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L’HABITAT

PARTICIPATIF
À MONTREUIL
Une histoire,
des initiatives
collectives,
une dynamique

Recueil d’expériences
Août 2011
Étude commandée par
la ville de Montreuil à l’association
Éco Habitat Groupé.
L’HABITAT
PARTICIPATIF
À MONTREUIL
Une histoire,
Coordination générale :
Emilie Fleury, chargée de mission
des initiatives
Logement-Habitat,
Direction Générale, Ville de Montreuil collectives,
Conception - Rédaction :
Anne d’Orazio, architecte-urbaniste,
une dynamique
Maître Assistante
Associée à l’ENSAPLV.
Laboratoire LAVUE-Mosaïques,
Université Paris - Ouest
Nanterre - la Défense

Conception graphique :
Philippe Mollon-Deschamps

Recueil d’expériences
Août 2011
2 3
À travers quelques
opérations remarquables,
il s’agit de montrer une
diversité de formes
d’engagement et de
production de l’habitat
participatif à Montreuil.
L’habitat participatif à Montreuil

L
’habitat participatif s’inscrit à construit des dizaines de logements aux la copropriété traditionnelle, certaines Participatif. Son antériorité sur la scène
Montreuil dans une histoire de quatre coins de la ville. Cette première impulsent des pratiques innovantes au associative lui permet de capitaliser
plusieurs décennies marquée expérience massive d’auto-construction cœur même de la production sociale trente ans d’expériences sur l’habitat
par des initiatives collectives collective et solidaire renvoie largement du logement. Ces configurations mul- groupé à travers les différents groupes
variées qui cherchent à donner corps à à l’héritage de l’édification de la ban- tiples, par leur statut, leur montage, leur qu’elle fédère. Renouant avec les
un vivre ensemble autrement dans des lieue populaire au début du XXe siècle. démarche, cherchent à renouveler et à pratiques du MHGA, elle a animé, à
projets où autogestion, solidarité, écolo- C’est dans cette histoire et cette filiation déplacer les marges de manœuvre de la Montreuil, en novembre 2009, son 9°
gie sonnent comme des mots d’ordre. que les initiatives d’hier et d’aujourd’hui production de l’habitat dans de nouvelles Forum national de l’Habitat groupé,
Ces initiatives habitantes ont fleuri dans s’inscrivent. Elles permettent de saisir formes de coopération entre acteurs sous le titre «De l’habitat groupé à
un territoire ouvert à l’innovation sociale l’ambition de ces projets collectifs et les privés et publics. l’éco-quartier».
et à l’expérimentation. Impulsées par difficultés opérationnelles auxquelles ils Cette journée de débat a permis de
des collectifs engagés, elles ont trouvé le s’affrontent. Cette réflexion n’aurait pu voir le jour rendre compte de la diversité des expé-
soutien de la collectivité locale. Aujourd’hui, bon nombre de ces opéra- sans l’apport d’un grand nombre riences réalisées en France et a mis en
tions ont vu le jour. Elles sont le témoin d’acteurs porteurs de ces initiatives. lumière les liens existant entre initiatives
Aujourd’hui, la Municipalité affirme sa de la vitalité de ces initiatives habitantes Ceux-ci ont rendu possible la collecte de habitantes et projets des collectivités ter-
volonté d’accompagner ces dynamiques et s’inscrivent dans des démarches ces données et nous ont accompagnés ritoriales. Dans cette perspective, la ville
citoyennes. Elle intègre dans ces en- citoyennes de partage et de solidarité en tout au long de ce travail. L’attention de Montreuil a initié la capitalisation
jeux une démarche publique visant à leur sein mais aussi dans les réseaux et qu’ils portent à rendre vivant leur pro- d’expériences produites sur son territoire
construire des registres de l’innovation dynamiques collectives locales. jet en assure ainsi la transmission pour depuis plus de cinquante ans et a confié
dans une perspective de contribution à le plus grand nombre ; nous tenons à à l’association Éco Habitat Groupé la
un tiers secteur de l’habitat. Ce recueil cherche donc à initier une saluer leur engagement collectif et la réalisation de ce recueil.
Ce soutien à l’initiative passe, au-delà démarche de capitalisation, à permettre dynamique qu’ils impulsent au-delà de
des mots, par un appui aux projets qui la diffusion, le partage et la construction leur propre expérience dans une volonté Pour mener à bien cette étude, un
se co-construisent avec la collectivité et d’un savoir collectif pour chacun. incessante de construire des démarches premier travail de recensement des
s’insèrent dans les politiques locales de citoyennes et innovantes. différentes initiatives a été entrepris.
l’habitat. Les expériences rapportées mettent en Au terme de cette première étape, il
lumière l’action des collectifs d’habitants, 1/ Contexte de l’étude : s’est agi d’établir un corpus d’opérations
Ce présent recueil d’expériences n’a pas leur engagement, mais aussi les aléas et significatives tant par la mobilisation
vocation à l’exhaustivité, mais il donne échecs auxquels ils ont dû faire face. Il La présente étude fait l’objet d’une com- des acteurs engagés que par leur mon-
à voir une série d’expériences significa- s’agit, au travers des sept expériences mande par la mission Logement-Habitat tage opérationnel. Cette étude cherche à
tives de cette histoire de l’habitat partici- présentées, de montrer une diversité de la ville de Montreuil auprès de montrer, à travers un choix précis d’opé-
patif à l’échelle de la Ville. Bien d’autres d’approches et de situations. La plupart l’association Éco Habitat Groupé. rations, une diversité de formes d’enga-
initiatives ont vu le jour et méritent sont à l’initiative directe des habitants, Cette association s’inscrit dans le sillage gement et de production de l’habitat. Le
d’attirer l’attention, on ne peut passer d’autres sont impulsées par des acteurs du Mouvement pour l’Habitat Groupé point commun de toutes ces opérations
sous silence l’importante production de publics locaux. Elles se situent, majo- Autogéré, le MHGA, créé en 1977. Elle reste la mobilisation des habitants dans
la décennie des années 50 où le mouve- ritairement, dans une production alter- en assure aujourd’hui la continuité au la production ou la coproduction de leur
ment des Castors de Montreuil a auto- native à la promotion immobilière et à sein des réseaux nationaux de l’Habitat cadre de vie et leur implication dans la

4 5
Ces opérations couvrent trois périodes
distinctes de la production du logement
et de l’habitat sur le territoire commu-
nal, allant de l’appel de l’Abbé Pierre
aux crises actuelles du logement.

gestion courante et ordinaire du patri- 2/ Les opérations étudiées mise en œuvre et la conduite commune tion et les critiques qu’ont engendrées
3
/ Maurice Imbert,
«Logement,
moine qu’ils occupent. d’opérations de construction et de ges- le logement en habitat collectif. (…) autoconstruction,
La période retenue s’étend des années Les sept opérations retenues couvrent tion immobilière.3» La concentration des logements, leur solidarité :
l’expérience des
cinquante à nos jours, couvrant ainsi trois périodes distinctes de la production surface réduite, le manque d’espace Castors», in La région
l’avènement d’une politique publique du du logement et de l’habitat sur le terri- - La deuxième période correspond aux commun et leur traitement sommaire, parisienne industrielle
et ouvrière. Cultures
logement jusqu’aux débats actuels sur la toire communal de Montreuil-sous-Bois. années 1980 et trouve des prolonge- l’insuffisance des isolations phoniques et recherches, n°5,
refonte des politiques locales de l’habi- ments jusqu’au début des années 1990. et thermiques, l’absence de surface Paris, 1999.
tat. Cette période, bien que largement - La première période correspond aux Cette période, à la différence de la extérieure privative, les espaces exté-
marquée par l’action publique, tant du années 1950 - 1960, période à laquelle précédente, est marquée par un arrêt rieurs sans échelle ni aménagements,
point de vue de l’État que de la collec- la ville met en œuvre une politique de des politiques de construction massive sont des défauts qu’il faut bien recon-
tivité locale, laissera toutefois place à production de masse de logements. du logement et un engagement vers des naître à ces immeubles collectifs de
des initiatives habitantes et à des expé- C’est au tout début de cette époque, alors démarches plus empruntes de recherche logements sociaux des années 50. Face
rimentations le plus souvent soutenues que la politique municipale en matière de de qualité, autant dans la production à ces critiques, la maison individuelle
par le pouvoir local. Bien évidemment, logement social n’est qu’à ses débuts, que technique que dans l’approche sociale présente, du moins dans son image
il nous faut relativiser la portée de ces le mouvement «Castors» initiera dans et urbaine des questions de la ville. mythique, toutes les qualités inverses :
expériences au regard du nombre de la commune cinq opérations en auto- C’est au travers de dispositifs intimité, autonomie, grandes surfaces,
logements produits à cette même époque construction. Elles se distinguent de la d’expérimentation, encouragés par le en particulier espace de renvoi et de
et de l’évolution démographique de la production courante de ce mouvement Plan Construction, que vont être recher- réserve (cave et grenier), espace privatif
commune. Celle-ci connaissant une aug- – la maison individuelle groupée - par chées des formes d’innovation de extérieur et verdure (jardin). Désirée
mentation de plus de 68 % depuis 1946 la construction d’immeubles collec- l’habitat tant architecturales, urbaines par tous et possédée par certains, elle
pour atteindre en 2008 quelques 102 000 tifs. «Initié au lendemain de la dernière que sociales. offre une image sociale valorisante. Elle
1
/ Sources INSEE habitants1. Cet accroissement de la popu- Guerre mondiale, dans une période où Cette période sera largement marquée répond également à ce désir d’appro-
lation s’est accompagné d’une modifica- la crise du logement atteignait un niveau par une multitude de démarches partici- priation que n’offre plus la production
tion conséquente du parc de logements proprement alarmant, ce mouvement a patives et par la volonté de produire un massive des logements contemporains.
et de la création d’un parc social de connu son apogée de la fin des années cadre de vie de qualité. La question de la (…) Les maîtres d’ouvrages ont cher-
grande ampleur qui héberge aujourd’hui 1940 au début des années 1960, avant co-construction des cadres de production ché à satisfaire cette demande (…), ils
2
/ Sources Ville plus de 35 000 personnes2 . C’est donc que les politiques publiques d’aide à est largement discutée et plébiscitée par se sont orientés vers la recherche de
de Montreuil dans des contextes très divers que cha- la construction mobilisent des moyens les associations du «cadre de vie» et par solutions d’habitat individuel satisfai-
cune des ces opérations a vu le jour et il jusqu’alors largement déficients. (…) les citoyens qui s’engagent auprès des sant les exigences de densité sans avoir
est nécessaire pour en comprendre l’inté- L’originalité des premiers Castors a été mouvements associatifs. La critique de les défauts du collectif. Les premières
rêt et la portée de les restituer chacune d’appliquer l’auto-construction à la réa- la production de masse du logement des propositions ont été celles des maisons
dans leur cadre natif. lisation de collectifs résidentiels édifiés décennies précédentes viendra autant individuelles groupées en bande, souvent
sur une base coopérative. Il n’existe pas des institutionnels que des habitants appelées «collectif horizontal», car elles
de modèle-type de l’habitat Castor. (…) qui revendiquent un logement «à taille avaient aux yeux des habitants la plupart
Mais, en tout état de cause, le modèle humaine». «Les années 60-70 ont été des inconvénients de l’habitat collec-
Castor implique la constitution de marquées simultanément par le rêve de tif classique, mais ne présentaient pas
groupes solidairement engagés dans la maison individuelle et par l’insatisfac- toutes les qualités espérées du pavillon.

