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« On ne devrait jamais sous-estimer le pouvoir des livres »


Paul Auster – Brooklyn Follies
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Merci.
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont participé, de près ou de loin, à
l’élaboration de ce mémoire. Les éditeurs, ou autres acteurs du secteur, qui m’ont
accordé de leur temps pour répondre à mes questions et m’ont fait avancer dans ma
réflexion. Je pense notamment à Stephen Belfond (i-Gutemberg), Gwen Català
(Numerik :)ivres) et Vincent Piccolo (La Martinière).
Je remercie également, Lorenzo Soccavo, mon directeur de mémoire, qui a su
m’orienter sur la bonne voie et qui m’a été très précieux par ses conseils et ses
contacts.
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Résumé/
La numérisation est en marche, et ce dans tous les domaines, l’édition ne
faisant pas exception à cette tendance lourde du marché. Les livres numériques ne
sont plus des chimères dont on parle dans les romans ou films de science-fiction ; ils
sont bien réels et prennent chaque jour une importance grandissante. Preuve en est
de cette nouvelle en date du 19 juillet, selon laquelle, aux Etats-Unis, les ventes
d’ebooks auraient dépassé celles des livres papiers reliés sur Amazon.1

Face à cette mutation du marché, j’ai pensé qu’il était intéressant d’observer ce
dernier et d’analyser le comportement des acteurs du secteur en termes de
communication et de marketing. Les questions qui se posent à eux sont nombreuses
et complexes et il leur est parfois difficile de prendre position. C’est ainsi que, d’un
point de vue communicationnel, il a été essentiel d’effectuer une analyse en fonction
des types de structures, chacune ayant une façon propre de réagir et de prendre la
parole. Qu’elles soient leaders, précurseurs ou attentistes, l’ensemble des acteurs
étudiés sont surtout en phase de réflexion stratégique intense. D’autant plus que
l’aspect marketing de l’offre se doit également d’être étudié. C’est pourquoi l’on voit
apparaître de nouvelles formes d’ouvrages, de nouveaux contenus qui adaptent
l’objet-livre aux changements de « consommation » de lecture des individus.

Suite aux conclusions tirées de cette analyse, il en est ressorti des pistes de
recommandation axées autour de trois piliers que sont : S’organiser, Expliquer et
Fédérer. Les clés, selon moi, pour amorcer le dialogue avec les individus et conduire
peu à peu au changement.

1
Le livre électronique rivalise avec l'imprimé chez Amazon, Benjamin Ferran in LeFigaro.fr, le 20
juillet 2010
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Abstract/
Digitalization is on the go in all fields, edition not making exception to this heavy
market trend. E-books are not any more dreams which one speaks in the novels or
science fiction films; they are quite real and take each day a growing importance.
Proof is of this dated July 19 news, according to which, in the United States, the
sales of ebooks would have exceeded those of the books papers connected on
Amazon.

Face to this market evolution, I thought that it was interesting to observe it and
to analyze the actors of the sector behavior in terms of communication and
marketing. Questions are numerous and complex and it is sometimes difficult for
these structures to take a stand. Thus, from a communication point of view, it was
essential to carry out an analysis according to the types of structures, each one
having their own way to react and speak. Whether they be leaders, precursory or
partisan of a wait-and-see policy, whole of the studied structures are in an intense
phase of strategic thought. More especially as the aspect marketing of the offer must
also be studied. That’s why, we could see appear new forms of formats, new
contents more adapted to the new books “consumption”.

Following the conclusions drawn from this analysis, tracks of recommendation


will be centered around three pillars which are: To organize themselves, Explain and
Federate; keys, in my opinion, to start the dialogue with the individuals and to lead
little by little to the change.
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Sommaire.
PARTIE 1 : Le marché du livre numérique : un marché
émergent en plein essor ………………….………………………………p9

A- Un marché complexe, en butte à de nombreux freins

B- Une accélération de la croissance du marché à prévoir dans


les prochains mois

PARTIE 2 : Une nécessité pour les acteurs du secteur de


l’édition d’adopter rapidement une stratégie de
développement – marketing et communication – pérenne….p28
A- Des stratégies de communication différenciées selon les
acteurs du marché

B- Une offre marketing fortement impactée

PARTIE 3 : Pistes de réflexion pour une meilleure


appréhension de la communication et du marketing du livre
numérique ……….……………………………………………………………p50
A- S’organiser

B- Expliquer

C- Fédérer
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Introduction.
Cela a commencé avec la photo, puis est venu le temps de la musique, des
films et enfin celui des livres … La dématérialisation est en marche !
On ne consomme aujourd’hui quasiment plus que des appareils photo
numériques, on achète des fichiers musicaux à écouter sur son MP3 et on regarde
les films en streaming ou en VOD quand ce n’est pas grâce au piratage. Internet a
permis à une grande partie de nos loisirs de se dématérialiser, et ce grâce à ce qui
fait le succès du web : mobilité, rapidité et gratuité (ou petit prix). Il était encore un
domaine qui avait jusque là fièrement résisté ; celui du livre. On entend bien sûr
parler depuis quelques années déjà d’e-book, de readers ou de liseuses comme
certains l’appellent. Mais cela ne reste, pour le commun des mortels, qu’un vague
bruit de fond qui n’agit en aucune sorte sur leur quotidien.
Or ces derniers mois, voire semaines, les choses se sont accélérées et les
médias bruissent d’articles, d’éditos, de tribunes, de commentaires sur les livres
numériques. On entend tout et son contraire, les uns pleurent la mort du papier
tandis que d’autres crient à la suprématie du livre numérique. Les chiffres se croisent
et s’entrecroisent, les effets d’annonces n’en finissent plus de pleuvoir… Mais
concrètement qu’est ce que le livre numérique ? Le livre numérique, ou
dématérialisé, au sens strict est un fichier informatique que l’on peut lire sur un écran
d’ordinateur, de téléphone portable ou encore par le biais d’un terminal dédié.

Une fois mis de côté les interrogations classiques de pérennité du livre


numérique et de réorganisation de la chaîne du livre que cela implique, la question
qui me préoccupe aujourd’hui est surtout de savoir :
« Quelle stratégie de développement du livre numérique – marketing et
communication – adopter alors que le marché est émergent, difficile et se
heurte encore à une organisation séculaire ? »

En effet, la question du développement de nouvelles offres marketing et de


stratégies de communication innovantes accompagne généralement les mutations
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d’un marché. Car qui dit mutation, dit nouvelles opportunités et bien souvent
nouveaux publics.
J’ai donc souhaité mener une réflexion profonde sur ces nouvelles stratégies à
mettre en place par les différents acteurs du monde de l’édition, et en voici le
résultat.
Pour mener à bien cette réflexion, il m’est d’abord apparu nécessaire de mieux
connaître le marché de l’édition littéraire numérique, les motivations et les freins des
différents acteurs et publics ainsi que les récentes évolutions du marché. C’est ce
que vous retrouverez dans la première partie de ce document.
Je me suis ensuite penchée sur la nécessité pour les acteurs du secteur de
l’édition d’adopter rapidement une stratégie de développement –marketing et
communication – pérenne, en différenciant ce qui relève de la communication
« institutionnelle » sur le livre numérique en général, de la communication « produit »
sur les collections numériques. Cette analyse construite à partir d’une enquête de
terrain et de rencontres avec les principaux intéressés fait l’objet de ma seconde
partie.
Enfin, comme toute analyse ne vaut que par les conclusions que l’on en tire, je
développe dans une troisième partie mes pistes de réflexion pour une meilleure
appréhension de la communication et du marketing du livre numérique.

Avant d’aller plus avant dans la suite de ce mémoire, il est essentiel de préciser
certains éléments afin de borner le sujet. Je ne parlerai ici que d’édition numérique
littéraire, les problématiques liées à l’édition journalistique, bien que proches par
certains aspects de mon sujet, sont bien trop vastes et complexes pour être abordé
ici. De même, en dehors de rapides allusions ou références, j’ai fait le choix de
centrer ce document sur le marché français, chaque pays ayant dans ce secteur là
des avancées bien distinctes.

Bonne lecture !
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C- Un marché complexe, en butte à de nombreux freins


D- Une accélération de la croissance du marché à prévoir
dans les prochains mois
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Le Figaro l’annonçait dans son édition du 25 mai, l’enseigne britannique The


Waterstone a vendu plus de 700 000 ebooks sur sa librairie numérique depuis son
ouverture en 2008. Le marché du livre numérique est désormais à prendre en
compte malgré les multiples freins qui l’entourent (A), d’autant plus qu’une
accélération de la croissance du secteur est à prévoir dans un futur proche (B).

A- Un marché complexe, en butte à de nombreux freins

L’évolution, que l’on ne saurait nommer progrès de manière systématique, fait


souvent peur. L’homme est par essence conservateur et peu d’entre nous sont
capables de surmonter la peur primaire de ce que l’on a pour un éventuel « mieux ».
Alors entre peur du numérique de la part des consommateurs et volonté des
éditeurs de conserver telle quelle la chaîne du livre comment le marché du livre
numérique se définit-il ?

1/ Un public entre crainte et attirance

L’odeur du papier …
Le livre reste dans l’esprit de tous un objet unique voire sacralisé. De la même
façon que la disparition progressive du quarante-cinq tours a scandalisé de
nombreux passionnés de musique, une potentielle disparition du livre papier fait se
hérisser les poils de nombreux grands lecteurs.
Lorsqu’un débat ou une discussion sur le livre numérique s’engage, il y a fort à
parier qu’à un moment ou un autre va surgir dans la conversation « l’odeur du
papier ». Premier argument de la part des détracteurs du numérique, cette fameuse
« odeur du papier » synthétise toutes les craintes de la population de voir disparaître
définitivement le livre papier et donc ce qu’ils ont toujours connu. C’est ainsi que
selon une étude menée par Ipsos2 sur les publics du livre numérique, plus de la

2
Etude menée conjointement par Ipsos Media CT et le Centre National du Livre (CNL) à partir de septembre
2009 jusqu’à janvier-février 2010 en trois étapes. Résumé de la méthodologie et des résultats quantitatifs en
annexe 1.
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moitié des personnes interrogées cite « l’absence de contact physique avec le livre »
comme premier inconvénient les dissuadant de lire des ebooks. Mais en dehors de
cet attachement matériel au livre, on retrouve également des craintes liées au
contrôle des connaissances et à la perte de maîtrise des écrits. On retrouve ce
sentiment dans une chronique enflammée de l’écrivain Frédéric Beigbeder pour
L’Express.fr3 intitulée Le livre numérique ou le cauchemar de Bradbury. Il y trace un
parallèle, discutable, entre livre numérique et disparition de la réflexion et de la libre
pensée ; n’hésitant pas à baser ses peurs ou « sa paranoïa » comme il le dit, sur le
roman d’anticipation Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Ouvrage décrivant une
société dans laquelle posséder un livre était considéré comme un crime…

Toutefois, cet avis n’est pas partagé par tout le monde puisque selon une étude
menée conjointement par Le Figaro littéraire et l’institut Opinion Way4 un français sur
cinq pense qu’il dévorera un livre autrement que dans sa version papier. En priorité
via un écran d’ordinateur (11%) et un e-book (7%). 2% pensent qu’ils liront un roman
ou un essai sur leur téléphone mobile, et autant par l’écoute d’un CD lu par un
comédien.

