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Encyclopédie

Congo Belge

TOM E 1

EDITIONS BIELEVELD

22, RUE DE LA CONCORDE, BRUXELLES


P réface

L m'a été demandé de préfacer l'Encyclopédie du Congo


Belge.
I
Pai accédé bien volontiers à ce désir parce que
j'estime indiqué d'apporter un témoignage de haute estime à
Végard des initiateurs de l'important ouvrage que voici.
Ces quelques lignes n'ont d'autre sens.

Que pourraient-elles ajouter à cette « somme » de documen-


tation coloniale de vulgarisation scientifique, à laquelle ont
œuvré une cinquantaine de spécialistes parmi les plus avertis
des différentes disciplines.

Pour tous ceux qui s'intéressent à la Colonie — et ils sont


en Belgique et à l'Etranger — on ne peut rêver
nombreux,
meilleur guide, meilleur travail de synthèse; les lecteurs s'en

apercevront sans tarder.

L'Encyclopédie du Congo Belge a puisé une partie importante


de son information aux sources académiques.

Elle condense
aussi, avec clarté et les études
exactitude,
publiées dans de nombreux '?ipécialisés, quantité de
ouvrages
rages ,
revues et périodiques.

C'est dire que le travail de rédaction fut laborieux et délicat.

Il n'a pu être mené à bien que grâce à l'expérience et au


talent des éminents collaborateurs que les Editions Bieleveld
ont choisis.

Cet important ouvrage répondait à un impérieux besoin et


est appelé à rendre de grands services.

Marcel Van den Abeele,


Administrateur Général des Colonies.
Collaborateurs du Tome 1

MM.
L. GOFFIN, Docteur en Droit; Professeur à 1Institut Supérieur de Commerce
Saint-Louis.

M. BEQUAERT, Licenciéen Histoire de l'Art et Archéologie; Conservateurau


Musée du Congo Belge à Tervueren.

G. VAN DER KERKEN, Docteur en Droit; Professeur à la Faculté de Droit


de l'Université de Gand; Professeur à l'Institut Universitaire des Territoires
d'Outre-Mer: Membre titulaire de l'Institut Royal Colonial Belge.

M. ROBERT, Ingénieur Géologue: Professeur à l'Université Libre de Bruxelles;


Membre du Conseil Colonial; Membre titulaire de l'Instittit Royal Colonial
Belge.

P. J. LIVENS, Ingénieur Chimiste Agricole, Chef de la Division d'Agrologie de


l'I.N.E.A.C., Maître de Conférences à l'Université de Louvain.

J. LEONARD, Docteuren Sciences botaniques; Attaché scientifique à l'I.N.E.A.C.

W. ROBYNS, Docteuren Sciences botaniques; Directeur du Jardin Botanique de -


l'Etat; Professeur à l'Université de Louvain; Membre de l'Académie Royale
Flamande de Belgique.

J. E. OPSOMER, Ingénieur AgronomeColonial; Professeur à l'Université de


Louvain; Ancien Chef de Division de l'I.N.E.A.C. au Congo Belge; Chargé
de missionsen Indonésie, à Ceylan, au Kenya, en Uganda et au CongoBelge;
Prix Schepkens (Génétique) de l'Académie Royale de Belgique.

L. PYNAERT, Ancien Directeur du Jardin Botanique de Eala; Directeur hono-


raire du Jardin Colonial de Laeken.

J. BONNET, Ingénieur Agronome Colonial; Professeur à l'Institut agronomique


de l'Etat à Gembloux.

Tous droits de reproduction, de traduction


ou d'adaptation réservés pour tous pays.
Brnssels
Copyright by Editions Bieleveld,
Chapitre Premier

Histoire du Congo.

La Préhistoire au Congo Belge.


Histoire du
Congo
Par Léon GOFFIN
Docteur en Droit
Professeur à l'Institut Supérieur de Commerce Saint-Louis

1. — DU ZAIRE AU CONGO royaume n'avait cessé de s'étendre, si bien


qu'à l'aurore du XVe siècle il devait atteindre
1. — LE ROYAUME DU CONGO JUSQU'A près de 300.000 km2, sans y comprendre les
L'AUBE DU XIXe SIECLE. territoires qui, bon gré mal gré, reconnais-
saient son allégeance.
'IL faut en croire la tradition, il Pendant ce temps, étapes par étapes, les
régnait vers la fin du XIIIe siècle, Portugais progressaient dans la découverte
sur la rive droite du fleuve Congo, des côtes occidentales de l'Afrique. Le prince
un chef puissant : Nimi a Nzima. Henri, dit le Navigateur (1394-1460), ne se
s Il avait de nombreux fils; le plus lassait pas d'organiser des expéditions dont
jeune d'entre eux, Wene, désespé- chacune dépassait le point extrême atteint par
rant de devenir roi à son tour dans le pays la précédente : la première découvrit modes-
de ses pères, remonta le fleuve avec quelques tement Ceuta, les suivantes l'île Funchal, les
fidèles et fonda dans un pays nouveau le îles Açores longtemps appelées îles flaman-
royaume du Congo. Le nouveau roi, Ntinu des [des Flamands (Brugeois) avaient aidé à
Wene (Ntinu signifie roi) ne borna pas là les découvrir], les îles Canaries, celles du Cap
ses ambitions. Il chercha querelle à ses voi- Vert, la Guinée enfin. Le 8 janvier 1454, le
sins et étendit son territoire en suite d'une pape Nicolas V publia une bulle « Romanus
série de conquêtes. Nous n'en savons guère pontifex » : les rois du Portugal obtenaient
plus sinon qu'il fut, sans doute, suivi d'une le monopole du commerce sur les côtes afri-
lignée de six rois, au sujet desquels les an- caines, l'interdit frappait les pays, l'ex-com-
nales congolaises restent muettes à peu de munication les individus qui transgresseraient
choses près. L'on sait cependant que le ce privilège.
4 HISTOIRE DU CONGO

Alphonse l'Africain (1438-1481) donna ce il lui fut réservé un chaleureux accueil. Le roi
monopole à bail pour une durée de cinq ans lui exprima le désir de se convertir et d'en-
et moyennant payement annuel de mille voyer à son « cousin » du Portugal l'ambas-
ducats, à un certain Fernando Gomez. Celui- sadeur Nsaku chargé de présents; Diego Caô
ci avait, à peine de déchéance, à découvrir lui proposa d'emmener des fils de notables
chaque année 300 nouveaux milles à partir qui feraient leur éducation au Portugal.
du Sierra Leone. Gomez tint ses engagements : Comme il avait également mission de recon-
il boucla le cap Sainte-Catherine (ou cap naître si le fleuve Congo ne menait pas au
Lopez) en 1471 et atteignit l'île Saint- lac central qui, suivant les géographes de
Thomas. l'époque, devait se trouver au cœur même de
Le roi Jean II (1481-1495) était à peine au l'Afrique et dans lequel le Nil devait trouver
pouvoir qu'il équipa à son tour une expédi- sa source, il résolut de remonter le fleuve.
tion. Le mobile du souverain était à la fois
politique, économique et religieux : il s'agis-
sait tout à la fois de propager les vérités de
la foi, de rejoindre le royaume du « Prète-
Jean » (l), afin de prendre à revers les Etats
musulmans de l'Afrique du Nord et de dé-
couvrir la route des Indes. Les caravelles de
Diego Caô, gentilhomme de la maison du roi,
après avoir rencontré le Tournaisien Eustache
de la Fosse, qui fut fait prisonnier, jetèrent
l'ancre en 1482 près de la rive Sud de l'em-
bouchure du fleuve Congo. En signe de prise
de possession, il érigea un « padrao », une
stèle de pierre aux armoiries du roi, sur-
montée d'une croix. Après avoir navigué un
peu plus vers le Sud, et dressé un autre Pierre de Matadi.
« padrao » au futur cap Sainte-Marie, il fit (Photo Musée du CongoBelge.)
voile vers Lisbonne tout à l'allégresse de pou-
voir annoncer au roi qu'il avait découvert Sans doute aussi avait-il l'espoir de découvrir
un grand fleuve qu'il appela le Zaïre, pre- le chemin qui menait au royaume du « Prète-
nant pour un nom propre ce vocable indigène Jean » en Abyssinie! Mais il ne put guère
qui signifiait rivière. aller plus loin que Matadi, où il fit inscrire
Diego Caô revint au Congo en 1485 et la sur un rocher : « Ici arrivèrent les vaisseaux
population indigène lui fit bon accueil. Le de l'escadre du roi dom Jean II de
chef local lui conseilla d'envoyer une ambas-
Portugal ».
sade au roi du Congo. Et c'est ainsi qu'une Et il s'en retourna de concert avec la flotte
ambassade de missionnaires alla faire visite de Barthélemy Diaz qu'il rejoignit à l'embou-
au roi Nzinga en sa capitale de Mbanza chure du fleuve et qui revenait du cap de
Congo, pendant que le gros de l'expédition Bonne Espérance, alors encore cap des
continuait à descendre la côte. Quand Caô
Tempêtes.
revint à l'embouchure du fleuve, pour re- Vers la fin de l'an 1490, après la mort de
prendre ses délégués, il ne les trouva pas. Caô, trois vaisseaux sous les ordres de l'ami-
Après une longue attente, il résolut de ral Gonçalo de Sousa, quittèrent Lisbonne
lever l'ancre et d'emmener quelques nota- emmenant des missionnaires, des artisans et
bles comme otages. A cette nouvelle, le roi Nsaku.
Nzinga garda les ambassadeurs portugais sous Au moment de l'appareillage, la peste déci-
étroite surveillance mais il ne les maltraita mait Lisbonne ; elle suivit le sillage de la
pas, si bien que lorsque en 1487 Diego Caô petite flotte et en pleine mer l'amiral et
revint avec les notables habillés à l'euro- Nsaku y succombèrent. Ce fut le capitaine
péenne et émerveillés de ce qu'ils avaient vu, Rui de Sousa qui mena les caravelles à bon
port : le 29 mars 1491, elles étaient à Mpinda
(1) Et non pas « Prêtre Jean ». Appellation déri- sur la rive gauche de l'embouchure du fleuve.
vant de la traduction latine du titre de belout Aussitôt, l'entreprise de christianisation fut
« précieux » que portait un négous éthiopien du nom
de Jean. entamée, le roi reçut au baptême le nom de
(MAUR.DELAFOSSE : Les Noirs de fafrique.) Jean, en l'honneur de son « cousin » d'Eu-
HISTOIRE DU CONGO -. 5

rope et sa capitale vit peu à peu se dresser vertir. Mais il ne lui restait hélas, pour ap-
une église de pierre. Le capitaine Rui de puyer cette politique, que deux missionnaires :
Sousa, après avoir donné à ceux qui restaient les autres ayant succombé au climat. Aussi
de formelles instructions pour rechercher le sans cesse, dès que l'occasion lui en était
fameux lac central, s'en retourna au Portugal offerte, demandait-il au roi du Portugal qu'on
avec l'élite du royaume qui devait y recevoir lui envoyât des missionnaires des rives du
une instruction chrétienne. En 1492, alors Tage. A son gré, il n'en arrivait jamais
que Colomb venait de découvrir l'Amérique, assez. Et cependant sous l'impulsion du roi
il était de retour à Lisbonne. Emmanuel le Fortuné (1495-1521) il s'en
Il ne s'écoula pas deux ans avant qu'un embarqua autant qu'il s'en pouvait recruter,
nouveau vaisseau appareillât pour le Congo accompagnés d'architectes et d'artisans.
avec quelques jeunes nègres impatients de Le christianisme semblait prendre racine,
répandre dans leur patrie la science qu'ils les églises se multipliaient, les Portugais
venaient d'acquérir. Une amère désillusion pouvaient être fiers de leur œuvre. Mais il
les attendait : malgré les efforts des mis- s'était trouvé parmi eux de nombreux aven-
sionnaires, le roi dom Joâo était retourné aux turiers qui, spéculant sur la confiance et
pratiques fétichistes ! il n'avait pu résister à le zèle naïf de dom Alphonse, leur nouveau
ses femmes auxquelles sa nouvelle religion frère en l'Eglise, le dupèrent et le spolièrent
lui imposait de renoncer, ni à son second fils bien des fois. Le moyen était simple : L'on se
Mpanzu, resté attaché au paganisme. Une présentait à dom Alphonse comme l'ambassa-
dissension qui alla sans cesse s'envenimant, deur de Emmanuel et plus tard de Jean III
sépara le pays en deux clans : celui de (1521-1557), lui présentant au besoin de faus-
Mpanzu et celui de dom Alphonse, fils aîné ses lettres de créance et demandant en son
du roi. Celui-ci avait l'esprit ouvert et cu- nom divers cadeaux d'amitié. Une fois la car-
rieux. Il s'efforçait sans cesse de s'instruire
gaison embarquée, l'on débarquait sans autre
et d'approfondir ses connaissances de la reli- forme de procès les députés du roi du Congo
gion chrétienne à laquelle il avait adhéré avec et on larguait les voiles en emportant le
enthousiasme. Les lettres qu'il nous a laissées butin. Les habitants de l'île Saint-Thomas se
et qu'il dictait à un secrétaire, révèlent une en ce genre
signalèrent particulièrement
intelligence aiguë et une grandeur d'âme
d'opérations : A cela rien d'étonnant : les
singulière. Aussi est-ce près de lui que les rois du Portugal y avaient envoyé des galé-
missionnaires résolurent de se fixer. Ils aban- riens en leur imposant de se marier avec
donnèrent la capitale Mbanza Congo et suivi- les esclaves indigènes achetées ou razziées le
rent dom Alphonse dans la province qu'il long des côtes. Ces tarés venaient faire le com-
gouvernait pour le compte de son père, le merce à l'embouchure du fleuve et ne man-
Nsundi, qui devait s'étendre sur la plus quaient pas une occasion d'abuser dom Al-
grande partie du Bas-Congo belge actuel. phonse. Mais le mal était plus profond. Les
C'est à Mbanza Nsundi qu'une nouvelle église Portugais, au Congo, ne voulaient pas seule-
fut érigée; c'est de là que vers 1506, à la nou- ment donner mais aussi, et surtout, recevoir
velle de la maladie de son père, dom Alphonse et au besoin prendre. Ce qu'il leur fallait
partit se battre contre son frère et ses parti- c'était des esclaves, car ils jugeaient qu'il ne
sans, pour arriver en vainqueur à Mbanza seyait pas à leur dignité de travailler eux-
Congo. mêmes. Au surplus, la traite était un com-
Le règne du nouveau roi, qui dura merce rémunérateur : les Européens avaient
vraisemblablement jusqu'en 1541, fut celui en Amérique un perpétuel besoin de main-
d'un souverain enflammé du désir de gagner d'œuvre pour exploiter leurs mines et entre-
son pays tout entier au christianisme. Il s'ef- tenir leurs plantations. Le seul marché de
força de donner aux coutumes existantes, qui Lisbonne réclamait 10.000 esclaves par an.
réprimaient notamment avec une sévérité par- Aussi les Portugais ne se faisaient-ils pas ver-
africaines
ticulière les atteintes à la propriété et l'adul- gogne d'exploiter leurs découvertes
leur
tère — les coupables étaient enterrés vifs — pour acheter le plus d'esclaves qu'il
un caractère chrétien. Il combattit avec une était possible. Le plus souvent, ils offraient
grande rigueur les pratiques païennes allant en vente aux nègres de la côte de l'eau-de-vie
et
jusqu'à imposer la peine de mort aux apos- plus ou moins frelatée et autres pacotilles
tats. Il s'efforça d'autre part de pacifier se faisaient payer en esclaves. Pour s'en pro-
tous
le pays et d'amener les anciens partisans de curer, les nègres de la côte recouraient à
son frère, qui était mort entretemps, à se con- les moyens, ils attaquaient les villages voisins
6 HISTOIRE DU CONGO

et emportaient hommes et femmes pour les assistait le souverain congolais de son plein
revendre aux Portugais, allant, en cas de consentement, sans que cela impliquât une
besoin, jusqu'à vendre leurs propres parents renonciation à ses droits de souveraineté.
ou amis. Aussi, voyant qu'aucune mesure n'était prise,
A cette époque environ 5 à 7.000 escla- il décida d'agir lui-même. Il n'autorisa la
vente d'esclaves qu'à la
condition que des fonction-
naires institués par lui
vérifiassent, dans chaque
cas, s'il s'agissait bien
d'esclaves et non d'hom-
mes libres. Les Portugais,
dont pareille mesure con-
trariait les intérêts, s'cm.
pressèrent de présenter le
roi nègre, à la cour de
Lisbonne, comme un poten-
tat indigne de confiance,
et les rapports entre les
deux rois devinrent plus
froids et leur correspon-
dance plus espacée.
Il resta cependant à dom
Alphonse la consolation de
recevoir du pape Paul III
(1534-1549) une lettre le
félicitant des sentiments
chrétiens qui l'animaient,
et un grand espoir : son
fils dom Henri. Celui-ci
avait passé de nombreuses
années au Portugal et fait
des études religieuses; il
avait même fait partie
d'une ambassade que dom
Alphonse avait envoyée à
Rome en 1513 et qui fut
reçue en grande pompe par
le pape Léon X. Il avait
été finalement sacré évêque
et accueilli avec la plus
grande joie à Mbanza
Congo (San Salvador) en
1521. Dom Henri mourut
AlvarèsI, roi de Congo,recevantl'hommagedes marchandshollandais. cependant avant d'avoir
(D'après Dapper.) pu réaliser le rêve géné-
reux de son père : chris-
ves devaient ainsi chaque année quitter le tianiser de façon définitive le royaume du
royaume du Congo. Congo. Dom Alphonse le suivit dans la tombe
Le roi Alphonse, qui était lui-même obligé vers 1541, plein d'appréhensions et de crain-
de payer en esclaves ce qu'il achetait au Por- tes pour l'avenir.
tugal, envoya à son « cousin » de Lisbonne de Elles étaient justifiées : vers 1570, les
nombreuses missives pour protester contre ces Yaggas (Zoulous) envahirent le royaume, le
abus, mais en vain. Il s'adressait à lui comme mirent à feu et à sang et brûlèrent la cathé-
un roi souverain et traitait d'égal à égal. drale et les églises de San Salvador. Dom
Leurs relations étaient d'amitié et non de Alvarès, alors souverain du Congo, fit
dépendance. Le chargé d'affaires portugais appel au roi du Portugal, qui lui envoya
HISTOIRE DU CONGO 7

François de Gouvea et 600 soldats portugais le cours de l'histoire. En dehors de cet inci-
qui le rétablirent dans ses droits. Dom Alva- dent, peu de choses nous sont connues du
rès, pour témoigner sa gratitude, leur donna Congo au XVIIIe siècle et au début du
l'Angola où fut fondé Saint-Paul de Loanda XIXe siècle, et le voyageur allemand, le
et où devait, en 1608, être transféré le siège docteur Bastian, qui explora San Salvador
de l'évêché créé à San Salvador. En 1597 un en 1857, n'y trouva qu'« un village indigène
groupe de Flamands débarqua au Congo, comme les autres, avec quelques monuments
mais le climat leur étant trop rigoureux, ils dispersés d'une autre époque ».
durent reprendre la mer. L'influence portu- Tels étaient les seuls vestiges de l'occupa-
gaise diminua au fur et à mesure que se tion portugaise.
multiplièrent les exactions des marchands.
Le clergé indigène formé par les Carmes,
entra en conflit ouvert avec les missionnaires 2. LES PREMIERES EXPLORATIONS
qui disparurent peu à peu. Le déclin du (1798 à 1876)
ortugal amena le recul du christianisme,
bien que le pape Urbain VIII (1623-1644) Aux approches du XIXe siècle, l'Afrique
eût fait du Congo une préfecture apostolique. restait en majeure partie une « terra inco-
Certes, de grands efforts d'évangélisation gnita ». Les Portugais s'étaient bornés à ex-
avait été faits. De nombreux missionnaires plorer la côte; le Nord était la proie des
y avaient participé : Franciscains, Domini- Arabes; plus au Sud s'étalait l'immensité
cains, Carmes, Jésuites parmi lesquels des sableuse du Sahara; le centre était couvert
Belges comme le Père Wouters, d'Anvers, ou d'inextricables forêts vierges et les plateaux
! le Père Erasme, de Furnes, qui, en 1652, recouverts de végétations luxuriantes étaient
s'était embarqué avec 45 Capucins. Mais la coupés à la côte par des falaises à pic; l'em-
propagation de la foi ne s'était pas faite en bouchure des fleuves était souvent ensablée
profondeur; trop souvent les indigènes reve- et leur cours ultérieur coupé de torrents et de
naient à leurs pratiques chutes d'eau. Aussi l'Afrique n'était-elle
païennes. Aussi,
quand en 1717 les Capucins furent expulsés, qu'une étape sur la route des Indes et le
l'Eglise perdit tout contact avec les indigènes resta-t-elle au cours de la période la plus flo-
pour qui l'Européen ne fut plus qu'un rissante de la traite.
marchand d'esclaves. C'est en Angleterre que s'éveilla d'abord
Le Portugal avait failli à la tâche qu'il l'intérêt pour les questions africaines. Il y
avait assumée : l'appât du gain et la cupidité avait à cela, certes, des raisons humanitaires,
de ses nationaux les avaient arrêtés aux côtes la traite et ses abominables excès commen-
et empêchés de poursuivre plus avant leurs çaient enfin à émouvoir l'opinion publique,
explorations. C'est ainsi qu'en 1521, le roi mais aussi des motifs économiques : il fallait,
Emmanuel avait en vain donné l'ordre au après la perte des colonies américaines, re-
capitaine Georges de Quadra de traverser chercher de nouveaux débouchés. Pour attein-
l'Afrique et que les Portugais installés en dre ces buts, une exploration systématique
Abyssinie ne donnèrent aucune suite aux était indispensable et c'est ainsi que naquit
injonctions de Jean III de découvrir la route en 1788 YAfrican Association, qui s'attacha
vers le Zaïre (1546). Sans doute y avait-il des surtout à résoudre d'abord la question du
obstacles à la réalisation d'ordres semblables: Niger, ensuite la séculaire énigme des sources
tribus hostiles, forêts inextricables, chutes du Nil. Bientôt dans tous les pays les problè-
d'eau et torrents. Mais surtout trop peu d'in- mes géographiques commencèrent à susciter
térêt les poussait à y obéir; pour conquérir un intérêt général qui se traduisit d'abord
la
il eût fallu pacifier, or c'était précisément par la création de sociétés savantes :
les luttes intestines des tribus qui fournis- Société Géographique de Paris (1821), la Geo-
et la
saient le plus d'esclaves. graphische Gesellschaft de Berlin (1828)
Londres qui
Cependant les Portugais n'avaient pas Royal Geographical Society à
même au XVIIIe siècle, abandonné tout des- absorba VAfricau Association. Le Portugal
sein politique au Congo. En 1784 ils construi- aussi commençait à s'attacher davantage à ses
sirent un fort à Cabinda au Nord du fleuve, possessions africaines depuis la perte du
mais l'année suivante la France les en fit Brésil (1822). Ce fut un Portugais qui donna
expulser par le marquis de Marigny. Sans le signal des expéditions : José Lacerda e
aucun doute il s'en serait ensuivi une occupa- Almeida. Il voulut, en 1798, traverser l'Afri-
en Mozam-
tion française si la révolution n'avait détourné que d'Est en Ouest. Parti de Ntete
8 HISTOIRE DU CONGO

bique, il atteignit le principal affluent du lac ba (1871). Il crut qu'il avait atteint le Nil
Bangweolo, le Tshambezi mais fut massacré et voulut poursuivre son exploration, mais
par des indigènes. une série de déboires le forcèrent à rebrous-
Un peu moins de vingt ans plus tard, en ser chemin vers Udjiji sur le lac Tanganyika.
février 1816, le capitaine anglais James En Europe on était sans nouvelles de lui et
Tuckey s'embarquait à Londres sur le voilier on s'inquiétait. C'est alors qu'un journaliste,
« Congo ». Arrivé à l'embouchure du fleuve, Henry Morton Stanley, fut chargé par son
il le remonta sur plus de 450 kilomètres en journal, le « New-York Herald », d'aller à
étudiant la région du Bas-Congo jusqu'à sa recherche. Il le retrouva à Udjiji, le
Isangila. Mais son escorte refusant de l'ac- 3 novembre 1871. Ensemble, ils explorèrent
compagner au delà, il fut contraint, terrassé les rives du Tanganyika et la région d'Ou-
par les fièvres, de prendre le chemin de
retour vers l'Angleterre qu'il ne devait plus
atteindre vivant.
En 1826, le capitaine Owen leva la carte
du Bas-Congo, mais il fallut attendre six an-
nées avant que deux Portugais, Monteiro et
Gamitto, se missent -en route et, partis de
l'Est atteignissent le Luapula; onze ans plus
tard leur compatriote Graça, poursuivant leur
chemin, atteignit le Haut-Kasai et l'empire
nègre du Lunda.
Ces expéditions n'apportèrent toutefois pas
de solution aux problèmes géographiques en
suspens. C'est avec la mission de résoudre
l'énigme des sources du Nil, qui intriguait
le monde depuis des siècles, que la Royal
Geographical Society envoya, en 1857, sur la
côte orientale, deux officiers de l'armée des
Indes, Richard Burton et Speke. C'est eux
qui découvrirent le lac Tanganyika et le lac
Victoria-Nyanza que Speke considéra comme
la source du Nil-Blanc. Tous deux, quatre
ans plus tard, suivirent le fleuve qui sortait
du lac et rencontrèrent, remontant le Nil,
leur compatriote Samuel Beker, qui devait Henry-MortonStanley.
établir, en 1864, que le Nil supérieur se dé- (Photo Musée du CongoBelge.)
versait dans le lac Albert-Nyanza.
Il y avait, à cette époque, quinze ans déjà, nyanyembe. Sa mission remplie, Stanley re-
que David Livingstone, le valeureux mission- tourna vers Zanzibar, cependant que Living-
naire écossais, avait commencé la série des stone, refusant de rentrer avant d'avoir
expéditions qu'il devait poursuivre jusqu'à rempli sa promesse, poursuivait ses explora-
sa mort. Venant de la côte orientale, il avait tions le long du Tanganyika et du lac Bang-
découvert le lac Dilolo, franchi les massifs weolo près duquel il mourut d'une attaque
du Haut-Kasai, sources du Kwango (1854), de dysenterie en 1873.
pour arriver à la côte occidentale à Saint-Paul D'autres que Stanley s'étaient inquiétés
de Loanda. Entre 1858 et 1862, il avait de son sort.
reconnu le Zambèze pour se consacrer ensuite Un lieutenant de la marine anglaise, Came-
tout entier à l'étude du plateau des grands ron, était parti à sa recherche en 1873; à mi-
lacs. Il avait particulièrement à cœur de trou- chemin du lac Tanganyika, ayant appris la
ver les sources du Nil : il avait promis à mort de Livingstone, il résolut de continuer
son ami sir R. Murchinson qu'il résoudrait sa route. Il découvrit la Lukuga et voulant
ce problème et il mourut à la tâche plutôt vérifier si elle rejoignait le Lualaba découvert
que de faillir à sa promesse. Il découvrit par Livingstone, il en remonta le cours jus-
successivement les lacs Moero (1867), Bang- qu'à son confluent avec ce fleuve. De là il se
weolo (1868) et arriva au lac Tanganyika en dirigea vers Nyangwe, mais l'hostilité de plus
1869 d'où il atteignit Nyangwe sur le Luala- en plus déclarée des indigènes le fit changer
HISTOIRE DU CONGO 9

de direction et, au lieu de remonter le Lua- d'effacer le souvenir de la défaite; tantôt


laba, il obliqua vers le Sud-Ouest et attei- économiques : le prodigieux développement
gnit, en novembre 1875, la côte de l'Atlan- industriel de la seconde moitié du siècle exi-
tique en territoire portugais après un voyage geait que chaque pays s'assurât des matières
de 5.500 km. premières et des débouchés.
En moins de sept ans, de 1869 à 1876, Enfin, des considérations religieuses et
d'autres explorateurs aussi avaient fait d'im- humanitaires furent, nous le verrons, large-
portantes découvertes : Pogge et Homeyer, ment invoquées et si, sans doute, elles pou-
le commandant Lux avaient complété l'œuvre vaient servir de faciles prétextes, le sort
de Cameron et parcouru notamment le réservé aux indigènes par les négriers était
Haut-Ubangi; en 1870, un docteur russe, si tragique et si digne de pitié qu'elles de-
Schweinfurth, venant de Karthoum, avait vaient être, au moins pour partie, l'expression
découvert l'Uele et la race des Mombutu; de sentiments
il fut suivi en 1872 d'un Italien, Miami, qui sincères. La
parvint à la rivière Bomokandi et, en 1876, traite était, en
du docteur Potagos qui explora la rivière effet, en pleine
Bomu. En 1873-1874, les frères Grandy, éga- efflorescence. -
lement à la recherche de Livingstone, essayè- L'Angleterre la
rent en vain de remonter le fleuve Congo première
depuis son embouchure, tandis qu'une mis- l'avait, il est
sion allemande, dirigée par Güssfeld, explo- vrai, supprimée
rait la côte entre l'Ogoue et le Congo et re- en 1807. A sa
montait certains fleuves de la région, dont deman d e, le
le Kwilu. Enfin le capitaine Medlycott et le Congrès de
commandant Flood, dressèrent la première Vienne (1815)
carte topographique de l'estuaire du Congo. 1a condamna,
Le pays avec lequel ces explorateurs en- mais pour sa-
trèrent ainsi en contact était parsemé, de mil- tisfaire l'Espa-
liers de petites tribus, continuellement en gne et le Por-
guerre et reconnaissant tout au plus la sou- tugal, ne l'abo-
veraineté nominale de quelques grands chefs. lit pas. Et ce-
L'ordre social reposait sur l'esclavage et pen dant, en
la polygamie. L'homme faisait la guerre. La 1816, le capi-
femme et les esclaves travaillaient. La taine Tuckey
croyance aux esprits était générale, les estimait encore
sacrifices humains fréquents, les sorciers à 2.000 le nom-
tout puissants. bre d'esclaves
Ces premières explorations éveillèrent l'es- em barqu és,
chaque année,
poir que la civilisation viendrait bientôt
mettre un terme à ces pratiques barbares. dans le Bas-
Tippo-Tip.
Mais on n'en était pas encore là. Ces expé- Congo vers les
deux Améri- 1 PhotoMusée du CongoBelge.)
ditions n'avaient qu'un caractère scientifi-
que. L'heure du partage n'avait pas sonné ques.
davantage, bien que ces explorations avaient Des conventions conclues entre pays, sur
été organisées par les nationaux de plusieurs le droit de visite, avaient sans doute amé-
pays. Les puissances d'Europe s'intéressaient lioré la situation. L'esclavage avait été aboli
à l'Afrique; elle restait seule, en effet, ou- en 1839 dans les colonies anglaises, en 1848
verte à leur activité coloniale; l'Amérique se dans les colonies françaises, et le dernier ba-
repliait sur elle-même, selon la doctrine de teau négrier fut capturé, en 1868, sur la côte
Monroë; l'Australie était aux mains des An- occidentale de l'Afrique. Mais la traite con-
glais; l'Asie était ou bien déjà partagée, ou tinuait à fleurir dans le Nord et l'Est
bien au pouvoir de chefs qui s'étaient opposé africain en particulier dans la région du
jusque là avec succès à la mainmise sur leurs Bahr-el-Ghazal jusqu'au Haut-Ubangi où l'on
territoires. Cet intérêt s'inspirait de considé- négociait, en moyenne, 30.000 esclaves par
rations diverses tantôt politiques, parfois an et dans la région des grands lac, d'où
même de simple politique intérieure, comme 40.000 nègres enchaînés prenaient chaque
en France après 1870 où l'on s'efforçait année le chemin de Zanzibar. Ce commerce
10 HISTOIRE DU CONGO

honteux était principalement exercé par des prise de colonisation d'un Belge, effet du ha-
Arabisés, métis d'Arabes et d'indigènes dont sard, ne dura guère : Jacques de Bruges dis-
certains étaient parvenus à se constituer de paraissant comme il était apparu à la faveur
véritables états sur lesquels ils régnaient par des caprices des mers, Henri le Navigateur
la terreur. Ainsi le trop fameux Tippo-Tip, disposa de l'île au profit de colonisateurs
fils d'un marchand demi-sang de Zanzibar et moins éphémères et les Flamands, sous les
d'une esclave nègre, exerçait la souveraineté ordres de Guillaume van der Haegen, allè-
sur 30 à 40.000 Noirs et ne cessait d'agran- rent occuper l'île voisine de San Jorge.
dir son territoire. En 1867, il s'était fait Philippe le Bon, cependant, revint à la
nommer gouverneur de Kasongo par le sul- charge et il obtint, en 1466, la cession des
tan de Zanzibar et, plus tard, il établit son îles Açores. En échange, il autorisait le roi du
quartier-général à Nyangwe d'où son activité Portugal à recruter des soldats dans les Dix-
s'étendit jusqu'aux Falls et à la vallée du Sept provinces. A cette époque, on n'atten-
Lomami. De ce côté aussi, les Européens dait des terres lointaines que profits immé-
commencèrent à reprimer le trafic d'esclaves. diats, et les îles Açores déçurent le grand duc
L'Angleterre conclut, en 1873, un traité avec d'Occident : il les négligea, ce qui permit aux
le sultan de Zanzibar, mais en vain, car la d'en reprendre
Portugais possession sans
traite subsista. autres difficultés.
Telle était la situation en 1876, et rien alors En 1624, quelques artisans et agriculteurs
n'eût pu faire penser qu'un pays aussi exigu wallons, sous la conduite de Jesse de Forest
que la Belgique jouerait un rôle quelconque d'Avesnes, s'installèrent à l'embouchure de
dans l'aventure africaine. La France, l'An- l'Hudson et nommèrent cette bourgade Nou-
gleterre et le Portugal avaient seuls des pos- velle-Belgique. Noyée sous le flot successif de
sessions africaines d'une certaine importance : Hollandais, puis d'Anglais, elle devint Nieuw-
l'Algérie, le Sénégal et le Gabon étaient Amsterdam et finalement New-York.
français; l'Angleterre avait le Natal, quelques Au siècle suivant, un groupe de marchands
points sur la côte de Guinée ainsi que la colo- et d'aventuriers ostendais, fascinés par les
nie du Cap; le Portugal n'avait guère dividendes fabuleux que distribuait VOost-
agrandi ses possessions depuis le XVe siècle Indische Compagnie d'Amsterdam, arma un
et administrait l'Angola et le Mozambique. vaisseau « Le Prince Eugène » en vue d'éta-
Au Nord du Cap, il y avait les républiques blir des comptoirs près de Canton. Le bénéfice
des Boërs, l'Orange Free State et le Trans- ayant atteint 100 %, les Belges fondèrent
vaal. Zanzibar, le Maroc, l'Abyssinie, le alors, avec l'autorisation de Charles VI, la
Libéria étaient des états indépendants et, Compagnie Générale Impériale des Indes
enfin, la Turquie avait la mainmise sur la pour trafiquer dans le Bengale et en Extrême-
Tunisie, Tripoli et l'Egypte. Orient. Il ne fallut pas plus de 7 heures pour
D'immenses territoires gardaient leurs se- que le capital de 6 millions de florins fût
crets millénaires. Les chancelleries d'Eu- souscrit. Une série de comptoirs furent créés
rope eussent été bien étonnées si on leur du golfe de Bengale à Canton, dont le plus
avait dit que, moins de dix ans plus tard, le important à Cabelon, près de Pondichéry. En
sphynx congolais aurait trouvé son Œdipe 1725, il n'y résidait pas moins de 9.000 famil-
dans la personne du monarque d'un des plus les belges. Mais, une fois de plus, la Belgique
petits pays d'Europe. fut victime des intérêts dynastiques de ses
princes. La France, l'Angleterre et les Pro-
II. — FONDATION DE vinces Unies exigèrent de Charles VI, d'abord
L'ETAT INDEPENDANT DU CONGO la suspension, puis la suppression de la Com-
pagnie à peine de refuser leur agréation à la
1. BREVE ESQUISSE D'UNE HISTOIRE Sanction par laquelle les puis-
Pragmatique
COLONIALE DE LA BELGIQUE sances s'engageaient à reconnaître comme
JUSQU'EN 1876 successeur de l'empereur, sa fille Marie-Thé-
Vers la moitié du XVe siècle, Jacques de rèse. Aussi, le 22 juillet 1731, la Compagnie
cessa-t-elle d'exister.
Bruges s'était embarqué pour le Portugal,
quand une violente tempête lui fit perdre Quelques dizaines d'années plus tard (1785)
la direction de ses navires dans le golfe de la même opposition provoqua la faillite de la
Gascogne et échouer dans les îles Açores. Par « Compagnie d'Asie et d'Afrique » qui,
lettres patentes du 2 mars 1450, il se fit oc- malgré sa dénomination ambitieuse, ne se pro-
troyer l'île de Terceira. La première entre- posait que la colonisation des îles Brabant ou
HISTOIRE DU CONGO ff

Tristan da Cunha, sises au Sud-Ouest du Cap Lieds trouva le projet chimérique et y


de Bonne Espérance. renonça.
L'union « intime et complète » de la Bel- Le consul général de Belgique à Alexandrie,
Blondeel de Ceulenbrook, fort de l'appui de
gique à la Hollande, donna aux deux pays un
essor économique tel que plus personne ne Léopold I, partit en août 1840 pour explorer
l'Abyssinie et étudier les possibilités d'y
songea à d'autres colonies que celles que pos- créer un établissement belge. Il revint, deux
sédait déjà le royaume des Pays-Bas. Il n'en
ans plus tard, avec un message personnel du
fut plus de même quand le jeune royaume
ras pour le roi et l'offre d'établir un comp-
dut faire ses premiers pas dans la voie de
toir dans la baie d'Amphilah. La Société
l'indépendance si longtemps désirée.
Générale offrait d'avancer les fonds, mais
Le brusque essor du machinisme se révéla, le premier ministre Nothomb, craignant, non
surtout dans les années 1840-1850, à bien des sans raison, l'hostilité de la Compagnie an-
égards désastreux; les tissus anglais, fabri- glaise des Indes, n'y donna pas suite. Il était
qués à la machine, envahirent le marché d'ailleurs fort occupé, sinon préoccupé d'un
belge : pour lutter contre cette concurrence, autre projet de colonisation au Guatémala.
l'on comprima les salaires et ce fut le paupé- Le 18 décembre 1841, en effet, le comte de
risme. C'est en vain que l'on essaya d'y por-
Hompesch avait fondé à Bruxelles la Compa-
ter indirectement remède par des traités de
gnie Belge de Colonisation, en vue d'exploiter
commerce avec la France et le Zollverein ; les la concession de Vera-Paz qu'une société an-
avantages qu'en retirait la Belgique étaient glaise possédait au Guatémala et consentait à
trop menus. Il fallait trouver autre chose : céder. Une mission d'études, envoyée sur
donner aux Belges une colonie qui leur assu-
place, ne put que constater l'impossibilité de
rât le pain quotidien et gardât à la Bel- la mettre en valeur. Les autorités du Guaté-
gique le profit de leur travail. D'autres mala proposèrent alors un autre établissement
motifs venaient d'ailleurs se joindre à celui- dans le golfe de Honduras, Santo Tomas, et
là : le développement industriel, particulière- 8 à 900 colons belges allèrent s'y établir. Mais
ment favorisé par celui du réseau ferroviaire, l'entreprise aboutit à un lamentable fiasco
créait un besoin impérieux de nouveaux dé- dû à l'inexpérience des colons, à la médiocrité
bouchés. de leurs ressources, à l'inclémence du climat
Avant d'être roi des Belges, Léopold 1 et la méfiance du public pour les affaires
s'était déjà intéressé aux possessions d'outre- coloniales s'en accrut.
mer sur lesquelles sa première épouse, la Le roi ne se tint pas battu. En 1841, il avait
princesse Charlotte, héritière du trône de espéré que le Danemark consentirait à vendre
Grande-Bretagne était appelée à régner. Il les îles Féroé; peu après il avait ratifié les
se sentait secrètement attiré par les pays statuts de la Société Belgo-Brésilienne créée
lointains. Nombreux furent les projets et à l'initiative de M. Van Leede, un ancien
même les commencements d'exécution qu'il officier supérieur du génie, qui avait acquis,
inspira ou favorisa dès le début de son règne. de l'empereur, une concession de 10.000 km2
sur le Rio Itajahy, sur la côte atlantique. Le
Le baron Charles de Thierry s'était créé,
sol était fertile, les colons travailleurs mais
en Nouvelle Zélande, dès 1823, un domaine
la crue du Rio Itajahy ne fit que précipiter
sur lequel il exerçait la souveraineté. Avec la et l'inexpérience
un échec que l'insalubrité
collaboration d'un Belge, le comte de la auraient dû faire prévoir.
Garde, son frère avait créé, en 1838, la Com- Par après, une série d'occasions s'offri-
pagnie pour l'Industrie et le Commerce des rent à Léopold 1 : il aurait pu acquérir l'île
Produits Zélandais. Afin de pouvoir résister des Pins près de Cuba, l'île de Cozumel près
aux pays qui pourraient être tentés de leur du Yucatan, une des petites Antilles, l'île de
disputer le territoire sur lequel ils s'étaient Saint-Barthélémy en 1845, l'archipel de Ni-
établis, ils firent appel au roi en lui soumet- cobar en 1848, mais le ministère refusa cha-
tant un projet fort complet. Léopold I, lui
que fois de le suivre.
était favorable, mais le gouvernement, déjà Cette même année, le lieutenant de vaisseau
aiguillé sur une autre voie, refusa son appui. Van Haverbeke, commandant la goëlette
Au cours des années 1837-1838, des rensei- de l'état « Louise-Marie », était entré en
gnements furent demandés à une compagnie rapport avec Lamina, chef des Nalous, sur les
anglaise, sur la Côte d'Or sur les possibilités rives du Rio Nunez en Guinée. Il avait obte-
d'y créer un établissement, mais le ministre nu de lui la cession des deux rives, moyennant
12 HISTOIRE DU CONGO

payement d'un tribut annuel de 1.000 pias- livre publié l'année précédente : Complément
tres. Il s'ensuivit, sinon une occupation effec- de l'œuvre de 1830, dans lequel le même au-
tive, du moins un commerce assez important teur exposait, sous l'anonymat, que si la
jusqu'au jour où le misérable tribut, sans génération de 1830 avait achevé la formation
doute trouvé trop lourd, cessa d'être payé. politique de la Belgique, il incombait à celle
Enfin, en 1858, Léopold I envoya, à ses qui la suivait de lui donner une organisation
frais, aux Nouvelles-Hébrides, le commandant économique. Il fallait pour cela, selon lui,
Michel, de la marine de guerre, pour en étu- créer une flotte marchande et s'assurer un
dier l'éventuelle colonisation. Mais, cette fois champ d'expansion; il ne proposait rien de
encore, on n'alla pas plus loin. moins, à cet effet, que de participer, aux
Ce. ne serait pas à son premier roi que la côtés de l'Angleterre et de la France, à la
guerre contre la Chine. Le prince était d'au-
Belgique devrait de devenir puissance colo- tant plus sensible à ces idées qu'il s'était
niale.
toujours intéressé à la Chine. Il y avait fait
Léopold II, alors qu'il était encore duc de un voyage et était convaincu qu'elle était
Brabant, n'avait pas caché l'intérêt qu'il por- destinée, tôt ou tard, à être dépecée. L'auto-
tait aux pays d'outre-mer susceptibles de rité y étant d'autant plus jalouse de garder
donner un jour à la Belgique une expansion sa souveraineté qu'elle la défendait avec plus
qu'il jugeait indispensable. Dès 1854, il avait, de faiblesse, il espérait que la Belgique, en
avec sa femme, entrepris de grands voyages raison même de sa médiocre puissance mili-
qui l'avaient mené dans les pays méditerra- taire, y obtiendrait des concessions plus
néens, aux Indes Anglaises et Néerlandaises aisément qu'un grand pays. C'est pourquoi
et même en Chine. il envisagea avec faveur le départ pour la
Le 29 décembre 1855, devant les sénateurs Chine d'une expédition franco-belge; plus
dont la déférence avait peine à voiler l'éton- tard il fit étudier un plan de concession de
nement, il prononçait ces étranges paroles : l'île Formose. Mais ces projets n'aboutirent
« Une nationalité jeune comme la nôtre pas.
doit être hardie, toujours en progrès et con- Il fut question, ensuite, d'acheter les îles
fiante en elle-même. Nos ressources sont im- Fidji et de coloniser les Nouvelles-Hébrides
menses, je ne crains pas de le dire; nous auxquelles on joindrait les îles Salomon,
pourrons en tirer un parti incalculable. Il mais rien ne fut fait.
suffit d'oser pour réussir. C'est là un des Un autre projet, plus avancé, visait les îles
secrets de la puissance et de la splendeur Philippines. Déjà, en 1840, des capitalistes
dont jouirent pendant plus d'un siècle nos belges avaient conclu un accord préliminaire
voisins du Nord : les Provinces Unies. Nous avec le gouvernement espagnol, aux termes
possédons sans aucun doute autant d'éléments duquel celui-ci leur empruntait 50 millions
de succès. Pourquoi nos vues porteraient-elles de francs et leur donnait en échange le mono-
moins haut? » pole du commerce et le droit de disposer des
Le 17 février 1860, il incitait ouvertement ressources de ces îles. Les Cortès n'ayant pas
à la colonisation et, le 22 décembre, il pré- ratifié cet accord, on s'en était tenu là. En
cisait : 1869, Léopold II songea à faire aboutir un
« Tout ce que je demande à la nation, et arrangement. Ses consuls lui faisaient des
uniquement dans son intérêt, c'est d'épier le rapports très favorables et insistaient parti-
moment favorable, c'est de se mettre en état, culièrement sur les revenus qu'assurait la
si la fortune lui fait des avances, de les saisir culture du tabac. Malgré l'opposition de Jules
au bond, car il est rare qu'elles se représen- Malou, directeur de la Société Générale et
tent. Si cette politique d'observation intelli- chef du parti catholique au Sénat, il faisait
gente et de préparation insensible à l'action, dresser plan sur plan, quand la restauration
que je recommande au pays pour l'avenir, de la monarchie espagnole rendit tout abou-
avait prévalu dans le passé, nous aurions déjà tissement impossible (1874). Alphonse XII se
de belles possessions d'outre-mer. » devait de ne pas céder ce que le gouvernement
Ces idées trouvèrent un écho dans le Jour- républicain lui-même était parvenu à garder.
nal de l'Armée Belge. L'auteur de l'article Le roi Léopold se détourna alors de l'Asie
était un capitaine du génie, Henri-Alexis et porta ses regards du côté de l'Afrique.
Brialmont, le dessinateur des forts de Liège Ce changement d'orientation était peut-être
et le défenseur de la marine militaire belge. dû à un autre de ses collaborateurs : Emile
Le prince Léopold avait déjà remarqué un Banning (1836-1898).
HISTOIRE DU CONGO Il

Cet homme de petite taille et d'esprit et universel, qui peut tout tenter et tout
généreux, avait été remarqué par Charles espérer. » (Liebrechts L. II, p. 11.)
Rogier, ministre des affaires étrangères, Tel était le plan que le roi allait mettre en
qui l'avait attaché à son département. C'est œuvre.
lui qui, à la demande de Léopold II,
Quelques mois après la publication des
avait, en 1865, fait une étude sur l'île de articles de Banning, il invita les explorateurs
Formose et, en 1871, publié une série d'arti- des différents pays à se réunir à Bruxelles en
cles sur les Compagnies des Indes Orientales une conférence géographique aux fins d'étu-
aux XVIe et XVIIe siècles. En 1876, il écrivit dier les résultats obtenus dans la découverte
trois articles dans L'Echo du Parlement sur de l'Afrique et de préparer une collaboration
les explorations africaines; l'un d'eux finissait
plus étroite.
par ces mots aux accents prophétiques :
« Le désert livre ses secrets; le grand mys-
tère de l'Afrique intérieure se révèle de jour
en jour. Aucun insuccès partiel, aucun
désastre particulier n'arrêtera désormais
l'élan; une génération ne s'éteindra pas que
le voile ne soit levé et la lumière faite. Or,
la conquête de la science devient prompte-
ment celle de la culture morale et intellec-
tuelle, de l'industrie et du commerce. Comme
l'Amérique et l'Australie, l'Afrique a certes
son jour marqué dans les desseins de la Pro-
vidence, et bien des symptômes semblent an-
noncer que ce jour est proche. » (15 février
1876).
Dès lors, les efforts du roi s'orientèrent
définitivement. C'est l'Afrique qui serait le
champ d'action de sa volonté de puissance.

2. LA CONFERENCE GEOGRAPHIQUE
DE BRUXELLES (SEPTEMBRE 1876) ET
L'ASSOCIATION INTERNATIONALE AFRICAINE
Il était un point cependant sur lequel les
idées de Léopold II ne s'accordaient point Baron Lambermont.
avec celles de Banning. Celui-ci était un (Photo Muséedu CongoBelge.)
idéaliste et tenait en piètre estime les néces-
sités de l'action et les détours de la diploma-
tie : il était d'avis que la Belgique, au su de Le moment semblait bien choisi pour ne pas
tous, devait, sans se cacher, se créer une colo- éveiller les susceptibilités des puissances. La
nie au cœur de l'Afrique. C'était ne tenir France se relevait à peine de la défaite,
compte, ni de l'opinion publique, fort peu l'Allemagne était toute à la tâche d'organiser
portée aux choses coloniales, ni des ambitions sa nouvelle puissance, l'Angleterre semblait
parallèles des autres nations. plutôt absorbée par des difficultés intérieures
Le baron Lambermont, plus réaliste, était ou par la crainte d'un conflit avec la Turquie
plus qualifié pour recevoir certaines confi- ou la Russie. D'ailleurs le roi insistait,
dences, telle cette lettre dans laquelle, au pour n'inquiéter personne, sur le caractère
début de son règne, le roi révèle sa pensée : scientifique et humanitaire de la Conférence.
« Il ne faut pas compter sur l'intervention Elle se tint au Palais de Bruxelles du 12 au
directe du gouvernement. Ses idées économi- 14 septembre 1876. Les pays invités y avaient
ques lui interdisent tout secours pécuniaire, envoyé des représentants des plus distingués :
et elles sont d'accord avec l'opinion publique. l'Allemagne, le baron von Richthofen, prési-
Nous devons tenir compte aussi de la jalousie dent de la Société de Géographie de Berlin et
des puissances. Mais une société composée en les explorateurs Nachtigal, Rohlfs et Schwein-
notamment sir Ruther-
majorité de capitalistes belges, ayant son furth; l'Angleterre
siège chez nous, devient un être impersonnel ford Alcock, président de la Société Royale de
14 HISTOIRE DU CONGO

Géographie, les explorateurs Cameron et » Parmi les questions qui seraient encore à
Grant ainsi que sir Bartle Frere, vice-prési- examiner, on a cité les suivantes :
dent du Conseil de l'Inde; la France le vice- » 1° Désignation précise des bases d'opéra-
amiral baron de la Roncière-Le Noury, prési- tion à acquérir, entre autres, sur la côte de
dent de la Société de Géographie de Paris, Zanzibar et près de l'embouchure du Congo.
l'explorateur marquis de Compiègne. La soit par conventions avec les chefs, soit par
délégation belge comprenait principalement le achats ou locations à régler avec les parti-
baron Lambermont et Banning, respective- culiers ;
ment secrétaire général et directeur du minis- » 2° Désignation des routes à ouvrir succes-
tère des affaires étrangères, de Borchgrave, sivement vers l'intérieur et des stations hos-
l'érudit conseiller de légation à Berlin, Van pitalières scientifiques et pacificatrices à
Biervliet et Sainctelettc. organiser comme moyens d'abolir l'esclavage,
Le roi leur souhaita la bienvenue et leur d'établir la concorde entre les chefs, de leur
traça un programme en ces termes : procurer des arbitres justes, désintéressés,
« Le sujet qui nous réunit aujourd'hui est etc. ;
de ceux qui méritent au premier chef d'occu- » 3° Création, l'œuvre étant bien définie,
per les amis de l'humanité. Ouvrir à la civi- d'un comité international et central et de co-
lisation la seule partie de notre globe où elle mités nationaux pour en poursuivre l'exécu-
n'ait point encore pénétré, percer les ténèbres tion, chacun en ce qui le concerne, en exposer
qui enveloppent des populations entières, c'est le but au public de tous les pays et faire au
j'ose le dire, une croisade digne de ce siècle sentiment charitable un appel qu'aucune
de progrès. bonne cause ne lui a jamais adressé en vain.
» Messieurs, parmi ceux qui ont le plus » Tels sont, Messieurs, les divers points qui
étudié l'Afrique, bon nombre ont été amenés semblent mériter votre attention. » (Confé-
à penser qu'il y aurait avantage, pour le but rence Géographique de Bruxelles, p. 4.)
commun qu'ils poursuivent, à ce que l'on pût La pensée profonde du roi était sans con-
se réunir et conférer en vue de régler la teste, dès lors, de donner une colonie à la
marche, de combiner les efforts, de tirer parti Belgique : les discours du duc de Brabant, le
de toutes les ressources, d'éviter les doubles don qu'il avait fait à Frère-Orban d'une
emplois. pierre rapportée d'Athènes sur laquelle il
» Il m'a paru que la Belgique, Etat central avait fait graver : « Il faut une colonie à la
et neutre, serait un terrain bien choisi pour Belgique », son activité ultérieure, tout le
une semblable réunion, et c'est ce qui m'a porte à croire. Cela ne permet cependant pas
enhardi à vous appeler tous ici, chez moi, de mettre en doute ses intentions humanitai-
dans la petite conférence que j'ai la grande res, car il pouvait fort légitimement penser
satisfaction d'ouvrir aujourd'hui. — et l'avenir lui donnera raison — qu'une
Ai-je be-
soin de dire qu'en vous conviant à Bruxelles, colonie belge, mieux qu'un organisme inter-
je n'ai pas été guidé par des vues égoïstes? national, pouvait mettre un terme aux maux
Non, Messieurs, si la Belgique est petite, elle dont souffraient les indigènes.
est heureuse et satisfaite de son sort; je n'ai Les délibérations de l'assemblée commencè-
d'autre ambition que de la bien servir. Mais rent aussitôt et l'on se mit rapidement d'ac-
je n'irai pas jusqu'à affirmer que je serais cord sur la création de postes. Ceux-ci au-
insensible à l'honneur qui résulterait pour raient un triple caractère : ils seraient hospi-
mon pays de ce qu'un progrès important, taliers, fournissant aux explorateurs un refuge
dans une question qui marquera dans notre en cas de maladie ou de danger et leur pro-
époque, fût daté de Bruxelles. Je serais heu- curant les approvisionnements nécessaires ;
reux que Bruxelles devînt, en quelque sorte, ils seraient scientifiques, centres d'étude du
le quartier général de ce mouvement civilisa- climat, du sol, de la population; ils poursui-
teur. vraient un but humanitaire en devenant des
» Je me suis donc laissé aller à croire qu'il centres de rayonnement de civilisation et de
pourrait entrer dans vos convenances de venir répression de la traite.
discuter et préciser en commun, avec l'auto- La détermination du territoire à explorer
rité qui vous appartient, les voies à suivre, fut tâche plus ardue : deux groupes furent
les moyens à employer, pour planter défini- formés qui délibérèrent chacun séparément.
tivement l'étendard de la civilisation sur le Le premier, composé des délégués de la
sol de l'Afrique centrale. France, de l'Angleterre et de l'Italie propo-
HISTOIRE DU CONGO 15

sait d'établir une ligne de communication de national était constitué : le comité belge,
Zanzibar à Saint-Paul de Loanda en Angola, fondé le 6 novembre 1876, dont Beernaert,
avec la création immédiate de deux stations, d'Anethan, Dolez et d'autres étaient mem-
Udjiji sur le lac Tanganyika et Nyangwe sur bres. Il commença aussitôt une intense cam-
le Lualaba. De cette ligne devraient partir pagne de propagande, multipliant conférences
trois voies perpendiculaires : l'une vers l'em- et publications.
bouchure du Congo, l'autre vers les sources
Déjà, en octobre 1876, la Société de Géogra-
du Nil, la troisième vers le Zambèze en pas- phie de Paris avait discuté la création d'un
sant par les grands lacs de l'Est. Le second comité français; il ne vit le jour cependant
groupe dont le projet plus modeste fut pré- qu'au mois de juin de l'année suivante, sous
senté par le délégué russe M. de Semenov, la présidence de Ferdinand de Lesseps. En-
proposait de favoriser l'exploration des par- core que sa propagande insistât bien moins
ties inconnues du centre africain par la créa- sur le programme civilisateur de l'A. I. A.
tion de postes à Bagamoyo, près de Zanzibar, que sur les perspectives de débouchés pour le
et à Loanda d'abord, dans l'intérieur des commerce national, le Comité ne réussit pas à
terres ensuite, le long de l'itinéraire de Came- gagner le public français. A peine les recettes
ron, notamment à Udjiji et Nyangwe. Il ne parvinrent-elles à couvrir les dépenses et rien
fallait pas, dès l'abord, envisager de réunir ne put être versé à la commission internatio-
ces différentes stations. nale. Tout au plus réussit-il, grâce à un don
Sur rapport d'un comité comprenant des de Léopold II et une subvention du gouverne-
représentants des deux groupes, le second ment, à créer deux postes dans l'Ouest afri-
projet fut adopté mais on émit le vœu de cain, sur lesquels flotta d'ailleurs, non le dra-
relier, autant que possible, ces stations entre peau de l'Association, mais le drapeau fran-
elles. Pour réaliser ce programme, la Confé- çais.
rence décida la création d'une association qui En Allemagne, le 18 décembre 1876, fut
prit le nom d'Association Internationale créée la Deutsche Afrikanische Gesellschaft,
Africaine. qui devait, moins de deux ans plus tard, se
Elle comprendrait : fusionner avec la Deutsche Gesellschaft zur
1° Une commission internationale réunis- Erforschung Aequatorial Afrikas, sous le
sant les présidents des sociétés de géographie nom d 'Afrikanische Gesellschaft.' Son but
qui agréeraient le programme de l'Association principal était l'exploration scientifique des
et deux membres délégués par chaque comité parties inconnues du continent noir. Accessoi-
national ; rement elle se proposait également de subsi-
2° Un comité exécutif, composé d'un pré- dier les entreprises de l'Association, ce qu'elle
sident et de quatre membres, auquel incom- fit, car elle envoya des fonds à Léopold II
berait le soin de diriger les entreprises et les qui, de son côté, lui remit 40.000 francs en
travaux de l'Association. vue de la création d'une station qui fut
successivement établie par ses soins à Kako-
Léopold II accepta la présidence pour la ma et à Gondoa, et où flotta le drapeau
durée d'un an seulement parce que, di-
il allemand.
sait-il, l'Association étant internationale,
Enfin, en Angleterre, on constitua un co-
convenait, pour qu'elle gardât ce caractère,
que la présidence fut successivement assumée mité l'African Exploration Fund (mars 1877),
qui s'empressa de décliner là tutelle de l'As-
par un représentant d'une nationalité diffé-
rente. Il nomma secrétaire général le baron sociation, pour la raison qu'un organisme
national éprouverait moins de difficulté à
Greindl, qui fut remplacé plus tard par le
colonel Strauch réunir les fonds; le véritable motif semble
tandis que les trois autres
de se
membres du Comité exécutif, un anglais, sir plutôt avoir été l'aversion britannique
soumettre à une association internationale. Le
Bartle Frere, un allemand, le Dr. Nachtigal,
et un français, M. de Quatrefages, étaient dé- comité ne se cacha d'ailleurs pas de recher-
signés par la Conférence. cher des avantages commerciaux.
Enfin il fut décidé de créer des comités En somme, ces comités et les stations qu'ils
nationaux dans chaque pays; leur objet était créèrent, avaient un caractère national plus
de gagner le public national au programme ou moins tranché. Le comité international
de l'Association et de faciliter l'exécution de dont ils eussent dû dépendre, ne fit pas
ses décisions. long feu. La première session des 20 et
Moins de deux mois après, le premier comité 21 juin 1877, fut aussi la dernière. Il avait
16 HISTOIRE DU CONGO

d'ailleurs préparé lui-même sa disparition : part Bagamoyo, de créer une station sur les
car, après avoir adopté comme drapeau bords du lac Tanganyika et de se diriger
de l'Association l'étoile sur fond bleu — selon ensuite vers la côte occidentale. Son organisa-
Stanley, l'espoir brillant dans les ténèbres tion fut confiée au comité le plus actif, le
africaines — il avait autorisé le comité exé- Comité belge qui, en un an, était parvenu à
cutif à créer, dans l'intervalle de ses sessions, réunir la somme de 500.000 francs. Grâce à
des stations nouvelles. ces fonds et à un subside royal, le capitaine
Comme Léopold II avait été réélu prési- d'état-major Crespel et le lieutenant Cambier
dent, il se voyait attribuer, en cette qualité, quittèrent Bruxelles le 15 octobre 1877. Le
toute l'autorité nécessaire. En même temps second seul devait, le 15 août 1879, atteindre
l'objectif avec le restant de son escorte, trente
indigènes qui furent, avec les hippopotames
et les crocodiles, les seuls témoins de la créa-
tion à Karema de la première station de
l'A. I. A.
Cette expédition fut suivie de quatre au-
tres. Le capitaine d'état-major Popelin, parti
de Zanzibar le 31 mai 1879, suecomba à une
fièvre pernicieuse le 21 mai 1881, avant
d'avoir pu remplir sa mission, la création
d'une station à Nyangwe.
Le capitaine Ramaeckers quitta Bagamoyo
le 15 juillet 1880 et, le 4 décembre, reprit
les pouvoirs de Cambier à Karema. Mais,
lui aussi, était marqué du doigt de la des-
tinée et, le 25 février 1881, il mourut de la
dysenterie et des fièvres. Le seul Européen
qui avait pu le suivre jusque là, Becker, resta
seul à Karema jusqu'à ce que le lieutenant
d'état-major Storms, à la tête de la quatrième
expédition, arriva à Karema en septembre
1882. Le premier, il parvint à faire avancer le
programme de l'A. I. A. en créant une station
à Mpala sur la rive occidentale du Tanga-
nyika. Il y fut rejoint par la cinquième expé-
dition (1884) conduite par le capitaine
Becker, qui avait sous ses ordres un jeune
sous-lieutenant : Dhanis.
Général Sanford. Subitement vint, imprévu et incompréhen-
(Photo Musée du Congo Belge.) sible, l'ordre d'abandonner les postes et de
revenir à Bruxelles. Becker, sur le chemin du
entrait au Comité exécutif un homme qui lui retour, devait se perdre en vaines conjectures
était tout dévoué, Henry Sanford, ancien sur les raisons de ces instructions qui mena-
ministre des Etats-Unis à Bruxelles. Il rem- çaient de faire perdre les maigres résultats de
plaçait sir Bartle Frere, démissionnaire. si lourds sacrifices.
Le Comité exécutif publia, pendant quel- Sans doute, ce qui avait été atteint ne ré-
ques années, des rapports sur les expéditions, pondait-il pas à ce qu'on avait espéré. Mais
pour tenir les membres au courant ; il négligea se rendait-on compte des innombrables diffi-
de le faire à partir de 1880 et c'est en vain cultés de la tâche : un climat implacable
qu'un des délégués suisses protesta contre ce auquel la moitié seulement des vingt-quatre
silence et contre l'inaction de la Commission Européens avait pu résister; l'hostilité sour-
internationale. noise ou ouverte des indigènes se traduisant
Lors de son unique session, elle avait par la désertion des porteurs, les attaques
chargé le Comité exécutif de la réalisation du des caravanes, les exigences de lourds tributs
programme établi l'année précédente; l'envoi de passage. Certes ce n'était pas le courage
d'une expédition fut décidé. Elle avait pour qui avait manqué, mais pour avancer plus
mission, après avoir quitté son point de dé- loin il eût fallu des expéditions plus fortes
HISTOIRE DU CONGO 17
.-

et mieux armées qui eussent pu traverser les confusion entre l'activité de l'A. I. A. et une
Etats des Arabes esclavagistes. activité indépendante qu'il avait résolue d'en-
tamer aussitôt qu'il sût que l'Afrique avait
De tous ces efforts, il restait deux stations
été traversée de part en part.
et voici que maintenant venait l'ordre de les Mais arriva le moment où il fallut bien
abandonner. Restait à Becker la consolation renoncer à l'une d'elles.
de penser que les postes étaient confiés aux
Pères Blancs, qui pourraient continuer ce Après la découverte de Livingstone par
Tele-
Stanley, le New York Herald et le Daily
qu'il avait commencé : créer des plantations graph avaient résolu d'engager
les frais d'une
et former des artisans.
nouvelle expédition dans l'espoir que le récit
leurs lecteurs.
Comment se faisait-il que l'on abandonnât qui en serait fait passionnerait
Zanzibarites et fait
la partie? C'est que l'arrivée de Stanley à Après avoir recruté 356
coton et de perles,
Borna en août 1877 avait bouleversé toutes les ample provision de toiles de
17 novembre
données du problème. Stanley quitta Bagamoyo le
L'envoi des expéditions avait continué jus- 1874. Ses compagnons étaient Frédéric Par-
que là parce que le roi ne voyait qu'avantage ker et les deux frères Pocock. Se dirigeant
à jouer sur les deux tableaux et à user de la d'abord vers l'Ouest, il remonta brusquement
18 HISTOIRE DU CONGO

vers le Nord et atteignit le lac Victoria dont The Congo und the founding of its frec state,
il fit le tour et où il perdit Parker. Après un T. I., p. VI.)
séjour chez M'tésa, roi de l'U ganda, qu'il En écrivant cela, il devait penser à l'An-
s'efforça de convertir, il se dirigea vers le lac gleterre ; il y pensait toujours quand il déclina
Tanganyika dont il entreprit l'étude. Il lui l'offre qui lui était faite. Il prétexta sa fati-
restait à établir si le Lualaba était le Nil, gue et un grand désir de repos et de sommeil.
comme le croyait Livingstone, le Niger ou le En Grande-Bretagne, il fit une série
Congo. Il se dirigea donc résolument vers de conférences et d'articles pour communi-
Nyangwe et entra en contact avec le puissant quer son enthousiasme et sa foi en l'avenir
chef arabe Tippo-Tip qui, moyennant 5.000 des territoires qu'il avait traversés. Mais, à sa
dollars, lui promit une escorte pendant soi- grande déception, il n'éveilla aucun écho ni
xante étapes de quatre heures. En poursui- dans les milieux officiels, ni dans les cercles
vant sa route, il trouva enfin un endroit où le commerciaux. Le moment était, il est vrai, on
fleuve devenait navigable. Il mit à flot son ne peut moins favorable : Les hommes d'Etat
bateau démontable et ses 23 canots et s'avança anglais avaient assez affaire à coloniser l'Aus-
dans l'inconnu. Trente-deux fois il fut atta- tralie, les Indes et le Canada, et l'opinion
qué par les indigènes et ce que fut ce presti- publique était hostile à un agrandissement de
gieux voyage, Stanley le raconta dans son l'empire colonial; la mode était au libre
livre : Through the dark continent. Le
échange qui devait assurer, sans frais ni ris-
12 mars 1877 il était à Stanley-Pool et le ques, la conquête commerciale du monde. De
9 août 1877 à Borna. Il arrivait seul : ses trois guerre lasse, Stanley revint à celui qui spon-
compagnons blancs étaient morts; des 400 tanément lui avait témoigné estime et com-
hommes qu'il avait engagés à Nyangwe, cent préhension. Il fut reçu par Léopold II au
et quinze l'avaient suivi jusqu'au bout dans mois de juin 1877. Dès ce moment, les pour-
cette immense randonnée de 11.500 km. parlers continuèrent avec Sanford et Greindl :
Stanley, recru de fatigue, reconduisit ceux il s'agissait de déterminer en quel sens il
qui lui restaient à Zanzibar et retourna en convenait d'agir. Stanley était partisan de la
Europe. Il ne se doutait guère que ce création immédiate d'une société qui établi-
n'étaient pas ses compatriotes qui y atten- rait un chemin de fer le long de la partie non
daient le plus impatiemment son retour. navigable du fleuve jusqu'au Stanley-Pool et
de l'installation de stations sur le cours supé-
3. LE COMITE D'ETUDES DU HAUT-CONGO rieur. Un groupe hollandais, dont le roi avait
obtenu l'appui, trouvait le projet trop ambi-
Quand en janvier 1878 Stanley descendit tieux et proposait une simple étude prélimi-
du train en gare de Marseille, il fut accueilli naire par une expédition d'ingénieurs. La so-
par deux personnages qu'il ne connaissait pas, lution adoptée en fin de compte fut l'envoi
le baron Greindl et le général Sanford; ces d'une expédition qui aurait non seulement
deux délégués du roi des Belges, lui offrirent une mission de reconnaissance, mais un carac-
de mettre à son service l'expérience qu'il tère humanitaire, en harmonie avec le but de
venait d'acquérir si durement. l'Association. Les frais seraient supportés par
avait donné sa un groupe commercial dont le roi ferait
Stanley déjà réponse quand
il écrivait dans le Daily Telegraph du 12 no- partie.
vembre 1877 : « Je suis convaincu qu'un jour C'est ainsi que Stanley fut invité au Palais
la question de cet immense cours d'eau de- royal à Bruxelles le 25 novembre 1878. Il se
viendra politique. Si je ne craignais, par la trouva là en compagnie d'hommes d'affaires
et de banquiers d'Angleterre, d'Allemagne,
longueur de mes lettres, de diminuer l'intérêt
que vous pourriez porter à l'Afrique ou à ce de France, de Belgique et de Hollande. Il
fleuve magnifique, je pourrais vous montrer assista à la formation d'une « société en
de très fortes raisons pour lesquelles ce serait participation » qui prit le nom de Comité
un acte politique de régler immédiatement d'études pour le Haut-Congo.
cette importante question. Je pourrais vous Le capital en était fixé à un million de
prouver que la puissance qui posséderait le francs, représenté par des parts nominatives
Congo, absorberait malgré les cataractes, le de 500 francs. Sous le nom du baron Lambert,
commerce de tout son énorme bassin. Ce son banquier, le roi souscrivit plus d'un
fleuve est et sera la grande route commerciale quart du capital. D'autres banquiers belges,
de l'Afrique centrale occidentale. » (Stanley Brugmann, Goffin, Bischoffsheim intervin-
,
HISTOIRE DU CONGO 19

rent pour leur part. Une société hollandaise le roi à rendre à l'expédition un carac-
] 'Afrikaansche Handelsvereeniging, s'était tère exclusivement humanitaire et rembourser
engagée pour 130.000 francs. Le roi l'avait les souscripteurs. Léopold II devait mettre ce
invitée à cette participation à la fois pour dernier conseil à profit mais, plus tard, et pas
assurer aux expéditions l'appui des établisse- précisément comme l'aurait voulu son con-
ments qu'elle possédait dans le Bas-Congo, et seiller. A Gibraltar, Stanley eut communica-
pour éviter sa concurrence. tion par Strauch de certaines notes révélatri-
Le but que le Comité s'assignait était l'étu- ces de la pensée royale. L'une d'elles opinait
de des possibilités de relier le Haut et le Bas-
Congo par une voie de communication et
d'amorcer un mouvement commercial suffi-
samment important pour assurer la rentabi-
lité d'une société de transport. L'article 6
des statuts précisait : « Les parties s'inter-
disent, par suite, tout but politique ; elles ne
poursuivent que le développement du com-
merce et de l'industrie et sont déterminées
par des vues essentiellement philanthropiques
et scientifiques ».
L'organe exécutif du Comité fut un conseil
dont firent partie notamment le secrétaire
général de l'A. I. A., le baron Lambert, le
baron Greindl et deux membres de V Afri-
kaansche Handelsvereeniging. Le colonel
Strauch fut nommé président.
Au cours de cette réunion et de deux autres
qui eurent lieu le 9 décembre 1878 et le
2 janvier 1879, tout fut mis au point, les
plans définitifs adoptés et les instructions
données à Stanley. Et dès ce moment, la plus
grande discrétion fut observée. C'est à peine
si la presse de l'époque y fit de très vagues Colonel Strauch.
allusions. Stanley, qui s'était engagé par (Photo Musée du Congo Belge.)
contrat spécial à rester au service du roi
pendant cinq ans, reconnut plus tard que qu' « il serait sage d'étendre l'influence
des
pendant plusieurs années il s'était abstenu stations aux chefs des tribus voisines; une
d'écrire à des amis chers pour assurer, confédération républicaine de nègres libres
disait-il, la réussite de ce qu'il avait
pourrait être formée, qui serait indépendante,
entrepris. Ceux qui se mettaient au service du avec cette réserve que le roi, auquel sa créa-
Comité devaient s'engager par écrit à garder tion serait due, se réserverait le droit de nom-
le secret, à peine d'une amende de vingt mille mer le président qui résiderait en Europe ».
francs et de dommages-intérêts. Une autre note ajoutait : « Le projet n'est
Aussi le départ de Stanley à bord de pas de créer une colonie belge mais de fonder
l'Albion, le 23 janvier 1879, ne fut-il pas un puissant Etat nègre ». Stanley répondit
remarqué. Il mit le cap sur Zanzibar afin d'y que cela lui paraissait beaucoup plus dif-
recruter une escorte, de préférence parmi ses ficile que d'établir une colonie belge. « Ce
anciens compagnons de route et d'aventure. serait folie pour quelqu'un qui se trouve dans
Sur le chemin du retour un télégramme lui ma situation de le tenter », dit-il, tout en
apprit, à Aden, la faillite d'un des grands ajoutant prudemment « sauf dans la mesure
souscripteurs l'Afrikaansche Handelsvereeni- où les événements pourraient se succéder l'un
ging. Il télégraphia aussitôt au colonel l'autre dans l'ordre naturel des choses ».
its
Strauch, le priant de venir à sa rencontre à (Stanley, The Congo and the founding of
il quitta Gibraltar
Gibraltar pour conférer des conséquences de free state, pp. 53 et 54.) Et
cet événement. Sanford, de son côté, qui sans avoir ouvertement repoussé l'idée mais
désapprouvait l'orientation commerciale du en la reléguant en tous cas à l'arrière-plan.
Comité, mit l'occasion à profit pour exhorter Le 14 août 1879, il était en rade de Banana.
20 HISTOIRE DU CONGO

Les membres de l'expédition, qui à bord du 21 -février 1880, le joli petit


village blanc
« Barga » avaient directement rejoint le qu'il venait de créer. La tâche la plus ardue
Congo afin de tout y préparer pour l'arrivée commençait : la construction de la route des
de leur chef, purent lui montrer, déjà bercée caravanes. Elle fut entamée le 25 mars. Ce
par les eaux du fleuve, une flottille prête au que fut cette pénible entreprise, on a peine
départ : « La Belgique », steamer de 30 ton- à se l'imaginer. L'escalade des collines par le
nes, trois petits vapeurs : l' « Espérance », « Royal » et l' « En Avant » montés sur cha-
« En Avant » et le dernier don personnel du riots, traînés dans les montées par 200 à
roi, le « Royal », une barque à hélice « La 300 indigènes, n'en donne qu'une faible idée.
Jeune Africaine », deux barges d'acier et Le dimanche 7 novembre 1880, Stanley pre-
une baleinière de bois. nait un repos largement mérité dans un camp
qu'il avait dressé à
Nyongena d'où il
apercevait les chutes
d'Isangila, quand lui
apparut un homme
de haute stature, aux
cheveux et à la barbe
noirs, sans souliers et
pauvrement vêtu.
C'était le comte Sa-
vorgnan de Brazza.
Cet Italien, naturali-
sé Français, avait de
1875 à 1878 exploré
le bassin de l'Ogoué
et découvert l'Alima
et la Licona, af-
fluents du Congo.
Au cours de son sé-
jour en E u r op e,
Léopold II l'avait
Un steamer démontable quittant Vivi. invité à se mettre à
(Photo Musée du CongoBelge.) son service mais n'y
avait pas réussi. Du
Le 22 août, la flottille arriva à Borna à la moins voulut-il le rendre inoffensif en propo-
grande surprise des 16 Européens des diver- sant au Comité français de l'A. I. A. de lui
ses factoreries anglaise, française, portugaise confier une expédition sur le bassin de
et hollandaise. Ils craignaient, non tant peut- l'Ogoué, semblable, disait-il, à celle de Stanley
être la concurrence, que l'instauration d'un sur le Congo, avec le même but scientifique
pouvoir régulier et de ses servitudes. Il fallut et philanthropique. Brazza, qui semlblait se
une déclaration publique de Stanley pour les méfier, accepta tout au plus d'accompagner
rassurer. le chef de cette expédition, Mizon, pour choi-
sir l'emplacement de deux stations, l'une sur
Vivi, le point extrême de navigabilité, fut le Haut-Congo, l'autre sur l'Ogoué. Il put
atteint en septembre. Stanley y aménagea,
sur un plateau dominant le fleuve, ainsi sans éveiller trop de méfiance, planter
l'empla- le drapeau français au Stanley-Pool. C'est ce
cement du premier poste que le chef local lui
avait cédé moyennant paiement d'une somme qu'il annonça à Stanley ce dimanche 7 no-
vembre. Stanley avait été battu de vitesse et
de 800 francs et d'une indemnité de location
par sa faute, car les avertissements ne lui
mensuelle de 50 francs. Quand ils le virent avaient pas manqué. A différentes reprises
apprendre à ses hommes le maniement du le colonel Strauch, qui avait eu vent du plan
marteau à deux mains, les indigènes le nom- de Brazza, peut-être par suite d'une indiscré-
mèrent Boula-Matari, le briseur de roches. tion, avait mis Stanley en garde contre la
Il fit dresser les maisons de tôle amenées réalisation de ce plan, particulièrement dan-
de Belgique, organisa le ravitaillement et la gereux, car il risquait de couper la voie à
liaison avec la mer et lorsque les réserves l'expédition du Comité d'études.
nécessaires furent amassées, il quitta, le En prenant congé de Stanley, Brazza, je-
HISTOIRE DU CONGO 21

tant un coup d'œil sur le mont Ngoma, au du village de Ntamo, au pied d'une colline
de 60 m. et immédiatement en amont des,
pied duquel la route était arrêtée, lui dit qu'il
lui faudrait six mois pour arriver à le fran- cataractes.
chir. Il disait vrai, mais il n'avait pas songé Mais le temps pressait car Brazza avait
à la solution la plus simple : Stanley, au lieu déjà proclamé la souveraineté française sur le
de faire grimper la route, fit suivre le Congo français et le Gabon. Laissant la sta-
tion de Léopoldville au commandement de
Braconnier il remonta le fleuve sur l' « En
Avant » et créa un poste à M'Suata, sur le
territoire du chef Gobila dont il reçut un
accueil si cordial que bientôt les Européens
ne l'appelèrent plus que papa Gobila. En mai,
il remonta de nouveau le fleuve, le Kwa et le
Fimi, affluents du Kasai, et fit le tour du lac
Léopold II. Mais il était à bout de forces;
le 15 juillet 1882 il quittait Vivi pour retour-
ner en Europe. II avait remis ses pouvoirs
au docteur Pechuel-Loesche, conformément
aux instructions dont ce dernier était porteur.
Celui-ci avait jusque là attendu à Vivi où
il avait été dépêché par le roi, inquiet de l'in-
trusion de Brazza sur le Stanley-Pool et dési-
reux d'éviter qu'il n'occupe également la
région du Loango traversée par le Niari. Le
Dr. Pechuel-Loesche avait pour instructions
de quitter Vivi immédiatement dans cette
direction afin d'y acquérir, des indigènes, le
droit d'exercer un certain contrôle politique
et d'exploiter les richesses du pays dès que
Brazza aurait fait mine de revendiquer cette
Comte
r Savorgnan de Brazza. région. Cette sage précaution se révéla inutile
(Photo Musée du Congo Belge.) car Brazza commit l'erreur de dormir sur ses
lauriers.
bord de la montagne sur des rochers qu'il Le 14 septembre 1882, le docteur Pechuel
avait fait ébouler dans le fleuve, si bien que
le 21 février 1881 le drapeau bleu à étoile
d'or flottait à Isangila. Confiant la direction
de ce poste au lieutenant Valcke qui, avec le
capitaine Braconnier et le lieutenant Harou,
avait rejoint l'expédition en 1880, Stanley
remonta le bief navigable jusqu'à Manyanga
où il fonda une troisième station, en juillet
1881. De là il lui restait 153 km. à parcourir
pour atteindre le Stanley-Pool. La route avait
été construite jusque là sur la rive droite;
puisque les Français l'occupaient, il fallut
maintenant l'établir sur la rive gauche. En
novembre 1881, la caravane atteignait la
plaine avoisinante du Stanley-Pool. Après de Vue de Léopoldville(1882).
difficiles négociations, rendues plus laborieu- (Photo Musée du Congo Belge.)
ses encore par la présence de plusieurs chefs
qui se prétendaient également souverains sur con-
le territoire, malgré les recevait du roi une lettre d'instructions
Stanley parvint, Cette
de l'astucieux sergent sénégalais tenant une coupure du London Times.
intrigues conclus par la
Malamine, préposé par Brazza à la garde
du coupure traitait des accords les sul-
British North Borneo Company avec
Stanley-Pool, à obtenir le terrain nécessaire
tans de Brunéi et Sulu, aux termes desquels
pour fonder la station de Léopoldville, près
22 HISTOIRE DU CONGO

ceux-ci cédaient à cette société des droits de ture et ses statuts, on ne saurait le dire; les
souveraineté sur de larges territoires. Le roi archives sont muettes. Tout au plus, peut-on
recommandait à Pechuel de suivre cet exem- se douter des raisons pour lesquelles le mot
ple au Congo. Pour faire œuvre utile, il était, « international » intervenait dans son nom.
disait-il, indispensable de créer un Etat indé- D'abord, il favorisait une confusion propice
pendant qui aurait son propre drapeau. Le avec l'A. I. A.; il devait, ensuite, faciliter
roi revenait donc à la charge, il précisait cette son dessein final d'introduire le Congo dans
fois l'idée qu'à Gibraltar il avait communi- la communauté des nations. Sans doute, le
quée à Stanley et il indiquait les moyens qu'il roi aurait pu dire « L'A. I. C. c'est moi »,
convenait d'employer pour arriver à la mais tous ses efforts tendaient à éviter que
réaliser. ce mot fût dit, le secret étant une des con-
En Belgique, cependant, cette nouvelle ditions du succès.
orientation restait ignorée. Une brochure pa- Le bruit fait, surtout à la Chambre et
rue en 1882, sous le titre L'A. J. A. et le dans la presse françaises, autour de la ren-
Comité d'Etudes du Haut-Congo, rédigée par contre Stanley - Brazza et de leur différend
« un de leurs coopérateurs » (Banning), in- latent, avait déjà éveillé l'attention du Por-
sistait encore sur les rapports étroits qui unis- tugal. Invoquant des « droits historiques » il
sent les deux institutions, sur « l'unité de s'avisa soudain d'une prétendue intrusion sur
leur programme, la similitude de leurs son domaine. Luciana Cordeiro, le bouillant
moyens, la concordance de leur but ». Or, à secrétaire de la Société de Géographie de Lis-
cette époque, le Comité d'études était, comme bonne se fit le champion des prétentions de
tel, dissous depuis plus de deux ans. L'expé- son pays. Le 13 octobre 1882, il adressait une
dition de Brazza avait inquiété Léopold II. lettre au colonel Strauch dans laquelle il
Il comprenait qu'elle menaçait la réalisation posait trois questions embarrassantes desti-
de ses desseins politiques. Pour obtenir la li- nées à lui faire avouer un but politique. La
berté d'action nécessaire en vue de parer un réponse fut évasive et habile, mais cette
nouveau coup, il avait résolu de se rendre aux curiosité intempestive fit comprendre davan-
instances de Sanford qui le pressait de rem- tage encore que le temps pressait.
bourser les souscripteurs du Comité afin de
D'ailleurs, le Portugal ne se bornait pas
pouvoir se consacrer tout entier à la réalisa- à faire poser des questions embarrassantes
tion du but philanthropique de l'A. I. A.
par un géographe; il avait, dès novembre
Mais il le fit dans un dessein politique, et
1882, pris contact avec l'Angleterre en vue
avec une habileté consommée : le 17 novem- d'obtenir qu'elle reconnaisse ses prétentions
bre 1879 le Comité fut dissous selon des moda- sur l'embouchure du fleuve Congo. Si ces
lités qui donnaient d'amples satisfactions aux démarches aboutissaient, l'œuvre du roi était
souscripteurs et lui laissaient en même temps compromise, le seul accès vers l'intérieur
le droit de continuer à se servir du nom du étant coupé. Il fallait donc agir et agir vite;
Comité d'études (l). Une fois de plus le roi il devenait urgent de mettre à exécution le
avait réussi à tirer d'un organisme tout ce
plan, déjà conçu, d'occuper la région du
qu'il pouvait en attendre. L'A. I. A. lui avait Niari-Kwilu. C'était à la fois parer la menace
fourni une organisation, un drapeau et des
portugaise et menacer l'entreprise française
pouvoirs suffisamment étendus au sein du sur le Stanley-Pool.
Comité exécutif; le Comité d'études, même Des instructions formelles furent données à
après sa liquidation, servit ses desseins. Stanley pendant son séjour à Bruxelles. Elles
L'A. I. C. (Association Internationale du étaient conformes au programme, cette fois
Congo) le mènerait au but. ouvertement politique, dont Stanley était por-
teur quand il s'embarqua en grand secret sur
4. L'ASSOCIATION INTERNATIONALE; le « Harkaway » qui, par surcroît de pré-
DU CONGO caution, fut repeint et rebaptisé en pleine
mer. De retour au Congo (décembre 1882),
L'A. I. C. est un enfant naturel dont on il ne retrouva pas Pechuel qui s'était avéré
dut bien admettre l'existence, mais dont per- incapable de poursuivre l'entreprise et qui,
sonne n'aurait pu et ne peut préciser l'origine avec la certitude que la situation était perdue,
ni la date de naissance. Ce qu'étaient sa struc- s'en était retourné en Europe pour y publier
son avis.
(1) THOMSON R. S. : Fondationde l'Etat Indépendant Un Belge, à la haute carrure et au carac-
du Congo,p. 74. tère jovial, le capitaine Hanssens avait repris
HISTOIRE DU CONGO 23

le commandement. Il avait déjà fait de la Cette fois la partie était gagnée et, de
bonne besogne puisque, selon les instructions justesse. La Chambre française avait, fin
reçues de Pechuel, il avait, en remontant le décembre 1882, voté un crédit de 1.275.000
fleuve, fait signer des traités par les chefs francs pour la création de huit stations, les
indigènes et avait même fondé un poste à unes sur l'Ogoué et l'Alima, les autres dans
Bolobo où il avait eu les relations les plus la région du Niari-Kwilu, depuis la côte jus-
cordiales avec le chef Ibaka. qu'à Brazzaville. Le lieutenant Cordier, com-
mandant du « Sagittaire », ne put que con-
stater, en mars 1883, que Van de Velde l'avait
devancé à l'embouchure du Kwilu.
La première mission de Stanley était donc
remplie. La seconde, qui était de pousser le
plus avant possible dans le Haut-Congo, en
créant des stations et en acquérant la souve-
raineté des chefs, n'allait pas tarder de l'être.
Le 9 mai 1883, l' « En Avant », l' « A. J. A. »
et le « Royal » levaient l'ancre vers le Nord.
A bord se trouvaient, outre Stanley, Van
Gèle, Coquilhat et Roger.
Stanley pouvait maintenant mettre à profit
la remarque de Livingstone qu'il fit sienne :
« Mouini Moukata, qui a voyagé plus loin
que la plupart des Arabes, m'a dit : si l'on
procède avec douceur et en parlant avec civi-
lité, on peut passer sans danger chez les peu-
plades les plus sauvages de l'Afrique ». (Auto-
biographie Stanley, p. 173.)
Il put et dut, cette fois, entrer en contact
avec les indigènes pour gagner leur amitié et
acquérir la souveraineté, et non plus les fuir
pour échapper à leurs attaques.
Capitaine Hanssens. Il remonta jusqu'au confluent du Lulonga
(Photo Musée du Congo Belge.)
et, après avoir créé, sur l'Equateur, une sta-
Stanley chargea aussitôt Hanssens de fon- tion dont il remit le commandement à Van
der des postes entre le Congo et le Haut- Hèle et Coquilhat, il retourna à Léopoldville.
Niari, le capitaine anglais Grant Elliott de Le 22 août, nouveau départ de toute la flot-
mettre la main sur le cours moyen du Niari- tille. Elle passa par Kwamouth, créé par le
Kwilu, et le lieutenant belge Liévin Van de lieutenant suédois Pangels, par Bolobo, par
Velde de s'emparer de l'embouchure de ce Lukolela où la nouvelle station fut mise sous
fleuve et de toute la région côtière. les ordres de l'Anglais Glave, reconnut le
Cet encerclement stratégique réussit plei- Lulonga et arriva le 1er décembre 1883 aux
nement : le 4 février 1883, Hanssens avait Falls. Stanleyville fut fondée dans l'île Uana-
fondé Philippeville et avait acquis par traité Rusari. Le mécanicien écossais Bennie en re-
retourna à
la pleine souveraineté sur la région comprise çut le commandement et Stanley
entre le nouveau poste et Manyanga. Léopoldville avec plus de 450 traités (jan-
Van de Velde avait, dès le 25 février, hissé vier 1884).
le drapeau de l'Association à Rudolfstadt et Les nouvelles y étaient bonnes. Dans le Bas
conclu deux traités accordant des cessions et Moyen-Congo aussi, de nombreux traités
de territoires au Nord et au Sud du fleuve. avaient été signés notamment par M. Del-
commune et par les lieutenants Valcke et
En suivant le cours du Niari, tout en signant
de nouveaux traités, il avait fondé Bau- Van Kerckhoven. En mai arriva à Vivi le
dcuinville, et le 5 avril, il avait rencontré colonel sir Francis de Winton. Stanley lui
Elliott qui, après avoir fondé Stéphanieville remit ses pouvoirs et retourna en Europe
et Franktown, se traînait épuisé vers la côte. avec la conscience d'avoir bien rempli sa
Celui-ci devait plus tard, une fois rétabli, mission : une grande partie du Congo et la
vallée du Niari-Kwilu n'étaient-elles pas en
compléter l'œuvre de Van de Velde et créer
des postes entre le 2° et le 5° de latitude Sud. mains?
0
24 HISTOIRE DU CONGO

Mais en France et au Portugal des juristes entretenue contre les entreprises africaines.
avaient trouvé le défaut de la cuirasse. Sans Le roi se défendit d'une autre manière. Il
doute n'était-il pas contestable qu'un chef consulta deux juristes, le professeur Arntz
indigène pût valablement céder ses droits de de Bruxelles et Sir Travers Twiss, d'Oxford,
souveraineté. Le procédé avait des précédents. qui lui donnèrent raison. Mais cela ne lui suf-
Mais encore fallait-il que ce fût un membre fisait pas. Si une association privée ne pou-
de la communauté des nations qui les acquît. vait acquérir des droits de souveraineté, les
Comment une simple société privée le pour- chefs indigènes avaient le droit de se confé-
rait-elle? Tout au plus peut-elle acquérir des dérer et de donner mandat à l'A. I. C. de
droits de propriété, et les Français d'en con- les représenter vis-à-vis des autres Etats.
clure tout naturellement que Brazza pou- Telle était l'idée que le roi chargea Goldsmid,
officier anglais retraité qui avait servi aux
Indes, de réaliser. A peine arrivé à l'embou-
chure du fleuve, il dut s'aliter, mais M. Del-
mar Morgan, son secrétaire, se mit en devoir
de recueillir les signatures nécessaires.
En même temps, le roi s'efforçait de gagner
les bonnes grâces de l'Angleterre pour l'aider
à repousser les prétentions portugaises. Il
n'est pas impossible qu'il ait laissé supposer
qu'elle pourrait peut-être recueillir les fruits
de son labeur. Peut-être ainsi peut-on expli-
quer aussi qu'il prit à son service tant d'An-
glais, Stanley, Goldsmid, Winton et d'autres.
L'opinion publique n'était d'ailleurs pas loin
de croire que Stanley travaillait au fond pour
l'Angleterre et le roi n'avait garde de s'en
défendre. Stanley lui-même l'espérait sans
doute puisqu'il allait, si étrange que cela
puisse paraître, jusqu'à écrire à un de ses
amis, H. H. Johnston, le 23 juillet 1883, qu'il
était souhaitable que l'Angleterre établît un
protectorat sur le Congo.
Le roi laissait dire et faire, il avait un
Colonel sir Francis de Winton. besoin d'autant plus urgent de se rapprocher
(Photo Musée du CongoBelge.) de l'Angleterre que la menace d'un accord de
celle-ci avec le Portugal se précisait davan-
vait planter le drapeau français partout où tage et que des négociations se nouaient déjà.
ne flottait pas celui d'un autre Etat. Certaine Il pressait d'autre part les agents de l'Asso-
presse belge, le Journal des Intérêts Mariti- ciation de poursuivre sans désemparer la
mes d'Anvers, poussait l'aveuglement jus- création des postes, de faire signer des traités
qu'à appuyer cette thèse. Un pamphlet publié et d'explorer autant qu'il se pouvait.
en 1884, sous les auspices de la Société de Le capitaine Hanssens était parti de Léo-
Géographie de Lisbonne, un autre paru à poldville, le 24 mars 1884, avec le lieutenant
Paris en tiraient tout le parti possible; enfin suédois Wester, l'ingénieur Amelot et le
le gouvernement portugais assaillait les puis- pharmacien Courtois. Il remonta à son tour
sances de ses plaintes. En Belgique, seuls le fleuve. A Bolobo, où se trouvait Liebrechts,
l'éditeur du Mouvement géographique il apprit que Brazza avait rendu visite à ce
M. J. Wauters, et un autre journal anversois, dernier le 18 février et n'avait guère obtenu
Le Précurseur, défendaient le point de vue de de succès dans les avances faites aux chefs
l'Association. Bayanzis à Tshumbiri. Il remonta, le premier,
Une solution radicale eût été de remplacer, la région de l'Ubangi avec Van Gèle, acquit
d'emblée, le drapeau étoilé par le drapeau des droits de souveraineté en territoire ban-
belge. Mais Banning lui-même, qui en était gala où il laissa Coquilhat, explora la région
partisan, devait reconnaître qu'il y avait de la Mongala, de l'Itimbiri, de l'Aruwimi où
en Belgique une hostilité systématiquement il obtint un traité de Mata-Buiké, chef des
HISTOIRE DU CONGO 25

Bangala, auprès duquel Stanley avait échoué. L'opposition la plus documentée vint de
En juillet il était aux Stanley-Falls, ayant Belgique. Dans un mémoire qui servit de ré-
fait ample provision de nouveaux traités. Il ponse au pamphlet de la Société de Géogra-
retourna à Vivi, où il mourut brusquement phie de Lisbonne, Banning montra l'inanité
des fièvres, le 28 décembre 188'?. des prétentions historiques du Portugal. Cette
Comme la région du Kasai restait inconnue démonstration solide fut publiée en toute hâte
dans son ensemble, le roi chargea von Wiss- à la fois en anglais et en français et distri-
man de l'explorer. Il y fonda Luluabourg et buée à Londres par fascicules séparés en
descendit, avec le Dr. Wolf et le lieutenant raison de l'urgence. Tout cela ne devait guère
von François, la Lulua et le Kasai jusqu'au
Stanley-Pool (1885).
Le missionnaire baptiste Grenfell, de son
côté, explorait sur son bateau « Peace » les
régions de ritimbiri, de l'Aruwimi et du
Lomami et remontait l'Ubangi jusqu'aux
rapides du Zongo (octobre-décembre 1884).
Entretemps, les négociations anglo-portu-
gaises, qui avaient été secrètes jusque là,
furent subitement portées à la connaissance
du public par une déclaration du ministre des
affaires étrangères du Portugal, M. Senhor
Serpa, faite à un journaliste (mars 1883). Les
bases de discussion étaient la reconnaissance
par la Grande-Bretagne de la souveraineté
portugaise entre le 5° 12' et le 8° lat. Sud,
moyennant quoi le Portugal s'engageait à lui
assurer un tarif libéral dans toutes les colo-
nies portugaises en Afrique et le bénéfice de
la clause de la nation la plus favorisée. Il
fallait aussi que le Portugal s'engageât à ne
pas dépasser les points qu'il occupait actuel-
lement et, enfin, que les autres nations accep-
tassent les conventions à prendre. Les démar-
ches faites par Lisbonne auprès du gouverne-
Emile Banning.
ment français pour obtenir son appui échouè- <PhotoMusée du Congo Belge.)
rent parce qu'elles subordonnaient, à tous
pourparlers, la reconnaissance préalable de
sa souveraineté sur la région côtière sise entre favoriser les négociations, quand le Portugal
servi que
le 5°12' et le 8°. Tous les cercles intéressés jugeant qu'on n'est jamais mieux
sur le
crièrent haro contre la conclusion d'un traité par soi-même, fit occuper Landana
sur de semblables bases : en Angleterre, les 5°12' le 29 septembre 1883. Le commandant
de l'expédition, Brito Capello, obtenait en
missions protestantes et le mouvement anti-
même temps, des indigènes, la cession de la
esclavagiste firent chorus avec les Chambres et
de commerce de Liverpool et de Manchester. région comprise entre la rivière Shiloango
Les premières craignaient d'être écrasécs par Molembo.
Le traité anglo-portugais fut néanmoins
les missions catholiques portugaises, le second
Il accordait des
redoutait l'extension du déplorable système signé le 26 février 1884.
avantages sensibles à l'Angleterre qui, en
colonial portugais, les troisièmes enfin vou- du Por-
laient s'opposer à l'abolition de l'actuelle échange, reconnaissait les prétentions
du fleuve jusqu'à
liberté du commerce. La France craignait tugal sur l'embouchure
pour les territoires occupés par Brazza, Noki.
l'Allemagne pour les intérêts de son com- Aussitôt, le roi entama une campagne diplo-
du
merce d'exportation et Bismarck, dans sa matique pour empêcher la ratification
politique de rapprochement avec la France, traité. Celui-ci heurtait à la fois des intérêts
ne demandait pas mieux que de saisir cette et des idées. Les intérêts de la France, de
occasion de lui faire plaisir sans se faire de l'Allemagne, de la Hollande aussi qui possé-
dait des établissements à l'embouchure du
tort.
26 HISTOIRE DU CONGO

fleuve. Des idées : celles déjà exprimées par quer le système colonial portugais que le roi
différents auteurs dont Travers Twiss, Emile dut même conseiller à Sanford une certaine
de Laveleye et Gessner, et qui avaient trouvé modération, et les chambres de commerce,
un écho dans la communication lue par séduites par les avantages du libre-échange,
M. Gustave Moynier à l'Institut de droit il se conciliait les bonnes grâces des hommes
international. M. Moynier souhaitait la pleine politiques au cours de dîners qui restèrent
liberté de navigation sur le Congo et ses fameux. Avec un grand sens de la diplomatie,
affluents. Et si le traité Granville, ainsi qu'il il laissait croire que le seul but était de mettre
fut nommé du nom du négociateur anglais, un terme à la traite et d'instaurer le libre-
stipulait la libre navigation pour toutes les échange. Il ne fit rien pour empêcher que
nations sur le Congo et le Zambèze, il pré- ses interlocuteurs confondissent l'A. I. C. avec
voyait que la commission du fleuve, qui de- l'A. I. A. Bien au contraire, il présenta lui-
vait assurer l'exécution de cet article, serait même le Comité d'Etudes comme une branche
anglo-portugaise, ce qui équivalait à une si- de l'A. I. A.
tuation privilégiée pour les deux nations. C'est ainsi que le 10 avril 1884, le Sénat
C'est en vain que, démarche ultime, le roi américain vota une résolution approuvant le
du Portugal envoya à Bismarck une lettre message annuel du président où celui-ci ad-
personnelle lui demandant de recevoir son mettait que l'A. I. A. - et non l'A. I. C. —
ministre des affaires étrangères. était une société sans visée politique, ayant
Le traité ne pouvant avoir d'effet que s'il pour but d'instaurer la liberté du commerce
rencontrait l'assentiment des autres puissan- et de supprimer la traite des esclaves.
ces, la Grande-Bretagne notifia au Portugal, Le 22 avril, un échange de déclarations
le 24 juin 1884, qu'elle y renonçait. mettait l'affaire au point. Celle des Etats-
Le roi triomphait, il voyait le danger écar- Unis, signée par le secrétaire d'état T. Fre-
té; il lui restait, en Europe, à préparer l'heu- linghuysen, portait notamment : « le Gou-
reuse issue d'une conférence internationale vernement des Etats-Unis proclame la sym-
dont l'idée était dans l'air; en Afrique, à pathie et l'approbation que lui inspire le but
continuer dans la voie où il s'était engagé. humain et généreux de l'A. I. C. gérant les
intérêts des Etats libres établis dans cette
5. RECONNAISSANCE DE L'ASSOCIATION IN- région, et donne ordre aux fonctionnaires des
TERNATIONALE DU CONGO (A. 1. C.). Etats-Unis, tant sur terre que sur mer, de
reconnaître le drapeau de l'Association Inter-
De nombreux traités de cession de souve- nationale à l'égal de celui d'un gouvernement
raineté avaient, il est vrai, été signés au nom ami ». (Codes Louwers, 1914, p. 1357.)
de l'A. I. C. Mais la France et le Portugal Celle de l'Association signée par Sanford :
contestaient leur validité et déniaient à une « L'A. I. C. déclare par la présente qu'en
simple association de droit privé le pouvoir vertu de traités conclus avec les souverains
de conclure de semblables conventions de droit légitimes dans les bassins du Congo et du
public. Le colonel Strauch pensa que le meil- Niari-Kwilu et dans les territoires adjacents
leur moyen de réfuter cette thèse était d'ob- sur l'Atlantique, il lui a été cédé un territoire
tenir, d'un grand état, la reconnaissance de pour l'usage et au profit d'Etats libres déjà
l'A. I. C. établis ou en voie d'établissement sous la
Il songea, tout naturellement, aux Etats- protection et la surveillance de la dite Asso-
Unis et ce, avec raison : le public y était ciation dans les dits bassins et territoires
particulièrement sensible aux idées humani- adjacents, et que les dits Etats libres héritent
taires; la république nègre de Libéria avait en plein droit de cette cession. ». (Ibidem.)
été fondée par une société américaine; Stan- Le mot « état » n'était pas écrit. Le
ley, lui-même, était devenu citoyen améri- sens des textes pâtissait, sans doute, de la
cain. Le général Henry S. Sanford était tout confusion régnant dans l'esprit des négocia-
désigné pour être chargé des négociations. Il teurs américains au sujet des rapports exis-
se rendit en Amérique, le 27 novembre 1883, tant entre les trois organismes. Mais cette
muni d'une lettre personnelle du roi pour confusion était générale : en Belgique même,
le Président Arthur et d'un dossier bien le Comité d'Etudes et l'A. I. C. étaient con-
constitué. sidérés comme des organes de l'A. I. A. ainsi
L'affaire fut menée de main de maître. que tout portait d'ailleurs à le croire, car ils
Tandis qu'il parvenait à gagner à sa cause avaient la même administration, le même per-
et la presse, qui mit une telle ardeur à criti- sonnel, le même drapeau.
HISTOIRE DU CONGO 27

Cette ambiguïté fut propice. Dans l'esprit C'était un coup de maître : Ferry aurait
lu signataire américain, l'Association devait pu se dire « timeo Danaos et dona ferentes ».
iisparaître dès que les états libres seraient Il recevait un don sous condition, et celle-ci
capables de se gouverner eux-mêmes ; dans
dépendait du bon plaisir du donateur, qui
'esprit de Léopold II, l'Association devait, au se jurait bien qu'elle ne se réaliserait jamais.
ntraire, au plus tôt, absorber les Etats. Ferry croyait le contraire et disait à l'am-
Le roi disposait maintenant d'un argument bassadeur d'Italie à Paris que, dès mainte-
le poids pour discuter en Europe. Sans doute nant, la France pouvait, à la suite de cet
vait-il dû admettre le libre-échange et fallut- échange de notes, exercer « en fait une espèce
1 deux années « de laborieuses négociations de protection sur l'Association ». (Livre Vert
wur corriger cette erreur de départ » (Ban- Italien, Rome 1885, p. 66.) En fait, bien qu'il
ing, Mém. p. 8), mais son but essentiel était ne le crût pas, son acceptation impliquait
tteint. une certaine reconnaissance qui ne pouvait
Le lendemain de la signature de cette dé- que profiter au roi.
Celui-ci se voyait, du même coup, protégé
ilaration, si lourde de conséquences pour
contre les prétentions du Portugal qui n'avait
'avenir, une lettre tout aussi importante
uittait le bureau du président de l'A. I. C. pas d'intérêt à voir la France se substituer
je colonel Strauch écrivait à Jules Ferry, à l'Association, et il forçait la main à la
ninistre des affaires étrangères de France : Grande-Bretagne et à l'Allemagne qui de-
t Monsieur le Ministre, L'A. I. C., au nom vaient empêcher la faillite pour que la France
s stations et territoires libres qu'elle a n'en profitât point.
fondés au Congo et dans la vallée du Niari- Bismarck ne pouvait, pour diverses raisons,
Quillou, déclare formellement qu'elle ne les rester indifférent à ces événements. S'il
cédera à aucune puissance, sous réserve des cherchait à se rapprocher de la France pour
conventions particulières qui pourraient in- lui faire oublier l'Alsace, il n'aurait point
tervenir entre la France et l'Association, pour aimé qu'elle profitât du droit de préférence
fixer les limites et les conditions de leur que l'Association venait de lui accorder. En
ction respective. Toutefois, l'Association dé- outre, la surproduction industrielle et la né-
sirant donner une nouvelle preuve de ses cessité de nouveaux débouchés suscitaient, en
sentiments amicaux pour la France, s'engage Allemagne, certaines aspirations coloniales. Le
à lui donner le droit de préférence, si, par chancelier devait au moins chercher à assu-
des circonstances imprévues, l'Association rer, à ses nationaux, les avantages de la li-
était amenée un jour à réaliser ses possessions berté du commerce dans le bassin du Congo.
(s) Strauch ». (Documents diplomatiques Après de longues négociations, au cours
France, Congo 1884, pp. 48 et 49.) desquelles Victor Gautier, journaliste belge sé-
Le 24 avril Jules Ferry répondait : « Mon- journant à Berlin, contribua à vaincre la
méfiance que le roi des Belges inspirait à
sieur. J'ai l'honneur de vous accuser récep-
tion de la lettre en date du 23 courant par Bismarck, une convention fut signée le 8 no-
vembre 1884 par le colonel Strauch et le
laquelle, en votre qualité de Président de ministre d'Allemagne à
l'Association Internationale comte Brandenburg,
du Congo, vous
me transmettez des assurances et des garan- Bruxelles. Le texte en était plus précis que
ties destinées à consolider nos rapports de cor- celui de l'accord conclu avec les Etats-Unis :
dialité et de bon voisinage dans la région du il y est fait mention, sans ambages, du « nou-
vel Etat ». C'était un nouveau succès pour
Congo. Je prends acte avec grande satisfac-
tion de ces déclarations et, en retour, j'ai Léopold II qui s'assurait ainsi l'appui de la
l'honneur de vous faire savoir que le gouver- plus forte tête politique de l'Europe, grâce
nement français prend l'engagement à qui les derniers obistacles devaient être
de res-
vaincus. La Grande Bretagne, à son tour, re-
pecter les stations et territoires libres de
l'Association et de ne pas mettre obstacle à connut l'Association le 16 décembre 1884; elle
l'exercice de ses droits ». Jules Ferry (ibid. fut suivie par l'Italie (19 décembre), l'Autri-
che-Hongrie (24 décembre), les Pays-Bas
p. 49).
(27 décembre), l'Espagne (7 janvier 1885).
Que s'était-il passé et quelles étaient les La France subordonna son accord (5 fé-
raisons de pareille générosité? vrier 1885) à certaines prétentions, injusti-
Banning, non plus que Lambermont n'avait fiées en fait : elle revendiqua d'abord la rive
ne
été mis au courant de cet engagement, et gauche du Stanley-Pool sur laquelle elle
jugea que c'était une faute. pouvait faire valoir que des droits douteux;
28 HISTOIRE DU CONGO

elle obtint finalement la région du Niari- berté de navigation et 3° détermination des


