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Les nouvelles psychologies > Musée du Quai Branly

Quatre idées du corps


Parmi les expositions inaugurales du musée du Quai-Branly, « Qu'est-ce qu'un corps ? »
traduit et scénarise les idées relatives au corps humain selon quatre cultures différentes.

Entier ou morcelé, le corps humain est une source inépuisable de représentations.


Remodelé, tatoué, scarifié, peint, vêtu, paré, c'est aussi sur lui que les peuples inscrivent leur
vision du beau et du laid, du féminin et du masculin, du bien et du mal, de l'admirable et de
l'infâme. Mais au-delà des préférences esthétiques et morales, le corps humain est surtout un
mystère. « Nous ne savons pas d'où nous venons, et il ne suffit pas de dire que la conjonction
d'un homme et d'une femme a fait notre corps », explique Stéphane Breton, commissaire
principal de l'exposition. « Le corps humain a une relation avec le reste du monde, et cette
relation diffère selon les cultures. Nous avons donc choisi quatre régions du monde, et mis en
scène, à l'aide d'objets et d'images, ce que notre connaissance des cultures locales permet de
comprendre de leur conception du corps humain. »

Dans les sociétés mandé-voltaïques (Afrique), c'est à partir d'une matière amorphe, celle
de la terre, qui est aussi le corps des morts, que l'on conçoit la formation du corps
humain.« On s'efforce de le modeler à l'image des statues d'ancêtres parées de tous les
attributs du statut social, du pouvoir, de la beauté adulte. C'est le travail de toute une vie de
ressembler à ces êtres admirables. » Dans l'Afrique d'aujourd'hui, la photographie de studio
remplace la statuaire.

En Europe occidentale, l'idée ancienne du corps, c'est que l'homme est fait à l'image de
Dieu. L'incarnation du Christ en est la représentation la plus profonde. « Débarrassée de la
transcendance, cette idée trouve son prolongement dans notre conception génétique du corps,
comme déploiement d'une essence contenue dans l'ADN. »
En Nouvelle-Guinée, on considère le corps comme un composé de masculin et de
féminin. Le féminin est un contenant, le masculin est un contenu. « Dans le golfe de
Papouasie, les rites d'initiation des garçons consistent d'une part à évacuer le féminin, à
rajouter du masculin, et surtout à transformer ce principe en contenant : on fait "dévorer" les
novices par des masques particulièrement masculins. » La statuaire compliquée du Sépik
illustre également ce genre de transformation : des nez et des crocs protubérants pénètrent
partout dans le corps masculin, qui devient alors contenant. « Tous ces objets magnifiques
sont des outils rituels à transformer le corps des hommes en pure masculinité. »
En Amazonie, enfin, on part du principe que le corps est une enveloppe, et que les corps
humains et animaux sont interchangeables. Les chamanes font cela délibérément. Mais
surtout, le corps que l'on exhibe dépend du regard des autres, et de la relation qu'on a avec
eux. « Ceux avec qui je partage la nourriture me voient comme un humain. Ceux que je
poursuis me voient comme un prédateur. Ceux qui veulent me tuer me voient en gibier. Les
animaux n'étant pas intrinsèquement différents des humains, je peux emprunter leur apparence
pour manifester certaines qualités : les Amazoniens se parent souvent de plumes car ils
trouvent la sociabilité des oiseaux admirable, et aiment à s'identifier à eux. Mais ils enfilent
aussi des masques d'écorce, qui font d'eux d'épouvantables monstres cannibales. »
A travers le corps, c'est une conception du monde et des relations avec les autres qui
sont exposées. Les arts et les cultures matérielles, plus que des décors ou des représentations
symboliques, sont aussi des outils à travailler le corps.

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