3
La Chronique de Frédéric Beigbeder – Le livre numérique ou le cauchemar de Bradbury – in L’Express.fr le 16
juin 2010. Voir la chronique complète en annexe 2.
4
Etude Opinion Way – ref : BJ6430/ Le Figaro littéraire/ Les français et les nouvelles pratiques de la lecture /
Mars 2010. Voir résultats complet en annexe 3.
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Il ressort également de cette étude que les français ne pensent pas en terme
d’opposition – papier vs numérique. Bien au contraire on peut observer suivant les
réponses données que les différents supports cohabiteront sans problème. C’est
d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui puisqu’un quart des personnes interrogées affirment
qu’en deuxième support – après le livre papier – ils optent pour une lecture via un
écran d’ordinateur. Ainsi, comme le souligne François Bon, fondateur de publie.net,
« L’explosion de la lecture numérique est irréversible, elle ne se substitue pas au
livre mais les deux « écosystèmes » se complètent ». 5

Le lectorat de livres électroniques, bien que réduit à l’heure actuelle, n’est donc
pas inexistant en France et tend chaque jour à se développer. Preuve est que le livre
numérique ne se limite plus à une sphère de technophiles précurseurs, un billet
croisé au détour d’un blog « de filles »6 sans lien avec l’édition numérique, dans
lequel la bloggeuse explique avoir découvert la lecture numérique avec l’arrivée de
son iPhone 4. Elle raconte son expérience à ses nombreuses lectrices et en arrive à
la conclusion que « Je m’aperçois que l’arrivée de ce nouveau format m’inquiétait.
Comme si la littérature courrait le risque de disparaître avec le papier. Je sentais qu’il
y avait une révolution en marche mais j’avais peur de perdre au change.[…] A la
réflexion je m’engouffrerai dans cette nouvelle manière d’appréhender le livre et
qu’un jour pas si lointain, le papier ne sera plus pour moi que de l’histoire ancienne,
laissant seulement une marque nostalgique vive, mais dérisoire. »
Cette nouvelle façon d’appréhender la lecture électronique commence
doucement à prendre forme et à se propager parmi la population, d’autant plus que,
comme le souligne Gwendal Bihan7, fondateur de Leezam - maison d’édition
numérique - « le livre numérique n’est pas ce froid cliché sans vie en format PDF

5
Gutemberg 2.0, le futur du livre, Lorenzo Soccavo, préface de Paul Soriano, M21 Editions, 2008. Voir fiche de
lecture en annexe 4.
François Bon est un écrivain français né en 1953. Il est très actif sur le web et a fondé une maison d’édition
numérique publie.net ainsi qu’un site consacré à la littérature et au numérique tiers-livre.net
http://www.tierslivre.net/

6 er
Les dernières heures des livres ? in http://www.cachemireetsoie.fr le 1 juillet 2010. Lire le billet complet en
annexe 5.
7
Les enjeux et craintes du livre numérique in HELIA, le blog – 29 mars 2010
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qu’on nous présente. En plus de pouvoir déplacer sans encombre plusieurs


ouvrages, les aménagements techniques le rapprochent de plus en plus du papier ».

Il y a donc fort à parier que le « barrage mental » érigé chez de nombreuses


personnes cède petit à petit la place à une curiosité et une soif de découvrir de
nouveaux modes de lectures.

Un prix trop souvent prohibitif


Parmi les freins majeurs à l’achat de livre numérique figure en première ligne :
le prix. Selon l’étude Ipsos précédemment citée, parmi les publics potentiels, 42%
citent le prix comme critère le plus important pour lire un livre numérique. Et 30%
d’entre eux estiment que s’ils ne lisent pas davantage d’ebook c’est à cause de leur
prix trop élevé.
En effet si les consommateurs tolèrent de payer relativement cher des livres
papier, entre cinq et vingt-cinq euros en moyenne, ceux-ci n’acceptent pas de payer
la même chose pour un livre numérique. Plusieurs raisons à cela, avec tout d’abord
l’idée persistante que sur le net tout est gratuit. Les internautes qui ont aujourd’hui
accès à de multiples services de façon gratuite grâce au web ne voient pas la
nécessité de payer pour quelque chose qu’ils peuvent obtenir, de manière plus ou
moins légale, gratuitement. C’est d’ailleurs l’actuel problème de beaucoup de sites -
sites de presse, musique … - qui ne savent pas comment monétiser leurs contenus
autrement que par le biais de la publicité. D’autre part beaucoup de personnes, face
à un livre électronique, se font la réflexion suivante : « Pourquoi payer le même prix
pour quelque chose de virtuel, que je ne possèderais jamais totalement, qui ne
demande aucune matière première et une fabrication minimale ? »

A ce titre, les éditeurs français se déclarent prêt à réduire le prix de vente des
livres numériques de 15% à 25% par rapport à leur équivalent papier. Toutefois, « il
faudrait aller jusqu’à au moins 35% [de réduction] pour que cela soit réellement
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intéressant pour les lecteurs » estime Alban Cerisier, directeur du développement


numérique chez Gallimard, dans LeMonde.fr8.

A noter que la problématique du prix du livre numérique est d’autant plus


complexe qu’il existe en France une loi imposant un prix unique pour le livre papier.
Cette loi, la loi Lang (1981), prévoit que le tarif du livre soit fixé par l’éditeur et puisse
bénéficier d’une réduction du libraire de 5% maximum, elle a été instaurée pour
permettre une certaine égalité entre les distributeurs9. Elle est également une
garantie de la pluralité de l’offre culturelle en France. Or le livre numérique, assimilé
comme un service, n’est pas assujetti à cette loi ce qui permet à chaque distributeur
de ce type d’ouvrage d’appliquer le prix qu’il souhaite.

Des terminaux de lecture encore en développement


La lecture de livres numériques peut se faire sur différents terminaux :
ordinateur, téléphone mobile et terminaux dédiés. C’est d’ailleurs sur ces derniers
que le maximum de Recherche et Développement est mise en place afin d’offrir un
confort de lecture optimal pour une grande capacité de stockage et une bonne
ergonomie. En effet, le confort de lecture arrive en premier critère de choix de lire ou
non en numérique pour tous les publics interrogés selon l’étude Ipsos citée ci-
dessus.

Ces terminaux de lecture, que ce soit le Kindle d’Amazon ou le Reader de


Sony, utilisent une nouvelle technologie ; celle de l’encre numérique10. Sans entrer
davantage dans les détails techniques, cette technologie permet un bon confort de
lecture, pas de rétro-éclairage comme avec un écran d’ordinateur, ainsi qu’une très
grande autonomie. Toutefois, cela ne convainc pas encore le grand public qui
renâcle à payer plus de trois cent euros un outil qui ne servira qu’à la lecture et dont
l’écran n’est même pas en couleur…

8
Livre numérique : éditeurs et libraires se battent pour tenter de sauver leur place, Jean-Baptiste Chastand in
LeMonde.fr le 10 février 2010.
9
Pourquoi le livre numérique est-il si cher ? par Marie Douaran in L’Express.fr le 29 juin 2010
10
Voir annexe 6 pour plus de détails sur cette technologie.
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L’arrivée sur le marché de tablettes tactiles, telle que l’iPad, va-t-il changer cette
situation ? Seul l’avenir nous le dira…

Une offre relativement limitée


La tendance est en train de s’inverser mais un des freins à la lecture de livres
numériques a longtemps été la pauvreté des catalogues mis en ligne. Jusqu’à il y a
quelques mois seulement, l’immense majorité des ebooks proposés à la vente
étaient en anglais. Les seuls titres français disponibles étant les classiques de la
littérature tombés dans le domaine de droit commun.
Cet état de fait était extrêmement problématique puisque comme on le voit
dans l’étude Ipsos menée sur le livre numérique, « une offre plus riche et
diversifiée » correspond au troisième item cité comme facteur de développement le
plus probable pour le livre numérique.

Si la tendance s’inverse aujourd’hui, c’est en raison de l’arrivée sur le marché


de deux nouveaux acteurs : Apple et son iBookStore et Google Edition11 et des
accords avec les maisons d’édition française que cela implique.

Ainsi, bien que le marché ne soit pas encore mature, les éléments de succès ou
d’échec du livre numérique, en ce qui concerne le grand public, résident en trois
éléments : faible prix, confort de lecture et diversité de l’offre.
Il semble, qu’à condition que ces trois critères soient remplis, le marché va
rapidement pouvoir croître et faire de nouveaux adeptes…

2/ Les acteurs du monde l’édition peinent à trouver leurs


repères

Le petit cercle germanopratin du secteur de l’édition tremble devant l’arrivée du


numérique ; les fonctionnements parfois figés depuis la fin de la seconde guerre

11
Ce point sera développé en deuxième partie de ce chapitre.
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mondiale peinent à se renouveler ; la période est au « flou » comme le souligne


Isabelle Laffont, directrice des Editions JC Lattès pour le Figaro littéraire12 et les
éditeurs dits traditionnels doivent rapidement prendre les choses en main pour faire
face à un double défi, à la fois juridique et économique…

Beaucoup de questions pour trop peu de réponses


Antoine Gallimard, à la tête de la prestigieuse maison d'éditions éponyme,
confie dans le Figaro littéraire13 voir dans l'arrivée du livre numérique « la fin d'un
monde protégé depuis la fin de la seconde guerre mondiale ». Le monde de l’édition
est en effet un univers très conservateur principalement organisé autour de quelques
gros acteurs du marché et peu enclin à la modernité.
Avec l’arrivée du numérique c’est toute une filière qui doit être repensée.
Comme Françoise Benhamou, professeur à l’université Paris-XIII, le note dans sa
chronique pour le quotidien Les Echos14 « La triple faute du secteur musical est
présente dans toutes les têtes : une offre insuffisante, des prix dissuasifs, des
verrous anti-piratage coûteux et inefficaces ».
Un grand nombre de questions se présentent alors aux différents acteurs du
secteur ; quid du piratage, comment organiser les réseaux de distribution, quel rôle
pour les fournisseurs d'accès, pour Google, pour Apple et consorts ?
Face à ces questions, les acteurs de l’édition auraient tendance à faire
l’autruche comme le prouve d’ailleurs le dernier Salon du Livre de Paris qui s’est
déroulé en mars dernier. Le numérique était bien là mais cantonné à un petit angle
du Salon avec seulement des acteurs du secteur ultra-spécialisés pour l’animer. Les
grands éditeurs étaient, eux, en possession d’immenses stands dont aucun ne faisait
allusion de près ou de loi au numérique… Pas de promotion de leur catalogue
numérique, aucune implication et surtout aucune pédagogie face au grand public
pour leur expliquer le numérique et ses enjeux.

12
Un Français sur cinq prêt à lire sur un écran – par Mohammed Aissaoui in Le Figaro littéraire le 25 mars 2010
13
Le livre numérique est un livre à part entière – par Enguérand Renault in Le Figaro littéraire le 22 novembre
2009
14
Le tsunami du livre numérique in Chronique du cercle des économistes par Françoise Benhamou Les Echos,
édition du 23 mai 2010 p17.
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Les DRM15 en question


La question de la protection ou non des données pour les livres numériques a
bien sûr été l’une des premières à se poser. Encore une fois la crainte relative aux
récentes mutations de l’industrie musicale et au piratage de masse ont touchés les
esprits et créé un climat d’angoisse autour de la lecture électronique.

A ce sujet, l’on se trouve face à deux courants radicalement opposés ; d’un coté
les partisans du « tout verrouillé » qui souhaitent installer des DRM sur tous leurs
ouvrages, de l’autre les détracteurs du « tout ouvert » refusant de fermer leurs
systèmes.
Les grandes maisons d’éditions dites traditionnelles font souvent partie de ceux
souhaitant verrouiller leurs collections de peur de voir leurs ouvrages répandus sur le
net à leurs dépens. C’est ainsi qu’Antoine Gallimard confie encore « La grande
angoisse c'est le piratage. Quand nous avons vu ce qui est arrivé dans la musique,
dans le cinéma nous nous demandons si nous allons connaître ce fléau ».
A l’inverse on retrouve des maisons d’édition davantage philosophes sur le
sujet. Comme le souligne Marie Allavena, directrice générale du Groupe Eyrolles,
dans une interview16 pour Le Journal du Net : « De toute manière le développement
d’applications pour contrer cette pratique illégale coûte finalement plus cher que
d’être victime de piratage ».

TVA à 5,5% contre TVA à 19,6%


On ne peut aborder le sujet de l’édition numérique sans parler d’un des
principaux combats des éditeurs aujourd’hui, et notamment du SNE17, l’alignement

15
DRM = Sigle signifiant gestion des droits numériques (Digital Rights Management). Technologie sécurisée qui
permet au détenteur des droits d'auteur d'un objet soumis à la propriété intellectuelle (comme un fichier
audio, vidéo ou texte) de spécifier ce qu'un utilisateur est en droit d'en faire. En général, elle est utilisée pour
proposer des téléchargements sans craindre que l'utilisateur ne distribue librement le fichier sur le web.
Source : www.futura-sciences.com

16
Marie Allavena, Groupe Eyrolles « Nous voulons réaliser 8% de nos revenus grâce au numérique », Agnès Le
Gonidec in Le Journal du Net le 04 mai 2010
17
SNE = Syndicat National de l’Edition. Le SNE, organisation professionnelle des entreprises d'édition, défend
les intérêts des éditeurs de livres publiés à compte d’éditeur.
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de la TVA de 19,6% supportée par le livre numérique sur celle de 5,5% du livre
physique. Ce handicap financier est d’ailleurs souvent pointé du doigt comme un des
facteurs de ralentissement du marché du livre numérique en France, au regard de la
situation aux Etats-Unis notamment.

Selon Antoine Gallimard, élu président du SNE le 24 juin dernier, « Il y a très


peu de chance pour que la fiscalité soit alignée car Bruxelles considère que quand le
livre est téléchargé c'est un service, et il faut lui appliquer une TVA des services. Je
souhaite lancer une pétition avec mes confrères européens pour que le livre
numérique soit reconnu comme un livre à part entière »18.
L’accord de tous les partenaires européens étant obligatoire, rien n’indique que
l’on puisse rapidement trouver une solution à ce problème. Toutefois, l’Espagne a
décidé de passer outre en janvier dernier en appliquant unilatéralement un taux de
4%. Si les choses se compliquent en France, on peut imaginer possible une prise
d’initiative similaire.