Kwilu qui avait été explorée0 par les Belges. formalités nécessaires pour que les occupa-
tions nouvelles soient considérées comme effec-
Les calculs du roi avaient été justes. Le
tives.
gage qu'il avait voulu se constituer, en occu-
lui venait à point pour Le 15 novembre 1884, Bismarck prononça
pant ce territoire,
empêcher la France de ruiner son œuvre en le discours d'ouverture devant les délégués de
occupant la rive gauche du Stanley-Pool. quatorze nations. La France était représentée
Moyennant cette concession, Ferry se rési- par le baron de Courcel, ambassadeur à Ber-
gna à reconnaître l'Association; il prêtait lin, l'Angleterre par sir Malet, l'Allemagne,
ainsi l'oreille au conseil de de Courcel, am- entre autres, par son ministre des affaires
bassadeur de France à Berlin. « Il me semble étrangères, le comte de Hatzfeld, les Etats-
qu'il est préférable de nous en tenir au roi Unis par leur ministre à Berlin, Kasson et
Léopold, qui offre une certaine surface, de surtout par Sanford dont l'intervention, ou-
la respectabilité et sur qui, par mille moyens, verte ou occulte, fut plus d'une fois fort pré-
on peut avoir prise en Europe. Nous avons cieuse au roi ; la Belgique enfin par le comte
donc intérêt à aider ce souverain à sortir des A. van der Straten-Ponthoz et le baron Lam-
chimères et à constituer quelque chose de bermont qui, avec Banning, joua un rôle de
viable à côté de nous au Congo, ne fût-ce qut; premier plan.
pour prévenir la formation d'une république L'Association, « la dame de nos pensées »
de nègres américanisés ou de mulâtres, comme (de Courcel) n'étant reconnue à cette date
Libéria ou Haïti. » que par les Etats-Unis et l'Allemagne, était
Restait « la grosse et terrible difficulté » : représentée officieusement par le colonel
l'accord avec le Portugal qui s'obstinait à Strauch.
revendiquer l'embouchure du fleuve Congo. Les délibérations se prolongèrent, non sans
En janvier, les Portugais avaient, avec arro- interruptions, pendant plus de trois mois et
gance, refusé de traiter directement avec les aboutirent, le 26 février 1885, à la signature
délégués de l'Association. Bismarck proposa de l'Acte Général : toutes les nations jouiront
plaisamment de mettre sous clef, dans un désormais dans le bassin du Congo, c'est-à-
même local, les délégués de Lisbonne et de dire un territoire conventionnel compris en-
Bruxelles. Ce n'était pas la bonne manière. tre l'océan Atlantique et l'océan Indien,
La France, l'Angleterre et l'Allemagne fini- d'une égale liberté commerciale. Seuls lejs
rent par s'en rendre compte et se résolurent droits de sortie pourront être immédiatement
à faire pression sur le gouvernement portu- perçus, des droits d'entrée pourront l'être
gais : le 14 février 1885, le traité fut signé; dans vingt ans. Une commission interna-
La Belgique, fidèle à sa « traditionnelle tionale de contrôle veillera à assurer l'entière
politique d'effacement liberté de navigation. (Elle ne sera d'ailleurs
», fut la dernière en
Europe à reconnaître l'Association (23 fé- jamais constituée.) Pour qu'une occupation
vrier) de territoire soit valable, il faudra à la fois
une prise de possession effective et une noti-
fication diplomatique aux nations intéressées.
6. LE CONGRES DE BERLIN. Sur le plan humanitaire, le projet de la
délégation belge de limiter le plus possible
Le traité anglo-portugais du 26, février l'importation d'armes et d'alcool fut repous-
1884 fermait les bouches du fleuve à toutes sé, car il nuisait aux intérêts des factoreries
les autres puissances. Ce danger commun établies à l'embouchure du Congo et le Con-
rapprocha la France et l'Allemagne : dès le grès se contenta de formules générales. Les
7 août 1884, leurs gouvernements se concer- états signataires s'engageaient toutefois à
tèrent en vue de convoquer une conférence « concourir à la suppression de l'esclavage
internationale, et le 6 octobre les invitations et surtout de la traite des noirs ». Enfin,
furent envoyées. L'Angleterre, la première sur proposition de Banning, l'état qui vien-
puissance coloniale du monde, était conviée à drait à s'installer dans le bassin du Congo,
une conférence coloniale sans avoir pris part aurait la faculté de se déclarer neutre.
aux préliminaires. L'objet du Congrès n'était Le 23 février 1885, il fut donné lecture au
pas le règlement de questions de souveraineté Congrès d'une lettre du colonel Strauch, l'in-
territoriale, mais la réalisation d'un accord formant de la reconnaissance de l'A. I. C.
international sur trois principes : 1° liberté par toutes les puissances représentées à Ber-
du commerce dans le bassin du Congo; 2° li- lin, à l'exception de la Turquie. La conféren-
LEO POLI) II
Fondateur de l'Etat Indépendant du Congo.
30 HISTOIRE DU CONGO

ce prit acte de la constitution du nouvel à l'unanimité moins une voix (et une absten"
Etat du Congo et de ses frontières. Les pa- tion à la Chambre) le débat fut morne eU
roles les plus flatteuses furent prononcées à sans éclat. Par contre, les associations com-:
l'adresse de Léopold II. merciales et industrielles, les conseils com-
Trois jours plus tard, Bismarck, présidant munaux de grandes villes exprimèrent au roi
la séance de clôture du Congrès, déclara : leur reconnaissance. Le lord-maire de Londres !
« Le nouvel Etat du Congo est appelé à de- vint en personne au Palais de Bruxelles « re- :
venir un des principaux gardiens de l'œuvre mercier le fondateur de l'Etat du Congo
que nous avons en vue et je fais des vœux des efforts éclairés, philanthropiques et dés-
pour son développement prospère et pour intéressés qu'il avait faits et qui avaient.,
l'accomplissement des nobles aspirations de abouti à un triomphe plus éclatant que les
son illustre fondateur ». plus belles conquêtes obtenues par l'épée »
Les délégués apposèrent ensuite leur si- (4 mai 1885).
Le 1er août 1885, Léopold II notifiait à
gnature sur l'acte et l'Association y donna toutes les puissances, l'existence de l'Etat,
son adhésion.
qui se déclarait « perpétuellement neutre »
Le succès le plus complet couronnait ainsi et les avisait de son avènement.
les efforts du roi. Une simple entreprise pri-
L'Etat Indépendant du Congo était né sous
vée, créée dans un but scientifique et humani- les plus heureux auspices. Il lui restait main-
taire, était parvenue, après avoir établi son tenant à les justifier.
emprise sur de vastes territoires, à se faire
reconnaître comme un état souverain. Les
grandes puissances, après lui avoir donné un III. — ETAT INDEPENDANT DU CONGO.
statut, lui souhaitaient la bienvenue dans la
société des nations. 1. ORGANISATION DE L'ETAT.
Ces résultats inouïs autorisaient les plus
beaux espoirs et il appartenait maintenant à Ce qui n'était qu'une association privée
la Belgique de « couronner l'édifice élevé par « introduite dans la vie politique par des
la Conférence de Berlin » (Banning).
Elle le fit sans élan par une sorte de rési-
gnation à la grandeur.
Le 16 avril 1885, le roi adressa au conseil
des ministres une lettre demandant l'autori-
sation de devenir souverain du Congo. « Les
termes de l'article 62 de la constitution carac-
térisent par eux-mêmes la situation qu'il
s'agirait d'établir. Roi des Belges je serais
en même temps le Souverain d'un autre Etat.
Cet état serait indépendant comme la Belgi-
que, et il jouirait, comme elle, des bienfaits
de la neutralité. Il aurait à suffire à ses
besoins et l'expérience, comme l'expérience
des colonies voisines, m'autorisent à affirmer
qu'il disposerait des ressources nécessaires.
Sa défense et sa police reposeraient sur des
forces africaines commandées par des volon-
taires européens.
Il n'y aurait donc entre la Belgique et
l'Etat nouveau qu'un lien personnel.
J'ai la conviction que cette mesure serait
avantageuse pour le Pays, sans pouvoir lui Armoiries de l'Etat Indépendant du Congo.
imposer des charges en aucun cas, et si mes
espérances se réalisent, je me trouverai suf- procédés d'accouchement diplomatique vagues
fisamment récompensé de mes efforts. Le et merveilleux » (London Times, 16 février
bien de la Belgique, vous le savez, Messieurs 1885, p. 5), devait s'efforcer maintenant à
les Ministres, est le but de toute ma vie. devenir un véritable état.
Croyez. » Il lui fallait d'abord une organisation po-
un comité de
Si la résolution fut votée par les Chambres litique. Elle fut élaborée par
HISTOIRE DU CONGO 31

diplomates et de juristes dont le professeur pagnie du Congo pour le Commerce èt l'In-


Arntz et sir Travers. Le roi-souverain devint dustrie ». Son objet répondait au besoin le
le chef des pouvoirs législatif et exécutif. Il plus pressant : la création du chemin de fer
se choisît trois « administrateurs généraux » : établissant, entre le Haut et le Bas-Congo,
le colonel Strauch (département de l'inté- une liaison directe que le fleuve, imprati-
rieur), Van Eetvelde, consul général de Bel- cable sur 400 km., ne permettait pas.
gique aux Indes (affaires étrangères) et Van A la suite d'une expédition du capitaine
Neuss, aux finances (6 mai 1885). Cambier, chargé d'en reconnaître le tracé,
En 1906 sera institué un organisme, d'ail- fut créée le 31 juillet 1889 la « Compagnie du
leurs purement consultatif, le « Conseil du Chemin de Fer du Congo », au capital de
Congo », composé de neuf membres.
En Afrique, le pouvoir était exercé par un
gouverneur général — le premier fut sir
Francis de Winton, le deuxième Camille
Janssen — qui avait le droit de légiférer en
cas d'urgence, et était assisté d'un vice-gou-
verneur général, de quatre directeurs et d'un
comité consultatif institué par décret du
30 juillet 1886.
Le territoire fut divisé en districts, chacun
d'eux étant administré par un commissaire,
et en chefferies indigènes (1891).
Le nombre des agents de l'état qui était
de 684 en 1897 atteignit 1500 en 1906.
A cette organisation politique devait cor-
respondre une organisation judiciaire. Les
tribunaux indigènes ne furent pas supprimés,
mais des tribunaux d'état furent créés dans
l'espoir qu'il serait possible de convaincre
les Noirs d'y avoir recours. Le premier tri-
bunal de première instance fut installé à
Banana, le premier tribunal d'appel à Borna,
les premiers tribunaux territoriaux à com-
pétence pénale à Léopoldville et à Lukunga.
A Bruxelles siégea une juridiction de cassa-
tion : le Conseil supérieur du Congo. En
1906 il y avait au Congo 53 magistrats dont
26 Belges. Alexandre Delcommune.
Pour faire exécuter les décisions et mainte- (Photo Musée du Congo Belge.)
nir l'ordre, il était nécessaire de créer une
force publique. 25 millions de francs. Le 16 mars 1898, l'in-
Ce fut l'œuvre du lieutenant Roget. Elle génieur Cito pilota la première locomotive
comprenait des engagés volontaires et des qui fit le trajet Matadi-Léopoldville. Ce ré-
conscrits désignés par les commissaires de dis- sultat avait coûté près de deux mille vies
tricts, d'accord avec les chefs locaux. En 1888, humaines et 82 millions de francs, mais la
des décrets ordonnèrent la création de huit voie était désormais libre et l'exploitation
compagnies de 200 à 250 soldats. Il y avait commerciale du Haut-Congo cessait d'être
6000 soldats en 1895. En 1905, il y en eut une impossible entreprise.
16.000, commandés par 358 officiers blancs. Alexandre Delcommune, après un voyage
Pour que le nouvel état pût vivre, il fal- de plus de 12.000 km. sur le Haut-Congo et
lait, ensuite, qu'une activité économique pût ses affluents, avait déjà affirmé que le tra-
y naître et se développer. fic des produits de cette région suffirait à
Cette fois encore, le roi trouva l'homme assurer la rentabilité du nouveau chemin de
qu'il fallait : le capitaine Thys. Sous l'im- fer.
pulsion énergique de cet homme réaliste et Dès 1888-1889, trois nouvelles sociétés fu-
enthousiaste, fut créée le 27 décembre 1886 rent constituées dont la « Société anonyme
la douairière des sociétés coloniales la « Com- belge pour le Commerce du Haut-Congo »,
32 HISTOIRE DU CONGO

qui se proposait de faire le commerce du et télégraphiques se développaient avec rapi-


caoutchouc et de l'ivoire. dité.
Le caoutchouc était, en effet, plus que Les hommes d'affaires, les hommes de mé-
toute autre, une richesse immédiatement pro- tier n'étaient pas les seuls à achever l'inva-
ductive. La vente en passa de 500 tonnes en sion pacifique du Congo. Des missionnaires
1895 à plus de 6000 en 1903. L'état envisagea luttaient contre les superstitions; des méde-
les essais d'autres cultures, telles que celles cins et des infirmières combattaient les mala-
du café et du cacao, notamment en cédant à dies tropicales.
des particuliers de grandes étendues de terres Les Pères Blancs d'Alger étaient déjà à
à vil prix. Udjiji depuis 1878; en 1886, le pape leur
attrioua le vicariat apostolique du Katanga.
En 1900, l'état créa à Eala un jardin bo-
Ils fondèrent ensuite Lusaka et Baudouinville,
tanique, un jardin d'essai et une ferme mo- où des religieuses vinrent s'établir en 1897.
dèle d'élevage auxquels fut ajoutée, en 1908,
L'Etat Indépendant devint un vicariat
une école professionnelle d'agriculture.
apostolique dont les Pères de Scheut eurent
Grâce aux exportations congolaises, Anvers la direction. Les Jésuites vinrent en 1892
devint un marché mondial d'ivoire, l'empor- dans le Kwango; des Trappistes se fixèrent
tant sur ceux de Londres et de Liverpool sur le Ruki et des Prémontrés dans l'Uele.
par l'importance des transactions. Les missionnaires protestants aussi vinrent
Le commerce général du Congo se chiffrait en nombre. Ils ne s'abstinrent pas toujours de
en 1907 par cent onze millions de francs; toute propagande en faveur de leur pays
les exportations étaient passées de 2 millions d'origine. Citons la Baptist Missionnary
de francs en 1887 à 58 millions en 1906; les Society qui envoya une mission au Stanley-
importations de 9 millions en 1903 à 21 mil- Pool en 1881, le Révérend G. Grenfell, le
lions en 1906. R. H. Bentley.
Alors qu'en 1876, il n 'existait que 33 facto- Des médecins entreprenaient la lutte contre
reries au Congo, il y avait en 1906, 57 sociétés les épidémies, vaccinaient, soignaient, guéris-
commerciales disposant d'un capital de 143 saient. Le roi promit, le 3 juin 1906, une
millions de francs et 28 sociétés étrangères prime de 200.000 fr. à celui qui trouverait
d'un capital total de 40 millions. La « Com- un remède contre la maladie du sommeil.
pagnie du Congo » avait pour sa part créé, Dès 1888 fut créée la Croix-Rouge Congolaise.
en 1891, six sociétés filiales, d'un capital La grandiose idée, conçue par un cerveau
total de 35 millions, ayant à leur service 394 génial, se muait en une grandiose réalité.
Européens.
La « Compagnie des Chemins de Fer du 2. L'OCCUPATION.
Congo Supérieur aux Grands Lacs Afri-
cains », fondée en 1902 par le baron Edouard Si, dès 1885, les frontières du nouvel Etat
Empain, relia par chemin de fer Stanleyville étaient dessinées sur papier, son occupation
à Ponthierville, en 1906, et posa 164 km. de et même son exploration étaient loin d'être
rail en 1909 entre Kindu et Kongolo. achevées. Aussi de nombreuses expéditions se
La « Compagnie du Chemin de Fer du succédèrent-elles encore longtemps dans les
Bas-Congo au Katanga » (B. C. K.), créée diverses régions de l'Etat.
en 1906, avait, trois ans plus tard, largement Von Wissmann, Wolf (1885), Delcommune
entamé le rattachement des gisements miniers (1888) et Vandervelde (1890) poursuivirent
découverts au Katanga, avec les voies ferrées la reconnaissance des affluents du Kasai : le
les plus proches de Rhodésie et d'Afrique du Lukenie, le Sankuru et le Lubefu, le Kwango.
Sud et avec le terminus navigable du Lualaba. Plus au Nord, Grenfell (1885), Delcom-
L'« Union Minière du Haut Katanga » et mune (1888), Lemaire (1890) et Baert (1890)
la « Forminière », fondées comme la Compa- explorèrent la région du lac Tumba, la vallée
gnie du B. C. K. par Jean Jadot, en 1906, du Ruki et de ses affluents et celle de la
avaient commencé l'exploitation minière du Lulonga.
Congo. Grenfell étudia la région de l'Ubangi
L'Etat veillait en même temps au dévelop- (1885) ; Le Marinel celle du Bomu; Hodister
pement de la navigation : en 1894, 40 stea- celle de la Mongala, Van Gèle franchit les
mers parcouraient déjà le Haut-Congo et ses passes du Zongo sur l'Ubangi (1887). Stan-
affluents. Très rapidement aussi la liaison fut ley, à la recherche d'Emin Pacha, suivit le
régulièrement assurée avec la mère patrie, en premier l'Aruwimi; il explora ensuite le lac
et
même temps que les communications postales Albert, les monts Ruwenzori, la Semliki
HISTOIRE DU CONGO 33

découvrit le lac Albert-Edouard, tandis que la Méditerranée par la voie du Nil. Tel fut
Grenfell (1885), et trois ans plus tard Del- le grandiose projet conçu par le souverain.
commune, remontaient le Lomami. En vain, Beernaert lui conseilla-t-il la pru-
Ainsi, peu à peu, se resserrait le réseau des dence : « Jq ne puis m'empêcher, 'Sire,
voies connues. Des postes et des stations sur- d'être quelque peu effrayé de la gravité des
gissaient dans des terres, hier inconnues et charges qu'imposera à l'Etat une frontière
reportée au Bahr-el-Ghazal et, dans la dis-
position présente des esprits en Belgique, la
perspective de conflits possibles avec les
Madhistes et avec Senouri, sans parler de
la France, ne sera pas populaire. » (lettre
du 27 avril 1894).
Il chargea le capitaine Van Kerckhoven
de s'avancer vers le Nord-Est. Après une
série de combats avec les Madhistes, le Nil
fut atteint par le lieutenant Milz, ce qui per-
mit au roi de signer, le 12 mai 1894, un
arrangement avec l'Angleterre : celle-ci, agis-

Georges Grenfell.
(Photo Musée du Congo Belge.)

hostiles ; les rapports avec les indigènes deve-


naient plus confiants.
Tout, cependant, n'était pas pour le mieux
dans le meilleur des mondes.
L'Etat eut à se défendre contre de nou-
velles prétentions de la France. La conven-
tion du 5 février 1885 avait fixé la frontière
entre l'Etat et le Congo français au 17° mé-
ridien de Greenwich. Sous prétexte d'une Van Kerckhoven.
erreur géographique, la France revendiqua (Photo Musée du Congo Belge
la région entière de l'Ubangi. Après de la-
borieuses négociations, on convint transac- sant comme « tutrice de l'Egypte », donnait
tionnellement, le 29 avril 1887, que la fron- à bail à l'Etat, le vaste territoire sis à
tière suivrait le cours du fleuve. l'Ouest du Nil entre le 10° parallèle Nord et
Le roi, dont les ambitions croissaient à le 25° longitude Est. Elle obtenait en échange
mesure qu'elles étaient satisfaites, voulut une bande de terrain de 25 km. de large entre
étendre son empire. La voie lui était coupée les lacs Edouard et Tanganyika.
du côté de l'Océan Indien, l'accès à l'Océan Cette convention souleva un tollé général
Atlantique était précaire : le mince goulot en France, dont le gouvernement avait des
qui y conduisait était sans cesse menacé par visées du côté du Nil. Appuyée par l'Alle-
les Portugais. Il restait à essayer d'atteindre magne, qui craignait que l'Angleterre réa-

2
34 HISTOIRE DU CONGO

lisât la liaison entre Le Cap et Le Caire, elle un millier d'hommes et une vingtaine de
protesta auprès du roi qui dut céder : la canons.
convention franco-congolaise du 14 août 1894 Voulant mettre à profit, et cette avance
ramenait la frontière Nord au Bomu, mais sur le terrain et la défaite diplomatique de
l'Etat gardait l'enclave de Lado. la France, le roi résolut de mettre à exécution
La France crut alors le moment venu le traité anglo-congolais de 1894. Mais en mai
d'aller, elle-même, de l'avant : elle envoya 1899, l'Angleterre lui fit signifier qu'elle ne
le colonel Marchand sur le Nil. Il était à l'entendait pas ainsi. Léopold II ne céda pas.
Fachoda le 10 juillet 1898. Lord Kitchener, En 1903, Lemaire établit dans le Bahr-el-
après avoir vaincu les Madhistes à Khartoum Ghazal des postes fortifiés; le gouvernement
anglais en fit de même. Jouant d'audace, le
roi décréta que le territoire situé au Sud du
5° parallèle faisait partie de l'Etat. Mais le
droit du plus fort est toujours le meilleur
et Léopold II dut, en fin de compte, signer
le traité du 9 mai 1906 abrogeant celui de
1894 : l'enclave du Lado lui fut accordée pour
la durée de son règne; Mahayi et une bande
de 25 km,, servant d'accès au lac Albert, fu-
rent attribués à l'Etat. L'Angleterre s'obli-
geait à encourager la construction d'un che-
min de fer de la frontière congolaise à Lado.
L'entreprise avait échoué : elle avait coûté
deux millions de francs par an. Tout, cepen-
dant, n'avait pas été vain : l'Ubangi était
occupé définitivement, la France dut accep-
ter une frontière qu'elle n'aurait pas admise
si les expéditions de l'Etat ne lui avaient
forcé la main et, enfin, les progrès du mad-
hisme qui menaçaient l'Etat, avaient été en-
rayés.
Pendant que ces événements se déroulaient
à la frontière Nord de l'Etat, Léopold II
n'avait pas perdu de vue la nécessité impé-
rieuse d'occuper les régions Sud. Stanley,
parlant en avril 1890 à la Bourse de Bruxelles
devant le roi et une nombreuse assemblée,
Emile Francqui. des « jardins tropicaux » de ces régions, ajou-
(Photo Musée du Congo Belge.) tait tout aussitôt : « Hâtez-vous de les
occuper entièrement, car les jalousies s'éveil-
le 2 septembre 1898, y arriva le 19. Kitchener lent ».
avait vingt-millo hommes, Marchand deux L'avertissement était justifié : des explora-
cents. La France s'inclina : elle renonça au teurs et des missionnaires étrangers, surtout
Soudan Egyptien (traité de Londres du 21 anglais, visitaient le Katanga et signalaient
mars 1899). ses richesses minérales, allant parfois même
Le roi, pendant ce temps, n'avait point jusqu'à les proclamer fabuleuses parce qu'ils
abandonné ses projets : Francqui, Chaltin et avaient pris pour de l'or, un alliage de cuivre
d'autres avaient poursuivi la lutte contre et d'étain que les indigènes fabriquaient en
les Madhistes, avec des succès divers. Fin certains endroits. Il n'en fallait pas davan-
1896, Dhanis avait reçu ordre d'atteindre tage pour éveiller les convoitises. L'Alle-
Redjaf sur le Nil où il devait être rejoint par magne tendait à s'étendre en Afrique orien-
Chaltin. Dhanis ne put aller de l'avant : ses tale vers les lacs Tanganyika et Moero ; l'An-
troupes se révoltèrent. Chaltin exécuta les gleterre caressait le projet de relier le Cap
ordres, et une série de postes fortifiés furent au Caire et déjà les prospecteurs de Cecile
établis entre Wadelaï et Lado. Le comman- Rhodes s'approchaient des limites de l'Etat,
dant Henri construisit, à l'extrême pointe tandis qu'à Bunkeia, à la cour de M'Siri,
Nord, le camp fortifié de Kero défendu par potentat indigène qui dominait la région par
HISTOIRE DU CONGO 35

la terreur, résidait la mission écossaise du appartenant au Domaine, et lui concédait


Rd. Arnod. l'exploitation du sous-sol pendant 99 ans.
Léopold II avait conscience du danger, Aussitôt la Compagnie organisa 2 expédi-
mais le trésor était vide et, seul, il ne pou- tions :
vait rien faire : il s'adressa aux hommes 1° La première fut dirigée par deux offi-
d'affaires : la « Compagnie du Congo pour ciers, le commandant Bia du 1er régiment
des Guides, le lieutenant Emile Francqui,
du 2me régiment de ligne, et par un géologue,
Jules Cornet. Ils parcoururent, à pied, plus
de 6000 km. en 14 mois; descendirent le
Congo, le Kasai et le Sankuru, signant ici
des traités avec des chefs indigènes, recueil-
lant là de précieux renseignements miniers,
faisant reconnaître, dans toute la région, les
droits de l'Etat;
20 La seconde expédition était commandée
par un officier anglais, le capitaine Stairs
et un officier belge, le lieutenant des cara-
biniers Bodson.

Paul Le Marinel.
(Photo Musée du Congo Belge.)

le Commerce et l'Industrie » (C. C. C. I.)


organisa, à la hâte, sous le commandement
d'Alexandre Delcommune, une expédition à
caractère scientifique et commercial. Déjà au
mois d'avril 1891, le lieutenant Le Marinel,
commissaire de district du Kasai, s'était éta-
bli à Lofoi, à 50 km. de Bunkeia. Mais cela
ne suffisait point : ce qu'il fallait, c'était
créer une société pour occuper effectivement
et entamer en toute hâte l'exploitation du
Katanga. Tous les efforts se firent en ce Jules Cornet.
sens, et le 15 avril 1891 fut constituée la (Photo Musée du Congo Belge.)
« Compagnie du Katanga », au capital de
3 millions de francs. Elle avait pour objet Tous deux moururent en cours de route et
d'explorer le bassin du Haut-Congo en amont l'expédition Bia-Francqui continua sa tâche
de Riba-Riba, d'étudier le tracé de futures et la mena à bien.
voies de communication, de créer des entre- Grâce à ces expéditions, l'Etat avait obtenu
prises de transport et des entreprises d'ex- la soumission pacifique d'un grand nombre
ploitation du sol et du sous-sol. L'Etat, pour de tribus indigènes. Il imposait ainsi par les
reconnaître le service qui lui était rendu, lui faits la reconnaissance de ses droits. Grâce
abandonnait la propriété du tiers des terrains aussi à Jules Cornet, les richesses minières
36 HISTOIRE DU CONGO

du Katanga étaient définitivement connues. Cet odieux trafic était la honte du genre
La « Compagnie du Katanga » qui, à la dé- humain.
charge des pouvoirs publics exerçait dans Dans une encyclique du 5 mai 1888, le pape
cette région les pouvoirs administratifs, de- Léon XIII, jetant un nouvel anathème sur
vait, le 19 juin 1900, conclure avec l'Etat un l'esclavage, demanda aux gouvernements de
nouvel accord créant le « Comité Spécial du s'unir pour le faire disparaître. Ce message
Katanga ». Cet organisme fut chargé de l'ad-
ministration du Katanga pour un terme de
99 ans. Son président et trois des cinq mem-
bres de son comité directeur étaient désignés
par le roi-souverain.
Quant à la frontière de l'Etat avec l'An-
gola, elle avait été fixée par le protocole du
traité conclu entre le Portugal et l'A. I. C.
le 14 février 1885 : « le parallèle de Noki
jusqu'à son intersection avec le Kwango; à
partir de ce point, dans la direction du Sud,
le cours du Kwango ».
Le roi, toujours à l'affût d'agrandir son
empire, y vit une occasion unique de l'éten-
dre vers le Sud. Le lieutenant Dhanis re-
monta le Kwango et atteignit des postes oc-
cupés par des Portugais. Lisbonne protesta
avec véhémence, une canonnière portugaise
fut même envoyée en rade de Borna. De la-
borieuses négociations aboutirent finalement,
le 25 mai 1891, à un compromis : le roi
obtenait une partie importante du Lunda.
Et pour éviter que, dorénavant, un navire de
guerre pût impunément entrer en rade de
Borna, il fit construire un fort défendu par
six canons à Shinkakasa.

3. LA CONFERENCE ANTI-ESCLAVAGISTE; LA
Cardinal Lavigerie.
CAMPAGNEARABE ET LA REVOLTE DES
(Photo Musée du Congo Belge.)
BATETELA.

En remontant le Congo, en novembre 1883, ne fut point perdu. Le cardinal Lavigerie,


Stanley vit, peu après avoir dépassé l'Aru- par des sermons enflammés, s'efforça d'ébran-
wimi, des scènes de désolation : des villages ler l'indifférence du monde. Il parla à
entiers réduits en cendres, des cadavres mu- Londres et à Paris, à Bruxelles en la collé-
tilés jonchant le sol. C'était l 'œuvre des Ara- giale Ste-Gudule et suscita un élan d'enthou-
bes. Quand il entra en contact avec eux, il siasme. Des sociétés anti-esclavagistes furent
put voir, parqués dans des camps, les survi- créées, recueillant des fonds et des concours.
vants de l'hécatombe : les hommes rivés les Les gouvernements, eux-mêmes, s'émurent.
uns aux autres par des carcans, les adoles- Léopold II prit alors l'initiative de réunir
cents traînant au pied de lourds anneaux à Bruxelles une conférence anti-esclavagiste.
de cuivre, les enfants attachés à leur mère Le 18 novembre 1889, sous la présidence du
par des chaînes. baron Lambermont, les délégués de dix-sept
Les Arabes dominaient toute la région et pays entamèrent leurs travaux.
y faisaient d'incessantes razzias : pour cap- Ce fut laborieux. Le programme proposé
turer un indigène, ils en tuaient cent autres. était avant tout humanitaire, mais les puis-
Udjiji, Tabora, Zanzibar, telles étaient les sances ne purent se dégager de la considéra-
étapes du long calvaire que les esclaves meur- tion égoïste de leurs intérêts commerciaux.
tris de coups, affamés, couverts de plaies, Elles adhéraient au but, mais en déclinaient
rongés par la vermine, devaient ensuite gra- les charges : la France, soupçonnant mille
vir avant d'être livrés à leurs acquéreurs. convoitises sans s'en interdire aucune (Ban-
HISTOIRE DU CONGO 37

Conférence anti-esclavagiste. (Bruxelles 18 nov. 1889.)(Photo Musée du Congo Belge.)

ning) ; le Portugal, uniquement préoccupé La Conférence aboutit, dans l'ensemble, à


d'élargir les frontières de ses possessions certains résultats.
africaines; l'Angleterre soucieuse de ne faire Au reste, l'Etat n'avait pas attendu cette
nulle peine même légère à ses exportateurs Conférence pour prendre de sévères mesures
d'armes; l'Allemagne vinculée par les inté- restrictives : déjà avant 1890, il était inter-
rêts commerciaux des producteurs de spiri- dit d'importer aucune arme dans la région
tueux; la Hollande empêtrée dans des con- du Haut-Congo et du Kasai, ou aucune arme
sidérations mercantiles; les Etats-Unis sem- perfectionnée dans tout le territoire, et des
blant croire que la Conférence devait taxes élevées étaient prélevées sur le trafic
uniquement servir les intérêts coloniaux des de spiritueux.
puissances européennes.
Après la Conférence, il alla plus loin :
Tant bien que mal, on se mit d'accord sur le 1er juillet 1891, il compléta la législation
l'Acte Général qui fut signé le 2 juillet 1890: sur la traite; le 10 mars 1892, il interdit le
l'importation des armes et des munitions, la trafic des armes à feu.
vente des spiritueux étaient non point abolies, Des simples mesures législatives ne pou-
mais réglementées dans un sens restrictif. Les vaient suffire : il fallait, tôt ou tard, recourir
états signataires s'engageaient à interdire la à la force pour extirper le honteux négoce
traite et se reconnaissaient mutuellement le humain.
droit de visiter et de saisir tout navire qui Les Arabes resserraient toujours davantage
transporterait des esclaves. Une institution leur main-mise et devenaient de plus en plus
permanente devait être créée à Bruxelles, en menaçants.
vue de centraliser tous renseignements et de Au Nord, le derviche Mohammed-Ahmed
veiller à l'exécution de ces résolutions. était parvenu à faire reconnaître son autorité
Enfin, comme seul l'Etat du Congo dis- dans le Soudan et s'efforçait de l'étendre au
posait des forces militaires nécessaires pour delà des Uele. A l'Est, des Arabes, se fai-
réprimer la traite, le roi en avait tiré argu- sant appeler sultans, dominaient la région en
ment pour démontrer que ce nouvel effort amont des Stanley-Falls. Les plus puissants
ne pouvait être fourni que si des ressources étaient Tippo-Tip dont les quartiers généraux
équivalentes lui étaient accordées. Aussi, étaient à la fois à Kasongo et Stanleyville,
l'Etat fut autorisé à percevoir un droit. d'en- Rumaliza l'« exterminateur » sultan d'Udji-
trée de 10 %, malgré l'opposition de la Hol- ji et Bwama Nzigé, sultan de Kabambare.
lande, qui voulait sans doute en dispenser la Les premiers rapports des Belges avec ces
« Nieuwe Afrikaansche ffandelsvennoot- Musulmans furent apparemment bons. Les
schap » établie au Congo. premières expéditions n'étaient pas suffisam-
38 HISTOIRE DU CONGO

ment puissantes pour adopter une politique par Michaux aux environs de Luluabourg et
hostile. C'est ainsi que Tippo-Tip avait même enfin et surtout par Dhanis qui le défit par
été nommé par l'Etat, gouverneur des Stan- deux fois (23 avril et 5 mai 1892). Cette
ley-Falls, en 1887. Il fallait composer, en victoire eut des conséquences décisives : les
attendant d'être les plus forts. Les Arabes, indigènes, se rendant compte de la force des
comprenant le danger, ne laissaient pas de troupes régulières, les rallièrent en masse.
faire des coups de main, chaque fois que
l'occasion leur en semblait propice. Ils recher-
chaient aussi l'alliance de certains chefs indi-
gènes, tel Gongo Lutete. L'Etat, de son côté,
préparait la lutte : le commandant Roget créa
un centre fortifié à Basako (1889) au con-
fluent du Congo et de l'Aruwimi; un autre
camp fut établi à Lusambo sur le Sankuru
(1890).
La Société anti-esclavagiste belge envoya
une première expédition, qui se retrancha à
Bena-Kamba sur le Lomami et s'efforça, tout
en gardant de bons rapports avec les Arabes,
de protéger les indigènes.
Le capitaine français Joubert, qui s'était
installé chez les Pères Blancs d'Alger à Mpala
sur le lac Tanganyika, où il avait épousé une
jeune esclave rachetée, cherchait à faire ré-
gner l'ordre. Mais les Arabes, devenant sans
cesse plus menaçants, la société esclavagiste
belge envoya à son secours une expédition di-
rigée par Jacques. Ce dernier, qui fonda Al-
bertville en 1892, reçut à son tour du renfort,
successivement du lieutenant Lony (1892) et
du capitaine Descamps (1893).
Ces expéditions furent salutaires : elles
libérèrent et organisèrent les régions des lacs
et Moero. En combattant les Dhanis.
Tanganyika
(Photo Musée du Congo Belge.)
Arabes, elles allégèrent d'autant la tâche des
troupes de l'Etat, qui avaient aussi constam-
ment à en découdre avec des bandes. A la Gongo Lutete, lui-même, en fit autant. Le
longue, les sultans arabes, effrayés par ces prestige de l'Etat s'affermit, la région située
progrès, décidèrent un soulèvement général. entre le Sankuru et le Lomami fut pacifiée.
La guerre commençait. Les Arabes dispo- Les Arabes se vengèrent en mettant à mort
saient de plusieurs dizaines de milliers d'hom- tous les Blancs dont ils pouvaient s'emparer:
mes. Ils avaient une parfaite connaissance Hodister, chef d'une expédition organisée par
du terrain et ne manquaient ni d'armes ni le Syndicat Commercial du Katanga, Mi-
de munitions, que leur fournissait surtout chiels et Noblesse à Lokandu, Pierret à Bena-
un certain Stokes, citoyen anglais à la solde Kemba, Emin-Pacha à Kinema près de
de l'Allemagne. Mais ils ne parvenaient pas Kirundu.
à s'entendre et se perdaient en incessantes Sefu, fils de Tippo-Tip, apprenant la dé-
querelles de prestige et d'autorité. fection de Gongo Lutete l'enjoint en vain de
Les troupes de l'Etat comptaient quelques rejoindre ses rangs. Il quitte les Falls, concen-
centaines de Blancs et quelques soldats noirs, tre ses troupes à Kasongo et y arrête les
qui ne devinrent plus nombreux qu'après les résidents belges. Il envoie ensuite en ambas-
premiers succès. Elles disposaient d'un seul sade auprès des lieutenants de Dhanis le ser-
même
canon. gent De Bruyne, dont il s'était saisi en
la
Gongo Lutete, ancien esclave de Tippo, temps que du lieutenant Lippens, exige
commença par marcher sur Lusambo avec tête de Gongo et l'évacuation immédiate du
5.000 hommes. Il fut successivement battu territoire. De Bruyne déconseille d'accepter
par Descamps (1890) avec ses 200 hommes, ces conditions et, plutôt que d'abandonner
HISTOIRE DU CONGO 39

Lippens, refuse de s'échapper. Il sera assas- reprendre le commandement des Falls. Il


siné avec son chef le 1er décembre 1892. achève, avec son canon, de purger la région
Le monument dressé sur la digue de Blan- du Sud, reprend Kirundu, pourchasse les
kenberghe rappelle le souvenir de cet Arabes jusqu'au Lubufu, affluent de la
héroïsme. Lowa, et enfin, le 28 septembre 1893, fait sa
La bataille s'engage : avec ses 400 soldats jonction avec Dhanis.
La guerre n'était cependant pas arrivée à
son terme. Il restait le troisième et dernier
acte.
Le sultan d'Udjiji, Rumaliza, ralliant les
restes des troupes vaincues, quitte le Tan-
ganyika avec trois mille hommes. Dhanis a
sous ses ordres six officiers belges, quatre
cents soldats, et trois cents auxiliaires armés
de fusils à piston. Les combats qui s'engagent
dès le 15 octobre 1893 sont meurtriers. Pon-
thier et de Heusch sont tués. La victoire
reste incertaine. Enfin, en janvier 1894, un
obus de canon ayant mis le feu aux retran-
chements du sultan, les Arabes s'enfuient;
atterrés.
Leurs troupes en débandade sont pour-
suivies par Lothaire. Le 25 janvier, Kabam-
bare est pris et, quelques jours après, les
forces de l'Etat font leur jonction avec l'ex-
pédition de la Société anti-esclavagiste com-
mandée par le capitaine Descamps.
Après 18 mois de longs et durs efforts, la
victoire était complète. Rumaliza était par-
venu à s'échapper en territoire allemand. Les
autres sultans avaient été tués au combat,
exécutés ou s'étaient rendus.
La traite était extirpée : la population du
Chaltin. Maniema, qui avait survécu à la tourmente,
(Photo Musée du Congo Belge.) put enfin vivre en paix : l'œuvre de civili-
sation pouvait commencer.
réguliers et 2.500 indigènes sous les ordres de Dhanis et ses officiers furent reçus en
six Blancs, Dhanis bat les 16.000 Arabes et triomphe, à Anvers, le 10 octobre 1894. Ils
les rejette au-delà du Lomami (22 novembre l'avaient bien mérité.
1892). Les combats se succèdent. Il reprend Après la campagne arabe, des soldats Ba-
Nyangwe (mars 1893) et ensuite Kasongo tetela avaient été concentrés à Luluabourg.
(22 avril 1893). Mais les hommes sont fatigués Mécontents que leur solde fût payée avec un
et les munitions presque épuisées. Force lui certain retard, quand ils apprirent que Gon-
est d'attendre, près de cinq mois, les ren- go Lutete, sous les ordres duquel ils avaient
forts indispensables. servi, avait été exécuté à la suite d'une
Pendant ce temps, l'Inspecteur d'Etat avait malencontreuse erreur de Duchesne, ils se
donné ordre à Chaltin d'attaquer, afin d'em- soulevèrent et s'emparèrent du camp, après
pêcher les Arabes du Nord de surprendre avoir tué leur chef, le capitaine Peltzer (4
Dhanis sur les flancs. Chaltin prend Bena- juillet 1895). Les lieutenants Lassaux et Cas-
Kamba, enlève Riba-Riba au sultan Nserera sart trouvèrent leur salut dans la fuite.
et se dirige, à marche forcée, vers les Falls La mutinerie devint révolte et s'étendit à
où Tobback était aux prises avec les Arabes. toute la région du Lomami.
Avec son canon, il parvient à les mettre en Gillain, Lothaire et Michaux s'efforcèrent,
fuite (18 mai). En remontant le fleuve vers avec des succès divers, de l'enrayer. Cepen-
Basoko, il rencontre Fivé qui avait repris dant, au mois d'octobre 1896, 4 à 5.000 Bate-
Isangi. La région des Falls est donc dégagée. tela avaient repris les armes et se dirigèrent
En juin 1893, le capitaine Ponthier vient vers Gandu.
40 HISTOIRE DU CONGO

Michaux les dispersa avec ses 550 soldats, la Conférence de Bruxelles fut-il le vote,
sans parvenir à les éliminer. presque unanime, d'un projet de loi accor-
Pour éviter de nouvelles mutineries, l'Etat dant au roi un prêt de 25 millions de francs
avait transféré les soldats Batetela dans le et attribuant à la Belgique un droit d'option
sur le Congo après 10 ans.
Bas-Congo, loin de leur région d'origine. Ils
en profitèrent pour se soulever une nouvelle Encore avait-il fallu que Beernaert donnât
fois (17 avril 1900), et s'emparer du fort de
Shinkakasa d'où, pendant deux jours, ils
essayèrent, sans grand succès, de bombarder
Borna.
Il fallait faire un exemple : le conseil de
guerre condamna dix-huit d'entre eux à mort.
Ils furent exécutés le 30 avril.
Un millier de Batetela, qui avaient échap-
pé à la poursuite des troupes de l'Etat,
s'étaient retranchés dans les montagnes voi-
sines du lac Kisale où ils brigandaient grâce
aux armes qu'ils obtenaient des Portugais
du Bihé, en échange d'esclaves.
Il fallut au major Malfeyt plus d'un an
(mars 1901 à avril 1902) pour en débarrasser
la région, dont l'apaisement sonna l'heure de
la pacification générale du Congo.

4. LE REGIME PERSONNEL.
L'œuvre entreprise par Léopold II était
gigantesque. Non seulement la pacification
et l'organisation d'un territoire quatre-vingt
fois plus grand que la Belgique, mais aussi
les desseins royaux, toujours plus ambitieux,
exigeaient des sommes considérables.
Les droits de sortie modérés, autorisés par Aug.Beernaert.
l'Acte de Berlin ne suffisaient pas. Le roi (Photo Musée du Congo Belge.)
avait, de ses deniers personnels, paré au plus
pressé; de 1876 à 1890, il avait dépensé plus connaissance, à la Chambre, du testament du
de 19 millions et demi de francs. Mais sa cas- 2 août 1889 dans lequel Léopold II léguait à
sette s'épuisait. la Belgique ses droits souverains sur l'Etat
En compensation de la perte de ses établis- du Congo.
Indépendant
sements dans la vallée du Niari-Kwilu, l' As-
Sans doute enfin, la Conférence de Bruxel-
sociation Internationale du Congo avait, il
les permit-elle à l'Etat de percevoir de nou-
est vrai, obtenu en février 1885, qu'une lo-
veaux droits. Mais les besoins du souverain
terie de 20 millions fut organisée en France,
étaient insatiables et il cherchait à y pour-
à son profit. Mais en 1887, rien n 'avait encore
voir d'une autre manière.
été fait.
A la suite de nouvelles négociations, le roi Banning, épouvanté, écrivit à la fin de
1890 : « Le Roi, dans l'entretien, a laissé
renonça à la loterie, en échange de quoi
80 millions de titres d'un emprunt à primes entrevoir une pensée étrange : il avait conçu
de 150 millions de francs, autorisé par la le Congo comme un vaste domaine privé,
loi belge du 29 avril 1887, purent être cotés exploité en régie par des fonctionnaires et
en bourse de Paris. Cette émission ne connut, agents belges. Les bénéfices de l'opération
auraient servi à défrayer l'entreprise : la
hélas, qu'un médiocre succès.
Sans doute, le parlement belge autorisa-t-il colonie sera venue après. Comment une telle
le gouvernement à souscrire 10 des 25 mil- pensée a-t-elle pu co-exister avec les traités du
lions du capital de la « Compagnie des Che- Congo et l'Acte de Berlin? » (Mémoires,
mins de fer du Congo » (29 juillet 1889). p. 206).
Sans doute aussi, un des premiers effets de Aussi, le roi conçut de se créer, lui-même,
HISTOIRE DU CONGO 41

les ressources nécessaires, non seulement à Les administrateurs généraux Van Neuss et
l'organisation mais à l'expansion de son em- Strauch se démirent de leurs fonctions.
pire : il ferait directement le commerce;. Le roi n'en persévéra pas moins. Le décret
Déjà, par l'ordonnance du 1er juillet 1885, du 5 décembre 1892 organisa le « Domaine
l'Etat s'était déclaré propriétaire des terres privé » : des sociétés privées telles la « Com-
vacantes, qu'il cédait ensuite à des sociétés, pagnie Anversoise dit Commerce au Congo »
en échange du quart des actions. et l'« Anglo-Belgian India Rubber C° »
Cette fois cependant le roi allait plus loin: (A. B. I. R.) obtenaient le monopole d'exploi-
Le décret du 21 septembre 1891, non publié tation de certaines de ses terres, en échange
au Bulletin Officiel, et qui resta secret pen- de quoi elles octroyaient à l'Etat une large
dant plus d'un an, stipule : « Les Commis- part des bénéfices.
saires de districts de l'Aruwimi-Uele, de Depuis longtemps déjà, le souverain avait
l'Ubangi, les chefs d'expéditions du Haut- de plus larges projets. Le 30 mars 1885, il
Ubangi prendront les mesures urgentes et né- avait écrit à Bcernaert : « Il est bien dési-
cessaires pour conserver à la disposition de rable que l'on sache que le nouvel Etat
l'Etat les fruits domaniaux, notamment africain peut compter sur trois revenus : celui
l'ivoire et le caoutchouc ». d'un fonds qui serait établi à cet effet, dès
C'était obliger les indigènes de cette région, qu'on m'aura autorisé à être souverain du
à remettre ivoire et caoutchouc moyennant nouvel Etat africain; celui des droits d'ex-
rétribution, aux seuls agents de l'Etat. portation et celui des impôts.
- C'était aussi condamner les entreprises pri- Pour constituer le fonds dont il est ques-
tion ci-dessus, il est indispensable que je sois
vées, telle la S. A. Belge pour le commerce
du Haut-Congo, qui avait là plusieurs comp- le souverain du nouvel Etat. Le fonds ne
sera pas la propriété de l'Etat, il restera
toirs, soit à déposer leur bilan, soit à se fixer
dans les colonies voisines. Les sociétés com- confié au souverain, qui emploiera ses reve-
merciales protestèrent avec véhémence. Dans nus de la façon qu'il jugera la plus utile ».
un esprit de transaction, le roi prit alors le Par décret du 9 mars 1896, le roi mit ce
décret du 30 octobre 1892, divisant les terres dessein'à exécution, en créant le « Domaine
vacantes en trois zones : une première dans de la Couronne », zone de 250.000 km2 au
Nord du bassin du Kasai, qui devint, le 23
laquelle le commerce privé aurait pleine li-
berté d'action; une deuxième qui, englobant décembre suivant, la « Fondation de la Cou-
des régions riches en caoutchouc et en ivoire, ronne ».
allait devenir le « Domaine privé » qui serait Son but était de se créer ainsi les revenus
exploité directement par les agents de l'Etat; nécessaires, non seulement pour améliorer le
une troisième, fermée « pour cause de sécurité sort matériel et moral des indigènes, notam-
publique ». ment en développant les missions belges, mais
Le principe restait le même : le roi était aussi pour « jeter les bases d'une marine de
commerce belge », couvrir les frais de forma-
aux abois et ne pouvait y renoncer. Déjà, il
avait dû faire appel à un banquier anversois tion d'« agents coloniaux capables » et enfin
de Browne de Tiège, qui lui avait consenti contribuer « à l'embellissement de la Belgi-
un prêt de 5 millions de francs (25 novembre que » (Léopold II, Mémoire, dernier numéro
du Bulletin Officiel de l'Etat Indépendant
1892) sous la condition exorbitante, qu'à dé- du Congo).
faut de remboursement le 1er juillet 1895, le
La Fondation se constitua un portefeuille
prêteur deviendrait propriétaire de seize mil- d'une valeur de soixante millions de francs
lions d'hectares.
(en 1908), grâce à quoi notamment de grands
Léopold II ne fut pas suivi par ceux qui, travaux furent faits en Belgique (Arcades
dès la première heure, lui avaient prêté leur du Cinquantenaire, Palais de Laeken, Musée
concours. Banning, dans sa brochure sur « La de Tervueren, Château d'Ardenne).
liberté commerciale dans le bassin conven- On peut sans doute critiquer l'utilisation
tionnel du Congo d'après l'Acte général de de ces fonds, mais l'Etat encourut des re-
Berlin » condamna cette politique. Le roi ne proches plus graves.
le lui pardonna pas. Pour mettre le pays en valeur, il fallait
Camille Janssen qui avait été gouverneur de la main-d 'œuvre, c'est-à-dire recourir aux
général du Congo (1885 à 1890), A. J. Wau- indigènes. Mais pour obtenir des Noirs, habi-
ters qui dans le « Mouvement géographique » tués à la cueillette ou aux seuls exercices de
l'avait soutenu dès 1884, le blâmèrent. la chasse et de la pêche, un labeur régulier, il

2*
42 HISTOIRE DU CONGO

n'y avait qu'un moyen : les soumettre à Stokes (1895) qui fournissait aux Arabes
l'impôt pour leur laisser la faculté de s'en armes et munitions, mit le feu aux poudres.
acquitter en journées de travail. Un certain Morel, qui devint pendant la
Ce principe, qui en soi n'était pas criti- guerre 1914-1918, l'agent de l'Allemagne, pu-
quable, fut une source d'abus. Les presta- blia un livre virulent : « Scandale au Con-
tions et leur rémunération furent, en fait, go ». Il trouva un écho auprès des mission-
laissées à la discrétion des chefs de poste, ou naires protestants, qui pouvaient y trouver
même de simples agents de sociétés privées, un prétexte pour écarter les missionnaires
auxquels l'Etat non seulement délégua ses catholiques, auprès des commerçants lésés
pouvoirs, mais accorda des gratifications : dans leurs intérêts par la politique royale,
250 fr. par tonne d'ivoire, 100 fr. par tonne et auprès des politiques de Londres, inquiets
de caoutchouc. C'était leur donner la tenta- des visées du roi sur le Bahr-el-Ghazal.
tion d'exiger plus que la loi ne le permettait. L'« Aborigines Protection Society » se fit
Quoique les instructions données par le roi le défenseur indigné de l'indigène et alla
fussent justes et modérées, le système devait jusqu'à provoquer un débat à ce sujet à la
engendrer de regrettables excès. Les agents Chambre des Communes, le 2 avril 1897. Le
imposèrent de longs déplacements, ne comp- 19 avril 1900, M. Lorand fit une interpella-
tant pas comme heures de travail le temps tion à la Chambre des représentants sur une
nécessaire pour se rendre au chantier, in- révote de la tribu des Budja contre les agents
fligeant des châtiments corporels aux récal- de la « Société Anversoise pour le Commerce
citrants, déléguant leurs pouvoirs à certains du Congo ». Le gouvernement répondit qu'il
indigènes qui allaient jusqu'à tuer les s'agissait d'une affaire de la compétence
réfractaires, et, selon la coutume Slncestrale, d'un état étranger.
à couper les mains des cadavres. Le 20 mai 1903, nouveau branle-bas à la
Aussi les réactions furent-elles parfois vio- Chambre des Communes : elle vota une mo-
lentes : dans la concession de la société tion invitant le gouvernement à « conférer
A. B. I. R., 142 sentinelles noires, sous la avec les autres puissances signataires de l'Ac-
garde desquelles s'effectuait le travail/furent, te Général de Berlin, à l'effet de prendre des
par représailles, tuées ou blessées. mesures pour mettre un terme aux abus qui
Le régime des primes fut supprimé en prévalent dans cet Etat ». Ce débat en pro-
1895 et remplacé, en 1896, par l'octroi aux voqua un autre à la Chambre des représen-
agents les plus actifs, d'une pension de re- tants, qui se termina par un vote de confian-
traite. ce au gouvernement (juillet 1903).
Un décret du 18 décembre 1896 institua Cependant, le cabinct anglais chargea son
une commission pour la protection des droits consul à Borna, Roger Casement, de faire un
des indigènes. L'impôt en nature fut réduit rapport sur la situation. Ce document, qui
à une prestation annuelle de 40 heures de parut en décembre 1903 et contenait pas mal
travail, qui pouvait être remplacée par la d'inexactitudes, souleva l'opinion publique
fourniture de produits naturels. anglaise. Il se constitua en février 1904 la
Après avoir, le 1er juillet 1904, enlevé aux « Congo Reform Association », dont la revue
sociétés le droit d'exploiter la Mongola, l'Etat, « West Africa Mail » recueillit, en les ampli-
par un décret du 3 juin 1906, retira aux fiant, les pires calomnies.
sociétés privées le droit de percevoir l'impôt. A Bruxelles cependant, la « Ligue pour la
Enfin, par de nombreuses circulaires, il défense des intérêts belges à l'étranger »,
s'efforça de combattre les abus et de mettre qui compta bientôt 150.000 membres, défen-
un terme aux excès. dit avec acharnement l'œuvre royale dès
Cependant d'âpres critiques ne furent pas juillet 1903.
épargnées au roi ; l'histoire parle même d'une Sous la pression de l'opinion publique an-
« campagne anti-congolaise ». glaise et du Gouvernement anglais, l'Etat
Elle débuta en 1892, par la publication envoya, au Congo, une commission d'enquête
d'une brochure d'un certain Williams. L'Etat composée de Edmond Janssens, avocat général
y était accusé d'accaparer l'ivoire et la main- à la Cour de cassation, d'un Italien, le baron
d'œuvre et d'acculer ainsi à la faillite les Nisco, président ad interim du tribunal d'ap-
entreprises privées. pel de Borna et d'un Suisse, Edmond de
Les attaques les plus violentes vinrent Schumacher, conseiller d'Etat. Son rapport
d'Outre-Manche. fut inséré, au début du mois de novembre
L'exécution, par Lothaire, de l'Anglais 1905, dans le Bulletin Officiel. Il mettait le
HISTOIRE DU CONGO 43

doigt sur certaines plaies et, notamment, sur situation au gouvernement. En violation de
les abus commis dans l'application de la légis- la convention du 3 juillet 1890, qui prévoyait
lation sur l'impôt en travail. Il proposait que l'Etat ne contracterait aucun emprunt
quelques réformes qui furent soumises par le sans l'assentiment du gouvernement belge, il
roi à l'étude d'une commission d'examen. avait, le 25 novembre 1892, emprunté 5 mil-
Successivement, en février 1906, Félicien lions au banquier anversois de Browne de
Cattier, professeur à l'Université Libre de Tiège, aux conditions que l'on sait. Le prêt
Bruxelles et le R. P. Vermeersch (avril 1906) venait à échéance le 1er juillet 1895.
firent, à leur tour, le procès de l'Etat, dans Le temps pressait. Un traité de cession fut
deux livres qui indiquaient les causes du mal, signé le 9 janvier 1895 et le ministre des
proposaient les remèdes à y apporter et con- affaires étrangères, le comte de Mérode, dé-
cluaient à la nécessité de l'annexion du Congo posa, le 12 février, un projet de loi tendant
par la Belgique. à l'approuver. Une commission fut constituée.
Mais le roi n'en était pas partisan, et il Aussitôt, une campagne de presse se déchaîna
se défendit : dans une lettre du 3 juin 1906, contre la reprise. « Le parti radical et so-
il avisa les secrétaires généraux qu'il ajou- cialiste organisa contre la reprise une cam-
tait à son testament du 2 avril 1889, un codi- pagne de niaiserie et de diffamation; une
cille imposant à son légataire l'obligation de partie des éléments cléricaux se fit son alliée ;
respecter tous les actes par lesquels il avait le reste suivit par calcul » (extrait des « Notes
pourvu à la fondation du « Domaine de la sur ma vie et mes écrits » de Banning).
Couronne » et à l'établissement du « Do- Le roi, lui-même, regrettait la signature
maine National ». qu'il avait donnée, car il craignait de perdre
Le numéro du Bulletin Officiel, qui pu- un champ d'action digne de son génie à un
bliait ces documents, contenait des décrets moment où la récolte de caoutchouc et d'ivoire
réformant l'administration de l'Etat, confor- lui permettait d'espérer les revenus nécessai-
mément aux conclusions de la Commission res à son œuvre.
d'examen. Après bien des lenteurs, le projet fut retiré.
L'opinion internationale restait cependant Le 18 février 1901, le délai prévu par la
méfiante. Convention de 1890 venait à expiration. Le
En juillet 1906, au cours de débats aux 28 mars, le chef du gouvernement, le comte
deux chambres anglaises, des orateurs atta- de Smet de Naeyer déposa, en attendant une
quèrent encore l'Etat avec violence. L'Italie solution définitive, un projet de loi suspen-
interdit à ses officiers de s'engager dans les dant le remboursement des sommes prêtées
forces publiques de l'Etat. par la Belgique. Beernaert déposa, le 29 mai,
Le prestige du roi était entamé et toute une proposition signée par quatre autres dé-
sa diplomatie ne suffit pas à le restaurer. putés catholiques, tendant à l'annexion immé-
L'inévitable devait s'accomplir. diate. Mais comme le pays ne s'était pas pré-
paré à cette situation, il proposait que l'ad-
5. L'ANNEXION. ministration du Congo fut provisoirement
laissée à l'Etat.
La Belgique, qui au début s'était montrée Le parti socialiste et notamment Emile
si réticente, s'était vue peu à peu entraînée Vandervelde s'y opposèrent. Le roi ne désirait
à prendre part à l'œuvre coloniale. D'abord, pas, davantage, l'annexion immédiate et il
elle autorisa le roi à devenir souverain de l'écrivit à Woeste. Aussi le parlement se bor-
l'Etat Indépendant du Congo (1885); elle na-t-il à voter le projet gouvernemental.
autorisa, ensuite, l'emprunt à lots de 150 mil- • Ce n'est qu'en 1906 que les chambres se
lions (loi du 29 avril 1887) ; elle prit part à préoccupèrent du projet de loi coloniale, dé-
la souscription des capitaux nécessaires à la posé cinq ans plus tôt (7 avril 1901), par le
construction du chemin de fer du Bas-Congo comte de Smet de Naeyer. Léopold II avait,
(1889 et 1896) ; bon gré mal gré, elle se vit il est vrai, à ce moment, promulgué les 25
léguer le Congo par testament royal; enfin, décrets introduisant des réformes dans l'ad-
elle signa la convention du 3 juillet 1890 qui, ministration de l'Etat et, dans sa lettre du
moyennant un prêt de 25 millions à l'Etat, 3 juin 1906, affirmé que ses droits sur le
lui reconnaissait le droit, après 10 ans, de Congo étaient sans partage et que l'heure de
choisir entre le remboursement ou l'annexion l'annexion n'était point venue, mais le Par-
sans conditions. lement tint bon.
Fin 1894, le roi fut obligé d'exposer la Une interpellation de Hymans (28 novem-
44 HISTOIRE DU CONGO

bre 1906) inaugura de longs débats, qui le texte modifié du traité de cession et celui
firent ressortir la nécessité d'entamer, au de la loi coloniale.
plus tôt, l'examen du projet de loi coloniale. Le 20 août 1908, après des débats de 4 mois,
La section centrale chargée en décembre la reprise fut votée par la Chambre; elle le
de son étude, se transforma en commission fut par le Sénat, le 9 septembre.
spéciale des 17 et entama ses travaux. Le 18 octobre, la loi coloniale fut promul-
de Trooz, qui avait succédé à la tête du guée; le 30, le Ministère des Colonies fut
gouvernement à de Smet de Naeyer, signa, le créé et confié à Jules Renkin.
28 novembre 1907, le traité de cession et le Le 15 novembre 1908, la Belgique reprit
déposa le 3 décembre sur le bureau des Cham- l'administration de l'Etat Indépendant du
bres. Il imposait à la Belgique l'obligation de Congo.
laisser subsister la « Fondation de la Cou- Le 23 décembre, le Gouvernement belge
ronne ». signa le traité reconnaissant, à la France, le
Avec sa ténacité habituelle, le roi avait droit de préférence que lui avait accordé
maintenu un point de vue que le parlement l'Association.
avait expressément repoussé un an aupara- Tout était consommé.
vent. Le roi, qui réussit à doter sa patrie d'une
Il n'y avait qu'un moyen de sortir de semblable Colonie, qui, sur son lit de mort
l'impasse : il fallait que le parlement ou le déclarait au premier ministre Schollaert « Si
roi cédât. vous cédez un pouce du territoire congolais,
Sous la pression de l'opinion anglaise et votre vieux roi se lèvera de sa tombe pour
sur les instances du nouveau premier mi- vous le reprocher », fut, malgré les faiblesses
nistre Schollaert, le roi s'inclina : le décret inhérentes à toute personne et à toute œuvre
du 5 mars stipula que l'annexion mettrait humaine, un grand homme d'état.
fin à l'existence de la « Fondation de la Comme tel, il a pris place dans l'Histoire,
Couronne ». dont le jugement a, depuis longtemps déjà,
Le 25 mars, la Commission des 17 adopta imposé le silence aux calomnies intéressées.

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Là Préhistoire au
Congo Belge
Par Maurice BEQUAERT
Licencié en Histoire de l'Art et Archéologie,
Conservateur au Musée du Congo Belge à Tervuren.

A Préhistoire, née en France et en Dans le cadre de l'exploration et de l'étude


Belgique, limita d'abord son acti- scientifique du domaine de l'Etat Indépen-
vité aux pays de l'Europe dant du Congo et de la Colonie Belge, la
occi-
Préhistoire acquit une importance de plus
i dentale. Mais bientôt cette science
L étendit ses investigations à l'Afri- en plus marquée ; ses acquisitions se firent
que. On connaît l'ampleur des tra- en deux étapes.
vaux fournis par les préhistoriens français, La première alla de 1882 à fin 1925. Les
anglais et américains dans le Nord du conti- récoltes d'objets préhistoriques se firent
nent noir, au Sahara et au Soudan. Cepen- grâce à l'attention éveillée des résidents,
dant, l'Union Sud-Africaine ne tarda pas à fonctionnaires, agents de sociétés et mission-
devenir, à son tour, un vaste champ de travail naires. L'Etat Indépendant prit soin de
pour les préhistoriens de l'Europe et du Sud prescrire à son pemonnel la recherche et
Africain. De 1913 à 1948 divers savants visi- l'expédition à la Métropole de tout objet
tèrent le Kenya, l'Uganda et le Territoire du préhistorique (Instruction de la Secrétairerie
Tanganyika ; ils y firent des découvertes de l'Etat Indépendant, du 13 mars 1901).
retentissantes. Quant au bassin du Congo, il Un grand nombre de collections formées
fut parcouru par des chercheurs de toutes à cette époque sont conservées actuellement
nationalités, qui y trouvèrent des vestigesau Musée du Congo Belge à Tervuren. Par-
d'une haute antiquité. ticulièrement intéressantes sont les collec-
tions de Gustin, commissaire général, de
1. HISTORIQUE. Dcmeulemeester, commissaire de district, de
Van Dorpe, commissaire de district et du
Le lieutenant anglais Hore fut le premier R. P. Vanderyst, S. J.
Européen à rencontrer des vestiges du passé De belles séries d'outils préhistoriques
préhistorique du bassin du Congo : il récolta, sont gardées au Musée du Cinquantenaire,
en 1882, sur la rive méridionale du lac Tan- à Bruxelles (collection Haas, comanandant de
ganyika, des pierres ellipsoïdales trouées. la F. P.) et à l'Institut royal des Sciences
Les lames de haches polies en minerai de naturelles de Belgique, à Bruxelles (collec-
fer, répandues dans le Nord-Est de la Colonie, tions Zboïnski, Dupont et Grenade).
furent signalées en 1888 par SCHWEINFURTH. Le Musée de l'Université de Gand détient
Ce savant présenta le 6 novembre de cette
quelques pierres taillées trouvées par CORNET.
année, à l'Institut Egyptien, au Caire, quel- De nombreuses pièces préhistoriques s'en
ques-unes de ces antiquités qu'Emin Pacha furent enrichir des musées étrangers. Le
lui avait envoyées; elles provenaient de Muséum d'Histoire Naturelle à Paris, le
Gombari. British Museum à Londres, le Pitt Rivera
Le commandant Zboïnski récolta en 1883 Museum à Oxford, le Muséum für VÕlker-
ou 1884, à Manyanga Sud, les premières pier- kunde à Berlin, le Museo Preistorico à Rome
res taillées préhistoriques. DUPONT informa (collection Giglioni), le Museo d'Antichita
de cette découverte l'Académie Royale de à Turin (collection Taramelli), sont à citer
Belgique, à la date du 25 avril 1887* ici. Il y a lieu de présumer que des pierres
46 LA PREHISTOIRE AU CONGO BELGE

taillées, provenant de la région des Cata- riques récoltés à la surface du sol. Les
ractes Sud, furent emportées vers 1903, aux pièces extraites des formations du Quater-
Etats-Unis, par le Révérend STARR. naire étaient peu nombreuses et les formations
Une importance particulière revient à la intéressées restaient indéterminées.
collection anglaise privée qui était en 1925 la Grâce aux recherches faites, de 1939 à
propriété de Sir Frank Morey, de Newport 1948, les préhistoriens disposent, actuelle-
(île de Wight). Elle fut formée par Sir S. W. ment, de séries d'objets préhistoriques récol-
Pring à Kunzulu (rive gauche du chenal). tés en profondeur dans des formations
Cette collection renferme plusieurs proto- quaternaires géologiquement définies.
types du Tumbien Ancien de Menghin. D'autre part, dès 1937, LEPERSONNE,CAHEN
Le début de la deuxième étape fut marquée, et MORTELMANS, géologues, entreprirent
fin 1925 par les fouilles de J. COLETTE à l'étude du Pléistocène dans le bassin du
Kalina (Léopoldville). Depuis lors, les préhis- Congo et, au cours de leurs itinéraires, firent
toriens n'ont cessé d'étudier la préhistoire du une ample récolte de pierres taillées dites
Congo Belge en faisant usage des méthodes in situ.
de l'Archéologie et de la Géologie. La Géologie envisage ces objets, avant tout,
Les pierres taillées préhistoriques recueillies comme des fossiles; d'aucuns géologues ont
au Congo Belge firent l'objet de nombreux une tendance à leur dénier un caractère
travaux scientifiques, parmi lesquels ceux de : essentiel qui les distingue des vestiges laissés
J. CORNET, X. STAINIER, N. JACQUES, A. par les animaux : les pierres taillées sont les
TARAMELLI,F. STARR, F. E. STUDT, 0. MEN- produits de l'activité d'une volonté libre.
GHIN, E. DUPONT, F. GRABOWSKY,BUSCHAN- L'être humain, qui a taillé les pierres pré-
STETTIN, BOULE, E. CARTAILLAC,J. COLETTE, historiques, les a faites telles parce qu'il a
GOLENVAUX,F. CABU, M. BEQUAERT,Mme I. choisi de les façonner ainsi. Dès lors, quand
BOUTAKOFF, H. DAMAS, Mgr. GORJU, N. on étudie les objets préhistoriques, il ne faut
CREPPE, L. DE DORLODOT, H. VANDERYST, parler d'évolution qu'avec un certain esprit
P. GRAZIOSI,HARPER KELLEY, R. L. DOIZE, critique.
E. POLINARD,G. VAN DERKERKEN, G. MORTEL- Le tableau ci-après montre la division du
MANS,J. DE HEINZELIN,G. PASSAU,J. PALGEN, Quaternaire du bassin du Congo en Holocène
L'ABBÉ BREUIL, VAN RIET LOWE. et Pléistocène.
Le Pléistocène est subdivisé en trois gran-
II. LA GEOLOGIE ET LA PREHISTOIRE des unités chronologiques dont chacune est
CONGOLAISES. caractérisée par un climat très humide suivi
La Préhistoire congolaise resta jusqu'en d'un intervalle de pluviosité moindre, voire
1925 confinée à l'étude des objets préhisto- d'aridité.

Néolithique
Holocène o-Sangoan
Makalien < 4e pluvial j Smithfield de MitwabaKasikien II
! (Pseudo-Sangoan
Nakurien
( Kasikien1
Interpluvial j Tshitolien
C,amblien
Lupembien
( PIuvial
36 j Djokocien
!

nP
l,e.i.stoce.
Pléistocènene Kamasien
Kamasi'
en Sangoan duduCongo
Acheuléen
1j Interp^luvial
2e pluvial Congo

I Interpluvial Abbevillien du Congo


(
Kagérien
1 Kafuen
Kagérien ler pluvial Kafilien

(Septembre 1946, Session Extraor-


Subdivisiondu Quaternaire du bassin du Congo suivant MORTELMANS
dinaire des Sociétésbelges de Géologie,Bruxelles).
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 47

Ce tableau comporte quatre colonnes; la la culture matérielle des tribus locales. Cette
seconde à gauche renseigne les divisions de étude fait bien souvent déceler, dans une
l'Holocène et du Pléistocène; la 3me colonne province déterminée, une véritable stratifi-
présente les séquences des périodes humides cation culturelle. Le cas de la tribu des Bashi-
et des périodes sèches; la colonne à droite lange (souvent désignés comme Bena Lulua),
donne le relevé des principales cultures pré- peut illustrer la chose. En 1885, lors de
historiques. l'arrivée des Européens dans le territoire de
cette peuplade, on y observa trois cultures
m. L'ETHNOGRAPHIE ET LA PREHIS- distinctes : 1° la culture des dirigeants des
TOIRE CONGOLAISES. petites principautés de Mukengo, Kapuku et
Tshimbundu ; elle .était fortement influencée
Les deux sciences ont leur domaine propre. par la culture des Bangala (de l'Angola),
La première considère surtout les habitants qui eux-mêmes avaient subi une influence
du Congo à l'époque de la découverte par portugaise plus tardive que le XVe siècle;
les Européens; la seconde relève et étudie les 2° dans le sein de ces petits royaumes, on
vestiges laissés par les humains établis dans observa des réactions parfois violentes contre
cette contrée avant les époques locales proto- des mœurs locales à caractère Baluba ; 3° enfin
historique et historique. on découvrit la persistance de nombreux
L'Ethnographie et la Préhistoire congolai- groupements d'autochtones établis dans le
ses s'attachent généralement à l'étude de piè- pays avant la pénétration de l'élément
ces différentes; cependant, il se rencontre Baluba.
parfois des objets qui retiennent l'attention, Le préhistorien pousse l'investigation rela-
et de l'ethnographe et du préhistorien. C'est tive aux plus anciens groupements d'autoch-
le cas des haches polies en minerai de fer. tones et utilise, à cet effet, les données four-
Le préhistorien voit en elles les vestiges nies pour la Protohistoire locale.
matériels d'une culture disparue; l'ethno-
graphe constate que ce sont des pierres à IV. LA PROTOHISTOIRE ET LA PRE.
pluie en usage dans le centre de l'Afrique. HISTOIRE CONGOLAISES.
L'étude de la Préhistoire du Congo suppose
une certaine connaissance de l'Ethnographie. La Protohistoire congolaise est une section
Il importe, en effet, d'être à même d'éviter de l'Ethnographie; elle étudie les populations
les anachronismes flagrants lors du classe- établies dans le bassin du Congo durant la
ment du matériel d'étude. A l'examen d'une période qui succéda à l'âge de la pierre et
collection de pièces provenant d'un gîte prit fin à l'arrivée des premiers explorateurs.
réputé préhistorique, il y a lieu de distinguer La Protohistoire congolaise s'est surtout
et d'écarter les intrusions modernes. Soit un attachée à l'enregistrement et à l'interpréta-
exemple : dans certaines collections provenant tion des traditions orales des indigènes. Une
du bassin du Kasai, on rencontre des pierres pléiade de coloniaux éclairés a fourni, dans
taillées et de la céramique; leur récolte eut ce domaine, des contributions importantes.
lieu dans des alluvions de cours d'eau. On Pour certaines régions, on a composé une
sait que certaines tribus de la région envisa- véritable protohistoire des migrations tribales.
gée enterrent leurs défunts de marque dans
des fosses creusées dans le lit d'une rivière A. Légendes.
préalablement détournée et qu'elles garnis- Certaines légendes font allusion à un âge
sent ces sépultures d'un mobilier funéraire. de la pierre. Il paraît indiqué d'en résumer
D'autre part, les alluvions des rivières de la ici les principales.
contrée contiennent des pierres taillées. La
familiarisation avec la céramique moderne du BAS-CONGO,
bassin du Kasai permettra de grouper les Les Portugais recueillirent vers le XVIIe
pièces des collections de l'espèce suivant siècle, un récit de la fondation du royaume
qu'elles sont préhistoriques ou modernes. du Congo (San Salvador) ; CAVAZZIl'a con-
Pour l'interprétation des vestiges d'âges signé, par écrit, vers 1687.
préhistoriques, le préhistorien est réduit à Le premier roi du Congo s'appelait Nimi
comparer ceux-ci aux objets analogues en a Lukeni. Il infligea une défaite à Mbumm-
usage chez les peuplades primitives actuelles. bula mwana Mpangolo, le chef du pays de
Cherchant à réaliser la plus grande continuité Mpembo-Kasi. L'oncle de Nimi, Nfuku-Nfuku,
possible dans l'enchaînement de ses considé- conquit le Mbata. Les autochtones se nom-
rations, le préhistorien examine, avant tout, maient Ambundu.
48 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELG

Il semble que les conquérants étaient agri- pères coupaient le bois avec des outils de
culteurs, qu'ils avaient une organisation ma- pierre et qu'il y avait bien longtemps de
triarcale et vivaient dans l'âge de la pierre. cela; les vieux qui le mirent au courant
Un des plus anciens rois du Congo exerça, le tenaient l'information de leurs propres aïeux.
premier, le métier de forgeron. On peut noter Le géologue KOSTKAvisita, vers 1909, Kabala
à ce propos que les forgerons jouissaient et recueillit des échos de ces traditions.
d'une situation privilégiée au royaume du MAURICEBEQUAERT,en 1939, de passage, put
Congo. noter la lignée remontante des chefs locaux
La succession des rois du Congo s'établit comme suit :
comme suit : 1. 8.
Pembe. Babalango.
1. Nimi a Lukeni. 2. Kasimbi Nuana. 9. Muela.
2. Nanga a Ntinu. 3. Batubenge. 10. Doia.
3. X. 4. Boliwabo. il. Kitolo.
4. Nkuwua Ntinu.
5. 5. Sengi. 12. Tshota.
Nzinga a Nkuwa.
6. Katende. 13. Kabuncia.
Nzinga a Nkuwa entra en relation avec 7. Tshimunamesa. 14. Tshibue.
Diego Caô (1482-1484) et prit le nom de
Joâo 1 (t 1507). Il est impossible, actuelle- Cette liste débute avec Pembe, chef en
ment, d'établir si les autres termes de la 1939, et se termine avec Tshibue. Or ce mot
lignée désignent des personnes ou spécifient signifie « pierre ». Tshibue peut être inter-
des clans ou des familles royales. prété ici comme la personnification de l'âge
Il convient de noter que l'âge de la pierre de la pierre local. En effet, les traditions
taillée a laissé de nombreux vestiges dans le conservées à Kabala sont à rapprocher du
Bas-Congo. résultat des fouilles pratiquées en 1939 dans
la localité, fouilles au cours desquelles on
BASSIN DU SANKURU. rencontra les vestiges d'une station préhis-
torique d'âge holocène.
Dans les régions baignées par la Lulua et
la Bushimaie, entre les 6° et 7° L. S., se URUA.
raconte la légende de l'arbre au tronc marqué
d'une entaille. Le R. P. Nolf, des Missions de (Région comprise entre le Tanganyika, la
Scheut, la publia en 1936. La voici en résumé : Luvua et le Lualaba.)
il y a longtemps de cela que des guerriers, Le R. P. COLLE, des Pères Blancs d'Afri-
les Baluba-Lola, surgirent à l'Est et enva- que, publia, en 1913, une légende régionale
hirent la contrée à l'Ouest de la Bushimaie, relative à l'origine de l'humanité. Elle débute
occupée par les Bapemba. Ils arrêtèrent leurs par un tableau des conditions de vie de
rapines en un endroit marqué par un grand l'homme primitif : Kyombo, le premier
arbre. Les Baluba-Lola firent une entaille homme, s'établit à un moment donné agricul-
dans le tronc et s'en furent à l'Est. Les teur; pour le défoncement de la terre il se
Bapemba, continue le récit, ne purent oppo- sert successivement d'un épieu, d'une pierre
ser qu'une faible résistance aux envahisseurs, emmanchée et d'un outil à pointe de fer.
vu qu'ils étaient armés d'épieux et de pierres Dans cette région, on rencontre des pierres
tandis que les Baluba-Lola se trouvaient ellipsoïdales du type lourd, analogues à celles
équipés d'armes à pointes de fer. que les Gallas emploient de nos jours pour
Dans la région intéressée, les gîtes de pier- l'équipement de certains outils aratoires.
res taillées sont nombreux.
ENVIRONS DU LAC KIVU.
Un peu plus vers l'Est, sur la rive droite
du Sankuru, à proximité du confluent de la Le R. P. SCHUMACHER put noter, dans le
Bushimaie et du Sankuru, se trouve la localité Ruanda, une tradition qui rapporte l'intro-
nommée Kabala ou Batubenge. Vers 1910, duction du fer dans le pays. Les Bazigaba
Gustin, commissaire général, visita l'endroit. occupaient à une époque lointaine Mubari,
Il montra au chef Motombo Batubenge des situé à l'Est des volcans, au Nord-Est du lac
outils de pierre taillée et lui demanda s'il Kivu. Survinrent les Banyiginga qui con-
en connaissait la provenance. Motombo répon- naissaient le fer. On peut en déduire que les
dit négativement ; toutefois il ajouta que dans Bazigaba avaient vécu jusqu'alors dans l'âge
sa jeunesse les vieillards racontaient que leurs de la pierre.
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 49

Le sol du Ruanda-Urundi a livré effective- I. BOUTAKOFFfouilla, en 1936, des abris-sous-


ment des outils de pierre. roche.
Dans toutes ces légendes, on retrouve le Les grottes et abris-sous-roche au Congo
souvenir d'un âge de la pierre local. Cela et au Ruanda-Urundi ont servi de refuges,
fait présumer que l'époque à laquelle il
s'éteignit n'est pas extrêmement éloignée de
nous.

B. Objets protohistoriques.
Outre ces traditions, la Protohistoire con-
golaise a relevé quelques traces matérielles
laissées par les anciens habitants du pays.
Ces objets protohistoriques semblent s'être
conservés particulièrement bien dans les
grottes et anciennes mines de fer et de cuivre.
Les alluvions des fleuves et rivières ont

Grotte de Tshienda (Bushimaie).

lieux d'initiation, retraites de sorciers et


parfois de lieux de sépulture.
En de nombreux endroits de la Colonie,
on relève les traces de mines et de fonderies.
Vers 1875, l'extraction de minerai de fer et
la préparation de fonte et de fer à forger
étaient pratiquées un peu partout dans
l'étendue du bassin du Congo certaines

Grotte de Mui (Bushimaie).


livré également des antiquités protohistori-
ques. Enfin, quelques mobiliers funéraires ont
pu être récoltés. Les grottes sont nombreuses
dans les bassins calcaires. M. CABU a visité,
en 1937, au Katanga, les grottes de Kiama-
konde et de Kiantapo; il y récolta des objets
en métal et de la céramique. En 1939, le
Musée du Congo, à Tervuren, fit exécuter une
reconnaissance des abris-sous-roche et grottes
dans la vallée de la Bushimaie, près de
Bakwanga. Des squelettes, crânes, objets
métalliques et tessons de céramique furent
récoltés. La grotte de Kewe, près de Stanley- Céramique de Pungwe
Haut. : 125 mm; diam. : 219 mm.
ville, renfermait, dans une espèce de cachette
de fondeur, de grands cerceaux de fonte de localités exportaient au loin un outillage de
fer et un marteau de forgeron. Le R. P.
qualité. Le Katanga méridional était un
PLANCKAERT,S. J., a signalé, dans les envi- centre de la métallurgie du cuivre, dont les
rons de Kasongo Lunda, les grottes de Kitadi vestiges ne sont pas rares. Ces mines étaient
Ki Mangembo et de Ngulungulu. Au Bas- essentiellement de grandes excavations à ciel
Congo, sur les rives du fleuve, les premiers ouvert; parfois on poussait un rameau en
voyageurs ont signalé des cavernes. L'exis- profondeur. Dans certaines on retrouva des
tence d'abris-sous-roche a été reconnue dans lingotières, des lingots, du fil et des perles
l'Ubanghi et dans l'Uèle. Enfin, au Ruanda, de cuivre, de même des pierres trouées du
50 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

type léger et semi-lourd. Dans les mines de morphologie qu'à Zimbabwe. On peut en
Lokuni et de Likasi de l'Union Minière, des déduire que l'extrême Sud du Katanga occu-
squelettes furent mis à jour dans des tailles pe une place dans l'aire de répartition des
éboulées; des pics de mineur gisaient à pro- mines de cuivre pré-européennes, dont les
ximité. Vers l'Ouest, aux sources de la Lulua, centres se placent à Zimbabwe et à Munpun-
les mines de Tshungu-Kapumba ont fourni gubwe. La culture de Zimbabwe a fleuri
de menus objets de cuivre et des pierres entre les VIIIe et IXe siècles de notre ère;
son caractère est essentiellement bantou.
Il est permis de penser que la période
protohistorique au Katanga méridional, ca-
ractérisée par la métallurgie du cuivre, se
place vers cette époque. On ne peut toutefois
pas affirmer que l'introduction de la métal-
lurgie du fer dans le bassin du Congo est
due au rayonnement de la culture de Zim-
babwe.

V. LA PREHISTOIRE CONGOLAISE.

A. Le matériel archéologique.
Le Congo Belge est extrêmement riche en
objets préhistoriques. La plupart sont des
pierres taillées, des lames de haches polies.
des pierres trouées et des gravures sur roche.

trouées. Les monts Kibara ont livré de petits


objets de cuivre et de nombreuses pierres
trouées. La région qui s'étend vers le con-
fluent de la Lufira et du Lualaba retient
l'attention de l'archéologue : à Pungwe le
Rd. BURTON put recueillir dans une tombe
une céramique intéressante ; à peu de distance
de là, le R. P. STOCKY,Franciscain, recueillit
quelques poteries anciennes.
Actuellement, les vestiges de la métallurgie
du cuivre trouvés dans le Katanga méridional, Céramique de Pungwe.
constituent l'unique complexe archéologique Haut. : 260 mm.; diam. : 223 mm.
protohistorique susceptible d'être interprété
dans le cadre de l'archéologie africaine. Rap- Enfin, il a été découvert de la céramique
prochés des pièces semblables découvertes à préhistorique et quelques autres antiquités.
Zimbabwe, en 1929, et à Munpungubwe, vers L'existence de constructions mégalithiques
1934, ils acquièrent une grande significa- est signalée dans le Nord-Est de la Colonie,
tion. Les lingotières, lingots de cuivre et sans que l'on puisse toutefois préjuger de
perles de cuivre laminé montrent la même leur âge.
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 51

I. PIERRES TAILLEES. Kasai et Katanga, fait apparaître le bassin


du Congo comme une région qui resta attar-
— Ces antiquités se rencon-
Répartition. dée, à l'Holocène, dans des cultures de la
trent en très grand nombre dans le Bas- pierre taillée. Les traces néolithiques relevées
Congo et dans les bassins du Kwango et du au Bas-Congo mettent en relief ce caractère
Kasai. Elles sont d'âges et de types différents. rétrograde.
Les pierres taillées se trouvent également Les pierres taillées n'ont pas encore été
au Katanga. Une autre aire de répartition rencontrées au Nord de l'Equateur, entre les
couvre le Ruanda-Urundi et déborde vers méridiens de 18° et 24° Est de Greenwich;
l'Ouest dans le Congo Belge, où sa limite il y a lieu de croire que les recherches
passe par Rutshuru, Lutunguru, Angumu, ultérieures décèleront également ces vestiges
Lubutu et Luemba. du passé dans cette région.
Enfin, on a reconnu,
en dehors de ces zones
plus ou moins éten-
dues, quatre gîtes iso-
lés de pierres taillées ;
ce sont Wendji et Lile-
ke, situés au centre de
la cuvette et Bendele et
Kilo sur les rebords sep-
tentrionaux du bassin.
Au Bas-Congo, on
rencontre, dans les gî-
tes de pierres taillées,
quelques rares lames
de haches partielle-
ment polies; dans cette
région, deux pierres
trouées isolées furent
récoltées.
Au Kwango, les gî-
tes n'ont fourni que
des pierres taillées.
Dans le Sud du Ka-
tanga, l'aire de répar-
tition des pierres tail-
lées est en partie
recouverte par les zo-
nes d'extension des
pierres trouées et des
lames de haches polies.
A Angumu, la zone de répartition des Nomenclature des industries congolaises
pierres taillées touche, d'une part à l'aire de la pierre taillée. — Les pierres taillées
de répartition des haches polies qui s'étend congolaises, si largement répandues au Congo
dans les Ueles et recouvre, d'autre part, Belge, se rapportent à plusieurs périodes
l'aire d'extension des pierres trouées si- géologiques de l'Holocène et du Pléistocène.
tuée dans le Nord-Est de la Colonie. De plus, elles sont les vestiges de plusieurs
Deux gîtes isolés de pierres taillées, Ben- cultures différentes.
dele et Kilo, sont situés au Nord dans l'aire Ces industries ont reçu des noms particu-
de répartition des lames de haches polies. liers. Voici l'énumération des principales,
Kilo est entouré également de gîtes de pier- caractérisées par l'emploi de la pierre taillée.
res trouées. La liste donne la succeission dans l'ordre
L'abondance extraordinaire de pierres rétrospectif, les plus récentes précédant les
taillées de tout âge, au Bas-Congo, Kwango, plus anciennes :
52 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

Le Pseudo-Sangoan
La
La Culture du Ruanda du
Culture Ruanda dans (
1Holocene
1Holocenei
Le Smithfield du Katanga dans
Le Kasikien II !

Le Kasikien 11 )
Le Kasikien
Le Tshitolien au Gamblien ou
Le Lupembien ( Pléistocène supérieur
Le Djokocien (

Levalloisien )
Le Sangoan du Congo au Kamasien ou
Tayacien ( Pléistocène moyen
L'Acheuléen du Congo Clacton II (>
----------- - -- - -- -- -- -------
L'Abbevillien du Congo Clacton 1
Le Kafilien au Kagérien
vKage ou
rieninférieur
ou
Le Kafilien Pléistocène au
Le

Les circonstances de gisement des pier- sablo-argileux. La mine de Tshisaka présente


res taillées. — En bien des régions les pier- un bel exemple de ces circonstances particu-
res taillées gisent à la surface du sol. C'est lières de gisement. A Bibanga, une couver-
le cas au gîte « de Lota » près de Bibanga, ture sablo-argileuse s'étend sur les pentes du
situé dans un vaste cirque, aux abords de la plateau. L'érosion en cours y creuse des ravi-
vallée majeure du Sankuru. nements profonds et étroits au fond des-
quels git parfois une pierre taillée arrachée
à son gisement primaire dans l'épaisseur des
terres. Au Katanga, des gisements extrême-
ment importants ont été découverts sur les
pentes de plusieurs vallées; ils étaient con-
stitués par des graviers qui renfermaient des
pierres taillées. Le gîte de Sofwe (près de
Luena ), le site du Km. 81 de la route d'Eli-
sabethville à Kisenga, différents gîtes dans

Mine de Tshisaka(vers l'embouchurede la Milumba).

Certains gîtes de pièces préhistoriques sont


situés au sommet d'un plateau; il suffit par-
fois d'y décaper l'humus sur une profondeur
de moins d'un pied, pour faire une ample
récolte. Ce cas fut rencontré lors des fouilles
à Kabala. Au Bas-Congo, à Léopoldville, les
pierres taillées gisent dans les dépôts d'allu-
vions qui constituent la plaine de Lemba.
Dans le bassin du Kasai on a récolté énormé-
ment de pierres taillées au cours des travaux
miniers exécutés dans les concessions de la
Forminière et de la Minière du Beceka. Les
pierres taillées y gisent dans les graviers de
différentes terrasses et dans l'overburden Mine de Tshisaka.
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 53

les vallées de la région de Mitwaba sont à long de l'affleurement de la série 2 des grès
citer ici. polymorphes du Système du Kalahari. On
observe des traces d'une activité analogue aux
Matériaux mis en œuvre. — Au Congo,
les hommes de l'Age de la pierre ont utilisé
les ressources que présentait le pays. Il ne
peut être mis en doute qu'ils ont utilisé le
bois; toutefois aucun objet de cette nature
n'a été retrouvé. Cependant il fallait à cette
humanité des outils et des armes à tranchant
dur pour tailler, couper, racler; pour les
réaliser les Congolais d'alors ont songé à la
pierre.

Gîte « de Lota » (près de Bibanga).

abords du Chenal (bief fort rétréci du Congo,


entre Bolobo et Maluku) où une particula-
rité géologique semblable s'observe dans le
paysage.
Au Kasai, de nombreux outils préhistori-
ques ont été taillés dans du grès; pourtant
certains gîtes ont fourni des échantillons
taillés dans une sorte de macigno. Cette roche

Pierre taillée dans le fond d'un ravinement


à Bibanga.

Un examen pétrographique, même som-


maire, 'fait reconnaître que les pierres taillées
du Congo présentent une assez grande variété
de roches. Bien souvent, un caractère régio-
nal ou local affecte les pierres taillées récol-
tées dans une aire déterminée.
Au Bas-Congo, aux abords de Thysville,
on note que le grès polymorphe fut un maté-
riau apprécié; cette roche s'y rencontre dans
la série 2 du Système du Kalahari. Dans le Fouilles à Kabala.
Bas-Congo encore, dans la vallée de l'Inkisi,
on peut observer l'emploi de chert et de très dure est formée de nombreux éléments
phtanite qui abondent dans certaines couches angulaires siliceux, d'une couleur déterminée,
du Système Schisto-Calcaire. englobés dans un ciment de couleur différen-
Au bord méridional du Stanley-Pool, à te. Dans la mine de Tshisaka on a constaté
l'Age de la pierre, le grès polymorphe fut que des ateliers de taille préhistoriques
presqu 'uniquement employé. avaient été établis sur un dépôt de gravier
Au Kwango, à Kasongo-Lunda, des ateliers préexistant. Un manteau sablo-argileux a re-
de taille préhistoriques semblent avoir été couvert le tout ; ce faisant la Nature a pré-
en activité à proximité de l'escarpe qui se paré, pour les préhistoriens futurs, un gîte
dessine dans la vallée du Kwango, tout le scellé. A Bakwanga (poste de la Minière du
54 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

POINTES
DEFLÈCHES
DUTSHITOLIEN

Long. Larg. Epaiss Poids


mm. gr.
1. — 70 24 9 14
2. - 45 20 5 3,5
3. - 29 15 5 2,5
4. - 30 14 6 1,75
5. - 64 23 8 8
6. — 70 25 8 13
7. — 75 29 8 15
8. - 88 27 8 18

Les pièces 1 et 2 proviennent


de Kalina (Léopoldville). Les piè-
ces 3 et 4 proviennent de Kisantu.
Les pièces 5 à 8 proviennent de
Kabala ( Sankuru ).

Beceka) on récolte parfois des pièces préhis- affleurent dans le pays situé entre le Lualaba
toriques taillées dans un calcaire silicifié ou et les Lacs Kivu et Edouard fut reconnu : à
dans du chert. C'est là une marque d'origine Lubutu, Angumu et Rutshuru, ce furent les
locale. Bakwanga est situé, en effet, dans un grès, à Walikale, Costermansville, les quart-
bassin du système de la Bushimaie dont les zites, à Lutunguru, le silex, à Beni, la diorite.
couches Cl0 présentent un niveau à cherts Sur les hauts plateaux du Ruanda-Urundi
arrondis. Un autre exemple de cachet régional les habitants taillèrent, à l'Age de la pierre,
s'observe dans les stations préhistoriques les différentes quartzites qui abondent dans
localisées aux environs du confluent de la les formations géologiques locales.
Bushimaie et du Sankuru. Les couches L3 du On a découvert à Lodjo (près de Kilo) une
Lualaba-Lubilash affleurent dans cette ré- industrie de la pierre taillée (le Pseudo-San-
gion; certaines de ces formations schisto-gré- goan) qui se caractérise par l'usage d'amphi-
seuses renferment des poupées qui furent bolite; à Kilo même, on décela les traces d'une
volontiers utilisées par les artisans du culture plus ancienne qui se servait de roches
Tshitolien. à base de calcédoine. Enfin, l'emploi du
M. BORGNIEZ a récolté, aux abords de grès et de la quartzite a été signalé dans les
Lodja, vers le parallèle du 4° Sud, quelques gîtes isolés Wendji, Lileke et Bendele.
pierres taillées. Elles sont constituées d'une
roche blanche, à texture si serrée qu'elle pré- et Typologie.
Nomenclature
sente l'aspect d'une porcelaine; ce matériau
est d'origine régionale. Du Katanga occiden- Industries de la pierre taillée de l'Holocène.
tal furent décrites des pierres taillées de grès
et de diorite (Tshungu-Kapumba). Dans le L'Age de la pierre taillée au Congo ne
Sud-Est du Katanga les Sangoans firent resta point confiné dans le Pléistocène; il se
emploi des grès du pays. Dans l'Urua, les prolongea dans l'Holocène. On connaît, en
habitants utilisèrent la quartzite à différen- effet, plusieurs industries macrolithiques qui
tes époques de l'Age de la pierre taillée. fleurirent après la fin des dépôts géologiques
L'emploi de plusieurs sortes de roches qui du Pléistocène. Ce sont, au Bas-Congo et dans
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 55

INDUSTRIE
SANGOANNE
DELARÉGION
DE LULUABOURG-SAINT-JOSEPH
Long. Larg. Epaiss. Poids
mm. gr.
1. - Pic de carrier 210 101 87 1575
2. —Hache d'armes 157 73 40 360
3. - Hache d'armes (?) 230 88 54 895
4. — Pointe de flèche 67 33 8 16
5. - Pointe de sagaie 112 38 15 52
6. - Pointe de sagaie. 88 44 35 81
7. - Pointe de flèche 56 26 7 8,5
Toutes les pièces proviennent de Luluabourg-Saint-Joseph,sauf la pièce 6, récoltée à Bakwa Buisha.
Les pièces font partie des collections du Musée de Tervuren, sauf les pièces 2, 6 et 7, propriété de
M. le Prof. Bursens.
Toutes les pièces sont taillées en grès polymorphe. Dans le matériau de la pièce 6 sont incluses des
petites pierres.
56 • LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

le bassin du Kasai, un Pseudo-Sangoan à Industries du Pléistocène.


tradition tshitolienne bien marquée; dans le Les industries macrolithiques à bifaces qui
bassin de l'Uele c'est un Pseudo-Sangoan de
fleurirent, au cours du Gamblien, dans le Bas-
morphologie éclectique; enfin on peut citer Congo, au Kwango et au Kasai sont dites
le Smithfield de Mitwaba. Au Katanga, le Lupembien
lupembiennes.
Au bas-Congo, dans un grand nombre de n'est guère représenté; il est remplacé par
gîtes de pierres taillées de formes saçgoannes des industries diverses sur éclats.
banales, tel Kalina près de Léopoldville, on Le Lupembien est l'épanouissement indus-
a trouvé des lames de haches de dolérite polie ; triel du Sangoan. En tant qu'unité morpholo-
elles sont dites léopoldiennes. Il f suffira de logique, le Lupembien constitue un complexe
signaler ici que ces pièces néolithiques sont moustéro-solutroïde. L'abbé BREUIL considère
considérées comme les traces d'une' expansion le Lupembien comme une unité industrielle
méridionale, le long de la côte occidentale de à caractère évolutif. Le stade le plus évolué
l'Afrique, du Néolithique Soudanais. Celui-ci est le Tshitolien. Il présente des petits ciseaux
fleurit au Soudan vers le cinquième millé- sangoans, des grattoirs, racloirs, pointes de
naire avant l'ère chrétienne. Le Pseudo-San- Chatelperron et des pointes de flèches de
goan du Bas-Congo ne peut ( donc point formes variées.
remonter au Pléistocène. Cette industrie fut rencontrée notamment
Dans le bassin du Kasai, la station préhis- à Tumba, à Kalina et à Luebo. Ainsi qu'il a
torique Kabala a été fouillée. Elle\a. livré un été dit, on ne peut mettre en doute que le
abondant outillage de caractère tshitolien. Sa Tshitolien ait perduré dans l'Holocène, du
situation au sommet d'un col étroit, en bor- moins dans le Bas-Congo et dans l'Est du
dure de la vallée du Sankuru oblige à lui bassin du Kasai.
dénier un âge pléistocène ; la traversée du
seul pluvial Gamblien, en effet, aurait \&uffi Le Lupembien, sensu stricto.
à sa destruction totale par voie d'érosion. Ce stade ne peut plus être dit purement
Un des plus intéressants apports à la Pré- moustéro-levalloisien. La technique de la re-
histoire congolaise fut celui acquis par M. de touche au repoussoir y fait son apparition. De
HEINZELINDE BEAUCOURTqui étudia une col- belles lames à deux ou à trois pans ont servi
lection d'outils récoltés, à Lodjo (près de à la façon de pointes de Chatelperron; on
Kilo) par M. PIRET. Cette série représente rencontre des pointes de pierre pour épieux.
un ensemble archéologique curieux : les ou- Il y a des pièces en forme de feuilles de lau-
tils et armes sont de pierre taillée; quelques- rier à aspect solutroïde de proportions et
unes des pièces montrent des tranchants polis ; formes variées; elles sont tantôt barbelées,
enfin il y a quelques pierres trouées. Certains tantôt fusiformes. La tradition sangoanne
continue aans les ciseaux et les gouges.
préhistoriens considèrent ce complexe archéo-
logique comme représentant une culture d'âge Les plus belles pièces lupembiennes pro-
holocène. viennent des exploitations minières ouvertes
dans les vallées des petits cours d'eaux du
Le Smithfield de Mitwaba est une industrie
bassin du Kasai. Le Lupembien sensu stricto
qui, d'après M. MORTELMANS,montre une
se rencontre également dans la vallée de la
grande affinité avec le Smithfield de l'Afri-
Lulua, aux environs de Luluabourg.
que du Sud. D'une part, un outillage macro- Le Djokocien est le stade initial du Lupem-
lithique aux formes mal définies, taillé dans bien sensu largo. Les pièces caractéristiques
du quartz et, d'autre part, des pierres trouées
sont des armes manuelles : poignards parfois
en définissent les caractères; on y rencontre
de grande taille ; à côté de ces pièces on ren-
des percuteurs tranchants, des lames, etc. contre des ciseaux et gouges de cachet san-
La Culture du Ruanda de LEBZELTER goan. La technique sangoanne se poursuit;
paraît avoir une certaine ressemblance avec la retouche par pression s'y ajoute.
le Smithfield de Mitwaba. On peut égale- On peut remarquer l'usage de pointes
ment signaler dans l'Holocène du Katanga foliacées bifaces, un peu épaisses qu'on peut
des traces de cultures microlithiques ; elles qualifier par analogie de proto-solutroïdes.
ont donné lieu à l'introduction du terme Des poignards djokociens typiques ont été
tel que Kasikien II; le Kasikien a fleuri récoltés à Tumba, Léopoldville, Kasongo-
vers la fin du Pléistocène. Ces industries Lunda, dans différentes mines du Kasai, à
n'ont pas encore fait l'objet de publications. Lutunguru et à Mugera.
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 57

INDUSTRIE
SANGOANNEDE LARÉGIONDE LULUABOURG-SAINT-JOSEPH
ET DE LA RÉGIONDE HEMPTINNE-SAINT-BENOIT
Long. Larg. Epaiss. Poids
mm. gr.
1. - Pointe à main 92 53 35 123
2. - Armature de hache 85 46 22 92
3. — Armature de hache 86 33 23 47
4. - Pointe à main 95 46 35 136
5. - Grattoir 60 49 18 35
6. - Grattoir 64 47 34 79
7. - Pic 120 52 40 200
8. - Armature de houe 115 80 40 360
9. - Lame de couteau 46 15 10 5
10. - Armature d'outil à 76 45 26 80
découper
Toutes les pièces proviennent de Luluabourg-Saint-Joseph,sauf la pièce 10 récoltée à Hemptinne-Saint-
Benoit.
Toutes les pièces sont taillées en grès polymorphe.
58 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

Le Sangoan du Congo. De très belles pièces acheuléennes ont été


récoltées dans l'Urundi par M. GOOSSENS
C'est une industrie dont l'âge géologique
dans les alluvions de la Nyarunazi, affluent
se situe à la fin du pluvial Kamasien, dans
de la rive gauche du cours supérieur de la
l'intervalle aride qui précéda le pluvial Gam-
Kagera. Certains préhistoriens estiment
blien. Cette industrie est considérée comme
une évolution particulière de l'Acheuléen. qu'au Pléistocène Moyen, il y eut, à côté du
Sangoan et de l'Acheuléen, des industries à
éclats ; ils les nomment, en remontant des
moins anciennes aux plus antiques : Leval-
loisien, Tayacien et Clacton II.

L'Abbevillien.

Fut signalé par l'abbé BREUIL dans les


graviers de la Kamoa, au Katanga, rappor-
tés au Pléistocène inférieur ou Kagérien. Il
fut décrit également du gîte de la Nyaru-
nazi.
L'Abbevillien du Congo comporte princi-
palement un outillage façonné à partir de
gros éclats clactoniens obtenus par débitage,
sur enclume, de gros galets de grès poly-
morphe; ces éclats ont subi une taille secon-
daire sur enclume, très grossière, qui en a
fait des coups-de-poing et des hachereaux
Coup-de-poing acheuléen de Kamabunda.
P. : 1 660 kg. L. : 201 mm primitifs.
1 : 148 mm. é. : 64 mm. A côté de l'Abbevillien on trouve, au
Katanga, les traces d'un Clacton I.
En tant qu'industrie, le Sangoan présente
deux faciès. Le premier est un facies d'exploi- Le Kafilien et le Kafuen.
tation de mines. Il comporte des pics lourds,
trapus ou allongés, de taille grossière, souvent Ce sont des industries extrêmement primi-
à talon réservé, d'aspect archaïque. Le facies tives découvertes dans plusieurs sites archéo-
d'utilisation montre des pics fusiformes, des logiques du Katanga. Le gîte du Km. 81 de
la route d'Elisabethville à Kasenga, présente
pics-couteaux, des gouges, lames de hachettes.
Plusieurs outils sont à tranchants de menus graviers latérisés surmontés de
multiples.
L'industrie sangoanne laissa des armes nom- puissants dépôts superficiels. On y a trouvé
breuses; ce sont des pointes moustéroïdes et des petits galets à taille élémentaire détermi-
de lourdes feuilles de saule bifaces, à retouche nant un tranchant. C'est le Kafuen du
proto-solutroïde. Le Sangoan est connu du Katanga.
bassin du Kasai et du Katanga où le gîte de Le Kafilien est une industrie un peu plus
Sofwe est certes bien remarquable. Dans ces évoluée. Il fut découvert dans la carrière à
deux régions, les ateliers de taille sangoans gravier de la Mulundwa, au Katanga.
étaient installés à la partie supérieure de gra- Ces deux industries appartiennent au
viers d'âge Kamasien; ils ont été recouverts groupe des pebble-cultures, localisées dans le
par des dépôts continentaux au cours de pluvial par lequel à débuté le Kagérien.
l'intervalle aride subséquent.

L'Acheuléen. 2. PIERRES POLIES. POLISSOIRS.

Cette industrie fut découverte au Katanga, Répartition. — Les belles lames de haches
comme au Kasai, dans des formations pléis- polies en hématite sont bien connues des
tocènes rapportées aux Kamasien Moyen et coloniaux qui ont séjourné dans la Province
Supérieur. Elle est caractérisée par de gros de Stanleyville. Cependant, outre ces magni-
coups-de-poing. Au Katanga, on peut nom- fiques objets, on trouve encore des haches
mer les gîtes de la haute Kilubi, du Kundu- incomplètement polies, parfois même ne pré-
lungu et de Kasenga; au Kasai, on connaît sentant que le tranchant aiguisé. Toutes ces
le gîte de Kamabunda. pièces archéologiques se rencontrent au N.-E.
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 59

d'une ligne menée par Gwana, Api, Buta, isolées; ce sont ceux de N'Gulube et Batsam-
Simisimi, Angumu, Luengba et Bogoro. ba, locailités situées à quelques kilomètres
Au Bas-Congo, on rencontre accidentelle- vers le Nord-Est de Tshikapa.
ment des lames de haches de pierre à sur- En 1899 STAINIER appela l'attention sur
faces plus ou moins égalisées par usure. On des indices de présence de polissoirs à Mafiela.
en connaît provenant de Songololo, Kimpese, Cette localité se trouve près de Manyanga Sud
Tumba, Thysville, Lu-
vituku, Kisantu, Tum-
ba Mani, Léopoldville.
Vers 1935 l'adminis-
trateur Crabeck décela
la présence de haches
polies dans l'Ubanghi.
Cette découverte fut
confirmée dans la
suite. L'aire de répar-
tition reconnue cou-
vre une zone définie
par Duma (un peu au
Nord de Libenge), Bo-
sobolo, Karawa, Busin-
ga, Bokuda, Yambongo
et Motenge-Boma —
Les trouvailles furent
particulièrement nom-
breuses entre Moten-
ge-Boma et Yambongo
ainsi que dans les
chefferies Bunda Nord
et Gombe Poschwa
près de Libenge.
Une quatrième zone
de répartition de ha-
ches polies se situe au
Sud du Katanga. —
STUDTtrouva, en 1913,
le premier échantillon
à Lubumbashi. Cette découverte isolée fut où les récoltes de haches léopoldiennes ont
confirmée en 1937 par M. CABUqui en signale été relativement nombreuses.
d'autres à Elisabethville, Kapolowe, Minga- Un magnifique polissoir a été trouvé dans
Katofio, Lukando et Kiamakonde.
Il convient de citer ici les polissoirs. Ce
sont bien souvent des blocs ou dalles isolées,
parfois aussi des bancs de pierre importants
en place; ils présentent des sillons relative-
ment courts et de largeur variable aux sur-
faces concaves plus ou moins courbes et lisses.
On les rencontre en grand nombre dans
le bassin de l'Uele dans une aire circulaire
de 50 Km. de rayon dont Moto est le
centre ; le polissoir d 'Angbwa fait présu-
mer que l'aire d'extension des polissoirs
s'étend considérablement dans la direction
de l'Ouest.
Au Katanga les polissoirs ont été signalés
à Elisabethville, aux Chutes Johnston, à
Kilwa et à Lukonzolwa. Du bassin du Kasai
furent décrits deux polissoirs sur pierres Polissoir à Bena N'sona.
60 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

le lit d'un ruisseau, à Bena N'Sona, à 28 Km. Néolithique Uelien, pour désigner l'industrie
au Nord-Est de Kanda-Kanda. Certains toute- de la pierre rencontrée dans le Nord-Est de
fois contestent le caractère néolithique de ce la Colonie.
véritable monument d'avant l'histoire. Le même préhistorien avait recueilli dans
ses fouilles à Kalina, dans
la couche supérieure des
dépôts de la terrasse T3,
une lame de hache à sur-
face égalisée par usure.
Partant de cette découverte,
il introduisit, en 1933, la
dénomination Léopoldien,
appliquant ce terme à un
néolithique caractérisé par
des lames de haches plates,
triangulaires, à tranchant
plus ou moins circulaire et
peu poli, par des lames de
haches de pierre taillée, à
section transversale triangu-
laire rappelant des types
dits de Noestvet (Norvège)
et par des pointes de flèches
à ailerons et à pédoncule.
Actuellement, on considère
cette industrie comme le
stade final du Tshitolien
où la tradition sangoanne a
été conservée.
Il paraît indiqué de ré-
server le terme « Léopol-
dien » uniquement aux
lames de haches à surfaces
plus ou moins aplanies, à
tranchant aiguisé, qui se
rencontrent au Bas-Congo
1, 2, 3. Lames de haches polies de l'Oubanghien. dans certains gîtes du Pseu-
4, 5, 6. Lames de haches polies léopoldiennes. do-Sangoan. (= Tshitolien).
Long. Larg. Epaiss. Poids La dénomination Culture
mm. gr.
1. - Gemena(ubanghi) 90 54 14 116 du Zambèze-Katanga fut
2. - Mungusu (Ubanghi) 125 95 30 514 proposée, en 1942, pour dé-
3. Geda (Ubanghi) 104 53 32 146 signer une culture qui lais-
4. - Luvituku 120 66 18 170 sa dans le Sud du Katanga
5. - Kalina 143 70 23 345
170 65 23 393 certains vestiges tels que les
6. - Kimpese
Toutes les pièces sont des armatures de haches. Les pièces 1, 2 et 3 sont lames de haches polies et
taillées en grès schisteux. certaines pierres trouées.
Les pièces 4 et 5 sont taillées en une espèce de roche cristalline. Quant aux lames de ha-
La pièce 6 est taillée en un schiste verdâtre. Toutes les pièces font partie ches
des collections du Musée du Congo, à Tervuren. néolithiques rencontrées
dans l'Ubanghi, elle ont
Nomenclature des industries congolaises donné lieu à l'introduction du vocable
de la pierre polie. — MENGHINavait reconnu, Oubanghien.
en 1931, l'existence au Sud du Sahara d'une Circonstances de gisement des pierres
culture qui avait laissé comme traces des polies. — Au Bas-Congo, les lames de haches
lames de haches en rouleau qu'il désigna léopoldiennes ont été récoltées à Kimpese et
comme Culture soudanaise à haches en rou- à Tumba, gisant à la surface du sol parmi
leau. Il pensait qu'un centre de cette culture des outils préhistoriques de pierre taillée du
se rencontrait au Nord-Est du Congo Belge. Tshitolien. La lame de hache de Kalina fut
Vers 1933, COLETTE introduisit le terme trouvée au cours d'une fouille, à 0,50 m. de
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 61

profondeur, à proximité de tessons de céra- En ce qui concerne les circonstances de


mique, mais non en contact avec des pierres gisement des lames de haches polies dans les
taillées. concessions de la Régie des Mines, on peut
Dans l'Ubanghi, la plupart des pièces fu- rapporter également l'opinion de DE MATHE-
rent rencontrées chez les indigènes. On LIN DE PAPIGNY. Après un long séjour dans
la région, cet ingénieur des mines et prospec-
signale que ceux-ci trouvent les lames de
haches à fleur de sol ou à peu de profondeur. teur estimait que les lames de haches polies
Parfois les lames de haches se rencontrent s'y rencontraient dans les terres et grenailles
encastrées dans le tronc d'un arbre. On en latéritiques tout à fait superficielles.
a trouvé une au fond d'un étang. Au Katanga, STUDT trouva une lame de
Dans les Ueles, certains indigènes détien- hache polie à 3,90 m. de profondeur dans des
nent des lames de haches polies. Il n'est pas alluvions. Des échantillons recueillis par
douteux que la plupart des belles pièces con- M. CABU se trouvaient à peu de profondeur
servées dans les musées ou chez certains dans le sol.
anciens coloniaux aient été reçues de la main
Matériaux. — La plupart des lames de
d'aborigènes.
haches léopoldiennes sont tirées de dolérite.
On sait que dans les Ueles les indigènes
On connaît vers Isangila et à Manianga des
trouvent des lames de haches polies, soit
affleurements de dolérite.
gisant à la surface du sol, soit enterrées à
peu de profondeur. On a quelques précisions, Dans l'Ubanghi, les lames de haches polies
à ce sujet, pour le territoire de Watsa [au sont façonnées en schiste siliceux feuilleté,
village de Kulepange, au village Zelendu qui se présente parfois comme un phyllite
(chefferie Poe)]. Dans le territoire de Paulis, quartziteux; en cassure la couleur est ver-
les lames de haches polies se rencontrent dâtre. De nombreuses pièces sont couvertes
également à peu de profondeur dans le sol. d'une patine noire ou brune. Sur plusieurs
Près du Mont Tina, on a rencontré des lames exemplaires on observe des bandes de couleurs
de haches polies dans les mêmes circonstances. différentes. Cette roche se rencontre aux envi-
Dans le territoire de Bafwasende, on a rons de Dongo et de Motenge Boma.
signalé la présence de lames de haches polies La plupart des pièces de l'Uele sont en
dans une grotte située à quatre heures de hématite, itabirite ou magnétite. Ces minéraux
marche d'Opienge. sont susceptibles de prendre un beau poli.
Les indigènes savent également que les On connaît également des pièces tirées de
lames de haches polies se trouvent dans les diorite.
vallées. La chose a été signalée dans la chef- L'hématite, la magnétite et la diorite se
ferie Denge Alipay du territoire de Buta, rencontrent dans la région. La série de cinq
au sujet de la rivière Moko. Les indigènes ont pièces provenant du cours supérieur de l'Ao
également signalé les vallées des rivières comprend quatre pièces d'hématite et une
Kibali, Tongo, Mendu, Motobi comme gîtes pièce de diorite. Or, toute cette partie du
de haches polies. cours de l'Ao est située dans un massif de
Au cours de travaux miniers, ces renseigne- diorite entouré de trois côtés de terrains du
ments ont été vérifiés pour la Kibali. Le groupe Kibali qui renferment des couches
Musée de Tervuren possède deux lames de d'itabirite.
haches polies retirées par dragage des allu- Les renseignements que l'on possède actuel-
vions de cette rivière, à proximité de Van lement au sujet des matériaux dont furent
Kerckhovenville ; elles gisaient à une pro- tirées les lames de haches polies du Katanga
fondeur de 2 m. dans le gravier. Le R. P. sont rares. On sait cependant que la hache
OOSTERMANSa fait parvenir au Musée de récoltée par STUDTà Lubumbashi est d'héma-
Tervuren, deux lames de haches polies pro- tite et que le minéral se rencontre au Katan-
venant des camps de Gubani et d'Azimogu, ga. M. CABU renseigne que les lames de ha-
recueillies vraisemblablement dans les allu- ches polies trouvées à Kapolowe, au Keyberg
vions de la Kibali, à Gubani (22 Km. en aval. près d'Elisabethville et à Minga-Katofio,
de Van Kerckhovenville). La Régie des Mines sont également en hématite.
d'or de Kilo-Moto fit parvenir au Musée du
Congo à Tervuren une série de 5 lames de Typologie. — Les lames de haches léopol-
haches polies trouvées dans les alluvions du diennes sont, vues de face, triangulaires, plus
cours supérieur de l'Ao, gisant à 0,50 m. de ou moins symétriques, à talon pointu ou
profondeur dans les stériles. arrondi et à tranchant plus ou moins régu-
62 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

lièrement courbé; en section, elles sont talon cylindrique relativement mince et


méplates. allongé qui les fait ressembler à des palettes.
Dans l'Ubanghi, les lames de haches polies Les lames de haches polies fusiformes sont
bien conservées, ressemblent assez bien aux souvent désignées sous le nom de lames de
lames de haches polies du Bas-Congo ; bien haches en rouleau ; elles sont fort symétriques,
souvent elles sont de dimensions réduites et aux lignes harmonieuses soigneusement para-
polies seulement au tranchant. Une pièce de chevées.
Mungusu est remarquable par l'harmonie Dans l'Uele on rencontre encore des pièces
en hématite polie se présen-
tant avec des arêtes droites
et ayant la forme de ciseaux
ou de coins.
Au Katanga, les lames de
haches polies ont la forme
de coins, aux arêtes légère-
ment courbées; elles ont le
tranchant poli, les autres
parties de l'outil ne sont que
taillées ou incomplètement
polies.