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Tournées hier vers des
dynamiques d’autoges-
tion, ces initiatives
interrogent aujourd’hui
les valeurs de la solidarité,
du « vivre ensemble »
et de l’écologie.

Malgré elles, ces solutions constituaient l’investissement du collectif habitant est architectural ambitieux, cherche à
déjà un «intermédiaire» entre le collectif fondateur de l’esprit des lieux et donne trouver l’équation entre sphère domes-
et l’individuel. (…) Des architectes ont tout son sens au projet collectif et coo- tique et professionnelle et renoue ainsi
abordé le problème d’une autre façon en pératif. avec les mixités fonctionnelles caracté-
essayant, non plus de densifier l’habitat ristiques du Bas-Montreuil.
individuel, mais de donner forme à cette - La troisième et dernière période s’ini-
notion d’habitat intermédiaire. Ils sont tie dans les années 2000. Les débats Le projet de l’Apaum ambitionne la
en effet partis de la constatation que la relatifs à la production du logement création d’un «droit au logement, au-
maison individuelle perd ses qualités sont marqués par de fortes tensions sur togéré et social» et met en œuvre une
intrinsèques à partir de certaines densi- le marché de l’immobilier et font suite réflexion sur les usages et la production
tés ; c’est pourquoi ils ont cherché des à une décennie de spéculation. Face à du cadre habité à destination de
architectures qui conduisent à une forme l’individualisme et à la marchandisation familles populaires autour d’un principe
d’habitat d’une densité moyenne évitant incessante du cadre de vie, de nouveaux d’échange de savoirs et de savoir-faire.
à la fois les fortes concentrations et le arbitrages se négocient et des formes Cette opération doit se réaliser dans le
«mitage» de l’espace, et permettant le d’alternatives se mettent en place. Des cadre de l’application de la loi de réqui-
4
/ Ch. Moley, développement d’une vie relationnelle 4.» initiatives apparaissent qui «cherchent sition des bâtiments inoccupés.
L’innovation Les trois opérations retenues illus- à faire émerger l’idée qu’un «habiter
architecturale dans
la production du trent bien cette tentative de générer des autrement est possible» (…). (Elles) Enfin, le projet de la Maison des
logement social, formes d’habitat alternatif où se côtoient s’organisent autour de mobilisations ha- Babayagas, né il y a plus de dix ans,
éd. Plan Construction,
Paris, 1979.
espaces individuels privatifs et espaces bitantes. S’appuyant sur une critique des propose une alternative aux structures
communs collectifs avec une grande modes de production conventionnels du d’accueil des personnes âgées de plus de
place donnée aux espaces extérieurs et logement et sur une analyse des difficul- 60 ans. Il est porté par un collectif fémi-
particulièrement au jardin. Ainsi Cou- tés d’accès au marché de l’immobilier, nin qui souhaite vivre collectivement et
leur d’Orange proposera à partir de la ces démarches cherchent à promouvoir solidairement leur fin de vie dans un lieu
réhabilitation d’une ancienne usine, des dans des projets de mutualisation, de qu’elles ont souhaité, pensé et qu’elles
logements en duplex autour d’une cour solidarité, de durabilité, une réflexion sur veulent gérer en toute autonomie. Si-
5
/ Anne d’Orazio, centrale et d’un grand jardin. le cadre de vie et le «vivre ensemble5». tué dans la droite ligne de l’innovation
«Habiter autrement, Le Luat, opération produite dans le parc Elles s’inscrivent très largement dans le sociale, il bouscule par son caractère al-
de l’initiative à l’en-
gagement», in Habitat social locatif, organisera un accès indivi- développement de formes d’économie ternatif les cadres normatifs du logement
coopératif : une duel aux logements à partir de coursives sociale et solidaire et réinvestissent le pour personnes âgées.
troisième voie pour
l’accès au logement ?,
extérieures. Quant à La Souris Verte, le local comme source et ressource de leur
revue Territoires, choix s’est orienté vers un dispositif spa- projet.
n°508, Mai 2010. tial permettant au maximum la conserva-
tion des espaces arborés. Les logements Les trois opérations contemporaines
trouvant leur place dans le gros pavillon présentées offrent à elles seules un large
meulière réhabilité et l’extension neuve panorama des expériences actuellement
attenante. Dans ces trois opérations, en cours. Diwan, à travers un projet

8 9
FICHE PROJET
Des habitats PARTICIPATIFS à Montreuil

Le montage
de l’opération
Le groupe « Castor » une fois formé
se constituait en association coopérative
dont le principe reposait sur l’apport en
force de travail pour réaliser le capital de
base des futurs accédants.

L’immeuble du « Clair Logis », livré en


1953, dans le quartier des Ruffins fut la
seconde opération « Castor » de France.
Sa particularité réside dans la construc-
tion d’un immeuble collectif en régie di- Durant leur temps
recte, c’est à dire que les coopérateurs- libre, les hommes
constructeurs achètent les matériaux et s’emploient à la
construction du
matériels nécessaires, embauchent des
bâtiment, assumant
ouvriers professionnels. Tout ceci est ren- l’ensemble des
du possible grâce à l’obtention de prêts tâches du chantier.
consentis à titre collectif. Par ailleurs, Les femmes
l’apport en heures de travail personnel contribuent à la
est conséquent puisqu’il représente au logistique générale.

Les Castors 1949


minimum 600 heures, « soit la moitié
des congés annuels et une moyenne de
dix heures par semaine qui vient en plus
des quarante-huit heures hebdomadaires
de travail ».

Le projet Cette configuration opérationnelle


donnera le ton pour les opérations sui-
vantes construites sur la commune.

D
ès 1947, va naître, groupes se constituent, tous composés pour boucler les opérations. C’est fina-
en France, un mouve- de familles populaires de la banlieue lement la Caisse d’Allocation Familiale La question foncière fut traitée au
ment original d’acces- parisienne. Le groupement sur un même de la Seine qui apporte sa contribution coup par coup. Si la première opération
sion à la propriété territoire de plusieurs opérations « Cas- et permet la livraison des derniers du « Clair Logis » a bénéficié d’un bail
du logement individuel, les « Castors tors » permet d’organiser les démarches chantiers. Une fois les familles instal- emphytéotique, il n’en est pas de même
». Face à l’urgence de reconstruction administratives et de faire pression sur lées dans leur logement, un Conseil pour les autres groupes qui ont dû ache-
de l’après-guerre, des associations le Ministère de la Reconstruction pour de gestion fut constitué. Il avait pour ter le terrain.
s’organisent pour auto-construire un l’accès aux prêts et au foncier. En avril objet « d’organiser la vie gestionnaire
patrimoine immobilier, future propriété 1953, commence la mise en chantier courante du groupe : projet d’aména- Le trait commun de ces expériences
des adhérents. du groupe « Faidherbe » initié par 4 gement futur, entretien général, bilan et repose largement sur le caractère du
À Montreuil, en 1949, sous l’im- militants de la SFIO. Soixante familles budget prévisionnel annuel, répartition groupement humain et l’engagement soli-
pulsion de la Communauté de travail emménageront dans leur nouveau des charges individuelles, etc. (…) daire à mettre en œuvre et à conduire des
autogéré « Rochebrune » se constitue logement en juillet 1954. Devant l’afflux Après deux années d’efforts de opérations de construction et de gestion
un premier collectif d’auto-construc- de candidats et la dynamique engagée, construction, une certaine fatigue se immobilière. Cette implication à devenir
teur : l’association «Le Clair Logis». Le un quatrième groupe se constitue en fit ressentir dans les relations sociales. dans le même temps maître d’ouvrage
principe de fonctionnement est simple mai 1953, la « Cité St. Exupéry ». Il (…) Si de solides et indéfectibles liens et futur utilisateur pour soi-même peut
: les intéressés deviennent sociétaires mettra en chantier 48 logements sur un d’amitié vont unir des familles au apparaître aujourd’hui comme une prise
contre un apport personnel en heure terrain de 6000 m² acquis auprès d’un niveau de la proximité immédiate du de risque. Toutefois rapporté au contexte
de travail et un faible droit d’inscrip- maraîcher, au 300 rue de Rosny. logement, certaines personnes vont se d’après guerre, «il convient de noter qu’en

Photos : Musée de l’Histoire Vivante


tion. Très vite les candidats affluent et Entre les différents groupes replier sur elles-mêmes (…) Région Parisienne la construction sans
un premier chantier est ouvert par un l’entraide s’organise et des moyens L’on conserve des relations de bon promoteur a dominé largement jusqu’en
groupe, formant 78 logements en 13 techniques sont mutualisés avec la voisinage. (…) 1955». Sans banaliser l’expérience des
bâtiments collectifs. Cette opération constitution d’un bureau d’étude, Le souci premier de chaque socié- Castors de Montreuil, celle-ci devant être
est rendue possible par le soutien de d’un service comptable et de gestion taire était de loger sa famille et tous ont restituée dans le contexte et les cadres
la municipalité qui octroie une parcelle financière. Malgré l’enthousiasme des accepté cet effort d’auto-construction de production du logement des années
dans le cadre d’un bail emphytéotique familles et l’énergie des hommes au tra- avec beaucoup de courage et cela à 50, elle reste une référence majeure de
de 99 ans avec un loyer annuel d’un vail, les difficultés financières obligent créé aussi une émulation pour obtenir l’initiative habitante à l’édification de son
franc symbolique. Très vite d’autres les groupes à trouver de nouveaux prêts une réussite personnelle.» cadre bâti.
FICHE PROJET
Des habitats PARTICIPATIFS à Montreuil La gouvernance Le maintien
Le montage Le groupe n’a pas procédé à l’établissement
de l’engagement
de l’opération de règles spécifiques à l’exception des obligations
faites par la gestion de la copropriété qui est admi-
Au cours des années, les engagements de cer-
tains membres se sont poursuivis dans différents
nistrée bénévolement à tour de rôle par les uns et réseaux associatifs tant à l’échelle locale (lutte
Cette opération s’est faite dans un
les autres. Les charges collectives d’entretien sont contre l’évitement scolaire, création du conseil de
cadre de reconversion d’une «friche indus-
faites au gré des capacités et du temps disponible quartier,…) que nationale (participation à la ge-
trielle» inoccupée depuis quelques années
de chacun. nèse d’une coopérative biologique, de l’association
et nécessitant un permis de construire
Les décisions de gestion sont prises formel- « Terre de lien », …).
pour changement d’affectation.
lement au sein des réunions de copropriété en
Un grand nombre de réunions de fonction des tantièmes de chaque lot.
La dynamique du quartier
groupe a permis de définir les besoins com-
muns et les besoins spécifiques de chacun Le cadre des valeurs Très bien inséré dans ce tissu faubourien
des intéressés et de finaliser le montage et populaire de la banlieue parisienne, Couleur
de l’opération tant du point de vue de la Références aux expériences de l’habitat groupé d’Orange est un lieu central dans la dynamique
conception architecturale, des choix tech- autogéré et du MHGA dont l’initiateur du projet du quartier. L’existence de la salle commune et
niques que du montage juridique. était proche. l’investissement de plusieurs des membres de
Incarner l’idée d’un épanouissement humain l’opération dans la vie du quartier et à ses asso-
dans un cadre commun, favorisant les relations ciations ont favorisé l’encrage de cet habitat dans

