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Politiques culturelles : études et documents

Dans cette collection 1. Réflexions préalables sur les politiques culturelles


2. La politique culturelle aux États-Unis
par Charles G. Mark
3. Les droits culturels en tant que droits de l'homme
4. La politique culturelle au Japon
par Nobuya Shikaumi
5. Aspects de la politique culturelle française
par le Service des études et recherches du Ministère
des affaires culturelles, Paris
6. La politique culturelle en Tunisie
par Rafik Saïd
7. La politique culturelle en Grande-Bretagne
par Michael Green et Michael "Wïlding,
en constiltation
avec le professeur Richard Hoggart
8. La politique culturelle en Union des républiques
socialistes soviétiques
par A. A. Zvorykine, avec le concours de
N. I. Goloubtsova et IL. I. Rabinovitch
9. La politique culturelle en Tchécoslovaquie
par Miroslav Marek, avec le concours de
Milan Hromâdka et Josef Chroust
* La politique culturelle en Italie
Étude effectuée par les soins de la Commission
nationale italienne pour l'Unesco
La politique culturelle en Yougoslavie
par Stevan Majstorovic
La politique culturelle en Bulgarie
par Kostadine Popov
La politique culturelle à Cuba
par Lisandro Otero, avec le concours de
Francisco Martinez Hinojosa

A paraître
Quelques aspects des politiques
culturelles en Inde
La politique culturelle en Egypte

A l'occasion d'un changement de présentation de cette col-


lection, la numérotation sérielle a été abandonnée à partir
de cet ouvrage.
La politique culturelle

a Cuba
par Lisandro Otero, avec le concours de
Francisco Martïnez Hinojosa

Unesco Paris 1972


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QTE-

Publié en 1972
par l'Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, la science et la culture
place de Fontenoy, 75 Paris-7e
Imprimé par
Presses Universitaires de France, Vendôme
1972 Année
internationale
du livre

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© Unesco 1972
SHC.71/XIX.11/F
Préface

Le but de cette collection est de montrer comment les divers États membres
planifient et appliquent leur politique culturelle. Pas plus que les cultures
elles-mêmes, les conceptions de la culture ne sont identiques ; il appartient
à chaque État membre de déterminer sa politique culturelle et ses méthodes
en ce domaine en fonction de sa propre conception de la culture, de son sys-
tème socio-économique, de son idéologie politique et de son développement
technologique. Cependant, les méthodes employées en matière de politique
culturelle (comme en matière de politique du développement général) sou-
lèvent certains problèmes communs ; ceux-ci sont essentiellement d'ordre
institutionnel, administratif ou financier et l'on insiste de plus en plus sur
la nécessité d'un échange d'expériences et d'informations sur ces méthodes.
La collection, dont chaque numéro suit autant que possible un plan uni-
forme pour faciliter les comparaisons, est consacrée surtout à ces aspects
techniques de la politique culturelle.
Les études traitent généralement des principes et des méthodes de la
politique culturelle, de l'évaluation des besoins culturels, des structures
administratives et de la gestion, de la planification et du financement, de
l'organisation des ressources, de la législation, du budget à prévoir, des insti-
tutions publiques et privées, du contenu culturel de l'éducation, de l'auto-
nomie et de la décentralisation culturelles, de la formation du personnel, des
infrastructures institutionnelles permettant de répondre à des besoins cultu-
rels déterminés, de la sauvegarde du patrimoine culturel, des institutions
assurant la diffusion des arts, de la coopération culturelle internationale et
d'autres sujets connexes.
Les études, qui portent sur des pays différant par le système social et
économique, la situation géographique et le niveau de développement, pré -
sentent donc une grande diversité d'approches et de méthodes en matière
de politique culturelle. Dans leur ensemble, elles peuvent fournir d'utiles
indications aux pays qui n'ont pas encore fixé leur politique culturelle ; mais
tous les pays, notamment ceux qui cherchent à redéfinir cette politiques
peuvent tirer profit de l'expérience déjà acquise. La présente étude a été
rédigée pour l'Unesco par le Consejo Nacional de Cultura sous la direction
de Lisandro Otero, son vice-président, avec le concours de Francisco Mar-
tinez Hinojosa.
Les opinions qui y sont exprimées sont celles des auteurs et ne sauraient
engager l'Unesco.
Les désignations employées et la présentation adoptée ici ne sauraient
être interprétées comme exprimant une prise de position du Secrétariat de
l'Unesco sur le statut légal ou le régime d'un pays ou d'un territoire quel-
conque, non plus que sur le tracé de ses frontières.
Table des matières

9 Antécédents et origines de la culture cubaine


17 Le circuit culturel
Formation 17
Production 24
Distribution 28
Consommation 36
39 Autres institutions culturelles
Union des écrivains et des artistes cubains 39
Institut cubain de l'art et de l'industrie
cinématographiques 41
Casa de las Américas 47
Institut du livre 49
Institut cubain de radiodiffusion 56
Antécédents et origines
de la culture cubaine

La découverte par Christophe Colomb d'un inonde nouveau pour la


couronne de Castille n'annonçait pas seulement l'avènement des temps
modernes ; elle signifiait en outre que la semence de la culture espagnole
allait se répandre dans les nouvelles terres d'Amérique. La conquête de
l'hémisphère américain fut le fruit de l'audace et du courage, mus par le
désir de lucre. L'or et l'argent des vice-royautés et des capitaineries géné-
rales affluaient vers la métropole tandis que celle-ci leur envoyait son idéo-
logie, sa langue et sa culture. Ainsi, les premiers siècles de la colonie de Cuba
sont caractérisés par la léthargie d'une société naissante qui se voyait
réduite au rôle insignifiant de centre de ravitaillement des flottes des compa-
gnies commerciales et d'entrepôt de vivres.
Le XVIe siècle, qui voit la fin de la conquête non sanglante du pays, est
marqué par l'introduction des Noirs à Cuba, par le début de la traite des
esclaves et par le développement de l'industrie extractive, surtout de l'or,
fondée sur l'exploitation de la main-d'œuvre indigène. Les autochtones ne
tardent pas à disparaître entièrement, sans laisser derrière eux une solide
culture comme celle des Incas, des Mayas et des Aztèques sur le continent.
L'élevage commence alors à se développer et le commerce fait l'objet d'un
monopole, qu'atténué la contrebande. Pendant un siècle et demi, les atta-
ques des pirates vont se succéder contre notre territoire.
Le plus lointain antécédent de nos origines culturelles remonte au père
Fray Bartolomé de las Casas, dont l'Histoire des Indes est un document
d'une valeur exceptionnelle pour la connaissance des premières années de
la vie de notre pays.
Au début du xvie siècle s'ouvre à Santiago de Cuba, comme dépendance
de la cathédrale, une école destinée à l'enseignement de la grammaire. La
création de cette école élémentaire, en 1523, constitue peut-être le point de
départ de notre culture. Le premier compositeur et musicien cubain est
l'organiste Miguel de Velazco, qui fut aussi professeur de grammaire à la
cathédrale de Santiago de Cuba vers le milieu du XVIe siècle.
Antécédents et origines de la culture cubaine

La première œuvre musicale connue est le Son de la Ma Teodora,


composé à la fin du XVIe siècle pour un petit orchestre de Santiago qui
comptait parmi ses exécutants la Noire dominicaine libre Teodora Ginès,
plus connue sous le nom de Ma Teodora. Cette œuvre est la plus ancienne
œuvre musicale cubaine qui nous soit parvenue.
La littérature cubaine commence au début du XVIIe siècle, en 1608 pré-
cisément, avec un grand poème intitulé Espejo de paciencia (Miroir de
patience) de Silvestre de Balboa. H est curieux de constater que le mot
« criotto » (créole) désigne déjà dans ce poème les personnes nées dans l'île,
par opposition aux autres habitants insulaires, péninsulaires ou espagnols.
La première vague de conquérants se jeta sur les ressources naturelles
de l'île dans un désir exaspéré de profit, se hâtant de recueillir les fruits de
leur audace et de rentrer, rapidement enrichis, dans la métropole.
A cette première vague succède un groupe de colons qui, installés sur la
terre et utilisant le travail servile, veulent extraire du sol ce qui leur est
nécessaire pour satisfaire leurs besoins fondamentaux, commercer et s'enri-
chir. C'est ainsi que l'aventurier initial se transforme en colon préoccupé
par ses revenus. Cet établissement sur la terre, ce colonat, est de plus en
plus fréquent et les exploitations tombent progressivement dans les mains
de propriétaires nés dans l'île. Il se crée ainsi une classe créole qui se dis-
tingue de la bureaucratie espagnole, chargée de la direction politique de
la colonie.
Au cours des xvme et xixe siècles, il s'est produit un bond dans le déve-
loppement du pays. La culture de la canne à sucre, du café et du tabac,
l'introduction et l'extension du chemin de fer sont dues en partie à un
groupe d'entrepreneurs audacieux, qui sont à l'origine d'une économie de
prospérité soutenue et dirigée exclusivement par des Cubains. Jusqu'alors,
Cuba ne pouvait se définir comme nation et la conscience nationale était
inexistante.
C'est de la fin du xviii9 siècle, de 1791 exactement, que date la première
œuvre théâtrale cubaine dont nous ayons connaissance. Son titre : Le prince
jardinier ou le faux Cloridano. L'auteur : Santiago Pita.
C'est également au cours de ce siècle qu'apparaît le premier compositeur
cubain avec lequel commence réellement notre histoire musicale : Esteban
Salas. L'importance de Salas est peu commune : personnalité la plus sail-
lante de la culture cubaine, il était maître de chapelle à la cathédrale de
Santiago de Cuba et tenait un hebdomadaire consacré à l'activité musicale
de notre pays. Les compositions profanes et sacrées d'Esteban Salas
oscillent entre un baroque tardif et un classicisme cherchant à renaître.
La peinture du xvnie siècle est dominée par un mulâtre, José Nicolas
de la Escalera, qu'inspiré Murillo et qui a surtout peint des portraits et des
sujets religieux.
L'Université de La Havane a été fondée en 1728. Auparavant, le Colegio
de San Ambrosio avait été créé en 1689, et le Colegio Seminario de San
Basilio el Magno, en 1722. Le prêtre Félix Varela ouvrit de nouveaux

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Antécédents et origines de la culture cubaine

horizons à la pensée cubaine. Partisan du libre examen, il préconisait un


éclectisme tendant à concilier-da doctrine rationaliste fondée sur l'induction
et la déduction et le positivisme reposant sur la conviction et l'expérience.
La transformation de la pensée cubaine s'imposait. Le nouvel enseigne-
ment philosophique du père Varela rejetait toute autorité étrangère à la
raison humaine. Et il défendait l'enseignement des sciences physiques et
naturelles parce que nécessaire et indispensable.
Plus tard, la prédication de José de la Luz y Caballero s'associera au
travail d'éducation entrepris par le père Varela.
C'est ainsi qu'il existait déjà vers le milieu du xixe siècle une intelli-
gentsia se distinguant par la qualité et le nombre de ses écrivains ; ceux-ci
ont développé l'idée qu'il existe une différence entre être Cubain et être
Espagnol et ils ont sécrété la substance idéologique destinée à recouvrir la
structure économique déjà constituée.
Une lutte s'engagea entre les entrepreneurs progressistes créoles et la
caste des fonctionnaires coloniaux espagnols. Les premiers, activistes de la
richesse, étaient liés au progrès et s'alignaient sur le rationalisme moderne,
considérant avec sympathie les conquêtes de la Révolution française. Us
étaient pragmatiques et rejetaient l'absolutisme qui les asphyxiait.
Pendant que ce phénomène se produit chez les créoles, détenteurs du
pouvoir économique, la bureaucratie coloniale continue d'abuser de sa situa-
tion qu'elle exploite au maximum, écrasant le pays d'impôts, source d'enri-
chissement facile pour des fonctionnaires qui considéraient leur poste
d'outre-mer comme une prébende.
Cuba, pour se définir comme nation, doit se définir négativement, être
anti-Espagne. Dans notre île, est cubain tout ce qui n'est pas espagnol.
Francisco de Arango y Parreno et José Antonio Saco sont des prototypes
de la personnalité créole et des héros de la bourgeoisie naissante.
Arango y Parreno, porte-parole de la classe des propriétaires fonciers
cubains, lutte pour la libre introduction des esclaves et obtient le décret sur
la liberté du commerce pour Cuba. L'action de Saco se situe à un moment
historique antérieur à celui d'Arango, quand l'esclavage est déjà en crise
et quand l'industrie sucrière commence à utiliser la machine à vapeur. Saco
montre qu'il est possible de remplacer la main-d'œuvre servile par des tra-
vailleurs libres. Les contradictions commencent à s'accentuer entre la
colonie et la métropole, et l'oligarchie cubaine perd peu à peu les leviers de
commande.
Dans la première moitié du XIXe siècle, la classe patricienne de Cuba est
déjà en possession de presque toute la richesse agraire et des grandes indus-
tries du pays : sucre, café, bétail, tabac. Les capitaines généraux inaugurent
une politique visant à tenir les créoles à l'écart et à leur interdire l'accès à
toute fonction sociale qui pourrait leur conférer du prestige et de la
respectabilité.
Le XIXe siècle a produit aussi d'éminents hommes de science comme
Tomâs Romay, qui introduisit à Cuba le vaccin contre la variole ; Felipe

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Antécédents et origines de la culture cubaine

Poey, naturaliste de renommée mondiale ; Alvaro Reynoso, qui enseigna la


culture scientifique de la canne à sucre ; et Qarlos Finlay, qui a fait la plus
grande découverte scientifique dont l'iiumanité soit redevable à Cuba, en
établissant que le moustique est le vecteur de la fièvre jaune.
Les lettres cubaines, à l'égal du mouvement idéologique, se sont large-
ment épanouies au XIXe siècle. José Maria de Heredia et Gertrudis Gomez
de Avellaneda ont pratiqué un lyrisme puissant qui a contribué aussi, indi-
rectement, à la prise de conscience nationale.
Le roman est dominé par Cirilo Villaverde, avec Cecilia Valdês, vaste
fresque de la vie cubaine de l'époque.
Pendant ce temps, l'oligarchie créole avait mené une double lutte. L'une
pour obtenir du gouvernement espagnol une réforme coloniale octroyant
une plus grande autonomie à Cuba, et l'autre pour entrer dans les États-
Unis d'Amérique et y constituer un État supplémentaire. Déçue dans ces
deux aspirations, la fraction la plus progressiste des propriétaires créoles
comprit qu'il ne fallait pas compter obtenir quoi que ce soit par ces deux
moyens et en vint à envisager comme seule solution possible le soulèvement
armé pour l'indépendance de Cuba.
Les guerres d'indépendance qui éclatent en 1868, et qui vont durer
trente ans, nous conduiront, à travers diverses périodes de progrès et de
recul, à une liberté formelle et sans contenu : la République de 1902.
C'est pendant cette dernière période qu'apparaît la plus grande figure
de la pensée et de l'action cubaines : José Marti, organisateur de l'insurrec-
tion finale, grand écrivain et maître de lettres castillanes. C'est Marti qui
perçut avec une grande pénétration le caractère unitaire de la communauté
américaine et la nécessité d'une intégration croissante et qui conçut l'indé-
pendance de Cuba comme un pas vers cette fusion. C'est encore Marti qui
mit en garde contre le principal danger qui s'opposait à ce mouvement :
l'expansion et le caractère de plus en plus dominateur de l'impérialisme, qui
menaçait d'étouffer notre économie et notre autonomie récemment acquise,
mettant au service de sa propre croissance les richesses, le talent et la vie
civique des nouvelles nations américaines.
Libéré de l'Espagne, Cuba parcourt un chemin douloureux au cours
duquel s'accomplissent les prévisions de José Marti. Luttes intestines, inter-
ventions des États-Unis, corruption, désordre de l'administration publique
sont les constantes de cette période.
De 1920 à 1930 apparaît une nouvelle génération qui, insatisfaite de cet
état de choses, va reprendre l'étendard de notre émancipation et tenter une
profonde réforme nationale. C'est alors que se définit et se précise une
conscience anti-impérialiste, dans la même mesure que s'étaient définies et
précisées les intentions de l'impérialisme.
La révolution de 1933 est la concrétisation de ce projet ; mais elle fut
ajournée par les manœuvres politiques, la répression, l'ingérence étrangère
et la maturité insuffisante de la nation.
En 1953, l'attaque de la caserne Moncada de Santiago de Cuba par un