Technique. — Les lames


de haches léopoldiennes ont
été obtenues par une taille
suivie d'une espèce de roda-
ge des surfaces. Un vérita-
ble affûtage du tranchant
semble avoir eu lieu.
Les lames de haches polies
de l'Ubanghi ont vraisem-
blablement été obtenues
d'une manière analogue. Ici
il n'a pas été rencontré de
vestiges d'ateliers de polis-
sage. Certains indices font
supposer qu'un centre de
Long. Larg. Epaiss. Poids fabrication a dû se trouver
mm. gr.
1. - Surangu 278 80 32 1629 près de Motenge Borna.
2. - Van Kerckhovenville 195 100 22 837 Au sujet de la technique
3. - Uele 112 61 28 425 employée dans la fabrica-
tion des lames de haches po-
Lames de haches polies en hématite de l'Uelien. lies de l'Uele, on peut four-
nir un peu plus de préci-
de ses formes et le fini du poli. Mais à côté sions. Il est certain que les préhistoriques se
de quelques exemplaires bien conservés on sont servis d'éclats. COLETTE pensait qu'ils
rencontre dans la région un grand nombre auraient fait usage également de rognons
de pierres que l'on peut à peine reconnaître d'hématite affectant une forme plus ou moins
comme lames de haches polies; elles ont en préadaptée au genre d'outil en vue.
effet perdu leurs formes par suite du raclage Les lames de haches de l'Uele, uniquement
répété de leur surface. polies au tranchant, sont tirées d'éclats dont
La typologie des lampes de haches polies de on fit, par taille, des bifaces ; les surfaces
l'Uele fut étudiée dans le détail par COLETTE. obtenues de la sorte sont courbées dans le
On note une classe de lames de haches dont sens de la longueur et de la largeur. Les
le tranchant seul est poli. Les lames de haches faces du biseau du tranchant furent polies
entièrement polies peuvent se grouper en par passes sur un polissoir, car on y observe
méplates et fusiformes. des stries dirigées dans le sens de la longueur
Certaines pièces méplates ont la forme de de la pièce et le corps de l'outil montre par
grosses larmes; d'autres sont munies d'un endroits des petites plages allongées polies.
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 63

Les lames de haches entièrement polies Au sujet des aires de répartition des pier-
étaient dégrossies de la même façon que celles res trouées connues actuellement au Congo
simplement polies au tranchant. Ensuite on Belge, il convient de remarquer qu'elles cou-
les passait et repassait sur le polissoir de vrent généralement des centres d'activité
manière à créer des surfaces à double cour- minière et agricole importants; cette remar-
bure, symétriques, qui étaient descendues plus que est particulièrement pertinente pour
bas que les plus forts creux existant sur le Kilo-Moto, les Kibara et le Haut Katanga.
corps de l'ébauche au début de l'opération. Il est à présumer que des pierres trouées
Une autre méthode consistait à piquer la sur- seront rencontrées également dans des régions
face entière de la lame
dégrossie de manière
à faire apparaître gra-
duellement les formes
qui étaient définitive-
ment réalisées par un
polissage. Bien des la-
mes de haches polies
portent une séparation
bien nette entre les
surfaces piquées et po-
lies; on peut présumer
que les pièces piquées
étaient fixées dans un
manchon avant le po-
lissage.

3. PIERRES TROUEES

Répartition. - Les
pierres trouées se ren-
contrent dans le Nord-
Est du bassin du Con-
go et dans la région
comprise entre les
lacs Kivu et Tanganyi-
ka, d'une part, et le
cours du Lualaba,
d'autre part.
Vers le Sud, les gî-
tes des Monts Kibara
sont comme un chaînon reliant l'aire des où la couche superficielle du sol n'a encore
Grands Lacs à celle du Katanga méridional. été que relativement peu remuée.
On signale la trouvaille d'une pierre trouée
près de Kanda-Kanda. Ce gîte, s'il était resté Circonstances de gisement. - Dans la
isolé, n'aurait pu retenir l'attention; comme région de Kilo et de Moto, les pierres trouées
toutefois il se situe entre les gîtes reconnus sont récoltées au cours de l'extraction des
dans l'Angola, aux environs d'Andrada, et graviers aurifères de rivière. Feu DE MATHE-
le gîte de Kongolo, il convient de lui attri- LIN DE PAPIGNY, estimait que dans la région
buer une certaine signification. minière de Kilo-Moto, les pierres trouées se
De Mai-Munene on vient de décrire deux rencontraient dans des dépôts de gravier de
pierres trouées. la terrasse supérieure des vallées. On peut
On connaît une pierre trouée récoltée à toutefois se demander si cette observation
Tumbagadio, à proximité de Matadi; une ne vise pas plutôt des dépôts d'éluvions.
seconde vient d'être découverte à Sansikua Entre le fleuve Congo et les lacs Albert et
(Bas-Congo) Tanganyika, les pierres trouées se rencontrent
Tout récemment, le R. P. MORTIER,o.c., a à la surface du sol, sur les collines ou en-
découvert une pierre trouée à Molegbwe, fouies dans les alluvions et éluvions des vallées
dans l'Ubanghi. et aux bords des lacs (Costermansville).
64 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

Vers Mpala, les indigènes détiennent des Matériaux mis en œuvre. — Les pierres
pierres trouées. Ces pièces semblent provenir trouées congolaises ont été façonnées géné-
de la couche superficielle du sol d'où elles ralement en matériaux tendres; néanmoins,
sont dégagées, soit par le labour, soit par dans les collections on remarque, deci-delà,
les intempéries. une pierre tirée d'une roche extrêmement
Dans le massif des Kibara, les exploitations dure; on note l'emploi occasionnel de maté-
de la Sermikat ont livré de nombreuses pier- riaux très denses. Dans le Nord-Est du Congo
res trouées. Ces antiquités se rencontrent Belge, on observe l'emploi fréquent de dif-
dans les graviers remplissant les thalwegs férentes catégories de schistes tendres tels
des rivières; elles y gisent côte à côte avec que chlorito-schiste et talcschiste. D'autres
des pierres taillées du Smithfield de Mitwaba. roches furent cependant employées ; parmi
celles-ci on a reconnu l'hématite, l'amphi-
bolite et le gabro. Certaines pièces furent
taillées dans de la quartzite.
Aux bords des Grands Lacs, on constate
l'emploi de roches analogues. De Kabare, on
possède une pierre trouée en dolérite.
Dans le massif des Kibara on a reconnu
l'emploi de schiste et d'ardoise, de roches à
biotite, de la muscovite, du granit et de
l'arkose. Nombreuses sont ici les pierres
trouées en grès.
Les pièces provenant du Katanga méri-
dional furent façonnées en schistes divers,
magnétite-oligiste, calcaire gréseux, grès et
quartzite.
Dans l'Ouest du Katanga, à Tshungu-
Kapumba, on note, outre le schiste graphi-
teux, l'hématite et l'épidote amphibolite.
Au Katanga, il semble établi que les maté-
riaux employés se rencontrent sur place.
Pour les autres régions de la Colonie, on
Pierre trouée ellipsoïdale de Tumbagadio. ne saurait être aussi affirmatif, car on ignore
Diamètre: 116 mm.; épaisseur : 73 mm; encore les gîtes de beaucoup de roches dont
poids : 1,490 kg. la présence est décelée par l'étude minéralo-
gique des pierres trouées.
Dans le Sud du Katanga, les pierres trouées
se rencontrent sur les plateaux, parfois en- Typologie. — Les pierres trouées préhis-
fouies à peu de profondeur, ou à proximité toriques ont été rattachées à des industries de
de vestiges de la métallurgie du cuivre (pla- l'Age de la pierre taillée dans de rares cas.
teau de Likasi). Nombreuses sont les pierres Au Katanga, celles rencontrées au Mont
trouées dans les alluvions (Lido à Elisabeth- Kitala (Bukama), à Kamina et à Sofwe, se
ville). Les gîtes de cette catégorie renferment rapportent au Smithfield du Katanga; dans
parfois des objets de cuivre. Il y a lieu de l'Uele, les pierres plates récoltées à Lodjo sont
signaler également la découverte par M. CABU considérées comme appartenant au Pseudo-
de pierres trouées dans le remplissage de la Sangoan. Les pierres trouées provenant d'au-
grotte de Kiamakonde II. tres gîtes sont des tests archéologiques séparés
Dans l'Ouest du Katanga, les pierres de leur contexte. C'est la raison pour laquelle
trouées ont été trouvées dans les graviers l'étude des pierres trouées congolaises est
alluvionnaires extraits aux environs de dirigée en ordre principal sur leur typologie
Tshungu-Kapumba. On y a trouvé, dans les et sur les données d'ethnographie africaine
mêmes conditions de gisement, des menus susceptibles d'offrir une interprétation
objets de cuivre et des pierres sangoannes de logique.
type banal. Les pierres trouées congolaises sont de
Au Bas-Congo, la pierre trouée de Tumba- formes, dimensions et poids variés. La per-
gadio fut trouvée à fleur de terre, vers le foration traverse généralement la pierre sui-
fond d'une vallée. Elle provenait, sans doute, vant le sens de la moindre épaisseur; sa
de terres superficielles délavées par les pluies. forme est cylindrique ou affecte celle du verre
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE -.

l'un sablier; son diamètre varie dans des à 15 mm. Dans cette catégorie se place une
limites assez étroites; il reste toujours rela- pierre trouée en forme d'ellipsoïde fort
tivement petit, de sorte qu'il est évident aplati provenant de Kilo; elle pèse 681 gr.
qu'aucune pierre perforée n'a jamais pu ser- et est pourvue d'un canal cylindrique très
vir d'annulaire de bras ou de cheville. Sou- régulier de 28 mm. de diamètre. La surface
vent on remarque sur les parois des perfora- de l'objet porte un motif décoratif formé
tions cylindriques, des stries dirigées suivant d'entailles courtes, espacées, orientées suivant
ies génératrices. Les perforations en forme les méridiens et disposées en deux séries
le verre de sablier présentent souvent un séparées par une double file d'entailles ana-
poli sur le pourtour de la lumière. Les pier- logues, placées en parallèles. Les dimensions
res trouées ont d'ordinaire leur surface ou- des axes de cette pièce mesurant 55, 97 et
irrée, rude ou lisse. Deux échantillons sur un 102 mm. Le matériau employé est du chlorito-
total de 170 portent un motif décoratif. phyllite.
On peut grouper les pierres trouées congo- Les ellipsoïdales semi-lourdes semblent se
laises morphologiquement. rencontrer plutôt rarement dans la région
des Grands Lacs, dans les Kibara et au
Suivant leur forme, on distingue les ellip-
Katanga.
soïdales, celles en forme de fuseau, les annu-
laires, les parallélipipédiques et les plates. Les pierres ellipsoïdales légères sont rares
On note un assez grand nombre de pièces qui dans le bassin congolais. On en connaît quel-
ae présentent aucune forme géométrique ques-unes dans les Provinces de Stanleyville
et d'Elisabethville: Elles n'ont pas encore été
iéfinie; ce sont des morceaux de pierre per-
forés de part en part. rencontrées près des Grands Lacs ni aux
Kibara. Une pièce provenant de Pokwo, près
— Leur de Kilo, est ornée. Elle pèse 112 gr. Sa per-
LES PIERRESTROUÉESELLIPSOÏDALES.
foration, disposée suivant le petit axe, a la
poids est compris entre 5 kg. et 112 gr. Par- forme d'un cylindre aux lèvres évasées. Le
tant, il est possible d'établir une subdivision diamètre de la lumière mesure 12 mm. Le
sn pièces lourdes (5 à 1 kg.); pièces semi-
motif décoratif rappelle celui de la pierre
lourdes (moins de 1 kg. à 0,5 kg.) et légères
trouée ornée de Kilo. Cinq doubles entailles
moins de 0,5 kg.). orientées suivant les méridiens délimitent
Les ellipsoïdales lourdes se rencontrent cinq champs dont quatre sont garnis d'en-
ians la Province de Stanleyville, aux abords tailles superposées parallèles dirigées oblique-
ies Grands Lacs et au Katanga. La perfora- ment par rapport aux méridiens; le cin-
tion affecte la forme soit d'un cylindre, soit quième champ est pourvu de trois groupes
d'un verre de sablier. Le diamètre de la d'incisions orientées suivant des directions
lumière varie de 40 à 20 mm. La pierre
obliques entre elles. Les dimensions des axes
trouée ellipsoïdale la plus lourde pèse 4,644 kg. du sphéroïde atteignent 35,50 et 50 mm. La
et provient de Gumende (près de Moto). Une
pièce est tirée de chlorito-schiste.
pièce également fort lourde, elle pèse M. CABU a décrit une piécette non ornée,
3,864 kg., fut recueillie à Nwadingusha recueillie au Katanga, pesant 35 gr. Le canal,
(Katanga). orienté suivant la moindre dimension, a la
Deux exemplaires récoltés à l'Ouest des forme d'un verre de sablier. Le diamètre de
Grands Lacs, à Costermansville et à Yungwe, la lumière mesure 9 mm. L'objet fut façonné
se font remarquer par un détail particulier. en hématite. Cette pièce fut trouvée dans une
Elles présentent un élargissement partiel cachette réputée appartenir à M'Siri. Son
d'une des lèvres de la perforation qui fait association avec deux haches en hématite po-
penser à un logement préparé pour un coin. lies, des objets en cuivre, un crâne d'hippo-
La pierre trouée récoltée à Costermansville potame et une dent d'éléphant intéresse
pèse 1,591 kg.; le diamètre de la lumière l'Ethnographie.
mesure 30 mm. La pièce de Yungwe pèse
1,930 kg., et l'ouverture mesure en moyenne PIERRES TROUÉESEN FORMEDE FUSEAU.—
20 mm. de diamètre.
Cette classe semble localisée dans les gîtes
Les ellipsoïdales semi-lourdes se rencon- situés aux environs de Watsa, près de Moto.
trent surtout dans la Province de Stanley- Les quelques exemplaires connus pèsent près
ville. Les perforations sont soit cylindriques, de 3 kg. La perforation affecte la forme d'un
soit en forme de cônes à pointes convergentes ; double cône; le diamètre moyen de la lu-
le diamètre moyen de la lumière varie de 27 mière varie de 24 à 18 mm.

3
66 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

PIERRES TROUÉESANNULAIRES. — Ces pier- de 1,755 kg. à 144 gr. Une classification en
res se présentent parfois comme des ellipsoï- lourdes, semi-lourdes et légères est possible.
des dont on aurait enlevé, par le forage du Les pièces du premier sous-groupe se ren-
canal, des calottes polaires relativement gran- contrent surtout dans la Province de Stan-
des. D'autres fois elles affectent la forme de leyville. Le poids va de 1,757 kg. à 1,051 kg.
cylindres aux génératrices plus ou moins Le canal affecte la forme d'un cylindre ou
bombées. On ne connaît que des pièces pesant d'un double cône. Le diamètre moyen de la
moins de 1 kg. Il y en a des semi-lourdes lumière varie de 38 à 16 mm. De la région
(entre 1 kg. et 500 gr.) et des légères (moins des Grands Lacs on ne connaît qu'un exem-
de 500 gr.). Ces antiquités semblent se ren- plaire; il pèse 1,664 kg. et présente un canal
contrer le plus fréquemment dans la Pro- en forme de verre de sablier, mesurant à
vince de Stanleyville. Ici la pièce la plus l'étranglement un diamètre moyen de 30 mm.
grosse pèse 993 gr., la plus petite 112 gr. Le Aux Kibara, les pierres plates lourdes sont
type semi-lourd et le type léger ont été ré- rares. Un seul exemplaire a été recueilli; il
coltés en quantités égales. Dans cette région, pèse 1,443 kg. La perforation est en forme
on constate la prédominance nette de la for- de double cône et présente à l'étranglement
me cylindrique du canal. Le diamètre moyen un diamètre moyen de 17 mm. Au Katanga
de la lumière varie de 40 à 22 mm. On ne on a trouvé deux échantillons de ce type.
connaît guère ce type dans la région des Ils pèsent 1,463 et 1,045 kg. Le canal est en
Grands Lacs. forme d'un verre de sablier; à l'étrangle-
Quelques pierres trouées annulaires ont ment, les diamètres moyens respectifs mesu-
été récoltées dans les Kibara ; leur poids varie rent 28 et 42 mm.
de 655 à 175 gr. Ici la forme du canal est Les pierres plates semi-lourdes sont assez
cylindrique, le diamètre variant de 36 à répandues dans la Province de Stanleyville
12 mm. et aux Kibara. Elles se rencontrent aussi au
Au Katanga, le type léger est le plus sou- Katanga. Le canal est cylindrique ou affecte
la forme d'un double cône. Le diamètre
vent rencontré. On connaît toutefois une
pièce pesant 995 gr. Les perforations moyen de la lumière oscille entre 35 et 13 mm.
cylin- Les pierres plates légères se rencontrent
driques et en forme de verre de sablier se dans les Provinces de Stanleyville et d'Elisa-
rencontrent en même fréquence; leur diamè-
bethville et surtout aux Kibara. Cette région
tre varie de 30 à 22 mm.
a fourni des échantillons pesant de 472 à
— 144 gr. Les perforations sont cylindriques,
PIERRES TROUÉES PARALLÉLIPIPÉDIQUES.
Ce sont des objets aux formes trapues, arron- à bords évasés; leur diamètre est compris
entre 25 et 12 mm. Les séries des Provinces
dies légèrement aux abouts et qui ressem-
de Stanleyville et d'Elisabethville donnent
blent à des masses de marteaux de devant.
lieu aux mêmes constatations; les poids vont
Elles sont assez rares dans la Province de
de 474 à 122 gr. Le canal affecte la forme
Stanleyville et aux Kibara, et inconnues
d'un cylindre ou d'un double cône; le dia-
dans la région des Grands Lacs et au
mètre varie de 33 à 17 mm.
Katanga.
Dans la Province de Stanleyville, leur PIERRESTROUÉESAMORPHES. - Elles se ren-
poids varie de 3 kg. à 464 gr. Des Kibara on contrent dans la Province de Stanleyville,
connaît un spécimen pesant 410 gr. Le canal aux Kibara et au Katanga.
est soit cylindrique, soit en forme de double Dans chacune de ces régions, on récolta
cône. Le diamètre moyen de la lumière varie ne
quelques exemplaires qui manifestement
de 18 à 45 mm. sont que des morceaux de pierre, plus ou
moins gros, informes et perforés. On note à
PIERRESTROUÉESPLATES.— Ces objets pré- ce propos que la proportion des pièces bri-
sentent la forme d'un rectangle, trapèze ou sées est particulièrement forte aux Kibara.
d'une figure irrégulière dont les angles sont On rencontre également dans la Province
souvent arrondis et les surfaces parfois légè- de Stanleyville et aux Kibara des pierres
rement bombées. Ils sont abondamment ré- trouées réalisées au moyen de simples cailloux
pandus dans les gîtes des Provinces de Stan- roulés. Dans ces deux régions, elles sont peu
leyville et d'Elisabethville, ainsi qu'aux communes et leur poids varie de 1,268 à
Kibara. Cette dernière région a fourni le plus 288 gr. Des Kibara on connaît un caillou
grand nombre de spécimens. roulé présentant des cavités sur deux pôles
Le poids des pierres trouées plates varie opposés; ce spécimen pèse 228 gr.
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 67

Données d'Ethnographie. — L'Ethno- HOERNLÉ, comme suit : Le fil de section cir-


graphie congolaise et africaine connaît l'em- culaire, de diamètre approprié, est attaché à
ploi que les aborigènes font à notre époque un support par l'une de ses extrémités;
des pierres trouées. Certains cas ont été l'extrémité libre est passée au travers d'une
constatés au Congo Belge. Ailleurs, en Afri- pierre trouée et fixée à un second support. La
que, des faits analogues ont été rencontrés pierre ainsi suspendue est saisie de la main
et parfois observés dans le détail. Dans une et frottée énergiquement contre le fil. Celui-
zone voisine du bassin congolais, diverses ci s'allonge et s'aplatit sur un côté.
indications précieuses ont été recueillies qui Sans doute, voilà quel pourrait avoir été
rendent possible l'interprétation de certaines l'usage de bon nombre de pierres trouées con-
pierres trouées congolaises, qui ont un carac- golaises rencontrées au Sud du Katanga, aux
tère nettement préhistorique. Kibara et à Tshungu-Kapumba, ainsi que
Les cas d'emploi de pierres perforées, l'explication de leur présence fréquente au-
cités ci-après, sont localisés à l'Est du 24° près de vestiges de métallurgie du cuivre. De
Long. Est Gr., entre le 12° Lat. Nord et le nombreuses pierres trouées de formes géomé-
24° Lat. Sud. triquement définies ou informes, semi-lourdes
Cette vaste aire comprend tout l'Est du ou légères, peuvent s'interpréter de la sorte.
Congo Belge, une partie du Soudan anglo- Chez les Nuba, tribu soudanaise établie
égyptien, l'Abyssinie, le Kenya, le Territoire vers l'intersection du 30° Long. Est et du
du Tanganyika, les Rhodésies et le Nord du 12° Lat. Nord, on se sert encore actuellement
Transvaal. de cannes à pommeau de pierre.
Les pierres trouées, actuellement en usage Les pommeaux, plus ou moins sphériques,
dans ces pays, se classent, au point de vue de mesurent en moyenne 63 mm. de diamètre et
leur emploi, en deux catégories. pèsent environ 160 gr. Ils sont tildes d'une
La première comprend les pierres trouées roche vert sombre ou noire qui ressemble à la
employées dans la vie matérielle : outils, ar- serpentine. On apprécie fort les pièces tail-
mes, etc. lées dans une roche à incrustations de couleur
La seconde comprend les pierres trouées tranchante.
rituelles et magiques. Les cannes ont 1,20 m. de longueur. Les
jeunes gens aiment à les porter dans la
PIERRES TROUÉESEMPLOYÉESDANS LA VIE marche; parfois, dans la poursuite de petit
MATÉRIELLE.— Les pierres trouées furent gibier, ils s'en servent comme armes de jet.
employées jadis, semble-t-il, en tréfilerie au Le pays des Nuba est situé à 900 km. de
Sud de Kibali, à l'Ouest de l'Ambia (Pays distance du Nord-Est du Congo Belge, dont
des Mamvu). Un Dongo déclara, vers 1935, il est séparé par la région marécageuse du
au vu d'une pierre perforée qu'on lui mon- Bahr-el-Ghazal et les savannes du Lado. On
trait : « Voilà un objet dont on se sert pour sait d'ailleurs que le Nord de la Colonie
polir des vergettes de cuivre et de fer, lors belge est occupé principalement par des popu-
de la fabrication d'anneaux pour le cou, les lations soudanaises.
bras et chevilles ». La pierre décorée trouvée à Kilo et décrite
Au Sud du Katanga, chez le chef N'Guba, plus haut, à perforation cylindrique de
en 1907, on employait en tréfilerie de cuivre 28 mm. de diamètre, semble pouvoir s'inter-
des pierres trouées. préter comme pommeau de canne. Cette
Les Balemba ou Malepa, Bantu établis au explication peut s'étendre aux pierres perfo-
Nord du Transvaal, emploient actuellement rées ellipsoïdales, de forme régulière, à sur-
des pierres trouées pour préparer le fil de face lisse, des types semi-lourd ou léger, mu-
cuivre, préalablement à la fabrication de nies d'un canal cylindrique, qui se rencon-
perles de ce métal. trent dans la concession de Kilo-Moto.
Les perles de cuivre appartiennent à un Certains Gallas de l'Abyssinie défoncent le
type répandu dans l'aire de répartition des sol de leurs champs au moyen d'un instru-
mines de cuivre préeuropéennes et se ren- ment appelé « dangora ». C'est un épieu de
contrent au Katanga. (Voir carte, page 50.) 1,50 m. de longueur et de 0,03 à 0,04 m. de
Elles sont formées de bouts de fil, de section diamètre. La partie qui s'enfonce en terre
semi-circulaire, enroulés en cylindres. est munie d'une pointe de fer; l'autre bout
Pour leur fabrication, les Balemba em- porte une pierre trouée d'un diamètre moyen
ploient du fil de section circulaire. La trans- de 0,14 m. et d'une épaisseur de 0,08 m., qui
formation de la section est faite, d'après pèse en moyenne 3,125 kg.
68 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

Ailleurs, en Abyssinie, on se sert de pierres pierres perforées fort lourdes pesant de 4 à


trouées pour alourdir les pilons employés pour 3 kg.; elles sont fusiformes. Ces objets peu-
l'écrasement des feuilles de tabac. vent s'interpréter comme les pierres rituelles
Les Gallas sont établis à une distance de employées jadis dans les rites sanglants de
850 km. du coin Nord-Est du bassin du fertilité des Bari de N'Denis.
Congo. Une contrée montagneuse sépare les Au Sud de l'Equateur, il y a, vers l'Est,
deux régions envisagées. une vaste aire dans laquelle les pierres trouées
Parmi les pierres trouées congolaises de sont considérées par les indigènes comme des
forme ellipsoïdale ou annulaire trouvées dans pierres magiques. Cette zone s'étend de Kin-
la Province de Stanleyville, certaines ont un ga vers la partie méridionale du Tanganyika ;
poids compris entre 2,300 et 4,725 kg.; elles elle couvre tout le centre du territoire du
présentent un canal cylindrique de 32 à Tanganyika et atteint Chitambo, à la fron-
18 mm. de diamètre. tière de l'avancée méridionale du Katanga
Considérer ces pierres comme ayant servi (près de Nsalu).
à lester des épieux aratoires semblables aux En effet, le R. P. VAN Looy a vu une
« dangora » d'Abyssinie semble une hypo- pierre annulaire chez un féticheur à Kinga
thèse fort admissible. (Baluba).
La même interprétation peut, par exten- Les pierres de l'espèce sont connues à
sion, s'appliquer aux pierres du même type Mpala comme des objets magiques, auxquels
trouvées dans la région des Grands Lacs et les Wafipa sacrifient pour obtenir une pêche
dans le Sud du Katanga. heureuse. Près de Kawende et de Karema,
les pierres trouées sont vénérées et employées
PIERRES TROUÉESRITUELLESET MAGIQUES. — en magie (Wafipa).
Vers 1935, on apprit que les Bari de N'Denis Chez les Wagogo et les Wanyaturu (Bantu
(groupe des Kakwa, Nilotiques établis dans liamitisés), on rencontre les mêmes croyances;
le territoire de Faradje) se servaient, lors de plus, chez ces tribus, le pouvoir politique
de l'arrivée des Européens, de pierres se justifie par la possession de pierres
trouées comme pierres rituelles. Lors du trouées.
mariage de jeunes gens de familles notables, En Rhodésie du Nord, on attache une vertu
un esclave et une chèvre étaient attachés par protectrice aux pierres trouées; c'est le cas
le cou au moyen d'une corde passée au tra- dans le district d'Abercorn et à Chitambo.
vers d'une pierre perforée. Les deux victimes Ici il s'agit de populations de Bantu.
étaient égorgées et leur sang se mêlait en On pourra remarquer que dans certaines
s'écoulant par le canal de la pierre. Il s'agit de ces régions, il s'agit de pierres qui sont
ici d'un rite de fertilité. certainement préhistoriques (bords du Tan-
SELIGMANNa signalé l'usage de pierres ganyika, districts de Singida et de Dodoma,
trouées comme « pierres à pluie » chez les au territoire du Tanganyika).
Bari établis dans la région de Mongalla et De toute évidence, il s'agit ici d'objets
de Redjaf. anciens, dont le souvenir du premier usage
En 1920, le R. P. STAM avait fait connaître s'est perdu, et qui, chez les Bantu, ont pris la
l'usage de pierres trouées chez les Kavirondo signification de supports de puissances s'in-
du district de Mumia (tribu de Bantu fixée téressant à la vie des hommes.
entre le lac Victoria et le Mont Elgon). Sur Il est à prévoir que les recherches ulté-
ces pierres, mesurant 0,150X0,130X0,100 m., rieures mèneront à la découverte de pierres
le père de famille égorgeait des poules, en trouées utilisées comme objets de magie dans
sacrifice, en faisant couler le sang par la de nombreux endroits des Provinces d'Elisa-
perforation. Ces pierres étaient extrêmement bethville et de Costermansville.
communes, car chaque habitation avait la
sienne. Toutefois, on ne sait s'il s'agit de Technique. — Le procédé employé actuel-
pierres préhistoriques ou de pierres façon- lement par les Nuba pour façonner les pom-
nées au fur et à mesure des besoins. meaux de pierre de leurs cannes, est sans
Comme la distance qui sépare le Mont doute celui qui fut appliqué par les popula-
Elgon de la région de Faradje ne dépasse pas tions congolaises proto- et préhistoriques pour
600 km., il semble indiqué de rapprocher les la confection des pierres dont elles se ser-
coutumes des Kavirondo des traditions des vaient. Ce procédé, extrêmement simple, fut
Bari. observé par BEER et décrit par lui en 1935,
Or, aux environs de Moto, on rencontre des comme suit :
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 69

L'artisan, jeune homme ou femme, prend du Katanga, les deux antiquités appartien-
une pierre cubique mesurant environ 0,08 m. nent à une même culture préhistorique.
de côté. Il la transforme en sphère en la Celle-ci, à cachet néolithique, se désigne
frappant au moyen d'un gros silex. Après comme la Culture du Zambèze-Katanga, et
quoi la surface de la boule est égalisée par fut déjà présentée à propos des lames de
frottement sur une dalle. Alors l'ouvrier pas- haches polies.
se à l'exécution de la perforation. Il saisit la Quant aux pierres perforées - générale-
sphère d'une main et la frappe constamment, ment ellipsoïdales et lourdes — rencontrées
en un même point, contre une pierre pointue près de Moba, elles sont protohistoriques.
fixée en terre. A intervalles, il cure la cavité On peut supposer, à leur sujet, qu'elles ap-
naissante. Lorsque le renfoncement a atteint à la famille d'antiquités de l'es-
partiennent
environ 0,025 m. de profondeur, il dresse la
pèce rencontrée dans le Territoire du Tan-
sphère de manière à présenter la cavité vers ganyika, qui sont les vestiges d'une culture
le haut. Dans le fond de la cavité se place une qui n'a pas encore reçu de
protohistorique
petite pierre qu'il frappe pour élargir. En- nom particulier.
suite l'artisan recommence à frapper la
L'étude du gîte de Lodjo a établi que dans
sphère contre la pierre pointue. Le travail le Nord-Est du bassin du Congo, les pierres
continue de la sorte jusqu'à percer la moitié
trouées sont associées aux pierres taillées et
ie la boule. A ce moment l'ouvrier entrt)
au pôle opposé de la polies du Pseudo-Sangoan local.
prend la perforation
boule, il élargit la lumière jusqu'au diamètre
voulu. 4. GRAVURES RUPESTRES ET ANTIQUITES
PREHISTORIQUES DIVERSES.
Affinités archéologiques des pierres Les gravures rupestres ne sont point rares
trouées congolaises. — Les préhistoriens ont dans le Nord-Est du bassin du Congo. Elles
pu, au Katanga, rattacher les pierres trouées, ont été signalées au Mont Gundu, aux sour-
rencontrées dans certains gîtes, au Smithfield ces de la Gwana et de l'Asa, aux environs
de Mitwaba. Dans le Nord-Est du bassin du de Bondo, près de Semio, vers Bili, dans la
Congo, le seul gîte de Lodjo a fourni des don- région de Doruma et enfin dans le pays
nées permettant de rapporter certaines pier-
d'Amadi-Poko-Rungu.
res trouées à une culture Pseudo-Sangoanne.
Les dessins exécutés par traits incisés re-
Les pierres trouées ellipsoïdales du type
présentent des empreintes de pieds d'hommes
lourd, rencontrées à l'Ouest du lac Tanganyi- et d'animaux, des haches, des sagaies et des
ka, vers Moba, peuvent, pour certaines rai- couteaux de jet. On signale, dans les mêmes
sons, se rattacher aux Bantu d'avant
gîtes, des cupules. Ces gravures sont ratta-
l'histoire.
chées, sous réserves, à l'Uelien; certaines,
Enfin, au Katanga, certaines pierres toutefois, doivent remonter à l'Age du fer
trouées, sans forme géométrique définie, sont régional. Des empreintes analogues se retrou-
les vestiges d'un travail de tréfilerie de vent au Katanga, où on les a trouvées à Wa
cuivre. Pelembe dans les Marungu, à Dilolo, à Moba,
L'aire de répartition des pierres trouées, à Pweto et à Lukonzolwa. Ces gravures ne
au Nord-Est du Congo Belge, .couvre une sont pas fort anciennes.
partie de l'aire de répartition des lames de Semblables empreintes ont été observées
haches polies. dans le bassin du Kasai, près de Luluabourg,
Parfois les deux sortes d'antiquités ont été sur la Miao, près de Mérode Saint-Sauveur,
recueillies dans les alluvions d'une même ri- à Bena-N'sona. On en connaît de Kingunda
vière (Arabi, Ao). près de Kasongo-Lunda.
Au Katanga, l'aire de répartition des pier- Un groupe bien plus ancien de gravures
res trouées est énorme par rapport à l'aire rupestres, appelé le « groupe ancien », fut
de répartition reconnue des lames de haches repéré au Katanga, dans l'aire définie par
polies. les méridiens de 240 et 260 Est de Gr. et les
Si de nombreuses pierres perforées de cette parallèles de 80 et 10° Sud. Ces gravures
région sont protohistoriques ou peu anciennes, occupent tantôt les parois de grottes (Kian-
d'autres sont préhistoriques. tapo, Kiamakonde), tantôt la paroi d'une
M. CABUa trouvé dans la grotte de Kiama- falaise (colline de Kasaolwa, site de Lwinyin-
konde II une pierre trouée et une lame de ga), parfois même la face d'un rocher dans le
hache polie. Il semble donc établi qu'au Sud lit d'un ruisseau (Mont Bunda). Ces gravures
70 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

anciennes sont exécutées par traits incisés, de pierre sphérique, non percée, est main-
parfois par des cupules exécutées au drill. tenue sur le bout de la canne au moyen d'une
Comme sujets représentés, on note des hom- enveloppe de cuir.
mes isolés, des groupes familiaux; le style est
géométrique. M. MORTELMANSincline à rat- B. Interprétation du matériel archéolo-
tacher le groupe ancien des gravures sur
roche au Mésolithique macrolithique régional gique.
(le Smithfield de Mitwaba). 1. Considérations préliminaires. — Les
pierres taillées et les lames de haches polies
ont été rattachées à plusieurs industries pré-
historiques ; il en a été de même, dans de rares
cas, pour les pierres trouées. Ces industries
représentent pour le préhistorien les vestiges
de cultures qui ont fleuri successivement
dans la cuvette africaine centrale. Le préhisto-
rien-archéologue s'efforce de reconstituer les
traits essentiels de ces civilisations; il se féli-
cite de rencontrer chez le préhistorien-géolo-
gue des hypothèses de travail bien étayées
relatives au climat et à la géographie physi-
que des biotopes dans lesquels les groupes
humains ont vécu avant l'histoire. Ces études
sont du domaine de la Paléoethnologie. Quand
on fait de la Paléoethnologie, il n'est pas
superflu de se rappeler que les pièces pré-
historiques qui servent de point de départ
aux considérations et qui consistent princi-
palement, pour le Congo, en pierres taillées
et polies, sont essentiellement les traces lais-
sées par une activité humaine; il s'agit d'une
activité conçue par l'entendement, dirigée
par la volonté, aidée par la mémoire et l'ima-
gination et, parfois, guidée par le sentiment
du beau.
En outre, il est indispensable de se péné-
trer du fait que si l'homme est sociable de par
Gravure rupestre de Bena N'Sona. sa nature, les collectivités humaines, en cer-
taines circonstances, se font la guerre. Les
La présence de céramique dans le Pseudo- éléments matériels considérés comme armes
Sangoan de tradition tshitolienne, fut signalée ont donc pu jouer un rôle, soit dans l'écono-
à différentes reprises. Les fouilles entreprises mie d'une tribu paisible, soit dans l'organisa-
à Thysville et à Kabala, en 1938 et 1939, tion d'un groupement de guerriers.
amenèrent la découverte de tessons dont les On n'a guère de données concernant l'épo-
caractères sont particuliers à chaque gîte. que à laquelle l'Age de la pierre prit fin
Des boules de pierre sont connues au Nord- au Congo ; la manière dont s'y opéra l'in-
Est de la cuvette congolaise. Elles se rencon- troduction de la réduction du minerai de fer
trent souvent dans les mêmes circonstances et le métier de forger la fonte reste également
que les pierres trouées. Elles ont la dimension inconnue. Cet événement culturel important
d'une orange; leur poids oscille aux environs s'est produit au cours de l'Holocène; il est
de 600 gr. A Lodjo, on a observé des boules probable que cette métallurgie, somme toute
de quartz parmi un inventaire Pseudo- très élémentaire, vint d'une des deux contrées
Sangoan. que nous appelons de nos jours Soudan
de l'Uele, du Soudan et du et Rhodésie du Sud.
L'Ethnographie
Kenya connaît les sphères de pierre. Elles Il semble indiqué de placer ici, avec cer-
sont employées comme molettes à écraser des taines réserves toutefois, un commentaire
grains ou comme pommeaux de boulaie. relatif aux pierres trouées ellipsoïdales, du
Dans la boulaie du Mont Kenya, la pomme type lourd (5 à 1 kg.), dont la perforation
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 71

présente un diamètre de 40 à 20 mm., ren- ce de la Culture Néolithique de l'Afrique


contrées à l'Ouest du lac Tanganyika, près Occidentale s'est fait sentir aux abords de la
de Moba. Là, ces pièces gisent à peu de pro- cuvette congolaise, sur le milieu culturel at-
fondeur dans le sol. Elles sont analogues aux tardé dans un Paléolithique tardif.
Comme suite au desséchement du Nord de
l'Afrique qui amena la formation du Sahara
actuel, les populations néolithiques qui habi-
taient cette partie de l'Afrique, s'échappè-
rent de tous côtés ; d'aucunes s'en furent vers
les côtes de l'Océan Atlantique et les remon-
tèrent vers le Sud ; d'autres prirent le chemin
du Tchad et, par le bassin du Chari, se diri-
gèrent vers les Ueles. Ce changement de cli-
mat se manifesta vers le cinquième millénaire
avant l'ère chrétienne. Dès lors, on peut ex-
pliquer les enclaves néolithiques qui s'obser-
vent sur le pourtour occidental et septen-
trional du Congo. (Voir carte p. 59.) Au
Bas-Congo, l'aire de répartition des lames de
haches léopoldiennes permet de conjecturer
que l'influence de la Culture Néolithique de
l'Afrique Occidentale n'y fut guère profonde.
Quoiqu'il en soit, la présence de ces objets,
Tshitolien à tradition sangoanne : dans certains gîtes du Tshitolien évolué du
Céramique de la terrasse de 15 m. de la
plaine de Lemba (Léopoldville Est).
Fouilles du R. Fr. Scheutiste H. VANMOORSEL.

pierres trouées récoltées sur la rive opposée


du lac Tanganyika, près de Kawende et
Karema. Dans cette région, on connaît l'exis-
tence de terrasses de culture en montagne.
M. VANRIET LOWE estime qu'en Afrique du
Sud la pierre ellipsoïdale lourde, à per-
foration relativement large et cylindrique et
la terrasse de culture en montagne sont les
caractéristiques d'une culture de Bantu culti-
vateurs venus du Nord. Sans doute le dis-
tingué préhistorien sud-africain considère les
pierres trouées envisagées comme des contre-
poids d'instruments aratoires semblables aux
« dangora » des Gallas de l'Abyssinie
moderne.
Voyons ce que l'examen des industries pré-
historiques congolaises permet de déduire
relativement aux cultures des groupements
humains qui ont habité le bassin du Congo
actuel.

2. Cultures holocènes. — A la fin de


l'Age de la pierre, le Bas-Congo et le Kasai
étaient occupés par des populations vivant, Tshitolien à tradition sangoanne :
pour ce qui concerne leur équipement maté- Céramique du plateau de Thysville.
riel, dans le Paléolithique supérieur. Leur
outillage était, en effet, celui du Tshitolien Congo occidental, constitue, pour le préhis-
avec forte tradition sangoanne. Ils connais-
torien, un paramètre chronologique précieux
saient la céramique qui dénote un style qui situe cette culture après le cinquième
régional. Il n'y a pas de doute que l'influen- millénaire avant notre ère.
72 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

Dans le Kasai oriental, le Tshitolien à ture de Mitwaba; LEBZELTERl'appela la Cul-


céramique prit fin au cours de l'Holocène, ture du Ruanda.
m,ais on ne peut lui assigner de date absolue. Telle est, à l'Holocène, l'esquisse de la
Dans l'Ubanghi, la présence de l'Ubanghien carte paléoethnologique du Bassin du Congo.
s'explique comme pour le cas des lames léo-
poldiennes au Bas-Congo. On n'y connaît pas, 3. Cultures pléistocènes. — Au cours du
pour l'heure, de traces de cultures à tradi- Pléistocène Supérieur ou Gamblien, l'occu-
tions paléolithiques. pation du bassin congolais fut faite par deux
Dans l'Uelè, l'influence du Néolithique groupes culturels différents, à juger d'après
soudanais semble avoir été importante. Ici les vestiges matériels qu'ils ont laissés.
les lames de haches de pierre polie sont si Le premier groupe constitue une culture
à bifaces répandue au Bas-Congo, au Kwango
et au Kasai ; c'est la culture du Lupembien
(sensu largo). Le second est essentiellement
une culture à éclats.
Le Lupembien, en tant que culture, est issu
de la culture sangoanne congolaise; il est
extrêmement dynamique, muni d'une grande
faculté d'adaptation; dans ses différents sta-
des, il manifeste une évolution bien remar-
quable.
Au stade le plus ancien, dit le Djokocien,
on note l'usage prédominant d'armes ma-
nuelles, représentées par de longs poignards
de pierre, extrêmement élancés.
Tschitolien : Céramique des plateaux Au stade suivant, appelé Lupembien, sensu
à l'Est du confluent de la stricto, ce sont les pointes de javelots qui
Bushimaie (Kabala) et du Sankuru. donnent un cachet spécial à cette culture; les
armes de jet ont remplacé les armes ma-
nombreuses qu'elles donnent à l'Age de la nuelles.
pierre régional un caractère néolithique Au stade ultime, le Tshitolien, on note une
prononcé. extraordinaire variété de pointes de flèches;
Néanmoins, il résulte d'études serrées de l'arc s'est substitué aux javelots.
petites régions (environs d'Amadi) ou de
gîtes (Lodjo) que dans le Nord-Est du Congo
aussi, il y a eu un vieux fond paléolithique
post-pléistocène à forte tradition lupembien-
ne et sangoanne. Il faut donc admettre qu'au
Nord-Est du Congo, il y eut interpénétration
d'une culture paléolithique tardive locale et
d'une culture néolithique venue du Nord.
Le tableau de l'Age de la pierre, à l'Holo-
cène, est différent au Katanga. Dans les
zones ouvertes, sur les hauts plateaux cou-
verts de steppes et de savanes boisées, comme
celui de Mitwaba, vivaient des populations
à économie de cueillette; elles se servaient
de pierres trouées et de pierres mal taillées Uelien : Maillets à battre l'écorce, de Zemio.
dans du quartz; leur culture, le Smithfield (Récoltes de MATHELIN DE PAPIGNY.)
de Mitwaba, peut se comparer à celle des
Bushmen de l'Afrique du Sud. Dans les Cette évolution culturelle s'opéra dans un
grandes vallées, telles celles de la Lufira et de milieu dont les caractères ne cessèrent point
la Luapula, on constate la présence d'une de changer.
culture néolithique, extension septentrionale Le Djokocien évolua dans un climat hu-
de l'aire de la Culture de Zambèze-Katanga mide; les grandes vallées du paysage furent
qui occupa la Rhodésie du Nord. approfondies; le Lupembien sensu stricto
Tout autour du lac Kivu, on peut déceler fleurit lorsque les ruisseaux, affluents de
l'existence d'une culture analogue à la cul- grosses rivières, furent creusés; enfin le
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 73

Crâne néolithique de Fitri.


(D'après H. GADENet R. VERNEAU.)

Tshitolien vécut dans un pays bien plus sec, Le Sangoan se localise dans le Kamasien
voire même aride. supérieur; son origine se place à la fin de
Le Djokocien a laissé ses traces au Bas- la période humide qui marque le Kamasien
inférieur.
Congo, au Kwango, au Kasai, dans le Manie- Cette culture est considérée comme le dé-
ma, à Lutunguru, dans l'Urundi, à Mugera.
veloppement de la culture acheuléenne; elle
Le Lupembien, sensu stricto, se rencontre
laissa de nombreuses traces dans la partie
au Bas-Congo, au Kwango et au Kasai. occidentale de l'Afrique Centrale, s'étendant
Le Tshitolien a laissé ses traces au Bas- du Lac Victoria à l'Océan Atlantique et du
Congo et dans le Kasai. Zambèze à l'Equateur. Elle semble avoir été
Au Pléistocène Supérieur, le Katanga fut le propre de populations stabilisées, contras-
occupé par des cultures caractérisées par tant par là fortement avec les cultures du
l'utilisation d'éclats; elles montrent, de-ci Pléistocène Moyen Supérieur de l'Est du
de-là, quelques traces de contact avec la cul- Graben et du bassin septentrional du Zambè-
ture lupembienne. Ces cultures n'ont guère ze qui sont de caractère Fauresmith.
été étudiées. Elles aussi ont connu, du moins La culture sangoanne fleurit dans les val-
dans leur outillage, une évolution. Les mar- lées des grands cours d'eau, qui ont déjà le
ques,de cette évolution culturelle sont, dans cours que nous nommons Kasai, Tshikapa,
les industries, la diminution de la taille et Lulua, Kwilu (Bas-Congo). Les populations
la variation du débitage moustéroïde. sangoannes les recherchèrent en vue du bois
Le Pléistocène Moyen ou Kamasien est une et de l'eau et des énormes dépôts de graviers
période marquée dans le bassin du Congo où elles établirent leurs carrières primitives.
par des événements importants pour l'his- Lorsque le climat devint aride, les Sangoans
toire de l'homme. C'est la période durant traversèrent une période pénible. Leurs car-
laquelle fleurirent l'Acheuléen et le Sangoan, rières furent enterrées par le vent chargé de
ainsi que des cultures identifiables par les poussières qui couvrent toute la contrée d'un
industries à éclats à caractères clactonien, manteau sablo-argileux. Néanmoins, la culture
tayacien et levalloisien primitif qu'elles ont Sangoanne ne périt point. Lorsque la Nature
laissées. Cet épisode de l'histoire humaine devint plus clémente, le Sangoan fleurit à
centre-africaine se déroula dans un âge géo- nouveau et évolua en mieux, de manière à
logique, qui débuta par une période de gran- fournir la semence à une nouvelle plante
des pluies à laquelle succéda un âge d'aridité vivace : la culture Lupembienne.
qui prit fin par un climat plus humide. Au cours de la première partie du Kama-
Une activité tectonique se manifesta au sien, la culture acheuléenne s'épanouit en de
cours de cette seconde division du Kamasien. nombreuses régions du bassin du Congo et
A ce moment, le pays était déjà sillonné par dans le bassin de la Kagera.
les grands cours d'eau que nous connaissons; On a reconnu les coups-de-poings caracté-
à la suite des mouvements du sol, il s'y pro- ristiques de l'Acheuléen du Congo dans les
duisit quelques modifications. terrasses de 15 m. du Congo à Léopoldville,

3*
74 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

dans le bassin du Kasai; au Katanga, il y a géologique dont l'histoire peut se résumer


lieu de citer les gîtes de Muiïka sur la Luvua, comme suit, en la reprenant depuis le début
du Nord de Kamina sur la haute Kilubi, du Pléistocène du centre africain.
des Monts Kundelungu et de Kasenga sur le Lorsque le Pliocène prit fin, le pays pré-
Luapula. sentait une surface fortement plissée ; du Sud
Dans l'Est, à proximité du lac Edouard, au Nord s'étendait un sillon profond et large.
M. LEPERSONNEa découvert un niveau archéo- Avec le Kagérien aux pluies abondantes com-
logique vieil-acheuléen, qui est intercalé dans mença un cycle d'érosion important, qui don-
l'étage supérieur des couches du Kaiso. na naissance à un vaste réseau de fleuves et
La culture acheuléenne du Congo est de rivières, dont les tracés se sont, en bien
actuellement fort peu connue; on sait qu'elle des endroits, maintenus jusque dans l'Holo-
traversa une longue période et évolua quelque cène.
peu. Sa typologie offre une forte similitude Dans les alluvions qui remontent à cette
avec la typologie du Stellenbosch de l'Afri- époque, on rencontre les vestiges des pebble-
que du Sud. La culture acheuléenne est con- cultures. Si le Kagérien connut certaines
sidérée comme la racine du Sangoan dans la fluctuations d'humidité et quelques retours
partie occidentale de l'Afrique Centrale et vers l'aridité, les pebble-cultures semblent
également comme l'origine du Faurosmith n'avoir connu qu'une seule courbe : la cour-
dans la partie orientale de cette région. be ascendante allant du moins-bien au mieux.
La culture acheuléenne semble être le déve- C'est ce que fait déceler l'étude des instru-
loppement de l'Abbevillien localisé à la fin ments sur galets taillés qui caractérisent le
du Pléistocène Inférieur. Kafuen et le Kafilien.
Au Katanga fleurirent cependant, d'après Cependant, au cours du pluvial Kagérien
l'abbé BREUIL et ses disciples, des cultures à fleurit également une culture particulière :
éclats dont les restes matériels sont les indus- le Pré-clactonien. Elle a laissé un outillage
tries clactoniennes et tayaciennes. Si ces in- extrêmement rudimentaire, foncièrement dif-
dustries dites « à éclats » sont des entités férent de celui des pebble-cultures. Le Pré-
archéologiques peu définies, les cultures qui clactonien est une culture à industrie sur
leur correspondent le sont encore beaucoup éclats; Kafuen et Kafilien sont des cultures
moins. Ces cultures auraient évolué pour don- à industries à cailloux taillés.
ner naissance au Levalloisien. Mais au pluvial Kagérien succéda une lon-
Le Pléistocène Inférieur ou Kagérien pré- gue période d'aridité. Ce changement de cli-
mat fut accompagné d'une activité tectonique ;
sente, d'après certains géologues et préhis-
toriens, les vestiges d'industries primitives les pentes de régions entières sont changées
auxquelles correspondent des cultures qui, et, lorsque les pluies tombent au cours de
d'une part furent le point de départ de petites variations vers un nouveau climat hu-
l'Acheuléen du Congo et, d'autre part, la mide, les eaux se dirigent de manière à créer
racine des industries sur éclats Kamasiennes un autre réseau hydrographique. En certains
du Katanga. endroits, les rivières suivent les vallées an-
On connaît bien mieux l'histoire du milieu ciennes; ailleurs elles cherchent leurs propres
voies.
géologique et les caractères de la faune, qui A ce moment, les hommes créèrent, d'une
constituèrent le cadre dans lequel les cultures
du Kagérien évoluèrent, que les cultures elles- part, la culture abbevillienne : on se plaît à
admettre qu'elle sortit du Kafilien et fut
mêmes, en tant qu'entités paléoethnologiques. mère de l'Acheuléen; d'autre part, à côté
On ne peut pas juger du caractère de ces de l'Abbevillien fleurit une culture jaillie de
cultures par l'étude des vestiges que certains la vieille culture à éclats pré-clactonienne :
géologues et préhistoriens considèrent com- on l'appelle Clactonien.
me les produits d'une activité humaine. La Géologie nous apprend encore quel
L'abbé BREUIL, d'ailleurs, a fait observer que monde animal bizarre vivait à côté des hom-
les galets taillés du Kafuen et du Kafilien mes du Kafuen, du Kafilien et du Pré-clac-
ont sans doute servi à tailler le bois, à l'effet
tonien; c'étaient des Mastodontes, Dinothe-
d'y façonner l'équipement matériel complé- rium, Equidés tridactyles, Eléphants primi-
mentaire indispensable. tifs et Girafidés.
Quelqu'ait été le niveau de la vie maté- Cette faune, survivance du Mio-Pliocène,
rielle et intellectuelle de ces hommes du Ka- disparut au cours de la grande sécheresse de
gérien, ils ont traversé une longue période l'interpluvial subséquent. Les hommes de
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 75

l'Abbevillien et du Clactonien ne virent plus contrent également. Dans un certain nombre


guère de représentants de ce monde animal de gîtes de pierres taillées, il fut récolté des
antique; la faune qu'ils connurent ressem- lames de haches de pierre polies, de sorte que
blait en majeure partie à celle du Pléistocène l'on peut admettre l'existence au Moyen-
Moyen, Supérieur et de l'Holocène. Congo Français d'un Pseudo-Sangoan à
Les pebble-cultures ont été reconnues au 1 'Holocène.
Bas-Congo (vallée du Kwilu); au Katanga Dans l'Oubanghi-Chari, les complexes de
[km. 81 de la route d'Elisabethville à Kasenga, pierres taillées, lames de haches de pierre
polies et pierres trouées récoltés par des géo-
logues belges, sur le plateau de Mouka, of-
frent une ressemblance extraordinaire avec
l'industrie hybride de Lodjo (Uele Belge).
Au plateau de Mouka fleurit donc également
un Pseudo-Sangoan. BREUIL pense qu'en cette
région il y eut un Paléolithique d'âge
pléistocène.
Plus au Nord, un peu à l'Est du lac Tchad,
on découvrit, à Fitri, des tombes néolithiques
avec squelette et mobilier funéraire. Il s'agit
là de sépultures rattachées à une culture de
Noirs, dont les caractères physiques montrent
des analogies avec les Soudanais-Sud-Orien-
taux.

2. L'Angola.

E. DARTEVELLEa décrit des outils paléo-


lithiques de type Sangoan banal, découverts
à Bocco-Zao.
Crâne de l'Homme de Broken-Hill. Les provinces de l'Angola limitrophes de la
(D'après H. WEINERT., frontière méridionale du Congo Belge sont
extrêmement intéressantes. Le Pseudo-San-
dans le bassin de la haute Kafila, dans le goan a été signalé de Tomboco (40 km. vers
bassin de la Mulundwa; dans le Katanga l'Est de Noqui). En face de Kasongo-Lunda,
occidental (au bac Lubudi), dans le Katanga sur la rive gauche du Kwango, les vestiges
oriental à Kamina et au plateau de Biano- du Lupembien inférieur ou Djokocien sont
Tengo-Mutumba] Dans l'Est du Congo, abondants. Un peu vers le Sud, c'est le pla-
dans la région du Lac Albert, de la Semliki teau de Nzongolo qui a fourni des pierres
et du Lac Edouard, on a reconnu la faune paléolithiques de type sangoan.
du Kagérien, mais, l'outillage humain n'y a Les récentes études relatives à la dispersion
pas encore été récolté. Le Pré-clactonien et des lames de haches de type léopoldien ont
le Clactonien sont localisés au Katanga. donné une certaine signification à la décou-
Tel est le tableau paléoethnologique, peu verte, déjà ancienne, de lames de pierre polies
distinct, que l'on peut tracer du bassin du récoltées dans la vallée de la Cuanza, au sujet
Congo, au Pléistocène Inférieur. desquelles les archéologues portugais croyaient
devoir se montrer réservés. Cependant, c'est
la province de Lunda qui est de loin la plus
V. LA PREHISTOIRE CONGOLAISE ET
intéressante du point de vue de la Préhistoire
LA PREHISTOIRE DES CONTREES de l'Angola et du Congo Belge. JANMART,
VOISINES.
ingénieur-géologue belge, au service de la
1. L'Afrique Equatoriale Française. Diamang, s'attacha à l'étude de la Préhistoire
de la Lunda. Il y signale la présence d'un
Le Paléolithique du Moyen-Congo Fran- Pseudo-Sangoan holocène et des traces de cul-
çais présente de fortes affinités avec celui du tures néolithiques. Pour le surplus, il a
Bas-Congo Belge. Un grand nombre de gîtes retrouvé toutes les industries connues du
ont fourni des pierres taillées de type san- bassin du Kasai et y a découvert les outils
goan banal ; les pièces lupembiennes s'y ren- d'une pebble-culture.
76 LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE

3. Rhodésie du Nord. y observe le style naturaliste et le style géo-


La Préhistoire y fut l'objet d'études fer- métrique. Les œuvres fortement stylisées sont
attribuées aux cultures Wilton.
tiles. Dès 1939, DESMONDCLARK put présen-
ter un tableau corrélatif donnant la subdivi- Au Pléistocène Moyen, l'Abbevillien,
sion de la Géologie du Quaternaire et le l'Acheuléen, le Sangoan, le Stillbay Magosien
se succédèrent. En Rhodésie du Nord,
l'Acheuléen semble donc avoir évolué comme
dans l'Est Africain.
Au Pléistocène Inférieur, on signale le Pré-
Abbevillien qui correspond au Kafuen et au
Kafilien du Katanga.

4. Le Territoire du Tanganyika et le Kenya.


La Préhistoire de ces deux contrées est
remarquable.
LEAKEYa étudié un matériel archéologique
important en corrélation avec des dépôts géo-
logiques quaternaires. En fait, les hypothèses

Peinture rupestre d'Elmasa (Tanganyika).


(D'après KOHL-LARSEN.)

relevé des industries préhistoriques propres


aux diverses périodes.
Il y a lieu de signaler, dans l'Holocène, la
présence de très nombreuses traces de la cul-
ture néolithique qui fut signalée au Katanga
sous la dénomination Culture du Zambèze-
Katanga. En Rhodésie du Nord. on rencontre

Peinture rupestre d'Elmasa (Tanganyika).


(D'après KOHL-LARSEN.)

de travail présentées par LEAKEYpour la sub-


division du Pléistocène de l'Est Africain ont
été adoptées pour l'étude du Pléistocène de la
plupart des contrées équatoriales africaines.
Il n'a pas été possible de faire de même pour
les complexes industriels et les entités paléo-
ethnologiques correspondantes établies par lui
pour le Territoire du Tanganyika et pour le
Kenya.
A l'Holocène, l'Age de la Pierre présente
des cultures néolithiques et des cultures pa-
léolithiques tardives. Les unes sont macro-
Peinture rupestre de la grotte aux Girafes lithiques, le Lupembien du Kenya (= Tum-
(Tanganyika). (D'après KOHL-LARSEN.) bien supérieur du Kenya, de LEAKEY et
OWEN, 1945) et microlithiques (Wilton C. du
les traces d'une culture à industrie microli- Kenya). Une culture spéciale est celle dite
thique, sorte de Wilton; cette culture laissa d'Elmenteita, caractérisée par une industrie
peu de traces au Katanga, où on la désigne à longues lames d'obsidienne.
sous le nom de Kasikien II. DESMONDCLARK Une chose remarquable au territoire du
(1948) parle d'une culture Proto-Smithfield. Tanganyika est la présence de nombreuses
le
En Rhodésie du Nord il y a des gravures peintures sur roche de style naturaliste;
trouées.
rupestres et de rares peintures sur roche. On pays abonde également en pierres
LA PRÉHISTOIRE AU CONGO BELGE 77

Au Pléistocène Supérieur fleurirent, côte 5. Uganda.


à côte, une culture à bifaces, l'Aurignacien La Préhistoire de l'Uganda fut étudiée par
de LEAKEY, que d'aucuns appellent Capsien O'BRIEN qui lui consacra, en 1939, une étude
du Kenya et deux cultures à éclats, le Still- très développée, dont voici un résumé.
bay et le Levalloisien évolué du Kenya, dont 1° A l'Holocène on rencontre, dans l'Uganda,
la première est le développement de la une culture à industrie macrolithique, en
seconde.
quartzite, de typologie atypique; elle pa-
Au Pléistocène Moyen, on rencontre au raît comparable à la Culture du Ruanda
Kenya et au Tanganyika plusieurs industries de LEBZELTER; à côté d'elle fleurit une
préhistoriques. La plus importante est de loin culture à industrie microlithique du genre
celle appelée Industrie de Chelles-Acheul. Wilton.
C'est une culture à gros coups-de-poing qui 2° O'BRIEN a divisé le Pléistocène de l'Ugan-
connut un long développement ; il y eut, en da en trois phases pluviales séparées par
outre, les Sangoan, Pseudo-Stillbay et des interpluvials secs. Durant la première
Fauresmith. phase, il y eut trois cultures différentes :
Les gîtes classiques pour l'étude de l'Acheu- une pebble-culture tardive; le Kafuen Su-
léen sont Oldoway, Kariandusi, Lewa, Kavi- périeur, une culture sur éclats appelée
rondo et Mombasa. Il n'y a pas de doute que Levallois et une culture à bifaces
les différentes phases de la culture de Chel- qu'O'BRIEN, suivant la nomenclature de
les-Acheul, qui nous sont connues par les l'époque, nomma Tumbien (MENGHIN1925).
vestiges de Nyarunazi (Urundi), sont les ex- La division la plus ancienne du Tumbien
tensions, vers l'occident dans le bassin de la peut s'appeler actuellement Sangoan, et
Kagera, des phases de la culture de Chelles- la division la plus jeune Lupembien.
Acheul qui ont fleuri à l'Est et au Sud du Au Pléistocène Moyen, O'BRIEN retrouve
Lac Victoria. Quant au Sangoan il est connu le Kafuen Moyen et une pebble-culture
de la province de Nyanza (Kenya). distincte, l'Oldowayen et enfin le Chelléo-
Enfin, au Pléistocène Inférieur, LEAKEY Acheuléen.
a découvert un cycle complet de cultures sur Au Pléistocène Inférieur, il signale les
galets taillés : Kafuen suivi de la Culture premiers stades du Kafuen et de l'Oldo-
d'Oldoway. wayen. Des industries du Pléistocène Su-
Le Territoire du Tanganyika et le Kenya périeur seul le Lupembien s'est rencontré
ont fourni aux anthropologues dans l'Urundi à Mugera; au Pléistocène
une riche
collection de crânes et de squelettes. J'en cite Supérieur l'Acheuléen s'est étendu dans
les principales. A l'Holocène ce sont : les le bassin supérieur de la Kagera
hommes néolithiques de Nakuru, Makalia et (Nyarunazi )
Willey's Kopje; aux cultures paléolithiques
tardives : les squelettes de Hoina, apparte- CONCLUSION.
nant au Wilton A. et l'homme de Browhead's
La Préhistoire du Congo Belge a réussi à
site (près Elmenteita) porteur de la culture
d'Elmenteita. jeter quelques lumières sur les cultures qui
se sont développées dans la grande cuvette
Au Pléistocène supérieur, c'est l'homme de centrale de l'Afrique avant que l'usage du
Gamble's Cave II (près d'Elmenteita), rap- fer n'y ait été connu.
porté au Capsien du Kenya. Du Pléistocène Le Paléolithique y connut une évolution
Moyen, on a l'homme de Kanjera (Chelles- très longue; il comporta un nombre de cul-
Acheul). Enfin LEAKEYa rapporté au Pléisto- tures variées, dont certaines ont perduré jus-
cène Inférieur la mâchoire de Homa (Pebble
que dans l'Holocène.
Culture) Le Néolithique ne fit qu'aborder les ré-
Certaines de ces découvertes ont donné gions limitrophes du bassin du Congo.
lieu à de vives discussions entre Le passage de l'Age de la Pierre à l'Age
anthropo-
logues. du Fer demeure inexpliqué.
Chapitre II

Africaines du Belge et
Les Populations Congo

du Ruanda- Urundi.
Les Africaines du
Populations

et du R uanda- u rundi
Congo Belge
Par G. VAN DER KERKEN
Professeur à la Faculté de Droit de l'Université de Gand
et à l'Institut Universitaire des Territoires d'Outre-Mer.

ous exposons, dans ce chapitre, Il y a environ un siècle, on ne connaissait


dans les grandes lignes, ce que pour ainsi dire rien des populations occu-
l'on connaît actuellement des pant les territoires constituant aujourd 'hui
Populations Africaines de l'Afrique Centrale et plus particulièrement
N l'Afrique Belge, en ce qui con- l'Afrique Belge.
cerne leurs Origines et leur Nos connaissances, à ce sujet, datent en
Histoire, leurs Visions, leurs Représentations général des cinquante dernières années.
et leurs Explications du Monde, leurs Insti- L'Afrique Belge compte une population
tutions familiales, sociales et politiques, leur africaine, estimée, sur base des recensements
Droit coutumier et leurs Institutions judi- (10.761.353 recensés au Congo Belge et
ciaires, leurs droits sur le Sol et sur les 3.718.545 au Ruanda-Urundi, le 31 décem-
Eaux, leur Economie, leur Culture Matérielle bre 1947) à près de 12.000.000 d'habitants
et leur Culture Intellectuelle. au Congo Belge et à près de 5.000.000 au
L'Afrique Belge comprend : Ruanda-Urundi, soit au total près de
1° Le Congo Belge, pays non-autonome dont 17.000.000 d'habitants, répandus sur un ter-
les Africains sont des sujets belges; ritoire aussi étendu approximativement que
2° Le Ruanda-Urundi, pays sous Trusteeship, cinq fois celui de la France, ou trois fois
dont les Africains sont des protégés belges celui de l'Allemagne, ou neuf fois celui de
et sur lequel la Belgique exerce la l'Italie ou dix fois celui de la Grande-
souveraineté. Bretagne.
82 LES POPULATIONS AFRICAINES

Il y avait, au Congo Belge, le 31 décem- gues, des anthropologues et des préhistoriens :


bre 1947, 44.408 Européens (hommes, femmes 1° Que l'Afrique, très vieux continent,
et enfants) dont 31.889 Belges, et 897 Asia- émergé depuis des temps très anciens, a été
tiques et au Ruanda-Urundi, à la même habitée, selon toutes les vraisemblances, il y
époque, 2.349 Européens et 2.300 Asiatiques. a peut-être un million d'années ou 1.500.000
années, vraisemblablement aux temps du
Paléolithique ancien, comme l'Asie et la
ORIGINES ET HISTOIRE Malaisie, par des Anthropiens (plus ou moins
analogues à l'Af ricanthrope de l'Afrique
1. ORIGINES ET GENESE DES RACES AFRI. Orientale, au Sinanthrope de Chine et au
CAINES. Pithécanthrope de Malaisie), puis, plus tard,
vraisemblablement aux temps du Paléolithi-
Selon divers anthropologues, les Homini-
que moyen, comme l'Europe, l'Asie et la
dés se subdivisent en :
Malaisie, par des Hominiens (plus ou moins
1° Anthropiens (Préhominiens, Paléohomi- analogues à l'Hominien de la Rhodésie du
niens ou Préhumains), auxquels on attribue Nord, à celui de l'Afrique Orientale et aux
les industries du Paléolithique ancien. divers Hominiens d'Europe, d'Asie Mineure
2° Hominiens (Protohumains), auxquels on et de Malaisie), les uns et les autres précur-
attribue les industries du Paléolithique seurs des Humains (Cromagnoïdes et leurs
moyen. successeurs), apparus ultérieurement en Afri-
3° Humains (Homo sapiens), auxquels on que, au temps du Paléolithique récent,
attribue les industries du Pàléolithique récent comme en Europe, en Asie et en Malaisie, et
et les industries ultérieures (celles du Mésoli- plus tard encore en Amérique et en Océanie.
thique, du Néolithique et des Ages des Jfé- Aucun vestige d'Anthropien ou d'Hominien
taux). n'ayant encore été découvert en Amérique
L'Homo sapiens comprend l'Homo diluvia- et en Océanie, on est généralement d'accord
lis ou fossilis (l'Homme du Pléistocène) et pour admettre que ces deux parties du
l'Homo cblluvialis ou recens (l'Homme de monde n'ont été habitées que par des
l'Holocène) Humains, venus d'ailleurs, à une époque
L'Homo diluvialis ou fossilis est l'homme correspondant au Paléolithique récent, au
du Paléolithique récent. Mésolithique ou au Néolithique de l'ancien
Les Anthropiens, les Hominiens et Y Homo continent ;
Sapiens (H omo fossilis ou Homo diluvialis) 2° Que les diverses industries du Paléoli-
ont vécu durant le Pléistocène (première épo- thique ancien, moyen et récent, celles du Mé-
que du Quaternaire). solithique et celles du Néolithique ont succédé
Le Pléistocène, selon certaines estimations, les unes aux autres, en Afrique, comme en
aurait eu une durée d'environ un million Europe et en Asie, présentant à peu près les
d'années. mêmes aspects et assez approximativement,
L'Homo alluvialis ou recens est l'homme de sur les mêmes terrains et aux mêmes épo-
l'Holocène (seconde époque du Quaternaire) ; ques;
du Mésolithique, du Néolithique, des Ages des 30 Que le travail de la pierre taillée ou
Métaux et des temps actuels. polie, de l'os, du bois, la céramique, l'indus-
Les débuts de l'Holocène, correspondant trie de l'or, celle du cuivre, le travail du
avec les débuts des temps mésolithiques et bronze et celui du fer, la fabrication des
l'apparition de l'Homo alluvialis ou recens, paniers, des nattes, des tissus, l'invention des
remonteraient, selon certaines estimations, à pièges, des nasses et des hameçons, de la
des périodes beaucoup plus récentes. lance, de l'arc et de la flèche, la domestica-
tion des animaux, la culture de la terre. sont
des innovations, dont les origines sont incon-
L'Afrique a été habitée par des Hominidés nues, apparues vraisemblablement, plus ou
à une époque reculée : d'abord par des An- moins simultanément, en Afrique, en Europe
thropiens, puis par des Hominiens et, enfin, et en Asie;
par des Humains. Le fait est établi de façon 4° Que l'Afrique a vécu, comme l'Europe et
indiscutable par les vestiges de leurs sque-
l'Asie, les races succédant aux races, les peu-
lettes. les
ples aux peuples, les sociétés aux sociétés,
cultures aux cultures et les langues aux
On sait, sur la base des études des géolo- langues;
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 83

5° Qu'en Afrique, comme en Europe et en Un crâne exhumé en Afrique Orientale


Asie, les peuples actuels sont les résultantes (Lac Eyasi) représente également un crâne
d'une très longue histoire et sont des « com- d'Hominien, rappelant les crânes des Néan-
plexes » constitués, des points de vue racique, dertaliens.
culturel et linguistique, par des éléments raci- On a découvert, à Rabat (Maroc), en 1934,
ques, culturels ou linguistiques aux origines un crâne ayant des affinités — a-t-on pré-
diverses, plus ou moins bien amalgamés; tendu — avec les crânes d'Hominiens,
6° Que notamment l'Afrique Centrale a (Néandertaliens)
été habitée, aux temps du Paléolithique Les Anthropiens semblent avoir été répan-
Ancien, Moyen et Récent, au Mésolithique et dus sur toute la surface de l'ancien monde
au Néolithique; (Afrique, Asie, Malaisie).
Des vestiges des Industries de ces diverses Au niveau des Anthropiens, tous les indivi-
époques — vestiges assez analogues à ceux dus n'étaient vraisemblablement pas sembla-
des Industries plus ou moins contemporaines bles, et ne constituaient vraisemblablement
des régions voisines — ont été découverts en pas, déjà à cette période lointaine, une seule
Afrique Belge; et même race.
7° Qu'en Afrique Centrale (notamment en La marge de variation des seuls Anthro-
Afrique Belge) des vestiges des Industries piens d'Asie (les Sinanthropes), qui sont les
du Fer apparaissent concurremment avec les
mieux connus, s'étendait de la forme anthro-
vestiges des Industries des derniers temps
pienne à la forme néandertalienne précoce.
néolithiques. De même que le Pithécanthrope ne s'avère
pas un Malais primitif, ni le Sinanthrope
On discute encore aujourd'hui les rapports un Mongolien primitif, l'Africanthrope ne
dans les Hominidés, entre les s'avère ni un Nègre primitif ni un Pygmoïde
existant,
Anthropiens, les Hominiens et les Humains. primitif.
La plupart des anthropologues, se basant Les Hominiens semblent avoir habité toute
sur les éléments actuellement réunis, estiment la surface de l'ancien monde (Europe, Afri-
qu'il y a un niveau d'Anthropiens, un niveau que, Asie).
d'Hominiens et un niveau d'Humains. Au niveau des Hominiens, comme au niveau
On ignore encore à quelle hauteur, dans des Anthropiens, tous les individus du monde
l'échelle des niveaux géologiques, les débuts n'étaient pas semblables. Il existait entre eux
de la lignée des Hominidés se situent. une certaine marge de variation, comme il en
On ne peut faire actuellement que des hy- existait une, antérieurement, entre les An-
pothèses au sujet des précurseurs des thropiens.
Anthropiens. (l) IJ' H ominien Africain n'est ni un Nègre pri-
mitif, ni un Pygmoïde primitif.
Les Hominiens semblent avoir évolué vers
L 'Africanthrope du lac Niarasa (Afrique Y Homo Sapiens, dans des temps relativement
Orientale), découvert en 1935 par KOHL- récents.
LARSEN, est un Anthropien, apparenté aux
L'époque et l'endroit de cette mutation
Pithécanthropes de Malaisie et aux Sinan- sont inconnus.
thropes de Chine. Cette mutation s'est peut-être produite,
L'Hominien de Broken Hill (Rhodésie du vers la fin des temps du Paléolithique moyen,
Nord), découvert en 1921, dans une mine, à à divers moments et en divers pays.
20 mètres sous la surface du sol, avec des On ne rencontre, pas plus en Afrique qu'en
fragments divers, est apparenté aux Néander- Europe ou en Agie, de vestiges d'Humains,
taliens d'Europe, d'Asie (crânes de Palestine) avant le niveau archéologique du Paléolithi-
et de Malaisie (crânes de Ngandong).
que récent.
Certains vestiges d'Humains, ayant été pré-
tendûment trouvés dans des niveaux archéo-
(1) Signalons qu'on a découvert en Afrique du Sud — notamment les osse-
des vestiges d'Australopithèques, dont les rapports vis- logiques plus anciens,
à-vis des Hominidés sont encore discutés. ments découverts par LEAKEYà Kanam et à
Selon des Savants Sud-Africains,les fouilles en cours Kanjera et par RECK à Oldoway, dans l'Est
révéleront, dans un proche avenir, l'histoire de l'évolu- Africain, — semblent, après vérifications, se
tion des précurseurs des Humains et des animaux, en
Afrique du Sud, au cours des trois derniers millions rapporter exclusivement, soit au niveau ar-
d'années. (Voir : Man, Vol. XUX, nov. 1949.) chéologique du Paléolithique récent, soit à des
84 LES POPULATIONS INDIGÈNES

niveaux archéologiques postérieurs (Mésoli- Afrique du Sud), des Nègres de haute taille
thique ou Néolithique). (peut être au Sahara, au Soudan et en Afri-
Tous les Humains du Paléolithique récent que Orientale), des Nègres de taille médiocre:
sont dolichocéphales, comme l'étaient égale- Nègres paléotropicaux ou Palénégrides
ment les Anthropiens du Paléolithique an- (peut-être dans les régions des hauts plateaux
cien et les Hominiens du Paléolithique moyen, avoisinant les Grands Lacs et dans les pays
tout le Paléolithique ayant ignoré les vrais de forêts comme ceux du Congo et du Golfe
brachycéphales. de Guinée), des Négroïdes à peau jaunâtre
Les premiers types humains, apparaissant (peut-être dans les régions désertiques du
au niveau archéologique du Paléolithique ré- Soudan et en certaines régions de l'Afrique
cent, en Europe, en Afrique (Afrique du Orientale), et, en même temps, des Pygmoï-
Nord, Afrique Orientale et Afrique du Sud) des, variétés issues des Nègres de taille infé-
et en Malaisie (crânes de Wadjak, à Java), rieure et des Négroïdes à peau jaunâtre ou
région jadis réunie à l'Asie du Sud-Est, sont de métis, nés des uns et des autres.
des Cromagnoïdes. Des Négroïdes à peau jaunâtre, des Nègres
Ils présentent déjà une assez grande marge de taille supérieure et de taille inférieure,
de variation : ils sont tantôt de grande sta- d'aspects divers, des Pygmoïdes et des Euro-
ture et tantôt de stature médiocre ; il existe poïdes — dont nous retrouvons aujourd'hui
déjà aussi une différenciation assez grande les types en maintes régions de l'Afrique,
entre les individus du point de vue du facies. types semblant y exister depuis longtemps -
Succédant à des races d' Anthropiens et à auraient abouti, petit à petit, à former des
des races d'Hominiens, il semble y avoir eu, groupes plus ou moins compacts, où leur type
assez tard, en Afrique, comme en Europe et aurait été assez nettement prédominant.
en Asie, des races d'Humains. Ces divers types humains se seraient for-
La marge de variation entre les Humains, més, en Afrique, à partir des types croma-
constatée au Paléolithique récent, grandit au gnoïdes, — apparus en Afrique, comme ail-
leurs — aux premiers temps du Paléolithique
Mésolithique, au Néolithique et aux époques Récent.
postérieures, vraisemblablement à la suite de
du nombre des individus et de Sur les bases de l'hypothèse précitée, le
l'augmentation
l'autodomestication. Congo Belge et les régions voisines auraient
Au Néolithique, les races africaines actuel- été habités, à une époque qu'il est difficile
les paraissent à peu près constituées. de fixer dans le temps (peut-être vers la fin
du Paléolithique récent, au Mésolithique ou
Si les hypothèses de VOlogenèse correspon- au Néolithique) — avant les invasions des
dent aux réalités, des types humains, aux Semi-Bantous, des Bantous, des Soudanais et
caractères non accentués, auraient été répan- des Nilotiques, — par des variétés de Négroï-
des à peau jaunâtre, de taille médiocre, éta-
dus, au Paléolithique récent, en diverses ré- dans les régions plus ou
blis probablement
gions de l'Afrique. moins désertiques ou les pays voisins, des
Certains types auraient été amenés à pré- variétés de Nègres de taille médiocre, Paléné-
dominer en certaines régions, sans en exclure
grides ou Nègres Paléo-tropicaux, établis pro-
cependant les autres types. bablement dans les régions de la grande forêt
Les caractères s'accentuant et se spéciali- et les pays voisins, et des variétés de Pyg-
sant, maintes régions auraient fini par pos- m,oïdes à peau jaunâtre ou à peau noire
séder une population où la très grande majo- (variétés issues de Négroïdes à peau jaunâtre
rité des individus auraient représenté un type précités et de Nègres de taille inférieure,
d'homme déterminé, avec cependant une cer- Palénégrides ou Nègres Paléotropicaux pré-
taine marge de variation, une minorité d'indi- cités, ayant abouti, à raison des circonstan-
vidus représentant néanmoins d'autres types ces, à constituer, en quelques régions, des
d'hommes. îlots de populations plus ou moins sembla-
On peut, sur la base des éléments actuelle- bles). i1)
ment recueillis, imaginer, à titre hypothéti-
que, qu'ainsi se seraient lentement élaborés (1) G. VANDERKERKEN : Le Mésolithiqueet le Néoii-
en Afrique, à partir de la fin du Paléolithi- thique dans le bassin de l'Uele, Bruxelles. Mémoire
de l'Institut Royal Col. Belge. 1942; L'Ethnie Mongo,
que, au Mésolithique et au Néolithique, divers Vol. I : Origines, Histoire, groupements et sous-grou-
types humains : des Europoïdes (peut-être en pements, deux tomes, Bruxelles (Mémoire de l'Institut
Afrique du Nord, en Afrique Orientale et en Royal Col. Belge. 1944.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 85

Il demeure incontestablement des vestiges de nombreux autres types, appartenant à des


anthropologiques de ces divers éléments raci- variétés ou à des sous-variétés ou dues à des
ques dans maintes régions du Congo Belge et variations individuelles ou au métissage.
du Ruanda-Urundi. Ils semblent y avoir Les variétés produites par les Négroïdes à
existé à une époque ancienne. peau jaunâtre, les Nègres de taille médiocre,
Des Négroïdes à peau jaunâtre, — carac- Palénégrides ou Nègres paléotropicaux et les
térisés souvent par un aspect triangulaire de Nègres de taille supérieure, ont vraisembla-
la face et la stéatopygie — semblent avoir blement constitué de nombreux types inter-
habité le bassin du Kwango, le Sud du Ka- médiaires.
tanga, le pays du lac Kivu et le Maniéma. De plus, les individus ont présenté jadis et
Des Nègres de taille inférieure, aux aspects présentent aujourd'hui, en Afrique comme
divers — caractérisés souvent par la platyrhi- dans les autres parties du monde, avec des
nie, la couleur foncée et un visage aux traits variantes et des différences dans les deux
brutaux et frustes — semblent avoir habité sexes, des aspects divers, résultant de leur
la grande forêt équatoriale et tropicale ainsi type constitutionnel : types leptosomes
que les massifs montagneux, jadis vraisem- (grands et minces), types eurysomes ou pyc-
blablement plus couverts de forêts qu'au- niques (courts et trapus) et types intermé-
jourd'hui, de la Frontière Orientale. diaires.
Des Pygmoïdes (à peau noire ou à peau Les enfants du même père et de la même
jaunâtre, ou encore à peau brunâtre, en cas mère, en Afrique Noire, même chez les Pyg-
de métissage), qu'il est souvent difficile de moïdes et les Pygmées, sont souvent assez dif-
distinguer des Négroïdes à peau jaunâtre ou férents, nonobstant le fait qu'ils appartien-
des Nègres de taille inférieure ou des métis nent à la race de leurs parents.
des uns et des autres, auraient occupé cer-
taines Le même phénomène peut s'observer chez
régions du pays, à une époque
ancienne. les petits des animaux domestiques et sau-
A des époques anciennes également, des vages.
Aussi est-il souvent fort difficile de déter-
Nègres de taille supérieure, aux aspects di- miner avec certitude, en Afrique Noire,
vers, venus vraisemblablement des pays de comme ailleurs, les causes des variations du
savanes, du Nord-Ouest, du Nord, du Nord-
Est ou de l'Est, ou de ces quatre directions, type, chez les individus d'un même groupe.
semblent avoir pénétré, au Congo Belge et au Il est souvent impossible de dire, en pré-
à maintes reprises, dans les sence de certains caractères, différenciant
Ruanda-Urundi,
pays occupés par les Négroïdes à peau jaunâ- quelques individus, dans une peuplade par
tre, les Nègres de taille médiocre, Palénégri- exemple, s'il s'agit en l'occurrence d'une
des ou Nègres paléotropicaux, et des groupe- plus ou moins grande accentuation ou spécia-
ments de Pygmoïdes (variétés issues des uns lisation des caractères hérités, de métissages
et des autres ou de métis, nés des uns et des lointains ou récents, de variétés ou de sous-
variétés locales, de variations individuelles,
autres).
de l'influence du type constitutionnel, etc.
Les Négroïdes à peau jaunâtre, les Nègres
de taille inférieure, Palénégrides ou Nègres
On ignore quand, comment et où la muta-
paléotropicaux et, en ordre principal, les
tion, c'est-à-dire la modification des gènes,
Nègres de taille supérieure, paraissent avoir
qui a produit le crâne nègre actuel, a eu lieu.
subi, à des époques assez anciennes, des in-
fluences d'Europoïdes. Le Nègre, sur la base du crâne nègre actuel,
existe en Afrique, aves certitude, au
Il est fort probable qu'à aucune époque,
aucune région en Afrique n'a été habitée par Néolithique. (l)
une population dont tous les individus repré-
sentaient un seul et même type, sans variétés, (1) Pour de nombreux anthropologues,dont WEINERT,
en dehors de tout autre type et de tout fait le Nègre appartenant à la ligne noire de r Humanité,
de métissage. n'existe qu'en Afrique. Là où il existe ailleurs (en Amé-
La tendance à la variation a vraisemblable- rique) il y a été importé. Les Australiens, les Papous,
les Mélanésiens et les Négritos sont rattachés par eux
ment toujours contrarié, en Afrique comme à la ligne moyenne de l'Humanité, comprenant aussi
ailleurs, la tendance à l'uniformité. les Européens, et non à la ligne noire. Les Papous, les
A côté du type représentant le mieux une Mélanésiens et les Négritos auraient acquis la peau
race déterminée, sur un plan idéal, existent foncée et le cheveu crépu, à la suite de phénomènes de
convergence.
86 LES POPULATIONS AFRICAINES

On peut, sur la base de l'ensemble des ren- Afrique, pour la première fois, sur le sque-
seignements actuels, supposer assez raisonna- lette, de façon certaine, au Paléolithique ré-
blement, qu'il s'y est constitué au Mésolithi- cent, et, en particulier, à VAurignacien.
que, ou, peut-être, vers la fin du Paléolithique De vrais caractères nègres, basés sur le
récent (l). squelette, apparaissent de façon certaine, en
Peut-être, les Nègres ont-ils apparu, à une maintes régions de l'Afrique, au Néolithique.
de ces époques, en diverses régions, présen- Peut-être, ont-ils apparu antérieurement vers
tant déjà une assez grande marge de varia- la fin du Paléolithique récent (avec les crânes
tion et possédant déjà un type de haute découverts par KOHL-LARSEN,dont l'attribu-
stature, un type de stature inférieure, un tion au Paléolithique récent doit encore être
négroïde à peau jaunâtre, et un type confirmée) ou au Mésolithique.
pygmoïde. Le Paléolithique n'ayant connu que des
On ignore également quand, comment et dolichocéphales, il est vraisemblable que les
où les mutations, qui ont produit la couleur mésaticéphales et les brachycéphales ont ap-
foncée de la peau et le cheveu crépu du paru, en Afrique comme ailleurs, aux temps
Nègre, se sont accomplies. mésolithiques et néolithiques.
On ne sait pas davantage, d'ailleurs, quelle Les types européens, les types nègres et les
était la couleur de la peau et quel était le types pygmées actuels semblent, en Afrique,
revêtement pileux ou le cheveu de l'Anthro- l'aboutissement de types europoïdes, négroï-
pien africain ou de l'Hominien africain. des et pygmoïdes antérieurs.
Le Cromagnoïde ou, plus tard, le Négroïde Les Pygmées (Pygmoïdes de très petite
a-t-il vu, en certaines régions, sa peau se fon- taille, rencontrés dans tous les groupements
cer et son cheveu devenir crépu, en même de Pygmoïdes) paraissent des variétés de
temps que son crâne prenait l'aspect du crâne Pygmoïdes, aux caractères accentués et spé-
nègre ? cialisés.
Ou le Cromagnoïde, et plus tard, le Né-
groïde, apparus dans les territoires de l'Afri- Rien ne permet de supposer que les Pyg-
que qui devaient devenir plus tard ceux de moïdes, les Pygmiformes, les Pygmées ou les
l'Afrique Noire, avaient-ils déjà hérité de Bochimans-Hottentots sont plus anciens en
leurs ancêtres hominiens et anthropiens, voire Afrique que les Europoïdes, les Négroïdes ou
même pré-anthropiens, la couleur foncée de les divers types de Nègres (Nègres de stature
la peau et le cheveu crépu, sans avoir encore inférieure, Palénégrides ou Nègres paléotro-
acquis le crâne nègre actuel? Nous n'en picaux, Nègres de taille supérieure).
savons rien.
Nous ignorons dans quelle mesure les
ou homi- L'humanité négroïde ou nègre primitive
formes antérieures, (anthropiennes
d'Afrique a vraisemblablement produit, à
niennes) ont pu exercer une influence sur les
diverses époques et en différentes régions, des
formes humaines.
On ignore enfin quand, comment et oit les variétés pygmoïdes. Elle a peut-être élaboré,
dans la forêt tropicale et équatoriale ou dans
mutations, qui ont produit les divers types
de Nègres (Nègres de haute stature, Nègres de la forêt des pays montagneux, divers types
stature médiocre, Nègres mésaticéphales, Nè- de Nègres de stature inférieure et divers
gres brachycéphales, Bochimanoïdes, Pygmoï- types de pygmoïdes; dans les savanes, divers
des et Pygmées), ont eu lieu. types de Nègres de taille supérieure, et dans
La marge de variation du type humain, les régions plus ou moins désertiques, divers
déjà assez grande au Paléolithique récent, types de Négroïdes à peau jaunâtre, dont les
s'étend considérablement au Mésolithique et types du Bochiman-Hottentot.
au Néolithique, tant au sujet du crâne et du
facies qu'au sujet de la stature. A des époques diverses, avant notre ère et
Les caractères négroïdes apparaissent en pendant notre ère, des Europoïdes, venus
d'Asie (éléments d'origine asiatique qui en
se mélangeant avec les populations indigènes
l1) Si l'attribution au Paléolithique récent de sque-
lettes de vrais Nègres, découverts par KOHL-LARSEN, ont constitué les Hamites; Sémites; Phéni-
dans la fosse d'effondrement de l'Est Africain, se ciens; Carthaginois; Arabes; Perses; Indous,
confirme, de vrais Nègres, variétés de Cromagnoides, etc.) et des Europoïdes venus d'Europe
représentants de l'Homo sapiens, auraient commencé à etc.) ont envahi
apparaître déjà au récent ou vers la fin (Grecs, Romains, Byzantins,
Paléolithique
du Paléolithique récent. l'Afrique du Nord ou l'Afrique Orientale.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 87

Des types aux caractères europoïdes exis- de l'Est, ayant eux-mêmes subi souvent direc-
taient, au Paléolithique récent, en Afrique du tement ou indirectement l'influence d'Euro-
Nord, en Afrique Orientale et en Afrique du poïdes (Europoïdes africains ou Europoïdes
Sud. venus d'Europe ou d'Asie).
On rencontre aujourd'hui, chez les popula-
tions du Soudan et de l'Afrique Orientale et
Les renseignements que nous possédons
Centrale, chez certains Nilotiques, certains
sur l'Afrique
Soudanais et certains Bantous, des individus aujourd'hui permettent d'ex-
à peau brune ou à peau noire, d'aspect né- poser, comme nous l'avons fait ci-dessus,
l'origine et la genèse des races africaines.
groïde, possédant des caractères europoïdes : De futures découvertes compléteront les ren-
aspect du visage, forme du nez, barbe abon-
dante. seignements déjà obtenus et donneront, sans
C'est vraisemblablement à ces Europoïdes, doute, la solution de nombreux problèmes,
non encore résolus aujourd'hui.
existant déjà au Paléolithique récent en Afri-
que ou y venus ultérieurement, qu'il faut II. ORIGINE ET GENESE DES LANGUES AFRI-
attribuer les caractères europoïdes des Nègres
CAINES.
ou Négroïdes actuels.
Les traits europoïdes, existant chez certains En Afrique, il existe, depuis plusieurs siè-
des Nègres actuels peuvent représenter, dans cles et vraisemblablement millé-
plusieurs
bien des cas, un héritage des temps révolus, naires, diverses familles de langues.
où ils n'étaient pas encore devenus les types On peut les classer, aujourd'hui, du Nord
spécialisés qu'ils sont aujourd'hui; dans au Sud, de la façon suivante :
d'autres cas, ils peuvent être la résultante 1. Langues hamitiques;
de métissages anciens ou récents. 2. Langues sémitiques;
3. Langues soudanaises (langues nigriti-
Les divers types précités — Négroïdes à ques, langues mandingues, langues du
Soudan central) ;
peau jaunâtre, Nègres de taille médiocre (Pa- 4. Langues nilotiques;
lénégrides ou Nègres paléotropicaux), variétés 5. Langues semi-bantoues
pygmoïdes issues des uns et des autres, Nègres (langues à clas-
ses, présentant en même temps cer-
de taille supérieure, Europoïdes d'origine tains aspects des langues soudanaises) ;
africaine ou y venus d'Europe ou d'Asie, — 6. Langues bantoues (langues à classes) ;
ont, au cours des millénaires, mélangé leurs 7. Langues bochimanes;
sangs, en maintes régions de la terre africaine. 8. Langues hottentotes.
Dans la population d'une même petite ré-
Dans la langue parlée, les sous-dialectes
gion, on distingue souvent aujourd'hui des existent seuls. Ceux-ci sont groupés en dia-
individus présentant des caractères rappe-
lant ces divers types, dans des proportions lectes, les dialectes sont groupés en langues
et ces dernières en des ensembles de langues
diverses, attestant soit la répétition de types apparentées. (1)
antérieurs, soit des métissages anciens ou
récents.
Les populations du Congo Belge et du Toutes ces langues — à l'exception des lan-
Ruanda-Urundi étaient, vraisemblablement, gues sémitiques, importées d'Asie — semblent
du point de vue anthropologique, des comple- s'être élaborées en Afrique.
xes, constitués par des éléments raciques dis-
parates, d'origines diverses, amalgamés et Ces langues sont parlées par des ensembles
ayant mélangé leurs sangs depuis des siècles, linguistiques plus ou moins importants,
avant la conquête de ces pays par les Semi- constitués généralement par des éléments dis-
Bantous, les Bantous, les Soudanais et les parates des points de vue anthropologique et
Nilotiques, envahisseurs relativement récents. culturel.
Ces derniers envahisseurs, bien que consti-
tuant eux-mêmes vraisemblablement aussi, à (1) Nous exposons comment se présente, en fait, en
l'époque où ils pénétrèrent au Congo Belge
Afrique Belge, la situation des sous-dialectes, des dia-
ou au Ruanda-Urundi, des « complexes » du lectes et des langues, compte tenu des renseignements
point de vue racique, étaient peut-être consti- ethnologiques et linguistiques, dans : G. VAN DER
tués en majorité par divers types de Nègres KERKEN: Le Swahili, langue de grande expansion
de taille supérieure, originaires du Nord ou (Bull. des Séances de l'Institut Royal Col. Belge XV,
1944, 2, pp. 234-267).
88 LES POPULATIONS INDIGÈNES

On ignore quand, où et comment ces grou- langues hamitiques ont pénétré, à une époque
pements linguistiques se sont constitués. assez récente, au Sud, dans les territoires oc-
Les groupements parlant des langues hami- cupés par certains Semi-Bantous (au Ca-
meroun, en Afrique
Equatoriale Fran-
çaise), soit par cer-
tains Bantous (au
Congo Belge et en
Afrique Orientale ).
La carte des aires
d'expansion actuelles
des langues en Afri-
que montre la situa-
tion occupée aujour-
d'hui en Afrique par
ces diverses langues.
Les Semi-Bantous,
tout au moins dans
la région du Came-
roun et de l'Afrique
Equatoriale Fran-
çaise, sont refoulés du
Nord au Sud, depuis
environ un millé-
naire.
Ils occupaient des
territoires en Angola
et au Congo Belge
depuis longtemps à
l'arrivée des Portu-
gais (XVe siècle), où
ils semblent avoir pé-
nétré en venant de
l'Ouest ou du Nord-
Ouest, de nombreux
siècles auparavant.
Les Bantous habi-
CARTE LINGUISTIQUE DE L'AFRIQUE
travaux de tent, depuis de nom-
(dressée sur la base des BAUMANN, BRUEL,BURSSENS, DELAFOSSr., breux
HOMBURGER, H. JOHNSTON, MEINHOF, STRUCK, WESTERMANN, etc.) siècles, les ter-
ritoires qu'ils occu-
1. Langues hamitiques; pent actuellement. En
2. Langues sémitiques;
3. Langues soudanaises: a) langues nigritiques, b) langues Mandé, c) langues du Afrique Orientale, ils
Soudan Central; s'étendaient déjà
4. Langues nilotiques; dans tout le pays,
5. Langues semi-bantoues et bantoues : a) langues semi-bantoues, b) langues jusqu'à Sofala, du
bantoues, c) langues semi-bantoues, influencées par des langues bantoues: temps de l'historien
6. Langues bochimanes;
7. Langues hottentotes; arabe Masudi (Xe siè-
8. Langues peules (semi-bantoues). cle de notre ère). Ils
se sont établis en Rho-
tiques et sémitiques, ont acquis, au cours des désie du Sud vers 800 et au Bechuanaland vers
derniers millénaires, de l'expansion au détri- 1300. Le royaume des Bakongo (Bantous)
ment de groupements parlant d'autres lan- était fondé depuis tout un temps à l'arrivée
gues (soudanaises, nilotiques, bantoues, semi- des Portugais, à la fin du XVe siècle, dans
bantoues) un territoire occupé antérieurement par des
Des groupements parlant des langues sou- Semi-Bantous (Ambundu).
danaises, des groupements parlant des langues Vu les ressemblances étroites existant en-
nilotiques et des groupements parlant des core aujourd'hui entre les diverses langues
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 89

bantoues, ressemblances analogues à celles à part, tantôt comme langues soudanaises


existant entre les langues latines, les langues d'un genre spécial (langues soudanaises à
germaniques ou les langues slaves, il semble classes), tantôt comme langues bantoues d'un
assez raisonnable d'admettre que l'expansion genre spécial (langues bantoues à caractères
des langues bantoues ne peut pas remonter soudanais), tantôt comme des langues spécia-
trop loin dans le passé. Si une très longue les (langues ouest-africaines). Les Peuls par-
période de temps s'était écoulée depuis cette lent, tout au moins actuellement, des langues
expansion jusqu'aujourd'hui, les diverses semi-bantoues.
langues bantoues seraient probablement plus
différenciées qu'elles ne le sont aujourd'hui. Les langues semi-bantoues du Congo Belge,
de l'Afrique Equatoriale Française et du
Les territoires des groupements Bochimans Cameroun, encore fort peu étudiées, semblent
et des groupements Hottentots se sont rétré- des langues ayant des caractères mi-souda-
cis, dans des temps assez récents, à la suite nais et mi-bantous, souvent fort influencées
des pressions exercées par les Bantous.. venus par des langues bantoues.
du Nord et de l'Est.
L'Institut Royal Colonial Belge a publié,
parmi ses Mémoires, deux études sur une des
Diverses hypothèses ont essayé d'élucider langues semi-bantoues, du Congo Belge, du
le problème de la formation et celui de l'ex- R. P. MERTENS: Grammaire de l'Idzing de
pansion de ces langues. Nous ne pouvons son- la Kamtsha (1938) ; Dictionnaire Idzing-
ger à les exposer ici. (M Français, suivi d'un Aide-Mémoire-Français-
Idzing (1939).

Le Congo Belge est habité exclusivement


par des Semi-Bantous (quelques centaines de La période de formation des langues proto-
milliers d'habitants), des Bantous (9.000.000 hamitiques, des langues proto-soudanaises. des
d'habitants environ), des Soudanais (3 mil- langues proto-nilotiques et des langues proto-
lions d'habitants environ) et des Nilotiques bantoues, — auxquelles succèdent des langues
(quelques dizaines de milliers d'habitants hamitiques, des langues soudanaises, des lan-
environ) gues nilotiques, des langues semi-bantoues et
Le Ruanda-Urundi est habité exclusive- des langues bantoues, — remonte probable-
ment par des Bantous (4.000.000 à 5.000.000 ment à une époque reculée de la Préhistoire
d'habitants). (Mésolithique ou Néolithique).
Le Congo Belge, envahi d'abord par des La période de formation des langues afri-
Semi-Bantous et des Bantous, fut envahi caines (hamitiques, soudanaises, nilotiques,
plus tard, dans les régions du Nord, par des bantoues, semi-bantoues) peut, avec vraisem-
Soudanais et, dans la région du Nord-Est, blance, se situer à une période aussi reculée
par des Nilotiques. que celle des langues indo-européennes (lan-
Le Ruanda-Urundi, occupé d'abord par gues aryennes) ou des langues asiatiques
des Bantous, semble avoir été envahi plus (langues asianiques, langues sémitiques, etc.).
tard par des Nilotiques, venus du Nord, Il n'est donc nullement hasardeux d'admet-
lesquels auraient rapidement oublié leur tre, avec divers linguistes africains, qu'il
langue et se seraient rapidement bantouisés, existe encore en Afrique des langues beau-
à l'exemple d'autres Nilotiques, ayant occu- coup plus anciennes que le sanscrit ou que le
pé des territoires bantous voisins (Bunyoro, grec, représentant ce qu'étaient les langues
Toro, Ankole). humaines à un stade antérieur, méritant toute
l'attention de ceux qui s'intéressent à l'His-
Les langues semi-bantoues, en partie sou- toire du langage et à la Linguistique générale.
danaises et en partie bantoues, sont classées
Certaines hypothèses situent le lieu de for-
mation du Proto-Bantou (d'où seraient déri-
vées ultérieurement les langues semi-bantoues
(1) Plusieurs de ces hypothèses sont examinéesdans: et les langues bantoues) entre le Lac Tchad,
G. VANDERKERKEN: L'Ethnie Mongo, Vol. I, (deux d'une
tomes) : Histoire, groupements et sous-groupements, part et la mer Rouge et l'Océan Indien,
Origines, Bruxelles (Mémoire de l'Institut Royal Colo- d'autre part, et l'époque de la formation du
nial Belge, 1944). Proto-Bantou aux temps néolithiques.
90 LES POPULATIONS AFRICAINES

Les langues semi-bantoues et les langues III. ORIGINES ET GENESE DES SOCIETES ET
bantoues, langues plus primitives sous divers DES CULTURES EN AFRIQUE BELGE.
aspects que les plus vieilles langues hamiti- Nous savons, en ce qui concerne les terri-
ques, ont pu s'élaborer, entre le Lac Tchad toires constituant aujourd'hui le Congo Belge
d'une part, et la mer Rouge et l'Océan In- et le Ruanda-Urundi
dans un (1) :
dien, d'autre part, les premières,
1° Que l'Afrique Belge, jouissant d'un cli-
pays situé à l'Ouest, les secondes, dans un
mat équatorial et tropical, plus ou moins
pays situé à l'Est, à des époques également
reculées, peut-être au temps où s'élaboraient, analogue au climat actuel, depuis la fin du
il y a plusieurs millénaires, les langues aryen- Tertiaire, mais ayant possédé durant la pre-
mière moitié du Quaternaire des forêts un
nes, asianiques, sémitiques, hamitiques ou sou-
danaises. peu plus étendues que celles d'aujourd'hui (2),
a été habitée aux temps paléolithiques anciens
Certaines hypothèses situent les périodes
(par des Anthropiens), moyens (par des Ho-
d'expansion des langues semi-bantoues, à par-
tir d'un pays situé au Nord-Ouest de l'Afri- miniens) et récents (par l'Homo sapiens ou
Homo fossilis); qu'elle l'a été, aux temps
que Belge et celles des langues bantoues, à
mésolithiques et aux temps néolithiques (par
partir d'un pays situé au Nord-Est de
l'Homo recens ou Homo alluvialis) ; qu'à
l'Afrique Belge, beaucoup plus tard, entre le
ces deux dernières époques (peut-être depuis
second ou le premier millénaire avant notre
quelques millénaires avant notre ère jusqu'au
ère, au plus tôt, et les derniers siècles de millénaire ayant précédé notre ère), les popu-
notre ère, au plus tard.
lations — tout en s'adonnant à la cueillette,
à la chasse et à la pêche — y pratiquaient
déjà l'agriculture.
En Afrique Belge, il existait, déjà avant la
— Si, jusqu'à ce jour il n'a pas encore été
conquête européenne, en dehors des sous- trouvé de vestiges d'Anthropiens, d'Homi-
dialectes et des dialectes de diverses langues niens ou d'Homo fossilis en Afrique Belge,
— des langues africaines de grande expansion,
on y a découvert, de façon certaine, des ves-
tendant à se substituer aux langues locales,
tiges des Industries du Paléolithique Ancien,
qui s'étaient répandues chez les populations Moyen et Récent, ce qui atteste l'existence
voisines, à la suite d'événements divers (voya- des auteurs de ces Industries;
ges, migrations, commerce, conquêtes) : le
2° Que vers la fin du Néolithique, au Congo
Ngbandi, VAzande, le Mangbetu, le Mongo,
Belge, apparaissent çà et là, à côté d'outils en
le Kiluba, le Kilunda, le Kikongo, etc.
Il n'y existe pas actuellement de langues pierre, des vestiges d'objets en fer;
littéraires intertribales. La situa- 3° Que l'Afrique Belge a été envahie, plus
africaines
tion linguistique de l'Afrique Belge rappelle tard (peut-être au cours du millénaire ayant
encore actuellement celle, existant en France, précédé notre ère), probablement, par des
Proto-Bantous hypothétiques des
avant l'expansion du « dialecte de l'Isle de (ancêtres
France », en Allemagne avant l'expansion Semi-Bantous et des Bantous), dont nous ne
du Haut Allemand et dans les autres pays savons rien, qui y ont peut-être introduit,
avant l'expansion des langues littéraires. dans certaines régions, l'industrie du fer, par-
mi des populations pratiquant encore des
Il y a au Congo Belge plusieurs linguae
francae (Kikongo, Bangala, Kituba-Kiluba, industries néolithiques;
Kiswahili) et au Ruanda-Urundi une Lingua 4° Que l'Afrique Belge a été envahie en-
franca (Kiswahili), existant à côté des langues suite par des Semi-Bantous à succession ma-
locales, pour faciliter les rapports avec les trilinéale, originaires de l'Ouest ou du Nord-
étrangers et les voyageurs (commerçants, fonc- Ouest (probablement un peu avant notre ère
tionnaires, militaires, etc.), résultant, avant ou à partir des premiers siècles de notre ère)
l'arrivée des Européens, de phénomènes poli- et par des Bantous à succession patrilinéale
du Nord-Est un
tiques et économiques. La Lingua franca la originaires (probablement
plus répandue est le Kiswahili. Elle est par- peu avant notre ère ou à partir des premiers
lée au Congo Belge dans trois provinces sur siècles de notre ère) ;
six et au Ruanda-Urundi. (1)
(1) G. VANDERKERKEN: La Politique Coloniale
(1) Voir : G. VANDERKERKEN: Le Swahili, langue Belge.ROBERT Anvers, Edit. Zaïre, Van Dieren, 1943.
de grande expansion. (Bullet. des séances de l'Inst. (2) M. : Le Congo Physique.Bruxelles,
1942.
Royal Colonial Belge, XV, 1944, 2, pp. 234 à 267.) Hayez,
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 91

5° Que l'Afrique Belge a été envahie enfin,


à une époque plus récente (XVIe, XVIIe,
XVIIIe et XIXe siècles), par des Soudanais
et des Nilotiques, à succession patrilinéale,
venus les premiers du Nord et les seconds du
Nord-Est.

SEMI-BANTOUS.
Huttes des Bateke. — Bananiers à l'arrière-plan.
j PhotoMusée du Congo Belge.)

Ces diverses vagues d'envahisseurs se sont


refoulées les unes les autres, les derniers
venus exterminant ou assujettissant, en les
absorbant et en les acculturant, les premiers

SEMI-BANTOUS.
Artisan des Badia travaillant le bois.
(Photo Musée du Congo Belge)

Ces derniers envahisseurs (Semi-Bantous,


Bantous, Soudanais et Nilotiques) possédaient
vraisemblablement les uns et les autres, à
l'époque où ils ont envahi l'Afrique Belge,
une industrie du fer et pénétraient dans un
pays possédant déjà, en général, des indus-
tries du fer rudimentaires.
Ils ont conquis tout le pays, y détruisant,
y assujettissant et y absorbant les anciennes
populations, dont ils subirent cependant, dans
une certaine mesure, les influences dans
l'ordre anthropologique, culturel et linguis-
tique.
Il y eut diverses vagues de Semi-Bantous, SEMI-BANTOUS
Notable des Basakata.
de Bantous, de Soudanais et de Nilotiques. (Photo Musée du CongoBelge.)
92 LES POPULATIONS AFRICAINES

arrivés et les populations que ceux-ci avaient Les cultures, en rapports étroits avec les
déjà asservies, absorbées et acculturées. sociétés, dont elles expriment en quelque
Les Soudanais et les Nilotiques, en envahis- sorte les conceptions et les sentiments, ainsi
sant le pays occupé par des Bantous, y ont que les « Valeurs Sociales », (résultantes
été la cause de nouvelles migrations. complexes et évoluées de l'histoire et du
Les Bantous ont envahi, dans les derniers milieu économique, social et psychologique),
ont vécu tout comme les sociétés, sous l'in-
siècles, tout au moins, le pays occupé par des
Semi-Bantous. fluence d'un dynamisme interne, qui retra-
vailla sans cesse les apports du passé, en les
transformant, en les adaptant et en les
complétant.
Les cultures sont constituées non seule-
ment par des éléments explicites (rites, insti-
tutions, industries), mais encore par des élé-
ments implicites (conceptions, sentiments, re-
présentations et explications du monde, ma-
nières d'agir et de réagir, orientations de
l'esprit et du cœur, « Valeurs Sociales »).