Couleur
Le groupe bénéficiant d’un grand
nombre de compétences internes s’est ap- de proximité dans le quotidien. son territoire. Hier comme aujourd’hui plusieurs
puyé sur ses ressources propres. Le seul re- activités associatives ont été accueillies sur
cours à un professionnel externe en phase place et ont bénéficié de l’infrastructure de
de montage fut celui de l’architecte, Luc la salle commune. Ces initiatives et engagements

d’Orange
Barré, qui est venu en soutien sur la dimen- ont largement participé à identifier Couleur
sion architecturale et de maîtrise d’œuvre. d’Orange comme un lieu de référence tant à
l’échelle du quartier que de la ville.
Le dispositif de projet s’est appuyé
principalement sur les compétences profes-

1987
sionnelles et la disponibilité de 3 membres
du groupe qui ont ainsi constitué le «noyau
dur» de l’opération, les autres membres
sont venus en soutien de ce dispositif. La
méthodologie de travail déployée s’est es-
sentiellement construite sur une approche
pragmatique autour de réunions où les
choix et décisions étaient validés définiti-

Le projet vement sur la base de compte-rendus lors


de la réunion suivante. Dans ce travail col-

C
lectif, l’architecte a tenu un rôle central en
OUleur quises mais sa localisation dans de 40 ans et il est majoritaire- apportant un regard externe et en arbitrant
d’Orange, un territoire de banlieue effraye ment issu de classes moyennes les débats au sein du groupe.

Photos : Jean-Pol Lefebvre


située dans le les ¾ du groupe qui se rétracte. intellectuelles. Au fil des années
Bas-Montreuil L’initiateur de la démarche le groupe des plus jeunes Le statut juridique adopté pour le
au pied du métro Robespierre, resté seul se met en quête s’étoffera jusqu’à atteindre un montage de l’opération fut celui d’une co-
voit le jour en décembre 1986, de recomposer un groupe par effectif de 22 enfants. propriété. Il est apparu aux membres du
date à laquelle la nouvelle annonce dans différents journaux Une très grande stabilité groupe comme celui le plus à même de ré-
copropriété constituée des futurs et dans les réseaux amicaux et au sein de cette copropriété où pondre à l’ensemble de leurs attentes et be-
habitants rachète une usine associatifs. Il sera soutenu et seulement deux mutations sont soins. Il était compatible avec les types de
désaffectée depuis cinq ans. aidé dans cette entreprise par à enregistrer en plus de vingt financements mobilisés par les ménages.
Cette petite opération accueille l’architecte, Luc Barré, qui ans. La première très vite après Le coût d’opération (achat du terrain et
11 logements et 3 ateliers accompagnera cette opération l’installation vient d’un membre construction) s’est élevé à un prix au mètre Fiche technique
d’artistes. Fin 1987, les habitants tout au long du processus insolvable qui a tenté de rompre carré d’environ 7000 francs (1100 euros)
Type d’habitat :
prennent possession de leur jusqu’à sa livraison en janvier l’entente du contrat qui liait pour les logements et 5000 francs (750
Réhabilitation d’une friche industrielle
Paris
logement ainsi que des espaces 1988. l’ensemble des acquéreurs. euros) pour les ateliers qui étaient moins Date d’achèvement des travaux :
collectifs qui se composent en Le nouveau groupe constitué Cette rupture dans la logique équipés. L’opération a été rendue possible
métro r ue de Fin 1987
par les financements individuels de chacun
une salle commune de 100 m², se met au travail et enchaîne de confiance du groupe a
rassemblés en appels de fonds. Plusieurs
Robespierre Nombre de foyers :
11
une halle extérieure, un jardin une trentaine de réunions pour entraîné son départ et la vente
accédants ont fait appel à des Prêts d’Ac- Locaux et espaces communs :
et une cour commune. définir le projet. Le 15 décembre du bien au profit de la famille Une salle de 100 m2 + une halle + un jardin
L’initiative de l’opération 1986, il signe devant notaire d’un artiste déjà propriétaire cession à la Propriété mobilisables lors
+ une cour + un parking
revient à un groupe d’amis qui l’acquisition du terrain. Les dans l’opération. La deuxième La halle des d’une acquisition en copropriété, d’autres
Statut juridique pour la construction :
cherchait à rendre possible l’idée travaux démarreront dès le vente s’est réalisée en 2007 anciens entrepôts ont opté pour des Plans Épargne Logement Copropriété
d’habitat groupé. En quête d’une surlendemain et se poursuivront suite à un départ pour raison permet d’accéder ou des prêts conventionnés classiques. Statut juridique pour la gestion :
au parking collectif Copropriété
opportunité foncière, ils déni- durant un an. professionnelle. La reprise du

rue Barbes
situé sur la rue Au delà du montage opérationnel et de Architecte : Luc Barré
chent, via la chambre parisienne À cette date, 22 adultes et bien s’est faite au sein du réseau Marceau. son suivi, le groupe s’est investi dans les Contact :
des notaires, une usine en friche 11 enfants prennent possession des copropriétaires, par cession
phases chantier à travers l’auto-finition Jean-Pol Lefebvre : reylefe@orange.fr
au 9 rue Barbès à Montreuil. Le des 11 logements ainsi que à la famille d’un des artistes Henri Morinière : les.moriniere@wanadoo.fr
d’éléments de second œuvre et de l’aména-
lieu semble satisfaire à un grand des 3 ateliers d’artistes. L’âge alors locataire d’un des ateliers.
gement du jardin et des espaces extérieurs.
nombre des caractéristiques re- moyen du groupe d’adultes est
PHOTO : INTER ATLAS
FICHE PROJET
Des habitats PARTICIPATIFS à Montreuil La gouvernance Le maintien
de l’engagement
Le montage Le groupe ayant opté pour ne pas attribuer les
parts de SCI, c’est donc sur la base du collectif que Au delà de l’investissement de chacun dans le

de l’opération les décisions se prennent en application du principe


coopératif «un homme, une voix». La recherche du
portage du projet en fonction de ses compétences
et de ses disponibilités, la dynamique du groupe
consensus est au cœur du dispositif de gouver- a évolué et s’est transformée au gré des affinités
Cette opération porte sur la réha- nance. et des initiatives inter-personnelles qui ont pris
bilitation d’un bâtiment d’habitation En ce qui concerne l’entretien du bâtiment et la forme de différents engagements militants ou
existant et une construction neuve. Le des espaces collectifs, il est géré directement par professionnels.
groupe d’habitants a participé à toutes les habitants ceux-ci réalisant par eux-même une
les phases du projet, de la recherche du grande partie des menus travaux.
foncier jusqu’aux opérations de réception La dynamique du quartier
des ouvrages en passant par le montage Dans la continuité du tissu environnant, cette
juridico-administratif. Cette maîtrise en Le cadre des valeurs opération s’insère dans son cadre urbain sans
interne du processus a pu se faire grâce distinction particulière.
au recyclage d’un grand nombre de com- Référence à l’idéal coopératif : L’engagement d’un grand nombre de ses habi-
pétences professionnelles des uns et « un homme, une voix » tants dans les réseaux militants de la ville participe
des autres et à l’activation de réseaux Volonté de vivre autrement le quotidien en à l’ancrage de cette opération dans son quartier
spécialisés (bancaires, juridiques, etc…). créant « un lieu de vie et d’activités original, convi- et à son ouverture dans les dynamiques locales
Le recours a des compétences externes vial et innovant dans sa qualité architecturale. » malgré l’absence de locaux collectifs spécifiques.
s’est fait pour les opérations de maîtrise
d’œuvre architecturale ainsi que pour une

1992
Assistance à Maîtrise d’Ouvrage par une Le principe
coopérative HLM qui rédigea le cahier des d’aménagement
charges de l’opération et permit sa crédi- de la parcelle a
bilité face aux partenaires bancaires. permis de libérer le
maximum de place

a Souris Verte
L
Le choix statutaire de l’opération a été pour le jardin et
celui de la création d’une SCI d’attribu- de conserver les
tion constituée à l’occasion de l’achat grands arbres.
du terrain. Cette SCI devait se transfor-
mer en copropriété ordinaire dès l’entrée
dans les lieux mais le choix final des
occupants a été de ne pas attribuer les
parts de manière à maintenir un principe

Le projet solidaire et coopératif «d’un homme,


une voix». Énoncé qui trouve sa traduc-
tion dans les statuts de la Souris Verte.

