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Directeur de la publication : Bernard Jouanneau.

Octobre 2004 - No 42

A quoi bon ?
L e terrorisme au quotidien, la décapitation
des otages américains à la télévision, la
récupération politique électorale de la guerre
remplissent plus, les professeurs sans cesse
sollicités ne courent pas les projections.
Nos adhérents eux-mêmes se ne déplacent
de doutes que nous vivons, la dignité de la per-
sonne humaine est à l’abri de la contestation
d’où qu’elle vienne. Elle n’a pas de couleur ni
en Irak, l’indifférence des nations et des plus pour participer à nos échanges. Quant aux d’origine. Elle est consubstantielle à l’exis-
médias pour la faim, les tortures et les géno- pouvoirs publics, ils excellent dans le discours tence et constitue la plus grande et le plus sûr
cides devraient nous tenir en éveil permanent. public et les bonnes intentions ; mais les cor- commun dénominateur qui nous rassemble et
Les préoccupations hexagonales ne sont dons de la bourse aux associations se resser- nous unit pour agir. Nul ne pourra nous
pas de cet ordre et même les résurgences d’un rent de plus en plus. reprocher de la cultiver et d’en ressasser la
certain antisémitisme, le retour en mineure du Raisons de plus ! Nous n’arrêterons pas nécessaire défense.
voile, le ballet diplomatique autour de nos tant que le monde n’ira pas mieux et il n’y a Il est grand temps de s’en occuper. Nos vies
otages, ne parviennent pas à nous mobiliser. que les valeurs qui le changeront. et notre action n’y suffiront pas mais nous
On a vite fait de s’apitoyer puis de se rassurer. Le partage des richesses relève des pou- pouvons être certains de trouver au cœur des
Après tout ne sommes-nous pas à l’abri ? voirs publics et du fonctionnement de la citoyens de demain auxquels nous nous adres-
Alors à quoi bon continuer à « militer » ? démocratie. Le partage des valeurs ne peut être sons un écho.
(l’expression même fait frémir ceux qui rêvent que le devoir de l’homme. Pas des Etats, pas Alors, il n’y a pas de doute, il faut contin-
de voir s’instaurer la paix...). des Nations, pas des Eglises, pas des hommes uer.
A quoi bon continuer d’agir pour changer providentiels. Le respect de la personne Bernard Jouanneau.
un monde qui ne s’améliore pas ? humaine et de sa dignité a ses exigences quo-
A quoi bon continuer de transmettre les tidiennes universelles et à tous les âges.
valeurs qui nous ont motivés si elles n’ont pas Ne retiendrait-on que cette valeur là, elle a
fait leurs preuves ? A quoi bon faire tant d’ef- besoin d’être cultivée, redécouverte,
forts pour convaincre le public des élèves enseignée, proclamée et donc transmise. Il ne CONVOCATION
auxquels nous nous adressons qu’ils doivent suffit pas qu’elle figure en tête de toutes les
eux-mêmes transmettre ces valeurs inhérentes déclarations, il faut la pratiquer à chaque L’assemblée Générale annuelle de
aux droits de l’homme ; alors que l’état de instant pour en comprendre l’impérieuse Mémoire 2000 se tiendra le :
droit régresse un peu plus chaque jour et que nécessité.
les Etats les plus puissants ou les plus riches Elle transcende les vertus républicaines. Lundi 6 décembre 2004
s’en affranchissent ? Elle justifie toutes les résistances et aucun
D’ailleurs on le voit bien ; nos salles ne se pouvoir ne peut s’en détacher ou s’en après le Conseil, à 19 heures 30, au
affranchir. Sans le respect de la dignité de la Brussel’s Café

Nos prochaines réunions


Les lundis 8 novembre,
personne humaine, la barbarie et la terreur, la
torture et les prises d’otages s’installeront et
les politiques ni les Etats n’y pourront rien.
.
71 Bvd, Exelmans - Paris 16°.

Cette assemblée sera l’occasion d’élec-


6 décembre (Assemblée Générale) Chacun doit s’en convaincre et s’y soumettre. tions pour le renouvellement des
à 19 h 30 A nous de le faire entendre à ceux qui nous membres du Bureau et du Conseil.
au Brussel’s Café écoutent encore quel que soit leur nombre et Les personnes intéressées sont invitées
71, boulevard Exelmans, Paris 16°

Après lecture, ne jetez pas ce journal,


même s’ils n’ont pas à souffrir de ces maux là.
Pour retrouver à la fois le cap et l’énergie,
il nous faut retourner à l’essentiel et à l’incon-
testable.
.
à poser leur candidature.

Venez nombreux!
donnez-le à vos amis ! Dans l’univers d’incertitude, d’angoisse et