Il est fort difficile de déterminer les cul-


tures africaines, dans l'espace, sous l'aspect
d' « aires culturelles » ou de « cycles cul-
turels ».
De nombreuses cultures se ressemblent à

SEMI-BANTOUS.
Femmes et enfant des Badia.
(Photo Musée du Congo Belge)

Les peuples actuels de l'Afrique Belge —


comme ceux de l'Afrique Noire tout entière, —
leurs caractères physiques, leurs visions, leurs
représentations et leurs explications du
monde, leurs cultures et leurs langues parais-
sent, aujourd'hui, l'aboutissement d'une lon-
gue histoire, aussi longue que celle des peu-
ples d'Europe ou d'Asie.
Les sociétés, les cultures et les langues afri-
caines d'aujourd'hui sont les résultantes
d'influences nombreuses et multiples, qui se
sont fait sentir au cours des siècles, au cours
d'une histoire extraordinairement complexe :
influences dues au milieu; actions et réac-
tions des individus, au sein des sociétés; con-
tacts avec l'extérieur; migrations; guerres;
conquêtes; assujettissements, etc.
Les sociétés, les cultures et les langues se
sont influencées au cours d'une histoire, lon- SEMI-BANTOUS.
gue et compliquée, dont nous connaissons peu Femme des Bobai portant un panier.
de choses. (Photo Musée du Congo Belge.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 93

certains points de vue, mais diffèrent pro- Ecoles historico-culturelles, dont notamment
fondément à d'autres points de vue. la Sous-Ecole de Modling (en Autriche), pour
Il est souvent impossible d'établir si les laquelle la culture primordiale en Afrique
cultures est une culture pygmée, culture antérieure,
analogies existant entre plusieurs
sont dues à un phénomène de convergence ou
à un phénomène de diffusion.
Il est encore plus difficile de situer les
cultures dans le temps, à défaut de données
archéologiques ou historiques certaines. Au-
cune culture, — même la plus rudimentaire
— n'est restée immobile. Des gens vivant de
la cueillette, sous l'influence des circonstan-
ces, sont devenus, à des époques récentes,
cultivateurs ou pasteurs. D'autres gens, vi-
vant de l'élevage du gros bétail, sont devenus,
à des époques récentes, cultivateurs ou
récolteurs.
La culture de chaque société — résultante
évoluée de très nombreux facteurs — est en
quelque sorte une culture unique.

Il est assez vain et assez puéril d'essayer de


reconstruire l'histoire de l'humanité, en Afri-
que Belge — comme d'ailleurs dans l'ensem-
ble de l'Afrique Noire — sur la base des
séries évolutives de l'ancienne Ecole Evolu-
tionniste ou des cycles culturels des diverses

SEMI-BANTOUS.
Femme des Bobai (Libo), portant son enfant,
fortement ekondaïsée, devant sa hutte.
(Photo administrateur territorial de Kutu.)

pour certains auteurs, aux cultures du Pa-


léolithique le plus ancien, y compris celles
des Anthropiens (Sinanthropes, etc.).
Les conclusions de la Sous-Ecole de Mod-
ling se fondent sur des postulats, formulés
sur la base de présuppositions considérées, à
priori, comme évidentes et nécessaires.
Nous ignorons actuellement de trop nom-
breux éléments pour pouvoir entreprendre
aujourd 'hui cette reconstruction du passé,
avec quelque chance de succès.
Les synthèses, édifiées au sujet de l'histoire
de l'Afrique Noire, par quelques ethnolo-
gues (ANKERMANN, FROBENIUS, KOPPERS et
W. SCHMIDT,MONTANDON, etc.), sur la base de
SEMI-BANTOUS. matériaux tout à fait insuffisants, forcément
Notable des Bobai.
(Photo Musée du Congo Belge.) hâtives et prématurées, ne correspondent nul-
94 LES POPULATIONS AFRICAINES

lement aux réalités et s'inspirent plus des ignorons, en l'absence de vestiges de leurs
vues de l'imagination que des faits eux- squelettes, leurs types anthropologiques (nous
mêmes. (l) ne pouvons faire à ce sujet que des
hypo-
Nous connaissons peu de chose des sociétés thèses sur la base des découvertes faites dans
les pays voisins) et maints aspects de leurs
cultures (visions, représentations et explica-
tions du monde; pratiques religieuses et ma-
giques; mode de succession ; aspects de
l'union des sexes, de l'union libre et du
mariage; organisation familiale, sociale, poli-
tique et économique, etc.) Nous ne connais-
sons absolument rien de leurs langues.
Il est probable cependant, qu'après leur
absorption dans les cadres des envahisseurs,
leurs types anthropologiques, divers éléments
de leurs cultures et divers éléments de leurs
langues n'ont pas disparu totalement et qu'ils
ont exercé une certaine influence sur les types
anthropologiques, les cultures et les langues
des « complexes », constitués dans l'ordre
anthropologique, culturel et linguistique, par
le mélange des assujettis et des conquérants.

T.l'A!rÙ¡ue Belge a été envahie, comme nous


l'avons exposé sommairement ci-dessus, sur la
base d'éléments concordants, d'ordres archéo-
logique, anthropologique, culturel, linguisti-
que et historique (traditions africaines),
peut-être par des Proto-Bantous (ancêtres
hypothétiques des Semi-Bantous et des 'Ban-
tous), supposés avoir pénétré en Afrique
SEMI-BANTOUS.
Hommedes Ambundu.
(Photo Musée du Congo Belge.)

et des cultures de la Préhistoire de l'Afrique


Belge, mais ce que nous en savons démontre,
sur la base des documents archéologiques :
1° que ce pays était occupé aux temps paléo-
lithiques; 2° que ce pays était occupé, aux
temps mésolithiques et néolithiques (période
supposée s'étendre de quelques millénaires à
quelques siècles avant notre ère) , par des
populations plus ou moins sédentaires, vivant
non seulement de la cueillette, de la chasse
et de la pêèhe, mais encore de l'agriculture.
Si nous possédons des vestiges archéologi-
ques des industries de ces anciennes popula- SEMI-BANTOUS.
tions, découverts en certaines régions, nous Chasseurs des Balori.
(Photo Delaere, d'après Mertens.)
(1) Bornons nous à citer : G. VANDERKERKEN:
Enkele Beschouwingenin verband met de studie der Belge durant le millénaire précédant notre
Inlandsche Volkeren van Belgisch Afrika. (Kongo-Over- ère; puis, sans doute, d'abord à partir peut-
zee, 1 à V, 1934à 1939.) être de quelques siècles avant notre ère ou
P. RADIN : The Method and Theory of Ethnology. des premiers siècles de notre ère, par des
New-Yorkand London, Me. Graw Hill Book Company,
1933. Semi-Bantous et des Bantous, envahisseurs
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 95

- anciens; puis, plus tard, par des Soudanais les Basakata, les Bobai, les Bayanzi, les
et des Nilotiques, envahisseurs récents. Badinga (dont les Badzing), les Balori, les
Ces envahisseurs ont détruit, refoulé ou Bangoli, les Ambundu (Bambunda), les Bam-
assujetti et absorbé les anciennes- populations. bala, les Bangongo, etc.

Dans la région occidentale de l'Afrique


Belge, les Semi-Bantous semblent avoir été
les envahisseurs connus les plus anciens. Peut-
être y avaient-ils pénétré un peu avant notre
ère ou dès les premiers siècles de notre ère.
Ils auraient occupé une vaste région dans
les districts actuels du Bas-Congo, du Lac
Léopold II, du Kwango, du Kasai et du
Sankuru et, peut-être, se sont-ils étendus
jadis plus au Nord (district de la Tshuapa),
plus à l'Est et plus au Sud (districts du
Katanga et district du Maniéma).
Ils semblent avoir été en très grande partie
assujettis et absorbés par les Bantous, venus
ultérieurement, dans ces territoires, en con-
quérants, d'abord de l'Est, (Bakongo, Aluun-
da, Basonge), puis du Nord (Mongo) et enfin
du Sud (Tutshiokwe).
On ne connaît assez bien que les migrations
des derniers envahisseurs Semi-Bantous. Les
SEMI-BANTOUS.
dernières invasions semi-bantoues semblent
Notable des Badinga devant sa hutte (hutte sur pilotist.
avoir été précédées par des invasions semi-
(Photo Musée du Congo Belge.)
bantoues antérieures, dont nous savons peu de
chose.
Les Bamfumungu (Bamfungunu ou Bamfu-
nuka ou Bamfumu) semblent des Bateke, mé-
langés de Bakongo et d'Aluunda (ces der-
niers, Bantous), dont ils ont subi l'influence.
Les invasions de Semi-Bantous, venus en
conquérants, avaient abouti, avant l'arrivét
des Européens, en Afrique, à la constitution

SEMI-BANTOUS.
Bambaladu Kasai devant leurs huttes.
(Photo Musée du Congo Belge.)

Certaines populations semi-bantoues, plus


ou moins influencées par les Bantous, leurs
voisins, subsistent encore aujourd'hui dans
les districts du Bas-Congo, du Lac Léopold II, SEMI-BANTOUS.
du Kwango et du Kasai : les Bateke; les Huttes sur pilotis des Badinga (Badzing).
Bahumbu (Bawumbu) les Baboma, les Badia, (PhotoDelaere.)
96 LES POPULATIONS AFRICAINES

des seigneuries ou petits royaumes des Ba. l'Empire des Aluunda) (x), Mongo (Mongo au
boma, des Badia, des Basakata, etc. sens restreint, Mongo au sens étendu et Mongo
Le petit royaume des Baboma possède un( du groupe Batetela) (2), Ngombe-Ndoko-Ma-
binza - Budja - Mobango - Bombesa; Bobati-
aristocratie d'origine Ngeli, depuis au moins
Boyew - Bobua - Bodongola; Mabodo-Baniari;
Walengola-Bakumu-Babira; Mituku-Warega-
Babembe-Bavira; éléments originaires du Lac
Albert ayant constitué les Banande, les Ba-
hunde, les Bahavu et les Bashi (3); éléments
wanyamwezi (Bayeke), venus du pays du Lac
Victoria-Nyanza, etc. (1)
Ces dernières invasions bantoues ont été
précédées par des invasions bantoues anté-
rieures dont nous savons peu de chose.

BANTOUS.
Notable des Bakongo.
(Photo Musée du Congo Belge

300 ans et le nom de son roi, le Ngeli-Boma,


servait déjà à désigner les Baboma, comme le
signale DAPPER, dans son ouvrage, publié à
Amsterdam, en 1676, à une époque ancienne.
BANTOUS.
L'aristocratie des Ngeli y avait été précé-
Femme des Mayombe, montrant les tatouages du dos.
dée par une aristocratie plus ancienne, celle (Photo Musée du Congo Belge.)
des Nkumu, ayant conquis et assujetti le pays
à une époque antérieure.
La carte retrace les grandes lignes des mi- (1) E. VERHULPEN : Baluba et Balubaïsés du Katanga.
grations des Semi-Bantous, sur la base des Anvers, Avenir Belge, 1936; G. VANDERKERKEN:
traditions Les Sociétés Bantoues du Congo Belge et les Problèmes
indigènes. Politique .IL
de ¡la,u.,.1<0.1"
Ut;; Indigène,
.-"0" --
Bruxelles, -
-7 Bruylant,1 1920. -
Les Bantous semblent avoir tous pénétré, (2) G. VANDERKERKEN : L'Ethnie Mongc, Vol. I,
en Afrique Belge, en venant du Nord-Est (Mémoire de l'Institut Royal Col. Belge, Bruxelles,
1944.)
(pour le Congo Belge), du Nord ou du Nord- T.P.!'\Monso -- se divisent en
--- -:
Est ou de l'Est (pour le Ruanda-Urundi). a)) Mongoau sens restreint (Mongo, Mundji, Ntomba,
On ne connaît assez bien au Congo Belge Yamongo, Nkundu, Mbole, Ekota, Bosaka, Ekonda,
que les migrations des derniers envahisseurs Bakutshu. Boshongo). - -.. -1
b) Mongoau sens étendu (Mongandu, Lalia, Yasaya-
bantous : Bakongo, Aluunda, Basonge (les ma. Bakela. Bovela, Bakutu-Ntomba).
fondateurs du Premier Empire des Baluba), c) Mongo du groupe batetela (Wankutshu, Basongo-
Babui-Bakunda-Balumbu-Bakalanga, parfois Meno, Bahamba, Batetela, Bakusu).- - 7 T'
(3) A. MOELLER DE LADDERSOUS : Les Grandes Lignes
désignés sous le nom de « Baluba-Hemba » ou des Migrations des Bantous, dans la Province Orientale.
de « Balubaïsés » (les fondateurs du Second (Mémoire de l'Institut Royal Col. Belge, Bruxelles,
Empire des Baluba et en quelque sorte de 1936.)
SEMI-BANTOUS. — 1 = Hommes, femme et enfants des Baboma; 2 = Notables des Bamfumungu; 3 = Fem-
mes des Bamfumungu.Les Bamfumungu, semi-bantous, ont subi des influences des Bakongo et des Aluunda; 4 =
Hommedes Bateke; 5 = Femme des Basakata; 6 = Notable des Bobai.
(Photos Musée du Congo Belge.)
BANTOUS. — 1 = Jeunes femmes des Boyela: 2 = Jeunes femmesdes Bongombe(Bongongombe)de la Lomela;
3 = Femmes, fillette et enfant des Bakutu de la Lomela; 4. = Femmes des Wankutshu; 5 = Femme des Ekonda.
6 = Jeunes femmes des Ntomba. (Photos Musée du Congo Belge et Institut Universitairedes Territoires d Outre-Mer.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 97

Les envahisseurs bantous antérieurs avaient songe), semble avoir été le groupe des Babui-
vraisemblablement constitué, avec les ancien- Bakunda-Balumbu-Bakalanga (installé à une
nes populations habitant le pays et d'éven- époque dans la région du district du Ma-
tuels premiers envahisseurs semi-bantous, des niéma) dont de nombreux éléments sont ori-

complexes, où s'affirmaient des influences ginaires de l'ouest et qui a souvent conservé


anthropologiques, culturelles ou linguistiques jusqu'à ce jour une succession matrilinéale,
diverses. bien que parlant aujourd'hui une langue
Un exemple de semblable complexe, ulté- bantoue voisine de celle des Basonge, popula-
rieurement influencé par les derniers enva- tion à succession patrilinéale.
hisseurs bantous, semble être celui du groupe Certains de ces derniers envahisseurs ban-
Bagengéle-Wasongola-Wazimba du district tous ont absorbé des éléments semi-bantous,
du Maniéma. trouvés sur place; d'autres, des éléments ban-
Un autre exemple de semblable complexe, tous, y ayant émigré antérieurement. Ces
ultérieurement influencé par des envahisseurs vêtements semi-bantous et ces premiers élé-
---. - ,. -,
bantous (probablement apparentés aux Bai ments bantous avaient absorbé antérieure-

4
98 LES POPULATIONS AFRICAINES

celle des empires des Baluba, des Aluunda et


des Bayeke.
Le Royaume du Congo, créé par des
Bakongo (Bantous), venus de l'Est, du bassin
du Kwango, dans un pays occupé par
des Ambundu (Semi-Bantous), existait au
XVe siècle..
Le Premier Empire des Baluba, fondé par
des Basonge (dont le chef était Kongolo),
venus du Maniéma, au sein d'anciennes popu-
lations, existait vers la fin du XVe siècle (1).
Le Second Empire des Baluba, fondé par
des Bakunda (dont le chef était Ilunga Mbili),
venus aussi du Maniéma, fut constitué au

BANTOUS.
Guerrier des Aluunda.
(Photo Musée du Congo Belge.)

ment les anciennes populations du pays et les


avaient déjà sans doute semi-bantouïsées et
bantouïsées.
Les invasions des Bantous avaient abouti,
avant l'arrivée des Européens, à la constitu-
tion des royaumes des Bakongo, des Bakuba,
des Bashi, des Bahunde, des Bahavu, et à

BANTOUS.
Le Roi des Aluunda.
IPhoto Musée du Congo Belge.)
BANTOUS.
Maison du Conseil dans un village des Tutshiokwe. (1) VERHULPEN, E. : Baluba et Balubaïsés du Ka-
(Photo Musée du Congo Belge.) tanga, Anvers, Avenir Belge, 1936.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 99

cours de la seconde moitié du XVIe siècle, Orientale, était en voie de constitution dans
après la destruction du Premier Empire (1). la seconde moitié du XIXe siècle.
L'Empire des Aluunda, fondé par un Au Ruanda-Urundi et dans les pays voi-

prince (Tshibinda-Ilunga, ayant épousé la sins, les traditions africaines exposent les in-
Lueji, princesse des Aluunda), issu de la vasions des derniers Bantous, venus du Nord
dynastie des Bakunda, se constitua au cours ou de l'Est, avant l'arrivée des derniers con-
de la première moitié du XVIIe siècle. (l) quérants, les Watutsi, probablement d'origine
L'Empire des Bayeke, organisé dans le Sud nilotique : ce sont celles des Abungura, des
du Katanga par des trafiquants wanyamwezi Abagara, des Abasinga-Abarengë-Abakonde et
(dont le chef était Mushidi, plus connu sous des Abadjigaba.
le nom de « Msiri »), venus de l'Afrique
Ces invasions avaient abouti à établir au
(1) VERHULPEN, E. : Baluba et Balubaisés du Ka- Ruanda-Urundi, avant l'arrivée des Watutsi,
tanga, Anvers, Avenir Belge, 1936. d'abord une domination des Abasinga-Aba-
100 LES POPULATIONS AFRICAINES

renge-Abakonde et puis, plus tard, un


royaume des Abadjigaba.
La carte retrace les grandes lignes des mi-
grations des Bantous, sur la base des tradi-
tions africaines, tant au Congo Belge qu'au
Ruanda-Urundi.

Les Soudanais sont des envahisseurs assez


récents, ayant pénétré dans les districts du
Nord du Congo Belge (districts du Congo-
Ubangi, de l'Uele, du Kibali-Ituri et de Stan-
leyville) en y exterminant, y refoulant, y
assujettissant et y absorbant les Bantous.
Citons parmi eux, de gauche à droite de la
carte : les Banda, les Gbaya (Ngbwaka), les
Angbandi, les Abandia et les Avongara (les
deux dynasties régnant sur les Azande), les
Abarambo, les Amadi, les Bangba-Mayogo-
Mundu, les Mangbetu CMabisanga, Medje,
Makere, Malele, Popoi, Balumbi, Babeyru,
Bamanga et sultanats Mangbetu et Mats-
haga), les Mamvu-Walese-Momboto, les Logo
et les Avokaya, les Lugbara, les Walendu, etc.
Les invasions de Soudanais avaient abouti,
avant l'arrivée des Européens, à la constitu-
tion des sultanats abnndia, avongara, mang-
BANTOUS. betu et ntatshaga.
Jeune homme des Tutshiokwe du Kasai.
(Photo Musée du Congo Belge.) Les sultanats avongara, fondés par des con-
quérants soudanais d'origine inconnue dans
un pays habité par des Soudanais et des
Bantous, et les sultanats abandia, fondés par
des conquérants angbandi dans un pays ha-
bité par des Soudanais et des Bantous, aux
dépens des sultanats avongara, ont été consti-
tués au cours du XVIIe et du XVIIIe siècles.
Les sultanats mangbetu, fondés par des
Mangbetu dans un pays habité par des Sou-
danais et des Bantous, ont été constitués au
cours du XVIIIe et du XIXe siècles. Les sul-
tanats matshaga ont été érigés par des
Abarambo mangbétouïsés (jadis au service du
royaume mangbetu), aux dépens des sultanats
mangbetu, au XIXp siècle. I1)
La carte retrace les grandes lignes des mi-
grations des Soudanais, sur la base des tra-
ditions indigènes.
Ils ont refoulé vers le Sud notamment les
gens d'eau, les N gombe-Ndoko-Mabinza-Bud-
ja-Mobango-Bombesa, les Bobati-Boyew-Bo-

(1) G. VANDERKERKEN: Notes sur les Mangbetu.


BANTOUS. Anvers, Veritas, 1932; VANDENPLAS: Introduction
Notables des Basonge. historique, dans LAGAE: La Langue des Azande,
(Photo Musée du Congo Belge.) Bruxelles.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 101

bua-Bodongola et les Mabodo-Baniari. Ceux- (langue bantoue) et les Watutsi,. parents des
ci, à leur tour, ont refoulé vers le Sud, Bahema, parlant aujourd'hui le Kinva-
l'Ouest et le Sud-Ouest, d'autres Bantous. Ruanda, langue bantoue, sont probablement
d'origine nilotique.

Légende. — S = Soudanais; N = Nilotiques; N? = D'origine nilotique probable.

Les Nilotiques sont des envahisseurs ré- Les invasions des Nilotiques avaient abouti,
cents, ayant pénétré au Congo Belge (dis- avant l'arrivée des Européens, au Ruanda-
trict du Kibali-Ituri), dans l'Uganda (Bu- Urundi, à la constitution des royaumes du
nyoro, Toro, Ankole) et au Ruanda-Urundi. Ruanda et de l'Urundi et, au Congo Belge, à
Citons parmi eux, au Congo Belge, les celle des petits royaumes alur.
Alur (parlant un dialecte Shilluk et apparen- Elles devaient aboutir, dans l'Uganda, à la
tés aux Shilluk) et les Kakwa-Fatshulu. constitution des royaumes de VAnkole. du
Les Bakema du Congo Belge, parlant du Toro et du Bunyoro.
Nord au Sud, d'abord, la langue des Alur Peut-être, ces dernières invasions nilotiques
(langue nilotique), puis celle des Walendu avaient-elles été précédées par des invasions
(langue soudanaise), puis celle des Banande nilotiques antérieures, ayant pénétré en pays
102 LES POPULATIONS AFRICAINES

d'origine Yembe, sous-groupe des Ekonda)


ont perdu leur langue, en pénétrant chez les
Semi-Bantous (les Badia) et des Soudanais
(Abandia, sous-groupe des Angbandi) en
pénétrant chez d'autres Soudanais (chez les
Azande des sultanats Avongara), des Niloti-
ques semblent avoir perdu leur langue en
pénétrant chez des Soudanais et des Bantous.
La carte ethnographique indique, parmi les
diverses populations du Congo Belge, les
Semi-Bantous, les Bantous, les Soudanais et
les Nilotiques.
BANTOUS.
Notable basonge et ses femmes. Au Ruanda-U rundi, toute la population,
(Photo Musée du Congo Belge.1 estimée à 5.000.000 environ, est bantoue. Elle
parle, au Ruanda, le Kinya-Ruanda et, dans
soudanais ou bantou, dont nous ne savons
l'Urundi, le Kirundi.
pour ainsi dire rien. Ces deux langues, divisées en sous-dialectes
Les Lugbara et les Logo-Avokaya, parlant et en dialectes, sont assez rapprochées.
des langues soudanaises, semblent avoir été
Si les conquérants watutsi, probablement
influencés par des éléments nilotiques.
De même que des Bantous (les Madjala, d'origine nilotique, (peut-être d'origine Shil-
luk), ont parlé jadis une langue nilotique, ils
parlent depuis longtemps le Kinya-Ruanda et
ignorent actuellement toute autre langue.

BANTOUS.
Le chef Pania Mutombo des Basonge,
entouré de ses gens.
(Photo Musée du Congo Belge.)

Rien ne permet de supposer que les Watutsi


seraient d'origine hamitique et qu'ils au-
raient jadis parlé une langue hamitique,
comme on le suppose parfois.
Les Banya-Ruanda (comprenant les Ba-
bantoues du
hutu, anciennes populations
et les
pays, les Batwa, Pygmoïdes et Pygmées
Watutsi, les derniers conquérants du pays,
BANTOUS. le
Jeune femme des Basonge. probablement d'origine nilotique) habitent
(Photo Musée du Congo Belge.) Ruanda.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI H®

CARTE ETHNOGRAPHIQUE DU CONGO BELGE ET DU RUANDA URUNDI

Les Barundi (comprenant les Bahutu, an- sont indiquées sur la carte ethno-
importants,
ciennes populations du pays, des Batwa et graphique du Congo Belge et du Ruanda-
unearistocratie, d'origine peu connue, proba- Urundi.
blement d'origine bantoue) habitent l'Urundi.

L'histoire a constitué,- en Afrique Centrale,


Les Pygmoïdes et les Pygmées, au nombre comme ailleurs des groupes ethniques,
d'environ 150.000 au Congo Belge, et de quel- (Ethnies), grands ou petits, ayant approxi-
ques milliers au Ruanda-Urundi, parlent ex- mativement les mêmes croyances, les mêmes
clusivement les langues bantoues ou soudanai- mœurs, les mêmes coutumes, les mêmes insti-
ses de leurs suzerains au Congo Belge et la tutions et partant les sous-dialectes et les
langue bantoue de ceux-ci au Ruanda-Urundi. dialectes de la même langue : les Mongo,
Les régions où habitent des groupements les Baluba, les Azande, les Mangbetu, les
de Pygmoïdes et dç Pygmées, plus ou moins Banya-Ruanda, les Barundi, etc.
104 LES POPULATIONS AFRICAINES

temps à autre l'Ubangi, se rendant de la rive


belge sur la rive française.

L'existence des Pygmées africains (Pygmoï-


des de petite taille) a suscité deux problèmes
scientifiques d'intérêt considérable : un pro-
blème d'ordre anthropologique et un pro-
blème d'ordre culturel.

Certains ethnologues ont cru jadis, à la


suite de premières études, avoir retrouvé,
dans les forêts équatoriales, les vestiges de
la plus ancienne race du monde, et également
les vestiges de la plus ancienne culture du
monde.
Des études ultérieures, non dépourvues de
tout mérite, mais trop hâtives, incomplètes,
erronées ou inexactes, voulant établir malgré
tout le bien fondé de postulats d'Ecole, for-
mulés sur la base d'idées préconçues, ont
contribué à prolonger la vie de cette croyance,
dans certains milieux.

Si cette thèse trouve encore, çà et là, l'un


ou l'autre défenseur parmi les ethnologues
BANTOUS.
Hommeset femme des Bakete (Babindji). récents, en général on ne partage plus, au-
(Photo Musée du Congo Belge.) jourd'hui, ces illusions, ni chez les anthropo-
logues ni chez les ethnologues, à la suite d'une
IV. LES PYGMOIDES ET LES PYGMEES AFRI-
CAINS CONSTITUENT-ILS LES DERNIERS
VESTIGES D'UNE RACE DE PETITE
TAU,LE, DATANT DES DEBUTS DES HO-
MINIDES ET LEUR CULTURE REPRE-
SENTE-T-ELLE LA « CULTURE PRIMI-
TIVE » DE L'HUMANITE?

On entend généralement par Pygmoïde un


individu de taille inférieure et par Pygmée
un petit Pygmoïde. Les P-ygmoïdes africains
ont, généralement, parmi eux, des Pygmées.
On ne rencontre pas, dans un pays, de Pyg-
mées sans y rencontrer aussi des Pygmoïdes.
Là, où il y a des Pygmoïdes, se rencontrent BANTOUS.
des Pygmées. Baluba du Kasai dansant.
Il n'existe guère de Pygmoïdes et de Pyg- (Photo Musée du Congo Belge.)
mées en Afrique centrale qu'au Cameroun,
en Afrique Equatoriale Française, au Congo étude plus approfondie, plus sérieuse et plus
Belge, au Ruanda-Urundi et dans l'Uganda.
complète, des points de vue anthropologique
L'immense majorité de ceux ci est établie et culturel, des Pygmoïdes et des Pygmées,
au Congo Belge. Nombre de Pygmoïdes et de non seulement de l'Afrique Noire, mais en-
Pygmées de l'Afrique Equatoriale Française core de tous les pays du monde.
y ont émigré assez récemment, venant du
Congo Belge. Encore de nos jours, quelques
petits groupes de Pygmoïdes et de Pygmées D'abord, on n'a jamais découvert jusqu'ici,
du district du Congo-Ubangi traversent, de ni en Afrique ni ailleurs dans le monde, de
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA<URUNDI 105

vestiges de Pygmées, datant du Paléolithique


inférieur ou du Paléolithique moyen, ce qui
tend à démontrer qu'ils n'existaient pas en
ces temps reculés, malgré certaines hypothè-
ses, situant dans le temps les Pygmées. consi-
dérés comme ayant constitué une race hu-
maine primitive à part, avant les Anthro-.
piens.
Ensuite, si on a découvert des squelettes de
gens de taille médiocre ou de Pygmoïdes
(mais non pas de Pygmées) en Afrique. en
Europe et en Amérique, datant parfois de la
fin du Paléolithique récent, mais plus souvent
du Mésolithique ou du Néolithiqne, tous sont
du type Homo sapiens ou Homo recens. BANTOUS.
Des Pygmoïdes ont vécu en Europe, au Hutte des Baluba du Kasai.
(Photo Musée du Congo Belge.)
Néolithique.
tachent aux races de l'Europe de l'époque.
La prétendue race primitive dont
pygméenne,
des vestiges auraient survécu, dans les ré-
gions les plus inacessibles de l'Afrique, de
l'Asie et de l'Océanie, s'avère un mythe.
L'Anthropologie la plus récente regarde les
Pygmoïdes et les Pygmées comme nés, à di-

BANTOUS.
Notable des Bena-Lulua.
(Photo Musée du CongoBelge.)

Du point de vue anthropologique, les Pyg-


moïdes et les Pygmées africains sont très dif-
férents de ceux d'Asie ou d'Océanie. Ils ne se
ressemblent que du point de vue de la taille
inférieure. Ils se rattachent les uns aux Afri-
cains et les autres aux Asiatiques ou aux
Océaniens (Mélanésiens). BANTOUS.
Femme des Baluba du Kasai.
Les Pygmoïdes fossiles de l'Europe se rat- (Photo Musée du Congo Belge.)
106 LES POPULATIONS AFRICAINES

ridionale néolithique se rattachent, par le


squelette, aux Europoïdes d'Europe; ceux
d'Asie aux races d'Asie; ceux d'Océanie aux
Océaniens (Mélanésiens); ceux d'Amérique
aux Amérindiens; les Pygmées esquimaux
aux Esquimaux, etc.

BANTOUS.
Baluba du Katanga.
(Photo Musée du Congo Belge.)

verses époques, parmi les diverses races des


Humains.
Partout, ils se rattachent à diverses races
humaines et non à une prétendue race pyg-
moïde ou à une prétendue race pygméenne.
qui aurait existé à côté des autres races hu-
maines et aurait en quelque sorte précédé
celles-ci.
Les Pygmoïdes de l'Europe centrale et mé-

BANTOUS.
Femme des Baluba du Kasai.
(Photo Musée du Congo Belge.)

A priori d'ailleurs, la taille de la grande


majorité de l'humanité se situant vers 1 m. 60,
une marge de variation de la taille de celle-ci
de 0,40 m. en moins ou en plus, semble n'avoir
rien d'excessif ni d'impossible.
Les Pygmoïdes et les Pygmées africains
d'aujourd'hui étant des « Homo recens » sur
la base de leur aspect anthropologique, ils
n'ont pu apparaître qu'après les Anthropiens
et les Hominiens et qu'après les Humains du
Paléolithique récent (Homo fossilis ou dilu-
vialis ).
BANTOUS. Femme des Baluba-Hemba,
de la région de Kiambi (Katanga). les Pygmoïdes et
(Photo Musée du Congo Belge.) Du point de vue culturel,
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 107

les Pygmées africains sont très différents des


Pygmoïdes et des Pygmées d'Asie, d'Océanie
ou d'Amérique.
La prétendue culture primitive pygméenne
dont des vestiges auraient survécu avec les
Pygmées, dans les coins les plus reculés de
l'Afrique, de l'Asie et de l'Océanie, s'avère
également un mythe.

Bornons nous à examiner les faits, tels


qu'ils se présentent, en Afrique.
Les cultures des différents petits groupe-

BANTOUS.
Notable des Ekonda.
(Photo Musée du Congo Belge.)

présentant souvent des caractères plus frustes


que celle de ces autres habitants, leurs suze-
rains, auxquels ils sont souvent plus ou moins
durement assujettis depuis longtemps et dont

BANTOUS.
Homme des Babui du Maniéma.
(Photo Musée du Congo Belge.)

ments de Pygmoïdes ou de Pygmées africains


ne représentent nullement — comme l'ont
maintes fois affirmé, à titre tout à fait gra-
tuit, et d'ailleurs tout à fait erronément,
quelques ethnologues -- une culture originale
primitive, survivance de la culture la plus
ancienne des Humains ou des prédécesseurs
de ceux-ci (Anthropiens ou Hominiens); mais BANTOUS.
une. culture complexe, analogue à celle des au- Village des Ekonda.
tres habitants bantous ou soudanais du Huttes en forme de « carapace de tortue ».
pays, (Photo Musée du Congo Belge.)
108 LES POPULATIONS AFRICAINES

ils parlent souvent depuis tout aussi long- misme, de croyances mânistes ou animistes, du
temps la langue bantoue ou soudanaise. culte de dieux locaux ou du culte des ancê-
Lorsqu 'actuellement, très exceptionnelle- tres, du dynamisme et de la magie; un ma-
ment, ils ne sont pas assujettis à des suzerains riage assurant des droits égaux à l'homme et
à la femme ; une morale supérieure ; la pureté
des mœurs; une vie économique basée exclu-
sivement sur la cueillette et la chasse, etc.)
a été construit par la fantaisie de quelques
ethnologues, plus préoccupés de décrire un
pygmée, conforme à leurs postulats, que celui
qui existe. Il rappelle le mythe du « bon
sauvage », de Jean-Jacques Rousseau. (l)

On rencontre aujourd'hui parmi les divers


types de Pygmoïdes et de Pygmées du Congo
Belge et du Ruanda-Urundi — nous avons eu
l'occasion de les étudier personnellement dans
les six provinces actuelles du Congo Belge
et au Ruanda-Urundi — deux types princi-
paux, déjà signalés par les officiers de l'Etat
Indépendant du Congo :
1° Un type assez foncé, à peau brun-noir ou
noire, au visage et au corps assez grossiers
(Pygmoïdes et Pygmées à peau noire ou noi-
râtre). Ils semblent être des variétés de petite
ou de très petite taille, détachées de divers
types de Nègres de taille inférieure (Palé-
négrides, Nègres paléotropicaux) ;

BANTOUS.
Notable des Nkundu.
(Photo Musée du Congo Belge.)

bantous ou soudanais, ils l'ont été antérieure-


ment. Lorsqu'actuellement ils ne parlent pas
la langue de leurs suzerains bantous ou sou-
danais, ils parlent la langue bantoue ou sou-
danaise de leurs suzerains antérieurs. BANTOUS.
Coin de village dans la région de Bokatola
La prétendue culture pygmoïde ou pyg- chez les Nkundu.
méenne, en tant que culture primordiale ou (Huttes en forme de « carapace de tortue ».)
primitive, originale et spéciale, n'existe pas. (Photo Musée du Congo Belge.)

Le Mythe du bon Pygmée, dernier repré- 2° Un type assez clair, à peau brun-clair
sentant d'une humanité primitive, dont quel- ou jaunâtre, à l'aspect quelque peu plus
ques rares vestiges auraient survécu, en quel-
ques régions perdues de l'Afrique, de l'Asie
ou de l'Océanie, ayant conservé jusqu'à ce (1) Les mythes du « bon sauvage» et du « bon
jour sa culture primitive (caractérisée par un pygmée» ont, en réalité, pour base, des postulats.
Ces mythes ne sont pas nouveaux. L'Antiquité a
Monothéisme rigoureux et exclusif; l'inexis- connu des mythes divers, supposant un Age d'Or,
tence, chez lui, de l'animatisme et du préani- ayant précédé la civilisation.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 109

affiné, au visage souvent d'aspect triangu-


laire, à la peau se ridant assez facilement; pos-
sédant parfois des caractères de stéatopygie,
surtout chez les femmes (Pygmoïdes et Pyg-
mées à peau jaunâtre). Ils semblent être des
variétés de petite ou de très petite taille,
détachées de divers types de Négroïdes à peau
jaunâtre (Bochimanoïdes).
A côté de ces deux types, présentant une
certaine marge de variation, il existe des
Pygmoïdes ou des Pygmées qui sont vraisem-
blablement des variétés ou des métis, issus des
deux types précédents, présentant un mélange
des caractères des uns et des autres.
La taille varie de la taille inférieure à la
taille petite (1 m. 60 à 1 m. 40 pour les hom-
mes). Elle est plus petite chez les femmes que
chez les hommes. Variant souvent chez elles
de 1 m. 50 à 1 m. 40, elle tombe parfois à
1 m. 30 ou à 1 m. 20.

BANTOUS.
Homme des Mbole.
(Photo Musée du Congo Belge.)

La taille varie souvent, dans un même grou-


pement, voire dans une même famille, où à
côté de Pygmoïdes de taille s'approchant de
la moyenne ou de taille petite, il y a des
Pygmées de taille très petite.
Quelques individus, dans tel ou tel grou-
pement, n'atteignent guère plus d'un mètre :
ce sont vraisemblablement des nains parmi les
Pygmoïdes.
Les Pygmées sont vraisemblablement des
Pygmoïdes aux caractères accentués et spécia-
lisés, nés assez tard.
Les Pygmoïdes et les Pygmées sont dolicho-
céphales, brachycéphales ou mésaticéphales
souvent dans le même groupement.
On rencontre chez eux des platyrhiniens,
BANTOUS.
Femmeet fillette des Nkundu. parfois des mésorhiniens et parfois même des
(Photo Musée du Congo Belge.) leptorhiniens.
110 LES POPULATIONS AFRICAINES

turc de leurs suzerains ou de leurs suzerains


précédents.
Partout, ils parlent la langue bantoue ou
la langue soudanaise de ceux-ci.
Ils la parlent probablement depuis long-
temps. Rappelons que les Bochimans du Ka-
lahar% assujettis depuis des siècles aux
Bechuana (Bantous" ont conservé fusqu'à ce
jour leur langue propre et leurs croyances
propres, alors que les Pygmoïdes et les Pyg-
mées africains n'en ont rien conservé.
On estime le nombre des Pygmoides et des
Pygmées au Congo Belge à environ 150.000
100.000 environ vivent dans les districts de
la Tshuapa et du Lac Léopold II,
dans la région du Nord des districts
du Kasai et du Sankuru, assujettis
aux Mongo (Nkundu, Mbole, Bo-
saka, Ekonda, Bakutshu, Bos-
hongo, Bakela, etc.);
30.000 environ vivent dans les districts de
Stanleyville, de l'l'ele et de l'Ituri,
assujettis aux JlongclÙna, aux Ba-
bali, aux Balika, aux Jlabodo, aux

BANTOUS.
Notable des Ekola.
i PhotoMusée du Congo Belge.)

Leurs caractères somatiques, assez dispara-


tes, attestent des origines disparates.
Les Pygmoides et les Pygmées actuels ne
représentent nullement les anciennes popula-
tions des pays qu'ils occupent aujourd 'hui,
comme on l'a souvent prétendu. Très souvent,
ils ont envahi le pays à une époque relative-
ment récente, eivec les derniers envahisseurs
bantous [Mongo (Morigo au sens restreint,
Mongo au sens étendu, Mongo du groupe Ba-
tetela), Bombesa, Bahui, Balumbu, etc.] ou
les derniers envahisseurs nilotiques (Watutsi),
auxquels ilsétaient
étaient déj
déjà assujettis probable-
ment depuis longtemps.
Partout les Pygmoides et les Pygmées sont
assujettis aux Bantous ou aux Soudanais de-
puis longtemps, souvent depuis des siècles.
Nulle part, ils n'ont actuellement de
croyances propres originales, ni de culture BANTOUS.
propre originale, ni de langue propre origi- Femme des Bosaka.
nale. Partout, ils ont les croyances et la cul- (Photo Musée du Congo Belge.'
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 111

Baniari, aux Babira, aux Banande,


aux Makere, aux Medje, aux Mayo-
go, aux Mangbetu, aux Mamvu-
Walese-Momboto, aux Bambuba,
etc.
20.000 environ existent dans le restant du
pays (districts du Congo-Ubangi,
du Kivu, du Maniéma, du San-
kuru, du Kasai, du Tanganyika,
du Haut Luapula).
Il existe aussi au Ruanda quelques milliers
de Pygmoïdes et de Pygmées, assujettis aux
Watutsi.
La carte ethnographique, indique les ré-
gions où existent, actuellement, en Afrique
Belge, des groupements de Pygmoïdes ou de
Pygmées. Ils sont installés, dans les limites
des chefferies ou des secteurs des Bantous ou
des Soudanais, sur les terres de ceux-ci, et
sont soumis à l'autorité des chefs bantous ou
soudanais.
On n'a jamais rencontré de Pygmoïdes ou
de Pygmées indépendants, en Droit Africain,
de groupements bantous ou soudanais et pra-
tiquant la cueillette ou la chasse sur des terres
exclusivement à eux.
Lorsque des groupements artificiels de
Pygmoïdes et de Pygmées ont été parfois

BANTOUS.
Notable des Ntomba.
(Photo Musée du Congo Belge.)

constitués par des fonctionnaires européens


(comme chez les Bakutshu dans le district du
Lac Léopold II) ces Pygmoïdes et ces Pyg-
mées ont 'été enlevés aux groupes bantous
voisins et installés sur des terres retirées à
ceux-ci.
Les illustrations reproduisent différents
types de Pygmoïdes et de Pygmées. Elles don-
nent l'aspect de leurs huttes et, parfois, de
leurs villages et de leurs cultures.
Les Pygmoïdes et les Pygmées assujettis
aux Mongo (Districts de la Tshuapa et du
Lac Léopold II) ont des bananiers, des
champs de manioc, etc., des poules et des
chèvres.
Les huttes des Pygmoïdes et Pygmées rap-
pellent celles des populations semi-bantoues,
bantoues ou soudanaises : les huttes demi-
BANTOUS.
Notable des Bomongo(Mongo). cylindriques des Andenga (Pygmoïdes du
(Photo Musée du Congo Belge.) Congo-Ubangi), celles des Bateke; les huttes
112 LES POPULATIONS AFRICAINES

à toit en carapace de tortue des Batshwa avec leurs suzerains bantous ou soudanais;
(Pygmoïdes et Pygmées assujettis aux Mon- leur culture est généralement celle de ces
go), celles des Mongo; les huttes des Bambote derniers ou celle de leurs suzerains anté-
(Pygmoïdes et Pygmées assujettis aux Babui rieurs, bien que souvent plus fruste et plus
rudimentaire.
Là où ils sont exclusivement récolteurs; pê-
cheurs et chasseurs, ignorant l'agriculture,
leurs techniques de cueillette, de pêche et de
chasse rappellent celles des autres popula-
tions du pays.
Là où ils pratiquent, en plus, Vagriculture
et le petit élevage (petit bétail et basse-cour),
leurs procédés rappellent ceux de leurs suze-
rains ou de leurs voisins.
Ils ont partout assez approximativement
les mêmes croyances mânistes, animistes. my-
thologiques et religieuses et les mêmes croyan-
ces dynamistes et magiques que les popula-
tions bantoues ou soudanaises auxquelles ils
sont assujettis et que les populations voisines,
croyant partout, comme les unes et les autres,
à la sorcellerie et au mauvais œil, aux présa-
ges, à la divination, aux amulettes, aux sorti-
lèges, etc.

BANTOUS.
Homme et sa femme chez les Bongongombe. (1)
(Photo Verlaine.)

et aux Balubaïsés) celles des Babui (Balu-


baïsés du Katanga) et celles des Baluba; les
huttes des Pygmoïdes du Ruanda-Urundi,
celles des Banya-Ruanda et des Barundi, etc.

Du point de vue anthropologique, les Pyg-


moïdes et Pygmées du Congo Belge et du
Ruanda semblent devoir être considérés
comme des variétés de la race négroïde ou
noire africaine et ne plus pouvoir être regar-
dés comme les représentants d'une prétendue
race pygméenne, à situer à part, à côté de
la ligne moyenne, de la ligne jaune et de la
ligne noire de l' Humanité.
Du point de vue culturel, ils sont à grouper

(1) Les Bongongombesont des Mbole d'origine Mongo BANTOUS.


(Mongo au sens restreint) ayant subi les influences, Notable des Mongandu.
dans le domaine culturel, des Bakutu-Ntomba (Mongo
au sens étendu). (Photo Musée du Congo Belge.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 113

On rencontre, chez eux, comme chez les Au point de vue linguistique, ils sont de-
Bantous et les Soudanais, certaines croyances puis longtemps des Bantous ou des Soudanais.
naturistes, animatistes, panthélistes ou préa-
nimistes. Aujourd'hui encore, les individus de taille
Ils voient, se représentent et s'expliquent le normale donnent naissance, en Afrique, à des
monde comme leurs suzerains bantous ou sou- individus de taille inférieure. Les illustra-
danais ou leurs voisins. tions donnent la photographie de deux nains,
Ils ont les mêmes contes explicatifs ou les issus de parents de taille normale chez les
mêmes explications philosophiques que leurs Mongo, dans la peuplade des Ntomba et dans
suzerains bantous ou soudanais ou leurs voi- celle des Ekonda. L'un de ceux-ci a 1 m. 10
sins. et est plus petit que le type pygmée habituel.

VISIONS, REPRESENTATIONS ET EXPLICATIONS DU MONDE


ET DE LA VIE

1. CONSIDERATIONS GENERALES.

Comment les diverses populations du Congo


Belge et du Ruanda-Urundi voient-elles, se
représentent-elles et s'expliquent-elles le
monde et la vie, en face du spectacle de la
nature?
On rencontre, chez elles, comme chez les
autres populations du monde, des visions, des
représentations et des explications du monde
et de la vie, pouvant se grouper en :
1° Visions, représentations et explications
du monde et de la vie naturistes, panthélistes,
animatistes, préanimistes;
2° Visions, représentations et explications
du monde et de la vie mânistes, animistes,
mythologiques, religieuses;
3° Visions, représentations et explications
du monde et de la vie dynamistes et magiques;
4° Visions, représentations et explications
du monde et de la vie scientifiques;
5° Visions, représentations et explications
du monde et de la vie philosophiques.
Ces différentes façons de voir, de se repré-
senter ou de s'expliquer le monde impliquent,

BANTOUS.
Femmes des Lalia.
(Photo Musée du Congo Belge.)

chez les populations du Congo Belge comme


chez celles du Ruanda-Urundi, différentes
attitudes de l'esprit humain, en face du spec-
tacle de l'Univers.
BANTOUS.
Chef investi et ses femmes, chez les Bambole. Les trois premières catégories de visions, de
(Photo Musée du Congo Belge.) représentations ou d'explications du monde
114 LES POPULATIONS AFRICAINES

l'étude, co-existent toutes à la fois, chez les


Africains, à des degrés divers.
Les visions, les représentations et les expli-
cations du monde actuelles des populations de
l'Afrique Belge forment souvent, dans les
conceptions africaines, des amalgames, consti-
tués par des éléments provenant d'époques et
de régions diverses, dont les uns sont peut-
être d'origine lointaine (datant peut-être de
la fin des temps paléolithiques récents, des
temps mésolithiques ou des temps néolithi-
ques), d'autres d'origine plus récente et d'au-
tres enfin d'origine tout à fait récente.
Nombre des éléments précités existaient
sans doute chez les populations occupant
l'Afrique Belge avant l'arrivée des Semi-
Bantous, des Bantous, des Soudanais et des
Nilotiques; d'autres éléments y ont été im-
portés par eux. Les uns et les autres ont sou-
vent été modifiés, remaniés et adaptés, au
cours des âges, sous l'influence de facteurs
nouveaux, à la suite d'un travail de synthèse
ou pour répondre à des nécessités logiques,
politiques ou sociales, par les générations nou-
velles, nées de la fusion des anciennes popu-
lations et des envahisseurs.
On incline à admettre, à titre hypothétique,
que le Naturisme, le Panthélisme, l' Anima-
tisme et le Préanimisme ont apparu aux pre-
miers temps des Humains.
BANTOUS.
Notable des Mongandu.
(Photo Musée du Congo Belge.)

et de la vie supposent des croyances basées


sur la foi.
La quatrième catégorie de visions, de repré-
sentations ou d'explications du monde et de
la vie suppose des connaissances basées sur
l'observation et l'expérimentation.
La cinquième catégorie de visions, de repré-
sentations ou d'explications du monde et de
la vie suppose des convictions, échafaudées,
au moyen de raisonnements et de l'imagina-
tion, sur la base des croyances et des con-
naissances précitées. BANTOUS.
Village de Boyela.
(Photo Musée du Congo Belge.)
En Afrique Noire, comme ailleurs, seul le
petit nombre des Humains réfléchit aux pro- Ils existent encore aujourd 'hui. On incline
blèmes du monde et de la vie, alors que la également à admettre, sur la base de rensei-
grande masse des Humains vit, en acceptant gnements d'ordre archéologique, que le Mâ-
à ce sujet les opinions toutes faites du milieu. nisme et l'Animisme (avec la Religion) et que
le Dynamisme (avec la Magie) existaient, tout
Les diverses catégories de visions, de repré- au moins dans le bassin de la Méditerranée
sentations ou d'explications du monde et de la et dans les régions voisines, vers la fin du
vie, séparées par l'esprit pour les besoins de Paléolithique récent.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI US

II. NATURISME, PANTHELISME, ANIMATISME,


PREANIMISME.
Les visions, les représentations et les expli-
cations du monde et de la vie naturistes,
panthélistes, animatistes, préanimistes consi-
dèrent l'univers et les êtres ou les choses de
l'univers comme doués d'intelligence, de sa-
voir, de pouvoir et de vouloir et comme sus-
ceptibles (sans posséder un « esprit » ou une
« âme ») de se décider dans un sens ou dans
un autre et d'agir en conséquence.
A titre d'exemple, le poison d'épreuve, in- BANTOUS.
Hommes et femmes des Batetela.
voqué par le patient, appelé à l'ingurgiter (Photo Musée du Congo Belge.)
pour établir la preuve de sa non-culpabilité,
selon les conceptions de certaines populations gens simples et frustes de l'Europe contem-
congolaises (Mongo, Azande, etc. ), sans être poraine, telles qu'elles ont été exposées par
possédé par un « esprit » ou une « âme », les folkloristes.
comprend l'invocation lui adressée, discerne De nouvelles croyances de ce genre sem-
l'innocent du coupable, laisse en vie l'inno- blent susceptibles de naître tous les jours,
cent et tue le coupable. tant chez les populations africaines du Congo
De même, pour certains Européens .de Belge et du Ruanda-Urundi que chez les
l'Europe contemporaine, les cartes à jouer, autres populations contemporaines du monde,
sans être possédées par un « esprit » ou une y compris les gens simples et frustes de
« âme », savent découvrir et faire connaître l'Europe contemporaine.
Des croyances de ce genre existent chez les
jeunes enfants et semblent persister dans le
langage des poètes.

Le Naturisme implique la croyance que la


Nature et tous les êtres de la nature (monta-

BANTOUS.
Femmesdes BasongoMeno devant leurs huttes.
(Photo DeVroey.)

aux Humains le passé ou le présent et leur


prédisent l'avenir.
Il subsiste de nombreux vestiges de croyan-
ces de ce genre dans les croyances dynamistes
et magiques actuelles des populations afri-
caines, comme dans celles de tous les autres BANTOUS.
Femmes des Batetela.
peuples contemporains, y compris celles des (Photo Musée du Congo Belge.)
116 LES POPULATIONS AFRICAINES

gnes, forêts, rivières, cascades, soleil, lune, insister sur le fait que cette attitude de l'es-
animaux, végétaux, etc.), sont doués d'intel- prit est à situer, dans le cours de l'évolution
ligence, de savoir, de pouvoir et de volonté, supposée des croyances humaines, avant
l'Animisme (attitude de l'esprit censée posté
rieure, entendant « animer » des êtres de la
nature, en leur supposant un « esprit » ou
une « âme »).

Ces diverses attitudes de l'esprit sont sou-


vent identifiées avec ce qu 'on a parfois appelé
« le Panthéisme rudimentaire et primitif »,
pour lequel le Naturel est en quelque sorte
non distinct de VExtranaturel ou du Surna-
turel et pour lequel l'Extranaturel ou le
Surnaturel est en quelque sorte non distinct
du Naturel.
Le Naturisme, le Panthélisme, VAnima-
tisme et le Préanimisme considèrent en quel-
que sorte, comme « un ensemble » l'être de
la nature, son intelligence, son savoir, son
pouvoir et son vouloir, englobant ensemble
en quelque sorte ce qui deviendra plus tard le
« Naturel » et l'« Extranaturel » ou le « Sur-
naturel », sans distinguer des forces person-
nelles ou impersonnelles, existant en dehors
mais y agissant.
Le Mânisme et l'Animisme distinguent,
dans la nature, en dehors des êtres et des
choses et de leurs propriétés, résultant de
leur nature, elle-même (1), des forces extra-
naturelles, douées d'intelligence, de savoir,
de pouvoir, de vouloir, conçues comme per-
sonnelles (Extranaturel ou Surnaturel Per-
sonnel), tandis que le Dynamisme et la Magie
BANTOUS. distinguent dans la nature, en dehors des
Jeune femme des Batetela. êtres et des choses, des forces extranaturelles
(Photo Musée du Congo Belge.) douées d'intelligence, de savoir, de pouvoir,
de vouloir, conçues comme impersonnelles
(Extranaturel ou Surnaturel Impersonnel).
tout en n'étant pas animés par un « esprit »
ou par une « âme ».
De ces diverses attitudes de l'esprit, adop-
dans tées pour des fins essentiellement utilitaires,
Le Panthélisme suppose l'existence la première aboutit à un comportement plus
chaque être de la nature (montagne, forêt,
ou moins « panthéiste » vis-à-vis de l'Univers.
rivière, soleil, lune, animal, végétal, etc.) , ou le Surnaturel se confon-
l'Extranaturel
d'une volonté. dant avec le Naturel; la seconde a un com-
portement religieux vis-à-vis des forces per-
L'Animatisme « anime » les divers êtres de sonnelles de l'Univers (mânes des ancêtres;
la nature en leur accordant l'intelligence, le génies, esprits ou dieux) et la troisième à
savoir, le pouvoir et la volonté, sans y suppo- un comportement magique vis-à-vis des forces
ser la présence d'un « esprit » ou d'une occultes impersonnelles de l'Univers.
« âme ».

(1) Les forces naturelles sont le résultat des proprié-


Le Préanimisme correspond, en réalité, au tés des choses. Les forces du Mânisme et de l'Ani-
Naturisme, au Panthélisme ou à l'Anima- misme sont des forces extranaturelles, imaginées exister
tisme. L'expression « Préanimisme » entend en dehors des forces naturelles.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 117

Donnons un exemple. S'il existe dans une


rivière, un tourbillon en rendant la traver-
sée dangereuse, VAnimatisme y verra la ré-
sultante de la volonté du « tourbillon », conçu
comme doué d'intelligence, de savoir, de pou-
voir et de vouloir; l'Animisme et la Religion
y verront la résultante de la volonté d'un
esprit, d'un génie ou d'un dieu, confondu
peut-être d'abord avec le tourbillon, puis ima-
giné exister en dehors du tourbillon; le
Dynamisme. et la Magie y verront la résul-
tante de forces occultes impersonnelles, con-
fondues peut-être d'abord avec le tourbillon,
puis imaginées exister en dehors du tourbil-
lon.

III. MANISME, ANIMISME, MYTHOLOGIE,


RELIGION.
Les visions, les représentations et les expli-
cations du monde et de la vie mânistes, ani-
mistes, mythologiques ou religieuses considè- BANTOUS.
rent que l'univers, les choses et les êtres de Sultan de l'ancien sultanat de Lusuna
l'univers sont « animés » par des éléments créé par des Basonge en pays bakusu.
extranaturels invisibles, existant en dehors (Photo Musée du Congo Belge.)
de l'univers, des êtres et des choses. (Ames
humaines, Mânes des Ancêtres, Génies, Es-
Au Mânisme semblent se rattacher logi-
prits, Dieux.) (1)
Elles impliquent la croyance à un Extra- quement, au Congo Belge et au Ruanda-
naturel ou à un Surnaturel Personnel. Urundi comme ailleurs, les croyances se rap-
Le Mânisme implique la croyance à une portant à la survie d'éléments incorporés au
« âme humaine », présente dans le corps pen- corps durant la vie et s'en séparant à la
mort (ombre, lumineux de l'œil, diverses
dant la vie, pouvant temporairement aban-
donner celui-ci pendant le sommeil, le rêve ou âmes), aux âmes errantes.. aux végétaux et
l'évanouissement et le quittant définitive-
ment à la mort, tout en continuant à lui sur-
vivre.
11 explique les manifestations de l'être hu-
main vivant, par la présence d'une âme et
suppose que celle-ci, survivant à la mort, est
susceptible de hanter les endroits où le dé-
funt a vécu, de revenir se manifester à ses
parents ou à ses ennemis, d'assister les vi-
vants ou de leur nuire, selon qu'elle est bien
ou mal disposée.
L 'Animisme implique, dans son sens le plus
large, la croyance aux « esprits » (« esprits »
indépendants, génies ou dieux, n'ayant ja-
mais été des « âmes » et aux « âmes humai-
nes »). Il implique, dans son sens le plus
étroit, la croyance aux « esprits », génies ou
dieux, abstraction faite de la croyance aux
« âmes humaines ».

(1) Ces éléments sont invisibles pour l'ensemble des BANTOus.


Humains.Il est réservé, à quelques privilégiés,imagina- Femmes des Bakuba.
fits ou visionnaires, de les voir et de les entendre. (Photo Musée du Congo Belge.)
118 LES POPULATIONS AFRICAINES

aux animaux « reposoirs d'âmes », à la pos- la seconde âme est une âme en quelque sorte
session de vivants par les « âmes » de défunts, dynamique et spirituelle, rappelant le lumi-
à la réincarnation d'« âmes » de défunts neux de l 'œil et constituant en quelque sorte
dans le sein des femmes de leur groupe, à la le principe de vie, quittant le corps à la mort
pour aller vivre dans l'atmosphère, en atten-
dant de se réincarner dans le sein d'une
femme, n'apparaissant jamais sous la forme
d'un fantôme ou dans les rêves et n'étant pas
l'objet du culte des Mânes.
En certaines régions cette âme se manifeste
aux vivants comme une étoile filante.
A titre d'exemple, chez de nombreux Mongo
(Bomongo, Mundji, Nkundu), cette première
âme est dénommée Bokali et cette seconde âme
Bolirnrú.
Il existe souvent, à côté de ces deux âmes,
une troisième âme, censée habiter l'intérieur
de l'oreille; semblable troisième âme existe
BANTOUS. chez certains Mongo (Mundji).
Une des maisons du Roi des Bakuba. Ces croyances existent chez de nombreux
(Photo Musée du Congo Belge.) Bantous et de nombreux Soudanais.
Les fétiches, représentant des ancêtres ou
vie des « âmes » dans un pays des morts des défunts, censés parfois habités par leurs
(situé aux abords du village, sous terre, au mânes, se rattachent aux Mânisme. Leur
pays du soleil couchant ou au loin), aux culte se rattache à la Religion.
mânes des ancêtres, au culte des mânes des
ancêtres, etc. A l'Animisme semblent se rattacher logi-
Certaines populations africaines de l'Afri-
quement, au Congo Belge et au Ruanda-
que Belge distinguent, à côté du corps, en Urundi comme ailleurs, les croyances se rap-
dehors de l'ombre et du lumineux de l'ail,
portant aux divers génies, aux divers esprits
et aux divers dieux, imaginés par eux exister
sur la terre ferme, dans les eaux, sous le sol
et sous la voûte des cieux.
Les fétiches, représentant des esprits, des
génies ou des dieux, censés parfois habités
par eux, se rattachent à l'Animisme. Leur
culte se rattache à la Religion.
Les mânes des ancêtres et des morts, ainsi
que les génies, les esprits ou les dieux, sont
invisibles. Ils ne se manifestent qu'à quelques
individus privilégiés : patriarches, prêtres et
prêtresses, etc. En certaines régions, les mâ-
nes d'un ancêtre ou d'un défunt ou un génie,
un esprit ou un dieu peuvent posséder le corps
d'un vivant ou d'une vivante et se faire en-
BANTOUS. tendre par sa voix.
Grand notable des Bakuba, devant son habitation. Ces vivants ou ces vivantes sont des
(Photo L. Saroléa.) « médiums ».
C'est le cas de certains prêtres, de certaines
deux autres éléments, que l'on peut, si l'on prêtresses, de certains magiciens et de cer-
veut, appeler « âmes » : la première âme est taines magiciennes parlant sous l'inspiration
une âme en quelque sorte statique et maté- des mânes, d'un génie, d'un esprit ou d'un
rielle, rappelant l'ombre, vivant près des dieu.
tombeaux ou dans le pays des morts, pouvant
prendre l'apparence d'un fantôme, apparais- La Mythologie s'efforce, au Congo Belge et
sant dans les rêves, objet du culte des Mânes; au Ruanda-Urundi comme ailleurs, de retra-
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 119

cer l'épopée des génies, des esprits ou des part, et constitue le culte des mânes des an-
dieux, leur naissance, leur histoire, leurs dé- cêtres.
mêlés, leurs triomphes. Les mânes des ancêtres protègent tous leurs
A côté des esprits, génies ou dieux, il existe;
dans les croyances populaires, des personna-
ges rappelant les fées, les gnomes, les ogres,
à moitié humains et à moitié divins ; des êtres
imaginaires (des moitiés d'hommes, n'ayant
qu'un œil, une oreille et une jambe); des
animaux fantastiques, etc. Il existe des contes
au sujet de l'intervention des ancêtres, des
esprits, génies ou dieux ou d'un grand dieu
dans la création du monde et des humains,
etc.
La Mythologie des populations de l'Afri-
que Belge commence seulement à être étudiée.
Du point de vue scientifique, elle présente un
intérêt égal aux mythologics des autres
peuples du monde.
BANTOUS.
Notables des Ngombe.
Presque partout au Congo Belge et au (Photo DeVroey.)
Ruanda-Urundi, on croit à des esprits, à des
génies ou à des dieux du sol, du sous-sol, des descendants à quelqu'endroit qu'ils soient
eaux, ou du ciel. A part dans quelques rares pour autant que ceux-ci accomplissent leurs
régions, on s'est peu préoccupé de les étudier, devoirs vis-à-vis d'eux.
nonobstant l'intérêt évident de cette étude En second lieu, il implique des rapports
pour l'histoire des religions.

Le Mânisme et l'Animisme ont abouti par-


tout, pour des fins essentiellement utilitaires,
à l'adoption d'un comportement pratique.
c'est-à-dire d'un comportement religieux vis-
à-vis des « âmes » des défunts et vis-à-vis des
«génies », des « esprits », ou des « dieux ».
Ce comportement pratique peut se résumer
comme suit ; :
1° S'abstenir d'actes déplaisant aux âmes,
aux génies, aux esprits ou aux dieux (ne pas
faire ce qu'ils ont défendu ou défendent en-
core) ;
2° Accomplir des actes de nature à leur
plaire : prières, offrandes, sacrifices, vœux.
Les offrandes comportent souvent des bois-
sons (bière, vin de palme, etc.), de la
viande,
du poisson, des aliments préparés, de l'huile,
des perles, etc.
Les sacrifices impliquent l'immolation de
victimes animales (poules, chèvres, moutons, BANTOUS.
Femme des Budja.
chiens, gros bétail, etc.). Jadis, ils impli- (Photo Musée du Congo Belge.)
quaient souvent celle d'êtres humains:
épouses, enfants, serviteurs (lors des funérail- entre les « génies », les « esprits », ou les
les d'un personnage
important), esclaves, etc. « dieux » du sol, des eaux, du sous-sol ou du
En premier lieu, il implique des ciel, d'une part, et les humains, d'autre part
rapports
entre les « âmes » des ancêtres
défunts, d'une et constitue le culte des génies, des esprits ou
part, et leurs descendants vivants, d'autre des dieux.
120 LES POPULATIONS AFRICAINES

Le Culte des ancêtres et le Culte des génies,


des esprits ou des dieux constituent Its deux
véritables religions de l'Afrique Belge.
Le Culte des Ancêtres semble occuper, chez
les Semi-Bantous, chez les Bantous et chez les
Soudanais, la première place, le Cidte des
génies, des esprits ou des dieux n'occupant
chez eux qu'une place de second rang.
Le Culte des Ancêtres y est incontestable-
ment à la base de la morale indigène.
Chez les Semi-Bantous (Baboma, Badia,
Basakata, Bobai, etc.), le Culte des génies, des
esprits et des dieux semble avoir occupé jadis
et occuper peut-être encore aujourd 'hui, une
place plus importante.
BANTOUS. Les ancêtres ainsi que les génies, les esprits
Huttes des Mabinza. ou les dieux punissent, en cette vie, ceux qui
(Photo Musée du Congo Belge.)
enfreignent leurs ordres et récompensent, en
cette vie, ceux qui les servent avec dévoue-
Les esprits, les génies ou les dieux semblent ment.
protéger uniquement ceux qui se trouvent
dans leur région. Ce sont essentiellement des
Les ancêtres importants (ancêtres du clan,
dit,inités locales.
du groupe de clans, de la sous-tribu, de la
Ces divinités locales peuvent protéger non tribu ou de la peuplade; ancêtres de la dy-
seulement les premiers occupants du pays, nastie des Seigneurs, des Sultans, des Rois,
mais encore les envahisseurs ultérieurs de
etc.), sont considérés comme plus puissants
celui-ci, si elles sont obéies et servies par ces et sont plus honorés que les ancêtres d'im-
derniers. Ces croyances expliquent l'influen-
portance secondaire.
ce souvent persistante des prêtres ou des prê-
tresses, des Esprits, Génies ou Dieux, des an-
ciens occupants du pays.

BANTOUS.
Village de « gens d'eau » (Bapoto).
(Photo Musée du Congo Belge.)

Les ancêtres sont généralement divinisés et


traités comme des génies, des esprits ou des
dieux.
Comme eux, ils peuvent non seulement
donner à leurs parents la santé ou la maladie,
BANTOUS. rendre fécondes ou stériles leurs épouses, don-
ner ou refuser du gibier ou du poisson, accor-
Femme des « gens d'eau » de l'île Ukaturaka
du fleuve Congo, devant sa hutte. der la victoire ou infliger la défaite à la
(Photo Musée du Congo Belge.) guerre, mais encore influencer l'atmosphère :
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 121

ils peuvent faire pleuvoir ou faire cesser la


pluie, arrêter un orage ou en susciter un,
faire lever une tempête, envoyer la fou-
dre, etc.

Si les populations de l'Afrique Belge


croient à une survie après la mort, celle-ci en
général est sans relations aucunes avec la
bonne ou la mauvaise conduite des individus
durant leur vie terrestre. Là où il n'y a eu
ni influence musulmane ni influence chré-
tienne évidentes, les croyances indigènes ne
se présentent jamais sous l'aspect d'une reli-
gion d'épreuve, selon laquelle les humains
seraient soumis durant leur vie terrestre à
une épreuve dont dépendrait, après la mort,
leur sort, éternellement heureux ou malheu-
reux, selon qu'ils ont subi avec ou sans succès
l'épreuve imposée.
Dans la survie après la mort, les mânes
vivent, pendant un temps plus ou moins long,
une vie rappelant la vie terrestre qu'ils ont
menée : les chefs y restent des chefs; les
magiciens, des magiciens; les. hommes libres, BANTOUS.
des hommes libres; les esclaves, des esclaves. Femmes des « gens d'eau » du Bas Ubangi. (1)
Les mânes des ancêtres n'ont de chances (Photo Musée du Congo Belge.)
d'être alimentés et honorés que pour autant
que les ancêtres ont des descendants. Encore
aujourd'hui, en maintes régions, les mânes
ne peuvent survivre que s'ils reçoivent des
offrandes et des sacrifices.
En maintes régions, une des âmes (le Boli-
mu des Mongo) ne peut se réincarner que
dans une fille ou que dans une épouse d'un
fils du groupe des descendants.

Des croyances analogues existent en main-


tes régions de l'Afrioue Noire et ont existé
ou existent en maintes autres régions du
monde.
Les populations africaines du Congo
Belge ou du Ruanda-Urundi s'efforcent
généralement de s'expliquer, dans des contes
explicatifs, se rapportant à la formation
du monde et à l'origine de leur groupe, BANTOUS.
comment l'univers, connu par elles, est Mongelima, devant leurs huttes.
devenu ce qu'il est et comment l'homme est (Huttes à toit en « pain de sucre »).
(Photo Musée du Congo Belge.)
apparu sur la terre. Ces explications, sou-
vent d'ordre philosophique (en tant qu'expli-
cations du monde), impliquent — en dehors
des cas assez rares où une sorte de démiurge (1) Il y a des « gens d'eau », chez les Semi-Bantous,
les Bantous, les Soudanais et les Nilotiques, portant
(animal) découvre les humains, nés en quel- des noms divers. Bornons nous à citer : sur les rives
que sorte spontanément — l'existence, au du fleuve Congo les Bobangi et les Wagenia; entre le
début des choses, en quelque sorte d'un Bas-Ubangi et le Congo, les gens d'eau dit « Ban-
auteur ou d'auteurs du monde, soit d'un gala »; sur les rives de l'Ubangi, les Mondjombo et
les Banziri; sur les rives de l'Uele, les Bakango, etc.;
être androgyne ou bisexué ou encore d'un sur les rives du Nil, les Bahari ou Bari.
122 LES POPULATIONS AFRICAINES

être asexué, soit d'un père primordial (dans


les sociétés à succession patrilinéale), soit
d'une mère primordiale, (dans les sociétés à
succession matrilinéale), soit d'un couple pri-
mordial, soit d'un couple cosmique (ciel et
terre ou bien soleil et lune), soit d'un dieu-
créateur, mais n'impliquent nullement, d'une
façon à peu près générale, un comportement
pratique, c'est-à-dire une religion vis-à-vis de
cet auteur ou de ces auteurs du monde.
Ces diverses explications se sont souvent
influencées les unes les autres. Les croyances
actuelles sont souvent des « amalgames »
d'éléments datant d'époques diverses.

En dehors de quelques rares régions, où le


phénomène est susceptible d'explications di-
verses, il n'existe nulle part de véritable
culte, rendu à un auteur ou à des auteurs du
monde ou encore à un dieu-créateur.
S'il existe, à peu près partout, un auteur
ou des auteurs du monde ou encore un dieu-
créateur, expliquant l'existence ou l'aména-
BANTOUS. gement du monde et l'existence sur la terre
Bobati de petite et de grande taille. des Humains, cet auteur ou ces auteurs ou
(Photo Musée du Congo Belge.) encore ce dieu-créateur n'existent, en règle
générale, au Congo Belge et au Ruanda-
Urundi, dans les conceptions africaines non
influencées par les prédications chrétiennes
ou musulmanes, que sur le plan explicatif ou
philosophique et ils n'existent pas sur le plan
religieux.
En fait, à peu près partout, si pas partout,
tout en s'expliquant, — conformément aux af-
firmations de leurs contes explicatifs —le mon-
de et les Humains par l'existence supposée de
cet auteur ou de ces auteurs du monde ou de
ce dieu-créateur, les populations africaines se
comportent comjme s'ils n'existaient pas, n'en
ayant reçu aucun commandement, n'en atten-
dant aucune rétribution. ni dans cette vie ni
dans l'autre et ne leur rendant aucun culte.
Le sentiment juif, chrétien ou musulman
de la dépendance de la créature vis-à-vis de
son créateur, la portant à reconnaître et à
adorer celui-ci, est totalement inexistant, dans
les conceptions africaines non influencées par
les prédications chrétiennes ou musulmanes,
de l'Afrique Belge.
Les grands dieux africains, à la suite des
influences de mythes divers, ont souvent di-
vers aspects, dans les légendes : celui d'un
BANTOUS. père primordial, celui d'un élément d'un
Femme des Bobenge. couple primordial ou cosmique, celui d'un
(Photo Musée du Congo Belge.) dieu créateur, celui d'un dieu-ciel ou d'un
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 123

dieu du ciel, celui d'un dieu-tonnerre ou d'un


dieu du tonnerre, celui d'un dieu soleil, etc.
Sous l'influence des prédications musulma-
nes ou chrétiennes, certains grands dieux
africains (ancêtres primordiaux, éléments
masculins de couples primordiaux, dieux-
créateurs, dieux-ciel, dieux-atmosphère, dieux
du tonnerre, dieux des morts, etc.) se sont
parfois répandus au loin, comme des dieux
étrangers importés (Mungu, originaire de
l'Est, de l'Afrique Orientale; Nzambi, origi-
naire de l'Ouest, de l'Afrique Occidentale)
ou ont parfois pris un aspect chrétien
(Mbombianda, Ndjakomfba, File Mukulu,
Vidiye-Mukulu, Kabezya-Mpungwe, Leza,
Nzapa ou Ndjapa, Mboli, Angele, etc.).

Si l'on veut définir ce que sont les religions


des populations africaines de l'Afrique Belge,
il faut les considérer sans aucun doute comme
des religions polythéistes, rappelant, à beau-
coup d'égards, celles de nombreux autres
peuples des temps anciens (Egyptiens, Grecs,
Romains, etc.) ou modernes (Hindous, Peaux-
Rouges, Japonais, etc.).
Dans tel groupe de clans des Nkundu, on
honore surtout les mânes, en quelque sorte BANTOUS.
divinisés, de l'ancêtre du groupe de clans, Hutte des Bobati.
mais les individus qui honorent cet ancêtre
(Photo Musée du CongoBelge.)
déterminé honorent aussi les mânes de tel ou
tel autre ancêtre plus rapproché (les mânes
de l'ancêtre du clan, ceux de leur grand 'père, commençant à se situer à l'avant-plan de l'en-
semble des génies, des esprits ou des dieux.
ceux de leur père, ceux de leur frère aîné,
Il semble même que, peut-être, dans les doc-
etc.).
trines ésotériques de certaines Ecoles de ma-
Dans ce groupe de clans, les gens des villa-
giciens (notamment chez certains Basonge,
ges honorent, selon les circonstances —- en certains Baluba, certains Nkundu et certains
plus des mânes des ancêtres — des génies, des l'idée d'un Etre Suprême, Dieu
Ekonda),
esprits ou des dieux divers, censés favorables
à la chasse, ou à la pêche, ou à l'agriculture,
ou à la fécondité des femmes, etc.
La croyance, en tant qu'explication du
monde, à un auteur ou à des auteurs du
monde ou à un dieu-créateur, auquel on n'at-
tribue aucun commandement, dont on n'at-
tend ni en cette vie ni après cette vie nulle
rétribution, auquel on ne rend aucun culte
(par exemple à Mbombianda ou à Ndjakomba,
à Wayi, à Ndjeye, etc.), existant plus sur le
plan explicatif ou philosophique que sur le
plan religieux, n'est pas suffisante pour faire,
des croyances polythéistes indigènes, des
croyances monothéistes.
En certaines régions, on voyait poindre;
dans les croyances des Africains, lors de la
BANTOUS.
conquête européenne, un commencement de Femmes et enfants des Baniari.
Monarchothéisme, plusieurs grands dieux (Photo Musée du Congo Belge.)
124 LES POPULATIONS AFRICAINES

des dieux, père. ou créateur des génies. des comme les manifestations d'une seule force
esprits ou des dieux et des âmes humaines, occulte impersonnelle, plus ou moins analogue
raison et explication ultime des choses, com- au Mana océanien.
mençait à se préciser, peut-être sous l'impul- Avant la conquête arabe et la conquête
sion de l'esprit logique ou comme écho de pré-
européenne, l'idée d'un Etre suprême et
dications musulmanes ou chrétiennes, lors de
l'idée d'une force occulte unique (Manu)
semblent avoir été, en Afrique Belge, des
« aboutissements » et non des « commence-
ments », commençant à se préciser -lans des
doctrines ésotériques, pour quelques ir. livi-
dus. Elles semblent, avant la conquête arabe
et la conquête européenne, avoir été totale-
ment inexistantes dans les croyances popu-
laires.
Nzambi (Ndjambi), grand dieu étranger,
a été importé en diverses régions de l'Ouest
du Congo par les missionnaires chrétiens et
Mungu (forme abrégée de Mulungu), grand
dieu étranger, a été importé dans diverses
régions de l'Est du Congo par les Arabes, et,
ultérieurement, par les missionnaires chré-
tiens.
Dans les croyances des gens simples et frus-
tes de maintes régions de l'Europe contem-
poraine, il y a des croyances mâniste.,, et ani-
mistes, plus ou moins analogues à celles des
Indigènes de l'Afrique Noire.
Chez les gens simples et frustes de L'Eu-
rope contemporaine, maintes croyances se
rapportent aux « mânes des défunts » venant
se chauffer le soir auprès du foyer, apparais-
sant dans les rêves, faisant du bruit ou pous-
BANTOUS. sant des soupirs pour demander des prières,
Tête d'homme des Mabodo. etc. On y croit aussi à des « fantômes x-, à
(Photo Musée du Congo Belge.) des « revenants », à des « maisons hantées »,
à des « dames blanches », des « dames ver-
la conquête européenne (File Mukulu, père ou tes », etc.
créateur de tous les File chez les Basonge; Les étoiles filantes y sont souvent les âmes
Vidye Mukulu, père ou créateur de tous les de trépassés.
Vidye chez les Baluba; Elima, père ou créa- On y croit à des esprits : fées, lutins, ser-
teur de tous les Bilima, chez certains Nkundu
vants, follets, elfes, esprits crieurs, oi.dins,
et certains Ekonda, etc.). ondines, géants, animaux fantastiques, etc.
Les esprits, les génies ou les dieux sont ap- Certains de ces esprits ont une résidence fixe
pelés File chez les Basonge, Vidye chez les (montagnes, bois, forêts, grottes, eaux, etc.) ;
Baluba et Bilima chez les Nkundu et les d'autres n'en ont pas.
Ekonda. Il y existe maints contes explicatifs, expo-
En parlant du Dynamisme et de la Magie. sant pourquoi et comment telle région a été
nous signalerons que, dans les doctrines ,;soté- façonnée comme elle se présente actuellement
riques de certaines Ecoles de Magiciens, il y et pourquoi et comment les Humains ont
avait, datant déjà d'avant l'occupation euro- apparu sur la terre.
péenne, une tendance à considérer, peu!-être Les ouvrages existant sur le Folklore per-
sous l'impulsion de l'esprit logique, les diver- mettent au lecteur de comparer certaines
ses forces occultes impersonnelles de l'Uni- croyances de l'Afrique Noire avec celles des
vers, existant, selon les croyances populaires, gens simples et frustes de l'Europe Contem-
dans les animaux, les végétaux, les choses, etc., poraine.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 125

Les croyances au Mânisme et à l'Animisme


et à l'efficacité de leurs pratiques religieuses
ont joué un rôle important dans la vie des
Africains : elles leur ont conservé l'espé-
rance, en présence des pires calamités, en
leur laissant croire qu'ils n'étaient pas seuls,
en face des forces hostiles du monde qui les
entouraient, leurs pratiques religieuses pou-
vant réussir à amener les mânes de leurs an-
cêtres, les génies, les esprits ou les dieux
locaux à les protéger et à les secourir. Ces
croyances illusoires ont utilement soutenu
leur courage, dans la vie.

IV. DYNAMISME ET MAGIE.


Les visions, les représentations et les expli-
cations du monde et de la vie dynamistes con-
sidèrent l'Univers, les êtres et les choses de BANTOUS.
l'Univers comme possédant des forces occul- Femmeset fillettes des Banande (Bakondjo).
(Photo Musée du Congo Belge.)
tes impersonnelles, existant en dehors de ce
que nous appellerions les forces naturelles ou
physico-chimiques. Elles impliquent la inspirés par des croyances dynamistes et ma-
croyance à un Extranaturel ou à un Surna- giques.
turel Impersonnel.
Ces forces sont favorables ou défavorables Lorsque la Magie (ensemble d'observances,
aux Humains. de pratiques et de rites susceptibles d'agir à
Pour des fins essentiellement pratiques, les l'égard des forces occultes impersonnelles du
populations du Congo et du Ruanda-Urundi, Dynamisme) est pratiquée pour le groupe
à l'instar d'autres populations du monde, ont auquel on appartient (pour le protéger ou
abouti à adopter à l'égard de ces forces occul- pour le défendre), il s'agit de bonne magie et
tes impersonnelles, s'avérant favorables ou celui qui s'y livre est un bon magicien.
défavorables aux Humains, un comportement Lorsque la Magie est pratiquée contre le
pratique, tendant à les soustraire aux influen- groupe auquel on appartient (pour faire mou-
ces s'affirmant défavorables et à utiliser à rir un époux, un père ou un frère, etc.), il
leur profit les influences s'affirmant favora-
bles ou défavorables.
Comme les autres populations du monde,
elles ont fini par élaborer à ces fins des obser-
vances, des pratiques, des rites d'ordre magi-
que et par utiliser aux mêmes fins des amu-
lettes, constituant en quelque sorte des « ré-
servoirs » naturels ou artificiels de forces
occultes favorables, protégeant automatique-
ment contre les forces occultes défavorables,
ceux auxquels ont veut du bien, et des sorti-
lèges, constituant en quelque sorte des « ré-
servoirs » naturels ou artificiels de forces
occultes défavorables, attaquant automatique-
ment ceux contre lesquels on les emploie et
auxquels on veut du mal.
Les fétiches-amulettes et les fétiches-sor-
tilèges - se distinguant des fétiches-statues
ou fétiches-statuettes — qui ne sont habités
ni par les mânes d'un ancêtre ou d'un défunt,
ni par un esprit, un génie ou un dieu, et qui
BANTOUS.
sont censés recéler des forces occultes imper- Hommes des Banande (Bakondjo).
sonnelles favorables ou défavorables, sont (Photo Musée du Congo Belge.)
126 LES POPULATIONS AFRICAINES

cours, en Afrique Belge — comme dans d'au-


tres pays, et dans le monde des gens simples
et frustes des pays européens contemporains
— à l'assistance d'auxiliaires (« âmes » de
magiciens ou de sorciers décédés ou d'autres
défunts; esprits, génies ou dieux; animaux-
esprits ou animaux véritables, etc.).

Il existe de plus, en Afrique Belge, comme


ailleurs, la croyance au mauvais œil. Elle est
universellement répandue.
De même que certains animaux ou certains
végétaux semblent susceptibles d'exercer une
influence occulte néfaste, certaines personnes
BANTOUS. sont supposées posséder en elles-mêmes (sou-
Hutte des Banande (Bakondjo). vent dans le ventre, du côté de l'estomac ou
(Photo Musée du Congo Belge.) des viscères) un « quelque chose » (likundu,
ndoki, en certaines régions) , susceptible
s'agit de mauvaise magie ou de sorcellerie et d'agir à distance, de façon nocive : le porteur
celui qui s'y livre est un mauvais magicien ou du mauvais œil peut, par sa seule présence
un sorcier. ou par son simple regard, entraîner la mort
Si le bon magicien est partout respecté et d'enfants, rendre malades des gens bien por-
honoré, dans les sociétés africaines, le mauvais tants ou stériles des femmes fécondes, écarter
magicien ou le sorcier est partout détesté et le gibier ou le poisson, faire périr les récoltes,
haï. etc. Chez les Mongo, les porteurs d'un mau-
Jadis, s'il était découvert, à la suite de pra- vais œil sont appelés Baloki. Selon les Indigè-
tiques de divination et d'épreuves, il devait nes, le mauvais œil serait souvent héréditaire.
« désensorceler » celui que ses charmes Les porteurs du mauvais œil peuvent exer-
avaient enchanté et lui payer une forte in- cer des influences nocives, sans être conscients
demnité et était parfois mis à mort. que celles-ci émanent d'eux.
Si le sorcier avait, par ses maléfices, fait On a vu des Africains, persuadés d'avoir
mourir sa victime ou infligé à son groupe le mauvais œil (après s'être soumis pour véri-
des dommages considérables, il était généra- fier s'ils l'avaient ou non à l'épreuve du poi-
lement mis à mort et ses biens servaient à son ou à toute autre épreuve), se donner vo-
indemniser sa victime ou son groupe. lontairement et héroïquement la mort, pour
La Magie et la Sorcellerie ont souvent re- épargner à leur groupe les influences désas-
treuses d'un porteur de « mauvais œil ».
Avant l'occupation européenne, en maintes
régions du Congo Belge et du Ruanda-Urun-
di, on ne croyait guère à la mort naturelle,
des suites de maladies ou des suites de vieil-
lesse.
Aussi, les familles des défunts considé-
raient-elles souvent comme un pieux devoir de
rechercher, à l'aide de l'assistance de devins
et d'épreuves ou d'ordalies (dont l'épreuve du
poison), si la mort n'était pas due, en l'oc-
currence, aux maléfices d'un sorcier ou d'une
sorcière ou aux influences nocives d'un pos-
sesseur de mauvais ceil.
Avant l'occupation européenne, des milliers
d'Africains des deux sexes, prétendûment
« sorciers », « sorcières » ou « possesseurs du
BANIOUS. mauvais œil », succombaient chaque année,
Femmesdes « Bahutu » de Rutshuru.
(Photo Musée du Congo Belge.) victimes pitoyables de l'ignorance, de la peur
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 127

et des croyances imaginaires ou illusoires de


leurs compatriotes.
N'oublions pas que la même ignorance, la
même peur et les mêmes croyances imagi-
naires ou illusoires ont causé, dans l'Europe
du Moyen Age et des Temps Modernes, la mort
de milliers de prétendus « sorciers », de pré-
tendues « sorcières » et de prétendus « pos-
sesseurs du mauvais œil ».
Comme lors des procès de sorcellerie du
Moyen-Age et des Temps Modernes européens
chrétiens, on vit fréquemment, selon les sou-
venirs des Indigènes, dans les procès de sor-
cellerie africains, des « sorciers », des « sor-
cières » ou des « possesseurs de mauvais œil »
reconnaître les faits et citer avec complai-
sance la longue liste de leurs prétendues vic- BANTOUS.
Femme des « Bahutu » de Rutshuru(Kivu-Nord),
times, les « prévenus », partageant les croyan- devant des huttes.
ces de leur entourage, subissant les sugges-
tions des plaignants et s'autosuggestionnant (Photo Musée du Congo Belge.)
souvent sur leurs pouvoirs réels et sur leurs
hauts faits. Les croyances au Dynamisme et à l'effi-
cacité des pratiques magiques ont joué un
rôle important dans la vie des Africains; elles
A côté des croyances dynamistes et magi- leur ont permis de conserver l'espérance, en
ques exotériques ou populaires, il y a des
croyances dynamistes et magiques ésotériques,
connues de seuls groupes d'initiés, construc-
tions « savantes » et « logiques », élaborées
sur la base des croyances populaires.
A titre d'exemple, dans les doctrines ésoté-
riques de certaines Ecoles de Magiciens des
Nkundu et des Ekonda, il y avait une ten-
dance, déjà avant l'occupation européenne,
selon les dires des Africains, peut-être sous
l'influence de l'esprit logique, à considérer
les diverses forces occultes impersonnelles de
l'Univers, existant, selon les croyances popu-
laires, dans les animaux, les végétaux, les
choses, etc., comme les manifestations d'une
seule et même force occulte impersonnelle,
plus ou moins analogue au « Mana » océanien.

Des croyances dynamistes et magiques, plus


ou moins analogues, ont existé chez les peu-
ples de l'Antiquité classique, dans l'Europe BANTOUS.
du Moyen-Age et des Temps Modernes. Elles Homme des Bashi.
existent aujourd'hui encore chez les peuples (Photo Musée du CongoBelge.)
exotiques de l'Asie, de l'Amérique et de <<.ji
l'Océanie.
présenc&0Les pires calamités, en leur laissant
Les ouvrages existant sur le Folklore per- croire qu'ils étaient à même, grâce à leurs
mettent au lecteur de comparer certaines pratiques magiques, d'agir sur les forces hos-
croyances africaines dynamistes et magiques tiles qui les entouraient. Ces croyances illu-
avec certaines croyances européennes contem- soires ont utilement soutenu leur courage
poraines analogues. dans la vie.
128 LES POPULATIONS AFRICAINES

même âge, la faune et la flore de la région


dans laquelle il vit.
La Science (l'ensemble des Sciences) des
populations de l'Afrique Belge rappelle, à
beaucoup d'égards, la science populaire telle
qu'elle existe, selon les folkloristes, chez les
gens simples et frustes de l'Europe contem-
poraine.
Bornons-nous à exposer le Système de cos-
mologie des Africains, souvent admis au
Congo Belge et au Ruanda-Urundi et à dire
quelques mots de leurs connaissances en Ana-
tomie humaine, de leur façon de calculer le
temps et de leurs techniques.
BANTOUS. L'Univers est assez généralement conçu de
Jeunes femmes des Wafulero (District du Kivu). la façon suivante. La terre est un disque plat
(Photo Musée du Congo Belge.) ou plus ou moins montagneux, dont le pays
des Africains considérés occupe toujours le
v. SCIENCES ET TECHNIQUES. centre. Au-dessus de la terre s'étend la voûte
céleste comme une calotte solide, fermant la
Il existe chez les populations africaines de terre à l'horizon.
l'Afrique Belge, des Sciences et des Tech- Le soleil est censé voyager le jour sous la
niques (Sciences appliquées), fruits de lon-
voûte céleste et la nuit dans des cavernes sous
gues observations et d'expérimentations répé- la terre. La lune, les planètes
tées, nécessairement rudimentaires et frustes, (conçues
comme des étoiles, Vénus étant souvent con-
mal dégagées de croyances mânistes, animis-
sidérée comme constituant deux étoiles dis-
tes, religieuses, dynamistes et magiques.
tinctes, l'étoile du matin et l'étoile du soir),
les étoiles sont censées voyager la nuit sous
Ces populations ont partout des notions ru- la voûte céleste et le jour, dans des cavernes,
dimentaires et frustes (telles qu'elles résultent sous la terre.
de moyens d'observation très limités) sur Les Africains, partisans d'une terre plate,
l'Univers, le milieu géographique, les Hu- sont géocentristes. Ils ignorent la rotondité de
mains, la Faune, la Flore, les Mathématiques, la terre, l'existence du système solaire (avec
l'Economie, les Sciences à la base de leurs l'héliocentrisme), celle du système de notre
techniques, etc. galaxie, comprenant des milliards de « so-
Elles ont sur beaucoup de choses des leils »; celle de milliards d'autres galaxies,
connaissances pratiques étendues. Un enfant comprenant également des milliards de « so-
africain de l'intérieur connaît, par exemple, leils » etc.
beaucoup mieux qu'un enfant européen du N'oublions pas qu'avant Copernic, Galilée
et Newton, l'Europe du Moyen-Age et des
Temps Modernes était géocentriste et que
pendant longtemps on a défendu en Europe la
conception d'une terre plate, conception qui
ne fut totalement abandonnée qu'après l'ac-
complissement du premier voyage autour du
monde.

Les Africains du Congo Belge et du


Ruanda-Urundi ont souvent une idée simple
et fruste de Vanatomie humaine, sachant dis-
tinguer les organes essentiels (cerveau, pou-
mons, cœur, foie, rate, estomac, intestins, ves-
sie, etc.).
Les Africains de l'Afrique Belge calculent
BANTOUS.
Femmes des Bahunde. le temps sur la base des aspects du soleil et
(Photo Musée du Congo Belge.) de la lune et de la succession des saisons.
BANTOUS. — 1 = Notable des Ngombe; 2 = Jeune femme des Ngombe; 3 = Notable des Ndoko; 4 = Notable
des Ngombe: 5 = Hommedes Topoke; 6 = Notable des Bapoto (des « gens d'eau »), portant des tatouages analogues
à ceux des Topoke. (Photos Devroey et Musée du Congo Belge.)
BANTOUS. — 1 = Notables des Bakuba; 2 = Hommes des Balamba: 3 = Femmes des Baluha du Katanga;
4 = Femmes des Batumbwe; 5 = Hommes et femmes des Bashila. (Photos Muséedu Congo Belge.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 129

Le soleil leur permet


- de distinguer le jour
de la nuit.
Sa position dans le ciel indique le moment
de la journée (l'heure de la journée).
L'aurore est le moment où le soleil se lève à
l'horizon; midi est celui où le soleil est au-
dessus de la tête; le soir, celui où il se couche
à l'horizon.
La succession des jours et des nuits leur
permet de calculer le temps. Ils disent : « Tel
événement s'est passé il y a six nuits. »
La nouvelle lune, apparaissant chaque mois,
leur facilite le calcwl des mois.
Ils disent : « tel événement s'est passé il y
a cinq lunes », ou encore : « cet événement a
eu lieu quand cette lune-ci subissait telle
phase (pleine lune, premier quartier, dernier
quartier, etc.) ». BANTOUS.
Dans les régions il saisons sèches et à sai- Femmes des Bavira, devant leurs huttes.
sons des pluies (en Afrique tropicale), les (Photo Musée du CongoBelge.)
Africains comptent souvent par saisons des
pluies. Ils disent, par exemple, « il y a deux ques ou chimiques, souvent compliquées. Ces
saisons des pluies ».
techniques n'ont pu s'acquérir et se perfec-
En certaines régions cependant il y a, tionner qu'au prix de nombreuses observa-
durant l'année, une petite saison des pluies et tions et de nombreux tâtonnements.
une grande saison de pluie.
Un enfant âgé de six saisons des pluies, Il y a lieu de remarquer, qu'au point de
peut n'avoir que trois ans. vue des diverses techniques, toute les popula-
Parfois ils disent : « il y a cinq grandes tions africaines ne se trouvent pas au même
saisons des pluies » (il y a cinq ans). niveau et que, souvent, dans une population
africaine déterminée, les bons techniciens ne
Parfois, ils désignent le temps passé ou
futur par des événements intéressant les vé- constituent qu'une petite élite.
gétaux (à l'époque où fleurissent telles plan-
tes), les animaux (à l'époque où tel animal Il serait hautement désirable, du point de
met au monde ses petits), la rivière locale (à vue scientifique, de voir étudier les sciences
l'époque de la crue), les activités humaines et les techniques africaines, avant qu'il ne soit
(à l'époque où se plante le maïs, ou le ma- trop tard, avec le même intérêt que celui ma-
nioc; à celle où se récoltent les bananes, etc., nifesté par les folkloristes pour les sciences et
à celle où l'on va chasser ou pêcher, à celle les techniques populaires des pays européens.
où se récoltent les chenilles comestibles, etc.), Leur étude exige souvent, pour être menée
etc.
Ils prennent souvent pour point de repère,
pour indiquer une époque assez ancienne,
un événement marquant : à la mort de tel
chef ou de tel magicien; à l'arrivée du pre-
mier Arabe ou du premier Européen; à l'épo-
que de la guerre entre telle tribu et telle
autre tribu, etc.

Leurs techniques (édification de huttes ou


de ponts, fabrication d'armes, chasse, pêche,
agriculture, élevage, préparation des aliments,
fonte et forge du fer, tissage, vannerie, céra-
mique, travail du bois ou de l'os, etc.) sup- BANTOUS.
Babira devant leurs huttes.
posent la connaissance pratique de lois physi- (Photo Musée du Congo Belge.)

5
130 LES POPULATIONS AFRICAINES

tions du Congo Belge et du Ruanda-Urundi,


des individus (parmi les notables, les patriar-
ches, les magiciens, les gens intelligents, etc.)
qui se sont efforcés de s'expliquer l'univers
qu'ils ont sous les yeux, de rechercher le
« Pourquoi » et le « Comment » de son exis-
tence et de celle des Humains et de découvrir
les meilleures règles de sagesse. Ces indivi-
dus sont sans aucun doute des philosophes
et ont fait de la philosophie.

S'il n'y a jamais eu, en Afrique Belge,


d' « Ecoles de Philosophie », comme dans
BANTOUS. l'ancienne Grèce, il est incontestable que les
Femmes des Babira, devant une hutte. Ecoles de Magiciens y ont souvent été en
(Photo Musée du Congo Belge.) même temps, comme ailleurs dans le monde,
en dehors des premiers centres de magie, les
à bien, la réunion, dans le chef des observa- premiers centres religieux, scientifiques et
teurs, des connaissances de l'ethnologue, du
philosophiques, qu 'il y a eu tout au moins un
savant et du technicien. enseignement oral et que certaines traditions
Les sciences et les techniques ont joué un y ont passé des « maîtres » aux « disciples ».
rôle important dans la vie des Africains :
elles ont exigé de leur part des observations Les Philosophes de l'Afrique Belge ont fait
et des expérimentations, ont aiguisé quelque éclairées
appel à la raison et à l'imagination,
peu leur esprit critique et les ont amenés à par leurs croyances et leurs connaissances,
agir souvent seuls, en ne comptant que sur pour mieux s'expliquer le monde. Comme les
leurs efforts personnels, pour résoudre maints Philosophes du Moyen-Age, ils ont observé le
problèmes. monde et la vie, sans l'aide d'instruments
techniques perfectionnés, qui ont donné aux
VI. PHILOSOPHIE. savants contemporains une vision nouvelle
du monde et de la vie (1). Pas plus que les
Dans tous les pays du monde, la Philoso-
Philosophes du Moyen-Age ou d'une grande
phie, soucieuse de satisfaire la curiosité de
partie des Temps Modernes, ils n'ont pu faire,
l'esprit, s'efforce — en partant de quelques dans leurs explications du monde et de la
éléments plus ou moins connus et à l'aide du
raisonnement et de l'imagination — de se vie, abstraction de leurs croyances. Bien que
s'exprimant de façon fruste et rudimentaire,
représenter l'Inconnu et l'Inconnaissable.
on rencontre, en Afrique Belge, diverses ten-
Il y a incontestablement, parmi les popula- dances philosophiques fondamentales, ayant
abouti sous d'autres cieux, après un certain
temps, à l'édification de véritables doctrines
philosophiques (en Grèce ou à Rome).
Ils possèdent des notions pratiques de
l'éducation
psychologie (qu'ils utilisent dans
des enfants), de logique (dont ils se servent
pour exposer une affaire devant un tribunal
africain ou y réfuter les arguments d'un
adversaire), de morale (sur lesquelles ils s'ap-
du clan
puient pour reprocher à un membre

(i) A cet égard, il aurait été tout aussi impossible


aux Africains qu'aux Européens du Moyen-Age de
se rendre compte, à titre d'exemples: 1° de cenotre que
notre galaxie (Voie Lactée) dont fait partie
soleil, tourne sur elle-même en environ trois cent
BANTOUS. millions d'années; 2° de ce que certaines régions du
Village de Wagenia, pêcheurs du Lualabar ciel sont distantes de la terre de milliards d'années
des
(fleuve Congo) entre Kongolo et Stanleyville. lumière; 3° de ce que la matière est constituée par etc.
(Photo Musée du Congo Belge.) molécules, des atomes, des éléments de l'atome,
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 131

sa conduite), de politique (qu'ils mettent en


œuvre pour administrer le village, etc.).
L'Univers et le Genre Humain ont géné-
ralement pour auteurs, suivant leurs explica-
tions, un père primordial, une mère primor-
diale, un couple primordial ou cosmique ou
encore un dieu créateur. Le monde leur ap-
paraît recéler des forces diverses : forces per-
sonnelles (dieux, esprits, génies, mânes
divinisés en quelque sorte des ancêtres) et
forces impersonnelles (présentes dans les
choses et objets de la nature, les végétaux,
les animaux, les êtres humains, etc.).
Ces forces sont favorables ou défavorables
aux Humains.
La philosophie populaire de l'Afrique
Belge se laisse entrevoir dans les épopées, les
contes explicatifs, les fables, les récits, les
proverbes. BANTOUS.
Elle rappelle quelque peu la philosophie Notables des Mituku.
(Photo Musée du Congo Belge.)
pratique, se dégageant des fables d'Esope,
de Phèdre ou de La Fontaine et la philoso-
la guerre), les événements défavorables (in-
phie populaire des gens simples et frustes de
l'Europe contemporaine. succès à la chasse, à la pêche, en agriculture,
à la guerre, etc.), le mariage, les maladies,
la mort, la richesse ou la misère, etc.
Dans l'élite africaine, on rencontre — en
dehors des conformistes — des sceptiques,
des épicuriens, voire des stoïciens, etc., justi- Il y existe, comme dans les autres pavs du
fiant leur point de vue par des raisonne- monde et comme chez les gens simples et
frustes de l'Europe contemporaine, divers
ments, forcément simples, mais non dépourvus
de bon sens. procédés de divination, utilisant soit l'assis-
tance de mânes d'ancêtres, soit celle de génies,
Parmi les Africains, si la masse est « con-
d'esprits ou de dieux, soit encore celle des
formiste », il y a cependant, en beaucoup de
forces occultes impersonnelles. Ces procédés
régions, quelques éléments « non-conformis-
tes ». peuvent être utilisés par tout le monde ou ne
peuvent l'être que par des devins ou des
Les contes explicatifs et les explications
philosophiques, élaborés par les Africains,
ont joué un rôle important dans leur vie.
Les uns et les autres ont satisfait la curiosité
de leur esprit, les ont situés dans le monde
et leur ont donné l'illusion qu'ils connais-
saient les origines et les buts de leur exis-
tence, ainsi que le pourquoi et comment des
choses et qu'ils possédaient des règles de sa-
gesse, en rapport avec l'ordre établi par leurs
ancêtres et leurs dieux.

VII. PRESAGES, DIVINATION, EPREUVES ET


ORDALIES.
Il existe en Afrique Noire, comme dans les
autres pays du monde, et comme chez les gens
simples et frustes de l'Europe contemporaine,
des Présages, annonçant le bon ou le mau-
vais temps, les événements favorables (succès BANTOUS.
Femmes des Mituku.
à la chasse, à la pêche, en agriculture ou à (Photo Musée du Congo Belge.)
132 LES POPULATIONS AFRICAINES

Parmi les Epreuves ou les Ordalies, la plus


commune est l'Epreuve du poison. Elle con-
siste à faire absorber par le prétendu coupa-
ble un breuvage : si le coupable y résiste ou
survit, il est réputé innocent et son accusa-
teur doit l'indemniser; s'il tombe sur le sol
en proie à de violentes douleurs et succombe,
il est réputé coupable.
Contrairement à ce qui se passait dans
l'Europe chrétienne du Moyen-Age, l'Epreu-
ve ou l'Ordalie de l'Afrique Belge n'implique
généralement pas une intervention particu-
lière de l'Etre Suprême en faveur de l'in-
nocent, chez les populations africaines
n'ayant pas subi d'influences chrétiennes. e)
Le discernement de l'innocent du coupable
BANIOUS. et le jugement laissant en vie celui-là et tuant
celui-ci y sont généralement l'œuvre des for-
Femmes des Warega.
ces occultes du seul « poison d'épreuve »
(Photo Musée du Congo Belge.) (croyances animatistes)

devineresses, qui ne prêtent généralement leur Les croyances aux Présages et à la Divina-
concours que contre rémunération. tion, les Epreuves et les Ordalies rappellent
les croyances populaires plus ou moins analo-
En Afrique Belge, comme autrefois dans gues de gens simples et frustes de l'Europe
maints pays du monde, y compris l'Europe du Moyen-Age, des Temps Modernes et des
du Moyen-Age, on a souvent recours aux Temps Contemporains, comme le lecteur, qui
Epreuves ou aux Ordalies. voudra bien comparer les croyances africai-
nes actuelles et les croyances européennes,
Soupçonne-t-on quelqu'un d'être un sorcier telles qu'elles ont été étudiées par le Folklore,
ou d'être en possession du mauvais œil, on pourra s'en convaincre. (2)
consulte le devin. Si celui-ci confirme les
soupçons jetés sur le prétendu sorcier ou VIII. MEDECINE.
possesseur du mauvais œil, celui-ci est géné- Les maladies ont pour cause, en Afrique
ralement invité à subir une Epreuve ou une des Africains, soit le mécon-
devant établir définitivement le Belge, aux yeux
Ordalie, tentement d'un ancêtre, dont les ordres n'ont
crime dont il est accusé, ou le laver définiti- ou dont les mânes n'ont pas
pas été exécutés,
vement de soupçons immérités. été suffisamment honorés, soit la colère d'un

(1) -Il semble que dans l'Europe préchrétienne,


les ordalies et les épreuves impliquaient l'intervention
soit de forces occultes soit de mânes d'ancêtres ou de
dieux.
Les croyances chrétiennes ont influencé les croyances
animatistes, dynamistes, magiques, mânistes et animis-
tes de l'Europe préchrétienne.
(2) Signalons, à cet égard, que dans maints pays
européens ou américains, il est dépensé des sommes
considérables pour la divination, encore aujourd'hui.
Selon certains renseignements, il serait dépensé aux
Etats-Unis annuellement, pour la divination, 125 mil-
lions de dollars.
Des sommes considérables sont également dépensées
annuellement en Grande-Bretagne,en France, en Bel-
BANTOUS. gique, etc. aux mêmes fins.
Hommes des Barundi. L'Afrique et l'Asie ne sont donc pas les seuls pays
(Photo Musée du Congo Belge.) où se pratique la Divination.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 133

génie, d'un esprit ou d'un dieu, que l'on a


négligé, soit l'existence de forces occultes
néfastes contre lesquelles on a omis de se
protéger par des observances, des pratiques,
des amulettes ou des rites appropriés, soit les
maléfices d'un sorcier, soit l'influence nocive
d'un possesseur de mauvais œil, soit enfin la
mauvaise santé du malade. Ces croyances ou
des croyances analogues ont existé, dans le
passé, chez de nombreux peuples et existent
encore aujourd'hui, en maints pays.

La folie et l'épilepsie sont souvent expli-


quées comme causées par la « possession » du
malade par des « âmes » de défunts ou par
des « esprits », des « génies » ou des « dieux ». BANTOUS.
Barundi du Sud de l'Urundi
Ces croyances ont également existé, dans le (P. P. Blancs; d'après PAGES
)
passé, chez de nombreux peuples et existent
encore dans maints pays. Vhydrothérapie, les chants, la danse et la
Quand un notable tombe malade, on pro- musique.
cède en tout premier lieu à la consultation de Ils y ajoutent souvent des offrandes ou des
devins, pour rechercher la cause de la maladie. sacrifices aux « âmes » des défunts ou aux
« esprits », « génies » ou « dieux », ayant pris
Lorsque celle-ci est connue, on a, selon le
cas, recours à des pratiques religieuses, à des possession du malade.
pratiques magiques ou à des pratiques médi- Ces croyances à l'origine des maladies et à
cales proprement dites, quand on n'a pas l'efficacité des remèdes religieux ou magi-
recours à la fois aux trois pratiques. ques — tout illusoires qu'elles aient été —
ont permis aux malades d'espérer une guéri-
son même quand celle-ci n'était pas possible.
Les médecins proprement dits savent Les ouvrages existant sur le Folklore per-
diagnostiquer diverses maladies, et les traiter, mettront au lecteur de comparer, dans divers
comme on les traitait dans la médecine de
domaines, la médecine de l'Afrique Noire
l'Europe du Moyen-Age et des Temps Mo- avec la médecine populaire de l'Europe du
dernes et comme on les traite encore, dans
Moyen-Age, moderne et contemporaine.
la Médecine populaire de l'Europe contem- La médecine populaire utilise encore en
poraine, abstraction faite de la véritable — en dehors des re-
science médicale, qui n'a apparu qu'assez Europe. contemporaine
tard en Europe (à partir de la fin du XVIII0 cettes médicales — des recettes religieuses et
des recettes magiques, ce qui permet souvent
siècle et au XIXe siècle).
S'il y a, en Afrique Noire, des magiciens-
médecins, croyant à leur art (quand ils sont
malades, ils appellent eux-mêmes à leur se-
cours leurs confrères), il y en a sans aucun
doute qui pratiquent le charlatanisme et ex-
ploitent la crédulité publique, comme dans
maints autres pays du monde.
Les médecins africains savent faire quel-
ques petites opérations (amputations d'un
doigt, de la main ou du pied, etc.), réduire
les foulures et réparer les fractures.
Ils utilisent les breuvages, les vomitifs, les
lavements, les ventouses, les bains chauds ou
froids ou médicamenteux ou parfois les bains
de vapeur, etc.
Ils traitent souvent les cas de possession BANTOUS.
Femmes des Barundi.
(cas de folie) par l'isolement, le régime, (Photo Musée du CongoBelge.)
134 LES POPULATIONS AFRICAINES

IX. CEREMONIES MAGICO-RELIGIEUSES, SER-


MENTS, BENEDICTIONS, MALEDICTIONS.
Il existe en Afrique Belge, comme ailleurs,
des cérémonies magico-religieuses, basées tout
à la fois sur le Mânisme, l'Animisme, la Reli-
gion, le Dynamisme et la Magie.
Les populations y ont recours dans les di-
verses circonstances de la vie : pour choisir
un nouveau village ; pour rendre la chasse ou
la pêche fructueuses; pour faire la guerre
avec succès; lorsqu'un patriarche, chef d'un
clan, sur le point de mourir, remet la direc-
tion du clan à son successeur, etc.

BANTOUS. Les serments invoquent souvent les ancêtres


Musinga, roi du Ruanda et ses femmes. ou un génie, un esprit ou un dieu local, mais
(P. P. Blancs; d'après PAGES.) semblent aussi posséder un pouvoir magique
du seul fait des paroles émises.
aux malades d'espérer une guérison quand la
science s'avère impuissante. Il y a encore au- Les bénédictions ou les malédictions, pro-
jourd'hui, dans tous les pays du monde — y noncées par un père ou un patriarche vis-à-
compris ceux d'Europe et d'Amérique — vis d'un individu, son enfant ou son parent,
des charlatans, exploitant la persistante naï- selon des rites variables, invoquant souvent
veté et la persistante crédulité des Humains, les ancêtres, sont souvent considérées égale-
vendant, à des prix élevés, à des malades ima- ment comme possédant un pouvoir magique,
ginaires des remèdes et des traitements sans du simple fait des paroles prononcées.
efficacité aucune, affirmés merveilleux, réa-
lisant de prétendues cures miraculeuses, gué-
Des croyances et des pratiques plus ou
rissant des maladies imaginaires.
moins analogues se retrouvent dans tous les

SOUDANAIS.
Femmes des Angbandi.
(Photo Musée du CongoBelge.)

pays, notamment chez les gens simples et


frustes de l'Europe contemporaine, étudiés
par le Folklore.