L
La répartition des logements s’est faite
A SOURIS les affinités du collectif et sur rang. Cette implantation est
au consensus à partir des propositions
VERTE, à la base de la cooptation. Cette retenue pour préserver le maxi-
faites par les architectes.
quelques recomposition du groupe plus mum de jardin et d’espaces
encablures de ouvert et plus divers voit partir extérieurs. Initialement, une Le mode de financement de l’opération
la Mairie de Montreuil, regroupe bon nombre des initiatrices. maison commune au cœur du a été individuel, le groupe n’ayant pu bé-
sur une parcelle arborée 9 À l’été 1992, que le groupe jardin devait être construite. néficier d’une reconnaissance par l’insti-
logements et 1 chambre prend possession des lieux. Il Aujourd’hui, les espaces tution bancaire. En revanche, il a béné-
indépendante. Cette opération, est composé de 3 couples et 6 collectifs sont exclusivement ficié d’une garantie de solvabilité pour
du début des années 1990, est femmes célibataires, tous entre extérieurs. chacun de ses membres par une caution
née d’une première expérience 30 et 40 ans. Si les enfants Malgré un grand nombre solidaire, obtenue auprès de la Caisse
de colocation sur Montreuil. étaient peu présents au début d’épreuves et de difficultés d’Épargne de Paris.
Un collectif initial, composé de l’opération au fil du temps (départ de personnes suite
de cinq femmes trentenaires, plusieurs sont arrivés. aux surcoûts budgétaires de La question du financement tout au Fiche technique

Photos : anne d’orazio, dessins : agence Jumeau & paillard


cherchait à pérenniser ses pre- Après un travail visant à 17%), le groupe développe long de l’opération a été cruciale d’au-
Type d’habitat :
miers engagements en dehors définir le projet et à construire une expertise propre à partir tant plus qu’en phase chantier, le groupe

Av
Réhabilitation + Construction neuve

en
des cadres de la propriété une synergie collective par la des compétences internes de a dû faire face à la faillite d’une entre- Date d’achèvement des travaux :

ue
classique et se mit en quête visite d’opérations existantes plusieurs de ses membres et prise. Un système de solidarité entre Eté 1992

Pa
d’une parcelle pour réaliser une du « MHGA » et la recherche construit des échanges de sa- les membres du groupe a joué pour sur- Nombre de logements :

ste
opération plus coopérative. d’information sur l’habitat voir-faire et savoir professionnel monter les difficultés de financement 9 Logements + 1 chambre indépendante

ur
de certains membres. La gestion interne Locaux et espaces communs :
Le foncier, un terrain en groupé, le groupe initie une au sein du collectif.
d’avances personnelles a permis, à des Jardin
friche avec un pavillon existant, phase de programmation et Ainsi au cours des vingt Statut juridique pour la construction :
est trouvé auprès d’un proprié- ébauche des premiers scenarii. années d’existence, ce lieu est taux avantageux par rapport au marché
SCI d’attribution
taire privé. Le coût d’acquisition Sur cette base, il se lance dans devenu support de plusieurs bancaire, d’éviter l’exclusion de certains Statut juridique pour la gestion :
oblige le groupe à s’ouvrir et une consultation d’architectes, expériences associatives, pour défaut de paiement et d’honorer les Coopérative
à faire appel, par ses réseaux organise un concours en phase engagements militants et obligations du collectif face à ces diffé- Architecte :
de connaissances, à d’autres esquisse et retient son maître politiques tant à l’échelle locale rents contractants. A.F. Jumeau & L. Paillard
che Contact :
r ue Ho
ménages intéressés par une d’œuvre. qu’internationale. La pérennité
Le coût global de l’opération avait M.J. Devillers
opération en auto-promotion. Le projet proposé porte sur du groupe s’est faite, malgré
initialement été projeté à 12000 francs métro Mairie
Les choix de recrutement s’ef- la réhabilitation du gros pavillon le départ de certains, dans le
par m² (1829 €) pour finalement sortir à
de Montreuil
fectuent sur une base concrète faubourien et la construction respect de ses statuts et de son
14000 francs (2134 €), soit 17 % d’aug-
et pragmatique en lien avec neuve d’un bâtiment en second principe coopératif. PHOTO : INTER ATLAS
mentation.
FICHE PROJET
Des habitats PARTICIPATIFS à Montreuil La gouvernance Le maintien
Initialement les règles de gouvernance étaient
de l’engagement
Le montage sans objet, le collectif n’ayant pas d’existence par- La création de l’association a permis de don-
Photos : anne d’orazio

ticulière. À partir du moment où le groupe acquiert ner du sens aux initiatives : « le principe était au

de l’opération une personnalité morale, au travers de son associa-


tion et exige l’autogestion du Luat, les modalités de
départ de saisir l’opportunité de l’investissement
des locataires pour nous donner les moyens de
la gouvernance se mettent en place. En interne, au mieux travailler ensemble. » Cette dynamique des
Cette opération est totalement liée au sein de l’association le collège des membres actifs premiers jours a permis de développer un véritable
cadre de production du logement social. se compose de l’ensemble des locataires, chaque tissu social, dans des rapports humanisés. Bien
La maîtrise d’ouvrage est assurée par le logement ayant une voix ; en externe, dans les rela- évidemment cet investissement des locataires n’a
bailleur qui désigne un architecte maître tions avec le bailleur qui est représenté au sein du pas toujours été linéaire et il a été nécessaire de
d’œuvre et organise l’ensemble des opéra- collège des membres associés par un administratif réaffirmer l’engagement réciproque du collectif
tions. Toutefois cette opération occupe une et un membre de conseil d’administration. Ce col- habitant et du bailleur dans cette coopération d’un
place particulière dans la production ordi- lège n’a pas de droit de vote. De manière générale, autre genre.
naire du parc locatif social. En effet la place les décisions sont prises à la majorité qualifiée.
faite aux habitants-locataires, présents en La dynamique du quartier
amont des phases de programmation, est Le cadre des valeurs
toute à fait exceptionnelle et revêt ici un ca- Le Luat joue un rôle essentiel dans les
ractère expérimental. Cette spécificité ins- Référence au modèle de l’autogestion. dynamiques associatives du quartier. L’engagement
talle un dispositif particulier de participa- Volonté de bien vivre ensemble, « chacun militant des premiers locataires a permis d’inscrire
tion dont un des objectifs est de construire participait à rendre le cadre agréable, les uns le lieu comme un point de repère des associations
le collectif habitant. Cela se fait autour des prévoyaient des repas, d’autres des animations, et collectifs voisins. Ainsi de nombreuses mobili-

1992
ateliers pédagogiques proposés par l’archi- untel s’occupait des espaces verts : il régnait sations locales (scolaire, vie de quartier, etc…) ont
tecte, la paysagiste et la sociologue entre une véritable vie de famille ! » trouvé au Luat un point d’ancrage fondamental.
novembre 1987 et fin 1989.
Cette dynamique permet à chaque fu-

L
e Luat
tur locataire de se projeter dans l’opération,
de faire entendre ses attentes dans une dé-
marche collective basée sur une recherche
du consensus. Dans cette première phase
du projet le groupe habitant ne cherche
pas à s’organiser au delà du cadre proposé
par le bailleur. Ce n’est qu’en 1991, alors
que le chantier a débuté, que la nécessité

Le projet
de formaliser le collectif se fait ressentir. À
cette date, les changements de direction au
sein de l’Office mettent en péril le proces-
sus même de la participation ; les nouveaux

L
Signature
L’OPÉRATION le projet, dans ses parties pri- des parties communes ainsi responsables n’entendent pas rendre des de la convention
DU LUAT, un vatives (les logements) comme que leur usage dans l’intérêt comptes aux futurs occupants et rompent d’autogestion
immeuble de dans ses espaces communs commun, comme le définit le la concertation. Un sentiment de danger se du Luat entre
23 logements (le jardin et la salle collective). règlement intérieur de l’Associa- fait jour au sein du groupe, «l’esprit du lieu» l’office HLM
sociaux, est initiée par l’OPHLM Ce processus se construit par tion du Luat. étant touché. Un véritable bras de fer s’en- et l’association
de Montreuil à la fin des années itérations et les décisions sont Au moment de l’installation gage entre le bailleur et le collectif-habitant, des habitants.
1980. Installé dans le secteur prises conjointement entre les dans l’immeuble, le collectif des ce dernier organise la riposte en se consti-
pavillonnaire Solidarité-Carnot, habitants, l’architecte et les habitants se compose d’adultes, tuant en amicale de locataires.
l’histoire de ce petit collectif techniciens de l’office HLM. d’un groupe d’une vingtaine Le recours aux réseaux militants des
débute en 1987 lorsque la En 1990 le chantier d’enfants, entre 5 et 10 ans, et uns et des autres permet un rapprochement
ville de Montreuil et son office commence mais ce n’est qu’au de quelques jeunes adoles- avec la CNL. L’amicale constituée, ils exigent
public décident de lancer une début de l’année 1993 que les cents. Les jeunes prendront pos- d’être présents aux différentes réunions or-
opération avec la participation locataires prennent possession session des lieux, investissant ganisées par le bailleur – maître d’ouvrage. Fiche technique
Au printemps 1992, le chantier n’est tou- r ue d
des futurs locataires. Sous la de leur logement, après un largement le jardin et la salle e Sta Type d’habitat :
houlette d’une équipe conduite changement de direction au commune qui deviennent vite jours pas livré et les locataires décident lingr
par un architecte et une socio- sein de l’office HLM et une leur territoire réservé. Cette co- de faire de la salle commune leur QG. À ad Construction neuve d’un immeuble
en locatif-social
logue, des ateliers d’animation réorientation idéologique du habitation n’a pas toujours été partir de cette date, l’objectif est d’obtenir Date d’achèvement des travaux :
proposent une sensibilisation projet avec un arrêt du proces- sans conflits et elle fut l’objet de de l’office l’autogestion du Luat. Cette nou- 1992
à l’architecture en vue d’une sus participatif. Ce changement nombreux débats, négociations velle revendication n’aboutira qu’un an plus Nombre de logements :
tard avec l’appui d’une élue municipale qui 23

l
co-élaboration du programme dans la gouvernance du projet et arbitrages.

ate
prend fait et cause et interviendra auprès Locaux et espaces communs :
d’habitation. provoque immédiatement un Depuis vingt ans, la dyna-

ap
Salle commune + cour + jardin
du bailleur. L’association du Luat, à laquelle

eR
La sélection des candidats conflit ouvert entre la direction mique participative se poursuit

d’Arc
Statut juridique pour la construction :
adhèrent tous les locataires est constituée

ru
se fait par l’Office à la suite de l’office et le collectif des et elle prend forme autour de L’opération se Propriété de l’OPHLM de Montreuil
d’une lettre d’information habitants qui se constitue en l’idée de «bien vivre ensemble» déploie dans la début 1993 et ils obtiennent l’autogestion Statut juridique pour la gestion :

Bld Jeanne
adressée aux demandeurs amicale de locataires et malgré les départs et arrivées profondeur de l’îlot des lieux le 29 avril 1993. À cette date, une Autogestion par l’association Le Luat
de logements sociaux. Après revendique l’auto-gestion de des locataires. Le Luat devient avec des construc- convention est signée avec l’office qui pré- Architecte :
plusieurs réunions d’informa- l’opération. Après un bras de fer vite une adresse incontournable tions d’habitation voit que les charges réglées par les loca- Rémi Viard
sur chaque rue. taires sont reversées à l’association qui doit Contact :
tion, une vingtaine de familles musclé, les locataires obtien- du quartier où se tiennent
Un grand jardin l’entretien, l’administration et la gestion des OPH de Montreuil
est sélectionnée. Les ateliers nent gain de cause. Dès lors, réunions de parents d’élèves, de se situe en cœur
participatifs se déroulent sur ils ont en charge l’entretien, militants associatifs et s’orga- parties communes dans l’intérêt commun.
de parcelle.
2 ans et permettent de définir l’administration et la gestion nise l’entraide quotidienne. PHOTO : INTER ATLAS
FICHE PROJET
Des habitats PARTICIPATIFS à Montreuil

Photos et dessins : apaum


Le montage
de l’opération
C’est en 2009 que le collectif, consti-
tué sous la forme d’une association loi
1901, rencontre l’actuelle équipe muni-
cipale et fait part de son souhait de dé-
velopper en lien avec la collectivité locale
une initiative d’habitat autogéré et social

Apaum
à destination des populations les plus
fragiles.