1
T E R R O R I S M E E T V I E Q U O T I D I E N N E la barbarie et le silence

L e terrorisme d’aujourd’hui est la plupart


du temps ce qu’on appelle un terrorisme
Six mois plus tard, Clara n’a pas encore
repris son travail.
H ier j’ai regardé sur internet la déca-
pitation d’Eugene Armstrong dans
sa totalité. Je n’ai pas pu dormir après
aveugle. Qui frappe, comme son nom l’in- “Impossible de se concentrer, même pour
cela. L’article de Nicole Leibowitz décrit
dique, n’importe où, n’importe quand, n’im- les tâches ménagères les plus simples. Si je
exacetement ce que j’ai ressenti. Comme
porte qui. Les enfants d’une école de Beslam. prends un livre pour me détendre, je n’arrive
elle je suis révolté des dérives et des
Les employés d’une tour de Manhattan. Les pas à dépasser la première page. Les images de
silences de certains de nos gouvernants
usagers d’un train de banlieue à Madrid. Les l’attentat reviennent tout le temps.”
qui donnent le sentiment que ces barbares
consommateurs d’un café de Tel Aviv. Les Elle est suivie par un psychiatre de crise,
sont tellement déhumanisés qu’avec
passants dans une rue de Paris, d’Istanboul, de mais ne progresse pas vite. La seule chose qui
calme et tranquillité, ils puissent trancher
Kaboul, de Baghdad ou de Djakarta. Autant de l’aide est de s’occuper d’autres victimes, qui
la tête de cet homme gémissant qui s’agi-
vies brisées à tout jamais. Aveugle en effet. Et ont vécu la même chose, avec qui elle peut
te malgré un bandeau sur les yeux et les
froidement calculé comme tel. parler. Elle a fondé une association avec 300 pieds et les mains liés. Il a crié jusqu’à ce
Quelques jours après l’horreur de Beslam, membres. Elle vient seulement de s’enregistrer qu’il ne le puisse plus car sa gorge a été
trois ans après la catastrophe de New-York et officiellement comme victime. Les autorités coupée comme un cou d’oie. Jamais je
six mois après le bain de sang de Madrid il est espagnoles étaient pleines de promesses pas n’avais ressenti une telle humiliation et
temps d’y revenir un instant. Ce qui reste habi- toujours suivies d’effet. Les victimes doivent horreur! Toutes les idées que je me faisais
tuellement après de telles tragédies ce sont des faire la queue dans les hôpitaux comme les de l’humanité ont volé en éclats en un
chiffres secs. Tant de morts, tant de blessés. autres malades. court instant ! Mon inquiétude est d’au-
Une comptabilité morbide, qui ne dit rien de la Comment a-t-elle vécu l’irruption du terro- tant plus grande que ces agissements
souffrance de ceux qui restent. Ceux qui - par risme dans son quotidien ? “Il y aura toujours mobilisent les extrémistes au sein des
miracle- ont survécu. Ou ceux qui ont perdu un avant et un après 11 mars. Ça influence démocraties et favorisent le camp de Bush
un être cher, et qui doivent apprendre à vivre tout. Je ne suis pas capable de travailler ou de malgré son incapacité à gérer la situation
avec cette perte, jamais cicatrisée. prendre soin de ma famille. Je progresse pas à en Irak.
Dans un café de Madrid je rencontre Clara, pas, comme un enfant. Je crains les places Ce matin la souffrance de cette horreur
46 ans, infirmière dans un hôpital spécialisé ouvertes avec beaucoup de gens. Je rase les me donne des douleurs jusque dans les os.
dans le cancer des enfants. A 7 heures 35, le 11 murs, m’agrippant à mon gros sac lourd, pour Cousin, parent et neveu de plus de cin-
mars 2004, elle prit un train à la station Santa me donner confiance. Tout bruit ou mouve- quante déportés du nazisme, j’ai été sen-
Eugenia pour se rendre à son travail au centre ment inattendu m’affole. Je dors peu. Mon sibilisé à la lecture de ceux qui ont été
de Madrid. D’habitude, c’est son mari qui l’y mari doit m’entourer de ses bras quand je dors, témoins de la barbarie nazie au XXème
accompagne, mais ce jour-là, il est malade. car je crie en dormant ”. siècle . J’ai bien réfléchi et je pense après
Elle rate le premier train bondé. Clara a beaucoup de colère, mais pas de avoir lu Primo Levy que la réponse à la
Le second, le sien, explose une minute plus haine : “Pourquoi visent-ils les faibles, les tra- barbarie doit être une réponse de civilisa-
tard. Ce qui la frappe, plus que l’explosion vailleurs, et pas les hommes politiques proté- tion et d’humanisme et pas une réponse
elle-même c’est d’abord la lumière, aveuglan- gés par des vitres blindées ? Tout se résume à de barbares. Malgré l’envie de vengeance
te, puis le silence après. “Un silence anormal” une question : Pourquoi ? En Russie, il n’y et d’extermination qui nous anime en
explique-t-elle, “j’ai cru que j’étais dans un avait que des enfants, je ne comprends pas étant témoins d’évènements pareils, je
nuage.” pourquoi les hommes politiques n’arrivent pas suis sûr que nous devons raison garder.
Elle revient à elle sur le sol dans le noir et à s’entendre, pour l’éviter”. Seule la lutte par la démocratie et la loi
la poussière, avec une vive douleur à la nuque, Clara songe au terrorisme du Moyen- nous permettra d’éradiquer ces barbares,
mais ne se rend pas compte si elle est blessée Orient, quotidien : “Ça doit être affreux d’ha- pas l’usage de leurs méthodes qui nous
sérieusement. Le choc l’a fait uriner. biter là”. affaiblit et nous entraîne inéxorablement
Des gens l’aide à sortir. Elle a eu de la Elle pensait qu’elle-même vivait à l’abri du vers des comportement semblables aux
chance. Elle n’est pas gravement blessée, et terrorisme. C’était avant le 11 mars. Elle ne leurs. Je dois apparaître naïf et crédule.
elle arrive à prévenir son mari, qui vient. Elle savait pas que ce mal peut frapper partout, à Même Primo Levy a fini par se suicider
est hospitalisée pendant deux jours. tout moment. Contre elle. Contre tous. tant il a vu “l’horreur” dans l’homme. Je
Elle est opérée de la nuque et une oreille refuse de capituler. Je crois en l’humanis-
reste sourde. me et en l’homme.
Vibeke Knoop. Bruno Frydman.

Français e t f ier d e s on t erroir…

D epuis le 5 janvier, côté gare de l’Est, une dizaine de militants


de la section Ile-de-France du Bloc identitaire, groupuscule
d’extrême droite, emplissent les écuelles des SDF de passage, mais
“J’ai déjà mangé, mais je viens voir les amis, confirme Henri,
[…]ici au moins, on est entre nous”. Le responsable rappelle :“On
veut se rapprocher de notre peuple, pas des autres”. Et quand un
soyons clairs “on veut aider les Européens de souche, précise Odile homme noir passe, on lui indique poliment la direction des “champs
Bonnevard, responsable de la section, on est très proches d’eux[…] de coton”.
et eux ils savent qui nous sommes”. L’association Autre Monde, déplore “l’exploitation de la misère
Une vingtaine de SDF s’approvisionnent, dont une douzaine pour influencer le jugement des personnes en difficulté”.
seraient fidèles au rendez-vous. Nous aussi!!
Extrait d’un article paru le 2 /07/ 2004 dans le journal 20 minutes

