût, les gens du quartier devenaient familiers.
(G. Călinescu, 624-617)
(xxvi) Dar cine a debarcat măcar un ceas aici, pe limba asta îngustă de pămînt,
înţelege prea bine importanţa şi raritatea cazului.
(xxvi') Mais quiconque a débarqué, ne fût-ce qu'une heure, sur cette étroite
langue de terre, comprend parfaitement que c'était là un fait important et inusité...
(J. Bart, 86-92)
(xxvii) Să nu fi fost noapte, n-aş fi aşteptat pe sir Aubrey, nu!
(xxvii') Oh non, sans la nuit je n'aurais jamais attendu sir Aubrey.
(M. Caragiale, 52-103)
(xxviii) Mort de groază, Gheorghe începu să urle ca înjunghiat.
(xxviii')Terrifié, Gheorghe se mit à hurler comme si on l'avait égorgé.
(T. Popovici, 601-641)
• structure de coordination - structure de subordination:
(xxix) Deşi era doar la mijlocul lui mai, i se părea că trotuarul dogorea ca în
timpul verii.
(xxix') On n'était encore qu'au milieu de mai et pourtant il lui semblait que le
trottoir répandait une chaleur brûlante comme en plein été.
(M. Eliade, 210-253)
(xxx) Locuinţa era demodată, avea totuşi saloane mari...
(xxx') Tout démodé qu'il fût, l'appartement avait plusieurs salons spacieux...
(G. Călinescu, 383-391)
• structure de subordination - structure paratactique:
(xxxi) Numai o dată bate norocul la uşa omului... Numai să ştie să-i dea drumul la vreme...
(xxxi') La chance ne frappe à votre porte qu'une seule fois. Il suffit d'ouvrir l'huis
au bon moment.
(J. Bart, 20-13)
Les affinités pragma-sémantiques entre ces divers moyens sont telles qu'on
s'exposerait à de graves inconvénients en voulant les séparer. Si nous l'avons fait, par des
délimitations successives, c'est parce que nous avons voulu accorder à des procédures de
mise en relation la portée d'une analyse partielle qui ne peut acquérir sa véritable valeur et
atteindre à l'efficacité que si elle est intégrée à un examen de l'ensemble des moyens de
mise en équivalence.
6.5. Conclusion
64
La traduction montre des structurations dont la complexité permet d'aborder
sous un angle nouveau les fonctionnements de la langue. L'analyse des textes bilingues
s'attache en premier lieu à mettre en évidence les analogies structurelles, ce qui conduit
à les situer par rapport à la catégorie „phrase”. C'est pour cette raison que l'analyse
phrastique vient en tête, mais les méthodes modernes centrées sur le sens des énoncés
occupent à l'heure actuelle une place prépondérante.
Au moment où foisonnent les travaux sur l'énonciation et le discours, il convient
d'attirer l'attention sur la difficulté qu'il y a à aborder le domaine du niveau phrastique
autrement que dans une perspective sémantique englobante. Le problème essentiel est
celui de l'intégration de l'analyse centrée sur le statut morpho-syntaxique de la phrase à
une analyse portant sur l'énoncé et sur les relations qu'il entretient dans le cadre du
discours. L'analyse phrastique est la condition nécessaire permettant un développement
sûr des analyses qui embrassent d'autres niveaux.
Si l’on ne peut parler de relation paraphrastique à un niveau inférieur à la
paraphrase, en échange la paraphrase déborde largement les limites de l’unité phrastique,
en débouchant sur le texte. Il est donc justifiable de parler de relations paraphrastiques
entre des unités de taille croissante, depuis la phrase jusqu’au texte, en passant par la
phrase complexe.
La maîtrise de la paraphrase fait partie de la compétence du traducteur, qui
doit savoir reformuler en langue cible l’unité de la langue de départ, en assurant
ainsi l’équivalence sémantique requise par la traduction.
SUJETS DE DEVOIRS
Cu tot planul făcut în grabă se simţea Bien qu'il eût dressé rapidement son
încurcat. plan, il se sentait un peu gêné...
(J. Bart)
Oameni care simulau nebunia ca să nu ... de gens qui simulaient la folie pour ne
65
fie trimişi pe front... pas être envoyés au front.
(T. Popovici)
Cînd auzi glasul tatălui său, Puiu se En entendant la voix de son père, Puiu
simţi mai zdrobit. se sentit encore plus anéanti.
(L. Rebreanu)
Sînt aşa trist, tată, că nu pot fi şi eu Je suis si triste de ne pouvoir aller au
măcar la înmormîntare. moins à l'enterrement.
(L. Rebreanu)
Fiind primul bal, va fi relativ puţină Comme c'est le premier bal, on dit qu'il
lume. y aura relativement peu de monde.
(L. Rebreanu)
Dascălul fusese de părere să nu trimită Le chantre préférait ne pas renvoyer le
pe băiat acasă, de frică să nu fugă în altă garçonnet chez lui, de peur qu'il ne refît
parte. une fugue.
(G. Călinescu)
Vom face în aşa fel să nu ne stînjenim. Nous nous arrangerons pour ne pas vous
Baia o poţi lua oricînd între orele şapte déranger. Vous pouvez prendre votre
dimineaţa şi nouă; te rugăm numai să ne bain entre sept et neuf heures du matin.
comunici ora exactă, spre a o ţine liberă. Indiquez-nous simplement votre heure,
(G. Călinescu) afin que la salle de bain ne soit pas
occupée.
Strada Rahmaninov era la capătul ei Du côté des lacs, la rue Rachmaninov
dinspre lacuri un simplu drum de ţară finissait en chantier vicinal serpentant entre
mergînd între un mal de lut şi un şir de la berge et une rangée de hauts marronniers
castani înalţi, pe lîngă care se întindeau qui longeaient les clôtures des maisons
gardurile unor case de pe străzile situées dans les rues perpen-diculaires
perpendiculare răspunzînd spre lacul (ayant vue sur le lac de Floreasca) et les
Floreasca – şi zidurile cu ferestre mici ale murs percés de petites fenêtres d’une
unui fost grajd de cai de curse. Adesea, ancienne écurie de courses. Souvent, de
mormane de fîn şi de gunoaie umpleau grands monceaus de foin et d’ordures
aerul cu un miros hibrid de iarbă cosită şi répandaient des odeurs mélan-gées d’herbe
de putrefacţie acră. (…) Malul de lut din fauchée et de putrefaction. (…) Face aux
partea opusă şirului de castani era acoperit marronniers, la rive était envahie pendant
vara cu buruieni, pe care le păşteau vitele l’été d’herbes folles qu’allaient brouter les
locuitorilor de prin împrejurimi. Deasupra bêtes des habitants du quartier. Sur une
dîmbului şedea dezolată ruina roşie a unei éminence, se dressaient, désolées, les ruines
case neterminate. d’une maison inachevée.
(G.Călinescu)
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CRISTEA, T., 1988 - „Jalons pour une étude contrastive de la phrase complexe”, in Limbile
moderne în şcoală, II, p. 38-48.
DUCROT, O., 1980 - Les mots du discours, Paris, Les Éditions de Minuit
FUCHS, C., 1994 – Paraphrase et énonciation, Paris, Orphrys.
PIOT, M., 1988 - „Coordination - subordination. Une définition générale”, in Langue
Française, no. 77, p. 5-18.
67
Le premier des principes, en grammaire de
texte, c'est de se dégager des détails. Il faut
donc prendre un point de vue dominant, faire
l'hypothèse qu'un acte de discours est un acte de
communication, qui pour être interprété
adéquatement, doit être replacé dans un
ensemble signifiant global qui ne peut être que
le texte.
(JACQUES CORTÈS)
Sa R Sa'
68
(i) Atmosfera din casa dascălului este cuceritoare, copilul poate fi uşor de
cîştigat, deci în acelaşi timp pierdut pentru lumea lui, spre supărarea prinţesei.
(i') À son avis, il régnait chez les Petresco une ambiance si agréable que le
garçonnet risquait d'en subir la séduction et de s'expatrier de son milieu, au désespoir
de la princesse.
(G. Călinescu, 23-22)
Ce n'est que par référence au texte que l'on a pu établir l'équivalence ci-dessus.
Nous sommes en présence d'une anaphore associative interlinguale.
• les signifiés Se et Sé sont reliés par une correspondance qui va de l'identité au
recouvrement partiel, vu que le signifié connaît une configuration spécifique dans
chaque langue;
• les signifiants Sa et Sa' sont distincts sur le plan linguistique.
L'analyse des éléments constitutifs du texte fait émerger l'existence d'un donné
agencé selon des règles spécifiques, les méta-règles de cohérence textuelle
(M. CHAROLLES, 1978). L'interdépendance structurelle des différentes parties du
texte devient directement parceptible grâce aux éléments cohésifs, qui demandent à
être transférés dans le texte cible.
T T'
A R B A' R B'
où T = texte source
T' = texte cible
R = relation anaphorique
B = anaphorique de A
B' = anaphorique de A'
B, B' = anaphoriques équivalents interlinguaux
70
Le schéma d'une telle représentation est celui d'un déploiement où l'on va des
unités homogènes (transfert direct) vers la multiplicité différenciée des actualisations
contextuelles.
7.2.1. L'anaphore pronominale est réalisée soit par des substitutions lexicales
soit par des substituts de nature très diverse. Le rapport B - B' peut être:
• une traduction directe:
– substitut segmental dans les deux textes:
(ii) Courbet. Il n'y a que lui. Le plus grand. Moi je le dis.
(ii') Courbet. Nu există decît el. Cel mai mare. Eu o spun.
(N. Sarraute, 9-12)
(iii)Gore îşi rezemase bărbia în palmă, zîmbitor. Urmărea cu interes mişcările
cîrciumarului. îl văzu cum îşi alege un pahar de sub tejghea, şi îl clăteşte mult, cu grijă,
ridicîndu-l necontenit în dreptul ochilor. Cu el în mînă se îndreptă spre masă...
(iii')Gore souriait, le menton appuyé sur sa main. Il suivait les mouvements du
patron avec beaucoup d'intérêt. Il le vit choisir un verre sous le comptoir, le rincer à
grande eau, bien soigneusement, en l'élevant plusieurs fois à la hauteur des yeux. Le
verre à la main, le patron se dirigea vers la table...
(M. Eliade, 241-242)
– substitut implicite (anaphore vide) dans les deux textes:
(iv) – Să-ţi spun o noutate interesantă, zise Vasilescu-Lascaris.
– Spune.
(iv') – J'ai des nouvelles intéressantes, dit Vasilescu-Lascaris.
– Dites - toujours.
(G. Călinescu, 33-29)
• une traduction indirecte, obligatoire ou optionnelle
On peut distinguer deux sous-types essentiels de traductions qui mettent en
équation des unités appartenant à des espèces de mots différentes.
Le premier de ces transcodages engage des substituts anaphoriques de nature
différente, mais explicites tous les deux:
(v) – E un lucru precis, zicea madam Farfara, ştiut de toată lumea. De altfel
şi de n-ar fi, nu importă, prinţesa a adoptat un copil care este afin cu neamul
hangierlesc.
– Chestiunea aceasta n-am înţeles-o, deşi am auzit-o. Te rog să-mi explici
cum.
(v') – C'est le secret de polichinelle, répondit Madame Farfara. Aucune impor-
tance d'ailleurs, la princesse a adopté un enfant apparenté aux Handjerly.
– On me l'a déjà dit, mais je n'y ai rien compris. Pouvez-vous me l'expliquer?
(G. Călinescu, 21-17)
L L'
72
anaphore vide anaphore vide
Plusieurs hypothèses sur les anaphoriques nuls (vides) ont été émises en
grammaire générative (T. WASOW, 1979) ou dans une perspective textuelle
(L. TASMOWSKI, 1994). La présence d'un anaphorique segmental dans le texte cible
là où dans le texte source il y a un anaphorique zéro (nul) ou inversement s'expliquerait
par deux facteurs qui relèvent de deux niveaux d'analyse, mais qui peuvent agir
conjointement:
– le niveau contrastif des contraintes syntactico-sémantiques agissant à l'inté-
rieur de chacune des deux langues;
– le niveau textuel de la traduction: la nécessité de rendre explicite le texte
d'arrivée.
Aux contraintes spécifiques des deux langues engagées dans la traduction
viennent s'ajouter celles de la reproduction aussi exacte que possible des relations entre
les phrases constitutives de la séquence S par la séquence S'.
Parmi les traits distinctifs qui peuvent déterminer une lexémisation anaphorique
divergente il semble que l'on doive retenir:
– la sous-catégorisation des éléments verbaux hétéronymiques en contexte;
– la cohésion des constituants de la phrase;
– l'accès à l'antécédent de l'anaphore, accès qui peut être plus ou moins facile en
contexte.
Les verbaux, tant verbes qu'adjectifs, se laissent diviser en français en catégories
distinctes d'après la nature du déterminant qu'ils impliquent ou qu'ils admettent et la
réalisation de ce déterminant. On constate une certaine complémentarité entre le trait
sémantique inhérent du verbal et le trait syntagmatique: un verbal non déterminé sur le
plan sémantique s'accompagne obligatoirement d'un déterminant explicité dans la
chaîne verbale. Il n'en est pas moins vrai que dans certaines situations énonciatives ou
dans certains contextes ce déterminant peut rester implicite. Nous sommes en présence
d'un anaphorique vide. Ainsi, une classe assez vaste d'unités verbales peuvent ne pas
expliciter leur déterminant anaphorique, l'antécédent étant fourni par le co-texte. Il
s'agit de verbes performatifs tels que: j'accepte, je refuse ou de verbes d'opinion
employés aux personnes du dialogue: je comprends, je crois, je pense, je sais, je vois,
vous comprenez?, vous trouvez?, vous voyez? etc., ces derniers énoncés assurant la
fonction de connecteurs de coopération:
(ix) – Dar nu sînt bolnavă, înţelegi?
(ix') – Mais je ne suis pas malade, comprenez-vous?
(D.R. Popescu, 28-343)
73
(x) Je crois que ça ne vaut absolument rien... Mais rien, hein? Zéro. Non?
Vous n'êtes pas d'accord? (...) Non? Vous ne trouvez pas?
(x') Cred că n-are nici o valoare... Dar nici una, nu? Zero. Nu? Nu sînteţi de
acord? (...) Nu? Nu credeţi?
(N. Sarraute, 133-90)
Dans certains autres cas, c'est le contexte de l'injonction qui facilite et oriente
l'accès à la source anaphorique:
(xi) – Cine e?
– Eu, deschide.
(xi') – Qui est là?
– C'est moi, ouvre.
(D.R. Popescu, 12-333)
Dans un très grand nombre de cas, l'anaphorique nul du roumain réapparaît sous
la forme d'un anaphorique segmental en français.
Plusieurs espèces de substituts sont impliqués dans ce genre de traduction:
(1) Roum. Fr.
∅ le (substitut de macrosegment)
(xii) – Tata a zis, nu eu.
(xii') – C'est papa qui l'a dit, pas moi.
(D.R. Popescu, 15-340)
(xiii) Ştie că vreau să-l trimit în linia întîi. Ştie.
(xiii') Il sait que je veux l'envoyer en première ligne. Il le sait.
(P. Pardău, 117-21)
La même équivalence joue pour la cataphore:
(xiv) Pentru că Gigi chéri, acum pot să-ţi mărturisesc. De mult aşteptam acest
eveniment ca pe ceva fatal.
(xiv') Parce que, Gigi chéri, je puis maintenant te l'avouer: voilà bien longtemps
que j'attendais cet événement qui devait fatalement se produire.
(G. Călinescu, 76-73)
Nous devons observer que dans le passage du français au roumain, il y a souvent
transcodage direct, le substitut segmental étant conservé en roumain:
(xv) Nous sommes frères, n'est-ce pas, je le sais...
(xv') Sîntem fraţi, nu-i aşa, o ştiu.
(N. Sarraute, 16-17)
À plus forte raison, si le substitut de macrosegment figure en roumain il est
reproduit exactement en français suivant la correspondance directe o - le:
74
Le substitut le est obligatoire en français comme anaphorique d'un prédicat
nominal, tandis que le roumain exclut tout anaphorique segmental dans ce cas:
(xvii) Mais je suis polie. Je le serais peut-être moins si toi...
(xvii') Dar sînt politicoasă. Aş fi poate mai puţin dacă tu...
(N. Sarraute, 10-13)
(2) Roum. Fr.
∅ faire + le
Le français dispose d'un substitut de macrosegment complexe constitué du pro-
verbe faire accompagné obligatoirement du pronom le, tandis que le roumain se sert
d'un anaphorique nul:
(xviii) Fu chemat mai tîrziu, probabil după ce doctorul isprăvi toate vizitele.
Acum însă a aşteptat liniştit, nu ca rîndul trecut.
(xviii') De nouveau il fut appelé tard, après les visites. Mais cette fois-ce il
attendit tranquillement qu´on le fît.
(L.Rebreanu, 125-28)
Le substitut ∅ en roumain peut avoir comme équivalent le substitut en, auquel
cas la traduction dépend de l'identification de la fonction du déterminant verbal qui
joue le rôle d'antécédent:
• locatif du point de départ:
– spatial (ablatif ou élatif)
(xix) ... se trezi înfundat pînă la genunchi într-o băltoacă verzuie, cleioasă. Ieşi,
căţărîndu-se.
(xix') ... il se trouva tout à coup enfoncé jusqu'aux genoux dans un bourbier
verdâtre et gluant. Il en sortit en grimpant.
(T. Popovici, 283-293)
– spatialisé:
(xx) După ştampilele poştale şi datele de pe scrisori căuta să întocmească o hartă
a drumurilor şi sentimentelor lui Ulise. Ieşea un desen straniu în afara timpului şi a
spaţiului.
(xx') ... elle essayait, grâce aux cachets de la poste et à la date des lettres de
dresser une carte des routes et des sentiments d'Ulysse. Il en résultait un dessin étrange
hors du temps et de l'espace.
(P. Pardău, 99-7)
– idéalisé:
(xxi) – Eşti Ulise. Tu eşti Ulise, nu-ţi dai seama?
(xxi') – Tu es Ulysse, tu es Ulysse, ne t'en rends-tu pas compte?
(P. Pardău, 101-8)
(xxii) – Ei, domnule Faranga, sper că foarte curînd calvarul dumitale se va sfîrşi
(...) Cum, nu te bucuri deloc?
(xxii') – Eh bien, monsieur Faranga, j'espère que votre calvaire s'achèvera
bientôt. (...) Comment, vous ne vous en réjouissez pas?
(L. Rebreanu, I, 116-77)
75
Comme on le voit par les exemples ci-dessus, ce n'est que le trait de
l'hétéronyme verbal du français qui impose le choix du substitut anaphorique, mais il
est toujours segmental, les rapports entre le verbe et son déterminant étant plus
cohésifs en français qu'en roumain.
• objet direct partitif (ablatif abstrait d'extraction)
L'inverseur de totalité est en roumain un anaphorique nul:
(xxiii) – Ce-aveţi de mîncare pe ziua de azi? întrebă el deodată.
– Varză cu carne.
– Adu-mi o porţie dublă...
(xxiii') – Qu'est-ce que vous me pouvez servir?
– De la choucroute et du rôti.
– Apportez-m'en une double portion...
(M. Eliade, 249-251)
(xxiv) – Ţi-am încălzit nişte lapte, vrei să bei?
(xxiv') – Tenez, je vous ai fait chauffer du lait, voulez vous en boire?
(D.R. Popescu, 27-347)
(xxv) – Dacă găseşti în altă parte mai ieftin, încheie tratativele madam Farfara,
foarte bine.
(xxv') – Essayez toujours d'en trouver à un meilleur compte, dit madame Farfara,
ce qui mettait fin aux pourparlers.
(G. Călinescu, 32-28)
• instrumental:
(xxvi) Matei Basarab înaintă spre groapă cu acordeonul înaintea pieptului şi
începu să cînte.
(xxvi') ... il cala son instrument sur la poitrine et se mit à en jouer.
(G. Călinescu, 23-24)
(xxvii) Apoi scoase o batistă colorată din buzunarul hainei şi începu să se
şteargă, absent, pe frunte.
(xxvii') Puis il tira de sa poche un mouchoir aux couleurs vives et s'en épongea le
front d'un air absent.
(M. Eliade, 240-241)
76
– Oh, răspunse doctorul trist ironic, fiindcă n-am fost invitat.
(xxix') – Pourquoi n'êtes-vous pas allé à l'enterrement hier?