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Antécédents et origines de la culture cubaine

groupe de jeunes gens marque le début de l'étape finale. Les idéaux de 1868
et de 1933 sont exaltés sous l'impulsion de Fidel Castro et, avec la victoire
de janvier 1959, entrent dans une phase concrète.
H est indispensable de connaître tous ces antécédents et tous ces faits
pour comprendre la période de cristallisation de notre culture. La révo-
lution triomphante hérite d'un fardeau de valeurs déformées. Les années
de république avaient favorisé, surtout dans la dernière période, la culture
dite de masse qui se fonde sur le commerce des biens culturels et sur sa
capacité d'accumuler des profits. Toutes les ressources étaient utilisées pour
dissiper les valeurs culturelles de notre pays. L'histoire était falsifiée, les
meilleures traditions nationales étaient réduites à néant ou défigurées, les
échanges culturels avec le reste du monde étaient entravés, et cette culture
dégradée était transformée en un instrument supplémentaire d'exploitation.
La culture devenait aussi un moyen de domination et d'oppression. Les
moyens de grande information, soumis aux lois de l'offre et de la demande
ainsi que de la propagande qui stimule l'accroissement de la consommation
à certains niveaux, touchaient un public faiblement scolarisé, victime de
l'analphabétisme, du chômage et de la misère.
La prétendue culture de masse crée ses monstres bâtards en recherchant
le sensationnel et le divertissement facile et favorise un art d'évasion où
l'homme ne reconnaît pas ses problèmes.
Par la révolution, les grandes masses font définitivement irruption dans
notre histoire, réclamant leur droit au travail, à la culture et à la pleine
dignité de l'homme. Nos moyens de grande information se sont alors trans-
formés en auxiliaires de l'éducation. La presse, la radio et la télévision ont
dû consacrer une partie de leurs ressources à l'alphabétisation, à l'affirma-
tion des valeurs nationales, au placement professionnel, à l'orientation et à
l'unification de tout un peuple.
L'apparition d'un nouveau type de consommateur de culture, qui était
en même temps producteur de culture mais qui n'avait pas eu l'avantage
de recevoir une formation scolaire, faisait qu'il était nécessaire de s'adresser
à ce public d'adultes par l'image et la parole, en l'informant et en recher-
chant sa participation active.
Mais la révolution doit faire face à d'autres formes de sous-dévelop-
pement : la pénurie de techniciens et de ressources matérielles, le très bas
niveau d'instruction et le déséquilibre entre les villes et les campagnes. Si
l'on ajoute à cela des difficultés politiques — agressions, blocus — on
comprendra l'ampleur de la tâche à accomplir. Dans les premières années de
la révolution, il a fallu rejeter les tentatives de contrainte et préparer la
conscience populaire à relever un défi historique : franchir les obstacles
hérités du passé et transformer la vie qui nous entoure.
Les mécanismes destinés à accélérer le développement et à obtenir
rapidement un décollage économique furent mis en place dès le début. Mais
la révolution a l'habitude d'accomplir des tâches parallèles. En même temps
qu'elle se préoccupait de la défense et de l'infrastructure économique, elle ne
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Antécédents et origines de la culture cubaine

négligeait pas le développement culturel. C'est ainsi qu'en 1961, tout en


menant le combat imposé par l'invasion de Playa Giron, nous avons achevé
la lutte sur le front culturel pour éliminer en un an seulement l'analpha-
bétisme dans notre pays.
Nous pensons que bien que l'éducation et la culture se situent dans des
domaines différents elles font partie d'un même ensemble et exigent une
action simultanée. En intensifiant les programmes d'alphabétisation et
d'éducation des adultes, nous avons jeté les bases nécessaires à l'essor de
notre culture humaniste. Tel est aussi le rôle de la vague de constructions
scolaires, de la scolarisation accélérée et de l'augmentation sensible du
niveau de vie dans les zones rurales.
La disparition des facteurs commerciaux de notre culture et la primauté
de la valeur d'usage sur la valeur d'échange des biens culturels ouvraient
la voie à de grandes réalisations.
La politique culturelle de Cuba repose sur une entière liberté de création
artistique. Chaque créateur choisit ses tendances, sa manière et son style
conformément à ses besoins d'expression, ce qui garantit la diversité et la
spontanéité de ses œuvres. On attend en même temps de la responsabilité
de chaque artiste qu'elle l'amène à concilier intimement sa liberté d'expres-
sion et son devoir révolutionnaire, opposant une barrière aux subtiles péné-
trations idéologiques dont la fin ultime est la destruction des institutions
qui garantissent et favorisent cette même liberté.
Le grand recours d'un pays sous-développé en révolution est le peuple
lui-même. Il est logique que la culture de niasse déformée et commercialisée
fasse place à une véritable culture pour les masses. Il n'est pas possible
d'oublier que, pour qu'elle soit plus complète, il faut compter sur la parti-
cipation sociale et intellectuelle des masses elles-mêmes. C'est à cette fin
que s'est créé un actif mouvement d'amateurs. En même temps, nous avons
développé les circuits de diffusion culturelle en ouvrant des musées, des
théâtres, des galeries, des bibliothèques, en créant des orchestres, des
chœurs et des groupes dramatiques, en produisant des livres, des disques et
des films et en augmentant la portée des émetteurs de radio et de télévision.
Nous nous sommes efforcés d'étendre cette activité aux régions rurales
dans le cadre d'une politique culturelle dont l'un des objectifs est de sup-
primer le déséquilibre entre les villes et les campagnes, qui est une carac-
téristique de sous-développement.
A côté de la liberté d'expression artistique et de l'extension de la culture
aux masses, un autre principe fondamental de notre politique culturelle est
l'attention que nous portons à nos racines nationales et à l'expression
artistique de nos traditions, de notre histoire et des sources de notre culture.
Cette revalorisation de l'autochtone doit passer par le prisme d'une critique
qui rejette les éléments frelatés, les fausses valeurs. Tout en mettant ainsi
l'accent sur les origines, nous nous sommes également ouverts à l'assimi-
lation du patrimoine culturel de l'humanité. L'adoption de techniques et de
tendances nouvelles est la meilleure garantie que le traditionalisme ne se

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Antécédents et origines de la culture cubaine

transformera pas en agent rétrograde freinant la mise à jour de notre


culture. Par cette assimilation réfléchie, adaptée à nos besoins, des valeurs
artistiques techniquement plus évoluées et plus actuelles, nous garantissons
notre dynamisme et nous évitons tout retour éventuel en arrière.
Au titre de notre politique d'extension de la culture, nous nous efforçons
d'obtenir que les centres de diffusion de la culture soient des éléments
formateurs dans le cadre du grand développement éducatif de notre pays
et des éléments fonctionnels et dynamiques au contact des impératifs de la
vie quotidienne, et non des temples sacralisés situés à l'écart et au-dessus
des besoins de l'homme, ou des réserves de beaux objets créés pour satisfaire
l'esthétisme d'un mécène.
La personnalité complète de l'homme futur ne doit pas se limiter au rôle
passif de simple spectateur. Pour son équilibre physique et mental, l'être
humain doit connaître et pratiquer l'un des arts.
Le mouvement d'amateurs permet d'obtenir une participation qui
engendre une meilleure appréciation et éveille des sensibilités et des voca-
tions qui, canalisées dans un système d'enseignement, peuvent aboutir à
une œuvre majeure. Mais cela ne suint pas. Une personnalité équilibrée se
forme dès les premières étapes de l'éducation.
Tel est le but du plan ambitieux d'enseignement des arts dans les classes
élémentaires à l'école primaire, où la radio et la télévision sont utilisées
en collaboration avec le maître chargé de l'enseignement général, pour
atteindre la totalité de nos établissements d'enseignement du premier degré.
Cet aspect fondamental de notre politique culturelle, le souci du déve-
loppement des enfants, se traduira non seulement par l'apparition d'un
homme plus complet, mais aussi par une participation aux activités cul-
turelles de toutes sortes et par une appréciation de ces activités sous l'effet
d'une motivation plus profonde.
La révolution cubaine a réalisé le miracle de transformer un peuple
affamé et sous-développé, ignorant et partiellement analphabète en un
peuple ayant accès à la culture, parce qu'elle a incorporé les aspirations et
la compréhension intellectuelle de ce peuple à ses objectifs fondamentaux.
Quand nous parlons de culture de masse, nous ne l'entendons pas dans
le sens où l'entend une publicité mercantile, c'est-à-dire une culture visant
à satisfaire des appétits sans contenu esthétique, médiocres, pleins de vul-
garité, sans noblesse, suscités par un entrepreneur avide de créer des besoins
chez le consommateur.
Pour nous, la culture de masse est la somme de fortes individualités
pleinement épanouies grâce au processus de libération de la personne que
facilite le fait révolutionnaire dans notre pays.
Un pays qui choisit la voie révolutionnaire vers le développement,
comme nous l'avons fait, doit tout d'abord considérer la réalité de l'énorme
complexité scientifique, technique et anthropologique atteinte par le déve-
loppement économique du monde qui le précède et qui fait partie de ce
même développement.

15
Antécédents et origines de la culture cubaine

C'est pourquoi il est urgent d'élever le niveau de vie, de développer


l'agriculture et l'industrie et de lutter âprement pour approcher le niveau
des pays développés.
Il faut donc considérer l'énorme distance que doit parcourir un peuple
sous-développé du point de vue technicpie et scientifique pour accéder à
une existence authentique sur les plans économique, matériel et spirituel.
Même lorsque nous n'avions pas de ressources matérielles suffisantes
pour construire une usine, nous n'avons pas hésité à construire des écoles ;
quand nous manquions de ressources pour un investissement industriel,
nous n'avons pas hésité à construire des centres de recherches scientifiques ;
quand nous n'avions pas de quoi élever le niveau de vie du peuple, nous
n'avons pas hésité à engager des dépenses pour des études techniques et
scientifiques, pour former des hommes de science et des techniciens, pour
former les cadres de la vie littéraire et artistique, pour ouvrir des circuits
de diffusion culturelle.
Nous considérons que l'homme de science, l'écrivain et l'artiste sont non
seulement des hommes de réflexion, mais aussi, dans la mesure où ils
exercent leur intelligence et même dans le seul exercice de cette intelligence,
des hommes d'action et de création ayant un rôle formateur. Nous croyons
que si l'homme de l'avenir doit être un homme total et complet il sera aussi,
en dernière analyse, un intellectuel dans la mesure où il sera maître des
outils et des instruments de la culture et aura accès à celle-ci non seulement
en témoin et en spectateur, mais encore en protagoniste.

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Le circuit culturel

Formation

La réalisation des objectifs que s'était fixés en 1959 l'État révolutionnaire


en matière d'expansion culturelle s'est très vite heurtée à la faiblesse numé-
rique du personnel artistique existant. Il était impossible de satisfaire les
besoins culturels d'un peuple qui découvrait la participation effective à tous
les aspects de la vie, d'une multitude libérée du joug économique et affamée
de nourriture spirituelle, avec le petit nombre d'artistes et de spécialistes
hérités d'une société où les véritables biens culturels étaient l'apanage des
minorités qui détenaient la richesse sociale, laissant au peuple les sous-
produits d'une prétendue « culture de masse » répondant à une conception
dépassée de ces masses.
La première question à résoudre était donc celle de la formation des
artistes et des professeurs de l'art qu'exigeait le mode de vie nouveau. Mais,
là encore, nous ne possédions pas les moyens voulus. Signalons simplement
que l'enseignement de l'art dans notre pays était limité à un ou deux
conservatoires subventionnés par l'État, à un certain nombre de conser-
vatoires privés avec une série de branches régionales et à une multitude de
professeurs privés exerçant à domicile ou se rendant chez les élèves,
l'ensemble étant caractérisé par l'absence de méthodes, de techniques ou
de programmes cohérents et par une prédominance de l'enseignement du
piano. Il y avait en outre trois écoles consacrées aux arts plastiques, qui
souffraient des mêmes défauts.
La première démarche de l'État révolutionnaire en matière de formation
artistique devait logiquement être ambitieuse et tendre à centraliser les
meilleures ressources disponibles.
Ainsi fut ouverte en 1961 l'Escuela Nacional de Arte de Cubanacân.
Conçue comme un gigantesque complexe d'enseignement de l'art, elle com-
prenait cinq écoles : l'École nationale des arts plastiques ; l'École nationale
d'art dramatique ; l'École nationale de danse moderne et de folklore ;

17
Le circuit culturel

l'École nationale de ballet ; l'École nationale de musique, avec 18 spé-


cialisations.
Cubanacân compte actuellement 782 élèves (454 de sexe masculin et 328
de sexe féminin), tous titulaires de bourses accordées par l'État qui prend à
sa charge la totalité de leurs dépenses personnelles et fournit les ressources
nécessaires à leur formation.
Parallèlement à l'étude de la discipline artistique choisie, les élèves sui-
vent le programme de l'enseignement national ordinaire, jusqu'à l'année
terminale du cycle secondaire.
L'Escuela Nacional de Arte est en outre le centre d'un système national
d'enseignement de l'art comprenant six écoles provinciales de ballet, de
musique et des arts plastiques, ainsi que plusieurs écoles, situées dans
diverses régions ou villes, dont les élèves bénéficient du régime de bourses
exposé plus haut. Cuba compte en tout 24 écoles d'art enseignant les 40 spé-
cialités suivantes : musique, 18 ; arts plastiques, 11 ; ballet, 9 ; danse
moderne, 1 ; art dramatique, 1.
Ces 24 écoles totalisent 3 647 élèves et dispensent un enseignement pro-
gressif, depuis les écoles de province jusqu'à l'École nationale qui corres-
pond au degré supérieur.
Bien qu'un certain nombre seulement de villes et de régions possèdent
une école d'art, les jeunes de toutes les régions peuvent se présenter aux
examens d'entrée ; à cet effet, des équipes de sélection parcourent toute l'fle
en organisant des épreuves et en faisant connaître les conditions d'entrée
dans ces écoles à tous les élèves du système national d'enseignement.
Pour entrer dans une école d'art, il faut passer un examen portant sur la
discipline artistique choisie ; ce choix décide de toutes les études ultérieures.
Une fois les études terminées, les diplômés accomplissent deux ans de
service social pendant lesquels ils transmettent les connaissances acquises à
d'autres élèves faisant des études artistiques, contribuant ainsi à l'indis-
pensable formation des artistes.
Le service social joue un rôle important dans l'éducation nationale. Dans
le domaine artistique, il est accompli par les étudiants sortant des écoles
d'art et des facultés des lettres des universités. Le service social a un carac-
tère rural et a pour but d'harmoniser le développement des différentes
régions du pays en corrigeant graduellement le déséquilibre culturel, hérité
de la société précédente, entre les régions rurales et les régions urbaines.
Pendant les deux années de leur service, les diplômés exercent leur pro-
fession, font fonction d'enseignants, de chercheurs ou d'animateurs cultu-
rels, contribuant de façon dynamique et multiple au développement culturel
de la région où ils se trouvent. Il suffit d'analyser les chiffres relatifs au
personnel travaillant à l'Escuela Nacional de Arte pour comprendre tout
l'intérêt que porte l'État révolutionnaire .aux boursiers : pour 782 élèves,
l'effectif du personnel est de 457 membres, qui se répartissent comme suit :
personnel enseignant, 44,3 % ; personnel s'occupant directement des bour-
siers, 37,1 % ; personnel administratif, 3,9 % ; personnel de service, 14,7 %.

18
Le circuit culturel

Afin d'assurer le perfectionnement technique des musiciens profession-


nels autodidactes ou n'ayant reçu qu'une formation insuffisante du fait du
manque d'écoles et du coût des études, le gouvernement a créé l'École de
perfectionnement des musiciens professionnels (Escuela de Superaciôn de
Mûsicos Profesionales), qui fait partie du système national d'écoles d'art
bien qu'elle ait une fonction particulière. L'une des particularités de cette
école est que chaque élève y suit un programme d'études individuel établi
en fonction de son cas, de son niveau, du métier auquel il se destine et de
ses points faibles.
Une autre école présente des caractéristiques particulières ; il s'agit de
l'École de perfectionnement des compositeurs (Escuela de Superaciôn para
Autores Musicales), dont la fonction est d'améliorer le niveau technique des
compositeurs de musique populaire cubaine qui, de même que les interprètes
de cette musique, n'ont guère eu dans le passé l'occasion de faire des études
et qui composaient pour la plupart en se laissant guider par leur seule sensi-
bilité musicale innée. Cette école fonctionne au siège de la Société cubaine
des compositeurs, mais l'organisation de ses cours relève de la Direction
nationale des écoles du Conseil national de la culture.
Le perfectionnement des artistes professionnels revêt des formes très
diverses, selon des modalités souples adaptées à la situation des artistes et
aux plans généraux de travail. C'est ainsi qu'en ce qui concerne la musique
classique des équipes formées des interprètes les plus qualifiés circulent
régulièrement dans le pays pour organiser des cours de perfectionnement à
l'intention des musiciens moins qualifiés.
On organise de même des stages spéciaux d'art dramatique, de mise en
scène, de maquillage et autres spécialités du théâtre. Les solistes suivent des
cours de perfectionnement dont le thème est choisi en fonction des prochains
spectacles où ils vont jouer et fait une place particulière aux points qui
présentent pour eux le plus de difficultés.
Si un tel programme est possible, c'est notamment parce que les artistes
peuvent se consacrer totalement à leur art, alors que, précédemment, leurs
activités culturelles ne leur fournissant pas un emploi stable, ils étaient
obligés de s'adonner à d'autres travaux pour assurer leur subsistance.
Parallèlement au système normal d'enseignement artistique profes-
sionnel, on a entrepris, dès les premières années qui suivirent le triomphe de
la révolution, de mettre sur pied et de développer un mouvement d'artistes
amateurs en créant à cette fin les Écoles de moniteurs artistiques (Escuelas
para Instructores de Arte) qui, au départ, dispensaient une formation dans
trois disciplines : le théâtre, la musique et la danse.
En 1965, 1 093 moniteurs diplômés dans ces trois disciplines sont sortis
de ces écoles ; ainsi s'est constitué un véritable corps de promoteurs de la
culture répartis dans tout le pays et de préférence dans les régions les plus
éloignées des centres urbains.
La recherche de formules permettant d'accélérer la sensibilisation des
masses populaires à la culture afin de leur permettre de participer, sur le

19
Le circuit culturel

plan de la création comme sur celui du spectacle, à la vie artistique, qui leur
était restée si étrangère avant le triomphe de la révolution, nous a amenés à
créer ce nouvel agent culturel qu'est le moniteur artistique, dont il n'exis-
tait autrefois aucun exemple.
Le moniteur ne reçoit pas une formation destinée à faire de lui un
artiste ; mais il apprend à déceler, orienter, susciter et stimuler l'activité
artistique dans les divers secteurs de la population.
Aidés par les divers organismes sociaux, les moniteurs artistiques ont
accompli ces dernières années une tâche considérable, favorisant la forma-
tion de groupes d'amateurs de théâtre, de musique et d'arts plastiques, qui
ont largement contribué à l'épanouissement des aptitudes artistiques du
peuple et à l'amnement de son sens esthétique.
Les écoles de moniteurs artistiques ont subi une évolution qui a affecté
tant le contenu de leur programme que sa mise en œuvre, la formule à
laquelle on a abouti étant la suivante : cinq années d'études, dont trois en
internat et deux d'application pratique au cours desquelles le moniteur se
spécialise. Il existe actuellement des écoles de moniteurs artistiques spé-
cialisés dans les domaines suivants : théâtre pour enfants, théâtre pour
adultes, arts plastiques, musique, récits pour enfants, soit au total
243 élèves-moniteurs.
La pénurie de personnel qualifié pour mener à bien les grandes tâches
que nous nous étions assignées dans le domaine culturel ne se limitait pas
aux artistes proprement dits. Dans l'état de sous-développement où se
trouvait Cuba, elle était également sensible en ce qui concerne les fonction-
naires chargés de diriger, de coordonner et d'organiser les activités cultu-
relles, surtout à partir du moment où ces activités débordaient le cadre
étroit de l'initiative privée commerciale et où il fallait leur donner une
nouvelle dimension sociale. Il n'était pas possible de détourner de la créa-
tion au profit de tâches administratives nos trop rares artistes créateurs et
interprètes ; nous en avions de toute façon besoin comme conseillers tech-
niques ; il fallait cependant veiller à ce que les cadres responsables de l'admi-
nistration aient un niveau minimal de spécialisation et de connaissances.
La conscience de cette nécessité nous a amenés, dans les premières
années, à prendre de nombreuses initiatives : organisation de stages et de
cercles d'études, de cours de brève durée, de conférences ou participation à
des cours réguliers dans ce domaine ; par la suite, la systématisation de ces
efforts a abouti à la création de l'École de promoteurs de la culture (Escuela
de Activistas de Cultura), qui dépend de la Direction nationale de la
diffusion culturelle. Cette école ne vise pas à former des artistes ou des
spécialistes dans tel ou tel domaine artistique. Son but est de conférer aux
fonctionnaires ayant une quelconque responsabilité dans le domaine culturel
une meilleure connaissance de tout ce qui a trait à l'art et à la culture, tant
nationale qu'universelle. Compte tenu de la dynamique de notre dévelop-
pement, l'école organise aussi des cours spéciaux destinés à former le per-
sonnel nécessaire pour des activités ou plans culturels déterminés.