2 Mémoire 2000. No 42 - Octobre 2004


L’année occultée Congo-Océan qui relie Brazzaville à Pointe
Noire au Congo, 120 000 Africains ont été
Nicolas datée du 25 mai 1769 indique le prix
de ce dédommagement : 550 livres par tête
soumis pendant 13 ans au travail forcé qui sans distinction de sexe et d’âge. Le navire
sera aboli le 5 avril 1946 à l’Assemblée qui
2 004 : année internationale de la lutte
contre l’esclavage et de son abolition.
Si, je vous l’assure ! C’est vrai. Cela reste
comporte des élus africains, après la réqui-
sition du député de la Côte d’Ivoire : Félix
en perdition relâcha des esclaves à Gorée et
les captifs moururent. La veuve du capitaine
demanda a être dédommagée.
confidentiel, mais chut...Il faut bien com- Houphouët-Boigny. Autre silence... Cette loi oubliée, sortit du silence le 8
prendre qu’en France il ne faut pas trop En 2001 Christiane Taubira fait voter une avril.
espérer des devoirs de mémoire même s’ils loi reconnaissant la Traite comme Crime Ce 23 août a eu lieu à l’UNESCO la Jour-
riment avec commémoration. contre l’Humanité. Préalablement à ce vote née internationale du souvenir de la Traite
Les rayonnages de l’Histoire et de la nos élus ont su édulcorer la proposition de négrière et de son abolition, en avez-vous
Mémoire sont empoussiérés. Le budget des cette loi lors des travaux parlementaires. Un entendu parler ?
consciences et de la vérité sont déficitaires exemple : L’effacement du mot DEPORTA- Christiane Taubira invitée au Bénin, a
devant le joug des économistes des commu- TION. Pourquoi ? Comment ?...Les dénoncé, devant les élus africains, leur cou-
nautarismes, des hypocrites, révisionnistes, esclaves sont-ils venus de leur plein gré pable mutisme. La présidente de l’opposi-
négationnistes, relativistes, lâches, des monter à bord des navires négriers affrétés tion Mme. Soglo a affirmé que les Parle-
négociants des dédommagements, sans comme charters maritimes ? mentaires n’étaient pas seulement coupables
oublier les préjugés raciaux. A cela il Quelles en étaient les compagnies? Le mais ignorants. Elle ajouta qu’il faudrait
convient d’ajouter les apeurés du phénomè- Havre,Brest, Saint-Malo, Nantes, La procéder à des séances d’information.
ne Dieudonné. Alors, pas de ménage de Rochelle, Bordeaux, Bayonne, pour ne par- Quelque chose me dit qu’il n’y a pas
dépoussiérage des rayonnages de l’Histoire ler que de chez nous : la France. qu’en Afrique !...
et de la Mémoire. Oui, je sais je suis cynique. D’autres sont Alors comme l’année 2004 a été occultée,
Alors, bien sûr l’Histoire nous dit que la criminels ! Les négriers assuraient leur mar- verrons-nous les 23 août à venir passer éga-
France abolissait l’esclavage en 1848. Soit, chandise — les esclaves étaient désignés à lement sous silence ? Serait-il question
mais elle dédommageait les maîtres, instau- l’article 44 du Code Noir comme Biens d’épargner nos mémoires, en vacances à
rait les commerces de remplacement : le meubles. Ils n’étaient pas remboursés en cas cette époque, pour justifier cette coupable
coolie trade, la traite clandestine, l’esclava- de mort naturelle comme la maladie ou la indifférence ?
ge domestique, le travail forcé. Souvenons- malnutrition. La mémoire est le journal intime que
nous du travail forcé dénoncé par André Pour empêcher les suicides des filets nous portons toujours en nous, disait Oscar
Gide et Albert Londres ! Souvenons-nous entouraient les bateaux lorsqu’ils étaient à Wilde.
que lorsque le 29 mai 1934 est inauguré le la côte. La police d’assurance du Saint- Patrick Grocq.

MARTIN LUTHER KING : Lettre à un anti-sioniste

E n août 1967, le pasteur Martin Luther King, combattant infati-


gable pour la non-violence et pour l’intégration des Afro-Amé-
ricains, Prix Nobel de la paix 1966, publiait le texte ci-dessous.
Pour quiconque chérit ce droit inaliénable de toute l’humanité ; il
devrait être si facile de comprendre, de soutenir le droit du peuple juif
à vivre sur l’antique terre d’Israël. Tous les hommes de bonne volon-
Ce texte a été repris par la Revue de l’Alliance et, comme il té se réjouiront de la réalisation de la promesse de Dieu, que son
semble avoir été écrit aujourd’hui tant son actualité est brûlante, il peuple retourne dans la joie sur la terre qui lui a été volée. C’est cela
nous paraît essentiel de vous le livrer ici. le sionisme, rien de plus, rien de moins.
Et qu’est l’antisionisme ? C’est le déni au peuple juif d’un droit
« [...] Tu déclares, mon ami, que tu ne hais pas les Juifs, que tu es fondamental que nous réclamons à juste titre pour le peuple
seulement anti-sioniste. A cela je dis que la vérité sonne du sommet d’Afrique et accordons librement à toutes les nations de la terre.
de la haute montagne, que ses échos résonnent dans les vallées vertes C’est de la discrimination envers les Juifs, mon ami, parce qu’ils sont
de la terre de Dieu : quand des gens critiquent le sionisme, ils pen- Juifs. En un mot, c’est de l’antisémitisme.
sent Juifs, et ceci est la vérité même de Dieu. L’antisémitisme, la L’antisémite se réjouit de chaque occasion qui lui est donnée d’ex-
haine envers le peuple juif, a été et reste une tâche sur l’âme de l’hu- primer sa malveillance. L’époque a rendu impopulaire à l’Ouest, de
manité. Nous sommes pleinement d’accord sur ce point. Alors sache proclamer ouvertement sa haine des juifs. Ceci étant le cas, l’antisé-
aussi cela : antisioniste signifie de manière inhérente antisémite, et il mite doit à chaque fois inventer de nouvelles formes et de nouveaux
en sera toujours ainsi. Pourquoi en est-il ainsi ? Tu sais que le sionis- forums pour son poison.
me n’est rien moins que le rêve et l’idéal du peuple juif de retourner Combien il doit se réjouir de la nouvelle mascarade ! Il ne hait pas
vivre sur sa propre terre. Le peuple juif, nous disent les Ecritures, les Juifs, il est seulement antisioniste. Mon ami, je ne t’accuse pas
vécut en union florissante sur la terre sainte, sa patrie. Ils en furent d’antisémitisme délibéré. Je sais que tu ressens, comme je le fais, un
expulsés par le tyran de Rome, les mêmes Romains qui assassinèrent profond amour pour la vérité et la justice, et une révulsion envers le
si cruellement notre Seigneur. Chassé de sa patrie, sa nation en racisme, les préjugés, la discrimination. Mais je sais que tu as été
cendres, le peuple juif fut forcé d’errer sur le globe. trompé, comme d’autres l’ont été, en te faisant croire que tu pouvais
Encore et encore, le peuple juif souffrit aux mains de chaque tyran être antisioniste tout en restant fidèle aux principes que nous parta-
qui vint à régner sur lui.Le peuple noir sait, mon ami, ce que signifie geons, toi et moi, du fond du cœur. Que mes paroles sonnent dans les
souffrir les tourments de la tyrannie, sous un joug que l’on n’a pas profondeurs de ton âme : quand les gens critiquent le sionisme, ne te
choisi. Nos frères en Afrique ont supplié, plaidé, demandé, exigé la trompe pas, ils pensent les Juifs. »
reconnaissance et la réalisation de leur droit naturel de vivre en paix
MLK.
sous leur propre souveraineté, dans leur propre pays.