Très vite la ville apporte son soutien


à cette démarche et tente de l’accompa-
gner dans un cadre d’occupation légal de
Atelier Populaire d’Architecture bâtiments vacants. Dès lors, les services
de la collectivité engagent un repérage
et d’urbanisme à Montreuil de lieux pouvant satisfaire aux besoins

2007
de l’opération et vérifient les conditions
et critères de mise en place d’une pro-
cédure officielle de réquisition de locaux
vacants.

Malgré cet appui, à ce jour aucune


réponse positive de la part des proprié-

Le projet taires qui préfèrent laisser leurs loge-


ments vides. De la même manière et mal-
gré les interventions réitérées de la ville

N
auprès des services de l’Etat, aucune
é d’une à la famille et lieux collectifs, et l’expérience est interrompue par
réponse n’est faite pour mettre en œuvre
première de rendre possible une véritable l’intervention d’une milice privée
les cadres réglementés de la réquisition
expérience qualité de vie sociale. Pour ce qui organise le dégarpissement
telle que prévue dans les textes.
autour du faire, il propose une program- du bâtiment.
projet DALAS (Droit Au Logement mation incluant des espaces Aujourd’hui, le projet sou-
Ce silence des services centraux
Autogéré et Social) cette domestiques et des services tenu par l’APAUm a pour objet
montre les limites des dispositifs régle-
initiative, portée par un collectif communs à l’immeuble : crèche « l’insertion et l’émancipation
mentaires actuels et l’incapacité dans
proche du monde syndical, parentale, bibliothèque, laverie, sociale par la programmation,
laquelle se trouve la collectivité locale
cherche à promouvoir une etc., ainsi que des « équipements la construction et l’usage de
pour accompagner une démarche alter-
réflexion sur les usages et la de proximité » tels qu’une bourse logements sociaux autogérés,
native ; la ville ne pouvant, au titre de la
production du cadre habité à du travail et une coopérative de de travailleurs précarisés et de
destination de familles popu- consommation. leurs familles ». Afin de permettre
loi, réquisitionner elle-même. Fiche technique
laires autour d’un principe de La volonté d’une maîtrise aux populations dites mal- Type d’habitat :
Pourtant le soutien reste massif et
démocratie directe, d’échange de globale du projet tant dans logées d’accéder dignement aux Réhabilitation d’immeubles réquisitionnés
la volonté est intacte de faire naître un
savoirs et de savoir-faire. Cette ses phases de conception, de soins médicaux, au travail, à la Locaux et espaces communs :
projet innovant et alternatif à destination Laverie + Crèche parentale + Cour + Jardin
première expérience met en production que de gestion passe culture, etc. …, il s’agit d’intégrer
rue Raspail
d’une population plus fragile autour d’un Equipements de proximité :
œuvre une auto conception, une par l’implication directe des aux programmes de logements

rue F. Arago
programme de logements partagés et Centre social
auto construction et une autoges- habitants. Ce dispositif d’auto- des équipements permettant
d’un centre social dans une dynamique Statut juridique pour la gestion :
tion d’un espace pour 8 familles construction permet de maîtriser d’accompagner les difficultés du Logements sociaux autogérés
de participation, d’autogestion et de par-

rue Marceau
(60 personnes) à partir de la et de réduire le coût global tout quotidien dans une perspective Contact :
tage d’expérience à l’échelle du quartier
réquisition, sous forme de squat, en favorisant la vie sociale. de solidarité et d’égalité des Thomas Huguen : apau@no-log.org
et de la ville.
d’un bâtiment inoccupé. Cette première expérience droits. Cette émulation plurielle
Le projet se positionne débute en novembre 2007 par doit perdurer dans la réalisation
comme une production alter- la réquisition d’un immeuble de et la gestion de ces équipements,
native et complémentaire au bureaux désaffecté. Les premiers autour d’un cercle vertueux
logement social ordinaire. Il am- travaux démarrent vite parallèle- d’échange de savoirs et de
bitionne, à travers une program- ment à un travail d’information savoir-faire par une program-
mation participative, de trouver et de mobilisation à l’échelle mation partagée échappant aux
un équilibre entre lieux destinés du quartier. Un mois plus tard, pouvoirs exclusifs des experts.
PHOTO : INTER ATLAS
FICHE PROJET
Des habitats PARTICIPATIFS à Montreuil La gouvernance Le maintien
L’opération est aujourd’hui une copropriété orga-
de l’engagement
Le montage nisée par un règlement de copropriété-coopérative,
impliquant que les décisions soient prises selon le
Le mode de recrutement des habitants et le
rôle prépondérant des associés historiques a
de l’opération principe coopératif : «un homme, une voix». En ce
qui concerne les charges afférentes à l’immeuble,
retardé la constitution du collectif. Après les
premières années d’installation, le groupe s’est
elles sont réparties selon un mode ordinaire de organisé dans une dynamique coopérative.
Cette opération de construction répartition au tantième. Le partage des espaces extérieurs et la collectivisa-
neuve d’un bâtiment en bois performant Ce choix d’organiser à égalité la prise de déci- tion du jardin sont aujourd’hui les formes les plus
énergétiquement est réalisée dans le sion permet d’impliquer l’ensemble des habitants visibles de l’esprit que veut porter ce lieu de vie.
cadre d’une SCI de construction-vente. dans la gestion et la vie de l’immeuble. Des réseaux d’entraide se sont organisés au gré
Le projet initial reposait sur une auto- des affinités et des dynamiques et initiatives
promotion en indivision mais les aléas et voient le jour dans des projets quotidiens comme
incertitudes de l’opération ont conduit les
associés à se constituer dans une forme
Le cadre des valeurs professionnels.
plus classique de promotion immobilière. L’idée initiale cherchait à construire un lieu de
Pour ce faire, ils ont été accompagnés par vie, en auto-promotion, conciliant logement et La dynamique du quartier
un promoteur professionnel, Fiderim, qui espace de travail. Malgré les inflexions de
a assuré la co-gérance. Ce glissement de l’opération et le renouvellement massif du groupe En position de vigie sur la Place de la Frater-
l’opération vers des cadres plus conven-

D
iwan
habitant, l’esprit du collectif fut conservé. nité, ce projet s’inscrit pleinement dans la politique
tionnels n’a pourtant pas limité le rôle des Offrir une alternative à la promotion immo- urbaine de la ville qui cherche à résorber l’habitat
habitants-acquéreurs, les choix initiaux bilière classique par un projet de vie fondé sur insalubre du bas Montreuil tout en proposant des
ayant été portés et assumés par les 3 fon- le partage et l’échange dans un cadre maîtrisé opérations d’habitat intermédiaire où s’articulent
dateurs de la SCI Diwan. permettant d’habiter autrement. densité urbaine et qualité de vie.

2008
Le nouveau collectif d’habitant
Malgré le caractère plus ordinaire de participe à faire vivre la place et
cette opération, les porteurs de projet ont le quartier. Des alliances de voisi-
dû procéder à une véritable montée en nages et de l’entraide s’organisent
compétence et en professionnalisation, avec les riverains largement autour
rendue possible par l’apport technique des enfants qui occupent un rôle
fourni par le partenaire-promoteur. Cette central dans la construction de ces
assise a sécurisé le projet tant dans sa sociabilités de proximité.
dimension administrative qu’au regard Diwan, lieu repérable dans
des attentes des partenaires extérieurs le paysage alentour s’ouvre à la

Le projet
(banques, assurances, cautions, etc…) et diversité environnante.
a permis d’assurer la charge de la maî-
trise d’ouvrage.

D
Le recours aux maîtres d’œuvre s’est Le jardin commun
IWAN, implanté Les trois associés constituent de la parcelle un jardin collectif. se déploie dans la
dans le bas une SCI de construction-vente Des locaux partagés étaient fait par l’un des associés, architecte, à
profondeur de la
Montreuil, à la afin de porter l’opération et de initialement prévus mais faute de partir de son réseau professionnel. Ces
parcelle, assurant
limite de Bagno- la commercialiser en VEFA. Cet financement, ils sont abandon- derniers sont intervenus très en amont la desserte des
let, est une opération contempo- engagement leur fait assumer la nés. Leurs surfaces sont vendues du projet, dès les premières études de logements. Il accueille
raine qui affiche clairement une lourde responsabilité de Maître en locaux d’activités. faisabilité afin d’intégrer les contraintes les différentes
volonté de modernité. d’ouvrage et les oblige à trouver La construction dure deux urbanistiques de la parcelle proposée par initiatives collectives.
En 1998, à partir d’un seuls le financement de l’opéra- ans et le suivi des opérations la ville. Par ailleurs, le caractère expéri-
réseau d’amis naît l’idée de tion. Au terme de deux années est assumé par les deux asso- mental de la construction en bois d’un
concevoir un bâtiment neuf de négociation, un partenaire ciés historiques. Des déboires immeuble de logement a nécessité des
alliant préoccupation environne- financier s’engage dans cette rendent difficile le rôle de maître phases importantes d’études explora-
mentale et qualité architecturale, opération innovante en ossature d’ouvrage et ce n’est qu’après toires et la mobilisation de compétences
le tout compatible avec un bois. Toutefois et afin de sécuriser des reprises pour malfaçons et techniques spécifiques auprès de parte- Fiche technique
budget serré. Huit compères se le dispositif, le banquier exige une procédure à l’encontre d’une naires experts.
Type d’habitat :
mettent en quête d’un terrain que soit intégré à la SCI Diwan entreprise que les habitants
e la
Placetedrnité
Construction neuve en ossature-bois
dans le secteur où ils résident. un de leur partenaire promoteur. prennent possession des lieux Le choix juridique de l’opération
Date d’achèvement des travaux :
el Fra
Marc
Les premiers contacts avec la Les conditions de réalisation de en 2008. L’opération comporte s’est imposé aux initiateurs et la vente Juin 2008
en état futur d’achèvement (VEFA) a per- ne
ville de Montreuil leur fait espérer l’opération réunies, les associés alors 5 appartements, les 3 tien Nombre de logements :
une parcelle mais après quatre cherchent dans leurs réseaux maisons de ville et un local mis de financer l’opération au fur et à r ue E 5 appartements + 3 maisons de ville
années de négociations et malgré amicaux les futurs acquéreurs. d’activité. À cette date, le groupe mesure de sa construction. A la livraison + 1 local d’activité
du bâtiment, une copropriété, constituée Locaux et espaces communs :
un vote favorable du conseil Le groupe d’habitants peine à se est constitué de 21 adultes, âgés Jardin
municipal, cette emprise est constituer et ce n’est qu’en 2006 en moyenne de 40 ans, et de 8 des nouveaux acquéreurs, a pris place.
Statut juridique pour la construction :
finalement réservée à une opé- qu’il se stabilise et que la vente enfants. Un tiers des adultes vit Chaque habitant a géré individuellement
SCI de construction-vente (VEFA.)
ration publique. Cet échec met définitive du terrain est conclue. et travaille sur place. le financement de son logement pour un Statut juridique pour la gestion :