X. MENTALITE AFRICAINE.

Les populations de l' Afrique Noire pfJssè-


dent une mentalité ne différant pas en nature
SOUDANAIS.
Hommes et femme des Banda, devant des huttes. de la mentalité des civilisés, mais en différant
(Photo Musée du Congo Belge.) en degré.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 135

Manquant généralement d'esprit critique,


elle diffère du tout au tout de la mentalité du
civilisé, si on la compare à celle du savant et
du philosophe européen d'aujourd'hui, dont
l'esprit critique est particulièrement déve-
loppé, mais elle ne diffère toutefois pas beau-
coup de la mentalité du civilisé, si on la com-
pare à celle des gens simples et frustes de
l'Europe dit Moycn-Age, des Temps modernes
et contemporains, manquant souvent d'esprit
critique, telle qu'elle apparaît dans les études
des folkloristes.

La. mentalité des Africains de l'Afrique


Belge n'est pas plus prélogique ou mystique
que celle des gens frustes et simples de l'Eu- SOUDANAIS.
rope civilisée précités, croyant au Mânisme, Huttes des Azandë.
à l'Animisme, au Dynamisme, à la Magie, (Photo Musée du CongoBelge.)
à la Sorcellerie, au Mauvais Œil, aux Présa-
ges et à la Divination. connues, ont également pour but principal
d'assurer à l'individu ou au groupe le main-
tien et l'amélioration de ses conditions de vie.
Comme dans maints autres pays, la Reli-
gion et la Magie ont pour but, au Congo Belge L'esprit humain est fondamentalement
et au Ruanda-Urundi, d'assurer à l'individu identique, chez les populations de l'Afrique
et au groupe une protection contre les forces Belge et chez les Européens.
inconnues, mystérieuses et redoutables du Si les Européens avaient derrière eux le
monde, tout spécialement dans le domaine du

SOUDANAIS.
Village des Angbandi.
(Photo Musée du CongoBelge.)

maintien et de l'amélioration de sa vie (ali-


mentation, chasse, pêche, cueillette, agricul-
ture, amour, mariage, postérité, maladies,
guerres, voyages, etc.).

Les techniques, à base d'observations scien-


tifiques, — imprégnées souvent de croyances
mânistes et accompagnées de pratiques reli- SOUDANAIS.
Femme et enfant des Gbaya, dans un coin du village.
gieuses et magiques, — utilisant les forces
(Photo De Vroey.)
136 LES POPULATIONS AFRICAINES

passé des populations africaines, vivaient dans de sentiment, séparant souvent en Europe les
le même milieu physico-chimique, familial, Européens d'aujourd'hui.
social, économique et politique qu'eux, ils La moralité n'est, chez eux, ni supérieure
penseraient et agiraient vraisemblablement ni inférieure à ce qu'elle est, en fait, chez de
comme eux. nombreux peuples blancs ou jaunes.
Les uns et les autres raisonnent par induc- On rencontre, parmi les peuples africains
du Congo et du Ruanda-Urundi, comme chez
les autres peuples du monde, qu'ils soient
noirs, blancs ou jaunes ou encore qu'ils soient
chrétiens ou païens, des individus honnêtes et
des individus malhonnêtes, des individus sin-
cères et des individus hypocrites, des indivi-
dus généreux et des individus égoïstes, des
individus dévoués au groupe social dont ils
font partie et des individus ne songeant qu'à
exploiter celui-ci et à vivre à ses dépens, etc.
Nonobstant l'identité du mécanisme mental,
existant chez les Européens et les Africains
du Congo Belge et du Ruanda-Urundi, les
conceptions et les sentiments des uns et des
autres diffèrent souvent profondément au
point que nombre d'expressions des langues
parlées par ces populations n'ont pas d'équi-
valent véritable dans les langues européennes
d'aujourd'hui et que nombre d'expressions
de ces mêmes langues européennes n'ont pas
d'équivalent véritable dans les langues indi-
gènes actuelles.
La mentalité de l'Afrique noire — résul-
tante des visions, représentations et expli-
cations du monde des Africains — ne dif-
fère pas beaucoup, en degré, de celle des
autres populations du monde de l'histoire ou
des temps actuels, ayant du monde des vi-
sions, des représentations et des explications
analogues.
Elle n'a pas à sa base une « philosophie »
SOUDANAIS. particulière, spécifiquement bantoue ou sou-
Femme des Abandia, aristocratie régnant sur les Azande danaise. Elle est naturiste, animatiste, pré-
du Bas-Uele. animiste, mâniste, animiste, religieuse, dyna-
(Photo Musée du CongoBelge.) miste et magique comme celle de nombreux
peuples du monde des temps anciens moyen-
tion et par déduction. Ils connaissent les uns
âgeux, modernes ou actuels et celle des gens
et les autres l'introspection et l'extrospection.
simples et frustes des pays de l'Europe du
L'évidence est susceptible de les convaincre XIXe siècle étudiés par les Folkloristes.
les uns et les autres. Elle se caractérise par un esprit critique
Les populations de l'Afrique Belge distin- très peu développé et très souvent par un
guent le vrai du faux, le bien du mal et le esprit « conformiste ».
beau du laid, mais le vrai et le faux, le bien N'oublions pas : 1° que, même dans les
et le mal, le beau et le laid ne sont pas tou- le « Conformis-
pays évolués de l'Europe,
jours chez eux ce qu'ils sont chez les Eu- me » est la règle pour les masses et que le
ropéens aujourd'hui. «Non-Conformisme » est encore assez peu ré-
L'expérience du monde est chez eux, comme pandu; 2° que, même dans ces pays, le « Con-
chez les Européens, individuelle. Il n'y a, formisme » a été, très longtemps, hostile et
chez eux, ni uniformité de pensée, ni unifor- très intolérant à l'égard du « Non-Conformis-
mité de sentiment, mais on n'y rencontre me » et, par conséquent, à l'égard de l'esprit
guère les profondes divergences de pensée et critique, de l'esprit de la libre recherche, de
SOUDANAIS. — 1 - Femme azande du Haut-Uele; 2 —*W?mme azande du Bas-Uele; 3 = Hommes des
Angbandi; 4 et 5 = Sultans abandia régnant sur les Azande. (Photos Musée du Congo Belge.)
SOUDANAIS. — 1 '= Femme des Abarambo; 2 = Fillette des Amadi; 3 = Chef d'un groupe des Abarambo:
4 = Vieille femme des Azande du Bas Uele; 5 = Chef Abandia régnant sur les Azande; 6 = Hommedes Amadi.
(Photos Musée du Congo Belge.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 137

l'esprit scientifique. Les Non-Conformistes, voyant la foudre ou encore de dieux-créa-


y ont été très longtemps persécutés, torturés teurs ayant façonné le monde et fabriqué lés
et mis à mort. Voir : GEORGERYLEY SCOTT : premiers humains.
The History of Torture troughout the Ages, Parfois, les Humains ont vécu au Ciel, avec
London, Charles Skilton Ltd, 1949. leur « Père primordial », avant de venir sur
la Terre.
Tableau des explications des Origines du Monde
et des Humains en Afrique Belge.

Nous nous bornons à donner quelques


exemples.
I. EXPLICATIONSDES ORIGINESDU MONDEET
DES HUMAINSPAR UN PÈRE PRIMORDIAL.
CHEZ LES BANTOUS:
a) Chez les Nkundu : Mbombianda (dans
certains récits) ;
b) Chez les Mongandu du T. de Yahuma :
Mongo ;
c) Chez les Mongandu du T. de Djolu :
Engolongolo ;
d) Chez les Mongandu du T. d'Ikela (Yasa-
yama) : Otokili ;
e) Chez les Bakutu-Ntomba et les Bon-
gombe (Bongongombe), du bassin de la
Lomela : Wai ou Wayi;
f) Chez les Bakel a-Boy ela : Ndjeye;
g) Chez les Ngombe : Akongo;
h) Chez les Bobati-Bobenge-Bobua-Boyew-
Bodongola : Kunzi (Kunji) ;
i) Chez les Mabodo : Asobe;
j) Chez les Walengola : Baie (Mbali) ;
k) Chez les Babira de la forêt : Sakana;
l) Chez les Warega : Lega (Kalaga, Ka-
laka) ;
w) Chez les Aluunda de la Bushimaie (Ka-
tanga) : Tshinawezi-Kantange;
n) Chez les Libindza (gens d'eau de l'En- SOUDANAIS.
tre-Congo-Ubangi, dans la région de Notable des sultanats Matshaga, de culture mangbetoue.
Coquilhatville) : Mba. (Photo Musée du CongoBelge.)
CHEZ LES SOUDANAIS :
Il en est ainsi dans certains mythes, chez
a) Chez les Angbandi : Nzapa (Ndjapa) ;
les Watutsi du Ruanda (le premier couple
b) Chez les Mamvu : Unde tu Bolundu ou
tombe du Ciel sur la Terre), chez les Batabwa
Oto;
du Katanga (le premier couple tombe du Ciel
c) Chez les Avokaya et les Logo : Ori;
sur la Terre, avec des semences dans Ifs che-
d) Chez les Lugbara : Adro (Adroa).
veux), etc.
NOTE: Les « Pères primordiaux » semblent
souvent avoir acquis, dans des temps posté- II. EXPLICATIONSDES ORIGINESDU MONDEET
rieurs plus ou moins récents, dans certains DES HUMAINSPAR UNE MÈRE PRIMORDIALE.
récits — sous l'influence de mythes se rap-
portant à des dieux-ciel, à des dieux du Ciel, CHEZLES BANTOUS :
à des dieux-atmosphère ou à des dieux créa- a) Chez les Mayombe : Mbangala, la mère
teurs — certains « aspects » de dieux-Ciel, de aux neuf seins ; -
dieux du Ciel, de dieux-atmosphère, accordant b) Chez les Bambala : Bombo. Il semble
ou refusant la pluie, suscitant l'orage et en- que les Bambala aient imaginé un dieu

5*
138 LES POPULATIONS AFRICAINES

Bombo, ayant engendré ou créé Bombo, b) Chez les Amadi : Hiru (père) et Nam-
la mère primordiale des Bambala, exis- bursu (mère) ;
tant vraisemblablement dans leurs my- c) Chez les Abarambo : Le (père) et Nam-
thes les plus anciens, après le contact belasi (mère» ;
de ces populations à succession matri- d) Chez les Mabisanga, les Makere et les
linéale avec des populations à succession Medje, ainsi que dans les sultanats des
patrilinéale ; Mangbetu et des Matshaga : Angele
c) Chez les Ndoko : Nengunengu; (père) et Nopedra (mère);
d) Chez les Nkundu : Boala, — considérée e:) Chez les Baka : Lomé, père primordial,
comme la fille de Mbombianda ou la et Kara, mère primordiale.

CHEZ LES NILOTIQUES:


Chez les Kakwa-Patshulu : Uleso (père) et
Makwane (mère).

IV. EXPLICATIONSDES ORIGINESDU MONDEET


DES HUMAINSPAR UN COUPLECOSMIQUE.
Il y a, çà et là, en pays bantou et en pays
soudanais, des vestiges d'anciens mythes, en
voie d'être oubliés complètement, mais survi-
vant cependant encore, dans certains récits,
certaines légendes, certains contes, etc. :
a) Le Ciel et la Terre, conçus comme mari
SOUDANAIS. et femme ou comme femme et mari (se-
Femmes des Mangbetu. lon le mythe des anciens Egyptiens),
(Photo Musée du CongoBelge.)
étroitement unis, se séparent et donnent
naissance au Soleil, à la Lune et à
première femme créée par lui, dans les
l'Homme;
mythes actuels de la création du monde,
— semble avoir été autrefois une mère b) Le Soleil et la Lune ont constitué un
primordiale d'anciennes populations, à ménage, le Soleil étant le mari et la
succession matrilinéale, ayant vécu jadis Lune l'épouse, dont les enfants sont les
dans le pays occupé aujourd 'hui par les étoiles ;
Nkundu. c) La Lune, de sexe masculin, est le mari
de deux femmes, l'étoile du matin et
NOTE: Les « mères primordiales » semblent l'étoile du soir (en réalité, il s'agit de
avoir souvent été imaginées, dans des temps
la planète Vénus, vue tantôt comme
postérieurs plus ou moins récents — sous l'in- « étoile du inatin » et tantôt comme
fluence de mythes se rapportant à des Pères
— « étoile du soir »).
primordiaux ou à des dieux créateurs
comme nées de ces « Pères Primordiaux » Ces deux femmes, nourrissant bien ou mal
ou créées par ces dieux créateurs. leur mari, expliquent les phases de la Lune.
Dans les mythes b) et c) le Soleil et la
III. EXPLICATIONSDES ORIGINESDU MONDEET Lune n'expliquent plus que des phénomènes
DES HUMAINSPAR UN COUPLEPRIMORDIAL. célestes, tout au moins en Afrique Belge,
CHEZ LES BANTOUS: aujourd 'hui.
Jadis, semble-t-il, ils se sont intéressés
a) Chez les Nkundu (dans certains récits, aux humains : le Soleil aux hom-
au Nord de la - Mbombianda davantage
Tshuapa) mes et la Lune aux femmes.
(père) et Ekota Lolema (mère) ;
b) Chez les Lalia (Mongandu d'Ikela) :
de la et V. EXPLICATIONS DES ORIGINESDU MONDEET
Donga (père, originaire Terre)
DES HUMAINSPAR UN DIEU CRÉATEUR.
Ngolu (mère, censée descendue du Ciel) ;
CHEZ LES SOUDANAIS : CHEZ LES BANTOUS:
a) Chez les Gbaya (Ngbwaka) : Setu a) Chez les Nkundu et les Elwnda : Elima
(père) et Nabo (mère) ; (dieu ésotérique, inconnu des masses) ;
1
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 139

Mbombianda (dans certains récits, no- ni d'un couple primordial, ni d'un couple
tamment dans celui de la création du cosmique.
monde et des humains); Ndjakomba Les premiers humains apparkissent aussi,
(dans certains récits ; il semble avoir été parfois, sortant d'une termitière, d'un trou
antérieurement la mante religieuse, un dans les rochers, d'un marais, d'une forêt,
dieu de la forêt, des morts ou de la d'un arbre. etc.
mort) ; Semblables explications se rencontrent,
b) Chez les Bahamba-Batetela : Unia- dans les mythes, en quelques endroits du
Shungu; Congo Belge, mais sont assez rares.
c) Chez les Bakusu, File Mukulu (d'origine
basonge), Kalaka (d'origine warega); NOTE : Lorsqu'un père primordial, une
d) Chez les Ngombe : Akongo (dans cer- mère primordiale, un couple primordial, un
tains récits) ; couple cosmique ou un dieu créateur ou un
démiurge interviennent, dans les mythes,
e) Chez les Basonge : File Mukulu;
pour expliquer l'existence du monde, la terre
/) Chez les Baluba de l'Ouest : Vilie Mu- est censée exister depuis toujours, leurs in-.
kulu; terventions se bornant généralement à façon-
g) Chez les Balubaïsés de l'Est (Babui, ner le sol, à l'adapter au séjour de l'homme
Bakunda, Balumbu, Batumbwe, etc.) : ou à rendre la terre agréable à habiter pour
Kabezya-Mpungu ; l'homme.
h) Chez les Bailuba dit Lomani (Bena Ka- Lorsqu'ils interviennent pour expliquer
nioka) : Maweja ; l'existence des humains, s'ils ne sont pas les
i) Chez les Bakongo: Ndjambi-Mpungu. auteurs de l'homme ou de la femme (parce
Son nom sert également à désigner la que celui-là ou celle-ci est né ou née soit du
mante religieuse; père seul — de sa bouche ou de son genou —
j) Chez les Banya-Ruanda : Imana (dans soit de la mère seule, soit du couple), ils se
certains récits); bornent à les façonner ou à les fabriquer au
k) Chez les Bashi : Nyamuzinda (dans cer- moyen d'argile, de hois, etc. Il n'existe aucune
tains récits) ; création ex nihilo du monde ou des humains,
dans les mythes africains du Congo Belge
l) Chez les Bambala du T. de Mweka (Ka- à notre connaissance.
ou du Ruanda-Urundi,
sai) : Bombo.

CHEZLES SOUDANAIS
:

a) Chez les Angbandi : Nzapa (dans cer-


tains récits);
b) Chez les Azande (sultanats des Abandia
et sultanats des Avongara) : Mbeti, an-
cien dieu en voie d'être complètement
oublié; Mboli;
c) Chez les Walendu : Ciindri.

VI. EXPLICATIONSDES ORIGINESDU MONDEET


DES HUMAINSEN QUELQUESORTEPAR EUX-
MÊMES.

Le monde et les humains auraient existé,


sans avoir été façonnés, fabriqués ou créés. Ils
existeraient, ou seraient nés spontanément.
Souvent un animal découvre les humains, cen-
sés exister depuis tout un temps, dans un
monde censé exister depuis toujours.
SOUDANAIS.
Dans ces récits, les premiers humains ne
sont nés ni d'un être androgyne, ni d'un Guerrier des Mangbetu.
père primordial, ni d'une mère primordiale, (Photo Musée du CongoBelge.)
140 LES POPULATIONS AFRICAINES

SOCIOLOGIE

1. LE MARIAGE ET LA FAMILLE AU SENS qu'elle était en Europe, au Moyen-Age ou


BIOLOGIQUE OU FAMILLE AU SENS aux Temps Modernes, époques où la médecine
STRICT. scientifique et l'hygiène publique et privée
étaient encore inconnues.
Les Humains vivent en groupes depuis des
La puberté et la nubilité surviennent, en
temps très reculés. Il est vraisemblable que,
Afrique Noire, chez les Humains, à peu près
déjà à une époque ancienne, la vie en groupe au même âge qu'en Europe. L'Homme s'y
avait fait s'élaborer, chez les Humains, du
marie souvent quelques années après avoir at-
point de vue des rapports entre les sexes,
teint la puberté. La Femme s'y marie géné-
un comportement à la fois individuel et social.
ralement très jeune, soit avant, soit au mo-
ment de la puberté, soit un peu après.

Le mariage est un accord, conclu non seule-


ment entre deux conjoints, mais entre deux
familles au sens étendu.
Jadis dans maintes régions, si l'accord de
la femme n'était pas toujours indispensable,
l'accord de la famille de la femme l'était
toujours. (l)
Le mariage obligatoirement monogamique
est inexistant dans les conceptions africaines
traditionnelles. Le mariage obligatoirement
indissoluble y est tout aussi inconnu.

Plus ou moins libre, selon les régions, avant


le mariage, la femme doit, après le mariage,
fidélité à son mari, dans les limites des con-
ceptions locales. Souvent le mari peut prêter
sa femme à ses frères cadets non mariés et
SOUDANAIS. parfois à ses frères aînés. Presque partout, il
Tête de Mangbetu, modelée « en pain de sucre », peut la prêter à des hôtes de passage, qu'il
selon la coutume locale. veut spécialement honorer. Il arrive que des
membres d'une association se prêtent leurs
(Photo Musée du Congo Belge.)
femmes.
Les populations du Congo Belge et du Dans quelques rares régions, existe la po-
— n'ayant
Ruanda-Urundi, comme les autres popula- lyandrie : des frères ou des cousins
tions du monde, considèrent les rapports entre pas la possibilité de se procurer chacun une
les sexes non seulement du point de vue indi- épouse — prennent ensemble une seule épouse
viduel, mais encore d'un point de vue social. laquelle est la femme de plusieurs maris.
L'homme se marie assez généralement en
Si l'amour libre est une forme de l'union
des sexes existant en maintes régions, le ma- dehors de sa parenté rapprochée (souvent en
dehors de son clan, là où la subdivision de la
riage est, partout, dans ces pays, comme ail-
société en clans persiste), mais dans sa tribu.
leurs, la forme respectée et admise de l'union
de l'homme et de la femme, dans la société Dans les régions proches des frontières entre
africaine.

La vie des hommes et des femmes semble I1) Jadis, dans maintes régions, le consentement de
la femme n'était pas exigé. Un homme pouvait épou-
pouvoir y être aussi longue qu'en Europe. On ser une fillette non encore née ou une fillette âgée de
rencontre dans le pays assez bien de vieil- quelques mois ou de quelques années, tout à fait
lards. En règle générale cependant, la durée incapable de donner son consentement au mariage.
Jadis encore, en certaines régions, le consentementde
moyenne de la vie est moins longue, en Afri- la femme adulte n'était pas exigé. Sauf dans de très
que Noire, que dans l'Europe contemporaine. rares hypothèses, une fille obéissait à sa famille, lors-
Elle se rapproche sans doute en Afrique de ce que celle-ci avait décidé de la donner en mariage.
f
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 141

tribus ou entre peuplades, l'homme épouse milles : ces derniers peuvent attester, dans
assez souvent une femme de la tribu voisine, un pays ignorant les écritures, l'époque du
ou d'une peuplade voisine. mariage, les conditions de celui-ci, la remise
de la femme d'échatïgfi ou les divers paie-
Le Droit africain, régissant le mariage, les ments de la dot ou de la contre-dot.
rapports entre époux, les rapports avec les
enfants et la situation de .l'épouse, varie avec
la structure de la société, la succession patri-
linéale ou matrilinéale, la résidence patri-
locale ou matrilocale, la situation de la fa-
mille du mari et celle de la famille de la
femme, etc.
Il y a divers types de mariages.
Il a existé jadis, dans certaines sociétés à
succession matrilinéale (régions du Sud du
Katanga, Badia, Basakata, etc.) un type de
mariage, dans lequel la femme, tout en pre-
nant un époux, de son seul consentement ou
du consentement de sa propre famille, sans
que celle-ci reçoive une dot, était libre de le
répudier à son gré, gardant pour elle et son
groupe les enfants issus de son union.
Ce type de mariage a existé, dans les so-
ciétés à succession matrilinéale, dans d'autres
régions de l'Afrique Noire.
Dans ces cas, l'union ne persistait que du
seul consentement de la femme ou de celui
de sa famille. SOUDANAIS.
On rencontre encore aujourd'hui Femme des sultanats Matshaga, de culture mangbetoue
au Congo (Photo Musée du CongoBelge.)
Belge le mariage par échange de sœurs et le
mariage par prestations de services assurés Il existe presque partout, en Afrique Belge,
par le futur gendre aux beaux-parents (ser- un nombre de femmes à peu près égal à celui
vices prestés équivalents au versement d'une
des hommes. Aussi la monogamie est-elle né-
dot). cessairement très répandue, bien qu'elle ne
En cas de mariage par échange de sœurs,
soit obligatoire nulle part, chez les popula-
la répudiation de l'une entraînait souvent, tions africaines, ni en droit, ni en morale, ni
jadis, la répudiation de l'autre. en religion.
Le mariage le plus fréquent actuellement
au Congo Belge et au Ruanda-Urundi La polygamie existe partout, mais, en pra-
est
toutefois le mariage par paiement de dot. Le tique, seulement au profit de quelques uns :
des chefs, des notables et des riches. (1)
futur gendre paie, en une ou plusieurs fois,
une dot à la famille de sa femme. Il en reçoit, Jadis de grands chefs ont possédé des mil-
Iiers ou des centaines de femmes.
parfois, une contre-dot. La valeur de celle-ci Des sultans abandia ou avongara, régnant
varie. Elle peut atteindre, dans certains cas,
celle du montant de la dot. Le mariage par sur les Azande, ont eu des centaines de fem-
paiement de dot n'est pas un mariage par mes, des centaines de fils et des centaines de
achat. filles. Il en a été de même des sultans mang-
En plus, des cadeaux sont souvent échangés betu et matshaga.
entre les deux familles. La polygamie constitue, dans la société
Il n'y a de vrai mariage qu'entre individus africaine, un phénomène d'ordre économique:
libres. Jadis, un chef de famille possédait les conditions de vie y sont telles que l'ac-
souvent, en dehors de femmes-épouses, des
filles de serfs ou d'esclaves, qui étaient des
(1) Au 31 décembre 1938,il y avait au CongoBelge,
serves ou des esclaves. sur 3.326.519femmesafricaines recensées, 672.399fem-
mes de polygames,pour lesquelles l'impôt supplémen-
Le mariage est souvent conclu en présence taire (imposé aux maris polygames) était dû. 2.654.120
femmes africaines n'étaient pas, au Congo Belge, des
de témoins, parents ou amis des deux fa- femmesde polygames.
142 LES POPULATIONS AFRICAINES

La grande polygamie a existé jadis dans les


Sultanats, les Royaumes ou les Empires. Elle
semble avoir été plus rare dans les Sociétés
Patriarcales.
Ces dernières sociétés semblent n'avoir
connu généralement que la petite polygamie,
les patriarches, les notables et les riches y
possédant souvent deux, trois, quatre, cinq,
six, sept ou huit femmes et rarement plus de
dix.
Il n'est pas douteux qu'avec le progrès
économique et le développement du sentiment
individualiste chez la femme, la polygamie
tendra à disparaître. L'entretien d'une
épouse coûtera de plus en plus cher. La fem-
SOUDANAIS. me préférera de plus en plus « un mari pour
Femmes des sultanats Matshaga, elle seule ».
de culture mangbetoue.
La polygamie existe aussi chez les Pygmoï-
(Photo Musée du Congo Belge.) des et les Pygmées. dont les chefs ou les nota-
bles ont parfois actuellement deux ou trois
femmes et ont possédé autant de femmes,
quisition de femmes y constitue souvent le
meilleur placement des richesses et le plus jadis, du temps de leurs ancêtres, selon leurs
sûr moyen d'être l'objet de la considération traditions.
publique.
Le Droit Coutumier Africain détermine les
droits et les devoirs du mari polygame à
l'égard de ses diverses épouses et des enfants
issus de celles-ci, ainsi que les droits et les
devoirs vis-à-vis de leur mari et vis-à-vis de
leur père, des diverses épouses et des enfants.
Les épouses sont des femmes légitimes et
les enfants sont des enfants légitimes.
La situation de ces femmes est meilleure
que celle qu'elles auraient si elles étaient de
simples concubines, sans statut d'épouse lé-
gitime.

Après le mariage, la femme continue quel-


quefois, dans certaines sociétés à succession
matrilinéale, à résider dans son groupe, où
son mari cohabite avec elle ou vient la visiter.
Généralement elle quitte son groupe et va
résider dans le groupe de son mari, dans les
sociétés à succession patrilinéale.
La femme agit de même dans certaines
sociétés à succession matrilinéale, ayant subi
l'influence de conquérants à succession patri-
linéale ou ayant adopté la résidence de la
femme dans le groupe du mari.

Les enfants résident soit dans le groupe de


SOUDANAIS. la mère et sur les terres de cette dernière
Femme des Popoi.
(Photo Muséedu Congo Belge.) (résidence matrilocale), soit dans le groupe
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 143

du père et sur les terres de ce dernier (rési- Semblable monogamie — impliquant plu-
dence patrilocale). (l) sieurs répudiations et plusieurs divorces —
est assez analogue à la monogamie — impli-
La famille au sens strict, composée du père, quant plusieurs divorces — se rencontrant en
de la mère et des enfants, tout en pouvant maints pays, parmi les plus civilisés du
demeurer unie fort longtemps, est souvent monde.
assez instable, le mariage indissoluble n'exis-
tant pas en droit coutumier africain.
Dans quelques régions (chez certains Ba-
kusu, certains Basonge et certains Baluba de
la région de Kongolo à Kindu), des procédés
magiques, apparemment d'origine récente,
garantissent l'indissolubilité de l'union entre
l'homme et la femme, dans l'union libre; le
mariage polygamique ou le mariage mono-
gamique, comme ils garantissent d'ailleurs
l'indissolubilité de liens d'amitié entre deux
amis.
Quelques auteurs ont voulu y découvrir le
vestige de l'existence, en Afrique noire, d'un
mariage indissoluble, lequel est supposé, par
eux, avoir existé à un Age d'Or ou à un état
de nature, imaginé par eux à l'aurore de
l'Humanité, à titre de simple postulat, sans
base scientifique sérieuse.
L'indissolubilité des liens contractés y ré-
sulte non du fait de l'union libre ou du ma-
riage ou de l'amitié, mais des procédés magi-
ques utilisés aux fins de les rendre indisso-
lubles. Des procédés magiques du même gen-
re sont utilisés ailleurs, dans maints pays du
monde, aux mêmes fins ou à des fins ana-
logues.
Il y a, d'ailleurs, souvent, des recettes ma-
giques, vendues par des magiciens, pour se
protéger contre les sanctions magiques résul-
tant de la rupture des liens contractés con- SOUDANAIS.
formément aux rites magiques précités. Hommedes Barumbi.
{Photo Muséedu CongoBelge.)
Au Congo Belge et au Ruanda-Urundi, les
hommes, n'ayant jamais eu qu'une épouse à Il y a, çà et là, des conjoints qui sont restés
la fois, ont eu souvent successivement trois, unis toute leur vie, mais les cas ne semblent
quatre, cinq ou six femmes et parfois davan- pas très fréquents. (1)
tage.
Dans les mêmes pays, les femmes n'ayant Jadis, en diverses régions du district de
jamais eu qu'un mari à la fois ont eu souvent l'Uele, certaines filles favorites de grands
successivement trois, quatre, cinq ou six chefs azande ou mangbetu (les « princesses »
maris et parfois davantage. azande ou mangbetoues)), avec l'accord de
Les femmes ont parfois des enfants de leur père, ne se mariaient pas, avant un cer-
divers maris et ceux-ci en ont souvent aujour-
d'hui de diverses épouses.
(1) Des conjoints africains chrétiens restent souvent
unis toute leur vie. Certains époux catholiques, sans
(1) G. VANDERKERKEN: Rapport sur le Mariage rompre les liens religieux du mariage, vivent, en fait,
Indigène au Congo Belge et sur l'attitude, adoptée à commes'ils avaient été dissous, avec un autre conjoint
son égard, par le Gouvernementde la Colonie. (Inst. de fait. Le divorce est admis assez généralement par
Colon. International, Bruxelles, Session de 1927.) les protestants.
144 LES POPULATIONS AFRICAINES

tain âge, aux fins de profiter des plaisirs de qualité de mère à leur propre mère), toutes
la vie. Elles prenaient et abandonnaient, à les sœurs de cette dernière. Celles-ci les appel-
leur gré, des amants. lent « enfants » et sont appelées « mères »
par eux. (1)
Les enfants ont, à côté de leur propre père, Un enfant africain a donc plusieurs
comme « pires » (appelés à succéder en qua- « mères ».
L'Afrique Noire est donc, en règle géné-
rale, un pays sans « orphelins », tous les
enfants y ayant plusieurs « pères » et plu-
sieurs « mères », comme elle est d'ailleurs
en général, un pays sans « femmes céliba-
taires » et sans « veuves », toutes les femmes
s'y mariant jeunes et toutes les veuves s'y
remariant, après un assez court délai, à l'ex-
ception des très vieilles femmes.

Les enfants, nés de l'union libre, appar-


tiennent exclusivement à la mère et au groupe
de la mère. Le père n'a sur eux, en droit cou-
tumier africain, aucun droit.

Les enfants, nés du mariage, appartien-


nent soit à la famille de la mère (dans les
sociétés à succession matrilinéale), soit à la
famille du père (dans les sociétés à succes-
sion patrilinéale, à la condition que le père
ait intégralement payé la dot à la famille de
la femme et que le mariage soit devenu défi-
nitif, faute de quoi l'enfant appartient à la
famille de celle-ci).

Dans la famille de la mère, dans les socié-


tés à succession matrilinéale, le patriarche,
chef de famille au sens étendu, est un parent
de la mère (souvent un « oncle » ou un
« frère » de la mère).
Dans la famille du père, dans les sociétés
à succession patrilinéale, le patriarche, chef
de la famille au sens étendu, est un parent
du père (souvent le « père » ou le « frère »
SOUDANAIS. du père).
Femmes des Popoi. Cette dépendance des enfants vis-à-vis du
(Photo Musée du CongoBelge.) patriarche de la famille au sens étendu n'em-
pêche nullement le père d'être le père dans
les deux types de familles.
lité de père à leur propre père), tous les frè-
res de ce dernier. Ceux-ci les appellent « en- L'enfant, dépendant de la famille au sens
fants » et sont appelés « pères » par eux. (1) étendu de sa mère ou de son père, dépend
des agrégations supérieures (groupe de fa-
Un enfant africain a donc de nombreux
milles ou clan), là où celles-ci existent. (So-
« pères ».
ciétés patriarcales.)
Les enfants ont, à côté de leur propre mère,
comme « mères » (appelées à succéder en

(1) Les « mères» dont il s'agit ici sont les « soeurs»


(1) Les « pères » dont il s'agit ici sont les « frères » de la vraie mère, en droit africain, c'est-à-dire,en fait,
du vrai père, en droit africain, c'est-à-dire, en fait, les les propres sœurs de la mère et les « cousines » de
propres frères du père et les « cousins » de ce dernier. cette dernière.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI twl 1. -

Bien qu'appartenant, en principe, au


groupe de leur mère ou au groupe de leur
père, les enfants ont des parents tant du côté
de leur père que de leur mère et entretien-
nent avec ceux-ci des rapports suivis. Maltrai-
tés dans un de ces groupes, ils trouvent tou-
jours accueil dans l'autre.

La femme, bien que mariée, n'étant pas


liée par le sang à la parenté du mari,
n 'entre pas dans la famille au sens étendu de
son mari. Elle reste membre de sa propre
famille au sens étendu.

Le droit coutumier règle partout les fian- SOUDANAIS.


çailles ou plus exactement « le mariage à
l'essai » (1), les cérémonies du mariage, les Indigènes des Makere dans leur village.
(Photo Musée du CongoBelge.)
modalités des payements dotaux et, éventuel-
lement, les cadeaux à échanger entre les Il y a des monogames et des polygames
familles, les droits et les devoirs des époux,
les droits et les devoirs des enfants vis-à-vis ayant assez bien d'enfants et des monogames
des parents, les droits et les devoirs de chaque et des polygames n'ayant guère ou n'ayant
époux vis-à-vis de ses parents et vis-à-vis de pas d'enfants.
ses beaux-parents, etc. La femme de l'Afrique Belge a souvent
beaucoup d'enfants : 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, Il
ou 12. Il y a des femmes stériles. Il y a
Les populations du Congo Belge et du
des accouchements prématurés. Assez bien
Ruanda-Urundi désirent ardemment, en géné-
ral, avoir des enfants.
Il n'y a que peu d'exceptions à cette règle :
femme détestant son mari monogame ou poly-
game et follement éprise d'un amant; favorite
d'un notable désirant garder sa ligne pour
continuer à plaire et redoutant les fatigues
de la maternité; femme séparée d'un mari
parti au loin, voulant éviter de donner à
celui-ci des preuves de son inconduite, etc.
L 'infanticide y est inconnu. L'avortement
volontaire, bien que pratiqué vraisemblable-
ment depuis toujours, à l'aide de substances
diverses, y est assez rare.

(1) Les fiançailles ne constituent pas, assez générale-


ment, en Afrique Belge, des fiançailles comme en
Europe, mais plutôt un mariage à fessai. S il s'avère
satisfaisant, il se transforme en mariage définitif. Les
paiements de la dot, souvent minimes, lors du mariage
à l'essai, deviennent importants, lors du mariage défi-
nitif. C'est seulement après ce dernier mariage que
les enfants appartiennent au père, dans les sociétés à
succession patrilinéale.
Des missionnairesdésignent, sous le nom de « fian-
çailles » ce qui est en réalité un « mariage à l'essai »:
c'est le cas pour le R. P. HULsTAERT, dans son excellent
SOUDANAIS.
ouvrage: Le Mariage des Nkundo (Inst. Royal Colonial Chef d'un groupement des Àmadi.
Belge, 1938). (Photo Musée du CongoBelge.)
146 LES POPULATIONS AFRICAINES

d'enfants naissent morts-nés. Beaucoup d'en- des filles, la famille ne ratifiait pas facile-
fants meurent en bas-âge : probablement plus ment la répudiation par une femme de son
de 50 Il ne faut pas oublier que dans l'Eu- mari, sans cause sérieuse, parce qu'elle de-
rope du XVIIIe siècle et de la première par- vait rendre à la famille du mari la dot, ou une
tie du XIXe siècle, avant la médecine scien- fille, ou la femme reçue en échange, ce qui
tifique, il mourait autant d'enfants. était souvent pour elle une cause de troubles
et de tracas.
Lorsque la femme répudiait son époux, la
dot payée par le nouveau mari servait à rem-
bourser la dot au mari répudié.
Lorsque le mari répudiait sa femme, la dot
était remboursée par la famille de celle-ci à
ce mari, quand cette dernière avait reçu la
dot versée par le nouvel époux de la femme
répudiée.
La fréquence des répudiations, avant la
conquête européenne, ne semble pas avoir
empêché la naissance d'un grand nombre
d'enfants.
Avant l'arrivée des Européens, les Tribu-
naux indigènes n'avaient souvent à se pro-
SOUDANAIS. noncer que sur les questions de règlements
Grenier à graines des Mamvu.
(Photo Musée du CongoBelge.) pécuniaires, à effectuer à la suite des répu-
diations admises par les familles.
Il en était vraisemblablement de même dans Depuis l'arrivée des Européens, les Tribu-
les autres pays du monde, à la même époque. naux indigènes, guidés, surveillés et conseil-
lés par les Administrateurs et les Magistrats
Le taux de la mortalité infantile y a baissé,
à la suite des progrès de la médecine et de européens, sont souvent intervenus pour exa-
miner le bien-fondé ou le
l'hygiène publique. Sauf dans quelques ré- mal-fondé des répudia-
gions, situées à proximité de centres européens tions et admettent ou re-
ou d'industries européennes (camps de soldats,
de travailleurs, missions, etc.), l'Afrique Noire jettent de véritables de-
mandes de divorce, pour
ignore l'hygiène de la femme enceinte, celle
de la femme accouchée et celle du nourrisson, causes déterminées, se ré-
servant d'apprécier si ces
acquisitions d'ailleurs assez récentes en Eu- causes sont suffisantes ou
rope. non pour autoriser le
Dans le mariage, conclu entre époux de
divorce.
condition libre, la répudiation existait jadis
au profit des deux époux, sans motifs déter-
minés. En cas de mésentente persistante, les Depuis peu, des dispo-
époux ne voyaient aucune raison pour rester sitions légales, régissant
ensemble, aucune religion, aucun droit, au- les Africains, demeurés
cune morale ne leur imposant de demeurer vivre sous l'empire du
mariés. En pratique, les familles des deux Droit Coutumier Africain
époux n'acceptaient la répudiation que s'il y (le Décret du 5 juillet
avait en l'occurrence des raisons suffisantes, 1948 sur le mariage mo-
à leurs yeux, rendant la continuation de nogamique des Indigènes:
l'union indésirable. Codes du Congo Belge de
Là où la dot était insignifiante, ou les filles 1948, p. 1357 et suiv.)
nombreuses, la répudiation était facile pour tendent à faire, de l'an-
l'épouse. Là où la dot était plus importante cien mariage africain,
ou les filles moins nombreuses, la répudia- pour certaines catégories
tion était moins facile pour l'épouse, car sa d'Africains, un mariage
famille devait rembourser la dot ou livrer obligatoiremet monogami- SOUDANAIS.
une autre fille. que et indissoluble. Jeune femme des
Mamvu.
Sauf dans le cas de familles très riches, Des dispositions légales (Photo Musée du
en biens ou en filles, favorables aux caprices récentes entendent sup- Congo Belge.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 147

primer la Polygamie, pour l'avenir, bien surtout l'œuvre de l'évolution du milieu, des
qu'elle soit — en Afrique noire et dans plu- idées et des mœurs.
sieurs pays civilisés, — une institution fort Toute politique à l'égard de la Polygamie
an- — heurtant de front les conceptions et les
ancienne, très respectée et profondément
crée dans les mœurs. sentiments des Africains — risque d'aboutir
Un Décret du 4 avril 1950 (Bulletin Offi- à substituer, en fait, sans profit pour pèr-
ciel du Congo Belge, 1950, pp. 484 à 500) sonne, à des « épouses légitimes » des « con-
annule, de plein droit, à partir du 1 jan- cubines », affichées ou secrètes, et à des
vier 1951, tout mariage coutumier, contracté « enfants légitimes » des « bâtards », les uns
avant l'annulation du ou des mariages et les autres sans statut déterminé.
antérieurs. Les mœurs sont plus ou moins rigides ou
Ce même Décret réglemente, à partir du plus ou moins faciles, selon les sociétés. Elles
1 juillet 1950, la résidence des anciens poly- sont plus rigides chez certains Soudanais
games dans certaines agglomérations (centres (Lugbara) et chez certains Bantous (Ngombe,
européens, centres extra-coutumiers, cités in- Banya-Ruanda, Barundi), que chez d'autres
digènes) et, après une date fixée par le Gou- Soudanais (Mangbetu, Azande), et d'autres
verneur de Province, dans des agglomérations Bantous (Mongo, Batetela, Bakusu, Basonge,
et des régions déterminées. etc.)

L'entente entre époux et la permanence de Avant la conquête européenne, l'adultère


leur union sont désirables, en Afrique, comme de la femme était, partout, puni par le Droit
partout ailleurs, dans l'intérêt des époux et Africain. Il y a adultère, quand la femme
des enfants. contrevient à la fidélité qu'elle doit à son
La répudiation et le divorce sont, en Afri- mari, selon les conceptions locales et le Droit
que, comme ailleurs, des maux, mais des Africain. Celui-ci prévoyait des sanctions
maux inévitables, destinés à éviter des maux contre la femme adultère et son complice. Il
plus grands. ne prévoyait aucune sanction, en cas d'adul-
C'est ce que démontrent, depuis longtemps, tère du mari avec une femme non mariée,
les faits et l'expérience de la vie sociale, dans bien que celui-ci était exposé aux reproches
de très nombreux pays, qui ont cru néces- et aux moqueries de son épouse ou de ses
saire de rétablir le divorce, là où il avait épouses.
été supprimé jadis. L'épouse adultère était, selon son rang et
En Afrique Noire, comme en Europe et en selon les cas, réprimandée, battue ou mal-
Amérique et traitée et parfois répudiée.
ailleurs, les Le complice de l'adultère de l'épouse su-
époux se sépa- bissait un traitement variant avec son rang :
rent, en droit s'il était un esclave, il était battu, vendu au
ou en fait, loin ou tué; s'il était un étranger, il était
lorsqu'ils sont parfois tué; s'il appartenait au groupe du
mal assortis et mari, il avait à verser à celui-ci une indem-
par c e qu'ils nité plus ou moins importante, variant selon
sont mal as- le cas. Celle-ci était souvent insignifiante ou
sortis et ils ne peu importante, si le complice était un pa-
sont pas mal rent rapproché du mari.
assortis parce Rappelons que lorsque la femme a des rap-
qu'il y existe ports — conformément aux usages locaux —
la répudiation avec un frère cadet ou plus rarement avec
ou le divorce. un frère aîné de son mari ou avec un hôte
du mari, avec l'accord exprès ou tacite du
La dispari- mari, il n'y a, en général en Droit Africain,
tion progres- au Congo Belge, pas adultère.
sive de la Po- Dans les Sultanats, les Royaumes ou les
lygamie est Seigneuries, des Chefs et des Notables, ayant
souhaitable, souvent accaparé des captives ou s'étant sou-
en Afrique vent fait livrer des filles d'assujettis, ont
SOUDANAIS.
Jeune femme des Walese, Noire, comme souvent sanctionné de peines sévères, barbares
devant sa hutte. ailleurs, mais et cruelles, allant jusqu'à la mort, la moindre
(Photo Musée du Congo Belge.) elle doit être infidélité de celles-ci, ne possédant pas de
148 LES POPULATIONS AFRICAINES

Le mariage n 'étant pas seulement un lien


entre deux individus, mais aussi entre deux
familles au sens étendu, la mort d'un des
deux époux ne met pas fin au mariage.
En cas de mort du mari, la femme devient,
avec son accord, l'épouse d'un des héritiers
du mari, nécessairement un membre de la fa-
mille du mari. Si la femme préfère rentrer
dans sa famille à elle, cette dernière doit
rembourser la dot à la famille du mari ou
lui donner une autre femme.
En cas de mort de la femme, il y a assez
souvent lieu de distinguer. Si celle-ci survient
dans le groupe du mari, le Jnnri est tenu
SOUDANAIS.
Hommes des Logo, dans leurs cultures. assez généralement pour responsable de cette
(Photo Musée du CongoBelge.) mort (attribuée souvent aux maléfices de la
sorcellerie, au mauvais œil, etc., contre les-
parents puissants pouvant les défendre et li- quels la femme aurait dû être protégée par
vrées dès lors, sans défense, à tous les capri- le mari ou par la famille de ce dernier), et
ces de leurs seigneurs et maîtres. n'a droit ni au remboursement de la dot, ni
Dans les Sociétés Patriarcales, des Chefs à une autre femme. Si celle-ci survient dans
ou des Notables ont parfois agi de même à le groupe de la femme, où cette dernière
l'égard de filles d'esclaves, d'assujettis ou de s'était rendue bien portante, au sû de tous,
vassaux, incapables de les protéger et de les le groupe de la femme est tenu assez géné-
défendre. ralement pour responsable de cette mort (at-
En Afrique, comme ailleurs, les puissants tribuée souvent aux maléfices de la sorcelle-
ont souvent abusé des faibles, au gré de leurs
instincts et de leurs caprices.
Ce comportement sévère, barbare et cruel
n'a généralement jamais été admis par le
Droit Coutumier Africain, dans les Sociétés
Africaines, lorsqu'il s'agissait de filles libres,
issues de familles égales en naissance, en
influence et en richesses aux familles de leur
mari, les femmes ayant éventuellement, pour
les défendre, des parents puissants et
influents.

Il y a, en Afrique Belge, comme partout


ailleurs, pour des raisons diverses, des maris
aveugles, des maris complaisants, des maris
résignés, des maris indifférents, des maris
infidèles, des maris fidèles et des maris ja-
loux, comme des femmes aveugles, des femmes SOUDANAIS.
complaisantes, des femmes résignées, des Femmes et enfants des Lugbara.
femmes indifférentes, des femmes infidèles, (Photo Musée du Congo Belge.)
des femmes fidèles et des femmes jalouses.

La dot sert également de garantie et de rie, au mauvais œil, etc., contre lesquels la
le bon traite- femme aurait dû être protégée par sa propre
compensation. Elle garantit
ment de la femme dans le groupe du mari. famille), et doit, ou restituer la dot au mari,
Elle compense la perte du travail de la ou lui livrer une nouvelle femme.
femme et celle des enfants, issus d'elle, par Si la femme meurt dans son groupe, après
la famille de cette dernière. y avoir été amenée malade par son mari, au
En cas de mariage par échange de sû de tous, le mari est considéré comme res-
« sœurs », il en était de même de la « soeur » ponsable de sa mort; en cas de décès, il n a
donnée en échange; elle servait de garantie droit à recevoir ni remboursement de la dot,
et de compensation. ni une autre femme.
baba)
mama)
ee
mama
bakabaka
e baba

Mangbele
Buta. moka
baniki
baniki
tstr. : moka
Mangbele mbusa
de muniki (plur.:
BANTOUS
papa
marna
muniki
teta
tetateta ; (plur.
muniki mboko
ndengbo
ko mboko
ndengbo
bogwa mama
papa nakalo basa
nenamuniki

PATRILINEALE
Buta.
l'Uelé)
monkali
mornoi,o,ko
momoloko tadi
dede mimimbusa epele
ka a ma kuku
naba nama
nama nama
Distr.
Bakango
Territ.
GROUPEMENTS miniki
abaama teta
lela
teta mi mi mimi mbo
tedu
tedu munumunu nenaminiki
begoabamama nakalobasa
baïsa
l) o
SUCCESSION
l'V
Bobua
A DIVERSde monka
rnornoli
momolo ntinda
du ma ba
Bobua ma mi
ma ma mama
marna
mama petadi
DANSdu <Dis„. mimi
rni nkolo mimi no abamama
abaamamiteta
tetateta mi mi tadi nena I basa
Dist.
.) mi
( i directe. collatérale.
ngenelenola
SOCIETES tadi a
(/hst.
-UbangNATURELLE
ligne ene mwali
ligne ngene nngene
LESD'ALLIANCE en ALLIANCE
Congo tata en ) ; mwana
Ngombc sesamama
muana
pape
tata > ngongo bosuku
bosuku noko sesa
'ngongo mama
sesamwana— bokio
ET Ngombe
o) PARENTE B.
nkana
DANS Parenté )
ong" — I. Parenté
h Dekese fafa
A. II. kana mwa
Boshongo eoto n,
PARENTE (T.
! pingo,mona
Inyo nkanka
jbonkana ! ? ; ( 1 bombumba
yaya
wankune bobumba
ngopami
nsomi niangopami
fafanyo mona
nkali mona bokilo
DE I
^vj nkana
mwana
ngoya ngoya mwana
ea
D'ALLIANCE
kunduj'/e~ej niango kana omoto
fafa fafa omoto
TERMES T. eoto n,
ET et bonoju,
ise,marna,
munkana
koko
koko ! > ; I bokune
bokukansomi
botomolo bokune
ngoipami
ise,mama,
isefafa
bonoju,
mwana bokilo

: date
(T.deCoçuMrT père)
père)
la :
QUELQUES sœurs : mère) mère)
père)
dudu
naissance de
et ; la père)la
PARENTE de du frèresœur
ça.s enfants
Nkundu de dude la
DE frères génération dude
date parents
des suite
(sœur
(sœur
NFranr : la (frère
INDIQUANT entre les la (frère (fils (fils
mèrepère même 1er femme
1 dela femme femme
Frère le
par dans
usités aîné cadetnaissance
puiné la la la
mêmemême nénématernel paternelle
paternel
TERMES enfant dans de paternel
maternelle dedede
maternel
De De Frère Frère
Sœur Frère
Frère
Termes Indication
TABLEAU Père
Mère Petit
Enfant Aïeule la b)
Aïeul a)>b) a) b) c) Indication
Enfant
Enfant
OncleOncle
Tante NeveuPère
TanteNeveu Mère
Frères
et
et
L
b
mwipwa)
VL
Kibombo —— — -
Jde
Kongolo sikaluntu
jT
Bakusu
,R papa
mama
ona
munkana
fafa
nkie motomba
motombakushiami
bulua mutshuami
papa
mania (kiluba
bwifwa
ona bokilo
a e)

BANTOUS
Kongolo.) —
Batete
(sho) nyo
papa nkalio

de papa
nyoona
munkana
ntshe ona
ona nkalio bula bokune
kusheni niampami
papa
nyo
iseatshu
onaona bokilo
Katako-Kombe)
GROUPEMENTS
de
Bakusu
T.
(T.
——
DIVERS Basonge kulu mukashi
kulu

DANS yaya
ntabo
mwana
munkana
yaya
ntabo mukwetu
nkasha ntutu
mwina
kabaïle yaya
ntabo mwipwa
ntabo
mwana muko
L
Kabinda.)
directe. muekulu
NATURELLE
de
ligne collatérale.
D'ALLIANCE mukashi
mulunie — —— ALLIANCE
Baluba en etu etu bute
(T. mukashi —
ET r, Parenté
PARENTE B.
'1 Parenté
tata
lolomwana
nninkana
nkambo
nkambo mwan'mwan' mwana
mugala masebalolotatamwana
tatu mwipwa bukwe
II.
— I.
A.
o.(Katanga)
bo.)
b
Baluba
PARENTE
bukulu
b ea
DE 1 Z.M.sam
L -

1e
B Je mukulu etu etu etu
ninkulu ni3nseba mukashi
rcr.
rGV maseba nuikwo
bu P tatu
mamu mwipu f
TERMES ((P munkana
tatumamu tatumamu
mwana mwan'
mwan' mwan'
nkana
'mwakuni tatamwana

: date
I père)
père)
: la :
QUELQUES sœurs mère)dudu
naissance de mère père)
et la
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frère
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de dude la
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des suite
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rançms
Balii
(Katanga)
Français : la ( (frère (fils
INDIQUANT entre
la même les (fils
mère
père de l'1' l femme
femme
Il la femme
Frère par le dans
usités aîné cadetnaissance
puiné la la la
même
même dans néné materne paternelle
paternel de
enfant de paternel maternel
maternelle dede
DeDeTermes Frère
Frère
IndicationFrère
TABLEAU Père
Mère
Enfant
Petit
Aïeul
Aïeule a) b) Enfant
Enfant
a) b) c)Indication Oncle
Oncle
Tante Neveu
Tante
Neveu Père
Mère
Frères
ngwa ombi
Paulis) ngwa nandra ombiombi ombi
ombi
de dre nandra
ngwongwe dre za za tata
eisa
b
(T. ya tota ne
tata ya papa nedranadru nabulu
tata nedjadja
nabulu papa
dada ya nengwongwene ne
nedongwe
1 papa
ne noriandu

Mangbetu père)
mère)
de de
bwo mô
SOUDANAIS
d'Amadi.) moi moi ese ou
bemé nebeisa
Aniadi nina
debuba
de bwô bwô mÓ
(T. bwÕ
bwÕ bwô ba ulaya mé
mô m6 m6 mô
Anzadz nina begimwa
buba titatitatita be(frèreya be
be(frère zunu lese
ese zunu
ese buba
moôunu nina begimwa,
ula môera
besa

mère) sœur)
GROUPEMENTS la père) uli père) la
nadebadu badu de era
arambo
d'Amadi) ré re
agu- na na - uli uli ebende
(T. gbié
DIVERS na terétere agu (enfant
agu(enfant
ébendé
ekie topungulu
dile
afia topungulu
dilemonga
baba(sœur
ebende (enfantIl ]
na uli agu
ta. ba ! uli,sete
)
Abarambo wili
sul mère) sœur)!
DANS gbié
A rilele wilî la père) père) la
des e de du enfant)
enfant) ba wili
de
t directe. du ngbiele
gbiele
na ba de *
NATURELLE wili wili wili ba na
ligne collatérale. 1
Azande
zstr. ba nagude tita
titatita wili (enfant
(enfant
wili de (femme
ka (garçonunvulu
tame
kialo unvuru
tameba
and6 de(sœur
na wili wili
D'ALLIANCE en ALLIANCE
moi)moi) -
ET Parenté B.
PARENTE
(vocatif) de de
(vocatif)
Parenté moi)moi)
II.
—1.
Banzyville.) buamâ mèrepère nyi
— mbi
Angbandz A. la
mbi mbi mère
du mbi mbi père ta
de
PARENTE ta detô ta tô nyi
(T. kÓgara
DE t6 ta nyitara
kÓtara
tara Inyî nyi(enfant
(enf. nyi nyi
(enfant(enfant ngambi Ikozo
kozo tô
kûyà
Ingambi
j tâ nyi nyi Il •
dude ndângba

- —- -
TERMES Libenge.) i
(Ngbundu
Territoire abaana tara
ataata
yabise yumi engeme
yingomi eya
yame rodongoeya
engeme
abaana () kofeme
j
! (enfant
: date; père);père)
: la : du du
QUELQUES sœurs mère) mère)
père)
naissance de
et la
la père) sœur
de enfants du frère
dedude la
frères génération du de
date parents
des suite
(sœur(sœur
: la
INDIQUANT entre même les 1erla (frère
(frère (fils (fils
mèrepère dela femme
femme femme
III Frère par le dans
F
Français usités aîné cadetnaissance
puiné la la la
mêmemême nénématernel paternelle
paternel paternel
materneldedede
enfant dans de maternelle
De De SœurFrère Frère
Frère Frère
Termes Indication
TABLEAU Père
Mère
Enfant
PetitAïeulea) b)
Aïeul a) b) a) b) c) Indication
Enfant
Enfant
Oncle TanteTanteNeveu
Oncle Neveu Père Mère
Frères
152 LES POPULATIONS AFRICAINES

TERMES DE PARENTE ET D'ALLIANCE DANS LES SOCIETES


A SUCCESSION MATRILINEALE

TABLEAU INDIQUANT QUELQUES TERMES DE PARENTE


DANS DEUX GROUPEMENTS BANTOUS (BAKONGO ET BALUBAISES)
ET DANS UN GROUPEMENT SEMI-BANTOU (BADZING)

Bakongo Balubaisés du Katanga Badzing de la Kamtsha


Français (Bampangu) (Baluba - Hemba) (Distr. du Kwanga.)
(Distr. du Bas-Congo.) (Distr. du Tanganiyka.)

A. — PARENTE NATURELLE
I. Parenté en ligne directe.

Père taa
(se, ( tata (vocatif) seja
( tata locatif)
ngudi ngina maa
M'
ere ¡ marna (vocatif) (I lolo (vocatif
Enfant muana muana mwan, mbeel
Petit enfant ntekolo munkana mutiil
Aïeul ba ntshoem
Aïeule nkambo
nkambo Imko ha mukaar, nkaa
i buko

11. Parenté en ligne collatérale.

Frère :
a) De même mère mpangi mwanetu —
b) De même père mpangi mwanetu —
Termes usités
entre frères et sœurs:
a) Sœur mpangi nkento kaka --
b) Frère tutu --
„ mpangi yakala
Indication de la date de
naissance
dans la même génération :
a) Frère aîné mpangi mbuta mukulu ibul
ou yaya
b) Frère puiné mpangi nleke mwina mukoom
c) Frère cadet — — --
Indication par les parents
de la date de naissance
des enfants : —
Enfant né le 1er mwana mbuta, mubeli
Enfant né dans la suite mwana kati, mukala —
mwana nsongi --
Oncle maternel ngudi nkasi — mpja
(frère de la mère)
Oncle paternel se di nsakila tata taa
(frère du père)
Tante maternelle ngudi nsakila lolo maa
(sœur de la mère) —
Tante paternelle se di nkento tata lolo
(sœur du père) --
Neveu paternel mwana nsakila mwana
(fils du frère du père)
Neveu maternel mwana nkasi mwihwa mwa a mpang
(fils de la sœur du père)

B. — ALLIANCE

Père de la femme yakala k kobunkil ihaal


Mère de la femme nzitu nkento )I bunkil mukaar
Frères de la femme nzitu
nzitu bukwe bunkil, buko
PYGMOIDES ET PYGMEES. — 1 - Pygmées et Pygmoïde&.l^asua) du Haut Uele: 2 = Pygmées et Pygmoïdes
(Batshua) assujettis aux Ekonda, devant une hutte de leur village; 3 = Jeunes femmespygméeset pygmoïdes (Efe)
à côté de deux femmes Mamvu; 4 = Femmes pygmées et pygmoïdes(Batshwa), assujettiesaux Nkundu; 5 = Jeunes
chasseurs des Pygmées et Pygmoïdes (Batshwa), assujettis aux Nkundu, devant leur hutte.
(Photos Musée du Congo Belge.)
= Pygmoïde
PYGMOIDES ET PYGMEES. — 1 = Femme des Pygmées (Bambuti) du district de ITeIe; 2 4
(Babinga) de la région du Bas-Ubangi; 3 = Pygmoïde (Bambote) de la région de Kiambi (Katanga); 6 et 7 -=
Pygmées (Basua) assujettis aux Babira; 5 = Pygmoïde (Bambote) de la région de Kiambi (Katanga);
Pygmoïdes (Babinga) de la région du Bas-Ubangi, (distr. du Congo-Ubangi).
(Photos Musée du Congo Belge.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 153

II. LA FAMILLE AU SENS ETENDU, LE rale de parents par le sang, descendant, soit
GROUPE DE FAMILLES OU SOUS-CLAN par les hommes, d'un père commun (famille
ET LE CLAN. à succession patrilinéale), soit par les femmes,

La famille au sens biologique, ou la famille


au sens strict, — l'union plus ou moins stable
de l'homme, de la femme et des enfants issus
de cette union — existe partout au Congo
Belge et au Ruanda-Urundi, comme elle existe
depuis longtemps dans les autres pays du
monde. Elle y est à l'origine des enfants et
elle explique la succession des générations.
Elle n'y est pas souvent à la base de la socié-
té, la base de celle-ci étant la famille au sens
étendu, comme dans maints autres pays du
monde, dans le passé ou le présent.
La famille au sens strict constitue un petit
groupement, essentiellement instable, en
Afrique Noire.
La famille biologique ou la famille au senb
strict est incorporée, comme elle l'était et
l'est encore souvent, dans maints pays du
monde, du point de vue social, dans la famille

SOUDANAIS.
Femme des Avokaya.
(Photo Musée du CongoBelge.)

d'une mère commune (famille à succession


matrilinéale), constituant, en fait, soit un
groupe apparenté au père par les hommes,
soit un groupe apparenté à la mère, par les
femmes.
SOUDANAIS.
Hommes des Lugbara.
(Photo Musée du Congo Belge.) Alors que la famille au sens strict, consti-
tuée par le père, la mère et les enfants, com-
au sens étendu, soit du mari, soit de la porte une parenté bilatérale, la famille au
femme. (l) sens étendu (et les agrégations supérieures,
La famille au sens étendu est un petit constituées par la réunion de plusieurs fa-
milles au sens- étendu, descendant d'un an-
groupe résultant d'une agrégation unilaté-
cêtre commun, telles que les groupes de

(1) Quelques africanistes souhaitent voir substituer,


en français, au terme de famille au sens étendu, celui la parenté. Si on l'utilise, pour désigner la famille au
de parentèle. Il y aurait une parentèle paternelle, sens étendu, il en faut d'autres pour désigner le
groupant les parents du côté du père et une parentèle groupe de familles et le clan.
maternelle, groupant les parents du côté de la mère. Le groupe de familles deviendraitle groupe de paren-
Certains d'entre eux voudraient- réserver le terme tèles et le clan serait constitué par des groupes de
« famille » à la famille biologique au sens strict : parentèles. Il s'agit uniquement de traduire des termes
au ménage, composé du père, de la mère et des africains (comme Likundu, llongo et Ese des Nkundu).
enfants. Aussi, les noms utilisés, pour traduire, dans une
Il est à remarquer que le terme de parentèle (du langue européenne, les noms africains, doivent être
latin parentela) désigne un ensemble de parents ou employés avec une signification bien précisée.
154 LES POPULATIONS AFRICAINES

familles ou sous-clans et les clans) est consti- Le clan est un petit groupement, ne comp-
tuée par une parenté unilatérale. tant généralement que quelques centaines
La famille au sens étendu, le groupe de d'habitants au maximum.
familles au sens étendu ou sous-clan (consti- Quelques auteurs ont parfois confondu,
tué par diverses familles au sens étendu, dans les sociétés patriarcales, avec le clan,
descendant d'un même ancêtre), le clan des agrégations inférieures (le groupe de fa-
(constitué par des groupes de familles au milles au sens étendu ou sous-clan) ou des
sens étendu, descendant d'un ancêtre com-
agrégations supérieures (groupe de clans,
mun), sont des groupements essentiellement sous-tribu, tribu ou peuplade).
stables, parce que basés sur la parenté par La famille au sens étendu, le groupe de
le sang.
familles au sens étendu et le clan sont patriar-
caux (quand ils groupent les descendants,
par les hommes, de l'ancêtre-père) ou ma-
triarcaux (quand ils groupent les descendants,
par les femmes, de l'ancêtre-mère).
Souvent, les familles au sens étendu, les
groupes de familles au sens étendu ou sous-
clans et les clans ne comprennent que les
descendants, par les hommes ou par les fem-
mes, de l'ancêtre du groupe, vivant avec
leurs épouses ou leurs époux, sur les terres
du groupe.
Souvent, ces groupements comprennent, en
plus, des alliés (maris des filles ou parents
des épouses des membres de ces diverses agré-
SOUDANAIS. gations), des clients (venus se placer sous la
Hommes des Walendu (Baie). protection du patriarche du groupe, en échan-
(Photo Musée du CongoBelge.) ge de services prestés), des vassaux, des assu-
jettis, des esclaves, vivant, avec les membres
La famille au sens étendu, le groupe de par le sang de ces groupements, sur les terres
familles au sens étendu, le clan, sont des de ceux-ci.
petits groupements très souvent exogames, Avec les liens du sang coexistent alors les
dont les hommes et les femmes ne se marient liens territoriaux.
assez généralement pas entre eux. (l)
Assez exceptionnellement, les hommes et Souvent, ces divers groupements sont de-
les femmes d'un même clan, voire d'un même meurés indépendants ; parfois ils sont demeu-
groupe de familles, beaucoup plus rarement rés groupés; parfois, ils se sont dispersés au
d'une même famille, se marient entre eux. loin; parfois ils ont dû accepter le joug des
Dans les familles de certains sultans avon- conquérants, ayant envahi le pays et sont
gara ou mangbetu — avant l'occupation euro- devenus aujourd 'hui des groupements clients,
péenne — les frères épousaient parfois leurs vassaux ou assujettis; parfois, ils ont conquis
propres sœurs et les pères leurs propres filles. des terres nouvelles et y assujetti les vaincus
En règle assez générale, cependant, les hom- et sont devenus aujourd 'hui dans une Sei-
mes et les femmes d'un même clan ne se gneurie, un Royaume ou un Sultanat, une
marient pas entre eux. Aristocratie, dont les chefs ont fondé une
Dynastie.
Dans les sociétés où les membres de la
(1) Nous traduisons les termes africains de ces di-
verses agrégations, dans les diverses sociétés africaines, famille au sens étendu, du groupe de famil-
par famille au sens étendu, groupe de familles et clan, les étendues ou du clan sont demeurés en-
termes souvent utilisés, faute d'en avoir découvert de semble, sur une même terre, formant des
plus adéquats.
Divers ethnologues ont essayé, en vain, de leur sub- groupements politiques, ayant à leur tête des
stituer d'autres termes français, plus appropriés. Aussi patriarches, assistés de conseils d'anciens, les
avons-nouscru devoir les conserver. familles au sens étendu constituent souvent
Ils essaient de traduire, en Français, des noms afri- un quartier, les groupes de familles au sens
cains, bantous ou soudanais. Voir Tableaux donnant étendu un hameau et le clan un village.
les Termes indiquant les subdivisions des sociétés pa-
Il en est souvent ainsi, dans le pays des
triarcales, dans divers groupements bantous, soudanais,
semi-bantous. Mongo (Mongo au sens strict, Mongo au sens
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 155

étendu, Mongo du groupe Batetela), des gneuries, divers Sultanats ou des Royaumes,
- Mabinza - Mo-
Ngombe - Ndoko - Budja auxquels les divers groupements précités sont
bango - Bombesa, etc. subordonnés.

Là, où les membres de la famille au sens


étendu, du groupe de familles étendues ou
du clan, tout en conservant le souvenir des
liens de parenté existant entre eux, ont été
assujettis par des conquérants et dispersés
aux quatre coins de l'horizon, les liens de
parenté [avec leurs conséquences des points
de vue des empêchements au mariage, du cul-
te des ancêtres, des interdits, des tabous,
des pseudo-totems, comme dans l'Uele 0),
etc.] demeurent, mais il n'existe plus, comme
entités sociales et politiques, de familles au
sens étendu, de groupes de familles au sens
étendu ou sous-clans ou de clans.
Il en est souvent ainsi, chez les Azande, SOUDANAIS.
-
populations parlant aujourd'hui l'azande Aspect de village chez les Walendu (Baie).
aux origi- Emmagasinagedes grains dans des greniers.
(langue soudanaise), populations {PhotoMusée du CongoBelge.)
nes disparates, bantoues ou soudanaises,
dont les anciennes sociétés ont été détruites Les deux organisations politiques, l'ancien-
et dont les individus ont été répartis jadis,
ne et la nouvelle, coexistent, mais l'ancienne,
dans des Sultanats, en tant qu'individus iso-
devant s'adapter à la nouvelle, se désagrège
lés — selon la fantaisie des conquérants
souvent lentement au profit de la nouvelle,
Abandia et Avongara — entre divers capitas
les conquérants devenant une aristocratie et
ou bakumba, chargés de les administrer, sans
les vaincus devenant une plèbe.
tenir aucun compte de leurs liens de parenté
familiale ou clanique, abstraction faite sou-
vent des liens entre époux ou des liens entre
père, mère et enfants.

Parfois, bien que les groupements, consti-


tués par les familles au sens étendu, les
groupes de familles étendues ou sous-clans, et
les clans subsistent, ceux-ci ont vu se super-
poser à eux une organisation nouvelle, intro-
duite par des conquérants étrangers, ayant
abouti à créer, dans le pays, diverses Sei-

(1) Certaines populationsdu bassin de l'Uele (Azande,


Mangbetu, etc.) croient, qu'à la mort, plusieurs
« âmes » du défunt quittent son corps et que certaines
parties du cadavre enterré, selon son groupe, se trans-
forment en serpent (la langue), en léopard (la main), SOUDANAIS.
etc. Village des Walendu (Baie).
Le serpent ou le léopard ne sont pas des « totems ». {Photo Musée du CongoBelge.)
Ces croyances proviennent, sans doute, de ce qu'en
observant la tombe, les Africains y ont vu de jeunes
serpents ou de jeunes léopards, supposés nés du corps Les liens politiques ayant existé jadis entre
du défunt. En dehors de ces croyances, ils croient à les individus d'un même clan indépendant,
l'existence de l'ombre, du lumineux de l'œil, d'une lorsqu'ils étaient groupés sur une même terre,
âme statique (en rapports avec l'ombre), d'un<*âme Le souvenir en persiste assez
dynamique(en rapports avec le lumineux de l'œil), etc. disparaissent.
Le fils d'un Azande, dont le corps après la mort longtemps, puis s'estompe et enfin s'oublie.
donne naissance à un léopard (pseudo-totem), verra, Après une certaine époque, l'ancienne orga-
après sa mort, son propre corps donner naissance à nisation est totalement oubliée et l'ordre ac-
un léopard (pseudo-totem). Si le corps d'un Azande, tuel des choses semble avoir toujours existé
du groupe du « léopard », ne donnait pas naissance
à un léopard, mais à un serpent, son père supposé ne et est supposé l'ordre voulu par les Ancêtres
serait pas son vrai père, etc. et les Divinités.
156 LES POPULATIONS AFRICAINES

Lorsque la famille, le groupe de familles milles est constitué par les Patriarches, chefs
étendues ou le clan ont conservé leur exis- de familles et leurs successeurs rapprochés.
tence et leur cohésion, ces divers groupements Le Conseil des Anciens du Clan est con-
stitué par les Patriarches, chefs de groupes
de familles et leurs successeurs rapprochés
(les patriarches, chefs de familles et leurs
successeurs immédiats).
Le Patriarche, assisté par le Conseil des
Anciens, assure dans le groupement le gou-
vernement, l'administration et la justice.
Le Patriarche et le Conseil des Anciens
sont censés avoir reçu des Ancêtres le droit
de commander et de se faire obéir. Les An-
cêtres les protègent efficacement et récom-
pensent, en cette vie, les membres du clan
qui exécutent leurs ordres et punissent, en
cette vie, les membres du clan qui n'exécu-
SOUDANAIS. tent pas leurs ordres.
Femmes des Mundu. Souvent, les Patriarches et le Conseil des
(Photo Musée du CongoBelge.) Anciens sont protégés, en outre, par des Gé-
nies, des Esprits ou des Dieux locaux et,
ont à leur tête un Patriarche. Ce patriarche parfois, en plus, par des fétiches, fétiches-
est à la fois le père, le prêtre du Culte des statuettes, en lesquels sont censés incarnés
Ancêtres et le chef politique du groupement. les Ancêtres, les Génies, les Esprits ou les
Dieux locaux ou fétiches-amulettes, lesquels
sont censés des réservoirs de forces dynami-
stes et magiques.
La croyance aux Mânes des Ancêtres et le
Culte des Ancêtres ainsi que la croyance aux
Génies, Esprits ou Dieux locaux et le culte
de ces Génies, Esprits ou Dieux locaux,
avec, en outre, la croyance au Dynamisme et
à la Magie, sont, dans les conceptions des
Africains, à la base de la Morale et du
Civisme.

On peut citer, comme représentant bien la


famille au sens étendu, le groupe de familles
ou sous-clan et le clan, dans une société patri-
arcale à succession patrilinéale, respective-
ment, la Likundu, l'Ilongo, l'Ese, dans les
peuplades des MUNDJI, des BOMONGO(Mongo)
et des NKUNDU(Mongo au sens restreint).
Le patriarche de la famille au sens étendu
y est le Fafa, celui du groupe de familles,
l'Engambi, celui du clan, VElimu.
On peut encore citer, dans le même type
de société, comme représentant la famille au
sens étendu, le groupe de familles et le clan :
NILOTIQUES. Chez les YAMONGO(Mongo au sens res-
Femmes des Kakwa-Fatshulu. treint) : la Likundu; la Botanga; le Bololo.
(Photo Musée du CongoBelge.) Leurs patriarches sont respectivement le
Fafa; le Nsomi et le BoZinw.
Il est assisté, dans le groupe de familles et Chez les MBOLE(Mongo au sens restreint) :
dans le clan, par un Conseil des Anciens. la Likundu, l'lkundu ou Etuka; l'Ilongo, la
Celui-ci est présidé par le Patriarche, qui y Bokobe ou Booto; l'Ese ou le Bololo.
est lui-même le premier des pairs. Leurs patriarches sont respectivement le
Le Conseil des Anciens du groupe de fa- Fafa, VEngambi, VElimu.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 157

Chez les EKONDA(Mongo au sens strict) : chez les Semi-Bantous à succession matri-
l'Etuka ou l'Ikundi; l'Ekolo et l'Ese. linéale, l'Ekinde des BABOMA,le Kebuli des
Leurs patriarches sont respectivement le BADIA, le Kebui des BASAKATA,le Kan des
Papa, Y Engambi, YElimu. BAYANZI,le Mbil des BADZINGDE LA KAMTSHA,
Chez les BAKUTSHU(Mongo au sens strict) : le Kan des BASONGODE LA LUNIUNGUET DE
l'Etei' Ololo; Ylkolo; le Bololo. LA GOBARI, la Kanda des BANGONGOet la
Leurs patriarches sont successivement : le Ganda des BAMBALA.
Papa, le Nka Ikolo, le Bome' Ololo.
Des termes, plus ou moins analogues se
retrouvent chez les autres Mongo au sens
restreint (NTOMBA,EKOTA, BOSAKA); chez les
Mongo au sens étendu [MONGANDU,LALlA,
YASAYAMA,BAKUTU-NTOMBA,BONGONGOMBE,
BAKUTU(BOYELAet BAKELA)etc.] et les Mon-
go-Batetela (WANKUTSHU, BASONGE-MENO,
BAHAMBA BATETELA— BAKUSU).

Chez les NGOMBE: la Sopo ou Jfosopo; la
Lenga ou Ndenga ou Etuka; l'Ekomi, le
Mboka ou le Mungwa.
Leurs patriarches sont respectivement le
Sesa ou le Tata, le Mobange, le Bosuki.
Les termes des Ngombe se retrouvent, plus
ou moins modifiés, dans les autres groupe-
ments du grand groupe Ngombe : NDOKO,
MABINDZA,BUDJA, MOBANGO,BOMBESA.
Chez les BOBUA : le Bosu, le Ngi ekede, le
Ngi.
Leurs patriarches sont respectivement NILOTIQUES.
: Homme des Bahema.
le Nkolo, le Kumu ekede, le Kumu ngi. Les Bahema, parlant une langue nilotique
Les termes des Bobua, plus ou moins modi- (l'Alur) au Nord,
fiés, se retrouvent dans les autres groupe- une langue soudanaise(le Walendu) plus au Sud
et une langue bantoue (le Banande)
ments du grand groupe Bobua : (BOBATI, encore plus au Sud, semblent d'origine nilotique.
BOBENGE,BOYEW, BODONGOLA). (Photo Musée du CongoBelge.)
Chez les ANGBANDI: le Ya kuru Kodoro,
le Y a Kodoro, le Kodoro. Le patriarche du clan est le Muele, chez
Leurs patriarches respectifs sont : le To les BABOMA; le Lem chez les BAYANZIet les
ya kuru kodoro, le To ya Kodoro, le Gbia. BANGONGO;le Lim chez les BASONGODE LA
Chez les MAMVU : l'Uke, l'Obo baïngu, LUNIUNGUET DE LA GOBARIet le Lemba chez
YObo. les BAMBALA.
Leurs patriarches sont respectivement : le Chez les BABOMA,les BADIAet les BASAKATA,
Fa, le Modo, la Malu. une organisation à base territoriale a été su-
Les familles au sens étendu, les groupes de perposée par des conquérants à l'ancienne
familles et les clans existent, avec une orga- organisation, à base de liens du sang.
nisation analogue, dans d'autres Les conquérants y ont organisé des Sei-
sociétés, à
succession patrilinéale bantoues (WALENGOLA- gneuries ou de petits Royaumes, dont ils ont
constitué les dynasties et l'aristocratie su-
BAKUMU-BABIRA;WAREGA-MITUKU;BASONGE)
etc., et soudanaises (NGBAYAou NGBWAKA; périeure. (l)
BANDA,etc.). (J)
On peut citer, comme représentant le clan, Famille au sens étendu : Ikundi, Bokundi, Etuka,
Etuke.
Son Patriarche : Papa, Fafa.
(1) Nous avons donné ci-dessus les termes les plus Groupe de familles : Ikolo, Ekole, Ekolo, Etuka.
usités. Son Patriarche : Nka Ikolo, etc.
Les noms des familles au sens étendu, des groupes Clan : Ese, Ehe, Bololo, Bululu.
de familles et des clans varient souvent, dans une peu- Son Patriarche : Engambi ea Ese, Engambi ea Ehe,
plade, dans les tribus, avec les sous-dialecteslocaux. Elimu, Engambi' Ololo, Bome' Ololo.
Voici les principaux termes utilisés dans les sous- (1) Voir : VERDCOURT : Notes sur les Badia, Anvers,
dialectes des EKONDA : 1936 (et l'Introduction, par G. VANDERKERKEN).
158 LES POPULATIONS AFRICAINES

Les MAYOMBEet les BAKONGO,Bantous, se gions du Sud du Katanga, une influence


sont superposés à des semi-Bantous analogue a été exercée, par les conquérants
(AMBUNDU). Bantous Baluba ou Aluunda, sur les sociétés
Chez les MAYOMBE à succession matrili- à succession matrilinéale plus anciennes. Dans
les régions de l'Est du Katanga, des envahis-
néale, le groupe de familles est le Vumu; le
clan est le Dikanda et le groupe de clans est seurs venus du Nord (Babui, Bakunda, Ba-
le Mvila. lumbu, Bakalanga, à succession matrilinéale)
Chez les BAKONGO(Bampangu à succession et des envahisseurs venus du Sud (Batumbwe
le groupe de familles est le et Batabwa, à succession matrilinéale) ont
matrilinéale),
Ngudi; le clan la Kanda et le groupe de assujetti d'anciennes populations à succession
clans 'la Luvila. matrilinéale.
Chez les MAYOMBEet les BAKONGO, une Dans les régions des Lacs Albert, Edouard
et Kivu, des envahisseurs Bantous ou Niloti-
ques, venus du Nord, du Nord-Est ou de l'Est,
ont influencé les anciennes populations de ces
pays et leur ont souvent imposé des aristocra-
ties et des dynasties. Ces diverses influences
y expliquent l'organisation politique du pays,
où les conquérants ont souvent fondé des
dynasties et constitué des aristocraties, dans
des Seigneuries ou des Royaumes.
Dans le bassin de l 'Ubangi-Uele, des enva-
hisseurs Soudanais, venus du Nord, ont assu-
jetti souvent les anciennes populations. Ainsi
se sont constitués les Sultanats des Abandia,
des Avongara, des Mangbetu et des Matshaga.

III. LE RANG SOCIAL.


En Afrique Belge comme ailleurs, la nais-
sance, l'âge, la richesse, le savoir, la sagesse,
l'habileté, la chance, assurent certaines in-
PYGMOÏDES ET PYGMÉES. fluences.
Batshwa, assujettis aux Nkundu, Il existe, dans maintes régions, des classes
aux côtés d'un Européen (Dr P. Staner).
(Photo Musée du Congo Belge.) d'âge. lie passage de l'adolescence à l'âge
adulte implique souvent une initiation, des
rites, des épreuves : l'adolescent et l'adoles-
organisation à base territoriale s'est super- cente sont instruits de leurs devoirs d'homme
posée à l'ancienne organisation à base des ou de femme et de membre du groupe.
liens du sang. C'est celle des bapfumu zi tsi Le Rang peut être déterminé par la nais-
et des ntinu tsi, chez les Mayombe et celle des sance (le fait d'être membre du clan aîné ou
chefs couronnés, chez les Bakongo (Bam- « clan des chefs » d'un groupe de clans,
pangu) d'une sous-tribu ou d'une tribu; le fait
L'ancienne et la nouvelle organisation y d'appartenir à l'aristocratie de la Seigneurie,
ont subi les conséquences d'événements di- du Sultanat ou du Royaume), par la fonc-
vers : traite, influences étrangères, etc. tion (celle de patriarche, celle de ministre
d'un chef, etc.), par le métier (celui d'his-
Dans le district du Kwango, des conqué- torien de la peuplade, celui de magicien
rants Bantous d'origine Aluunda ont souvent réputé, celui de forgeron habile, etc.)
influencé les sociétés semi-Bantoues à succes- Le Rang ne donne pas nécessairement le
sion matrilinéale et leur ont souvent imposé pouvoir.
des dynasties et des aristocraties, dans des En Afrique Belge, comme souvent ailleurs,
Seigneuries ou de petits Royaumes. Dans le des chefs vénérés n'exercent souvent qu'une
District du Kasai, la même influence a été autorité insignifiante, un conseiller, un mi-
exercée par des conquérants Bantous d'ori- nistre ou un magicien étant souvent, en fait,
gine Basonge, ou Baluba, ou Aluunda, ou dans les coulisses, le personnage important,
Mongo (Boshongo), sur' les sociétés à succes- dont les avis sont écoutés et suivis.
sion matrilinéale plus anciennes. Dans les ré- On peut souvent distinguer, en Afrique
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 159

Belge, des classes sociales de droit ou de


fait :
a) Dans les Seigneuries, les Sultanats et
les Royaumes :
1) celle des gouvernants et de leurs
proches parents;
2) celle des dirigeants et des notables
des groupements inférieurs;
3) celle des hommes libres;
4) celle des clients;
5) celle des serfs et des esclaves.
b) Dans les Sociétés Patriarcales, les deux
premières classes sont confondues et
font en réalité corps avec la troisième
classe. Ces sociétés sont des sociétés de PYGMOÏDES ET PYGMÉES.
parents. Mambuti aux côtés d'un Européen.
(Région Nord-Est de Stanleyville.)
Les droits et les devoirs de chacun sont (Photo Musée du CongoBelge.)
déterminés, dans les détails, par le Droit
Coutumier Africain.
En Afrique Belge — comme d'ailleurs qui habitent le territoire soumis à un même
dans toute l'Afrique Noire — tout le monde chef), des liens fondés sur la camaraderie ou
vit à peu près de la même façon. Il n'y a sur la foi jurée.
généralement pas, en Afrique Belge, entre L'entrée dans les associations est parfois
les diverses classes sociales, de droit ou de libre. Elle est parfois subordonnée à des
fait, les différences considérables ayant exis- paiements, à une initiation ou à des épreuves.
té entre les « seigneurs » et les « serfs » en
Europe, au Moyen-Age, ni les différences
considérables, ayant existé entre les «riches»
et les « pauvres », en Europe, au XIXe siècle.
Les huttes sont à peu près les mêmes;
l'habillement ne diffère guère et l'alimenta-
tion est à peu près semblable pour tous.
Souvent les serfs et les esclaves sont trai-
tés comme des « enfants » et appellent leur
maître : « père ».
Le maître procure à son serf ou à son
esclave, en plus de sa protection, le logement,
l'habillement et la nourriture et souvent
même un conjoint.
L'esclave (maltraité quittait souvent son
maître, jadis, pour devenir le « client » d'un
chef de famille d'une région un peu éloignée
ou hostile. Aujourd'hui, il se déclare « libre »
et s'engage dans une entreprise européenne.

IV. ASSOCIATIONS.
Il y a, en Afrique Belge, des associations
basées sur le sexe, l'âge, le célibat ou le statut
matrimonial, la soumission à de mêmes épreu-
ves, l'achat de l'agréation ou l'acceptation
par les autres membres du groupement, etc.

Elles créent, à côté des liens dit sang (unis-


PYGMOÏDES ET PYGMÉES.
sant ceux qui descendent d'un même an- Homme des Batshwa, assujettis aux Ekonda.
cêtre) et des liens territoriaux (unissant ceux (Photo Musée du CongoBelge.)
160 LES POPULATIONS AFRICAINES

On rencontre, en Afrique Belge, des clas- naissent souvent tous les membres. Il y a lieu
ses d'âge, des confréries, des sociétés secrètes. da n 'accepter qu 'avec circonspection, en Afri-
Certaines de ces associations poursuivent que Noire, comme ailleurs, les renseignements
des fins religieuses, magiques, politiques ou donnés sur les sociétés secrètes, par ceux qui
économiques. D'autres sont des sociétés d'as- n'en sont pas membres ou par les membres
qui en ont été exclus ou les ont quittées. Les
gouvernements, en Afrique Noire, interdi-
sent souvent certaines sociétés secrètes ou en
ordonnent la dissolution. Il est bien connu,
qu'après s'être dissoutes, elles renaissent, sou-
vent, en Afrique Noire, comme ailleurs, sous
un autre nom et sous un autre aspect.

V. LES STRUCTURES DES SOCIETES : SO-


CIETES PATRIARCALES, SEIGNEURIES,
SULTANATS, ROYAUMES, EMPIRES;
ORGANISATION POLITIQUE; DROITS
SUR LE SOL ET SUR LES EAUX;
ADMINISTRATION DES GROUPEMENTS;
DROIT COUTUMIER AFRICAIN; SUCCES-
SION DES GOUVERNANTS; ADMINIS-
TRATION DE LA JUSTICE; COEXISTEN-
CE, A COTE DE LIENS DU SANG, DE
LIENS D'ORDRE TERRITORIAL; TRIBUTS
ET CORVEES; INSIGNES DES GOUVER-
NANTS ET HONNEURS DEVANT LEUR
ETRE RENDUS.

1. Structure des Sociétés. — Les sociétés


africaines de l'Afrique Belge ont offert, dans
le passé et offrent maintenant encore, comme
bien d'autres sociétés du monde, les aspects
les plus variés :

a) Sociétés Patriarcales, petites ou grandes,


organisées en ordre principal sur la base des
liens du sang et, en ordre accessoire, sur celle
de liens contractés ou de liens imposés. Ces
PYGMOÏDES ET PYGMÉES. sociétés ont à leur tête des Patriarches, se
Vieille femme des Batshwa, assujettis aux Ekonda. succédant différemment selon qu'il s'agit de
(Photo Musée du Congo Belge.) succession patrilinéale ou matrilinéale;
sistance mutuelle, des sociétés d'agrément,
b) Seigneuries, Sultanats, Royaumes, Em-
des sociétés groupant ceux qui exercent la
pires, organisés sur la base des liens territo-
même profession, etc. en ordre principal des
riaux, comportant
Parfois, certaines sociétés politiques ten- liens imposés par la conquête et en ordre ac-
dent à subordonner, en fait, à leur contrôle, cessoire des liens contractés. Ces sociétés ont
les Chefs et les Conseils dans les Sociétés à leur tête des Seigneurs, des Sultans, des
Patriarcales, les Seigneuries, les Sultanats Rois ou des Empereurs.
ou les Royaumes, s'instituant en quelque
Il y a lieu de ne pas confondre ces deux
sorte les gardiens d'un ordre établi, confor-
me aux aspirations et aux intérêts de leurs genres de sociétés.
membres. Certaines de ces sociétés n'hésitent Les orientations de l'esprit et du cœur et
pas à recourir au poison ou à l'assassinat, les « valeurs sociales » n'y sont pas les mêmes.
pour exécuter leurs plans.
Certaines associations, réputées secrètes, Dans les Sociétés Patriarcales, à succes-
sont bien connues des Africains, qui en con- sion patrilinéale ou à succession matrilinéale,
RELIGION ET MAGIE. — 1 = Danses funéraires, chez les « gens d'eau » (Bapoto), à Upoto; 2 = Magiciens-
devins des Batshwa (Pygmoïdes et Pygmées), assujettis aux Nkundu, devinant les causes des accidents, des mal-
heurs ou des maladies au moyen d'une corne d'antilope plantée dans le sol; 3 = Divination par l'intermédiaire du
poison (« Benge »), administré à des poulets, dans le district de l'Uele; 4 = Procession funéraire, chez les « gens
d'eau » (Bapoto), à Upoto; 5 = Scène de funérailles chez les Lugbara; 6 = Fétiches à l'extérieur d'un village,
protégeant ce dernier, chez les Babui du Sud, dans' la Province de Costermansville.
(Photos Musée du Congo Belge.)
STATUES D'ANCETRES ET STATUES FUNERAIRES. — 1 = Statue d'ancêtre des Baluba;une 2 = Statue d'une
femme ancêtre des Bakongo; 3 = Statue funéraire des Mundji (Mongo), en argile, représentant femmes -
en argile; 6 - Sta-
Statue funéraire des Mundji (Mongo), en argile; 5 = Statue funéraire des Mundji (Mongo),ancêtre
tue funéraire des Mundji (Mongo), en argile, représentant un homme; 7 = Statue de femme du des Mayombe;
8 = Statue d'un roi des Bakuba. (Photos VleeshuisMuseum, Anvers, et Musée Congo Belge.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 161

l'agrégation des individus résulte, en ordre constitués par des descendants d'assujettis,
principal, des liens de la parenté naturelle devenus des vassaux.
(individus descendant d'un ancêtre commun) Plusieurs clans, descendant ou croyant ou
et, en ordre accessoire, des liens d'ordre con- prétendant descendre d'un ancêtre commun,
tractuel (alliés, adoptés, clients, vassaux) et forment un groupe de clans.
des liens imposés par la force (assujettis, serfs,
esclaves domestiques, esclaves capturés lors
de guerre).

2. Organisation politique des sociétés. —


Dans la Société Patriarcale, la famille au
sens étendu, en s'agrandissant, est devenue
groupe de familles, clan, groupe de clans,
sous-tribu, tribu et peuplade. (l)
Les ascendances légendaires — expliquant
les origines de la société, de ses groupes, de
ses sous-groupes — ne sont souvent pas
historiquement exactes. En dehors des er-
reurs, divers éléments les ont influencées.
Elles sont néanmoins crues l'expression de
la vérité et conditionnent les rapports des
individus et des groupes entre eux. Elles sont
à la base de l'organisation actuelle de ces
sociétés et de l'ordre qui y existe. (l)
Il arrive que des alliés, des adoptés, des
clients ou des vassaux ou encore des assujettis
aient constitué, dans la société et sur la terre
de leurs alliés, de leurs parents adoptifs ou
de leurs suzerains, des familles au sens éten-
du, des groupes de familles ou des clans, voire
des groupes de clans. (l)
Dans un groupe de clans, comprenant cinq
clans, les trois premiers clans peuvent être
constitués par des descendants de l'ancêtre
du groupe de clans, un quatrième clan par des
descendants d'alliés, un cinquième clan par PYGMOÏDES ET PYGMÉES.
des assujettis, devenus des vassaux (anciennes Fillettes des Batshwa, assujettis aux Nkundu.
populations du pays). (Photo Musée du Congo Belge.)
Dans une sous-tribu, comprenant cinq
groupes de clans, un premier groupe de clans du clan aîné est celui du
Le Patriarche
peut être constitué par des descendants de
l'ancêtre de la sous-tribu, le deuxième et le groupe de clans.
troisième groupes de clans peuvent être consti- Souvent le groupe de clans constitue, en
tués par des descendants d'alliés (parents fait, un groupe de villages et le clan aîné
des femmes épousées, appartenant aux an- le village aîné.
ciennes populations du pays), le quatrième et Plusieurs groupes de clans, descendant ou
le cinquième groupes de clans peuvent être croyant ou prétendant descendre d'un ancê-
tre commun, forment une sous-tribu.
Le Patriarche du groupe de clans aîné est
(1) G. VANDERKERKEN: La structure des Sociétés celui de la sous-tribu.
Indigènes et quelques problèmes de Politique Indigène. Plusieurs sous-tribus, descendant ou croyant
iBull. Institut Royal Col. Belge, 1932; III, 2, 291-312.)
descendre d'un même ancêtre,
L'Ethnie Mongo,Vol. 1 (deux tomes): en particulier: ou prétendant
groupements et sous-groupements,Mémoire de l'Insti- forment une tribu.
tut Royal Col. Belge, Bruxelles, 1944. Le Patriarche de la sous-tribu aînée est
MOELLER DELADDERSSOUS : Les grandes Lignes des celui de la tribu.
Migrations des Bantous, dans la Province Orientale,
Inst. Royal Col. Belge, Brux., 1936. Plusieurs tribus, descendant ou croyant

6
162 LES POPULATIONS AFRICAINES

ou prétendant descendre d'un même ancêtre, Le Patriarche à la tête de chacune de ces


forment une peuplade. diverses agrégations (groupe de clans, sous-
Le Patriarche de la tribu aînée est celui tribu, tribu, peuplade), est assisté par un
de la peuplade. Conseil des Anciens. Celui-ci est présidé par
Dans un groupe de clans, il y a un clan- le Patriarche, qui y apparaît le premier par-
chef. Dans une sous-tribu, dans une tribu et mi des pairs.
Le Conseil du groupe de clans se compose
des membres des conseils des divers clans;
celui de la sous-tribu, des membres des con-
seils des divers groupes de clans; celui de la
tribu, des membres des conseils des diverses
sous-tribus, etc.

Le clan se distingue des agrégations supé-


rieures (groupe de clans, sous-tribu, tribu,

PYGMOÏDES ET PYGMÉES.
Femme des Bambote (Batembo)
de la région de Kiambi (Katanga).
(Photo Musée du CongoBelge.)

dans une peuplade, il y a aussi un clan-chef.


Le Patriarche d'une peuplade est néces-
sairement aussi celui de sa tribu, de sa sous-
tribu, de son groupe de clans, de son clan,
de son groupe de familles et de sa famille.
Ces agrégations et leurs Patriarches por-
tent souvent des noms bien déterminés. Nous
donnons, dans divers tableaux, les noms de ces
agrégations et de leurs patriarches, pour
plusieurs peuplades. (1)
(1) Nous donnons, dans des Tableaux, les termes les
plus usités.
Ces noms varient souvent, dans une même peuplade,
avec les sous-dialecteslocaux :
Voici les principaux termes utilisés, dans les divers PYGMOÏDES ET PYGMÉES.
sous-dialectesdes EKONDA : Homme des Mambuti,
Groupe de clans : Etuka, Etulaka, parfois Bise ou de la région Nord-Est de Stanleyville.
Bihe.
Son Patriarche Engambi ea Ntundu, Elimu ea (Photo Musée du Congo Belge.)
Ntundu, Engengambiea Etuka, Bome' Olulu ea Ntundu.
Sous-Tribu: Libota, Ibota, Iboti, loti, Ibodji.
Son Patriarche : Engambi ea Bise (chez les Baseka peuplade) en ce qu'il est généralement exo-
Buliasa), Nka Iboti, Nka loti, Nka Libota, Bome' game, ce que les agrégations supérieures ne
Ibodji. sont pas.
Tribu : Inanga, Bonanga, Monanga.
Son Patriarche : Nka Inanga, Nka Bonanga, Nka Dans ces sociétés, le clan est un véritable
Monanga, Nkekele, Nkekeleke. petit Etat, possédant une population bien
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 163

déterminée, une terre bien déterminée et des de Seigneuries, de Sultanats, de Royaumes ou


autorités bien déterminées (le Patriarche et d'Empires.
le Conseil des Anciens dit clan). Ces sociétés ont été édifiées par des con-
Le groupe de clans est une Fédération de quérants s'étant approprié le sol et les eaux
clans, descendant ou croyant descendre d'un et ayant assujetti les anciens habitants du
même ancêtre. pays.
La sousetribu, la tribu et la peuplade sont Les premiers constituent souvent une
des Confédérations de groupes de clans, soit « aristocratie », les seconds une « plèbe ».
de sous-tribus, soit de tribus, descendant ou On distingue souvent, dans l'aristocratie,
croyant descendre d'un même ancêtre. des degré divers (haute noblesse, petite no-
blesse, etc.).
Certaines Sociétés Patriarcales se sont assez La plèbe présente souvent aussi des degrés
bien conservées. D'autres se sont fragmentées. divers (hommes libres, serfs, esclaves, etc.).
Dans ce dernier cas, leurs tribus, leurs sous- Parfois, dans ces sociétés, persiste le sou-
tribus, leurs groupes de clans, voire leurs venir d'une ancienne organisation sociale et
clans, sont éparpillés aux quatre coins de
l'horizon, où ces groupements ont parfois
subi des fortunes fort diverses. Certains de
ces groupements, devenus conquérants, ont
constitué, dans une société nouvelle, une aris-
tocratie. D'autres, ayant été vaincus et assu-
jettis, ont constitué, dans une société nouvelle,
une plèbe.
Dans ces éventualités, à un ancien ordre,
s'est substitué un ordre nouveau.
Dans ces sociétés, en dehors des Patriarches
et des Conseils des Anciens, il y a des digni-
taires, des fonctionnaires, des conseillers.
On ne peut rien comprendre de la structure
d'une - Société Patriarcale, si l'on ne connaît
pas son ascendance légendaire, c'est-à-dire
le rattachement des tribus, sous-tribus, grou-
pes de clans, clans, groupes de familles et
familles à l'Ancêtre de la Société.

Citons; parmi les Sociétés Patriarcales, à


succession patrilinéale, chez les SOUDANAIS :
celle des Angbandi, celle des Banda, celle des
Gbaya (Ngbwaka), celle des Amadi, celle des
Abarambo, celle des Makere, celle des Mam-
vu-Walese-Momboto et, chez les BANTOUS:
celle des Mongo (Mongo au sens restreint,
PYGMOÏDES ET PYGMÉES.
Mongo au sens étendu, Mongo du groupe Femme des Mambuti,
Batetela), celle des Ngombe-Ndoko-Mabinza- de la région- Nord-Est de Stanleyville.
Mobango-Bombesa, celle des Walengola-Ba- CPhotoMusée du CongoBelge.)
kumu-Babira, celle des Mituku- Warega-
Babembe, etc. politique. On s'y rappelle les noms d'anciens
Ces diverses sociétés constituent souvent clans et ceux d'ancêtres communs. Il y reste
des peuplades, subdivisées elles-mêmes en tri- des vestiges de lois exogamiques, d'anciennes
bus, sous-tribus, groupes de clans et clans, légendes se rapportant à la création du monde
demeurés groupés, en cas de circonstances ou de l'homme, d'anciens cultes rendus jadis
favorables, ou fragmentés et dispersés, en cas à certains Ancêtres ou à des Esprits, des
de circonstances défavorables. Génies ou des Dieux locaux, d'anciens tabous,
etc.
L'histoire a abouti, dans d'autres régions Dans ces sociétés, le clan a souvent disparu
de l'Afrique Belge, à la création, sur les dé- pratiquement (chez les Azande, par exemple)
bris de sociétés généralement plus anciennes, ou est en voie de disparition.
164 LES POPULATIONS AFRICAINES

Il y a aujourd 'hui, au Congo Belge, des


Seigneuries, chez des SE MI-BANTOUS (celles
des Baboma, des Badia, des Basakata, etc.)
et chez des BANTOUS(chez certains Baluba
ou Balubaïsés et certains Aluunda ou des
Aluundaïsés, etc.).
Il existe des Sultanats chez les SOUDANAIS :
chez les Azande, dont les Sultans sont dans
le Bas-Uele d'origine abandia (Angbandi) et
dans le Haut-Uele, d'origine avongara; chez
les Mangbetu, assujettis dans la région de
Niangara à des Sultans Matshaga (d'origine
abarambo) et dans la région de Paulis à des
Sultans Mangbetu (d'origine makere) ; etc.
Divers Royaumes se sont constitués chez
les BANTOUS: au Congo Belge, celui des
Wafulero, ceux des Bashi, celui des Bahavu,
celui des Bahunde, fondés par des conqué-
rants venus du Nord, celui des Bakuba, fondé
par des conquérants mongo (un groupe de
Boshongo), ayant succédé à des conquérants
plus anciens Semi-Bantous (Bambala, etc.)
et au Ruanda-Urundi, celui du Ruanda, fondé
par des Watutsi, probablement d'origine nilo-
tique et celui de VUrundi, fondé par des
conquérants d'origine inconnue, probablement
NAINSDESMONGO. d'origine bantoue.
Nain des Ekonda, mesurant 1 m. 10, D'autres se sont constitués chez des Sou-
issu de parents Ekonda. DANAIS: les petits royaumes fondés par les
(Photo Musée du Congo Belge.) Alur (Nilotiques apparentés aux Shilluk),
ayant assujetti des Walendu (Baie) et des
Okebo (Soudanais).
Des Empires assez étendus ont existé jadis
au Congo Belge et y ont duré souvent plu-
sieurs siècles.
L'Empire des Baluba s'étendit jadis du
bassin du Lomami à l'Ouest, aux Lacs Tan-
ganyika et Moero à l'Est, du Maniéma au
Nord, au Katanga méridional, au Sud. (l)
Un premier Empire fut fondé par les Ba-
songe. Un second Empire fut établi, sur les
ruines du premier, par des Bakunda. (l)
Des Baluba ou des Basonge se répandirent
dans les districts actuels du Sankuru et du
Kasai, y assujettisant d'anciennes popula-
tions. (l)

L'Empire des Aluunda, fondé par des


Baluba, d'origine Bakunda (Tshibinda-Ilunga,
le mari de la Luezi, princesse des Aluunda)
eut, à un moment donné de son histoire, des
Etats vassaux de l'Angola et des rives du
Kwango jusqu'en Rhodésie du Nord-Est. Il
NAINSDESMONGO.
Nain des Ntomba de la Maringa-Lopori,
issu de parents Ntomba. (1) VERHULPEN : Baluba et Balubaïsés du Katanga,
(Photo Musée du CongoBelge.) Anvers, Avenir Belge, 1936.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 165

eut de nombreux assujettis au Sud, au Sud- b) Entre plusieurs générations, la plus


Est et à l'Est du Katanga. (1) récente doit de la déférence à la plus
Aujourd'hui encore, des dynasties d'origine ancienne ;
aluunda règnent sur des Bakaonde, des Ba- c) Entre divers sous-groupes d'un groupe-
lamba, des Balembwe, des Balomotwa, des ment, les sous-groupes cadets doivent
Bashila, des Babemba du Katanga méri- de la déférence au sous-groupe aîné.
dional. (l)
Les Chefs des Seigneuries des Batabwa et
des Batumbwe sont d'origine Aluunda. (1)
Un Empire des Bayeke, fondé par des
marchands Wanyamwezi, venus du Sud du
Lac Victoria-Nyanza, était en voie de se con-
stituer au Katanga, lorsque les Arabes et
les Européens y pénétrèrent. (1)
Un Empire arabe était en voie de forma-
tion, dans les régions orientales du Congo,
quand les Européens s'y aventurèrent.
Il subsiste, aujourd 'hui, de ces Empires,
des vestiges importants, sous forme de
Royaumes (chez les Baluba et les Aluunda);
de Seigneuries ou de Chefferies (chez les
Bayeke, chez les Arabisés, etc.).
Ces sociétés ignorent assez souvent les PYGMOÏDES ET PYGMÉES.
groupes de clans, les sous-tribus, ou les tribus, Village de Batshwa, assujettis aux Ekonda.
Bananiers à l'arrière plan.
bien qu'il puisse y subsister certains vestiges
de l'organisation CPhotoMusée du Congo Belge.)
patriarcale ancienne. Il n'y
a ni groupes de clans, ni sous-tribus, ni tribus
dans les Sultanats des Azande, des Matshaga Ainsi, entre cinq clans, formant un groupe
ou des Mangbetu. Il n'y en a pas dans les de clans, les clans cadets doivent de la défé-
rence au clan aîné.
Royaumes des Bashi, des Bahavu, des Bahun-
de, du Ruanda ou de l'U rundi. Il y existe
souvent des « peuplades », mais ce terme y II. — DANS LES SEIGNEURIES,LES SULTANATS,
a un autre sens que dans les Sociétés Pa- LES ROYAUMES:
triarcales. Dans les Sociétés Patriarcales, la
a) Tout le monde doit de la déférence au
peuplade y est l'agrégation de tribus, descen-
dant ou croyant descendre d'un ancêtre Seigneur, au Sultan ou au Roi, à ses
commun. Chez les Azande, on peut distinguer parents, à ses alliés, ainsi qu'à ses mi-
nistres ou ses représentants j
deux peuplades : les Azande assujettis aux
Abandia et les Azande assujettis aux Avon- b) les individus, appartenant à la plèbe
ou aux assujettis, doivent de la défé-
gara.
rence aux individus appartenant à
Ni les premiers, ni les seconds ne descen-
l'aristocratie ou aux conquérants;
dent ou ne croient descendre d'un Ancêtre
c) Dans l'aristocratie (descendants des
commun, bien que les dynasties des premiers
et des seconds aient l'une et l'autre leur conquérants) et dans la plèbe (descen-
Ancêtre. dants des vaincus) :
1° Dans la même génération, les cadets
doivent de la déférence aux aînés;
Dans les Sociétés Patriarcales et dans les
2° La génération la plus récente doit de
Seigneuries, les Sultanats et les Royaumes,
certains groupes doivent de la déférence à la déférence à la génération la plus
d'autres groupes : ancienne.

1. — DANS LES SOCIÉTÉS PATRIARCALES : Là où des sous-groupes (familles au sens


a) Dans la même génération, étendu, groupes de familles, clans) ont été
les cadets
doivent de la déférence aux aînés; conservés, les sous-groupes cadets doivent de
la déférence aux sous-groupes aînés.
Il arrive, assez exceptionnellement, que
(l) VERHULPEN : Baluba et Balubaisés du Katanga, des descendants de conquérants finissent par
Anvers, Avenir Belge, 1936. descendre dans la plèbe et que des descen-
166 LES POPULATIONS AFRICAINES

dants d'assujettis finissent par outrer dans La famille au sens étendu, le groupe de
l'aristocratie. La façon dont ils y sont consi- familles, le clan, considérés par les Africains
dérés dépend souvent de leur situation de comme des « entités », — constituées par les
fait. défunts, les vivants et les individus à naître
— ayant en Droit Coutumier Africain ce que
l'on pourrait appeler la « personnalité juri-
dique », possèdent, sur les terres et les eaux,
des droits collectifs, superposés et hiérarchisés
d'ordre utile.
Le groupe de clans, la sous-tribu, la tribu
et la peuplade, — « entités » analogues —-
ayant en Droit Coutumier Africain en quelque
sorte la « personnalité juridique », possèdent,
sur les terres et les eaux, des droits collectifs
superposés et hiérarchisés, d'ordre éminent.
Ces droits collectifs éminents ne deviennent
des droits collectifs utiles que si les droits
utiles du clan viennent à disparaître, par ex-
PYGMOÏDES ET PYGMÉES. tinction de celui-ci, par exemple à la suite
Huttes des Andenga du bassin du Bas-Ubungi. d'une épidémie.
(Photo Musée du Congo Belge.) Les patriarches de la famille au sens étendu,
du groupe de familles ou sous-clan, du clan,
3. Droits sur le Sol et sur les Eaux. — exercent les droits utiles précités, en tant que
Dans les Sociétés Patriarcales domine un es- représentants de leur groupe, dans l'intérêt
prit assez égalitaire, assez démocratique et du groupe et des individus du groupe et ils
assez collectiviste, impliquant des pouvoirs ne les exercent qu'à ce seul titre.
très décentralisés.
Dans les Royaumes, les Sultanats ou les
Seigneuries, où existe à côté d'une plèbe,
formée généralement de descendants des
vaincus, une aristocratie constituée générale-
ment par des descendants des conquérants,
domine un esprit aristocratique, impliquant
des pouvoirs plus centralisés.
La terre y appartient souvent, en droit,
au Roi, au Sultan ou au Seigneur, en tant
que représentant du Royaume, du Sultanat
ou de la Seigneurie, ayant en quelque sorte,
aux yeux des Africains, la « personnalité
juridique », et, en fait, à l'aristocratie con-
quérante, que ce dernier représente.
Les individus de la plèbe occupant le sol,
n'y ont généralement que des droits pré-
caires. (l)
PYGMOÏDES ET PYGMÉES. Les droits des sujets sont généralement
Village de Batshwa, assujettis aux Nkundu. respectés par les gouvernants, tant que les
Bananiers à l'arrière-plan.
sujets exécutent leurs obligations.
(Photo Musée du Congo Belge.) Il en est de même en ce qui concerne les
eaux et les droits sur les eaux.
La terre appartient au groupe, lequel pos-
sède, aux yeux des Africains, en quelque sorte (1) En quelques régions, les Rois ou les Seigneurs
la « personnalité juridique ». Les individus ont respecté une partie des droits des anciens occupants
ne possèdent sur elle que des droits d'usage. sur le sol, soit parce que ces derniers étaient encore
Ces droits sont respectés par les groupes, tant assez forts, soit pour des raisons d'ordre dynamiste,
magique ou religieux.
que les individus se comportent loyalement Ailleurs, des chefs féodaux sont assez forts et assez
vis-à-vis des groupes. indépendants du Roi ou du Seigneur, pour y avoir
des droits propres.
Il en est de même en ce qui concerne les Ils ne sont alors que des vassaux du suzerain, Roi
eaux et les droits sur les eaux. ou Seigneur.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 167

L'agriculture existe en Afrique, comme en Les Patriarches et les Conseils des Anciens
Europe et en Asie, depuis les temps néolithi- administrent les Sociétés Patriarcales, à leurs
ques. divers échelons : familles au sens étendu,
Le paysannat africain est donc aussi ancien groupes de familles ou sous-clans, clans, grou-
que le paysannat européen ou asiatique. pes de clans, sous-tribus, tribus, peuplades.
Dans les conceptions africaines, s'il y a Ils sont assistés de leurs parents, en tant
des terres et des eaux non exploitées (assez que dignitaires ou fonctionnaires divers.
nombreuses), il n'y a pas de terres ni d'eaux
sans maître et il n'y a pas de terres ni d'eaux
« vacantes », toutes les terres et toutes les
eaux appartenant, en Droit Coutumier Afri-
cain, à des groupements africains et étant
d'ailleurs comprises dans les limites de leurs
circonscriptions. (1)
Le Droit Public, introduit dans le pays par
les Européens, distingue des « terres indi-
gènes » et des « terres vacantes ». Ces der-
nières appartiennent à l'Etat (Etat Indépen-
dant du Congo et plus tard Colonie du
Congo Belge). (1)
4. Gouvernement et administration des
groupements. — Les liens de parenté con-
stituent la pierre angulaire de l'édifice social
et politique, dans les Sociétés Patriarcales.
Après la conquête, les Européens ne se
sont pas toujours rendu suffisamment compte
PYGMOÏDES ET PYGMÉES.
de l'importance de ces liens de parenté, dans Femmes et enfants des Bambote (Batembo),
la structure de ces sociétés, du point de vue de la région de Kiambi (Katanga) devant leur hutte.
tant de leur conservation que de leur évolu- (Photo Musée du Congo Belge.)
tion progressive.
L'autorité et le prestige de l'aristocratie Dans ces sociétés, une évolution progressive,
constituent la pierre angulaire de l'édifice sans anarchie et sans chaos, n'est guère pos-
social et politique, dans les Seigneuries, les sible qu'en en respectant les cadres.
Sultanats et les Royaumes et a constitué jadis
celle de cet édifice dans les Empires. Les Seigneurs, les Sultans et les Rois,
Après la conquête, les Européens ne se assistés des membres de leur famille, de
sont pas toujours rendu suffisamment compte et de fonctionnaires divers —
dignitaires
de l'importance de cette autorité ou de héréditaires ou non — administrent les
prestige de l'aristocratie dans la structurece Seigneuries, les Sultanats et les Royaumes,
de ces sociétés, du point de vue tant de leur subdivisés souvent en circonscriptions, gran-
conservation que de leur évolution progres- des et petites, ayant à leur tête des « repré-
sive. sentants » du Seigneur, dit Sultan ou du
Roi.
(x) Voir : F. CATTIER : Droit et Administration de Dans ces sociétés, une évolution progres-
l'Etat Indépendant du Congo, Bruxelles - Paris, 1898; sive, sans anarchie et sans chaos, n'est égale-
Etude sur la situation de l'Etat Indépendant du ment guère possible qu'en en respectant les
Congo, Bruxelles - Paris, 1906; cadres.
VERMEERSCH (P.) S. J. : La question Congolaise,
Bruxelles, 1906; Dans ces deux types de sociétés, les cadres
E. VANDERVELDE : La Belgique et l'Etat Indépen- s'adapteront, selon les nécessités, aux circon-
dant du Congo, Bruxelles, 1911; stances politiques et économiques nouvelles.
G. VANDERKERKEN : Le Droit Foncier des Indigènes
et le Régime légal des Terres et des Mines au Congo Sans cadres ayant conservé leur autorité,
Belge. Œn collaboration avec MM. Heyse et Léonard), leur prestige et leur dévoûment au groupe.
Bruxelles.Institut Colonial International, Session 1927; ces deux types de sociétés ne peuvent aboutir
La Politique Coloniale Belge (Editions Zaïre, Anvers,
1943). qu'à l'anarchie, au chaos, avec, comme consé-
la disparition des « impératifs
Voir aussi : Guy MALENGREAU : Les Droits Fonciers quences,
Coutumier s, chez les Indigènes du Congo, (Mém. Insti- sociaux », l'individualisme égoïste, le désor-
tut Royal Col. Belge, Bruxelles, 1947). dre, la dénatalité, le mécontentement, etc.
i
168 LES POPULATIONS AFRICAINES

5. Droit Coutumier Africain. — Au Con- Européens, révèle le Droit Coutumier Afri-


go Belge et au Ruanda-Urundi, comme ail- cain, tel qu'il s'exprime, dans certains do-
leurs en Afrique Noire et dans le monde, les maines, dans ces tribunaux, sous l'influence
structures sociales sont la résultante de tout expresse des Européens (administrateurs et
un passé et ne s'expliquent que par ce passé. magistrats), mais non ce qu'est ce Droit,
Le Droit Coutumier Africain (Droit non lorsqu'il est la libre expression de la volonté
des Africains. (1)
Dans un pays non autonome (encore insuf-
fisamment évolué), un Etat colonisateur in-
tervient, nécessairement, auprès des tribunaux
indigènes, pour y imposer le respect de prin-
cipes d'humanité, l'abolition de certaines
coutumes, etc.
L'Etat colonisateur doit cependant n'in-
tervenir, dans ce domaine, qu'avec circons-
pection et avec prudence, en tenant compte
des réalités africaines.
Dans les Sociétés de l'Afrique Belge, le
Droit Coutumier Africain (dans lequel on
peut distinguer un Droit Public et un Droit
Privé), fruit de traditions souvent séculaires,
CROYANCES AUMANISME. résultante de l'histoire, amalgame de cou-
Tombe de femme chez les Mabinza. tumes diverses, règle minutieusement les
(Photo Musée du CongoBelge.) droits et les devoirs de chacun : les droits
des individus et des diverses collectivités sur
écrit, transmis par la tradition, au Congo le sol et les eaux; les droits de cueillette, de
Belge et au Ruanda-Urundi, comme dans chasse et de pêche; les droits et les devoirs
d'autres pays de l'Afrique Noire) est une des gouvernants vis-à-vis des administrés et
partie de l'Ethnographie Africaine. Il ne
vice-versa; 'les droits et les devoirs des grou-
peut être étudié objectivement que dans les

CROYANCES AUMANISME. AUMANISME.