– Oh, répliqua le médecin avec une ironie triste, personne ne m'y a invité.
(G. Călinescu, 30-32)
(xxx) Ajungînd în stradă, îl întîmpină căldura dulce a amiezii de mai. Mirosea a
trandafir sălbatec şi a moloz.
(xxx') Dans la rue l'accueillit la douce odeur de midi, en plein mois de mai. Il y
régnait une odeur de plâtras et de roses sauvages.
(M. Eliade, 241-242)
Les traductions indirectes, qui semblent être la règle, sont illustrées par les
exemples suivants:
(a) a - b'
(xxxii) El aştepta cu un pachet de veşminte bisericeşti în braţe. Seminaristul slab
se repezi să ia pachetul...
(xxxii') Le bras chargé d'ornements sacerdotaux, il attendait. Le séminariste
maigre s'empressa de s'en saisir...
77
(G. Călinescu, 26-22)
(b) c - b'
(xxxiii) – Anastasio, acolo îl duseră, nu te du.
(xxxiii') – Anastasia, ils l'ont porté là-bas, n'y va pas.
(D.R. Popescu, 21-25)
Le choix du réalisateur de l'anaphorique s'inscrit dans les paramètres fixés par les
traits syntactico-sémantiques des antécédents et de leurs fonctions dans la phrase. Il ne
s'agit donc pas d'établir des équivalences absolues et constantes entre les anaphoriques
de la langue source et ceux de la langue cible, mais de prendre la traduction comme
point d'appui dans une étude visant à dégager les règles divergentes. On souligne de
cette manière l'importance à accorder, dans l'analyse des mécanismes anaphoriques,
aux phénomènes d'interprétation. Si l'explicitation de l'anaphorique nul du roumain est
inférée à partir des traits du verbal qui contrôle l'antécédent, la présence de
l'anaphorique segmental en français est le signe d'une syntaxe interphrastique
beaucoup plus cohésive.
7.2.2. L'anaphore verbale a occasionné de vives discussions qui ont animé les
débats des dernières années. Force est de constater que le parallélisme entre l'anaphore
pronominale et l'anaphore verbale est très loin d'être unanimement accepté. Il forme
d'ailleurs l'objet de critiques très diversement justifiées à partir de positions théoriques
parfois antagonistes1.
La question de l'anaphore temporelle a entraîné une réflexion critique sur
l'opposition du temps déictique / temps anaphorique. Dans l'approche de ce problème
on peut déceler deux orientations:
• Une approche systémique centrée sur la classification du système verbal en
temps déictiques/temps anaphoriques, distinction qui se superpose à l'opposition
traditionnelle entre temps absolus /vs/ temps relatifs.
Un temps déictique est un temps qui exprime une relation directe au moment de
l'énonciation (t0) - c'est-à-dire un temps absolu qui n'a pas besoin d'une référence
temporelle contenue dans le co(n)texte. Un temps anaphorique est un temps qui
exprime une relation temporelle par rapport à un temps (événement) différent du
moment de l'énonciation, qui nécessite l'appui d'une autre référence temporelle. On
considère que tous les temps verbaux sont intrinsèquement déictiques, mais tandis que
les uns réfèrent directement au moment de la parole, les autres sont rapportés
indirectement à ce moment par l'emtremise d'autres expressions temporelles.
Le système du présent est considéré comme déictique puisqu'il traduit la
concomitance entre le repère temporel et le moment de l'énonciation (système
centrique), tandis que le système de l'imparfait sera dit essentiellement anaphorique
(allocentrique) parce qu'il traduit la non coîncidence entre le repère temporel et le
moment de l'énonciation.
1
Pour une discussion détaillée de ce problème voir G. KLEIBER, „Lorsque l'anaphore
se lie aux temps grammaticaux”, in C. VETTERS (éd.), Le temps, de la phrase au texte, Presses
Universitaires de Lille, 1994.
78
L'analyse des textes révèle non seulement le caractère trop rigide de cette
division mais aussi et surtout le fait qu'elle ne permet pas de formuler les règles
d'emploi des temps verbaux, étant donné qu'un temps répertorié comme „déictique”
peut fonctionner comme temps anaphorique. C'est pour cette raison que l'on parle
actuellement d'emploi déictique ou anaphorique. „Les classifications proposées
souffrent donc principalement de défaut de confondre usage et sémantique: il semble
qu'il soit préférable de parler d'usage anaphorique ou déictique d'un temps plutôt que
de temps intrinsèquement déictique ou anaphorique” (J. MOESCHLER, 1994 - 88).
• Une approche textuelle dans le cadre de laquelle il ne s'agit plus d'envisager
une relation établie par référence au moment de la parole (t0), mais d'une relation par
rapport à la partie du texte qui précède. Ce n'est donc plus sur l'aspect paradigmatique
que l'on porte l'accent mais sur la distribution relationnelle des temps verbaux dans le
texte. Déjà, E. BENVENISTE distinguait deux plans qui sont deux types différents
d'organisation discursive (textuelle): le discours et l'histoire.
Dans l'approche textuelle, il existe deux conceptions: une conception localiste
(axée sur le lieu dans le texte) et une conception cognitive ou mémorielle qui oppose ce
qui est connu ou manifeste ou saillant dans le texte et ce qui est nouveau. (G.
KLEIBER, 1993: 130). Cette distinction entraîne une double série de définitions:
A. une définition localiste suivant laquelle:
déixis: l'antécédent est présent dans la situation d'énonciation immédiate
anaphore: l'entité qui sert d'antécédent est mentionnée dans le texte précédent.
B. une définition cognitive:
déixis: l'introduction dans la mémoire immédiate d'un référent nouveau, pas
encore saillant ou manifeste;
anaphore: processus de référence à un référent déjà connu (ou manifeste ou
saillant) de l'interlocuteur.
(CO VET, 1996: 149)
Les solutions adoptées dans l'analyse de la distribution des temps verbaux dans
le texte source et de leur transfert en langue cible dépendent pour une large mesure des
positions théoriques qui servent de principe organisateur; aussi est-il nécessaire de
préciser ces principes dans l'investigation que nous entreprenons:
a) comme la traduction l'exige, c'est dans une perspective textuelle localiste que
l'analyse sera effectuée, à partir de l'idée que la stratégie du transfert temporel se
détermine au niveau du texte polyphrase ou au niveau de la phrase complexe;
b) là où le cas l'imposait, nous avons fait aussi appel à une analyse pragmatique
procédurale qui établit les principes d'interprétation de la référence tenporelle et
d'assignation du point de repère temporel (J. MOESCHLER, 1994: 95 et suiv.);
c) l'analyse sera effectuée à trois niveaux textuels qui sont autant de types de
structuration textuelle:
- la séquence de phrases
- la phrase complexe (discours indirect)
- le discours indirect libre.
79
7.2.2.1. Dans la séquence de phrases „autonomes”, les temps verbaux se trouvent
dans la majorité des cas en une correspondance directe fondée sur la valeur intrinsèque
du temps verbal, sur la référence virtuelle1.
Au niveau du système, il existe une correspondance des temps verbaux qui
permet une mise en relation que l'on pourrait appeler „directe” en vertu de la même
position occupée dans l'architecture du système, comme dans le texte suivant:
(xxxiv) Liniştea şi lumina pătrundeau în sufletul lui Apostol ca într-o casă
pustie. Osteneala îi omorîse toate gîndurile. Ridică mîna stîngă să-şi scoată casca şi
auzi un tic-tac.
(xxxiv') Le calme et la clarté pénétraient dans l'âme d'Apostol comme dans une
maison déserte. La lassitude avait tué toutes ses pensées. Il leva la main gauche pour
retirer son casque et entendit un tic-tac.
(L. Rebreanu, II, 302-26)
Dans les deux textes, le texte source et le texte cible, les événements s'inscrivent
dans le plan de l'inactuel, de „l'arrière-ligne” (E. COŞERIU, 1980)
- l'imparfait, le temps anaphorique par excellence du fait de sa nature non
dynamique, ouvre le paragraphe (incipit à l'imparfait). Il n'a pas d'antécédent explicite,
mais celui-ci peut-être récupéré par inférence. Il s'agit d'un imparfait „perceptuel”
fondé sur une relation qui résulte du transfert du point de vue vers le lieu et la situation
décrite par la phrase à l'imparfait (S. VOGELEER, 1996: 81). Cette phrase précise une
situation temporellement impliquée dans les deux phrases au passé simple;
- le plus-que-parfait, temps „hybride” porte l'instruction „perspective
rétrospective”. L'événement dénoté par la phrase exprime à la fois une relation
temporelle par rapport à un autre événement, dénoté par l'imparfait dans le texte et par
rapport au moment de la parole; il s'agit dans ce cas d'une temporalité absolue-relative
qui implique trois points: le moment de la parole, le moment de référence et le moment
antérieur;
- les deux passés simples en succession chronologique (interprétation iconique)
introduisent l'élément nouveau, en faisant avancer le récit. Dans une perspective
localiste, ce sont des temps anaphoriques indiquant des événements inclus dans
l'intervalle spécifié par l'imparfait. Dans une perspective mémorielle, le passé simple
est un temps à la fois anaphorique parce qu'on est obligé de l'interpréter comme se
rapportant à l'imparfait et déictique parce qu'il introduit un nouvel événement dans
l'univers du texte; c'est donc un temps anadéictique (L. TASMOWSKI et
C. VETTERS, 1996: 136).
L'analyse de ce texte bilingue révèle une construction de la référence temporelle
qui a été transférée de la même manière dans le texte cible.
Trois ordres de problèmes se posent relativement aux phrases autonomes en
séquence, problèmes qui déterminent le choix des correspondants temporels verbaux:
1
La référence temporelle actuelle d'une expression temporelle est un moment (point ou
intervalle temporel) assigné à l'énoncé dans lequel elle apparaît.
La référence virtuelle d'une expression ou marque temporelle est l'ensemble des
conditions permettant de définir sa référence temporelle actuelle (J. MOESCHLER, 1994: 92).
80
– l'ordre de succession des événements
– l'intervalle qui les sépare
– la relation causale qui les réunit.
Tous ces trois volets sont impliqués dans le choix des temps verbaux, mais en
même temps il existe certaines règles qui le commandent. L'enchaînement peut
correspondre à une succession naturelle des événements, auquel cas il y a
interprétation iconique (CO VET, 1996: 154).
Dans un contexte narratif, cette interprétation est la seule possible et se manifeste
de la même manière dans les deux langues:
(xxxv) Florea Gheorghe se apropie de fîntînă, dădu drumul căpăstrului şi apu-că
ciutura în mînă.
(xxxv') Florea Gheorghe s'approcha du puits, lâcha le licou et empoigna la seille.
(M. PREDA, I, 285-120)
L'interprétation à ordre inversé possible dans un contexte déictique où joue la
référence au t0, peut entraîner des traductions indirectes:
(xxxvi) – E ceas împărătesc, i-l arătă Gore. L'am cumpărat de ocazie, la Odesa.
A fost ceasul ţarului.
(xxxvi') – C'est une montre qui vient de la cour du tsar, fit Gore en la lui
montrant. Je l'ai achetée d'occasion, à Odessa. Ça lui appartenait...
(M. Eliade, 245-247)
Dans le texte roumain, la succession des deux passés composés correspond à un
ordre chronologiquement inversé. En français, l'imparfait, qui n'est pas un morphème
temporel autonome, doit être mis en relation avec une expression autonome, le passé
composé, et dénote un événement antérieur. En roumain, les événements sont mis en
rapport avec le t0 (marqué par le présent), indépendamment l'un de l'autre, tandis qu'en
français, il y a relation de coréférence partielle entre le passé composé et l'imparfait.
Quant au rapport de causalité, il peut être marqué par la seule succession des
temps verbaux, dans les deux langues:
81
Dans les deux textes il y a enchaînement causal identique, mais il est exprimé à
l'aide de temps verbaux différents:
cause effet1 effet2
Roum. passé comp. passé comp. présent
Fr. passé comp. présent passé comp.
Les deux événements qui dénotent les effets ne sont pas en relation l'un avec
l'autre, mais rapportés tous les deux à l'événement-cause; l'équivalence passé composé
- présent est possible parce que le passé composé marque un résultat valable pour le
moment de l'énonciation.
7.2.2.2. À partir de la constatation générale que les temps déictiques peuvent être
employés dans le plan de l'inactuel, les phrases complexes et principalement les
complétives du roumain peuvent se construire avec des temps répertoriés comme
déictiques, quel que soit le point de référence. Le traducteur doit décider s'il transfère
le temps verbal de la phrase complexe roumaine par un temps verbal identique ou par
le temps correspondant du plan de l'inactuel. Bien entendu il s'agit d'expressions
verbales non autonomes.
Pour construire, en vue du transfert, la référence temporelle il est nécessaire de
passer d'une information temporelle stricte, établie en fonction du moment de la parole
(t0) à une relation entre événements séparés par une distance temporelle ou
concomitants. Cette analyse suppose par conséquent une instruction de base, la
référence à la principale (la matrice).
L'analyse des textes bilingues met en évidence de nombreux points de divergence
qui concernent essentiellement la non coîncidence entre événements rapportés et
discours. Du fait de la prédominance déictique, la référence se construit en roumain
directement par rapport au t0, tandis qu'en français elle se bifurque suivant que la
référence est le t0 ou un moment (intervalle) différent du t0. Il y aura donc deux manières
de localiser une période temporelle selon la nature du point de référence.
(1) Si l'événement dénoté par la complétive exprime une relation temporelle avec
le moment de la parole il y a temporalité absolue et transfert direct des temps verbaux
du roumain au français (et inversement); trois cas sont à envisager:
a) l'événement de la complétive est concomitant au moment de la parole:
(xl) – Eu vă spun că nu e alarmă adevărată.
(xl') – Je vous assure qu'il ne s'agit pas d'une vraie alarme.
(M. Eliade, 243-245)
b) l'événement dénoté dans la complétive est antérieur au moment de la parole
spécifié dans la matrice:
(xli) – Eu cred că ei şi dintr-un romantism au pus la cale ce au pus...
(xli') – Moi, il me semble que dans cette affaire qu'ils ont montée ils ont mis
aussi une sorte de romantisme...
(D.R. Popescu, 57-366)
c) l'événement de la complétive est postérieur au moment de la parole:
82
(xlii) – Sper că nu vei uita momentele noastre de fericire şi vei primi ca să ră-
mîn pentru toată viaţa un devotat şi statornic amic al tău...
(xlii') – J'espère que tu n'oublieras pas nos instants de bonheur et que tu accep-
teras que je reste pour toute la vie un ami dévoué et constant...
(J. Bart, 186-207)
Les divergences entre le roumain et le français surgissent au moment où les
relations s'établissent non pas avec le moment de la parole mais avec l'événement
dénoté par la matrice, c'est-à-dire dans le cadre de la temporalité relative et absolue-
relative. Le roumain peut se servir dans la temporalité relative des mêmes temps
verbaux que ceux qu'il emploie dans la temporalité absolue, donc sans tenir compte de
la localisation temporelle de l'événement spécifié dans la principale.
Les mêmes situations doivent être prises en compte:
a) l'événement langue de la complétive est concomitant à l'événement de la
principale (situé dans le registre du récit):
événements e1 e2
langue (principale) (subord.)
roum. passé prés. / imp.
fr. passé imp.
(xliii) Se simţea în aer că vine furtuna.
(xliii') On sentait dans l'air que la tempête venait.
(J. Bart, 34-36)
(xliv) Prefăcîndu-mă somnolent şi apatic îl ascultam pe medic cu toate
instinctele la pîndă: ştia sau nu ştia ce e în gîtul meu?
(xliv') Simulant la somnolence et l´apathie, j´écoutais le médecin, tous mes
instincts aux aguets: savait-il ou ne savait-il pas ce qu´il y avait dans ma gorge?
(M.Preda II, 220-113)
(xlv) Deliu îşi făcu socoteala că are vreme trei-patru zile să se repeadă la Sulina
în lipsa ei.
(xlv') Deliu estima que pendant son absence, il avait le temps de faire un saut à
Sulina - trois ou quatre jours -
(J. Bart, 197-212)
(xlvi) Vorbea cu o claritate din care puteai să-ţi dai seama că gîndirea ei
n-avea şovăieli şi puncte de suspensie.
(xlvi') Elle parlait avec une clarté qui vous permettait de vous rendre compte que
sa pensée n'avait ni hésitations ni points de suspension.
(M. Preda, II, 218-111)
b) l'événement situé par la complétive est antérieur à l'événement dénoté par la
matrice:
événements e1 e1
langue principale subordonnée
Roum. passé passé composé /
p.q.p.
83
Fr. passé p.q.p.
(xlvii) Se zicea că în tinereţe fusese adorat de femei, dar îmbătrînise stingher.
(xlvii') On racontait que les femmes l'avaient adoré dans sa jeunesse, mais il
avait vieilli seul.
(J. Bart, 135-149)
Dans le texte suivant, l'analyse se complique par la prise en compte des valeurs
aspectuelles qui se décident au niveau de la phrase:
(xlviii) A doua zi fui mutat într-o rezervă de trei paturi şi veni şi medicul cu
rezultatul analizelor. Se aşeză alături de mine pe pat şi cu voce blîndă şi protectoare
îmi spuse că n-am nimic, nici un proces infecţios nu s-a depistat în organism.
(xlviii') Le lendemain on me donna un lit dans une salle de trois malades
seulement et le médecin m'apporta le résultat des analyses. Il s'assit près de moi sur le
lit et d'une voix douce et protectrice il me dit que je n'avais rien, qu'aucun processus
infectieux n'avait été dépisté dans mon organisme.
(M. Preda, II, 220-112)
Les deux passés simples dans les deux textes sont en succession chronologique
et leur emploi est conditionné par leur référence virtuelle et par leur valeur aspectuelle,
qui se décide au niveau de la phrase et non au niveau du texte (C.
VETTERS, 1993: 28).
Le présent exprime en roumain la concomitance avec le temps de la matrice et
l'imparfait correspondant du français, conditionné par le site de la complétive, exprime
la même relation avec l'événement passé.
Le passé composé peut rendre en roumain l'antériorité indépendamment du plan
dans lequel s'inscrit l'événement évoqué dans la matrice, tandis que le français emploie
dans ce cas le plus-que-parfait.
c) l'événement situé est postérieur à l'événement dénoté par la matrice:
événements e1 e2
langue (principale) (subordonnée)
Roum. passé futur
Fr. passé futur du passé
84
- sémantiquement, il interpose un narrateur relais;
- au plan du discours, sa manifestation immédiate est une redistribution des
relations de personne entre interlocuteurs.
Nous ajoutons à ces caractéristiques une redistribution des temps verbaux qui
affecte directement les opérations traduisantes. L'examen des textes bilingues révèle
qu'en roumain il y a une contradiction entre la référence du passé et la référence
actuelle exprimée par des temps verbaux „déictiques”. Cette contradiction, qui n'existe
pas en français, s'explique par la prédominance déictique du roumain et elle entraîne,
comme nous l'avons vu, des divergences de traitement dans le choix des temps
verbaux.
Notons aussi la présence des déictiques adverbiaux (acum - là) avec coréférence
temporelle entre les temps verbaux et les indications déictiques de l'adverbe. Dans le
passage au discours indirect libre de nouveaux points de référence sont instanciés.
7.2.2.4. L'analyse que nous avons entreprise a été fondée sur un calcul des
instructions fournies par l'enchaînement des temps verbaux dans le texte et dans la
phrase complexe, ainsi que sur l'organisation systémique du verbe. Elle a permis de
formuler les remarques suivantes:
- le fait que le roumain est une langue à dominante déictique a des conséquences
directes sur la traduction des temps verbaux;
7.2.3. L'ellipse apparaît, dans certaines conditions, comme un autre procédé par
lequel on assure la cohésion du texte. „En supprimant certains termes du discours, on
constate que la compréhension de ce dernier, loin d'en être compromise, peut, au
contraire, dans bien des cas - notamment dans l'écriture poétique - en être
considérablement enrichie. Tout se passe comme si le scripteur invitait son lecteur à
créer du sens sur la base de quelques indices déclencheurs” (J. CORTÈS, 1985: 50).