20
Le circuit culturel

L'école a un régime d'internat et les élèves y reçoivent gratuitement ce


dont ils ont besoin pour leur formation ; ils continuent de percevoir leur
traitement pendant toute la durée des cours.
Les centres professionnels d'art, dont s'occupent depuis dix ans les
moniteurs artistiques, constituent un autre élément important de la forma-
tion artistique populaire. Des programmes d'études spéciaux permettent de
dispenser aux amateurs une formation systématique dans la branche qu'ils
ont choisie. Ces centres remplissent une double fonction importante : diffu-
sion de la culture, d'une part, et dépistage de talents ignorés parmi le
peuple, d'autre part. Il en existe actuellement 189 dans tout le pays, à
savoir : centres d'arts plastiques, 63 ; centres professionnels du théâtre, 32 ;
centres de musique, 76 ; centres de danse, 18 ; 413 moniteurs artistiques
spécialisés dans ces divers domaines assurent le fonctionnement de ces
centres.
Les centres d'arts plastiques présentent la particularité d'être des
ateliers de création libre où l'on donne aux amateurs, outre une formation
technique, les matériaux nécessaires à leur travail, sans qu'il leur en coûte
rien. Ces ateliers sont à l'origine d'une abondante production d'oeuvres
d'arts plastiques, dont les meilleures font l'objet d'expositions itinérantes
avant d'être offertes gratuitement aux centres de travail pour l'usage de
tous. Les moniteurs artistiques ont réussi à susciter dans tout le pays un
puissant mouvement d'artistes amateurs qui atteignent parfois à une telle
maîtrise de leur art que le qualificatif d'amateur vise uniquement le carac-
tère partiel de leur activité artistique et nullement sa qualité.
On compte actuellement 516 groupes d'amateurs de théâtre, de musique
et de danse dans les régions urbaines et 367 groupes analogues dans les
régions rurales ; le nombre des représentations qu'ils donnent à l'intention
des autres travailleurs a augmenté régulièrement et a atteint, l'an dernier,
le chiffre considérable de 41 256 représentations, soit une moyenne annuelle
de 63,63 représentations par groupe.
Ce mouvement d'amateurs, en faisant communier dans l'événement
artistique des individus appartenant aux secteurs d'activité les plus divers,
constitue un important facteur d'intégration sociale. Grâce à lui, le théâtre,
la musique, la danse et les arts plastiques favorisent une véritable commu-
nication pendant les loisirs et permettent en outre d'employer ces loisirs à
divertir le peuple et à lui apporter une jouissance esthétique.
L'éducation artistique des niasses incombe donc non seulement aux
organismes publics, mais à des milliers de citoyens, ouvriers, étudiants,
paysans, maîtresses de maison et cadres qui, en retour, trouvent leur plein
épanouissement en tant qu'individus.
Comme élément des plans de formation intégrale de la jeunesse, le
gouvernement a mis sur pied le plan d'éducation artistique que nous appe-
lons Plan Cultura-Mined fondé sur le principe, affirmé par Cuba à plus d'une
tribune internationale, que l'éducation doit associer l'étude, le travail, le
sport, l'art et le divertissement pour favoriser la naissance d'un homme

21
Le circuit culturel

nouveau, complet ; les résultats obtenus jusqu'à ce jour ouvrent à cet égard
des perspectives et des possibilités très larges.
Ce plan consiste à appliquer systématiquement des techniques pédago-
giques spécialisées dans cinq domaines d'études artistiques : musique, danse,
tliéâtre pour enfants, récits pour enfants et arts plastiques, intégrés à
l'ensemble de l'enseignement polytechnique conçu comme un véritable tout,
où il est fréquent que les matières d'enseignement général tirent profit de
l'enseignement des arts.
Selon ce principe, le plan fait ressortir les rapports étroits qui existent
entre la musique et la danse en utilisant les mêmes airs pour les cours de
chant et pour les cours de danse. Des thèmes identiques sont choisis pour
les récits et pour le théâtre pour enfants. Les arts plastiques fournissent une
aide importante pour la confection de marionnettes et l'illustration des
récits par les enfants.
D'un autre côté, le tracé des cartes, l'illustration des thèmes abordés en
mathématiques modernes et toutes les activités graphiques liées à l'étude
des diverses matières techniques profitent largement de la pratique des
arts plastiques. De même, les activités d'expression orale ne peuvent que
bénéficier des connaissances acquises en liaison avec les récits et le théâtre
pour enfants.
Pour la musique, on a recours à la radio, ce qui permet de remédier
au manque de personnel spécialisé pour toutes les écoles. La leçon de
musique revêt la forme d'une émission d'une demi-heure diffusée trois fois
par semaine et basée sur le principe de la répétition systématique ; elle
comprend les éléments suivants : technique du chant, appréciation et
histoire de la musique, à partir de morceaux interprétés par des artistes
de tout premier plan, la musique étant complétée par des illustrations
montrées en classe et réalisées par les meilleurs représentants des arts
plastiques. Les maîtres disposent en outre d'une méthode qui leur est
fournie par écrit.
Le cours de danse rythmique est assuré de façon analogue par une
émission d'une demi-heure diffusée deux fois par semaine, avec images
appropriées pour que les enfants improvisent sur elles des rythmes naturels
de leur propre invention.
Le théâtre pour enfants revêt trois formes : le théâtre avec acteurs, le
théâtre de marionnettes et la pantomime. Dans les écoles, ces activités sont
assurées par les maîtres, qui bénéficient du concours technique de moniteurs
de théâtre, de même que pour les récits pour enfants.
Les principes et éléments du dessin constituent la base de l'enseignement
des arts plastiques. Les points fondamentaux du plan sont exposés dans un
ouvrage qui met en rapport étroit les exercices sur les principes et éléments
du dessin et les grands thèmes de l'enseignement primaire.
Ainsi, les matières d'études qui ne font pas l'objet d'un enseignement
radiodiffusé, c'est-à-dire le théâtre et les récits pour enfants ainsi que les
arts plastiques, exigent que des moniteurs artistiques apportent leur

22
Le circuit culturel

concours direct aux maîtres qui n'ont pas été initiés, pendant leur for-
mation, au contenu et aux méthodes des matières d'études artistiques.
C'est cependant le maître qui, à tous points de vue, constitue le centre
de la classe et il ne semble pas souhaitable d'introduire dans celle-ci de
nouvelles personnalités qui risqueraient de rompre l'unité assurée par celui
qu'un contact permanent avec les élèves a mis en mesure de connaître
toutes les incidences du processus d'apprentissage et d'éducation et qui en
tient tous les fils dans sa main. Dans le domaine musical, toujours pour ne
pas introduire un nouveau personnage dans la classe, on préfère la radio
à la télévision.
Gela explique qu'on en soit venu directement à l'initiation artistique des
élèves-maîtres. Aux maîtres en exercice qu'on initie, par des stages d'études,
aux principes de base du plan d'éducation artistique viendront s'ajouter
peu à peu les maîtres qui, à la fin du prochain cours, posséderont déjà une
formation complète dans ce domaine. Des équipes spécialisées dans chaque
matière d'étude figurant au plan ont élaboré à leur intention un programme
d'éducation artistique et de formation pédagogique correspondante pour
les écoles normales.
Ce programme prévoit que deux cours portant sur le contenu de toutes
les formes de l'enseignement artistique et deux cours portant sur les
méthodes et la pratique de cet enseignement seront intégrés aux plans
généraux d'études des établissements de formation pédagogique.
Notre objectif est d'assurer l'intégration des nouvelles générations à la
culture de masse dès les premières années d'études, en affermissant les
racines de notre culture nationale et en assimilant le meilleur de la culture
universelle. Dans les écoles où le plan est en application, on a déjà noté une
amélioration de la discipline et un changement d'attitude des enfants à
l'égard de l'école dans la mesure où il.y a participation de la totalité des
élèves et où l'on ne se borne pas à distinguer quelques talents isolés. On a
constaté aussi un développement de l'imagination des enfants et de leurs
aptitudes manuelles.
Un bilan total de l'application du plan ne pourra toutefois être établi
avant six ans, lorsque les élèves qui commencent actuellement le cycle
d'études primaires conforme au plan l'auront achevé.
Il n'y a pas d'école spécialisée pour la formation des écrivains, encore
que les facultés des lettres des trois universités du pays forment aussi bien
des professeurs de littérature que des chercheurs et des créateurs.
Les étudiants qui se préparent à devenir écrivains assistent aux « ate-
liers » Littéraires. Il s'agit de réunions périodiques des jeunes d'une collec-
tivité ou d'un quartier qui s'intéressent à la création littéraire et qui
analysent en commun leurs œuvres. Des écrivains professionnels ou des
conseillers de la Direction de Literatura participent à ces réunions, appré-
cient les œuvres soumises par les membres de l'atelier, font des critiques,
des commentaires, des suggestions, etc. Les meilleures œuvres sont publiées
dans des revues périodiques ou dans des anthologies de nouveaux écrivains.

23
Le circuit culturel

La croissance rapide du réseau national de bibliothèques s'est traduite


par une grave pénurie de personnel qualifié pour les divers services de
bibliothèque. C'est pourquoi des cours de formation ont été organisés. Le
principal moyen de formation professionnelle dont dispose la Direction
nationale des bibliothèques, dépendant du Conseil national de la culture,
est l'école d'auxiliaires techniques de bibliothèque, fondée en 1962 sous
l'appellation d'École de formation bibliothéconomique, qui s'est développée
au point d'assurer aujourd'hui une formation d'un niveau équivalant à
celui des instituts techniques secondaires. Les cours y durent trois ans et
portent sur toutes les matières du deuxième cycle, ainsi que sur les disci-
plines bibliothéconomiques.
La deuxième année est consacrée à la pratique professionnelle, acquise
de préférence dans les bibliothèques de l'intérieur du pays ; pendant la
troisième année, les étudiants combinent les études avec un stage dans les
bibliothèques de La Havane, qui sont devenues des bibliothèques d'ensei-
gnement. Ces établissements fonctionnent, comme ceux qui ont été men-
tionnés précédemment, avec un régime d'internat et leurs élèves sont des
boursiers entièrement pris en charge par l'État ; les programmes s'articulent
sur ceux de l'École de bibliothécaires de l'Université de La Havane, où
les diplômés de ces établissements peuvent passer au niveau supérieur.

Production

L'insécurité économique, la subordination aux goûts de la classe dominante,


le mercantilisme contaminant l'œuvre d'art, les rares possibilités de percer,
l'immixtion de sordides intérêts politiques, telles étaient les caractéristiques
du milieu où devait, au prix de grandes difficultés, se dérouler l'activité des
artistes de notre pays avant l'avènement de l'État révolutionnaire.
A partir de 1959, toute l'action déployée dans le domaine culturel a
permis l'instauration de relations d'un type nouveau ; ces relations, carac-
térisées par la liberté de création artistique, permettent à créateurs et inter-
prètes, affranchis de l'insécurité économique, de se consacrer entièrement
à leur œuvre et au plein épanouissement de leur talent.
Dans chacun des domaines de l'art, ces relations prennent une forme
différente. Ainsi :
Dans le domaine qui relève de la compétence de la Direction nationale
du théâtre et de la danse, il existe actuellement trente-sept groupes, dont les
membres perçoivent un salaire entièrement garanti quel que soit le nombre
de représentations auxquelles ils participent, les recettes ou le succès de
l'œuvre.
L'État non seulement assure un revenu à toutes ces troupes, mais il leur
fournit le local où elles font leurs répétitions, la salle où elles donnent leurs
représentations et les services d'ateliers qui fabriquent les décors, les cos-
tumes et tous les accessoires nécessaires à la mise en scène ; il prend à sa

24
Le circuit culturel

charge les frais de publication du catalogue ou du programme et la diffusion


de l'œuvre, les services techniques d'éclairage et de son, l'utilisation de
studios d'enregistrement, en plus de la solution des divers problèmes admi-
nistratifs que pose une nouvelle présentation, problèmes qui ne constituent
plus une préoccupation pour les interprètes et les créateurs. Le Centre
d'information et d'études sur la culture assure le service de documentation
et d'information sur le théâtre. Il fait bénéficier de ce service tous les
domaines artistiques ; il dispose en outre d'une bibliothèque (livres et pério-
diques) spécialisée.
Les troupes théâtrales ont la possibilité de se familiariser avec les nou-
velles orientations du théâtre dans le monde ou de rechercher des formes
nouvelles, car elles ont souvent recours aux services d'auteurs étrangers qui
participent à la mise en scène de leurs œuvres ou de spécialistes qui aident
à résoudre les problèmes techniques.
Ces groupes théâtraux se livrent à des études organisées qui durent par-
fois plusieurs mois pendant lesquels les interprètes et les créateurs reçoivent
un revenu garanti, conformément au principe de l'État révolutionnaire
selon lequel la recherche et l'expérimentation sont un de nos devoirs dans
le domaine artistique comme dans les autres domaines.
Nous mentionnerons deux ensembles qui se consacrent à l'expérimen-
tation et qui font tout ce que nous appelons du théâtre social, étant donné
que leur recherche a pour objectif fondamental de trouver une nouvelle
forme de relation avec le public.
L'un de ces ensembles est le Théâtre du tiers monde ; son but est de
créer un théâtre itinérant qui donne ses représentations non sur les scènes
traditionnelles, mais sur les places, les avenues ou dans les lieux de travail
et qui aborde directement des thèmes de caractère politique. Le second est
le groupe du Théâtre Escambray ; il constitue l'expérience la plus novatrice
du mouvement théâtral cubain : une troupe de comédiens, dont certains
ont acquis une grande réputation professionnelle, s'est installée dans un des
massifs montagneux les plus importants du pays, la Sierra del Escambray,
dans la province de Las Villas. Toutes les caractéristiques de cette expé-
rience artistique sont sans précédent dans notre pays. Les représentations
se déroulent à même le terrain, sans plateau et sans local ; quant à la
publicité des représentations, elle n'est assurée que par la présence de la
troupe dans la région ; à la fin de chaque représentation, un débat est ouvert
avec le public au sujet de l'œuvre présentée et du théâtre en général.
Ce qu'a peut-être de plus significatif cette expérience, c'est qu'une popu-
lation qui n'a jamais assisté à une représentation théâtrale peut voir des
œuvres qui sont parmi les meilleures du répertoire universel et qui sont
présentées sous la forme la plus dépouillée. Au terme de deux années de
travail, cette expérience a donné des résultats étonnants.
Ainsi, on a constaté que les communautés au milieu desquelles la
troupe évolue ont entièrement assimilé cette manifestation culturelle précé-
demment inconnue d'elles, en assistant massivement aux représentations,

25
Le circuit culturel

même après avoir satisfait leur curiosité initiale. Au cours de son séjour
dans les villages et dans les hameaux, la troupe participe durant une partie
de la journée aux travaux de la population, de façon à éliminer le mythe
de l'acteur et à effacer la distance entre artistes et hommes du peuple. De
son côté, la communauté contribue à résoudre les problèmes matériels de
la troupe.
Dans le cadre de ses projets, la troupe a fait dans la région d'utiles
recherches socio-culturelles, qui ont du reste servi aux autorités locales.
Outre les treize troupes théâtrales, il existe six troupes de danse de
diverses sortes, parmi lesquelles il faut mentionner tout d'abord le Ballet
national de Cuba, qui s'est affirmé au cours de cette décennie en se déve-
loppant peu à peu, en créant de nouvelles chorégraphies et en enrichissant
son répertoire qui, à l'heure actuelle, comprend des ballets classiques et
modernes et des ballets sur des thèmes folkloriques stylisés. L'Ensemble
national de danse moderne, créé dans le cadre de la politique culturelle de
l'État révolutionnaire, s'est lui aussi développé, remportant de nombreux
succès à l'étranger. Enfin, l'Ensemble folklorique national a accompli,
jusqu'à présent, un travail fructueux à partir des sources africaines de notre
folklore en assimilant les éléments musicaux et chorégraphiques avec une
fidélité absolue à la forme et en les stylisant pour les présenter sur scène.
Dans le domaine littéraire, ces dernières années ont vu se produire des
transformations radicales. D'abord, l'État révolutionnaire a développé les
moyens matériels d'édition des œuvres littéraires par l'intermédiaire de
l'Institut du livre. Cet institut dispose de douze maisons d'édition qui ont
publié au cours des deux dernières années le chiffre considérable de vingt-
trois millions de livres.
Divers prix littéraires importants ont été créés ; ils ont permis de faire
connaître des auteurs de talent. Il y a le prix Casa de las Américas, l'un
des plus prestigieux de la littérature de langue espagnole dans le monde
actuel, le prix de l'Union des écrivains et des artistes cubains, le prix David
pour les jeunes auteurs, le Prix du 26-juillet des forces armées révolu-
tionnaires, etc. Outre le nombre croissant de livres édités, il existe de vastes
possibilités de publication dans nos nombreuses revues littéraires : la revue
Casa de las Américas, la revue Union, la Gaceta de Cuba, le Caïman Barbudo,
Taller literario, Révolution y cultura, Pensamiento crîtico, etc.
A Cuba, on a aboli les droits d'auteur parce qu'on estime que l'œuvre
d'art ne saurait être assujettie à des mécanismes mercantiles, qui ne sub-
sistent d'ailleurs nulle part dans notre pays, parce qu'on considère que le
produit de l'intelligence humaine est la propriété et le patrimoine de l'huma-
nité tout entière, enfin parce que dans une société comme la nôtre l'acte
de création et la possibilité d'en livrer le produit'au public constituent pour
le créateur un stimulant suffisant. Cependant, l'écrivain doit, comme tout
autre travailleur, percevoir un revenu fixe qui le mette en permanence à
l'abri du besoin.
Comme dans la plupart des pays du monde, à Cuba les écrivains tra-