Mémoire 2000. No 42 - Octobre 2004 3


Discret « Socrate »…
russe, né le 25 décembre 1905 à Gorki nommé commissaire de la République.
L es cérémonies qui ont marqué un peu
partout et principalement à Paris le
60ème anniversaire de la libération ont
(Russie), naturalisé français le 18 février
1938, ingénieur des Arts et Métiers, père
Collaborateurs traînés dans la boue, règle-
ments de comptes, femmes tondues...
remis en mémoire les hauts faits et les alors de trois enfants, il n’en est pas à son Cette nouvelle mission est ignoble
sacrifices de la Résistance, doivent ne coup d’essai. confiera Rachet à ses proches. Fin sep-
remettre en mémoire que les résistants Ainsi, en juillet 1942, ce résistant a fait tembre 44, il démissionne. Désenchante-
étaient à l’origine une toute petite minori- évader de la prison de Mauzac douze ment survenu après un drame ?
té. Parmi eux, des juifs immigrés qui officiers britanniques et français. Il a Le 10 juin précédent, à Lyon, son frère,
depuis longtemps menaient le combat désormais la confiance du général. chef de réseau, avait été fusillé à sa place.
contre les nazis puis contre leurs com- Mai 44, il impose Chaban, qu’il a Par erreur. Lazare Rachline assumera sa
plices français. De Gaulle paraît-il avait « jaugé » en une heure de promenade succession à la têtes des affaires fami-
dit : « A Londres, je ne reçois que des juifs porte Maillot. Il doit, selon certains écrits, liales. Fin septembre, il reprend la direc-
et des métèques ». « après consultation » des divers pouvoirs tion des usines métallurgiques de literie, à
M’est-il permis ici de rappeler un de de la Résistance en France, rendre comp- Saint-Denis, en banlieue parisienne.
ceux qui avec discrétion a joué un rôle te « au plus vite » à de Gaulle, qui, lui, « Socrate » retrouve, dès lors, l’ombre
important dont il est bon de se souvenir fixera le jour « J ». chère à son cœur. Il n’en sortira qu’une
en publiant un article qui lui a été consa- Le général veille à éviter deux écueils : fois, en 1949, pour être le prmier témoin à
cré, dans le journal Le Monde, il y a une une insurrection générale prématurée et charge contre René Hardy dans l’affaire
dizaine d’année? une prise du pouvoir communiste. Barbie.
Daniel Rachline. Controverse... « Socrate » part en fidèle Désormais, dans son salon, défilent les
éclaireur. amis passés et présents, de Soustelle à
Dans le creux d’une de ses dents, il Mendès France, de Camus à François
*** transporte le microfilm de sa mission. Et Mauriac.
dans sa mémoire les recommandations, Rachet, fondateur de la LICRA ( Ligne
top secret, de de Gaulle pour rester maître internationale contre le racisme et l’anti-
« Vous voilà général de brigade... » Ce de Paris, vis-à-vis des alliés et des com- sémitisme ), milite pour Israël. Il se pas-
jour de mai 1944, porte Maillot à Paris, munistes. sionne pour la presse. Il avait créé Point
dans le grouillement d’uniformes alle- « Socrate » réussit son exploit. Mais le de vue. Il participe au lancement de l’Ex-
mands, deux Français de l’ombre scellent 24 août 1944, dans Paris libéré en liesse, press, avec Jean-Jacques Servan-Schrei-
leur pacte. qui le repère ? Le général descend les ber. Mais lorsque le général de Gaulle,
L’heureux élu est Jacques Delmas, dit Champs-Elysées, dans les fleurs et les revenu au pouvoir, lui propose un maro-
« Chaban ». Le résistant qui lui confère hourras. Derrière lui, dans les rangs serrés quin ministériel, il refuse. Seuls sont des
ses étoiles est Lazare Rachline, alias des héros du jour, se cache Rachline. Fi héros ceux qui sont morts. Les autres ont
Lucien Rachet, ou encore « Socrate ». La des honneurs... « fait leur devoir...
scène se passe derrière une vespasienne L’homme respirait l’enthousiasme, l’in- Le 27 janvier 1968, Lazare Rachline
de la porte Maillot. Le souvenir fera, plus telligence et aussi une efficience qui meurt à Paris. Avec lui disparaît Lucien
tard, sourire Rachet. s’imposaient d’emblée se souviendra plus Rachet, titulaire de la carte d’identité
En ce début de mai 1944, il arrive de tard Chaban-Delmas. Lazare Rachline N°02, établie le 26 août 1944, par le gou-
Londres, le général de Gaulle vient de lui était également un homme de cœur. En un vernement provisoire. Le N°1 n’était
confier la mission « clé », décisive à la mot, il avait une âme . autre que de Gaulle.
veille du jour « J ». Au lendemain de la Libération, Rachet Qui aujourd’hui se souvient ?
Il faut unifier la Résistance et préparer est chargé de l’épuration et de la sécurité La discrétion de « Socrate » ne justifie
la libération de Paris. Sacré Rachet... Juif nationale, au ministère de l’intérieur. Il est pas l’oubli de ses missions...»

Choses vues…
derrière les voitures immobilisées. Deux policiers descendent du
L undi matin, carrefour boulevard Raspail, boulevard Mont-
parnasse, entre 8 heures 30 et 9 heures.
Une foule importante : enfants allant à l’école, hommes d’af-
véhicule,l’un pistolet au poing, l’autre avec un fusil, doigts sur
les gâchettes.
faires, livraisons nombreuses dans ce quartier très commerçant, Indifférence générale, spectacle incroyable ressemblant à ce
femmes faisant leurs courses, clients prenant leur café à la ter- que l’on voit à la télévision.
rasse d’une grande brasserie parisienne ( La Rotonde)... le tout S’ils avaient été amenés à tirer sur une cible qu’eux seuls
agrémenté d’embouteillages dus à d’importants travaux sur le devaient connaître, que se serait-il passé au milieu de la foule?
boulevard Montparnasse, laissant aux automobilistes le passage Que faire, que penser ? Nous vivons dangereusement dans ce
difficile sur une file. monde de fous, mais parfois le danger ne vient pas d’où l’on
Soudain deux voitures de police signalant fortement leur arri- croit.
vée, s’engouffrent dans le boulevard et pilent immédiatement Daniel Rachline.