Un système de distribution remis en question


Le système de distribution est, contrairement à ce que l’on croit souvent, une
des sources majeures de revenu pour les maisons d’édition. Une cause de plus de
leur réticence à passer au numérique. La numérisation des livres et leur
commercialisation directe via internet remettant en cause l’organisation de la chaîne
du livre en profondeur.

Face à cela, diverses initiatives des acteurs du secteur ont été mise en place et
valorisées par le gouvernement.

C’est ainsi que les éditeurs français ont créé trois plateformes numériques :
Eden-Livre et Numilog uniquement ouvertes aux libraires et distributeurs, et Editis,

Il représente la profession auprès d'organismes nationaux, publics ou privés, qui participent à l'économie de
l'édition et auprès de la Fédération des éditeurs européens (FEE) et de l'Union internationale des éditeurs
(UIE), au sein desquelles il suit les travaux législatifs aux niveaux européen et international.
Source : www.sne.fr
18
Le livre numérique est un livre à part entière – par Enguérand Renault in Le Figaro littéraire le 22 novembre
2009
19 | P a g e

une plateforme ouverte. Afin de contrer les géant que sont Amazon ou encore Apple,
ces derniers essaient de se regrouper de façon à ce qu'il y ait au moins une
interopérabilité entre les plateformes et qu'il y ait une vitrine unique pour les libraires
et les lecteurs. La création d’un hub géant de ce type permettrait en effet au
détaillant d’accéder sans surcoût de recherche à l’ensemble de la production
disponible.

Quid des librairies ? Tel le maréchal-ferrant il y a quelques années de cela,


certains pronostiquent une disparition du métier de libraire dans les années à venir.
Sans être alarmiste, il est certain que l’évolution actuelle vers le numérique met à
mal la position des libraires. Même si le marché ne sera pas immédiatement 100%
numérique, il est important d’avoir une réflexion, dès aujourd’hui, sur les métiers de
la chaîne du livre qui vont souffrir du livre électronique, les libraires en première
position.
Certains, à l’image de Arnaud Noury, PDG d’Hachette Livre, affiche un grand
optimisme en proclamant dans une interview pour le Nouvel Observateur19 « Non,
[les librairies traditionnelles ne risquent pas de souffrir de cette nouvelle concurrence]
parce que les marchés ne sont pas les mêmes. C’est le marché qui s’agrandit. ».
Des solutions à court terme sont bien sûr envisagées par les maisons
d’éditions, qui ont tout intérêt à préserver leurs relations avec les libraires pour le
moment, comme la mise à disposition du catalogue numérique commun des trois
principales plateformes des éditeurs français, citées ci-dessus, pour vendre eux-
mêmes les livres sous forme numérique. Mais n’est-il pas un peu utopiste de penser
que les clients de librairies continueront à venir demander conseils à leurslibraires et
téléchargeront sur leurs readers les livres en librairie ?
Les libraires s’organisent en parallèle afin de préserver leur activité, si ce n’est
pas dans le réel, dans le virtuel. C’est ainsi que trente-cinq libraires ont accepté de
mettre entre 1,5 et 2 millions d’euros pour financer le développement d’une
plateforme de vente commune qui devrait voir le jour en septembre20. Chaque

19
Arnaud Noury : « le livre numérique prendra 15% du marché », Claude Soula in Bibliobs le site littéraire du
Nouvel Observateur le 27 mai 2010.
20
Livre numérique : éditeurs et libraires se battent pour tenter de sauver leur place, Jean-Baptiste Chastand in
LeMonde.fr le 10 février 2010.
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librairie, y compris les plus petites devraientt ainsi pouvoir connecter son site à cette
plateforme pour vendre des livres numériques sous sa propre marque. Une solution
pour contrer la puissance d’Amazon ou d’Apple et ainsi éviter la formation d’oligopole
comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis.
La situation se révèle donc particulièrement complexe pour les éditeurs qui
doivent comme le consacre l’expression populaire « ménager la chèvre et le chou ».
Ils ne peuvent d’un côté se mettre les libraires à dos mais doivent également penser
à plus long terme et affirmer leur présence sur le marché. Toutefois la position que
l’on retrouve le plus souvent aujourd’hui est celle de la coopération avec les libraires
puisque comme on le dit chez La Martinière « Nous ne sommes pas prêts à tuer les
libraires pour investir un marché numérique qui reste largement hypothétique »21.
Position à confirmer, ou non, dans les années à venir …

Les acteurs de l’édition ont donc fort à faire en ce moment et malgré l’existence
de freins réels à l’avancée des choses, nombreux sont ceux qui grincent des dents
face aux « réticences de l’édition »22 à se lancer dans l’aventure du numérique

Le marché de l’édition numérique s’avère donc bien plus complexe qu’il


ne peut y paraître de prime abord. Les intérêts financiers divergent et les
solutions sont parfois vues dans une perspective bien trop court-termiste pour
se révéler pérenne. D’autant plus qu’il faut faire avec une population parfois
curieuse et parfois conservatrice qui veut découvrir le numérique tout en
n’abandonnant pas ce qu’elle connait le mieux : le livre papier.
Mais ces multiples problématiques ne seraient pas complètes si l’on n’y
ajoutait pas l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs bien décidés à
changer la donne.

21
Livre numérique : éditeurs et libraires se battent pour tenter de sauver leur place, Jean-Baptiste Chastand in
LeMonde.fr le 10 février 2010.
22
Mais qui a encore peur du livre numérique ? Ibookrama.fr
21 | P a g e

B- Une accélération de la croissance du marché à prévoir


dans les prochains mois

Il ne se passe pas un jour sans que l’on lise ou entende une nouvelle relative à
l’édition électronique. Les annonces se succèdent, amenant avec elle rumeurs et
vagues d’enthousiasme ou de protestation. Ce dont on peut être certain c’est que
l’on n’est encore qu’au début d’un long processus de croissance qui va s’accélérer
dans les prochains mois et années. C’est ainsi qu’en juin, la société Barnes & Noble
a annoncé dans une conférence destinée aux investisseurs qu’elle convoitait la
possession d’un quart du marché américain numérique à l’horizon 2013…23

1/ Apple avec l’iPad et iBookStore n’est pas en reste

Ipad tablette tactile mais pas seulement …


De la même manière qu’il existe une stratégie Google, on connait tous la
« méthode Apple » : beaucoup de secrets, des rumeurs, des fans en transe, une
annonce mondiale par le gourou Steve Jobs. La recette a été appliquée à la lettre
pour la sortie de l’iPad dans le monde. Des rumeurs sur la tablette tactile couraient
depuis des mois, affolant le petit
univers des geeks et des moins geeks.
Toujours est-il que l’iPad a fini par
arrivé, le 28 ami dernier en France, et
à l’heure où « il se vend un iPad toutes
les trois secondes, Amazon et Kindle
ont du souci à se faire, estime le
gourou du marketing américain Seth
Godin. »24

23
Un quart du marché numérique pour Barnes & Noble en 2013, Clément S. in actualitte.fr le 30 juin 2010
24
Vers la liseuse de poche ? , Hubert Guillaud in La Feuille, blog du Monde.fr le 15 juin 2010
22 | P a g e

La tablette tactile propose diverses activités mais se positionne essentiellement


comme un diffuseur de contenu : presse, films et bien sûr livres. Comme on a pu le
remarquer dès le début de leur campagne de communication, Apple a largement
appuyé sur l’utilisation de l’iPad comme d’un support de livres électroniques. Bien
que ce ne soit pourtant pas un support dédié à la lecture, l’iPad propose en effet
l’accès à une bibliothèque virtuelle, l’iBook, similaire à ce qui existe pour la musique
avec iTunes. Cette application est visuellement plutôt réussie et fait le choix d’une
interface proche d’un livre classique pour ne pas déstabiliser les nouveaux lecteurs.
Elle ajoute cependant des fonctionnalités appréciables comme la possibilité
d’agrandir le texte, de changer la police de caractères, d’effectuer une recherche
dans le document ou encore d’accéder directement à une partie du livre via la table
des matières. Il ressort des verbatims25 croisés sur le net qu’il est globalement «
assez facile de se plonger dans un bouquin sur l’iPad ». Certains notent à ce sujet
que « Le fait d’être habitué à lire sur un écran d’ordinateur, et d’avoir une application
en plein écran sans distraction autour (Twitter/Mails/navigateur Internet ouverts…)
favorisent notre concentration sur le texte et l’on oublie rapidement le support. »,
tandis que d’autres se sont surpris « à lire plus de 200 pages d’une seule traite,
comme je le ferai naturellement avec un livre papier alors je finis difficilement un
ouvrage, aussi court soit-il, sur un autre reader électronique. »

L’iBookStore, ou quand Apple devient libraire


Par ailleurs, l’accès couplé entre l’iBookStore et sa
bibliothèque personnelle est tout à fait pertinent. On
peut, par ce biais là, se rendre compte qu’Apple a
voulu, comme il l’avait pour la musique, faciliter au
maximum le processus de
recherche/achat/téléchargement de livres pour que les
utilisateurs puissent profiter des ouvrages achetés sans
avoir à se préoccuper de DRM ou de logiciels à
installer. A noter que les utilisateurs pourront en outre
rajouter librement des fichiers ePub dépourvus de DRM
dans leur bibliothèque virtuelle.

25
L’iPad est-il fait pour la lecture ? de Florian Innocente in igeneration.fr le 3 juin 2010
23 | P a g e

En ce qui concerne l’offre de l’iBookStore français, ce dernier propose un


catalogue de livres numériques déjà important. On retrouve ainsi plusieurs grands
éditeurs français tels que Hachette (avec l’intégration u catalogue de la plateforme
Numilog), Eyrolles et Albin Michel ; Editis et Gallimard n’ayant pas encore fait le
choix de rejoindre la librairie d’Apple. Les premières peurs des éditeurs français de
se faire cannibaliser par la marque à la pomme ont vite laissé le pas à des impératifs
financiers et à la nécessité d’être présent sur ce support. Dans la mesure où l’on
peut présager que l’iPad va changer notre conception de la lecture et engager une
ère nouvelle, le produit ne provoquant pas un virage technologique mais apportant
de nouvelles possibilités, les grands éditeurs semblent avoir compris qu’il ne fallait
pas lutter mais plutôt savoir évoluer et s’adapter.

Apple semble donc prêt à devenir leader sur le marché du livre numérique
comme il l’est devenu sur le marché de la musique. Une ambition qui risque toutefois
d’être tempérée par l’arrivée de Google Edition et de sa puissance de frappe.

2/ L’arrivée de Google Edition fait trembler le marché

Que prépare la firme au double O ?


Il existe déjà Google Livres qui permet aujourd’hui de consulter certains
ouvrages et de les commander directement par ce biais là auprès d’un vendeur en
ligne. On connait surtout Google Livres - Google Books aux Etats-Unis - pour les
remous juridiques et les multiples procès que la numérisation des fonds a engendré.

Avec Google Edition qui devrait être lancé


très prochainement, la multinationale irait
plus loin en alimentant ce principe de
consultation en ligne avec quatre millions
de livres numériques dès son lancement.
Le nombre de livre téléchargeable augmente de façon exponentielle puisque l’on sait
que Google aurait déjà numérisé plus de dix millions d’ouvrages et continuerait ce
24 | P a g e

travail sans discontinuer. Comme le souligne Philippe Colombet26, en charge du


développement stratégique chez Google – Recherche de livre, « Média et canal de
diffusion, le web va littéralement mettre le livre en réseau ».

