4 KANT (1724-1804)
Crigque de la raison protqve (1788)
(uaa. H. Wiemann et L Ferry. «Foko essass» n° 133)
Corolowe
La rason pure est pratique par elle seule et donne (i
é ) une fot universelle que nous appetons fa lor morale.
Scobe
Le fac quan vient dindiquer est incontestable. Il suffit
daralyser le jugernenc que les hommes portent sur kb
conformite de leurs actions a fa loi: et l'on trouvera toujours
que. quoi que puisse objecter linclination, leur raison cepen-
dant, incorruptible et contrainte par elle-méme, confronte
chaque fois la maame de la volonte dans une action avec
volonté pure. c'est-i-dire avec elle-méme, en tant qu'elle se
considére comme pratique a priori. Or, ce principe de &
morale. justement 4 cause de 'universalité de la législation
a en fait le principe déterminant formel supréme de &
voloneé, indépendamment de toutes les differences subjec-
Sves, est procamé par ba raison comme étant en meme
ere on Pour tous les eres raisonnables dans
mesure ou iis ont une volonté. cest-a-dire la faculté dé
saarmeet leur casaité parla représentation de réges &
care ae nt dans fa mesure oi ils sont capables dag"
Pratiques ape S Par suite aussi daprés des principe
(car ceux-ci seuls possédent la nécessite
que ba raison eg
Sete Fun principe). Il n'est donc pas restreintCritique de la
Tason prapque 6s
aux hommes seuls, mais s‘etend a
disposent de raison et de volonte: tren, mene a
infini en tant qu'intelligence supréme. Mais, dans le ‘re
as, fa loi a la forme d'un imperaut, parce quien eee
comme étre raisonnable. on peut supposer une *:
pure, mais non, puisqu’il est soumis a des besoins et a des
mobiles sensibles, une votonte sainte, c'est-i-dire une volonte
incapable de maximes en opposition avec la lor morale.
Cette derniére est donc pour les hommes un imperaot,
ordonnant categoriquement. parce que la loi est incondition-
née: le rapport d'une telle volonte a cette loi est la depen
dance qui, sous le nom d'obligation. designe une contrainte
— imposee. il est vrai, par la raison seule et sa lor objec-
tive — a une action appelée devair. parce qu'un «arbitre v,
affecté pathologiquement (bien que non détermine par fi
et par suite aussi toujours libre), renferme un souhait qui.
ayant son origine dans les causes subjectives, peut souvent
aussi s’opposer au pur principe déterminant objectif, et a
besoin par suite. comme contrainte morale, d'une résistance
de la raison pratique qui peut étre appelée une coercition
intérieure. mais intellectuelle. Dans l'intelligence toute-suffi-
sante, I'e arbitre » est représenté a bon droit comme inca-
pable d'aucune maxime qui ne pourrait étre objectivement
aussi une loi, et le concept de sainteté qui, pour cette raison,
lui convient, ne la met pas. il est vrai. au-dessus de toutes
les lois pratiques, mais du moins au-dessus de toutes les lors
pratiquement restrictives, par suite au-dessus de l'obligation
et du devoir. Certe sainteté de fa volonté est néanmoins
une idée pratique qui doit nécessairement servir de pro-
totype ; et fa seule chase qui convienne a tous les écres finis
Taisonnables consiste a s’en rapprocher 4 Vinfini: et ¢ ‘est
cette idée que la pure loi morale. elle-méme appelée sainre
Pour cela, leur met constamment et correctement sous let
yeux; dere sir du progressus a l'infini de ses maximes €t
leur constance invariable 4 toujours progresser. autrement6 Notions déthique - Kant
dit de la vertu, est ce qu'une raison pratique finie Peut
produire de plus haut; cette vertu meme, a son tour, du
moins comme faculté naturellement acquise. ne peut jamais
dere achevée, parce que, en pareil cas, assurance ne devient
jamais certitude apodictique et que, comme conviction, elie
est trés dangereuse.
ge
THEOREME IV
Loutonomie de la volonté est l'unique principe de toutes
les lois morales et des devoirs conformes a ces lois: au
contraire, toute hétéronomie de I'« arbitre » non seulement
ne fonde aucune obligation, mais s‘oppose plutét au principe
de l'obligation et a la moralité de la volonté. C'est en effet
dans l'indépendance a I'égard de toute matiére de la loi
(cest-a-dire 4 l'égard d'un objet désiré) et pourtant, en
méme temps, dans la détermination de I«arbitre» par la
simple forme législatrice universelle, dont une maxime doit
étre capable, que consiste I'unique principe de la moralité.
