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Laurence Body

LE LIVRE BLANC DE
L’EXPÉRIENCE
CLIENT VOL. 1

Janvier 2017

Le livre blanc de l’Expérience Client 2


Nos méthodologies

Les méthodologies que nous proposons sont issues de l’ethnographie et du


Pour faire face au défi que représente le basculement de nos économies design de services et donnent une large part à la dimension émotionnelle de
industrielles vers une économie plus centrée sur l’usage, la fonctionnalité et la consommation. Les outils du design de services ont ceci d’intéressant qu’ils
le partage, il est plus que jamais nécessaire d’innover pour concevoir les futurs sont très différents de ceux du marketeur, car au lieu d’anticiper les choix des
services, systèmes et expériences de demain. En allant au delà de la simple prise clients sur la base d’évaluations entre les performances des produits en lien
en compte des besoins et des attentes pour des produits ou des services, avec leurs attentes - ce que sont censées faire les études -, ils s’intéressent aux
l'Expérience Client permet d'aller plus loin encore que l'approche marketing / processus qui aboutissent à ces choix, aux évènements et aux activités qui en
études classique car elle intègre l'ensemble des dimensions qui jalonnent le font partie, en un mot : à l’expérience du client dans ce qu’elle a de holistique
parcours client : sociale, sensorielle, comportementale, émotionnelle, et de complexe.
relationnelle et cognitive.
De plus, ils ont en commun de favoriser une approche qui met l’individu au
Le temps où la marque se contentait de faire des promesses sans se coeur de la démarche de création, ce qui nécessite une compréhension
préoccuper de les tenir est bel et bien révolu : notre mission est de vous réelle de celui-ci, au delà des statistiques et de l’analyse empirique de ses
permettre de réduire l’écart entre la promesse de marque et la perception besoins. Dans l’approche marketing classique, attentes client et performances
de l’expérience vécue par les clients utilisateurs, de vous aider à livrer des produits sont limitées à leur dimension fonctionnelle alors que la satisfaction,
services qui soient sources de plaisir et qui enrichissent la vie des gens. celle qui fidélise, prend naissance dans les dimensions expérientielles du
service : comment le service agit sur le ressenti du consommateur, comment il
La multiplicité des canaux d’accès à la marque sont autant d’occasions facilite sa vie quotidienne. Pour développer une connaissance approfondie et
d’interaction avec le client mais paradoxalement aussi sources de complexité : authentique du client, il est indispensable de se mettre dans ses chaussures
notre but est de vous aider à simplifier et fluidifier l’expérience client pour et de placer l’expérience individuelle dans un contexte plus large.
qu’elle facilite les relations et favorise le bouche à oreille positif.
Si l’expérience client est une discipline à la croisée du management, du
Nul n’a envie d’être frustré ou en colère quand il prend les transports, ou marketing, de la psychologie et du design, elle est avant tout un cadre
utilise son téléphone, or le quotidien est rempli de cette multitude de micro opérationnel qui permet de mettre les clients au centre de chaque action
désagréments qui, additionnés les uns aux autres, nous assombrissent à notre de l’entreprise. Pour manager l’expérience client et la déployer dans
insu : notre savoir-faire est la mise en oeuvre de pilotes pour co concevoir l’organisation, nous avons créé un modèle en 7 étapes : le modèle des 7C pour
en équipe et dans le détail (services, systèmes, process, interfaces, kpi's) les innover et piloter l’expérience client.
expériences qui enchanteront vos clients et vos collaborateurs.
1. Capter les enjeux
Nous croyons qu’en ayant une meilleure compréhension de vos clients et de 2. Comprendre les clients et les collaborateurs
leurs attentes et besoins non exprimés, vous accéderez à un niveau d’intimité 3. Co concevoir l’expérience client
et de transparence qui feront de votre marque une marque digne de confiance.
4. Connecter à la stratégie
5. Collaborer pour déployer l’expérience client
6. Chiffrer la performance
X+M innove par l’expérience client depuis 2012. 7. Changer

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Notre façon de travailler L’expérience client, pourquoi maintenant ?

En général, les démarches d’innovation commencent par l’identification d’une En dépit du fait qu’on en parle de plus en plus, l’expérience client a du mal à
franchir le pas et à passer à l’action. Pourquoi ? J’échangeais récemment avec un
problématique dont la résolution intègre les besoins de la cible pour faire
spécialiste et fin connaisseur du secteur des services en France qui m’avouait
ensuite marche arrière lorsqu’ils sont confrontés aux contraintes internes de que les entreprises ne savaient pas par où commencer, qu’elles étaient
l’entreprise. Pourquoi ? Parce que les approches traditionnelles génèrent paralysées par l’ampleur de la tâche. S’il est vrai que la peur n’évite pas le
beaucoup d’idées qui ne prennent pas en compte les contraintes danger, il y a quand même urgence à agir pour ne pas figurer sur la liste des
opérationnelles, la capacité des équipes à les exécuter, ou la viabilité
entreprises qui auront disparu dans 10 ans.
commerciale du projet. Nous pensons qu’il faut combiner les deux points de
vue - celui du client et celui de l’entreprise, à partir d’une compréhension Vous pensez que j’exagère ? Quelques chiffres pour vous convaincre du
approfondie des besoins - pour dépasser le cadre de la problématique et contraire. Prenons l’exemple de la banque : une forteresse réputée imprenable
donner du sens au projet. du fait du poids réglementaire et des barrières à l’entrée. Aux USA et au
Royaume-Uni, les plateformes de financement participatif entre particuliers
Une autre de nos différences par rapport aux démarches classiques, c’est que ont prêté 17 milliard de dollars en 2106, soit autant qu’au cours de leurs 7
nous nous autorisons la posture du « Et si ? » (What if ?), qui nous ouvre le années d’existence. Avec ses 65 millions d’abonnées, Netflix, a 4 fois plus de
champ des possibles et laisse place à la sérendipité. Notre équipe intègre trois clients que le leader historique Comcast, Whatsapp n’en finit pas de faire
compétences clés : marketing, design et management qui travaillent main perdre de l’argent aux géants de la téléphonie… sans parler de Airbnb, Tesla,
dans la main depuis les phases amont jusqu’à la livraison. Nous pensons qu’en Uber… La liste est longue des nouveaux joueurs qui changent les codes et
mariant les compétences stratégiques d’un consultant en management de accélèrent l’adoption de nouveaux usages par la mise en oeuvre d’une
l’expérience client, celles d’un spécialiste des sciences du consommateur et les expérience client hors pair.
autres d’une équipe de designers de grand talent nous réalisons la synthèse
idéale entre cerveau droit et cerveau gauche pour résoudre de manière Vous pensez que ca n’est pas pour vous ? Que vous êtes à l’abri, qu’il y a une
structurée et rapide les problématiques qui nous sont confiées. exception française ? Si exception il y a, c’est à notre médiocrité que nous la
devons : à part Amazon, aucune entreprise n’apparait sur le radar du Cxi
Nos clients (Customer Experience Index), là où dans d’autres pays plus matures une
entreprise sur 5 est jugée bonne voire excellente sur le sujet. Alors
qu’attendons-nous ?
ING Direct SNCF
Securitas Depuis 5 ans que j’ai créé X+M, je n’ai eu de cesse d’évangéliser, d’animer des
Cofidis
conférences, d’écrire… Mon livre « L’expérience client » paru chez Eyrolles en
Dessange International Val Thorens
2015 a déjà été adopté par des entreprises leaders. Pour avancer dans cette
Groupe La Poste RATP
voie, voici le volume 1 du Livre blanc de l’expérience client dans lequel vous
Leroy Merlin Cetelem trouverez les meilleurs articles de mon blog pour vous initier, challenger vos
Monoprix La Banque Postale connaissances ou plus simplement diffuser autour de vous.
Mobivia Groupe American Express
Orange Decathlon L’expérience client n’est pas une mode, c’est un mouvement !
Castorama Ile de la Réunion Alors allons-y ! 

Groupe Chantelle Groupe Yak et Yéti
Chanel Joaillerie

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SOMMAIRE 1. LES GRANDS PRINCIPES

Par où on commence ?
1. LES GRANDS PRINCIPES 8
Par où on commence ? 8
Je perçois donc je suis 12
L’expérience client : business as unusual 14
L’engagement, la nouvelle frontière de la relation client 17
Stop thinking, start doing 22
Éloge de la simplicité 25
De l’importance de la mémoire 28
Des émotions à l’expérience client 32
L’enchantement client, arme ultime de différenciation 36
Les services excellents ne font pas (systématiquement) les Je souhaite partager avec vous les préoccupations de tous ceux qui viennent de
clients enchantés 39 prendre en charge l'expérience client dans leur entreprise et qui se posent la
question - angoissante pour certains - : « Par où je commence ? ». Je vois déjà
2. MÉTHODES ET OUTILS 42 les vieux briscards du sujet - et il n'y en pas tant que ça - esquisser un sourire :
rassurez vous, ils se la posaient il n'y a pas si longtemps.
Parcours client, mode d’emploi 42
Les « 7C » ou la stratégie en action 45 Alors pour démarrer sereinement dans votre nouveau rôle, voici mes 10 conseils
pour mettre en place une démarche expérience client et organiser son
Capter les enjeux 49 pilotage.
Comprendre les clients et les collaborateurs 52
1. Allez sur le terrain et vivez l'expérience des clients et des collaborateurs :
BONUS - Une société en quête d’émotions 55 c'est la première chose à faire ! Enfilez vos baskets, prenez un appareil photo, un
carnet de notes et quelques stylos et plongez vous dans le quotidien des
opérations. Achetez en ligne, in store, annulez, retournez, réclamez, parlez avec les
collaborateurs en front, allez chez vos clients voir comment ils utilisent vos
services ... en un mot «  crash testez » vos offres et voyez ce qui se passe. Rien
de tel pour prendre le pouls de ce qui va bien et moins bien. On ne se fait
vraiment son opinion que lorsqu'on est confronté à la réalité : d'ailleurs
l'étymologie du mot expérience n'est elle pas : «  connaissance acquise par le
vécu » ?

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2. Faites un état des lieux de la maturité expérience client : pour savoir d'où on tel qu'un solide bagage culturel pour cela. Lisez des livres, visitez des blogs,
part ! Fort de votre expérience terrain, vous allez vous rendre compte à quel inscrivez-vous à des groupes sur LinkedIn... Mieux, rencontrez vos pairs et
degré la culture client est présente dans votre organisation, et où. Le plus partagez sur vos enjeux et préoccupations. Cela dit, on ne vous demande pas
souvent, on se rend compte que dans les entreprises «  orientées client  », les d'être un expert mais de saisir la réalité de votre nouvelle fonction et de
collaborateurs au contact sont très sensibilisés aux problématiques clients, mais l'incarner avec enthousiasme et à propos.
que plus on s'éloigne vers les fonctions back office, plus cette sensibilité disparait
pour laisser la place aux process et aux règles qui entravent l'expérience. 7. Partagez votre nouveau savoir : la connaissance du client et de ses enjeux ! Il
Complétez par un autodiagnostic et échangez sur les résultats. L'expérience faut rendre concret ce qui est parfois perçu comme vague et flou. L'expérience
client est l'affaire de tous ! C'est un changement de paradigme qui nécessite que client est encore un sujet nouveau qui n'a pas que des adeptes. Certains tiennent
tout le monde partage sa culture quel que soit son rôle. dur comme fer à leurs prérogatives : vous devez les convaincre qu'on a besoin de
tout le monde et que votre rôle n'est pas de leur enlever du boulot mais de
3. Embarquez le Comité de Direction dans la démarche : l'expérience client est mieux coordonner les actions et de faire en sorte que les services se parlent
un sujet stratégique ! Si votre CEO n'y croit pas, vous n'irez pas loin ! Et là on ne davantage pour le bien du client. Faites vous aider par un conférencier pour faire
parle pas de la banale «  orientation client  », on va beaucoup plus loin. Si vous passer les messages clés et inspirer avec des exemples marquants.
voulez engager les clients et les collaborateurs, il faut que le patron s'engage aussi.
C'est une question de courage et de conviction car une fois que vous aurez 8. Construisez votre feuille de route : à court terme ! Pas de blabla mais des
commencé, il n'y aura pas de retour en arrière possible : l'expérience client ça ne actes, pas de planification mais des problématiques client a adresser plus ou
vient pas en claquant des doigts. Pour paraphraser Jeff Bezos, «  Ça n'est pas un moins rapidement. Si l'expérience client s'installe dans le long terme, il n'en
projet, c'est un chemin  ». Pour symboliser cet engagement, vous pouvez faire demeure pas moins qu'elle démarre petit et par itérations successives. On
comme Air France qui a installé la chaise du client à la table du Comité Exécutif : commence par des projets portés par un Comité de pilotage et une fois qu'ils
chaque réunion commence par un sujet client. sont menés à leur terme, on passe à l'implémentation avec une gouvernance
pérène ... Il s'agit d'avoir un fonctionnement agile dans un premier temps et de
4. Cartographiez le parcours client : ça devient sérieux ! En fait l'idéal est de se faire passer l'idée qu'on va aussi changer de façon de travailler. Business as
faire la main sur un petit périmètre : octroi - s'il s'agit d'un organisme de crédit -, unusual !
sav - pour un distributeur d’électroménager -, assistance technique - pour un
fournisseur d'accès internet … Choisissez de préférence un sujet qui ne fâche 9. Apprenez de ces expériences : c'est LA nouvelle compétence que vous allez
pas trop et où les gains - victoires rapides - peuvent être spectaculaires. L'idée acquérir ! Et communiquez, partagez sur vos succès et vos échecs. Faites de
c'est de convaincre par la preuve : vous allez devoir évangéliser à l'interne sur l'expérience client la nouvelle culture de l'entreprise, pratique et basée sur
l'importance de l'expérience client, autant le faire avec un business case l'action avant d'entamer l'étape suivante d'implémentation et de transformation.
exemplaire. En général, avec le parcours client se pose la question du comment ? On commence par améliorer ce qui ne va pas et on poursuit par l'innovation, le
Workshops internes ? Avec ou sans clients ? Quels collaborateurs impliquer ? redesign de l'expérience. Allez y pas-à-pas : Rome ne s'est pas faite en un jour ! Si
Pour vos débuts, ne faites pas trop compliqué : 3 workshops suffisent. Mixez les vous rêvez grand, il faut commencer petit !
profils et les niveaux hiérarchiques et surtout ne recrutez que des gens positifs,
qui ont envie que ça marche. Pas de grincheux, ni de taiseux … 10. Soyez optimiste : et faites confiance aux méthodes et aux outils ! Le meilleur
moyen de se perdre c'est d'avoir l’oeil rivé sur le ROI. Soyez sans crainte, si vous
5. Collectez l'information et renseignez votre cartographie avec votre équipe pratiquez l'expérience client comme un sport de compétition, les résultats
projet ! C'est l'occasion de faire le point sur tout ce qui est disponible aux suivront. C'est prouvé !
Etudes, au Marketing, au Service Client ... Ce que vous avez collecté sur le terrain
est aussi important. Votre premier chantier sera de structurer la Voix du Client,
alors autant mettre les mains dedans rapidement. Pensez également à
l'information non structurée (verbatims) et non sollicitée (réseaux sociaux). Cet article a été publié le 06/09/2016… et a été lu 5 000 fois
N'oubliez pas non plus de recenser toutes les initiatives en cours, les petites
comme les plus ambitieuses. Et admirez le résultat ! Ce premier livrable est un
bel objet qui ne laisse pas indifférent.