26
Le circuit culturel

vaillent comme journalistes, critiques, professeurs, chercheurs, scénaristes


ou éditeurs. Diverses formules permettent néanmoins à l'écrivain de se
consacrer entièrement à la réalisation ou à l'achèvement de son œuvre en
percevant la totalité de ses revenus pendant la durée nécessaire, de sorte
qu'en aucun cas le créateur ne se voit empêché d'écrire par des soucis
d'ordre financier qui le détourneraient de sa véritable vocation.
Dans le domaine des arts plastiques, les artistes travaillent comme des-
sinateurs industriels, dessinateurs de livres, d'affiches, de panneaux ou
comme professeurs dans nos écoles des beaux-arts. L'an dernier, l'État a
mis en œuvre un plan progressif de professionnalisation de ces artistes, qui
prévoit le versement d'un salaire leur permettant de subvenir à leurs
besoins et la fourniture gratuite du matériel nécessaire, tandis qu'une partie
de la production de l'artiste, déterminée d'un commun accord entre celui-ci
et l'État, va enrichir le fonds des musées et des galeries, permettant ainsi
de mener à bien les activités artistiques programmées par le Conseil national
de la culture. Ce statut, auquel les artistes souscrivent volontairement,
s'étendra au cours des années qui viennent. Tous les artistes du domaine
des arts plastiques peuvent participer aux divers concours organisés chaque
année dans notre pays, notamment au Salon des arts plastiques, placé sous
les auspices de l'Union des écrivains et des artistes cubains et consacré alter-
nativement une année à la peinture et à la sculpture et une année au dessin
et à la gravure.
L'Union des écrivains et des artistes cubains organise aussi une biennale
des jeunes peintres ; de son côté, la Casa de las Américas organise chaque
année le concours appelé Exposition de La Havane, qui est l'événement le
plus important dans le domaine des arts plastiques en Amérique latine. Ces
dernières années ont vu se développer un mouvement original de l'art de
l'affiche, entièrement né de la période révolutionnaire et que l'on peut
considérer comme le fait le plus important survenu ces dernières années
dans le domaine des arts plastiques. L'affiche perd son caractère de moyen
de diffusion pour se transformer en objet d'art en même temps qu'elle perd
son caractère commercial.
Il convient aussi de noter que les arts plastiques sont utilisés comme
moyen de mobiliser le peuple pour les grandes tâches sociales, telles que les
campagnes concernant la santé, l'éducation, la productivité, les commémo-
rations historiques, etc. Le dessin graphique est stimulé par les éditions
massives de livres et par sa présence sur les pochettes de disques et les
couvertures de revues et de magazines, qui constituent elles aussi un moyen
d'expression plastique de masse nouveau dans notre pays.
Dans le cas de la sculpture un phénomène analogue se produit lorsque,
parallèlement à l'accomplissement de leur œuvre personnelle, les artistes
s'intègrent aux travaux de la communauté en contribuant à embellir les
grands ensembles architecturaux ou les lieux de travail.
Dans le domaine musical, le processus de professionnalisation de tous
les musiciens du pays a été mené à bien. Ainsi, il a été mis fin à l'instabilité

27
Le circuit culturel

et à l'insécurité qui caractérisaient le travail des musiciens dans notre pays,


souvent contraints de faire des travaux sans aucun rapport avec leur art
pour gagner leur vie et, dans d'autres cas, forcés de réaliser des œuvres
musicales qui ne correspondaient pas à leur vocation ou à leur qualification,
mais qui servaient les intérêts de leurs employeurs.
La professionnalisation des interprètes a aussi permis de faire disparaître
les différences existant entre les musiciens qui appartenaient à de grands
orchestres et ceux qui appartenaient à de petits groupes : tous ont été classés
en fonction de leur catégorie et de leur qualification individuelle et non
selon d'autres facteurs de caractère commercial.
Les transformations profondes que notre société a subies ont également
exercé une influence sur les buts de l'activité musicale qui, aujourd'hui, est
essentiellement consacrée à la récréation du peuple tout entier et aux
grandes tâches productives.

Distribution

Le travail que font tous nos créateurs et interprètes dans les conditions
que nous venons d'exposer prend la forme d'une production culturelle
abondante qui doit naturellement parvenir au peuple de la façon la plus
appropriée.
L'hypertrophie de la production artistique a donc exercé une pression
sur les mécanismes de distribution, entraînant un renforcement propor-
tionnel de ceux-ci.
Examinons quelques exemples significatifs.
Au premier janvier 1959, il n'y avait dans tout le pays que six musées,
où régnaient sur les plans technique, artistique et financier en général des
conditions précaires. Le plus important, le Musée national, installé dans le
Palais des beaux-arts, était le plus favorisé, et pourtant l'édifice et l'orga-
nisation présentaient de grandes insuffisances du point de vue de l'aména-
gement et des services rendus au public, insuffisances qui transformaient en
une masse inutile l'énorme architecture du Palais des beaux-arts ; il n'y
avait pas assez d'espace pour les réserves et pour l'atelier de restauration.
A cet égard, la première tâche de l'État révolutionnaire a consisté à
réaménager les locaux et à améliorer les services assurés par le Musée
national et à restaurer et réinstaller les musées de l'intérieur du pays : le
Musée Bacardi de Santiago de Cuba, le Musée Agramonte de Camagiiey, le
Musée de Remedios, le Musée de Cardenas, et le musée qu'abrité la maison
natale de l'apôtre de notre indépendance, José Martî.
La deuxième étape a consisté à installer onze nouveaux musées qui
fonctionnent déjà, et il doit encore en être créé sept qui seront prochaine-
ment inaugurés.
Les onze musées inaugurés par l'Etat révolutionnaire sont les suivants :
le Musée des arts décoratifs, le Musée napoléonien, le Miisée Hemingway, le

28
Le circuit culturel

Musée colonial de La Havane, le Musée de la pharmacie de Matanzas, le


Musée colonial de Sancti Spiritus, le Musée indo-cubain de Banes, la maison
du martyr de notre révolution, Frank Pais, la ferme Siboney (où se réunis-
sait le groupe des, jeunes gens qui, sous la direction de Fidel Castro, atta-
quèrent la caserne Moncada, à Santiago de Cuba, pour déclencher notre
guerre de libération), la maison du père de la patrie, Carlos Manuel de
Céspedes, à Bayamo, et la maison du poète José Maria de Heredia, à
Santiago de Cuba.
Sont en cours d'organisation : le Musée historique de La Havane, le
Musée d'histoire militaire du château de la Fuerza, le Musée historique de
Las Villas, le Musée colonial de Trinidad, la maison d'Ignacio Agramonte à
Camaguey, le Musée colonial de l'Oriente, et le Musée du sucre à Trinidad,
dont les installations et le contenu seront uniques au monde.
Outre ces musées, qui relèvent du Conseil national de la culture, il existe
d'autres musées spécialisés qu'administrent divers organismes scientifiques
ou éducatifs ; c'est le cas des musées suivants : le Musée des sciences Felipe
Poey, le Musée des sciences médicales de La Havane et le Musée des sciences
de Santiago de Cuba, tous terminés ; sont en voie d'organisation : le Musée
d'ethnologie et de folklore, placé sous la direction de l'Académie des
sciences, le Musée archéologique Montané de l'Université d'Occidente et le
Musée de l'alphabétisation du Ministère de l'éducation.
En résumé, dix ans seulement après la mise en place de la nouvelle
administration, les six médiocres musées que nous possédions en 1959, dont
certains n'étaient que de simples dépôts, se sont transformés en : 6 musées
aménagés, 14 nouveaux musées, 10 musées en voie d'organisation. Ce qui
fera au total trente centres de culture ou de récréation au service de notre
peuple, totalement pris en charge par l'État, qui a mis fin à la gestion
précaire de fondations irrégulièrement subventionnées par les gouverne-
ments antérieurs.
Pour ce qui est des activités générales des musées, on a mis l'accent sur
les moyens de restauration et de conservation des biens culturels qui, aupa-
ravant, n'étaient pas un sujet de préoccupation pour l'État étant donné que
les restaurateurs du petit atelier du Musée national consacraient la plus
grande partie de leur temps à restaurer des œuvres appartenant à des collec-
tionneurs privés. L'effort accompli à cet égard à partir de 1959 a permis de
constituer une équipe efficace de restaurateurs comprenant des rentoileurs,
des marqueteurs, des spécialistes des métaux, des cuirs, des céramiques et
des tissus, des ébénistes spécialisés, des spécialistes de la peinture, des pho-
tographes et du personnel auxiliaire, soit un total de 23 spécialistes. Cepen-
dant, l'accroissement du volume de travail et le fait que ces spécialistes
doivent travailler pour tout le pays font qu'ils ne sont pas assez nombreux ;
il nous faut donc former de nouveaux techniciens dans ces domaines avec
l'aide de spécialistes étrangers.
La réalisation la plus marquante de la décennie a été la préservation du
patrimoine culturel de notre peuple. A cette fin, le Conseil national de la

29
Le circuit culturel

culture a créé en 1963 la Commission nationale des musées et des monu-


ments, chargée de veiller à la protection et à la conservation de tous lieux,
immeubles ou objets qui méritent d'être préservés en raison de leur intérêt
artistique ou historique. De plus, cette commission est chargée de classer
les monuments nationaux ou les zones historiques et d'assurer la surveil-
lance de tous les travaux qui y sont effectués.
La Commission a terminé la reconstruction et la restauration de certains
des monuments les plus représentatifs et a pris des mesures spéciales dans
les zones urbaines et surpeuplées comme la vieille ville de La Havane, où
divers problèmes d'ordre matériel rendent difficile l'œuvre de restauration.
Bien que les attributions, les projets et le fonctionnement de la Commis-
sion nationale des monuments aient été clairement définis, il ne lui a pas été
possible d'entreprendre la tâche gigantesque qui lui est assignée, car, Cuba
étant un pays sous-développé, nous nous voyons obligés, pendant cette
phase initiale de notre transformation, d'affecter la majeure partie de nos
ressources au développement de l'économie et de la production.
Il a été possible d'achever le travail de préservation des monuments
suivants : à La Havane, le château de la Fuerza, le palais du Segundo Cabo,
la maison du marquis de Aguas Claras, la maison des comtes de Casa
Bayona (Musée colonial), le parc de l'église du Christ, le parc pour enfants,
au numéro 51 d'Obispo, l'immeuble sis au numéro 256 de Muralla, la place
du couvent de San Francisco et les Fontaines des lions, le théâtre Marti,
l'église de Santa Maria del Rosario, la bibliothèque et le parc de la maison
natale de José Martï ; à Matanzas, le théâtre Sauto ; à Cienfuegos, le théâtre
Terry ; à Sancti Spîritus, la maison des Valle-Iznaga, aujourd'hui Musée
colonial ; à Trinidad, le palais Brunet et de nombreuses façades ; à Santiago
de Cuba, le Morro, la maison natale de José Maria de Heredia, et la Plaza
de Dolores ; à Oriente, le fort de Jiguanï ; à Baracoa, les forts de Matachïn
et de la Punta ; à Manzanillo, la Demajagua.
Malgré les difficultés matérielles auxquelles nous nous heurtons, on
assiste, tant à La Havane qu'en province, à la réalisation de nombreux
travaux de restauration qui contribueront aux progrès culturels de notre
peuple.
La production des créateurs et des interprètes du théâtre et de la danse
parvient au public grâce aux troupes spécialisées dont la plupart ont été
créées en 1961 et 1962. A elles seules, les treize troupes d'art dramatique
ont mis en scène, de 1959 à 1969, 1 042 œuvres, soit 788 créations et
254 reprises.
Le théâtre lyrique a présenté au cours des dix dernières années 42 opéras
et 36 zarzuelas et opérettes. Quarante-trois de ces 78 spectacles ont été des
créations et 35 des reprises.
Quant à la danse, 331 œuvres ont au total été représentées, soit 194
appartenant au répertoire classique et 137 au répertoire moderne. Il y a eu
148 créations et 183 reprises.
Au cours de cette période, dix compagnies étrangères de ballet classique

30
Le circuit culturel

et six de danse moderne se sont également produites devant le public cubain.


Cette période a aussi vu l'abandon de la tradition des représentations
dans des lieux clos. Grâce à un système de tournées nationales, les troupes
de la capitale se sont produites dans toutes les régions du pays. Ces tournées
n'intéressent pas uniquement les théâtres et les salles de l'intérieur, puisque
les troupes utilisent toutes les scènes possibles, y compris même les lieux
de travail.
Sauf, jusqu'à un certain point, dans la capitale, l'état des bibliothèques
publiques cubaines avant le triomphe de la révolution était véritablement
déplorable. Même la Bibliothèque nationale, installée dans un édifice spa-
cieux et imposant, n'avait plus en 1958 qu'un fonds appauvri, après avoir
passé plus d'un demi-siècle à errer entre des murs de casernes, notamment
au château de la Fuerza qu'entouré un grand fossé médiéval empli d'eau.
A en juger d'après les rares données dont on dispose sur l'époque anté-
rieure à 1959, il existait dans tout le pays 175 bibliothèques publiques ;
mais étaient comprises dans ce chiffre les bibliothèques des loges maçon-
niques, des associations à but récréatif, des universités et autres biblio-
thèques auxquelles n'avaient accès que les membres des institutions en
question (et qu'aujourd'hui nous ne considérons plus comme des biblio-
thèques publiques) ; au surplus, la plupart des autres bibliothèques n'avaient
pas de service de prêt. Ce chiffre comprenait encore les bibliothèques muni-
cipales possédant un fonds de l'ordre de 300 à 5 000 volumes de caractère
presque exclusivement littéraire, installés dans des locaux insuffisants où
les horaires de service étaient limités par les commodités bureaucratiques ;
ces collections étaient gérées par un personnel généralement incompétent,
ne cherchant pas à encourager la lecture, sauf dans de rares cas comme ceux
des bibliothèques municipales de La Havane, de Marianao et de Matanzas.
On incluait également dans ce chiffre de 175 bibliothèques le réseau
centralisé de l'Organisation nationale des bibliothèques ambulantes popu-
laires, organisme autonome créé en 1954, dont les 28 unités ne possédaient
pas, pour la plupart, de local propre et fonctionnaient dans le salon de la
maison privée d'un unique employé dépourvu de toute formation profes-
sionnelle. Mille deux cents volumes, sans possibilité de renouvellement ou
d'accroissement, sans circulation en dehors du local et qui souvent n'étaient
jamais ouverts, en constituaient les fonds. En réalité, il s'agissait générale-
ment de salles de lecture incommodes qui justifiaient un appareil budgé-
taire et la propagande culturelle du gouvernement du jour.
La direction désignée par l'État révolutionnaire pour prendre en charge
la Bibliothèque nationale et les bibliothèques publiques centralisées dut tout
d'abord entreprendre de reconsidérer la mission et les fonctions des insti-
tutions qui lui étaient confiées. Non seulement les bibliothèques devaient
rester à la disposition des chercheurs et des lecteurs cultivés ayant des sujets
d'intérêt très complexes, mais elles devaient aussi s'ouvrir aux masses de
lecteurs inexpérimentés qui, auparavant, n'avaient aucune possibilité de
lecture systématique en raison de l'analphabétisme et du coût élevé des livres.

