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La
vérité
est
qu'il
est
impossible
de
circonscrire
ce
terrible
et
déchirant
moment,
ce
long
moment
de
plus
de
cinq
heures
dont
on
ne
se
défait
pas
pour
peu
que
l'on
se
soit
laissé
porter
par
sa
force
et
celle
de
son
instigatrice,
souveraine
manipulatrice
qui
entraîne
dans
l'épuisement
des
corps
et
des
âmes
deux
autres
femmes
qui
ne
la
quittent
jamais,
puis,
à
l'orée
de
la
troisième
partie,
tard
dans
la
nuit,
trois
autres
qui
les
ont
prises
par
la
main
à
la
fin
de
ce
que
l'on
peut
nommer
le
«
deuxième
mouvement
»
et
se
clôt
sur
une
scène
paroxystique
de
transbordement
de
terre
noire,
caillouteuse
et
brillant
dans
la
nuit
comme
du
mica,
à
pelletées
rageuses,
les
trois
femmes
(Parques
et
sœurs
http://blog.lefigaro.fr/theatre/2010/07/angelica-aux-sombres-songes.html
tchékhoviennes
à
la
fois,
Erinyes,
jeunes
filles
mises
à
mal
par
le
monde,
comme
à
la
frontière
mexicaine
et
Ciudad
Juarez
où
l'on
vous
conduit
pas
à
pas).
Elles
se
nomment
Cynthia
Aguirre,
Perla
Bonilla,
Getsemani
de
San
Marcos,
Lola
Jiménez,
Maria
Morales,
Maria
Sanchez.
Les
figures
des
hommes
ici
sont
littéralement
fabuleuses
:
douceur
infinie
de
Pau
de
Nut,
violoncelle
et
voix
d'essence
céleste,
Juan
Carlos
Heredia,
géant
enfantin
et
tendre
qui
surgit
à
la
toute
fin
de
cette
traversée
de
douleurs,
de
sombres
songes,
traversée
du
réel,
ce
mal
être
profond
de
l'artiste
qui
mène
cette
singulière
et
frénétique
ronde,
éclairée
des
apparitions
d'un
orchestre
de
Mariachis,
l'orchestre
Solis.
Car
si
Angélica
Liddell
est
espagnole,
c'est
au
Mexique
qu'elle
nous
entraîne,
hantée
qu'elle
est
notamment
par
les
mortes
de
Ciudad
Juarez,
hantée
aussi
par
la
lucidité
des
Trois
sœurs
d'Anton
Tchekhov
dont
certaines
scènes
constituent
le
point
de
fuite
de
cette
sarabande
infernale,
violente
comme
l'est
le
monde
pour
la
petite
fille
qui
se
prénomme
Angelica
et
a
choisi
pour
nom
de
sa
compagnie,
Atra
Bilis
Teatro.
On
voit
bien
ci-‐dessus,
photographie
de
Christophe
Raynaud
de
Lage
combien
insiste
le
Mexique.
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Elle
est
maniaco-‐dépressive.
Elle
le
sait.
Elle
vit
avec.
C'est
une
enfant
de
Saturne.
Cela
se
voit.
Il
n'y
a
qu'eux
pour
avoir
autant
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d'énergie
à
dépenser.
Et
être
si
en
prise
avec
la
vie,
avoir
autant
de
vitalité
et
de
désir
de
mourir,
liés.
Pas
contradictoire.
C'est
cela
même
qu'elle
tente
de
«
porter
au
théâtre
»,
comme
l'on
porte
au
rouge
un
fer.
Tente
de
rendre
sensible
aux
«
spectateurs
»
puisqu'elle
ose
la
représentation
-‐et
jusqu'à
la
pornographie
dans
d'autres
pièces,
présentées
en
Espagne.
Ici,
une
des
scènes
de
La
Casa
de
la
fuerza
par
Christophe
Raynaud
de
Lage.
Il
faut
comprendre
qu'ici,
elle
a
franchi
un
pas,
puisqu'elle
n'est
ni
seule,
ni
deux...Elle
y
va.
Elle
entraîne
dans
sa
folie
dionysiaque
ces
femmes,
ces
filles,
ces
hommes,
ces
spectateurs
qui
demeurent.
Qui
ne
partent
que
parce
que
pour
certains,
c'est
trop
dur.
Angélica
Liddell
joue
sur
des
registres
très
profonds
et
donc
chacun
est
concerné,
même
si
elle
prétend
ne
parler
que
d'elle-‐même.
Elle
se
déchire,
tranche
dans
le
vif,
lame
de
rasoir
sur
les
mains,
les
bras,
les
jambes,
prise
de
sang,
jeu
avec
le
sang.
Mais
sans
doute
est-‐ce
dans
ces
courses
hallucinantes,
ses
efforts
jusqu'à
épuisement
des
corps,
ces
rages,
cette
virulence
de
lave,
ce
feu
ardent
qui
la
brûle,
ces
voix,
le
passage
d'une
femme
à
l'autre
-‐comme
on
ne
la
connaît
pas,
on
hésite
à
la
«
reconnaître
»-‐
la
part
des
musiques,
des
mouvements,
des
gestes,
des
adresses,
des
textes
-‐puisque
l'écriture
est
depuis
qu'elle
a
douze
ans
son
ciment,
sa
sédimentation,
sa
liberté
dévastatrice
et
libératoire-‐
ces
chants,
ces
musiques,
ces
chansons,
ces
apaisements
car
il
y
en
a...tout
cela,
y
compris
les
irruptions
du
monde,
de
Venise
à
Gaza,
de
Ciudad
Juarez
à
Avignon,
Cloître
des
Carmes,
tout
cela
elle
le
maîtrise,
elle
tient
son
propos
jusque
dans
ses
débordements.
Elle
est
fascinante.
Comme
une
artiste
qui
a
construit
son
mode
d'expression.
Qui
revendique.
Qui
est
d'une
atroce
lucidité.
Et
qui
est
époustouflante.
Catégories: Critique
Tags: Angelica Liddell, Casa de la fuerza, Festival d'Avignon
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