6. Documentez-vous sur le sujet : la théorie c'est aussi important ! Puisque vous


êtes le référent expérience client, vous devez acquérir une légitimité et rien de

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En résumé : Je perçois donc je suis
Si vous ne savez pas comment adopter une approche expérience client,
suivez le guide et appliquez ces dix conseils :
1. Allez sur le terrain et vivez l'expérience des clients et des
collaborateurs
2. Faites un état des lieux de la maturité expérience client
3. Embarquez votre Comité de Direction dans la démarche
4. Cartographiez le parcours client
5. Collectez l'information et renseignez votre cartographie
6. Documentez-vous sur le sujet
7. Partagez votre nouveau savoir
8. Construisez votre feuille de route
9. Apprenez de ces expériences
10. Soyez optimiste : et faites confiance aux méthodes et aux outils

En bousculant l’ancien paradigme cognitiviste centré sur la raison («  je pense


donc je suis  »), le nouveau paradigme «  je percois donc je suis  » consacre le
primat des émotions sur la rationalité supposée des comportements et impose
un nouvel ordre : la perception EST la réalité.

La supériorité de l’expérience par rapport au service réside dans sa nature


profondément humaine et son caractère émotionnel. Dire à son propos qu’elle est
« centrée sur le client » ne lui rend pas justice, disons plutot qu’elle est « inspirée par
l’humain ». Le revers de la médaille est que cela la rend très subjective : on n’évalue
pas une expérience comme on évalue un service. De fait, il existe autant
d’expériences que d’individus les ayant vécues. Pourquoi ? La réponse est dans sa
définition - «  l’expérience client est l’ensemble des interactions perçues par le
client  » - et pose la question de la perception et de son rôle dans le processus de
décision. Par exemple, lorsque nous faisons nos courses, notre perception filtre et
simplifie les informations qui proviennent de l’environnement physique (plus ou
moins bruyant, chaud ou froid, bien éclairé ou sombre …) par le biais des sensations
(visuelles, olfactives, tactiles, kinesthésiques, auditives, gustatives).

Notre mémoire ayant déjà en stock d’autres informations collectées à l’occasion


d’expériences passées (et pas nécessairement dans les mêmes lieux) va en plus les
associer à des éléments de contexte dans lequel ces sensations ont déjà été
éprouvées. Si la dernière fois que vous êtes allé dans un supermarché vous avez
échangé avec un vendeur particulièrement aimable, ou vous avez appris que vous
étiez reçu à un examen, votre perception du lieu va être plus positive qu’elle aurait
été en l’absence de ces souvenirs associés. Et comme nous avons tendance à vouloir
revivre les expériences qui nous ont procuré du plaisir, naturellement nous allons

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revenir dans ce magasin : le secret de la fidélité est là. D’où l’intérêt de renforcer les
associations positives par la création de situations susceptibles de déclencher des L’expérience client : business as unusual
émotions : surprise, joie, enchantement, excitation…

Revenons à la mémoire : si le but du service est de créer de la satisfaction, celui de


l’expérience est de créer des souvenirs. En quoi est-ce important ? Cela permet de
se concentrer sur l’impact émotionnel de l’expérience et non pas sur sa dimension
objective et rationnelle. Une expérience émotionnelle (positive ou négative) est plus
susceptible de laisser une trace dans la mémoire qu’une expérience excellente du
point de vue de la qualité de service. Contrairement au service, une bonne
expérience n’est pas nécessairement parfaite : au contraire, elle doit contenir des
aspérités tout en adressant le besoin qu’a la perception de trouver la « bonne forme
», c’est à dire une représentation la plus juste et la plus complète possible. N’avez
vous pas remarqué que même quand l’expérience est parfaite, c’est le détail qui «
cloche » que vous allez retenir ? La congruence des signaux est essentielle, de même
que le caractère holistique de l’expérience : la perception ne « saucissonne » pas le
jugement pour chacun des processus, elle évalue l’intégralité de l’expérience, du
début à la fin. D’où l’importance du NPS « end to end » vs les NPS transactionnels
qui donnent une impression plus positive de l’expérience qu’elle n’est en réalité.

Cet article a été publié le 13/11/2016… et a été lu 1 020 fois Dans notre environnement complexe, les grilles de lecture classiques basées
sur l’analyse du passé ne fonctionnent plus. Difficile également d’en
comprendre les enjeux tant ils ne cessent de changer, modifiant ainsi les règles
En résumé : et le champ de ce qui est possible et probable. Les études marketing autrefois
si précieuses pour prédire les comportements sont devenues inopérantes : on
- Cela ne sert à rien d’attendre de vos clients qu’ils expriment les n’achète plus un service ou un produit mais la solution à un problème, la
émotions que vous avez prévues pour eux et qu’ils agissent en réponse à une frustration.
conséquence, les modèles comportementaux de type stimulus / réponse
ne fonctionnent plus Au milieu de toute cette confusion, nous n’avons qu’une certitude : plus rien ne
- Pour réduire l’écart entre la promesse de marque et la perception de sera comme avant. Il est arrivé le temps du « business as unusual », où
l’expérience vécue par le client, vous devez concevoir l’expérience depuis l’innovateur est en première ligne pour révéler de nouvelles opportunités de
le point de vue du client développement qui vont plus loin que les produits ou services « me too » et
- La mesure aussi est personnelle et subjective : le CES qui évalue la qui prennent enfin le consommateur/utilisateur au sérieux. Pour Pine et
perception de l’effort et le NPS qui s’appuie sur la mémoire pour Gilmore (1999), nous sommes entrés dans l’économie d’expérience, une
recommander… ou pas nouvelle ère aussi différente de l’économie de service que celle-ci l’était de
l’économie de production. Dans cette économie se sont déjà imposés des
acteurs comme Uber, Apple, Tesla, Starbucks,Virgin Atlantic, Amazon, Ikea …

L’expérience client est ce nouveau paradigme qui remplace le marketing et


l’analyse concurrentielle dans la création de valeur et permet de dépasser le
cadre limité de la relation client pour prendre en compte celui plus large de
l’organisation et de l’écosystème. Mais sa qualité principale réside dans sa
dimension profondément humaine et sa capacité à livrer des expériences
différenciées sources d’émotions. En tant que démarche, elle est

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particulièrement intéressante pour les organisations en cours de
transformation digitale, et pour les start ups qui ont compris que l’usage est au En résumé :
cœur de la conception d’une expérience de service. L’économie est en plein bouleversement et les grilles d’analyse classiques
ne s’appliquent plus à notre environnement complexe et mouvant.
Parce qu’elle s’autorise à voir plus grand, l’expérience client inclut dans son L’expérience client est le nouveau paradigme qui remplace le
périmètre des acteurs variés qui interagissent entre eux à l’occasion d’activités marketing et les études concurrentielles pour permettre de se
qui se déroulent dans le temps : Uber n’a pas seulement une activité de VTC différencier de manière pérenne. Plutôt que de s’intéresser au quoi ? et au
mais assure aussi un service de livraison de repas pour le compte de combien?, l’expérience client fait émerger le comment et le pourquoi,
restaurants de quartier (Uber Eats), de sapins de Noël pour Treezmas … permettant ainsi d’aller au delà des silos et de se concentrer sur l’usage,
c’est à dire la valeur que retire le client de la consommation d’un produit
services qui ont en commun de s’intégrer parfaitement dans le quotidien de la
ou d’un service. C’est en étudiant les usages en profondeur qu’on peut
vie des gens. Ce qui signifie que les pratiques en silos centrées sur la développer des services pertinents et délivrer des expériences
transaction sont révolues et qu’il faut désormais se concentrer sur l’usage, c’est mémorables et distinctives.
à dire la valeur que retire le client de la consommation d’un produit ou de
l’utilisation d’un service et des canaux proposés pour sa délivrance, du service
après vente, etc… et cela tout au long du parcours client et du cycle de vie
client.

La stratégie en action

En adoptant un regard extérieur centré sur les usages et la perception des


signaux émis par l’entreprise, l’expérience client s’appuie une connaissance fine
du vécu des gens et des motivations qui ont conduit à leurs choix. Là où le
marketing s’intéressait au quoi ? et au combien ?, l’expérience client se penche
sur le pourquoi ? le comment ?, c’est à dire aux conditions et aux moyens que
l’organisation met en œuvre pour concevoir et livrer une expérience qui
dépasse la traditionnelle satisfaction du client. Fondamentalement tournée vers
le terrain et les actions qui s’y déroulent, elle invite les parties prenantes -
collaborateurs en front, managers intermédiaires, fonctions support, back office
- à réinventer (voire réenchanter) l’expérience de service pour la rapprocher
des besoins exprimés et non exprimés des clients et des collaborateurs.

Et parce qu’elle permet d’en finir avec les pratiques de conception en silos et
les déploiements descendants, l’expérience client est aussi un moyen
d’accompagner le changement. Êtes-vous prêt ?

Cet article a été publié le 16/05/2016… et a été lu 310 fois

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L’engagement, la nouvelle frontière de la Pour survivre aujourd’hui dans cette économie, il est plus que jamais nécessaire
relation client de concevoir des expériences qui génèrent des liens émotionnels forts
sources de fidélisation et qui garantissent le réachat sur le long terme. Et je ne
parle pas de SBAM ou de SBRAM (le regard en plus) qui pour moi sont le
minimum attendu. Créer de l’engagement est d’autant plus crucial que le self
care se généralise pour les interactions à faible valeur - financière - ajoutée et
que la relation en face-à-face va devenir rare donc précieuse. Pour aller plus
loin que l’amélioration continue, voici les étapes du parcours client réinventées
pour générer des émotions et renforcer le lien source d’attachement.

1. Bienvenue chez vous

Le facteur humain est central : les gens - en général et pas seulement les clients
- réclament d’être considérés et reconnus en tant qu’individus, veulent sentir
qu’on les accueille et qu’on s’intéresse à eux et à leur vie. Derrière chaque
demande, il y a une histoire, une situation, une vie. Et le rôle des collaborateurs
n’est tant pas de vendre que d’entendre l’histoire et le besoin qui se cache
derrière de manière authentique et sincère. Quand je rentre dans une boutique
pour acheter le sac dont je rêve depuis des mois, qu’on me répond - avec le
Une récente etude publiée par Accenture révèle l’émergence d’une nouvelle sourire et très poliment – qu’il y a une liste d’attente et qu’on me laisse
économie qui a augmenté au rythme effréné de 26 % ces 4 dernières années et repartir comme ca, je me sens seule et misérable. Meme si le sujet est trivial -
dont la valeur est estimée à 6 milliards $ : c’est l’économie du “churn” ou de un sac à main … - j’en veux au vendeur de ne pas avoir pris la mesure de
l’attrition. Cette étude révèle aussi que les consommateurs n’ont jamais été l’importance qu’il avait pour moi. Aucune connection, rien : juste un échange
aussi peu fidèles et que 80% de ces transferts auraient pu être évités si les hyper professionnel mais désincarné là où j’attendais qu’on me donne l’espoir
insatisfactions avaient été traitées rapidement. Et je ne parle pas de toutes ces de voir ma demande enfin satisfaite, voire qu’on me fasse vivre une experience,
expériences fades et ordinaires qui ne nous donnent aucune raison valable de fusse-t-elle de refus mais qui me laisse un bon souvenir. Pour paraphraser la
nous attacher. Et pour ce qui est de la France, le taux de fidélité moyen a baissé célèbre maxime : «  la personne d’abord, le client ensuite  ». Exit les
de 4 points à 71% entre 2013 et 2014 : le décrochage est encore plus violent
collaborateurs qui offrent des réponses standardisées qui ne laissent aucune
quand c’est une expérience négative qui est à l’origine du départ (Source
Customer Expérience Lab.)
trace émotionnelle et qui n’engagent pas personnellement. Plus concrètement ,
voici quelques bonnes pratiques pour faire en sorte que les clients se sentent
A la lecture de ces chiffres, le moins que l’on puisse dire est que le gâchis est accueillis :
immense et on se demande comment on ose encore parler d’expérience client
quand la qualité de service est à ce point degradée. C’est malheureusement ce
- Être empathique et pratiquer l’écoute active pour identifier les motivations
qui arrive quand on rogne sur la relation client et qu’on taille dans les coûts : et déceler les émotions associées
les clients ne mettent pas longtemps à réaliser que l’expérience n’est plus aussi
- Faire de l’attente une expérience à part entière
bonne qu’avant, qu’on a fait des économies sur leur dos et ils le font payer
- Partager des sentiments personnels pour créer la confiance
(cher) par leur départ. J’ai en mémoire mes déboires récents à l’ouverture d’un
- Recommander des concurrents si le produit est en rupture de stock
compteur EDF où il a fallu que j’attende 24 heures - dans le froid et dans le
- Être curieux, montrer de l’intérêt mais sans être intrusif
noir - parce que n’avais pas fait ma demande à temps, c’est à dire dans les
- Anticiper les questions et agir comme on le ferait avec un ami
horaires d’ouverture du centre de relation client qui était innaccessible de
toutes façons, faute de conseillers en nombre suffisant pour absorder le flot 2. Nous en savons (beaucoup) plus que vous
des demandes.

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Aujourd’hui les clients sont devenus des experts hyper renseignés sur les disent long sur le peu d’importance qu’on accorde à notre point de vue.
produits et les services qu’ils achètent. Cela est encore plus vrai quand Quelques pistes pour préserver le niveau d’engagement en cas de situation
l’investissement est élevé ou l’implication forte. Ce qu’ils attendent n’est pas difficile :
tant qu’on réponde à leurs questions ordinaires mais qu’on les accompagne - Écouter les émotions négatives s’exprimer
dans une découverte approfondie du produit et qui ne peut s’obtenir que si le - Rassurer sur le fait qu’il y a une solution et proposer autre chose à la place
collaborateur est sincèrement intéressé par le sujet : maquillage, mode, - Être souple avec les règles et les process
littérature … qu’importe le domaine, vous trouverez toujours des gens - Autoriser les collaborateurs à prendre des décisions sans en réferrer à leur
passionnés prêts à travailler pour vous. hiérarchie (comme disposer d’un budget pour réparer suite à un problème)
- Présenter des excuses sincères
A l’instar des vendeurs de Apple ou de BMW qui ne sont pas objectivés sur les - Identifier les sujets pour lesquels on peut dire oui systématiquement
ventes, il s’agit d’engager les clients dans un échange autour du produit, de
l’histoire de la marque, de sa culture, de répondre à des questions complexes 4. Quand nous revoyons-nous ?
comme « Comment est-il fabriqué ? Où ? Par qui ? D’où viennent les matières
premières ? ». Derrière la recherche d’information se cache souvent une quête On parle souvent de l’importance de la première impression, de l’expérience
de vérité et de transparence et la réponse à une interrogation plus générale : d’accueil mais qu’en est-il de l’expérience de prise de congé ? La plupart du
cette marque mérite-t-elle ma confiance ? Il ne s’agit pas de transformer les temps, l’objectif de vente étant atteint, l’histoire s’arrête là. Mais le client lui,
collaborateurs en encyclopédies mais de leur faciliter l’accès à l’information aimerait bien être contacté pour d’autres occasions que son anniversaire ou la
pour satisfaire la curiosité du client. Une bonne occasion de prolonger la fête des pères ou des mères. Pensez à l’effet que peut avoir la petite carte
relation après qu’il ait quitté le point de vente. manuscrite qui remercie de la visite et qui rassure sur le fait qu’on est
disponible pour une autre demande ou un besoin quel qu’il soit. Tout le monde
Au coeur de cette tendance, le clienteling, une approche pas si nouvelle qui n’aime pas l’expérience Burberry, mais pour y avoir récemment acheté un
consiste à personnaliser à l’extrême le face-à-face en magasin. Grâce à la trench, je n’oublierai pas la carte de visite avec ses coordonnées que la
généralisation des outils CRM et la mise à disposition des collaborateurs de vendeuse m’a remise à l’issue de la vente. J’ai réellement eu le sentiment d’être
tablettes et de smartphones ces derniers ont les moyens d’en savoir plus que considérée. Contrairement aux campagnes d’emailings qui donnent l’impression
leurs clients. L’historique des achats étant facilement accessible, le vendeur peut que la marque s’intéresse davantage à pousser son programme relationnel qu’à
être proactif et proposer un parcours magasin ultra personnalisé : il est en créer un lien avec le client, le petit mot envoyé par courrier par le
première ligne pour créer un lien d’intimité susceptible d’encourager le client à collaborateur pour signaler une nouveauté, ou un arrêt prochain du produit a
fournir des informations additionnelles sur ses goûts, ses hobbies et ses un réel impact. Je n’oublierai jamais l’expérience que j’ai vécue quand Guerlain
préférences (beaucoup plus que sur un formulaire internet). a arrêté la gamme bain de mon parfum Jicky, que j’ai racontée sur mon blog.
C’est aussi un message que j’adresse à la marque qui m’a fabriqué un joli
3. Nous ne disons jamais “non” portefeuille sur mesure - et qui se reconnaitra - et qui a omis de me demander
depuis Noël comment se passait ma vie avec mon nouvel accessoire … J’en
Il y a tellement de façons de dire non ! Cela va du très populaire « je ne sais suis très satisfaite mais s’en soucie-t-elle vraiment ?
pas » à « je ne peux pas » en passant par le classique « je ne suis pas autorisé à Et vous qu’en pensez vous ? Que faites-vous pour engager vos clients et créer
le faire  » ou «  notre système ne le permet pas  ». On ne devrait jamais ce lien qui en ferait des fans ?
prononcer aucune de ces phrases ! Et pourtant, le fait de proposer des
alternatives au lieu de dire « non » permettrait de libérer le stress lié au refus
et laisserait suggérer au client qu’il a le contrôle de la situation. Quitte à lui Cet article a été publié le 14/03/2016… et a été lu 399 fois
proposer de vérifier chez un concurrent s’il dispose du produit.

