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For my French speaking readers (but not exclusively!), I post a copy of an open letter
about Greece I wrote Wednesday to Jean-Claude Juncker, Prime Minister of
Luxembourg and President of the Eurogroup, before Thursday's summit in Brussels. It
was published in the "Luxemburger Wort" (the Local New York Time or Daily
Telegraph) on Saturday.
Monsieur le Président,
La crise financière, puis économique, et probablement bientôt sociale, qui a débuté en août
2007, et non en septembre 2008 comme cela est communément admis, a atteint une
nouvelle dimension depuis quelques mois puisqu’elle met en lumière la possible faillite
d’un Etat souverain d’un pays membre de l’Union Européenne, la Grèce.
Chercher dans les « spéculateurs » des boucs-émissaires est facile et permet de détourner
l’attention des peuples européens sur les véritables causes de cette crise. Les éluder et
refuser d’en analyser les conséquences ne résoudra en rien les importants problèmes que
traverse la Grèce mais nous préparera, nous Européens, à des lendemains encore plus
douloureux, conséquence d’expédients. De même, si les « spéculateurs » ont tiré avantage
de la crise financière, ils n’en sont en rien à l’origine. Celle-ci est la conséquence d’un
surendettement des Etats, des ménages et des banques, résultat d’une politique monétaire
laxiste depuis une vingtaine d’années, politique rendue possible par les effets
déflationnistes induits par les délocalisations, une défaillance des autorités de contrôle,
une absence d’administrateurs réellement indépendants aux conseils d’administration et
une réglementation inadéquate y compris en ce qui concerne les ratios de solvabilité des
banques.
Premièrement, un Etat qui a manipulé les chiffres de ses comptes nationaux afin de
rejoindre l’Euro en 2001 après avoir été recalé en 1998, ce qui est connu depuis plusieurs
années. Les faits démontrent que cette manipulation a perduré. Le premier responsable
est donc la Grèce qui a préféré, par facilité, camoufler la réalité plutôt qu’entreprendre des
réformes en profondeur qui auraient dû améliorer sa compétitivité et sa solidité.
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Troisièmement, le Traité de Maastricht avait pour objectif de créer une zone de prospérité,
en facilitant les échanges et améliorant la compétitivité, la pierre angulaire étant le respect
de critères de convergence. Or aucune sanction suffisamment dissuasive n’a accompagné
ce Traité ou n’a été mise en œuvre. De nombreux pays ont bafoué ces critères, la France
n’étant pas des moindre, sans aucune conséquence pour ces Etats. Ce qui devait conduire à
une convergence s’est au contraire traduit par une divergence que la crise actuelle met en
exergue. La raison en est assez simple: c’est la dilution des responsabilités au sein de
l’Euro. Tout comme pour les ménages et les entreprises, l’absence de responsabilisation
conduit soit à l’assistanat, soit à la faillite, soit aux deux.
On peut être solidaire d’une fourmi qui a des difficultés dues à un choc exogène, pas d’une
cigale qui chante tout l’été et se trouve fort dépourvue lorsque l’hiver est venu.
Les « spéculateurs » n’ont été que le révélateur d’une réalité que ni la Commission
Européenne, ni Eurostat, ni l’Eurogroupe, ni la BCE ni aucun autre organe européen n’a
perçu. Que s’est-il passé à l’ encontre de la Grèce depuis qu’en 2004 Eurostat s’est aperçu
de cette manipulation? Rien, ou du moins rien de tangible puisque la Grèce a continué.
Sauver la Grèce par des garanties ou prêts bilatéraux ou tout autre système qui engagerait
l’argent public, et donc celui des contribuables européens, serait non seulement immoral
et injuste mais également inefficace, outre que je m’interroge sur leur légalité au regard
des traités européens (la justification d’une telle intervention de la part de Vitor
Contâncio, membre du conseil des Gouverneurs de la BCE, devant le Parlement Européen
mardi était facile à démonter): immoral car cela reviendrait à aider un dissimulateur,
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injuste car cela reviendrait à ce que des pays comme l’Allemagne qui ont entrepris des
réformes subsidient la Grèce qui n’a pas fait d’effort, et inefficace car le nœud du problème
est dans le « one-fits-all » qui, en l’absence de réels efforts de convergence, ne fonctionne
pas sans perte de souveraineté sur les politiques fiscales et sociales. Je trouve par ailleurs
pour le moins cocasse que la France reproche à l’Allemagne de trop exporter et donc d’être
trop compétitive ! Il est vrai que la France a de quoi préférer une solution « européenne »
car après la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie, la France est la suivante sur la liste
avec la Belgique. La solution proposée par la France et la Commission a surtout pour
objectif de protéger leurs propres intérêts au détriment d’une construction commune de
l’Europe.
Les économies européennes, et encore plus les USA, ont trop longtemps vécu sous les
stéroïdes de l’endettement qui a masqué la divergence évoquée plus haut. Une cure
d’austérité et de profondes réformes sont inévitables; elles se traduiront notamment par
une baisse du niveau de vie des populations concernées, mais c’est le prix à payer pour
sauver l’avenir de nos enfants et petits-enfants, et celui de l’Europe.
Ne voyez dans cette lettre ouverte, Monsieur le Président, que l’opinion d’un européen
convaincu que seule une construction fondée sur des critères non seulement acceptés,
mais également respectés par tous permettra d’assurer le bien-être des européens: c’est le
principe de base de la vie en communauté. Je conclurai en citant Friedrich A. Hayek: «La
liberté ne peut être sauvegardée qu’en suivant des principes et on la détruit en ne se
servant que d’expédients».
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Je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir pris quelques minutes pour lire cette
lettre ouverte.
24/03/2010 »