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• La ou les crises ?
Il vaut mieux parler des crises (pour distinguer la crise économique et la crise
financière) que de la crise. En fait, les choses ont commencé en 2007 dans le
secteur de la finance, puis en 2008 c’est le secteur bancaire qui est touché et,
enfin, en 2009, l’industrie et les services sont à leur tour dans l’œil du cyclone.
Au tournant de l’année 2008-2009 (hiver dernier), la crise est à son plus fort :
coup d’arrêt à la consommation et à l’investissement (les particuliers ont arrêté
de consommé, d’acheter leurs logements, etc., et les entrepreneurs ont cessé de
stocker et d’acheter des machines). En France, on a constaté un choc étonnant,
sans précédent historique. Au premier trimestre 2009, l’activité économique a
baissé de 1,5 % par rapport au trimestre précédent (cela correspondrait à une
baisse annuelle de l’ordre de 6 %) : des entreprises ont vu leur chiffre d’affaires
baisser de 30 à 80 % parfois.
C’est la plus grave crise de l’après Seconde Guerre mondiale.
On a beaucoup débattu pour savoir s’il y avait quelque chose de commun entre
cette crise de 2007-2009 et l’autre crise « historique », c’est de 1929. Peut-on
comparer la crise de 1929 et la crise de 2008 ?
Différence évidente :
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On sait comment a fini la crise de 1929, alors que nous ne connaissons pas le
terme de la crise actuelle.
Il y a 4,6 milliards d’êtres humains en plus sur la planète aujourd’hui (2 milliards
d’habitants sur terre en 1929), et ce sont les masses qui vivent avec moins de 2
dollars par jour que l’impact sera le plus grand (et dans les zones de fractures,
car on est en train de changer de monde en termes géopolitiques : la corne de
l’Afrique, le Proche Orient, le Pakistan)
Sur un plan plus strictement politique, on peut dire que le dialogue entre les
Nations a considérablement évolué, même si les égoïsme nationaux ne sont que
légèrement enfouis sous un mince vernis d'universalisme et de dialogue positif.
La différence majeure avec la crise de 1929, c’est sans doute qu’on est plus armé
et plus conscient de l’étendue des dégâts. Le monde entier est atteint, et c’est
une crise qui se déroule sous l’œil vigilant des médias :
– ce qui a sans doute eu des effets pervers
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– mais aussi, à terme, des effets positifs car cela a peut-être permis aux
politiques de réagir assez vite à la dégradation de la situation et de mener
une réaction concertée au niveau mondial (au moins dans un 2e temps
avec Pittsburg, avec les réunions des G20), permettant une sortie de crise
plus rapide
La crise n’est pas encore terminée toutefois : c’est à la fois une crise industrielle
et une crise de comportement. On pense notamment qu’on va pouvoir s’en sortir
grâce au « vert » (industries éco-responsables, écologie, développement
durable), mais cela signifie que tout ce qui n’est pas vert est voué à une mort
certaine : la nouvelle voiture, la nouvelle maison… tout cela doit être vert.
L’ancien doit s’adapter (ce qui nécessite des investissements) : on navigue donc
entre espoir et importante nécessité de s’adapter.
• Quelles sont les spécificités de cette crise des années 2000 ? comparaison
avec la crise de 1929
Déroulement d’une récession « à l'ancienne » :
– difficulté de la production à suivre le rythme de la demande, donc situation
de manque, donc hausse des prix (inflation)
– donc hausse des taux d’intérêts qui coupent l'appétit des consommateurs
(s’endetter coûte trop cher, donc on ne consomme pas à crédit, et on
consomme moins)
– donc accumulation excessive de stocks de marchandises dans les
entrepôts, arrêt des usines, licenciements et récession (= ralentissement
de l’activité économique)
Or, depuis le milieu des années 1980, l’économie occidentale ne vit plus à ce
rythme là, mais elle avance au rythme des grands cycles financiers :
– c’est l'immobilier qui mène la danse à la fin des années 1980
– et aujourd'hui, c’est la Bourse (depuis la fin des années 1990)
En fait, on est sorti de la logique fordienne selon laquelle la hausse de la
consommation est soutenue par la hausse des salaires. Avec la mondialisation et
la possibilité de recourir à une main d’œuvre très bon marché dans les pays
émergents ou en développement (Inde et Chine), les salaires stagnent voire
baissent. Pour que les ménages puissent consommer, on leur prête donc de
l’argent (d’où, finalement, le drame des subprimes, qui sont des prêt à risque,
donc à taux plus élevé pour l’emprunteur, et donc avec un rendement plus
important pour le prêteur afin de rémunérer le risque de non remboursement,
cependant limité par la garantie hypothécaire1 prise sur le logement.
Pour que le crédit reste intéressant pour l’emprunteur, des montages
sophistiqués avec des taux variables et des produits financiers complexes
pouvaient permettre de maintenir des taux bas en début de prêt).
Problème : il ne s'agit plus, comme lors des récessions passées, de remettre à
l'unisson les usines et les magasins, à coups de rabais et de promotions, mais de
dégonfler un énorme stock de dettes dont le remboursement devient de plus en
plus difficile au fur et à mesure que les prix de la pierre ou des actions diminuent
(on pouvait puiser dans son patrimoine immobilier ou dans son portefeuille
boursier pour rembourser, ce qui devient difficile car la valeur des logements
tend à baisser, de même, et bien plus nettement d’ailleurs, que le prix des
actions).