D’une manière générale, chaque communication avec un client doit inviter à


une réponse. Pensez à l’effet désastreux qu’ont les emails auxquels on ne peut
pas répondre, ceux qui affichent « do not reply » dans leur intitulé : ils en

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En résumé :
La fidélité est en berne, et il est devenu indispensable de concevoir des Stop thinking, start doing
expériences mémorables, produisant un attachement émotionnel fort,
pour retenir ses clients sur le long terme. Voici quatre pistes à explorer
pour développer la fidélisation :
1. Considérer les clients comme des personnes avant d’y voir des
clients potentiels, soyez empathiques
2. Partir du principe que les clients sont extrêmement bien
renseignés : embauchez des passionés
3. Ne jamais dire « non » et proposez des solutions alternatives
4. Soigner l’expérience d’après-achat, elle est aussi importante que
celle d’achat

L’idée selon laquelle l’expérience client est bonne pour le business n’est
pas nouvelle : quand je fondais X+M et inaugurais ce blog en 2011, Joe
Pine et Jim Gilmore avaient déjà lancé le sujet en 1998 avec leur article
controversé “Welcome to the Experience Economy”. Depuis cette date,
elles ne sont pas si nombreuses les entreprises qui se sont engagées avec
le succès que l’on sait sur cette voie de l’enchantement : Apple, Amazon,
Netflix, Ikea, Disney, Airbnb, Uber, Starbucks, Virgin… quelques dizaines
tout au plus, là où la majorité a choisi le status quo de la banalité au
détriment de leurs clients. Alors que l’expérience client fait l’objet de
nombreuses publications et qu’elle s’invite dans toutes les conversations,
pourquoi ses pratiques sont-elles si peu répandues ? Pourquoi est-elle si
peu incarnée dans des actions sources de changement?

La raison principale tient au fait qu’elle n’est pas bien comprise : nous avons
tous entendu dire que l’expérience client était le nouveau territoire de
différenciation, le nouvel avantage concurrentiel … mais concrètement, que
font les entreprises pour la déployer ? Le plus souvent, les actions mises en
oeuvre s’inscrivent dans une stratégie d’excellence opérationnelle ce qui est un
bon début mais comporte l’inconvénient de limiter le sujet à la qualité de
service. Or nous nous le savons tous, la satisfaction ne suffit plus pour fidéliser.

L’autre raison est liée à l’organisation en silos des entreprises : telle fonction
ou département va s’approprier le sujet et repenser l’expérience de

Le livre blanc de l’Expérience Client 21 Le livre blanc de l’Expérience Client 22


remboursement, ou d’accueil, etc … Mais en matière d’expérience client, ça ne passé. À nouveau paradigme, nouvelles façons de faire. Et contrairement à
va bien que quand TOUT va bien et ça n’est pas parce qu’on a simplifié les ce qu’on pense, on peut décider d’être créatif. Si si, la créativité, ça se
intéractions sur tel point de contact ou réenchanté tel autre que l’on va livrer décide ! Pour vous en convaincre, vous pouvez lire l’excellent livre de Tom
une expérience mémorable. L’expérience client est complexe à comprendre et et David Kelley les fondateurs d’IDEO “Creative Confidence”. Vous y
à concevoir parce les gens vivent des expériences pleines de rebondissements, apprendrez que la créativité est avant tout un état d’esprit, une manière de
d’imprévus avec leurs fournisseurs de services. Or les process sont conçus penser et une façon proactive de trouver de nouvelles solutions.
pour reproduire des interactions pas pour anticiper des dysfonctionnements
qui ne sont pas pris en compte la plupart du temps dans la conception du 4. Soyez plus empathique et observez ce que vivent vos clients au
service. quotidien : il n’y a rien de tel que l’expérience du vécu (un pléonasme)
En conséquence de quoi, le fait de se concentrer sur l’amélioration de la qualité pour comprendre profondément les désirs et les motivations des gens. Le
sur certains points de contact a faussé notre compréhension du sujet et nous a simple fait d’identifier ce dont ils ont vraiment besoin et qu’ils n’expriment
fait croire à tort que les clients étaient plus contents qu’ils ne le sont en pas a toujours conduit à de belles innovations. L’empathie humanise des
réalité : ça n’est pas parce que vous avez cumulé de très bons scores de NPS problématiques habituellement noyées dans des visions moyennisantes et
sur les points de contacts relationnels que vos clients sont enchantés et vous des statistiques détachées de la réalité.
recommanderaient pour autant. L’expérience client, la vraie, celle qui laisse des
traces et fait l’objet de prescription est « end to end » et concerne l’ensemble 5. Et enfin, soyez optimiste et entretenez un «  espoir raisonnable de
des produits, services, process et canaux qui la constituent. succès  ». La confiance en votre créativité sera nourrie de vos réussites
mais aussi de vos échecs. Quand il est permis d’échouer, on a moins peur
Pour bien commencer l’année et intégrer cette dimension concrete intrinsèque d’avancer.
à l’expérience, voici mes recommendations :
Cet article a été publié le 06/01/2016… et a été lu 342 fois
1. Soyez volontaire et discipliné : l’expérience client peut être un sujet très
théorique et difficile à appréhender tant qu’on ne l’a pas vécu. Il peut même
être intimidant : la remarque qui revient souvent est « on ne sait par quel En résumé :
bout le prendre  ». Pour convaincre votre hiérarchie et embarquer vos Si l’idée que l’expérience client est le nouvel avantage concurrentiel est
collaborateurs, choisissez un petit périmètre du parcours client - parcours aurjourd’hui largement acceptée, sa mise en application dans les
accueil, parcours résiliation, parcours entretien… - et faites-en un pilote entreprises reste encore trop rare et partielle. Voici quelques conseils
pour dérouler la démarche. Il s’agit de commencer petit mais de faire la pour s’approprier cette nouvelle discipline :
preuve par le « faire ». Puis, communiquez sur le projet et de fil en aiguille, 1. Soyez volontaire et discipliné et commencez par un projet pilote
identifiez d’autres projets, plus ou moins urgents/importants. 2. Soyez audacieux et nommez une personne en charge de
représenter la Voix du client
2. Soyez audacieux : la peur est mauvaise conseillère et vous n’arriverez à 3. Soyez créatif et intégrez les méthodes et outils de la pensée design
rien si vous refusez de bousculer l’ordre établi. C’est une erreur de croire 4. Soyez plus empathique et observez ce que vivent vos clients au
que vos clients vont continuer de se contenter de ce que vous leur quotidien
proposez : chaque jour qui passe les rend plus informés et plus exigeants. 5. Soyez optimiste et entretenez un « espoir raisonnable de succès »
L’expérience client est un impératif dont vous ne pouvez vous passer. La
question n’est pas si vous devez y aller mais quand vous devez commencer.
Et cela ne vous servira à rien de dire que vous êtes orienté client si vous
n’avez pas désigné une personne qui le représente, le Chief Customer
Officer, seul garant que sa Voix sera bien entendue et prise en compte.

3. Soyez créatif et intégrez les méthodes et outils de la pensée design :


on ne peut pas s’engager sur le chemin du changement avec les outils du

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Nous sommes de plus en plus sensibles à la simplicité, notamment par l’analogie que
Éloge de la simplicité nous pouvons faire avec nos expériences de services. Notre instinct nous conduit la
plupart du temps à éviter ou réagir à des expériences de services comprenant des
situations complexes sources de stress (trop d’étapes à un service) ou inefficaces
(service client) et à rechercher la simplicité.

La principale raison pour laquelle tant de produits et de services sont stressants à


utiliser est qu’ils n’ont pas été conçus à l’origine pour être simples. A l’inverse, les
services de réclamation clients nous semblent parfois pensés pour être complexes.
Zappos, société américaine de vente en ligne de vêtements et exemple phare
d’excellence dans l’expérience client, parie sur la confiance et la relation entretenue
avec ses clients : elle rembourse ou renvoie des colis déclarés égarés par leurs clients
sans autre difficulté.
Plus nos vies sont compliquées, plus nous sommes attachés aux marques qui
prennent en compte notre stress ou qui anticipent celui qui pourrait perturber une
expérience de service. Les meilleures expériences clients sont celles qui éliminent la
confusion, le doute, et l’anxiété : elles génèrent un avantage concurrentiel, de la
fidélité et une image incomparable.
Les erreurs sont la principale cause de stress : elles obligent à recommencer la
tâche, augmentant encore le niveau d’effort demandé. Le mieux, pour éviter cela, est
Une étude réalisée en 2014 pour l’ARFC révèle que : de concevoir des expériences client simples qui limitent la possibilité d’erreur ou qui
- 21% des personnes interrogées trouvent que certains processus d’achat nous offrent la possibilité de les réparer simplement et rapidement. KLM permet par
ou de gestion client sont complexes à appréhender ; exemple à ses clients de changer leurs réservations de vols d’un simple tweet.
- 16% estiment que le temps passé représente un effort ;
- 13% intègrent l’effort physique dans la notion d’effort fourni ( Source Voici quelques pistes pour manager les erreurs par la simplicité et réduire le stress :
AFRC) - Prendre en compte la compétence de l’utilisateur : les novices et habitués
s’énervent plus facilement que les experts et ont besoin de plus
Alors que le NPS se révèle souvent inadéquat pour mesurer les progrès de d’accompagnement dans des phases d’apprentissage / d’évolution des services
l’entreprise sur le chemin de l’expérience client - l’enchantement étant parfois jugé - Limiter les choix à un nombre raisonnable - less is more : prendre des décisions
inaccessible - le Customer Effort Score apparait comme un complément intéressant demande plus d’effort quand le choix est trop vaste, ce qui génère des erreurs et
des indicateurs de satisfaction et de prescription. Il permet de mesurer six types le sentiment de ne plus avoir le contrôle
d’effort : de temps, financier, cognitif, de processus, physique et relationnel. J’ai écrit - Clarifier les parcours clients, rendre les options très distinctes et communiquer
cet article avec Christophe Tallec à la veille de la présentation de ce baromètre de sur les différentes étapes, en justifiant de chacune des tâches à accomplir
l’effort client par GN Research pour revenri sur la simplicité, un principe central de - Permettre au client de réparer simplement ses erreurs
design de services. - Fournir un feed-back rapide et passer d’une relation client à une conversation
client simplifiée
D’une façon générale, nous recherchons les produits et les services qui améliorent - Éliminer les distractions qui polluent l’environnement
notre vie au quotidien et nous sommes reconnaissants envers les entreprises qui
conçoivent des expériences client simples. Amazon, Apple, Air BnB, autant d’acteurs Autre cause de stress importante : les interactions qui font peser sur le client la
récents qui ont transformé leurs industries respectives et fait de la simplicité un responsabilité de leur bon achèvement, autrement dit celles qui nous donnent
principe central de leur expérience client. l’impression de faire le travail à la place de l’entreprise : questionnaires fastidieux à
Si la “simplicité est la sophistication ultime” (Léonard de Vinci), elle adresse notre remplir, nombre incalculable de pièces à fournir (alors que l’entreprise a déjà les
besoin de clarté, de transparence et de proximité. Utilisée de manière appropriée, elle informations), relevés de compteurs : c’est une erreur notamment de penser
nous aide à prendre les bonnes décisions (nudge !), à choisir rapidement et donc à qu’autonomisation du client et automatisation de la relation sont recherchées par les
économiser du temps et de l’argent : plus de débats intérieurs longs et fastidieux au clients pour la pseudo liberté qu’elles leur accorde.
moment du choix ni d’aller-retours compliqués pour être sûrs de ne pas se tromper.

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Les grandes expériences sont SANS EFFORT : en faisant perdre leur temps et de
l‘énergie au client, les expériences médiocres sont en général remplacées par celles De l’importance de la mémoire
qui sont moins exigeantes. Les services qui réclament peu d’efforts de la part de ceux
qui les utilisent sont les plus sources d’attachement et de fidélisation : Amazon en est
le plus bel exemple.

Les 3 leviers de la simplification de l’expérience client perçue sont : la réduction du


temps passé à effectuer la tâche, la praticité et la clarté. Ces leviers de la
simplification sont les mêmes pour l’expérience perçue par les collaborateurs et se
concrétisent souvent pour les clients - et les colaborateurs - dans les principes
suivants :

- Simplifier l’expérience de services, les parcours et les points de contacts. Un


bon design est un design simple qui limite le nombre de tâches à accomplir et le
nombre de choix, chaque étape pouvant être considérée par le client comme
autant d’informations à traiter et de barrières infranchissables. Il s’agit de les
regrouper ou les réaliser à sa place.
- Utiliser moins de mots : supprimer les conditions d’utilisations, les notices
superflues et privilégier la concision, les phrases simples. Dans la foulée, supprimer
les astérisques : c’est au juridique de s’adapter, pas l’inverse.
- Prioriser les tâches. Quand on parle d’expérience client, la notion de fidélisation n’est jamais très
- Réduire le temps passé à chaque tâche. loin : ne dit-on pas quand on conçoit des expériences que le but recherché est
- Réduire le temps d’attente : commencer par une analyse des «  root causes  », la création de souvenirs ? D’ailleurs en parlant de mon métier, je dis souvent
« sources de retard » et informer systématiquement des raisons du retard qu’il ne consiste pas à créer des services mais des expériences mémorables. En
- Réduire la possibilité d’erreurs étant fidèles à un service ou un produit, ce que nous recherchons c’est revivre
- Être le moins intrusif possible : être juste au bon endroit au bon moment sur le l’expérience de plaisir associée et c’est la mémoire que nous avons des
bon canal expériences passées qui nous permet de sélectionner les comportements qu’il
- Parler la langue du client / Créer un langage commun avec le client faut reproduire, ou au contraire ceux qu’il faut éviter.