CROYANCES
Reproduction de la construction érigée Tombeau d'un Chef des Bobwa.
sur la tombe d'un chef des Bosaka.
Elle abrite, en plus d'une statuette en bois, Figure en argile, reproduisant le défunt.
(Photo Musée du CongoBelge.1
représentant le défunt,
des armes, des chaises, des filets de chasse
et de pêche, des trophées de chasse, etc. pements d'étrangers avec lesquels le grou-
(Photo Musée du CongoBelge.) pement entretient des relations, etc.
Ce Droit Coutumier Africain est né de la
travaux des ethnographes, qui ont écrit sur vie sociale et est la résultante de l'histoire,
les populations et sur les faits de la vie
africaine observés sur place. (1) Voir à ce sujet : F. GRÉVISSE : La grande Pitié
La Jurisprudence des Tribunaux Indigè- des Juridictions Indigènes, Bruxelles (Inst. Royal Col
nes, tels qu'ils ont été organisés par les Belge), 1949.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 169

mais est souvent attribué à la volonté des néale, les Seigneurs, les Sultans et les Rois,
Ancêtres, lesquels sont souvent plus ou moins se succèdent selon un ordre bien établi en
divinisés. Droit Coutumier Africain, bien que les cir-
Le Droit Coutumier Africain n'est pas im-
muable, mais en permanente évolution. Il
s'efforce constamment de s'adapter aux con-
ditions d'existence des populations, lesquelles
se modifient souvent, au cours des âges.
Il est constitué par des « précédents », dont
le souvenir est conservé. Il a subi et subit
l'influence de facteurs nombreux, d'ordre
interne et d'ordre externe.
En dépit de certaines coutumes cruelles et
inhumaines — inspirées souvent de croyances
mânistes, animistes, dynamistes, religieuses et
magiques illusoires — et de l'exploitation
assez fréquente du faible par le fort — phé-
nomènes ayant existé autrefois chez de nom-
breux peuples et y existant encore assez sou-
vent aujourd'hui — la société africaine était
souvent, en Afrique Noire, merveilleusement
adaptée à la vie, telle qu'elle y était organi- CROYANCES AUMANISME.
sée avant la conquête européenne. (l) Huttes, entourées d'une haie,
Le Droit Coutumier Africain est intéres- consacrées aux mânes des ancêtres,
chez les Balubaïsés ou Baluba-Hembadu Katanga.
sant à étudier parce qu'il révèle un Droit
vivant, autre que le nôtre, à un stade proba- (Photo Musée du CongoBelge.)
blement moins évolué que le Droit des peuples
de l'Antiquité, que nous connaissons. Ce constances, les intrigues, les révoltes modi-
Droit ne peut être étudié et compris que dans fient parfois cet ordre, en fait, en Afrique
le cadre de la Société Africaine et que dans le comme ailleurs.
cadre de l'histoire de celle-ci. Le juriste ne
peut l'étudier avec fruit que s'il est ethno-
graphe et sociologue.

6. Succession des Gouvernants. — Les


Patriarches des Sociétés Patriarcales, à suc-
cession patrilinéale ou à succession matrili-

(1) Des auteurs ont signalé maintes coutumes bar-


bares et cruelles des Africains : 1 ablation de la main,
pour punir le voleur, chez les Baluba: l'ablation des
parties sexuelles, des mains et des pieds, pour punir le
complice de l'adultère de l'épouse des sultans azande ou
mangbetu; l'empalement,pour punir le voleur de bétail,
chez les Banya-Ruanda : l'ablation des mains et des
pieds, du nez et de la langue, ainsi que la crevaison
des yeux, au fer rouge, pour punir la résistance au
Roi, au Ruanda et dans l'Urundi, etc. De nombreux — CROYANCES A L'ANIMISME.
peuples du monde (parmi lesquels ceux d'Europe), Huttes consacrées à des esprits,
dans l'Antiquité, au Moyen-Ageet à 1Epoque Moderne,
voire à l'Epoque Contemporaine — ont manifesté des génies ou dieux locaux,
sentimentsde barbarie et de cruauté et se sont complu chez les Balubaïsés ou Baluba-Hembadu Katanga.
à torturer les individus prévenus ou convaincus de (Photo Musée du CongoBelge.)
crimes et des êtres faibles et sans défense non confor-
mistes ainsi que de prétendus sorciers, de prétendues
sorcières et de prétendus possesseurs du mauvais œil. La succession se fait, dans les Sociétés Pa-
Le lecteur lira avec utilité, à ce sujet : GEORGE RYLEY triarcales, selon le mode patrilinéal (dans la
SCOTT : The History of Torture throughout the Ages, descendance de l'ancêtre-homme, exclusive-
London, Charles Skilton, Lted, 1949. L'ouvrage donne
une bibliographie assez étendue. ment par les hommes) ou, selon le mode ma-

6*
170 LES POPULATIONS AFRICAINES

trilinéal (dans la descendance de l'ancêtre- Dans le clan, où il existe cinq générations


femme, exclusivement par les femmes). en vie (les générations VI, VII, VIII, IX et
X), le patriarche sera pris dans la généra-
Dans les Sociétés Patriarcales à succession tion la plus ancienne en vie (dans la généra-
tion VI).
Le patriarche doit descendre de l'ancêtre-
père ou de l' ancêtre-mère, selon le mode de
succession (patrilinéale ou matrilinéale) ex-
clusivement, dans le premier cas, par des
hommes et, dans le second cas par des femmes.
Dans le clan, constitué par 5 groupes de
familles ou sous-clans A, B, C, D, E, issus
d'un même ancêtre, constitués chacun par
4 familles au sens étendu, portant les numé-
ros 1, 2, 3 et 4, le Patriarche du clan peut
être pris, successivement, dans la génération
la plus âgée en vie, selon la date de nais-
CROYANCES A IL'ANIMISME. sance, dans la famille 3 du groupe de familles
Huttes consacrées à des esprits, C, dans la famille 2 du groupe de familles D,
génies ou dieux locaux, chez les Babira. dans la famille 4 du groupe de familles A, etc.
(Photo Musée du CongoBelge.)
Il existe certains empêchements à l'exercice
patrilinéale ou matrilinéale, le Patriarche de
des fonctions de Patriarche : l'idiotie, l'im-
la famille au sens étendu, du groupe de fa-
bécillité notoire, certaines maladies (maladie
milles ou du clan, est souvent pris, dans la du sommeil, lèpre, etc.).
descendance exclusive de l'ancêtre, soit par
Ces empêchements varient avec les sociétés.

L'aîné, dans la génération la plus ancienne


en vie, doit, de plus, être suffisamment âgé
(il doit avoir, souvent, une quarantaine
d'années)
S'il n'a pas l'âge requis, il est le Patriar-
che, mais ses fonctions sont exercées par un
parent rapproché, qui est un Régent.
Dans certaines sociétés, le Régent reste en
fonctions jusqu'à sa mort, le Patriarche en
titre ne lui succédant en fait qu'après cet
événement.

Un système de succession assez analogue a


existé jadis et persiste encore aujourd'hui
dans des groupements semi-bantous à succes-
sion matrilinéale, constitués en clans, groupés,
ultérieurement, après la conquête du pays, en
Seigneuries : Badia, Basakata, etc.

Dans les Seigneuries des Babui, des Bakun-


CROYANCES A L'ANIMISME. da, des Balumbu, des Bakalanga, des Babwile,
Petit édifice consacré à un esprit, des Batumbwe ou des Batabwa (Balubaïsés
génie ou dieu de la chasse, ou Baluba-Hemba du Katanga), envahisseurs
chez les Balubaïsés ou Baluba-Hembadu Katanga.
(Photo Musée du CongoBelge.) bantous paraissant avoir conquis jadis des
territoires semi-bantous, le frère (issu de la
les hommes ou soit par les femmes, dans la même mère) ou le neveu maternel succède
au Seigneur régnant.
génération la plus ancienne en vie, abstrac-
tion complète de l'ordre des branches, en ne Dans les Sultanats des Abandia ou des
tenant compte que des dates de naissances. Avongara, dynasties régnant sur les Azande,
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 171

et dans les Sultanats des Matshaga ou des Des avocats sont généralement admis à-
M'angbetu, le fils choisi par le père succède défendre les plaideurs.
généralement à ce dernier. Les débats sont généralement publics.
Le tribunal se retire généralement, à
Dans le Ruanda et dans Wrundi, le fils, l'écart du public, pour délibérer.
désigné par certains signes prétendûment La sentence est généralement rendue en
existant à sa naissance et longtemps tenus
public.
secrets, succède au père.
Ce mode de succession permet vraisembla-
blement au Roi et aux grands du pays de
choisir, parmi les fils, celui qui convient le
mieux pour succéder au Roi.
Dans les Seigneuries, les Sultanats ou les
Royaumes, des guerres entre prétendants ou
des intrigues de cour modifiaient l'ordre
successoral, assez souvent, avant la conquête
européenne.
Dans la Seigneurie des Bena Kalundwe
(Territoire de Mutombo Mukulu), le Seigneur
est choisi, à tour de rôle, dans trois familles
nobles. (l) AUDYNAMISME ET A LAMAGIE.
CROYANCES
Chez certains Baluba, certains Basonge et Charme, assurant une protection magique au village,
contre les influences néfastes, chez les Basonge.
certains Batetela-Bakusu (influencés par les
Baluba et les Basonge), le patriarche est (Photo Musée du CongoBelge.)
élu par ses pairs, auxquels il achète le titre,
Dans maintes sociétés patriarcales, bien
pour un temps limité. C'est le système de
l'« eata ». conservées, les parties pouvaient appeler,
jadis, en vertu du Droit Coutumier Africain,
7. Administration de la Justice. — Disons de la décision d'un Conseil des Anciens In-
quelques mots de l'Administration de la
Justice.
Le Droit Coutumier Africain, résultant des
usages et des précédents, règle les rapports
d'ordre public (droits et devoirs vis-à-vis du
groupe et des chefs; droits sur le sol et les
eaux, etc.) et les rapports d'ordre privé
(droits et devoirs vis-à-vis des autres mem-
bres du groupe; droits sur les objets mobi-
liers, etc.).
Dans les sociétés africaines, comme dans
les autres sociétés du monde, il naît des con-
testations et des litiges. Dans l'intérêt du
bon ordre, il est nécessaire de les faire tran-
cher par des arbitres ou des juges. CROYANCES AUDYNAMISME, A LAMAGIEETMÉDECINE.
Magiciens-devins-guérisseursdes Batshwa
Dans les Sociétés Patriarcales, il y a sou- (Pygmoïdes et Pygmées), assujettis aux Nkundu,
vent des arbitres, chargés de donner leur avis auscultant un malade.
sur les différends. (Photo Musée du CongoBelge.)
Les Conseils des Anciens, éclairés par les
avis d'experts en Droit Coutumier Africain,
cumulent les pouvoirs d'ordre législatif, exé- férieur à celle d'un Conseil des Anciens Su-
cutif et judiciaire, dans le clan, le groupe de périeur, par exemple de la décision du Conseil
du clan à celle du Conseil du groupe de
clans et la sous-tribu et éventuellement dans clans.
la tribu ou dans la peuplade.
Dans les Seigneuries, les Sultanats et les
(1) VERHULPEN
; Baluba et Balubaïsés du Katanga, Royaumes, il y a souvent des arbitres et une
Anvers, 1936 hiérarchie de juges, avec droit d'appel, soit
172 LES POPULATIONS AFRICAINES

pements voisins, des actes d'un de leurs


membres.

Lorsqu'il s'agissait de litiges entre indivi-


dus de groupements entre lesquels il n'exis-
tait pas ou plus de relations politiques, —
à la suite de guerres intertribales ou autres,
de migrations, d'une transformation anar-
chique de la société ou d'événements divers
— les individus lésés ou les parents de ces
derniers avaient souvent recours, s'ils ne pou-
vaient obtenir satisfaction, à la vengeance
privée, à la prise ou à la rétention d'otages,
etc.
Il arrivait aussi qu'un individu lésé, trop
faible ou trop peu influent pour faire valoir
ses droits, s'efforçait d'intéresser à sa cause
un individu de son groupe, plus influent,
pour s'assurer plus de chances de succès.
D'une façon générale, les Africains atta-
chent plus d'importance à la réparation du
dommage causé qu'à la punition du coupable.

AUDYNAMISME
CROYANCES ET A LAMAGIE.
Magicien-devindes Nkundu.
(Photo Musée du Congo Belge.)
à une juridiction supérieure, soit au Seigneur,
au Sultan ou au Roi.
Le Droit Coutumier Africain détermine la
coutume à appliquer, la procédure (témoi-
gnages, confrontations de témoins, serments,
épreuves ou ordalies), la façon de rendre la
sentence et de l'exécuter.
Dans certaines sociétés africaines, l'organi-
sation judiciaire est vraiment remarquable,
respectant au maximum les droits de la dé-
fense. Il en est ainsi notamment chez les
Baboma, les Badia, les Basakata, etc. (l)
Il y a souvent des avocats, les débats sont
généralement publics, le tribunal se retire
généralement pour délibérer et la sentence
est généralement rendue en public.
La famille au sens étendu, le groupe de
familles et le clan et, par extension, les Sei-
gneuries, les Sultanats et les Royaumes sont
solidairement responsables, vis-à-vis des grou-

(1) Voir : VERDCOURT : Notes sur les Badia, Anvers,


1936;
FOCQUET : Les PopulationsIndigènes des Territoires
de Kutu et de Nsontin (Basakata et Badia) (Congo,
1924). AUDYNAMISME,
CROYANCES A LAMAGIE ETMÉDECINE.
TONNOIR R. : La Pierre de Feu, Léopoldville,Courrier
d'Afrique, 1939, Notice géographique et historique et Magiciennes-guérisseusesdes Boyela.
(Photo Musée du Congo Belge.)
Renseignementsethnographiquessur les Baboma.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 173

Les tribunaux africains tranchent plus 8. Coexistence, à côté de liens du sang,


selon les conceptions du Droit Coutumier de liens d'ordre territorial. — Presque par-
Africain, en s'inspirant de l'équité, conçue tout, à côté des liens du sang, existent des
dans le sens africain, qu'en suivant des prin- liens d'ordre territorial.
cipes juridiques théoriques, aboutissement
de recherches juridiques assez longues et de
l'évolution des idées, sous d'autres cieux.
En fait, les juges africains s'efforcent
souvent de concilier les parties.

Là où les chefs sont, en droit, des chefs


absolus, ils ne le sont jamais en fait : l'opi-
nion publique, les intérêts des grands, la né-
cessité de ne pas mécontenter les niasses, les
sanctions religieuses et magiques et la tradi-
tion limitent les pouvoirs des Seigneurs, des
Sultans et des Rois.

Les Européens ont organisé, en Afrique


Noire et notamment au Congo Belge, des
Tribunaux Indigènes. CULTURE MATÉRIELLE.
La jurisprudence de ces tribunaux révèle Outils de Forgeron,chez les Bobati (Distr de l'Uele).
(Photo Musée du CongoBelge.)
souvent, aujourd'hui, non le Droit Coutumier
Africain original ou tel qu'il serait s'il était
Dans les Sociétés Patriarcales, dans un
resté l'expression de la libre volonté des Afri-
clan, à côté de membres du clan, descendant
cains, mais le Droit Coutumier Africain tel
de l'ancêtre commun, il y a souvent des alliés,
qu'il s'exprime sous l'influence expresse des des clients, des vassaux, des assujettis, dé-
Européens (administrateurs et magistrats).
Les Tribunaux Indigènes ne sont, aux yeux pendant du chef de clan parce qu'ils habitent
une terre soumise à son autorité et qu'ils sont
des Africains, des Tribunaux Africains que
liés à ce chef de clan par des liens contractés,
pour autant qu'ils aient été constitués con-
acceptés ou imposés.
Les alliés (parents d'une épouse), les
clients, les vassaux et les assujettis consti-
tuent parfois des clans et des groupes de
clans, voire des sous-tribus, liés au groupe-
ment supérieur par des liens contractés, ac-
ceptés ou imposés.
Dans les Seigneuries, les Sultanats et les
Royaumes, à côté de liens du sang unissant
souvent le groupe des conquérants, les sujets
dépendent du Seigneur, du Sultan ou du Roi,
parce qu'ils habitent la terre dont il est le
maître, en vertu de liens imposés, acceptés ou
contractés.
Parfois, cependant, les populations vain-
CULTURE MATÉRIELLE. cues et assujetties ont conservé leurs familles
La chasse à l'éléphant, dans le Ruanda. au sens étendu. Des liens, basés sur le sang,
(Photo P. P. Blancs; d'après Pagès.) continuent dès lors à subsister, chez ces popu-
lations, à côté de liens d'ordre territorial.
formément au Droit Coutumier Africain, que
les juges en soient leurs juges et qu'ils appli-
9. Tributs et corvées. - Les Chefs (Pa-
quent la coutume africaine (coutume s'appli-
triarches des familles au sens étendu, des
quant dans les limites de l'ordre public). (l)
groupes de familles et des clans, Seigneurs,
(1 ) Voir: GRÉVISSE
: La Grande Pitié des Tribunaux Sultans, Rois) ont droit, partout, à des tri-
Indigênes, Mémoire Inst. Roy. Col. Belge, Bruxelles, buts (peaux, dents et dépouilles de certaines
1949. bêtes comme le léopard; plumes de certains
174 LES POPULATIONS AFRICAINES

oiseaux; partie du gibier, du poisson ou des porter certains insignes : couvre-chef en peau
récoltes) et à des corvées (prestations en de tel ou tel animal, orné ou non de plumes
travail). d'un oiseau déterminé; bâton de commande-
Les Patriarches des familles au sens étendu ment, anneau porté au poignet, etc.
et le propre père de l'individu ont généra- Le Droit Coutumier Africain détermine
lement droit aux prémices des récoltes. les insignes et les attributs honorifiques, ainsi
Le Droit Coutumier Africain détermine les que les honneurs (salutations), auxquels ils
tributs et les corvées dus aux Patriarches, ont droit, tant dans les Sociétés Patriarcales
aux Seigneurs, aux Sultans, aux Rois et aux que dans les Seigneuries, les Sultanats ou les
Chefs des circonscriptions, grandes et petites. Royaumes.
Les cartes ci-après indiquent les régions
10. Insignes des Gouvernants et Hon- à succession patrilinéale ou matrilinéale, ainsi
neurs devant leur être rendus. — Partout, que celles à sociétés patriarcales, à seigneu-
les Chefs et leurs sous-ordres ont le droit de ries, sultanats et royaumes.

CARTE INDIQUANT LES POPULATIONS A SUCCESSIONMATRILINEALE


ET LES POPULATIONS A SUCCESSION PATRILINEALE
1 = Succession matrilinéale; 2 = Succession patrilinéale.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 175

CARTE INDIQUANT LES REGIONS A SEIGNEURIES, SULTANATSOU ROYAUMES


ET LES REGIONS A SOCIETES PATRIARCALES.

1 = Régions à seigneuries, sultanats ou royaumes; 2 = régions à sociétés patriarcales.

Les régions laissées en blanc sont celles où l'organisation politique est insuffisammentconnue.
*
,
1 — ——
ngi etunguetina Kibali-Itun.)
ekede, Mamvu
du
,Kar- Keo
Bobua baïngu,
bosu,nkolo
ngi mbo ngi, Kumu
etungu,
Kumuetina,
Kumu
1.
(Distr.
uke,
fa obo modo
obo,
maluA'co,
Keo,
malu
GROUPEMENTS
-
angz -
gombe libuti
Ub libuti
ndenga, ea
monene — --
ndenga, mungwa,
ndenga, etuka,
musuku, ea
NC C^SjhZi — FLh'Ie.)
DIVERS angl)
d dit de — — - —
Sopo,sesa
lenga,
Kumu,
moswa
ntungu,
ekomi,
Kumu
bosuku
ntungu Kumu --
libuti,
musuku,
D W.
1 Mosopo,
sasa, due,
DANS — (Distr. ba
papa
neba nekenie
nekuru, sasangwe
neba,
bambombie,
nekenie
neba
nc
BANTOUS -- Makere
Manzema) - —- j
ludu -- SOUDANAIS
du
Bakusu I

u,ongo- lutshotsho
(Dzstr. buswa
sesu bununu
aseluatsha, mwankana
luandja,
j l'IJele.)
- —
AFRICAINES de be, Kombe
GROUPEMENTS
Kom ir,
Kombe
owanji GROUPEMENTS
Amadi bwô rtg'o,
Stankum) owanji - Kg'!
ou - —— (Distr.
ipole,
buba buba
lira ese Kombe, ngamabo
ngamabo lingiri,
Lingiri,
Z,:~; lingirigo,
/i' Ngamabo
lingirigo.
PATRILINEALE
du ou I | !
DIVERS
wapa.. akana,
Bahamba-Batetela DIVERS
SOCIETES (Dlst. ukana,
otema,
djihuotema,
enundu
i
DANS
) s l'Uele.)
DANS - -
DES de - - - -
1 te.
te, li
SUCCESSIONT ea -- — te, ,
(Distr. te,
A ongandu
(Yasayania)
Ta
Mongandu
de iele,
Abarambobasha Topungulu
shika
KumuLiKumu
Z,;'
(D nyala,
iseelinw,
Mahango
etuka,maniango liotsi, bonanga,
ngolo Kumu
SUBDIVISIONS SUBDIVISIONS
lM 1
CES CES
SUBDIVISIONS
iotsi KÓdÓrô
Tshuapa,) djoso onanga gbia é
Kodoro,
Congo-Ubangi)
LES la etuluka,
ea ea 'i' Angbandi Kôdôrô Kô,
Nkundu Kuru à ti Ko,
de fafa du Y é gbia Kodoro,
Kuru
yaKÓdÓrû,
INDIQUANT likutiu, INDIQUANT
(D. ise, engambiese, elimuetuka,
elimu nkoko
liotsi, nkoko (D.a} Toâ
bomznga, gbia Bûmû
Tô Kodoro tô TÓ guKotara
Kozoayâ,
ilongo, Y

an.
TERMES TERMES
: étendu. : rienilu
INDIQUANT „ sous-don
familles clans. familles
sous-cl clans.
patriarche, patriarche.
patriarche.
ou patriarche.
patriarche. patriarche. patriarche.
étendu patriarche,
patriarche. patriarche.
patriarche. patriarche
1 Il sens de ou de
ausensde de nu
Nkundu Son Son Son Son Son Son Son sensSon Son Son Son Son
F.
Frmt°" étendu Français
,
Famille au
Groupe Clan. GroupeSous-tribu. Tribu.
FamilleGroupe
sens Clan. Groupe Sous-tribu.
Tribu.
TABLEAU d) e) f) TABLEAU 11) b) c) d) e) f)
TERMES a) b) au c)
des
ET
Gobari
Kwango.) celle
Luniungu
la du - - Makân)— -
:
Basongo
la de :
de et -
(Distr. (plur.
Kân Lim parenté
(MAYOMBE t de

Kwango.) liens
BASONGO) —— — — les
du
Bangongo

BANTOUS (Distr. KandaLem


résultant

BANGONGO, Kwango.)
— — - —
du l'organisation
Bambala
à (Bampangu).
(Distr.
Lemba
GROUPEMENTS e~e~~u. Ganda Bakongo
superposée
BAMBALA,
les
Kwango.)
MATRILINEALE - — — —
du
Bayansi chez
DIVERS territoriale,
(Distr. Kân Lem
DES(BAYANSI, couronnés
organisation
chefs
SUCCESSION une
Bas-Congo.)
(Bampangu) — - des
A ~eyt~ dikanda
du a celle
BANTOUS
Bakongo,
et
(D.
Bakongo ngudi dikanda, NtuLuvila
patriarche. > les
SUBDIVISIONS patriarche. — et
SEMI
a~ Mayombe
LESET bivumu) les
Bas-Congo.)
:
— makanda)Zimvila)
:
— Mayombe
Mayombe (vimu) :
du les chez
tsi
(D. (plur.
vumu (plur. mvila
dikanda, (plur. chez
de ntinu
existe,
des
BAKONGO) étendu. Il et
INDIQUANT de patriarche.
sous-clan.
lignée étendu auteurs.) patriarche.patriarche. :
sensauteurs.) familles
ou clans. tsi
de
F.
rançms au Son de sens
(lignée
Son Sonde Son Notezi
certains au certains
TERMES (division
Fa~7/eFamille Groupe Clan. Groupe bapfumu
178 LES POPULATIONS AFRICAINES

Tableau indiquant schématiquement la succes-


sion des patriarches dans un clan, dans une
société patriarcale à succession patrilinéale.

SYSTEMES DES SUCCESSIONS


DES GOUVERNANTS

I. — SUCCESSION DANS LES


SOCIETES PATRIARCALES

Tableau indiquant schématiquement la succes-


sion des patriarches dans une famille, au
sens étendu, à succession patrilinéale.
Les signes V indiquent des individus de sexe mas.
culin, sauf s'il est indiqué à côté qu'il s'agit d'une
fille F.
Le clan comprend plusieurs générations, dont les
trois plus anciennes sont représentées sur le Tableau.
La succession des patriarches se fait, dans le clan,
dans la génération la plus ancienne encore en vie,
issue de l'ancêtre exclusivement par les hommes,
d'après les dates de naissances, sans tenir compte de
l'ordre des branches (de 1 à 26).
Le clan ci-dessus comprend 5 groupes de familles.
Le premier groupe de familles, issu de 1, a succes-
Les signes Y indiquent des individus de sexe mas- sivement comme patriarche : 6, 9, 17, 18, 19, 21, 25
culin, sauf s'il est indiqué à côté qu'il s'agit d'une et 26.
fille F. Le deuxième groupe de familles, issu de 2, a succes-
Les chefs de famille se succèdent, selon les dates de sivement comme patriarche : 7, 8, 13 22, 23.
naissances, dans la génération la plus ancienne en vie, Le troisième groupe de familles, issu d'une femme
abstraction faite de l'ordre des branches, dans la (groupe de familles féminin) a successivementcomme
descendance exclusivement masculine (issue de l'an- patriarche : I, II, III, mais les patriarches de ce
cêtre par les hommes) de 1 à 13. groupe de familles ne peuvent jamais devenir patriar-
A titre d'exemple, après extinction de la première ches du clan, parce que ne descendant pas de l'ancêtre
génération, succèdent comme chefs de famille dans la exclusivement par les hommes.
deuxième génération le 1, le 2, le 3, etc. Le quatrième groupe de familles, issu de 3, a suc-
Dans la troisième génération, l'ordre de succession
sera de 8, 9, 10, etc. cessivementcomme patriarche : 5 et 15.
Le cinquième groupe de familles, issu de 4, a suc-
cessivementcommepatriarche: 10, 11, 12, 14, 16 et 24.
Tableau indiquant schématiquement la succes- Le patriarche du clan est donc pris, selon les dates
sion des patriarches dans une famille, au de naissances, dans les divers groupes de familles du
sens étendu, à succession matrilinéale. clan.

Tableau indiquant schématiquement la succes-


sion des patriarches dans un clan, dans une
société patriarcale à succession matrilinéale.

Les signes. indiquent des individus de sexe fémi-


nin, sauf s'il est indiqué à côté qu'il s'agit d'un
homme (h).
Les chefs de famille (hommes) se succèdent, selon
les dates de naissances, dans la génération la plus Les signes. indiquent des individus de sexe mascu-
ancienne en vie, abstraction faite de l'ordre des bran- lin si, à côté de ces signes, figure une h; ou des
ches, dans la descendanceexclusivementféminine (issue individus de sexe féminin si, à côté de ces signes,
de l'ancêtre par les femmes) de 1 à 14. figure une F.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 179

Le clan comprend plusieurs générations dont les trois dans ce cas, de père en fils qu'à défaut de frère dans
plus anciennes sont représentées sur le Tableau. la même génération;
La succession des patriarches se fait, dans le clan, b) Tantôt de père en fils. Elle ne se fait, dans ce
dans la génération la plus ancienne encore en vie, cas, de frère à frère, qu'à défaut de fils chez le frère
issue de l'ancêtre exclusivementpar les femmes,d'après aîné, pour autant que les frères descendent exclusive-
les dates de naissances, sans tenir compte de l'ordre ment de l'ancêtre par les hommes (de 1 à 7).
des branches (de 1 à 16).
Le clan ci-dessus comprend 4 groupes de familles. Généalogie schématique de la Dynastie des
Le premier groupe de familles a successivement Seigneurs des Bakunda de Kikondja (Ban-
comme patriarche : 3, 5, 7, 8, 9, 10, 13. tous), (Territ. de Bukama, Distr. du Lualaba).
Le deuxième groupe de familles, issu d'un homme
et d'une femme étrangère au clan, a successivement
comme patriarche : (I), (II), (III). Ceux-ci ne pour-
ront jamais devenir patriarches du clan parce que ne
descendant pas de l'ancêtre du clan exclusivement
par les femmes.
Le troisième groupe de familles, issu d'un homme
et d'une femme étrangère au clan, a successivement
comme patriarche : (I), (II), (III), (IV).
Dans ces deux derniers groupes de familles, ratta-
chés au clan par un homme, descendant de l'ancêtre
du clan, on suit les règles de la successionmatrilinéale,
mais les ancêtres femmes de ces deux derniers groupes
sont des femmes étrangères au clan.
Le quatrième groupe de familles a successivement
commepatriarche : 4, 6, 11, 12, 14, 15, 16.
Le patriarche du clan peut donc être pris dans les
divers groupes de familles du clan.

II. — SUCCESSION DANS LES DYNASTIES


DES SEIGNEURIES, DES SULTANATS
ET DES ROYAUMES.
A. - Dans les seigneuries, les sultanats ou les
royaumes à succession patrilinéale.
Tableau indiquant schématiquement les modes
de succession dans les dynasties des seigneu-
ries, des sultanats ou des royaumes (sucees.
sion patrilinéale).

E. VERHULPEN : Baluba et Balubaïsés, Anvers, Ave-


nir Belge 1936. Il indique la succession des Chefs (de
1 à 20) et les générations (de 1 à XIV).
En comptant 25 ans par génération, et 25 ans de
1920 à 1945, BombweMbili aurait vécu au XVIe siècle.
La succession des seigneurs de Kikondja est patri-
linéale, bien que les Bakunda (dont ils sont issus) aient
une succession matrilinéale.

Généalogie schématique de la Dynastie des


Empereurs du Deuxième Empire des Baluba
(Bantous), (Prov. du Katanga).
Ce tableau indique la successiondes Chefs (de 1 à
18) et les générations (de 1 à XV).
Les signes V indiquent des individus de sexe mas- A l'arrivée des Européens, l'Empire des Baluba
culin, sauf s'il est indiqué à côté qu'il s'agit d'une s'était en partie effondré à la suite des conquêtes des
fille F. Bayeke et des Arabes. Le pays des Baluba du Lomami
La successionse fait dans la famille du seigneur, du était partagé entre Kasongo Niembo et Kabongo, se
sultan ou du roi. faisant la guerre.
Elle se fait : Mbili Kiluhe a vécu au XVIe siècle.
a) Tantôt de frère à frère, dans la génération la La succession des empereurs baluba du Ils Empire
plus ancienne,puis de frère à frère dans la génération des Baluba est patrilinéale, bien que celle des Bakunda
suivante, en suivant l'ordre des dates de naissances, (dont ils sont issus) soit matrilinéale.
pour autant qu'ils descendent exclusivement de l'an- Alors que les empereurs du lIe Empire des Baluba
cêtre par les hommes (de 1 à XII). Elle ne se fait, ont régné sur de très nombreux sujets, en 1936 Pafu
180 LES POPULATIONS AFRICAINES

Les rois du royaume des Matshaga furent successi-


vement : Asai (Dakpara ou Magapa) et Niangara. A
la mort de Niangara, le royaume se subdivisa en
sultanats.
Les noms suivis d'un astérisque indiquent les noms
des sultans Matshaga à la tête des divers sultanats en
1925.
La successionest patrilinéale.

Généalogie schématique de la Dynastie des


Mangbetu (Soudanais), (Territ. de Paulis;
Distr. de l'Uele). -

(n° 18) ne régnait plus que sur quelques dizaines de


milliers d'indigènes (Territ. de Kamina).

Généalogie schématique de la Dynastie des


Matshaga (Soudanais), (Territ. de Niangara;
Distr. de l'Uéle).

Ces deux derniers tableaux sont empruntés à G. VAN


DERKERKEN: Notes sur les Mangbetu, Anvers, 1936.
Les rois du royaume des Mangbetu furent succes-
sivement Nebingbale, Tuba, Mbunza. A la mort de
Mbunza, le royaume se subdivisa en sultanats.
Les noms suivis d'un astérisque indiquent les noms
des sultans Mangbetu à la tête des divers sultanats
en 1925.
La succession est patrilinéale.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 181

B. — Dans les seigneuries, les sultanats ou les b) Tantôt, dans la génération la plus ancienne en
royaumes à succession matrilinéale. vie, de frère à frère, en respectant l'ordre des naissan-

Généalogie schématique de la Dynastie des


Batumbwe, Balubaïsés du Katanga (Bantous),
(Territ. d'Albertville; Distr. du Tanganyika).

Ce tableau (d'après les archives du district et F..

ces, ou d'oncle à neveu maternel, en épuisant d'abord


la branche issue de la première femme (de 1 à X),
puis celle de la branche issue de la seconde femme
(de XI à XVII).

Généalogie schématique de la Dynastie. de la


Seigneurie des Kiombo Mkubwa (Batum-
bwe), Balubaïsés du Katanga (Bantous),
(Territ. d'Ankoro; Région de Kiambi; Distr.
du Tanganyika).

VERHULPEN) indique la succession des chefs (I à IX)


et celle des générations(I à VIII).
La succession est matrilinéale.

Tableau indiquant schématiquement les modes de


succession dans les Dynasties des Seigneuries,
des Sultanats ou des Royaumes (succession
matrilinéale)

Les signes. indiquent des individus de sexe mas-


culin, sauf s'il est indiqué à côté qu'il s'agit d'une
fille F.
La succession se fait :
a) Tantôt de frère à frère, dans la génération la plus
ancienne en vie en suivant l'ordre des branches et La succession des patriarches est indiquée par des
suivant l'ordre des dates de naissances (de 1 à 16); chiffres de 1 à 8. Elle est matrilinéale.
182 LES POPULATIONS AFRICAINES

A. — Ascendance légendaire de Peuplades à suc-


cession patrilinéale.
Ascendance légendaire des Mundji ou Nsongo
(Bantous). Peuplade des Mundji. (Territ. de
STRUCTURES DES SOCIETES
Befale; Distr. de la Tshuapa).

1. — STRUCTURE
DES SOCIETES PATRIARCALES

Tableau indiquant schématiquement les divisions


et subdivisions d'une société patriarcale à
succession patrilinéale.
Les signes V indiquent des individus de sexe mas-
culin, sauf s'il est indiqué à côté qu'il s'agit d'une
fille F.
La peuplade ci-dessus comprend 3 tribus, ayant pour
ancêtres A, B et C.
La tribu aînée A a 4 sous-tribus,ayant pour ancêtres
I, II, III, IV.
Les tribus B et C ont respectivement 4 et 3 sous-

tribus. Les femmes ancêtres des sous-tribus dans les


tribus B et C, ont épousé des hommes qui se sont
fixés avec elles dans leur groupe.
La sous-tribu aînée de la tribu aînée A a 4 groupes
de clans, ayant pour ancêtres 1, 2, 3 et 4.
Le groupe de clans aîné a 4 clans, ayant pour an- Ce tableau est établi d'après les archivesdu district de
cêtres 1, 2, 3 et 4. la Tshuapa, des renseignements recueillis par nous-
Le clan aîné a 4 groupes de familles, ayant pour même sur place et par M. VANDE CAPPELLE, commis-
ancêtres 1, 2, 3 et 4. Il est constitué, au total, par saire du district de l'Equateur, complétésultérieurement.
Il familles. Toutes ces chefferies se trouvent dans le Territoire
Les groupes de familles sont constitués respective- des Mundji (chef-lieu Befale), sauf celle des Nsongo
ment par 3, 2, 4 et 2 familles. de Basankusu (Territoire de Basankusu).
Le patriarche du clan aîné 1 est aussi celui du Toutes les chefferies Nsongo du Territoire de Befale
groupe de clans 1, celui de la sous-tribu 1 et celui de ont été fusionnées en une grande chefferie nsongo
la tribu A. (1938).
Les sous-tribus V et VI, de la tribu B, sont issues Les descendants de Bongombolo et d'Intele (les
d'ancêtres féminins. Le patriarche de la tribu B sera, Ntemaoolo) ont la même mère (Mundji).
pour ce motif, pris dans la sous-tribu VII, issue d'un La sous-tribu aînée est celle des Eosase des Baseka-
ancêtre masculin. Elese.
Pour le même motif, le patriarche de la tribu C Les Mundji ou Nsongo comptent environ 30.000
sera pris dans la sous-tribu X. habitants (1939).
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 183

Bien qu'ils constituent une tribu (la tribu aînée des des autres Mongo ou Bomongo et en font un groupe
Mongo ou Bomongo), les « historiens » mongo consi- séparé (la Peuplade des MundjO. Ils parlent en effet
dèrent que les Mundji ou Nsongo se sont différenciés le lomundji alors que les Bomongoparlent le lomongo.

Ascendance légendaire des Mundji (Territ. de Befale) et des Mongo proprement dits ou Bomongo
(Territ. de Basankusu) (Bantous). Peuplades des Mundji et des Bomongo.

Les descendants de Bongomboloet d'Intele sont appelés Mundji. Ils descendent, les premiers de Bongom-
bolo et d'une femme Mundji, les seconds également de la même femme Mundji, ayant épousé, après la mort
de Bongombolo,le frère de ce dernier, Intele.
Ils constituent la tribu des Mundji (Baseka Mundji) ou Nsongo.
Les Baseka Bongwalanga, les Baseka Ekulu et les Baseka Efekele, constituant trois autres tribus, sont
souvent appelés les uns et les autres Baseka-Bongwalangaou Mongo proprement dits ou encore Bomongo.
Les Mongo ou Bomongo (y compris les Mundji) comptent environ 80.000habitants, dont environ 30.000
Mundji, 50.000Baseka Bongwalangaou Mongo proprement dits (1939).
Sous-tribu aînée des Bomongo : Mondjondjo.
184 LES POPULATIONS AFRICAINES

Ascendance légendaire des Nkundu (Bantous). Peuplade des Nkundu. (Territ. de Coquilhatville
et d'Ingende; Distr. de la Tshuapa.)

Les Nkundu comptent plus de 100.000habitants dans les Territoires d'Ingende et de Coquilhatville.Ils
possèdent environ 40.000 Batshwa (Pygmoïdes et Pygmées), assujettis et nkunduïsés.
Les Nkundu et les Nkunduïsés sont donc au nombre d'environ 150.000.
La sous-tribu aînée est celle des Bokala.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 185

Ascendance légendaire des Mbole. (Territ. de


Monkoto; Distr. de la Tshuapa.)
Tableau I.

Les Mbole comptent de 80.000 à 100.000 individus


(1939).

Tableau Il.

Quelques Emoma (Imoma) se trouvent dans le Terri-


toire d'Oshwe(chefferie des Emoma ou des Imoma).
Ces sous-tribus sont divisées en groupes de clans,
clans, groupes de familles ou sous-clans et familles.
La sous-tribuaînée est celle des Bolenge.

Tableau IV.

Tous ces groupementsse trouvent dans le Territoire


de Monkoto, où ils constituent des chefferies.
Ces sous-tribus sont divisées en groupes de clans,
clans (correspondant souvent à des villages), groupes
de familles ou sous-clans et familles.
La sous-tribu aînée est celle des Efele.

Tableau Ill.
Tous ces groupements se trouvent dans le Territoire
Tous ces groupements se trouvent dans le Territoire de Monkoto ou de Boende (les Ngombe-a-Una),où ils
de Monkotooù ils constituent des chefferies. Quelques constituent des chefferies.
Bolenge et quelques Isaka habitent le Territoire d'In- Ces sous-tribus sont divisées en groupes de clans,
gende (région de Bokote). Ils y sont incorporés dans clans, groupes de familles ou sous-clans et familles.
la chefferie des Bolenge et dans la chefferie des Isaka. La sous-tribu aînée est celle des Nkasa-Ekungu.
186 LES POPULATIONS AFRICAINES

Ascendance légendaire des Ekonda (Bantous). Ascendance légendaire du groupe Bobati-Bobenge-


Peuplade des Ekonda (Territ. de Lukolela, Boyew-Bobua-Bodongola (Bantous). (Distr.
Territ. d'Inongo et Territ. d'Oshwe, Distr. de de l'Uele.)
la Tshuapa et du Lac Léopold 1,1).

(*) La descendance d'un ancêtre se marque par le


préfixe Bo : Bobati, Bosibana, Bogondolo, Bodangali,
etc. Boyele, Bolende, Bobwasa, etc. Ces diverses
populations forment le groupe dit des « Bobua » ou
« Ababua », dans le bassin de l'Uele.
(**) De Maya-Madidi, descendent, par Ozege (fils
de Maya-Madidi) et par Liongo (fils d'Ozege), les
Mangbele (issus de Maseli et de Zebui). De Maya-
Madidi descendent aussi, par Pwalaka (fils de Maya-
Madidi), les Bopwalaka, pêcheurs bobua, riverains de
l'Uele.
La tribu aînée est celle des Bobati.

Ascendance légendaire des Amadi (Soudanais)


Les Ekonda installés dans les Territoires de Luko- Peuplade des Amadi. (Territ. d'Amadi;
lela (comprenant la région du lac Tumba) d'Inongo et Distr. de l'Uele.)
d'Oshwe sont au nombre de plus de 110.000habitants.
Environ 40.000 Pygmoïdes et Pygmées ekondaïsés leur
sont assujettis.
Les Lusakani, à l'Ouest du lac Ntumba, seraient des
Ekonda à rattacher aux Bohanga, aux Ntomba-Yeli,
aux Ntomba-Nkole, aux Ntomba-Besongo.
Les Bakutu-Mpama seraient de même origine.
Les Manga et les Maringo, soumis les premiers aux
Bohanga et les seconds aux Lonianianga seraient d'ori-
gine bolia ou ntomba (Ntomba-Nkole, Ntomba-Yeli,
Ntomba-Ndongo).
Les Yembe sont subdivisés en plusieurs groupements.
Ekonda et Ekondaïsés sont au nombre d'environ
150.000. Les Amadi sont des Soudanais.
La sous-tribu aînée est celle des Bohanga. De nombreux Amadi ont été séparés du groupe
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 187

amadi primitif et ont été assujettis par les chefs Avon- Ces 22 groupes de clanssont situés dans le Territoire
gara (sultans des Azande Orientaux) ou les chefs de Libenge (District du Congo-Ubangi).
Mangbetu. Ils sont actuellement dispersés dans les
sultanats des Avongara, des Mangbetu et des Mats-
haga.
Ceux qui sont restés indépendants se sont maintenus
dans le pays montagneux, situé au Nord de l'Uele,
dans la région d'Amadi. Ils ne comptent plus que
quelques milliers d'habitants..

Ascendance légendaire des Angbandi (Soudanais).


Territ. de Banzyville; Distr. du Congo-
Ubangi.)

Le groupe de clans aîné est celui des Ndiu.


Le clan aîné est celui des Luwala.

Ascendance légendaire des Kakwa-Fatshulu (Nilo-


tiques). Peuplade des Kakwa-Fatshulu.
(Soudan anglo-égyptien et Distr. du Kibali-
Ituri. )

Les groupes constitués par leurs descendants habitent


l'Afrique Equatoriale Française, le Territoire de Ban-
zyville (District du Congo-Ubangi),le district de l'Uele,
où ils constituent des chefferies. Les groupes aînés
sont en Afrique Equatoriale Française.

Ascendance légendaire des Banda (Soudanais)


Peuplade des Ngbundu. (Territ. de Libenge;
Les Kakwa-Fatshulu sont des Nilotiques, répartis
Distr. du Congo-Ubangi.) de part et d'autre de la frontière Nord-Est du Congo
Belge - Soudan Anglo-égyptien.
Ce tableau a été dressé par M. GUSTIN,administra- Les Kakwa sont les aînés et parmi ceux-ci le groupe
teur du Territoire de Libenge (1927). aîné est constitué par les Niero.
188 LES POPULATIONS AFRICAINES

B. — Ascendance légendaire d'une peuplade à suc- Un village de Bakongo est, aujourd'hui, souvent
cession matrilinéale. habité par des familles d'origines diverses.
Les Bakongo (Meshi Kongo), Bantous, ont envahi,
Ascendance légendaire du groupement des Nsako, jadis, un pays occupé, tout au moins en grande partie,
par des Semi-Bantous(Ambundu).
faisant partie des Bampangu, des Bakongo
(Bantous). (Distr. du Bas-Congo.)
Il. — STRUCTURE DES
SEIGNEURIES, SULTANATS ET ROYAUMES

Schéma de la structure de la Seigneurie des


Baboma (Semi-Bantous). (Territ. de Mushie;
Distr. du Lac Léopold II.)

Les Ngeli ont assujetti jadis les Baboma, divisés,


à cette époque, en seigneuries ayant à leur tête des
nkumu (seigneuries constituées par un clan souverain
Ce tableau a été dressé sur la basse des renseigne- et des clans vassaux).
ments donnés par VANWING: Etudes Bakongo.Histoire Le clan matrilinéal des Baboma, appelé Ekinda,
et Sociologie, Bruxelles, Goemaere, 1921. ayant pour patriarche le Muele, avait un patrimoine
Les Nsako constituent une Luvila (groupe de clans foncier (Manu). Le Muele était à la fois le patriarche
ou sous-tribu). du clan, le chef de la terre, le prêtre du culte des
Les Ntinu Nsako constituent une Kanda (clan). ancêtres et de celui de l'esprit, du génie ou du dieu
de la terre et le magicien.
Les Nsamba constituent une Ngudi (lignée ou sous-
clan ou groupe de familles au sens étendu). Certains Muele ont été assujettis par des voisins,
Les Mpolo, les Nsukila, les Lemba di Ndona, les plus forts qu'eux, et ont été incorporés dans une
seigneurie (Nkese), sous l'autorité d'un Nkumu.
Mpolo Ndona, etc., constituent des groupements infé- Les Ngeli, ayant envahi le pays il y a plusieurs
rieurs (groupes de familles ou Ngudi et familles au
sens étendu). siècles, ont constitué une seigneurie des Ngeli, au
profit d'une noblesseNgeli, en respectant certains pri-
Note : L'ancienne organisation patriarcale des Ba- vilèges de la noblesse ancienne (les Nkumu).
kongo a vu se superposer à elle une organisation Le chef des Ngeli et de la Seigneurie des Baboma
territoriale (celle des chefs couronnés), laquelle a subi est le Ngeli-Boma,existant déjà au XVIIesiècle. Il est
des influences désagrégeantes, du fait des derniers évé- le maître des habitants du pays, mais non de la terre,
nements historiques (traîte, conquête du pays, etc.). qui appartient aux anciens clans du pays.
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 189

Schéma de la structure de la Seigneurie des Il est entouré d'une Cour, constituée par de grands
Badia (Semi-Bantous). (Territ. de Kutu; notables (Banvubu) et de petits notables (Bankunga).
Distr. du Lac Léopold II.) Les grands notables sont souvent chefs de Provinces
ou de Circonscriptions.
Des Yembe (Ekonda), venus du Nord, du pays des Les Petits notables sont souvent chefs de villages.
Mongo (Bantous à succession patrilinéale), ont consti- Le pays est divisé en Provinces, Circonscriptions et
tué, dans le pays des Badia — Semi-Bantous, venus Villages.
Les villages sont habités par des hommes libres, des
clients, des esclaves affranchis, des étrangers, des es-
claves.

de l'Ouest, à succession matrilinéale — une véritable


aristocratie (les Madjala), ayant réuni en ses mains Des familles au sens étendu, souvent d'origines dis-
l'ensemble des pouvoirs militaire, politique et judi-
ciaire, les anciens chefs du pays n'ayant plus conservé parates, forment un village.
que des pouvoirs d'ordre foncier, religieux et magique. Le patriarche de chaque famille est le Mwanabute,
l'aîné dans la génération la plus ancienne en vie,
Le chef des Madjala est le Modjuitsheu. dans la descendance exclusivement masculine. Il fait
La seigneurie est divisée en grandes circonscriptions partie du Conseil des notables du village. Il est res-
ayant à leur tête des Madjala, apparentés au Mod- ponsable de son groupe devant le Chef de village.
juitsheu. Chaque chef de village est responsable de son village
Chaque grande circonscription, administrée par un devant le chef de la circonscription.
Madjala, comprend un certain nombre d'anciennes pe- Chaque chef de circonscription est responsable devant
tites seigneuries du pays, à la tête desquelles se trou- le chef de Province.
vent des Nkamimvu (patriarches d'anciens clans, égale-
ment seigneurs d'un petit territoire), placés sous son Chaque chef de Province est responsable devant le
autorité. Mulohwe.
La terre (imvu) de chaque clan est actuellement Celui-ci choisit les chefs de Province. Ceux-ci choi-
habitée, non seulement par les membres.du clan (entre sissent les chefs de circonscription, mais ils doivent
lesquels existent les liens du sang), mais par des être acceptés par le Mulohwe.
étrangers au clan, venus s'y installer comme clients, La circonscription possède un Conseil des Notables.
placés sous l'autorité du chef de clan (nkamimvu), en La Province possède aussi un Conseil des Notables.
vertu de liens territoriaux. La Seigneurie des Bena Kalundwe comptait environ
La Seigneurie des Badia, ayant compté 25.000 habi- 20.000habitants en 1931.
tants avant la conquête européenne, en compte encore
5.000 environ.
Schéma de la structure du Royaume des Bashi
Schéma de la structure de la Seigneurie des (Bantous). (Territ. Kabare; Distr. du Kivu.)
Bena Kalundwe (Bantous). (Territ. de Mu- Le Royaume des Bashi, comptant 500.000 habitants
tombo-Mukulu; Distr. du Lualaba.) environ, dans le district du Kivu, formé de débris de
peuplades diverses, assujetties par des conquérants,
Le Mulohwe (Mulopwe) des Bena Kalundwe est élu (probablement d'origine Warega, venus de la Luïndi),
dans trois familles nobles, à tour de rôle. a à sa tête un Roi ou Mwami.
190 LES POPULATIONS AFRICAINES

Il est divisé en provinces ayant à leur tête un Le Royaume de l'Urundi, comptant environ 2.500.000
Nahano. d'habitants, formé des débris de peuplades diverses, as-
Celles-cisont diviséesen circonscriptionsayant à leur sujetties par des conquérants vraisemblablementd'ori-
tête un Mutambo. gine bantoue, a à sa tête un Roi ou Umwami, assisté
d'un grand conseil.
L'Urundi est une monarchie féodale. Il est divisé en
Chefferies ayant à leur tête des abatware (singulier :
umutware).
Chaque chefferie est divisée en sous-chefferies,ayant
à leur tête des Vyariho (singulier : chariho).
Le Chariho a sous ses ordres des agents subalternes
(abakoresha, abahamagazi, etc.).
Dans les conceptions des Africains, le Roi a un
caractère divin et est le maître souverain de la terre.

Schéma de la Structure du Royaume du Ruanda


(Bantous ) ( Ruanda-Urundi).

Celles-ci sont divisées en collines, ayant à leur tête


un Murwali.
Chaque Murwali est assisté de capitas ou bagula.
Le Roi est le maître éminent du peuple, de la terre
et du bétail.

Schéma de la structure du Royaume de l'Urundi


(Bantous) (Ruanda-Urundi).

Le Royaume du Ruanda, comptant environ 2.000.000


d'habitants, formé de débris de peuplades diverses,
assujetties par divers conquérants (en dernier lieu
par les Watutsi, probablement d'origine nilotique), a
à sa tête un Roi ou Umwami.
La population comprend une aristocratie (les Watut-
si), une plèbe, aux origines diverses, constituée par les
Bantous (les Bahutu) et compte des pygmoïdes assu-
jettis (les Batwa).
Le Ruanda est une monarchie théocratique et héré-
ditaire.
Selon la tradition, trente sept Rois ont précédé le
Roi actuel.
Le Ruanda se divise en Chefferies, à la tête des-
quelles se trouvent des chefs (Abami; singulier :
umwami), appartenant pour la plupart à la famille
du Roi (Abanyiginya) ou à celle de la Reine-Mère
(Abega).
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 191

Les Chefferies sont divisées en sous-chefferies,à la Schéma de la Structure d'un Sultanat Manchets
tête desquelles se trouvent des sous-chefs (Abatwale; ou Matshaga (Soudanais). (Territ. de Nian-
singulier : umutwale). gara et Territ. de Pauwa; Distr. de l'Uele.)
Les sous-chefferies sont divisées en collines, à la
tête desquelles se trouve des ikisonga.
Dans les conceptions des Indigènes, le Roi est
d'origine divine. Jadis, il était le législateur et le juge
suprême. Il était propriétaire des terres, du bétail, du
gibier, des forêts. Il nommaitet révoquait les Chefs.
Chacun des Chefs a droit à des prestations.
Nous ne pouvons parler ici des divers chefs, admi-
nistrant les uns les terres de cultures et leurs habi-
tants, les autres les pâturages, le bétail et les pasteurs,
les autres encore les milices, etc.

Schéma de la structure d'un Sultanat Azande


(Soudanais) (Distr. de l'Uele).

Les sultanats Mangbetu et les sultanats Matshaga de


l'Uele sont constitués par des populations aux origines
Les sultanats des Azande sont constitués par des disparates assujetties par des conquérants. Ils ont à
leur tête un Sultan, portant le titre de Nekenie, d'ori-
populations aux origines disparates, bantoues et sou- gine mangbetoue (sultanats Mangbetous), ou abarambo
danaises, auxquelles on a donné le nom d'« Asande » (sultanats Matshaga).
ou d'c Azande », assujetties par des conquérants aban-
dia ou avongara. Ils sont divisés en provinces administrées par un
Ils sont subdivisés en provinces, ayant à leur tête fils adulte ou un parent du Chef, assisté de conseillers
un fils adulte du sultan (wili gbia) ou un parent de choisis généralement parmi les populations assujetties.
celui-ci, assisté de conseillers, choisis parmi les popu- Les provinces sont divisées en grandes circonscrip-
lations assujetties. Les provinces sont diviséesen petites tions, ayant à leur tête un grand capita (Naburu
circonscriptions, ayant à leur tête un Bakumba ou Kwokwo).
Capita.
A l'Ouest, l'aristocratie des Azande (populations as- Celles-ci sont parfois divisées en petites circonscrip-
sujetties) est constituée par des Abandia (Abandya, tions, ayant à leur tête un capita" subalterne (Naburu
d'origine Angbandi) et à l'Est par des Avongara sasa)
(d'origine inconnue). Bien que les Sultans Matshaga soient d'origine Aba-
Les conquérants Abandia ont refoulé les Avongara rambo, ils sont tout à fait mangbétouïsés ainsi que
vers l'Est, conquis les régions Ouest du bassin de leurs sujets.
l'Uele, assujetti les anciens sujets Azande des Sultans Ces derniers, tant dans les sultanats Matshaga que
Avongara et adopté finalement la langue et la culture dans les sultanats Mangbetu, parlent encore souvent —
des populations assujetties. à côté du Mangbetu — leur ancienne langue : l'Amadi,
Les Sultans Abandia de l'Ouest parlent encore le l'Abarambo, le Mayogo, le Bangba, le Mamvu, etc.
Ngbandi et l'Azande; ceux de l'Est ne parlent plus que Les populations mangbetoues et mangbetouisées,
l'Azande.
Les populations Azande, habitant le bassin de l'Uele ayant des sultans mangbetu et matshaga et les mêmes
et certains territoires du Soudan (en Afrique Equato- populations (Makere, Malele, Popoi, Babeyru, Balumbi,
riale Française et au Soudan Anglo-Egyptien)peuvent Bamanga) ayant conservé plus ou moins leur ancienne
structure patriarcale, comptent près d'un million d'ha-
être estimées à environ 2.000.000 d'habitants. bitants.
192 LES POPULATIONS AFRICAINES

VI. — LES GROUPES ETHNIQUES OU LES Les Groupes Ethniques ou Ethnies sont, en
ETHNIES. Afrique comme ailleurs, des « Complexes » —
où s'affirment des influences anthropologi-
L'Etat Indépendant du Congo Belge (1885- ques, historiques, culturelles et linguistiques
1908) se fit, d'abord, une idée assez vague des diverses — présentant certains caractères
Africains du Congo, se les représentant —
communs, qui les différencient d'autres « en-
selon les idées de l'époque — comme des sembles ».
« sauvages », c'est-à-dire comme des humains Citons, à titre d'exemples :
À. — CHEZ LES SEMI-BANTOUS: le Groupe
Ethnique des Baboma; celui des Badia.; celui
des Basakata; celui des Bobai, etc.

B. — CHEZ LESBANTOUS: le Groupe Ethni-


que des Mongo (groupes des Mongo au sens
strict, des Mongo au sens étendu; des Mongo
du groupe Bahamba-Batetela-Bakusu); celui
des Ngombe-Ndoko-Mabinza-Budja-Mobango-
Bombesa; celui des Bobati-Bobenge-Bobua-
Boyew-Bodongola; celui des Baniari; celui
des Mabodo; celui des Mituku; celui des Wa-
rega; celui des Babembe; celui des Bavira;
celui des Banande (Bakondjo) ; celui des
Bahunde; celui des Bahavu; celui des Bashi;
celui des Wafulero; etc. ; celui des Babira-
Bakumu-Walengola; celui des Basonge; celui
CULTURE MATÉRIELLE. des Baluba et Balubaïsés; celui des Aluunda
Travail préparatoire des écorces d'arbres, et Aluundaïsés, etc.
en vue d'en confectionner des « étoffes indigènes ».
(Photo Musée du Congo Belge.) C. — CHEZ LES SOUDANAIS : le Groupe
Ethnique des Banda; celui des Angbandi;
sans liens familiaux, sociaux ou politiques ou celui des Gbaya (Ngbwaka) ; celui des Azan-
encore comme des « primitifs », c'est-à-dire de; celui des Amadi; celui des Abarambo;
comme des gens sans passé. celui des Mangbetu et J/angbetouïsés; celui
au début, aucune idée des des Mamvu-Walese-Momboto; celui des Logo
Il n'avait,
et des Avokaya; celui des Lugbara; celui des
Groupes Ethniques (grands ou petits), ni de
leurs liens historiques, linguistiques, culturels Walendu (Baie), etc.
ou politiques, ni de leurs divisions, ni de D. — CHEZ LES NILOTIQUES: celui des
leurs subdivisions principales. Kakwa-Fatshulu.
Aussi, les limites des Districts, des Secteurs,
des Postes et des Chefferies n'en tinrent géné- Certains de ces groupes ethniques s'étendent
ralement aucun compte. un peu au delà des frontières du Congo
En 1906, l'Etat Indépendant était déjà con- Belge : des Semi-Bantous (Bateke, etc.), des
vaincu qu'il existait une organisation de la des
Bantous, (Banande ou Bakondjo, etc.),
tribu. Soudanais (Angbandi, Azande, Lugbara, etc.)
Après que le Congo fut devenu le Congo et des Nilotiques (Kakwa-Fatshulu).
Belge, il se dégagea lentement des études En maintes provinces, depuis 1920, l'Ad-
ethnographiques et politiques, faites dans le ministration s'est efforcée de faire coïncider
pays, çà et là, une meilleure représentation les limites de ces Groupes Ethniques, ainsi
des réalités africaines. que celles de leurs divisions et subdivisions
Il apparut que l'histoire avait abouti à principales, avec les limites des provinces,
constituer, en maintes régions du Congo, non des districts, des territoires, des chefferies ou
pas de petits groupes disparates et indépen- des secteurs, en vue d'y faciliter l'administra-
dants, sans liens entre eux, mais des Groupes tion et la politique vis-à-vis des Africains.
Ethniques ou Ethnies, groupant des individus Des efforts furent faits, en ce sens, au
ayant approximativement les mêmes tradi- Congo Belge, dans l'ancien Vice-Gouverne-
tions historiques, la même culture et parlant ment Général de l'Equateur (Groupant les
la même langue. districts actuels du Congo- Ubangi, de la
approximativement
RELIGION ET MAGIE MAGIE: : FETICHES. - 1 = Fétiche 2 = Fétiche des Baluba; 3 = Fétiche
des Basonge; 4 = Fétiche des Bena Lulua. Il estFétiche
destinr-lIBsEfamfumungu; hutte. 5 = Fétiche des
p)lantéen terre, devant la hutte-
à eeplanté
Baboma; 6 = Fétiche des Baluba; 7 = Fétiche des Basonge; 8 = Fétiche des Bateke. Il protège les femmes
enceintes et l'enfant; 9 et 10 = Fétiche des Bena Lulua, vu de face et de profil. 11 = Fétiche des Bena Lulua.
(Photos Musée du CongoBelge.)
ARTS ET INDUSTRIES. — 1 = Peinture murale sur une hutte de la région de Sandoa (Katanga); 2 - Pein-
ture murale sur une hutte des Popoi (Prov. de Stanleyville); 3 = Fabrication du beurre, dans la région du lac
= Pont indigène
Kivu; 4 = Fabrication d'un pagne en écorce battue, chez les Makere (District de l'Uele); 5
établi sur le Bomokandi (District de l'Uele); 6 = Autre pont indigène sur le Bomokandi (District de 1 Uele).
(Photos Muséedu CongoBelge.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 193

Tshuapa, du Lac Léopold II et les territoires même façon; savent qu'ils font partie du
Nord du district du Kasai et du Sankuru) ; même « ensemble » et ont approximativement
dans l'ancien Vice-Gouvernement Général de la même culture. (1)
la Province Orientale (groupant les districts Une évolution progressive de l'Administra-
actuels de l'Uele, du Kibali-Ituri, de Stan- tion des Africains au Congo Belge y verra
leyville, du Maniéma et du Kivu) et dans sans doute — à l'exemple de ce qui a été
l'ancien Vice-Gouvernement Général du Ka- fait dans d'autres régions de l'Afrique Noire
— à plus ou moins bref délai, se grouper
tanga (groupant les districts actuels du Tan-
ganyika, du Haut-Katanga, du Lualaba et les diverses chefferies et les divers secteurs,
quelques territoires des régions orientales appartenant à une même peuplade, en une
des districts actuels du Kasai et du Sankuru). Fédération de Chefferies et de Secteurs,
Au Ruanda-Urundi, les Banya-Ruanda et ayant un Conseil de Fédération et, dans un
les Bqrundi forment deux Groupes Ethniques,
constitués chacun en Royaume.
Une petite partie des Banya-Ruanda s'éten-
dent dans un royaume du Ruanda de l'Ugan-
da britannique.
Dans d'autres régions de l'Afrique Noire
(notamment en Afrique Occidentale Britan-
nique et en Afrique Orientale Britannique,
etc.), l'Administration s'est également appli-
quée à faire coïncider les limites des circons-
criptions administratives avec celles des grou-
pements africains et a reconnu les Groupes
Ethniques.
Les Africains ont généralement conscience,
dans chacun de ces Groupes Ethniques, d'ap-
partenir à un Groupe Ethnique déterminé.
Un Muluba sait qu'il fait partie du Groupe CULTURE MATÉRIELLE.
Ethnique des Baluba-, un Mongo du Groupe Femmes fabriquant des paniers et des nattes
Ethnique des Mongo; un Azande, du Groupe (Bobenge, distr. de l'Uele).
des Azande; un Mangbetu, du (Photo Musée du CongoBelge.)
Ethnique
Groupe Ethnique des Mangbetu; un Ngbandi, avenir plus lointain, se grouper les Fédéra-
du Groupe Ethnique des Angbandi, etc. (1)
tions précitées, appartenant à un même grou-
Au Ruanda-Urundi, grâce à Louis
pe ethnique, et une Confédération ayant un
Franck, Ministre des Colonies, entendant réa- Conseil de Confédération.
liser dans ce pays une politique de Protecto-
rat et d'Administration Indirecte, les Grou- VII. - L'ECONOMIE.
pes Ethniques du Ruanda et de l'Urundi,
ainsi que les deux Royaumes existants, ont Il existait, parfois, en Afrique Belge, avant
été conservés, après la guerre de 1914-1918, l'occupation européenne, des monnaies loca-
avec leurs limites indigènes, nonobstant cer- les. Il n'y existait aucune monnaie univer-
tains efforts faits à cette époque pour les sellement reconnue.
diviser en diverses petites chefferies indépen- Le Troc y existait partout.
dantes, à l'exemple du Congo Belge, qui avait
succédé à l'Etat Indépendant du Congo. (1) Voir : G. VANDERKERKEN: L'Ethnie Mongo
Tous les Banya-Rtwnda savent qu'ils sont (Vol. I), 2 tomes, Mémoire de l'Institut Royal Colonial
des Banya-Ruanda et tous les Barundi qu'ils Belge, Bruxelles, 1944;
La Politique Coloniale Belge, Anvers, Van Dieren,
sont des Barundi. (Edit. Zaïre), 1943;
Tous les Africains d'un même Groupe A. MOELLER DELADDERSOUS : Les Grandes Lignes des
Ethnique parlent généralement les sous-dia- Migrations Bantoues de la Province Orientale, Mé-
moire de l'Institut Royal ColonialBelge, Bruxelles,1936;
lectes et les dialectes de la même langue; ont VERHULPEN : Baluba et Balubaïsés du Katanga,
approximativement les mêmes orientations Anvers, Avenir Belge, 1936;
de l'esprit et du cœur; se représentent le Voir aussi : G. VANDERKERKEN: Les Sociétés
monde et la vie approximativement de la Bantoues du Congo Belge et les Froblèmes de la Poli-
tique Indigène, Bruxelles, Bruylant, 1920;
La Structure des Sociétés Indigènes et quelque,,
(1) Muluba = singulier de Baluba; Ngbandi = Problèmes de Politique Indigène. (Bull. Inst. Roy. Col.
singulier de Angbandi. Belge, 1932, III, 2, 291-312.)

7
194 LES POPULATIONS AFRICAINES

La production avait pour but, jadis, de En Afrique Noire, comme dans les autres
satisfaire à la consommation locale. Elle ne pays du monde, le mobile économique n'est
visait guère, autrefois, sauf dans deg cas ni le mobile unique, ni le mobile dominant
exceptionnels, à la vente, en dehors du des actions humaines.
groupe. En général, en Afrique Noire, tout indi-
Aussi, les articles de consommation, tout vidu d'un groupe peut vivre sur les terres
du groupe, en en cultivant une parcelle, en y
pratiquant la cueillette, en y chassant, en y
péchant, sans être astreint à choisir entre la
« faim » et le « travail pour autrui ».
Le fait qu'il n'existe, en Afrique Noire,
ni orphelins, ni veuves, et les liens de solida-
rité existant entre les membres d'une même
famille au sens étendu, d'un même groupe de
familles ou d'un même clan et, par extension,
d'une mêmeSeigneurie, d'un même Sultanat
ou d'un même Royaume, font qu'aucun indi-
vidu, quelle que soit sa pauvreté, n'y est
exposé à mourir de faim, sauf en cas de
famine générale.

Les Africains de l'Afrique Belge, avant la


conquête européenne, menaient une vie essen-
CULTURE MATÉRIELLE. tiellement rurale. Presque tous vivaient de
Femmes fabriquant des nattes. de l'élevage (petit et gros bé-
(Région d'Uvira, Distr. du Kivu.) l'agriculture,
(Photo Musée du CongoBelge.) tail, basse-cour), de la cueillette, de la chasse
et de la pêche. Presque tous en vivent ac-
en suffisant aux besoins locaux, n'étaient-ils tuellement, en dehors des Africains passés au
jamais abondants. service des entreprises européennes (sociétés
Les individus n'y avaient pour ainsi dire minières ou industrielles, maisons de com-
jamais pour but l'obtention de la richesse. merce, missions, etc.).
Sauf chez quelques individus, l'esprit de Dans les Sociétés Patriarcales, ils établis-
lucre y était peu développé. saient leurs cultures, pratiquaient la cueil-
La considération, l'estime et le succès y lette et chassaient sur les terres ou pêchaient
étaient généralement obtenus par d'autres dans les eaux de leur clan.
moyens que l'acquisition de la « fortune ». Dans les Seigneuries, les Sultanats ou les
Royaumes, ils se livraient aux mêmes travaux
Les populations de l'Afrique Belge ont sur les terres ou dans les eaux des Seigneurs,
subi dans le passé et subissent dans le présent, des Sultans ou des Rois et de l'aristocratie,
l'influence des facteurs économiques comme en vertu de droits précaires leur concédés,
celle d'autres facteurs (dévouement à la fa- mais qui étaient respectés tant qu'ils accom-
mille au sens étendu, au clan, au chef : au
plissaient leurs obligations.
Patriarche, au Seigneur, au Sultan, au Roi; Dans ces dernières sociétés, l'assujettisse-
amour de la « patrie africaine »; ambition ment politique se doublait souvent d'un assu-
de gravir les échelons de la hiérarchie sociale ;
jettissement économique.
désir d'exceller dans son groupe, etc.).
En Afrique Belge, la richesse s'évaluait D'une façon générale, avant la conquête
jadis et s'évalue encore aujourd'hui, dans arabe ou européenne, les Africains du Congo
la plupart des régions, en colliers ou brace- Belge et du Ruanda-Urundi ignoraient toute
lets de cuivre, en couteaux, en lances, en vie citadine.
pointes de flèches, en nattes, en têtes de petit
ou de gros bétail. Elle ne s'évalue pas, géné- L'économie s'est organisée, dans les Socié-
ralement, comme en Europe ou en Amérique, tés Patriarcales, en vue de la satisfaction des
en monnaie, en dehors de quelques régions intérêts de la masse (individus faisant partie
(cités indigènes, à proximité des centres de la famille au sens étendu, du groupe de
européens; camps de travailleurs; camps de familles ou du clan).
soldats, etc.). Elle s'est organisée souvent, dans les Sei-
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 195

gneuries, les Sultanats ou les Royaumes et, mes. Elles récoltent des légumes, des fruits,
jadis, dans les Empires, principalement en des champignons, de petits animaux (saute-
vue de la satisfaction des intérêts d'une relles, chenilles, mollusques, etc.), dans la
classe de privilégiés (le Seigneur, le Sultan forêt, la savanne ou la plaine.
ou le Roi, ses parents et l'aristocratie locale). La chasse est individuelle ou collective.
L'exploitation de la plèbe (l'ensemble des Il en est de même de la pêche ou de la
descendants des vaincus) par l'aristocratie cueillette.
(l'ensemble des descendants des conquérants)
y était cependant, en fait, avant la con-
quête européenne, généralement assez modé-
rée, l'aristocratie utilisant souvent, en cas
de guerre, des miliciens recrutés dans la
plèbe et, de façon assez générale, ne possé-
dant pas l'esprit de lucre, tendant à l'enri-
chissement par tous les moyens.
Il ne faut pas oublier, qu'avant la con-
quête européenne, on ne produisait guère
que pour ses propres besoins.
Dans ces dernières sociétés (Seigneuries,
Sultanats, Royaumes), avant la conquête
arabe ou européenne, les masses ne semblaient
pas, en général, avoir été plus exploitées éco-
nomiquement, dans l'intérêt d'une classe de CULTURE MATÉRIELLE.
privilégiés, que la classe paysanne, en Euro- Forgerons autour de leur haut fourneau, au Ruanda.
pe, en maintes régions (au XVIIe et au (Photo des P. P. Blancs, d'après Pagès.)
XVIIIe siècles), avant la Révolution Fran-
çaise ou encore que la classe ouvrière, en L'Agriculture est, en général, extensive.
maintes régions, dans l'Europe Industrielle Les façons culturales africaines ont d'abord
du XIXe siècle, avant la conquête, par elle, été critiquées par les agronomes européens.
des droits politiques (suffrage universel). Ultérieurement, ils ont découvert que leurs
bases empiriques étaient souvent solides et
Dans les dernières années, le nombre des tenaient compte de toutes les réalités afri-
travailleurs africains au service des entre- caines (nature des terres, climat, parasites,
prises européennes, en dehors des périodes de etc.).
crise, a été en augmentant. Les Européens ont souvent parlé de créer
En 1949, environ 850.000 Africains étaient un paysannat indigène.
au service de ces entreprises. Il y a des agriculteurs, en Afrique comme
Un certain nombre de ces Africains étaient en Europe et en Asie, depuis les temps néo-
membres de Syndicats de Travailleurs. En lithiques. Le paysannat africain est donc aussi
1950, le Syndicat des Travailleurs Chrétiens ancien que l'européen ou l'asiatique.
comptait 20.000 membres, selon des déclara- La base de l'alimentation est, selon les ré-
tions publiées. Nous ignorons le nombre des gions et les saisons, le manioc, le maïs, le
membres, à la même époque, des autres sorgho, l'éleusine, la banane, la patate douce,
syndicats. l'igname, les petits pois, les haricots, le pois-
son, le gibier, le lait caillé, etc.
Dans maintes régions, à la suite de l'exten-
LA CULTURE MATERIELLE. sion des terres affectées à l'agriculture ou à
l'élevage, à la suite de la conquête européenne,
1. -- ALIMENTATION: CUEILLETTE, CHASSE, le gibier a disparu ou tend à disparaître.
PECHE, AGRICULTURE, ELEVAGE. Dans ces régions, il devient chaque jour
plus difficile, pour les Africains, de se pro-
En Afrique Belge, les populations afri- curer la viande nécessaire à leur alimentation.
caines pratiquent généralement, à la fois : la Le poisson semble aussi moins abondant
cueillette, la chasse, la pêche, l'agriculture, que jadis à la suite de l'occupation du pays
le petit élevage (chèvre et mouton) et parfois et de l'intensification de la pêche dans cer-
le grand élevage (gros bétail). taines régions.
La cueillette est surtout l'œuvre des fem- Le gouvernement du Congo Belge s'efforce
196 LES POPULATIONS AFRICAINES

d'y développer la pisciculture, dans des Il a été, souvent, la conséquence des


étangs naturels ou artificiels, aux fins de croyances religieuses et magiques.
remédier à cette diminution du gibier et du Des victimes humaines, choisies souvent
poisson. parmi les esclaves d'origine étrangère, offer-
L'élevage du petit bétail (chèvre et mou- tes en quelques régions en sacrifice aux
ton) existe partout au Congo Belge. Mânes des Ancêtres ou aux Esprits, Génies
ou Dieux locaux, étaient jadis mangées par
les assistants — après que les Mânes, les
Esprits, les Génie ou les Dieux en eussent
pris leur part — comme l'étaient et le sont
encore actuellement les victimes animales
(poules, chiens, chèvres, moutons, gros bétail).
Jadis, on mangeait souvent, après la ba-
taille, des parties du corps d'ennemis valeu-
reux ou intelligents, pour acquérir leur valeur
ou leur intelligence.
En certaines régions, où la viande était un
aliment rare, à cause de la nature du pays
(régions des gens d'eau, dits « Bangala »,
etc.) ou bien, à cause de guerres, d'exodes,
CULTURE INTELLECTUELLE. de désertion du gibier ou de famines, il
Musiciens des Bapende (xylophone, gongs, etc.), semble que l'on ait jadis mangé des êtres
(Photo Musée du CongoBelge.)
humains (hommes, femmes et enfants, géné-
ralement esclaves, achetés ou prisonniers de
L'élevage du gros bétail n'existait guère,
guerre), pour se procurer une alimentation
jadis, au Congo Belge, chez les populations carnée ou encore pour se nourrir ou enfin
africaines, que chez certains Soudanais (Lug-
pour ne pas mourir de faim.
bara), chez les Nilotiques (Alur et Bahima)
et certains Bantous (Populations des lacs
Edouard et Kivu et parfois du Tanganyika; Partout les Africains utilisent l'eau comme
certains Aluunda). boisson quotidienne. Presque partout ils
fabriquent diverses sortes de bières : à base
Quelques Semi-Bantous (les Ambundu) du de maïs, de sorgho, d'éleusine, de bananes,
district du Kwango, ayant habité l'Angola et de canne à sucre, etc. En maintes régions
y ayant eu des rapports peut-être avec des ils ont du vin de palme, provenant de la
Hottentots pasteurs, ont possédé jadis du gros
sève d'un palmier. Peu alcoolisé à l'état frais,
bétail.
il devient très alcoolisé après quelques jours.
L'élevage du gros bétail et du petit bétail En certaines régions, les Africains savent
existe au Ruanda et dans l'Urundi.
fabriquer de l'alcool.
L'élevage des oiseaux de basse-cour (poules,
canards) existe partout, au Congo Belge et Il a été signalé, à diverses reprises, que
au Ruanda-Urundi. dans les pays non-autonomes de l'Afrique
Les pigeons, introduits dans quelques ré- Noire - comme dans d'autres régions tropi-
gions, semblent l'avoir été par les Arabes. cales - de nombreuses terres sont arides et
Le sel (provenant de salines ou de cendres
de végétaux brûlés) et les piments existent peu fertiles et dès lors peu cultivables.
Là où la population africaine n'est pas
partout. trop nombreuse, les façons culturales afri-
caines traditionnelles ne semblent pas trop
L'huile (huile de palme, huile d'arachides, endommager le sol.
-etc.) est utilisée, presque partout, pour la
préparation des aliments, ainsi que les pi- II. — L'HABITATION ET LES VILLAGES.
ments et le sel.
Le cannibalisme, le fait de manger de la Dans beaucoup de régions, il existe des
chair humaine, a sévi, jadis, occasionnelle- agglomérations rapprochées, constituant des
ment, dans certaines régions du Congo Belge. villages.
Il n'y existe plus aujourd 'hui. Dans quelques régions, il n'y avait pas de
Son importance réelle a été beaucoup exa- villages à l'arrivée des Européens et il n'y
gérée. en a souvent pas aujourd 'hui : au abords du
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 197

lac Kivu, dans l'Uele, au Ruanda et dans Soudanais et divers Bantous) ou ceint autour
l'Urundi. Los habitations des Africains, des reins, (chez divers Bantous et les Semi-
éparpillées sur des étendues assez vastes, y Bantous).
sont isolées les unes des autres. Les femmes sont souvent entièrement nues
Jadis, chez beaucoup de populations (par (chez certains Mongo) ou à peu près nues,
exemple, chez les Mongo), un village (consti- couvrant à peine leur sexe et portant de pe-
tué souvent par un clan) était divisé en
hameaux (constitués par des groupes de fa-
milles) et en quartiers (constitués par des
familles au sens étendu).
Les huttes sont souvent à base circulaire
et à toit conique, chez les Soudanais (Ang-
bandi, Banda, Gbaya, Azande, Mangbetu,
etc.) et chez quelques Bantous (Bobati, Bobua,
Bobenge, Boyew, Bodongola, Banande, Bashi,
Banya-Ruanda, Barundi, etc.).
Elles sont parfois à base carrée et à toit
à quatre pans ou à toit cônique (chez les
Baluba), à toit en « pain de sucre » (chez
certains Mongelima), à toit en demi-cylindre
CULTURE INTELLECTUELLE.
(chez les Bateke, les Pygmoïdes de l'Ubangi, Musiciens Batetela de la région de Lusambo
etc.). (gongs, tambours, etc.).
Elles sont aussi à base rectangulaire et à (Photo Musée du CongoBelge.)
toit en « carapace de tortue » (chez certains
Mongo) ou à toit à deux pans (chez certains tits vêtements devant et derrière, chez les
Mongo, chez les « gens d'eau », chez les Bantous, (chez les Mongo, les Ngombe, les
Ngombe-Ndoko-Mabinza, etc.). Bobati-Bobenge-Bobua, les Walengola-Baku-
Le toit est en feuilles, en chaume, ou en mu-Babira, les Bango-Bango, etc.) et chez
feuilles de palmier, etc., selon les ressources les Soudanais, (chez les Banda, les Gbaya, les
en matériaux du pays. Angbandi, les Azande, les Amadi, les Aba-
Les parois sont en roseaux, en bois, en van- rambo, les Mangbetu, les Mamvu-Walese-
nerie, en feuilles, en herbes, en pisé, etc. Momboto, etc.).
Les huttes sont, selon les régions, sur un Parfois, elles sont un peu plus habillées,
socle en argile surélevé, à même la terre, ou portant un pagne en raphia peigné, chez les
en partie sous la terre, ou encore sur pilotis Bantous (chez beaucoup de « gens d'eau »)
(chez les Badinga, les Badzing, etc.) Ces ou im petit jupon chez les Bantous (chez
dernières huttes sont construites sur la terre beaucoup de Baluba), etc.
ferme. Les vêtements sont souvent en écorce bat-
Les huttes sont parfois décorées (sculptures tue, en feuilles, en peaux, en fibres peignées,
des piliers; peintures sur les parois en pisé; en fibres tissées, en étoffes importées origi-
motifs divers sur les parois en vannerie, etc.) naires d'Europe ou d'Asie ou fabriquées ac-
ou ne le sont pas. tuellement dans des usines installées par des
Dans le bassin de l'Ubangi-Uele, on ren- Européens.
contre des huttes à base circulaire et des han- La nudité ou la presque nudité de nom-
gars à base carrée ou rectangulaire. Le type breux hommes et de nombreuses femmes n 'em-
de hutte des Mangbetu était la hutte à base pêchent nullement l'existence chez eux de
circulaire (la hutte du Nord) ; plus tard, ils sentiments de pudeur et de décence, très
ont emprunté à des Bantous la hutte à base réels.
rectangulaire (la hutte du Sud). Le port de colliers (colliers en cuivre ou en
laiton ou de perles, ornés parfois de dents.
III. - L'HABILLEMENT. d'animaux, etc.), de bracelets et de penden-
tifs est général.
Les hommes sont parfois entièrement nus Il en est de même du port des amulettes;
(chez les Logo et les Lugbara, etc., qui sont hommes, femmes et enfants en exhibent sou-
des Soudanais, influencés par des Nilotiques), vent au cou, à la ceinture, aux bras, aux poi-
comme ils le sont souvent chez les Nilotiques
gnets et aux chevilles.
(Dinka et Shilluk du Nil). Souvent ils portent Les hommes et les femmes marchent géné-
un pagne passé entre les jambes (chez divers ralement les pieds nus. Dans quelques ré-
198 LES POPULATIONS AFRICAINES

gions, ils portent des sandales en bois ou en Les sourcils et les cils sont souvent conser-
peau. vés; d'autres fois, ils sont enlevés.
Les arrangements des cheveux varient sui-
Les hommes se couvrent parfois la tête de
coiffures en filet, en peaux (peaux de léo- vant les régions.
Les tatouages existent généralement par-
pards, de singes, etc.), en plumes (peau d'oi- tout. Ils constituent souvent des signes dis-
seau portée les plumes en dehors), en fibres
tinctifs de sous-tribu, de tribu ou de peuplade.
végétales tressées, etc. Ils sont parfois des motifs d'ornementation.
Ils sont parfois exécutés à des fins sensuelles
(chez les femmes). Ils varient avec les in-
fluences et avec la mode.
Ils tendent souvent, actuellement, à dis-
paraître chez les jeunes gens.
La peinture du corps existe dans quelques
régions (chez les Mangbetu).
L'usage du fard blanc (pembe), provenant
souvent d'une argile blanche, est assez gé-
néral.
Il en (st de même de l'usage du fard
rouge (Ngula), provenant, selon les régions,
d'un mélange de poudre de bois rouge ou
de terre rouge avec de l'huile de palme.
Les applications d'huile de palme au
Ngula, donnent souvent au corps des indivi-
CULTURE INTELLECTUELLE. dus une belle couleur acajou, souvent très
Musiciens Basonge (xylophone,tambours, etc.). prisée.
Province de Lusambo.
(Photo du Musée du Congo Belge.) L'huile de palme ou l'huile d'arachide sont
souvent utilisées pour oindre la peau et pour
la protéger contre les rayons du soleil.
IV. — SOINS DONNES AU CORPS. Certaines populations utilisent et utilisaient
Les populations habitant près de l'eau avant l'arrivée des Européens des parfums,
sont généralement très propres. mélangés à l'huile, servant aux « soins de
Les hommes et les femmes se lavent entiè- beauté ».
rement, dans certaines régions, trois fois par
jour, utilisant soit l'eau du fleuve ou de la V. — LES ARTISANS.
rivière soit l'eau chaude. En Afrique Belge, les artisans africains
Dans d'autres régions, les populations, ha- travaillent le bois, l'ivoire, le fer et le cuivre.
bitant loin de l'eau, sont moins propres. Ils font des vêtements en peaux et en écorces
Dans de nombreux Territoires, les jeunes d'arbre battues. Ils tissent souvent le raphia
gens et les jeunes femmes soignent jalouse- et utilisent à ces fins des petites machines à
ment leur corps, pratiquant de véritables tisser, de types divers. En certaines régions,
« soins de beauté ». Il s'agit généralement, les femmes portent des pagnes en fibre de
en l'occurrence, de gens appartenant à la raphia peignées.
classe libre, ayant assez bien de loisirs. Les Africains fabriquent de la poterie, des
La circoncision des hommes est très répan- cordes, des filets de chasse et de pêche, des
due. Elle n'est cependant pas universelle nasses, des nattes et des paniers. Ils fabri-
(elle n'existe généralement pas chez les Azan- quent, en certaines régions, des chaises, des
de). L'excision des femmes n'existe guère lits, des gongs, des vases, etc., en bois.
Ils fabriquent aussi des armes (arcs et
que chez les Gbaya (Ngbwaka), dans la région
de l'Ubangi. Elle est très répandue, dans tout flèches, lances, javelots, boucliers, sabres,
le Soudan, de l'Océan Atlantique à la Mer poignards, couteaux, haches, etc.).
L'arc et la flèche à pointe de pierre taillée
liouge.
Certaines dents sont limées (en pointe, en existaient, en maintes régions de l'Afrique
Noire d'aujourd 'hui, à l'époque du Paléo-
biseau, etc.) selon diverses modes. D'autres
(incisives et canines du haut et du bas ; celles lithique Récent, à celle du Mésolithique et à
du haut ou du bas seulement; les deux inci- celle du Néolithique, ce qui démontre combien
sont parfois enlevées. il est peu indiqué d'attribuer a priori l'in-
sives supérieures, etc.)
DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI 199

vention de l'arc et de la flèche aux Pygmoï- Les Africains de la région assistaient, gé-
des et aux Pygmées, humains du type « Homo néralement en grand nombre, à ces « com-
Recens » d'aujourd 'hui. pétitions sportives », avant l'arrivée des
D'après leurs traditions, de nombreux Européens et y assistent encore souvent
Pygmoïdes et Pygmées du Congo (certains aujourd 'hui.
groupements de la cuvette centrale et d'autres La danse est très en honneur : il y a des
de l'Uele et de l'Ituri) ignoraient jadis l'arc
et la flèche et utilisaient un bâton pointu,
dont la pointe était durcie au feu.
Les Africains savent fondre et travailler le
fer et souvent le cuivre.
Leurs forgerons font, en plus, des armes,
des outils divers (couteaux, houes, etc.) et
des ornements (colliers et bracelets en fer,
ou en cuivre, ou en laiton). Il y a des arti-
sans travaillant l'ivoire.
Partout, ils fabriquent le sel (provenant de
salines ou de cendres d'herbes brûlées).
Ils font diverses bières (bière de bananes,
de sorgho, d'éleusine, de maïs, de canne à
sucre, etc. ).
Ils installent des ponts entre deux rives
(tronc d'arbre jeté entre deux rives; pont
de lianes suspendu, etc.).
Dans quelques régions, ils ont appris des
Arabes ou des Soudanais à travailler le cuir,
à tisser le coton, à fabriquer du savon et à
faire de l'alcool. CULTURE INTELLECTUELLE.
Ailleurs, les Africains ont appris des Ara- Bakuba, portant des masques (Distr. du Kasai).
bes ou des Européens à faire des briques. (Photo du Musée du Congo Belge.)

Ils connaissent partout l'art d'établir danses pour hommes, des danses pour femmes
des
et parfois quelques danses mixtes.
pièges ou des trappes, pour s'emparer du
Il y a aussi des danses exécutées par un
gibier de la savane ou de la forêt.
seul danseur ou une seule danseuse.
Ils ont divers procédés pour prendre le Le chant est très répandu. Il existe des
chants individuels, chantés par un chanteur
poisson :« nasses, filets, barrages, peche au
ou une chanteuse et des chants collectifs,
hameçon, pêche à la lance, empoisonnement
de l'eau, etc. véritables chœurs.
Les femmes assèchent Le chanteur ou la chanteuse s'accompagne
souvent plus ou
moins complètement les mares et y prennent souvent d'un instrument de musique.
le poisson, à l'aide de paniers. Les danses collectives sont accompagnées
par de la musique, assurant le rythme (tam-
Les transports se faisaient, avant l'arrivée bours, gongs, etc.).
des Européens, à dos d'homme, avec l'assis- Lorsque des fêtes réunissent les habitants
tance d'hommes, de femmes ou d'enfants, de plusieurs groupements, ceux-ci organisent
employés comme porteurs, ou par pirogues. souvent des « compétitions sportives », des
Les populations africaines ignoraient, au danses, des chants, etc.
I
Congo Belge, avant la conquête européenne,
les animaux de bât et les animaux de trait.
Depuis la conquête européenne, de nom- LA CULTURE INTELLECTUELLE.
breux Africains ont une bicyclette et quel-
ques Chefs une automobile. Nous avons dit, précédemment, quelques
mots de la Science et des Sciences, des Tech-
VI. — JEUX, DANSES ET AMUSEMENTS. niques, de la Médecine, des contes explica-
tifs, ainsi que de la Philosophie.
Il existe des jeux partout : luttes,
courses,
sauts, jets du javelot, tirs à l'arc, etc. L'Afrique Belge connaît une littérature
200 LES POPULATIONS AFRICAINES DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI

orale. Celle-ci comprend des épopées donnant Les tambours, les gongs, les crécelles, les
souvent l'histoire et les traditions du peuple, grelots, les xylophones, l'arc musical, la
des contes explicatifs (récits de la création harpe, les guitares, les trompes en corne, en
du monde ou de celle des humains), des ivoire, ou en bois, etc., se rencontrent en
fables, des récits, etc. maintes contrées.
Il est souhaitable que cette littérature Un gong sert, en maintes régions de l'Afri-
que, à téléphoner des messages aux villages
voisins.
L'art chorégraphique est partout très dé-
veloppé; les danses d'hommes et de femmes
sont nombreuses et variées.
Elles sont effectuées dans des buts magi-
ques ou religieux (pour favoriser la guerre,
la culture, la chasse, pour se défendre contre
les maléfices, etc.), pour l'agrément, etc.
Ces danses, ainsi que les chants et les pa-
roles qui les accompagnent, méritent d'être
étudiés par ceux qui s'intéressent à la reli-
gion et à la magie des Africains.
Il y a un art de l'architecture, selon lequel
sont édifiés les huttes et les hangars.
Le dessin et la peinture ne sont pas
inconnus.
Des dessins géométriques, des dessins et
des peintures représentant des hommes, des
femmes ou des animaux, existent parfois sur
les parois des huttes.
La sculpture façonne parfois les piliers des
CULTURE MATÉRIELLE. huttes et des hangars (chez les Ngombe, les
Torche à copal, servant à l'éclairage, chez les Ekonda. Mangbetu, etc.) et les statuettes en bois d'an-
(Territoire d'Inongo, Distr. du Lac Léopold II.) cêtres ou de défunts. Elle façonne parfois
(Photo du Musée du Congo Belge.) des statues ou des statuettes en argile d'an-
cêtres ou de défunts, situées sous un hangar
établi sur la tombe (chez divers Mongo, chez
orale, qui est souvent remarquable, soit re- les Bobati, les Bobenge, les Bobua, etc.), des
cueillie, avant qu'elle ne se déforme ou ne objets en bois (tabourets, manches de cou-
s'oublie. (1) teaux, masques, etc.) ou en ivoire, etc.
En quelques régions, on fabrique des fé-
On y entend des chansons et des chœurs. tiches-statuettes, censés parfois habités par
En certaines régions (notamment chez les des ancêtres, des esprits, des génies ou des
Nkundu et les Ekonda), il y a des scènes dieux locaux.
dansées, chantées et mimées, véritables repré- La céramique produit divers types de pots
sentations en plein air. et de vases.
Il existe des instruments de musique : Il existe de beaux tissus en raphia, de belles
instruments à percussion, à vent et à cordes. nattes et de beaux paniers, témoignant sou-
En maintes régions (chez certains Souda- vent de connaissances techniques sérieuses et
nais et chez certains Bantous), il y a des d'un goût remarquable.
orchestres. Dans le pays des Bakuba (Ka>sai) et dans
les régions voisines, il existe un art de la
broderie, appliquée aux tissus de raphia. Cet
(1) A titre d'exemplesde cette littérature orale, citons: art produit notamment les « velours » du
TONNOIR R. : La Pierre de Feu, Léopoldville, 1939. à dessins géomé-
Cet ouvrage, ne donnant pas le texte africain, retrace Kasai (pays des Bakuba),
les légendes, les contes, les fables des Baboma. triques.
R. P. E. BOELAERT : Nsong'aLianja. L'Epopée Na-
tionale des Nkundu, (Aequatoria, XII, 1 et 2, 1949).
Cet ouvrage donne le texte africain et la traduction. (Voir Tome III : Arts et Métiers indigènes.)
Chapitre III

Géologie du Congo Belge.

Le Climat du Congo Belge.

Pédologie Tropicale et Sols Tropicaux.


Versant Est du plateau des Kibara aux environs du point1de triangulation X 27°12'Y 8o58\ Altitude 1767m.
(Photo C. S. K.)

du
Géologie Congo Belge
Par Maurice ROBERT
Professeur à l'Université Libre de Bruxelles.

APERÇU DE LA GEOLOGIE

1. — CONSIDERATIONS GENERALES qu'il fût nécessaire de modifier ceux-ci. Aux


PRELIMINAIRES. séries sédimentaires successives vinrent
ES terres de l'hémisphère s'adapter harmonieusement des flores et des
austral,
avec le continent ont faunes distinctes, les coupures paléontologi-
africain, en général, à celles défi-
évolué au cours des temps géolo- ques correspondant,
nies précédemment.
giques dans un cadre si différent
L de celui qui s'adapte à l'histoire Une échelle stratigraphique générale put
des terres boréales, qu'il est néces- ainsi être réalisée et adoptée ensuite pour
saire ou utile, tout au moins, de rappeler l'étude de la géologie universelle.
succinctement quelques notions fondamenta- Cette échelle s'adapte, sans grandes diffi-
les, avant de tracer à grands traits l'histoire cultés, à la géologie des différentes régions de
géologique des vastes régions congolaises. l'hémisphère Nord, mais il n'en va pas tout
Chacun sait que les grandes périodes de à fait de même lorsqu'on passe à la géologie
l'histoire de la terre, ainsi que leurs princi- des continents de l'hémisphère Sud et notam-
pales subdivisions, ont été établies par les ment à celle de la région congolaise. On peut
géologues européens, en s'appuyant tout même émettre l'avis que l'échelle stratigra-
d'abord uniquement sur les caractères litho- phique générale, avec ses grandes divisions et
logiques et stratigraphiques des sédiments. ses coupures de premier ordre, eût présenté
Les nombreuses données que ne tardèrent une allure assez différente de celle que nous
pas à fournir les études paléontologiques pu- lui connaissons, si la géologie était née dans
rent entrer dans les cadres ainsi créés sans les grands continents de l'hémisphère Sud,
204 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

plutôt que dans les régions classiques euro- la forme des orbites des planètes et de leurs
péennes. C'est ce qui résulte de l'examen du satellites; la méthode chimique, qui s'appuie
tableau de la page 207 et de l'exposé qui va sur la quantité de sel accumulée dans les
suivre. océans; celle qui tient compte de la vitesse
L'échelle générale, telle d'accumulation des sédiments, en y joignant
stratigraphique
à sa la mesure du temps de formation des dépôts
qu'elle a été élaborée, fait apparaître
base une grande ère très ancienne, dénommée saisonniers ou varves dérivant des glaciers et
ou azoïque (a privatif, Çwov, enfin la méthode basée sur la désintégration
précambrienne
être vivant), dont les terrains ne renferment des atomes, méthode qui semble présente r
actuellement le plus de précision ou, plus
que de très rares et vagues traces de débris
organiques, presque toujours indéterminables. exactement, les erreurs les moins fortes.
A cette ère primitive ont succédé les ères On trouve dans le tableau de la page 207,
dénommées primaire, secondaire, tertiaire, et les chiffres qui sont le plus généralement
au cours desquelles les êtres admis à l'heure présente.
quaternaire,
vivants ont évolué pour arriver au stade On observera que la durée de la période
auquel nous les trouvons actuellement. quaternaire est évaluée à (nviron 1 million
Dès le début de l'ère primaire ou paléo- d'années et l'on remarquera, par ailleurs, que
zoïque (TOXÀaioç, ancien) apparaissant des l'âge de la solidification de la croûte terrestre
est reportée à quelque 2000 millions d'années,
crustacés, des trilobites et des brachiopodes,
animaux qui surgissent tout à coup, quoique alors que le début du Cambrien est considéré
comme datant de 450 à 560 millions d'années.
appartenant déjà aux classes des invertébrés
les plus élevés en organisation. C'est ce qui Les biologistes admettent d'ailleurs qu'il a
fait supposer que la vie est née à la surface fallu au moins un temps égal à celui qui
du globe bien longtemps avant le début de s'est écoulé depuis le début du Cambrien
l'ère primaire. jusqu'à nos jours, pour amener les êtres
vivants au stade assez élevé où ils étaient
Durant l'ère secondaire ou mézozoïque
arrivés au début du Cambrien.
((J.Èaoç, moyen), les premiers mammifères
apparaissent et les reptiles sont abondants, Rappelons à présent quelles sont les gran-
tandis que dans le règne végétal les monoco- des périodes orogéniques qui ont affecté
l'écorce terrestre et comment elles se locali-
tylédones peuvent être observées dès le Trias,
et les dicotylédones au Crétacé. sent dans l'histoire de notre planète. Les
Les ères tertiaire et quarte maire sont en- périodes successives de plissements, huronien-
ne, hercynienne et alpine, se sont manifestées,
globées dans le Cénozoïque (xaivoç, récent). la période huronienne au cours du Précam-
C'est à l'ère tertiaire que nous voyons s'épa-
nouir les mammifères; les angiospermes pré- brien, la période calédonienne entre le Silu-
rien et le Dévonien, la période hercynienne
dominent avec la prépondérance des dicoty- vers la fin du Carbonifère et le début du
lédones.
Permien, et enfin la période alpine pendant
Quant à l'ère quaternaire, elle est plutôt le Miocène. Il faut cependant observer que
la période finale de l'ère tertiaire et est no- ces événements grandioses ne peuvent être
tamment caractérisée par l'existence de repérés d'une manière aussi précise et aussi
l'homme. simple qu'il est dit ci-dessus.
Il n'est pas sans intérêt de pouvoir se faire On sait aujourd'hui, en effet, que les pé-
une idée, même approximative, de la durée riodes de plissements sont de véritables
de l'histoire de la Terre et du temps qu'il une longue
cycles d'orogenèse comportant
faut attribuer, grosso modo, aux ères géolo- préparation faite de plissements précurseurs,
giques qui se sont succédé. une ou plusieurs époques de paroxysme et
On n'ignore pas qu'il a fallu faire appel à enfin un temps de déclin plus ou moins mar-
des méthodes diverses pour tenter d'évaluer qué, durant lequel se produisent des plisse-
la durée des temps géologiques. Toutes sont ments attardés.
fondées sur le temps que met à se produire Les limites d'un tel cycle ne ne sont jamais
actuellement un phénomène donné et en re- nettement définies dans une zone déterminée
portant dans le passé, par extrapolation, le et elles ne sont pas absolument synchroniques
résultat obtenu, ce qui nous expose, comme on quand on passe d'une région à l'autre. C'est
le conçoit, à commettre des erreurs considé- ainsi que la période huronienne peut s'éten-
rables. On peut mentionner la méthode astro- dre plus ou moins largement dans le Pré-
nomique, basée sur les modifications que subit cambrien, que la période calédonienne se loca-
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 205

lise dans le Primaire inférieur, tandis que se sont déposées au'cours de l'ère géologique
les plissements hercyniens appartiennent plus récente et constituent le manteau sédi-
plutôt au Primaire supérieur. Quant à la mentaire resté horizontal.
période alpine, elle peut embrasser une partie Le tableau et l'exposé qui suivent font
du Secondaire, le Tertiaire et le Quaternaire, connaître la succession des premières forma-
en y comprenant même les temps modernes. tions, ainsi que celle des couches du manteau.
L'échelle stratigraphique universelle, dont
les cadres viennent d'être esquissés, fait bien Nous jugeons utile de compléter le paragraphe con-
sacré aux considérations préliminaires en attirant
apparaître les grandes périodes que l'on peut l'attention sur les méthodes quelque peu particulières
distinguer dans l'histoire de la terre et la qui permettent de déchiffrer l'histoire géologique du
durée approximative qu'il faut attribuer. à centre africain et même celle des continents de l'hémis-
chacune d'elles. phère Sud.
Lorsqu'on veut appliquer cette échelle à L'histoire des formations horizontales d'origine con-
tinentale reposant sur les formations anciennes plissées
l'étude de l'histoire géologique des continents du socle continental et qui commence au Carbonifère
de l'hémisphère austral et plus particulière- moyen est appuyée sur des arguments fossilifères.
ment à celle de l'Afrique australe et du bassin L'âge permo-carbonifère de la grande calotte gla-
congolais, on aperçoit tout de suite qu'il est ciaire par laquelle débute cette histoire est déterminé
nécessaire de la compléter en y introduisant par des faunes marines.
une division d'une importance fondamentale. Les faunes fossiles continentales que l'on trouve dans
les couches qui constituent le manteau continental resté
Il suffit d'esquisser à larges traits l'histoire horizontal, permettent d'établir des séries stratigraphi-
des continents de l'hémisphère Sud, pour se ques bien définies dans chaque zone localisée, mais
rendre compte de l'importance du repère dont elles ne permettent pas de faire des raccords à grande
la position va être définie. distance ni de situer avec quelque précision la position
de ces couches dans l'échelle stratigraphique mondiale.
Ramenée à ses traits essentiels, la géologie Si de tels raccords ont pu être réalisés, c'est grâce à
de l'Afrique équatoriale, de l'Afrique austra- l'existence de couches fossilifères marines intercalées
le et même des continents de l'hémisphère en certains points dans le faisceau des formations sédi-
Sud comporte, en effet, d'une part, l'étude mentaires continentales et horizontales.
des formations anciennes plissées qui consti-
tuent le vieux socle continental et, d'autre Si l'on passe à présent à l'examen du
part, celle des couches qui recouvrent ce socle socle ancien plissé, du soubassement sur le-
et font partie du manteau horizontal consti- quel repose le manteau des formations con-
tué exclusivement par des sédiments d'origine tinentales, on s'aperçoit que son histoire est
continentale et d'âge relativement récent. bien plus difficile à déchiffrer que celle de
ce manteau de recouvrement et bien plus dif-
Après avoir été construit par des forma-
tions géologiques, affectées à plusieurs repri- ficile aussi que celle des formations géolo-
ses par des mouvements orogéniques intenses, giques qui, dans l'hémisphère Nord, se suc-
le massif continental africain rigidifié est cèdent depuis la base du primaire jusqu'à
émergé définitivement et c'est après cette l'époque actuelle.
émersion que se sont déposées, à sa surface et On trouve certes des traces d'organismes
en discordance sur le soubassement, les cou- dans les terrains de ce socle ancien, mais il
ches successives appartenant au manteau. Ces n'y a pas été découvert jusqu'à présent de
dernières formations ont pu subir des acci- faunes fossiles qui puissent permettre, par
dents tectoniques locaux, mais elles n'ont, en les méthodes paléontologiques, de définir avec
aucun endroit, été affectées par les plisse- quelque sécurité leur position dans l'échelle
ments d'une période orogénique. stratigraphique mondiale. Sans perdre de vue
Le repère d'importance fondamentale, la que seules les faunes et les flores fossiles peu-
coupure de premier ordre qui doit apparaître vent jouer un rôle définitif en paléontologie,
dans l'échelle stratigraphique adaptée à la il est cependant permis d'espérer que ces
géologie africaine et même à celle de l'hémis- restes d'organismes aideront à établir ou à
phère austral, se localise à hauteur du Car- confirmer certains raccords dans des zones
bonifère moyen, c'est-à-dire un peu avant la étroitement localisées appartenant à des
fin de l'ère primaire. mêmes bassins de sédimentation.
Les formations qui viennent se classer au- Nous considérons ainsi que l'argument fos-
dessous de ce repère appartiennent à l'ère silifère de même d'ailleurs que le métamor-
ancienne, durant laquelle s'est édifié le vieux phisme, ne peuvent encore être que des argu-
socle continental, tandis que celles plus ré- ments d'appoint de poids assez faible et qu'ils
centes, qui se rangent au-dessus du repère, doivent être rejetés au dernier rang lors-
206 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

qu'on tente d'établir des raccords dans les tanément sur toute la surface du globe, les
terrains du socle ancien plissé et lorsqu'on épisodes secondaires n'étant cependant pas
essaie de les repérer dans l'échelle stratigra- contemporains dans des régions distantes les
phique mondiale. unes des autres.
L'argument paléontologique définitif fai- Observons que dans les limites d'une pro-
sant encore défaut, on est forcé de faire ap- vince métallogénique, les venues minéralisan-
pel, comme d'ailleurs dans l'étude du Pré- tes qui sont d'ailleurs intimement liées aux
cambrien de l'hémisphère Nord, à des données périodes orogéniques, peuvent fournir des
de valeur moindre mais cependant utiles. données utiles à l'établissement de repères
Celles qui ont le plus de poids nous sont stratigraphiques.
fournies, d'une part, par les gîtes d'uranium Il est bien évident que les méthodes dont il
et, d'autre part, par les périodes glaciaires vient d'être fait mention, ne permettent pas
qui ont donné naissance à d'importantes d'obtenir des résultats ayant une approxima-
calottes dont les restes peuvent être observés tion qui puisse être comparée au degré de
sur de larges espaces et qu'il faut bien se précision et de sécurité fourni par l'appli-
garder de confondre avec des restes de pe- cation des méthodes paléontologiques.
tites glaciations locales d'altitude.
C'est grâce à une telle période glaciaire
Il. — EVOLUTION
qui s'est manifestée le plus vraisemblable- GEOLOGIQUE DE
ment vers la fin du Précambrien, que l'on L'AFRIQUE.
peut faire une subdivision dans l'ensemble
des terrains du socle ancien plissé du centre 1° Considérations — Quoique
ainsi dans l'ère primaire générales.
africain, reportant étant encore bien incomplets, les résultats des
les formations classées dans le système du recherches scientifiques effectuées jusqu'à
Kundelungu, et dans le Précambrien, tous les
présent dans les régions du centre africain
terrains sous-jacents. Cette position de la pé- nous permettent les
riode glaciaire dans l'échelle stratigraphique cependant d'apercevoir
grandes lignes qu'à suivies l'évolution de ces
semble devoir être confirmée par l'âge de la
régions pour aboutir au stade actuel.
venue d'uranium de Shinkolobwe au Katan-
Les documents déjà recueillis permettent
ga. L'âge de cette venue est en effet d'envi-
ron 600 millions d'années, tandis que le début de trouver une solution satisfaisante, sinon
de l'ère primaire date de quelque 500 mil- entièrement rigoureuse, aux grands problè-
lions d'années. mes posés par la géologie et la géographie
physique de la région congolaise et de déga-
L'argument orogénique peut alors être ap-
ger la signification des phénomènes actuels
pelé à jouer un rôle qui, s'il a un poids moin- que l'on y observe.
dre que l'argument glaciaire et que l'argu-
ment fourni par les gîtes d'uranium, n'en est Certes, par nombre de ses caractères, la
pas moins utile et plus particulièrement dans géographie physique du centre africain est
les limites d'une même province métallogé- liée intimement à la position astronomique du
nique. continent, mais la composition et l'allure des
Nous ne devons pas perdre de vue que si terrains, les formes du relief, les caractéris-
les forceis orogéniques ont continuellement tiques fondamentales de l'hydrographie, de
la flore et de la faune trouvent surtout leur
agi au cours des temps géologiques, elles se
sont plus particulièrement manifestées pen- explication dans l'histoire de l'évolution qu'a
dant des époques de paroxysme. subie le continent africain et en particulier
Les déformations qu'elles ont provoquées le bassin du Congo.
se seraient propagées lentement d'une région
à l'autre, d'après PIERRE TERMIER,à la façon 2° Esquisse de la géologie du bassin
d'une vague. EMILE ARGANDexprime la même congolais. — L'immense cuvette à fond plat
idée en disant qu'un paroxysme qui se pro- que forme le bassin congolais, 1' allure de ses
duit en un point du globe, à un moment flancs qui conduisent en pente douce jus-
donné, ne manifeste son contre-coup en un qu'au rebord externe, constitué par des pla-
autre point qu'après un temps d'autant plus teaux surbaissés, à surface bien régularisée,
long que la distance est plus grande. Quant sont bien connues. Le fond du bassin, ainsi
à W. H. BUCHER,il est d'avis qu'aux époques que la plus grande partie de sa bordure sont
orogéniques, les plus importantes, les défor- occupés par des couches horizontales ou sub-
mations se sont sans doute produites simul- horizontales.
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 207

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Ere de l'édification du socle Ere de la formation du manteau continental
208 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

Dans la partie la plus déprimée du bassin ainsi, dans la partie déprimée du bassin, des
règnent de vastes zones marécageuses, des formations alluviales modernes qui se pro-
lacs passant aux marécages, comme le lac longent, en profondeur et sur leur pourtour,
Léopold II et le lac Tumba, et même de véri- par des dépôts d'alluvions de plus en plus
tables expansions fluviolacustres, comme tout anciens et qui sont dénommés Couches de la

Esquisse géologique du bassin du Congo.