4 Mémoire 2000. No 42 - Octobre 2004


“Deadlines” : une belle soirée au profit de
Mémoire 2000
vivant à une allure trépidante des évène-
S oirée inaugurale 2004/2005. Soirée
importante à laquelle nous sommes
heureux de vous avoir accueillis aussi
ments horribles qui le submergent et lui
rendent incompréhensibles les pièges que
Quel autre message à saisir de ce film
vivant qui soutient notre émotion jusqu’à
la dernière image?
nombreux. Heureux que notre action vous lui tendent au hasard des rencontres ou Faut-il comprendre que cette malfai-
intéresse toujours. et votre intérêt nous lors de rendez-vous “arrangés” pour lui, sance criminelle, morts innocents, propa-
conforte dans l’idée, en ces temps diffi- par des amis, tous faux-amis évidemment. gation intentionnelle de nouvelles
ciles, qu’il nous faut poursuivre notre Faire la UNE de son journal, quel fausses, ne naît pas d’elle-même ?
action auprès des jeunes. jeune journaliste ne l’a pas rêvé ? Alors ? Les armes évidemment qui
A vous tous un merci chaleureux. Mais quel écœurement au bout de n’arrivent jamais dans aucun pays par
Le film présenté donc Deadlines, de quelques jours de recherche intense, de hasard, les “marchands d’armes” que
Ludi Boeken, relate des faits survenus en travail irréfléchi, de se rendre à l’éviden- l’argent propre ou sale ne rebute pas, en
1984 pendant la guerre du Liban, faits que ce : tout ce qu’il avait pris pour vrai, des portent la responsabilité. Ils s’y enten-
l’on pouvait croire actuels, de notre actua- informations à l’amour d’une jeune pho- dent à en fournir toujours plus, toujours
lité bien misérable hélas ! tographe s’étant servi de lui, tout n’était plus sournoisement.
Ce jeune journaliste qui se jette à corps que mensonges,traitrises, ruses. Une note d’espoir? Oui, le tournage de
perdu dans cette ville de Beyrouth, qui Interrogé après la projection, Ludi ce film a eu lieu en Tunisie avec le
assiste à des évènements incroyables, est Boeken a déclaré s’être inspiré de faits concours de nombreux Tunisiens à tous
porté par une impulsion qu’il ne discerne vécus avec son ami, lors de ses reppor- les stades de la réalisation. Cette coopé-
pas immédiatement : découvrir la vérité tages au Liban. ration et les échanges qui s’en sont suivis
cachée derrière cette guerre meurtrière, ce Journaliste donc! Il nous a confié avoir sont une prouesse que le réalisateur a
face à face incompréhensible, cette inno- mis près de 20 ans pour réaliser cette tenu à saluer avec émotion.
vation diabolique ; deux camions bourrés œuvre haletante dans le but d’instruire Peut-être rien n’est-il perdu!
d’explosifs ayant coûté la vie à des cen- son public que la diffusion des informa- Peut-être un jour la paix pour tous!
taines de soldats américain et français. tions—toutes presses confondues—n’est
Nous le suivons, cet Alex Randall pas toujours diffusion de la vérité. Elyett Rodrigues.

Prise d’otages : effets secondaires

Frères Musulmans au cœur de la politique certains « alliés objectifs » des islamistes,


U n des effets, pour le moins inattendu
de la prise en otages en Irak des deux
journalistes français, Christian Chesnot et
française. Belle réussite.
La situation est pour le moins étrange.
pas toujours musulmans d’ailleurs, tou-
jours prompts à traiter d’islamophobe
Georges Malbrunot, dont nous espérons Deux hypothèses se posent. toute personne osant porter la moindre cri-
très vivement une rapide libération, a été La première : les Frères Musulmans tique contre un Islam radical et dévoyé.
le revirement spectaculaire des positions vont profiter de cette embellie pour conti- Enfin, troisième effet de cette prise
du mouvement islamiste proche des Frères nuer à mener plus facilement une politique d’otages, cette fois moins heureux, et peu
Musulmans : l’UOIF. communautariste : scénario catastrophe. honorable pour notre pays qui ne rechigne
En effet, l’UOIF, mouvement radical La deuxième : cet accord n’est qu’un pas à donner des leçons au monde entier,
hostile à tout ce qui n’est pas la loi cora- premier pas d’une évolution qui va se est la démonstration que la France, face au
nique et qui a toujours refusé la loi sur le poursuivre, s’inscrire durablement dans la terrorisme « se la joue perso ».Ce qui ne
port du voile dans les écoles, promettait République et signer là l’acte de naissance semble d’ailleurs pas beaucoup lui réussir.
une rentrée très chaude. d’un Islam à la française, tant attendu et En effet, comment ne pas avoir honte
Cependant, courant Août, devant la fer- souhaité. quand on entend des déclarations disant
meté du ministre de l’intérieur et après de Hypothèse heureuse acceptée avec que « nos otages » ne méritaient pas leur
nombreuses négociations, l’UOIF a com- joie... sort puisque « la France est amie des pays
mencé à montrer des signes de fléchisse- Autre effet positif : pour la première fois arabes...qu’elle était contre l’intervention
ment en essayant non plus de refuser la loi des intellectuels musulmans se dressent américaine en Irak... que les deux journa-
mais d’en négocier son application. massivement contre les sauvageries com- listes se sont toujours montrés pro-
La-dessus arrive l’affaire des otages. mises par des islamistes au nom de l’Is- arabes...» et j’en passe...
Est-ce que l’UOIF comprend alors lam. Cette prise d’otages semble être la Etait-il indispensable de faire de telles
qu’elle a tout à gagner à jouer le jeu répu- goutte qui a fait déborder le vase. Ces déclarations donnant d’une certaine
blicain ? Toujours est-il que grâce à ses intellectuels quoique souvent menacés, manière quitus aux terroristes et justifiant
connections internationales, elle participe ont courageusement pris le parti non seu- ainsi implicitement l’exécution des otages
efficacement aux discussions pour aider à lement de se démarquer et de condamner italiens, américains, japonais, népalais,
la libération des otages. vigoureusement les actions des islamistes, turcs, etc...? Sûrement pas.
Cette action d’éclat scelle un accord mais aussi, comme le souligne le journa- Dommage.
entre la République et l’UOIF et met les liste Mohammed Sefaoui, de dénoncer Lison Benzaquen.

