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Paradoxes
Economia n° 7 - septembre 2006
Chronique entreprise
Khalid Chraibi
A l’ère de la mondialisation, les marocains ressentent beaucoup d’attrait pour tout ce qui provient de
l’étranger, qu’il s’agisse de produits, de services ou de conseil. Mais, dans certaines situations, cet
intérêt devient manifestement excessif, et nous fait perdre de vue nos intérêts bien compris.
Ainsi, de nombreuses communes confient-elles à des organismes étrangers la gestion des activités de
distribution d’eau et d’électricité, ou de ramassage des ordures ménagères, etc. Ne serait-il pas plus
raisonnable de les confier à des opérateurs marocains expérimentés, à un moment où tout devrait être
mis en œuvre pour promouvoir l’emploi dans le pays ? Ou bien estime-t-on qu’ils ne peuvent pas
maîtriser la technicité de telles opérations ?
D’autres services nécessitant des investissements plus lourds mais générant aussi des bénéfices plus
intéressants, tels que la gestion d’autoroutes ou de ports, sont également souvent confiés à des
opérateurs étrangers, après un demi-siècle d’indépendance.
De même, au niveau du conseil d’entreprises, des commandes pour des montants considérables sont
régulièrement passées aux cabinets spécialisés étrangers, au détriment des professionnels marocains
oeuvrant dans les mêmes domaines d’activité. Pendant ce temps, les jeunes marocains diplômés
des meilleures écoles étrangères hésitent à rentrer au pays, une fois leurs études terminées, de peur de
se retrouver au chômage.
Lorsque ces jeunes marocains décrochent un travail à l’étranger, dans une multinationale, faut-il s’en
réjouir ? Car, la société marocaine perd tout le bénéfice de l’investissement national considérable
qu’elle a effectué dans leur formation pendant une vingtaine d’années, au profit d’opérateurs étrangers.
Sur un plan un peu différent, au niveau des entreprises, le marché national a été
inondé, au cours des dernières années, dans le cadre de la « mondialisation », de
milliers de produits et de services de toutes provenances, répondant aux besoins
les plus courants comme aux goûts les plus exotiques des consommateurs et des
investisseurs.
Le consommateur marocain ne peut que s’en réjouir, bien sûr. Mais, de nombreux entrepreneurs
marocains voient la part de marché de leurs produits rétrécir comme une peau de chagrin, entraînant
des difficultés de tous ordres, qui mènent à des réductions de personnel ou même à des fermetures
d’usines.
Par ailleurs, les produits marocains connaissent souvent de grands déboires sur
les marchés étrangers. Où sont donc passés les bienfaits de la mondialisation,
tant vantés lors de la signature des accords internationaux ?
Ne serait-il pas plus raisonnable, dans ces conditions, de faire preuve de plus de
solidarité au niveau national, et d’œuvrer tous ensemble pour réduire ces
paradoxes ? Ne pouvons-nous pas mettre en commun nos ressources, notre
savoir-faire, notre ingénuité, pour construire le Maroc de demain, au lieu d’offrir
ce que nous avons de mieux à des étrangers, au détriment de la communauté
nationale ?