Le principe de Google Edition est à la fois simple et révolutionnaire : pouvoir


acheter des livres électroniques n’importe où et les lire depuis n’importe quel
appareil. Le système fonctionnera de la manière suivante27 : les titres sont indexés
dans le moteur de recherche de livres de Google qui permet de consulter 20% du
contenu gracieusement. Si l’internaute souhaite acquérir l’intégralité de l’ouvrage, un
bouton « acheter l’édition Google » permettra de déclencher l’achat. L’individu pourra
alors acheter le livre numérique directement chez Google, chez un libraire en ligne
partenaire ou auprès de l’éditeur. Google percevra 37% des revenus si l’achat se fait
en direct sur son site, et 55% si la vente est redirigée vers un partenaire. Le
règlement se fera via le système de paiement Check Out de Google.
Des zones d’ombres persistent toutefois quant au fonctionnement de Google
Edition notamment en ce qui concerne la part du gratuit dans celui-ci. On ne sait pas
encore si l’on pourra espérer lire gratuitement les ouvrages libres de droit numérisés
par Google… Bien que cela semble logique, Google se réserve tout de même
l’exclusivité commerciale des livres numérisés auprès des bibliothèques.
Google applique ainsi sa stratégie habituelle, « un contenu inégalable et un
format ouvert ».28

Des ambitions « universelles »


L’ambition première affichée par Google Edition est de rendre le livre
numérique accessible à tous, d’où une stratégie de totale ouverture : disponibilité des
ouvrages sur internet dans le format standard ePub29 sans DRM. Ainsi, plutôt que

26
Gutemberg 2.0, le futur du livre, Lorenzo Soccavo, préface de Paul Soriano, M21 Editions, 2008. Voir fiche de
lecture en annexe 4.
27
Google Edition, la librairie en ligne de Google ouvrira en 2010, in ZDNet.fr le 14 octobre 2009
28
Google Edition : naissance d’une librairie géante, David Caviglioli in NouvelObs.com – l’actualité littéraire
avec BibliObs le 05 mai 2010
29
Format ePub = EPUB (acronyme de « publication électronique », parfois noté ePub, EPub ou epub) est un
format ouvert standardisé pour les livres électroniques
Source : www.wikipedia.fr
25 | P a g e

d’utiliser un logiciel propriétaire, n’importe quel navigateur sera à même de lire les
ouvrages numériques achetés sur Google via un compte sécurisé. Les ebooks
disponibles étant ensuite stockés en cache pour être consultables hors connexion.
Une solution qui semble idéale pour le lecteur alors que se posent de multiples
questions de comptabilité des formats et d’avenir des tablettes de lecture : pourquoi
télécharger un fichier numérique en prenant le risque qu’il ne soit pas ou plus
compatible dans quelques temps avec votre liseuse alors que vous pouvez
simplement posséder votre bibliothèque virtuelle sur le web ? Mais une solution qui
est aussi idéale pour Google qui possède par ce biais là une bonne manière
d’empêcher des concurrents éventuels de vouloir fermer leur appareil à Google
Edition.

Mais Google Edition veut aller plus loin que ses concurrents et devenir une
sorte « d’entrepôt numérique clés en main »30 utilisable par les éditeurs comme par
les sites partenaires. Cela fait donc naître la possibilité de voir des ebooks vendus
par des libraires ou directement par des éditeurs avec au passage le versement
d’une commission à Google pour chaque transaction.
Le marché s’en trouverait donc profondément transformé puisque Google
Edition deviendrait alors un fournisseur alimentant des centaines voire des milliers de
distributeurs. Tandis que Google Livre se chargerait lui de la promotion des ebooks
numérisés.

Ainsi même à l’état d’annonce, Google Edition fait couler beaucoup d’encre et
réactive de nombreuses peurs aussi bien que des espoirs. Mais Google n’est pas le
seul acteur « non éditeur » à se lancer sur le marché puisque l’on retrouve
également son comparse Apple…

3/ De nouveaux acteurs sur le marché


Fait secondaire en termes de poids financier sur le marché mais néanmoins
notable, de nouveaux acteurs arrivent sur le marché avec des maisons d’édition
100% numériques.

30
Ebooks : la nouvelle ambition de Google, Florent Taillandier in actu-des-ebooks.fr le 9 juin 2010
26 | P a g e

On peut ainsi citer le pionner sur le marché : la maison d’édition « Robert Ne


Veut Pas Lire » qui se décrit comme suit sur son site internet31 : « Robert ne veut pas
lire est un éditeur, mais également une boutique en ligne. Vous achetez directement
chez le producteur. C'est de la littérature bio et écologique. Aucun transport et
aucune modification génétique, nous vous proposons un contact direct avec
l'écrivain». Ou encore Leezam32, éditeur québécois de livres pour mobiles ;
Numerik :)ivres33 dont la signature est « Souriez, vous lisez en numérique ».

Ces maisons d’éditions, et ce ne sont ici que des exemples de ce que l’on peut
croiser sur internet, sont toutes animées par le même but. Se faire une place sur le
marché émergent du numérique en proposant un contenu nouveau et en prenant
une posture différente de celle des maisons d’édition dites traditionnelles. En effet, il
est souvent reproché à celles-ci de privilégier certains auteurs ou connaissances
sans donner leur chance à de nouveaux écrivains. Avérées ou non ces allégations
pèsent sur le monde de l’édition, d’où l’apparition de maisons d’édition nouveau
genre avec une ouverture au grand public plus importante et une transparence
annoncée.
Sans faire trembler les éditeurs classiques, ces nouveaux acteurs du secteur
pourraient bien prendre de l’importance avec le temps. Notamment par leur
adaptabilité aux nouveaux supports et surtout aux nouveaux modes de lecture des
usagers. En effet, aujourd’hui avec le développement de terminaux mobiles et la
croissance de la possession de smartphone, la lecture devient mobile. Et s’il y a 5
ans, on n’imaginait pas lire un roman, une nouvelle ou même une bande-dessinée
sur son téléphone, c’est aujourd’hui chose admise, voire commune. Or ces maisons
d’édition 100% numérique ont bien compris cet état de fait et ont très tôt proposé des
contenus adaptés à ce type de lecture. Un avance prise sur les « éditeurs de la place
de Paris » comme on les appelle, qui pourrait s’avérer payante sur le long terme.

31
http://www.robertneveutpaslire.com/
32
http://www.leezam.com
33
http://www.numeriklivres.com
27 | P a g e

Comme on a pu le voir au travers de cette analyse détaillée du marché du


livre numérique, de ses différents acteurs et des comportements et attentes
des consommateurs, l’édition numérique n’en est qu’à ses débuts. On peut
aisément imaginer que sa croissance va petit à petit s’accélérer et que cela ne
se fera pas sans heurt.
Mais mutation d’un marché implique surtout mutation des modes de
consommation et donc de l’offre proposée ainsi que des moyens de
communiquer dessus. Qu’implique l’édition numérique en termes de marketing
de l’offre ? Comment les différents acteurs du secteur communiquent-ils
envers le grand public ?
Autant de questions que nous tenterons de résoudre dans les pages à
venir …
28 | P a g e

A- Des stratégies de communication différenciées selon les


acteurs du marché
B- Une offre marketing fortement impactée
29 | P a g e

Face aux multiples évolutions sus-évoquées il n’est pas facile pour les maisons
d’édition de s’adapter. Ces dernières années, et plus encore ces derniers mois,
représentent pour le secteur un véritable séisme. Or, en plus de l’adaptation
stratégique et opérationnelle nécessaire, la mise en place d’une stratégie de
développement, communication et marketing, s’avère incontournable.
Nous allons voir dans un premier temps combien les stratégies de
communication mises en places divergent selon les acteurs (A), tandis que l’offre
marketing se révèle fortement impactée par l’arrivée du numérique sur le marché (B)

A- Des stratégies de communication différenciées


selon les acteurs du marché

1/ Une implication et une communication « institutionnelle »


frileuse
Il est compliqué pour les institutions - gouvernement, administrations,
établissements publics…- de prendre position face à la lecture numérique. Celles-ci
ne peuvent se lancer complètement dans le numérique, faute de moyens certes mais
dans un but de préservation des intérêts de chacun également. Toutefois, le pouvoir
public se doit d’accompagner ce changement et d’être présent pour les différents
acteurs du secteur.
D’un point de vue légal, on a précédemment vu que la bataille se ferait sur un
plan européen et se révèlerait plutôt ardue. D’un point de vue plus « matériel » en
revanche, l’action est à mener sur le terrain, en parallèle d’actions pour la promotion
de la lecture.

Les 14 propositions de Frédéric Mitterand pour la promotion de la lecture


en France
Le 30 mars dernier, Frédéric Mitterrand, le Ministre de la culture et de la
communication, a présenté quatorze propositions pour le développement de la
30 | P a g e

lecture34. Celles-ci ont été établies au vu de l’évolution de la société, aussi bien dans
sa dimension socio-économique que relativement au profond changement des
pratiques culturelles dû à la révolution numérique. En résumé, ces propositions
s’articulent autour de trois axes :
- Développer à partir des grands établissements nationaux (Bibliothèque publique
d’information, Bibliothèque nationale de France) et des manifestations nationales
(une nouvelle fête du livre fondée sur un principe participatif) une action volontariste
qui vise à l’exemplarité,
- Accompagner les acteurs territoriaux pour répondre à ces nouveaux défis,
- Encourager le travail de fond des associations qui œuvrent en direction des jeunes,
des populations en situation d’exclusion sociale, sur les territoires ruraux mais aussi
en faveur des populations d’origine étrangère, des populations « empêchées »
(prison, hôpital…) et des personnes handicapées.

Bien que Frédéric Mitterand s’accorde à penser que le développement du


numérique va peut être permettre à la jeune génération de maintenir un lien avec la
lecture, seules deux des quatorze propositions portent sur le numérique. Le manque
d’implication du gouvernement à cette occasion en faveur du numérique a suscité de
nombreuses réactions de déception et d’incompréhension. Comme le souligne
Hubert Guillaud dans son blog « La Feuille, « Le contrat numérique et le schéma
numérique qui y sont évoqués ne parlent (comme tous les contrats numériques
depuis 20 ans) que d’équipements (on va mettre des postes informatiques
supplémentaires) et que de numérisation patrimoniale. Rien sur la médiation
numérique : c’est-à-dire rien en terme de service pour les usages d’aujourd’hui. »35.

De timides percés lors d’évènements culturels


Plusieurs événements nationaux ou municipaux, sont organisés chaque année
par les acteurs du secteur public. On citera par exemple « A vous de lire ! »
anciennement « Lire en fête » ou encore « Paris en toute lettre ». Chacune de ces
manifestations sont autant d’occasions de promouvoir la lecture en général et le

34
www.culture.gouv.fr
35
Les propositions de Fréderic Mitterand pour la lecture, bof ! Hubert Guillaud in La Feuille, blog Le Monde.fr
le 01 avril 2010.
31 | P a g e

numérique en particulier. Pourtant, si la lecture est mise à l’honneur, le numérique lui


fait partie des grands absents. Alors que le dialogue noué avec le grand public à ce
moment là serait une excellente occasion d’expliquer de façon pédagogue ce qu’est
le numérique, ses enjeux, ses avantages … Mais également de rassurer l’ensemble
des participants sur les peurs qui circulent autour du numérique afin de lever de
nombreux freins.
A titre d’exemple, lors de la manifestation « Paris en toute lettre » qui s’est
tenue en juin dernier, une des seules incursions dans le numérique a été de
demander aux auteurs participants « Quelle définition donner au livre de demain ? »,
les réponses étant ensuite publiées conjointement sur le site de l’événement et sur
Bibliobs.com.
Ainsi la promotion de la lecture a la part belle dans différentes manifestations
publiques, il semble alors dommage que le numérique ne prenne pas davantage
d’importance à ces occasions là.

Le Labo BnF, nouveau lieu expérimental à Paris


Le Labo BnF a ouvert ses portes le 2 juin 2010 dans le hall Est de la
Bibliothèque Nationale François-Mitterrand36. Cet espace permanent est le premier
laboratoire expérimental public des usages des
nouvelles technologies de lecture, d’écriture et
de diffusion de la connaissance. En s’appuyant
sur les collections de la Bibliothèque, le Labo
permet au grand public d’expérimenter les
nouveaux dispositifs d’accès, de partage et de
contribution au savoir. Le président de la BnF,
Bruno Racine, explique sur le site web de la
bibliothèque qu’il a : « voulu offrir au public un
espace d’expérience en plein cœur de la
Bibliothèque pour montrer qu’il ne fallait pas
appréhender l’avenir mais l’apprivoiser. Je
souhaite que ce lieu soit un banc d’essai

36
http://labo.bnf.fr/html/projet.htm
32 | P a g e

privilégié pour les nouvelles formes d’accès à la connaissance qui émergent sous
nos yeux ».
Toujours selon le site du Labo BnF, cet espace propose au visiteur d’explorer
les possibilités de création, de consultation et de transmission de la connaissance
offertes par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il a
pour vocation de « sensibiliser et d’initier le public aux nouveaux usages et aux
supports numériques symbolisant les ressources extraordinaires que les
bibliothèques vont pouvoir proposer : mur de sélection, sciences cognitives, réseau
très haut débit, supports mobiles, interactifs et communicants. »
Le lieu ne sera pas statique puisqu’en temps qu’espace de prospective et de
réflexion, il va également accueillir des conférences et des ateliers, ce qui
contribuera à faire de cet espace d’expérimentation et de dialogue un véritable
laboratoire. Le Labo est également présent sur le net par le biais de son site, mais
également d’un blog et d’un fil Twitter qui permettront de suivre son actualité.