Mémoire 2000. No 42 - Octobre 2004 5


à l'intégration des immigrés, ont beaucoup n'y a en France QUE des Français. Qu'ils
Français poussé à faire valoir sa "différence" comme si
c'était un privilège, au lieu de faire que tous les
soient blancs, noirs, jaunes, beaux, laids,
bêtes, intelligents, jeunes, vieux, religieux ou
d’origine… particularismes ne se fondent en un creuset
commun, enrichissants pour tous. Et chacun,
agnostiques, pauvres ou riches...Bref, des
Français égaux en droits et soumis aux mêmes
pour exister, s'est fait un devoir de revendiquer devoirs, des Français faisant partie intégrante

B on sang, qu'il est fatigant d'entendre enco-


re et toujours parler de "Français d'origi-
ne... musulmane, juive, maghrébine, africaine,
jalousement, SA différence, SA culture, SES
traditions...
Funeste erreur : l'intégration passe essentiel-
de la communauté française.
Et, si certains veulent afficher et revendi-
quer leurs origines pour se mettre hors la loi
asiatique..." et maintenant même pour cer- lement par l'intériorisation des règles, des républicaine, ceux-la devront, avec toute la
tains: "gauloise" !!! valeurs, du mode de vie, des lois, etc. du pays rigueur nécessaire, être sanctionnés. Pour tous
On ne finira donc jamais de définir un d'accueil et par le renoncement, ce qui ne les autres, les plus nombreux, inutile de leur
citoyen par son origine ? Quand va-t-on enfin signifie pas reniement, de son identité d'origi- rappeler sans cesse d'où ils viennent, ils le
accepter que lorsque quelqu'un, quelle que soit ne. C'est-à-dire le contraire exact de ce qui a savent!
son origine, décide de choisir la France pour été prôné et encouragé depuis plus de vingt ans Sans doute sera-t-il difficile de redresser la
patrie, devient Français, un point c'est tout. : et dont on peut apprécier les résultats en lisant barre. Il faudra pour cela perdre nombre d'ha-
FRAN-ÇAIS. un rapport inquiétant de la DGSE. bitudes et réflexes, réformer l'éducation, faire
L'origine des personnes, comme la religion, Celui-ci fait état de très nombreuses ban- preuve de patience...Mais au moins pouvons-
doit être affaire privée avec laquelle chacun lieues et quartiers ghettos où règne désormais nous déjà, tous, commencer par faire un
s'arrange comme il veut ou comme il peut. en maître, une "loi communautaire" en lieu et simple effort de langage dont on connaît l'im-
Il n'y a aucune raison pour que cette origine place de la loi républicaine, et ce, de façon portance pour la structuration de la pensée et
soit rappelée ou exposée à tout bout de champ, quasi irréversible. des êtres, et renoncer à dire de façon quasi
comme le font les médias, les politiques ou les C’est la le signe d’une communautarisation automatique : "Français d'origine..."
commentateurs de tout poil quand il s'agit de qui, si elle n'est pas très rapidement maîtrisée, Cette qualification, excuse pour certains,
parler de personnes vivant en France mais risque de s'étendre et aboutir à une atomisation facteur aggravant pour d'autres, reste dans tous
"venues d'ailleurs" fut-ce depuis très, très, très de la société en ghettos étanches, rivaux et vio- les cas, discriminatoire, stigmatisante et néfas-
longtemps. lents. te pour tous.
Durant de nombreuses années, les poli- Avant d'en arriver là, ne serait-il pas temps
tiques, sans doute convaincus que cela aiderait de se dire et surtout penser sincèrement qu'il Lison Benzaquen.

Colin Powel, Kofi Anane ont fait le dépla- outre, comme dans d’autres cas similaires,
Darfour, cement pour essayer de convaincre le gouver- assisté à l’évacuation honteuse des contingents

Quoi de neuf ?
nement soudanais à revenir à de meilleurs sen- notoirement insuffisants de l’ONU.
timents et à cesser de soutenir et armer les Pourtant, l’intervention en ex-Yougoslavie,
milices. malgré le fait qu’elle se soit passablement fait
Résultat des démarches «verbales»: nul. attendre, a porté ses fruits et arrêté massacres

M alheureusement: rien! Après une longue


cécité face à ce qui se déroule au Dar-
four depuis des années, le monde semble avoir
Les massacres continuent donc et le nombre
de réfugiés grossit. Seul bénéfice de cette tar-
dive prise de conscience: les gouvernements
et déplacements de populations. Doit-on cette
intervention au fait qu’il s’agissait d’un pays
européen? Doit-on faire remarquer que les
recouvré la vue et, à présent, on évoque quoti- internationaux ont compris qu’il fallait, au massacres de masse, quand ils se produisent en
diennement les atrocités qui sont commises moins, nourrir les réfugiés qui mouraient de Afrique, ne déclenchent pas les mêmes effets
dans cette région : soit. faim et leur fournir quelques abris de plas- émotionnels qu’ailleurs?
Les seuls à garder un silence pudique sur tique. La mortalité dans les camps a diminué. Quelle tristesse que de se retrouver dans le
cette effroyable affaire, sont hélas, les Musul- Ouf, le monde peut avoir bonne conscience . camp des «discrets» dont je parlais plus haut.
mans, d’Afrique ou d’ailleurs. Ceux-ci tou- Mais, intervenir militairement pour arrêter Finalement l’indifférence devient, en ces
jours si prompts à dénoncer les «humiliations» les massacres, direz-vous? Niet! N’exagérons temps troublés, bien contagieuse!
et les «génocides» perpétrés contre leurs rien!… Bien entendu dans quelques années, quand
peuples, les voilà soudain bien discrets. On a peine à comprendre cet immobilisme. la population du Darfour sera largement déci-
Est-ce parce que le Soudan est dirigé par le Est-ce que 50 000 morts, 100 000 réfugiés au mée, nous aurons, comme à notre habitude,
gouvernement islamiste d’Omar Al-NBachir ? Tchad et un million de personnes déplacées au recours au témoignage des survivants, nous
Est-ce parce que les victimes sont africaines, Darfour ne méritent-ils pas le dérangement? ferons émerger la mémoire, nous nous indi-
non arabes, non musulmanes? Est-ce encore A combien de morts faut-il arriver pour que gnerons, et comme d’habitude, nous verserons
parce que les Janjawid —miliciens armés, à les nations se décident à réagir? quelques larmes.
chameau ou à cheval qui massacrent et violent Le monde a quand même connu ces der- Alors, sans doute devons-nous nous rési-
à tour de bras, brûlent récoltes et maisons— nières décennies quelques génocides et net- gner à admettre que c’est dans la nature de
sont essentiellement arabes ? On est en droit toyages ethniques qui devraient rendre les l’homme d’avoir un seuil d’indignation et
de se poser la question. Nations-Unies plus réactives. d’émotion sélectif et variable en fonction des
Toujours est-il, depuis que les yeux se sont On peut aussi remarquer que lorsqu’il s’est victimes et des intérêts en jeu.
ouverts, diverses instances prises d’une activi- agi du Rwanda en 1994, celles-ci ne se sont
té fébrile, multiplient commentaires et visites. pas non plus beaucoup bougées, et on a, en Maurice Benzaquen.