Ainsi, grâce à notre perception, nous sélectionnons dans notre environnement les
Cet article a été publié le 02/04/2014… et a été lu 593 fois informations qui contribuent à l’homéostasie, cette recherche permanente
d’équilibre qui nous guide dans nos choix. Ces informations sont confrontées à
celles déjà présentes et organisées en mémoire, et sont rattachées à des catégories :
En résumé : le principe de catégorisation est fondamental en marketing, il est à l’origine du
La simplicité d’usage est une part importante d’une expérience client concept de positionnement et concerne toutes les informations qu’elles soient
réussie, et pourtant trop de produits et service sont complexes et sensorielles ou sémantiques, conscientes ou pas. Pour vous convaincre du lien entre
génèrent ainsi du stress et de l’insatisfaction chez leus usagers. Les erreurs mémoire et expérience, voici un extrait de mon livre « Marketing Sensoriel » 2ème
sont également source de frustration. Voici quelques pistes pour réduire édition, publié chez Vuibert en 2012. Bonne lecture !
le stress des clients :

"
- Prendre en compte leur compétence La catégorisation est l’un des processus élémentaires du fonctionnement
- Simplifier le choix et l’expérience d’usage cognitif humain. Il consiste à traiter les différences perçues entre les objets.
- Clarifier le parcours client Lorsque ces différences sont négligeables, les objets sont considérés comme
- Réparer rapidement ses erreur et prévenir leur occurence suffisamment semblables et sont inclus dans une même catégorie. À l’inverse,
- Fournir du feed-back
- Éliminer les distractions lorsque ces différences sont grandes, les objets sont rattachés à des
- Réduire le temps d’attente et les retards … catégories différentes. Les catégories communes aux consommateurs sont

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" "
constituées à partir de la diversité des expériences sensorielles sollicitées lors Notre mémoire est structurée en trois sous-systèmes :
de l’achat et la consommation du produit. Elles intègrent non seulement les 1. L’information détectée par nos sens est d’abord stockée dans la mémoire
sensations sollicitées dans le présent (la saveur du chocolat en cours de sensorielle. C’est une mémoire automatique, extrêmement brève qui conserve
dégustation par exemple), mais également la mémoire des expériences de façon fidèle les informations provenant des organes des sens. Ainsi, la
précédentes. Sont concernées l’ensemble des sensations sollicitées par le mémoire iconique, ou mémoire sensorielle visuelle, permet de maintenir une
produit et les éléments du contexte dans lequel ces expériences sensibles ont image d’un stimulus visuel pendant quelques millisecondes.
été éprouvées : la couleur de l’emballage, le bruit et l’effort lors du déballage 2. Ensuite, la mémoire à court terme permet d’enregistrer, pendant une courte
de la plaquette, le fait (plaisir ou déplaisir) de l’avoir partagé avec X ou Y, le période, des informations provenant de la mémoire sensorielle. C’est la
contexte de la dégustation… La catégorie ainsi construite intègre toutes mémoire que l’on utilise, par exemple, pour retenir les numéros de voiture et
les propriétés et tous les éléments de mémoire qui se trouvent globalisés et de siège indiqués sur notre ticket, le temps de trouver notre place dans un
peuvent conduire à un jugement hédonique qui déterminera le train. La quantité d’information qui peut être stockée à un moment donné
comportement de re-consommation ou non, en un mot, la fidélisation. dans la mémoire à court terme est limitée à environ 7 ± 2 items selon les
personnes. On parle également de mémoire de travail pour désigner la
Ce concept de catégorisation qui exploite les informations sensorielles et mémoire à court terme, dans la mesure où cette mémoire permet de faire
sémantiques est stratégique en marketing car il permet au consommateur des opérations sur les informations stockées.
d’associer une marque, un logo, une couleur, une forme à un produit et donc à 3. Finalement, la mémoire à long terme permet de stocker les informations sur
une catégorie. La catégorisation s’exprime en termes de niveaux (à quel une très longue période de temps. Cette mémoire nous permet
niveau un consommateur associe-t-il un prix : haut, moyen, ou bas ?), de lien d’emmagasiner nos souvenirs, nos connaissances, en d’autres termes, notre
entre un stimulus et une catégorie (bleu pour le lait demi écrémé, doré pour histoire. Elle peut être divisée en mémoire procédurale (implicite) et
les produits haut de gamme, etc..) et de généralisation qui permet de mémoire déclarative (explicite). La mémoire procédurale correspond aux
rattacher un stimulus – produit, forme, etc. – nouveau à une catégorie savoir-faires, comme savoir faire du vélo. La mémoire déclarative est
existante. La marque peut donc être construite comme une heuristique subdivisée en mémoire épisodique et mémoire sémantique. La mémoire
connotant l’appartenance à un segment défini en termes de prix, d’attributs épisodique est une mémoire autobiographique ; elle permet à l’individu de se
spécifiques, etc. Les connotations évoquées par le consommateur sont plus rappeler les épisodes de sa vie et est organisée de façon spatio-temporelle.
ou moins riches suivant son niveau d’implication : plus le produit est C’est une mémoire fortement émotionnelle et dépendante du contexte. La
impliquant, plus les évocations sont élaborées, plus il sera fait référence à des mémoire sémantique permet à un individu de stocker ses connaissances sur le
concepts sous forme verbale ou imagée et à des sensations. L’objectif d’une monde. Elle permet, par exemple, de savoir qui est l’actuel président de la
stratégie expérientielle étant la débanalisation du produit / service, celle-ci République. Contrairement à la mémoire épisodique, elle est indépendante du
passe par par une augmentation du niveau d’implication via la puissance contexte d’acquisition et l’accès aux informations stockées est très rapide.
d’évocation véhiculée par les stimuli. Notons enfin que le caractère sélectif de
la perception a pour conséquence la recherche de la « bonne Vous l’avez compris, la mémoire d’une expérience est très liée à la quantité et
forme » (homéostasie) de la part du consommateur, c’est-à-dire une au niveau d’informations qu’elle contient : plus l’expérience est dense et
perception qui soit la plus « juste » et la plus complète possible. riche, plus elle sera mémorable. Donald A. Norman va même plus loin
lorsqu’il écrit : «  De nombreuses preuves en psychologie montrent que le
Une bonne compréhension de ce processus de perception permet d’éviter les début et la fin d’une expérience sont tous deux les plus critiques pour
erreurs classiques de segmentation, de ciblage et de positionnement en déterminer le souvenir d’un événement : on appelle cela l’effet de position
testant le nouveau produit ou service en branded ou en blind (avec ou sans sérielle. On en déduit une règle appliquée en design : Start strong. End
information de la marque) auprès du consommateur cible. La perception peut strong ». Sans compter que certains éléments bien précis dans l’expérience
subir l’influence de facteurs individuels, liés au produit - marketing -, à la vont influencer fortement le souvenir : le fait par exemple de dépasser les
situation ou à leur souvenir. attentes des consommateurs de manière inattendue et de créer l’heureuse
surprise.Tout un art !

Le livre blanc de l’Expérience Client 29 Le livre blanc de l’Expérience Client 30


Cet article a été publié le 09/06/2013… et a été lu 822 fois
Des émotions à l’expérience client

En résumé :
À chaque fois que l’on vit une expérience, s’enclenche un phénomène de
catégorisation qui va déterminer notre comportement futur face à une
nouvelle expérience de ce type. Cette catégorisation dépend de notre
perception de l’expérience en question, et des expériences similaires que
l’on a pu vivre dans le passé. Ainsi, elle est très liée à notre mémoire. Or,
plus une expérience sera riche et dense, plus elle sera mémorable. Il
faut donc privilégier la qualité et l’intensité des expériences que l’on
délivre à ses clients pour s’assurer qu’il la garde en mémoire et nous
accorde leur fidélité.

L’expérience client est à l’honneur en ce moment : pas une conférence, un


article, un salon qui ne fasse référence à ce nouveau buzzword. Aujourd’hui,
tout est expérience client : un service innovant, un lieu connecté, une relation
client exceptionnelle, une solution CRM… Avec tout ça, on en oublierait
presque la dimension profondément humaine de l’expérience à l’origine de
notre connaissance du monde, car faire l’expérience de quelque chose, c’est le
vivre. Pour vous aider à y voir plus clair, voici un autre extrait de mon livre
« Marketing sensoriel : une approche globale pour les produits et les services »
qui nous rappelle le lien entre les émotions et l’expérience vécue. Bonne
lecture !

À l’origine de la réflexion sur le lien entre l’expérience vécue et les émotions, on


trouve les travaux issus de la psychologie environnementale. Le modèle des affects
de Russell (1974) identifie deux « émotions », le plaisir (pleasure) et la stimulation
(arousal) comme principaux médiateurs entre l’environnement et les comportements
d’approche ou d’évitement. Suivant que l’environnement est plus ou moins plaisant
et/ou stimulant, on va vouloir rester physiquement dans l’environnement de service
ou le quitter, l’explorer ou se replier sur soi et limiter les contacts, communiquer
avec les autres ou ignorer les tentatives de communication, rechercher ou éviter la
performance et la satisfaction issue de l’accomplissement de tâches.

Le plaisir est la première réponse recherchée dans un environnement de service - le


lieu de l’expérience - : ce dernier doit avant tout être attirant - vs répulsif - sous
peine de faire fuir les clients. La stimulation vient en second : dans les environnements

Le livre blanc de l’Expérience Client 31 Le livre blanc de l’Expérience Client 32


stimulants, on trouve beaucoup d’informations sensorielles et cognitives, de la Cette sensation peut être modulée en agissant sur la signalétique visuelle et sonore,
complexité, du mouvement, des changements fréquents, des surprises… À l’inverse, la ventilation, la lumière, la qualité des sièges ou l’espace adéquat. On sait, par
un milieu peu stimulant présente les caractéristiques opposées : calme, lumières exemple, que le fait d’être confortablement assis influence le temps passé dans un
douces, ambiance apaisante… À partir de ces deux concepts de base (plaisir/ lieu, que la sensation de chaleur excessive génère de l’irritabilité, de la lassitude et une
stimulation), un environnement peut être perçu comme passionnant, excitant, baisse de vigilance et qu’elle altère la qualité de la relation entre personnes qui ne se
agréable, relaxant, endormant, ennuyeux, déplaisant, stressant… et générer diverses connaissent pas, et que des réponses physiologiques négatives affectent l’image et les
réponses d’ordre émotionnel comme l’intérêt, la joie, l’euphorie, l’émerveillement, croyances que l’on peut avoir sur un lieu et les gens qui y travaillent. Le confort est
l’enchantement, la volupté, la surprise, l’anticipation, la sérénité, ou au contraire la un attribut de la première classe dans les avions et dans les trains : l’inclinaison des
douleur, l’ennui, la tristesse, la colère… Le temps passé et les sommes dépensées par fauteuils, l’intensité de la lumière et de l’aération sont modulables et peuvent être
le consommateur dans de tels environnements sont fonction du niveau de plaisir gérés individuellement. L’inconfort sonore, quant à lui, est d’autant plus important
ressenti et de l’état émotionnel. Ainsi, et à condition qu’il soit d’abord agréable, un qu’il s’accompagne souvent de modifications inconscientes du comportement : un lieu
environnement stimulant est perçu positivement, sauf si le niveau de stimulation le mal conçu incitera l’ensemble des personnes présentes à parler plus fort, créant ainsi
rend désagréable. Bien sûr, cela dépend de la personne, de ses expériences passées, un volume sonore encore plus dérangeant. Ainsi, une démarche opérationnelle de
de son seuil d’activation… L’enseigne Abercrombie & Fitch est appréciée pour son renforcement de la dimension de plaisir d’une expérience client consiste à
atmosphère hyperstimulante saturée en musique, parfums, images…mais peut aussi identifier les sources d’insatisfaction, par exemple en utilisant une grille
engendrer des attitudes de rejet, de repli sur soi, pour ces mêmes raisons. d’évaluation, pour les supprimer, puis, par contraste, pour proposer des
alternatives qui, potentiellement, seront sources de satisfaction et de plaisir. Une
Selon le modèle de « Serviscape » de Bitner, les clients et le personnel engagent autre démarche s’appuie sur le renforcement de la stimulation, del’éveil, par
divers types de réactions en réponse à l’environnement : des réactions émotionnelles l’intégration d’éléments dynamiques dans l’expérience client.
mais également des réponses liées aux connaissances préalables des consommateurs
(croyances, catégorisations, significations symboliques) et plus largement des Alors que le niveau de stimulation dépend de la quantité d’informations à laquelle est
réponses de jugement global telles que le confort, la sécurité, la confiance… soumis un individu, en introduisant beaucoup d’informations, des changements, des
L’ensemble de ces réponses, associées aux interactions sociales, contribuent alors à la surprises, du mouvement… on contribuera à augmenter la complexité d’un
modulation des comportements selon deux tendances que Bitner oppose : le environnement et à élever le niveau de plaisir. Si notre perception de la plupart des
comportement d’approche (attractif) et celui d’évitement (répulsif). services que nous consommons quotidiennement (prendre le bus, aller à la
banque…) résulte de processus cognitifs simples, une façon de renforcer la sensation
Ces états intérieurs varient selon la personnalité de l’individu, son expérience de plaisir associé sera d’introduire des éléments surprenants dans le décor : les rames
passée, le moment ou le but de l’achat et le niveau d’attente. Ainsi, dans une iDTGV Zap, les zones de jeux chez McDonald’s, l’espace customisation chez
situation de foule, une même personne aura un comportement différent selon qu’elle Desigual…
est fatiguée ou détendue, sensible au temps ou indifférente. Elle sera aussi influencée
par l’ensemble des éléments qui composent les dimensions de l’environnement de Ces connaissances sont issues des travaux portant sur le design et l’ergonomie des
service comme les éléments extérieurs, intérieurs, l’aménagement, la décoration lieux de travail et permettent de mieux comprendre les liens entre l’environnement,
intérieure et la dimension humaine. Et bien sûr, le produit au coeur de l’expérience les réponses physiologiques des individus et leur capacité à mener à bien une tâche
est lui aussi vecteur de sensations et d’émotions. ou opérer une fonction. Transposées aux environnements de service par Bitner, elles
présentent un grand intérêt dans le sens où elles prennent en compte à la fois les
D’une manière générale, le plaisir est souvent associé à la sensation de contrôle réactions du personnel mais aussi celles des clients qui cohabitent et interagissent
personnel et de confort, notion difficile à appréhender, qui s’exprime le plus dans le même endroit : ce point est vital pour les designers qui doivent réaliser que
souvent par le fait « qu’on est bien » sans savoir pourquoi précisément. L’inconfort, les employés passent plus de temps sur le lieu de l’interaction que leurs clients.
quant à lui, est plus précis : on sait que l’on est mal assis ou que l’on a trop chaud. Pour Bitner, « la scène de service (Serviscape) joue un rôle important dans de
Cette impression issue d’une réponse physiologique de l’organisme dans des nombreuses organisations de services (hôtels, restaurants, etc.) dans la mesure où
contextes de foule, de chaleur excessive, d’obscurité, de bruit intense, en perturbant elle offre une première impression, avant que les clients aient l’occasion d’interagir
les capacités cognitives à évaluer la situation et à faire des choix éclairés peut avec les employés. Elle est un élément important qui va guider les attitudes, les
modifier le comportement jusqu’à provoquer le rejet et la fuite : les périodes de croyances et les attentes du client. En interagissant de manière continue avec le lieu,
grands départs dans les gares et les aéroports génèrent souvent ce genre de stress. l’expérience qu’ils vivent est plus intense que leur relation avec les employés. Partant
L’amélioration du confort va donc passer par la possibilité que l’on donne au client de là, il faut examiner les réactions cognitives et émotionnelles du
d’agir sur les variables de son inconfort. consommateur de manière très méticuleuse. »

Le livre blanc de l’Expérience Client 33 Le livre blanc de l’Expérience Client 34


Avant de créer un environnement de service, il est important de se poser la question L’enchantement client, arme ultime de
de savoir quel type de réponse émotionnelle est attendu de la part des clients et
du personnel, pour interagir confortablement dans le cas d’un club de sport, par
différenciation
exemple, pour opérer de manière autonome dans le cas d’un espace en libre service
ou pour s’orienter facilement dans le cas d’un parking. Quelle que soit la famille
d’émotions que l’on souhaite susciter, plaisir ou stimulation, celle-ci doit faire l’objet
d’une décision stratégique actée dans la plate-forme de l’expérience. Elle doit
également être en affinité avec les valeurs de la marque et les dimensions de service
et s’incarner dans des preuves tangibles.