Ainsi, ce type de lieu est une première réponse face aux défis que la révolution
numérique et la dématérialisation des supports lancent aux pratiques d’écriture et de
lecture. De par sa fréquentation, notamment étudiante, la BnF est un bon endroit
pour implanter un tel espace, à condition, bien sûr, que celui-ci soit animé et
perpétuellement renouvelé.

Ces différents points démontrent bien la situation de tiraillement dans laquelle


se trouvent, à mon sens, les pouvoirs publics français face à la montée en puissance
de l’édition numérique. Tiraillement entre une nécessaire conservation des acteurs
en place et une difficulté administrative à suivre rapidement l’évolution du marché
d’une part ; et obligation d’accompagnement au changement aussi bien sur un plan
financier, qu’organisationnel et mental.

2/ Quand les distributeurs prennent la parole


Une nouvelle voix se fait entendre au cœur des prises de paroles sur l’édition
numérique et elle provient d’acteurs dont on n’aurait soupçonné de prime abord la
33 | P a g e

prise de parole. En effet, les distributeurs viennent sur le devant de la scène et


mettent en place différentes stratégies de communication pour attirer le
consommateur.

La Fnac, la démocratisation du numérique


L’enseigne, qui passait depuis le lancement de sa librairie numérique par la
plateforme d’Hachette, Numilog, possède désormais sa propre librairie virtuelle37 qui
propose de manière unifiée à ses clients l’accès à l’ensemble des catalogues des
plateformes françaises existantes : Eden Livres (Gallimard-La Martinière-
Flammarion), E-Plateforme (Editis), Numilog, ainsi qu’Immatériel. A noter que la Fnac
propose également une offre de livres numériques à petits prix.
L’enseigne dit réserver son plan de communication pour la rentrée mais l’on
peut déjà voir sur son site différentes prises de paroles concernant le livre
numérique, comme cette page nommée « Le numérique, c’est quoi ? », consacrée à
présenter l’offre Fnac :

37
La librairie de la Fnac refondue, in Livre Hebdo le 09 juillet 2010
34 | P a g e

On y retrouve une mise en avant de tous les avantages « classiques » de la


lecture numérique : praticité, poids, confort de lecture tout en mettant en avant des
petits prix « à partir de 1,99€ », ainsi que des témoignages de personnes conquises
par les livres électroniques. Une stratégie intelligente pour le distributeur qui a fait le
choix de ne pas attendre plus longtemps et de communiquer sur le numérique.

Sony et le Cercle Reader, une « plateforme collaborative » dédiée à la


lecture numérique
Sony ne s’est pas contenté de lancer un reader puisque a été mis en ligne, fin
mai 2010, le Cercle Reader38. Accessible à partir du site Internet de Sony France et
du logiciel Reader Library, Le Cercle Reader est une plateforme collaborative dédiée
à la lecture numérique. Cette plateforme créée par Sony a pour vocation de réunir
les passionnés de lecture, autour d’un portail renvoyant sur les sites des distributeurs
et d’un blog. Ce dernier se veut, selon le communiqué de presse diffusé pour le
lancement, « être un lieu d’échanges, où l’on vient piocher de nouvelles idées de
lecture, partager ses points de vue avec d’autres lecteurs passionnés mais
également des auteurs, critiques littéraires… »

Le blog du Cercle Reader est animé par quatre bloggeurs influents de la


blogosphère littéraire : Romans et Lectures39, La lettrine40, In Cold Blog41 et
Bookomaton42. Ces derniers, amateurs de littérature, rédigent ainsi, à tour de rôle,
des billets sur des thèmes littéraires et livrent leurs impressions à travers des
chroniques dédiées aux livres qu’ils ont particulièrement aimés. Ainsi les dernières
thématiques mises en avant ont été « Les best-sellers adaptés au cinéma », « La
littérature russe »… Les internautes peuvent également participer en laissant des
commentaires sur les billets publiés.

38
http://ebooks.sony.fr/blog/
39
www.romansetlectures.canalblog.com
40
www.lalettrine.com
41
www.incoldblog.fr
42
www.bookomaton.wordpress.com
35 | P a g e

A cela s’ajoute une rubrique nommée « Le kiosque » qui présente, en


collaboration avec les éditeurs les meilleures ventes du mois, les nouveautés, des
sélections à thème …

Ainsi même si Sony ne propose pas ici un contenu révolutionnaire il présente


tout de même un outil agréable pour récupérer du contenu pour alimenter sa liseuse.
Toutefois, l’ambition de la société japonaise de devenir une « plateforme
collaborative » et ainsi de créer une communauté autour de sa gamme de reader
semble très, voire trop, ambitieuse. Pour l’heure, l’absence de communication
autour de la plateforme l’empêche clairement de décoller. On le voit d’ailleurs au
nombre de commentaires sur chaque billet, qui dépasse rarement les deux ou trois
réactions. On note donc qu’il est difficile pour un fabriquant de terminaux de prendre
ainsi la parole, notamment parce qu’il n’est pas reconnu légitime dans ce rôle là pour
les consommateurs.

Amazon, Book Clubs et Kindle Community


Amazon, le pure-player tout puissant sur le web en matière d’e-commerce a
lancé sur sa plateforme en anglais un espace Kindle Community ainsi qu’un Book
Clubs. Cette dernière rubrique a pour but de trouver les meilleures nouveautés et
autres romans favoris des membres du club, de partager ses coups de cœur et d’en
discuter. A l’image de la phrase de Seth Godin « Faisons du reader un rasoir, à la
manière de Gillette : offrons un appareil de lecture pour dix ouvrages électroniques
achetés ! »43, l’Amazon Book Club permet notamment de recevoir chaque mois un
livre numérique sur son Kindle44.
En ce qui concerne l’espace Kindle Community, cela s’apparente à un
immense forum dans lequel on peut poser des questions ou répondre à certaines
d’entre elles autour du Kindle et de son fonctionnement.

43
Vers la liseuse de poche ? , Hubert Guillaud in La Feuille, blog du Monde.fr le 15 juin 2010
44
Kindle : terminal de lecture numérique distribué exclusivement par Amazon.
36 | P a g e

Des initiatives qui semblent encore un peu brouillonnes mais qui démontrent
la volonté des distributeurs/constructeurs à s’impliquer dans la promotion de la
lecture numérique.

3/ Mais que font les éditeurs ?


Ainsi les pouvoirs publics aussi bien que les distributeurs semblent avoir pris
conscience, au moins en partie, de l’importance de s’impliquer dans les récentes
évolutions du monde de l’édition. Mais qu’en est-il alors de l’acteur le plus important
du secteur : les maisons d’édition ?
Les éditeurs ne réagissent pas de la même façon face à l’évolution du
numérique en France. Comme nous allons le voir, leur façon d’adapter leur stratégie
de communication dépend surtout de la taille de leur structure.

Un positionnement nécessaire de leader pour les groupes les plus


importants.
En temps que leader du marché les maisons d’édition emblématiques du type
de Hachette, ont la nécessité d’asseoir leur position en proposant des actions en
faveur du numérique. Ils ne peuvent stratégiquement prendre le risque de laisser
passer le « wagon du numérique » et de se retrouver par la suite en tant que suiveur.
C’est d’ailleurs pour cela que ceux-ci ont lancé des plateformes spécifiques pour la
gestion de leurs collections numériques telles qu’Eden Livres, Numilog ou Editis.
C’est ainsi que pour ce dernier, dès 2007, une stratégie offensive a été mise
en place pour aborder les mutations du secteur. Le groupe Editis s’est alors
réorganisé en vue d’adapter toute la chaîne éditoriale aux besoins spécifiques liés à
l’édition et la diffusion numérique. Cette structuration visait à harmoniser les
stratégies des maisons d’édition possédées par le groupe et reposait sur trois axes45
que sont : la définition de nouveaux modèles économiques, la réflexion des maisons
d’édition sur les enjeux et les potentialités du numérique et l’utilisation d’Internet
comme outil marketing. Si l’on s’attarde sur ce dernier point, on peut remarquer
qu’en trois ans, les choses n’ont pas beaucoup avancé puisque les outils digitaux –
web et mobiles essentiellement – ne sont pas encore utilisés à leur maximum par les
groupes éditoriaux. Le manque d’initiatives originales et marquantes en matière de

45
Editis se réorganise pour affronter l’ère numérique, in Livres Hebdo.fr, le 06 juin 2007
37 | P a g e

communication sur les livres numériques reste malheureusement à déplorer de


manière générale.
Ainsi de réels efforts sont faits en matière de mise en place opérationnelle des
stratégies concernant l’édition numérique. C’est ainsi que Eden Reader et Numilog
possèdent leurs application iPhone de vente et de lecture de livres numériques. D’un
point de vue opérationnel et financier, il était important pour ces marques d’être
présente sur le mobile. Toutefois, les configurations ne sont pas encore optimales
puisque sur l’application Numilog, par exemple, seuls les achats réalisés sur
l’application pourront être lu sur celle-ci, le transfert des ebooks achetés sur la
plateforme web n’étant pas accessible …
On notera tout de même que ces efforts ne sont pour l’heure pas ou peu
retranscrits dans les stratégies de communication des groupes éditoriaux, ce qui
risque de devenir à terme dommageable pour eux. Il serait en effet de leur
« mission » d’endosser le rôle de pédagogue face au grand public, en s’appuyant
potentiellement sur les partenaires du secteur.

Une certaine frilosité des groupes de taille moyenne face aux


problématiques de l’édition numérique
.Comme le note Vincent Piccolo, responsable du Développement du Groupe
La Martinière46, que j’ai eu la chance de rencontrer, les groupes d’édition de taille
moyenne sont conscients des changements en cours, d’où la création de son poste
au sein de La Martinière il y a trois ans. Son rôle au sein du groupe est alors
« d’accompagner les éditeurs qui composent le groupe vers le numérique. Mon but
est d’en convaincre certains de notre démarche afin qu’ils évangélisent ensuite leurs
pairs. » Le problème reste celui évoqué précédemment de l’obligation de ménager
les intérêts du plus grand nombre. Ce que Vincent Piccolo souligne dans son
discours « Il n’est pas facile pour un groupe d’édition comme nous de prendre partie
de façon tranché. En effet, nous devons ménager nos intérêts de toute part. D’un
côté nous devons promouvoir le livre numérique mais d’un autre nous ne pouvons
tourner le dos aux libraires. C’est une position d’équilibriste assez complexe. » D’où
le choix de rester des « suiveurs » en matière d’édition numérique ; ne possédant

46
Cf Annexe 7 - Entretien avec Vincent Piccolo, responsable du Développement Numérique, Groupe La
Martinière.
38 | P a g e

pas le capital pour être des leaders (comme les gros groupes d’édition) , ni la
flexibilité des petites structures pour lancer des tendances et faire des
expérimentations, il s’agit de la solution idéale pour ce type de structure
En ce qui concerne leurs actions de communication sur le sujet, cela passe
essentiellement par des relations publiques d’autant plus que beaucoup de
journalistes les sollicitent sur le sujet, ce sont de « bons canaux de communication »
selon Vincent Piccolo.

Une flexibilité opportune pour les petites maisons d’édition


Il est évident que de par leur organisation même les petites structures s’adaptent
plus facilement à l’édition numérique. Ce sont, de manière générale, les structures
de tailles réduites – type start-up – qui se posent en temps que précurseurs sur les
marchés, quels qu’ils soient. Leur dynamisme et leur capacité à réagir de manière
extrêmement rapide les pousse à prendre davantage de risques et à innover. C’est
ainsi que l’on a vu une maison d’édition comme Au Diable Vauvert lancer en janvier
dernier une des premières applications smartphone littéraire".
Cette application gratuite comporte différentes rubriques dont une section
catalogue en coverflow47 pour retrouver l'ensemble des parutions de la maison
d'édition, une rubrique actu (signatures, sorties librairies ou rencontres…), ainsi
qu'une section multimédia avec des interviews d'auteurs, des bandes d'annonces ...

47
Cover Flow = interface utilisateur tridimensionnelle servant à naviguer dans une bibliothèque (de musique,
d'image, etc. ), via des représentations graphiques signifiantes (pochettes d'albums, images réduites, etc.).
Le terme de Cover Flow est la propriété d'Apple.
39 | P a g e

Toutefois, le plus intéressant réside dans une rubrique "Livre" qui propose la
lecture en streaming (et donc non téléchargeable) d'ouvrages numériques, et ce de
façon totalement gratuite. L'objectif de la maison d'édition est de promouvoir ainsi
ses collections en laissant un libre accès à certains titres.
L'idée de "sérialiser" certains ouvrages, c'est à dire de morceler la mise en ligne sur
l'application sur plusieurs semaines, est également à l'étude.
Enfin, les bonus de l'application sont l'achat direct en ligne, ainsi qu'une solution de
géolocalisation des librairies partenaires les plus proches. L’application se révèle
donc être très complète et répond parfaitement aux attentes qu’un utilisateur peut
avoir en téléchargeant ce type de contenu.
Dans la même veine, les éditions Au Diable Vauvert ont proposés le
téléchargement gratuit et en avant-première d’un de leur ouvrage phare dans sa
version numérique « JPod » de Douglas Coupland.