6 Mémoire 2000. No 42 - Octobre 2004


MENDES FRANCE : Devoir de mémoire :
Tirailleur négligé
toujours pert inent

E n 1954 il y a tout juste 50 ans, Pierre


Mendes France devenait président du
Conseil et en quelques mois donnait au paysa-
naissant que tous les autres peuples de la
région ont ce même droit.
En conclusion : Mesdames et Messieurs,
S ous le badigeon tricolore on commé-
more. Il faut voir comme c’est beau et
grand un pays qui célèbre, pardon, auto-
ge politique français un autre visage que l’on j’aimerais conclure. Jusqu’ici, les soi-disant célèbre, sa liberté retrouvée et acquise
n’a pas retrouvé depuis. faucons, les fanatiques de tous les pays grâce aux autres.
Pour honorer sa mémoire nous publions ici concernés, se sont prêté mutuellement appui, A tous les autres et pas seulement, pour
un extrait d’un discours qu’il a prononcé en involontairement et peut-être même sans s’en être précis, à ceux à la couleur adéquate,
1977 à propos d’Israël auquel il était profon- rendre compte. Chaque déclaration violente de mais également aux supplétifs de couleur.
dément attaché et qui reste d’une actualité l’un était utilisée comme argument pour justi-
totale . fier le contre-argument de son adversaire. A l’automne 1944, l’armée française
C’est pour cette raison qu’il faudra beaucoup sera blanchie, et voici qu’en août 2004,
plus de temps pour édifier la paix - beaucoup l’Histoire et la Mémoire sont à leur tour
“[...]La légitimité de la cause d’Israël vient de plus de temps qu’il n’est nécessaire pour blanchies. Souvenez-vous, dans les jour-
ce qu’elle est fondamentalement basée sur le déclarer la guerre. Il faudra beaucoup de cou- nées précédant la commémoration du
droit revendiqué par le peuple israélien d’être rage pour résister aux extrémistes et aux débarquement de Provence, nous avons vu
libre dans son propre foyer - à l’intérieur de démagogues et accepter les compromis, beau- à la télévision, un « blanchiment » des
ses frontières et dans ses droits. coup plus de courage que pour faire ou encou- témoins : saisissant!
Mais Israël ne peut refuser aux autres le rager des discours chauvins, nationalistes et Cette armée d’Afrique dont plus de la
principe d’autodétermination qu’Israël lui- fanatiques. Et c’est aussi pour cette raison que moitié venait du continent n’était honorée
même revendique si justement et si fièrement. je fais aujourd’hui appel aux hommes de paix que par des Français de souche, ou
Des discussions interminables sont menées sur et de générosité, ceux qui pensent à l’avenir,
le sort futur des Palestiniens. Personne n’est en « pieds-noirs ».
aux hommes des deux côtés de la barrière évo-
droit de le déterminer arbitrairement. Les qués hier par le président égyptien qui, pen- A partir de l’avant-veille nous pûmes
hommes et les femmes de la Palestine arabe dant si longtemps, se sont ignorés. Il fait appel découvrir les combattants marocains et
sont eux-mêmes les seuls à pouvoir le déter- à eux pour qu’ils s’encouragent mutuellement. algériens. La veille nous pûmes voir et
miner. J’ai beaucoup entendu parler à ce sujet, Alors que les fanatiques, les faucons, se sont si entendre un combattant de l’Afrique noire:
parfois par des gens de cette région, parfois souvent réciproquement encouragés, je déplo- Malaise ! Malaise pour ces tirailleurs noirs
par des gens venus de loin. Parfois par des re le fait que les hommes de raison, les réa- baptisés sénégalais dont le corps fut créé
Israéliens, parfois par des Palestiniens, par des listes des deux camps, n’aient pas encore trou- le 21 juillet 1857 à Plombières les Bains
hommes appartenant à l’OLP, par d’autres vé le moyen de se soutenir les uns les autres, par Napoléon III.
appartenant à des tendances différentes. Je n’ai de s’aider les uns les autres suffisamment. Un texte officialisant un état de fait qui
pas le droit - je ne me sens avoir le droit - de Je dirai très franchement qu’en différentes
durait depuis 1715, époque où l’on signale
trancher entre eux. Seuls les citoyens de Pales- occasions, je pense que nous n’avons pas tou-
les premiers Africains servant dans la gar-
tine, librement consultés, pourrons répondre jours trouvé les réponses, les encouragements,
lorsque le jour viendra. Eux seuls devraient, nison française de Saint-Louis du Sénégal.
l’appui et l’approbation dont nous avions tant
d’une manière souveraine, arrêter leur propre Ce fut là l’inauguration d’une longue his-
besoin pour poursuivre notre lutte, parmi les
décision. Palestiniens et parmi ces organisations qui toire de faits d’armes et de bravoure.
L’OLP, dont on a discuté durant ce sympo- parlent de la manière la plus frappante au nom Dès le mois d’août 1940 les Tirailleurs
sium, est, disons - le franchement, entré dans de leur lutte nationale. Les forces de paix exis- formeront l’ossature des Forces Françaises
la lutte avec parfois un excès d’effusion de tent dans le monde entier, dans tous les pays, Libres et avec une poignée de légion-
sang - malheureusement inévitable dans une et en particulier dans ceux qui pleurent encore naires, de Marsouins de l’infanterie colo-
telle guerre. Mais, encore plus,elle a profondé- leurs fils tombés au combat. niale, d’aviateurs et de marins, ils consti-
ment et traumatique ment ébranlé ce pays dont New Outlook exprime le vœu que tous ceux tueront la troupe la plus importante.
l’existence était déjà menacée de l’extérieur. qui sont assoiffés de paix, tous ceux qui ont Koufra, Bir-Hakeim, la Tunisie, l’Italie,
Quoi qu’il en soit, l’OLP en est venue à per- crié, chanté et pleuré de joie et d’espoir ces la Corse, la Provence, l’Alsace.
sonnifier une lutte nationale, l’OLP personni- derniers jours dans les rues de Jérusalem, et
fie une résistance qui ne peut être ignorée. que beaucoup parmi nous ont contemplés avec Des faits d’armes semblent peu de
Pour cette raison aussi, on ne peut refuser au une émotion indescriptible. La devise, le slo- chose face à la place affectée aux témoi-
peuple palestinien - placé aujourd’hui sous un gan, le mot d’ordre de ce symposium était : gnages. En quelque sorte le fait d’arme du
régime d’occupation - le droit de déterminer « Les canons se tairont-ils ?» Il dépend de libéré et quelques médailles distribuées.
par lui-même son propre avenir, la forme de nous tous, de notre ténacité, de notre volonté, C’est mesquin !
son Etat, ses relations avec ses voisins et l’ave- d’assurer que la réponse de demain, après ces
nir de ses enfants. nouveaux efforts et ces nouvelles différences,
L’autodétermination est un droit inaliénable que cette réponse soit enfin « Oui » et que la Patrick Grocq.
d’Israël. Israël mettra encore plus en relief la paix soit enfin accordée, partout dans le
valeur de ce principe et de cette loi en recon- monde, à tous les hommes de bonne volonté.”