Cet article a été publié le 24/04/2013… et a été lu 547 fois

En résumé :
La psychologie environnementale nous apprend qu’un environnement
stimulant est perçu positivement, à condition qu’il soit agréable et que
le niveau de stimulation ne le rende pas désagréable. Cette perception
positive incitera les clients à y passer plus de temps et à y dépenser
davantage. Dans son modèle «  Serviscape  », Bitner parle de deux
tendances comportementales face à un environnement donné : le S’il est un mot qui résonne particulièrement aux oreilles des dirigeants
comportement d’approche et l’évitement. Quelques pistes pour aujourd’hui, c’est bien celui d’enchantement des clients. Mais au fait, de quoi
favoriser les comportements d’approche : parle-t-on ? De qualité de service ? De relation client ? D’excellence
- Donner la possibilité au client d’agir sur les variables de son opérationnelle ? D’un autre mot pour décrire l’orientation client ? De solutions
inconfort CRM ? Pour vous aider à y voir plus clair, nous vous proposons une visite
- Renforcer la dimension plaisir de l’expérience guidée à l’intérieur du secret le mieux gardé des entreprises qui réussissent à
Et cela vaut aussi bien pour vos clients que pour vos collaborateurs ! enchanter leurs clients : l’expérience client.

Pour commencer il est temps de lever une ambiguïté : quand on parle


d’enchantement, c’est bien d’expérience client dont il s’agit, d’un «  processus
continu » composé d’un enchaînement de moments de vérité, sources de « petites »
et de « grandes » émotions. Les « petites » émotions peuvent être liées à la mise en
place de normes, mais c’est beaucoup plus difficile pour les « grandes » émotions.
Prenons la métaphore d’un «  compte en banque émotif  » : quand le compte est
débiteur, le client sera insatisfait et frustré, et si le compte est créditeur, il sera
satisfait et peut être même enchanté s’il est très créditeur ! L’enjeu, pour l’entreprise,
est de savoir générer, dans les différents moments d’expérience, plus de crédits
que de débits… logique. Cela dit, il est inévitable que les entreprises générent du
débit dans le compte en banque émotif de leurs clients, quelque soit « l’excellence de
service » offerte : une réponse tardive à un courrier de réclamation n’est qu’un petit
débit… alors qu’un client qui se fait insulter ou menacer au téléphone … ça c’est un
gros débit dans le compte en banque émotif… mais il y a aussi des débits qu’on ne
peut parfois pas éviter, quand le client fait, par exemple une demande qui ne peut être

Le livre blanc de l’Expérience Client 35 Le livre blanc de l’Expérience Client 36


légalement acceptée. La question est donc bien de réaliser de nombreux crédits
dans le compte en banque émotif : des petits, qui peuvent être normés, notamment
liés aux respects des engagements, des délais… et des gros crédits à des moments En résumé :
de vérité clefs… des moments d’enchantement ! C’est ce principe qui fait de Enchanter ses clients passe par leur faire vivre des expériences plaisantes
l’expérience client et de ses pépites d’enchantement les secrets les mieux gardés de mémorables. Si on prend la métaphore d’un compte en banque émotif
certaines entreprises… du client, il s’agit de générer un maximum de « crédits », un maximum
Pour résumer, l’expérience client est la façon dont vos clients perçoivent de moments d’enchantement, pour s’assurer un avantage concurrentiel
l’ensemble des interactions avec votre entreprise. Elle est directement influencée qui ne peut pas être copié. S’il est mené à l’échelle de toute l’entreprise, le
par ce qu’ils pensent de vous quand ils cherchent de l’information, achètent, utilisent management de l’expérience client, et l’enchantement des clients qu’il
votre produit et peut être essaient de résoudre un problème. Sont-ils excités, peut produire, est l’arme ultime de différenciation !
heureux, rassurés ou nerveux, déçus, frustrés ? … le lien avec l’enchantement ? C’est
l’émotion qu’ils ressentent quand l’expérience a été exceptionnelle : quand il y a eu
un gros crédit dans le compte en banque émotif !

Mais pourquoi l’expérience client ? Pourquoi maintenant ?


Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère, une ère où le fait de se concentrer sur le
client compte plus que n’importe quel autre impératif stratégique. Les barrières
concurrentielles du passé - capacité de production, pouvoir de la distribution,
maîtrise de l’information, des coûts, des achats - sont impuissantes à assurer une
différenciation pérenne. L’un après l’autre, chacun de ces investissements corporate
s’est banalisé. Les barrières concurrentielles ont disparu. Renault n’est pas
seulement concurrent de PSA, il l’est aussi d’Autolib : Avis qui vient de racheter
Zipcar l’a bien compris. Au milieu de tout cela, le consommateur a plus de pouvoir
que jamais. Avec les réseaux sociaux, les revues en ligne et l’accès à l’internet mobile,
il est devenu facile pour lui d’en savoir plus que les vendeurs sur un produit, son prix,
la concurrence… Les règles ont changé et nous le savons tous.

Le management de l’expérience client est ce nouvel impératif qui consiste a


créer et alimenter un ensemble de pratiques interdépendantes se renforçant
mutuellement, à aligner les collaborateurs, les partenaires, les valeurs, les process, les
politiques et les technologies autour d’une différenciation par l’expérience client.
Il ne s’agit plus du « bon vieux message » sur l’orientation client : l’expérience client
va beaucoup plus loin en intégrant une dimension émotionnelle, en mettant en
résonance les perceptions du client et les valeurs de l’entreprise. L’expérience client
convoque une autre façon de manager, de regarder profondément dans les process et
de les challenger pour voir si on atteint l’objectif premier : faire vivre aux clients des
moments sources d’enchantement, cette émotion unique qui a ceci d’intéressant
qu’elle ne peut être copiée. Si le service - défini comme un ensemble de processus
et de normes - est copiable, le travail sur l’expérience client ne l’est pas, car il
contribue à bâtir une différenciation pérenne sur des dimensions subjectives et non
exprimées connectées aux émotions du client. Envisagée comme un projet
d’entreprise, le management de l’expérience client, et l’enchantement qui peut en
résulter, est clairement l’arme ultime de différenciation !

Cet article a été publié le 10/03/2013… et a été lu 417 fois

Le livre blanc de l’Expérience Client 37 Le livre blanc de l’Expérience Client 38


Cela dit, l’expérience client est source d’amélioration continue car elle oblige à
Les services excellents ne font pas s’intéresser à la qualité du service sur la base de critères censés satisfaire des besoins
(systématiquement) les clients enchantés clients identifiés préalablement. Mais elle va plus loin, beaucoup plus loin. Elle dispose
d’une composante subjective qui ne peut pas être prise en compte si on n’a pas pris
de la hauteur et intégré la dimension holistique de l’expérience client, celle qui
permet aux gens de faire un lien avec leur quotidien, leurs valeurs, le sens qu’ils
donnent à leur vie… Car la beauté de l’expérience réside dans le fait qu’elle est
perceptuelle et qu’au-delà de l’amélioration des points de faiblesses elle est aussi une
source inépuisable de différenciation. Pour illustrer tout cela, je vous propose un petit
retour sur l’expérience que je viens de vivre au Club Med. Était-ce une belle
expérience ? Indiscutablement. Vais-je revenir ? Oui, peut être. Vais-je en parler autour
de moi ? Pas plus que quand on me demande habituellement comment se sont
passées mes vacances. En résumé, j’étais très contente, mais pas enchantée.
Pour les fêtes nous avons passé une semaine à la montagne dans le dernier né du
Club, ouvert seulement depuis le 18 décembre - le très réussi village de Pragelato
dans le Piemont : décodage de l’expérience client.

Premièrement, une expérience client, ça se désire, a fortiori des vacances de Noël en


famille. L’expérience d’anticipation est la première marche vers l’enchantement et
intervient bien avant l’expérience de consommation. Là, on ne peut pas dire que le
Club donne envie : accueil chaleureux et professionnel dans la boutique Club Med
mais un échange qui s’articule autour des disponibilités et de l’écran de l’ordinateur -
tableaux verts sur fond noir de l’outil de réservation. Rien sur les villages, pas de
Avant Noël, je tombe sur cette émission intitulée « normer l’enchantement », photos ni de vidéos ou d’expérience qui offrirait un aperçu du prochain séjour… Au
où il est question du projet de l’AFNOR de normalisation de l’enchantement premier contact on comprend que le Club c’est surtout de la logistique, des flux…
client dans les services : la question qui se pose est la suivante : y a-t-il un lien bien loin de la pub qui fait rêver.
entre excellence de service et enchantement ? Ma réponse est : peut-être, mais
cela dépend des gens et des situations. Deuxièmement, pour qu’un service accède au rang d’expérience, il doit être perçu de
manière homogène par les clients, ce qui veut dire que l’ensemble des signaux qui
En clair, on ne peut pas décider du fait qu’un client sera enchanté ou pas : chaque émanent de l’entreprise avant, pendant et après l’expérience, y compris les
individu est unique et évalue son expérience vécue à l’aune de sa culture, de ses interactions humaines, à distance - téléphone, internet - et l’ensemble des signaux
expériences passées, de son humeur du moment, du temps qu’il fait… sensoriels doivent être congruents. C’est le niveau de base, le prérequis. L’idée c’est
L’enchantement est une émotion, on ne peut pas le normer… et encore moins de valider que les messages - email, courrier, sms… - que le client va recevoir tout au
l’industrialiser. Sans compter qu’il est déjà difficile d’aligner expérience voulue et long de son parcours et pour l’ensemble des situations qu’il peut rencontrer sont
expérience perçue : j’en veux pour preuve une étude récente réalisée par Bain &Cie cohérents et harmonieux sur le fond et la forme.
qui révèle que pour 80% d’entreprises qui pensent délivrer une expérience De ce point de vue, le Club Med a de gros progrès à faire : j’ai d’abord reçu un
différente et positive à leurs clients, ces derniers ne sont que 8% à penser la contrat, très administratif, puis un second courrier lié à la commande - dans lequel on
même chose. L’écart est immense et nous dit que si on ne peut pas obliger les me réclamait de l’argent que j’avais déjà versé. Un autre reçu au moment de l’accueil,
clients a percevoir le service tel qu’il a été conçu, on peut encore moins les obliger à une lettre manuscrite de la main du Chef de Village Nicola destiné aux enfant qui sont
réagir en conséquence, à être enchantés, puis à réacheter… vous connaissez la suite. allés à l’infirmerie (la signature de Nicola était différente sur les deux documents,
En d’autres termes, le modèle behavioriste de type stimulus réponse qui a fait le c’était un « fake » !). Idem pour les intitulés : tantôt « Bonjour Madame Laurence
succès de la publicité et du marketing de masse est dépassé et a laissé place à une Body », puis « Chère Laurence », ou encore « Cher GM »… On voit bien qu’ils
approche plus sensible inspirée de la psychologie cognitive qui fait une large part à émanent de services différents - service client, back office commercial,GO, « Nicola
l’individu et la dimension irrationnelle du comportement. Ce n’est pas l’enchantement »… et qu’ils ne communiquent pas de manière homogène. Quant au courrier de
que l’on devrait normer, mais l’excellence de service, l’objet et non pas le sujet ! départ, c’était un petit miracle de poésie : des instructions sèches sans message

Le livre blanc de l’Expérience Client 39 Le livre blanc de l’Expérience Client 40


personnel, nous sommes revenus dans la gestion des flux. Allez ouste ! Dehors ! Ce
sont peut être des détails mais qui sont des gisements d’amélioration continue. 2. MÉTHODES ET OUTILS
Troisièmement, quand parmi les valeurs figurent la convivialité, la générosité et
surtout la gentillesse, on s’assure qu’elles sont bien présentes dans TOUTE
l’expérience client (pas seulement dans les relations avec les GO) et qu’elles sont
Parcours client, mode d’emploi
surtout authentiques. Alors que le buffet est l’incarnation par excellence de l’esprit du
Club et de cette abondance qui a fait sa réputation, on trouve que faire payer le
parking, l’accès internet 20 euros ou les photos 10 euros est mesquin, surtout quand
on sait que le souvenir est la quatrième marche de l’expérience client. Pour moi, la
gentillesse, c’est comme l’amour, il n’y a que les preuves qui comptent, le reste c’est
du discours.

Bon; je pourrais dire beaucoup d’autres choses sur l’excellence de service et


l’attention portée au détail pour créer l’enchantement. Vous remarquerez que je n’ai
pas parlé de relation client : volontairement. Je pense en effet que celle-ci s’exprime
de 1000 façons, et pas seulement par le biais d’interactions humaines.

Cet article a été publié le 06/01/2013… et a été lu 608 fois

En résumé :
L’excellence du service ne suffit plus à enchanter les clients et à assurer
leur fidélité. Voici quelques idées pour aller plus loin que l’excellence De tous les outils de l’expérience client, le parcours client est certainement le
opérationnelle et considérer l’expérience client dans son ensemble pour plus connu. Il en existe de multiples formes et modèles : pas de format type
créer de l’enchantement véritable : mais une seule règle, il se construit du point de vue du client utilisateur et pas
- Travailler l’expérience d’anticipation en donnant de quoi rêver, se du point de vue des process internes ce qui est l’erreur la plus souvent
projeter … rencontrée.
- Aligner tous les signaux pour créer un ensemble cohérent et réduire
le stress que les dissonances peuvent engendrer chez le client Le parcours client est une représentation des étapes et des états émotionnels
- Incarner les valeurs que l’on proclame à tous les niveaux qu’un client traverse dans une situation donnée qui inclut un certain nombre
d’interactions avec l’entreprise. Il fournit une visualisation vivante mais structurée
de l’expérience de service telle que la perçoit le client. Réalisé sous la forme d’une
cartographie, il permet de décomposer les étapes de l’expérience vécue sur
l’ensemble des canaux et se déploie sur un laps de temps qui peut se découper en
quatre grandes étapes :

1. L’expérience d’anticipation qui consiste à rechercher, planifier, rêver, budgéter ou


désirer l’expérience,
2. L’expérience d’achat qui correspond au choix, au paiement et à la rencontre avec
le service et le lieu,
3. L’expérience proprement dite, l’usage du service qui peut s’étaler sur une durée
plus ou moins longue,

Le livre blanc de l’Expérience Client 41 Le livre blanc de l’Expérience Client 42