86
Sous le nom générique d'ellipse, les grammariens ont coutume de regrouper des
constructions très variées du point de vue de leur organisation syntaxique et de leurs
fonctions interlocutives. La tradition n'hésitait pas à qualifier d'elliptique toute phrase
„incomplète” qui ne répondait pas au schéma „canonique” fondé sur la présence des
deux termes fondamentaux, le sujet et le prédicat, ainsi que sur l'explication du rapport
qui les réunit. On constate ainsi un élargissement considérable de l'application du
terme: étaient considérées comme elliptiques des phrases auxquelles on avait appliqué
les règles de réduction des éléments redondants, des phrases tronquées à intonation
suspensive, des interrogations, des exclamations et des injonctions, des réponses
directes à des questions totales ou partielles, des énoncés exprimant des actes non-
représentatifs (rituels), des sentences, des notations rapides caractéristiques de ce qu'on
a appelé le style „calepin”, des indications indicielles, des déterminants détachés de
leur déterminé par une pause d'énoncé et la liste est loin d'être épuisée.
La structuration conceptuelle d'un ensemble d'une aussi grande diversité n'est pas
chose aisée, d'autant plus que souvent, par le passé, le concept a été exploité un peu
abusivement afin de simplifier l'analyse des phrases „réfractaires” à la réduction aux
types grammaticaux „organisés”.
Dans la définition de l'ellipse, outre l'incomplétude syntaxique mentionnée, on
faisait mention du rapport très étroit existant entre l'architecture canonique où
figuraient les „piliers” de la phrase et la production du sens: la présence et la
disposition des constituants oriente l'interprétation, phases indispensables de
l'opération traduisante. Si l'un des constituants, le plus souvent le prédicat, n'est pas
exprimé, la réception du message n'est pas pour autant bloquée, car le récepteur
dispose des moyens nécessaires pour le restituer. Il n'est pas sans intérêt de faire
remarquer que pour les grammairiens autant que pour les stylisticiens, l'ellipse a une
caractéristique propre qui résulte de la relation, considérée comme obligatoire, entre la
phrase incomplète et la phrase canoniquement bien formée. L'idée que la première est
en quelque sorte „dérivée” de la seconde et que les éléments „supprimés” peuvent
toujours être rétablis mentalement par le récepteur se retrouve formulée d'une manière
plus ou moins explicite dans toutes les définitions proposées et conduit à la conclusion
que la phrase elliptique et la phrase dite complète entretiennent un rapport relevant de
la paraphrase par réduction. Nous citons à titre d'exemple la définition de ZRIBI-
HERTZ apud L. TASMOWSKI, 1994 qui voit dans l'ellipse la non répétition du
matériel redondant.
Dans des recherches poursuivies dans le cadre de la grammaire générative-
transformationnelle, les énoncés qui „ne ressemblent pas à ce que l'on appelle
habituellement une phrase” (C. NIQUE, 1978: 88) sont définis par des propriétés
syntaxiques particulières: un énoncé exclamatif par exemple, Passionnant, ce film
repousse la transformation au style indirect *Je dis que passionnant ce film!, tandis que
la phrase complète Ce film est passionnant se prête très bien à cet enchâssement: Je dis
que ce film est passionnant.
Quant aux fonctions des énoncés elliptiques, il existe deux prises de position
suivant que l'intérêt se porte sur l'aspect linguistique ou sur l'aspect langagier.
87
Dans le premier cas, l'ellipse est à considérer comme l'un des phénomènes
tendant à „économiser” les signifiants (B. POTTIER et al., 1973: 118). De ce point de
vue il y aurait une relation fonctionnelle entre l'ellipse et l'anaphore, mais il existe tout
de même une différence entre l'anaphore vide et l’ellipse, car dans l'anaphore l'élément
n'est pas recouvrable (L. TASMOWSKI, 1994).
Dans le second cas, l'ellipse apparaît comme effet d'une thématisation: le sujet
choisit les éléments qu'il considère comme essentiels pour la communication,
éliminant tous les autres. L'ellipse serait alors une modalité de message, résultant d'une
option personnelle du sujet énonçant. C'est la très intéressante solution avancée par
Iorgu Iordan dans Stilistica limbii române, qui y voit un procédé de mise en relief par
lequel on supprime tous les termes de la phrase qui ne présentent pas un intérêt
immédiat pour la communication. „Insistenţa asupra noţiunilor importante se manifestă
nu numai prin repetarea lor, ci şi prin eliminarea tuturor acelora care nu interesează,
fiindcă din punct de vedere afectiv sînt ca şi inexistente, cel puţin în momentul cînd
vorbim” (1975: 249). La thèse émise par Iorgu Iordan pourrait être résumée par la
formule „supprimer pour mieux asserter, interroger, ordonner, évaluer”.
Par l'introduction dans l'analyse de la dimension discursive et textuelle, l'ellipse
perd son caractère de phénomène marginal, pour devenir un élément central de la
dynamique discursive, ayant des incidences importantes dans la traduction.
Une étude plus systématique des faits fondés sur le rapport entre les données
empiriques et la théorie implique un examen des mécanismes qui président à la
production des énoncés elliptiques, une classification structurelle et fonctionnelle de
ces énoncés dans la perspective de leur intégration dans le texte et de leur transfert en
langue cible.
Énoncés elliptiques
Contextuels Situationnels
89
7.2.3.2. La première difficulté à laquelle se heurte celui qui aborde l'analyse des
énoncés elliptiques en vue de leur transfert provient du fait que l'énoncé elliptique
assure des fonctions diverses suivant le co(n)texte et le moment où il s'insère dans le
texte. La mise en équivalence de deux énoncés elliptiques appartenant à deux langues
différentes, quel que soit le vecteur de la traduction, passe obligatoirement par deux
phases:
(a) La reconnaissance de l'ensemble de coordonnées de l'énoncé source grâce à
des indications (instructions) contenues dans le co-texte.
Nous entendons par „reconnaissance” des coordonnées d'un énoncé:
- la construction des relations entre les éléments constitutifs interphrastiques;
- le repérage de l'insertion dans le texte;
- l'interprétation de la signification et de l'intention énonciative.
- l'analyse de la structuration lexico-grammaticale mise en oeuvre
Si la reconnaissance des trois premières coordonnées est absolument obligatoire
pour une mise en équivalence adéquate, la dernière coordonnée n'est pas contraignante de
façon décisive, car un énoncé peut subir des modifications profondes allant jusqu'à une
complète réorganisation lexico-grammaticale.
Peut-être plus qu'en tout autre cas, la reconnaissance de ces coordonnées devient-
elle essentielle si c'est un énoncé elliptique qui est impliqué en raison des conditions
spéciales d'insertion dans le texte qui le caractérisent.
Les réflexions qui suivent n'ont d'autre but que de mettre à jour certains procédés
de mise en équivalence des énoncés elliptiques du français et du roumain, avec une
certaine insistance sur les énoncés négatifs, justifiée en partie pasr leur très grande
fréquence.
Un énoncé elliptique se caractérise par les traits suivants:
- le verbe fini implicite est récupérable par référence au co-texte et il peut
réapparaître dans le transcodage;
- il contient un élément de phrase qui apporte une information nouvelle par
rapport à celle fournie par ce qui précède;
- il assure plusieurs fonctions: informationnelle (par l'élément focalisé),
intertextuelle (cohésive par le rappel implicite de ce qui a été dit), interlocutive,
argumentative, etc.
Les traductions révèlent la nature des rapports paraphrastiques entre un énoncé
elliptique et son correspondant qui peut ne pas être elliptique. Il en résulte qu'un
énoncé elliptique n'est pas nécessairement rendu par un énoncé de structuration
similaire. La non correspondance d'organisation dans le cadre d'un transfert de sens et
d'intention est fondée sur le principe de la récupérabilité des éléments implicites,
principe qui agit de la même manière que dans le cas de l'anaphore vide. Les
transcodages peuvent être directs ou obliques, ce qui pourrait être représenté comme
suit:
L L'
e e'
elliptique elliptique
90
(éléments effacés)
91
Le roumain se sert, en général, pour exprimer l'interdiction, de la préposition
privative fără: Pas de ça! (Fără d-astea), Pas de chichis! (Fără mofturi!), Pas de
discussion! (Fără vorbă), etc.
(lix) – Halte-là. Prudence. Pas de folies.
(lix') – Stai aşa. Prudenţă. Fără nebunii.
(N. Sarraute, 32-27)
Là aussi, le transcodage peut ramener en surface un verbe fini:
(lx) Mais là-dessus, jamais un mot. Silence.
(lx') Dar despre asta n-ai voie să sufli o vorbă. Tăcere.
(N. Sarraute, 14-16)
Les énonces elliptiques non autonomes sont la manifestation de deux types d’actes:
• des actes réactifs
A leur tour, ces actes peuvent être divisés en:
- actes réactifs de réponses négatives directes se limitant à spécifier le
constituant focalisé:
(lxi) – Ce mai e nou?
– Nimic afară de cele de ieri, răspunse Puiu căutînd să pară mai calm.
(lxi’) – Qu’y a-t-il de nouveau?
– Rien de nouveau, répondit Puiu s’efforçant de paraître aussi calme
que possible.
(L. Rebreanu, I, 64-44)
Les textes traduits révèlent de nombreuses non correspondances dans la
structuration des énoncés, l’élément implicite pouvant être différent (anaphore vide
ou ellipse):
92
(lxii) – A spus ceva? se interesă Caty nerăbdătoare.
– N-a spus…
(lxii’) – Le roi a-t-il ajouté quelque chose? demanda Caty, le coeur dévoré
d’impatience.
– Pas un mot.
(G. Călinescu, 330-332)
– actes réactifs négatifs: refus, réplique, réfutation etc.
Il existe, en français comme en roumain, des énoncés elliptiques qui
marquent le désaccord du locuteur portant sur le contenu propositionnel (refus) ou
sur la vérité du contenu propositionnel (réfutation): roum. Nici vorbă. Nici discuţie.
Nici pomeneală. fr. Pas question.
• des actes argumentatifs
L’énoncé elliptique peut avoir une valeur contre-argumentative, avec une
nuance polémique:
(lxiii) – Vezi, domnişoară, oi fi eu prost, dar nu chiar aşa de prost cum mă
crezi.
(lxiii′) – Eh bien, vous voyez, je suis peut-être sot, mais pas autant que vous
le pensez.
(D.R. Popescu, 40-356)
L’emphase négative est également à rattacher aux énoncés négatifs à portée
argumentative: l’ellipse établit un contraste avec un énoncé positif dont il diffère
par un seul constituant:
(lxiv) – Tata a zis, nu eu.
(lxiv′) – C’est papa qui l’a dit, pas moi.
(D.R. Popescu, 15-347)
94
7.3. Conclusion
Quand on parle d’unités de traduction que l’on doit transférer de la langue
source à la langue cible, le propos comporte la tentation de faire de ces unités des
objets d’étude bien circonscrits, bien spécifiés et de recenser leurs équivalents
interlinguaux dans une situation en quelque sorte immobilisée. On est ainsi conduit
à conclure, par suite d’une vision compositionnelle de la traduction, qu’en
effectuant des correspondances partielles on aboutit à un texte cible non seulement
correct mais aussi conforme aux intentions du texte de départ. Mais ce texte est
marqué du double sceau de l’individualité des constituants et de leur intégration
dans un ensemble. Toute traduction ponctuelle n’a de sens que si l’on comprend
qu’elle n’est qu’un élément d’un projet global articulé à plusieurs niveaux:
- le niveau lexico-grammatical des informations contenues dans le
dictionnaire et dans la grammaire;
- le niveau phrastique, la structure de la phrase étant elle-même porteuse de
signification;
- le niveau textuel, le seul qui soit opérationnel, la traduction impliquant tout
un système de sélections et de décisions qui confie au texte le soin de répartir les
valeurs pragma-sémantiques sur des constituants.
La réflexion sur le niveau fonctionnel de l’unité de traduction est, sans conteste,
d’un abord difficile, ne serait-ce que du fait que le parcours de la traduction ne peut
être jugé que par son aboutissement, le texte cible. Une conclusion semble pourtant se
dégager: il convient d’examiner la charpente et chaque élément constitutif dans une
démarche qui est l’instrument d’une stratégie concertée. Cette dynamique
essentiellement intégrante apparaît comme une arme contre la soumission aux faits de
détail, contre l’enfermement dans le terme à terme.
SUJETS DE DEVOIRS
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
98
(lxii) – A spus ceva? se interesă Caty nerăbdătoare.
– N-a spus…
(lxii’) – Le roi a-t-il ajouté quelque chose? demanda Caty, le coeur dévoré
d’impatience.
– Pas un mot.
(G. Călinescu, 330-332)
– actes réactifs négatifs: refus, réplique, réfutation etc.
Il existe, en français comme en roumain, des énoncés elliptiques qui
marquent le désaccord du locuteur portant sur le contenu propositionnel (refus) ou
sur la vérité du contenu propositionnel (réfutation): roum. Nici vorbă. Nici discuţie.
Nici pomeneală. fr. Pas question.
• des actes argumentatifs
L’énoncé elliptique peut avoir une valeur contre-argumentative, avec une
nuance polémique:
(lxiii) – Vezi, domnişoară, oi fi eu prost, dar nu chiar aşa de prost cum mă
crezi.
(lxiii′) – Eh bien, vous voyez, je suis peut-être sot, mais pas autant que vous
le pensez.
(D.R. Popescu, 40-356)
L’emphase négative est également à rattacher aux énoncés négatifs à portée
argumentative: l’ellipse établit un contraste avec un énoncé positif dont il diffère
par un seul constituant:
(lxiv) – Tata a zis, nu eu.
(lxiv′) – C’est papa qui l’a dit, pas moi.
(D.R. Popescu, 15-347)
94
7.3. Conclusion
Quand on parle d’unités de traduction que l’on doit transférer de la langue
source à la langue cible, le propos comporte la tentation de faire de ces unités des
objets d’étude bien circonscrits, bien spécifiés et de recenser leurs équivalents
interlinguaux dans une situation en quelque sorte immobilisée. On est ainsi conduit
à conclure, par suite d’une vision compositionnelle de la traduction, qu’en
effectuant des correspondances partielles on aboutit à un texte cible non seulement
correct mais aussi conforme aux intentions du texte de départ. Mais ce texte est
marqué du double sceau de l’individualité des constituants et de leur intégration
dans un ensemble. Toute traduction ponctuelle n’a de sens que si l’on comprend
qu’elle n’est qu’un élément d’un projet global articulé à plusieurs niveaux:
- le niveau lexico-grammatical des informations contenues dans le
dictionnaire et dans la grammaire;
- le niveau phrastique, la structure de la phrase étant elle-même porteuse de
signification;
- le niveau textuel, le seul qui soit opérationnel, la traduction impliquant tout
un système de sélections et de décisions qui confie au texte le soin de répartir les
valeurs pragma-sémantiques sur des constituants.
La réflexion sur le niveau fonctionnel de l’unité de traduction est, sans conteste,
d’un abord difficile, ne serait-ce que du fait que le parcours de la traduction ne peut
être jugé que par son aboutissement, le texte cible. Une conclusion semble pourtant se
dégager: il convient d’examiner la charpente et chaque élément constitutif dans une
démarche qui est l’instrument d’une stratégie concertée. Cette dynamique
essentiellement intégrante apparaît comme une arme contre la soumission aux faits de
détail, contre l’enfermement dans le terme à terme.
SUJETS DE DEVOIRS
95
(L. Rebreanu, II)
Amănute n-am voie să dau. Regele Je n’ai pas le droit de vous donner des
s-ar supăra. détails. Notre roi en serait fâché.
(P. Pardău)
Ils longèrent le boulevard de la Mer. O luară pe bulevardul Mării. Chiar la
Déjà des gens s’y promenaient, această oră timpurie, unii se plimbau,
flânant. hoinăreau.
(M. Duras)
… Şi uite că eu am tras clopotul. Da, … j’ai sonné le glas. Oui. Parfaitement.
l-am tras. Je l’ai fait.
– L-ai tras ca să te răzbuni pe mine, – C’était pour vous venger de moi, ou
pe povestea cu Emil, pe Emil? d’Emil, à cause de cette affaire avec
Emil?
– Nu, nu din răzbunare. L-am tras – Pas pour me venger. Je l’ai fait pour
pentru sufletul mortului, era un mort l’âme du mort. Il y avait un mort au
în sat şi satul nu era pustiu, nu din village et le village n’était pas désert.
răzbunare, aşa e obiceiul la neamul Pas par vengeance, mais parce que c’est
ăsta al nostru. la coutume chez nous …
(D.R. Popescu)
… Eu am să-i pun flori la picioare. Şi Moi je mettrai des fleurs à ses pieds. Et
am să găsesc şi oameni să-l îngroape. je trouverai aussi des gens pour
l’enterrer.
– N-o să găseşti, rîse Costaiche. – Vous n’en trouverez pas, dit Costaiche
(…) en riant.
– Du-te unde vrei… N-o să faci – Allez où vous voulez… vous
nimic, numai dumitale o să-ţi faci n’obtiendrez rien, tout au plus vous
poate rău. Că eu n-o să te pot apăra vous ferez du tort. Et je serai pas
tot timpul. Nu de cine crezi sau de toujours là pour vous défendre. Pas
mine, nu. Eu te înţeleg cumva. Dar la contre qui vous croyez, ni contre moi-
lumea din sat te-ai gîndit? même… Moi, je vous comprends un
(D.R. Popescu) peu… Mais les gens du village, vous y
avez pensé?
• Analysez la distribution des morphèmes temporels dans les textes
bilingues suivants:
Ca o furtună se repezi la uşă, o luă la Se précipitant sur la porte, elle se mit à
goană pe stradă … era prea tîrziu, courir dans la rue… trop tard, le garçon
băiatul dispăruse. avait disparu.
(…)
După experienţa făcută, Deliu era Par expérience, Deliu avait acquis la
încredinţat că în strategia şi tactica conviction qu’une retraite honorable
amorului, o retragere onorabilă cere exige plus de savoir-faire qu’une
mai multă abilitate decît o cucerire, conquête.
96
care nu cere decît curaj. (…)
De fapt, a primit o scrisoare, dar – Ma foi, il a reçu une lettre et, l’après
după-amiază şi-a făcut bagajul şi mi-a midi il m’a dit qu’il partait parce qu’on
spus că pleacă fiind chemat urgent. l’appelait d’urgence.
(…)
De fapt a plecat să se îmbarce pe un Ma foi, il est parti pour s’embarquer sur
vapor de marfă pentru Rotterdam. Şi un bateau marchand à destination de
mi-a spus că înainte de a ieşi în mare Rotterdam et m’a dit qu’avant de
are să vă trimită o scrisoare. (…) s’embarquer il vous écrirait.
Penelopa îl căutase pe la Galaţi. Se Penelope l’avait cherché à Galatzi. Puis
întorsese acasă. Primise pachetul de elle était rentrée chez elle. Elle avait
scrisori. Şi plecase iar, dar nu se ştie reçu le paquet de lettres. Elle était
în ce parte … repartie, mais on ne savait pas où elle
(J. Bart) était allée.
În aceeaşi vreme îşi imputa că a En même temps il se reprocha d’être
plecat fără măcar să chibzuiască ce parti sans bien réfléchir à ce qu’il faisait
face şi chiar fără armă, încît acuma… et sans emporter une arme, ce qui fait
(L. Rebreanu) qu’à présent…
Siegfried jură Odettei că-i va fi Siegfried jura à Odette amour et fidélité.
credincios şi că o va izbăvi de Oui, il romprait le sortilège. Odette lui
blestem, iar Odette îi aminti că a doua rappela que le lendemain il se verrait
zi va fi la curtea lui şi va trebui să-şi forcé de choisir une épouse.
aleagă soţia.
Scena se umplu pe încetul de o Petit à petit un jour crépusculaire
lumină crepusculară, fetele prefăcute éclairait le théâtre. Redevenues cygnes,
în lebede, începură să plutească pe les jeunes filles flottaient sur les eaux du
lac, bufniţa deschise în turn aripile ei lac; dans son donjon, le hibou déployait
îngrozitoare, aplecîndu-se puţin în ses ailes effrayantes et passait la tête
afară. entre deux ruines.
Orchestra revenise la jalnica şi L’orchestre reprenait le motif du cygne,
fatalista temă a lebedei. Cortina se lamentable et fatal, et le rideau tomba
coborî încet într-o tăcere religioasă. lentement dans un silence religieux.
Se păru cîteva clipe că nimeni nu Pendant quelques instants, personne
aplaudă… n’applaudit…
(G. Călinescu)
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
97
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Monde, no.192, p.28-34.