— 3. Système du
1. Couches de la Busira et dépôts récents. — 2. Formations de la zone littorale.

Lualaba-Lubilash. — 4. Système du Kundelungu et système schisto-dolomitique. 5. Système des Kibara
et Complexe de Base.
N. B. - Les formations du type du « Kalahari » ne sont pas représentées.

le bief constitué par le Congo, depuis l'amont Busira. Ces formations alluviales, d'allure
de Bolobo jusqu'au confluent du Lomami. lacustre, peuvent être rapportées au Quater-
Dans cette région, les lacs, les marécages, naire et au Pliocène supérieur.
les rivières et le fleuve lui-même ne possèdent En partant de la zone déprimée de la cu-
guère de véritables rives; aux époques de vette et en se dirigeant vers sa bordure, quelle
on
crues, leurs eaux s'épandent largement en que soit la direction qu'on ait choisie,
déposant des couches d'alluvions. Il existe observe un relèvement graduel, mais très
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 209

faible, de l'altitude et l'on ne tarde pas à C'est à l'histoire géologique de ce vieux socle
constater qu'après avoir traversé la zone où qu'est consacré le 1° du § 3 qui suit.
règnent les couches de la Busira, le sol est Dès son émersion, le massif continental
constitué par d'autres formations qui, elles africain n'est plus soumis qu'à l'influence
aussi, ont consérvé une allure tranquille, ho- des agents d'érosion et de sédimentation de
rizontale ou subhorizontale. Ces dernières nature continentale, à l'exception de quelques
couches, sableuses et argileuses, renferment bandes étroites de son pourtour et des régions
des restes d'organismes et s'étendent en un septentrionales qui subissent encore la trans-
manteau continu jusque très loin sur les gression cénomanienne au voisinage de la
flancs de la cuvette. Parfois le manteau re- Méditerranée, transgression qui peut s'éten-
couvre la bordure elle-même et se prolonge dre jusqu'au Sud du lac Tchad, car on re-
jusque dans l'un des bassins voisins. trouve des lambeaux du Crétacique dans les
Le manteau constitué par ces couches hori- régions sahariennes et au Sud-Ouest du
zontales ou subhorizontales, connues sous le Tchad.
nom de Couches du LualalJa-Lubilash, peut Au Carbonifère moyen, à l'époque où se
atteindre une épaisseur de 400 à 600 m. Ces situe la grande division de l'échelle strati-
dépôts, qui semblent en général s'être for- graphique propre aux régions de l'hémisphère
més dans de vastes lacs, peuvent être recou- Sud, les continents de cet hémisphère étaient
verts en de nombreux endroits par des ter- séparés de ceux de l'hémisphère Nord, des
rains superficiels divers, dits du type du continents Nord-Atlantique et Sino-Sibérien,
Kalahari. Ils reposent, le plus souvent, en par la grande bande océanique orientée de
forte discordance de stratification, sur un l'Ouest à l'Est et dénommée Thétys ou
soubassement de roches anciennes qui appa- Mésogée.
raissent en affleurement dans les régions pé- Nous savons que, depuis cette époque tout
riphériques du bassin. C'est, en effet, dans au moins, l'histoire de chacune de ces deux
ces zones externes, où se déroulent des pla- grandes parties du monde se différencie vi-
teaux surbaissés, que règnent les formations goureusement de celle de l'autre, tant au
géologiques anciennes, le plus souvent forte- point de vue de la sédimentation que de la
ment plissées. paléobiologie.
Cette simple esquisse fait apparaître la C'est, par contre, à dater de ce moment,
nécessité de tracer une division de premier que l'histoire des continents de l'hémisphère
Sud devient véritablement commune à tout
ordre dans l'échelle stratigraphique propre à
l'histoire géologique du centre africain et de l'hémiisphère.
séparer nettement les formations du soubasse- Cette remarquable similitude que l'on peut
ment ancien de celles du manteau horizontal observer dans l'évolution géologique des
qui les recouvre. terres australes est telle qu'elle a amené la
En réalité, l'histoire géologique du bassin plupart des géologues à admettre l'hypothèse
de l'existence d'un vaste continent austral,
congolais se confond avec celle du continent connu sous le nom de Continent de Gond-
africain; elle est même souvent intimement
liée à l'histoire des vastes régions continen- wana (l). Ce continent, né dès avant le mi-
tales de l'hémisphère Sud et ne peut être Carbonifère, se serait morcelé au cours des
traitée que si on la situe dans les cadres de temps de l'ère secondaire.
l'histoire des Terres australes. Parmi les régions qui devaient en faire
partie, il faut mentionner l'Amérique du Sud,
3° Histoire géologique à l'exception de l'extrême Nord, du Nord-
générale du con-
tinént africain. — Le massif continental Ouest et de la région andine, les îles Falk-
africain, à l'intérieur land, l'Afrique (sauf l'extrême Nord, une
duquel existe un vaste
bouclier archaïque, une vieille plate-forme partie des régions du Nord-Ouest et le Sahara
rigide, était édifié et, pour la plus grande central, dont l'émersion s'est produite à la
fin du Carbonifère supérieur), Madagascar,
part, émergé avant que les temps de l'ère
fussent entièrement l'Inde péninsulaire, presque toute l'Austra-
primaire révolus, soit
avant l'époque du Carbonifère moyen. lie, la Tasmanie et l'Antarctique oriental.
L'histoire de ce vieux socle semble avoir Il n'est pas douteux que l'histoire de ces
une certaine analogie avec celle des autres régions a été commune pendant toute une
continents de l'hémisphère Sud; elle ne nous
est cependant connue que dans ses grands (1) Gondwana, Province de l'Inde péninsulaire, située
traits et présente encore bien des lacunes. dans la partie Nord des plateaux du Deccan.
210 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

longue période géologique et que des liaisons formations dites du type du Kalahari. Ce
continentales plus ou moins larges ont existé sont des terrains superficiels éluviaux, collu-
entre elles. viaux et alluviaux avec certains dépôts la-
L'histoire des formations continentales qui custres et lagunaires. Ils ont subi des phéno-
ont recouvert le socle ancien et dont l'âge va mènes de silicification et de latéritisation et
depuis le Carbonifère supérieur jusqu'à certains de leurs sables ont pu être remaniés
l'époque actuelle est traitée succinctement par les influences éoliennes. Comme on n'y
dans le paragraphe 4 qui va suivre. trouve que des fossiles continentaux et plus
particulièrement des faunes et flores d'eau
Les terrains qui ont recouvert de larges
douce, la situation des différents dépôts du
type du Kalahari est encore assez mal définie
dans l'échelle stratigraphique; l'ensemble
des formations peut s'étendre dans toute
l'échelle depuis le Jurassique supérieur jus-
qu'au début du Quaternaire.
On trouve de plus, dans les régions afri-
caines, d'autres formations récentes diverses
d'âge pléistocène et probablement d'âge plio-
cène supérieur. Ce sont les alluvions de la
Busira, au Congo, les dépôts fluvio-lacustres
des grabens, sans compter les formations de
Essai de carte paléogéographique de la terre la zone littorale, dont il sera parlé plus loin.
à l'époque anthracolithique, d'après HAUC.
1. Limites hypothétiques des géosynclinaux,
2. Formations glaciaires. III. — LE GROUPE DES FORMATIONS
CONSTITUANT LE SOUBASSE-
plages à la surface du continent de Gond- MENT ANCIEN.
wana sont des formations continentales entre
lesquelles s'intercalent, en certaines zones, A. — LE SOUBASSEMENT ANCIEN DU CON-
quelques rares phases marines. Ces forma- TINENT AFRICAIN.
tions, restées calmes depuis leur dépôt, ont
une allure horizontale ou subhorizontale. Les Cet énorme groupe de formations géologi-
fossiles qu'on y trouve étant d'origine con- ques constitue le massif continental qui était
tinentale et appartenant à des faunes et des entièrement édifié et émergé à l'époque du
flores terrestres, ne permettraient pas de lo- Carbonifère moyen, au moment où devait se
caliser avec précision la position des couches produire la grande coupure dans l'histoire
dans l'échelle stratigraphique générale si l'on géologique propre aux terres de l'hémisphère
ne disposait pas des quelques horizons à fos- austral et dont nous avons parlé.
siles marins qui jouent le rôle de repères. Ces formations, qui furent soumises succes-
Les formations du manteau gondwanien sivement à des plissements nombreux et sou-
sont classées dans le système du Karroo de vent violents, peuvent se répartir dans l'échel-
l'Afrique du Sud, appelé système de Gond- le stratigraphique depuis les temps primitifs
wana aux Indes. On les retrouve au Congo, jusqu'au début du Carbonifère. La plus
où nous les dénommons système du Lualaba- grande masse de ces terrains se rapporte à la
Lubilash. grande ère précambrienne, soit archéenne et
lie système du Karroo, de même que le algonkienne, et est dépourvue de fossiles ou
système du Lualaba-Lubilash, s'étend dans tout au moins de restes organiques ayant une
l'échelle stratigraphique depuis le Carboni- signification chronologique bien définie.
fère supérieur jusqu'au Jurassique inférieur La géologie de l'ensemble des couches qui
et même jusqu'au mi-Jurassique. appartiennent à une telle période azoïque est
Après le morcellement du Gondwana, qui, toujours très compliquée et son histoire dif-
en ce qui concerne l'Afrique, était partielle- ficile à déchiffrer dans les régions où les
ment réalisé au début du Crétacé et était études sont poussées jusque dans le détail, et
entièrement effectué, en tout cas, au cours à plus forte raison dans les pays de l'hémi-
de l'ère tertiaire, l'évolution géologique reste sphère Sud, où les recherches sont encore
commune à l'Afrique australe et au centre relativement peu avancées.
africain. On trouve de part et d'autre des On en est réduit, pour étudier de telles
terrains superficiels que l'on classe dans des formations géologiques, à appliquer une mé-
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 211

thode chronologique qui est, en quelque sorte, la position est d'ailleurs confirmée par la
l'inverse de celle employée pour l'étude des venue uranifère du Katanga, nous permet de
terrains plus récents mais qui, cependant, ne rapporter la partie supérieure des terrains
présente ni la sécurité ni la précision de cette qui forment le vieux socle continental aux
dernière. périodes de l'ère primaire ancienne. On y
L'argument fossilifère faisant défaut jus- trouve des fossiles, mais ceux-ci sont rares et
qu'ici, il est possible de tirer parti des mou- localisés; ils sont souvent si mal conservés
vements orogéniques et des paquets sédimen- qu'ils deviennent parfois indéterminables et
taires qu'ils ont délimités, pour fixer des peuvent être ainsi dépourvus de toute valeur
repères chronologiques. Des périodes de gla- en tant que repères chronologiques.
ciation généralisée, de même que des venues Les circonstances défavorables devant les-
uranifères, peuvent être appelées à jouer un quelles on se trouve, font que dans les conti-
rôle semblable, mais plus important que celui nents de l'hémisphère Sud, notamment en
attribué à l'orogénie, tandis que le métamor- Afrique, et plus particulièrement au centre
phisme ne peut donner, le plus souvent, que africain, on a pu déterminer la succession
des arguments de peu de valeur à ce point stratigraphique des terrains que l'on rencon-
de vue. tre dans un territoire localisé, mais il a été
Dans les limites de la province métallogé- très difficile jusqu'ici d'établir, avec la pré-
nique centre africaine, il peut même être fait cision et la sécurité désirables, les raccords
appel aux venues minéralisantes, liées d'ail- entre les échelles stratigraphiques de régions
leurs aux périodes orogéniques, pour tenter différentes, ainsi qu'avec l'échelle stratigra-
d'établir des repères stratigraphiques. C'est phique générale.
ainsi que les grandes venues cuprifères se On peut synthétiser dans le tableau suivant
rapportent plutôt aux mouvements kunde- la succession des systèmes qui ont été recon-
lunguiens et aux terrains des systèmes schisto- nus en Afrique australe et en Rhodésie du
dolomitique et kundelunguien, les venues Sud.

Afrique australe Rhodésie du Sud

System Umkondo
PRIMAIRE Sy,tem
Waterberg System System
Cape Ro berg Series
Rooiberg Séries (Tillite)
Transvaal-Nama System Dolomite 1
j
Z ) Séries
Pretoria Sériés Lomagundi
System
1 ? Black-Reef Series
] Vensterdorp System
ALGONKIEN Frontier System
Frontiet
J Witwatersran
Witwatersrandd System
ALG.
Basement
W? ANCIEN
c Swazi
land, System
Scystem Schists
H [
ARCHEEN l Basement
i(

stannifères aux plissements kibariens et aux Le système de base, dénommé Swaziland


terrains kibariens, tandis que les principales system ou encore Basement complex est un
venues aurifères pourront peut-être se rat- ensemble de formations anciennes, plus vieil-
tacher plus spécialement aux terrains du com- les que lé système du Witwatersrand et sur
plexe de base et aux mouvements orogéniques lesquelles les couches de ce dernier système,
qui les ont affectés, sans toutefois perdre de là où on les trouve, reposent en discordance
vue que certaines venues aurifères apparais- très nettement marquée. Ces formations an-
sent lors des mouvements kibariens et kun- ciennes sont largement envahies par de vastes
delunguiens. intrusions de granite et de gneiss plus vieilles
On verra plus loin qu'une importante pé- que les couches du système du Witwaters-
riode glaciaire représentée au centre africain rand. Elles consistent surtout en roches schis-
par le conglomérat glaciaire localisé entre le toïdes de différents types, d'origine sédimen-
système du Kundelungu et le système schisto- taire ou ignée, telles que roches vertes, amphi-
dolomitique, et en Afrique du Sud par la bolites, chlorito-schistes, phyllites, « banded
tillite du système du Transvaal, peut être ironstones », quartzites, conglomérats, cal-
considérée comme datant probablement de la caires cristallins. Certaines de ces roches sont
fin de l'ère précambrienne. Ce repère, dont violemment métamorphisées, schistoïdes et
212 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

gneissiques, semblables à celles que l'on rap- schistes avec calcaires;


porte généralement à l'Archéen dans les au- quartzites:
Pretoria laves (Ongeluk Volcanics);
tres parties du monde. Mais on y rencontre Series tillite;
aussi des couches moins altérées qui ont reçu schistes et quartzites;
des noms locaux et que l'on peut rapporter conglomérat local.
à l'Algonkien ancien. Dans plusieurs régions, Le conglomérat glaciaire (tillite), situé sous
il est d'ailleurs possible de distinguer, dans les Ongeluk Volcanics, est important à men-
l'ensemble de ces formations, deux groupes
tionner, car il témoigne de l'existence d'une
de terrains séparés par des inconformités importante période glaciaire à la fin de l'ère
(Du TOIT, A.). précambrienne et il nous fournira un repère
Ce complexe, avec ses variantes, constitue auquel nous raccrocherons le conglomérat
l'ossature fondamentale de l'Afrique australe glaciaire du système du Kundelungu.
et équatoriale. La tillite du système du Transvaal pouvant
Les granités, granites gneissiques et gneiss, être considérée comme datant de la fin de
intrusifs dans le Basement complex et dont l'ère précambrienne, les formations énumé-
la venue est plus ancienne que le système du rées jusqu'ici, en y comprenant la partie
Witwatersrand, sont connus sous le nom de inférieure du système du Transvaal et sa til-
« vieux granites ». Pratiquement, tout l'or lite sont d'âge précambrien.
produit en Afrique australe, en dehors des La série de Rooiberg est provisoirement
gîtes du Witwatersrand, est lié aux intrusions classée avec le système du Transvaal.
de ce « vieux granité » (Du TOIT, A.). Des roches éruptives qui apparaissent au
Le système du Witwatersrand, bien connu Transvaal, et qui forment l'important Bush-
par ses conglomérats aurifères qui font du veld Igneous Complex, reposent sur les cou-
Rand une région minière d'une richesse ex- ches du système du Transvaal et peuvent être
ceptionnelle, ne paraît avoir, en Afrique, recouvertes par celles de la «Rooiberg Series».
qu'un développement assez local. Il peut at- Le système de Waterberg peut, dans cer-
teindre une puissance de 8000 m. et est divisé taines zones, reposer en discordance sur les
en deux séries dans lesquelles il convient de couches de Prétoria. Il consiste en grès et
noter l'absence de calcaires. schistes de coloration brun foncé, brune ou
La série inférieure est caractérisée par une pourpre, avec parfois de minces lits de cal-
alternance de phyllades et de schistes avec caires et un conglomérat de base. On y a
des bandes de quartzites, tandis que la série trouvé de rares traces de fossiles indétermi-
supérieure fait apparaître une forte prédomi- nables. Les couches gréseuses de ce système
nance des quartzites, parmi lesquels se trou- montrent la stratification entrecroisée et des
vent les conglomérats aurifères. ripple-marks. Ces formations paraissent être
plutôt d'origine continentale et peuvent at-
Quant au système de .Vensterdorp, il est
teindre une épaisseur d'environ 4000 m. Elles
surtout formé par des roches éruptives et
rappellent singulièrement, par leur faciès,
peut atteindre une épaisseur de 3500 m. celui du « vieux grès rouge » d'âge dévonien
Le système du Transvaal est particulière- du Nord de l'Europe.
ment important par le fait qu'il permet de Le système du Cap est formé par des cou-
tenter d'établir des raccords avec les forma- ches marines, puis lacustres, qui se sont dé-
tions du Katanga, car il paraît être largement posées à l'extrémité méridionale du massif
distribué en Afrique et renferme des hori- continental. Ces couches renferment des fos-
zons caractéristiques, tels que sa tillite et sa siles qui permettent de déterminer leur âge.
série de dolomies. Le système du Cap est caractérisé comme
Le système du Transvaal, épais d'environ suit :
6000 m., est divisé. en plusieurs séries. En Witteberg Sériés : Carbonifère inférieur;
allant de bas en haut, on trouve d'abord la Cape Bokkeveld Sériés: Dévonien;
Black-Reef Series qui est formée de quart- Systen Table Mountain Sériés : Silurien supérieui
zites et de conglomérats avec intercalations de La série de la Montagne de la Table est
schistes. La Dolomite Series doit son nom aux formée de grès avec passes schisteuses. Une
importantes assises de calcaires dolomitiques tillite s'y trouve intercalée à quelque 300 ou
qu'elle renferme. 350 m. au-dessous de la tête de ces couches.
La Pretoria Series, qui la surmonte, peut Quelques rares fossiles ont été trouvés dans
être subdivisée comme suit, de haut en bas : les roches de cette série. Ce sont des coquilles
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 213

de lamellibranches indéterminables, qui n'ont continental émergé à l'époque du Carbonifère


qu'une valeur relative pour fixer l'âge de ces moyen.
formations. Le tableau ci-après schématise les carac-
La série de Bokkeveld est schisto-gréseuse; tères de ces formations, leurs raccords pro-
sa faune marine, assez abondante, permet de bables avec les systèmes de l'Afrique australe
la rapporter au Dévonien. et leur localisation générale probable dans
schisteuse l'échelle stratigraphique universelle, étant
Quant à la série de Witteberg,
et gréseuse, elle est peu fossilifère et a cepen- donné l'état des connaissances actuelles.
dant pu être considérée comme étant d'âge On trouvera ailleurs un tableau plus dé-
carbonifère inférieur. taillé donnant, en plus; les raccords probables
avec les formations reconnues dans l'Inde
On admet le plus généralement que le sys-
péninsulaire et au Brésil.
tème du Cap est postérieur au système de
On observera tout de suite que nous consi-
Waterberg, car il repose en discordance sur le
dérons le système du Kundelungu comme
système de Matsap, considéré comme étant
du système de Waterberg. Cette étant d'âge primaire, à l'exception cependant
l'équivalent
de son conglomérat-base glaciaire, qui nous
position n'est cependant pas acceptée par
tous les géologues de l'Afrique du Sud et sert de repère et que nous considérons comme
certains arguments tenderaient à faire consi- datant de la fin de la période algonkienne.
dérer le système du Cap comme étant le En réalité, la partie supérieure du conglo-
représentant méridional du système de Water- mérat glaciaire a été remaniée lors de la
berg, celui-ci, comme le « vieux grès rouge » transgression du Kundelungu inférieur. Elle
du Nord de l'Europe, pouvant être d'âge doit être considérée comme la véritable base
dévonien. du système du Kundelungu et être rapportée
Le soubassement primitif constitué par le au Cambrien. Le système du Kundelungu
système du Swaziland a été soumis à plusieurs tout entier serait ainsi d'âge primaire, le
reprises à des mouvements tectoniques et il conglomérat glaciaire qui n'est placé à sa
existe une discordance marquée entre ces for- base que par extension étant précambrien.
mations et celles qui les surmontent, bien Toutes les formations sous-jacentes sont al-
qu'il arrive parfois que cette limite soit im- gonkiennes, la plus profonde étant peut-être
précise. Up cycle d'orogenèse se manifeste archéenne.
entre la période du Witwatersrand et celle Il sera dit un mot, plus loin, des raccords,
du système du Transvaal. Un autre cycle de la position dans l'échelle stratigraphique
apparaît entre ce dernier et le système de qui figurent dans le tableau et du poids
Waterberg. Il faut de plus observer qu'une qu'il faut leur accorder.
discprdance existe, dans les couches du sys- Notre étude succincte de la composition du
tème du Transvaal, entre la série des dolo- soubassement ancien ne se basera pas sur la
mies et celle de Prétoria. classification des formations, soit que nous les
Le système de Waterberg et ses équivalents, rapportions à l'âge primaire ou que nous les
le système de Matsap et le système d'Um- considérions comme précambriennes.
kondo, en Rhodésie du Sud, a conservé une Il vaut mieux envisager deux grands grou-
allure subhorizontale. Il a cependant été af- pes de terrains dont le plus récent est formé
fecté par des plissements locaux qui pour- par le système du Kundelungu et le système
raient se synchroniser avec les plissements schisto-dolomitique et dont le plus ancien est
assez violents qui ont affecté les couches du constitué par le système des formations kiba-
système du Cap, si l'on supposait que ce riennes et des formations classées dans le
dernier système pourrait être un facies du complexe de base.
système de Waterberg. Le groupe le plus récent est de loin le mieux
connu. Il a donné lieu à des études qui, effec-
B. - LE SOUBASSEMENT ANCIEN DU BASSIN tuées systématiquement, plus particulière-
DU CONGO. ment au Katanga, ont permis d'en déterminer
les caractères d'une manière souvent détaillée
Les formations géologiques qui constituent et assez précise.
le massif continental de la région congolaise Il en va différemment pour ce qui concer-
sont le mieux connues dans la région du ne le groupe ancien, au sujet duquel les con-
Katanga. C'est ici que nous choisirons de naissances acquises jusqu'ici n'ont pas encore
préférence le type des formations qui ont la précision de celles qui se rapportent au
contribué à l'édification du soubassement groupe précédent.
214 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

KATANGA AFRIQUE DU SUD

PLISSEMENTSKUNDELUNGUIENS GRIQUAÏDES
III. Étage des grès en gros bancs et des ? g Grès feldspathiques,grès schistesde colo-
schistes gTéseux 700à 900m. ration brun foncé, brun ou pourpre.
2 SÉRIE II. Étage schisteux et schisto-gréseux, £ 0© Stratification entrecroisée dans roches
UJ ::s SUPÉR. 500à 700m. o® gréseuseset ripple-marks.Traces de fossiles
o 01 2000m. I. Étage calcaro-dolomitique(fossilifère) indéterminables.
Z g et schisto-gréseux. 250à 900m. w « Parfois de minceslits de calcaire.
ZI Petit conglomérat ..2 Conglomératde base et brèches 100 à
-s
-g "5o. 400pieds.
y 3 coW1 Pénéplanationet transgression.
PC INCONFORMITÉ NAMAÏDES
< ::s
'tS
S Étage des calcschistesgréseux, LavesetBuschevelddiabaseetnorite:
S 300à 500m. i. Quartzites 300à 500m.
— -gS SÉRIE III. Étage des schistes argileux, h. Schistes 700m.
Q..
1» INFÉR. II. 200 dolomies
à 400 m. g. Quartzites 70 m.
co Étage des calcschistes et f.Ongeluk volcanics, laves andé-
1000m. de Kakontwe,40 à 60 m., parfoisde sitiques 500à 1500m.
0 à 100m.
IV. (Partie supér.
- remaniée). - - - - ---- --------
- - - - - - ------------------------
- - - - - - - - - -------------------------- -
- - Etage des formationsglaciaires, e. Tillite,localement 20 m.
I (! jusqu'à 300m. d. Schistes. 70à 700m.
de schistes, calcschisteszonés, SÉRIE c. Quartzitesavecà la baseun hori-
III. Assise zon d'oolithes ssiilliiceiieeuussee
s et
III. parfoisbancsde
Assise de quartzite.
schistes, caleschistes
300 zonés, DE m. p.
II. Assisede schistesnoirs PRE- b ScLrraeineuses 200iï™!
à 300m.
pyriteux,
100 à 200 m.
1.Assisede schistesgréseuxdolomitiques g a. Conglomérat
Conglomérat local.
local. 7 à 25m.
SÉRIE I-Assise de schistes gréseuxdojommques
SUPÉR. Niveau du petit conglomérat de §
a Mwashya 1 m.50 § I
.2" Parfois assise de schistes dolomitiques,
•= 0 à 100m. -
E et
Assisecherteuse ferrugineuse; parfois §
Õ oolithes siliceuses 10 à 100m. g
g INCONFORMITÉ § DISCORDANCE
S f f Assise des dolomies supé-
(g rieures 30 m.
Assisedesschistesdolomiti- CI)
g Étage ques 30 à 40m SÉRIE Banded ironstones.
X supérieur Assisedes
30 à roches 40 siliceuses
m. g2» DES
2 ou cellulaires,8 m. g,
W SÉRIE série Assise des calcairesdolomi- ri) nmnDolomiesDOLO-
MIES Dolomiesavec bandes de cherls cherts
INFÉR. des tiques à bandes cherteuses, plus abondantesà la partie supér.
mines. 7m.
Assisedes dolomiesinfér.,
gr 20 m. et plus.
Étage < Grès feldspathiques.
SÉRIE BLAcx ) Quartzites et conglomérats avec
w infér. ( Grèset conglomérat, 175m. intercalations de schistes.
£ REEl'. )
N AK?EN PLISSEMENTS KIBARIENS DISCORDANCEMARQUÉE
::!1 N -.-. --. -_-. ----- lN'-'"
SÉRIE
W SUPÉR
K, Elsburg conglomérats
(S Schistes, phyllades et grès. Kim- l( 900 m. de grits el
pn. auartzi-
tique Étage
K-a6 )jl Parfois conglomératsquart- berley < quartzites.
( zitiques. Elsburg Kimberley conglomé
sommet Series
L
, Quartzites et grès. "13f o;.artzites* f rats..
phylla- É
E-jtage
tage thiques.Quarzites un peu feldspa- Quartzltes.
Chlorito-schistes.
a deuse § UPPER
"2
13 WITW. 1 Chlorito-schistes.
Intercalations conglomérati- » 3800m. V Laves andésitiques.
etS parfois
:5 quart- < ques.
l Main- l Conglomératsminces.
:.:: calcaire zitique 1 Stratificationentrecroiséeet 1 bird 900 "! de quartzite!
3500m. I ripple-marks. § bird
Series 1avec bandes persistante!
wi jr conglomérats auri
-u
1 Schistes,schisto-phyllades e t fères. <
de 900 m. de quartzites
d Étage ) phyllades à aspect zonaire et 3
E Kle 1ft Intercalations
KtC rubané. qeppes- Surtout des schistes.
"<;j SÉRIE quartzitiques. » SerIes Grèset quartzites.
>-. INFÉR. Grèset poudingues Sériés )
X f èS°' est Quartziteset schistes
INFÉR. Êtaige
Klb Ll } intraformationelle.
base du poudingue «f ment Lits fernigineux.
Schisto- LOWER
WWER ment Au Su de cett
deuse
PYUA- schistes lustrés,Govern- 3200m. Sériésf 1 série, Tillite glaciaire.
2500 m É phyllades,griS, gris-noir,grlS-
2500m. Étege 'bleu, plissotéset plicaturés.
Kla Intercalations Hill < Lits ferrugineux.
quartzitiques. I Arkoses. schistes.
HospitallVQuartzites
Sériés
Rares lentillescalcaires.
(I Schistes,
Série supérieure.
COMPLEXE DEBASE Système supérieur. K Swaziland Série supérieure.
g~, inférieure.
Séne inférieure.
.-.
ARCHÉEN«iCOMPLEXE DE BASESystème Système inférieur. inférieur
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 215

1° Le groupe des terrains anciens du des itabirites, des chlorito-schistes, des quart-
soubassement continental. — Ce groupe zites et des quartzophyllades, des calcaires
ancien comporte dans sa partie supérieure les cristallins et des poudingues.
formations dénommées système des Kibara au La division inférieure du complexe est for-
Katanga, système de l'Urundi au Ruanda- mée par des roches de cristallinité plus pro-
Urundi et au Kivu, système de Karagwe- noncée que celle des roches appartenant à la
Ankole dans l'Uganda, système de Muva- division supérieure. On y trouve non seule-
Ankole dans le Tanganyika Territory et sys- ment des gneiss et des micaschistes, mais aussi
tème du Witwatersrand en Afrique du Sud. des amphibolites, des quartzites, du calcaire
Cette partie supérieure, qui peut être con- critallin et des conglomérats.
sidérée comme étant d'âge algonkien ancien, La question se pose cependant de savoir si
surmonte la partie inférieure du groupe an- cette division inférieure du complexe africain
cien, dans laquelle se classent les formations à facies archéen doit être définitivement con-
du complexe de base. Celles-ci sont en partie sidérée comme l'archéen théorique envisagé en
d'âge algonkien et en partie d'âge archéen. géologie générale.
Nous n'affirmons pas qu'il en soit ainsi.
a) LE COMPLEXEDE BASE. — Ce complexe
Dans la zone orientale du Congo et dans
est, par définition, constitué par l'ensemble
des terrains plus anciens que ceux apparte- les régions voisines, Ruanda-Urundi et Ugan-
nant à la série sédimentaire formant le sys- da, l'étude du complexe de base n'est pas
tème des Kibara. En admettant, comme nous encore suffisamment avancée pour que l'on
le faisons, le parallélisme du système des puisse le diviser en deux systèmes. Il semble
Kibara avec le système du Witwatersrand, il que la plus grande partie de ce complexe,
correspond au système du Swaziland de qui serait représenté par le système de la
l'Afrique du Sud. Ruzizi, doive être rapportée à la division su-
L'étude du Complexe de Base au Congo périeure algonkienne du complexe de base.
Le système de la Ruzizi est surtout constitué
Belge et dans les différentes régions du cen-
tre africain permet de le considérer comme par un ensemble de micaschistes, de phylla-
des graphiteux et de quartzites micacés par-
pouvant être divisé en deux systèmes séparés fois arkosiques. On y trouve des quartzites
par une forte discordance accentuée par une
longue période de dénudation. La division ferrugineux, des schistes amphiboliques et des
amphibolites intercalées. La partie profonde
supérieure est formée de roches métamorphi- de ce système, fortement métamorphisée, est
ques diverses variant suivant les régions et
dont l'âge doit être rapporté à l'Algonkien largement envahie par les gneiss, mais elle
n'en doit pas moins être rattachée à la divi-
ancien. Quant à la division inférieure, sur-
sion supérieure d'âge algonkien ancien du
tout constituée par des micaschistes et des
complexe de base, car les observations ne font
paragneiss, elle peut être considérée provi- la coupure qui, dans l'état
soirement comme représentant pas apparaître
la carapace actuel de nos connaissances,
archéenne fortement cristalline que l'on re- est considérée
comme caractérisant partout dans le monde
trouve théoriquement partout dans le monde
le passage de l'Algonkien à l'Archéen.
à la partie inférieure des formations sédimen-
taires. Dans la région située au Nord-Est du Ka-
tanga, on rencontre des formations apparte-
Dans la région Nord-Est du Congo, le sys- nant au système supérieur du complexe de
tème du Kibali que nous rapportons à la base. Ces formations affleurent le long du
division supérieure du Complexe de Base graben, dans certains tronçons où les bords
d'âge algonkien ancien, est formé par un en- de cet accident tectonique ont été fortement
semble de roches supracrustales, constituées relevés.
par des roches sédimentaires et des roches Le complexe de base affleure sur le pour-
éruptives, ces dernières se présentant sous tour de la cuvette congolaise, on le trouve
l'aspect de schistes métamorphiques. Cet en- dans la région septentrionale de la Colonie
semble stratigraphique a subi l'intrusion de d'où il se prolonge dans les zones voisines du
gabbros à hornblende, puis de dolérites et Soudan. Au Nord-Est du Congo, ses affleure-
diabases et enfin celle d'un granite (MICHOT, ments permettent d'y distinguer les deux di-
P.). Parmi les roches sédimentaires, on trou- visions. Dans la zone -orientale congolaise, il
ve des schistes métamorphiques, des grès, des semble bien que le complexe soit surtout,
grès arkosiques, des schistes graphiteux, des sinon complètement représenté par sa divi-
phyllades, des schistes phylladeux passant à sion supérieure. Au Kasai, au Bas-Congo et
216 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

au Congo français, nous considérons que les Pendant la période de guerre, des observa-
deux systèmes du complexe de base Gont tions effectuées dans la région occidentale du
représentés, tout en estimant cependant Katanga, notamment dans la zone de Mutom-
qu'au Bas-Congo les études ne sont pas en- bo-Mukulu par G. MORTELMANS (CAHEN, L. et
core suffisamment avancées pour pouvoir MORTELMANS, G.), ont permis d'y reconnaître
prendre définitivement parti au sujet de la des formations sédimentaires métamorphisées
position stratigraphique à donner aux forma- constituées par des gneiss, des quartzites
tions du soubassement ancien qui y sont métamorphiques, des amphibolites, quelques
observées. cipolins, des itabirites, etc. qui sont intru-
Notre manière de voir, provisoire à ce dées de gabbro, de granité, etc. Ces forma-
tions sont rapportées par G. MORTELMANS au
sujet, pourrait être résumée dans le tableau
suivant : cristallophyllien.

, Congo français Bas-Congo


super. L E. C. de la DUlZl
ALGONKIEN ( Système C. C. de Matadi
ANCIEN cristallophylUen
cristaHo~phy'l~en(j¡ B. C. dee Palabala
C~d~
COMPLEXE (Upper
Comp.)
Bast ( (!'

BASE Division infér. L i ( D. C. de la Kimeza


ARCHEEN Système
(Lower Bast j cristallin
DE Division Comp.) ( ( ¡() A-
A. C. de Borna

Au cours de la guerre, des études détaillées Nous les considérons comme représentant
ont été effectuées par L. CAHENdans la région' le système supérieur du complexe de base.
du Bas-Congo.
Cet auteur fait valoir certains arguments On observe que des intrusions granitiques
qui l'amènent à faire passer dans le système ont envahi les formations classées dans le
des Kibara des couches qui, dans le tableau complexe de base sans pénétrer dans les for-
ci-dessus, sont comprises dans le Complexe mations plus récentes. Il s'agit d'un granite
de base. que l'on peut dénommer vieux granité, au-
Nous considérons que les cadres de la géo- quel nous donnons l'indice GA. Ce granité, le
logie du Bas-Congo ne sont pas encore suffi- plus souvent gneissique, à biotite et alcalin
samment déterminés pour que l'on puisse (microline) ne forme pas de véritables batho-
prendre définitivement position à ce sujet. lites, il est incorporé dans les couches du
Le bourrelet plissé que l'on trouve au Bas- complexe de base et plissé avec elles à la
manière d'une roche sédimentaire. Ses apo-
Congo constitue la bordure occidentale du
vaste bouclier ancien centre africain. physes injectent, en tous sens, les formations
Ce bourrelet ne nous semble pas devoir re- du complexe de base et plus particulièrement
celles de la division supérieure. Dans la ré-
présenter les restes d'une importante chaîne
de montagnes qui se serait érigée dans un gion du Nord-Est de la Colonie, il existe de
véritable géosynclinal. Il semble que l'on ait plus dans les formations du complexe de base,
de grands batholites de granites intrusifs qui
plutôt affaire ici à un simple sillon continen-
tal dont le remplissage sédimentaire, affecté sont sans doute d'âge plus récent et qui au-
raient pénétré dans le Kibara, si ces forma-
par les poussées d'une période orogénique
tions existaient ici.
ancienne, d'âge encore indéterminé, aurait été
complètement rigidifié par les mouvements de Dans toute la zone centre africaine et même
cette période. Il aurait subi, plus tard, les en Afrique australe, les venues aurifères les
paraissent être associées
répercussions des poussées de la période oro- plus importantes
plus particulière- aux intrusions du vieux granite et de ses
génique kundelunguienne,
ment le long de sa bordure orientale. apophyses. On peut ainsi les considérer comme
La détermination précise et la distinction étant sous la dépendance de la période oro-
des différents mouvements dont les plus im- génique, qui a affecté le complexe de base
portants sont donc les anciens, n'ont pas avant que n'ait débuté la période kibarienne
encore été faites jusqu'ici. et le dépôt de ses premiers sédiments.
Quoique le complexe de base soit encore — Dans un
assez mal défini au Kasai, nous estimons que b) LE SYSTÈMEDES KIBARA.
l'on peut y distinguer le système supérieur mémoire paru récemment, nous avons étudié
en détail les formations appartenant au sys-
et le système inférieur.
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 217

Vue générale sur le plateau des Kibara dans la région des altitudes voisines de 1.800 mètres.
Au centre, tête de source. (Photo C. S. K.)

tème des Kibara, qui a pu être parallélisé au période tectonique qui, dans l'échelle strati-
système de l'Urundi, au système du Karagwe- graphique, marque un important repère loca-
Ankole de l'Uganda et au système du Wit- lisé vers le milieu de l'ère algonkienne, semble
watersrand de l'Afrique du Sud. bien avoir été suivie par une longue période
Quoique très succinct, l'exposé qui va sui- de dénudation. Elle est marquée par une
vre, permettra, avec l'aide du tableau schéma- importante coupure concrétisée par une forte
tique de la page 214, de se faire une idée discordance entre la tête des formations kiba-
synthétique suffisante des particularités pro- riennes et les couches schisto-dolomitiques ou
pres à cet important système. les formations d'âge plus récent qui surmon-
Le système des Kibara est constitué par tent ces formations.
une série sédimentaire dont l'histoire géologi- En Afrique du Sud, ce dernier repère est
que s'est déroulée entre deux périodes de marqué par la discordance et l'érosion con-
mouvements tectoniques qui se sont manifes- sidérable qui existent entre le système du
tés au cours de l'ère algonkienne. Witwatersrand et le système du Transvaal
La plus ancienne de ces périodes, qui re- (Du TOIT, A.).
père la base du système des Kibara, a affecté Les régions où les formations du système
l'ensemble des formations comprises dans le des Kibara ont été reconnues jusqu'ici au
complexe de base dont la série supérieure, centre africain, s'étendent largement, d'une
tout au moins, est d'âge algonkien ancien et part, dans l'Uganda, le Ruanda-Urundi, le
elle semble avoir été suivie par une période Nord du Tanganyika Territory, le Kivu et
de dénudation de durée indéterminée; elle a la Province Orientale du Congo et, d'autre
fait naître dans l'échelle stratigraphique une part, au Katanga.
coupure caractérisée par une discordance ap- La distribution de ces dépôts apparaît
parente entre les formations du complexe de comme formant deux grandes plages situées
base et celle du système kibarien. dans le prolongement l'une de l'autre dans
La période tectonique plus récente qui re- la direction du S.-S.-O.—N.-N.-E. et séparées
père la tête du système kibarien, marque la par une zone où affleure le complexe de base
fin des plissements dénommés kibariens. Elle mais où apparaissent cependant quelques
a affecté l'ensemble des formations consti- lambeaux de sédiments kibariens. La simili-
tuant l'écorce, y compris le système des Ki- tude qui existe entre les formations kibarien-
bara, avant que la série sédimentaire schisto- nes du Katanga et celles de la région kiba-
dolomitique commence à se déposer. Cette rienne plus septentrionale permet de consi-
218 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

dérer que ces dépôts se sont effectués dans homogène et plus gréseuse, peut avoir une
une seule et même zone de sédimentation, un épaisseur qui dépasse 3700 m.
large géosynclinal où ils ont subi les plisse- Kv — La série inférieure, largement
ments de la période orogénique kibarienne. schisteuse, se présente sous un facies très
Les sédiments kibariens atteignent plus de homogène dans toute l'étendue du géosyn-
8000 m. d'épaisseur au Katanga et 8000 m. clinal centre africain. Un étage gréseux la
en Uganda, la puissance sédimentaire du sys- divise, à peu près en son milieu, faisant ainsi
tème de l'Urundi est aussi très considérable apparaître dans la série trois étages, un étage
au Ruanda-Urundi, au Kivu et dans la ré- inférieur schisteux Kja, un étage moyen
gion des Grands-Lacs. Kj6 et un étage supérieur schisteux KIc,
En Afrique du Sud, le bassin du Witwa- dans lequel apparaissent des schistes zonaires
tersrand, différent de celui du centre afri- qui pourraient représenter des dépôts sai-
sonniers.
cain, a vu se former le dépôt d'un ensemble
sédimentaire épais de quelque 7000 mètres. La série inférieure des Kibara KI et plus
Ces formations ont été plissées au cours d'une particulièrement Kla présente souvent, dans
période orogénique, qui peut être synchroni- des zones localisées, un métamorphisme assez
sée avec celle des plissements kibariens. prononcé. On y trouve des quartzitcs durs
Dans toute l'étendue du géosynclinal cen- hyalins, des phyllades sériciteux et biotifères,
tre africain, les sédiments de la période kiba- ainsi que des micaschistes et des amphibolo-
rienne présentent, en somme, un caractère de schistes. Au Katanga, on y trouve aussi des
lentilles de cipolin. Il semble bien que l'on
grande uniformité. A d'énormes épaisseurs de ait affaire ici le plus généralement à du
formations schisteuses de facies très uniforme,
métamorphisme de contact.
accumulées dans les eaux calmes du fond d'un
bassin géosynclinal, succèdent des dépôts en K2. — La série supérieure débute par une
eau peu profonde, des grès et quartzites, sou- puissante base gréseuse K2a, avec passes con-
vent à ripple-marks et à stratification entre- glomératiques, qui se prolonge par une phase
croisée, dans lesquels apparaissent des inter- schisteuse ou schisto-gréseuse K2&; une phase
calations de lentilles plus ou moins étendues calcaire K2c y avait été ajoutée.
de conglomérats. Ces grès et quartzites, par- Nous pouvons considérer que la série su-
fois en bancs épais, s'étendent sur d'énormes périeure K2 du Kibara est nettement trans-
espaces en conservant un caractère de grande gressive. Elle existe seule dans certaines zones
uniformité. Une phase de sédimentation moins bordières du géosynclinal où elle se super-
uniforme sur de larges espaces leur succède. pose au complexe de base.
Essentiellement schisteuse au Ruanda et dans Rien ne prouve évidemment que la base de
une partie du Kivu, elle se charge souvent ces formations K,, en trangression, appartien-
d'intercalations gréseuses et pourrait même, ne partout au même horizon stratigraphique ;
dans sa partie supérieure, prendre un facies il est même plus probable qu'il s'agit d'ho-
calcaro-dolomitique dans certaines zones de rizons plus ou moins élevés dans la série et
la région du Katanga, si l'on admettait que dont la position stratigraphique précise ne
les couches d'un étage K2c font partie du peut pas encore être déterminée.
système des Kibara. On peut supposer que le géosynclinal étant
On adopte généralement la division en trois en grande partie comblé à la fin du dépôt
séries UI, U2 et U3 du système des Kibara- de la série KI par le remplissage des sédi-
ments accumulés avec, sans doute, l'interven-
Urundi, établie par F. DELHAYEet A. SALÉE.
Nous préférons pour adapter plus aisément tion de mouvements tectoniques, des condi-
l'étude à tout le bassin kibarien centre afri- tions marines à profondeur faible ont dominé
cain ne considérer dans le système que deux dans le géosynclinal. Ceci a amené une tran-
séries, une série inférieure KI très puissante gression avec érosion du pourtour du bassin
de caractère schisteux, qui correspond à la dont la conséquence a été un apport anormal
série inférieure Ul de DELHAYEet SALÉE, et de matériaux, qui ont pu être distribués sur
des aires considérables à l'intérieur du bassin
une série supérieure K2 dans laquelle sont
et qui ont formé des dépôts d'eau peu pro-
comprises les séries U2 et U3 de ces auteurs.
La série inférieure à facies schisteux, par- fonde.
ticulièrement bien développée au Katanga, Semblable phénomène n'est pas instantané
au Kivu et au Ruanda-Urundi atteint une et s'est déjà amorcé à la fin de la période
épaisseur qui dépasse 2500 m. Kx. Sur le pourtour du bassin, dans les zones
La série supérieure, de composition moins où la transgression s'est manifestée, on trou-
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 219

ve ainsi généralement à la base des formations dérer qu'il faut faire sortir l'étage supérieur
K2, un conglomérat de transgression, dont K2c du système des Kibara, et qu'il faut
l'âge n'est pas nécessairement synchronique rapporter ces formations au système de la
dans toutes les régions. Bushimaie. (1)
La phase de transgression du début de la
La série sédimentaire du système du Wit-
période K2 s'est alors prolongée par une watersrand épaisse de quelque 7000 m. est
phase plutôt schisteuse. constituée par des sédiments argileux et aré-
JULES CORNET avait groupé dans un sys-
nacés à l'exclusion des calcaires.
tème, qu'il avait dénommé « Système du
Lubudi », des formations de couches de cal- Le tableau de la page 214 montre quelle
caires et de dolomies cherteuses accompagnées est la succession de ces importants dépôts et
de lits de grès (grès fcldspathiques et pyri- fait apparaître les subdivisions qui y ont été
reconnues.
teux) de schistes argileux noirs, charbonneux
et pyriteux. On ne peut manquer d'être frappé par
Des études qui avaient été effectuées, au l'analogie des dépôts et de leur succession
cours de la guerre, dans la région du Lubudi dans les bassins du centre africain et de
par un géologue du Service Géographique et l'Afrique du Sud, qui devaient cependant
Géologique du C. S. K. (MORTELMANS,G.), être séparés l'un de l'autre. Les séries K1
il résultait que ces formations entrent dans et K2 du système des Kibara au centre afri-
le cadre des systèmes définis au Katanga et cain peuvent être parallélisées avec les séries
viennent se placer dans et au-dessus de « Lower » et « Upper Witwatersrand » de
l'étage K2b de la série supérieure, K2, du l'Afrique du Sud, sans vouloir cependant
système des Kibara (CAHEN, L., JAMOTTE,A., poser qu'il y a synchronisme parfait entre les
LEPERSONNE,J. et MORTELMANS). niveaux qui séparent les séries K3 et K2,
Par ailleurs, une étude complémentaire a d'une part, et celui qui se trouve intercalé
été effectuée dans la même région par F. entre les séries « Lower » et « Upper Wit-
SCHELLINCK,d'une part, et par R. DUMONT, wetersrand », d'autre part.
d'autre part. Les raccords que l'on peut tenter d'établir,
Ces études nous permettaient de donner à en première approximation, entre les forma-
notre série supérieure des Kibara K2, la forme tions du Kibara et les couches du Witwaters-
suivante : rand, indiquent qu'il existe des similitudes
jusque dans la division en étages.
i j b) Calcaires, calcaires dolomiti- L'existence d'une tillite dans le « Lower
I ques, souvent silicifiés, avec
Etage ) nombreux récifs d'algues. "Witwatersrand » en Afrique du Sud, de dé-
1 K2c a) Schistes sombres, généralement pôts saisonniers au centre africain, de té-
1 I charbonneux avec grès inter- moins de glaciation au Katanga, ainsi que
1 l calés.
les caractères essentiellement schisteux et
I I f b) Quartzites feldspathiques par- gréseux avec absence de calcaire dans les sédi-
ti, fois noirâtres, passant parfois ments de la série inférieure kibarienne, per-
rn I au conglomérat.
K2b I
K2&
Etage) mettent de supposer que le dépôt de ces cou-
œbi a) Schistes de teintes variables.
ches s'est fait sous un climat froid.
8
Quartzites et grès quartzitiques
Q.,.. Si les observations de G. MORTELMANS sont
» plus ou moins feldspathiques,
Etage de teintes variables. exactes, les traces d'origine glaciaire dans la
Ka Intercalations conglomératiques. sédimentation kibarienne existeraient jusque
2 Stratification entrecroisée et dans l'horizon
ripple-marks. supérieur de l'étage K2b, ce
qui prouverait que la mer kibarienne s'éten-
Une discordance nettement marquée est dait en climat froid jusqu'à ce moment.
observée entre K2b et K2c. Nous observons ainsi que les mers dans
Dans l'étage supérieur calcaro-dolomitique, lesquelles se sont déposés l'ensemble des sé-
K2c, G. MORTELMANS a observé des algues de diments kibariens jusqu'à la tête de l'étage
plusieurs genres, qui apparaissent sous forme K2Ô au centre africain, de même d'ailleurs
de bancs bien définis ou en récifs dont cer- que les sédiments du Witwatersrand en Afri-
tains atteignent de grandes dimensions. que du Sud, devaient se trouver pendant cette
Le résultat des levés effectués au cours de période, en région climatique froide.
la campagne de levés du Service géographique
et géologique 1947-48, nous amène à consi- (1) Voir note de la page 229, colonne droite.
220 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

c) LA COUPURESTRATIGRAPHIQUE ENTRE LE on le sait, parce que cette coupure de pre-


KIBARAET LE « COMPLEXEDE BASE ». — La mier ordre semble devoir passer entre la di-
puissante série sédimentaire, constituée par vision supérieure d'âge algonkien ancien et
le système des Kibara et les systèmes de la division inférieure, réputée archéenne, du
l'Urundi, du Karagwe-Ankole et du Witwa- Complexe de Base.
tersrand, trouve par définition sa limite infé- Les observations qui nous ont permis de
rieure dans la discordance de stratification déterminer la position de la limite entre le
qui la sépare des formations sédimentaires système des Kibara et le complexe de base
que l'on peut classer dans le complexe de base. dans les différentes régions ont été examinées
La coupure qui se dessine entre ces deux en détail dans un mémoire (l) où l'on trouve
groupes de formations géologiques doit indi- les renseignements utiles à ce sujet.
quer la limite qui sépare les formations infé-
rieures affectées par des mouvements tecto- d) LES INTRUSIONS GRANITIQUES KIBARIENNES.
niques et soumises ensuite sans doute à une — Nous avons vu plus haut qu'au centre afri-
période de dénudation avant que le dépôt des cain, les granites GA intrusifs dans le Base-
sédiments de la phase sédimentaire kibariennc ment Complex se présentent en général com-
se soit effectué. Elle doit aussi être la limite me des granites fortement gneissifiés bien
des intrusions éruptives qui ont pu envahir feuilletés, à biotite et alcalins (microcline)
le groupe sédimentaire du complexe de base incorporés dans des couches violemment mé-
lors de ces anciens mouvements tectoniques, tamorphisées.
ainsi que de la minéralisation liée à ces Dans le système des Kibara, apparaissent
intrusions. des intrusions de granités GB nées au cours
Le métamorphisme n'est pas un critère qui de la période des plissements kibariens. On
puisse être employé pour déterminer la posi- peut y distinguer deux phases intrusives suc-
tion de la limite entre les deux groupes de cessives : une première phase, qui s'est mani-
terrains. Le métamorphisme de contact ne festée avant ou pendant le développement
donne évidemment aucun renseignement à ce paroxysmal des plissements, a donné des
sujet, mais le métamorphisme régional se ré- granites GBI qui, par leur texture, souvent
vèle lui aussi généralement impuissant quoi- plus ou moins gneissique, montrent qu'ils ont
que, normalement, les terrains kibariens soient subi des effets de pression et qu'ils étaient
peu ou pas métamorphisés, tandis que ceux déjà en place lorsque les plissements, ou tout
du complexe de base le sont de façon très au moins la phase paroxysmale des plisse-
marquée. C'est que les plissements kibariens ments kibariens, se sont produits. La variété
qui. ont affecté l'ensemble des terrains des la plus abondante parmi ces granites GBI est
deux groupes et le retour en profondeur des porphyroïde et essentiellement biotique ; on
formations sédimentaires kibariennes dans le y trouve parfois de la muscovite, mais elle y
fond d'un géosynclinal semblent avoir parfois est souvent rare ou absente; les feldspaths y
permis au métamorphisme régional de se ma- sont alcalins et constitués surtout par de la
nifester dans le Kibara, tout au moins dans microcline.
la série inférieure de ce système. La seconde phase d'intrusion est survenue
Il n'en est pas moins vrai que dans cer- après le paroxysme des plissements et a don-
tains cas, là où les formations kibariennes se né des granites GB2 dont la texture ne montre
sont déposées sur le socle rigidifié du « Ba- pas de traces de cataclase due à ces mouve-
sement Complex » ou à la bordure du géo- ments. Elle aurait même pu être parfois un
synclinal kibarien, le passage des couches ki- peu plus tardive dans l'Uganda, où elle aurait
bariennes peu ou pas métamorphisées aux permis au granite et aux apophyses acides
formations anciennes très métamorphisées, se qui le prolongent, de s'introduire dans les sé-
fait par un saut de facies très brusque, sus- diments fortement fracturés après que tout
ceptible de déterminer sans ambiguïté la po- plissement avait cessé. GB2 est un granite
sition de la coupure. grossier pegmatitique, potassique, à musco-
Le problème qui consiste à déterminer dans vite qui est auréolé d'apophyses de pegmati-
la série stratigraphique la position de la base tes prolongées par des greisen et des quartz
du système des Kibara apparaîtrait, semble- stannifères. Ces apophyses diverses sont sou-
t-il, comme assez simple, si la coupure de la
base kibarienne se confondait avec celle qui
(1) ROBERTM. — Contribution à la géologie du
sépare les formations algonkiennes du soubas- Katanga. — Le système des Kibara et le Complexede
sement archéen. Ceci n'est pas le cas comme Base. (Mém. Inst. Royal Colonial Belge, T. VII, 1944.)
GÉOLOGIE DU CONGÔ BELGE 221

La falaise (altitude 1.300 m.) du plateau du Kundelungu et la plaine de la rivière Kasanga (altitude 875 m.),
affluent de droite de la Lufira. (Photo C. S. K.)

vent apparues durant la période avancée de base du système, peut s'étendre en transgres-
la phase d'intrusion des granites GB2. sion sur de larges espaces et sous le facies
Au centre africain, la minéralisation stan- subhorizontal.
nifère est liée aux granites GB. Certaines in- Les idées ayant beaucoup évolué à propos
trusions du granite GBl ont pu donner nais- de ce système, la littérature qui s'y rapporte
sance à de faibles venues d'étain, mais c'est pourrait paraître confuse. C'est pourquoi il
aux intrusions du granite GB2, déjà plus dif- nous semble utile de poser quelques jalons
férencié et de caractère pegmatitique que se le long de la voie qu'a suivie leur évolution
rattache, dans toute la région, la principale au sujet de cette question.
minéralisation stannifère. JULES CORNET a donné le nom de système
Au Maniéma et au Kivu, on trouve par- du Kundelungu à l'ensemble des formations
fois une faible minéralisation aurifère liée horizontales qu'il avait observées aux pla-
aux intrusions de roches éruptives apparues teaux du Kundelungu et du Biano et au
lors des mouvements orogéniques kibariens, « groupe des grès durs feldspathiques » du
L'or paraît être surtout en relation avec les Bas-Congo. Nous classons à présent ces cou-
intrusions du granite GB2, mais il s'agit tou- ches dans la série supérieure du système, du
jours de gîtes primaires trop peu importants Kundelungu.
pour pouvoir être mis en exploitation avec Il rapportait ces formations à une partie du
profit. système du Karroo de l'Afrique du Sud et
estimait qu'elles étaient probablement d'âge
20 Le groupe des terrains récents du permien.
soubassement continental. Les couches plissées du grand faisceau ar-
qué du Katanga méridional, dans lesquelles
a) UN MOT D'HISTORIQUE.— Le système nous avons reconnu plus tard les formations
du Kundelungu qui, avec le système schisto- kundelunguiennes, étaient considérées comme
dolomitique, constitue le groupe de terrains étant beaucoup plus anciennes.
dont il sera traité dans l'exposé qui suit, n'a En 1910-1911, dans la région du Katanga
pu être identifié, défini et caractérisé qu'avec située au Nord du faisceau plissé du Katan-
beaucoup de difficultés. Il s'agit, en effet, ga méridional, nous avons observé que la
de formations qui se présentent sous un facies série kundelunguienne de JULES CORNET se
subhorizontal et sous un facies plissé et où prolongeait vers le bas par des calcaires et
l'on peut distinguer deux séries dont la supé- un conglomérat-base à facies glaciaire. Ceci
rieure, souvent accompagnée du conglomérat- nous a amené à accepter le raccord de ces
222 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

formations avec le Karroo et à assimiler le sées dans le système du Kundelungu et dans


conglomérat-base glaciaire à celui de la le système schisto-dolomitique.
Dwyka. E. GROSSE et F. DELHAYE ont, eux L'exposé succinct qui va suivre est en som-
aussi, adopté cette manière de voir. me un raccourci de l'étude développée dans
En 1923, nous avons pu établir que les ce mémoire.
formations qui existent dans toute la zone Le tableau de la page 214 donne l'échelle
stratigraphique générale des deux systèmes,
leur division en séries et les étages qui se
succèdent depuis la base jusqu'au sommet de
l'échelle. Il définit les raccords que nous éta-
blissons entre ces formations et celles de
l'Afrique australe, ainsi que la position que
nous leur attribuons dans l'échelle stratigra-
phique universelle.
Le groupe de ces formations se différencie
nettement du groupe des formations plus an-
ciennes, dont il est séparé par une forte dis-
cordance provoquée par les plissements kiba-
riens. Il se différencie d'une manière plus
nette encore du manteau des couches conti-
nentales qui lui est superposé, non seulement
Vue générale sur le plateau du Kundelungu. dans les régions où les couches du soubasse-
(Photo C. S. K.) ment ont subi l'influence des plissements de
la période orogénique kundelunguienne, mais
du faisceau plissé du Katanga méridional aussi dans les régions où les couches du Kun-
n'appartiennent qu'à deux systèmes : le sys- delungu se présentent sous leur facies sub-
tème du Kundelungu et le système schisto- horizontal. La période de dénudation intense,
de longueur encore indéterminée, qui a suivi
dolomitique. Le conglomérat glaciaire-base du
Kundelungu se développe largement dans l'émersion du massif continental vient, en
cette région. effet, s'intercaler entre les formations kun-
delunguiennes du soubassement et celles du
En 1929, les fossiles végétaux trouvés dans
manteau continental horizontal et subhorizon-
la série de la Lukuga, du système du Lualaba-
tal qui leur sont superposées.
Lubilash, prouvaient définitivement que ce
système doit être raccordé au système du
Karroo et que le système du Kundelungu Un étage très important sépare le système
est plus ancien. schisto-dolomitique du système du Kundelun-
En 1934, la série stratigraphique du Kun- gu. Il est constitué par des formations gla-
déterminée avec ciaires, parmi lesquelles on peut reconnaître
delungu était partiellement d'anciennes moraines ainsi que des dépôts
précision et nous admettions que le plus sou- C'est à de telles formations
fluvio-glaciaires.
vent elle s'étendait seule, avec à sa base le
que s'applique le terme « drift » des anglais.
conglomérat glaciaire, en dehors du géosyn- A la tête de ces dépôts, se présentant sous
clinal du Katanga méridional. Cette manière
de voir s'est vérifiée en 1938-1939. l'aspect d'un épais conglomérat, on peut sou-
vent trouver des parties remaniées lors de la
Nous arrivons ainsi aux idées actuelles. transgression du Kundelungu inférieur. Ce
sont ces couches de conglomérat glaciaire re-
b) LE SYSTÈMESCHISTO-DOLOMITIQUE ET LE manié qui doivent être regardées comme le
SYSTÈMEDU KUNDELUNGU.— Le groupe des véritable conglomérat-base kundelunguien. Le
terrains récents du soubassement continental conglomérat glaciaire n'est considéré comme
a pu être étudié d'une manière détaillée grâce base du système du Kundelungu que par
surtout aux levés systématiques effectués par extension.
le Service Géographique et Géologique du Ce conglomérat glaciaire, largement déve-
Comité Spécial du Katanga, dans la région loppé au centre africain, témoigne de l'exis-
du Katanga méridional. tence, dans certaines de ces régions, de vastes
Un mémoire paru récemment, met au point calottes glaciaires au début de la période kun-
les connaissances acquises jusqu'ici au sujet delunguienne. On retrouve dans le monde, et
de ces formations géologiques, qui sont clas- plus particulièrement dans l'hémisphère Sud,
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 223

les traces de calottes semblables qui ont dû se rencontre dans la zone localisée et assez ex-
développer à une même époque géologique ceptionnelle du Katanga méridional plissé,
que nous localisons vers la fin de la période sont très différentes de celles restées horizon-
algonkienne. Il apparaît ainsi que le conglo- tales ou subhorizontales qui se développent
mérat glaciaire n'est pas seulement un repère dans les régions où la plate-forme continen-
souvent utile pour établir la différenciation tale a résisté aux mouvements orogéniques
entre le système du Kundelungu et le sys- kundelunguiens.
tème schisto-dolomitique, mais qu'il joue un Dans le géosynclinal katanguien se succè-
rôle de grande importance pour nous permet- dent, de bas en haut, les puissantes séries du
tre de fixer l'âge de ces formations et de Schisto-Dolomitique inférieur, du Schisto-
déterminer quelle est leur situation dans Dolomitique supérieur, du Kundelungu in-
l'échelle stratigraphique générale. férieur et du Kundelungu supérieur. Seul
Les traces morainiques que l'on trouve l'étage le plus élevé de cette dernière série
dans le conglomérat de la série supérieure du est absent ou tout au moins peu représenté,
Kundelungu et qui semblent parfois exister soit qu'il n'ait jamais existé dans cette région,
aussi dans le petit conglomérat de la série de soit qu'il en ait été enlevé par les actions
Mw&shya du système schisto-dolomitique, érosives.
n'ont pas du tout la même signification, car Les bordures du géosynclinal, de même que
ces dernières traces appartiennent à notre les plates-formes continentales rigides envi-
avis à des glaciations d'altitude localisées. ronnantes, n'ont pas généralement été large-
ment envahies par la sédimentation pendant
Les formations classées dans les systèmes les périodes du Schisto-Dolomitique inférieur
schisto-dolomitique et kundelunguien sont dé- et du Kundelungu inférieur, à part le conglo-
finies d'une manière suffisamment précise, mérat glaciaire qui a une extension générale.
quoique succincte, dans le tableau de la page Elles portent des traces peu épaisses et plutôt
214. localisées des sédiments de la série supérieure
Une description du Schisto-Dolomitique ou série de Mwashya.
complète et détaillée de
chacune des assises qui y figurent est donnée Les choses se sont passées comme si, aux
dans le mémoire déjà mentionné plus haut. transgressions marines dans les synclinaux,
L'ensemble de ces sédiments peut se pré- correspondaient des régressions sur les socles.
senter sous deux facies distincts : un facies A l'époque du Kundelungu supérieur, les
plissé et un facies horizontal ou subhorizontal. sédiments s'étendent largement sur les plates-
Le facies plissé caractérise plus particuliè- formes et nous voyons, notamment, l'étage
rement les régions en géosynclinal ou en dé- supérieur de la série supérieure kundelun-
pression où les couches, après s'être accumu- guienne, qui fait défaut dans la zone géo-
lées sous de fortes épaisseurs, ont été violem- synclinale, se propager en couches souvent
ment plissées. puissantes et largement étendues sur les socles.
Ce facies apparaît le mieux développé dans Tandis que l'étage inférieur de la série
supérieure kundelunguienne a un facies marin
la région du Katanga méridional, où l'en-
semble des couches des systèmes schisto-dolo- et s'est déposé en eau assez peu profonde,
mitique et kundelunguien l'étage supérieur présente plutôt un facies en
déposées dans un partie continental et même parfois à caractère
géosynclinal, à allure de sillon intra-conti-
nental, peut atteindre une épaisseur de 5000 désertique ou subdésertique.
à 6000 m. Le petit conglomérat que l'on trouve à la
base de la série supérieure du Kundelungu
Un large bourrelet arqué, plissé par les
est, en général, un simple horizon de cailloutis
poussées du cycle orogénique kundelunguien, marin. C'est une formation marine de trans-
s'y dessine. gression sur les socles. Dans certaines zones,
Le facies horizontal ou subhorizontal se et notamment dans l'aire des degrés carrés
développe beaucoup plus largement que le de Lukafu et de Mokabe-Kasari, il peut ren-
facies plissé; il s'étend dans toutes les régions fermer des cailloux striés, ce qui permet de
où la plate-forme continentale, restée rigide, supposer qu'il existait à ce moment, dans
a résisté aux poussées orogéniques de la pé- la région, des glaciers d'altitude localisés, qui
riode des plissements kundelunguiens et a ont fourni des moraines de glaciers de vallées
permis aux sédiments qui la recouvrent de dont les éléments se trouvent à l'état remanié
conserver leur allure calme. dans le petit conglomérat.
Les accumulations sédimentaires, que l'on L'échelle stratigraphique typique du sys-
224 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

tème schisto-dolomitique et du système du dans l'Uganda, en Afrique australe, dans les


Kundelungu, établie, d'une part, pour les zo- couches de la série de Prétoria du système du
nes locales du géosynclinal et, d'autre part, Transvaal, dans l'Inde péninsulaire, en
pour les régions largement étendues des pla- Australie, au Brésil et aussi en Asie, en Amé-
tes-formes continentales, montre que, dans de rique du Nord et même en Europe.
nombreuses régions, le groupe des terrains du Les formations glaciaires de cette impor-
Schisto-Dolomitique et :du Kundelungu se tante période peuvent être raccordées avec
réduira souvent uniquement à la série supé- de très grandes probabilités et leur position
rieure du Kundelungu, comportant à sa base dans l'échelle stratigraphique peut être dé-
un petit conglomérat de transgression. Dans terminée grâce à des couches fossilifères qui
des- régions assez étendues apparaît cepen- les accompagnent parfois. Elles se localisent
dant aussi, au-dessous de la série supérieure vers la fin de l'Algonkien ou le début du
de ce système, le conglomérat glaciaire consi- Cambrien et doivent être sans doute datées
déré comme étant par extension la base du plutôt de la fin de la période algonkienne.
système du Kundelungu. Quant aux couches Nous considérons cependant la partie rema-
du Schisto-Dolomitique, elles ne se dévelop- niée de ces formations, qui constituent en
pent norinalement que dans le géosynclinal. réalité le véritable conglomérat-base du systè-
Elles peuvent cependant apparaître sur les me du Kundelungu, comme étant d'âge
socles et plus particulièrement dans des dé- cambrien.
pressions ou des sillons peu profonds, qui Les raccords que l'on peut établir grâce
sont sans doute des zones subsidentes ayant
aux périodes glaciaires sont donnés en détail
affecté la plate-forme continentale rigidifiée.
dans la publication intitulée : Les traces de
C'est le cas notamment pour la région du
Nord-Ouest de Katanga glaciation et les périodes climatiques glaciai-
prolongée dans le res au Katanga et en Afrique australe par
bassin du Kasai.
M. ROBERT, Comité spécial du Katanga, pu-
blications relatives à la carte du Katanga,
c) LES RACCORDS. — Le raccord des forma- OP. 13, 1947.
tions qui paraissent devoir être rapportées La venue d'uranium de Shinkolobwe (Ka-
aux systèmes schisto-dolomitique et du Kun- tanga) est liée aux terrains du système
delungu et que l'on rencontre largement dis- schisto-dolomitique, sous-jacent aux couches
tribuées, non seulement au centre africain et du Kundelungu.
en Afrique, mais aussi dans les continents de L'âge de cette venue est d'environ 600 mil-
l'hémisphère Sud, ne peut pas encore être lions d'années et l'on sait, par ailleurs, que
appuyé sur l'argument fossilifère, seul déci- la base du primaire date de quelque 500 mil-
sif. C'est pourquoi nous nous sommes trouvé lions d'années.
devant la nécessité de tenter de résoudre le La venue uranifère katanguienne doit être
problème des raccords et celui de l'âge à antérieure à la grande glaciation de la base
attribuer aux systèmes schisto-dolomitique et du Kundelungu, mais, en réalité, nous ne pos-
du Kundelungu, en nous basant sur un fais- sédons pas encore de preuve absolument cer-
ceau d'arguments convergents, mais dont taine qu'il en est bien ainsi. On peut cepen-
chacun pris isolément peut n'avoir qu'un dant considérer, jusqu'à preuve du contraire,
poids faible, à part cependant l'argument que cette venue uranifère se situe vers la fin
fourni par l'existence d'une grande période du Précambrien et que la grande période
glaciaire et dont la position dans l'échelle glaciaire kundelunguienne est d'âge fin Al-
stratigraphique semble devoir être confirmée gonkien ou début Cambrien.
par la venue uranifère du Katanga. C'est la Les traces de glaciation observées dans le
solution trouvée par cette méthode que nous petit conglomérat de la série supérieure du
donnons ci-dessous. Nous la considérons Kundelungu pourraient nous inciter à syn-
comme étant actuellement la meilleure, sans chroniser cet horizon à la glaciation des
cependant pouvoir affirmer qu'elle soit « Table Mountain Sériés » (Silurien supérieur
définitive. ou Dévonien inférieur) du système du Cap.
La période glaciaire, qui s'est manifestée Comme il s'agit de glaciations d'altitude très
au début du Kundelungu, s'est développée peu étendues, nous n'attribuons qu'un poids
trop largement au Congo pour qu'on puisse très faible à un tel essai de raccord.
la considérer comme un accident local. Des Nous avons tenté d'établir nos raccords en
témoins de cette glaciation sont rencontrés au nous appuyant aussi sur les périodes de plis-
Bas-Congo, dans la région orientale du Congo, sements. Quoique cet argument ait un poids
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 225

assez faible, lorsqu'il s'agit. de tenter des schistes et grès d'allure horizontale ou sub-
synchronismes à grande distance, il peut avoir horizontale. Des calcaires impurs, compris
plus de valeur et être plus utile à l'intérieur dans ces formations, renferment des traces
d'une même province métallogénique. d'organismes ressemblant à des Collenia.
Quant à l'argument fossilifère, il doit être Les couches de la Volta sont surmontées
manié avec beaucoup de prudence lorsqu'on par les formations du système. dAccra qui
ne dispose ni de faunes ni de flores et que renferment des fossiles marins (Trilobites,
l'on doit se contenter de traces d'organismes, Lamellibranches, Brachiopodes, Potéropodes
dont la signification chronologique n'a pas et Gastéropodes) permettant de fixer leur
encore pu être déterminée. âge à la mi-Dévonien (JUNNER,N. R.).
Depuis longtemps déjà des traces d'orga- En première approximation, nous rappor-
nismes rapportés à des algues marines ont tons les couches de la Volta et celles d'Accra
été découvertes dans une assise de calcaire au système du Kundelungu.
oolithique de l'étage 1 de la série supérieure R. FURON (juin 1947) confirme l'existence
du système du Kundelungu au Katanga du Cambrien marin dans l'Ouest africain.
(CHOUBERT,B.). Ce Cambrien est transgressif et discordant
Des traces d'algues marines considérées sur le socle précambrien et sa base comporte
par L. CAYEUXcomme indiquant un âge qui souvent des traces d'un épisode continental
pourrait être silurien, ont aussi été trouvées (grès feldspathiques, tillite ou pseudo-tillite).
dans des horizons de calcaires oolithiques du Il est surmonté par des couches ordoviciennes
Bas-Congo, que nous considérons comme kun- transgressives, qui débutent par un conglomé-
delunguiens. rat à petits cailloux de quartz.
Des traces d'algues, considérées comme Le Cambrien marin défini par R. FURON
étant des Collenia ont été signalées (SALÉE, contient des Radiolaires (Guinée et Soudan),
A.), dans le système de la Lumpungu du des Stromatolithes (Mauritanie, Côte d'Ivoire,
Ruanda-Urundi ainsi que dans la « Mala- Gold Coast) et notamment les calcaires dolo-
garasi Sériés » du Tanganyika Territory. Les mitiques à Collenia de la Haute Côte d'Ivoire
échantillons soumis à des spécialistes ont été (Bobo-Dioulasso ).
rapportés au genre Cryptozoon. R. FURON rappelle qu'en 1946, avec
Rappelons que des traces d'algues fossiles C. KILIAN et N. MENCHIKOFF,il a pris posi-
rapportées au genre Girvanella (Girvanella tion en faveur de l'âge cambrien des calcaires
Roberti) ont été découvertes par A. HAC- à Stromatolithes en Afrique en y incluant,
QUAERTdans des oolithes siliceuses de la série en particulier, les couches d'Oti que l'on
supérieure (série de Mwashya) du système trouve, en Gold Coast, à la base des couches
schisto-dolomitique. Ces algues peuvent de la Volta.
s'étendre du Cambrien au Jurassique, ce qui Cette étude confirme ce que nous disions
n'exclut pas la possibilité de leur âge pré- plus haut au sujet des couches de la Volta
cambrien. et tend à appuyer le raccord que nous y
Des roches stromatolitiques ont été obser- établissons entre les couches de la Volta et
vées dans la « Dolomite Sériés » du système d'Accra avec le système du Kundelungu. Elle
du Transvaal. tend aussi à confirmer le raccord que nous
faisons plus loin entre les couches du Katan-
A la Gold Coast, s'étendent largement des
ga et celles du Bas-Congo.
dépôts glaciaires (tillite) que nous paralléli- L'étude de R. FURON prouve que dans
sons avec la grande formation glaciaire de la
l'Ouest africain, le Cambrien marin contient
base du système du Kundelungu ou, plus des Stromatolithes et notamment des Collenia,
exactement, à la période intercalée entre le mais nous savons, par ailleurs, qu'au Katanga
système schisto-dolomitique et le système du
et en Afrique australe, on trouve des Colle-
Kundelungu. Ces dépôts militent en faveur
de la grande extension de la calotte glaciaire nia dans les formations précambriennes.
Notons, par ailleurs, qu'au Brésil, les
prékundelunguienne. fossiles de la série de Bambuhy, que je paral-
La tillite de la Gold Coast se trouve dans lélise avec la série supérieure du Kundelungu,
la partie supérieure des couches de Buem, où
permettent de présumer de leur âge silurien
elle est surmontée par un groupe de nappes ou dévonien.
volcaniques. En partant des divers arguments dont
Les couches d'âge plus récent, dénommées nous pouvions disposer, nous avons tenté de
couches de la Volta consistent surtout en localiser nos systèmes schisto-dolomitique ét

8
226 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

du Kundelungu dans l'échelle stratigraphique nues (CAHEN, L., JAMOTTE, A., LEPERSONNE,
universelle comme le montre le tableau sché- J., MORTELMANS,G.).
matique donné plus haut p. 207; les raccords Dans la région katanguienne des Marungu
avec les formations de l'Afrique du Sud y (VANDENBRANDE,P. et JAMOTTE,A.) ont été
sont aussi figurés. observés des calcaires construits, notamment
par des Collenia, dans des formations consi-
Plus récemment, des traces d'organismes, dérées comme devant appartenir au système
des bancs et des récifs de calcaires construits schisto-dolomitique, mais dont le raccord géo-
ont été découverts dans de nombreux hori- métrique n'a cependant pas été réalisé par
zons calcaires des séries sédimentaires appar- des levés effectués de proche en proche.
tenant aux couches du soubassement congo- Nous notons que l'argument fossilifère,
lais (CAHEN, L., JAMOTTE,A., LEPERSONNE,J. apporté par les calcaires construits algaires,
et MORTELMANS, G.). tend à confirmer la position, dans l'échelle
D'après ces auteurs les calcaires construits stratigraphique générale, des formations du
du soubassement ancien congolais auraient soubassement ancien du Katanga, déterminée
été érigés par des algues du genre Collenia en s'appuyant sur d'autres arguments.
ainsi que par d'autres espèces d'algues rap- Le raccord de la période glaciaire kundelun-
portées au groupe des Cyanophycées et aussi, guienne, avec la tillite de la série de Prétoria
peut-être, à des Chlorophycées primitives. De et du système schisto-dolomitique avec les
tels calcaires construits et de tels organismes formations du système du Transvaal sous-
ont été observés, jusqu'à présent, notamment jacentes à cette tillite est aussi mieux stabilisé.
au Katanga, c'est-à-dire dans la région où Nous estimons que l'âge primaire attribué
les séries sédimentaires du soubassement an- au système du Kundelungu et l'âge précam-
cien paraissent être le plus complètes et où brien du système schisto-dolomitique et des
la succession géométrique des systèmes et formations sous-jacentes, peuvent être à pré-
de leurs séries est le mieux déterminée. sent considérés comme étant suffisamment
On le trouve dans les calcaires dolomitiques déterminés.
classés précédemment dans un étage K2c du En dehors du territoire du Katanga, on
système des Kibara (CAHEN, L. et MORTEL- a signalé des calcaires construits à Collenia
MANS,G.). Ce sont des calcaires construits par dans les calcaires dolomitiques de la Lindi
des algues de plusieurs genres, assez primi- situés en dessous du conglomérat glaciaire
tives, et qui forment des bancs et des récifs (SLUYS,M.).
parfois de grandes dimensions. Des algues Rappelons l'existence des calcaires à Col-
rapportées au genre Collenia y existent, mais lenia signalés par A. SALÉE dans le système
il semble qu'elles y soient assez rares. de la Lumpungu et dans la « Malagarasi
Dans les formations calcaro-dolomitiques du Séries ».
à la Au Bas-Congo (CAHEN, L., JAMOTTE, A.,
système schisto-dolomitique, appartenant
série inférieure de ce système, jusqu'à hau- LEPERSONNE,J. et RONCHENNE)ont été trou-
teur du conglomérat de Mwashya, A. JAMOT- vés des calcaires construits, en bancs et en
TE (JAMOTTE, A. et VANDEN BRANDE, P.), a récifs de notable dimension, dans les calcaires
découvert des calcaires construits par des dolomitiques localisés en dessous du conglo-
mérat glaciaire et rapportés au système de
algues du genre Collenia et notamment Col-
lenia undosa WALCOTT. Sekelolo. Ces algues, encore assez mal défi-
nies, présentent certaines analogies avec celles
Il n'a pas été trouvé, jusqu'à présent, de existant dans l'étage supérieur calcaro-dolo-
calcaires construits dans les couches du systè- considéré comme
mitique, précédemment
me du Kundelungu au Katanga.
l'étage K2C du système des Kibara.
Aux traces d'organismes signalées plus Dans la série schisto-calcaire, localisée au-
haut, dans ce système, il faut ajouter l'exis- dessus du conglomérat glaciaire, ont été trou-
tence de traces microscopiques d'algues loca- vés plusieurs horizons de calcaires construits
lisées dans un horizon cherteux de la série en bancs et récifs par des algues appartenant
supérieure du Kundelungu (JAMOTTE,A.). surtout au genre Collenia.
Dans les couches du système de la Bushi- Nous tenons à faire observer que les consi-
maie, étendues dans la région Nord-Ouest du dérations émises par les auteurs sus-mention-
Katanga et prolongées au Kasai, des calcai- nés ne pourront être admises, définitivement,
res construits par des algues rapportées aux qu'après que les études nécessaires auront
genres Collenia et Conophyton ont été recon- été faites.
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 227

Dans la note qu'il consacre aux algues cal- relègue la tête du système des Kibara dans
caires trouvées dans la région voisine du l'Algonkien moyen ou, en tout cas, dans
confluent Lubilash-Bushimaie, P. SCHNOCK l'Algonkien déjà ancien. Une erreur d'éva-
observe que, dans un même récif, au même luation trop forte de l'âge de la venue de
niveau ou à des niveaux différents, on voit Shinkolobwe, ne pourrait pas corriger sensi-
fréquemment une algue se modifier progres- blement cette position.
sivement; ce phénomène, d'après l'auteur, La position que nous donnons à la grande
serait vraisemblablement dû à l'influence pré- période glaciaire kundelunguienne rejette les
dominante des conditions de pureté de l'eau. systèmes schisto-dolomitique et des Kibara
Les variations des algues sont telles que les dans le Précambrien.
déterminations spécifiques basées sur les des- Les traces d'organismes, sans doute des
criptions morphologiques paraissent, à l'au-
algues calcaires, du Schisto-Dolomitique, plai-
teur, sujettes à caution et nous exprimons le dent en faveur de l'âge précambrien de ces
même avis en considérant, par ailleurs, qu'il couches.
serait erroné de vouloir leur faire jouer, dès
L'orogénie kibarienne, à laquelle est liée
à présent, un rôle stratigraphique semblable
la minéralisation stannifère, si elle était située
à celui des faunes et des flores fossiles. On
au Silurien ou au début du Dévonien, repor-
peut, cependant, espérer que l'étude des al- terait la grande glaciation kundelunguienne
gues fossiles fournira des arguments suscep-
au moins vers la fin du Dévonien et l'orogé-
tibles de faciliter certains raccords.
nie kundelunguienne avec sa minéralisation
cuprifère au Carbonifère tardif, ce qui est
Une découverte fossilifère importante a été en contradiction avec l'âge des dépôts du
faite au Maniéma, dans la région de la Bilati Karroo.
(PASSAU,G.). Nous sommes ainsi amené à conclure, ou
Il s'agit d'un Céphalopode qui appartient bien que la détermination fossilifère envisa-
aux Orthocératidés. Un second exemplaire de gée ci-dessus n'est pas exacte ou, si elle est
ce fossile a été trouvé récemment (PASSAU,G.). exacte, que les couches dont provient le fos-
Les couches dans lesquelles ont été décou- sile n'appartiennent pas au système des
verts ces fossiles sont des schistes phylladeux Kibara.
et pyritifères; elles sont parallélisées actuel-
lement par des géologues de la Compagnie Au Katanga. — C'est au Katanga méri-
des Grands Lacs à la série supérieure U 3 dional, au Sud-Est de l'ancienne chaîne des
du système de l'Urundi. L'un d'eux avait Kibara, que le groupe des terrains récents du
cependant proposé le raccord avec l'étage in- soubassement continental a été le mieux
férieur du système schisto-dolomitique du étudié.
Katanga. Dans une région Nord, où se déroule no-
S'il s'agit bien d'un fossile dont la déter- tamment le plateau du Kundelungu, règne le
mination est confirmée par des spécialistes, facies horizontal. Seule la série supérieure
l'argument paléontologique permettrait de du système du Kundelungu y est bien déve-
rapporter les formations fossilifères au Silu- loppée; la série inférieure kundelunguienne
ro-Cambrien. La découverte dans la m,ême est absente, à part, bien entendu, le conglo-
région d'autres traces fossilifères, non déter- mérat-base glaciaire qui y est bien développé.
minables, avait été annoncée, mais elle n'a , Le système schisto-dolomitique n'y est re-
pas été confirmée. Par ailleurs, le moule d'un présenté que par quelques lambeaux peu im-
grand fossile végétal vient d'être découvert portants et très localisés de la série de
dans des formations rapportées à l'étage U2 Mwashya.
ou Ul du système de l'Urundi. Le passage du facies horizontal au facies
Nous ne discutons pas l'âge des couches, plissé se fait d'une manière graduelle.
s'il est défini par l'argument paléontologi- Au Sud du Katanga méridional, se dessine
que, mais nous estimons que ces formations le faisceau plissé. Il présente une forme ar-
ne peuvent pas être rapportées au système quée à concavité dirigée vers le Sud, d'où est
des Kibara. venue la poussée orogénique qui a provoqué
La venue de pechblende de Shinkolobwe, sa formation.
vieille de 600 millions d'années, s'est proba- De direction grossièrement Est-Ouest dans
blement faite à la fin de la période schisto- sa zone centrale, le faisceau a une branche
dolomitique avant la formation du grand orientale qui se dirige vers le Sud-Est et
conglomérat glaciaire kundelunguien, ce qui aboutit dans le territoire rhodésien, tandis
228 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

que sa branche occidentale tend à prendre des couches depuis la base du conglomérat
une direction symétrique à la précédente et kundelunguien est interrompue vers le bas
à s'orienter du Nord-Est vers le Sud-Ouest de la série et vers l'axe des anticlinaux par
pour se prolonger jusque dans l'Angola, dans un accident concrétisé par une brèche.
la région du Haut-Zambèze. On passe alors à des paquets axiaux qui,
C'est dans cet énorme faisceau arqué, étant entourés de brèches, apparaissent sous

Le faisceau arqué des plissements kundelunguiens au Katanga méridional.

s'étendant sur une longueur de quelque 500 forme d'écaillés, de noyaux, en paquets par-
km. et sur une largeur d'une centaine de fois très volumineux. On y trouve des couches
kilomètres, que se localisent les gîtes de cui- qui appartiennent à l'étage supérieur de la
vre du Katanga méridional et du Nord rho- série inférieure du Schisto-Dolomitique ap-
désien. pelé « série des mines ».
Dans les formations plissées du Katanga L'étage inférieur de la série inférieure du
Schisto-Dolomitique n'apparaît pas dans les
méridional, les couches du système schisto-
dolomitique n'apparaissent en affleurements paquets axiaux coincés entre les brèches, dans
la région centrale du Katanga méridional.
qu'aux axes des anticlinaux. Remarquons ce-
On le trouve par contre dans les régions de
pendant qu 'on les retrouve aussi dans les nap-
loca- l'aile orientale du Katanga et dans la zone de
pes de charriages, plus particulièrement
lisées dans la zone occidentale et centrale de la Rhodésie du Nord voisine, où cette série
l'arc plissé. Aux axes anticlinaux, peuvent plus complète est représentée jusqu'à sa base
être distingués deux sortes d'affleurements. et où elle est dénommée série de Roan.
Immédiatement en-dessous du grand conglo- Dans cette zone Sud-Est de l'arc plissé du
mérat et en concordance générale avec lui Katanga méridional, il semble y avoir con-
en position normale, les couches cordance de stratification entre la série infé-
affleurent,
de la série supérieure du Schisto-Dolomitique rieure et la série supérieure schisto-dolomi-
ou série de Mwashya. La succession régulière tique, mais il est impossible de retrouver
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 229

trace d'une telle concordance dans les parties Nous avons vu que l'étage K2c, précédem-
centrales de l'arc, où les paquets de la série ment placé à la tête du système des Kibara,
des mines sont toujours entourés de brèches. doit à présent être rapporté au système de la
Par ailleurs l'existence d'un petit conglomé- Bushimaie.
rat à la base de la série de Mwashya nous Lors de l'avant-dernière campagne de levés
amène à considérer que les premiers mouve- du Service Géographique et Géologique dans
ments du cycle orogénique kundelunguien ont la zone occidentale du Katanga, les géologues
dû se produire dès le début de l'époque du du Service avaient reconnu et défini le sys-
Schisto-Dolomitique supérieur. (l) tème de la Bushimaie. Ils l'avaient rapporté
A part ces premiers mouvements de peu au système schisto-dolomitique et même à la
d'intensité, nous sommes cependant en droit série inférieure du Schisto-Dolomitique. Nous
de considérer que l'ensemble sédimentaire avons jugé devoir revenir sur cette question.
constitué par les couches du système schisto- Les observations effectuées jusqu 'ici ne per-
dolomitique, de sa série inférieure surmontée mettent pas d'affirmer que le système de la
de sa série supérieure, jouit d'une concor- Bushimaie soit nécessairement plus ancien
dance générale. que le Kundelungu et qu'il doive être rap-
Lès accidents tectoniques très marqués, que porté au système schisto-dolomitique.
nous observons entre les paquets entourés de Par ailleurs, jusqu'à présent, il a été im-
brèches de la série des mines et les couches possible, comme nous l'aurions voulu, d'éta-
de la série de Mwashya, se sont produits blir des raccords directs entre les couches de
à une date ultérieure, en tout cas après le la Bushimaie et celles du Katanga méridional
dépôt des couches de Mwashya. par des levés effectués de proche en proche
Le paroxysme des plissements kundelun- au travers de la zone de la chaîne kibarienne.
guiens est sans doute survenu vers la fin de De tels raccords, avec levés de proche en
la période kundelunguienne, se répercutant proche, ne pourront être sans doute réalisés
dans les socles stables environnant le géosyn- qu'en faisant un long détour vers le Nord.
clinal, sous forme de plis de fond, mais en En attendant que ce dernier travail puisse
n'affectant guère leur couverture kundelun- être exécuté, nous devons nous efforcer de
guienne, qui a pu ainsi conserver dans ces trouver des arguments de poids suffisant
zones son allure calme, horizontale ou sub- pour pouvoir déterminer la position précise
horizontale. des couches du système de la Bushimaie
C'est sans doute vers la fin du paroxysme dans l'ensemble géologique constitué par la
que les poussées orogéniques ont provoqué, succession suivante :
dans le géosynclinal, la formation des impor- Série supérieure.
tants charriages du second genre, de char- Système du Kundelungu Série inférieure.
riages cisaillants, en coups de pelle, qui ont Tillite
donné naissance aux vastes nappes observées Série supérieure.
dans la zone frontale du bourrelet plissé oc- Système schisto-dolomitique Série inférieure.
cidental et central du bassin cuprifère katan- Le problème de ce raccord n'est pas réso-
guien. lu. Il pourrait se faire avec l'une ou deux des
d) LE SYSTÈMEDE LA BUSHIMAIE.— Dans séries qui se succèdent dans le tableau ci-
la partie du Katanga située au Nord-Ouest dessus, la série supérieure du Kundelungu
de la grande chaîne kibarienne, on trouve n'étant pas exclue. (1)
des formations du soubassement ancien, qui En tout cas, on n'a pas trouvé jusqu'à
doivent être rapportées au système de la Bus- présent de traces de l'extension occidentale
himaie, système qui se propage d'ailleurs de la tillite dans la région de l'Ouest du
plus à l'Ouest, dans la région du Kasai. Katanga, au delà de la chaîne kibarienne.
Dans la série supérieure, calcareuse et do- La grande calotte glaciaire qui a recouvert
lomitique de ce système, apparaissent des tout le Katanga méridional, à cette époque,
horizons divers et notamment des calcaires semble donc s'être limitée à proximité du
renfermant les formes dénommées Collenia et bourrelet kibarien à l'Ouest.
Conophyton. Il n'a pas été non plus trouvé jusqu'ici
Quant à la série inférieure, elle est surtout dans la région occidentale, de dépôts du
gréseuse et conglomératique.
(1) Les missions du S. G. G. 1940.1941et 1947.1948
(1) Dans la région de Fungurume, on observe un n'ont pas permis de résoudre ce problème ni celui de
étage, dénommé étage de la Dipéta, qui forme une
transition de sédimentation continue entre l'étage de la signification réelle de l'étage K2c rapporté provi-
la c Série des Mines > et la série de Mwashya. soirement au système des Kibara,
230 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

Kundelungu supérieur, contrairement ce à Au Congo occidental. — Cette région se


quoi on aurait dû s'attendre, si l'on s'en présente, non comme un géosynclinal qui
rapporte aux phénomènes de transgression qui pourrait être parallélisé avec celui du Ka-
se sont manifestés au cours de cette période. tanga méridional, mais comme un sillon de
Du fait des accidents tectoniques dans subsidence. Il existe, dans cette région, un
lesquels la série des mines est toujours incor- important conglomérat glaciaire dans lequel
porée, l'ordre de la succession normale ou ont été trouvés des cailloux striés assez rares
renversée des assises qui la constituent, ne et de nombreux cailloux rabotés.
peut pas encore être déterminée avec une En nous appuyant sur l'existence d'une
certitude absolue. L'ordre figurant au ta- grande période glaciaire au Katanga et au
bleau, est celui adopté par les géologues de Bas-Congo, et en donnant à cet argument
l'Union Minière et est basé sur les observa- climatique un poids très fort, quoique non
tions faites en détail et en profondeur dans décisif, nous avons tenté d'établir un raccord
les gîtes de cuivre de la région. entre les formations du Bas-Congo et les
L'ordre inverse est celui que nous avions systèmes du Kundelungu et schisto-dolomi-
adopté à la suite des premiers levés effectués tique du Katanga.
par le Service Géographique et Géologique, Pour faire ce raccord, nous avons aussi
c'est cet ordre qui figure dans le « Katanga tenu compte de l'observation de L. CAYEUX
Physique » (ROBERT, M.). Il s'appuyait sur relative aux traces d'algues marines observées
une observation de VANDENBRANDEet aussi dans des horizons de calcaires oolithiques du
sur un argument climatologique auquel nous Bas-Congo et nous avons, par ailleurs, donné
accordions un faible poids, mais cependant un certain poids, assez faible cependant, à
un certain poids. La silicification, qui affecte l'argument tectonique.
souvent les formations de la série de Comme il s'agit au Katanga et au Bas-
Mwashya, affecte aussi de préférence la
Congo, de bassins de sédimentation séparés,
partie de la série des mines qui serait à la nous ne pensons pas pouvoir réaliser des rac-
tête de celle-ci, si son ordre était l'inverse cords précis entre les horizons sédimentaires
de celui adopté par l'Union Minière. de ces deux régions. Nous avions, dans ces
Des observations effectuées récemment par conditions, élaboré le tableau de raccord ci-
P. VANDENBRANDEet A. JAMOTTEtenderaient après.
à prouver que l'ordre de succession des hori- Dans le bourrelet plissé du Congo occiden-
zons de la série des mines se présenterait en
tal, les couches cristallines qui affleurent à
sens inverse de celui qui est toujours admis l'Ouest sont fortement plissées. Dans les éta-
à l'Union Minière.
ges schisto-calcaires, les plissements, toujours
Par contre, les ingénieurs de cette compa- violents à l'Ouest, diminuent d'intensité vers
gnie retrouvent leur ordre normal dans les l'Est et l'on passe ainsi, par transitions suc-
grandes nappes de charriage de la région cessives, à la région schisto-gréseuse de l'étage
occidentale du bassin cuprifère. Ces grandes supérieur de la série, où l'on n'observe plus
nappes se présentent, à notre avis, comme que de faibles ondulations.
des nappes du second genre, en cisaillement, Comme au Katanga, on passe ici, par tran-
des nappes en coups de pelles, qui ont affecté sition, du facies plissé kundelunguien au fa-
des terrains déjà rigidifiés. Ces conditions ne ciès horizontal ou subhorizontal. De même,
répondent pas à l'idée des grandes nappes à dans les deux régions, on peut observer que
plis renversés et plaident plutôt en faveur de l'étage supérieur schisto-gréseux a une allure
l'ordre normal de la série des mines, adopté nettement transgressive.
jusqu'ici par les géologues de l'Union Mi- Les observations effectuées au Congo fran-
nière et par le Service Géographique et Géo-
çais par A. AMSTUTZ,V. BABET, DUPARC et
logique du Comité Spécial du Katanga.
LAGOTALA,prouvent qu'ici aussi l'étage su-
Par ailleurs, il faut noter que la disposi-
périeur s'étend en transgression marquée sur
tion des récifs d'algues trouvés dans les cal- les étages inférieurs de la série.
caires de la série des mines ne permet pas,
de confirmer le renversement de De même qu'au Katanga, le paroxysme des
jusqu'ici, semble s'être
cette série. plissements kundelunguiens
Nous estimons devoir considérer, jusqu'à produit quelque peu avant la fin de la pé-
l'ordre de succession riode kundelunguienne.
preuve du contraire,
donné dans le tableau comme étant l'ordre En s'appuyant essentiellement sur l'exis-
normal des couches de la série des mines. tence des calcaires construits algaires dans les
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 231

BAS-CONGO
KATANGA
(en dehors du géosynclinal)
BABET DELHAYE

; 1
Niveau des grès
grossiers, feldspa-
thiques de l'Inkisi. J
Assises A, B, C [
Etage
Schistes et grès 1 de
de la Mpioka. I III
1 étageIII. III
I
Niveau des brèches
du Bangu.

Niveau de calcaires Niveau du Bangu Assise des schistes B


magnésiens. 330 mètres. argileux
Oolithes avec algues et calcschistes.
problématiques. IJ Etage
Série
II
Niveau de calcaires Niveau Assise des schistes A 1\JJ
siliceux à cherts. de la Lukunga et calcschistes supérieure
Calcaires gréseux. 300 mètres. avec cherts.
du

Kundelungu.
1
Assises des grès E
de Kiubo.

Niveau de calcaires Niveau de la Luanza Assise du calcaire D


oolithiques et 100 mètres. rose oolithique
cristallins des cimenteries.
.(calcairesoolithiques
à algues-Cayeux). y Etage

Niveau du calcaire Niveau de Bulu Assises des grès C


en plaquettes. 350 mètres. et schistes calcaires.