4. Et l’expérience du souvenir qui mobilise notamment des artefacts - comme des Cette représentation visuelle structurée rend possible le fait de comparer
photos - pour revivre l’expérience passée, qui s’appuie sur des récits d’histoires plusieurs expériences dans le même langage visuel et facilite également des
et les discussions avec des amis, qui passe par le classement des souvenirs voire comparaisons rapides entre un service et ses concurrents. Outre la cartographie en
par une véritable reconstruction de l’expérience vécue elle même, les données de sortie - livrables - sont : les moments de vérité, la trame
de l’expérience, les points d’enjeu à corriger et les pistes d’opportunités à
Le travail de cartographie commence par l’identification des points de contact à développer dans l’étape suivante de co création. Elle sert aussi de support à
l’intérieur desquels les parties prenantes du service interagissent. Ces points de l’identification de KPI’s pour mesurer la performance sur les moments de vérité, à la
contact sont à l’intersection des étapes du parcours et des canaux : contact face-à- priorisation des points à améliorer en fonction des objectifs internes et des besoins
face entre des individus dans des magasins, interactions virtuelles avec un site internet clients. Mais ce qui compte n’est pas la cartographie en elle-même mais la
ou un serveur vocal interactif, ou bien encore par téléphone. Ils racontent une compréhension de ce que vivent les clients et les collaborateurs.
histoire engageante reposant sur l’expérience des utilisateurs et qui inclut les
circonstances, le contexte général, les motivations et les émotions qui ont
accompagné ce process. Ce travail est réalisé à l’occasion de workshops Cet article a été publié le 21/08/2014… et a été lu 2 312 fois
collaboratifs qui rassemblent du personnel en contact mais aussi des personnes du
back office (IT, compliance, réclamations, service client…). Le plus important est de
mélanger les fonctions et de casser les lignes hiérarchiques. Cela permet d’adopter
une vision commune et partagée de ce que vivent les clients. Si la phase précédente En résumé :
de captation est bien renseignée du point de vue de la connaissance client, il n’est pas Le parcours client est un outil majeur de l’expérience client et permet de
utile d’inclure des clients. Elle est ensuite documentée à l’aide des insights identifés représenter visuellement l’expérience d’un client dans sa globalité. Les
pendant la phase de synthèse. On peut la compléter avec les mots des clients eux étapes pour construire son parcours client sont les suivantes :
mêmes, des photos issues des études ethnographiques, de notes personnelles ce qui - Identifier les points de contact grâce à des workshops collaboratifs
facilite l’engagement empathique qui est crucial pour faire passer la myriade - Documenter la cartographie à l’aide des insights identifés pendant la
d’émotions dont la plupart des parcours sont faits. phase de synthèse des verbatims des clients eux mêmes, des photos …
Une cartographie ainsi conçue du point de vue du client fournit une
lecture à un niveau élevé des facteurs qui influencent l’expérience et
Un parcours client construit depuis la perspective de l’utilisateur fournit une lecture permet d’identifier les irritants et opportunités à travailler pour délivrer
à un niveau élevé des facteurs qui influencent l’expérience et permet de une expérience enchantante.
cartographier à la fois des points de contact formels et informels et un certain
nombre d’itérations. Par exemple, on peut appeler plusieurs fois un service client
pour obtenir des informations ou résoudre un problème. La perspective que la carte
fournit permet d’identifier à la fois les zones de problèmes - les moments de vérité -
et d’opportunités pour l’innovation, les points de souffrance pour améliorer
l’expérience collaborateurs et la courbe émotionnelle du client. Elle permet de se
concentrer sur des points de contact spécifiques permettant à l’expérience de
service d’être divisée en étapes - continuums expérientiels - pour une analyse plus
approfondie. Le principe c’est de pouvoir zoomer et dézoomer en fonction du niveau
de granularité recherché : ce qui fait la force d’un bon parcours client, c’est le niveau
de détail obtenu : on dit souvent de l’expérience client que c’est dans les détails que
se trouvent les opportunités… ou les frustrations.

Le livre blanc de l’Expérience Client 43 Le livre blanc de l’Expérience Client 44


Les 7C sont une approche en sept temps qui se compose de méthodologies, d’outils
Les « 7C » ou la stratégie en action et de recommandations pour mener à bien un projet de transformation (« Changer
»). Ces temps, qui peuvent être linéaires dans le cas d’une refonte globale
d’expérience client, peuvent aussi être traités individuellement dans le cas de projets
aux périmètres plus réduits. Si ces temps sont chronologiques, le « C » d’entrée
dépend de la culture de l’entreprise. À des entreprises qui ont intégré le design
comme culture, le « C » de captation sera un prérequis en amont de la définition du
projet. Ces temps sont itératifs, le processus de conception de l’expérience client
s’appuyant sur le design n’étant pas linéaire.

Ainsi, certaines entreprises souhaiteront d’abord s’appuyer sur le « C » de co


création avant d’identifier des projets pour redérouler les différentes phases de
conception. D’autres entreprises, partant de la stratégie et de la vision, préféreront
connecter valeurs d’entreprises, de marques et les grands chantiers stratégiques à des
plans d’actions.

Temps 1 – Capter les enjeux


L’expérience client est un territoire complexe où de nombreux paramètres, acteurs,
moyens et conditions de réalisation de l’expérience entrent en jeu. Il s’agit pour
l’entreprise entamant une démarche expérience client de chercher à savoir où elle en
est par rapport à l’ensemble d’enjeux et d’opportunités de natures différentes.
Je fais souvent le constat, partagé avec mes clients, que le problème avec les Humains, managériaux, technologiques, organisationnels, structurels ou
mauvaises expériences n’est pas tant lié à une erreur de conception qu’à un contextuels, ces enjeux identifiés et captés sont le point de départ de la démarche
défaut d’exécution. Pour mémoire cette citation de Bain&Cie qui dit que « expérience client. Ceux-ci sont pris en compte dans leur ensemble, en adoptant un
pour 80% des entreprises qui pensent livrer une expérience exceptionnelle, ils cadre holistique, pour le potentiel qu’ils représentent : les problématiques et les
ne sont plus que 8% des clients de ces memes entreprises à penser la même symptômes de ces problématiques qui thématiseront la démarche expérience client à
chose ». venir, les premiers enjeux sources de victoires rapides, les enjeux sources
d’enchantements, les enjeux d’optimisation ou d’innovation.
Problèmes de compréhension de la part des collaborateurs ? Mauvaise L’empathie est une dimension essentielle de l’expérience client : comprendre
compréhension du client de la part des managers ? La liste est longue des écarts l’humain, clients et collaborateurs, est la première condition de succès de
perceptuels qui amènent l’idée originale à se diluer dans les multiples étapes qui l’expérience client. Par une variété de stratégies, méthodes et outils, les démarches
jalonnent la vie d’un service. On a parfois l’impression qu’au sein d’une même d’expérience client placent, par nature, au cœur des projets les besoins, aspirations,
entreprise, personne ne parle la même langue. Convaincue qu’il s’agit avant tout attentes, actions de ces utilisateurs, afin de pouvoir adopter leur point de vue dans la
d’un problème de méthode, je dis qu’il est indispensable d’articuler ces étapes conception de l’expérience client.
entre l’intention et l’exécution avec rigueur et discipline.
L’expérience client en tant que démarche permet cela car elle intègre une dimension Temps 2 – Comprendre les clients et les collaborateurs
stratégique qui permet l’alignement et une dimension collaborative qui permet de C’est ce changement de paradigme, d’une approche de l’expérience client pensée par
décloisonner les silos fonctionnels et les lignes hiérarchiques. Pour doter l’expérience l’entreprise à une expérience client vécue du point de vue du client, paradigme
client d’une dimension stratégique et opérationnelle, voici un nouveau modèle de central à l’approche design de services, qui est nécessaire pour des expériences
transformation de l’organisation qui connecte plusieurs disciplines - de gestion, de clients réussies.
management et de design de l’expérience client - le modèle des 7C. Cette approche Dans « Capter », on collecte une masse énorme d’informations qui va faire sens dans
est un changement de paradigme, car elle oblige à avoir un regard externe sur « Comprendre » : comprendre les clients et les collaborateurs encore une fois de
l’entreprise, contrairement au marketing, où le client intervient en validation. Ce façon holistique, en amont, pendant et après et sans œillères, mais surtout de les
passage de l’orientation client à l’inspiration par le client s’appuie sur une comprendre dans ce qu’ils sont et représentent profondément. Les méthodologies et
démarche empathique qui met véritablement le client au cœur de l’entreprise, outils de « Comprendre » visent à représenter de la manière la plus visuelle possible
intervenant très en amont dans la conception. la complexité des situations identifiées dans « Capter ».

Le livre blanc de l’Expérience Client 45 Le livre blanc de l’Expérience Client 46


Temps 3 – Coconcevoir l’expérience client personnel) et de modéliser des relations entre les drivers de la qualité de
Coconcevoir l’expérience client représente un changement d’échelle de conception l’expérience (rapidité, pertinence…), la perception des clients de leurs expériences
produit-service-système-expérience par rapport à une conception en silos des (facile, fiable…) et les résultats en termes de business (augmentation des ventes,
produits, des services et des systèmes associés : elle peut impacter l’ensemble de ces nombre d’appels au call center…).
dimensions.
Coconcevoir répond à un enjeu d’innovation pluridisciplinaire pour adresser la Temps 7 – Changer : coordonner et pérenniser les actions
complexité de nos sociétés et de notre environnement et réunit différentes pratiques Chaque fois qu’un changement est approuvé par une politique, un process, un produit,
et méthodologies, le codesign et les méthodes collaboratives de créativité une technologie ou un autre système qui affecte l’expérience client, il convient de
(brainstorming, par exemple) et d’innovation. Coconcevoir est un changement de redesigner de manière proactive l’expérience pour prendre en compte le
culture dans la manière de concevoir, une approche décloisonnée, qui constitue un changement, organiser l’entreprise autour du client et de l’expérience vécue, mettre
prétexte de langage commun et aboutit à des continuums d’expériences, des en place les instances nécessaires au pilotage et responsabiliser les équipes pour plus
moments tangibles d’expériences et leurs points de contact, processus et actions d’autonomie.
associées. C’est aussi une dynamique mobilisatrice des équipes et des partenaires.

Temps 4 – Connecter à la stratégie et à la culture de l’entreprise Parce qu’elle ne se contente pas de modifier l’expérience livrée au client, l’expérience
Connecter à la stratégie et à la culture de l’entreprise est un temps essentiel client en tant que discipline permet à l’organisation de redéfinir son activité et le
d’alignement qui consiste à prendre la plate-forme de l’expérience comme outil de business model qui va avec dans une logique de transformation pour ses clients et ses
filtrage pour sélectionner les moments tangibles d’expérience qui seront collaborateurs.
implémentés et prioriser les décisions. De cette manière, l’expérience client et son
impact sur les politiques, process, technologies et communications deviennent un
critère de décision à part entière. Il s’agit ainsi non seulement de maintenir un flux Cet article a été publié le 11/09/2015… et a été lu 2 043 fois
constant de projets destinés à améliorer l’expérience client, mais aussi de réviser
régulièrement le statut et les métriques du programme expérience client pour piloter
le niveau d’atteinte des objectifs business et ajuster les tactiques et les budgets si En résumé :
nécessaire. L’écart perçu entre l’expérience que l’on souhaite délivrer et l’expérience
vécue par les clients est immense, et provient d’une mauvaise exécution
Temps 5 – Collaborer pour mobiliser durablement
liée à un défaut de méthode. L’expérience client étant une réelle discipline,
La dimension RH de l’expérience client permet de faire le lien entre l’expérience elle a besoin de modèles et nous vous proposons le nôtre : les 7C. Cette
voulue et l’expérience livrée, permettant ainsi de réduire l’écart entre l’intention et
méthode s’inspire des clients et adopte leur point de vue
l’exécution. Pour ce faire, la sélection des collaborateurs se fait essentiellement sur la
pourtransformer l’organisation par le prisme de l’expérience et se
base de leurs valeurs orientées client et de leur capacité à délivrer la stratégie
structure en 7 étapes :
expérience client. « Hire for passion » est le mantra de nombreux champions de
l’expérience client, la compétence métier suivra. La contribution des collaborateurs
C1. Capter les enjeux
renforce la culture expérience client qui se diffuse grâce aux histoires de bonnes
C2. Comprendre les clients et les collaborateurs
pratiques, à la mise en œuvre de rituels et de routines et à l’utilisation de
C3. Coconcevoir l’expérience client
récompenses et de célébrations informelles pour mettre en avant les meilleurs
C4. Connecter à la stratégie et à la culture de l’entreprise
comportements orientés client.
C5. Collaborer pour mobiliser durablement
C6. Chiffrer la performance
Temps 6 – Chiffrer la performance
C7. Changer : coordonner et pérenniser les actions
Le pilotage de l’expérience client passe par la définition d’un cadre de mesure en lien
avec les perceptions des clients et consistant dans toute l’organisation (circuits,
BU…). Il s’articule autour de plusieurs systèmes de métriques qui montrent
comment chaque groupe, rôle et individu dans l’organisation contribue à la qualité de
l’expérience client. L’analyse des tableaux de bord permet ensuite d’identifier des
différences de qualité parmi les segments de clients clés, les tâches (acheter un
produit, obtenir un service…) ou des aspects de l’expérience (gentillesse du

Le livre blanc de l’Expérience Client 47 Le livre blanc de l’Expérience Client 48


en interne le top management et les acteurs en charge de la conception du service à
Capter les enjeux la réalité vécue et perçue par les clients. On passe d’une classique connaissance
quantitative des segments de clients et des processus, à une captation dite «
qualitative » de l’ordre du vécu. Et pour avoir emmené sur le terrain de nombreux
dirigeants, je vous assure que beaucoup d’entre eux ont littéralement découvert ce
que vivaient concrètement leurs clients et collaborateurs !

Point d’enjeu :
La difficulté de cette étape réside dans le fait que, rapidement, une masse
d’informations très importante peut être collectée et risque donc de noyer les
observateurs lors de la synthèse. De même, une approche trop superficielle et non
pilotée ne permettra pas de collecter des informations viables voire de premières
pistes de réflexion.

Organisation et logistique :
La captation est pilotée de manière générale, ouverte et sans a priori, et s’organise
en mode projet avec la désignation d’un chef de projet à l’interne pour identifier les
participants, gérer les rendez vous terrain, recueillir les informations auprès des
différents services. Plusieurs itérations de cette étape sont parfois nécessaires. La
Pour rentrer concrètement dans le « comment » d’une démarche expérience plupart des informations sont déjà disponibles au sein de l’entreprise. Il s’agit donc :
client, je vous présente le premier des 7C : Capter les enjeux. - d’identifier les sources humaines et documentaires de connaissances et
d’informations existantes, vision stratégique d’entreprise, veille sur les sources et
Capter c’est construire un socle commun de connaissances pour partager une contenus en lien avec la thématique projet…
même compréhension de la situation. Ce que l’on veut capter ce sont les regards - d’identifier et de cibler un premier cercle de parties prenantes. Ce premier
croisés sur les enjeux de l’entreprise et sur les enjeux des clients et, plus cercle, au fil de la captation, est amené à évoluer pour intégrer de nouveaux
généralement, sur l’écosystème de l’entreprise : c’est le préambule indispensable à acteurs pertinents identifiés pendant les échanges (par exemple, des partenaires
une démarche expérience client. Et pour cela, il est nécessaire d’adopter une posture externes à l’entreprise).
empathique pour se mettre dans les chaussures du client et envisager les situations - de créer l’équipe de captation
depuis son point de vue. - d’identifier les moyens à utiliser suivant la nature des captations : formats
collaboratifs (avec collaborateurs), interviews individuelles pour creuser en
Cette première étape permet de sentir, de comprendre les émotions et les attentes profondeur les enjeux perçus, remontées anonymes terrain sur des espaces
du client. Récolter ces informations qualitatives (en plus des informations d’expression physique ou encore de séquences photos, vidéos, sonores de
quantitatives existantes) nécessite un pilotage et un encadrement très précis. l’environnement ou de plongées dans le vécu des clients.
Rajoutons qu’il est crucial de se défaire de tout a priori. Vous êtes un observateur - de définir une échelle commune d’observation, en validant le cadrage projet.
neutre et ouvert ! Et le mieux, c’est de faire appel à des collaborateurs internes Alternativement, cette phase de captation peut permettre de mieux définir un
mais aussi à des spécialistes externes : ethnographes, philosophes, marketeurs, périmètre projet.
linguistes, sémiologues ont des visions des organisations et de l’humain, qui, une fois
croisées, nourrissent une compréhension holistique de la situation. Timing :
Le temps de captation peut se dérouler sur différentes temporalités. En fonction du
La méthode : degré de complexité du parcours client à construire, du scope du projet et des
Pour réaliser cette étape, plusieurs méthodes sont utilisées. Issues de plusieurs enjeux business, ce temps sera plus ou moins long : (de 2 à 5 jours à 1 mois) ou de
disciplines, elles vont de l’observation des comportements des clients aux interviews façon plus permanente mais avec des processus de remontées rapides et automatisés.
et observations des collaborateurs délivrant le service, le tout illustré de nombreuses
photos et vidéos. Le pilotage du temps de captation est très stratégique : il s’agit de Outils :
décloisonner les silos fonctionnels en charge de la conception des expériences de La captation repose sur un ensemble d’outils à la croisée du design, de l’ethnographie
service (marketing, relation client, communication, service client…) et de reconnecter et des études qualitatives permettant l’empathie et inclut:

Le livre blanc de l’Expérience Client 49 Le livre blanc de l’Expérience Client 50


- l’observation fine de l’expérience vécue, empathique, émotionnelle;
- l’observation in situ au sein des différentes étapes du parcours client; Comprendre les clients et les collaborateurs
- l’observation silencieuse – ou shadowing – des utilisateurs sur des séquences
complètes de leurs parcours;
- le questionnement en mode ouvert des collaborateurs et des clients;
- la simulation de rôles sur le parcours client, permettant de se projeter dans des
utilisateurs extrêmes, caractérisant des usages émergents ou spécifiques;
- l’observation contextuelle des usages

Le livrable répond à l’objectif de mise en perspective des enjeux des clients et de


ceux de l’entreprise et est construit dans le 2ème temps de COMPRENDRE : c’est le
parcours client. Ce livrable est multimédia (interviews, verbatims utilisateurs, photos,
vidéos, enregistrements, captures et séquençage de parcours au sein de points de
contact digitaux, données qualitatives, quantitatives visualisées). Des représentations
plus complexes sont possibles suivant les projets.