31
Le circuit culturel

Pour y parvenir, il fallait faire un large travail de diffusion culturelle et


créer de nouveaux services qui attirent beaucoup de gens, même si ces
services allaient au-delà du travail traditionnel portant sur des livres et des
périodiques et offraient aussi des auditions musicales, des tableaux et
d'autres articles.
Ainsi, en même temps que se renforce le travail de rassemblement et
d'analyse des fonds bibliographiques nationaux qui incombe à toute biblio-
thèque de ce genre, sont apparus de nouveaux services tels que le cata-
logage, la consultation et la référence, la sélection, l'échange et autres
services, qui, bien que connus, fonctionnaient sporadiquement comme le
département des périodiques et la salle de lecture.
L'extension des services s'est accompagnée de la création de nouveaux
départements, comme le fonds cubain, qui a pour but de rassembler, de
conserver et de faire publier les documents précieux relatifs à Cuba ; la
salle technique de lecture ; la section des cartes, qui possède déjà plus de
20 000 cartes de notre pays et du reste du monde dûment cataloguées ainsi
que de nombreux atlas anciens et modernes. Ont également été créés le
département d'art et le département de musique. Le premier répond aux
besoins de lecture et d'information des personnes qui s'occupent des arts
plastiques, par le prêt intérieur de livres et le prêt extérieur de reproduc-
tions d'œuvres célèbres, de gravures et de diapositives ; il développe, en
organisant des causeries et de petites expositions, le goût des arts plas-
tiques. Il conserve ou recherche d'intéressants produits de l'art cubain,
comme des affiches, des catalogues d'exposition, etc. Le département de
musique assure un service analogue en ce qui concerne l'art musical. Ces
deux départements sont les premiers du genre dans des bibliothèques de
cette sorte à Cuba.
On a aussi créé un département pour les jeunes ; il s'agit d'une biblio-
thèque spécialement consacrée aux enfants et aux adolescents, qui assure
les mêmes services que les bibliothèques pour adultes.
L'une des initiatives les plus intéressantes a consisté à ouvrir une suc-
cursale pour étudier, sélectionner et adapter en vue de les présenter aux
enfants l'inépuisable fonds de légendes du folklore de Cuba et d'autres pays
ainsi que les contes pour enfants les plus connus du monde entier. L'heure
du conte est devenue une institution indispensable de nos bibliothèques et
s'est étendue aux écoles, aux hôpitaux et aux autres établissements pour
enfants. On peut également signaler un autre élément nouveau de notre
système de bibliothèques, à savoir le catalogue de revues scientifiques et
techniques de Cuba, où sont enregistrées près de 18 000 revues que reçoivent
les bibliothèques du pays.
Les autres activités qui entraînent une utilisation accrue des services
habituels de la bibliothèque sont : les expositions bibliographiques consa-
crées à des personnages célèbres, à des événements historiques, à des pays
ou des époques, ainsi que les débats, conférences, concerts et séances de
cinéma présentant un intérêt particulier.

32
Le circuit culturel

Le réseau national de bibliothèques publiques compte actuellement


53 bibliothèques, soit 5 de classe A, 22 de classe B et 26 de classe G. Cinq de
ces bibliothèques disposent de bibliobus, c'est-à-dire d'équipes mobiles qui
parcourent les régions les plus difficiles d'accès du pays en faisant des prêts
de livres. Les principales bibliothèques ont en outre des activités d'exten-
sion par l'intermédiaire de libraires ou de dépôts fixes de petits fonds
renouvelables, ce qui porte ainsi à plus de 100 le nombre des points de
service sur le territoire national.
En 1969, le réseau de bibliothèques a rendu les services suivants :
livres prêtés, 1 366 588 ; reproductions d'œuvres d'art, 40 323 ; disques
écoutés, 43 839 ; consultations et références, 65 061 ; travaux d'assistance
technique, 1 365 ; informations scientifiques, techniques et littéraires,
26 339 ; activités d'extension culturelle, 5 163.
A elle seule, la Bibliothèque nationale José Marti a assuré, en 1969,
343 744 services, alors qu'en 1956 elle n'en avait assuré que 20 786.
Les besoins en bibliothèques ne sont pas encore satisfaits, et c'est pourquoi
au cours des années qui viennent on renforcera encore les services et les unités.
Avant 1959, les manifestations artistiques concernant les arts plastiques
avaient lieu essentiellement dans la ville de La Havane et occasionnellement
dans les capitales des provinces ; elles avaient pour cadres la salle d'expo-
sition du Palais des beaux-arts et les galeries de certaines institutions privées
dirigées par des fondations.
Sur ce plan, les premiers efforts de l'État révolutionnaire ont consisté
à organiser les salons nationaux, qui ont commencé à se succéder chaque
année ; pour récompenser les meilleurs artistes, l'État acquiert les œuvres
considérées par le jury comme présentant la valeur artistique la plus élevée ;
elles vont alors enrichir les collections des musées.
En 1962, on a commencé à construire des galeries, d'abord dans les
capitales des provinces et ensuite dans d'autres villes importantes ; ainsi
a-t-on pu mettre sur pied un plan d'expositions itinérantes qui ont fait
circuler dans tout le pays les échantillons les plus représentatifs des arts
plastiques cubains et étrangers.
Il existe actuellement treize galeries, sans compter les nombreuses salles
d'exposition installées par les provinces elles-mêmes, qui ont permis de faire
connaître dans des régions lointaines, au moyen de reproductions, des
œuvres de grande qualité.
Parallèlement à cette activité a été créée la section de promotion de la
Direction nationale des arts plastiques ; elle a organisé des visites dans les
lieux de travail pour coordonner une activité d'extension qui a fait affluer
dans les galeries un large public peu familier des expositions.
Pour ce qui est de la musique, on constate, là encore, un accroissement
notable du nombre des orchestres symphoniques, puisqu'il existe actuel-
lement un orchestre symphonique national et cinq orchestres symphoniques
provinciaux. Nous disposons de dix chorales. En 1969, le nombre des
manifestations musicales s'est élevé à 40 410. Au cours des deux dernières

33
Le circuit culturel

années, 53 musiciens étrangers se sont rendus à Cuba soit pour jouer avec
l'orchestre symphoni<jue national soit pour donner des concerts en solistes.
Pour appliquer une politique cohérente de diffusion de la musique
cubaine, on a créé le Centre de développement, de programmation et de
diffusion de la musique, organisme chargé d'assurer la coordination des
activités de toutes les institutions du pays qui s'occupent de musique.
Ce centre suit et contrôle le travail des arrangeurs et des spécialistes de
l'orchestration musicale en vue de faire bénéficier de leurs services les
divers groupes de musique populaire dont les membres, du fait de leur
formation d'autodidactes, n'ont pas les connaissances nécessaires pour
réaliser leur propre orchestration.
Le Centre de développement de la musique se charge aussi de choisir
entièrement le répertoire des interprètes désignés pour faire des tournées
à l'étranger, en tenant compte de tous les aspects de la représentation :
danse, interprétation, jeu, musique et chant.
Le manque d'arrangeurs et la forte demande dont leurs services sont
l'objet favorisaient l'établissement de relations de type commercial dans la
production musicale, en contradiction avec le principe de création artistique
défendu par l'État révolutionnaire. L'engagement de ce personnel dans le
cadre d'un système de salaires équitable a permis d'offrir un service
rationnel et gratuit à tous les ensembles musicaux. Malgré l'aide des arran-
geurs sous contrat et d'autres arrangeurs qui ont proposé leur collaboration,
le service est encore insuffisant, et c'est pourquoi on s'est orienté vers la
formation de nouveaux arrangeurs grâce à un plan d'études intensives qui
a déjà donné des résultats satisfaisants.
De plus, le centre a poux rôle de fournir une information appropriée sur
le mouvement musical du monde entier à nos créateurs et interprètes, grâce
à un centre de documentation spécialisé qui dispose des services d'une
bibliothèque et d'un département de périodiques.
En 1968, 50 interprètes cubains de musique populaire se sont rendus à
l'étranger pour y participer à des manifestations internationales, en appli-
cation d'accords culturels ou pour remplir des engagements dans divers
pays. En 1969, ce chiffre s'est élevé à 55, et il a atteint 90 en 1970.
Le domaine littéraire a vu se développer un nouveau mouvement,
apparu dans les « ateliers » littéraires, qui se propose d'apporter la littérature
au peuple non seulement par l'intermédiaire des publications périodiques
et des livres, mais aussi grâce à des équipes de poètes et de narrateurs qui
organisent des soirées dans les lieux de travail et dans les lieux publics pour
lire leurs œuvres. Dans de nombreux cas, ces lectures sont associées à de
la musique et on a vu apparaître des poètes troubadours qui disent leurs
poèmes en s'accompagnant d'instruments de musique. Ainsi, la littérature
acquiert une nouvelle dimension par le contact entre le créateur et son
œuvre et le public.
Autre mode d'expression nouveau : les poèmes illustrés qui sont exposés
dans des salles et des galeries ; c'est ainsi qu'il existe dans la ville de

34
Le circuit culturel

Matanzas une salle d'exposition spécialement aménagée pour la poésie,


appelée Salon du poète ; on y voit affluer des centaines de personnes mues
par le désir avoué de lire de la poésie.
Il convient d'observer que, même si nous ne considérons pas la litté-
rature comme un spectacle, l'expérience nous a montré qu'il est possible
de réunir des centaines de personnes à seule fin d'écouter un groupe d'écri-
vains lire leurs œuvres.
Les cercles littéraires organisés par des étudiants ou des travailleurs,
où l'on explique et analyse les livres récemment publiés, ont joué un rôle
important dans ce mouvement de sensibilisation massive à la littérature.
Pour les lecteurs déjà initiés, on a créé les débats littéraires à l'occasion
desquels on discute d'un livre déjà lu par les participants.
Le Conseil national de la culture possède une entreprise d'enregis-
trement et d'édition de musique pour la production de disques et de par-
titions musicales. Au cours de la période 1968-1969, on a gravé à Cuba
976 336 disques, qui se répartissent entre la musique populaire, la musique
classique et la musique folklorique, les documents littéraires et éducatifs et
la musique pour enfants.
Avant 1959, les artistes devaient négocier directement avec les entre-
prises les enregistrements de leurs œuvres, et il leur fallait souvent payer une
partie des frais d'enregistrement. D'autres étaient appelés à enregistrer une
sélection de morceaux choisis par l'entreprise en fonction de considérations
purement commerciales et selon un système de paiement fondé sur les ventes.
Aujourd'hui, tous nos interprètes ont la possibilité d'enregistrer les
œuvres de leur choix, le seul critère retenu étant la valeur artistique de ces
œuvres et non les bénéfices commerciaux.
Dans le cadre d'une politique visant à présenter à notre peuple non
seulement les valeurs de notre culture, mais aussi les expressions les plus
représentatives de l'art de tous les peuples, un très grand nombre d'auteurs,
d'interprètes et de groupes artistiques ont visité notre pays au cours des
dernières années : nous citerons par exemple l'ensemble Na-Zabradly, la
Compagnie dramatique de Coyoacân, le Ballet du XXe siècle avec Maurice
Béjart et Maria Casarès, le Piccolo teatro de Milan, le Teatro stabile de
Gênes, le Teatro hidalgo de Mexico, l'ensemble roumain Alondra, l'ensemble
folklorique de la RDA, le quatuor britannique Aeolian, le Quintette de Var-
sovie et d'autres groupes tout aussi prestigieux. Dans la seule année 1968,
ont visité notre pays neuf grands ensembles artistiques, sept techni-
ciens de diverses spécialités culturelles et 60 artistes, parmi lesquels nous
pouvons citer Maia Plissetskaia, Arnold "Wesker, Luc Ferrari, Luigi Nono,
Yuri Boukof, Bruno Galletti et Marina Mdivani.
De son côté, Cuba a été représenté au Festival des nations de Paris
par le groupe Teatro Estudio, l'Ensemble folklorique national et le Ballet
national de Cuba ; ces groupes ont également fait de grandes tournées
internationales, de même que l'Ensemble national de danse moderne et la
troupe théâtrale Taller Dramâtico.

35
Le circuit culturel

Notre pays a participé au cours des deux dernières années à la campagne


internationale d'aide à Florence et à Venise, à l'Olympiade culturelle de
Mexico, à la Biennale des arts plastiques de Tokyo, à l'Exposition triennale
d'art graphique de Suède, à l'exposition Intergrâfica de Berlin, au Festival
international de ballet de Varna, au Ve Salon national des humoristes du
Canada et à la Triennale d'art naïf de Bratislava.
Rien qu'au cours des deux dernières années, nous avons reçu dans notre
pays des expositions de certains des musées les plus importants des pays
socialistes, comme l'Ermitage de Leningrad ou le musée de Lodz en Pologne,
et des expositions collectives comme celles du Salon de mai de Paris, des
miniatures hindoues, des gravures anglaises et de la peinture contemporaine
mexicaine, argentine, chilienne et péruvienne.
C'est dans notre pays qu'ont été organisées des manifestations inter-
nationales aussi importantes que le Congrès culturel de La Havane, au
cours duquel 644 participants, venus de 67 pays, ont analysé pendant
plusieurs jours les problèmes du inonde sous-développé, et le Festival de la
chanson de Varadero, auquel ont participé 101 artistes de musique populaire
venus de 19 pays.
A côté de l'action des organismes nationaux de la culture on peut
parler d'une initiative culturelle de la communauté qu'a rendue possible,
notamment, l'élimination des facteurs mercantiles de la vie sociale.
Cette initiative prend la forme d'une participation spontanée, bien que
cohérente, de tous les artistes d'une communauté aux tâches récréatives
par la musique, le théâtre et la danse ; aux tâches d'embellissement des
lieux publics par les arts plastiques et par l'organisation de soirées de poésie,
de récitals, de conférences et de débats ; enfin, par la coordination de
l'immense effort consenti pour la construction ou l'amélioration des locaux
culturels, avec l'appui des autorités locales.
De cette façon, chaque localité finit par avoir sa vie culturelle propre,
où s'expriment les traditions de la région ; ainsi sensibilisé à l'art, le peuple
pourra assimiler les grandes manifestations de la culture nationale ou
internationale qui seront présentées dans l'ensemble du pays.

Consommation

Si nous considérons l'évolution de la demande et de la consommation des


produits culturels dans un pays en voie de développement comme le nôtre,
nous constatons qu'ils subissent des transformations, d'abord quantitatives
puis à la fois quantitatives et qualitatives, qui exigent de la part des
organismes officiels de la culture un effort gigantesque.
Dans une première étape, l'élimination du chômage et l'accroissement du
pouvoir d'achat de tous les citoyens font immédiatement augmenter la
consommation et la demande de biens culturels, mais surtout des produits
de l'art et de la culture auxquels les masses avaient traditionnellement

36
Le circuit culturel

accès. A ce moment, l'analyse de la demande nous fournit facilement la


mesure de l'inculture du peuple.
Dans une deuxième étape, par suite de l'alphabétisation, des plans
d'éducation des adultes, des réelles possibilités de scolarisation pour tous les
enfants, des divers cours de perfectionnement technique pour les travailleurs
et du travail de sensibilisation progressive du public visant à développer
sa perception esthétique, nous voyons comment la consommation et la
demande de produits culturels, tout en continuant à s'accroître, s'orientent
vers des secteurs de l'art et des aspects de la culture qui auparavant n'inté-
ressaient pas le peuple. C'est dans cette phase que se trouve actuellement
notre pays.
Aujourd'hui, il n'est nullement surprenant de voir des multitudes de
travailleurs acheter des billets pour le ballet ou l'opéra, remplir les biblio-
thèques ou affluer dans une galerie d'art. Il est normal que, dans notre pays,
des éditions de vingt ou vingt-cinq mille exemplaires ne suffisent pas à
apaiser la soif de lecture du peuple et nul ne s'étonne que, sur une place
publique, des centaines de travailleurs écoutent en silence un récital
poétique ou musical.
Dans un pays qui appartient au tiers monde et qui fait sa révolution,
le rythme d'accroissement des besoins culturels dépasse de loin les possi-
bilités de les satisfaire et un jour vient où nous constatons que toutes nos
installations culturelles et les moyens techniques dont nous disposons sont
simplement insuffisants face à l'éveil de la sensibilité esthétique de tout un
peuple qui est de plus capable de participer, comme spectateur, créateur
ou interprète, à toutes les manifestations de la culture. Les données que
nous présentons ci-après portent sur une partie de la consommation actuelle
des produits culturels :
TABLEAU 1 Nombre d'utilisateurs des services culturels,
par secteurs d'activités, eu 1968 et 1969

Activités Utilisateurs

Théâtre" 1 761 320


Danse 562 262
Musique 22 245 975
Diffusion culturelle6 17 494 163
Littérature 481 054
Activités pour enfants 1 928 128
Expositions 1 959 418
Musées 502 140
Jardins zoologiques" 6 309 420
Aquariums 840 263
Bibliothèques 3 725 120
Total 57 809 263
a. Y compris les spectateurs des théâtres pour enfants en 1968.
6. Y compris les spectateurs des théâtres pour enfants en 1969.
c. Dans notre pays, les zoos et les aquariums dépendent du Conseil national de la culture.