Photos : xavier point


à mal le groupe qui se dissout. Le projet pend forme autour Ces premières années, la coût moyen de 2900 € / m², soit 20 % de Copropriété avec syndic coopérative
Seuls trois irréductibles refusent d’une conception architecturale vie collective s’organise autour moins que le prix du marché. Ce coût a Architecte :
de renoncer au projet et veulent qui fait le choix d’implanter un du jardin commun, dans la été rendu possible par l’achat du foncier agence GRAAM
à la ville au prix des Domaines et sur la métro Contact :
valoriser le temps et l’énergie bâtiment sur rue et en second création d’un syndic coopéra- Robespierre www.cpa-cps.com
déjà investie. Finalement, en rang des maisons de ville en tif et dans la constitution de base d’une promesse de vente négociée
2004, une parcelle est proposée bande. L’ensemble, accolé au mi- réseaux d’échange et d’entraide dès 2002.
par la ville place de la Fraternité. toyen, dégage sur la profondeur à l’échelle du quartier. PHOTO : INTER ATLAS
FICHE PROJET
Des habitats PARTICIPATIFS à Montreuil La gouvernance Le maintien
Les règles de gouvernance sont largement
de l’engagement
héritées du montage partenarial entre le collectif L’existence de l’association des Babayagas doit
dessin et plan : ATELIER J&S TABET D’ARCHITECTURE ET d’URBANISME

Le montage des Babayagas, la ville, et l’office HLM. C’est au


travers de la convention tripartite que l’ensemble
permettre de pérenniser l’engagement politique
et sociétal fondateur du projet auquel la ville et le
de l’opération du dispositif se met en œuvre. Au sein du groupe
des femmes, les modalités d’organisation et de
bailleur apportent leurs soutiens. Cette dynamique
doit trouver à s’inscrire dans la vie quotidienne du
représentation se sont structurées à travers la mise lieu au-delà des difficultés journalières rencontrées
Le montage de l’opération tient à un par les occupantes. L’investissement des locataires
en place d’une association loi 1901 et des activi-
double engagement, celui de la ville de à faire vivre cet espace comme un lieu inscrit dans
tés qu’elles ont initiées : création d’une université
Montreuil qui cherche des cadres d’inno- les réseaux associatifs et militants locaux sera la
populaire du savoir des vieux (UNISAVIE) et d’un
vation tant sociale qu’opérationnelle et marque effective de cet ambitieux projet social qui
festival cinématographique. Dans ce cadre, les dé-
celui de l’office public HLM qui porte la vo- cherche à questionner la place et le rôle des plus
cisions sont prises selon les règles de l’association
lonté de produire un projet spécifique dans âgés dans nos cités. Aujourd’hui, les liens que les
sur des principes de majorité.
les cadres ordinaires du logement social. Babayagas ont tissés avec différents mouvements
Par ailleurs, des modalités spécifiques de
décision existent pour l’entrée dans le groupe qui sociaux et l’audience médiatique dont elles dispo-
Cette aventure trouve son fondement sent les rendent incontournables concernant les
se fait par cooptation et intégration progressive
dans le combat porté par les Babayagas sur questions du vieillissement dans une perspective
aux activités du collectif.
la question du grand âge et sur les dyna- renouvelée d’une économie sociale et solidaire.
miques sociales à l’œuvre. Il s’agit pour le
collectif de faire vivre un lieu dans la ville et
pour la ville, largement destiné aux femmes.
Le cadre des valeurs La dynamique du quartier
De cette double volonté, un lieu de vie et un La Maison des Babayagas occupe déjà
• Un cadre de référence idéologique et poli-
espace de rencontre et de militance, nait un

Les Babayagas
tique fortement marqué s’exprime autour des idées une place importante dans la vie du quartier et
programme qui associe logements et es- à l’échelle locale. Largement inscrite dans les
d’autogestion, de solidarité et de citoyenneté.
paces associatifs. L’engagement dès l’amont actions de la Maison des Femmes de Montreuil,
• L’idée centrale est celle d’un projet de vie, pour
du projet de la collectivité locale et de son elle poursuit dans la proximité et l’engagement
soi, avec les autres qui repose sur les principes de :
office oriente tout naturellement l’opération quotidien un soutien aux populations féminines et
- «Vie autonome, (…) préservant l’intimité de
sur la production de logements sociaux.

2012
chacune », plus spécifiquement aux plus âgées. L’organisation
- « Vie dans un lieu où peuvent se nouer des de déjeuners, d’activités corporelles, de sorties
Dès lors, le collectif des Babayagas doit culturelles et festives, a favorisé la visibilité de leur
Dans l’attente
liens d’amitiés, antidote à la solitude »,
porter le projet associatif et faire vivre l’es- inscription dans les dynamiques locales et en fait
de la réalisation - « Vie en lien, (…) avec le monde extérieur ».
pace collectif prévu à rez-de-chaussée de un acteur à part entière.
de l’immeuble,
l’immeuble. Pour organiser de façon opéra-
les Babayagas
s’essaient à la vie
tionnelle le projet et l’entrée dans les lieux
du groupe fondateur tout en garantissant

Le projet
collective.
le respect des conditions d’attributions du
logement social sans discrimination à son
accès, la Ville de Montreuil, l’OPHM et l’as-

L
sociation des Babayagas s’engagent dans
ES BABAYAGAS, né il y a plus «nouvel acteur social».
une convention partenariale qui a pour
de 10 ans, propose une alter- Durant cette même
objet d’apporter le soutien nécessaire aux
native aux structures d’accueil année, la ville propose
valeurs politiques du projet et d’en recon-
des personnes âgées autour de réserver une
naître le caractère novateur et expérimental.
d’un groupe de femmes qui veulent vivre col- parcelle en plein centre
lectivement leur vieil âge dans un lieu géré en ville et l’OPHLM devient
À ces principes d’attribution ordinaire
toute autonomie et fondé sur l’autogestion, la officiellement Maître
de logement social s’ajoute un système
solidarité, la citoyenneté et l’écologie. Né de d’Ouvrage de l’opéra-
fondé sur l’acceptation par les candidats
l’initiative de Thérèse Clerc, militante féministe tion. Les recherches de
de la Charte de Vie des Babayagas. Par
engagée, le projet est porté par un trio fonda- financements commencent à porter leurs fruits
ailleurs, ce cadre affirme la volonté des par-
teur qui se construit autour de cette dernière. et l’association se voit octroyée une première
Un long parcours institutionnel jalonne subvention par la Fondation de France.
tenaires de mobiliser collectivement des ac- Fiche technique
teurs ressources autour d’un laboratoire de
les dix années de combat nécessaires à Au printemps 2004, l’équipe d’architectes Type d’habitat :
réflexion sur le vieillissement, de la ques-
l’aboutissement du projet. L’histoire débute en désignée par concours, présente les premières Construction neuve de Logement social
tion des femmes dans la ville, de l’habitat
mai 1999 par la création d’une association études de faisabilité et esquisses. Malgré une Date d’achèvement des travaux :
participatif dans le logement social à partir

r
qui restera en sommeil jusqu’en 2001. A cette forte mobilisation de tous les acteurs, le projet 2012-2013

Couturie
d’un espace ouvert sur la ville et identifié Nombre de foyers :
date, le projet prend forme et les rendez-vous bute sur le financement du logement social
en tant que tel. 25 logements de type T1bis
vont bon train pour négocier le foncier, trouver hors norme. Le caractère novateur et expéri-
Locaux et espaces communs :
le montage adéquat, impliquer les partenaires mental de la proposition, bien que séduisant, Locaux associatif + jardin + cour + atelier
Après plusieurs années de recherche

Rue P. V.
institutionnels. Le premier appui viendra de la effraie les pouvoirs publics au regard de sa + buanderie
sur différentes hypothèses de montage, le
mairie de Montreuil qui dès 2002 envisage des dimension non-mixte et des modalités d’attribu- Statut juridique pour la construction :
choix finalement retenu consiste à mixer
hypothèses d’implantation. Quelques mois plus tion fléchée des logements. La ville revient dans Propriété de l’OPHM de Montreuil
dans le même immeuble des logements Statut juridique pour la gestion :
tard le directeur de l’office HLM fait part de son le projet en 2006 ce qui permet de reprendre La nouvelle équipe municipale et le directeur
à destination des Babayagas et des loge- Convention partenariale
intérêt pour le projet et de la possibilité d’en l’initiative, de ré-enclencher la dynamique et de l’office s’emploient à rendre réelle cette
ments pour un public de jeunes de moins Architecte :
assurer le portage. de formuler des hypothèses opérationnelles aventure en proposant un immeuble « mixte » Av. Walw
L’année 2003 est décisive, le groupe de viables pour les financeurs. Malgré cela les comportant 25 logements sociaux, 21 pour
de 30 ans. Ce montage permet d’assurer ein Atelier J. et S. Tabet
l’engagement financier des subvention-
femmes travaille régulièrement à définir le blocages persistent. Ce n’est qu’en avril 2008 les Babayagas et 4 pour des jeunes de moins
neurs et de pérenniser l’opération au-delà Métro Mairie
programme, rédige le cahier des charges et met que le projet se ré-amorce. À cette date, et après de 30 ans. La livraison de l’opération est
du groupe historique.
de Montreuil
en place des actions de communication qui intervention directe de la Ministre du Logement, attendue fin 2012.
ancrent définitivement les Babayagas comme les institutions d’État revoient leur copie. PHOTO : INTER ATLAS
3 - Tableau comparatif des opérations
Les Castors Couleur Le Luat La Souris Verte Diwan Apaum Les Babayagas
Cité St Exupéry d’Orange
L’opération

Type d’habitat Autoconstruction Habitat groupé Locatif social Habitat Habitat participatif Habitat autogéré Locatif social autogéré
coopérative autogéré autogéré coopératif et social pour personnes âgées
Période 1953-1956 1986-1988 1987-1992 1990-1992 1998-2008 2007-2009 2001-2012
Statut de construction Coopérative Copropriété Propriété SCIA SCI Réquisition Propriété OPHLM Montreuil
de construction OPHLM Montreuil d’un immeuble vide
Statut de gestion Copropriété Copropriété Autogestion Coopérative Syndic coopératif Autogestion Convention partenariale
par le Luat par l’association
Nombre de logements 48 11 + 3 ateliers 23 8 + 1 chambre 8 + 1 local 8 + locaux sociaux 25
indépendante d’activités