Cet article a été publié le 25/10/2015… et a été lu 226 fois

Notre découverte de la démarche des 7C a commencé par «  Capter les


enjeux », elle se poursuit par le 2ème C; celui de « Comprendre les clients et
En résumé : les collaborateurs ».
Avant de débuter le travail de conception de l’expérience à délivrer, il est
primordial de construire un solide socle de connaissances sur lesquelles Comprendre, c’est structurer les informations collectées lors de la captation. Il
on se basera pour mettre en place une démarche expérience client. Il faut en effet faire sens des données récoltées sur le terrain (documents internes,
s’agit de récolter des informations qualitatives afin de comprendre ses interviews, observations, etc). Comprendre, c’est aligner les besoins exprimés et
clients. non exprimés par les collaborateurs, voire dissimulés. Enfin, comprendre c’est une
- Méthode : décloisonner les silos fonctionnels traditionnellement en remise en contexte de l’expérience observée en intégrant les pratiques des
charge de la conception des expériences de service et reconnecter le concurrents par exemple.
top management à la réalité vécue et perçue par les clients A l’issue de la phase de compréhension, vous devez être en mesure d’identifier les
- Point d’enjeux : adopter le bon niveau de détail dans les informations différentes zones d’opportunité à travailler.
captées (trop d’informations rendent l’analyse confuse, pas assez
d’informations livrent une analyse superficielle) La méthode :
- Organisation et logistique : identifier les sujets à observer, créer une La phase de compréhension va permettre de mettre en lumière, certes les premières
équipe de captation, identifier les outils à utiliser, définir une échelle opportunités d’innovation, des enjeux - irritants, dysfonctionnements - à corriger,
commune de captation mais peut-être aussi de nouvelles connaissances à acquérir.
- Timing : de quelques jours à un mois selon le degré de complexité du La première étape de «  Comprendre  » consiste à visualiser le parcours client à
parcours client à construire l’occasion d’un atelier qui rassemble les membres de l’équipe projet . Chaque colonne
- Outils : observation fine de l’expérience vécue, observation in situ, correspond à une étape d’un service vécue par le client. Chaque ligne indique, pour
shadowing, questionnement en mode ouvert, simulation de rôles, chacune de ces étapes, les points de contact c’est-à-dire tous les moments
observation contextuelle des usages … d’interaction entre votre organisation et les clients mais aussi les moyens utilisés par
l’entreprise pour s’adresser à ses clients (collaborateur à un guichet, emails, sms, site
internet, signalétique, etc).
Cette version est ensuite mise au propre puis nourrie de l’ensemble des informations
qui ont été collectées puis synthétisées pendant la phase de captation et qui sont
issues des études, des remontées terrain - interviews et observations.

Le livre blanc de l’Expérience Client 51 Le livre blanc de l’Expérience Client 52


Ce travail de synthèse va mettre en lumière :
- les premières opportunités d’innovation En résumé :
- des enjeux - irritants clients, dysfonctionnements - à corriger La seconde étape de la méthode des 7C, Comprendre, consiste à
- mais peut-être aussi de nouvelles connaissances à acquérir structurer et analyser les informations recueillies lors de la première
On peut utiliser des codes couleurs pour représenter les opportunités et les enjeux étape, aligner les besoins exprimés et non exprimés de clients et
et renforcer la lisibilité de l’ensemble. collaborateurs, et replacer l’expérience vécue dans un contexte plus large.
On demande aux participants de la démarche de captation de compléter la - Méthode : étudier le parcours client à l’aide de personas et en déduire
cartographie en leur donnant accès à la feuille excel puis on la fige et on la met en les opportunités d’amélioration, les irritants à corriger et les nouvelles
forme graphiquement pour l’atelier de co-conception. Le fait d’avoir contribué à la connaissances à acquérir
captation permet aux participants d’avoir une connaissance de l’ordre du vécu et de - Point d’enjeux : la lisibilité du parcours client, l’implication d’une même
bâtir la cartographie du point de vue du client et non pas du point de vue des équipe pour les phases de captation et de compréhension, la synthèse
process internes de l’entreprise. qui doit faire émerger la cohérence des observations
C’est à travers les personas que le parcours va être étudié et exploité. Ceux-ci - Timing : débute lors d’ateliers, peut comporter des itérations avec le
permettent d’humaniser, de concrétiser toutes les informations récoltées. 4 à 5 terrain
personas sont suffisants pour représenter l’ensemble des étapes à forts enjeux - Livrables : le parcours client et les personas
cartographiées dans le parcours client. Les personas sont crées à l’occasion d’une
réunion de l’équipe en charge qui valide le parcours client complété de l’ensemble
des informations et identifie les situations d’usage qui leur correspond
Points d’enjeu :
Un parcours client peut vite être très fourni, très détaillé et donc devenir illisible :
c’est un outil de représentation qui doit être déchiffrable rapidement et
facilement.
Il est important que les étapes de captation et de compréhension soient réalisées
par les mêmes personnes : on apprend plus de ce que l’on vit que de ce qu’on lit ou
de ce que l’on entend (learning by doing).
L’étape de synthèse est essentielle car elle seule peut faire ressortir cohérence et
sens entre toutes les données. Elle a aussi le pouvoir de faire ressortir des émotions
qui n’auraient pas été exprimées par les acteurs, clients et collaborateurs.
Il peut être necessaire de faire compléter certaines étapes par les équipes terrain
avant de la figer pour l’atelier de co conception.
Timing :
La phase de compréhension est initiée en atelier et se poursuit en chambre. Elle peut
être complétée d’un ou deux ateliers pour valider les étapes et les informations
figurant dans le parcours client. On peut aussi avoir besoin de retourner vers le
terrain pour compléter la compréhension avec des informations supplémentaires.
Livrables :
Le parcours client et les personas sont les livrables de la phase « compréhension ».
La compréhension permet d’être plus empathique et de se préparer à la phase de co
cocréation. Elle doit être conduite l’esprit ouvert afin ne pas se limiter pour la phase
de co conception.

Cet article a été publié le 06/12/2015… et a été lu 233 fois


Le livre blanc de l’Expérience Client 53 Le livre blanc de l’Expérience Client 54


sens grec originel, aesthesis qui veut dire perceptions, sensations, affects, émotions.
BONUS - Une société en quête C’est ça la définition de l’aesthesis. Le capitalisme est ce système qui fait appel aux
d’émotions émotions, qui stimule les affects et les imaginaires, afin de faire rêver sans dire divertir.
Le capitalisme artiste, c’est le système qui construit ce que j’appellerais le marché de
la sensibilité, les espaces de la sensibilité et donc il fonctionne comme une immense
ingénierie du rêve, de l’émotion et de l’imaginaire.Voilà la définition.

Il y a de nombreuses logiques qui définissent ce système. Je vais en prendre 5 traits.

1. La généralisation du design.

L’intégration ou l’incorporation du paradigme esthétique se vit fondamentalement


dans cette dimension-là. Aujourd’hui, plus aucun objet, même le plus banal, n’échappe
à l’intervention du design. Mêmes les produits qui autrefois étaient strictement
utilitaires et qui avaient peu de dimension esthétique (téléphone, montre, lunette,
matériel sportif, sous-vêtements, jusqu’aux brosses à dents) sont maintenant designés,
sont rentrés dans une logique de mode et transformés en accessoires de mode. Un
design qui investit à présent jusqu’au territoire des odeurs, des sons, des sensations
tactiles. L’importance du design se lit dans la forme des produits, dans le
réaménagement des espaces, mais aussi dans le graphisme, le packaging, le
merchandising, et du coup ce qu’on appelle le design n’est plus simplement le design
En octobre 2014, j’organisais avec le Club Cortex, une conférence intitulée d’objet qui était autrefois la dimension majeure du design.
« Prendre de la hauteur avec l’expérience client » dont Gilles Lipovetsky était l’invité.
Aujourd’hui on parle de design d’environnement, du design paysagiste, de design
Ce choix était pour moi l’occasion de rendre hommage à celui qui n’a cessé de
d’ambiance lumineuse, web design, design sensoriel, olfactif, sonore, tactile. On est
m’inspirer depuis la parution de « L’ère du vide » en 1989. Devant un auditoire venu
dans la dissémination désormais du design et qui engage comme vous le voyez bien
nombreux à la Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale, place Saint
sûr les formes, les lignes mais aussi les sensations propres, les sensations vécues du
Germain, il nous a rappelé que la société dans laquelle nous vivons ne cesse de
consommateur. Le design au départ ce n’est pas ça, le rationalisme d’origine ne prend
mobiliser, de solliciter les plaisirs et les émotions, qu’elle nourrit notre appétit à vivre
pas en compte l’expérience du consommateur ou des individus. C’est une activité
des expériences qui nous enchantent. Ceci est la retranscription de son intervention.
rationaliste, assez proche de celle de l’ingénieur. C’est le design de Kröger, de Le
Bonne lecture !
Corbusier, des designs fonctionnalistes. Il y en a toujours, bien évidemment mais à
côté de celui-là il y en a d’autres qui se sont multipliés et qui s’ouvrent désormais à
«  Nous sommes à l’heure où l’activité esthétique du capitalisme est devenue
l’imaginaire, au pouvoir d’évocation sentimentale des espaces et des objets, la
structurelle, exponentielle, présente dans tous les secteurs de la consommation
dimension sensorielle des consommateurs ou des clients. Une grande part des
marchande. Nous sommes à l’heure de la prolifération, de l’inflation esthétique
décisions d’achat aujourd’hui comprend ces éléments émotionnels et le design ne se
portée par le capitalisme de l’hyperconsommation. J’ai proposé ce nouveau modèle
contente plus de construire un produit fonctionnel, utilitaire, économique, vrai, mais il
du capitalisme : le capitalisme artiste, ou le capitalisme transesthétique. Pourquoi ?
cherche à raconter une histoire, à faire rêver, à donner du plaisir. Il y a un nouveau
Parce qu’il se définit par l’incorporation systématique, structurelle du parallèle
mariage entre le design et la séduction alors que le design d’origine voulait rompre
esthétique ou expérientielle dans tous les secteurs qui touchent à la consommation,
avec les logiques de séduction dont Laus disait que c’était un crime, je vous le
ce qui veut dire que ça ne touche que les secteurs du capitalisme de consommation,
rappelle. Nous sommes sortis, je crois, de ce modèle car nous voyons la
et pas du capitalisme financier. Le capitalisme artiste, esthétique, touche le capitalisme
réincorporation de cette dimension du plaisir, le réenchantement de l’objet marque
de consommation. Cette dimension renvoie à toutes les opérations de décoration, de
une vraie cassure de l’histoire séculaire du design.
stylisation, de séduction des produits et de l’espace - magasins, centre commercial,
restaurants, aéroports, centre-villes, gares, paysages - il n’y a plus un domaine qui
échappe à cette incorporation de ce paradigme. Mais l’esthétique dépasse la simple
stylisation formelle ou visuelle. Ce n’est qu’un aspect. Esthétique doit s’entendre au

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2. L’escalade de la mode et du spectaculaire. capitalisme artiste est le système qui s’emploie à créer une magie, un état de magie
enchantée à l’heure du désenchantement du monde.
Nous sommes à une époque où à présent les produits, les jeux, les sports, les
accessoires, les espaces, tout rentre désormais dans un mécanisme de mode, de
séduction, c’est-à-dire de renouvellement accéléré de l’offre. C’est particulièrement
visible dans l’Europe aujourd’hui : chaque année, c’est plus de 20 000 nouveaux 3. La logique de l’hybridation, la logique du croisement.
produits qui font leur apparition sur les marchés européens de grande
consommation, plus de 800 millions de parfums sont vendus sur le marché mondial Le capitalisme artiste se caractérise en effet par un système qui brouille
chaque année. L’accélération et l’obsolescence du produit s’observent partout dans le systématiquement les anciennes oppositions de la modernité entre l’économie, l’art,
monde ; tout va toujours plus vite, les produits sont hors circuit non pas parce qu’ils la mode, le culturel. Le capitalisme moderne, celui du 19e siècle, était fondé sur une
sont hors fonction mais parce qu’ils sont dépassés par de nouveaux produits qui logique de différenciation. Là où était le culturel et le religieux, la modernité au nom
viennent s’offrir sur le marché par un renouvellement systématique. Donc nous de la rationalité et de l’efficacité va se séparer. Les logiques sont différentes : le
sommes rentrés dans un monde restructuré par la logique de la mode (qui a toujours monde de l’art n’est pas le même que le nôtre et les artistes méprisent le monde
été une logique de renouvellement permanent) sauf que cela touchait les vêtements économique. Il y a des séparations où la mode se différencie, il y a des liens mais ce
essentiellement alors qu’aujourd’hui ça a annexé l’intégralité de notre environnement: n’est pas le même monde. Alors je crois que c’est ça qui est en train de se produire :
les objets mais aussi quand on regarde les magasins et les espaces haut de gamme, là on est à l’heure du mélange des genres, des croisements, de l’hybridation de
aussi, nous avons un renouvellement de plus en plus systématique de l’environnement l’économie et de l’art et c’est ça qui justifie l’idée d’un capitalisme transesthétique. Il y
spatial du lieu commercial. Escalade d’éphémère, mais aussi escalade du spectaculaire. a un mariage.

