FRANCE

Motion adoptée par le meeting du 1er mars 2018 à Paris

« Nous, citoyens, travailleurs, jeunes, militants du mouvement ouvrier et démocratique de
l’État espagnol et de France, réunis dans un meeting public à Paris, jeudi 1 er mars, faisons nôtre
l’appel lancé par des militants de dix-sept pays d’Europe :
« Libération immédiate de tous les emprisonnés politiques ! Abandon de toutes les poursuites
judiciaires ! Liberté pour le peuple catalan de choisir ses propres représentants ! Bas les pattes
devant la République catalane ! »
Après avoir entendu les interventions
de Joan Lluis Bozzo, metteur en scène de théâtre, TeatRe amb R de Republica (Catalogne) ;
d’Eulalia Reguant, conseillère municipale à Barcelone, ancienne députée de la CUP-Crida
Constituent au Parlement catalan ;
de Felipe Zorita, militant ouvrier, ancien prisonnier politique sous le franquisme (Pays
basque/Euskadi) ;
de Maître Patrick Baudouin, avocat, Président d'honneur de la Fédération internationale des
ligues des droits de l’Homme (FIDH) ;
de Maître Claire Dujardin, avocate, membre du Syndicat des avocats de France (à titre
personnel) ;
de Patrick Farbiaz, Ecologie sociale ;
de Daniel Gluckstein, Parti ouvrier indépendant démocratique ;
de Dominique Guillot, syndicaliste (à titre personnel) ;
et de José Nicol, syndicaliste (à titre personnel) ;
et après avoir entendu les messages de solidarité d’Allemagne, de Grande-Bretagne,
d’Irlande, d’Italie, du Pérou, de Roumanie et de Turquie ;
Nous déclarons solennellement :
Nous ne laisserons pas la répression de la monarchie espagnole s’abattre sur le peuple cata-
lan et sur ceux qui dans tout l’État espagnol combattent pour le droit des peuples et la Répu-
blique.
Nous ne laisserons pas Macron, Merkel, May, Trump et la Commission européenne soutenir la
répression en notre nom.
Nous sommes partisans inconditionnels du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, donc du
droit du peuple catalan, par son vote souverain du 1 er octobre, à se libérer de la monarchie et à
constituer librement sa République catalane.
Nous affirmons que la cause de la République catalane est la cause de tout le mouvement
ouvrier et démocratique dans l’État espagnol, en France, comme dans toute l’Europe, et que nul
ne devrait y déroger.
C’est pourquoi nous décidons de nous constituer en délégation internationale contre la
répression en Catalogne, ouverte à toutes celles et tous ceux qui partagent les termes de cet
appel : nous nous rendrons à Madrid, comme en Catalogne, pour rencontrer les prisonniers poli-
tiques dans leur prison, ainsi que les victimes de la répression afin de témoigner, sur la base des
faits, devant l’opinion publique ouvrière et démocratique internationale. »