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CO VET, 1996 - „Anaphore et deixis dans le domaine temporel”, in Cahiers Chronos,
Anaphores temporelles et (in-) cohérence, Amsterdam, p.147-164.
CRISTEA, T., 1985 - „Anaphore-traduction-contrastivité”, in Sémantique lexicale et
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Cahiers Chronos. Anaphores temporelles et (in-) cohérence, Amsterdam,
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Anaphores temporelles et (in-) cohérence, Amsterdam, p.199-215.
98
II-ème section
STRATÉGIES ET TACTIQUES
DE LA TRADUCTION
8. LA DÉMARCHE DU TRADUCTEUR:
RÈGLES STRATÉGIQUES ET RÈGLES TACTIQUES
Je dirais qu’une traduction échoue lorsqu’on
ne s’est pas mis dans la situation d’en faire
autre chose que de la traduction. Dans certains
cas, on va pouvoir rendre littéralement et sans
conséquence et dans d’autres, cette même
attitude aura des conséquences nocives. Donc,
je suis pour une traduction fidèle au sens et
non pour une traduction qui illusoirement
essaierait de préserver le texte.
(A. CULIOLI)
103
La paraphrase littérale consiste en un transfert hétéronymique d’un énoncé;
les hétéronymes directs assurent les mêmes fonctions syntaxiques et sont placés
dan le même ordre:
(i) Evenimentul zilei stîrnise oarecare interes.
(i′) L’événement du jour avait soulevé un certain intérêt.
(J. Bart, 26-22)
Comme on le voit par les exemples ci-dessus les deux premiers types
affectent des unités de rang inférieur, mots ou lexies complexes, tandis que la
paraphrase littérale est un énoncé équivalent.
8.2.2. Les traductions indirectes
La transposition est un procédé indirect qui consiste en un changement de la
structuration grammaticale du texte de départ engageant soit un changement de la
classe de l’unité soit une réorganisation des moyens lexico-grammaticaux qui
n’entraîne pas une réorganisation des moyens sémantiques:
(ii) Încercă să citească adevărul în ochii lui.
(ii′) Il essaya de lire la vérité dans les yeux de Puiu.
(L. Rebreanu, II, 11-9).
La modulation est un procédé de traduction qui implique un changement de
visée sémantique et/ou pragmatique; elle affecte surtout les lexies complexes et les
énoncés: bois de chauffage - lemne de foc, a ţine piept - tenir tête.
L’équivalence suppose une réorganisation de l’unité source, tout en
conservant le sens tant dénotatif que connotatif de l’énoncé de départ. Par le
procédé de l’équivalence on met en relation deux micro-situations discursives:
Nu te băga unde nu-ţi fierbe oala ! - Mêle-toi de tes oignons!
L’adaptation est un procédé qui implique une réorganisation complète des
moyens d’expression portant une forte empreinte socio-culturelle dans la langue de
départ. Par l’adaptation on met en rapport deux macro-situations discursives: Cum
e turcul şi pistolul –. Tel maître, tel valet. Aragaz - butagaz.
Il va sans dire qu’une démarcation aussi nette est loin d’être opérante dans
l’acte traductif qui est, par sa nature même, intégrant. Si dans les deux premiers
cas, les problèmes qui se posent au traducteur sont ceux des inventaires parallèles
et des règles de constitution des phrases correctes, le niveau du message, le seul qui
104
soit effectivement pertinent pour la traduction performante, implique des procédés
plus complexes déterminés par les conditions de la production du message. La
traduction est, dans ce cas, conçue dans sa globalité, intégrant les niveaux
inférieurs, car le message est une catégorie énonciative qui repose sur la prise en
compte de la micro- et macro-situation communicative. Une modulation de
message, par exemple, peut impliquer des modulations lexico-grammaticales ou
des transpositions:
Les rapports entre les sept procédés de traduction mentionnés et les niveaux
fonctionnels ci-dessus pourraient être représentés par le tableau suivant:
105
Niveau Lexical Phrastique Enonciatif
(hors contexte) (avec
référence
Procédé Lexie simple Lexie à la situation)
complexe
Emprunt tomată abajur - Bonjur
(fr. tomate) (fr. abat- (fr. bonjour)
jour) Mersi
(fr. merci)
Calque a surprinde tras la patru S-a terminat în Intrarea
(fr. surprendre) ace coadă de peşte oprită -
a surîde (fr. tiré à (fr. Ça s’est Entrée
(fr. sourire) quatre terminé en interdite
épingles) queue de
poisson)
Transpo- decretare- fier de călcat A aşteptat atîta Fumatul oprit
sition décréter - fer à să te întorci. - - Défense de
parfumare- repasser Il a tant fumer
parfumer attendu ton
retour
Modulation pliant - dépliant o inimă de Nu e departe Asta-i
piatră - un C’est tout près culmea!
coeur de fer - Ça c’est le
bouquet!
Equivalence slujbă, Nu te băga - Buturuga
prăvălie, (fig.) unde nu-ţi mică
mustărie (fig.) fierbe oala! - răstoarnă
- boîte Mêle toi de carul mare -
tes oignous! Petite pluie
abat grand
vent. 6!-38!
Adaptation colivă – gâteau a-şi aprinde - Cum e turcul
des morts paie în cap şi pistolul -
- s’attirer de Tel maître,
gros ennuis tel valet
8.4. Conclusion
La reformulation de l’unité significative en langue cible revêt des formes qui
se distinguent entre elles par la distance qui sépare les structures lexico-
sémantiques et énonciatives de départ et celles d’arrivée. L’interpretation du texte
source se fait au moyen de la délinéarisation des unités constitutives, qui seule
106
permet une appréhension globale. Les spécialistes ont beaucoup insisté sur le fait
que „seule mérite le nom de traduction la traduction libre, c’est-à-dire la traduction
qui opère sur le niveau de l’énoncé. Le texte d’arrivée doit présenter les mêmes
caractéristiques d’adéquation à la situation” (M. PERGNIER, 1973).
Une analyse en unités hiérarchisées n’en est pas moins utile, car l’opération
traduisante consiste en un calcul dont le résultat peut être compositionnel ou non.
La démarche du traducteur est régie par la découverte des trois caractéristiques
essentielles du texte de départ: l’ordre des éléments constitutifs, leur structure et
leur disposition hiérarchique.
Le schéma suivant rend compte des principes de classification adoptés:
Procédés de traduction
directs indirects
(sans divergence (avec divergence de structuration
de structuration) syntactico-sémantique et énonciative)
Quant à la classification des procédés en directs et indirects, elle est fondée sur le
concept de distance qui sépare la structuration sémantico-grammaticale et énonciative
entre les unités source et les unités cible. Cette distance est minimale entre le terme
d’origine et le terme emprunté, elle s’accroît dans le cas du calque lexical et la
traduction littérale, pour devenir maximale dans le cas de l’équivalence et de
l’adaptation. Quant à la classificaton des procédés indirects, elle repose sur la nature
des divergences qui existent entre l’unité source et l’unité cible:
- si les deux unités diffèrent par la structuration grammaticale le procédé est
appelé transposition;
- si les deux unités diffèrent par leur structuration sémantique nous avons
affaire à une modulation;
107
- si les unités correspondantes sont structurées en fonction des paramètres
situationnels (micro- et macro-situation communicative), les procédés sont
désignés respectivement par les termes d’équivalence et d’adaptation.
Le plus souvent, les procédés de traduction indirects se combinent entre eux
pour donner naissance à des traductions indirectes complexes. Souvent aussi il est
difficile de distinguer les différents procédés entre eux, la frontière n’étant pas
toujours tracée de manière très nette.
SUJETS DE DEVOIRS
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
109
parce qu’il repose soit sur des catégories
parallèles (parallélisme structural), soit sur des
conceptions parallèles (parallélisme méta-
linguistique).”
(J.P. VINAY et J. DARBELNET)
9.2. Le calque
Ce procédé consiste en une traduction littérale des éléments constitutifs d’une
séquence de mots ou en un transfert sémantique opéré sous la dominance d’une
relation hétéronymique.
Plusieurs critères peuvent servir de base à une typologie des calques:
– le niveau impliqué: l’expression ou le contenu
En vertu de ce critère on distingue des calques structurels et des calques
sémantiques.
Les premiers sont des traductions hétéronymiques conformes aux règles de
structuration de la langue source: a se termina în coadă de peşte (fr. finir en queue
de poisson), tras la patru ace (fr. tiré à quatre épingles), drum în ac de păr (fr.
route en épingle à cheveux), mînă curentă (fr. main courante) etc.
Les seconds résultent de l’extension du sens d’un mot sous l’influence du
sémantisme de l’hétéronyme direct. Ainsi le mot roumain abătut a acquis le sens
„déprimé” sur le modèle du mot français abattu (I. RIZESCU, 1958: 8).
– la récurrence
Certains calques sont figés et enregistrés dans les dictionnaires: a fi în fonduri
(fr. être en fonds). D’autres ont un caractère accidentel:
(viii) En Afrique, la marchande propose au client les menus excédents de son
activité domestique. Deux oeufs, une poignée de piments, une botte de légumes,
une autre de fleurs, deux ou trois rangs de perles faites de graines sauvages - „oeils
111
de chèvre” rouges pointillés de noir, „larmes de la vierge” grises et lustrées -
récoltées et enfilées pendant les instants de loisirs.
(viii′) În Africa de pildă, negustoreasa îi propune clientului prisosul mărunt
rezultat din activitatea ei casnică: două ouă, un pumn de ardei, o legătură de
zarzavat, un buchet de flori, două sau trei coliere din seminţe sălbatice - „ochi de
capră” roşii cu mici puncte negre, „lacrimile fecioarei” cenuşii şi lucioase şi
înşirate în clipe de răgaz.
(Cl. Lévi-Strauss, 123-148)
(ix) De acolo plecam să încercăm alt vînat: şi-aducea el aminte de nişte ravac
nebun, la prispa înaltă sau de nişte sînge-de-iepure, să dai cu căciula-n cîini;
(ix′) De là nous partions à la recherche d’un autre pinard, car il se souvenait
soudain d’un fameux petit vin, des hautes collines, ou d’un „sang de lapin” à
perdre son bonnet.
(M. Caragiale, 127-48)
Dans certains autres cas, le calque apparaît dans la langue de départ et il est
retransmis tel quel dans la langue cible emprunteuse:
(x) În clipa în care aţi apărea la fereastra dormitorului ca să vă clătiţi ochii
cu priveliştea plantaţiilor, garda ar cabra caii.
(x′) A l’instant où vous apparaîtriez à la fenêtre de votre chambre pour vous
rincer la vue devant le paysage des plantations, la garde devrait cabrer les chevaux.
(P. Pardău, 108-14).
(xi) Eram amîndoi pe marginea mării. Eu ca să-mi fac coiful cu nisip, el ca
să-şi facă mîna, învîrtind cărţile de joc.
(xi′) Nous nous trouvions tous les deux au bord de la mer. Moi pour astiquer
mon casque avec du sable, lui pour se faire la main en manipulant des cartes à jouer.
(P. Pardău, 119-23).
Ordre séquentiel
113
Il existe en roumain comme en français des éléments qui ne peuvent pas
ouvrir la phrase. Ainsi, en français la négation ne peut pas être placée en tête d’une
phrase assertive, ce qui entraîne une réorganisation de la séquence:
(xiv) Nu s-a putut afla cine-i trimitea.
(xiv′) On n’a pu savoir qui les envoyait.
(P. Pardău, 147-45).
Dans d’autres cas, une contrainte de la langue source se résout en un ordre
séquentiel non obligatoire de la langue cible:
(xv) Nimeni nu va descoperi vreodată adevărul.
(xv′) Jamais personne ne découvrira la vérité.
(P. Pardău, 155-52).
A la différence du terme négatif niciodată, le correspondent „positif” vreodată
ne peut pas ouvrir la phrase; en français jamais peut occuper une place libre.
Il n’est pas possible non plus en français de commencer la phrase par le
prédicat verbal, tandis qu’en roumain c’est l’ordre le plus normal:
(xvi) Moare regina!
(xvi′) La reine se meurt!
(P. Pardău, 106-12).
(xvii) Ensuite, les inondations commencent.
(xvii′) Apoi încep inundaţiile.
(Cl. Lévi-Strauss, 111-138)
De même, le complément d’objet direct n’ouvre pas, normalement, la phrase
assertive française:
(xviii) Amănunte n-am voie să dau.
(xviii′) Je n’ai pas le droit de vous donner des détails.
(P. Pardău, 101-8).
L L'
Object indirect Sujet actif
(xxiv) Lui Costaiche nu-i plăcea ţuica, nici rece nici caldă.
(xxiv′) Costaiche n’aimait pas la tzouica, ni fraîche, ni chaude.
(D.R. Popescu, 49-361)
(xxv) Biata femeie cum mai plîngea. Mi se rupea inima.
(xxv′) Pauvre femme, comme elle pleurait. J’en avais le coeur serré.
(L. Rebreanu, II, 377-505)
(xxvi) I-a fost dor de dînsul.
115
(xxvi′) Elle avait envie de le voir.
(L. Rebreanu, II 442-590)
Exp
L L'
Objet direct Objet indirect
Exp
L L'
Objet indirect Objet direct
9.6. Conclusion
L’hypothèse fondamentale de toute traduction est que la possibilité de
transmettre des données informationnelles, affectives et cognitives d’une langue à
l’autre est fondée sur les mêmes propriétés générales. Si ces propriétés générales
rencontrent des propriétés particulières, le transfert peut revêtir la forme d’une
traduction directe.
La traduction directe se place à des niveaux fonctionnels différents:
- l’emprunt direct affecte le niveau lexical (lexie simple ou complexe);
- le calque relève de l’agencement des mots ou des latitudes combinatoires
d’un lexème dans le cas du calque sémantique;
- le niveau phrastique est impliqué dans la paraphrase directe, littérale ou non littérale.
Les deux premiers procédés contribuent à l’enrichissement de la langue
emprunteuse, mais tandis que l’emprunt direct révèle une lacune dénotative ou
connotative de la langue cible, le calque, en tant que procédé plus complexe, se
116
situe sur le terrain de rencontre des moyens internes d’enrichissement du lexique
avec les moyens externes.
Quant à la paraphrase directe littérale, elle a toujours été considérée comme
une solution inadéquate que le traducteur chevronné se doit d’éviter. Ce discrédit
qui frappe la traduction dite littérale n’est pourtant qu’en partie justifié, car il existe
des cas où elle s’impose comme une solution naturelle.
Dans le passage de la langue source à la langue cible, les phrases sont le plus
souvent restructurées syntaxiquement. C’est le cas des paraphrases directes non
littérales. On peut considérer que deux unités phrastiques interlinguales fondées sur
l’hétéronymie et principalement sur l’hétéronymie des verbes pivot sont des
paraphrases directes si elles ne diffèrent que par l’ordre de leurs constituants
respectifs. Mais en même temps il faut reconnaître à la modification séquentielle le
statut d’une composante qui peut avoir, si elle est facultative, des répercussions sur
le sens de l’énoncé.
Il en va de même des restructurations actancielles. Si elles ont un caractère
obligatoire, on peut parler de paraphrases directes non littérales car elles n’ont pas
d’incidence sur le sens de l’énoncé. S’il s’agit d’une option du traducteur,
ces modifications trahissent une perspective sémantique différente, une modulation
par topicalisation.
Dans la traduction, qui implique une invariance informationnelle, affective et
cognitive, des difficultés surgissent, qui mettent en cause la notion même de
paraphrase interlinguale.
SUJETS DE DEVOIRS
117
• Quelle est la fonction stylistique et quelles sont les valeurs connotatives de
l’emprunt direct?
• Quel est le rapport entre l’emprunt direct et la faute lexicale absolue?
• Donnez quelques exemples d’emprunts acclimatés depuis longtemps et qui
ont perdu leur „aura romantique”.
• Donnez quelques exemples de calques structurels et sémantiques.
• Donnez quelques exemples de „faux amis’.
• Etudiez les emprunts directs du texte suivant:
Cupura completului din jerse oliv, gesturile supravegheate, discrete îi dădeau
un aer de distincţie înnăscută. (F. Oprea, Tainele unui dosar).
• Etudiez les modifications de l’ordre séquentiel dans les textes suivants;
précisez si elles ont un caractère obligatoire ou facultatif:
118
• Etudiez les traductions littérales du texte suivant:
În mijlocul ogrăzii, generalul Karg Au milieu de la cour, le général
discuta gesticulînd cu un colonel. Karg discutait en gesticulant avec
Plutonierul salută foarte ţeapăn. un colonel. L’adjutant salua, très
Apostol simţi bine privirea gene- raide. Apostol sentit sur lui le
ralului, furioasă şi indignată, dar regard furieux et indigné du
nici nu se sinchisi. Trecînd pe lîngă général, mais ne s’en soucia même
casa primarului, întîlni în uşă pe pas. En passant auprès de la maison
groparul Vidor şi pe primăreasă, du maire, il recontra le fossoyeur
amîndoi cu ochii spre el, îngroziţi şi Vidor qui restait sur le pas avec la
cu lacrimi de milă. Le răspunse cu mairesse, tous deux le fixant de
un zîmbet plin de credinţă, parcă le- leurs yeux épouvantés et remplis de
ar fi spus că toate acestea n-au nici larmes. Il leur répondit par un
o importanţă. sourire confiant, comme pour leur
dire que tout cela n’avait pas la
(L. Rebreanu, III) moindre importance.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Transpositions
120
Simples Complexes
1 2 3 4 5 6
121
10.3.1. La transposition ponctuelle affecte une seule unité de signification et
consiste en un changement de la classe de mots à laquelle appartient l’unité source.
Plusieurs sous-types se laissent déceler en fonction de la nature morphosyntaxique
divergente des deux unités mises en relation.
10.3.1.1. Préposition - adverbe
La transposition qui consiste à mettre en équation une préposition et un
adverbe concerne les unités qui sont susceptibles d’occuper les deux positions:
celle de préposition introduisant un terme B et celle d’adverbe sans terme B. Ces
adverbes d’un type spécial sont désignés aussi par le terme de „prépositions
orphelines„ et ce sont des substituts adverbiaux. Certains d’entre eux n’ont pas de
correspondant en roumain ce qui entraîne une transposition obligatoire:
L L'
Prép + B Prép + B
Adv Adv'
(vii) Les uns attendent les emplois, les autres courent après.
(vii′) Unii aşteaptă să le vină slujbele, alţii aleargă după ele.
(ix) Privind în urmă, Andrei văzu că toată păduricea era înecată în fum.
(ix′) Regardant derrière lui, Andrei vit que tout le petit bois était noyé dans
un nuage de fumée.
(T. Popovici, 443-540)
10.3.1.2. Structure prépositionnelle - Adverbe de manière
Parmi les modifications structurelles qui laissent intactes les relations entre
l’unité de traduction et les autres constituants de la phrase on peut retenir la
transposition par laquelle un caractérisant du verbe prépositionnel est transposé en
adverbe de manière:
L L'
Prép + B Prép + B'
Adj Adj
(xiii) Ştampila de după amiază.
(xiii′) Le cachet vespéral
(P. Pardău, 102-9)
(xiv) Au bout de quelques secondes, il ne resta plus que l’ardoise épurée du
ciel au-dessus du rempart nébuleux.
(xiv′) După cîteva secunde, n-a mai rămas decît tăblia curată a cerului,
deasupra meterezului de nori.
(Cl. Lévi-Straus, 53-72)
10.3.1.4. Transpositions des formes verbales
Les règles de sélection des formes verbales dans les propositions
subordonnées sont différentes en roumain et en français. Parmi les facteurs qui
déterminent les choix des formes verbales en français il convient de retenir:
- la nature de la subordonnée (dépendante ou non dépendante d’un
constituant de la proposition régissante);
- l’identité/la non identité (coréférentialité) des deux sujets, celui de la
proposition régissante et celui de la proposition subordonnée;
- la nature thématique du verbe régissant;
- la modalité d’énonciation impliquée.
La principale divergence entre le roumain et le français qui entraîne des
transpositions de forme verbale est celle entre les formes verbales finies et les
formes verbo-nominales (infinitif, gérondif, participe passé):
L L'
Vf Vf'
Dans les propositions complétives, l’infinitif est très rare en roumain et très
fréquent en français. Cette constatation d’ordre statistique conduit à l’hypothèse
que les règles qui commandent le choix de la forme verbale sont différentes, même
si les entrées sémantiques sont identiques (verbes régissants hétéronymes).