On note donc une réelle implication dans le numérique de la part de cette


maison d’édition qui a fait le choix de s’inscrire dans une dynamique de précurseur.
Cette stratégie s’avère payante puisque, non seulement les lecteurs apprécient ces
initiatives mais la presse relaie l’information permettant ainsi à la maison d’édition de
bénéficier d’une exposition médiatique et donc d’une notoriété accrue.

Ainsi, comme on peut le voir, la taille des structures influence profondément


les stratégies de communication. Que l’on parle de groupe d’édition ou de petits
éditeurs indépendants on ne peut s’attendre à un même niveau d’implication en
matière de stratégie de communication.
40 | P a g e

On a donc vu qu’il était complexe pour les différents acteurs du secteur


de mettre en place des stratégies de communication dédiées à l’édition
numérique. La préservation d’intérêts multiples, la méconnaissance voire la
peur du numérique et du digital, la lourdeur de certaines structures sont autant
de freins au développement de stratégies innovantes.
En ce qui concerne l’offre marketing en revanche, on note de
nombreuses innovations intéressantes. Souvent proposé par de petites
structures, le livre revêt de nouvelles formes et fait muter son contenu et ses
formats pour s’adapter au numérique ainsi qu’aux nouveaux modes de
consommation de la lecture.

B- Une offre marketing fortement impactée


Les évolutions technologiques et les changements dans les modes de
consommations – mobilité, rapidité, instantanéité - de cette dernière décennie ont
fortement influé sur le secteur de l’édition jusqu’à voir apparaître les prémices de
l’édition dématérialisée ou numérique. Or cette apparition a elle-même eu des
impacts sur la façon de créer ou de proposer au public du contenu ; elle a donc
influencé l’arrivée sur le marché de nouvelles offres marketing en matière littéraire.

1/ L’apparition de nouveaux formats


Le passage du papier au numérique, sans exiger une adaptation des formats
de lecture, ouvre tout de même cette potentialité. Avec l’évolution de l’édition, le
champ des possibles explose laissant découvrir de nouvelles façons de
« consommer » les livres.

Vers un livre numérique animé ?


On retrouve souvent d’un côté les détracteurs de la vidéo et de l’autre ceux de
l’écrit, chacun affirmant ses propres valeurs et bien souvent sa prétendue supériorité.
Le numérique pourrait bien mettre tout le monde d’accord avec un nouveau mix
vidéo/écriture.
41 | P a g e

Premier élément en ce sens : l’explosion des bandes d’annonces littéraires.


Sans être obligatoirement liées à un livre électronique, ces bandes d’annonces ont
profité de la migration de livres du papier à l’écran pour réellement émerger. En effet
depuis quelques temps, certaines maisons d'édition se mettent à produire des
courtes vidéos de promotion mettant en scène les personnages de leurs ouvrages à
la manière d'une bande d'annonce de cinéma. L'idée, plutôt plaisante, est surtout
très utile pour faire de la promotion d'ouvrages sur internet. Evidemment les plus
fervents défenseurs de la lecture y voient un appauvrissement de l’imaginaire et une
perte de liberté des lecteurs. Toutefois, cela semble être un bon outil pour toucher
ceux qui justement ne sont pas de grands lecteurs et pourraient être attiré par une
mise en situation de l’intrigue et des personnages.

Deuxième preuve du rapprochement de la lecture et de la vidéo : l’arrivée sur le


marché de nombreuses applications proposant des contenus pour enfants à mi-
chemin entre le livre et le dessin animé.
La première application à faire parler d’elle en ce sens a été celle d’Alice au
Pays des Merveilles pour iPad conçu par le Studio Atomic Antelope. Le livre
électronique passe ici au niveau supérieur avec un contenu interactif, des
personnages animés, ainsi qu’une interaction avec l'accéléromètre permettant de
faire tomber les objets sur l'écran ... Le roman contient ainsi cinquante-deux pages
dont vingt sont entièrement animées. Le travail graphique ainsi que la parfaite
coordination entre l’intrigue et les animations en font une très belle réalisation.
42 | P a g e

Dans la même idée, il est intéressant de regarder de plus près le travail de


« So Ouat »48, une jeune entreprise française ayant développé une application
iPhone/iPad proposant une version numérique animée des « Trois petits cochons ».
Celle-ci est totalement interactive et permet de lire ou d'écouter l'histoire en français
et en anglais, de bénéficier d'explications de lecture ou de définition pour certains
mots.
Les détracteurs de ce type de nouveaux livres sont légions et reprochent au
numérique de vouloir « américaniser » la lecture en l’entourant de gadgets, de
musiques et d’effets spéciaux49. Aux yeux des défenseurs du numérique, ou tout du
moins de ce type d’ouvrage, il ne s’agit seulement que de la retranscription
numérique des livres papiers animés de notre enfance. Avec ces nouveaux
contenus, l’enfant est amené à interagir avec son livre et ainsi à s’en approprier le
contenu, ce qui doit rester un objectif premier de l’édition. De telles applications ludo-
pédagogiques démontrent l’utilité et les bénéfices que peuvent impliquer les livres
numériques pour les consommateurs. Elles démontrent également que certains
nouveaux acteurs du secteur de l’édition ont vu dans ces nouveaux formats
l’occasion de se faire une place sur le marché.

Le livre sur mobile : nouvelles et feuilletons reviennent sur le devant de la


scène
L’avènement des Smartphones a beaucoup joué dans la démocratisation de la
lecture numérique ; cela en est, à mon sens, un réel moteur. En effet, avant d’investir
dans l’achat d’une liseuse ou d’une tablette tactile, le Smartphone50 reste le support
potentiel de lecture le plus accessible.
A titre d’exemple, le marché des livres électroniques pour téléphones portables
au Japon – marché précurseur - a atteint 57,4 milliards de yens (522 millions d'euros)
sur la période d'avril 2009 à mars 2010, contre 46,4 milliards de yens un an

48
www.so-ouat.com/fr
49
Cf Annexe 8 - Recueil de commentaires trouvés sur le web en rapport avec les livres animés.
50
Un smartphone est un téléphone mobile disposant aussi des fonctions d'un assistant numérique personnel. Il
peut aussi fournir les fonctionnalités d'agenda, de calendrier, de navigation Web, de consultation de courrier
électronique, de messagerie instantanée, de GPS, etc.
43 | P a g e

auparavant et 35,5 milliards de yens deux années plus tôt. Là-bas, les romans
papiers en tête des ventes sont ceux ayant connus le succès avec une première
édition sur mobile.51

De nombreuses maisons d’édition ont donc investi le mobile avec une réelle
réflexion autour des contenus de manière à ce que ceux-ci soient adaptés à leur
« mode de consommation ». Bien que l’on puisse lire n’importe quel roman sur un
téléphone portable, il n’en reste pas moins qu’en terme d’optimisation certaines
contraintes doivent être prises en compte. La mobilité implique en effet une narration
relativement courte et rythmée ainsi qu’une intrigue et un style plus simple et direct.
C’est ainsi que l’on a assisté au retour du roman feuilleton. Cette forme littéraire
est définie par Wikipedia comme étant à l’origine « un roman populaire dont la
publication est faite par épisodes dans un journal. C’est une catégorie de roman qui
se définit donc par sa forme et non par son fond ». Les premiers romans de ce type
ont émergé au début du 19ème siècle avec l’apparition des premiers quotidiens et de
la nécessité de fidéliser les lecteurs pour pouvoir attirer des annonceurs. Bien que
souvent décrié, ce type de roman a permis l’émergence de nombreux auteurs
devenus célèbres par la suite, tels que Charles Dickens, Balzac ou beaucoup plus
récemment Helen Fielding et son Journal de Bridget Jones initialement paru dans
The Daily Telegraph.
A titre d’exemple on peut parler de la société SmartNovel qui, en partenariat
avec SFR et Veolia, a lancé une proposition originale. Par le biais de leur application
iPhone, les utilisateurs peuvent télécharger un roman-feuilleton avec un rythme
quotidien de parution. L’offre de lancement permettait de télécharger gratuitement les
six premiers épisodes puis de payer 2,90 euros par épisode ou 4,90 euros pour un
abonnement jusqu’à la fin des parutions.
L’offre a bénéficié de l’appui d’écrivains célèbres qui ont donné de la légitimité à
la qualité littéraire de ce type d’écrit. On peut ainsi retrouver dans le catalogue de
l'éditeur un ouvrage de Didier van Cauwelaert, un de Pierre Bottero, ou encore un de
James Patterson.

51
Japon, les livres sur téléphones mobiles s’envolent, source AFP in tekiano.com, le 09 juillet 2010
44 | P a g e

La lecture d’ouvrages numériques sur mobile semble dont avoir de beaux


jours devant elle d’autant plus que le nombre d’appareils permettant cela, va aller
croissant dans les années à venir.

Ainsi le numérique a permis l’apparition de nouveaux formats de lecture, aussi


bien expérientielles que mobiles pour s’adapter aux attentes des consommateurs. Il
s’agit alors pour les éditeurs d’utiliser au maximum les multiples possibilités du
numérique pour optimiser leurs offres et attirer de nouveaux lecteurs.

2/ L’apparition de nouveaux contenus


Au-delà de nouveaux formats, le numérique impacte sur l’écriture même des
ouvrages et sur leur contenu. De l’innovation technologique découle bien souvent
des innovations marketing. C’est ainsi que de nouveaux types de contenu
apparaissent progressivement.

L’écriture participative
L’ouverture à la participation est au cœur de nombreuses stratégies de
communication. En effet, le web 2.0 est résolument participatif ; stratégie au combien
pertinente dans la mesure où en permettant aux différents utilisateurs de s’impliquer
pour un projet, une marque ou autour d’un produit, on en fait le premier
ambassadeur.

Il en va de même pour l’édition numérique où différentes initiatives faisant la


part belle à l’écriture participative ont vu le jour. La dernière en date est l’opération
menée par France Loisir en collaboration avec Anna Gavalda. L'ancestrale société
de vente de livre par correspondance innove et propose aux fans de sa page
Facebook d'écrire un roman participatif sur une base écrit par Anna Gavalda par le
biais d'une application dédiée.
45 | P a g e

Le principe est assez simple


puisqu'il suffit de télécharger
l'application, accessible sur la
Fan Page de France Loisir52,
pour accéder à une interface
d'écriture et de lecture. On peut
y voir sur la partie de gauche le
récit au point de son avancement
; tandis que l’on retrouve sur la
droite les propositions pour la suite du roman. Chaque personne peut alors voter
pour une suite qu'il apprécie ou proposer lui-même un texte. Au bout de quelques
heures, la personne ayant récolté le plus de votes voit son texte ajouté au roman et
ainsi de suite ... L'écriture du livre se déroule donc comme un immense cadavre
exquis, déroulant au fil du temps des intrigues sorties de la tête de dizaine
d'internautes. Le principe est intéressant, davantage d’un point de vue marketing
que littéraire à mes yeux, et il semble que l’opération ait été un succès. En effet, pour
reprendre les chiffres donnés sur la page fan de France Loisir, l’application a été
téléchargée par 3313 utilisateurs, elle a généré 752 contributions dont 84 ont été
retenues pour poursuivre le récit. A cette occasion, 1430 commentaires ont été
laissés sur les contributions et 4133 votes ont été émis.
Ainsi le principe de participation, faisant appel à l’envie présente en chacun de
nous d’écrire un livre, conjugué à la présence d’Anna Gavalda semble avoir été les
clés du succès de cette opération.

Dans la même veine, on retrouve Le chemin qui menait vers vous de William
Réjault. Ce dernier est un ebook dont l'écriture reprend l'expérience du roman
feuilleton avec une parution périodique. La réelle originalité de l’ouvrage numérique
réside dans l'interaction proposée avec le lecteur, puisque celui-ci a le pouvoir
d'influer sur le déroulé de l'histoire par le biais de son téléphone.
Le principe est le suivant : après avoir téléchargé gratuitement l’application sur
son iPhone ou son iPod Touch, l’utilisateur reçoit chaque semaine un pack de deux
nouveaux chapitres du roman. Les trois premiers chapitres ont ainsi été distribués

52
http://www.facebook.com/franceloisirs
46 | P a g e

gratuitement et commentés au sein même de l’application, via des échanges sur


Facebook et Twitter ainsi que sur un site dédié53. Dès le quatrième chapitre et dans
l’ensemble des chapitres suivants, diffusés chaque semaine, l’auteur a pris en
compte les questions, avis et échanges avec les lecteurs pour poursuivre le
déroulement de l’histoire.
Un croisement entre écriture morcelée et ouverture à la participation qui ont fait
de cet « objet numérique » un pur produit du web 2.0.