Mémoire 2000. No 42 - Octobre 2004 7


A LIRE… A VOIR… LE COIN DES AMIS

UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE MEMOIRE DE QUELQUES GRANDS Nous apprenons avec tristesse le décès,
survenu le 2 septembre dernier, de
TENEBRES. TEMOINS DE L’HISTOIRE.
Pierre YSMAL
D’Amos Oz Musée des lettres et manuscrits, 8 rue de ancien journaliste parlementaire, compa-
Traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen Nesle, 75006 Paris. gnon de Mémoire 2000 depuis son origi-
Ed.Gallimard ne. Nous garderons de lui le souvenir
A voir pour ceux que l’écriture émeut : d’un homme affable, muni d’un solide
André Gide disait que souvent devant un chef -Le message top secret signé Eisenhauwer sens de l’humour.
d’œuvre on se devait de se taire sauf à dire adressé aux chefs d’état major des forces Nos pensées fraternelles vont à sa
ah... alliées annonçant la capitulation allemande le famille.
C’est le cas avec ce livre d’Amos Oz. Auto- 7 mai 1945 à 2 heures 45 du matin.
biographie où Oz joue à inventer des histoires -Une lettre de Boileau,commentant la mort
drôles et émouvantes. C’est un grand livre de Jean Racine... et plein d’autres, signées
comme on en rencontre peu. Mozart, Richelieu, Napoléon, Proust... « Ne dis jamais c’est mon
Si vous ne l’avez pas encore lu, quelle chan- D.R. dernier chemin »
ce car il vous reste à le découvrir.

HISTOIRE D’UNE VIE.


D’Aharon Appelfeld
LE IIIe REICH ET LA MUSIQUE.
C ’est le très joli titre du livre d’Hélène
Schoumann et Paul Grastain, paru aux
édition Magellan & Cie. C’est un ouvrage
Traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti
A voir et à entendre du vendredi 8 octobre sur la Shoah ou du moins sur ses consé-
E. de l’Olivier quences sur les descendants des victimes.
2004 au dimanche 9 janvier 2005 à la Cité de
En voyant le nombre de livres publiés
« Je suis né dans un monde cruel, j’ai vécu la musique, exposition, concerts et forum : Le
aujourd’hui encore sur ce sujet on a de
l’enfer. Pour ne pas perdre la tête il a fallu se IIIe Reich et la musique.
quoi s’étonner et s’inquiéter.
forcer à oublier, à réprimer... mais un jour j’ai Informations : 01 44 84 45 69 En 60 ans, la shoah a été “décortiquée”
compris que refouler des émotions pareilles, L’exposition retrace les tentatives opérées par des historiens, philosophes, théolo-
c’était dangereux, alors j’ai laissé remonter les par le IIIe Reich pour définir les critères d’une giens, psychologues, poêtes…De nom-
souvenirs... » musique conforme à l’idéal national-socialis- breux témoignages sont parus, tardivement
Un autre livre, dites-vous. Oui mais à te…De nombreux documents précieux seront à cause de la difficulté à raconter l’indi-
chaque fois différent même si la Shoah reste présentés pour la première fois au public. cible. Mais il semble que l’on n’en aura
l’unique sujet des livres d’Appelfeld. Une bonne idée ! jamais fini, et aujourd’hui, les petits enfants
Ces écrivains, Oz, Appelfeld sont notre A ne pas rater. d’anciens déportés viennent témoigner à
chance, ne la laissons pas passer. L.B. leur tour sur les “effets” de cette catas-
trophe sur leurs vies, sur l’impétueux
TRANSIT. besoin qu’ils éprouvent à donner “une
D’Anna Seghers. LES YEUX DE LA MEMOIRE. sépulture” symbolique aux morts ano-
nymes, une parole à ceux qui n’ont rien pu
dire, et à essayer de réparer l’irréparable.
Vient de sortir en livre de poche. A relire cette Exposition sur les années 1933-1945, de Ce n’est pas un livre de plus.
histoire de réfugiés politiques dans les années
l’avènement du nazisme à la liberté retrouvée. C’est un livre où, comme dit Elie Wie-
40, échoués à Marseille en espérant y être en sel: chaque mot correspondrait à un visage,
Mairie du 4ème arrondissement,
“transit”, attendant d’obtenir des papiers régu- à une prière, l’un ayant besoin de l’autre
salle Jean Mouly
liers pour quitter la France et l’Europe… pour ne pas sombrer dans l’oubli.
du 7 au 26 octobre 2004.
Daniel Rachline L.B.

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8 Mémoire 2000. No 42- Octobre 2004

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