123
Avec une catégorie très importante de verbes français il est impossible
d’avoir dans la complétive un sujet coréférentiel du sujet principal; à la place de ce
„trou„ dans le paradigme on trouve un infinitif. La phrase à Vf du roumain
correspond dans ce cas à une phrase ayant une complétive à l’infinitif:
(xv) Încercă să citească adevărul în ochii lui.
(xv′) Il essaya de lire la vérité dans les yeux de Puiu.
(L. Rebreanu, I, 11-9)
(xvi) Ar fi voit să meargă mereu, la nesfîrşit…
(xvi′) Elle aurait souhaité aller toujours de l’avant, à l’infini…
(J. Bart, 37-36)
(xvii) Je n’ai jamais pu comprendre que tu prennes ça tellement à coeur.
(xvii′) Niciodată n-am putut să înţeleg de ce pui lucrurile astea la inimă.
(N. Sarraute, 9-12)
Les phrases à sujet monté présentent les mêmes correspondances de formes
verbales:
(xviii) Implora acum pe noul director al magazinului să facă ce făcuse el, să
dosească tabloul pînă ce ar fi fost în măsură să-l plătească.
(xviii′) Et il implorait le nouveau gérant d’imiter son exemple, de mettre le
tableau en lieu sûr jusqu’à ce qu’il réunît la somme exigée.
(G. Călinescu, 508-516)
Avec les verbes de sensation, le roumain utilise soit une complétive introduit
par că, cum soit un gérondif; dans le deux cas le français se sert de l’infinitif:
(xix) I se păru că aude glasuri în casele vecine.
(xix′) Il lui sembla entendre un bruit de voix chez les voisins.
(M. Eliade, 24é-244)
(xx) Simţi cum îi năvăleşte din nou sîngele în obraji şi se porni mai tare pe fugă.
(xx′) Il sentit son sang affluer de nouveau à ses joues et accéléra sa course.
(M. Eliade, 243-245)
(xxi) În aceeaşi vreme îşi simţea sîngele înfierbîntîndu-se.
(xxi′) En même temps, il sentait son sang s’échauffer.
(L. Rebreanu, I, 77-51)
(xxii) Andrei tresărea de cîte ori auzea poarta deschizîndu-se.
(xxii′) Andrei sursautait chaque fois qu’il entendait la porte s’ouvrir.
(T. Popovici, 74-88)
(xxiii) Cu ochii închişi pe jumătate vedea crescînd din sînul mării, gigantic,
amfiteatrul Cornului de aur.
(xxiii′) Les yeux mi-clos, elle voyait sortir du large, grandir, devenir
gigantesque, l’amphithéâtre de la Corne d’Or.
(J. Bart, 36/34)
Dans les propositions dépendantes d’un constituant nominal ou adjectival, on
signale les mêmes divergences qui peuvent être ramenées au type général:
• les propositions relatives dépendantes des nominaux singurul, primul,
ultimul peuvent être transposées par un infinitif introduit par la préposition à:
(xxiv) Singurul care nu răspunse gestului reginei fu Laerte.
124
(xxiv′) Le seul à ne pas répondre au geste de Pénélope fut Laerte.
(P. Pardău, 145-44)
• les propositions complément d’un nom abstrait connaissent la même
transposition obligatoire:
(xxv) N-avu curajul să deschidă ochii, de teamă ca totul să nu fie decît o iluzie.
(xxv′) Il n’eut pas le courage d’ouvrir les yeux de peur que tout ne fût qu’une illusion.
(T. Popovici, 42-50)
• les propositions dépendantes d’un adjectif présentent le même type de
correspondance:
(xxvi) Elle, émue de tant de trouble, se sentait prête à pleurer de bonheur.
(xxvi′) Ea, emoţionată de atîta tulburare, era gata să plîngă de fericire.
(Ph. Hériat, 43-37)
Les propositions non dépendantes (circonstancielles) se soumettent aux
mêmes contraintes sytaxiques:
(xxvii) Degetele îi înmuiaseră ţigara şi după ce trase de cîteva ori, o aruncă
imediat.
(xxvii′) Les doigts avaient mouillé sa cigarette. Après en avoir tiré quelques
bouffées, il la jeta dégoûté.
(T. Popovici, 211-271)
(xxviii) Oameni care simulau nebunia ca să nu fie trimişi pe front …
(xxviii′) … des gens qui simulaient la folie pour ne pas être envoyés au front.
(T. Popovici, 306-368)
(xxix) Que de fois Lydie s’était penchée à cette fenêtre basse pour voir s’il
n’apparaissait pas dans le lointain de la rue.
(xxix′) De cîte ori Lydie nu se aplecase pe această fereastră scundă, să vadă
dacă nu se ivea cumva la capătul străzii …
(Ph.Hériat, 36-31)
Les cas où à un infinitif de roumain il correspond en français un Vf sont plus
rares. Les propositions non dépendantes admettent en roumain l’infinitif, même si
les sujets ne sont pas coréférentiels, tandis que le français emploie obligatoirement,
dans ce cas, le Vf:
(xxx) – Dă fuga pînă la barcă şi spune-i timonierului să-mi caute şapca
înainte de a cădea la fund.
(xxx´) – Fais un saut jusqu’à la barque et dis au timonnier d’aller pêcher ma
casquette avant qu’elle ne coule.
(J. Bart, 233-116)
Au niveau de l’énoncé, on peut signaler des transpositions qui consistent à
transformer une phrase à modalité énonciative à Vf en une phrase infinitive. Il
s’agit particulièrement:
• de phrases interrogatives partielles directes qui expriment non seulement
un appel d’information, mais aussi diverses valeurs subjectives (approbation,
désapprobation, débat intérieur etc.):
(xxxi) – Acum cînd ni-i duşman, de ce să nu-i rostim numele?
125
(xxxi′) – Maintenant qu’il est notre ennemi, pourquoi ne pas prononcer son
nom?
(P. Pardău, 140-40)
(xxxii) – Ce să înţelegem? Cum să acţionăm? Ce atitudine să luăm?
(xxxii′) – Comprendre quoi? Comment agir? Quelle attitude prendre?
(T. Popovici, 324-394)
Le tour à l’infinitif ne peut être évité que si l’on fait appel à un auxiliant de
modalité exprimant l’obligation.
• de phrases impératives
L’infinitif prohibitif du français se prête à la transposition à Vf:
(xxxiii) – Ne pas toucher, c’est douloureux. Ne pas remarquer, c’est trop
honteux.
(xxxiii′) – Nu atingeţi, e dureros. Nu remarcaţi, e prea ruşinos.
(N. Sarraute, 10-13)
Notons également qu’en position de verbe régissant dans une phrase
indépendante, le Vf du roumain peut correspondre, dans les textes narratifs, à un
infinitif dit „de narration„:
(xxxiv) – Şi totuşi opera trebuie continuată cu orice preţ, sfîrşi rezidentul.
(xxxiv′) – Cependant l’oeuvre doit se poursuivre à tout prix et le résident
de conclure.
(J. Bart, 93-223)
Soit schématiquement:
L L'
Nom Nom'
V V
127
10.3.2. La transposition par expansion présente ceci de particulier que l’unité
cible contient une unité de plus, sous la forme d’un élément support suivi d’un
nominal de la même famille morpho-sémantique que son hétéronyme verbal. La
transposition obtenue par une dérivation syntaxique à verbe support se présente de
la manière suivante:
L L’
N0 + V N0' + V'
b) – ruser
a se folosi de şiretlicuri faire des ruses/user de ruses
• Les Vsup employés ne sont pas toujours en rapport d’hétéronymie directe
(non contextuelle):
L L'
a pierde perdre
a avea o pierdere faire une perte
128
a-şi cere scuze faire ses excuses
a scoate un strigăt /un urlet/un pousser un cri/un hurlement/un
oftat/un geamăt/ soupir/ un gémissement
a da o bătălie livrer une bataille etc.
• Il existe des Vn qui peuvent se combiner avec plusieurs Vsup:
a aduce o acuzaţie porter une accusation/faire une
accusation
• La relation de paraphrase est annulée, les deux structures étant
divergentes du point de vue sémantique:
a prăpădi détruire
a face prăpăd faire du ravage
La dérivation syntaxique par Vsup (M. GROSS, 1975) permet aussi des
mises en correspondance non obligatoires:
(xliii) – Peste tot foiesc oştenii
(xliii′) – Partout c’est un fourmillement de soldats.
(T. Popovici, 112-17).
(xliv) – Pe urmă cînd s-a isprăvit Ciuleandra (…) eu am rămas de mînă cu ea.
(xliv′) – Ensuite, lorsque Ciuleandra prit fin (…) je restai près d’elle.
(L. Rebreanu, I, 84-560)
(xlv) … doar să se odihnească puţintel lăutarii.
(xlv′) … on attendait seulement que les violoneux prissent un peu de repos.
(L. Rebreanu, I, 83-55)
129
N0 + V + dt N0' + V' + dt'
Langue source
Incidence Incidence
réalisée sous-jacente
L A B C paraphrase A (B) C
Langue cible
A′ B′ C′
131
Pour établir les correspondants des hypallages (quel que soit le vecteur du
transfert du français en roumain ou du roumain en français) il faut prendre en
compte plusieurs facteurs:
a) la nature des relations entre constituants (l’incidence).
b) l’équivalence lexicale entre constituants.
c) les compatibilités sémantiques entre le déterminé et son (ses) déterminant(s).
Nous avons décelé plusieurs types d’hypallages conventionnelles, mais la
structure est la même; elle engage un élément centre déterminé (nom ou verbe) et
un déterminant, incident au premier.
Un premier type est constitué par les structures elliptiques. Plusieurs cas sont
à prendre en considération:
a) la traduction est directe, l’hypallage étant commune aux deux langues, le
français et le roumain:
paralizie infantilă → paralysie infantile (des enfants)
conflict armat → conflit armé
b) le constituant implicite est rétabli en langue cible:
jaf armat → vol à main armée
c) le point d’incidence est déplacé
une lampe de fausse époque → o lampă de epocă, falsă (neautentică)
Un cas particulier est celui des structures où l’agent est implicite, la structure
étant apparemment active du fait de l’absence en surface du performeur:
spectacle payant – spectacol cu bilete plătite
chaises payantes – scaune care se plătesc
(pentru care se plăteşte o taxă)
dt
133
b) structures passives:
– Un objet délicat à manier – un obiect greu de mînuit
– Une chose facile à réussir / à comprendre – un lucru uşor de realizat
/ de înţeles
– Un homme trop facile à tromper – un om care se lasă uşor înşelat.
Loin d’être un phénomène accidentel relevant de la seule stylistique littéraire,
l’hypallage revêt des formes diversifiées inscrites en langue.
Le déplacement syntactico-sémantique qu’elle implique n’est pas décelable à
première vue, il est voilé par la structure syntagmatique de la proximité. Ce n’est
que par la traduction que l’on découvre les fonctions décrochées. La traduction
indirecte, transposée met d’accord la syntaxe avec la sémantique, en éliminant de
cette manière le conflit déclenché par le décalage du point d’incidence.
Les Nsup sont particulièrement fréquents avec les verbes accompagnés d’un
dt attitudinal:
(lviii) Îi vorbea mai onctuos, surîdea chiar din cînd în cînd.
(lviii′) Il lui parla d’un ton onctueux et sourit même parfois.
(L. Rebreanu, I, 77-31)
(lix) Începu brusc, nervos, sacadat.
(lix′) Il enchaîna brusquement, d’un ton nerveux, saccadé.
(L. Rebreanu, I, 79-53)
(lx) – Andrei, vorbi încet, stins tatăl său, ce-ai făcut Andrei?
(lx′) – Andrei, fit d’une voix basse et éteinte son père, qu’as-tu fait, Andrei?
(T. Popovici, 74-88)
(lxi) Cîrciumarul mă asigură rîzînd viclean că aici numai Ciuleandra merge
acum pînă înnoptează.
(lxi′) L’aubergiste m’assura en ricanant d’un air rusé que la coutume voulait
qu’on ne jouât que la Ciuleandra jusqu’à la tombée de nuit.
(L. Rebreanu, I, 83-55)
La même insertion d’un Nsup peut intervenir avec le dt à double incidence ou
avec une épithète détachée:
(lxii) Doi şoferi intrară posomorîţi fără să spună un cuvînt şi se aşezară la
masa de lîngă fereastră.
(lxii′) Deux chauffeurs entrèrent d’un air sombre et s’assirent sans mot dire à
une table près de la fenêtre.
(M. Eliade, 241-243)
(lxiii) Începu din nou să-şi şteargă obrajii, absent, aproape cu silă.
(lxiii′) … il s’était remis à éponger son front et ses joues (…) d’un air las et
dégoûté.
(M. Eliade, 242-241)
135
D’autres Nsup peuvent également être utilisés dans le même type général de
transpositions corrélatives:
(lxiv) Apoi cu un efort scurt se ridică de pe scaun, îşi luă pălăria şi se apropie
şovăitor de tejghea.
(lxiv′) Puis, d’un bref effort, il quitta sa chaise, prit son chapeau et
s’approcha du comptoir, d’une démarche un peu hésitante.
(M. Eliade, 242-243)
(lxv) … omul îşi căută nervos ceasul.
(lxv′) … l’homme chercha sa montre d’un geste nerveux.
(M. Eliade, 240-241)
(lxvi) De după boschet, unde stăteau în genunchi, pătrunşi de umezeală, cu
inimile bătîndu-le repede, înfundat, Andrei şi Ardeleanu urmăreau mişcările agitate
ale servanţilor.
(lxvi′) De derrière le bosquet où ils étaient agenouillés, pénétrés par
l’humidité, le coeur battant à coups sourds et rapides, Andrei et Ardeleanu
suivaient des yeux les mouvements précipités des servants.
(T. Popovici, 436-533)
10.4.2. La transposition inversée est un procédé complexe fondé sur une
opération de conversion qui consiste à redistribuer inversement les informations
contenues par le Dt et le dt:
L L’
Dt Dt'
dt dt'
(lxvii) În dreptul vămii care dădea o iluzie de umbră, un grănicer la post
pirotea în picioare rezemat de armă.
(lxvii′) Vers la douane, près de la guérite, qui projetait une ombre illusoire,
un garde-frontière sommeillait debout appuyé à son arme.
(J. Bart, 15-10)
(lxviii) … des rochers semblables à des châteaux ruinés de briques rouges,
s’élevant au-dessus de l’opale des sables.
(lxviii′) Mai întîi, stînci care se înalţă peste nisipurile opaline ca ruinele unor
castele din cărămidă roşie.
(C. Lévi-Strauss, 110-136)
10.4.3. La transposition globale (chassé-croisé) est un procédé de traduction
qui relève de la transposition inversée pour autant qu’il implique une redistribution
des informations sur des constituants qui appartiennent à des classes de mots
différentes, redistribution qui entraîne une réorganisation globale de la phrase.
A la différence de la transposition inversée, le chassé-croisé porte sur l’élément
verbal pivot de la phrase, ce qui fait que l’ensemble est affecté par le transfert.
Deux opérations président à cette opération complexe:
– le signifié du verbe principal de la langue source est redistribué sur un élément
non verbal (dt) qui absorbe une partie de l’information du signifié de la langue source;
– le signifié du dt de la langue source est redistribué sur le verbe principal:
136
(1) L L′
Vprinc V′princ
Dt dt' (gérondif)
(lxix) Alergă de-a lungul cheiului.
(lxix′) Il longea le quai en courant.
(lxx) Se înfioră dînd înapoi cu un pas.
(lxx′) Elle recula en frissonnant.
(lxxi) Se tîrî (pînă) pe trotuarul celălalt.
(lxxi′) Il gagna en rampant l’autre trottoir.
(lxxii) … des torrents qui dévalent en bondissant.
(lxxii′) … torenţi care sar la vale.
(C. Lévi-Strauss, 130-159)
(lxxiii) Mormăi un răspuns.
(lxxiii′) Il répondit en grognant.
(1xxiv) Îngăimă o scuză.
(1xxiv′) Il s’excusa en bafouillant.
(2) L L′
V princ Vprinc′
dt dt′(adv)
137
(1xxv) Se furişă afară.
(1xxv′) Il sortit en catimini.
(3) L L′
V princ Vprinc′
dt dt′
10.5. Conclusion
La transposition revêt des formes très diversifiées qui, bien que relevant dans la
plupart des cas du domaine des solutions préférentielles, n’en révèlent pas moins
certaines récurrences dont le traducteur doit tenir compte dans son activité pratique.
Une étude des transpositions devra être axée sur la nature de la modification
formantielle subie par l’unité (ou les unités) de traduction transposée. Il s’agit
principalement:
• d’une modification simple d’espèce;
• d’une modification avec déplacement du point d’incidence
• d’une modification avec dilution (par expansion)
• d’une modification globale entraînant la réorganisation syntaxique de la phrase.
Un examen attentif de la transposition doit conduire à la mise en relief des
multiples rapports qui s’instaurent entre la substance sémantique et son incarnation
linguistique.
138
Elle constitue aussi un excellent exercice d’appréhension des structures
idiosyncrasiques.
SUJETS DE DEVOIRS
140
a) Repetă absentă: Mîine seară? – Deosebirea s-a produs pe nesimţite. –
Urmărirea a avut un sfîrşit tragic. – Închise uşa cu grijă. – Dădu din cap sceptic. –
Copiii îl aşteptau cuminţi. – Îl privi neliniştită. – Nu îndrăznea să-şi creadă ochilor.
– Plîngea întruna. – O porni agale spre gară.
b) Il eut un gros rire heureux. – Elle tourna vers lui un regard ironique. – Elle
inclina la tête affirmativement. – Il avait du mal à s’intéresser à la conversation. – Il
scrutait anxieusement le ciel. – Il essuya son front couvert de sueur avec un sourire forcé.
– Je vous rappelle dans un instant, dit-il sur un ton sec. – Elle dansait d’un pied sur
l’autre nerveusement. – Il biaisa pour gagner du temps. – Il rusa pour arriver à ses fins.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
142
déterminant; la modulation affecte seulement l’un des constituants, dans la grande
majorité des cas le déterminant, suivant la structure:
L L′
Dt-Dt′=hétéronymes
dt-dt′=modulation
o inimă de piatră - un coeur de fer
a strînge rîndurile - serrer les coudes
(i) Se auzi vocea încleştată de emoţie a operatorului.
(i′) On entendit (…) la voix de l’opérateur, étranglée par l’émotion.
(T.Popovici, 437 - 533)
(ii) Îl întîlniră într-un luminiş scormonit de obuze.
(ii′) Ils les trouvèrent dans une clairière labourée par les obus.
(T.Popovici, 445 - 543)
(2) les modulations lexicales totales affectent l’ensemble de l’unité qui
apparaît ainsi comme une unité non compositionnelle et figée:
a se face luntre şi punte - remuer ciel et terre
a tăia frunză la cîini - se tourner les pouces, gober des mouches, enfiler
des perles
(iii) – Dumnealui spune că a fost alarmă, vorbi el deodată prinzînd curaj.
(iii′) – Monsieur prétend qu’il y aurait eu une alerte, dit-il tout à coup, comme
en se jetant à l’eau.
(M. Eliade, 249 - 252)
(3) La modulation phrastique consiste en une réorganisation qui affecte
principalement le type de phrase, étant fondée sur l’antonymie lexicale:
(iv) E cam departe.
(iv′)C’est pas tout près.
(M.Eliade, 250 - 253)
(4) Au niveau énonciatif, c’est la fonction interlocutive qui décide de la
formulation linguistique. C’est pour cette raison que l’on parle dans ce cas
d’équivalence plutôt que de modulation. Une démarcation aussi nette que celle que
les stylisticiens comparatistes proposent n’est guère justifiable: si l’on définit
l’équivalence comme la mise en relation de deux situations énonciatives que serait-
ce la modulation énonciative sinon une équivalence?
Cette mise en relation de deux instances entraîne le plus souvent une
restructuration globale de l’unité de départ:
(v) – Nu te juca omule, că-ţi mut fălcile din loc!
(v′) – Pas de blagues! Réponds, sinon je te ferai cracher les dents!
(T.Popovici, 307 - 375)
• le caractère obligatoire ou facultatif de la modulation
143
Si l’on veut rendre compte des contraintes qui s’exercent
dans le transfert, on ne peut faire autrement que de considérer les paraphrases
interlinguales soit comme une solution obligatoire, soit comme une solution
facultative.