Le groupe habitants

Nombre d’adultes 96 22 46 12 21 25 25
Nombre d’enfants 127 max 22 30 0 8 35 0

Âge moyen des adultes 33 ans 40 ans 35 ans 35 ans 40 ans 35 ans 75 ans
Compétences mobilisées Ouvriers Ingénieurs Militants Expert-comptable Architecte Militants associatifs Militants associatifs
techniciens journaliste associatifs consultant

Acteurs principaux 48 3 - 3 3 - 3
Mutation / renouvellement - 2 20 2 2 - -

La parcelle

Surface de la parcelle en m2 7332 1450 2579 800 760 695 521

Affectation antérieure Maraîchage Usine - Friche, Friche polluée, Bâtiments inoccupés Friche, bâtiments communaux
désaffectée pavillon existant bâtiment insalubre bureaux désaffectés

24 25
Ces expériences se
caractérisent par la
primauté du groupe
habitant à produire son
cadre de vie, renversant
ainsi les cadres ordinaires
de fabrique de la ville.
4 - Analyse thématique des opérations
La constitution intéressés, comme le garant d’une vision du droit au logement et la loi de réquisi- primordial et il définira généralement
du groupe habitant commune du projet et d’une identité tion, renouant ainsi avec le cadre histo- l’identité «idéologique» du collectif
propre. Identité qui s’exprimera dans rique du mouvement squatter français habitant.
le soin que la plupart des groupes met- porté par le MPF7 dès 1945. Dans ces Dans le cas des groupes formés sur des 7
/ Mouvement

L
es sept opérations que nous tent à se donner un nom. Ainsi Couleur deux exemples, des familles populaires initiatives externes, on retrouve dans Populaire des
Familles, proche des
avons étudiées ont comme par- d’Orange évoque le poème d’Aragon, prendront l’initiative ou seront accom- une moindre mesure la constitution d’un Jeunesses Ouvrières
ticularité commune que les ha- Diwan est une référence directe à l’es- pagnées par des réseaux militants pour «noyau dur» habitant qui jouera dans les Chrétienne. Il
s’emploiera à dresser
bitants s’organisent en «interlo- pace de palabre du salon marocain et les auto-construire leur «chez soi». phases de négociations un rôle similaire l’inventaire des biens
cuteur collectif pour élaborer, construire Babayagas sont un clin d’œil à un conte Au delà de ces premiers éléments, il est à celui décrit ci-avant. vacants et initiera
puis gérer leur projet» . Cette démarche russe. D’un point de vue plus formel, nécessaire de revenir sur la figure de le mouvement
squatteur à Marseille
apparaît comme une des identités fortes chacun de ces groupes se constitue en l’initiateur du projet, particulièrement Des valeurs partagées et accompagnera le
de l’habitat participatif, bien qu’il soit entité juridique propre lui permettant dans les cas des groupes auto-constitués. Mouvement Castor.

nécessaire de distinguer les groupes d’agir. Selon les cas, cela prendra la Sur ce point, les opérations présentées L’expression de valeurs communes et
auto-constitués des groupes à l’initiative forme la plus simple d’une association sont proches de celles du Mouvement partagées participe à la constitution
d’un tiers, associatif ou institutionnel, loi 1901 jusqu’à des montages plus éla- de l’Habitat Groupé Autogéré. On y d’une identité commune. Elle représente
extérieur au groupe. Dans le cas pré- borés comme la constitution de Société retrouve un noyau d’initiateurs qui un enjeu en soi dans l’affirmation du col-
sent, nous pouvons considérer que les Civile Immobilière ou de Coopérative porte une dimension d’engagement et lectif naissant et dans la détermination
opérations Castors, Couleur d’Orange, de Construction. La constitution de d’expérimentation et développe une de l’action à venir. Tous les groupes ne
Diwan, La Souris Verte et les Babayagas cette identité juridique signe l’engage- logique entrepreneuriale. Ces individus donnent pas de prime abord un caractère
relèvent de la première catégorie tandis ment des individus vis à vis du collectif défendant des valeurs d’autonomie et politique ou militant à leur action.
que les opérations du Luat et de l’Apaum habitant auquel ils adhèrent et organise d’initiative sont habitués à la prise de Ils revendiquent le plus souvent une
sont à rapporter à la deuxième catégo- des formes de solidarité et responsabilité risque et à l’engagement militant. Ceci posture pragmatique qui se forge sur
rie. Cette distinction sur l’initiative de communes. leur confère un capital particulier sur certaines convictions partagées
l’opération nous permet de mettre en Du point de vue sociologique, les lequel ils s’appuient pour organiser le d’entraide, de solidarité et d’équité.
lumière les différentes dynamiques qui groupes sont relativement homogènes projet et le négocier. Leurs expériences Ils constituent ainsi des collectifs de
s’opèrent au sein des groupes, d’interro- et majoritairement issus des couches antérieures (professionnelles, militantes, voisinages susceptibles d’améliorer le
ger les valeurs et fondements du projet moyennes intellectuelles et culturelles. etc.) sont largement recyclées et mise au cadre de vie quotidien. Seul le groupe
ainsi que sa pérennité à l’épreuve du Deux opérations font pourtant excep- service de l’opération. Elles participent à des Babayagas se construit sciemment
temps et des aléas. Dans tous les cas, tion, à savoir les Castors et l’Apaum. ancrer le projet dans leurs réseaux d’in- sur une posture militante et politique
il apparaît que les dynamiques de for- Dans ces deux cas, à un demi siècle fluence. La recherche d’innovation et qu’il revendique.
mation des groupes se font au sein de d’intervalle, la question qui est au cœur d’alternative est pour ces initiateurs une Malgré cette diversité de positionne-
réseaux identitaires et sociaux communs du projet porte sur l’accès au logement forme d’affirmation sociale. Le noyau ment, il existe toutefois un substrat
: cercles amicaux, milieux associatifs pour des familles démunies. Dans le d’initiateurs prendra selon les opérations idéologique commun à tous qui
et militants, réseaux professionnels… premier cas - les Castors - il s’agit de des configurations plus ou moins variées s’exprime dans la recherche d’une
Ces groupements affinitaires constituent trouver des solutions à la crise du loge- mais il reste le plus souvent de taille société plus égalitaire par des formes de
une des caractéristiques de ces formes ment de l’après guerre ; dans le second réduite, souvent formé autour d’un solidarité et de proximité, dans une
d’habitat choisi et apparaissent, pour les cas, l’Apaum revendique l’application trio. Le rôle fondateur de ce noyau est approche non-consumériste de la

26 27
Ces collectifs contribuent
à créer des synergies
dépassant largement le
cadre du groupe habitant.
Ils sont des lieux ressources
pour le quartier et partici-
pent à l’essaimage de
dynamiques micro-locales.

8
/ Bacqué M-H, société et dans la revendication d’une sances ou à l’occasion de «rencontres». appuis auprès des services compétents s’en dégage. La question de l’accès au
Biau V. et al, op. cit conscience sociale et écologique 8. Ainsi, le rapport aux professionnels sera (foncier, urbanisme, etc.). Par ailleurs plus grand nombre est restée la préoccu-
Cette base forge le cadre de référence largement renégocié avec une recherche et dans certains cas (Les Castors, Les pation centrale des politiques de l’habitat
identitaire et de valeurs partagées de ces d’adhésion aux enjeux et valeurs du pro- Babayagas, l’Apaum) il s’agira «d’obte- et le transfert de ces expériences singu-
collectifs. Elle se traduira par la produc- jet. Dans le cadre des projets Couleurs nir un portage politique dans lequel les lières vers des registres plus ordinaires
tion de chartes ou de textes communs d’Orange, Le Luat, Diwan et l’Apaum, élus perçoivent l’exemplarité de l’opéra- reste à faire. Toutefois, l’accompagne-
dans lesquels le groupe affirmera son les professionnels de la maîtrise d’œuvre tion, son contenu idéologique et l’intérêt ment qui est réalisé par la collectivité
approche et la dimension qu’il souhaite (architectes) occupent une place spéci- médiatique qu’il suscite comme un intérêt en faveur des initiatives et associations
donner au projet. Cette production servi- fique, étant soit à l’origine de l’opération pour eux-mêmes et vont pouvoir, avec de l’habitat participatif signe l’intérêt
ra de règle commune au sein du groupe, soit présents dès les premiers instants. leurs services, faciliter le montage du qu’elle porte à la démarche et l’utilité
mobilisée lors des épreuves et des choix Ainsi, outre leur statut d’expert, ils appa- projet, en particulier à travers l’écueil de sociale qu’elle lui reconnaît. 10
/ Bacqué M-H,
Biau V. et al, op. cit.
collectifs, mais aussi comme attestation raissent comme négociateurs et conseils l’obtention du terrain 10.» Dans le cas des
de son engagement vis à vis de tiers du groupe habitant. opérations présentées, plus de la moitié S’inscrire dans un territoire
dans le cadre des négociations à mener La spécificité majeure de ces opérations ont eu recours au partenariat entre le
et des partenariats recherchés. tient dans la place qu’occupe le collectif groupe habitant et la ville. La question
et dans les
Les cadres idéologiques de référence les habitant dans la prise de décision. Ainsi, de l’accès au foncier reste le point névral- dynamiques urbaines locales
plus couramment mobilisés sont ceux si l’on se reporte à l’ouvrage du MHGA, gique de l’opération. Les mobilisations de
du solidarisme et du mouvement coo- de 1983, caractérisant les groupes habi- la collectivité locale se manifestent sous Tous les projets présentés revendiquent
pératif, de l’autogestion et de l’écologie tant, «ils se signalent avant tout par la de multiples formes qui vont d’un simple une forte inscription territoriale et
et c’est à travers eux que les groupes primauté du groupe d’habitants au cours soutien ou d’un appui facilitateur au por- participent au développement de
interpellent la collectivité locale dans du processus de construction et d’habita- tage complet de l’opération par son office dynamiques locales. Cela se manifeste le
une perspective de co-production tion, qui constitue à elle seule un renver- public HLM en passant par la mise à dis- plus souvent par l’adhésion de plusieurs
d’habitat participatif. sement des pouvoirs habituels, et justifie position d’un foncier dans le cadre d’un habitants dans des formes de militances
le terme d’autogestion. (…) bail emphytéotique. Cette reconnaissance locales (conseil de quartier, association
Un rapport partenarial Auto-conception, auto-promotion et et ce partenariat avec la collectivité locale de parents d’élèves, réseaux amap, etc.).
9
/ Bonnin Ph., (sous auto-administration composent ainsi une donne du crédit aux opérations surtout Cet investissement dans le micro-local
dir), M.H.G.A., avec les professionnels et la autogestion globale de l’habitat 9.» dans les moments délicats de négocia- favorise l’ouverture de ces lieux sur
Habitats Autogérés,
Ed. Alternatives /
collectivité locale Ce rappel nous permet de mieux tions (financement, juridique, obtention l’environnement immédiat. Ainsi, l’uti-
Syros, Paris, 1983 appréhender la spécificité des cadres opé- de garantie bancaire, etc.). lisation d’espaces collectifs de type salle
Tous ces projets font appel à des mon- rationnels à négocier. La recherche parte- En tout état de cause, la Ville de commune ou salle de réunion à desti-
tages opérationnels complexes portés par nariale va très vite s’orienter et s’appuyer Montreuil a de longue date été attentive nation des habitants ou associations du
une maîtrise d’ouvrage habitante collec- sur la construction d’une dynamique avec à des formes d’innovations et d’initia- quartier contribue à créer des synergies
tive et néophyte qui recherche l’appui de la collectivité locale qui apparaît comme tives habitantes. Elle a, souvent au nom dépassant largement le cadre du groupe
compétences spécifiques à des moments le premier interlocuteur institutionnel de l’expérimentation, accompagné habitant et font de ces opérations des
clefs du projet. Ces compétences seront saisissable. Il s’agit pour le collectif différentes opérations depuis plusieurs lieux ressources pour le quartier. À leur
mobilisées dans les ressources directes habitant d’une part de faire connaître son dizaines d’années sans pour autant échelle, Couleur d’Orange et Le Luat
du groupe mais aussi auprès de connais- initiative et d’autre part de trouver des qu’une politique publique spécifique sont identifiés comme des lieux phares