Or, cette indépendance est la liberté au sens négatif, alors
que cette Kegisiation propre de la raison pure et comme telle
Pratique est fa liberté au sens positif. La loi morale n’ex-
Prime donc pas autre chose que l'autonomie de la raison
pure pratique, c’est-a-dire de la liberté, et celle-ci est méme
a condition formelle de toutes les maximes, condition 4
laquelle seule celles-ci peuvent s'accorder avec la loi pr
Uque supréme. Si donc la maniére du vouloir, qui ne peu!
étre autre chose que l'objet d'un désir lié a la loi, penetre
Gans la loi pratique comme condition de la possibilté de cette
Wo cele devient hétéronomie de I«arbitre », clest-a-dire
dépendance a l'égard de la Joi naturelle qui contraint d&Crioque de ta
arson provque 9
suivre une impulsion ou une inclination
la volonté ne se donne pas elle-mame
le précepte de suivre, en faisant Usage
pathologiques. Toutefois, la maxime qu
inelure en soi la forme universellement legsaerce
seulement ne fonde de cette maniére aucune cblgavon
mais s'oppose méme au principe d'une raison pure prauque.
et par suite aussi a lintention morale, quand bien meme
Vaction qui en dérive serait conforme 4 la loi.
quelconque : et alors
{2 Joi, mais seulement
de la raison, des lois
"Ne peut jamais ainsi
Scolie 1
ne faut donc jamais compter comme loi pratique un
précepte pratique comportant une condition materielle
(empirique par conséquent). Car la loi de la volonté pure,
qui est libre, place cette volonté dans une tout autre
sphére que la sphére empirique. et la nécessite quielle
exprime, puisqu'elle ne doit pas étre une nécessité de la
nature, ne peut donc consister que dans les conditions
formelles de la possibilité d'une loi en général. Toute matiére
de régles pratiques repose toujours sur des conditions sub-
jectives, qui ne tui conférent pas d'autre universalité pour
des étres raisonnables que l'universalité conditionnee (au
cas ot je désire ceci ou cela, ce que je dois alors faire pour
le réaliser), et elles cournent toutes ensemble autour du
Principe du bonheur personnel. Il est certes indéniable que
tout vouloir doit aussi avoir un objet, par consequent une
Mmatiére ; mais cette matiére n'est pas pour autant le principe
déterminant et la condition de la maxime, car, si ele est
elle ne peut étre présentée dans une forme uuniversellement
légistatrice, parce que alors l'attente de existence de objet
serait la cause déterminante de l«arbitre». et il fau «
fonder le vouloir sur la dépendance de la faculté de on
a l'égard de l'existence d'une chose quelconque.Notions d’éthique - Kant
68
dance qui ne peut étre cherchée que dans des Condit,
empiriques et qui, par suite, ne peut Jamais fournp te fey,
dement d'une régle nécessaire et universelle. Ains, j, ,°"
heur d'autres individus que nous pourra étre Vobjer de,
volonté d'un étre raisonnable. Toutefois, sil constituar
principe déterminant de la maxime, il faudrait SupPoser .