Il y a modulation obligatoire si la traduction hétéronymique est exclue:
a face din ţînţar armăsar - faire d’une mouche un éléphant
faire une montagne d’une taupinière
Dans le cas des expressions figées, la modulation est facultative lorsqu’elle
double une traduction directe:
roşu ca racul - rouge comme une écrevisse,
comme une tomate, comme un coq
a arde de dorinţa de a … - brûler d’envie de / sécher d’envie de….
a arde de nerăbdare - brûler d’impatience/ griller d’impatience
a sări în ochi - sauter aux yeux/ crever les yeux
Les modulations n’ont pas de caractère obligatoire si les figures ne sont pas
conventionnelles.
• la récurrence
Une autre distinction que l’on peut établir entre les différentes modulations
est celle qui oppose les modulations figées et non compositionnelles (le plus
souvent enregistrées dans les dictionnaires bilingues) aux modulations d’invention,
ayant un caractère accidentel et individuel:
(vi) În cuvinte întretăiate îi povesti că de două zile un individ s-a postat în
faţa casei lui.
(vi′) Il lui raconta, le souffle coupé, que depuis deux jours un individu était
posté davant sa maison.
(T.Popovici, 312 - 379)
(vii) Fumul se agăţa în falduri de crengile rupte.
(vii′) Des écharpes de fumée s’accrochaient aux branches brisées.
(T.Popovici, 441 - 538)
(viii) Cerul pînă atunci senin ca sticla…
(viii′) Le ciel, qui jusqu’alors avait été limpide comme un miroir…
(T.Popovici, 443 - 540)
• la nature de la figure (du trope) impliqué dans le transfert de la langue
source à la langue cible
Les modulations peuvent être réparties en sous-classes suivant la figure dont
elles relèvent. Il y aura ainsi des tropes modulés:
- des métaphores (tropes par analogie):
(ix) E năpădit de griji.
(ix′) Il est dévoré d’ennuis.
(x) E înglodat în datorii.
(x′) Il est criblé/perdu de dettes.
- des métonymies interlinguales (tropes par contiguïté)
144
(xi) C’est une bonne fourchette.
(xi′) Este un mîncău.
- des synecdoques interlinguales (tropes par inclusion):
(xii) I-a trimis o scrisorică/un bileţel.
(xii′) Il lui a envoyé un petit mot.
- des hypallages interlinguales (tropes par déplacement):
(xiii) Il fut long à s’endormir.
(xiii′) A adormit cu greu.
(xiv) Il est lent à se décider.
(xiv′) Se decide greu.
• les champs conceptuels impliqués dans le transfert modulé
La non correspondance des zones conceptuelles impliquées dans le transfert
modulé s’explique par le fait que chaque langue trace des barrières spécifiques
entre le champ de référence et l’expression linguistique.
Les zones conceptuelles mises en relation peuvent se correspondre:
a băga pe cineva la apă - mettre quelque un dans le bain
a creşte un copil în puf - élever un enfant dans du coton
a intra ca-n brînză - entrer comme dans du beurre
(xv) Andrei nu se putu opri să nu se gîndească că tatăl său joacă teatru.
(xv′) Andrei ne put s’empêcher de penser que son père jouait la comédie.
(T.Popovici, 85 - 102)
Dans d’autres cas, il y a glissement d’une zone à l’autre:
a se pierde în amănunte - se noyer dans les détails
a se legăna în vise - caresser des rêves
(xvi) – N-are rost, civilule, astea-s gloanţe rătăcite.
(xvi′) – Aie pas peur, pékin, c’est des balles perdues.
(T.Popovici, 445 - 599)
Quelquefois il y a même des zones antonymiques qui sont mises en relation:
greşeală din neatenţie - faute d’attention
gurile rele - les bonnes langues
La constatation de l’absence d’homogénéité de ces critères pourrait servir de
point de départ à une réflexion sur leur complémentarité dans une analyse
complexe de la modulation.
146
littéral non littéral
(dérivé de discours)
propre figuré
(cristallisé = dérivé de langue)
l’aile d’un oiseau l’aile droite du bâtiment „Sur les ailes du temps
aripa unei păsări aripa dreaptă a clădirii la tristesse s’envole“
(La Fontaine)
Le cas des tropes lexicalisés, qui forment l’objet de cette analyse, se ramène
en dernier ressort à la polysémie divergente: „lorsque je produis une métaphore
lexicalisée, j’actualise un sémème qui n’est sans doute pas „propre“, mais qui n’en
est pas moins littéral et explicite“ (C.KERBRAT - ORECCHIONI, 1986; 98).
• la structure binaire du trope
Un trope implique l’existence d’au moins deux termes réunis par une relation
logico-sémantique de prédication: „Il n’existe, en dépit des apparences, aucune figure
réduite à un seul mot“ (I.TAMBA-MECZ, 1981: 73).
• l’autonomie de l’ontologique et du linguistique
Cette thèse est développée par M.Prandi dans ses ouvrages consacrés à la
tropologie (1988, 1992). „La construction d’énoncés contradictoires, des tropes,
est l’issue d’une valorisation specifique de l’autonomie réciproque des structures
linguistiques et des structures conceptuelles, et plus précisément du décalage entre
le pouvoir de connexion des formes linguistiques et les solidarités entre contenus
conceptuels” (1992, 29).
Cette autonomie est saillante dans le cas de ce que T.TODOROV appelle une
„anomalie référentielle”, qui évoque un événement invraisemblable (fr. tondre un oeuf,
roum. a-şi mânca de sub unghii). Le transfert modulé fait apparaître simultanément la
structuration lexicale spécifique de chacune des deux langues engagées dans l’acte
traductif et la dimension indépendante de cette structuration, la distance vis-à-vis de
l’objet évoqué: „la forme linguistique déploie librement son pouvoir de connexion qui
n’est pas entravé par les barrières conceptuelles” (M. PRANDI, 1992: 29).
• l’existence d’un conflit conceptuel entre les termes de la relation tropique
„Un trope peut être défini en première approximation comme la mise en forme
linguistique d’un conflit entre concepts et sphères conceptuelles” (M. PRANDI,
1992: 29).
Entre les termes d’une structure tropique il existe une rupture d’isotopie, une
incompatibilité des signifiés en connexion qui sont des „partenaires non solidaires”.
Cette incompatibilité est traduite linguistiquement par la violation des règles sélectives
147
qui définissent les conditions d’emploi d’un lexème en termes de
solidarité avec d’autres lexèmes.
Dans son emploi métonymique, le verbe épouser „prendre pour époux,
épouse” est combiné avec un nom qui contredit sa définition, il y a, par conséquent,
rupture de l’isotopie [+Humain]:
épouser une dot - a se însura cu o pereche de case.
De même, il y a rupture d’isotopie si le même verbe est employé avec un nom
/+ Abstrait/ en position d’objet, tout comme pour le verbe correspondant du
roumain a îmbrăţişa:
épouser une grande cause - a îmbrăţişa o cauză dreaptă.
Le trope implique donc une relation par laquelle une unité de premier ordre
se voit attribuer un prédicat non solidaire.
On sait que dans la bibliograhie plus récente il y a traitement divergent de
l’anomalie, qui n’est pas automatiquement considerée comme un exemple
falsificateur du paradigme polysémique. Ainsi, la malformation lexicale ne serait ni
une condition nécessaire (puisqu’il existe des énoncés malformés qui ne sont pas
tropiques: Ce corbeau vert est bleu), ni une condition suffisante (puisque la
négation d’un énoncé métaphorique qui rétablit sa vérité n’annule pas pour autant
son caractère tropique: Paul n’est pas une chiffe molle). Si nous avons admis la
thèse de la „malformation” c’est parce qu’il nous a semblé qu’elle sert mieux la
thèse de la polysémie interlinguale divergente. Ce qui plus est, la traduction semble
infirmer l’affirmation suivant laquelle un énoncé tropique n’est pas paraphrasable,
puisqu’une métaphore peut être traduite par son sens littéral:
(xvii) Paul est une andouille.
(xvii′) Paul este un nătărău, un neghiob.
L’isotopie alimentaire du français est rétablie par l’isotopie /Humain/. La rupture
d’isotopie qui caractérise la prédication „inappropriée” des énoncés „déviants” peut
revêtir des formes linguistiques différentes marquant la distance entre ce qui est à dire (le
signifié) de ce qui le dit (le signifiant).
11.2.1. La modulation des métaphores lexicalisées. Dans les études plus
récentes sur la métaphore sont tour à tour remises en question la thèse de la double
signification, les théories de la comparaison, la thèse de la déviance. Suivant ces
théories, la métaphore cesse d’être un problème sémantique pour devenir un
problème pragmatique d’usage des mots (ANNE REBOUL, J. MOESCHLER,
1994: 413). Dans ce qui suit, nous avons pourtant admis une définition sémantique
de la métaphore fondée sur l’analogie référentielle. „La métaphore repose sur une
relation d’analogie perçue entre les deux objets correspondant aux deux sémèmes
concernés (…); corrélativement, ces deux sémèmes sont en relation d’intersection
car ils possèdent en commun certains „métasèmes” correspondant aux propriétés
communes aux deux objets et permettant le transfert métaphorique”
(C. KERBRAT - ORECCHIONI, 1986: 100).
Le transfert du paradigme polysémique d’un lexème implique une
réorganisation des rapports qui s’instituent entre le référé primaire et le référé
148
secondaire et corrélativement entre le sens primaire et le sens dérivé. Par la
modulation d’une métaphore lexicalisée, la rupture isotopique de la langue source,
marquée par la prédication „inappropriée” peut revêtir diverses formes et subir
divers traitements en fonction de la classe morpho-lexicale impliquée et de la
distance entre les champs référentiels évoqués.
Toutes les parties du discours de sens lexical plein sont susceptibles de
métaphorisation, mais avec divers degrés de productivité et divers rôles dans la
prédication instituée. Il y aura ainsi des métaphores nominales, des métaphores
verbales et des métaphores adjectivales qui peuvent connaître des transferts
modulés laissant voir une autre perspective dans les relations entre les référés
primaire et secondaire.
11.2.1.1. Par une métaphore nominale on applique un nom attributif à un
actant sujet, en instituant de cette manière une nouvelle prédication. Le transfert de
sens fondé sur un rapport naturel entre les référés subit une sorte de pression
interne spécifique qui peut conduire à des configurations sémantiques divergentes
dans le cadre du paradigme des sens d’un lexème:
sein 1. sîn: un efant qui dort sur le sein de sa mère
un copil care doarme la sînul/pieptul mamei lui
2. piept: presser quelqu’un sur son sein
a strînge pe cineva la piept
3. măruntaie: le sein de la terre
măruntaiele pămîntului.
Du point de vue des champs classématiques impliqués dans la rupture
isotopique plusieurs cas sont à déceler:
• les emplois métaphoriques peuvent coïncider, la rupture isotopique étant
retransmise en langue cible telle quelle (traduction hétéronymique):
(fig.) dovleac „tête” - citrouille
(fig.) tărtăcuţă „tête” - calebasse
(fig.) o prăjină „personne grande et maigre” - une grande perche
• la rupture isotopique entre les termes de la métaphore est retransmise par
une modulation à l’intérieur du même champ classématique:
(fig. fam.) zdreanţă „homme mou, veule, sans énergie” - une lavette
(fig. fam.) mămăligă (nefiartă) „personne molle, niaise” - une nouille,
un plat de nouilles
(fig. fam.) un pisălog „persone ennuyeuse” - une scie
• la modulation met en rapport deux zones conceptuelles hétérogènes:
(fig. fam.) un bou, un dobitoc, „un imbécile” - une andoulle
(fig. fam.) feuille de chou „journal de peu de valeur” - fiţuică
11.2.1.2. La modulation des métaphores verbales se manifeste sous la
forme d’une extension qui atteint les sphères conceptuelles des actants avec
lesquels le verbe se combine. Le sujet et les objets peuvent être caractérisés par des
149
traits inhérents différents de ceux qui apparaissent
„normalement” dans le contexte du verbe en question.
Dans la traduction, les divers rapports qui s’instaurent entre les unités source
et cible se ramènent aux types généraux de transferts de rupture isotopique:
• l’emploi figuré est convergent (traduction directe):
(xviii) Şi-a mâncat (fam. păpat) toată averea.
(xviii′) Il a mangé tout son bien.
(xix) (fig. fam.) Ne-am ars/fript!
(xix′) On est frit/cuit!
• l’emploi figuré est divergent:
– la modulation engage des zones conceptuelles similaires:
a zdrobi inima cuiva - percer le coeur de quelqu’un
a sorbi cuvintele cuiva - boire les paroles de quelqu’un
(xx) O sorbea din ochi.
(xx′) Il la buvait du regard.
(xxi) Rugina roade metalul.
(xxi′) La rouille mange le métal.
- la modulation présente un transfert d’une zone à l’autre:
(xxii) O sorbea din ochii.
(xxii′) Il la couvait du regard.
(xxiii) Lectura cere/ia timp.
(xxiii′) La lecture mange du temps.
11.2.1.3. La métaphore adjectivale résulte, tout comme dans le cas du
verbe, d’une relation prédicative „insolite” qui s’établit avec des unités exclues du
„domaine de saturation” du déterminé nominal.
L’adjectif est une partie du discours d’une grande plasticité, ce qui explique
les nombreux conflits conceptuels qui peuvent être signalés entre le déterminé et le
déterminant. Il existe des adjectifs particulièrement sensibles à un changement
d’ éclairage:
– les adjectifs axiologiques centrés autour de l’opposition
BON/MAUVAIS
– les adjectifs évaluatifs non axiologiques (dimensionnels) du type
GRAND/PETIT;
– les adjectifs descriptifs (de couleur, de forme, de goût) susceptibles
de devenir des axiologiques.
150
o dezamăgire usturătoare - une déception cuisante
un frig muşcător - un froid mordant
Les modulations peuvent marquer des glissements à l’intérieur de la même zone:
– dans la catégorie des axiologiques:
a avea mînă bună - avoir la main heureuse
o sănătate şubredă - une méchante/mauvaise santé
– dans la catégorie des dimensionnels (évaluatifs non axiologiques):
o prietenie strînsă - une profonde amitié
un surîs larg - un grand sourire
– dans la catégorie des descriptifs:
a fi galben la faţă de frică - être vert de peur
a fi pămîntiu la faţă - avoir le teint gris
un vent aigre - un vînt tăios
ou des glissements entre les diverses zones conceptuelles auxquelles appartiennent
les adjectifs:
două ore bune - deux grandes heures (qualité - quantité)
o palmă zdravănă - une bonne gifle (quantité - qualité)
Une zone particulièrement sensible aux modulations est celle des adjectifs de
couleur employés métaphoriquement dans des séquences automatisées:
une peur bleue - o frică straşnică
une colère jaune - o furie oarbă
une verte semonce - o dojană aspră
une voix blanche - o voce pierită, stinsă
Modulations
partielles totales
151
séquences séquences séquences
compositionnelles non compositionnelles non compositionnelles
153
Le français peut également se servir d’une proposition de
conséquence figée: que c’était une pitié:
(xxiv) Il maigrissait que c’était une pitié.
(xxiv′) Slăbea de-ţi venea să-i plîngi de milă
La modulation peut marquer aussi un glissement d’un procédé à l’autre:
L L’
a) Conséquence - Comparaison
prost de dă în gropi - bête comme ses pieds
frumos de pică - joli comme un coeur
a bea de stinge - boire comme un trou
a minţi de îngheaţă apele - mentir comme un arracheur de dents
b) Comparaison Caractérisation
a dormi ca duşii de pe lume dormir à poings fermés
c) Conséquence Caractérisation
un frig de crapă pietrele un froid de loup, de canard
Les séries d’intensité figées font apparaître des conceptualisations différentes
qui se manifestent linguistiquement à deux niveaux : dans le choix du procédé et
dans le choix du déterminant intensif.
grammaticale lexicale
(NÉG) (nég)
nég nég'
155
(xxxi′) Jusqu’aux chauffeurs qui ne se lavaient ni ne se
rasaient de tout le voyage sortaient l’un après l’autre du fond de la fournaise.
(J.Bart, 38-37)
• nég thématique - NÉG
(xxxii) Şi Neagu se căznea neîndemînatec să-i lege sandalele.
(xxxii′) Neagu, maladroit, n’en finissait pas d’attacher les sandales d’Evanthia.
(J.Bart, 134-148)
• nég morpho-lexicale - nég thématique
(xxxiii) Auzind acestea, dorinţa lui Varga de a se face nevăzut se accentuă.
(xxxiii′)En entendant cela, Varga n’eut plus qu’un désir: disparaître.
(T.Popovici, 274-339)
Le déplacement du point d’incidence négative peut entraîner une
réorganisation de la phrase modalisée:
(xxxiv) L-am sfătuit să nu plece.
(xxxiv′) Je lui ai déconseillé de partir.
La modulation qui implique le jeu complémentaire de négations (NÉG ou
nég) et de mots antonymes et que l’on apelle „paraphrase par double antonymie”
(R.MARTIN, 1976) impose une analyse attentive des conditions qui permettent la
constitution de couples paraphrastiques interlinguaux, dont l’un est négatif et
l’autre affirmatif.
Il existe plusieurs types de relations antonymiques établis d’après la symétrie
ou l’asymétrie des relations d’implication des termes positifs et négatifs
(N.BACRI, 1976:70):
• les termes contradictoires clos: la négation de l’un des termes implique
l’affirmation de l’autre: pair/impair, célibataire/marié;
• les termes contradictoires ouverts qui se situent sur un continuum gradué: la
porte est ouverte implique la porte n’est pas fermée et inversement, mais cette relation
admet des énoncés comparatifs: cette porte est plus ouverte que l’autre.
• les termes contraires asymétriques qui impliquent soit un terme neutre,
soit une disposition scalaire (graduée) intensive ou quantitative. Cette relation est
désignée aussi par le terme de contraste ou par celui d’antonymie implicitement
graduée (F.KIEFER, 1974:30). Par exemple noir implique non blanc, mais non
noir n’implique pas blanc puisqu’on peut avoir rouge, jaune, vert etc.
En fonction des divers types de paraphrases qui mettent en rapport des
phrases de signe algébrique inversé on peut distinguer plusieurs types de
modulations par double antonymie, en entendant par antonymie dans ce cas aussi
bien l’inversion lexématique que la négation:
• Affirmation - NÉG + INV (antonymique):
(xxxv) Da, e uşor să te baţi cu cîteva sute de soldaţi cînd ai tancuri.
(xxxv′) Bien sûr, c’est pas malin de lutter contre quelques centaines de sol-
dats quand on a des tanks.
(P.Pardău, 225-86)
(xxxvi) În afară de aceasta el rămîne mereu în laborator.
(xxxvi′) En outre, il ne quitte pas le laboratoire.
156
(A. Buzura, 17-16)
(xxxvii) Aceeaşi tăcere.
(xxxvii′) On ne répondait toujours pas.
(T.Popovici, 182-342)
• Affirmation - nég + INV
(xxxviii) Un medic tînăr şi complet străin…
(xxxviii′) Un jeune médecin totalement inconnu…
(L.Rebreanu, I, 23-49)
• nég - Affirm + INV
(xxxix)Făcea imposibilul pentru a părea neschimbat.
(xxxix′)Il avait fait l’impossible pour paraître toujours le même.
(A.Buzura, 17-17)
(xl) Şanţurile neînchise ale lucrărilor de apărare…
(xl′) Les fossés béants des ouvrages défensifs…
(P.Pardău, 225-86)
• NÉG - Affirmation + INV
(xli) Iată, zise Evantia, ce înseamnă să nu fii însurat.
(xli′) Voilà, fit Evanthia, ce que c’est que d’être célibataire.
(J.Bart, 137-152)
(xlii) Dar Anania nu se grăbi să plece.
(xlii′) Cependant, Anania tardait à s’exécuter.
(A.Buzura, 6-7)
(xliii) Are bani şi nu vrea să plătească.
(xliii′) Ça a de la galette et ça refuse de payer
(T. Popovici, 316-484)
(xliv) Şi de ce nu-i voie, urîtule?
(xliv′) Et pourquoi que c’est défendu, vilain singe?
(T. Popovici, 305-371)
Notons que quelques unes de ces modulations sont obligatoires et figées:
a nu lua în nume de rău - prendre quelque chose en bien
Une autre catégorie de modulations est celle qui s’établit entre des termes
quantitatifs gradués. Elle revêt deux aspects:
(A) la modulation centrée sur l’opposition grande quantité (K)/petite quantité (k)
Les oppositions se présentent de la manière suivante:
• Nég K - Affirm. k:
(xlv) Nu trecu mult şi se strecură afară pe poartă şi bătrânul.