37
Le circuit culturel

TABLEAU 2 Ventilation des participants aux activités urbaines et rurales


non sédentaires, en 1968 et 1969

Activités Urbaines Rurales Total

Théâtre 1530459 230861 1761320


Danse 514293 47969 562262
Musique 13 603 913 8 642 062 22 245 975
Diffiision culturelle 9395359 8098804 17494163
Littérature 385 656 95 398 481 054
Activités pour enfants 1 609176 318 952 1928128
Expositions 1 852 304 107 114 1959 418

38
Autres institutions culturelles

Union des écrivains et des artistes cubains

L'Union des écrivains et des artistes cubains (UNEAC) a été fondée lors
du Congrès des écrivains et des artistes qui s'est tenu à La Havane, dn
18 au 22 août 1961.
Le Congrès constitutif de l'union a défini ainsi les buts de cet organisme :
favoriser la création d'œuvres littéraires et artistiques ; créer des conditions
propices au travail intellectuel de ses membres ; lier les œuvres des écrivains
et des artistes aux grandes tâches de la révolution cubaine en sorte que ces
œuvres la reflètent et la stimulent ; organiser de libres débats sur les
problèmes de la création littéraire et artistique ; favoriser les travaux
tendant à approfondir l'étude de nos traditions et tout ce qui vise à définir
les caractéristiques de la personnalité cubaine en analysant de façon critique
notre patrimoine culturel et en l'incorporant à l'ensemble de la culture
nationale ; renforcer les liens avec la littérature et l'art des nations sœurs
d'Amérique ; accroître les relations culturelles avec tous les pays du monde
et surtout avec ceux dont l'expérience socialiste peut fournir de précieux
enseignements ; favoriser la formation de nouveaux talents littéraires et
artistiques en orientant leurs efforts et en contribuant à la diffusion de
leurs œuvres.
Pour être admis à l'Union des écrivains et des artistes cubains, il faut
créer des œuvres littéraires ou artistiques ou participer à des activités de
cette nature et avoir fait preuve dans ces activités d'un certain niveau de
compétence technique, de qualité et d'originalité créatrice.
Les membres de l'Union des écrivains et des artistes sont groupés selon
leurs spécialités. La littérature, les arts plastiques, la musique, le théâtre,
le cinéma, le ballet et la danse forment autant de sections, bien que dans
le cas des sections du théâtre, du cinéma et du ballet et de la danse il n'y
ait pas en fait de plans de travail particuliers puisque ceux-ci relèvent de
l'Institut cubain de l'art et de l'industrie cinématographiques, dans le cas

39
Autres institutions culturelles

du cinéma, et du Conseil national de la culture, dans les cas du théâtre et


de la danse.
Compte tenu des objectifs exposés plus haut et pour orienter l'action
visant à les atteindre, deux publications périodiques ont été créées : la
Gaceta de Cuba, qui paraît chaque mois, et la revue Union, qui paraît
chaque trimestre ; en outre, une maison d'édition publie les écrivains
cubains contemporains dans diverses collections appelées Orbita, Bolsi-
libros, Cuadernos, Manjuari et dans une consacrée spécialement aux jeunes :
la collection David. Ainsi ont été publiés 182 titres.
Depuis 1965, l'UNEAC organise exclusivement pour les écrivains
cubains un prix annuel de littérature. De plus, pour encourager les voca-
tions littéraires, elle a organisé le prix David, qui est décerné depuis 1966.
L'UNEAC a appliqué une politique d'édition ambitieuse, ce qui a
permis toute une floraison de tendances esthétiques et de thèmes les plus
divers. Seules les œuvres dont le contenu est franchement réactionnaire ou
contre-révolutionnaire sont écartées.
En ce qui concerne les arts plastiques, l'activité la plus marquante est
le Salon annuel de l'UNEAC, qui accepte toutes les tendances artistiques
et tous les styles. Ce salon est consacré alternativement une année à la
peinture et à la sculpture et une année au dessin, à la gravure et aux œuvres
expérimentales. II existe en outre un atelier de gravure et un atelier de
xérographie ; des équipes d'artistes membres de cette section prêtent leur
concours à d'autres organismes culturels et officiels ; ils ont travaillé à
divers programmes avec le Département d'activités péri-universitaires de
La Havane, avec la Flotte de pêche pour la décoration des unités de cette
entreprise et avec diverses écoles.
La section des arts plastiques publie aussi un bulletin dont l'objet est
de faire connaître les événements les plus importants survenus dans ce
secteur ; on y trouve des traductions de textes pouvant intéresser les
artistes. Une autre tâche dont la section s'acquitte avec succès consiste à
organiser des cycles consacrés à l'art de divers pays, comme moyen d'infor-
mation culturelle.
La section de la musique, qui a été récemment restructurée, organise
pour la première fois cette année un concours national qui embrasse toutes
les activités musicales du pays. Pourront participer à ce concours tous les
artistes cubains qui accomplissent un travail sérieux dans le domaine
musical, compte tenu des particularités propres à chaque spécialité.
Du point de vue de l'organisation, l'UNEAC comprend : un Bureau
exécutif, qui est l'organe dirigeant suprême ; une direction qui coordonne
les activités de chacune des sections de littérature, des arts plastiques et de
la musique ; une Commission des publications et un Conseil de rédaction
de la revue Union et de la Gaceta de Cuba constituent des organismes
auxiliaires.

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Autres institutions culturelles

Institut cubain de l'art et de l'industrie


cinématographiques

L'Institut cubain de l'art et de l'industrie cinématographiques (ICAIC) a


été créé par la loi du gouvernement révolutionnaire en date du 24 mars 1959 ;
c'est la première loi de la révolution qui ait porté sur une activité idéo-
logico-culturelle.
La loi proclame : « Le cinéma est un art ».
« Le cinéma constitue, par ses caractéristiques, un instrument d'opinion
et de formation de la conscience individuelle et collective et il peut
contribuer à approfondir et clarifier l'esprit révolutionnaire et à soutenir
son souffle créateur.
» La structure de l'œuvre cinématographique exige la formation d'un
complexe industriel et d'un réseau de distribution hautement techniques
et modernes.
» Le développement de l'industrie cinématographique cubaine pré-
suppose une analyse réaliste de la situation et des possibilités du marché
national et des marchés extérieurs et, en ce qui concerne le marché
national, un travail de publicité et de rééducation du goût moyen,
sérieusement corrompu par la production et la projection de films
conçus en fonction du rendement commercial, condamnables sur le plan
dramatique et moral et sans intérêt sur le plan technique et artistique.
» Le cinéma doit constituer un appel à la conscience et contribuer à
liquider l'ignorance, à clarifier les problèmes, à formuler des solutions
et à présenter d'une façon dramatique et actuelle les grands conflits de
l'homnie et de l'humanité. »
Ces paragraphes de la loi 169, qui exposent les objectifs et les fins de
l'ICAIC, reposent sur deux idées fondamentales :
1. Enrichir et élargir le champ d'action de la culture cubaine en y incor-
porant un nouveau mode d'expression artistique.
2. Former un public plus averti et, partant, plus critique ; un public plus
exigeant et plus actif et, partant, plus révolutionnaire.
L'apparition et le développement d'un cinéma authentiquement national
et, par conséquent, capable d'atteindre un niveau de rayonnement inter-
national, la recherche d'une vision cubaine et latino-américaine contem-
poraine et rénovatrice exigeaient un travail critique et une pratique
caractérisée bien souvent par certaines violences. H n'était pas question
d'attendre de meilleures conditions ni de réorganiser la formation des
cadres artistiques et techniques sur des bases théoriques, comme si l'on
disposait de périodes qui pourraient durer des années. H était au contraire
indispensable au nouvel organisme révolutionnaire de brûler les étapes et
d'accélérer la réalisation de ses objectifs. Il a donc fallu improviser, prendre
des risques et en même temps s'imposer la plus grande rigueur pour trouver
des moyens de résoudre les problèmes ainsi posés.
L'utilisation mécanique, vulgaire et mercantile des moyens techniques

41
Autres institutions culturelles

du cinéma, l'assujettissement de la production cinématographique très


pauvre et très irrégulière de la période prérévolutionnaire aux industries
cinématographiques des États-Unis et du Mexique, le rabaissement de notre
pays au rôle de fournisseur de symboles érotico-tropicaux ne pouvaient que
s'attirer le mépris du nouveau cinéma. D'où la nécessité d'une critique
sérieuse et révolutionnaire, capable de définir l'échelle de valeurs indispen-
sable. L'histoire authentique de l'expression cinématographique commence
dans notre pays avec le triomphe de la révolution, puisque c'est la première
fois que cette expression est considérée comme un fait culturel. De plus, il
est évident qu'eu égard à la complexité technologique et à l'ampleur des
investissements nécessaires seule une révolution pouvait permettre la nais-
sance d'un mouvement cinématographique capable de s'intégrer au pro-
cessus de construction de la nation. C'est cette volonté, ce sont les résultats
obtenus à l'issue de dix années de travail qui font de notre cinéma un
cinéma révolutionnaire.
Les traditions culturelles de notre peuple sont celles d'une lutte et d'une
recherche constantes, de cent ans de combats révolutionnaires qui ont forgé
une conscience aussi lucide que résolue. Tels sont, surtout dang le domaine
des manifestations artistiques, les antécédents de tout art nouveau. Peu
importe qui a utilisé dans le passé une caméra ou un métrage déterminé de
pellicule vierge ; ce qui importe, c'est de savoir si le cinéaste peut ou non
utiliser un moyen d'expression qui admet comme seuls principes la relation
de cette histoire héroïque et l'appréhension de l'idéologie qui a rendu et
rend possible sa continuité : un combat permanent pour la liberté et un
élan tout aussi permanent vers le progrès.
C'est de cette façon et dans cet esprit qu'ont été formés les premiers
réalisateurs et opérateurs, monteurs et scénaristes qui, à peine sortis des
ciné-clubs, ont pris les responsabilités et les instruments de travail, s'iden-
tifiant ainsi à l'idéal pour lequel ils avaient lutté et le transformant en
réalité. Et si, comme nous l'avons déjà signalé, la nécessité d'un déve-
loppement accéléré, trait inhérent à tous les stades du processus révolu-
tionnaire d'un pays en voie de développement, a exigé une certaine dose
d'improvisation, la tension et l'ardeur révolutionnaires et une détermination
à toute épreuve à étudier et à se perfectionner sur les plans pratique et
théorique ont permis de franchir cette première étape.
C'est ainsi que notre cinéma a fait siens dès le premier jour les succès
et les combats de la révolution triomphante et que de ces images est sortie
sa vision propre. Cette relation, loin de cesser, s'est approfondie et diver-
sifiée et permet aujourd'hui au cinéma cubain une réflexion esthétique qui
prend appui sur lui-même, sur son expérience et son répertoire de films
de long métrage à scénario, de films de moyen métrage, de documen-
taires, de bandes d'actualités et de dessins animés. Cette réflexion esthéti-
que, nécessaire et nullement conformiste, a une particularité : tourné
vers lui-même, le cinéma cubain retrouve sans cesse la révolution. C'est
cela qui est réellement important. L'art cinématographique n'est pas un

42
Autres institutions culturelles

bourgeois repenti ; il est peut-être le premier phénomène culturel typique-


ment révolutionnaire.
L'absence d'antécédents et de traditions cinématographiques propres et,
par suite, l'adhésion aux manifestations artistiques les plus authentiques de
notre pays, cette volonté d'intégrer le nouveau moyen d'expression au pro-
cessus de formation de notre culture ne procèdent pas d'une tendance à la
limitation ni d'un refus systématique des influences étrangères. Il s'agit
plutôt de produire l'assimilation et la récréation nécessaires, débarrassées
des modèles et des complexes coloniaux (ou semi-coloniaux) et de leur forme
la plus insidieuse : le mimétisme. Cela n'est possible que si l'on adopte une
politique et une attitude non de repli, mais bien au contraire d'ouverture la
plus totale. Dans cette ouverture, l'esprit critique trouve sa possibilité
maximale de développement. Et toute assimilation prend un caractère nou-
veau. H ne s'agit pas de réinventer le langage cinématographique ou sat
technique, mais de les frapper du sceau de l'indépendance, de la liberté
d'expérimentation créatrice et de la rigueur révolutionnaire novatrice dont
l'unique limite est celle que déterminent le sérieux et le talent.
Ainsi les créateurs cinématographiques, les réalisateurs, opérateurs,
scénaristes et monteurs, compositeurs, etc., ont bénéficié de la collaboration
de certaines des personnalités les plus éminentes du cinéma d'autres pays,
tantôt grâce à des rencontres, des conférences ou des cours, tantôt à partir
d'une appréhension plus directe du processus de création. Cette politique
consistant à favoriser les contacts directs entre nos réalisateurs et d'authen-
tiques représentants d'autres courants cinématographiques importants
traduit non seulement la volonté de faire connaître ces courants — avec
lesquels on peut aussi se familiariser en fréquentant les salles de cinéma, la
cinémathèque, les ciné-clubs, etc. — mais aussi le refus d'une situation
conduisant à l'appauvrissement culturel sous l'influence et la domination
d'un seul style, d'une seule école ou d'une seule forme.
S'il nous faut faire un bilan, nous devrons signaler que le développement
accéléré, considéré comme le dépassement révolutionnaire d'un héritage de
plusieurs siècles de colonisation et de néo-colonialisme, trouve déjà dans
le cinéma cubain une abondante expérience qui déborde les solutions grâce
auxquelles ont été résolus les problèmes concrets. Au-delà de tout anecdo-
tisme, nous découvrirons que cette situation a créé les tensions et la rigueur
nécessaires pour la formation idéologico-artistique des cadres artistiques,
techniques et administratifs. C'est ainsi que le cinéma s'intègre — dans les
limites de son importance et de sa signification — au patrimoine de la
révolution cubaine dans l'affrontement révolutionnaire de ses tâches. H
s'agit d'une des manifestations artistiques de la culture et d'un instrument
exceptionnel d'information et de formation idéologico-culturelle.
Le bilan de dix années de production cinématographique montre tout
d'abord que le cinéma cubain, né avec la révolution, non seulement a rendu
compte de celle-ci, mais a aussi été un protagoniste, un participant, enrichi
par notre réalité—la révolution — et l'enrichissant par la vision qu'il en avait.

43
Autres institutions culturelles

Élément indissociable de ces dix années de lutte de notre peuple, il l'a


accompagné dans tous ses combats pour l'édification du socialisme et du
communisme. Rejetant la superficialité, il a recherché le contact le plus
vivant, le plus authentiquement révolutionnaire avec le protagoniste et le
spectateur de toute sa production, le peuple cubain, en réussissant à créer
des œuvres d'une signification artistique authentique, des moyens d'affir-
mation et de combat qui sont venus enrichir notre patrimoine culturel.
C'est déjà dans ce contexte que se situaient les premiers films tournés
entre 1959 et 1961, qui ont préparé la voie aux premières lois et mesures de
la révolution ou les ont illustrées : Esta tierra nuestra, Tierra olivadada ou
Realejigo 18, sur la réforme agraire ; La vivienda, sur la loi de réforme
urbaine ; El negro, contre la discrimination raciale ; et Historia de una
batalla, Y me hice maestro, Cada fabrica una escuela, Una escuela en el
campo, etc., sur l'alphabétisation. Tel a aussi été le cas des films qui ont
commencé à rendre compte de notre geste libératrice : Historias de la
revoluciôn et Eljoven rebelde, ou qui, comme Muerte al invasor, ont retracé
la lutte valeureuse de nos forces armées et milices révolutionnaires et la
mobilisation du peuple tout entier face aux envahisseurs de Playa Giron.
Cette ligne a été maintenue et développée ensuite de manière à augmen-
ter la production et atteindre un niveau artistique et technique, une effica-
cité et un caractère qui ont confirmé la présence du cinéma cubain sur le
plan national et international, en le faisant bénéficier d'un prestige mérité
que prouvent l'adhésion du public — et en particulier de notre peuple — et
vingt-deux premiers prix et de nombreuses mentions et prix spéciaux rem-
portés dans les festivals internationaux du monde entier.
Le succès du cinéma cubain dépasse toutes les prévisions et pulvérise
tous les records. Tandis que Las doce sillas, Eljoven rebelde et Las aventuras
de Juan Quinquin ont eu chacun un million de spectateurs, Lucia, sorti il y a
peu de temps, qui est un hommage du cinéma cubain au centenaire des
luttes révolutionnaires, a déjà eu près de 600 000 spectateurs. Certains des
films qui seront produits à l'occasion du dixième anniversaire du triomphe
de la révolution cubaine connaîtront certainement le même succès.
La production cinématographique des années 1960 à 1968 se répartit de
la manière suivante : films de long et de moyen métrage, 44 ; documen-
taires, 204 ; documentaires didactiques, 77 ; dessins animés, 49 ; Ency-
clopédie populaire, 94 notes ; bandes d'actualités latino-américaines de
l'ICAIC, 435.
La participation aux festivals internationaux a un double objectif :
confronter les résultats de chaque année de travail avec les œuvres et les
tendances les plus significatives du monde entier et rompre le blocus impé-
rialiste. On ne saurait oublier que chaque image, chaque séquence, chaque
moyen métrage, chaque documentaire, chaque bande d'actualités a un seul
thème : la révolution cubaine. Cependant, au risque de paraître nous contre-
dire, il n'en résulte pas de monopole thématique. Une révolution véritable,
comme l'est la révolution cubaine, engendre des situations si nombreuses et

44
Autres institutions culturelles

si complexes, enrichit tellement la vie et étend tellement le rayon d'action


de l'homme et de la société, laisse posés tant de problèmes, révèle tant de
solutions possibles qu'aucune situation ne peut être plus variée.
Parmi les nombreux prix décernés au cinéma cubain, il convient de citer
ceux qui lui ont été attribués à certains des plus importants festivals inter-
nationaux, comme le Festival international de documentaires et de courts
métrages de Leipzig, les festivals cinématographiques de Londres, de Kar-
lovy Vary et de Moscou et le Festival du cinéma latino-américain de Sestri
Levante (Italie). Mais aucun n'a été plus important que le premier prix
et le prix de la sélection nationale remportés au Festival du nouveau cinéma
latino-américain de Vina del Mar (Chili) et le prix que le jury du Festival
des documentaires de Mérida (Venezuela) a décerné au réalisateur Santiago
Alvarez, directeur du Noticiero ICAIC Latinoamericano, pour l'ensemble de
son œuvre.
Le mouvement cubain en matière de documentaires est l'un des plus
importants de notre époque. Nos réalisateurs ne se bornent pas à rendre
compte de la réalité. Plongés dans cette réalité, ils y participent au moyen
du cinéma. Tel est le cas des documentaires didactiques, consacrés à la
diffusion de techniques et de problèmes étroitement liés au développement
agro-pastoral ou au développement des techniques industrielles. Après YEn-
cyclopêdie populaire, qui a publié 94 notes, et la création d'équipes spécia-
lisées qui maintenant élargissent leur rayon d'action et qui participent à
tout le travail documentaire, l'ICAIC a réalisé 77 documentaires de ce type.
Cependant, si les documentaires didactiques ont atteint ce stade de déve-
loppement, non moins importante a été la contribution du cinéma dans
d'autres domaines et, en particulier, dans celui de la solidarité internatio-
nale. Les réalisateurs cubains ont tourné en République démocratique du
Viêt-nam (Hanoi, martes 13), au Laos (La guerra olvidada) et en Afrique
(Noticiero ICAIC Latinoamericano) et ils ont réalisé, en collaboration avec
des cinéastes d'Amérique latine et d'autres pays, des films sur la guérilla ou
les mouvements de résistance et de nombreux reportages sur le mouvement
étudiant.
Hasta la Victoria siempre, inspiré par la vie et les combats du Ché, est
l'exemple le plus pur de ce type de documentaires.
Pendant des années, notre public a constamment subi l'impact d'une
programmation régie par les pires critères politiques, artistiques et idéolo-
giques qui exerçaient en permanence leur influence sur les goûts, les atti-
tudes et les habitudes. Il n'existait pas de programmation permettant aux
spectateurs de s'informer et de se former sérieusement en ce qui concerne
le répertoire du cinéma mondial et d'enrichir ainsi leur vision de la réalité.
L'élaboration de la programmation — pour les cinémas des grandes et
des petites villes et pour les zones rurales — nécessite aujourd'hui un
travail complexe qui oblige à tenir compte du caractère massif du public,
de la diversité des niveaux culturels, des conditions matérielles et en parti-
culier de l'état des moyens de communication, des traditions et de la