28 29
L’habitat participatif constitue un enjeu
urbain en faveur d’une ville
compacte par sa densité résidentielle,
sa mixité fonctionnelle et participe
d’un renouvellement urbain durable.

5/ L’habitat participatif
comme nouvel enjeu d’urbanité
de la scène associative locale. Les uns À partir des différentes opérations ments de type T1 d’une surface comprise
ont participé à la lutte contre l’évitement rapportées dans cette étude, il s’agit de entre 30 et 35 m². Cette «caricature»
scolaire, les autres ont accueilli pendant s’intéresser aux formes bâties et urbaines typologique est un des premiers élé-
de nombreuses années l’association produites par cet habitat et d’interro- ments d’explication. Par ailleurs, le
des parents d’élèves. Ils se sont aussi ger le caractère novateur qu’il propose. contexte urbain de la production de ces
investis dans le développement d’une Cette réflexion est menée en intégrant opérations participe largement à les
économie locale et solidaire. Plus récem- les objectifs de la ville durable et en opposer. Les Castors ont construit sur
ment, les nouveaux habitants de Diwan s’attachant particulièrement aux effets une grande parcelle, sur les plateaux de
pactisent avec la communauté Roms de consommation du territoire urbanisé. la commune, dans d’anciennes zones
avoisinante et des formes d’entraide et Ainsi, à partir d’une analyse compara- de maraîchage. Les Babayagas ont
de soutien se développent entre familles. tive des sept opérations présentées, nous quant à elles bénéficié d’un foncier en
Quant au projet des Babayagas, il se pouvons dresser un tableau des formes plein centre ville à proximité de toutes
situe dans la droite ligne de l’innovation et des densités urbaines construites les commodités. La contrepartie de cet
sociale et propose d’adjoindre aux que nous mettons en regard avec le emplacement central est une parcelle de
logements des locaux de services des- patrimoine bâti présent sur le territoire taille réduite nécessitant l’implantation
tinés aux personnes âgées du quar- communal de Montreuil. d’un immeuble à R+5. Ce choix urba-
tier. «Ces espaces communs s’affir- nistique assure par ailleurs une bonne
ment comme des lieux de rencontres, Données comparatives insertion du projet dans son environne-
d’échanges, de recherche sur les ques- ment immédiat.
tions intergénérationnelles. La Maison
de densité
se veut «ouverte sur la ville», - Éléments d’analyse Si l’on s’attache maintenant aux autres
avec des activités proposées aux non- opérations, nous constatons une certaine
résidents». Tous ces exemples mon- Un des premiers constats porte sur la homogénéité de la densité résidentielle,
trent, s’il le faut, le rôle «d’incubateur» densité résidentielle des opérations variant de 89 à 115 lgt. / hectare. En
que peuvent jouer ces opérations dans observées. Une variation importante rapportant ces éléments à des données de
la construction de dynamiques parti- existe entre l’opération la moins dense - références11, on peut considérer qu’elles 11
/ Appréhender
cipatives et citoyennes tant à l’échelle Les Castors – et celles des Babayagas. correspondent à des tissus de centres la densité, in, Notes
rapides n° 382,
de l’habitat qu’à l’occasion de débats Outre le demi-siècle qui sépare ces deux urbains à forte densité et faible hauteur. IAURIF, Juin 2005.
sur les enjeux urbains et la démocratie opérations, le rapport de plus de 1 à 7 Dans le cas d’espèce les bâtiments
de proximité. Même si ces initiatives constaté trouve son explication dans la varient d’une hauteur comprise entre
restent aujourd’hui minoritaires, elles typologie des logements de chacune des R+1 et R+3.
peuvent participer au développement opérations. D’un côté, chez les Castors, Le fort ratio de densité résidentielle de
d’actions locales citoyennes et impulser les immeubles accueillent essentielle- ces opérations est à rapprocher de leur
de nouvelles mobilisations. Cela ne peut ment des logements familiaux composés coefficient d’emprise au sol. En effet,
se faire qu’en dépassant les cadres sou- de 4 ou 5 pièces. De l’autre, pour les dans le cas des 4 opérations médianes
vent trop confidentiels et experts dans Babayagas, l’immeuble projeté doit (Couleur d’Orange, le Luat, la Souris
lesquels elles se sont diffusées. accueillir exclusivement des apparte- Verte et Diwan), le coefficient d’emprise

30 31
Données comparatives de densité
Les Castors Couleur Le Luat La Souris Verte Diwan Apaum Les Babayagas
Cité St Exupéry d’Orange
L’opération

Type d’habitat Autoconstruction Habitat groupé Locatif social Habitat Habitat participatif Habitat autogéré Locatif social autogéré
coopérative autogéré autogéré coopératif et social pour personnes âgées
Période 1953-1956 1986-1988 1987-1992 1990-1992 1998-2008 2007-2009 2001-2012
Nombre de logements 48 11 + 3 ateliers 23 8 + 1 chambre 8 + 1 local 8 + locaux sociaux 25
indépendante d’activités

DONNÉES FONCIÈRES

Surface de la parcelle en m2 7332 1450 2579 800 760 695 523

Affectation antérieure Maraîchage Usine - Friche, Friche polluée, Bâtiments inoccupés Friche, bâtiments communaux
désaffectée pavillon existant bâtiment insalubre bureaux désaffectés
Conditions d’acquisition Bail antiphéotique Achat à un privé Propriété ville Achat à un privé Achat d’une Bâtiments squattés Propriété Ville
foncière Achat à un privé OPHLM propriété Ville OPHLM

Le bâti

Nature de l’opération Neuf Réhabilitation lourde Neuf Neuf+réhabilitation Neuf Réhabilitation Neuf
Typologie Petits collectifs Maison de ville Petit collectif Pavillon+ petit collectif Immeuble collectif - Immeuble collectif
Shon (m2) - 1200 - 650 1142 - 1370
Hauteur moyenne R+4 R+1 R+2 R+2 R+3 - R+5
Emprise au sol (%) 28 40 36 35 45 - -
Densité résidentielle 65 103 89 112 105 115 479
(nombre de logement par hectare)
Espaces partagés Jardin, parking Salle commune Salle commune Jardin Jardin salles communes Salle commune
parking, jardin jardin bibliothèque buanderie
buanderie jardin

32 33
au sol (C.E.S.) est compris entre 35 et BIBLIOGRAPHIE
45 %, alors que le cadre réglementaire
urbain des périodes de référence et Bacqué M-H., Biau V. et al, Habitats alter-
des zones du POS admettait un C.E.S. natifs, des projets négociés ? Rapport Puca
pouvant atteindre les 60 % et plus. Ce Programme Le Projet négocié, 2010
constat nous permet d’affirmer que le
choix d’organisation parcellaire retenu Bonnin Ph., (sous dir), M.H.G.A., Habitats
par ces collectifs d’habitants s’est porté Autogérés, Ed. Alternatives / Syros, Paris ,
sur la préservation maximale des sur- 1983
faces extérieures non bâties et principa-
lement destinées à des jardins, comme D’Orazio A., «Habiter autrement, de
en témoignent les habitants lors d’en- l’initiative à l’engagement», in Habitat
tretiens. Cette stratégie de plan masse coopératif : une troisième voie pour l’accès
repose sur une forte compacité du bâti au logement ?, revue Territoires, n°508,
et une économie du sol de manière à Mai 2010
dégager le maximum de surfaces vertes
et d’espaces partagés, non bâtis. Elle IAURIF, Appréhender la densité, in, Notes
s’accompagne d’un dispositif morpholo- rapides n° 382, IAURIF, Juin 2005
gique bâti allant de la maison de ville
au petit immeuble. Par ailleurs, cette Imbert M., «Logement, autoconstruction,
typologie s’insère totalement dans solidarité : l’expérience des Castors», in,
l’environnement bâti des zones urbaines La région parisienne industrielle et ouvrière.
dans lesquelles ces opérations sont Cultures et recherches, n°5, Paris, 1999
implantées.
Cette analyse typo-morphologique de Moley Ch., L’innovation architecturale dans
la production de ces opérations la production du logement social, éd. Plan
d’habitat participatif nous permet, en Construction, Paris, 1979
guise de conclusion, de constater leur
qualité d’insertion urbaine, l’économie Pigeau A., Habitat participatif, pourquoi
du foncier qu’elles génèrent ainsi que la changer ? , Mémoire de Master, sous la
diversité des usages qu’elles proposent, direction d’Anne D’Orazio, ENSAPLV,
qu’ils soient individuels ou collectifs. 2010
En cela, elles s’insèrent totalement dans
la production de l’habitat intermédiaire Ponsot T., Le processus de concertation
et participent à renouveler les formes et les rapports de voisinage, Mémoire de
urbaines de la commune dans une pers- Master, sous la direction d’Anne D’Orazio,
pective d’une ville durable et solidaire. http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/ ENSAPLV, 2010.

34 35
MAQUETTE : PHILIPPE MOLLON-DESCHAMPS - 60@WANADOO.FR

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