(xlv′) Peu après, le vieux se glissait à son tour au dehors.
(G. Călinescu, 43-44)
• Nég k - Affirm. K
(xlvi) Regina îl surprinsese nu o dată vorbind cu câinii de vânătoare.
(xlvi′) A maintes reprises, la reine l’avait surpris s’entretenant avec ses chiens
de chasse.
(P.Pardău, 154-44)
157
L’incapacité du français de centrer la négation
grammaticale (l’indice négatif essentiel) sur un constituant autre que le verbe
entraîne automatiquement une modulation qui consiste à affirmer le lexème inversé
(antonyme):
(xlvii) Nu mică ne-a fost mirarea.
(xlvii′) Grande fut notre surprise.
(B) La modulation centrée sur l’un des termes intermédiaires de l’échelle
quantitative „peu-assez-beaucoup”:
(xlviii) . . . nu avea atunci destulă complicaţie sufletească spre a o cunoaşte
mai bine.
(xlviii′)A l’époque il savait encore trop peu lire dans les coeurs pour la
connaître de plus près.
(G. Călinescu, 21-22)
11.6. Conclusion
Dans la définition de la modulation plusieurs notions ont été évoquées, soit
explicitement, soit implicitement: changement de perspective, découpage
référentiel différent, représentation sémantique spécifique. L’examen de ces
notions a fait surgir les caractères généraux de ce procédé de traduction indirect.
La modulation exige que les décisions du traducteur reposent sur une analyse
sémantique complexe de l’unité de départ. Cette exigence a, en fait, une double
signification. En premier lieu elle est l’expression du fait que le traducteur est
obligé de distinguer entre ce qui est imposé par le code et ce qui peut être le
résultat de son option personnelle, il doit donc distinguer entre les modulations
„intemporelles” et les modulations d’invention. En second lieu, et cette exigence
interfère avec la précédente, la modulation apparaît comme le point de rencontre de
zones conceptuelles plus ou moins éloignées. Cette relative autonomie de
l’ontologique et du linguistique qui se manifeste d’une manière saillante dans la
comparaison des langues n’est pas sans poser au traducteur des problèmes délicats.
C’est en conséquence de cette double signification que nous pouvons concevoir
l’acte traductif.
Bien entendu, les formes concrètes que peuvent prendre les structures
modulées sont susceptibles de variations considérables. Mais l’existence de
constantes même dans ce domaine très fluide oblige le traductologue à élaborer des
outils pour les traducteurs.
L’analyse des textes bilingues, y compris celle des dictionnaires, met en
évidence le rôle nécessaire de la modulation, qui occupe une place centrale dans
l’éventail des procédés de traduction. Le changement de perspective qui caractérise la
modulation s’accompagne souvent d’une transformation qualitative de la traduction
pour autant qu’il révèle le travail d’exégèse du traducteur. La modulation esquisse une
stratégie réellement accordée aux exigences d’une bonne traduction.
SUJETS DE DEVOIRS
158
• Essayez d’évaluer les conséquences que l’affirmation suivante pourrait avoir
pour une étude comparative des énoncés figurés: „Une troisième constante des énoncés
figurés est la présence d’un élément qui représente le point d’ancrage référentiel de la
figure, c’est-à-dire qui articule l’expression figurée à un référent extra-linguistique
clairement identifié par les locuteurs” (I.TAMBA-MECZ, 1981:73).
• Etudiez les modulations des métaphores animalières en roumain et en
français.
• Etudiez les modulations obligatoires dans un champ conceptuel de votre
choix.
• L’analyse des relations syntaxiques est-elle opérante dans l’étude des
modulations?
• Quel rapport peut-on établir entre la classe de mots impliquée dans l’unité
de traduction (nom, verbe, adjectif) et la traduction modulée?
• Analysez les modulations suivantes et classez-les d’après les critères
spécifiés sous 11.1:
Cînd îl văzu pe tatăl lui intrînd Quand il vit son père entrer comme
ca o furtună, lac de sudoare, cu un ouragan, ruisselant de sueur, la
cravata desfăcută, ştiu că în cravate en désordre, il sut qu’on
sfîrşit i-a spus. l’avait enfin mis au courant.
(T.Popovici)
Cîrciumarul dădu repede paharul Le patron vida son verre d’un trait.
peste cap.
(M.Eliade)
Apostol plecă ochii în pămînt şi Apostol détourna les yeux et
strînse din umeri. haussa légèrement les épaules.
(L.Rebreanu)
Tot atunci a pus cruce şi vieţii C’est alors aussi qu’il avait mis
uşoare intrînd în politică. un terme à la vie facile et était
(L.Rebreanu) entré dans la politique.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
161
12.1. L’équivalence - essai de définition
Dans les traités classiques de stylistique comparée l’équivalence est
caractérisée comme le procédé qui „rend compte de la même situation que dans
l’original, en ayant recours à une rédaction entièrement différente” (J.P.VINAY et
J. DARBELNET, 1958: 9).
Cette définition repose sur deux critères de nature différente: le premier a
trait à la dimension langagière (l’équivalence de situations énonciatives), le second
est purement linguistique (refonte complète de l’énoncé source). La question qui se
pose est comment articuler ces deux catégories qui ne peuvent pas toujours aller de
pair. La preuve en est qu’il existe des énoncés qui réfèrent à la même situation sans
que pour autant il y ait „rédaction entièrement différente”:
(i) Ce-o să-mi mai aud !
(i′) Qu’est-ce que je vais entendre!
Il y a même des calques tels que:
(ii) C’est du tonnerre!
(ii′) E trăznet !
Il nous semble que la restructuration linguistique évoquéee n’est pas une
condition nécessaire, la notion même de refonte complète étant discutable. D’une
part, il existe des énoncés cible qui sont en relation hétéronymique avec l’énoncé
source, tout en étant l’expression d’instances énonciatives identiques:
(iii) Asta-i bună !
(iii′) Elle est bien bonne celle-là!
et d’autre part, il y a des modulations phrastiques non contextuelles:
(iv) E altă mîncare de peşte/altă căciulă.
(iv′) C’est une autre paire de manches.
Il n’en demeure pas moins que l’importance primordiale accordée aux
conditions extra-linguistiques qui déterminent l’interprétation langagière de
l’énoncé source ne doit pas obscurcir les opérations transformatrices qui s’opèrent
dans l’acte traductif.
On serait peut-être en droit de parler d’équivalence stricto sensu si les deux
conditions mentionnées sont satisfaites, en conférant à l’équivalence le statut de
procédé indirect et d’équivalence largo sensu si l’on considère que la simple
correspondance d’instance énonciative est suffisante, indifféremment de la
structuration hétéronymique ou indirecte de l’énoncé cible.
Il y aura, par conséquent, deux options envisageables: ou bien c’est la
fonction qui prévaut ou bien on tient compte des deux conditions spécifiées dans la
définition classique.
Dans ce qui suit, nous parlerons d’équivalence largo sensu, en considérant
qu’il s’agit dans ce cas d’un procédé de traduction se trouvant sous la dominance
stricte de l’interprétation pragma-sémantique et conduisant:
• à des traductions „directes”:
(v ) Asta-i culmea !
162
(v′) Ça c’est le comble!
• à des traductions modulées:
(vi ) Asta-i culmea !
(vi′) Ça c’est le bouquet!
• à des surtraductions (équivalences stricto-sensu):
(vii) E prea de tot !
(vii′) C’est (un peu) fort de café!
(viii) Văd eu unde baţi.
(viii′) Je vous vois venir (avec vos gros sabots).
163
12.2.2. La deuxième catégorie d’énoncés est constituée
d’unités qui s’inscrivent dans des structures dialogales. Chaque fois qu’il y a
interaction verbale tout un système de pratiques conventionnelles fortement
contraintes du point de vue socio-culturel est mis à l’oeuvre.
Les énoncés de ce type se laissent classifier d’après deux critères conversationnels:
– la nature de l’échange: confirmatif /vs/ réparateur
– l’orientation de l’intervention: proactive /vs/ rétroactive.
Il existe deux types essentiels d’échanges (E. GOFFMAN, 1975):
• les échanges confirmatifs (d’ouverture et de clôture) de nature rituelle et
le plus souvent de structure binaire; le rôle de ces échanges est de confirmer
l’existence d’un rapport social entre interlocuteurs:
(xiii) – Comment ça va?
– Merci. Et toi?
(xiii′) – Ce mai faci ? / Cum o mai duci ?
– Bine, mulţumesc. Dar tu ?
Les actes performés sont, dans ce cas, non représentatifs: „Certains actes
illocutoires n’ont pas de contenu propositionnel: en disant „Bonjour”, le locuteur
salue l’auditeur mais il ne spécifie aucun état de choses comme réel ou devant être
réalisé par (ou à cause de) l’énonciation. Le locuteur salue, un point c’est tout,
alors que quand il ordonne, affirme, promet ou interroge, il y a toujours un quelque
chose qui est le contenu de l’ordre, de l’affirmation, de la promesse ou de la
question” (F. RÉCANATI, 1981: 179).
• les échanges réparateurs, ayant pour fonction de „réparer” une „offense
territoriale”, de „neutraliser” les effets d’une interlocution, permettant ainsi aux
interlocuteurs de poursuivre l’échange.
Les énoncés non représentatifs qui figurent dans les échanges confirmatifs
forment un vaste ensemble soumis à de fortes contraintes socio-culturelles.1 C’est
le domaine privilégié des équivalences de traduction:
(xiv) La şampanie, Gaittany ciocni cupa sa de a lui Dragavei cu multă
satisfacţie, urîndu-i foarte subliniat:
– Să trăieşti ! Eşti un bărbat eminent …
– Să trăiţi şi dumneavoastră ! replică Dragavei.
(xiv′) Au champagne, il trinqua avec Dragavei et lui fit des souhaits
particulièrment chaleureux:
– A votre santé! Vous êtes quelqu’un d’éminent…
– A la vôtre, répondit Dragavei
(G. Călinescu 494-479 în A.Cuniţă)
(xv) – Să trăieşti ! Nu te-am văzut de un veac.
(xv′) – Bonjour! Voilà des siècles qu’on ne s’est vus!
(G. Călinescu, 54/39, în A.Cuniţă)
(xvi) – Să trăiţi ! zise el, făcînd cîteva temenele …
(xvi′) – Mes respects, dit-il, et il tendit aux deux hommes sa grande main.
(G. Călinescu 389-308, în A.Cuniţă)
1
Pour une analyse comparative de ce type d’équivalences v. A. CUNIŢĂ, „L’énoncé
exclamatif en roumain et en français”, in Enonciation et contrastivité, Bucureşti, TUB, 1986.
164
Du point de vue de l’orientation de l’intervention on distingue
(J. MOESCHLER, 1984):
– des interventions proactives, qui visent à provoquer une réaction positive de
la part de l’interlocuteur
– des interventions rétroactives, qui expriment une réaction positive ou
négative du locuteur à l’égard du dit ou du dire de l’énonciateur.
Les premières interventions contiennent des énoncés qui relèvent souvent
d’une stratégie de crédibilisation, à laquelle le locuteur fait appel pour convaincre
son interlocuteur de la vérité de son assertion.
L’acte d’assertion performé par le locuteur en tant que locuteur „responsable”
et „convaincu” est de par sa nature même un acte évaluatif positif, de nature
argumentative. „Pour tout énoncé assertif, la source de l’assertion. Le fonctionne en
même temps comme source d’un jugement de vérité porté sur cette assertion” (C.
KERBRAT-ORECCHIONI, 1977: 55). Le locuteur met en place un dispositif capable
d’assurer l’adhésion de son interlocuteur. Parmi les moyens utilisés à cette fin il existe
de nombreux énoncés qui doivent être transférés par des équivalences.
Pour convaincre de la véracité du contenu propositionnel asserté, le locuteur
peut se servir d’expressions qui l’engagent directement, soit moralement, soit par
l’invocation d’une conséquence fâcheuse; ce sont des éléments linguistiques qui
invoquent une garantie que l’on ne saurait mettre en doute: autorité divine,
perception directe, etc.:
– (mă) jur pe ce am mai sfînt, pe toţi sfinţii, să mă bată/trăznească Dumnezeu
(dacă)…, martor mi-e Dumnezeu, asta mi-e crucea, pe crucea mea, să mă ia
dracu’/naiba dacă…, cum mă vezi şi cum te văd…, să-mi sară ochii din cap…
– je jure (tous les saints du calendrier), Dieu me damne si… Dieu sait si je dis la
vérité, Dieu m’est témoin, aussi vrai que tu me vois là, je veux être pendu si…
(xvii) – Să mă bată Dumnezeu, domnule Ioanide dacă nu duc lipsuri.
(xvii′) – Dieu me damne si je ne suis pas dans la gêne.
(G. Călinescu, 38-34)
(xviii) – Să mă bată Dumnezeu dacă nu sînt bolnav.
(xviii′) Dieu m’est témoin que je suis malade.
(G. Călinescu, 197-196)
(xix) – Când îţi spun odată, se prefăcu Petrişor, că nu ţi le-am luat noi,
înţelege-mă. Pot să-ţi jur şi eu că nimic n-a ieşit din casă.
(xix′) – Enfin, combien de fois faudra-t-il vous répéter que ce n’est pas nous
qui les avons prises, dit Pierrot. Je vous fais le serment, là, qu’on n’a rien emporté.
(G. Călinescu, 499-506)
La deuxième catégorie d’énoncés marquent une réaction verbale à une
intervention antérieure, effective ou supposée par le locuteur. Ils se distinguent
entre eux par deux paramètres:
– la nature positive ou négative de la réaction
– l’incidence de l’acte réactif (le dit ou le dire).
165
Si la réaction est positive on peut avoir, suivant
l’incidence, soit un énoncé d’acceptation (portant sur le contenu propositionnel)
soit un énoncé d’adhésion (incident au dire de l’énonciateur)
(xx) – Însă dacă se face stabilizare, rata din luna respectivă mi-o plăteşti din
nou în valuta nouă, chiar dacă mi-ai plătit-o în monedă veche.
– S-a făcut ! mormăi Babighian mulţumit.
(xx′) – En cas de stabilisation, l’échéance du mois sera acquittée une seconde
fois en lei lourds, lors même que vous l’auriez déjà versée en lei anciens.
– Marché conclu! dit Babighian content.
(G. Călinescu, 634-647)
Pour exprimer son adhésion, dans un jeu mimétique, le locuteur dispose d’un
ensemble d’énoncés axés sur deux coordonnées principales:
– la véridiction
– ai /aveţi dreptate, nici nu ştii/ştiţi câtă dreptate ai/aveţi, e (perfect)
adevărat, (că) bine zici, ţi-a ieşit un porumbel din gură …
– tu as/vous avez (parfaitement) raison, vous ne croyez pas si bien dire, bien
parlé, voilà qui est bien dit, tu parles d’or, c’est le mot …
(xxi) Prin urmare stau aici cum aş sta oriunde şi aştept să vie ceea ce trebuie să
vie.
– Într-adevăr, ai dreptate, zise bătrînul Faranga încet.
(xxi′) Donc, je demeure ici, comme je le ferais n’importe où, et j’attendrai
patiemment qu’advienne que pourra!
– C’est vrai, tu as bien raison, dit tout bas le vieux Faranga.
(L. Rebreanu, I, 95-64)
(xxii) – Înţelegerea cu el a fost şi înainte dificilă, redusă la cîteva elemente
de strictă necesitate practică.
– Ai perfectă dreptate, vezi lucrurile just.
(xxii′) – On a toujours eu beaucoup de mal à s’entendre avec Hagienuş, tout
entretien avec lui se résumait à un petit nombre de sujets strictement dictés par les
exigences de la vie pratique.
– Vous avez parfaitement raison, dit Gaittany, C’est tout à fait ça.
(G. Călinescu, 514-523)
(xxiii) – E din familia marilor statui elene ! confirmă Smărăndache.
– Aşa e! aprobă cu entuziasm Gaittany
(xxiii′) – Elle appartient à la race des grandes statues grecques, confirma Smarandaki.
– C’est le mot! s’écria Gaittany d’une voix enthousiaste.
(G. Călinescu, 548-558)
– la conformité des vues:
sînt/sîntem de acord, recunosc …
je suis d’accord, nous sommes d’accord, j’en conviens, je veux bien…
(xxiv) – De ce n-ai dansat ?
– Pentru că ai dansat tu şi pentru mine.
– Recunosc, îmi place dansul la nebunie.
166
(xxiv′) – Tu n’as pas dansé, pourquoi ?
– Parce que tu as dansé pour deux.
– J’en conviens, je raffole de la danse.
(J. Bart, 129-143)
Si la réaction est négative, l’énoncé véhicule soit un refus (acte incident au
contenu propositionnel) soit une réfutation (dans un discours agonal), bien qu’une
partition stricte des deux types ne puisse pas toujours être établie.
(xxv) Fii onest în viaţa privată dacă pofteşti; în viaţa publică fă ce fac alţii, ca
să nu ai inutile complicaţii, însă cît mai pitit. Afară de cazul cînd visezi să devii un
Napoleon Bonaparte şi să mori în insula Sfînta Elena, ceea ce nu e cazul meu.
(xxv′) Qui veut n’a qu’à être honnête dans sa vie privée; dans la vie publique,
la seule règle est d’imiter les autres afin d’éviter toute complication inutile, de ne
pas se faire remarquer. A moins, évidemment, de vouloir faire son petit Napoléon
et mourir à Sainte Hélène. Très peu pour moi !
(G. Călinescu, 397-400)
Le refus d’adhésion connaît une diversité de formes suivant la stratégie
adoptée par le docuteur, les itinéraires tactiques sont plus diversifiés, ce qui est
naturel si l’on pense que le refus d’adhésion est un acte essentiellement agressif.
Pour faire connaître son attitude, le locuteur peut opter pour l’une des solutions
tactiques suivantes:
• refuser de faire crédit à la source énonciative:
– en contestant la validité de l’acte judicatif de l’interlocuteur:
Roum. N-ai/n-aveţi dreptate; greşiţi, vă înşelaţi …
Fr. Vous avez tort, vous faites erreur, vous vous trompez, vous vous fourrez
le doigt dans l’oeil (jusqu’au coude)…
(xxvi) Non, là, il faut que je dise. Je ne plaisante plus. Là, vous avez tort.
(xxvi’) Nu, aici trebuie să vă spun. Nu mai glumesc. Aici, într-adevăr găsiţi.
(N.Sarraute, 137-93)
(xxvii) – Ei bine, dar în fond e un compatriot de-al d-voastră şi-i păcat să-l
lăsaţi să moară de foame ca un câine.
– Pardon, vă rog (…) nu confundaţi. Omul acesta care a venit aici este venit
din puşcăriile franceze.
(xxvii’) – Eh bien, Mais au fond, ça n’est pas moins un de vos compatriotes,
et c’est mal de le laisser crever de faim comme un chien.
– Je vous demande pardon (…), vous faites erreur. Cet homme qui a
débarqué ici sortait du bagne français.
(J.Bart, 233-253)
– en contestant la bonne foi de l’interlocuteur
Roum. Minţi, eşti un (mare) mincinos …
Fr. Tu mens, vous mentez, vous êtes un sacré menteur …
(xxviii) – Cum adică s-a spălat pe mîini de el ?
– El ştia unde se găseşte, el le-a spus.
167
– Acum minţi.
(xxviii’)– Comment ça, il s’en est lavé les mains ?
– Il savait où il était, c’est lui qui l’a donné.
– Allons, donc, cette fois vous mentez.
(D.R. Popescu, 48-360)
(xxix) – Mais dites-moi, Mettetal, mais là je vous attrape, mais vous savez,
vous êtes un sacré menteur.
(xxix’) – Ia spuneţi-mi, Mettetal, uite că v-am prins, dar ştiţi că sânteţi un
mare mincinos.
– en mettant en doute le sérieux de l’énonciateur, à partir de l’idée qu’une
plaisanterie n’est pas une description véridique de l’état de choses évoqué:
(N.Sarraute, 212-141)
Roum. Glumeşti/glumiţi; fii serios; lasă gluma la o parte …
Fr. Vous plaisantez; tu veux rire, laissez-moi rire;
trêve de plaisanterie; blague dans le coin …
(xxx) – Văd că de altfel arătaţi foarte bine.