nous trouvons dans le bien-etre d autrui non seulement n
plaisir naturel, mais encore un besoin, comme la disposttiog
a la sympathie en entraine chez certaines personnes, Once
besoin, je ne puis le supposer dans tous les étres raison,
nables (et en Dieu aucunement). Ainsi, la matiére de b
maxime peut certes subsister, mais elle ne doit pas en are
la condition, autrement cette maxime n’aurait pas la qualité
requise pour étre une loi. Done, la simple forme d'une lo,
qui limite la matiére doit étre en méme temps une raison
pour ajouter cette matiére a la volonté, mais non pour 4
présupposer. Que la matiére soit, par exemple, mon propre
bonheur. Si 'actribue cette matiére a chacun (comme je
puis effectivement le faire pour des étres finis), elle ne peut
devenir une loi pratique objective que si j'y comprends auss
le bonheur d’autrui. Ainsi la loi qui ordonne de favoriser le
bonheur d’autrui ne provient pas de la présupposition que
est ld un objet pour I'«arbitre » de chacun, mais seulement
de ceci, que la forme de I'universalité, condition nécessaire
a la raison pour donner 4 une maxime de I’'amour de soil
valeur objective d'une loi, devient le principe déterminant
de la volonté; par conséquent, l'objet (le bonheur dautru)
était pas le principe déterminant de la volonté pure, mas
seule létait la simple forme légale par laquelle je limitais ™
maxime fondée sur l'inclination, pour lui donner le caracte®
universel d'une loi et la rendre ainsi conforme a la raise”
ading e De cette limitation seule, et nullemer
concept de ta mobile extérieur, pouvait résulter ensu! -
de soi au booeenon d'étendre aussi la maxime de 3
eur d'autrui,Crttique de ta rason prouque
69
Scole I
le conflit entre des régies em
qu'on voudrait pourtant élever
saires de la connaissance,
piriquement conditionnées
au rang de principes néces-
; mais d'ordre pratique, et il rui-
Nerait complétement ta moralité si la voix de la raison n’était
pas, a l’égard de la volonté, tellement claire, tellement impos-
sible 4 couvrir, et, méme pour homme le plus vulgare,
tellement perceptible.
[..-] Le principe du bonheur peut, certes, fournir des
maximes, mais jamais de celles qui pourraient servir de lois
a la volonté, méme si l'on prenait pour objet le bonheur
universel. Car, puisque la connaissance de celui-ci ne repose
que sur des données d’expérience, que tout jugement 4 ce
sujet dépend essentiellement de ‘opinion de chacun, elle-
méme d'ailleurs fort variable, on peut bien en tirer des régies
générales, mais jamais des régles universelles, autrement dit
on peut en tirer des régles qui, en moyenne, conviennent le
plus souvent, mais non des régies qui doivent étre valables
en tout temps et nécessairement; on ne peut donc fonder
Sur cette connaissance aucune foi pratique. Précisément,
parce que Ici un objet de Vearbitre» doit servir ew
dement a la ragle de cet «arbitre» et qu'il or eu
précéder, celle-ci ne peut se rapporter & aurre sone an ne
€e que l'on aprouve, 4 l'expériencé em ers dans le
peut se fonder que sur ee. mene prescrit donc pas
jugement doit atre infinie. Ce principe70 Notions d’éthique - Kant
a cous les étres raisonnables exactement les mémes Teple,
pratiques. encore qu’elles soient comprises sous une com
mune rubrique, celle du bonheur. Mais la loi morale jy,"
congue comme objectivement nécessaire que parce Welle
doit valoir pour toute personne douée de raison a de
volonté. .
La maxime de l'amour de soi (la prudence) ne fair que
conseiller, la loi de la moralité ordonne. Or il y a une Brande
difference entre ce que l'on nous conseille et ce a quoi Nous
sommes obligés.
Ce qu'il y a faire d'aprés le principe de l'autonomie de
l'e«arbitre», c'esc ce que l'entendement le plus commun
discerne trés aisément et sans hésitation; ce qu'il yaa faire,
lorsqu’on présuppose 'hétéronomie de I'« arbitre », est dit.
ficile a discerner et exige la connaissance du monde; autre.
ment dit, ce en quoi le devoir consiste se présente de
soi-méme a chacun; mais ce qui procure un avantage vrai et
durable est toujours, si cet avantage doit s’étendre a I'exis.
tence entiére, enveloppé d'une obscurité impénétrable er
requiert une grande prudence, ne serait-ce que pour adap-
ter aux fins de la vie d'une fagon supportable, par d'habiles
exceptions, la régle pratique érigée dans ce but. Cependant,
la loi morale commande 4 tous, et elle exige l’obéissance la
plus ponctuelle. Juger de ce qu'il faut faire d’aprés cette loi
ne doit donc pas offrir une difficulté telle que I'entendement
le plus commun et le moins exercé ne sache s’en tirer.
méme sans aucune expérience du monde.