45
Autres institutions culturelles

dynamique de leur amélioration et de la nécessaire volonté d'atteindre


dans les films réalisés le plus haut niveau possible sur les plans artistique
et idéologique. Conformément à ces principes et par suite du dévelop-
pement de la révolution, on a pris les mesures nécessaires, qui ont amené
à confisquer toutes les installations de projection cinématographique,
à nationaliser les entreprises de distribution et à exproprier ou acheter
tous les cinémas et toutes les entreprises de distribution de films du pays,
de façon à s'assurer le contrôle des moyens matériels que nécessite la
formation du nouveau public avec le recours massif à un nouveau type de
programmation.
Mais ces mesures ne profitaient qu'aux grandes agglomérations urbaines,
tandis que la majeure partie de la population rurale continuait à pâtir de
la situation d'oubli et de mépris à laquelle l'avaient condamnée les intérêts
mesquins de l'ancienne société. C'est pour redresser cette situation qu'a été
créé le réseau de cinémas itinérants de PÏCAIC destiné à apporter le cinéma,
grâce à ses unités mobiles, dans les campagnes, les régions marécageuses,
les îlots et, de façon générale, les lieux dont l'accès est le plus difficile. Ces
unités s'occupent également d'amener le cinéma dans les nouvelles zones de
développement agro-pastoral où affluent des contingents de plus en plus
nombreux de volontaires (la Colonne des jeunes du centenaire, l'He de la
jeunesse, les mobilisations massives pour la campagne de récolte de la canne
à sucre, le programme de l'école à la campagne, etc.).
Il faut rendre un hommage particulier aux jeunes chauffeurs projec-
tionnistes qui, 25 jours par mois, parcourent la région qui leur a été assignée
et apportent le cinéma aux zones de développement, aux hameaux et aux
villages, dans les montagnes et partout où il n'y a pas d'autres moyens de
diffusion cinématographique. Ils consacrent une grande partie de leur
journée à projeter des documentaires didactiques et de vulgarisation dans
les écoles rurales. Revenus à leur centre, ils s'occupent de leur matériel et
de son entretien, réparent ou renouvellent les films et travaillent à se
perfectionner. Ce perfectionnement trouve ensuite son expression la plus
authentique dans le dévouement avec lequel ils s'acquittent de leur tâche.
Le réseau de cinébus, qui a effectué jusqu'à ce jour 363 163 projections pour
environ 40 millions de spectateurs, assure la circulation massive des films
de long métrage, des documentaires de diffusion révolutionnaire, des films
didactiques et des bandes d'actualités latino-américaines de l'ICAIC
(Noticiero ICÂIC Latinoamericanoi). Ainsi, le vieux rêve des ciné-clubs est
devenu réalité, la réalité révolutionnaire d'un nouveau public. A cette fin,
l'ICAIC a consacré toutes ses forces — depuis le premier jour — à éliminer
les différences entre la ville et la campagne et entre la capitale et la
province. En 1958 il n'existait aucun cinébus. Les 81 créés par la suite
donnèrent, en 1968, 69 822 séances de projection, devant 7 121 844 spec-
tateurs.
En 1965, qui a été la grande année de la nationalisation des cinémas du
pays, l'ICAIC a commencé à réaliser avec ses propres moyens, et compte

46
Autres institutions culturelles

tenu des ressources qui lui avaient été affectées, un plan de construction,
de reconstruction et de rénovation des salles de cinéma.
Il y a actuellement 19 chantiers en cours, dont 14 nouvelles constructions
et 5 rénovations on reconstructions. La quasi-totalité de ces salles s'ou-
vrira dans les trois ou quatre mois qui viennent. Parallèlement aux chantiers
en cours, on a entrepris récemment des travaux d'entretien et de rénovation
dans 17 salles.
Les nouveaux cinémas remplacent pour la plupart des salles fermées ou
qui risquaient la fermeture du fait de leur vétusté.
Cependant, il reste à accomplir une tâche immense dans ce domaine : de
nombreuses localités n'ont pas encore de cinéma et, dans d'autres, l'état des
salles est réellement déplorable par suite d'un long abandon. L'entreprise
privée ne s'intéressait qu'au profit et les bâtiments et le matériel ont très
rarement fait l'objet de travaux d'entretien indispensables. De 1965 à 1968,
44 nouvelles salles de projection ont été construites et 59 ont été rénovées
ou reconstruites, soit au total 103 salles.
Par la publication régulière de la revue Ciné cubano, qui a débuté
en 1960 et dont 51 numéros ont déjà paru, par l'édition de 13 livres de
caractère théorique ou d'information et de 10 numéros du bulletin du
Service d'information et de traduction, s'ajoutant à 29 livres et brochures
techniques à usage interne, la politique d'édition de l'ICAIC, aujourd'hui
intégrée aux plans de l'Institut du livre, s'est proposée de répondre aux
besoins d'information et d'encourager l'intérêt porté aux divers secteurs de
cette activité culturelle complexe.
La Cinémathèque cubaine a été créée vers le milieu de 1960 ; département
culturel de l'ICAIC, elle a pour fonction d'acquérir, de conserver et de
classer tout le matériel utile à la connaissance et à l'étude de l'histoire
du cinéma depuis ses origines (films, livres, revues, catalogues, matériel
publicitaire, appareils curieux, etc.), en accordant une attention parti-
culière à tout ce qui touche le cinéma national ; elle est également chargée
d'assurer la présentation de ce matériel au grand public et aux étudiants
et spécialistes, à l'intention desquels sont organisés des programmes.
La Cinémathèque cubaine a été admise en 1961 comme membre provi-
soire et, peu après, comme membre permanent de la FIAF (Fédéra-
tion internationale des archives du film). Elle a également été admise
comme membre permanent de l'Union des cinémathèques d'Amérique
latine (UCAL) à l'occasion de son assemblée constitutive qui s'est tenue
à Vina del Mar (Chili) en 1967.

Casa de las Américas

La Casa de las Américas, qui a été fondée en avril 1959, répond à une
double nécessité : réunir une équipe de spécialistes qui puissent faire
connaître dans notre pays les œuvres et les auteurs de toute l'Amérique

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Autres institutions culturelles

hispanique et, surtout, favoriser le rapprochement des peuples latino-


américains par de véritables échanges culturels.
Depuis 1960, elle attribue le prix littéraire Casa de las Américas, institué
pour encourager la création littéraire dans toute l'Amérique latine. Les
genres littéraires représentés sont le roman, le théâtre, l'essai, la poésie, le
conte et, à partir de 1970, le témoignage. Les œuvres présentées doivent
être inédites et écrites en langue espagnole ; celles qui sont couronnées sont
publiées en espagnol dans divers pays d'Amérique latine et traduites dans
d'autres langues. A l'occasion du prix, de nombreuses personnalités des
lettres et des arts du monde entier, jurés ou candidats, se rendent dans
notre pays. En 1969, par exemple, la Casa a reçu des jurés venant de
14 pays d'Amérique latine et d'Europe. Le nombre des œuvres présentées
augmente chaque année ; ainsi en 1959 il y en a eu 346, alors qu'en 1970
il y en a eu plus de 500.
La publication de livres est une des tâches de la Casa. Grâce à son
action, le public cubain a pu faire connaissance avec les auteurs les plus
représentatifs des lettres hispano-américaines.
La Casa organise chaque année un concours de gravures qui est ouvert à
tous les artistes d'Amérique latine. De plus, elle a réservé une de ses salles
à la Galerie latino-américaine, qui y expose les œuvres les plus représen-
tatives des arts plastiques d'Amérique latine.
La Casa de las Américas publie la revue Casa, publication bimensuelle
qui rassemble des articles d'intellectuels cubains et étrangers. Cette revue
est dirigée par un comité de collaboration composé de personnalités
jouissant d'un grand prestige dans les milieux littéraires hispano-américains.
La gamme des sujets dont elle traite est très large, puisqu'il s'agit des
problèmes culturels, artistiques, politiques et sociaux de l'Amérique latine.
Pour sa part, le Centre de documentation de la Casa entreprend un
travail considérable qui concerne la bibliothèque spécialisée dans les sujets
latino-américains, le département d'acquisition et d'échanges, le centre de
recherches littéraires et le groupe d'études.
La Casa organise périodiquement des récitals, des concerts et des
causeries sur la musique, à l'occasion desquels elle présente des compositeurs
cubains et latino-américains. Il y a également le Centre de la chanson
protestataire, qui a publié des comptes rendus de ses activités, comme par
exemple celui de la Ire Rencontre de compositeurs et d'interprètes de
chansons protestataires qui s'est tenue à La Havane en août 1967.
La Casa a organisé des cycles de poésie latino-américaine qui ont permis
à des poètes d'Amérique latine de lire leurs poèmes, faisant ainsi connaître
leurs dernières œuvres.
La Bibliothèque José Antonio Echeverria de la Casa a exposé des
documents et des livres originaux qui témoignent de l'appui de l'Amérique
latine à la lutte de Cuba pour son indépendance.
Les cafés-débats sont des activités qui se sont développées régulièrement
à la Casa. Des personnalités cubaines et étrangères éminentes du monde

48
Autres institutions culturelles

intellectuel y sont invitées pour discuter de livres, d'œuvres, d'écrivains et


des problèmes de l'Amérique latine en général.
La Casa de las Américas édite les collections suivantes :
La Colecciôn premio, qui présente les prix annuels et les œuvres recom-
mandées par le jury.
La Colecciôn literatura latinoamericana, qui présente des œuvres littéraires
de toute l'Amérique latine depuis son origine (50 volumes déjà parus).
Les cahiers Casa, études et essais sur les problèmes culturels, politiques et
sociaux de l'Amérique latine.
Nuestros païses, monographies sur l'histoire, l'économie et les problèmes
sociaux des pays d'Amérique latine jusqu'à nos jours.
Estudios del Centro de documentaciôn, analyse de divers problèmes de
l'Amérique latine.
La collection La honda, œuvres littéraires brèves d'écrivains latino-
américains.
La collection Casa, biographies d'écrivains latino-américains.
Les éditions du Centro de investigaciones literarias (Centre de recherches
littéraires), qui présentent des recueils d'études critiques sur des auteurs
latino-américains et des panoramas littéraires.

Institut du livre

Une des difficultés les plus graves auxquelles se heurte l'industrie du livre
dans nos pays réside précisément dans le faible nombre des lecteurs en
raison, notamment, de l'analphabétisme et de l'insuffisance de la scolari-
sation ; le développement de la lecture n'a trouvé en Amérique latine des
conditions favorables que dans les grands centres, où se trouvent non
seulement presque toutes les librairies et bibliothèques et presque tous les
centres de lecture, mais aussi les personnes qui peuvent investir en livres
une partie de leur revenu.
De plus, en Amérique latine, le livre est généralement un article cher :
les tirages limités, précisément en raison du petit nombre de lecteurs, ne
permettent pas de réduire le prix de revient des éditions.
Ce qui accroît aussi le coût de la production des livres dans la région,
c'est le prix du papier et parfois le caractère périmé des méthodes de
production « qui n'ont pas toujours la rapidité, la souplesse et la mobilité
qu'exigé le livre dans le monde moderne ». Que la lecture se soit peu déve-
loppée en Amérique latine, c'est ce que prouve le fait que de 1961 à 1966 la
production de livres a présenté dans cette région des signes d'affaiblis-
sement ; qu'à l'époque du livre de diffusion de niasse, du livre de poche,
rares sont dans nos pays les éditions qui atteignent les 100 000 exemplaires ;
que cette région, qui représente 7,4 % de la population mondiale, ne produit
que 3,8 % des livres publiés dans le monde ; et que, dans nos pays, le tirage
moyen d'un livre n'est que de 7 000 exemplaires, chiffre inférieur à la

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Autres institutions culturelles

moyenne mondiale. Cela explique pourquoi, alors que la production de


livres en Amérique latine a très peu progressé de 1961 à 1966, la production
de l'Espagne est passée dans le même temps de 11 950 titres en 1961 à
19 040 en 1966 ; nous cessons de plus en plus d'être des producteurs de
livres chers pour devenir des acheteurs.
Cuba aussi a connu cette situation.
Avant la révolution, on pouvait à Cuba se procurer des livres dans
quelques petites librairies, et ces livres touchaient peu de lecteurs. A quoi
cela était-il dû ? Entre autres, au taux élevé d'analphabétisme et à la fai-
blesse de la population scolaire, qui ne comptait en 1958 que 840 908 élèves,
dont la majorité fréquentait l'école primaire.
Si à cette masse d'analphabètes et à cette faible population scolaire (qui
très souvent n'allait pas au-delà de l'enseignement primaire) nous ajoutons
la situation économique précaire de nos travailleurs et de nos paysans, qui,
même s'ils savaient lire, n'avaient pas les moyens d'acheter des livres, nous
aurons retracé le sombre tableau que trouva la révolution en 1959.
La première mesure que devait prendre la révolution était d'éliminer
rapidement et efficacement l'analphabétisme et l'insuffisance de la scolari-
sation. En 1961 se termine avec succès une gigantesque campagne d'alpha-
bétisation ; sur 979 207 analphabètes recensés, 707 212 ont été alphabétisés,
c'est-à-dire que le taux d'analphabétisme est tombé de 23,6 % à 3,9 %.
Cette campagne a été l'œuvre de 233 608 alphabétiseurs. L'industrie de
l'édition a prêté son concours : en 1961 ont été imprimés plus d'un million
de livrets pour l'apprentissage des premières lettres. La campagne s'est
poursuivie avec les cours spéciaux d'éducation des adultes, dont lé but était
de faire en sorte que les nouveaux alphabètes n'oublient pas ce qu'ils
avaient appris. Ainsi prit naissance à Cuba un mouvement d'édition
vigoureux.
L'autre mesure d'importance vitale fut l'élimination des causes de la
sous-éducation et des abandons scolaires, ainsi que la nationalisation et la
gratuité de l'enseignement ; elle a permis de faire de Cuba le seul pays
d'Amérique latine ayant un programme rigoureux et dirigé d'édition de
textes. Le 15 mars 1960 a été créé le premier organisme de la révolution
chargé de la production de livres.
Un conflit du travail entre les patrons des quotidiens réactionnaires
El pats et Excelsior et les ouvriers aboutit à une assemblée au cours de
laquelle intervint le commandant Fidel Castro, qui proposa une solution
révolutionnaire : créer une imprimerie nationale en utilisant le matériel
de ces quotidiens. Ce plan fut mis à exécution et rapidement on y ajouta
les imprimeries du Diario nacional, d'El crisol, du Diario de la marina,
d'Information et d'autres quotidiens, dont les propriétaires quittaient le
pays. L'Imprimerie nationale s'est caractérisée par ses éditions massives,
sans précédent à Cuba. Bien que l'Imprimerie nationale ne soit pas par-
venue à répondre totalement aux besoins les plus immédiats du pays, la
vente à 100 000 exemplaires de son premier livre Don Quijote, au prix

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Autres institutions culturelles

incroyable de 25 centavos le volume (il y en avait quatre en tout), a amorcé


la grande transformation du livre à Cuba.
La recherche d'une organisation supérieure, qui répondrait vraiment
aux besoins croissants en matière d'édition, a entraîné la création en 1962
des Éditions nationales (Editorial Nacional) de Cuba, placées sous l'autorité
du Conseil des ministres. Ce nouvel organisme représente un échelon plus
élevé du développement de l'édition dans le pays, correspondant à la diver-
sification de la politique d'édition des livres de classe. La qualité des livres
s'améliore au cours de cette nouvelle étape, qu'il s'agisse de leur contenu
ou de leur présentation graphique.
L'expérience immédiate qui va donner naissance à l'Institut du livre est
un projet spécial appelé Éditions révolutionnaires, mis en œuvre en
décembre 1965 pour répondre au besoin urgent de manuels de niveau uni-
versitaire ; ceux-ci ne pouvaient pas être produits à Cuba en raison des
interdictions qu'imposaient les accords sur la propriété intellectuelle. Notre
attitude face à cette situation a été exposée par notre Premier ministre, le
commandant Fidel Castro :
« Du fait de toutes ces notions de la propriété intellectuelle, nous nous
trouvions contraints, si nous voulions satisfaire entièrement la demande de
livres, de dépenser des dizaines de millions de pesos ... Or il est extrêmement
difficile d'établir dans la pratique ce qu'on appelle propriété intellectuelle
des auteurs, mais qui est en fait la propriété de ceux qui achètent sur le
marché ce produit de l'intelligence avec des espèces sonnantes et trébu-
chantes et à un prix quelconque, c'est-à-dire en général à bas prix. Ceux qui
détenaient le monopole des livres détenaient le droit de les vendre au prix
qui leur semblait bon. H était nécessaire de prendre une décision radicale. »
Les Éditions révolutionnaires ont été cette solution.
Notre Premier ministre faisait aussi remarquer :
« Et Cervantes, qui lui paie ses droits d'auteur ? Et Shakespeare ? Et
ceux qui ont inventé l'alphabet, les chiffres, l'arithmétique, les mathéma-
tiques ? ... Quant à nous, nous proclamons que nous considérons toutes les
découvertes techniques comme le patrimoine de l'humanité tout entière et
en particulier des peuples qui ont été le plus exploités. »
Ainsi, Cuba a proclamé le droit d'un pays en voie de développement
d'accéder à toutes les manifestations de la culture. Car nous ne sommes pas,
tant s'en faut, les pays d'Amérique que doit préoccuper le plus sérieusement
le problème de la propriété intellectuelle ; nous sommes au contraire ceux
qui sont directement lésés : en dernière analyse, comme les autres pays en
voie de développement, nous avons payé très cher le développement dont
jouissent aujourd'hui d'autres pays de la terre, développement grâce auquel
ils possèdent les hommes de science, les techniciens et les intellectuels
capables d'écrire les textes dont nous avons besoin.
La propriété intellectuelle régie par le droit d'auteur devient dès lors un
frein qui nous prive de la possibilité de nous approprier ces œuvres qui ont
été produites aussi grâce aux efforts de nos pays ; on nous refuse l'accès à