– Glumeşti. Sânt obosită de viaţă.
(xxx’) – D’ailleurs vous avez une mine superbe.
– Cette plaisanterie. Je me sens exténuée.
(G.Călinescu, 591-622)
(xxxi) – Fii serios. Îl puse la punct Gulimănescu …
(xxxi’) – Trêve de plaisanterie, le gourmanda Gulimănescu
(G.Călinescu, 308-307)
– en refusant de faire crédit à la source d’information indirecte:
Roum. Asta de unde ai mai auzit-o ? De unde le mai scoţi ?
Fr. Où allez-vous chercher ça?
(xxxii) – De unde le mai scoţi şi astea ?
(xxxii’) – Où allez-vous chercher ça ?
(G.Călinescu, 354-356)
• infirmer la véracité du dit
Roum. Nu-i adevărat; e fals …
Fr. Ce n’est pas vrai; c’est faux; il est vrai ce mensonge ?
(xxxiii) – Ce que vous m’avez dit sur cette femme est faux, qu’on la trouvait
ivre morte dans les bars du quartier de l’arsenal.
(xxxiii’) – Ce mi-aţi spus despre femeia aceea nu e adevărat. N-o găsea
nimeni beată moartă în barurile din cartierul arsenalului.
(M.Duras, 58-47)
168
• refuser de poursuivre le dialogue dans le sens imprimé par l’énonciateur:
Roum. Nu umbla cu vorbe d-astea; ce să mai vorbim, termină cu prostiile;
nu mai turna la gogoşi …
Fr. Ne dites pas de bêtises; laisse tomber; (fam.) ramasse tes salades;
(fam.) ne sortez pas la pommade …
(xxxiv) Nici să nu te aud cu vorbe d-astea urâte, Puişor, că mă faci să mă
îngrozesc.
(xxxiv’) Je ne veux plus entendre de telles paroles, qui me font horreur, Puiu
chéri !
(L. Rebreanu, 71-48)
(xxxv) Şrii foarte bine că nu pentru aspirine am bătut la poarta doctorului …
Ce să mai vorbim …
(xxxv’) Et vous savez très bien que ce n’est pas pour de l’aspirine que j’ai
frappé à la porte du docteur … Laissons tomber …
(D.R.Popescu, 40-355)
Le roumain va jusqu’à refuser la présence physique de l’interlocuteur; des
expressions telles que fugi d-aici/fugi d-acolo, (fam) fugi cu ursul n’ont pas de
correspondant direct, ce qui fait que l’équivalence s’impose dans ce cas:
(xxxvi) – Fugi Poly, nu umblaţi cu d-astea !
(xxxvi’) Voyons, Poly, ne dis donc pas de bêtises !
(L.Rebreanu, 24-18)
Enoncés
proactifs rétroactifs
(stratégie de
crédibilisation) positifs négatifs
acceptation refus
adhésion réfutation
12.3. Conclusion
169
La stylistique comparée interprète l’équivalence d’un
double point de vue, linguistique et langagier. On conçoit, à la lumière de cette
interprétation, les difficultés auxquelles se heurte le théoricien de la traduction
lorsqu’il se préoccupe d’évaluer les conséquences pratiques de cette définition très
restrictive. Quel devrait être le critère prioritaire ? Doit-on les combiner et ôter
ainsi à toute une série de mises en correspondance énonciatives leur statut
d’équivalence ? Les nombreuses divergences de structuration que l’on signale dans
ce domaine fortement idiomatisé ont été pour quelque chose dans la définition
mentionnée. Mais il est pratiquement très difficile sinon impossible de tracer une
ligne de partage nette entre les multiples transformations subies par l’énoncé dans
son transfert en langue cible. En effet, on est en droit de se demander s’il y a
structure totalement différente dans une mise en correspondance telle que : Mai
bine tăceai - Vous avez perdu l’occasion de vous taire, ou bien on peut considérer
que la présence de l’unité lexicale hétéronymique (a tăcea - se taire) interdit une
pareille interprétation ? Les restructurations lexico-grammaticales semblent
connaître une disposition scalaire, ce qui ne fait qu’accroître les difficultés de
classement. Aussi croyons-nous qu’il serait faux de réduire l’équivalence à une
divergence purement linguistique, même si elle est très fréquente. C’est là un fait
de statistique et non un fait de système. Ce n’est qu’en examinant les multiples
visages d’une unité de traduction dans la perspective des valeurs énonciatives
qu’elle véhicule qu’on arrive à dégager les informations nécessaires à la mise en
place de correspondances fondées sur la similarité de l’intentionnalité de l’énoncé
source. Ce problème doit être envisagé à la fois comme une stratégie de
l’interprétation du texte source et comme l’utilisation de l’analyse en termes
énonciatifs de la traduction adéquate.
SUJETS DE DEVOIRS
170
Elisaveto, te rog, nu te amesteca. Elisaveta, mêlez-vous de ce qui vous
(M.Eliade) regarde.
…intelectul pare foarte activ, aluziile …Son intellect paraît très actif, témoin
lui la sufletul animal şi cel intelectual son allusion à l’âme animale et à
sînt reminiscenţe din filozofia greacă. l’intellectuelle, réminiscences de la
A pierdut numai simţul realităţii. philosophie grecque. Ce qui lui fait
– Aşa cred şi eu… défaut, c’est le sens de la réalité.
(G.Călinescu) – Je partage votre avis…
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
171
CRISTEA,T., 1983. - „L’adhésion et ses réalisations linguistiques en
français et en roumain“, in Etudes contrastives. Enonciation et contrastivité,
Bucureşti, TUB, p.24-94.
GOFFMAN,E., 1975. - Les rites d’interaction, Paris, Les Editions de Minuit.
KERBRAT-ORECCHIONI,C., 1977. - L’énonciation. De la subjectivité dans le langage,
Paris, A.Colin.
MOESCHLER,J., 1984. - Argumentation et conversation, Paris, Hatier.
RECANATI,F., 1981. - Les énoncés performatifs, Paris, Les Editions de Minuit.
VINAY,J.P. et DARBELNET, J., 1958. - Stylistique comparée du français et de l’anglais,
Paris, Didier.
172
de cette collectivité, chaque individu exploite le matériel linguistique disponible
conformément aux données fournies par cette expérience.
Pour démontrer que le concept d’intercommunicabilité et sa conséquence
directe la „traduisibilité“, recouvrent une réalité observable, il faut déterminer de
manière aussi rigoureuse que possible le rôle et la portée des facteurs de
diversification: ces facteurs empêchent-ils complètement la communication en
créant des seuils de structuration qu’il est impossible de franchir ou les limitent-ils
seulement, en permettant un transfert approximatif?
Les réponses données à cette question se laissent classifier d’après la place
accordée au conditionnement culturel et linguistique dans la retransmission des
expériences.
L’hypothèse conductrice adoptée ici est que les fonctions de la langue se
placent à deux niveaux différents; on distingue ainsi
a) des fonctions générales (M.A.K.HALLIDAY, 1972: 141) et b) des fonctions
spécifiques (idiosyncrasiques). Les premières sont communes à toutes les langues,
tandis que les secondes sont déterminées par la culture d’une communauté linguistique
donnée. La confrontation de deux langues naturelles dans le transfert de messages
révèle d’une part une structuration générale commune qui permet la traduction et
l’existence de zones faiblement idiomatisées et d’autre part des différences qui attirent
des perturbations dans la transmission des données de l’expérience. Cette transmission
ne peut se dérouler entièrement au niveau de l’intériorité du texte. Tous les énoncés ne
sont pas transparents et certaines structures opposent au regard étranger un voile qui
n’est pas seulement linguistique.
La nécessité s’impose donc que le traducteur dispose de deux types de
compétences: linguistique et périlinguistique. „Il ne suffit pas d’être bilingue pour être
traducteur. La „connaissance des choses“ est indispensable” (D.MOSKOVITZ,
1972:113)
174
(iii′) Fiecare ogor pare o bijuterie de aur verde sclipind palid şi mustind de
apa care-l acoperă, prins în cercul perfect şi sumbru al haturilor sale.
(Cl.Lévi-Strauss, 111-138)
• le terme marqué est neutralisé: par le choix d’un hétéronyme général ou
approximatif qui annule les connotations de l’unité source:
(iv) Întorsei capul spre ea. Iia albă şi înflorită ascundea doi sîni abia împliniţi
ai căror muguri se zbuciumau sub borangicul ieftin.
(iv′) Je tournai la tête vers elle. La blouse blanche à fleurs cachait deux seins
à peine formés, dont les boutons battaient timidement sous la toile bon marché.
(L.Rebreanu, I, 83-56)
(v) Adormi şi visă că mătura casa şi bătătura.
(v′) Elle s’endormit, se rêva balayant la maison, la cour…
(D.R.Popescu, 7-334)
(vi) Mădălina fu adusă mai mult cu forţa pînă la scara cerdacului de unde
cîrciumarul o luă de mînă şi se apropie cu ea, dojenind-o: Nu fi neroadă, fato cînd
vor boierii să-ţi vadă mutra.
(vi′) Mădălina fut amenée de force plutôt jusque sous la veranda d’où
l’aubergiste lui prit la main pour la conduire, tout en la grondant: „Ne sois pas bête,
ma fille, puisque ces messieurs veulent voir ta frimousse.
(L.Rebreanu, I, 85-87)
SUJETS DE DEVOIRS
178
• Proposez des traductions adéquates pour les locutions et les énoncés
suivants:
a) A trage bărbi; a-şi face sânge rău; a lua pe cineva în balon; a-i tremura
cuiva balamalele;
b) On tire sa flemme. – On met le paquet. – Ramasse tes salades. – Tu peux te
l’accrocher. – Il a cassé le morceau. – Ecrase! – Ne sortez pas la pommade!
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
179
III-ème section
PROPOSITIONS POUR LA MISE EN OEUVRE
D’UNE APPROCHE ONOMASIOLOGIQUE
DANS L’ACTE TRADUCTIF
14. SÉMASIOLOGIE ET ONOMASIOLOGIE DANS L’ACTE
TRADUCTIF
Un système conceptuel indépendant d’une
langue donnée permet de comparer des
langues et de reconnaître le „sectionnement
de la réalité” que réalise chacune d’elles.
(KURT BALDINGER)
183
arrière-plan conceptuel commun
perspective L L’ perspective
sémasiolo- structuration des signifiés commune onomasiologique
gique ou diversifiée
L L’
structure des structure des
signifiants signifiants
1
Le terme de „grammaire” est employé ici dans son sens le plus général de
mécanisme, d’interprétation et de production des énoncés.
184
problème, si tout acte traductif suppose un transfert de signifiés, ce transfert
nécessite la transformation de ces signifiés en signifiants.
E.COŞERIU parle de deux phases complémentaires obligatoires dans l’acte
traductif: une phase sémasiologique et une phase onomasiologique, d’une fusion en
une opération complexe entre signification (Bedeutung) et désignation
(Bezeichnung). Cette opération a été désignée par le terme de Übertragung (traduit
en français par „transposition” (C.LAPLACE, 1994). E.COŞERIU insiste sur le fait
que la signification en tant que telle ne peut pas être traduite „tant qu’on n’a pas
identifié la désignation, la traduction est impossible” (1994:43).
Cette démarche à deux temps, un premier temps sémasiologique et un second
temps onomasiologique pourrait être représentée par le triangle suivant:
signifié
analyse des signifiants recherche des équivalents
unité unité
source cible
Mais, à la différence des actes traductifs individuels, l’approche onoma-
siologique proprement dite, c’est-à-dire celle qui prend comme point de départ non pas
une unité ponctuelle actualisée mais toute une zone conceptuelle qu’elle doit mettre en
relation avec la même zone de la langue cible, se constitue comme résultat d’une triple
opération:
• délimiter des zones conceptuelles structurées linguistiquement, ce qui
suppose la prise en compte de deux aspects complémentaires:
− le degré de généralité et la hiérarchisation des sous-ensembles connexes
− la structuration interne des micro-zones constitutives de l’ensemble; à
l’intérieur de chacune d’entre elles, les „objets mentaux” peuvent être disposés
d’après des critères différents: sémantiques et/ou grammaticaux/et énonciatifs;
• répertorier les manifestations linguistiques des articulations de la zone
conceptuelle délimitée au préalable pour chacune des deux langues engagées dans le
transfert;
• mettre en correspondance ces manifestations par projection d’un sous-
ensemble de la langue source sur le sous-ensemble correspondant de la langue cible.
Bien entendu, au seuil de cette nouvelle entreprise se dressent de nombreux
obstacles.
Le premier tient à la difficulté de poser des principes de départ assez
cohérents pour servir de support à la nouvelle démarche. En effet, la délimitation
d’une zone conceptuelle est très délicate du fait des recoupements avec les zones
voisines: une zone conceptuelle fait tache d’huile et l’on doit avancer avec
prudence sur le terrain particulièrement incertain sur lequel elle s’édifie. Un autre
écueil peut surgir à propos des corrélations sémantiques qui peuvent s’établir entre
les unités. Un autre obstacle naît du fait que l’on ne peut presque jamais constituer
un inventaire complet des équivalents, à même de recouvrir le plus grand nombre
de contextes.
185
Si nous nous arrêtons à ces constatations négatives, c’est pour mieux cerner
les difficultés et poser la juste mesure de l’efficacité des instruments fondés sur une
pareille approche. Elle n’en présente pas moins un intérêt non négligeable.
L’originalité du projet nous paraît résider dans les points suivants:
− du point de vue de la recherche des équivalents, cette conception a
l’avantage de s’adapter, par la mise en relation de sous-ensembles, à une
connaissance plus affinée des possibilités de traduction, en donnant une vue
relationnelle dégagée de l’atomisme hétéronymique;
− du point de vue du vecteur de la traduction, les solutions proposées dans
les répertoires parallèles sont réversibles, les deux langues pouvant occuper
indifféremment les positions de langue source ou de langue cible.
Relations associatives
encyclopédiques linguistiques
187
NID
relations linguistiques
encyclopédiques (sémantiques)
189
L’intérêt manifesté à l’égard de la grammaire onomasiologique a suscité
l’ambition de fournir des réponses utilisables en grammaire comparée et par voie
de conséquence en traductologie. La comparasion doit devenir un outil d’analyse
des problèmes posés par le transfert de la langue source à la langue cible.
La bigrammaire à base conceptuelle apparaît aujourd’hui, en dépit de
nombreuses difficultés, comme le gage d’une stratégie conduisant à des solutions
non seulement correctes, mais aussi adéquates du point de vue pragmatique.
A mesure que l’approche comparative change de visage et qu’elle inclut des
dimensions nouvelles notamment discursives, un glissement s’opère, l’accent se
déplace du traitement rigide des données parallèles vers une interprétation à la fois
plus souple et plus étendue des convergences et des divergences dans l’emploi des
lexèmes regroupés par zones conceptuelles. Cet aller et retour de la langue base à la
langue cible et inversement dynamise la comparaison et lui assure un caractère opérant.
14.3.3. Un article de dictionnaire analogique bilingue: LENE-PARESSE
Nous présentons à titre d’exemple un possible article de dictionnaire bilingue
centré sur la champ conceptuel de la PARESSE.
LENE PARESSE
lenevie, lenevire, (fam.) puturoşenie, fainéantise, (fam.) flemme, (fam.)
(ir.) lenevită flemmardise, (ir.) flémingite aiguë,
(pop.) cosse
leneş, (fam.) puturos, a fi foarte paresseux, fainéant, (fam.) flemmard,
leneş, a face umbră pămîntului (pop.) cossard, loir, lézard, (pop.)
degeaba, (fam.) a puţi locul sub el cul de plomb, être paresseux comme
un loir/un lézard/une couleuvre,
(fam.) avoir un poil dans la main
a lenevi, a se da lenii paresser, (fam.) flemmarder,
battre/tirer sa flemme, s’abandonner à
la paresse
TRÎNDĂVIE OISIVETÉ
trîndăveală, farniente désoeuvrement, inaction, farniente
trîndav, trîntor, pierde-vară, oisif, inoccupé, désoeuvré
fluieră-vînt, (ir.) burtă-verde
a trîndăvi, a trîntori, a trăi vivre dans l’oisiveté
ca un trîntor/ca un parazit ne rien faire de ses dix doigts,vivre
a sta cu mîinile în sîn/ à ne rien faire, (fam.) ne pas en
subsuoară, a sta cu braţele ficher une rame/une secousse, se
încrucişate, a sta cu ochii în croiser les bras, croupir dans son coin
190
tavan, a cloci pe vatră, a rezema
pereţii, a se muta de pe vatră
pe cuptor, a sta pe cotlon,
a sta la căldurică, a sta cu
burta la soare
a-şi pierde vremea de pomană/, perdre son temps à ne rien faire,
degeaba, a arde gazul de pomană, se tourner les pouces, se les rouler,
a tăia frunză la cîini, a duce enfiler des perles
cîinii la apă, a căuta peri în palmă
Un autre champ conceptuel apprenté aux précédents est celui de
l’INDOLENCE:
DELĂSARE INDOLENCE
indolenţă, lîncezeală, inerţie, nonchalance, mollesse,
comoditate, pasivitate, tembelism langueur, relâchem ent, apathie,
inertie, torpeur
indolent, delăsător, tembel, indolent, nonchalent, mou, atone,
apatic, inactiv, inert, pasiv, négligent,
apathique, amorphe, engourdi
adormit endormi
a tîndăli, a se lăsa pe tînjală, se relâcher, (fam.) lambiner, traînasser,
lanterner
a nu se omorî/zdrobi (fam.) ne rien se casser, (fam.) ne pas
se fouler
fără tragere de inimă, în doru-lelii paresseusement, mollement,
nonchalamment
Un autre champ conceptuel qui pourrait être rattaché aux précédents est celui
qui regroupe les termes qui indiquent celui qui se dérobe devant le travail:
chiulangiu (fam.) tire-au-flanc. (milit.) tire-au-cul
elev chiulangiu cancre
a chiuli, a se da în lături de la se dérober devant le travail,
treabă, a nu se omorî/zdrobi craindre/marchander/ plaindre sa peine,
cu treaba rechigner/renâcler à la besogne, tirer au flanc.
a trage chiulul de la şcoală (arg.milit.) tirer au cul faire l’école buissonnière,
(arg.scolaire), sécher la classe/les cours
14.4. Conclusion
Une théorie de la traduction doit être conséquente dans ses principes et dans
les moyens qu’elle met en oeuvre pour venir en aide au traducteur.
Malgré le désaccord sur la nature et les limites d’un champ conceptuel, nous
pensons qu’une approche onomasiologique est de nature à éviter un inconvénient
majeur de l’approche traditionnelle, c’est-à-dire la difficulté d’apercevoir un
ensemble articulé d’éléments équivalents.
191
Les pages qui précèdent décrivent des faits qui essaient de mettre en vedette
les avantages de la méthode onomasiologique dans le domaine de la lexicalisation.
Dans un premier temps il faudra planter des jalons pour fournir un certain nombre
d’indications favorisant la mise en oeuvre de nouvelles propositions. Nous n’avons
choisi que quelques aspects saillants pour en dégager les grandes lignes de
l’élaboration d’une stratégie de la mise en équivalence à partir de la constitution
d’ensembles conceptuels.
SUJETS DE DEVOIRS
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
192
15. EN GUISE DE CONCLUSION: DE LA DÉPENDANCE
À LA MAITRISE
193
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
*
* *
194
SOURCES DES EXEMPLES
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N.Calef, Ascensor spre eşafod, trad. de Marga şi Gh.Wolf, Bucureşti, Univers, 1970
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1979
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Claude Lévi-Strauss, Tropice triste, traducere de E.Schileru şi Irina Pâslaru-Lukacsik,
Bucureşti, Editura Ştiinţifică, 1978
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Platon Pardău, En attendant Ulysse, en français par A.Fleury, in Revue Roumaine, no.11,
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195
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Marin Preda, II. Cel mai iubit dintre pământeni, Bucureşti, Cartea Românească
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Liviu Rebreanu, La révolte, traduit du roumain par V.Lipatti, Bucarest, Editions en langues
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Liviu Rebreanu, III. Pădurea Spânzuraţilor, Bucureşti, Editura pentru Literatură, 1966
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Roumaine, no.9, 1985
N.Sarraute, Les Fruits d’Or, Paris, Gallimard, 1963
N.Sarraute, Fructele de Aur, traducere de Radu Toma, Bucureşti, Univers, 1977
196