Vers un livre 2.0 ?


Comme le souligne Lorenzo Soccavo dans son ouvrage « Gutemberg 2.0 »54,
c’est « en dépassant cet horizon [horizon du simple objet de consommation
courante] et en apportant davantage que du contenu statique, que l’objet livre
s’ouvre et ouvre aux lecteurs (et aux maisons d’édition) de nouvelles perspectives ».
En effet, avec un confort de lecture similaire, le livre numérique dépasse la condition
d’objet clos et définitif pour devenir un objet de tous les possibles, un objet ouvert.
Le numérique va permettre notamment la participation du lecteur afin de
commenter et enrichir le texte, de communiquer avec les autres lecteurs ou avec
l’auteur, d’obtenir plus d’informations sur ce dernier. On parlera alors de « lecture
enrichie ».

C’est ainsi que fortes des multiples possibilités qu'offre le numérique, de


nombreuses nouvelles maisons d'édition décident de produire des ouvrages enrichis
de contenus multimédias.
C'est le cas par exemple de StoryLab55, un label créé par des
professionnels de l'édition, des médias, des technologies numériques
et des contenus pour mobiles.
Le principe de ce label est simple puisqu'il s'agit de produire des
œuvres littéraires augmentées. Comme le précise Nicolas Francannet, un de ses
fondateurs : "Les histoires que nous publions sont avant tout des œuvres littéraires.

53
http://www.lecheminquimenaitversvous.fr/
54
Gutemberg 2.0, le futur du livre, Lorenzo Soccavo, préface de Paul Soriano, M21 Editions, 2008. Voir fiche de
lecture en annexe 4.
55
http://www.storylab.fr/
47 | P a g e

Mais nous allons plus loin en proposant une nouvelle expérience de divertissement
culturel, à la frontière du cinéma, des séries télévisées et de la littérature."56 C'est
ainsi que les histoires proposées sont enrichies de vidéos, de sons et d'autres bonus
multimédias et interactifs afin de "proposer une nouvelle expérience de
divertissement culturel, à la frontière du cinéma, des séries télévisées et de la
littérature".
L'interactivité est également de mise puisque StoryLab propose aux lecteurs, au sein
de chaque application, de communiquer avec les auteurs et de partager des bonus
multimédias et interactifs (interview filmée, audiobook lu par l’auteur, échange de
messages avec celui-ci ...).

Dans la même veine, on retrouve les éditions i-Gutemberg57.


Comme me l'a expliqué Stephen Belfond, fondateur de la nouvelle
maison d'édition, lors d'un entretien58, la base de son idée est qu’à
ses yeux un éditeur classique n'apporte pas de réelle valeur
ajoutée lorsque l'on passe d'un ouvrage papier à un ouvrage
numérique. Pourquoi à ce compte là, les auteurs souhaiteraient-ils
alors partager leurs droits sur un ouvrage ? Une des meilleures
solutions réside alors pour lui dans le livre augmenté, ainsi c’est en « investissant un
nouveau domaine que les éditeurs apporteront dans le monde virtuel la valeur
ajoutée qui est la leur dans le monde réel et qui justifie leur importance culturelle et
commerciale. »
Ce dernier va apporter des éléments multimédias en plus : « Le texte se lit
avec tout le confort qu’apporte une liseuse (choix de la taille et de la police de
caractères, défilement automatique) et peut être écouté en version audiolivre dit par
des acteurs, ou encore lu et écouté simultanément (texte et son synchronisés). Le
livre est enrichi de liens vers des ressources documentaires et des sites
communautaires (Twitter, Facebook) pour permettre aux lecteurs de se retrouver et
d’échanger ».

56
Dossier de presse StoryLab
57
http://www.i-gutenberg.com.
58
Cf annexe 9 - Entretien avec Stephen Belfond
48 | P a g e

Dans la même veine, on commence à entendre parler d’un feuilleton littéraire59


qui marquerait la rentrée littéraire de septembre. Ce dernier écrit par Alexandre
Jardin serait une « fiction en temps réel », ce qui signifie que si un évènement se
produit à 15h dans l’histoire, les lecteurs pourront le lire dès 15h01. L’œuvre serait
mixte et accueillerait aussi bien des images que du texte, ce dernier restant central
selon l’auteur. Il affirme dans une interview que ce sera « un format complètement
différent avec une nouvelle grammaire narrative à créer. Cette expérience va
modifier la frontière entre fiction et vie réelle. Ce sera quelque chose entre récit, jeu
communautaire avec une relation émotionnelle très forte au lecteur. » L’idée est
intéressante, d’autant plus qu’elle pourrait fonctionner sur le plan économique
puisque deux formules seraient disponibles pour accéder au feuilleton ; la première
serait gratuite en s’abonnant sur le site dédié pour recevoir les épisodes, la
deuxième serait une application payante, qui permettra de s’immerger davantage
dans l’histoire et de profiter de plus d’interactivité.

Le livre électronique s’affranchirait à cet égard de ces caractéristiques


traditionnelles pour épouser celles du web 2.0 : libre circulation, libre participation,
échanges et interactivité, collant ainsi au plus près des aspirations de la jeune
génération. En effet, la génération des jeunes lecteurs aussi nommée « Génération
P » comme « Participation » et « Prescription »60 est en constante recherche
d’interaction et n’apprécie plus de rester passif face à un objet ou un média. C’est
pourquoi, ce type de livres 2.0 ou livre augmenté peut retenir leur attention et leur
proposer un contenu davantage adapté à leurs attentes.

Les idées foisonnent donc, des idées intéressantes et innovantes qui posent
tout de même la question de la redéfinition du livre, et des frontières qui le bordent
en tant qu’objet matériel ou virtuel. Toutes ces nouveautés font qu’il devient difficile
aujourd’hui de donner une définition unitaire de ce qu’est le livre aujourd’hui ...

59
Alexandre Jardin prépare un feuilleton numérique pour octobre, in actualitte le 13 juillet 2010
60
Gutemberg 2.0, le futur du livre, Lorenzo Soccavo, préface de Paul Soriano, M21 Editions, 2008. Voir fiche de
lecture en annexe 4.
49 | P a g e

Ainsi comme on a pu le voir grâce à cette analyse approfondie des


stratégies aussi bien de communication que de marketing mises en place par
les différents acteurs du secteur, les choses ne sont pas simples. Chacun
essayant de trouver le juste équilibre entre conservation des acquis et prise de
parole/de position. Le numérique implique une nouvelle donne et comme tout
changement il entraîne avec lui d’incontournables changements aussi bien
organisationnels que dans les mentalités.
Comme on l’a vu chaque acteur a pour le moment sa propre manière de
réagir sans que cela se fasse, pour l’heure, de manière réellement uniforme ou
organisée.
Voyons maintenant quelles sont les pistes de réflexion que l’on pourrait
aborder, comment les acteurs du secteur devraient-ils penser leurs stratégies
de communication et de développement marketing pour davantage d’efficience
sur le marché …
50 | P a g e

A- S’organiser
B- Expliquer
C- Fédérer
51 | P a g e

Si les acteurs du monde de l’édition communiquent de plus en plus autour de


leurs ouvrages, collections ou auteurs, ceux-ci hésitent encore beaucoup à prendre
la parole sur le délicat sujet de l’édition numérique. Comme nous l’avons vu
précédemment, l’édition numérique est en pleine croissance et la stratégie de
l’autruche, que beaucoup adoptent jusque là, risque de s’avérer dangereuse sur le
long terme. Après avoir éclairci notre vision du secteur, des tenants et aboutissants
de la problématique, après avoir analysé les comportements de communication et de
marketing sur le marché des acteurs du secteur, il est maintenant temps d’élaborer
une recommandation en trois points pour une optimisation des prises de paroles.

A- S’organiser
Parce qu’il est difficile d’avancer seul, l’intérêt des différents acteurs du secteur,
notamment les structures de petites tailles ou nouvelles sur le marché, est de
s’organiser en une structure légale et organisée afin d’acquérir une crédibilité et un
poids supérieur.
Il y a quelques jours, on a pu voir apparaître sur internet une première action en
ce sens puisqu’un groupe appelé « Syndicat de l’édition numérique » a été créé sur
Facebook. Cette initiative est l’œuvre de différentes personnes impliquées à divers
niveaux dans l’édition numérique. On retrouve tout d’abord Éric Le Ray, président de
l'Association des Anciens Elèves de l'école Estienne, Pascal Delepine, Franck
Ferrandis, Lorenzo Soccavo et Jean-François Gayrard. Le but de cette page est
avant tout de lancer le débat et d’être une première étape vers la création d’une
structure unitaire de prise de parole. Les questions qui y sont alors soulevées
tournent essentiellement autour des « frontières » à appliquer à la structure : quel
serait son rôle ? Qui concernerait-elle ? Quelle serait son organisation interne ? …
La question de la forme est également abordée : est-il préférable de s’organiser en
syndicat, en fédération ou en association ? L’ensemble de ces questionnements, loin
d’être stériles, permet de faire avancer la réflexion et de créer des premières pistes
d’organisation.
Il y a fort à penser que si les acteurs de taille moyenne ou réduite du secteur
s’associent, sous quelque forme que ce soit, ils puissent gagner en puissance au
risque de déstabiliser les plus grands du marché.
L’affaire est donc à suivre de près …
52 | P a g e

B- Expliquer
Face à l’innovation, une des premières réactions est bien souvent la peur, la
crainte du changement. On a pu observer ceci au travers de l’histoire à chaque
nouvelle grande innovation, les réactions étaient dans un premier temps quasi-
unanime contre celle-ci. Parce qu’on ne comprend pas, parce qu’on n’en voit pas
forcément l’intérêt, parce qu’on refuse de mettre derrière nous tout ce que l’on a
toujours connu, il est difficile de faire face à l’innovation. Pendant longtemps, ce ne
fut pas un problème majeur puisque les choses allaient relativement lentement. On
avait le temps de s’adapter et le glissement d’une technologie à l’autre se faisait sans
heurt. Mais à l’heure où l’accélération, la rapidité, l’instantanéité est de mise, la
donne a changé.
Il est maintenant de l’intérêt des différents intervenants d’un secteur de
s’impliquer dans l’acceptation d’une innovation, sans quoi celle-ci pourrait manquer
l’occasion et disparaître avant d’avoir touché le grand public.

Or, une des premières choses à faire pour lever les freins liés à l’innovation
c’est : EXPLIQUER. On a souvent peur de ce que l’on ne comprend pas, on craint
l’inexplicable. C’est pourquoi les différents acteurs du secteur doivent absolument
adopter une démarche pédagogique pour pouvoir avancer. Il est essentiel qu’ils
s’impliquent davantage dans cette démarche là.
Lire un roman sur un écran n’est pas quelque chose de naturel, il est donc
important d’en expliquer le fonctionnement et surtout les avantages. C’est la clé si
l’on veut toucher le grand public. On peut prendre l’exemple de ce qu’à commencer à
entreprendre la FNAC avec sa page dédiée à la lecture numérique. Ce ne sont pour
l’instant que des prémices mais l’initiative est là.

Etre présent IVL (In Virtual Life)


La démarche explicative que doivent mettre en place les différentes structures
doit se faire dans le monde virtuel dans un premier temps. Il s’agit alors d’aller
chercher les cibles là où elles sont. Il est évident que les plus grands consommateurs
de livres électroniques sont des personnes très connectées, souvent actives en
ligne.
53 | P a g e

Il est donc essentiel de créer des outils de communication pédagogique envers


ces différents publics, en adéquation avec les contenus proposés. Il me semblerait
alors important que tout site d’éditeur, publiant en numérique, comporte une section
d’explications approfondies sur l’édition électronique. Ces explications peuvent, voire
doivent, être ludiques et se faire par exemple par le biais d’animations ou de vidéos.
L’objectif premier ici n’est pas de vendre, ni de promouvoir un ouvrage plutôt qu’un
autre mais d’éduquer le lecteur potentiel. Dans la mesure où nous en sommes au
début de l’édition numérique, c’est le moment idéal pour prendre la parole et ainsi se
démarquer des concurrents et bénéficier par la suite d’un avantage non négligeable.
Par ailleurs, les mêmes acteurs doivent également prendre la parole sur les
autres outils à leur disposition. Pourquoi ne pas créer par exemple une page
Facebook dédié à une collection de livres numériques ? Le fameux réseau social est
un lieu adapté pour aborder ce type de sujet, il permet une discussion ouverte et
quasi-instantanée avec les utilisateurs. Cette interaction mise en place, l’éditeur
prendrait alors une place importante, en tant que marque, dans l’esprit des
« consommateurs ». C’est une excellente occasion pour se positionner en tant que
conseiller et accompagnateur, car tel va être le rôle de l’éditeur dans les années à
venir.