Satisfaire au commandement catégorique de la moralité
est en tout temps au pouvoir de chacun; satisfaire au prée-
cepte empiriquement conditionné du bonheur n'est possible
que rarement, et méme pas pour tous, tant s’en faut ne
serait-ce que par rapport a une seule fin. La cause en est
que, dans le premier cas, ce qui seul importe est la maxime.
qui doit étre authentique et pure, alors que, dans le second.
les forces aussi importent, ainsi que le pouvoir physique
'
i
'Critique de la raison Pratigue
pour réaliser l'objet que "
ordonnant a chacun de cherchersn, Us commandement
une sottise; (ar on nordonne iamay et heureux serat
veut déja inévitablement de tuiméme i velqu'un ce quit
ordonner les lignes de conduite ou, puten strat Me Mt
parce quill ne peut pas tout ce grey nt Proposer.
ordonner la moralité sor went
raisonnable,
Au cont
us le nom traire,
car tou le monde de devoir est tour a fan
an . Consent pas volont
obéir a ses préceptes, quand elle est en confi ese
inclinations; et, quant aux mesures a Prendr whe
dont on peut obéir a certe loi, on n'a pas a len om tf Facon
ar ce qu'un homme veut a cet égard, il le peut au: eric
[..-] Plus subtile encore, quoique tout rust ten
", 5 Se, est
Vallégation de ceux qui admettent un certain sens moral
Particulier par lequel. et non par fa raison, serait détermi-
née la loi morale, allégation Selon laquelle fa conscience de
la verw se ratracherait immédiatement au contentement et
au plaisir, et la conscience du vice a linquiétude de I'ime et
& la douleur, ramenant tout, en somme, a Vexigence de
bonheur personnel. Sans reprendre ce quia été dit ci-dessus,
je reléverai seulement Illusion qui se produit en ce cas.
Pour se représenter I'individu vicieux comme accablé din-
quiétude par la conscience de ses fautes, ceux qui soutien-
nent cette opinion doivent nécessairement se le représenter
déja par avance, d'aprés le fond essentiel de son caractere.
comme étant moralement bon. au moins en quelque degré.
de méme qu'ils doivent se représenter par avance celui que
réjouit la conscience d'actions accomplies conformement
au devoir comme étant vertueux. Ainsi, le concept de fa
moralité et du devoir devait bien nécessairement précéder
toute considération de contentement, et nen peut nullement
atre dérivé. Mais il faut d'abord apprécier Fimpormancs
i Tautorite de la foi morale, et
ce que nous nommons devoir. .
. . fare a la personne. a ses propres
la valeur immeédiate que contere sentir le conten
yeux, l'observation de cette foi, pour res:a
Notions d'éthique Kant
n
Pun con
In conscience ape
que donne |
ee eh ia tol ot Farmertuine du remordy quand ony
conform fraction A fa fol OWN pout dese 24
pay
rocher une inf
ve co contenternent ou cette Inquidtucle ¢q Ung
re , 4
avant d'avoir connaissance do lobligation, ot oy fan |,
cette dernitre, W faut se trouve: tou
fondemen evar de I'honnéteté pour pouvoir seule
se représenter ces sentiments. Je ne conteste pas ci, tou,
d'autre part, que, de méme que. grace ala liberté, ta Voloneg
humaine est immédiatement determinable Par la loi Morale
il ne solt également possible que l'exercice fréquent op
conformité avec ce principe déterminant engendre 4 jy fin
subjectivement un sentiment de contentement de SOi-méme,
bien plus, il appartient méme au devoir de fonder er y
cultiver ce sentiment, qui mérite finalement seul d'etre
appelé sentiment moral: mais le concept du devoir ne say,
rait en @tre tiré; autrement, nous devrions nous repre.
senter le sentiment d'une loi comme telle, et faire de ce qu
ne peut étre pensé que par la raison un objet de sentimen,
ce qui, méme en admetrant qu'il n'y ait pas lA pure et simple
contradiction, reviendrait 4 supprimer complétement tou,
concept de devoir, pour le remplacer par un simple jeu
mécanique de penchants délicats entrant parfois en confit
avec des penchants grossiers.
Phy