On dit parfois que la société du spectacle est dépassée parce qu’on est dans la Notre époque est marquée par une relative dé-différenciation des sphères de
société d’internet, des réseaux interactifs, la société de la transparence et de l’économie et de l’esthétique. Il y a une dérégulation entre les sphères de l’industrie
l’authenticité. Je crois que ce n’est pas vrai : je crois que c’est le contraire. Jamais la et du style, de la mode et de l’art, du divertissement et de la culture, du commercial
dimension spectaculaire n’a eu autant de relief. Il y a de plus en plus de spectacles, et du créatif, la culture de masse et la haute culture. Chaque jour, le monde industriel
avec de plus en plus d’images, de gigantisme, d’impact visuel et de divertissement. On se croise un peu plus avec l’univers de la mode : les ustensiles de cuisine, les salles de
est bien souvent dans une logique de surenchère, de toujours plus, d’hyperbolisme du bain, la lingerie, le matériel sportif, tout ça, des objets purement fonctionnels
spectacle. Les exemples ne manquent pas : prenez le cinéma, des superproductions deviennent des articles de mode, des accessoires de mode. Les partenariats avec les
aux budgets colossaux qu’on appelle des blockbusters, des défilés de mode qui depuis notoriétés de la mode se renforcent : Karl Lagerfel a redessiné les bouteilles de Coca
quelques années se sont un petit peu corrigés, mais il reste des logiques de Cola, Stella Mc Cartney a sorti des mini-collections pour H&M. Vous voyez ? je
présentation extrême, au Grand Palais, des énormes spectacles de mode, multiplie les exemples qui montrent que le monde de l’art, et le monde du show
l’architecture elle, les gratte-ciels de plus en plus hauts dans le monde, les centres business, qui étaient des mondes relativement autonomes, aujourd’hui viennent se
commerciaux gigantesques se multiplient ; les mégapoles qui fleurissent à travers le croiser avec d’autres univers. Buren a travaillé pour Hermès, qui incarnait dans les
monde avec des hôtels, des golfs, des piscines, des lieux de divertissement qui années 60 l’avant-garde qui vomissait le capitalisme et la sphère marchande.
intègrent de plus en plus les espaces expérientiels ; des paquebots de croisières sont Murakami, Stephen Sprouse ont signé des articles pour Vuitton. On peut multiplier les
de plus en plus gigantesques. exemples.

Nombre de musées maintenant apparaissent comme des architectures spectacles en Nous sommes à l’heure du lissage des genres, de la déstabilisation des distinctions
vue d’un effet image et de l’essor du tourisme culturel. Les parcs de loisirs se traditionnelles entre culture artistique et culture matérielle, art et économie, avant-
multiplient avec des divertissements kitsch : des spectacles de sons et lumières, des garde et marché, création et industrie. De plus en plus, on voit dans ces nouvelles
parades. Il s’agit au fond de faire image, de provoquer des émotions et des hybridations créatives un pacte de performance qui permet de renforcer la notoriété
stimulations immédiates. Et cela pourquoi ? Pour se différencier, pour gagner de et l’image des produits, des enseignes, parce que ça touche précisément les émotions,
nouveaux marchés, pour marquer les sensibilités. Le capitalisme artiste pousse l’expérientiel, dès l’instant où vous faites intervenir ce paramètre esthétique, c’est
toujours plus loin la recherche des effets pour séduire, pour amuser, distraire un l’ensemble du système qui se coule. L’ensemble du système économique était fondé
nombre croissant de consommateurs. La société de l’hyperspectacle unit l’économie, sur un élément simple, sur les formes par exemple, avec Ford les machines seraient
le divertissement, la séduction, l’expérientiel. Désormais nous sommes dans une capables de créer des voitures en série etc. Il y a un refus systématique de
société qui transforme toute chose en culture. L’information, les jeux, les spectacles l’expérience même, elle est la même pour tout le monde, une voiture pas chère et
tout cela vient illustrer cette dimension de l’hyperspectacle et de la séduction. Le une voiture qui marche. Il n’y a aucun sens de forme, 1910-1920, c’est le rationalisme

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du départ. Et là on se rend compte qu’on est dans un tout autre système qui se met inutiles, purement expérientielles. Il veut voir, sentir, alors il prend des photos, ce
en place. consommateur.

Alors bien sûr, il est vrai que dans la société dans laquelle nous sommes a brisé les
codes capables de nous faire comprendre les chefs d’œuvre dont nous sommes
4. L’esthétisation des désirs et comportements. témoins durant ces voyages – le visiteur de musée reste entre 5 et 10 secondes
devant un tableau – par rapport à une vision académique de ce qu’est l’expérience
Il y a le changement de l’offre mais il y a également une transformation du côté de la esthétique, face à ça les gens ne comprennent rien, c’est normal : il faut les codes,
demande des individus. On n’arrête pas de dire que le système dans lequel nous quelqu’un. Vous n’êtes pas un spécialiste, un égyptologue. Mais justement c’est
sommes prolétarise les consommateurs parce qu’on a un nombre croissant de fast exactement ça : ce n’est plus une expérience savante, c’est purement une expérience
foods, de télévision, du zapping … Dans cet univers-là, l’expérience esthétique ne esthétique, on ne comprend même pas. Et donc le consommateur esthétique
cesserait de décliner, et au fond brise l’expérience qualitative. Il y a des tas d’exemples aujourd’hui transforme en esthétique ce qui ne l’était pas. Ce n’était pas des projets
qui viennent étayer la thèse de la prolifération mais en même temps on a mille autres esthétiques. Par exemple au Quai Branly au Musée des Arts Premiers, vous voyez des
exemples qui vont dans le sens opposé car nous sommes désormais dans un monde totems, des masques qui n’étaient pas des objets esthétiques. Ils étaient intégrés dans
où les consommateurs sont de plus en plus désireux de paysages, de patrimoines, de l’univers – des objets magiques, faits pour la guerre, plein de choses -, le problème
tourisme, de décoration des intérieurs, de jardins, d’ambiance, de décoration. Jamais n’était pas de plaire ou de ne pas plaire, il n’y avait pas de problème esthétique.
on n’a consommé autant de musique, de concerts, de films, de festivals. Les nuits Contrairement à ce qui est dit, il n’y a pas prolétarisation mais il y a démocratisation
banches à Paris chaque année c’est plus de deux millions de personnes. C’est pas des de l’expérience esthétique, du goût de l’esthétique, quelle que soit l’absence de
phénomènes esthétiques à l’ancienne, tout le monde qui regarde des films, qui va au repères et de capacité de l’intelligibilité des choses parce que nous ne sommes plus
musée, qui regarde les chefs d’œuvre de l’humanité, ce n’est pas ça ; il y a une sorte dans un monde fermé. Il faut allier les deux, les deux sont vrais. A partir de là, gardons
de quête esthétique qui signifie ici expérientielle au sens aesthesis comme je l’ai dit ce modèle tout simplement ambivalent.
tout à l’heure. On n’est pas là pour faire des analyses sémiotiques des œuvres d’art.
Ceux qui vont visiter ces lieux veulent vivre une expérience. Nous assistons non pas
au dépérissement de masse de la sensibilité mais je pense à la démocratisation des
aspirations et de l’expérience esthétique au sens global que j’ai défini tout à l’heure. 5. Quels sont les impacts sur le consommateur ou la consommation ?

La vérité est que le capitalisme artiste a enrichi les attentes esthétiques des individus, Avec le capitalisme artiste, nous sommes entrés dans une nouvelle logique. La
l’appétit des sensations et des expériences nouvelles. De fait, le capitalisme artiste ne consommation était dans les trente glorieuses une consommation fondée sur un
cesse de développer une consommation de plus en plus abondante d’expériences développement d’une consommation semi-collective. La maison, la voiture, la télé,
esthétiques au sens originel du terme. Voyez la musique, avant c’était dans les fêtes de étaient pour la famille. Depuis une trentaine d’années, c’est un autre jeu qui se met en
temps en temps, deux-trois dans l’année ; aujourd’hui c’est non-stop. Les jeunes place, c’est une consommation fondée sur les individus. Il y a plusieurs télés dans la
écoutent de la musique non-stop, ils écoutent leurs playlists, sur les différents médias, maison, plusieurs ordinateurs, appareils, des consoles. Là où il y avait une
la musique est devenue un antidote expérientiel permanent. Le capitalisme a standardisation de la consommation, nous avons des expériences de
contribué à créer un regard, un mode de perception désintéressé, une distance du désynchronisation, de délinéarisation.
regard, autrement dit un consommateur esthétique ou transesthétique, c’est-à-dire à
la recherche, comme disait Valéry, des « impressions inutiles » qui sont Je vais prendre un exemple simple : dans les années 50, tous les Français regardaient
caractéristiques de l’expérience esthétique. le même programme, à la même heure, tous. Aujourd’hui vous avez la multiplication
des canaux, avec le replay, les podcasts, les différés, les smartphones. Là où il y avait
Prenons un exemple : prenons le touriste. Le touriste se promène avec des shorts une massification de la consommation, vous avez une hyperindividualisation rendue
horribles, des baskets, il mange ses sandwichs avec ses papiers gras, il parle fort, bref possible par les nouvelles technologies qui rendent possibles des pratiques de
c’est l’horreur. Mais en même temps qu’est-ce qui motive ce touriste ? Il va aux désynchronisation là où tout était synchronisé. Cette désynchronisation d’ailleurs se
quatre coins du monde pour quoi faire ? Il va voir sans vivre les choses : il se lit jusque dans les modes de consommation : autrefois les gens consommaient en
promène, il va voir des musées, des villes, des pyramides, des cathédrales, des temples, fonction de leur classe sociale. Un ouvrier consomme comme un ouvrier. Si une
ce que vous voulez, mais il va pour vivre des émotions, des sensations, quelle que soit femme ouvrière voulait un chapeau dans un magasin un peu chic, il valait mieux
la part de vulgarité qui peut l’accompagner. Les deux choses peuvent aller ensemble. qu’elle se pende. Aujourd’hui vous avez une dérégulation des comportements de
Reste que dans l’essentiel, vous avez là une formidable expression de ce néo- consommation car on n’a plus de culture de classe. Il y a toujours, il y a même un
consommateur à l’affût non pas d’utilité mais comme le disait Valéry d’impressions renforcement des inégalités économiques mais il n’y a plus de culture de classe. Du

Le livre blanc de l’Expérience Client 59 Le livre blanc de l’Expérience Client 60


coup les gens mélangent les repères. Nous sommes au début de processus de quelque chose, un semblant d’aventure. Cela peut également être une manière de
désynchronisation, de dérégulation des comportements. Vous avez des compenser les frustrations de la vie. C’est pourquoi il y aura de plus en plus
comportements où on voit cohabiter à la fois le goût du rare, du luxe et le simple. d’immatériel, de virtuel, de numérique et en même temps la place pour de
Les gens mélangent les choses sans que ce soit mis à l’index du tout. formidables expériences au niveau réel. L’idée que le virtuel tue le live, tue
l’expérience des gens est une contre-vérité. Regardez : des gens qui vont dans les
Les gens sont devenus des opérateurs qui, en fonction de la démultiplication des bars, etc. Pourquoi aller dans les bars, les restaurants, faire la queue dans les musées ?
besoins, font des achats. La logique de l’essor ne vient pas de la misère, il vient du fait Les gens paient l’expérience alors même qu’ils sont suréquipés avec les smartphones,
de l’excroissance des besoins que les gens veulent plus qu’ils ne peuvent. Ils ont fait les tablettes. Voyez ? c’est ce paradoxe qu’il faut comprendre. Les marques font appel
des économies ici pour dépenser ailleurs. On va prendre un avion en première par elles-mêmes à des formes de design dans lesquels ils vont intégrer cette dimension
exemple pour aller dans un très bel hôtel, mais on peut aller prendre le bus. C’est ce esthétique et expérientielle.
qui fait la difficulté aujourd’hui de classifier les consommateurs selon les catégories
socio-professionnelles parce qu’il n’y a plus de culture de masse. Quand il n’y a plus
de culture de masse alors vous avez des comportements erratiques, des A propos de la consommation collaborative qui se développe, avec un
comportements dérégulés caractéristiques. On voit que les motivations des consommateur expert professionnel, extrêmement distancié par rapport à ça qui
consommateurs ont changé. On fonctionnait au concret, au fond sur le modèle de ferait qu’au fond l’univers d’hyperconsommation serait quelque chose du passé et
Hegel, avec une consommation de type statutaire, c’est le signe de réussite sociale. nous vivrions quelque chose de beaucoup plus raisonnable, responsable. La
Qui aujourd’hui achète une télévision pour la montrer à ses voisins ? C’est fini. collaboration existe mais si l’analyse que j’ai proposée est exacte, la consommation
aujourd’hui remplit des fonctions complexes. Nous sommes sortis de l’univers
Aujourd’hui nous sommes entrés dans une logique de consommation émotionnelle traditionnel. Dans cet univers-là dans lequel y vécu 99,9% de l’humanité, la recherche
ou une consommation expérientielle. On achète des produits pour le plaisir, pour expérientielle est extrêmement démocratique : on dansait de la même manière, on
ressentir des choses. On n’achète pas des smartphones pour se montrer, pas du tout : s’habillait de la même manière, on mangeait de la même manière, pendant des
on achète des smartphones pour être joint, jouer, échanger sur les réseaux sociaux, générations. C’est devenu intolérable aujourd’hui, parce que nous sommes dans une
prendre des photos. C’est le plaisir qui est acheté et il n’y a pas de statut honorifique, société de consommation. Quand la tradition recule, la demande d’expérience croît,
ça a totalement changé. On est dans une logique profondément expérientielle, à de recueillement du vécu perpétuellement. Les gens qui sont dans la consommation
travers l’expérience la plus banale aujourd’hui de l’acte de consommation. Cette collaborative sont dans ce modèle-là : ils le font car c’est un modèle économique qui
expérience émotionnelle dépend de l’explosion d’internet, des smartphones, de le permet. Avec un site internet vous allez pouvoir faire un voyage, avec une voiture à
toutes ces nouvelles technologies qui permet une dérégulation de l’acte d’achat. Là 4 vous allez aller à l’autre bout de la France vous allez payer 30€ au lieu de payer 150
où autrefois on était tributaire des horaires, des programmes, des magasins, avec la SNCF.
aujourd’hui vous êtes un consommateur non-stop, un hyper-consommateur, chez C’est la même chose pour le tourisme : ce n’est pas du tout un refus. C’est parce
vous à 4 heures du mat’ vous achetez ce que vous voulez sur Internet. Évidemment qu’il faut pouvoir être dans cet univers-là expérientiel que de nouvelles formes de
les choses se bousculent avec une consommation complètement virtualisée. Le consommation peuvent se développer. On n’est pas dans une consommation
paradoxe c’est qu’à mesure qu’il y a l’univers virtuel qui se développe, on voit monter purement éthique, responsable, mais la consommation éthique se développe en
une demande de qualité expérientielle dans de multiples aspects. Une tendance est même temps que la consommation expérientielle : elles ne sont pas antinomiques.
immédiatement contrebalancée par une autre. Vous avez une formidable virtualisation C’est cette nouvelle hybridation qu’il va falloir faire, qui va devenir impérative. Il va
mais qui ne conduit pas à l’appauvrissement de l’expérience, au contraire. L’essor des falloir varier les contraires. Jusqu’alors les titres responsabilité et puis esthétique de la
spas, des thalasso thérapies … Vous voyez l’essor des sports de glisse, du goût des consommation étaient des choses totalement séparées. Il ne faudra pas faire valoir
gens de la décoration de leur intérieur : il y a aujourd’hui une formidable demande de l’un sur l’autre mais le varier. C’est vrai en particulier pour le luxe où on voit de plus
qualité et non tout simplement de quantité. en plus la volonté de marier la dimension responsable, verte, écologique avec une
Les trente Glorieuses, c’était ça. Nous voulons moderniser notre environnement, dimension expérientielle, esthétique. Le jeu est rebattu mais il se perpétue en
développer des espaces qui enrichissent l’expérience du moment. D’un côté un intégrant de nouveaux paramètres en permanence. »
univers de l’immatériel qui ne va pas porter atteinte aux lieux physiques et de l’autre
un certain nombre d’expériences. Pourquoi les expériences ? Parce que la Gilles Lipovetsky
consommation est recherche d’expériences nouvelles, vivre des choses nouvelles
comme une manière de briser la routine des jours : vivre des choses. Il y a une sorte
d’appel à une jeunesse perpétuelle. Ce qui se recherche c’est le refus de la répétition. Cet article a été publié le 22/11/2014… et a été lu 1 209 fois
Et chaque expérience de consommation apporte un peu de beauté. Il se passe

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Le livre blanc de l’Expérience Client 63 Le livre blanc de l’Expérience Client 64

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