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Autres institutions culturelles

l'information et aux connaissances nécessaires à notre développement scien-


tifique, technique et éducatif. Cela revient à dire qu'un droit se superpose à
un autre, qu'un droit réfute cette situation et que nous nous rendrions
complices de ceux qui refusent le droit à un élément du patrimoine non d'un
pays déterminé, mais de l'humanité tout entière. Les pays qui, avec notre
sueur, ont réussi à édifier une puissante base socio-économique qui leur
permet de disposer de nombreux techniciens et hommes de science sont les
grands producteurs de livres. Cependant, nous faut-il nous préoccuper des
droits d'auteur alors que nous savons que du fait de la structure de notre
commerce extérieur il nous sera toujours très difficile de nous procurer les
devises nécessaires pour importer des livres ?
Quand un pays subit la secousse qu'a connue notre pays et amorce un
processus dans lequel la formation de milliers de techniciens et d'hommes de
science exige de grandes quantités de livres, le droit d'auteur devient une
entrave au développement de ce pays et, par conséquent, un obstacle
inadmissible.
En 1967, Cuba, aux termes d'une déclaration de notre Premier ministre,
a refusé de reconnaître le droit d'auteur tel qu'il est appliqué dans le monde,
conformément à la Convention de Berne. Notre Premier ministre déclara
le 29 avril :
« S'il est un patrimoine universel que l'humanité s'est légué à elle-même,
c'est la culture, la science et la technique. Et nous, pays sous-développés,
pays économiquement pauvres, ... nous avons le droit de revendiquer
notre participation au patrimoine culturel, scientifique et technique du
monde. »
Les premiers succès des Éditions révolutionnaires ont indiqué que le
moment était venu de reformuler la politique du pays en matière d'édition.
C'est ainsi qu'est née l'idée d'un organisme qui, s'inspirant du même esprit
dynamique et novateur que les Éditions révolutionnaires, mettrait en
œuvre un programme complexe et ambitieux en matière d'édition.
Cet organisme devait, en tenant compte de l'expérience antérieure,
fonder sa politique d'édition sur les besoins de la révolution, de la culture et
de la technique en marche. Mais il devait voix aussi dans le livre non
seulement le produit d'une industrie et le résultat continuel de la technique
industrielle, mais encore et surtout un résultat de la culture de l'humanité,
l'expression de ses idées scientifiques, artistiques, littéraires, techniques. Le
nouvel organisme devait considérer le livre non comme une marchandise,
mais comme un instrument puissant d'éducation et de culture.
Les livres des Editions révolutionnaires portaient à l'intérieur, pour la
première fois à Cuba et pour la première fois au monde, l'avis suivant :
« Ce livre a une grande valeur et c'est pourquoi il t'est remis gratuitement.
Sa valeur provient de la somme de travail qu'ont nécessitée les connais-
sances qu'il contient, du temps qu'a exigé sa fabrication, du fait qu'il
représente un pas en avant dans la lutte de l'homme pour être un homme.
Mais sa principale valeur lui sera donnée par l'usage que tu en feras. Et

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Autres institutions culturelles

c'est parce que nous sommes sûrs et de cet usage et de sa grande valeur qu'il
t'est remis gratuitement. »
En 1967 est créé l'Institut du livre, qui s'inspire dès le début de l'expé-
rience des Éditions révolutionnaires et fait la synthèse de tous les facteurs
qui intervenaient dans la politique du livre à Cuba. Il est en fait devenu
un grand combinat où le livre parcourt tout le processus complexe qui
précède sa livraison au lecteur, ce qui a permis de formuler une politique
cohérente et homogène de production et de distribution.
L'Institut devait se proposer comme objectif vital la production massive
de manuels pour tous les niveaux de l'enseignement, de livres techniques et
de livres scientifiques.
En 1967, sur une production totale de 8 722 000 livres, 5 685 140 ont
été des manuels scolaires. L'augmentation très rapide du nombre des étu-
diants et la production incessante des livres de milliers de nouveaux lecteurs
chaque année font qu'en 1968 l'Institut a porté sa production totale à
13 066 417 livres, soit près de deux par habitant et par an.
Sur ce total impressionnant pour un pays de 7 millions d'habitants,
8 221 068 exemplaires ont été des manuels d'enseignement de tous les
niveaux.
Le plan pour 1969 prévoyait la production de 15 millions de livres
(chiffre total), dont 9 006 500 concernant directement l'éducation.
D'un peu plus d'un million de livres par an avant 1959, la production de
livres à Cuba est passée à 13 066 417 en 1968 et était prévue à 15 millions
en 1969.
Enfin, si l'on songe que plus de 70 % de ces 13 066 417 livres ont été
remis gratuitement à la population, on comprend bien que nous nous trou-
vons à Cuba en présence d'un fait culturel qui aura une portée insoupçonnée.
L'Institut du livre comprend les maisons d'édition suivantes, qui
publient différentes collections :

Edicidn revolucionaria. Édite des manuels de niveau supérieur pour nos


trois universités. Les livres d'Edicion revolucionaria sont fournis gratui-
tement aux étudiants.

Pueblo y educacion. Édite des manuels des niveaux primaire, secondaire et


préuniversitaire. Édite également les manuels des cours de perfectionnement
pour les maîtres et les manuels destinés à la Facilité ouvriers-paysans et
au MINFAR. Les livres édités par Pueblo y educacion sont gratuits.

Ciencia y técnica. Publie, pour l'essentiel, des manuels de niveau moyen et


supérieur dans les domaines de la science et de la technique. Édite aussi les
ouvrages nécessaires à la formation de techniciens agricoles et les ouvrages
scientifiques et techniques dont ont besoin les divers organismes d'État.
L'an prochain, l'Institut créera la Coleccion cubana de ciencias médicas,
qui éditera les ouvrages d'auteurs cubains consacrés à la médecine.

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Autres institutions culturelles

Gente nueva. Édite des livres destinés aux enfants âgés de cinq; à neuf ans
et aux adolescents. L'an prochain, la série se subdivisera en plusieurs
collections (auteurs classiques, ouvrages d'enseignement, auteurs cubains).
A Santiago de Cuba s'ouvrira bientôt une librairie pour enfants, la
première de ce genre dans le pays.

Arte y literatura. Édite, dans ses diverses collections, des œuvres de la


littérature de tous les temps et des œuvres sur cette littérature.
Huracân. Éditions massives de romans, de récits, de reportages, de récits de
voyages, de romans d'aventures, pour tous les goûts.
Cuadernos populares. Ouvrages de vulgarisation sur des questions d'intérêt
général touchant les domaines de la science, de la technique, des sciences
humaines.
Biblioteca del pueblo. Romans d'auteurs classiques et contemporains.
Poesia. Anthologie poétique par pays.
Biblioteca bâsica de autores cubanos. Les œuvres de nos meilleurs roman-
ciers, essayistes, conteurs, poètes, dramaturges.
Letras cubanas. Les meilleurs écrivains cubains d'aujourd'hui en éditions
de luxe.
Dragon. Les meilleurs ouvrages de science-fiction et romans policiers.
Clâsicos. Les grandes œuvres de la littérature mondiale.
Cocuyo. Romanciers et essayistes contemporains.
Pluma en ristre. Fait connaître les œuvres des jeunes écrivains cubains.

Arte y sociedad. Essais sur l'art et la littérature.


Cuadernos de arte y sociedad. Brefs essais sur l'art et la littérature.
Ediciones de arte y sociedad. Livres d'art et livres sur l'art, avec des illus-
trations et une reliure spéciale.
Testimonio. Biographies et autobiographies, journaux, reportages.
Teatro y danza. Essais sur le théâtre, le ballet et la danse.
Répertorie teatral. Œuvres théâtrales.

Ciencias sociales :
Ediciones polîticas. Matériaux historiques, documents, témoignages.
Ciencias polîticas. Études politiques de niveau supérieur.
Filosofia. La pensée philosophique, des Grecs à nos jours.
Historia. Histoire.
Centenario 1868. Témoignages sur l'épopée de notre indépendance.
Guairas. Sur le développement de la pensée révolutionnaire et anti-
impérialiste en Amérique latine.
Viêt-nam. Témoignages, reportages sur la guerre du peuple vietnamien.
Teoria econômica. Textes de niveau supérieur sur l'économie.
Biblioteca El oficial. Textes et mémoires militaires.
Triângulo. Récits vécus d'espionnage.
Polémica. Discours et œuvres discutées.

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Autres institutions culturelles

Ediciones deportivas. Manuels d'athlétisme, de natation, de boxe, de


médecine sportive et, en général, ouvrages sur les multiples aspects du
sport.

L'Institut du livre, en coordination avec l'Organisation de solidarité


avec les peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, publie Triconti-
nental.
En outre, l'institut imprime et diffuse les livres que publie la Casa de
las Américas : ouvrages de la littérature latino-américaine ou sur cette
littérature, travaux de recherche sur l'Amérique latine, monographies de
nos pays, etc. ; l'institut publie aussi les ouvrages de l'Union des écrivains
et artistes cubains. Enfin, il édite des ouvrages de formation, d'information
et de vulgarisation pour les divers organismes du pays.

Que peut faire un technicien, un homme de science dans un pays soumis à


un blocus comme le nôtre s'il veut consulter une bibliographie déterminée
ou simplement savoir quels sont les derniers ouvrages parus sur sa spécialité
dans le monde ?
L'un des rôles du Centre d'expositions de l'Institut du livre, qui a été
récemment créé, est précisément d'offrir à tous ceux qui en ont besoin les
renseignements figurant non seulement dans les livres et revues techniques,
scientifiques, scientifico-techniques et d'intérêt général qui paraissent dans
le pays, mais aussi dans ceux qui paraissent à l'étranger.
Le Centre d'expositions est né du besoin de concentrer en un même Heu
d'accès facile au public toute l'information possible sur ce qui se fait de
nouveau dans le pays et à l'étranger, en tenant compte du fait que le blocus
impérialiste a fermé, directement ou indirectement, les voies de communi-
cation normales. Actuellement, le centre met à la disposition des divers
organismes, centres d'information, bibliothèques, etc., une information
bibliographique abondante et régulière qui doit leur permettre de présenter
leurs demandes de livres étrangers en tirant le meilleur parti des devises
affectées à l'acquisition de ces livres. Pour cela, on a défini une politique
d'importation et de distribution plus rationnelle et plus efficace, qui profite
aux divers organismes dont l'institut s'occupe par l'intermédiaire de son
centre. En outre, le Centre d'expositions alimente les diverses collections
de l'Institut du h'vre : l'information bibliographique mise à jour et régu-
lière permet de s'assurer que les ouvrages scientifiques et techniques qui
paraissent dans notre pays présentent véritablement ce qu'il y a de plus
nouveau dans le secteur en question.
Cuba possède maintenant une École des techniques graphiques, qui
forme les futurs cadres techniques qu'exigé le développement de notre
industrie graphique. Pour être admis dans cette école, il faut avoir terminé
avec succès la huitième année de l'enseignement général ; la sélection
à l'entrée se fait en tenant compte des aptitudes et de la vocation des
candidats. Les études durent trois ans et les élèves peuvent se spécialiser

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Autres institutions culturelles

en photomécanique, retouches, photogravure, composition typographique,


linotypie, impression directe ou indirecte, reliure manuelle et méca-
nique, etc. L'École des techniques graphiques a déjà formé des centaines de
jeunes, qui y ont fait, en qualité de boursiers, des études intensives sous le
régime de l'internat. Dans le domaine des techniques graphiques, Cuba se
rapproche de son objectif qui est de pouvoir disposer d'ingénieurs spé-
cialisés dans chaque poste technique, dans chaque département, dans
chaque atelier ; c'est à l'heure actuelle le seul pays d'Amérique latine qui
puisse mobiliser ses efforts (les moyens de production étant devenus la pro-
priété du peuple) en vue d'une augmentation de 100 % de ses capacités
techniques.
De plus, nous sommes en train de créer l'École de dessin graphique et
du livre, pour de jeunes bacheliers dont la vocation est l'ancien et pourtant
toujours jeune art du livre ; pendant les trois années que dureront les
études, les étudiants pourront découvrir leurs authentiques possibilités de
s'exprimer par le dessin, la photographie ou la typographie. Cuba formera
ainsi quelques dizaines de dessinateurs hautement qualifiés qui élaboreront
les livres que la révolution met aujourd'hui dans les mains de la masse
énorme et croissante des lecteurs cubains. En janvier 1970 s'ouvrira éga-
lement une école spécialisée de l'Institut pour la formation de rédacteurs,
de traducteurs et de correcteurs.
Pour ces trois projets, notre pays compte sur l'aide d'un nombre
considérable de professeurs et de spécialistes étrangers.

Institut cubain de radiodiffusion

Cet institut a l'entière responsabilité de la radiodiffusion et de la télévision


du pays.
Comme il s'agit d'un moyen de communication à l'échelle des masses,
toute son action est liée de manière directe ou indirecte au développement
culturel du peuple ; mais, en outre, l'institut diffuse des émissions spéciales
de radio et de télévision dont l'objet est de mettre les différentes disci-
plines artistiques à la portée de millions de personnes.
De telles émissions n'étaient pas possibles à l'époque du système com-
mercial de télévision, dans lequel les entreprises responsables devaient
garantir un produit culturel facilement assimilable par les masses compte
tenu du bas niveau culturel de celles-ci.
Le côté sentimental qu'on exploitait pour conquérir le public, c'est celui
qu'utilisaient les bandes dessinées, les « publications pour la femme », les
« romans rosés », etc. •
La diffusion de ces émissions et le caractère didactique de certaines
d'entre elles ont été un facteur important de la sensibilisation esthétique
du peuple. .

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Autres institutions culturelles

La radio présente les émissions culturelles spécialisées suivantes :

Émissions quotidiennes
« Por el ancho camino » présente sous forme de feuilletons les grandes
œuvres de la littérature universelle.
« Gente de nuestra America » présente les romans latino-américains.
« Un cuento » présente chaque jour, sous forme dramatique, une œuvre de
ce genre.
« Tierras y nombres » raconte la vie des grands hommes qui, dans le monde
entier, ont contribué au progrès de l'humanité.
« Su novela inolvidable », romans du monde entier.
« Tu, la palabra y la noche », commentaires littéraires qui donnent lieu à
la diffusion de fragments d'œuvres de tous les genres et de commentaires
sur les auteurs, en vue d'éveiller l'intérêt pour la lecture grâce à des
fragments de diverses œuvres présentés sous forme dramatique.
« Aventuras », en brefs feuilletons, une sélection des meilleurs romans
d'aventures du monde entier.
« La gran aventura de la humanidad » présente à l'auditeur, sous forme
dramatique, les grands moments de l'histoire universelle.
« La novela de las dos » présente sous forme dramatique les œuvres les plus
célèbres dans la littérature romanesque universelle.
« Una novela para Usted », sélection de romans à contenu social marqué,
reconnus par la littérature universelle.
« Hombres de Cuba », émission biographique qui présente les personnalités
les plus marquantes de Cuba dans les domaines de l'action, des arts, des
lettres et des sciences.
« Aquî comenzo la accion », sélection des meilleures œuvres de la littérature
universelle dans les genres policier et science-fiction.

Émissions du dimanche
« De la cuentistica », émission consacrée à la diffusion des meilleurs contes
et récits.
« Teatro », les grandes œuvres du théâtre universel présentées à la radio.

La télévision présente les émissions culturelles suivantes :


« i Que dice aquî? » a pour objectif d'aider le téléspectateur à mieux connaître
et à employer plus correctement notre langue, qu'il s'agisse de la parler
ou de l'écrire.
Nous nous efforçons aussi de faire connaître les grandes œuvres littéraires.
« Nuestros hijos » vise à informer, à rendre conscient notre peuple des
problèmes fondamentaux que posent le développement et l'éducation
des jeunes ; à montrer les facteurs familiaux, scolaires et sociaux qui,
sous forme d'idées, de coutumes et de concepts erronés, influent
sur cette déviation ; à attirer l'attention des pères, des mères et des
adultes en général sur la grande importance que présente, sur le plan

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Autres institutions culturelles

pratique, l'effort conjugué de tous pour la bonne éducation de nos


enfants.
« Maestros » montre à nos maîtres, par ces exemples, que le maître doit
avant tout enseigner et former des personnalités positives chez ses élèves,
pour faire de meilleurs citoyens.
« Literatura » fait connaître au peuple, sous une forme distrayante, les
meilleures œuvres littéraires. Rend la culture accessible aux masses.
Fait connaître non seulement les œuvres, mais aussi les auteurs en les
situant dans la période où ils ont vécu et dans les courants littéraires,
politiques et sociaux qui ont influé sur leur production.
« Arte y folklore » élargit la culture de nos téléspectateurs en ce qui concerne
la musique, les arts plastiques, le folklore des divers pays, etc.
« Escriba y lea » éduque de façon agréable en communiquant des connais-
sances générales diverses, grâce à l'intérêt que suscite l'émission.
« El hombre y su mundo » tend, comme toutes nos émissions, à augmenter
de façon récréative le capital de connaissances des téléspectateurs.
« Ciencia y desarrollo » a pour objectif d'éduquer en divertissant.
« Actualidad educacional », dans le cadre de la télévision nationale, cette
émission a pour objectif implicite de tenir tous les spectateurs au courant
des réalisations et des projets du domaine de l'éducation.
« Arte y cultura » s'adresse aux étudiants. Son objet est d'élever leur
niveau culturel dans le domaine artistique.
« Teatro IGR » présente les meilleures œuvres du répertoire théâtral mondial.
« El cuento », les meilleurs contes et récits du monde entier.
« Grandes novelas », les meilleurs romans de tous les temps.
Il existe en outre un émetteur de radio consacré exclusivement à la musique
classique et aux programmes culturels.

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