Correspondance de Chine
Écroués pour avoir lu des livres !
Le 15 novembre 2017, la police a fait irrup- suspects du crime de « rassembler des foules
tion dans la salle d’un groupe de lecture d'étu- pour perturber l'ordre social », accusation que
diants à l'Université de Technologie du Guang- nous avons vue utilisée de plus en plus souvent
dong (GDUT) et a appréhendé six participants, contre de nombreux militants ouvriers, fémi-
dont quatre étudiants de cette université et deux nistes, grévistes et blogueurs ces cinq dernières
diplômés récents d'autres écoles. Les premiers années. Les autorités ont allégué que le groupe
ont été relâchés le lendemain, mais les deux de lecture était une « organisation anti-Parti et
autres ont été placés en détention en tant que anti-société » qui discutait de « sujets sensibles ».
 Malgré l’énorme contrôle policier
d'internet et des réseaux de mobiles par
les autorités de Pékin, une pétition a
réussi à circuler, demandant la libération
de Zhang Yunfan, 24 ans, l'un des deux
premiers détenus parmi au moins quatre
jeunes détenus pendant des semaines
comme suspects dans cette affaire.
Apparemment, la pétition ne mention-
nait que Zhang, un « maoïste de
gauche »(1) parce que les auteurs
n’avaient pas connaissance d’autres
arrestations quand la pétition a été
écrite. Bien qu'elle ait été bloquée à
plusieurs reprises quelques instants à
peine après avoir été republiée, plus de
400 personnes ont bientôt signé cette
pétition, y compris de nombreux intel-
lectuels éminents qui risquent d’en subir
des conséquences parce qu'ils sont basés
en Chine.
Ma profession de foi au peuple
(…) Certaines personnes disent que
je suis un ancien étudiant de l’Université
de Pékin, un intellectuel, un jeune de
l’élite moins égoïste que la plupart des
autres. Mais l'identité qui me tient le
plus à cœur est celle de marxiste et de
« maoïste de gauche », étiquettes aux-
quelles des personnes différentes
attachent des significations différentes.
Je vois que dans ce monde l'exploita-
tion et l'oppression n'ont jamais disparu.
Beaucoup de membres de ma famille
étaient ouvriers dans des entreprises
d'État et ainsi, même lorsque j'étais
enfant, j’ai su comment ont été dé-
pouillés les vieux ouvriers de leur travail
de toute une vie et de leurs cotisations,
lorsque les entreprises d’État ont été
réformées et privatisées. Ils ont été mis
au rebut et précarisés, abandonnés au
gré de la société. Même s’ils sont plus
nombreux, les groupes vulnérables, dans
les mines de charbon appartenant à des
patrons abusifs, sur les échafaudages et
dans les ateliers de surexploitation, leur
vie passait d'abord par épuiser leur jeu-
nesse, puis épuiser leur vie toute entière
et enfin épuiser la vie de leurs fils et de
leurs filles. (…)
Certains des bruits qui courent sur
internet à mon propos sont exacts. Il est
vrai que quand je faisais mes études à
l'Université de Pékin, j’étais membre du
Le 15 janvier, après 30 jours au
centre de détention de Panyu, puis deux
semaines en résidence surveillée et
encore deux semaines de convalescence,
Zhang a publié la lettre ouverte que nous
avons traduite. La lettre mentionne trois
collègues qui avaient également été
détenus et libérés sous caution en atten-
dant d'être jugés, ainsi que quatre autres
qui se cachaient encore après avoir été
mis sur une liste des personnes recher-
chées par la police.
Le lendemain, Sun Tingting, l'une
des trois détenus, a publié sa propre
lettre ouverte, également traduite. Elle
fournit un compte rendu plus détaillé
des arrestations, de leur contexte et de
son expérience cauchemardesque en
détention du 8 au 14 janvier.
Comme la pétition, ces deux lettres
ont bien sûr été rapidement censurées,
par Zhang Yunfan
Groupe des étudiants marxistes. Mes
camarades à l'université et moi-même,
nous avons non seulement étudié la
théorie dans notre groupe de lecture,
mais nous avons aussi passé du temps au
milieu des masses opprimées. J’ai
trouvé peu à peu que – après avoir passé
avec ces gens d'innombrables heures à
chanter, à danser, à discuter des infor-
mations, à visionner des films et à
donner des cours d'anglais – partout où
je suis allé, j'ai été bien accueilli par des
travailleurs du campus. A la cafétéria, ils
me donnaient toujours un peu plus de
nourriture.
Après l'obtention de mon diplôme, je
suis arrivé à Guangzhou. Ma vie n'a pas
changé, sauf que maintenant je devais
travailler pour gagner ma vie. Pour dire
les choses plus simplement peut-être, j'ai
continué à défendre mes idéaux pas à
pas à l’Université de technologie du
Guangdong. Cependant, tout ce que j'ai
fait, c'est d’assister à des groupes de
lecture et de faire du bénévolat.
Pendant la séance de lecture où nous
avons été arrêtés, nous discutions des
changements historiques et des pro-
blèmes sociaux des dernières décennies,
y compris des événements historiques
majeurs, des droits des travailleurs et
ainsi de suite. Nous discutions de la
façon dont la jeunesse devrait résoudre
mais de nouveaux flux de WeChat conti-
nuent de surgir et de les rediffuser, au
point que « Sun Tingting » a même briè-
vement fait le buzz sur le réseau Sina
Weibo avant que le terme soit bloqué.
Puis le troisième jour, une troisième
lettre est apparue signée d’un autre déte-
nu : Zheng Yongming. Afin de rendre
ces traductions disponibles le plus rapi-
dement possible, nous publions les deux
premières (2) maintenant et nous ajoute-
rons la troisième quand elle sera terminée
dans un jour ou deux. Restez branchés !
(1) « Maoïstes de gauche » est une catégorie
politique qui a prévalu vers 2012 pour les
distinguer des maoïstes avec des orientations
plus nationalistes ou réformistes.
(2) Nous publions des extraits de la première
lettre et tenons à la disposition de nos corres-
pondants l’intégralité de ce texte.
ces problèmes. Je dois dire que nous
avons discuté du mouvement d’il y a 29
ans dans lesquels les étudiants furent
impliqués. (1)
Certains lecteurs doivent être curieux
de savoir si mes opinions sont vraiment
« extrêmes ». Bien sûr, elles ne
concordent pas avec ce que vous lisez
dans les journaux, les manuels ou ce que
vous voyez à la télévision. Selon leurs
normes, reconnaître l'existence des
divers problèmes dans la société, c’est
déjà être « extrémiste » ; et c’est sans
doute l’être encore plus si l’on discute
des moyens de « résoudre les pro-
blèmes ». Mais tous les pays du monde
ont leurs propres problèmes sociaux :
est-ce vraiment un crime pour quelqu'un
d'exprimer ses opinions sur la façon de
les résoudre ? C’est notre droit. La
Constitution déclare avec ambition :
« Les citoyens de la République popu-
laire de Chine ont la liberté d'expression,
de publication, de réunion, d'association,
de défiler et de manifester ». Si s’expri-
mer peut être déclaré « extrémiste »,
alors la « liberté » ne veut rien dire ! (…)
Zhang Yunfan
15 janvier 2018
(1) Le mouvement de masse du printemps 1989
qui s’est terminé par le massacre de la place
Tian Anmen le 4 juin 1989.