1 Une hypothèque est une garantie apportée par l’emprunteur à son créancier. La
garantie est un bien immobilier. Elle est notamment utilisée dans le cas des emprunts
immobiliers. Ainsi, le bien immobilier à l’origine de l’emprunt sert de garantie au prêteur.
En cas de défaillance de l’emprunteur, les mensualités non payés par exemple, le
créancier fait jouer la garantie. Il se saisit alors du bien et le met en vente par voie
judiciaire afin de se rembourser sur le prix de vente.
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• Quels sont les secteurs qui n’ont pas trop souffert, et même qui en ont
peut-être bénéficié ?
Les secteurs « verts » ont le vent en poupe, de même que le secteur de la santé.
L’automobile fait figure de miraculée : c’est un miracle aidé (1000 € de prime à la
casse ont largement dynamisé les commandes, surtout en fin d’année). Le
miracle en question est donc relatif.
Il est plus que probable que l’environnement va être le moteur de la croissance
future. C’est la bonne nouvelle du moment : la plus grave crise économique
depuis 1945 se produit au moment où une vague d'innovations s'apprête à se
diffuser (ce qui donne au passage raison à Mensch contre Schumpeter), cette
fois-ci dans les nouvelles technologies de l'énergie, de l'environnement et de la
santé. Or l'histoire montre que ces ruptures technologiques majeures génèrent
une augmentation durable du potentiel de croissance économique (cf. le dossier
sur Schumpeter, désormais en ligne...).
Dès lors qu'on exclut le scénario rose, le plus optimiste, deux autres restent
possibles : un scénario gris, dans lequel on retrouve le même rythme de
croissance qu'avant la crise, mais sans pouvoir compenser la richesse perdue
pendant la récession. Ce scénario « en N qui penche à droite » est
historiquement le plus probable, selon les travaux du FMI, qui a passé au crible
les 88 crises bancaires survenues au cours des quarante dernières années.
Notre chance, c'est que la vague d'innovations qui arrive autour des technologies
de l'environnement est un formidable levier pour relever ce défi », un peu
comme les technologies de l'information au début des années 1990, qui
représentent désormais 3 % des emplois aux Etats-Unis et en Europe. Les études
actuellement disponibles montrent un potentiel de 600 000 à 700 000 emplois
verts en France, de 16 à 37 millions aux Etats-Unis.
Autre piste : miser sur les emplois de services à haute valeur ajoutée. Les
technologies de l'information ouvrent de nouveaux horizons en matière de
services. Les consommateurs n'auront plus de raison d'acheter des voitures ou
des machines à laver. Ils seront libérés de toutes les corvées – les choisir, les
acheter, les assurer...
« Cette nouvelle économie peut engendrer dans nos pays une croissance forte et
des millions d'emplois à la fois bien rémunérés et indélocalisables, dans le
respect des équilibres environnementaux et sociaux », assure l'économiste
Michèle Debonneuil.
La bonne nouvelle, c’est que de cette crise sortira un monde plus équilibré :
moins dépendant de la consommation à crédit aux Etats-Unis, moins assis sur les
exportations en Chine, où le gouvernement, en créant un filet minimal de
protection sociale, veut inciter les familles à puiser dans leur épargne pour
consommer. Idem en Allemagne et au Japon, dont le modèle de croissance
repose sur l’hypercompétitivité du secteur exportateur au détriment des salaires,
et qui devra être rééquilibré vers les services, aujourd’hui sous-développés.
La mauvaise nouvelle, c’est qu’entre les Etats-Unis, en avance sur les
technologies vertes, et la Chine, en train de passer d’un modèle de croissance
extensif à un modèle intensif, l’Europe risque d’être la perdante de la nouvelle
donne économique. Surtout que le grand rééquilibrage de l’économie mondiale
ne pourra se faire qu’au prix d’un dollar faible dont la zone euro sera la principale
victime (cela signifie un euro fort par comparaison, ce qui handicape les
exportations européennes). Difficile donc d’annoncer plus qu’une embellie à
l’horizon des douze prochains mois. L’Europe occidentale sera la seule zone de la
planète à ne pas atteindre 1 % de croissance en 2010.
• Et pour la France ?
Pour 2010, le Fonds monétaire international s’attend à une reprise lente et
progressive en France, avec une croissance de l’ordre de 0,5 % par an. Le FMI ne
donne par d’estimation chiffrée pour l’évolution du produit intérieur brut français,
mais ses pronostics sont comparables à ceux du gouvernement. Le Fonds
monétaire international s’attend une reprise lente et progressive en 2010, avec
une croissance économique annuelle de 0,5 %, alors que le PIB français a baissé
de 1,2 % au premier trimestre 2009. La baisse de l’activité, qui a commencé à
l’automne 2008, avec un PIB en baisse de 1,4 %, devrait se poursuivre au
troisième trimestre à un rythme de 0,2 %, avant de se stabiliser au dernier
trimestre, selon les dernières prévisions de l’Insee. Pour l’Insee comme pour le
gouvernement, la chute du PIB devrait atteindre 3,0 % en 2009, du jamais vu
depuis 1949. Le FMI estime que « la récession mondiale impose un lourd tribut à
l’économie française ».
Le Fonds note les « mesures importantes » prises par le gouvernement pour
« soutenir le secteur financier », en particulier les injections de capital dans les
banques, qui ont atteint plus de 13 milliards d’euros. D’une manière générale,
estime le FMI, « les banques françaises se sont montrées comparativement
résistantes face à la crise jusqu’ici », mais les « pressions montent » sur leur
chiffre d’affaires et leur rentabilité, et la « tourmente financière devrait continuer
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