Rencontrer IRL (In Real Life)


Toutefois le numérique ne suffit pas, il a besoin d’émanations dans la vie réelle
pour être appuyé. C’est pourquoi les acteurs du secteur se doivent d’être présent,
voire d’organiser, des événements pour rencontrer le public.
On l’a vu lors du dernier Salon du Livre de Paris où le numérique a brillé par sa
maigre présence. Un seul espace dédié mais aucune prise de parole sur les stands
des éditeurs, aucune démonstration… Il semble qu’il y ait pourtant un véritable effort
à faire dans ce sens. Les individus sont généralement avides d’expériences et ne
retiennent jamais rien de mieux que ce que qu’ils ont pu toucher ou tester. Il semble
donc de l’intérêt des structures de l’édition de s’impliquer davantage dans ce sens là.
Il va être important que le numérique occupe une place plus importante dans les
manifestations à venir.
En ce qui concerne les salons par exemple, on pourrait imaginer un stand
d’éditeur sur lequel celui-ci présenterait sa collection numérique dans un espace
dédié au travers de terminaux mis à la disposition du public. Cet espace numérique
54 | P a g e

serait également l’occasion d’apporter un contenu supplémentaire aux visiteurs,


chose qui ne se fait que trop rarement à mes yeux. En effet, parler du numérique,
faire expérimenter celui-ci, s’avère représenter une bonne occasion de se démarquer
et ainsi de créer un univers de marque plus ancré dans les esprits. Ces « espaces
numériques » donc pourraient proposer, au-delà de la simple expérimentation des
liseuses, des extraits audio ou vidéo, des chats en direct avec les auteurs qui ne sont
pas présents sur le salon … Il me semble important de rapprocher l’édition
numérique d’un contenu digital plus global de manière à rassurer les utilisateurs. Si
ceux-ci se retrouvent dans un univers familier fait de vidéos, de discussions
instantanées, etc. il y a fort à parier que la lecture numérique s’amorce
naturellement.
Dans un autre domaine, il peut s’avérer probant d’investir le secteur scolaire.
En partenariat avec les écoles et les universités de nombreuses actions peuvent être
mises en place. Il va alors s’agir de démontrer les avantages des ouvrages dits
«utiles » lorsqu’ils sont numériques. Ainsi, une borne mise à disposition dans les
bibliothèques universitaires, un stand installé lors des inscriptions ou de la rentrée
scolaire, l’organisation de débats … sont autant d’occasions de créer un dialogue
avec la jeune génération, la plus à même de se lancer dans l’aventure du numérique.

C- Fédérer

L’explosion du web a fait apparaître, depuis quelques années déjà, la volonté


des individus de s’organiser en « communautés » comme si dans le grand bazar
planétaire qu’est internet, les personnes avaient un besoin viscéral de s’organiser en
groupes partageant un centre d’intérêt commun, des idées, des activités… Ainsi est
né le web 2.0 résolument communautaire et tourné vers l’individu.
Or, si dans la vie de tous les jours il est relativement aisé de trouver quelqu’un
qui a vu le même film ou écouté le même cd que vous, cela s’avère plus complexe
lorsqu’il s’agit de littérature … En dehors des best-sellers, Marc Levy et autre Anna
Gavalda la multiplicité de l’offre fait qu’échanger autour d’un livre est compliqué. Mais
tout cela c’était avant le web 2.0 et ses communautés de lecteurs. Fort de l’intérêt
des forums et autres lieux virtuels de discussions, l’on a vu apparaître sur la toile
55 | P a g e

divers sites communautaires littéraires sur lesquels les individus se retrouvent pour
faire leurs critiques, donner leurs avis, chercher des conseils …

On peut ainsi citer le pionnier du secteur, Babelio61 qui avec sa signature


« Connectons nos bibliothèques » se présente comme « un réseau social dédié aux
livres et aux lecteurs. Il permet de créer et d'organiser sa bibliothèque en ligne,
d'obtenir des informations sur des œuvres, de partager et d'échanger ses goûts et
impressions littéraires avec d'autres lecteurs. » Le réseau remporte un franc succès
puisqu’il compte aujourd’hui près de onze milles membres62.
Des Me too63 sont également apparus sur le web, tels que Libfly64 ou encore
Viabooks65. Chacun de ces sites proposent des critiques en ligne avec pour Libfly
une orientation marquée vers les bibliothèques et médiathèques, tandis que
Viabooks cherche à se démarquer par un contenu éditorial riche, proche de celui
d’un webzine.

Toutes ces communautés organisées de lecteur proposent des offres aux


professionnels du secteur. C’est ainsi que Libfly met à disposition des outils,
notamment de géolocalisation, pour les bibliothèques et petits libraires en promettant
à ceux-ci une augmentation de leur « visibilité en facilitant l’accès à vos services »,
un meilleur référencement mais aussi de « toucher un public plus large et de
développer vos prêts ». Babelio, lui, a créé Masse Critique qui se veut le « premier
programme de promotion du livre sur internet ». Le principe est relativement simple,
le réseau communautaire propose aux maisons d’éditions de soumettre leurs
ouvrages à la critique - libre - de son « parc » de bloggeurs. Une idée efficace
puisque, le risque de mauvaise critique mise à part, il est évident que la
recommandation se fait aujourd’hui de pair à pair. Les éditeurs ont donc tout intérêt à

61
http://www.babelio.com/
62
10 987 membres au 10 mars 2010 selon le dossier de présentation téléchargeable sur le site.
63
Un me too est pour le marketing, un produit ou service introduit sur le marché par une entreprise après le
lancement avec succès par un concurrent d'un produit ou service similaire dont il imite sciemment les
principales caractéristiques.
64
http://www.libfly.com/
65
http://www.viabooks.fr
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voir leurs ouvrages commentés et critiqués par des bloggeurs. Babelio se pose donc
ici en « régie » de bloggeurs ; à l’inverse, certaines maisons d’édition effectuent cette
démarche en direct avec ces derniers. C’est ainsi que le « Livre de Poche » sollicite
chaque mois une dizaine de bloggeurs à qui est envoyé un livre à critiquer
accompagné d’un livre cadeau. La maison d’édition s’offre ainsi une belle visibilité
sur le web à moindre coût.

Ce type de stratégie, qui n’est pas propre au livre numérique, a toutes les
chances de se développer dans l’avenir. C’est pourquoi, les éditeurs devraient
davantage s’y intéresser, notamment pour leurs collections numériques. En effet,
dans la mesure où il est imminent que les liseuses puissent se relier à internet et que
les tablettes électroniques le proposent déjà. Les commentaires des internautes vont
prendre encore plus d’importance ; ils seront totalement liés à l’acte d’achat des
individus.
C’est pourquoi axer sa stratégie sur les communautés et réseaux sociaux pour
promouvoir ses ouvrages numériques me semblent être une excellente opportunité
pour les maisons d’édition. Je pense que les partenariats avec les plateformes
communautaires précédemment citées peuvent être renforcés et surtout amplifiés. Il
serait par exemple intéressant de mettre en place des concours sur ceux-ci pour
faire gagner des liseuses ou des livres numériques. On pourrait également imaginer
s’adresser à ces plateformes pour créer des bandes d’annonces pour un ouvrage
numérique ou même écrire un roman « participatif » comme l’a fait France Loisir. Le
principal va être d’accrocher l’intérêt du lecteur potentiel sur le web pour le faire
cliquer et aller jusqu’à l’acte d’achat. Le web est l’outil de base pour promouvoir un
livre numérique puisque la transformation d’intention en achat peut se faire très
rapidement, beaucoup plus que pour un livre papier.

S’appuyer sur des communautés c’est bien, mais il reste aussi la possibilité
d’en créer ; on a vu que c’est ce que Sony tente de faire avec son cercle Reader.
C’est le cas également de plusieurs communautés créées autour d’un livre à succès.
On pensera par exemple au travail effectué autour du Roman d’Arnaud. Il s’agit
d’une expérience de lecture 2.0 qui s’est appuyée sur le principe de l’édition
numérique et du Web 2.0. L’expérience a débuté le 31 octobre 2009, pendant 40
jours et 40 nuits, trois auteurs se sont relayés pour écrire un roman d’un nouveau
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genre sur Facebook en offrant la possibilité aux lecteurs d’interagir au fur et à


mesure que l’intrigue était dévoilée. Bien que cela fasse près d’un an, il y a encore
quatre cents personnes fans de la page Facebook66, une communauté a donc bien
été créée.
Bien que cet exemple soit très précis et difficilement reproductible, on peut s’en
inspirer et imaginer créer des communautés de lecteurs numériques autour de
thèmes particuliers. Ainsi, un éditeur pourrait choisir de créer autour d’une de ses
séries ou collection numérique un réel univers en impliquant les individus dans celle-
ci et en leur apportant du contenu.
Evidemment ce n’est pas forcément une chose aisée, cela demande du temps
et des ressources financières. Toutefois, cela me semble être des investissements
nécessaires pour le futur.

On l’a déjà dit, mais il est bon de le souligner à nouveau, malgré une
accélération certaine, le marché n’en est aujourd’hui qu’à ses débuts. Les
différents acteurs du secteur ont donc tout intérêt à s’impliquer dans le
développement d’offres marketing innovantes ou dans des actions de
communication proactives. Le marché est encore en friche, les premiers qui
s’en empareront en seront les grands gagnants.

66
http://www.facebook.com/romandarnaud
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Conclusion.
Bien que choisi par passion, le fait d’écrire un tel document sur l’édition
numérique et ses enjeux de communication à l’heure actuelle ne fut pas chose aisée.
Le marché est aujourd’hui en pleine mutation et les changements sont extrêmement
rapides, je ne doute d’ailleurs pas de l’obsolescence de grand nombre des
informations délivrées dans ce document dans quelques mois, voire quelques
semaines… Cet état de perpétuelle remise en question a rendu difficile la clarification
de certains points ainsi que la compréhension de l’ensemble des tenants et
aboutissants de la problématique.
Toutefois, j’espère avoir tracé un portrait de la situation assez fidèle à la réalité,
ainsi qu’une analyse pertinente des enjeux liés à l’édition numérique. Comme on a
pu le voir, la lecture sur écran, bien qu’encore rejetée par beaucoup, tend à se
démocratiser et à pénétrer les foyers français. Les acteurs du secteur qu’ils soient à
l’avant-garde de l’édition numérique ou en queue de file cherchent tous à épargner
les intérêts de chacun tout en tirant leur épingle du jeu. Epineuse problématique que
celle à laquelle les éditeurs, libraires, bibliothécaires se retrouvent confrontés
aujourd’hui.
Pourtant les problèmes opérationnels et organisationnels ne doivent pas faire
perdre de vue les enjeux de communication liés à l’édition. Il est important de
prendre la parole sur le livre numérique et de le faire de façon pertinente et
stratégique. C’est ainsi qu’il me semble nécessaire de s’appuyer sur les trois piliers
sus-exposés : « S’organiser, Expliquer et Fédérer » pour mettre en place des
stratégies de développement - communication et marketing- efficaces au vu de la
situation.
La situation n’a pas fini d’évoluer et les stratégies de communication et de
marketing de devoir s’adapter. Affaire à suivre …
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Annexes.
60 | P a g e

Annexes 1 : Etude Ipsos « Les publics du livre numérique »

Annexes 2 : Chronique de Frédéric Beigbeder in L’Express.fr


16/06/2010

Annexes 3 : Etude Le Figaro/Opinion Way « Les Français et les


nouvelles pratiques de la lecture »

Annexes 4 : Fiche de lecture Gutemberg 2.0 de Lorenzo Soccavo


aux éditions M21

Annexes 5 : Billet sur le blog Cachemire et Soie « Les dernières


heures du livre ? » 01/07/2010

Annexes 6 : Qu’est ce que le papier électronique ? Wikipédia

Annexes 7 : Entretien avec Vincent Piccolo, Responsable du


développement numérique Groupe La Martinière

Annexes 8 : « Alice au Pays des merveilles tourneboule l’iPad »


in 01.net

Annexes 9 : Entretien Stephen Belfond, fondateur des éditions i-


gutemberg

Annexes 10 : Déclaration de confiance et de non-plagiat

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