Niveau des dolomies Niveau inférieur Assises du calcaire B


roses et grises. des dolomies rose.
roses et grises. Petit conglomérat A il

Co 1omérat Conglom érat


Conglomérat
gl1aCiaire
aciaire Conglomérat
g1aciaire
glaciaire Conglomérat Etage infétieure en ureduu
glaciaire
1aciaire
Série ) 1 11 Kundelungî1
(

Couches de Sekelolo.
( schisto-
Couches de la Bembizi. Système
; dolomitique.
232 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

couches de Sekelolo, d'une part, et dans la tercaler un conglomérat glaciaire (tillite) qui
série schisto-calcaire surmontant le conglo- peut être parallélisé avec le conglomérat gla-
mérat glaciaire, d'autre part, L. CAHEN éta- ciaire (tillite) de la base du système du Kun-
blit un raccord tout différent schématisé dans delungu au Katanga. Si ce raccord est correct,
le tableau suivant : la série supérieure du système de la Lindi
serait kundelunguienne et sa série inférieure
schisto-dolomitique.
Bas-Congo Il n'est pas sans intérêt de signaler que
Katanga dans le bassin de la Lindi (affluent de droite
Système du Kundelungu de l'Ituri), une surface moutonnée a été ob-
Série sch- servée au-dessous du conglomérat glaciaire
Série schisto-gréseuse Conglomérat glaciaire
1 raccordé à la tillite kundelunguienne (PAS-
Série SAU, G.).
schisto-calcaire
Série schisto-calcaire Système schisto-dolomitique Dans la série calcaire, série inférieure du
- 1
système de la Lindi, existent des calcaires
Système des Kibara zonaires, des calcaires silicifiés et des cal-
n Louches de bcekîelîolio des Système Kibara
caires oolithiques.
(partie supérieure)
1
On y a observé des traces d'organismes rap-
Les couches de Sekelolo représenteraient la portés à Collenia sp. (CAHEN,L., JAMOTTE,A.,
partie supérieure du système des Kibara et etc.: SLUYS,M.).
la série schisto-calcaire serait l'équivalent du Il faut aussi noter que dans des calcaires
système schisto-dolomitique. observés par le Général Henry à l'embou-
La période glaciaire intercalaire du Bas- chure de la Lenda, et qui peuvent être consi-
Congo ne correspondrait pas à celle du Ka- dérés comme appartenant à la série inférieure
tanga, localisée entre le système schisto-dolo- du système de la Lindi, ont été trouvées des
mitique et le système du Kundelungu. traces qui pourraient être dues à des orga-
Nous nous trouvons ainsi en présence de nismes et qui, d'après A. HACQUAERT, seraient
deux thèses contradictoires. des Stromatolithes qui ressemblent à Cryp-
J'accorde le poids le plus fort à l'argument tozoon australicum W. HOWCHIN.
climatique, ce qui m'amène à synchroniser les Par ailleurs, il faut rappeler que dans un
périodes glaciaires du Katanga et du Bas- horizon de calcaire oolithique observé par
Congo. G. PASSAU à Kewe (sur le Lualaba, entre
Aussi longtemps que la valeur chronolo- et Ponthirrville) existent des
Stanleyville
gique des calcaires construits algaires, pour traces d'algues présentant des caractères sem-
des bassins différents, n'a pas été prouvée blables à ceux des algues fossiles observés
par des études faites par des spécialistes qua- dans l'assise oolithique localisée avec préci-
lifiés, nous sommes obligés de conserver le sion au Katanga dans l'étage I de la série
poids le plus fort à l'argument climatique et supérieure du Kundelungu (CHOUBERT,B.).
au raccord des glaciations du Bas-Congo et Le calcaire de Kewe se trouve, d'après
du Katanga. G. PASSAU,à 250 m. au-dessus du conglomérat-
J'estime d'ailleurs que le problème posé ne base de la série, mais nous manquons encore
pourra être résolu, définitivement, qu'après des observations qui permettraient de définir
que des raccords géométriques auront été avec précision la position stratigraphique de
établis par des levés effectués de proche en l'horizon oolithique de Kewe dans le système
proche. de la Lindi.
Des études géologiques exécutées pendant
Dans la Province orientale. — Aux études la guerre au Congo Oriental, notamment par
anciennes effectuées dans cette région par M. SLDYS,et que ce dernier publie dans deux
(t. PASSAUet le Général HENRY DE LA LINDI, mémoires, il résulte que l'échelle stratigra-
ont succédé de nombreuses prospections dues phique des formations de la Lindi se présente
notamment aux ingénieurs de la Compagnie de la manière suivante : voir page 233.
des Grands-Lacs. En attendant oue des raccords aient été
On a pu y reconnaître l'existence de for- effectués, de proche en proche entre la zone
mations qui sont rapportées au système de la du Congo Oriental et le Katanga, nous con-
Lindi. Celui-ci est divisé en deux séries, une sidérons que le système supérieur du groupe
série supérieure gréso-schisteuse et une série de la Lindi serait kundelunguien et le sys-
inférieure calcaire. Entre les deux vient s'in- tème inférieur schisto-dolomitique, la tillite
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 233

intercalaire étant rapportée à la grande pé- mitique, surtout dans les zones qui ont été
riode glaciaire située entre ces deux systèmes. fortement affectées par les mouvements tecto-
niques. On peut aussi y observer de nombreux
1° FORMATION GRESEUSE dykes de roches basiques.
Jusqu'à présent, dans la zone du Katanga
Niveaux:
méridional, il n'a pas été observé de venues
m.
G1 Grès et schistes rouges des plateaux. 200 à 500 granitiques recoupant les couches du Schisto-
Go Complexe gréseux conglomératique stratifié. Dolomitique et du Kundelungu. On trouve,
0 à 500 m. par contre, de telles intrusions acides dans la
Discordance. région rhodésienne voisine du Katanga. On
peut supposer, mais sans cependant avoir de
2° DEPOTS CONTINENTAUX preuves suffisantes à ce sujet, que les gîtes
cuprifères du Katanga et de la Rhodésie du
Type glaciaire : Type torrentiel : Nord sont liés aux intrusions d'un granite
T. Tillitede la basseLenda Ct Conglomérat Gc injecté dans les couches du Schisto-Dolo-
maximumobservé: 50 m. des grottes d'Opienge.
mitique et du Kundelungu, lors des plisse-
ments kundelunguiens.
3° FORMATION CALCAIRE Dans la région voisine du lac Moero, un
C6 Série de Wanie-Rukula. gîte cuprifère est en relation directe avec des
venues granitiques qui ont métamorphisé, par
C26 Calcaires oolithiques 250 à 300 m. contact, les couches de la série supérieure du
Cx6 Dolomies et calcaires de Kaparata Kundelungu.
150 à 200 m.
Dans la région du plateau du Kundelungu,
C5 Dolomies de VEdaye 30 à 40 m. les couches de même nom sont traversées par
C4 Couches de -PAsoso : psammites, grès durs, grès de nombreux « pipes » de kimberlite, parfois
quartzites, schistes phylladeux, schistes onctueux, Par analogie avec les pipes que
marnes bariolées à silexites. 50 m. diamantifère.
l'on trouve dans d'autres régions africaines,
C3 Calcaires et dolomies de la Lenda : bancs à struc- on pourrait admettre que ces venues date-
ture récifale à Collenia divers. Traînées oolithiques.
raient de la fin du Crétacé. En Afrique du
50 à 75 m.
Sud, les pipes de kimberlite sont considérés
C2 Calcaires silicifiés 30 à 50 m. comme datant de la fin du Crétacé (Du
Complexe de base : TOIT, A., HARGER, H. S.). Au Tanganyika
ci Grès et arkoses en bancs épais. Territory, les pipes sont postérieurs au Kar-
Co Conglomérat à pâte arkosique englobant les élé- roo et l'on admet qu'ils sont du même âge
ments du socle en lambeaux de 0,50 à 1 m. que ceux de l'Afrique du Sud (TEALE, E. O.).
d'épaisseur. Au Katanga, dans la région septentrionale
Puissance du complexe: 40 m. du bassin de la Lufira, on peut observer
Discordance majeure. l'existence d'une importante nappe de roche
basique doléritique interstratifiée dans la
SOCLE
couche du conglomérat-base glaciaire kunde-
lunguien et la surmontant même en certains
Les gîtes de calcaires sont nombreux sur le endroits. Cette nappe affleure sur une lon-
pourtour de la cuvette congolaise. Toutes les gueur de quelque 80 km. et sur une largeur
régions où affleurent les couches sédimentai- moyenne de 3 à 4 km. Il s'agit là d'une
res des systèmes schisto-dolomitique et du éruption fissurale qui s'est produite vers la
Kundelungu et dont l'extension figure dans fin ou à la fin de la grande période glaciaire
le croquis géologique du bassin congolais intercalée entre le Schisto-Dolomitique et le
page 208, renferment en abondance des for-
Kundelungu.
mations calcaires et dolomitiques. On peut Dans la région située au Nord-Est du lac
ainsi trouver, dans ces zones d'affleurements,
Moero, existe une vaste nappe de rhyolite ou
des gîtes carbonatés pouvant convenir soit à
porphyre quartzifère dont l'épaisseur dépasse
la fabrication de la chaux, soit à celle du
parfois 1000 m. Cette venue est antérieure au
ciment. base du système du
conglomérat glaciaire
Kundelungu et est ainsi plus ancienne que la
e) LES VENUESÉRUPTIVES.— Des filons de venue basique interstratifiée dans le conglo-
quartz assez nombreux recoupent les couches mérat. Il s'agit, là aussi, d'une importante
des systèmes du Kundelungu et schisto-dolo- éruption fissurale qui, par la nature de la

8*
234 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

roche en cause, est à rapprocher de l'éruption IV. — LES FORMATIONS CONTINENTA-


fissurale qui, au plateau du Parc national de LES REPOSANT SUR LE SOU-
Yellowstone aux Etats-Unis, a donné de lar- BASSEMENT ANCIEN.
ges nappes de rhyolites. Ces formations s'étendent à la surface du
Observons qu'à propos de ces éruptions fis- continent émergé depuis la période carboni-
surales qui se sont produites au Katanga, fère. Elles sont constituées par des terrains
l'une avant la période glaciaire kundelun- dont l'âge peut s'échelonner depuis le Carbo-
guienne et l'autre, immédiatement après cel- nifère moyen jusqu'à l'époque actuelle et com-
le-ci, il est bon de rappeler qu'au Transvaal, portent des terrains rapportés au système du
la venue des laves .andésitique des « Ongeluk Karroo, au système du Kalahari, ainsi qu'à
volcans » a immédiatement suivi la période de diverses formations récentes d'âge pléistocène
dépôts de la tillite de la série de Prétoria et et probablement pliocène supérieur.
que par ailleurs à la Gold Goast, au conglo-
mérat glaciaire qui doit représenter le grand A. - LE SYSTEME DU KARROO ET LE
conglomérat du Kundelungu, sont superpo- SYSTEME DU LUALABA-LUBILASH.
sées des laves volcaniques.
1° Le système du Karroo (' )
L'exposé dévelqppé dans le § 3 relatif aux
formations constituant le soubassement an- a) GÉNÉRALITÉS.— Les puissantes séries
cien et plus particulièrement à celles locali- horizontales ou subhorizontales de sédiments
sées dans le Bassin du Congo, montre que continentaux qui constituent le manteau
ces couches se sont accumulées au cours de gondwanien, et qui peuvent être classées dans
la longue ère qui a débuté dans les temps le système du Karroo de l'Afrique australe,
les plus reculés de l'histoire géologique et dans le système de Gondwana de l'Inde pé-
qui s'est terminée au Carbonifère avant le ninsulaire et dans le système du Lualaba-
commencement de la grande période glaciaire Lubilash du Congo, reposent en discordance
qui caractérise le début de la période du sur le soubassement ancien. Elles présentent
Karroo. une remarquable uniformité de caractères
Après les temps considérés comme archéens, dans toute l'étendue du continent de Gond-
cette ère a vu se succéder toute une suite de wana, sur lequel elles se sont déposées sous
longues périodes, qui se sont étendues sur un climat qui suivait une évolution commune.
l'ère algonkienne et sur la plus grande partie L'ensemble de ces couches constitue une puis-
de l'ère primaire. sante série compréhensive, dont l'âge s'étend
La partie la plus ancienne de l'Algonkien, depuis le Carbonifère supérieur jusqu'au mi-
au cours de laquelle se sont formés les sédi- Jurassique.
ments du système supérieur du Complexe A leur base règnent d'importantes forma-
de Base, a été suivie par la période kiba- tions glaciaires, des dépôts morainiques aban-
rienne, puis par la période schisto-dolomiti- donnés par de vastes calottes glaciaires éten-
que et enfin par la période kundelunguienne. dues à la surface d'une grande partie du
massif continental.
Entre cette dernière période et celle du
On retrouve ces dépôts, non seulement en
schisto-dolomitique, s'est manifestée une épo-
Afrique australe et centrale, dans l'Inde pé-
que de climat froid qui a donné lieu au déve- ninsulaire et l'Australie, mais aussi en Amé-
loppement de calottes glaciaires, dont l'impor-
tance et l'extension peuvent être comparées rique du Sud.
Aux formations glaciaires succèdent
à celles que l'on a pu observer lors de
l'époque glaciaire du début du Karroo. d'épaisses couches déposées dans une série de
vastes lacs plus ou moins reliés entre eux.
Ce phénomène de glaciation qui peut être
vers la Ce sont des argilites, des schistes, des hori-
repéré dans l'échelle stratigraphique zons calcaires, des grès divers, des psammites
fin de l'ère précambrienne — début de l'ère
et des grès tendres. Ces couches se sont accu-
primaire — permet de rapporter au Précam- mulées dans une région dont le climat,
brien toutes les périodes qui lui sont anté-
d'abord froid et humide, est devenu progres-
rieures, en même temps qu'elle localise la sivement plus chaud et plus sec (pendant
période kundelunguienne dans l'ère primlairc.
l'époque du Beaufort), puis légèrement plus
Il n'est pas encore possible de déterminer humide (au début du Stormbcrg), pour pas-
quelle sera l'importance de la période froide,
qui semble s'être manifestée au cours de la
période kibarienne. (1) Du TOIT,Int. Géol., Krenkel, Reed.
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 235
236 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

ser, à la fin de la période du Karroo (fin du sédimentation s'est effectuée à faible pro-
Storm)berg), à un climat d'extrême aridité fondeur.
et même au climat désertique. Quant aux roches de la série de Stormberg,
il suffit de noter qu'elles présentent la suc-
b) LES SÉRIESDU SYSTÈMEDU KARROO. — cession suivante : les couches de Molteno
Le système du Karroo, avec sa division en montrent un grès grossier, avec parfois un
quatre séries, peut être schématisé dans le conglomérat à cailloux souvent aussi gros
tableau suivant : qu'une tête d'homme; les bancs rouges, les

I 4. Volcanic Beds or Drakensberg lavas (1.200 m.)


m.)
1 INFERIEUR
iPURASSIQUE
Stormberg
Stormberg ) or Drakensberg
Series ] 3. Cave Sandstones
Beds 240 m.
2. Red Beds 480 m. >Supérieur j
4. 1. Molteno Beds 600 m.
Volcanic )!
gQIe
ç TRIASIQUE
lad
Beaufort I
So Sertes 2. MIddle: Gres et schIstes a Lystrosaurus 5
j
p Sériés • Grès et schistes à Lystrosaurus$n eneur
j 1800 m. Lower : Grès et schistes à Pareiasaurus v
3. Upper Ecca Beds PERMIEN
'S
:. I Ecca
Series 2. Middle Ecca Beds or Coal Measures (
W I| 700 m. ( 1.
L Lower Ecca Shales
.0..0. )!
1 Dwyka 3. Upper Shales CARBONI-
l Sériés < 2. Boulder Bed (Tillite 300 m.) > FERE
600 m. ( 1. Lower Shales ;! SUPERIEUR

La puissance de l'ensemble de ces forma- Red Beds, sont formés de grès, d'argile et
tions est considérable; elle est le plus souvent de schistes rouge-brun ; les Cave Sandstones
d'environ 6000 m. et peut atteindre une sont des grès parfois jaune crème, souvent à
épaisseur de 8000 m. grain fin, mais parfois à grain grossier et
La série de la Dwyka atteint 600 à 700 m.; stratifiés en bancs massifs; enfin, au sommet
la série d'Ecca (1) peut aller jusqu'à 700 à de la série règnent les bancs volcaniques
800 m. d'épaisseur; la série de Beaufort at- (Hatch).
teint 1800 m. et la série de Stormberg peut D'importants gîtes de houille sont localisés
dépasser au total 2500 m. dans les couches de la série d'Ecca, considé-
Les roches de la série d'Ecca passent du rées comme étant d'âge permien. Quelques
grès au schiste, les grès étant souvent argi- couches charbonneuses, relativement peu im-
leux et stratifiés en bancs minces, les schistes portantes, apparaissent aussi dans la série de
étant parfois calcareux. Les grès sont souvent Beaufort et dans les Molteno Beds de la
durs et tenaces et tendent à s'altérer en lamel- série de Stormberg.
les concentriques autour de noyaux ellipsoï- En Afrique, les formations du Karroo sont
daux. le mieux développées dans la région du
Dans la série de Beaufort, les roches sont Karroo de l'Afrique australe, où elles se sont
des grès et des schistes. Les grès se distin-
déposées dans une vaste cuvette.
guent notamment de ceux de la série d'Ecca Ces formations sont en général concordan-
en ce qu'ils ne s'altèrent pas en formant les
tes et ne présentent aucune discontinuité de
blocs ellipsoïdaux dont il est question ci-des-
sus. On y trouve des grès de deux sortes ; les stratification, depuis la base du système jus-
uns sont grossiers, durs, résistants et strati- qu'au sommet de la série de Beaufort.
fiés en bancs épais, les autres, plutôt schis- Lorsqu'on s'avance vers le Nord, le système
teux, sont stratifiés en bancs minces. Dans semble être moins bien développé. Les couches
les roches de la série de Beaufort, apparais- ont des épaisseurs plus faibles, elles changent
sent souvent des ripplemarks et de la strati- de facies et leurs séries peuvent même présen-
fication entrecroisée, ce qui prouve que leur ter des lacunes.
On peut trouver une légère discordance
entre les couches supérieures de Beaufort et
(1) Du nom de la passe d'Ecca, au Nord-Est de les Molteno Beds de la série de Stormberg.
Grahamstown. Elle apparaît plus nettement lorsque dans
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 237

certaines zones, les Red Beds reposent direc- vement voisine de la zone polaire. Cette
tement sur le Beaufort supérieur. Dans les situation se présentait à une période où, par
régions du centre africain et au Nord de ailleurs, on trouve une ceinture de bassins
l'Afrique australe, il semble y avoir eu une houillers formés dans une bande tropicale et
période érosive pendant le Beaufort moyen équatoriale passant par la Chine, la Russie,
et supérieur, c'est-à-dire à l'époque du la Pologne, la Belgique, la France, lés Iles
Trias inférieur, précisément au moment où Britanniques, le Sud du Groenland, le Nou-
un plissement s'est manifesté à l'extrémité veau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse et les
Sud du continent africain y dessinant une Etats-Unis.
chaîne orientée de l'Ouest à l'Est. Les flores que l'on trouve dans les forma-
tions du manteau gondwanien se succèdent de
la manière suivante, depuis la base jusqu'au
c) LES FOSSILESET L'AGE DES FORMATIONS
DU KARROO. — A part les quelques rares sommet :
horizons marins locaux, qui viennent s'y in- a) flore à Rhacopteris;
tercaler, les dépôts du manteau gondwanien b) flore à Glossopteris et Gangamopteris
sont de nature continentale et ne renferment et plus spécialement à Gangamopteris
que des flores et des faunes terrestres. Celles-
cyclopteroides;
ci sont caractérisées par leur pauvreté et
c) flore àà Glossopteris
Glossopteris (sans Gangamop-
leur uniformité dans l'aire des terres de c) teris),
flore
Gondwana.
d) flore à Thinnfeldia.
De tels fossiles permettraient difficilement
de déterminer avec une sûreté suffisante
a) La flore à Rhacopteris.
l'âge des couches dans lesquelles ils sont en- En Australie, les glaciations ont commencé
fouis et conservés, si l'on ne disposait pas
des repères fournis par les horizons marins. plus tôt qu'en Afrique et que dans l'Inde
péninsulaire, pour finir à peu près en même
Malgré l'existence de ceux-ci, la détermina- temps que dans ces dernières régions.
tion de l'âge des formations du système du En Australie orientale, en Nouvelle-Galles
Karroo et de son équivalent le système de du Sud, on trouve, tout à fait à la base du
Gondwana est un problème très délicat, qui manteau gondwanien, la Kuttung Series, qui
a donné lieu à de longues discussions avant renferme des horizons glaciaires et intergla-
qu'une solution satisfaisante pût lui être ciaires et qui repose sur des couches marines
donnée (HOLLAND,H.). Le tableau qui figure
rapportées, par leurs fossiles, au Dinantien
plus avant définit la position que l'on s'ac- soit à la tête du Carbonifère
supérieur,
corde généralement à attribuer actuellement inférieur.
à ces formations dans l'échelle stratigraphi-
que universelle. b) La flore à Glossopteris et Gangamop-
teris.
La flore qui joue le rôle principal pour Les Gangamopteris qui caractérisent cette
fixer la stratigraphie du manteau gondwa- flore se trouvent dans une formation qui
nien est constituée par des fougères diffé- atteint plus de 1000 m. d'épaisseur en Afri-
rentes de celles que l'on rencontre dans l'hé- que du Sud.
misphère Nord : telles sont les Glossopteris Dans les régions appartenant au continent
(Fougères à grandes feuilles non découpées, de Gondwana, ce genre est considéré comme
en forme de langue) et les Gangamopteris caractérisant le Permien inférieur ; il n 'y per-
(Fougères du Gange). Cette flore est si carac- siste pas dans le Permien supérieur. Par con-
téristique qu'elle est connue sous le nom de tre, les Gangamopteris ont étendu leur aire
flore à Glossopteris ou flore de Gondwana. de dispersion jusqu'en Asie centrale, au delà
La faune, moins importante que la flore, de la Mésogée, où on les trouve mélangées à
est surtout caractérisée par ses Reptiles, qui une flore dont l'âge va jusqu'au Permien
ont notamment permis de déterminer en dé- supérieur.
tail la stratigraphie de la série de Beaufort. Dans le système du Karroo de l'Afrique
La flore à Glossopteris est une flore pau- du Sud, la flore à Glossopteris et Gangamop-
vre, monotone et de régions froides ou tem- teris monte jusqu'au sommet de la série d'Ec-
pérées froides. Sa distribution, dans les im- ca et ne dépasse pas ce niveau.
menses territoires appartenant aux terres de Par ailleurs, on trouve les Gangamopteris
Gondwana, nous oblige même à supposer que au-dessus de la tillite de la Dwyka, notam-
celles-ci étaient localisées dans une aire relati- ment en deux points de l'Afrique du Sudt
238 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

ce qui fait admettre que ce genre descend n'ayant pas d'affinités bien nettes ni bien
vers le bas de la série stratigraphique au serrées avec les formes décrites précédem-
moins jusque dans le Carbonifère supérieur ment, mais formant pourtant un mélange de
(Stéphanien). types à affinités carbonifère et permienne.
Dans l'Inde péninsulaire, la flore à Glos- Ceci a amené les géologues, qui se sont
sopteris caractérise la partie inférieure du occupés de cette question, à rapporter finale-
système de Gondwana. Vers le bas, elle des- ment l'étage de Talchir et son conglomérat
cend ici jusque dans les Kikba Beds qui se glaciaire au Carbonifère supérieur.
placent directement au-dessous des Umaria En Australie, on trouve un grand dévelop-
Marine Beds et juste au-dessus du conglomé- pement des horizons marins intercalés dans
rat glaciaire de Talchir. Les Gangamopteris les formations de Gondwana.
n'apparaissent ni dans ce conglomérat ni En Nouvelle-Galles du Sud, la « Kuttung
au-dessous. Series », avec ses horizons glaciaires et inter-
glaciaires, peut être rapportée au Carboni-
c) La flore à Glossopteris sans Gangamop- fère moyen et supérieur. D'une part, elle re-
teris établit la liaison entre la flore à Ganga-
pose sur des couches marines datées de la
mopteris et celle à Thinnfeldia. fin du Carbonifère inférieur et elle se trouve,
En Afrique, les Glossopteris montent dans
d'autre part, loin sous des couches marines
le Trias supérieur jusqu'à hauteur du milieu
des Molteno Beds.
permo-carbonifères qui correspondent à l'épo-
que de la glaciation aux Indes et au Sud
d) La flore à Thinnfeldia est un assem- africain.
blage de flore fossile dans lequel Thinnfeldia A Madagascar, le Karroo renferme plu-
est le genre le plus important et le plus sieurs intercalations à faune marine datée.
abondant. Cette flore caractérise le Triasique A Kidodi, dans le Tanganyika Territory,
du continent de Gondwana. on trouve dans les formations du Karroo, à
La croissance, l'extension et le déclin de hauteur du niveau le plus élevé de la série
la flore à Thinnfeldia semblent permettre de Beaufort, soit à la fin du Permien, des
l'établissement d'une corrélation entre les intercalations avec fossiles marins.
couches en Afrique, dans l'Inde et en Austra- Dans le Sud-Ouest Africain, des fossiles
lie. marins, mais encore insuffisamment détermi-
nés, viennent se placer au-dessus du conglomé-
rat de la Dwyka.
Les intercalations marines. — C'est grâce
aux horizons marins intercalés dans les for- En Amérique du Sud on trouve, en plu-
mations continentales du manteau gondwa- sieurs endroits, des horizons marins d'âge
nien que l'on a pu donner déterminé, intercalés dans les couches du
une solution satisfaisante manteau gondwanien.
au problème posé quant
à l'âge de ces formations. d) LA TILLITE (l) DE BASEDU SYSTÈMEDU
De telles intercalations KARROO.— Le conglomérat de la Dwyka, que
marines peuvent être ob- l'on trouve dans la série inférieure du systè-
servées aux Indes, en me du Karroo, a une origine glaciaire bien
Australie, à Madagascar, établie. Cette tillite consiste en une matrice
dans l'Ouest africain et dans laquelle sont englobés, sans aucun arran-
en Amérique du Sud gement régulier, des cailloux, des galets et
(COLEMAN,A. P.). des blocs rocheux roulés, anguleux ou mi-
Dans les couches qui, anguleux, de toutes dimensions et pouvant
même atteindre la masse de plusieurs tonnes.
aux Indes, se superposent
au conglomérat glaciaire La matrice est composée de fragments de
de Talchir, quartz et de feldspath ; elle est dure et com-
l'équivalent
du conglomérat de la pacte dans le Sud de la région du Karroo,
Dwyka, on trouve des in-
tercalations marines ren-
C1) Till est le terme anglais employé pour désigner
fermant une faune mari- les débris déposéspar la glace et non remaniés par les
Thinnfeldialancifolia ne (Productus, Spirifère, eaux de fonte. Le till s'accumule pour former les mo-
(MORRIS). Reticularia, Plemotoma- raines. C'est l'argile à blocaux. La tillite est le till;
1/2 grandeur consolidé.
ria). Cette faune consiste On appelle drift, en anglais, les débris rocheux dé-
naturelle environ. en de nouvelles espèces posés par les glaciers et leurs eaux de fonte.
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 239

de l'Afrique australe; dans les zones Nord elle Ce qui est connu des traces de roches mou-
est sableuse, parfois légèrement argileuse et tonnées conservées dans le continent de
tend même à former, dans certains cas, une Gondwana, permet d'admettre provisoirement
roche peu cohérente. Les cailloux et blocs que les mouvements de la glace se seraient
rocheux qui la constituent consistent notam- produits en allant vers le Nord-Est aux Indes,
ment en quartzite, granité, gneiss, diabase vers le Nord au Congo, vers lè Sud-Sud-Ouest
amygdaloïde, dolomie, chert, quartz de filon en Afrique australe et vers l'Ouest à la côte
et fragments de feldspath. Certains de ces du Brésil (VEATCH). Les cailloux apportés
galets et des blocs aux arêtes arrondies por- dans cette dernière région seraient ainsi venus
tent des stries glaciaires. Avec les grès et les d'une région continentale située à l'Est.
schistes qui y sont souvent intercalés, les
couches de conglomérat peuvent atteindre La glaciation du Permo-Carbonifère, qui
une épaisseur de 600 à 700 m. Dans toute s'est manifestée dans les régions continentales
la région du Karroo, on considère comme cer- de l'hémisphère Sud, a une grande impor-
taine l'existence du conglomérat glaciaire à tance, non seulement par son aire d'extension,
la base du système; il en est de même dans qui paraît être plus considérable que celle
l'Etat libre d'Orange, au Transvaal et au de la glaciation pléistocène étendue dans
Natal. l'hémisphère Nord, mais aussi par l'intérêt
II. convient d'observer qu'en Afrique aus- qu'elle présente au point de vue de l'histoire
trale, le conglomérat glaciaire a été bien pré- géologique générale.
servé des érosions subséquentes et s'étend sur Avant que l'on eût reconnu l'existence de
de grandes aires au Sud du 26e parallèle, cette glaciation permo-carbonifère et décou-
tandis que plus au Nord il n'existe plus que vert, par la suite, d'autres glaciations, sans
sous forme de couches fragmentaires plus ou doute moins importantes, notamment à la fin
moins étendues, les érosions intenses qui se de l'Algonkien et à l'Huronien, on supposait
sont produites, notamment durant la période que, dans les temps géologiques reculés, le
du Beaufort moyen et supérieur, ayant enlevé climat était chaud sur toute la surface ter-
une grande partie des dépôts du Karroo restre et que le refroidissement du globe
existants. s'était opéré progressivement, depuis des
En Rhodésie du Sud, en Rhodésie du Nord, temps anciens jusqu'à l'époque de la glacia-
au Nyassaland et au Tanganyika Territory, tion quaternaire. Ces idées ont dû être pro-
les restes des formations du Karroo ne mon- fondément modifiées, comme on le conçoit, du
trent pas à leur base des couches ayant, à fait de l'existence des anciennes glaciations
l'évidence, une origine glaciaire. qui témoignent de périodes climatiques froi-
Dans ces régions, les couches de base sont des, survenues à plusieurs reprises au cours
plutôt considérées comme représentant des de l'histoire géologique de notre planète.
dépôts de l'âge de la série d'Ecca, mais en Nous nous rangeons à côté des géologues
supposant qu'elles pourraient bien être de qui considèrent que des calottes glaciaires de
la Dwyka remaniée. vaste extension, comme celle du Permo-
Au gîte de charbon de Wankie et dans les Carbonifère, se sont formées dans des régions
blocs effondrés le long du Zambèze, l'étude où régnait un climat froid de zone polaire à
de la flore des couches recouvrant le conglo- l'époque où elles se développaient, ce qui
mérat de base fait supposer qu'il est de l'âge nous amène à admettre que la position rela-
de la série de la Dwyka. tive du pôle par rapport à de telles régions
On peut admettre ainsi que le conglomérat a dû varier.
de base de la région effondrée de la Luano, Nous estimons, par ailleurs, qu'aussi long-
en Rhodésie du Nord, serait de l'âge de la temps qu'il ne s'agit que de traces locales de
Dwyka. glaciation, il convient plutôt de les attribuer
Dans le bassin du Congo, un conglomérat à des glaciers d'altitude.
glaciaire, plus ou moins bien caractérisé et
qui peut être parallélisé avec le conglomérat e) LE CONTINENTDE GONDWANAET SON
de la Dwyka, existe souvent à la base des MORCELLEMENT. — Les immenses calottes
gla-
couches du système du Lualaba-Lubilash. ciaires qui sont nées et se sont développées
C'est ainsi que des traces de glaciation peu- simultanément à la surface des terres émer-
vent être retrouvées au Nord jusqu'au voisi- gées du continent gondwanien, distribuées
nage de l'Equateur, dans la région de Stan- dans une aire de l'hémisphère Sud d'étendue
leyville. considérable, posent des problèmes géologie
240 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

ques d'un grand intérêt, mais auxquels il cées et seraient passées dans le domaine océa-
n'a pas encore été donné de solution nique.
définitive. D'autres conceptions sont liées à la théorie
L'histoire commune, pendant une longue de la translation des continents. L'idée de
période, des terres de l'hémisphère Sud entre la dérive des continents a été exprimée pour
lesquelles existaient des liaisons continentales là première fois par A. SNIDER,en 1858, pour
plus ou moins larges, s'appuie sur des don- expliquer la curieuse correspondance générale
nées géologiques, ainsi que sur des considéra- de la côte occidentale de l'Afrique et de la
tions qui sont du domaine de la biogéographie. côte orientale de l'Amérique du Sud. La dis-
On admet que le continent de Gondwana cussion de la dérive des continents, en tant
existait dès le Carbonifère moyen et qu'il que phénomène mondial, fut tentée par
s'est morcelé au cours de l'ère secondaire. P. B. TAYLORen 1910, mais cette théorie est
On supposait, jusqu'il n'y a pas bien surtout connue par les ouvrages de A. WEGE-
longtemps, que le continent africano-brésilien NER, dont le premier énoncé a été fait en
s'était séparé du continent australo-indo-mal- 1915.
gache au début du Jurassique. L'existence Nous n'allons pas exposer cette théorie très
de couches marines d'âge permien, à Mada- connue. Il nous suffira de rappeler que,
gascar et dans l'Afrique orientale, permet à d'après WEGENER, les terres gondwaniennes
présent d'admetre que cette séparation au- formaient, au Carbonifère, une masse conti-
rait dû s'amorcer déjà vers la fin du Per- nentale coalescente et que le pôle Sud se
mien (FOURMARIER,P.), par un golfe d'Arabie trouvait alors à l'Est du cap de Bonnc-
venant de la Mésogée, poussé jusqu'en Afri- Espérance, en un point qui est aujourd'hui
que orientale et prolongé jusque dans le Nord situé par environ 35° de latitude Sud.
de Madagascar. Il existe, par ailleurs, des La glaciation de Gondwana était une ca-
indices paléontologiques prouvant que la sé- lotte polaire qui existait en même temps que
paration entre le continent indo-malgache et se développait la zone tropicale des bassins
le continent africano-brésilien n'aurait pas été houillers dont il a été question plus avant.
complète, même au Crétacé supérieur (GAUS- Après s'être lézardé et morcelé, le bloc con-
SEN, PRENANT). tinental de Sial baignant sur le Sima a vu ses
Le continent africano-brésilien a dû com- fragments s'éloigner les uns des autres. Ils
mencer à se diviser au début du Crétacé, mais ont subi une dérive qui les a amenés à prendre
des connexions ont dû persister entre l'Afri- la position qu'ils occupent actuellement. Cette
que et l'Amérique du Sud au moins jusqu'à dérive générale différentielle s'est produite et
la fin du Crétacé, comme le rendent vraisem- se produirait encore vers l'Ouest, combinée
blable les études de biogéographie. Ceci obli- toutefois à une dérive des socles septentrio-
ge les géologues à supposer que la liaison naux et méridionaux vers l'équateur.
entre le Brésil et les régions Nord du conti- Cette théorie encore très discutée rencontre
nent africain a dû persister après la forma- de nombreuses objections. Elle a été épurée
tion du Sud-Atlantique survenue au début du et débarrassée de ce qu'elle avait de trop
Crétacé. absolu à ses débuts.
Quant au continent australo-indo-malgache, De nombreux savants lui apportent leur
l'âge de son morcellement n'est pas encore appui.
tout à fait précisé. On suppose, cependant, Suivant la théorie du mobilisme d'E. AR-
que l'Inde s'est séparée de l'Australie au GAND,une chaîne plissée a nécessairement dû
Jurassique supérieur et de Madagascar au se faire en une zone qui s'est contractée et
Crétacé, pendant le passage du Crétacé au les socles continentaux qui se trouvent de
Tertiaire. part et d'autre ont dû se déplacer relative-
ment l'un par rapport à l'autre. Ces socles
Des conceptions qui furent longtemps clas- sont donc mobiles. La théorie de WEGENER
siques au sujet du morcellement du continent se rattache au mobilisme d'E. ARGAND.
de Gondwana, il résulte que les terres qui en Nous nous trouvons ainsi en présence de
faisaient partie auraient conservé leur posi- deux théories, le fixisme et le mobilisme, qui
tion et que leur séparation se serait opérée ne peuvent être ni démontrées ni infirmées.
par l'effondrement des régions intercalaires. Le fixisme est généralement associé à la théo-
Des zones continentales, s'étendant autre- rie de la contraction.
fois dans l'aire actuelle de l'Océan Atlantique
et de l'Océan Indien, se seraient ainsi enfon- Nous nous rallions à la manière de voir des
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 241

savants qui admettent le mobilisme, en ne Les mesures de l'intensité de la pesanteur,


perdant pas de vue qu'une théorie ne vaut effectuées dans les parties de l'Océan Atlan-
que pour autant qu'elle soit capable de repré- tique et de l'Océan Indien, qui sont en cause,
senter l'ensemble des faits connus au moment font apparaître des anomalies positives et non
où elle est formulée. les anomalies négatives, qui devraient s'y ma-
Sans accepter entièrement la théorie de nifester si l'on devait admettre l'existence
WEGENER,nous considérons que les anciennes des énormes effondrements continentaux sup-
terres de Gondwana étaient autrefois plus posés par les conceptions classiques.
rapprochées les unes des autres qu'elles le L'objection que présente l'isostasie à l'an-
sont actuellement et qu'elles ont pris leur cienne thèse classique du morcellement du
position actuelle, après avoir dérivé plus ou continent de Gondwana par effondrements
moins fortement dans des directions idoines. reste debout, même si l'on admet, comme nous
Nous considérons que les conséquences de tendons plutôt à le considérer, que l'aire des
l'hypothèse physique de l'isostasie s'opposent océans Atlantique Sud et Indien n'était pas
absolument à ce que des effondrements con- autrefois entièrement occupée par des terres
tinentaux, comme ceux qui auraient dû se émergées.
produire dans l'aire actuelle de l'Atlantique D'autre
et de l'Océan Indien, lors du morcellement part, l'existence simultanée des
immenses calottes glaciaires à la surface des
du continent de Gondwana, aient pu avoir
lieu.
Le principe de l'isostasie (1), qui actuelle- Dans la conception d'AIRY, au contraire, la densité
ment paraît être .l'un des mieux établis de de la croûte terrestre est sensiblementla même partout.
Les continents et les massifs montagneux constitués par
la géophysique, ne permet pas d'admettre que le Sial, s'enfoncent d'autant plus dans le Sima sous-
d'énormes massifs continentaux, composés de jacent que leur relief est plus marqué à la surface du
matériaux rocheux de densité plus faible que globe. Aux masses sialitiques les plus épaisses, corres-
la matière sous-jacente sur laquelle ils se trou- pondent ainsi les reliefs les plus élevés et les racines
les plus profondes.
vent en équilibre hydrostatique, auraient pu Dans ces conditions, si le radeau de Sial était à un
s'affaisser à la profondeur des abysses et for- moment donné surchargé en un point, il s'enfoncerait,
mer ainsi le fond de vastes aires océaniques, là par exemple où se fait une accumulation de sédi-
sans qu'une cause bien définie ait pu provo- ments. Il doit, par ailleurs, se relever là où il se
quer un phénomène anormal aussi grandiose. décharge, là où, par. exemple, l'attaque érosive enlève
des matériaux à une chaîne de montagnes. De tels
mouvementsse produiraient évidemmentavec un certain
(1) Isostasie..,.- Le globe terrestre peut être divisé retard.
en trois zones de densité décroissante: la zone interne Les mesures de l'intensité de la pesanteur effectuées
ou Nifé, la zone moyenneSima et la zone externe Sial. à la surface du globe montrent qu'il existe réellement
La zone interne Nifé, est constituée par du nickel et des anomalies de la pesanteur. Certaines de ces ano-
surtout par du fer. La zone moyenne ou Sima est malies sont positives, c'est-à-dire que l'intensité de la
constituée par des combinaisonssilicatées basiques, où pesanteur mesurée est plus grande que l'intensité
prédomine le silicium associé au magnésium, et dont normale calculée, ce qui correspond à des zones de
la composition est assez analogue à celle du basalte; l'écorce à densité trop forte; d'autres anomalies sont
elle est lourde, visqueuseet de densité sans doute égale négatives et correspondent à des zones où la densité
à 3,27. La zone externe Sial, est surtout formée de de l'écorce est plus faible qu'elle devrait l'être nor-
silicium et d'aluminium; elle est riche en alcalis et malement.
a une compositionqui peut être rapprochée de celle C'est dans les mers et aussi dans certaines grandes
du granité. Le Sial est moins dense que le Sima, sa plaines continentales que l'on observe des anomalies
densité moyenne est de 2,67. positives prouvant que l'écorce sous-jacente est plus
La zone externe, le Sial, qui constitue l'écorce ter- dense que la normale, tandis que les zones montagneu-
restre est discontinue. Le Sial forme les masses conti- ses donnent des anomalies négatives et correspondent
nentales: il est absent dans les zones océaniques ou est à des zones où l'écorce est de plus faible densité que
très mince dans certaines d'entre elles. la normale.
Les choses se passent comme si le Sial flottait sur C'est à cet état d'équilibre, par lequel l'écorce ter-
le Sima plus ou moinsvisqueux à la façon d'un radeau; restre flotte sur le milieu plus dense et visqueux sous-
les massifs continentaux se maintiendraient ainsi à la jacent, que l'on a donné le nom d'isostasie. Ce n'est
surface d'un bain magmatique plus dense, le Sima, donc pas autre chose que l'équilibre de flottaison selon
par la pression hydrostatique. le principe d'Archimède, en observant que dans le cas
Deux conceptions sont en présence; la première de l'écorce terrestre, le fluide dans lequel elle plonge
répond à l'hypothèse de PRATTet la seconde est jouit d'une très forte viscosité. Dans ces conditions,
donnée par l'astronome AIRY. le retour à la position d'équilibre. lorsque celle-ci est
PRATTadmet que les grandes différences d'altitudes troublée, est un phénomène très lent, qui doit exiger
observées à la surface de l'écorce terrestre seraient des milliers d'années pour se réaliser complètement.
dues à des différences de densité du matériel qui la On peut dire que l'isostasie rentre aujourd'hui dans
constitue. A une profondeur d'environ 100 km. se le domaine des faits bien établis; les confirmations
trouverait une surface de compensation où l'équilibre qu'elle a reçues par des observations géophysiquesfont
est établi. que son exactitude ne peut plus être mise en doute.
242 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

terres de Gondwana, sur une aire d'extension en sens inverse, ou encore les deux parties
considérable dans l'hémisphère Sud, pendant ont subi des mouvements.
qu'une large bande à climat tropical s'allon- A Timor, une faune coralienne permienne,
geait de l'Amérique du Nord à l'extrême donc de climat tropical, se trouve à proximité
Sud-Est de l'Asie en passant au Sud du des moraines de la côte australienne d'âge
Groenland, de l'Europe et de la Chine, est contemporain. H. GERTH fait observer, avec
inexplicable lorsqu'on accepte les anciennes raison, qu'un tel fait ne peut s'expliquer que
conceptions classiques et la fixité des conti- si Timor et l'Australie se sont rapprochés
nents. depuis le Permien.
A la rigueur, on aurait peut-être pu ad-
mettre que les zones occupées par la glacia- 2° Le système du Lualaba-Lubilash.
tion étaient situées autour du pôle Sud dé- (Carbonifère supérieur, Permien, Triasique,
placé quelque part dans l'Océan Indien, les Jurassique inférieur. )
continents ayant leur position actuelle, si — Après le dépôt des der-
l'on ne connaissait pas la calotte glaciaire a) GÉNÉRALITÉS.
nières couches appartenant au système du
contemporaine de l'Amérique du Sud. L'exis-
tence de cette dernière rend une telle solution Kundelungu et les plissements qui affectèrent
les formations de ce système dans certaines
inacceptable. C'est l'avis qu 'émettent de nom-
breux auteurs. (1) zones, la région congolaise émergée fut sou-
mise à une dénudation intense; les reliefs fu-
De nombreux géologues considèrent à pré- rent arasés et le pays pénéplané, sans que
sent qu'il est nécessaire d'admettre l'exis- cette pénéplanation ait cependant été parfaite.
tence d'un ancien groupement, plus ou moins La région congolaise n'avait pas, à ce mo-
serré des différentes terres du continent de
ment, l'allure en cuvette que nous lui con-
Gondwana, pour pouvoir satisfaire l'esprit et naissons aujourd'hui et qui s'est dessinée,
tenter d'expliquer l'existence de ces énormes comme nous le verrons plus loin, à l'époque
calottes glaciaires à proximité du pôle Sud des gondolements de la mi-Tertiaire.
déplacé, quitte à supposer que ces régions C'est, en tout cas, dans des expansions la-
continentales ont dérivé, depuis lors, pour custres, plus ou moins reliées à d'autres lacs
prendre la position qu'elles occupent à semblables étendus à la surface du continent
présent. de Gondwana, que se sont déposées les for-
On accepte en général la théorie du mobi- mations classées dans le système du Lualaba-
lisme d'E. ARGANDet l'on admet ainsi que la Lubilash.
chaîne de l'Himalaya a dû amener un rap- Les formations lualaba-lubilashiennes repo-
prochement entre l'Inde péninsulaire et le sent, en discordance bien marquée, sur les
massif asiatique du Nord-Est. Le massif in- couches incorporées dans le socle sous-jacent.
dien a subi une ample translation du Sud- Elles ont gardé leur horizontalité générale et
Ouest au Nord-Est, ou l'Asie s'est déplacée n'ont guère été affectées que par des mouve-
ments locaux d'allure verticale, mouvements
qui ont d'ailleurs permis à certains lambeaux
(1) Voir notamment Du TOIT,GIGNOUX,
SIMPSON. enfoncés d'être conservés.

, ) JURAS-
Jur. inf. (1 1~
SIQUE
gti'
!
l' Série ( 3 i 4)
a 1 supérieure 1 Etage du Lubilash 1 3 |
du Lualaba- et 2 fC j c*0 g ) Triasique
•S I étage du 1
5 500 à
Lubilash
600 m. 1j1 l , SIQUE
TRIA-
) (I Lualaba 21 ;
J ( e ) supérieuri
Période érosive Triasique ( |
< 2 () Série de Beaufort inférieur
t-9
s i f i} ;
3l ) d 1 ) )
j Etage PER-
S
8 ( C 2 Série d'Ecca '( MIEN
• £ , Série
00 supérieur3 f
Lukuga
Etage inférieur j )
2 Série de la DM;yA:a NIFERE
CARBO-
1 de la fv B
A. 1
A'
3
Tillite
l! SUPERIEUR !SUPERIEUR
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 243

Tout le fond de la cuvette congolaise, une Il avait été rapporté au Trias, du fait de la
partie de ses flancs et même de son rebord, position adoptée pour ces couches dans
sont recouverts par le manteau lualaba-lubi- l'échelle stratigraphique. Mais la période gla-
lashien, qui apparaît parfois, en lambeaux, ciaire correspondant à ce conglomérat repré-
dans le fond des zones effondrées de la bor- sente, en réalité, celle qui se localise au début
dure orientale, où il a pu être soustrait aux du Karroo; elle est d'âge carbonifère supé-
actions érosives. rieur et correspond à celle du conglomérat
de la Dwyka.
Les séries du système du Lualaba-Lubilash J. CORNET, qui n'avait parcouru que le
se présentent, de haut en bas, comme l'indique Sud du bassin congolais, estimait, en s'ap-
le tableau de la page 244. puyant sur les coupes des sondages de la
Le tableau ci-dessus montre comment Lovoi, que les. grès du Lubilash devaient se
s'établissent les raccords entre le système du superposer aux formations argileuses fossili-
Lualaba-Lubilash et le système du Karroo et fères du Lualaba. G. PASSAU,ainsi que S. H.
quelle est la position que prend le Lualaba- BALL et M. K. SHALER étaient d'un avis
Lubilash dans l'échelle stratigraphique géné- différent. Ils considéraient que l'on avait
rale. affaire à une série unique se présentant sous
deux facies distincts, le faciès siliceux du
b) UN MOT D'HISTORIQUE.— Le système Lubilash, à l'Ouest, et le facies du Lualaba,
du Lualaba-Lubilash a été créé par J. CORNET. argileux et calcareux, à l'Est. Cette dernière
A ce moment, le système du Kundelungu manière de voir a semblé être confirmée par
était encore imparfaitement connu et défini ; la découverte de fossiles dans un horizon ar-
il était considéré comme étant constitué par gileux localisé dans les formations gréseuses
des couches subhorizontales, son facies plissé du Lubilash et le synchronisme des couches du
du Katanga méridional n'ayant pas été iden- Lubilash et du Lualaba paraissait devoir être
tifié. un fait bien établi (M. LERICHE).
Des observations effectuées par J. CORNET, Nous allons voir plus loin qu'il n'en est
lors de ses mémorables explorations au centre pas tout à fait ainsi.
africain, il semblait résulter que la grande
coupure existant en Afrique, entre le sou- c) LA SÉRIE SUPÉRIEUREDU LUALABA-LUBI-
bassement continental ancien plissé et le man- LASH. — L'étage du Lualaba-Lubilash, d'âge
teau sédimentaire, qui en forme la couverture,
triasique supérieur et jurassique inférieur et
passait sous les couches du Kundelungu, qui, correspondant à la série de Stormberg du
comme nous le savons à présent, font en
système du Karroo, se caractérise par deux
réalité partie du soubassement. faciès.
A ce manteau, constitué en Afrique du Sud
Le facies oriental ou du Lualaba, argileux
par les couches du système du Karroo, sem- et calcareux, se présente d'une manière typi-
blaient ainsi correspondre, au Congo, les cou-
ches du Kundelungu les que dans la région de Stanleyville, où les
avec, par-dessus, couches peuvent atteindre une épaisseur de
grès du Lubilash et les schistes du Lomami 150 m. et même plus. La succession des cou-
et du Lualaba.
Les formations du Lualaba de la région de ches, établie par G. PASSAU, donne ce qui
de haut en bas :
Stanleyville furent étudiées par G. PASSAU, suit,
et les fossiles que l'on y trouve, par grès zonaires;
M. LERICHE, ce qui permit de fixer au Tria-
grès avec couches bitumineuses à la base;
sique supérieur et au Jurassique inférieur
l'âge de ces couches. argilites avec marnes rouges, barriolées et
couches bitumineuses;
Le sommet du manteau sédimentaire, le
système du Lualaba-Lubilash, argilites et schistes verts avec couches bitu-
pouvait ainsi mineuses et calcaires à Ostracodes et Poissons ;
être considéré comme l'équivalent, au Congo,
de la série de Stormberg du système du grès souvent calcareux avec conglomérat
Karroo. de base et couches de schistes bitumineux au
sommet.
Un conglomérat glaciaire avait été décou-
vert à la base des couches du Lualaba-Lubi- C'est dans ces sédiments qu'ont été trouvés
lash dans la Province Orientale, à l'Ouest du les fossiles déterminés par M. LERICHEet dont
Tanganyika et notamment sous la latitude de la liste est donnée ci-contre sous la rubrique
4°20' Sud, par S. H. BALL et M. K. SHALER. « Etage du Lualaba ».
ens~s. Corneti,
,Miraeseni, indiC((.
Passant, yidica, ([/l,-dm!ls.
luababensis
congolensis, australis.
~)iayigalieiisis
manqaliensis
anqohnsis.
ango
Estheria. cycloptcroidcs.
JIathieui,
I
l, Var.
var. C.
Estheria
Esthena ,Peltopleurus Metacypris G1<>s$optcns
GlossopfNis
Lcpidotus
Pholidophorus
Esthcriclla PhyllotJ¡cc([Gangamoptcris
Phijllothcca
rou-peu Lcslici,
brun,
bancs
ou ronglo-
veinettes
f gris psammites.
veinettes.
parfois
dargllltl" bariolés, et

1
base,
blanchâtres schistes
vin,
lation et de psammites, schistes,
la grès.
'1a grès. ,.. charbon psammites.
polymorphes et
lie
ou de
grès,
Kalahari. intercaw
f' l,
grès schistes, :
jaunâtres,
'l' argilites
du verts, schistes,
an'r fossilifères. charbon. schistes
f' lenticulaire.
fossilifère; couches :
avec l grès,
: de houille
5 avec
-
tendres, tendres, oun^ana'
système A de noirs
è- ,., mérat jaunâtres,
calcaires
au -'t
Orès Cyclodcndron
(:rès Conglomérat-base
supérieurs i s 1 1 j glaciaire
) transition couches schistes
i-i l
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rapportés a 600
Lubilash à
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Sériedu • m Série
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..;J2 j 5 '~5"i s - * oj 'S ®
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 245

Cette faune mélangée, triasique supérieur Au Kwango, les formations gréseuses at-
et jurassique inférieur, se trouve dans des teignent une épaisseur de 600 m. (E. AssEL-
formations qui, suivant M. LERICHE, ont dû BERGHS)
se déposer en eau saumâtre, dans de vastes Des Estheria ayant été trouvés dans les
lagunes en communication plus ou moins di- couches de l'étage du Lubilash, à Kitari, dans
recte avec la mer. l'Inzia, et au confluent du Sankuru et de la
A l'île Bertha, à proximité
de Stanleyville, existe dans
l'étage, un niveau calcaire qui
se retrouve plus au Nord, no-
tamment dans les formations
lualabiennes de la vallée de
l'Itimbiri (MATHIEU, F. F. )
Le niveau des argilites
se retrouve à la Lovoi
(RICHET, E.).
Le facies gréseux plus par-
ticulièrement propre aux ré-
gions de l'Ouest est caracté-
risé, de haut en bas, par la
coupe du Lubilash établie par
J. CORNET.
8. grès polymorphes et
Fossiles de la série supérieure du Lualaba-Lubilash.
blocs des plateaux; Calcaire recouvert d'Estheriella Lualabensis. LERICHE. Echelle 4/1.
7. grès tendres, rouge vif;
6. psammites tendres, rouge vif, micacés, Bushimaie, M. LERICHE considéra ces couches
à grains de feldspath altéré; comme étant d'un âge très voisin de celui
5. schistes argileux, rouge brique, gris; de l'étage de Stanleyville. La découverte
4. argilite grise à concrétions siliceuses; d'Estheria mangaliensis et d'Estheriella Mou-
tai dans les argilites de Quela, dans l'Angola,
3. schistes siliceux, en feuillets minces, lui permit de rapporter les Estheria de Ki-
grisâtres ; tari à VEstheria mangaliensis et d'établir que
2. grès tendres rougeâtres ou jaunâtres; les couches de l'étage du Lubilash sont du
1. grès brun dur. même âge que celles de l'étage du Lualaba,
c'est-à-dire d'âge triasique supérieur et rhé-
Les observations récentes prouvent que tien (M. LERICHE).
l'horizon 8 doit être rapporté aux formations
Ces formations lualaba-lubilashiennes du
du type du Kalahari.
facies gréseux occidental paraissaient donc
devoir être sensiblement synchroniques des
formations à facies argilo-calcaire oriental.

A. C. VEATCH fait observer qu'Estheria


mangaliensis se rapproche beaucoup d'Esthe-
ria draperi trouvée dans les Cave Sandstones
et que les couches du Lubilash tendent ainsi
à se paralléliser avec cet étage de la série de
Stormberg.
Valve gauche d'Estheriella. Reconstitution de la L'étage du Lubilash avec ses trois horizons
Echelle 4/1. valve gauche d'Estheriella. successifs, grès inférieurs, schistes argileux,
Echelle 12/1.
grès et sables supérieurs, a, en général, une
La coupe de la vallée de l'Inzia donne, de épaisseur totale de l'ordre de 500 à 600 m.
haut en bas (G. PASSAU) : Au Kasai, les formations sableuses lubi-
lashiennes sont plutôt hétérogènes. A la base,
grès jaunes supérieurs, 160 m.; on trouve des lentilles irrégulières d'arkose
argile rouge fossilifère, 2 m.; et de grès. De petits cailloux bien roulés
grès rouges, puis gris, friables, 56 m. (granité, agate et quartz) ne dépassant pas la
246 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

grosseur d'un œuf de pigeon sont éparpillés Ces formations ont été étudiées au charbon-
dans le sable et ne constituent pas un véri- nage de la Luena par R. CAMBIER et, au
table cailloutis de base. On retrouve des len- charbonnage de la Lukuga, par P. FOURMARIER
tilles d'arkose et des cailloutis éparpillés par- et par A. JAMOTTE.
fois jusqu'au sommet de la formation. A la Lukuga, la succession donnée par
Ces dépôts auraient pu s'accumuler dans P. FOURMARIERest la suivante, de haut en
un lac peu profond, aux eaux agitées, cer- bas :
taines parties ayant été apportées par des
dans une région sèche. g) Assise des grès blanchâtres et bigarrés
pluies torrentielles de Tambwa avec faisceau de couches de houil-
le. (La relation des couches de cette assise avec
L'étage du Lubilash à facies gréseux occi- les couches sous-jacentes est incomplètement
dental fait bien partie de la série supérieure définie).
du Karroo. Il faut pourtant observer que la
f) Assise de grès rouges : grès finement
tête de l'horizon supérieur gréseux et sableux
grenus, grès grossiers, banc de poudingue.
de cet étage est souvent formée par des sables
Epaisseur : 400 à 500 m.
et des grès tendres avec grès polymorphes.
Ces roches silicifiées renferment généralement e) Assise des schistes rouges : schistes
de les argileux, argilites, psammites schisteux.
des traces fossilifères qui permettent
aux formations du système du Epaisseur : 100 m. environ.
rapporter
Kalahari (A. JAMOTTE). d) Assise de transition : grès grossiers,
On trouve ainsi à la tête des formations de psammites zonaires, schistes. Epaisseur : 40 m.
environ.
l'étage du Lubilash des roches qui, en réalité,
sont du Lubilash remanié pendant la longue c) Assise à faisceau de couches de houille:
période du Kalahari. grès grossiers, psammites zonaires, 5 couches
de houille intercalées. Epaisseur : 100 m.
Au cours de la guerre, des formations fos-
environ.
silifères semblables à celles de l'étage du Lua-
laba de Stanleyville avec schistes bitumineux b) Assise des schistes noirs : schistes noirs
ont été reconnues dans le Bas-Kasai par finement micacés, bancs de psammites zonai-
J. LEPERSONNE.Ces formations sont surmon- res. Epaisseur : 100 m. environ.
tées par les grès du Lubilash dans lesquels a) Conglomérat de base de composition
avait été trouvé l'horizon schisteux à Esthe- variable et d'origine glaciaire bien marquée.
ria. Cet étage gréseux vient donc se superpo- Epaisseur variable.
ser à l'étage du Lualaba à facies de Stanley-
ville. Dans les assises charbonneuses des couches
de la Lukuga, M. MERCENIERavait découvert
Les formations lualaba-lubilashiennes à fa-
et déterminé, autrefois, des fossiles végétaux
ciès gréseux occidental ne sont donc pas com-
qui lui avaient permis de rapporter ces cou-
plètement synchroniques des formations à fa- ches à l'assise d'Ecca du système du Karroo
cies argilo-calcaire oriental.
et de les considérer comme étant d'âge per-
Par ailleurs, dans la zone voisine du Tan- mien. Plus récemment, A. JAMOTTEa recueilli
ganyika au Nord d'Albertville, A. JAMOTTEde nombreux échantillons d'une flore à Glos-
a reconnu l'existence d'un étage gréseux au- sopteris dans les mêmes couches, notamment
dessus des formations renfermant des fossiles les plantes fossiles reproduites à" la planche
analogues à ceux du Bassin de Stanleyville. ci-contre. Les déterminations, effectuées par
Les deux étages du Lualaba et du Lubilash A. RENIER, prouvent que cette flore présente
peuvent toujours être considérés comme d'âge les plus grandes affinités avec celle de la,par-
triasique supérieur- rhétien. tie moyenne de la série d'Ecca du système
du Karroo et que les couches de la Lukuga
comme étant d'âge
d) LA SÉRIE INFÉRIEUREDU LUALABA-LUBI- peuvent être considérées
LASH. — On ne retrouve pas les formations permien, ce qui fixe avec sécurité la position
qui constituent cette série de la Lukuga dans de la série inférieure du système du Lualaba-
Lubilash dans l'échelle stratigraphique. On
les régions Nord et Ouest du bassin congolais.
le
Elles sont localisées dans les régions orienta- pourrait même, dès à présent, considérer
la
les, à l'Est du 25e méridien, dans des bandes conglomérat glaciaire, base de la série de
allongées et déprimées où elles ont pu être Lukuga, comme étant l'équivalent du conglo-
respectées par les érosions survenues au cours mérat de la Dwyka et d'âge carbonifère
des périodes subéquentes. supérieur.
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 247

Gangamopteris cyclopteroides.

Phyllotheca indica BUNBURY

Glossopteris indica SCHIMPER.

(Photos A. RENIER.) NoeggerathiopisHislopi BUNBURY


Fossiles de la série inférieure du Lualaba-Lubilash(Série de la Lukuga). Echelle 1/1.
248 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

La série de la Lukuga peut être divisée en Au cours d'études effectuées au Katanga


deux étages : par le Service Géographique et Géologique,

j I D) Assise de transition : grès, schistes, psammites, veinettes de


M
S L 1 charbon (40 m.).
's Etage supérieur <
1hJ V C) Assiseà couches de houille : grès, schistes, psanunites, 5 couches
es
et veinettes (135
C) Assise à couches de houille : grès, schistes, psammites,
m.). 5 couch
de j) charbon

.SI 1 ( B) Assise de schistes noirs : schistes, (125 m.).


r Etage inférieur j psammites
| (A) Poudingue glaciaire et aussi grès et schistes.

Dans le bassin de la Luena, R. CAMBIER G. MORTELMANSa pu observer, notamment


retrouve une échelle stratigraphique analogue dans la région de la basse Luabo (affluent du
à celle du bassin de la Lukuga et allant de- Lubudi), que la série de la Lukuga y est en
puis la base jusqu'au niveau des schistes rou- grande partie d'origine glaciaire et que l'on
ges, c'est-à-dire l'ensemble des formations qui peut même y observer plusieurs glaciations
correspondent à la série de la Lukuga définie séparées par des phases interglaciaires.
ci-avant.
Le faisceau des couches de houille (C) ren- En résumant les données qui nous parais-
ferme une flore à Glossopteris connue à la sent acquises au sujet du système du Lualaba-
Lukuga. Lubilash, nous considérons donc qu'il existe,
Au-dessous de l'assise (C) existent des hori- dans ce système, une série inférieure, la série
zons de schistes noirs épais de 100 m. ; à leur de la Lukuga, qui est nettement distincte de
base existe, en certains points, un conglomérat la série supérieure. Celle-ci est constituée par
glaciaire. Ces horizons représentent sans dou- deux étages, l'étage du Lualaba et l'étage du
te les assises B et A de l'étage inférieur de Lubilash.
la Lukuga. Les formations appartenant à Les sables et grès blancs avec grès poly-
cette série sont rencontrées en de nombreux
morphes de la partie supérieure de l'étage du
points de la région orientale du bassin du Lubilash, doivent être reportés au-dessus du
Congo et notamment dans les bassins de
système du Lualaba-Lubilash et être incor-
Walikale, de la Lowa, de l'Oso et de la porés dans les formations du système du
Lubutu, dans ceux de l'Ulindi, de l'Elila, Kalahari.
de la Luama et de la Lufubu (km. 173-174
du chemin de fer de Kongolo à Kindu). Les
assises A et B de l'étage inférieur de la e) LA MORPHOLOGIECONGOLAISE A LA PÉ-
avoir en ces points une RIODEDU KARROO.— Nous verrons plus loin,
Lukuga paraissent
extensiun beaucoup plus large que l'assise C en traitant de la morphologie et de l'hydro-
à couches de houille. graphie du bassin congolais, que le centre
Dans la flore à Glossopteris provenant de actuel de la cuvette, vers lequel converge
la région de Walikale (Kivu), A. RENIER a le réseau hydrographique, se trouve reporté
identifié notamment Gangamopteris cyclopte- vers le Nord-Ouest, dans la région du con-
roides FEISTMANTEL.La flore de ce petit bas- fluent Ubangi-Congo et des lacs Léopold II
sin peut être considérée comme analogue à et Tumba. Cette allure de la cuvette date de
celle d'Entebbe, près du lac Victoria, et se l'époque mi-tertiaire, lorsque des gondole-
rapporterait à la série d'Ecca du Karroo de ments du massif continental ont provoqué la
du Sud, en observant, comme le formation des différentes cuvettes du centre
l'Afrique
note A. RENIER, que certains niveaux infé- africain et notamment celle du bassin congo-
rieurs pourraient être mis en parallèle avec lais.
l'étage de la Dwyka. A l'époque où se sont déposés les sédiments
En Rhodésie du Nord, les couches du sys- lualaba-lubilashiens, la morphologie générale
tème du Karroo, visibles dans les vallées de du bassin avait une allure différente (A. C.
la Luano, de la Lukushoshi et de la Luang- VEATCH). Une bande déprimée semblait s'al-
wa, renferment une flore à Glossopteris, mais longer dans la zone orientale passant par la
le conglomérat glaciaire de la Dwyka et l'Ecca région où se dessine actuellement le graben
inférieur sont absents à la base de ces forma- de l'Upemba et se prolongeant vers le Nord
tions. et le Nord-Est. On y retrouve les restes de la
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 249

série inférieure du Lualaba-Lubilash, l'étage rie compréhensive dont l'âge peut aller de-
de la Lukuga. Ces dernières formations ne sont puis la fin du Jurassique jusqu'au Pléis-
pas connues à l'Ouest du 25e méridien. On tocène.
peut supposer qu'après le dépôt des couches Le manteau localisé, constitué par les for-
de l'étage de la Lukuga, au Trias inférieur mations du type du Kalahari, renferme sou-
(Beaufort moyen et supérieur), au moment vent un étage sableux, superposé à un étage
où s'effectuait un plissement Est-Ouest à de calcédoine, de quartzites ou de grès ferru-
l'extrémité Sud du continent africain, une gineux.
période d'érosion s'est manifestée dans l'aire Le sable supérieur, plus ou moins consolidé,
du bassin congolais, enlevant les formations est souvent épais de 75 m., et peut exception-
de la série inférieure du Karroo et ne les nellement atteindre l'épaisseur de 80 m. En
laissant subsister que dans les zones déprimées
Afrique du Sud, on estime que l'accumula-
localisées à l'Est. tion de ces sables est en général d'origine
Lors du dépôt des couches de la série supé- éolienne. Ce manteau supérieur sableux, dé-
rieure lualaba-lubilashienne, les régions con- nommé « sables du Kalahari », s'étend dans
golaises auraient conservé l'allure générale le désert du Kalahari et dans le Bechuana-
décrite ci-dessus. Le pays était plus déprimé land d'où il se propage vers le Nord à travers
le long d'une bande orientale où se déposaient la Rhodésie jusqu'à l'extrémité orientale de
les formations lualabiennes à facies argileux, l'Angola, vers 12° de latitude Sud (H. B.
tandis que dans la région plus élevée de MAUFE) On le retrouve dans le bassin du
l'Ouest et du Nord-Ouest se déposaient sur- Congo.
tout les couches lubilashiennes à facies gré-
L'étage sur lequel s'étendent les « sables
seux. On peut même supposer que c'est sur- du Kalahari » peut être composé de dépôts
tout de cette région de l'Ouest, où devaient divers silicifiés. Ce sont des calcédoines pro-
exister des reliefs, que furent amenés les venant de la silicification de dépôts calcaires
matériaux sédimentaires. et calcaro-gréseux, des quartzites provenant
La morphologie de l'aire congolaise, propre de sables et de grès. On y trouve aussi parfois
à la période du Karroo et très différente de des grès ferrugineux.
celle qui existe actuellement, a dû subsister Les roches de l'étage silicifié renferment
jusqu'au moment où les gondolements de souvent des fossiles d'eau douce, des Algues
l'époque mi-tertiaire sont venus la bouleverser fossiles avec oogones, les Chara, des Ostra-
et ont donné à la région congolaise la forme codes du genre Cypris, des Gastéropodes des
en cuvette que nous lui connaissons. genres Planorbis et Physa, avec d'autres fos-
siles tels que Limnaea.
B. — LES FORMATIONS DU TYPE DU SYS- Ces formations ont dû se déposer au cours
TEME DU KALAHARI. d'une période climatique assez humide qui a
précédé une période sèche à tendance déser-
Durant la longue période continentale qui, tique durant laquelle a pu s'effectuer la sili-
en Afrique, a suivi le dépôt des dernières cification.
couches du systèmes du Karroo, à l'époque
rhétienne, la surface continentale, tout en Des formations du même type existent dans
subissant des actions érosives et des altéra- le bassin du Congo et semblent s'y être assez
tions superficielles, a vu se former dans de
largement étendues, plus particulièrement sur
nombreuses régions des dépôts divers. tout le versant de ce bassin.
On y trouve parfois des fossiles qui sont Au mont Bunza, entre la Tshikapa et la
des restes de flores et de faunes terrestres. Lugotshima, à quelques kilomètres au Nord
De tels dépôts, examinés et étudiés tout de la frontière de l'Angola. H. DE RAUW a
d'abord dans la cuvette du Kalahari, sont
signalé l'existence de roches silicifiées épais-
observés dans différentes régions du conti- ses de 100 m. Ce sont des grès silicifiés avec
nent africain et notamment dans les terri- deux couches de calcaires et de calcschistes
toires du bassin congolais. silicifiés fossilifères. Dans ces couches,
Les formations continentales du système du M. LERICHE a trouvé les fossiles d'eau douce
Kalahari peuvent avoir les facies les plus di- suivants : des Ostracodes Cypris Farnhami
vers; ce peuvent être des dépôts lacustres, LERICHE; des Gastéropodes, Physa et Planor-
fluviatiles, alluviaux, colluviaux ou éoliens. bis, Physa sp., Physa Parmentieri LERICHE,
Leur épaisseur totale ne dépasse guère 150 m. Planorbis sp.; des oogones d'Algues, Chara,
Ces formations constituent une véritable sé- Chara Rauwi LERICHE.
250 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

Les carapaces de Cypris sont très abon- trale et du bassin du Congo ne peut pas
dantes, au point de former souvent une partie être déterminé.
importante de la roche. Chacun sait que des flores et des faunes
Au plateau du Kundelungu, à la Kampem- d'eau douce ne permettent guère de définir
ba, P. BRIEN a signalé l'existence d'une épais- avec précision la situation stratigraphique des
seur de 60 m. de calcaires silicifiés, mais ils couches qui les renferment, surtout si elles
doivent être rapportés au Pléistocène et sont sont mal conservées et s'il n'y existe pas
ainsi d'âge postérieur au système du Kala- d'horizon marin intercalé pouvant jouer le
hari. Les fossiles de ces calcaires lacustres rôle de repère. L'évolution généralement len-
silicifiés (M. LERICHE) sont : un Planorbis, te des formes des flores et des faunes terres-
deux espèces de Limnaea, dont l'une Limnaea tres permet, même difficilement, d'attribuer
cf. africana Rupp., un Physopsis déterminé avec sécurité un âge identique à des forma-
comme Physopsis africana" var. Didieri de tions qui recèlent des fossiles semblables et
RocH. et GERM., des oogones mal conservés qui sont quelque peu distantes les unes des
de Characées, de Chara ou de Nitella. autres.
Dans la vallée du Lubudi, dans des roches Dans la calcédoine des formations du Kala-
siliceuses qui doivent être des calcaires sili- hari, en Rhodésie du Sud, recouverte par les
cifiés, on a trouvé les fossiles suivants sables du Kalahari, ont été trouvées deux ou
(E. POLINARD) : Cypris Lerichei POLINARD, trois espèces de Chara, Viviparus, Paludes-
se rapprochant du Cypris Farnhami LERICHE, trinia, Isodora, Limnaea et Mélania.
du mont Bunza; Planorbis Fontainasi POLI- R. BULLEN NEWTON,se basant sur certaines
NARD; Pyrgophysa Cayeni POLINARD,se rap- ressemblances des Viviparus et Paludestrinia
prochant de Physa Parmentieri LERICHE; avec les espèces trouvées dans les lits inter-
Pyrgophysa sp. ; des oogones de Chara Sa- stratifiés des trapps basaltiques du Deccan;
leei POLINARD, se rapprochant de Chara ainsi qu 'avec les formes des couches de Laran-
Rauwi LERICHE du mont Bunza. Ce sont des ni, en Amérique du Nord, conclut que la
formes assez frustes. calcédoine fossilifère pourrait avoir un âge
En Angola, dans la plaine de Cassanje, à remontant jusqu'au Crétacé supérieur.
l'Ouest de la rivière Lui, des couches silici- Au Sud-Ouest africain, des formations
fiées ont été signalées (BORGESet MOUTA). Les continentales, avec calcaires d'eau douce à
fossiles de la plaine de Cassanje sont : Pla- Limnaea, sont notablement silicifiées. Elles
norbis, Physa, Cypris, Limnaea, Physopsis passent vers le bas à de l'Eocène à fossiles
et Chara. marins.
M. LERICHE observe que les meulières qui Par ailleurs, NEWTONa signalé une associa-
ont donné ces fossiles sont analogues à celles tion de Chara, Melania et Planorbis, dans les
du mont Bunza, mais que leur âge est peut- roches du Fayum d'Egypte considérées com-
être différent. Elles sont riches en oogones me Oligocène inférieur.
de Chara et renferment de nombreuses co- La découverte des calcaires fossilifères sili-
quilles de Pila (Ampullaria). cifiés du mont Bunza a amené H. B. MAUFE
Au Katanga, dans la région de Sakabinda, à donner son opinion sur leur signification
ainsi qu'en beaucoup d'autres endroits, on et leur âge, en s'appuyant sur l'existence
trouve des fossiles, Cypris, Planorbis, Physa d'un horizon géologique semblable en Rhodé-
et Chara, qui permettent d'identifier des ro- sie et renfermant les mêmes fossiles. Il estime
ches silicifiées du type du Kalahari ainsi que ces couches du mont Bunza doivent
(A. JAMOTTE). être classées dans les formations continentales
Nous considérons que, notamment dans le du Kalahari, connues comme étant d'âge cré-
bassin du Congo, les roches silicifiées fossi- tacé et tertiaire et que l'on pourrait même
lifères du type du Kalahari de faire remonter jusqu'au Jurassique supérieur
permettent
caractériser la surface de l'ancienne inclusivement.
péné-
plaine, qui était bien dessinée au moment où, Les arguments paléontologiques, climatiques
au Miocène, se sont produits les gondolements et morphologiques, quoique de poids insuffi-
qui ont mis fin au cycle géographique dont sant pour fixer avec précision l'âge de l'étage
cette pénéplaine était l'aboutissement. silicifié du Kalahari, permettent cependant
d'admettre qu'il pourrait être daté du Cré-
Malgré la présence de fossiles, l'âge précis tacé, de l'Eocène et de l'Oligocène.
des formations du Kalahari de l'Afrique aus- Quant à l'étage sableux supérieur du Kala-
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 251

C. — LES COUCHES DE LA BUSIRA ET LES


hari, qui est une formation de climat sec,
même désertique, il date de la fin du Ter- DEPOTS FLUVIO - LACUSTRES DES
tiaire. Il est rapporté au Pliocène et même au GRABENS.
Quaternaire inférieur par certains auteurs, Il est convenu d'appeler couches de la
mais H. B. MAUFE estime qu'il est de date Busira les dépôts fluvio-lacustres assez ré-
antérieure à l'introduction de la période hu-
mide du début du Pléistocène et je partage cents, pléistocène et pliocène supérieur, qui
colmatent la zohe la plus déprimée de l'im-
cette manière de voir. mense cuvette congolaise et qui ont une épais-
Au Congo, l'âge de l'étage sableux supé- seur encore assez mal définie.
rieur du Kalahari ne peut pas, en tout cas, Dans la plaine du lac Albert, il existe des
se prolonger jusqu'à la fin du Pliocène et mollement on-
couches sableuses stratifiées,
au Pléistocène. On verra plus loin, en effet,
dulées avec lits de débris de fossiles (bone
que le climat éqùatorial y était établi à la fin beds). Ce sont les Kaiso et les Kisegi Beds
du Pliocène et au Quaternaire, avec la forêt
des géologues de l'Uganda, dans lesquels on
dense et le lac de la Busira.
trouve notamment Melania brevissima et Vivi-
C'est dans l'étage sableux supérieur du
parus Alberti.
Kalahari qu'il faut classer les sables super-
Ces dépôts sont séparés des formations an-
ficiels répartis dans la région Sud du bassin dans l'escarpement occi-
tout au ciennes apparaissant
du Congo et là partie supérieure
dental du lac Albert, par une série de failles
moins des grès tendres du Stanley Pool.
jalonnées par des sources thermales et ac-
Des observations effectuées au cours de la
compagnées de certaines venues bitumineuses.
guerre dans le Bas-Congo, notamment par
J. LEPERSONNE,il résulte que des formations
du Kalahari constituées par des grès tendres V. — LES FORMATIONS DU LISERE
et des grès polymorphes fossilifères s'éten- LITTORAL.
dent dans ces régions et au Kwango, notam-
ment à Thysville, Léopoldville, le long du Le long du littoral, entre l'Atlantique et
Chenal, en divers points entre le Stanley les premiers affleurements du soubassement
Pool et Tshumbiri, à Mushye et à Popoko-
ancien, qui se dessinent dans les reliefs si-
baka (J. LEPERSONNE). tués à l'Est, une bande de territoire est
La remarque que nous faisions ci-dessus à constituée par des terrains marins crétaci-
propos des grès tendres du Stanley Pool peut ques et tertiaires, souvent recouverts par des
ainsi être considérée comme exacte. dépôts superficiéls récents.
En tirant parti des études qu'il a pu faire Les couches du sous-sol, légèrement incli-
pendant la guerre, G. MORTELMANSétablit nées, exposent des affeurements de marnes,
une échelle stratigraphique des dépôts du de calcaires marneux, de grès calcareux d'ori-
Kalahari au Katanga. Elle peut se résumer gine marine et fossilifères.
comme suit, en allant de haut en bas : Ces couches reposent sur des formations
C) Etage des « limons sableux ocreux » gréseuses dénommées grès sublittoraux; dans
avec sables des plateaux, limons, caractère l'Angola ce sont des grès rouges bigarrés et
éolien ou subéolien, cuirasse latéroïde locale. des grès bitumineux; dans le Bas-Congo ce
sont des grès grossiers jaunâtres et des grès
B) Etage des grès polymorphes avec une bitumineux comme à Shipanga. Ces forma-
assise de grès polymorphes, quartzites à ci- tions gréseuses sublittorales sont sans doute
ment calcédonieux, calcédoines, fossiles, et d'âge crétacique inférieur.
une assise locale conglomératique. Au Gabon, on admet que ces grès sublit-
A) Etage de Kamina avec cailloutis, grès toraux sont d'âge crétacique inférieur (D.
et sables. SCHNEEGANS).C'est dans ces grès que se trou-
vent des intercalations de schistes argileux
Dans l'état des connaissances actuelles, on souvent bitumineux.
peut considérer que, dans le centre africain, D'après E. DARTEVELLE,la succession des
le système du Kalahari est une série compré- formations du liséré littoral se présente com-
hensive allant, de haut en bas, depuis le me suit, de haut en bas :
Pliocène moyen jusque dans le Jurassique ou Pléistocène et sans doute Pliocène : sable
tout au moins jusque et y compris l'infra- à faune d'estuaire et sables argileux à faune
Crétacé. marine.
252 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

Miocène : couches de Malembe; grès gros- L'Afrique, comme les autres continents,
siers, calcaires fins. a subi l'influence des forces tangentielles qui
Eocène : calcaire de Sasso-Zao silicifié par se sont développées et ont agi sur l'écorce
endroits et calcaire avec couche à Crassatelles. terrestre aux différentes époques orogéniques.
Paléocène : couches de Landana; couches Si l'on élimine le Nord du continent, qui
argileuses et marneuses; intercalations de fait partie des régions méditerranéennes plis-
grès calcareux. sées au Tertiaire et une bande située à l'ex-
Sénonien : calcaire de Tumuna; calcaire à trême Sud de l'Afrique, soumise à des plis-
lits de silex. sements hercyniens qui se sont prolongés
Crétacé inférieur : grès sublittoraux, cal- jusqu'au Triasique inférieur, on peut obser-
caires, sables et grès bitumineux. ver que le massif continental africain a réagi
Ces formations reposent, en discordance, d'une façon particulière aux actions des cy-
sur le soubassement ancien. cles d'orogenèse.
Pendant l'ère géologique ancienne, propre
aux continents de l'hémisphère Sud et se
VI. — LA TECTONIQUE.
terminant au Carbonifère, au moment où le
massif continental africain était émergé, ce
1° Aperçu préliminaire. bloc a traversé plusieurs cycles d'orogenèse
On a déjà vu plus haut que les mouvements et a vu s'édifier de puissantes chaînes plis-
tectoniques, qui ont provoqué la formation sées, tout comme les autres parties du monde.
des grandes chaînes plissées observées dans Les choses se sont passées différemment
l'écorce terrestre, se sont plus particulière- au cours de l'ère géologique, qui s'est déve-
ment manifestées pendant certaines périodes loppée depuis le Carbonifère jusqu'à l'épo-
de l'histoire géologique. Le tableau ci-après que moderne.
montre comment ces périodes ont été situées Pendant cette dernière période, le massif
dans l'échelle stratigraphique. africain a subi la répercussion plus ou moins
Les plissements de la période huronienne violente de l'action des forces tangentielles,
se sont produits à plusieurs reprises pendant qui ailleurs ont édifié de puissantes chaînes
l'ère précambrienne, notamment entre l'Ar- plissées, comme les Alpes, mais le bâti rigide
chéen et l'Algonkien et vers la mi-Algonkien. constitué par le socle continental africain n'a
La période calédonienne se situe entre le pu être plissé et a réagi d'une manière diffé-
Silurien et le Dévonien, tout en se manifes- rente. Sous l'action des tensions causées par
tant déjà avant la fin du Silurien. les efforts tangentiels, le massif s'est fracturé,
La période des plissements hercyniens, loca- formant des alignements de puissantes cassu-
lisée surtout vers la fin du Carbonifère et le res, telles que les grands grabens, et faisant
début du Permien, s'étend en réalité depuis naître les accidents, encore mal définis, qui
le Dinantien jusqu'au Trias. ont amené l'isolement de l'Afrique dans ses
Quant à la période des plissements alpins, contours actuels. Par ailleurs, sous les pous-
qui dans les Alpes a son paroxysme d'inten- sées de la période des plissements alpins, au
sité au Miocène supérieur, elle débute en Miocène, le socle continental, rigidifié depuis
réalité au Crétacique et n'est pas complète- longtemps, n'a pu qu'être gondolé par des
ment terminée de nos jours. plis de fond qui, dans leurs ombilics, ont
Il ne faut pas négliger de tenir en mé- dessiné des zones de dépression telles que la
moire comment les idées ont évolué au sujet cuvette du lac Victoria et celles du Congo,
de la localisation dans le temps des grandes du Haut-Zambèze et du Kalahari.
périodes de plissements. Autrefois, on consi-
dérait que les grands mouvements orogéni- 2° Les mouvements tectoniques pendant
ques s'étaient produits au cours de périodes l'ère géologique ancienne propre à
étroitement localisées dans l'échelle stratigra- l'hémisphère Sud.
phique et étaient pratiquement synchroni-
ques dans le monde; on admet plutôt, à pré- a) LES PLISSEMENTSDU COMPLEXEDE BASE.
sent, que les périodes de plissements, qui — Constitué par une base réputée archéen-
constituent de véritables cycles d'orogenèse, ne et une division supérieure d'âge algonkien
peuvent être des périodes assez longues dont ancien, le Complexe de Base a été soumis
les limites ne sont pas nettement tranchées, à de nombreuses reprises à de violents mou-
ni partout les mêmes (voir p. 205, note petit vements tectoniques. Le soubassement archéen
texte) a, en tout cas, subi les plissements de la
base
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HERCYNIENS HURONIENS
254 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

grande période orogénique qui, théorique- tout, en effet, des couches violemment plissées
ment, semble avoir eu un caractère universel. et souvent redressées jusqu'à la verticale. Les
Ce Complexe de Base tout entier, y com- plis sont serrés, faillés et souvent d'allure
pris sa division supérieure, a de plus subi isoclinale.
les effets d'une période orogénique qui a pré- C'est ce que l'on observe au Katanga
cédé le dépôt de la série sédimentaire kiba- (CAHEÎN-MORTELMANS), au Kivu (N. BOUTA-
rienne. C'est sans doute au cours de cette KOFF) et en Uganda (COMBE). La série infé-
dernière période orogénique que sont appa- rieure schisteuse KI a été particulièrement
rues les intrusions de vieux granites aux- affectée par l'intensité des plissements et l'on
quelles est liée la principale minéralisation y observe des couches fortement plissées et
aurifère du centre africain et même de toute plicaturées jusque dans le détail. La couver-
l'Afrique. ture quartzitique K2 paraît avoir mieux
résisté. Elle dessine elle aussi des plis serrés,
b) LES PLISSEMENTS KIBARIENS.— Le grand mais on y observe plus souvent des plis se
bouclier ancien soudanais s'étend dans la succédant en synclinaux et anticlinaux d'al-
plate-forme congolaise jusqu'à proximité de lure assez large.
la région des Kibara au Sud-Est. Dans cette La période orogénique kibarienne a déve-
région, la vieille plate-forme a vu se dessiner loppé sa phase paroxysmale à la fin ou vers
une dépression géosynclinale où se sont dé- la fin de la période des dépôts de la série
posées les épaisses formations kibariennes et sédimentaire kibarienne. Avec la longue pé-
où s'est érigée ensuite une chaîne bordière riode de dénudation qui l'a suivie, elle se
d'âge kibarien qui est venue s'adosser au localise, dans l'échelle stratigraphique, entre
bouclier rigide du Nord-Ouest. le système des Kibara et le système schisto-
Cette ancienne chaîne kibarienne apparaît dolomitique, soit vers la mi-Algonkien dans
visiblement dans la région Sud-Est du Congo l'échelle stratigraphique générale, mais elle
qui s'étend en direction du S.-S.-W. au N.- s'est manifestée bien plus tôt, par toute une
N.-E., depuis la haute Lulua jusqu'au Tan- série de mouvements précurseurs. De légers
ganyika, en passant par les monts Bia, les mouvements tectoniques liés à cette importan-
Kibara et aussi par les monts Hakansson, te période orogénique se sont déjà produits
situés à l'Ouest de la dépression du Kamo- lors du dépôt des couches de l'étage KIb j
londo. La chaîne, toujours localisée en bor- d'autres, plus importants peut-être, ont dû se
dure du bouclier ancien de l'Ouest, se pro- manifester au moment où s'est opéré le pas-
longe plus au Nord, plissant le système de sage de la série sédimentaire Kx, à la série
l'U rundi, où elle tend à prendre une direction K2. Quoiqu'il n'existe pas d'inconformité
Sud-Est—Nord-Ouest. nettement observable entre les formations de
Cette disposition générale des plissements ces deux séries, on peut admettre que la série
en arc à concavité dirigée vers inférieure a dû subir l'influence de poussées
kibariens, chan-
l'Ouest, en auréole autour de la plate-forme orogéniques pour amener l'important
centre africaine, se retrouve plus loin à l'Est, gement de facies des sédiments qui s'est opé-
dans l'Uganda et le Tanganyika Territory. ré à ce moment et qui correspond à un mouve-
En effet, au Sud-Ouest de l'Uganda, ces plis ment transgressif de la mer kibarienne.
sont dirigés du Nord-Ouest au Sud-Est et Nous savons déjà que c'est à la période
N.-N.-W.—S.-S.E. ; plus au Sud, au Karagwe, orogénique kibarienne qu'est liée la minéra-
ils sont dirigés Nord-Sud, tandis qu'au Tan- lisation stannifère du centre africain. Elle
ganyika Territory, la direction générale des n'a, par ailleurs, donné que des venues auri-
plissements tend à s'orienter vers le Sud- fères de peu d'importance qui ne paraissent
Ouest. pas pouvoir être exploitées dans leur gîtes
On peut ainsi admettre que les plissements primaires.
kibariens résultent de poussées qui ont agi -
suivant une direction générale et un sens Est- c) LES PLISSEMENTSKUNDELUNGUIENS.
Ouest et qui se sont manifestées, soit de l'Est Lorsque, venant des zones centrales du bassin
vers l'Ouest, soit du Nord-Est vers le Sud- congolais, on se dirige vers le Sud-Est, on
Ouest, soit du Sud-Est vers le Nord-Ouest. chemine d'abord sur le bouclier ancien sta-
Lors de la période orogénique kibarienne, bilisé, qu'il soit ou non recouvert par les
les poussées ont agi avec beaucoup d'intensité. formations continentales de l'intérieur du
Les observations faites jusqu'ici dans la partie bassin, jusqu'au moment où l'on atteint la
centrale des chaînes plissées montrent par- chaîne kibarienne. Cette chaîne bordière étant
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 255

traversée, on pénètre dans la région du Ka- résistance kibarien qui constitue la bordure
tanga méridional où règnent les épaisses cou- du géosynclinal. On y voit les couches sehisto-
ches schisto-dolomitiques et kundelunguiennes dolomitiques et plus généralement kundelun-
affectées, dans leur zone Sud, par d'impor- guiennes, horizontales ou subhorizontales,
tants plissements qui ont dessiné l'énorme s'appuyer, en discordance de stratification
bourrelet arqué katanguien. Cet arc plissé marquée, sur les formations anciennes sou-
s'est formé pendant un cycle d'orogenèse vent violemment plissées.
dont le paroxysme s'est manifesté vers la fin Entre le bouclier du Nord-Est et celui du
de la période du Kundelungu. La dépression Nord-Ouest, devait se localiser une zone d'en-
qui a existé dans cette région est un géosyn- noyage du soubassement rigide; c'est pour-
clinal ou plutôt un grand sillon intraconti- quoi les plis nés dans le géosynclinal, ayant
nental, qui a été comblé par des formations été gênés dans leur développement au Nord-
dont l'épaisseur atteint 5000 à 6000 m. Est et au Nord-Ouest, y ont dessiné une
En somme, la zone du Katanga méridional avancée de la zone des plis en arc convexe,
située au Sud-Est du grand bouclier ancien déferlant sans doute en plis de couverture
du centre congolais, a été rigidifiée au cours sur la bordure rigide et déprimée du géosyn-
de deux cycles d'orogenèse successifs. Un; clinal.
premier cycle, kibarien, qui s'est manifesté Quelle est l'importance de ce géosynclinal
suivant le géosynclinal localisé immédiate- qui vient d'être grossièrement délimité?
ment en bordure du bouclier et un second des formations
L'ensemble sédimentaires,
cycle, kundelunguien, ayant agi dans une accumulées dans cette cuve en deux cycles sé-
zone géosynclinale située au Sud-Est de la dimentaires est gonflé jusqu'à
successifs,
bande rigidifiée précédemment. atteindre 5000 à 6000 m. d'épaisseur dans les
C'est dans la zone du géosynclinal kunde- parties centrales de la dépression, où d'ail-
lunguien que s'est formé le vaste arc plissé leurs nous n'en observons la base en aucun
qui occupe toute la région du Sud du Ka- point. ,
tanga et qui se prolonge, en ailes symétriques, Le cycle d'orogenèse kundelunguien a pré-
vers le Sud-Est, dans la botte du Katanga et
ludé dès la fin de l'époque de la série infé-
dans la zone Nord-rhodésienne voisine et, vers rieure du système schisto-dolomitique,
le Sud-Ouest, jusque dans la région ango- puis
vers la fin de la période correspondant au
lienne du Haut-Zambèze, (voir cliché p. 228).
même système. Les plissements se sont ensuite
Cette cuve semble avoir sa bordure méri- accentués vers la fin de la série inférieure
dionale dans la région située un peu au Sud kundelunguienne, puis s'est produit le paro-
de Kansanshi, où pointent des affleurements
xysme, vers la fin de la période kundelun-
du socle ancien et où se localise la bordure
guienne.
du bouclier méridional Nord-rhodésien qui, Dès que l'on entre dans le détail, on s'aper-
en s'avançant vers le Nord comme une mâ-
çoit que les alignements d'anticlinaux et de
choire, a comprimé la région géosynclinale et synclinaux, qui se succèdent dans le bourrelet,
a provoqué la formation du bourrelet plissé sont beaucoup moins simples qu'on se le figu-
arqué. rait tout d'abord.
Dans l'aile Sud-Est, le sillon géosynclinal Si cependant on élimine les complications
perd de la profondeur et le soubassement plus parfois importantes qui affectent le faisceau
rigide apparaît en affleurement, non seule- plissé, on peut observer que celui-ci est en
ment en bandes anticlinales, mais aussi en somme constitué par une succession de bandes
larges plages décapées. synclinales et anticlinales. Ces bandes ap-
Au Nord-Est, la bordure de la cuve est paraissent en allure régulière et assez large,
constituée par le socle qui doit s'étendre entre notamment dans l'aile Sud-Est de l'arc, ainsi
le Bangweolo-haut Luapula et la région du qu'en avant de celui-ci, mais elles se présen-
plateau du Kundelungu. Les plis externes du tent sous des formes beaucoup plus serrées,
bourrelet viennent butter contre ce bouclier et plus accidentées et moins continues dans les
l'on voit ainsi les couches du système du zone centrales du bourrelet.
Kundelungu, fortement plissées au Sud- Tandis que les bandes synclinales apparais-
Ouest, perdre graduellement leurs inclinai- sent en général comme assez calmes, les ban-
sons prononcées, pour devenir peu à peu plus des anticlinales, plus spécialement étudiées
tranquilles et conserver, au Nord-Est, leur dans lès jfonesj à minéralisation cuprifère,
allure générale horizontale ou subhorizontale. montrent souvent d'assez notables complica-
Au Nord-Ouest, c'est l'ancien bouclier de tions tectoniques.
256 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

Au voisinage de l'axe anticlinal, les couches faiblement celles de la série schisto-gréseuse,


ont généralement des pentes très fortes. Par- leur conservant, en général, une allure sub-
fois, le pli est simplement déjeté ; le plus sou- horizontale.
vent il est déversé dans le sens de la poussée C'est aux plissements de la période d'oro-
générale, mais en certains endroits il peut genèse kundelunguienne qu'est liée la miné-
être renversé par rapport au sens de cette ralisation cuprifère.
poussée.
Dans les anticlinaux les plus simples, on Les vastes régions du centre africain ont
observe parfois que le noyau anticinal a glissé, subi une évolution géologique commune.
poussé vers le haut par rapport aux couches Elles ont traversé, au cours de cette évolution,
des flancs. des périodes successives de plissements pen-
Dans d'autres, assez simples encore, l'an- dant lesquelles se sont produites des intru-
ticlinal déversé a chevauché plus ou moins sions de roches éruptives minéralisées. A
fortement sur la bordure du synclinal d'aval. chacune des périodes de plissement et d'in-
trusion correspond une grande phase de mi-
Dans la zone axiale de ces anticlinaux ap-
néralisation caractérisée par l'apparition de
paraissent des écailles, des; paquets de la
« série des mines », souvent très volumineux, gisements métallifères d'un même type.
entourés de brèches. Ils peuvent être consi- A la période des plissements antékibariens
dérés comme des lambeaux de poussée ou qui ont affecté le complexe de base et aux
intrusions du granite GA qui lui sont liées,
parfois comme des noyaux diapiriques ayant
giclé de la profondeur dans les parties cen- correspondent les principales venues aurifères
trales de l'anticlinal, lors du paroxysme du non seulement du centre africain mais aussi
notamment de la Rhodésie et même de toute
plissement.
Les anticlinaux, avec les accidents et les l'Afrique du Sud si l'on admet, comme on
tend de plus en plus à le faire, que les gîtes
chevauchements que l'on y observe, sont nés
du Witwatersrand sont de nature sédimen-
lors du paroxysme du plissement.
taire.
Des accidents plus compliqués et plus tar-
La phase de minéralisation stannifère est
difs apparaissent dans la zone frontale de la bien définie au centre afri-
particulièrement
partie centrale et occidentale du grand arc cain. Elle est liée aux intrusions de granite
plissé. On y observe d'importantes nappes
de charriage en écailles. Ces vastes paquets GB émanées d'un immense batholite lors des
mouvements tectoniques de la période orogé-
charriés renferment des couches minéralisées
nique kibarienne.
de la série des mines et recouvrent des for- Aux mouvements tectoniques kibariens et
mations kundelunguiennes. Ils ont été dépla- aux intrusions granitiques GB pourraient
cés, sans doute sur de grandes distances, par être parfois liées de faibles minéralisations
des poussées qui ont dû se manifester après ou aurifères.
à la fin du paroxysme des plissements et qui La période orogénique kundelunguienne est
ont ainsi agi sur des masses non plus plasti-
caractérisée par la minéralisation cuprifère
ques, mais déjà rigidifiées. Ces grands acci- du centre africain; un peu d'or peut parfois
dents du bassin cuprifère katanguien sont
des charriages dits du second genre, des char- y être lié.
Nous voyons qu'à chacune des périodes
riages en coups de pelle, en cisaillement, et orogéniques, qui se sont manifestées au cours
tout différents des chevauchements produits de l'évolution géologique des régions du cen-
précédemment dans les zones anticlinales. tre africain, correspond une phase de miné-
ralisation d'un type déterminé. Des groupe-
Au Bas-Congo, les plissements kundelun- ments de gîtes minéraux primaires successifs
guiens sont beaucoup plus simples que ceux se sont ainsi formés et localisés dans ces
qui sont observés au Katanga méridional. territoires, auxquels ils donnent des caracté-
La poussée s'est faite du Sud-Ouest au ristiques minéralogiques suffisamment bien
Nord-Est; elle a réagi sur la zone déjà rigi- définies pour permettre de les considérer com-
difiée par les plissements d'une période me appartenant à une même province métal-
orogénique ancienne et a provoqué des réper- logénique.
cussions le long de la bordure orientale de
cette zone, soit en avant de celle-ci. Elle y a 3° La tectonique pendant l'ère plus
plissé assez violemment les couches de la série récente. Les grabens. — Quoique le conti-
schisto-calcaire, mais elle n'a affecté qu'assez nent africain ait été soumis à plusieurs re-
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 257

Les grabens africains.

9
258 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

prises à des poussées tectoniques au cours de sédiments silicifiés et fossilifères que l'on y
la longue ère qui s'étend depuis le Carboni- trouve et qui appartiennent, comme nous le
fère jusqu'aux temps modernes, le vieux savons déjà, à la série inférieure du système
bâti rigidifié a résisté à tous les efforts de du Kalahari. Cette pénéplanation s'est ter-
plissement. minée au Miocène, lorsque des gondolements
Il a cependant réagi à différentes reprises, se sont produits dans le massif centre africain
comme le prouvent les gondolements qui se en répercussion d'efforts tectoniques en rela-
sont manifestés aux temps mi-tertiaires et les tion, sans doute, avec ceux du cycle d'oro-
grandes fractures qui le traversent de part genèse alpin.
en part, de même que la délimitation de son Une nouvelle période de calme relatif a
contour qui s'est opérée lorsque s'est morcelé permis alors, dans le nouveau cycle géogra-
le continent de Gondwana. phique, l'établissement d'une pénéplaine —
On peut observer, de plus, qu'après les dénommée seconde, — moins parfaite et plus
périodes de plissements kibarienne et kunde- compliquée que la précédente et qui a pris
lunguienne notamment, l'érosion ayant atta- fin vers le milieu du Quaternaire, lors de
qué les chaînes plissées durant de longues l'introduction du cycle géographique actuel.
périodes, a provoqué leur arasement progres- C'est à ce moment que des mouvements se
sif, permettant par ailleurs aux relèvements sont produits, donnant à l'Afrique centrale
de nature isostasique de se manifester. Les l'allure d'une région au relief rajeuni, telle
bandes plissées kibarienne et kundelunguien- que nous la connaissons. C'est à cette même
ne apparaissent ainsi, à l'heure présente, époque que les grands fossés qui sillonnent
comme des plateaux surélevés où affleurent l'Afrique, suivant des directions souvent voi-
les racines plus ou moins profondes de ces sines de celle des méridiens, ont subi leurs
chaînes. On pourrait considérer que ces relè- derniers mouvements.
vements de nature isostasique se seraient sur- Les énormes alignements de grabens sont
tout manifestés pendant les périodes au cours une des caractéristiques les plus typiques du
desquelles les forces isostasiques ont pu être vieux continent africain.
plus aisément libérées et entrer en action,
notamment lorsque le bâti rigidifié devait
a) LES GRABENS.— La définition que l'on
réagir aux efforts de gondolement. donne généralement du graben, et qui fut
longtemps classique, peut s'énoncer comme
Nous avons vu plus haut, page 239, à. suit : le graben est un sillon formé par une
quel moment s'était désagrégé le vaste conti- zone effondrée entre deux failles ou deux
nent de l'hémisphère Sud et par quel mécanis- systèmes de failles en escalier.
me ce phénomène grandiose avait pu s'opérer, Ces accidents tectoniques africains, si im-
en adoptant de préférence le point de vue de portants, ont été reconnus par E. SUESS. Ils
ceux qui, s'appuyant sur la théorie du mobi- ont été étudiés notamment par J. W. GRE-
lisme, supposent que les masses continentales GORY,par E. KRENKELet, plus récemment par
ont pu se déplacer, plus ou moins, l'une par BAlLEy WILLIS.
rapport à l'autre. Ces phénomènes grandioses s'allongent sur
La cause initiale d'un tel phénomène est soixante degrés de latitude, soit sur un si-
cependant encore inconnue. xième de la circonférence terrestre.
Le continent de Gondwana étant morcelé, Ils appartiennent à deux groupes princi-
le massif africain a joui d'une longue période paux, le graben de l'Afrique orientale et
de calme tectonique pendant toute la durée celui de l'Afrique centrale.
du Crétacique et la première moitié de l'ère Le grand graben Est-africain est bien ca-
tertiaire. Elle a permis le parachèvement ractérisé dans l'Afrique orientale, où il passe
d'une pénéplaine très évoluée, notamment à dans la région du lac Manyara (+ 960 m.),
la surface des régions du centre africain. Il du volcan Kilimanjaro (6010 m.) et du lac
sera traité plus loin de cette vieille surface Natron (+ 600 m.); il se prolonge vers le
que nous dénommons pénéplaine Nord , où il traverse la zone du lac Naivasha
régularisée
ancienne. (+ 1860 m.), du Kenya et, plus loin, du lac
Les lambeaux qui en subsistent et qui, de- Rodolphe (+ 410 m.); il suit ensuite le pla-
puis lors, ont pu subir des mouvements de teau éruptif de .l'Abvssinie et vient s'étendre
surélévation ou d'affaissement sont caracté- dans le triangle des Danakils; la Mer Rouge
risés, non seulement par les formes aplanies forme son prolongement septentrional; il se
de leur surface, mais encore par les restes de dessine plus loin encore vers le Nord en pas-
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 259

sant par le golfe d'Akabah, la Mer Morte WILLIS pour expliquer le graben de la Mer
(- 392 m.), la vallée du Jourdain, la plaine Morte et par E. J. WAYLANDpour le graben
de Baalbeck à Homs, et arrive enfin, plus au du lac Albert.
Nord, jusqu'au contact des premiers plis ter- E. KRENKEL estime, de son côté, que les
tiaires de l'Asie Mineure, les plis de la chaîne grabens auraient été provoqués par des dé-
du Taurus. chirures du bouclier africain, contrarié dans
Le prolongement méridional de cette ligne
de grabens est assez mal défini dans la région
du Tanganyika Territory. Au Sud de Dodoma
on retrouve une bande déprimée, faillée le
long d'un de ses bords et dirigée du Nord-
Est au Sud-Ouest, la dépression du Ruaha;
elle se prolonge au Sud-Ouest par celle de
la Luangwa.
Le graben de l'Afrique centrale s'allonge La formation des grabens.
dans la région du Tanganyika (+ 715 m.),
des lacs Kivu (+ 1463 m.), Edouard (+ son mouvement de translation vers le Nord-
912 m.) et Albert (+ 618 m.) ; une branche,
Ouest par le mouvement en direction Sud-
prolongeant ce graben, passe par le lac Ruk- Est de l'Asie, ceci produisant une extension
wa, le Nyassa et vient se prolonger par l'es- et des compressions locales avec effort de dé-
carpement qui limite le Mozambique, au Sud
de Sofala. chirure, de cisaillement et de fissuration.
On retrouve une branche dirigée du N.-N.- Quant à BAILEY WILLIS, il considère que la
cause principale de la formation du graben
E. au Sud-Ouest qui vient traverser la région
africain est le relèvement général des pla-
du Katanga, c'est le graben de l'Upemba
teaux du centre du continent, avec cepen-
(+ 550 nv.). dant affaissement du fond de certains fossés
La ligne des grabens africains est loin
tels que le Tanganyika. La compression hori-
d'être continue de la Palestine au Mozambi-
zontale ne serait qu'une cause tout à fait
que. Elle est interrompue par des zones secondaire.
déprimées, où l'on n'observe pas les fractures
caractéristiques des grabens. Beaucoup de ces Ce relèvement général se serait fait par
dépressions sont sans doute limitées par des l'intervention d'une masse profonde fondue
flexures. (asthenolith), formée par réchauffement
graduel d'une masse rocheuse préalablement
La cause de la formation des grabens est solide. Son expansion en volume aurait pro-
encore très discutée. voqué un surélévement du plateau sous lequel
Les uns pensent qu'il s'agit d'un phéno- elle se trouvait.
mène de distension dans une arche de l'écorce
terrestre, avec chute, avec enfoncement de la Les mesures de la gravité qui ont été
clef de voûte (fig. b du cliché). effectuées jusqu'ici dans le fond des grabens,
C'est l'idée émise autrefois par ELIE DE notamment par E. C. BULLARD,y font le plus
BEAUMONTpour expliquer le graben de la souvent apparaître une anomalie négative de
vallée du Rhin, de Bâle à Bingen, limité à la pesanteur, c'est-à-dire un déficit de gravité,
l'Est par les monts de la Forêt-Noire et à montrant ainsi qu'il y a dans ces fonds plus
l'Ouest par les Vosges (fig. a du cliché). de matière légère que ne le requiert l'équi-
C'est la même idée, avec des variantes, qui libre isostasique; dans ces conditions le fond
est reprise par E SUESS, ainsi que par J. W. se relèverait si les forces étaient libérées.
GREGORY,tandis que A. WEGENER considère C'est donc la compression des bords qui l'em-
qu'il s'agit d'un grand réseau de fractures, pêche de remonter et il est évident, dès lors,
avant-coureur de la séparation en deux par- que le fond n'a pas pu tomber, s'affaisser,
ties du massif continental. après une action distensive.
Pour d'autres, il s'agit au contraire d'un Il faut signaler, cependant, une anomalie
mouvement produit par une compression. positive de la pesanteur au Kivu, au voisi-
Celle-ci pousse les bords du graben, les fait nage des volcans, et au Ruwenzori, dont le
remonter, tandis que le coin central interca- massif est un panneau surélevé; une autre
laire est enfoncé (fig. c du cliché). Cette anomalie positive est observée dans la Mer
manière de voir a été énoncée par BAILEY Rouge (F. A. V ENINGMEINESZ). Ces anomalies
260 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

positives prouvent que le fond du graben, On peut dire que la principale période de
en ces endroits, et notamment le fond de la la formation des grabens africains s'étend
bande de la Mer Rouge, renferme plus de ma- plus particulièrement sur la période qui va
tière lourde que ne l'exige l'équilibre isosta- du Miocène à la mi-Quaternaire, et que ces
sique et que la matière du Sima s'est intro- mouvements tectoniques ne sont pas indé-
duite pour remonter entre les lèvres de la pendants du cycle d'orogenèse alpin durant
fissure. lequel, comme on le sait, de grands plisse-
Des observations faites récemment dans des ments se sont manifestés avec violence le
dépôts lacustres des grabens africains, notam- long d'énormes bandes distribuées sur toute
ment par P. E. KENT, prouvent que ces dé- la surface du globe.
Ce doit être une répercussion de ces vastes
pôts sont parfois affectés par des ondulations
et qu'ils ont été soumis à des efforts de mouvements tectoniques tertiaires qui a dû
amener des déplacements plus ou moins im-
compression.
Par ailleurs, comme le fait remarquer portants et inégaux des plates-formes conti-
nentales l'une par rapport à l'autre, causant
P. FOURMARIER,l'activité volcanique ne s'est
la formation des champs de fractures gran-
pas complètement manifestée le long des
dioses de l'Est Africain.
« rift valleys », comme ce serait le cas s'il
On doit donc y trouver des tronçons où
s'agissait d'effondrements dus à des efforts
sous l'action de la compression générale, les
d'extension.
bords du graben sont fortement relevés et
Les observations plaident, comme on peut amènent en affleurement des formations sé-
le voir, en faveur de la formation des grabens dimentaires d'âge très ancien, comme c'est le
par compression. cas au Ruwenzori et aussi, notamment, le
Nous nous rangeons parmi les géologues long de la bordure Nord occidentale du lac
qui sont partisans de la théorie de la com- Tanganyika. En d'autres endroits, l'accident
pression pour expliquer la formation des gra- tectonique apparaît comme une simple frac-
bens africains. Cette théorie est en accord ture ou même comme une bande où les lèvres
avec le principe de l'isostasie et est vérifiée du graben se sont écartées et ont permis la
par les mesures de la gravité. Les zones d'ano- remontée du Sima.
malie positive ne sont que des bandes locales Remarquons, par ailleurs, que les champs
où les lèvres des grandes fissures provoquées de grabens africains sont localisés dans les
par la compression générale n'étant pas join- zones équatoriale et tropicale, c'est-à-dire
tives, ont permis l'introduction de masses dans une région où l'écorce terrestre et le
plus ou moins importantes de Sima. magma sous-jacent forment un bourrelet dont
les conditions d'équilibre sont un peu par-
Les auteurs qui ont étudié récemment la ticulières.
région des grabens de l'Afrique centrale et Depuis la mi-Précambrien, tout au moins,
de l'Afrique orientale, sont unanimes à con- jusqu'à nos jours, il apparaît que les mouve-
sidérer que l'activité tectonique la plus in- ments tectoniques qui se sont manifestés dans
tense dans l'histoire de leur formation, qui les régions centre africaines ont montré une
a cependant été longue, s'est manifestée vers remarquable permanence dans la direction
le milieu du Pléistocène. des accidents et dans l'emplacement où ils
Il semble cependant que les grabens sont se produisaient. Les deux directions S.-S.-
dus à des mouvements répétés et que les W.—N.-N.E. et S.-S.-E.—N.-N.-W. ont com-
derniers de ces mouvements, qui datent du mandé ces mouvements comme peuvent en té-
milieu du Quaternaire, ont eu des répercus- moigner la disposition des plissements kiba-
sions pendant l'époque historique et ne sont riens et kundelunguiens ainsi que celle des
pas complètement terminés à l'époque ac- alignements des grabens. Quant aux zones
tuelle. Certains auteurs supposent même que privilégiées où ces accidents se sont produits,
la destruction de Sodome et de Gomorrhe elles semblent marquer l'emplacement de ban-
pourrait leur être attribuée. Le relief frais des intercalées entre les massifs et les blocs
des bords des grabens témoigne, en tout cas, rigidifiés du complexe de base, là où ceux-ci
de leur âge récent. Parmi les mouvements pouvaient rejouer entre eux sous l'action des
tectoniques ayant donné naissance aux gra- forces qui, venant sans doute de l'Est, ten-
bens, ceux qui sont les plus anciens parais- daient à les rapprocher.
sent avoir eu l'extension la plus générale,
tandis que les suivants semblent s'être de plus 4° Les volcans, les tremblements de
en plus localisés. terre et les sources thermales. — L'immense
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 261

champ de fractures où s'allongent les grabens est le plus important et le plus massif de tout
est jalonné par de nombreux appareils vol- le groupe.
caniques et il est souvent soumis à des trem- Le Nyamlagira et le Niragongo sont les
blements de terre plus ou moins intenses. seuls grands volcans actifs à l'heure actuelle.
Tous ces volcans sont jeunes et leur forma-
tion est postérieure aux mouvements tecto-
a) LES VOLCANS.— On peut y distinguer
trois zones principales d'activité volcanique, niques relativement récents, qui ont donné au
où l'on trouve le groupe des Virunga (1) ou graben sa forme définitive.
des volcans Mufumbiro, au Nord-Ouest, la Le Niragongo est un volcan actif, actuelle-
masse du Rungwe, au Sud, et le large champ ment en période de repos. Quant au Nyam-
d'éruptions, de fissures et de volcans, à l'Est lagira, il est en pleine activité depuis jan-
et au Nord-Est. vier 1938. Il a continué à émettre des coulées
Les laves qu'ont
émises ces groupes
volcaniques sont des
plus variées, tout en
se rapportant plus
spécialement aux ro-
ches feldspathoïdi-
ques. Elles sont géné-
ralement sodiques
dans les volcans de
l'Est Africain, tandis
qu'elles se révèlent
sodo-potassiques dans
le groupe localisé au
Nord du Kivu.
La chaine des Vi-
runga est située dans
le graben de l'Afri-
que centrale, au Nord
du lac Kivu. Ce
groupe de volcans
s'aligne de l'Ouest à
l'Est, à travers le
fond de la dépres- Vue des volcansMuhavura,Kahinga et Sabinioprise de Rutshuru (Sabinio à droite.)
sion; suivant une (Photo Institut des Parcs Nationauxdu CongoBelge. — Auteur: G. F. DEWITTE.)
chaîne longue de 80
km. allant d'un bord à l'autre du graben, de laves jusqu'en 1942. C'est un volcan im-
perpendiculairement à sa direction. posant dont le cratère a une largeur d'envi-
Dans cette région, le bord oriental du fossé ron 2000 m. J. VERHOOGEN,qui a suivi les
tectonique, qui est moins accidenté que l'es- manifestations éruptives du Nyamlagira, es-
carpement de l'Ouest, s'incurve vers l'Est, time que le volume de laves épanchées après
permettant ainsi au fond de la dépression un an d'activité est très considérable et
de loger toute la série des volcans. s'élève environ à 109 m3.
A l'Est, on y observe le cône volcanique Chacun des grands volcans semble disposer
de Muhavura (4127 m.) et, en ligne droite d'une aire d'influence qui constitue son do-
avec lui, apparaissent les volcans Kahinga maine propre. Il est ainsi entouré par une
(3474 m.) et Sabinio (3634 m.). zone où apparaissent de petits volcans qui
Un groupe central comprend trois grands n'ont eu qu'une activité de durée très éphé-
volcans : le Visoke (3711 m.), le Karisimbi mère. Ces petits volcans semblent être loca-
(4507 m.) et le Mikeno (4437 m.), tandis lisés sur des fissures en relation avec la che-
qu'un groupe occidental se compose de deux minée du grand volcan dont ils dépendent.
grands centres éruptifs le Niragongo (3470 La nature de leur lave est semblable à celle
m.) et le Nyamlagira (3058 m.). Le Karisimbi du grand volcan auquel ils se rattachent
(F. DELHAYE).
(1) Virunga signifie volcan. Les grands volcans ont leur cône formé
262 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

Les zones principales d'activité volcanique.

par les coulées de laves issues du cratère du graben de l'Afrique orientale et de celui
terminal, tandis que celui des petits volcans de l'Afrique centrale.
est constitué par des scories parfois mélangées Au Nord du lac Nyassa, se trouve une
à un peu de lave. masse de laves qui remplit le fossé entre le
Les grands volcans sont du type hawaïen. plateau Livingstone et le plateau rhodésien.
Ils émettent, sans manifestations explosives On distingue dans cette zone deux masses
importantes, des laves basiques ayant une as- caractéristiques, la crête de Poroto et la
sez forte teneur en alcali. Elles sont plus com- zone volcanique de Rungwe-Kieyo. La crête
plexes que les laves basaltiques d'Hawaï. de Poroto est une fissure d'éruption compor-
Les petits volcans vassaux sont, par contre, tant peu de centres volcaniques.
du type strombolien. Leurs éruptions consis- Le grand cône du Rungwe occupe une
tent en de petites explosions qui ne se pro- position centrale. Le mont Kieyo se trouve à
duisent que pendant une courte période, en 6 km. au Sud du Rungwe.
un même point. Dans la région Nord-Est de l'Est Africain,
dans le Kenya et les parties adjacentes de
La masse éruptive du Rungwe (3175 m.) l'Uganda, les roches volcaniques recouvrent
est située à l'intersection des prolongements des étendues considérables. Les éruptions se
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 263

Groupe des Virunga ou des volcans Mufumbiro.


264 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

présentent sous deux formes caractéristiques : qu'en ce qui concerne l'âge des coulées de
les éruptions de fissure et les extrusions cen- laves et des cônes volcaniques de l'Est Afri-
trales. La « Gregory rift valley » traverse une cain, il n'y a aucune bonne raison de regarder
partie de cette région volcanique. Le district aucun d'eux comme étant d'âge prémiocène,
Sud comprend les cratères géants et le Kili- et qu'il est probable que la plupart, sinon
manjaro. toutes les venues éruptives, datent de l'époque
Les cratères géants comprennent les volcans pliocène ou pléistocène.
Elanairobi, Olmoti et Loolmalasin et les vol- Nous considérons que l'activité volcanique
cans Deani et Lemagrut. Plusieurs d'entre montre deux phases bien distinctes : une
eux se trouvent dans le fond de la « Rift plus ancienne, celle des éruptions de fissures
valley ». accompagnées de cônes mineurs et une phase
A l'Est des cratères géants se trouvent les plus jeune, celle des éruptions centrales.
volcans Esimingor, Mondul et Meru, puis, A propos du volcanisme et des éruptions
plus à l'Est encore, le Kilimanjaro, dont la fissurales, rappelons que nous connaissons,
masse imposante avec ses 6010 m. d'altitude au Katanga, deux importantes éruptions fis-
domine toute la région. surales. L'une s'est produite dans la région
Les roches provenant de tous ces cratères comprise entre la partie méridionale du lac
sont des laves riches en soude et de caractère Tanganyika et le lac Moero; elle a formé de
tel qu'elles peuvent être considérées comme vastes nappes de rhyolites, dont la venue est
émanant d'une même source. un peu antérieure à la grande période gla-
La zone volcanique du Kenya couvre la ciaire kundelunguienne. L'autre a donné nais-
partie Nord de la « Gregory rift valley » et sance à la vaste nappe de roches basiques de
s'étend largement sur ses deux flancs. Elle la région de Kipambale située au Nord du
est distincte structuralement des régions bassin de la Lufira; elle est immédiatement
éruptives décrites, en ce sens que les éruptions postérieure à la grande glaciation kundelun-
qui y sont observées proviennent de fissures guienne.
et s'étendent sur 75.000 km2, sans compter la
large étendue au Sud et à l'Est du lac Rodol- b) LES TREMBLEMENTS DE TERRE. — L'acti-
phe. On y trouve aussi les grands cônes du vité sismique dans l'Est Africain comprend
mont Kenya (5200 m.) et du mont Elgon des phénomènes liés au volcanisme et d'autres
(4296 nv). liés à la tectonique.
Plus au Nord, dans le graben ou à proxi- Les premiers sont confinés dans les dis-
mité, l'activité volcanique s'est manifestée par tricts des volcans actifs et éteints, notamment
des épanchements de laves et des appareils dans la zone Ouest du Mufumbiro, dans le
éruptifs. Citons le Delo, à la latitude du lac Kilimanjaro et dans le district du Meru, à
Chamo, puis les pics volcaniques Sukwala, l'Est, et dans celui du Rungwe au Sud. Quant
Bossat, Dofane et Fantali. aux tremblements de terre tectoniques, ils
La région située plus au Nord est parsemée se produisent dans quelques « rift valleys ».
de volcans. On en connaît 45 entre le lac Nous pouvons noter comme centres de no-
Zouai et Massaoua (P. FONTAINAS),dont deux, table activité sismique la région du mont
le Doubi et l'Afdera, situés dans le massif Ruwenzori (5119 m.), ainsi que la bande for-
des Danakils, manifestent encore des signes mée par le Tanganyika, le Rukwa et le
d'activité. Le Doubi fut en éruption en 1861. Nyassa.
La limite Sud de l'Abyssinie est aussi le
Dans les régions occidentales, il faut signa- siège d'une activité sismique intense.
ler la bande de relief et d'accidents tectoni- Dans d'autres localités, comme dans le pla-
ques du Cameroun, orientée du S.-S.-W. au teau central, le bassin du lac Victoria et la
N.-N.-E. et où l'on trouve les masses de laves, « Gregory rift valley », des chocs relative-
relativement récentes, émises dans cette ré- ment faibles sont occasionnellement enregis-
gion volcanique parcourue par des cassures trés. On observe aussi que dans une grande
qui, sans doute, sont en relation avec la for- partie du continent africain les tremblements
mation du golfe de Guinée. de terre sont rares ou inconnus. Enfin, une
bande d'activité modérée s'étend du Cap de
GREGORYsupposait que les premières érup- Bonne-Espérance au Caire.
tions africaines pouvaient être mises en cor- Le croquis ci-après montre la répartition
rélation avec les Deccantrapps de l'Inde. des zones soumises à des mouvements sismi-
BAILEYWILLIS réfute cette assertion et déclare ques de diverses intensités.
GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 265

tale et du Ruanda-Urundi jalonnent la bande


des fractures du graben africain depuis la
région du lac Albert jusqu'à la région du
Kivu, en passant par la zone de la Semliki
et du lac Edouard.
Au Kivu, où se dessine le coude du système
de fractures du graben (voir carte p. 257),
et où se manifeste l'activité volcanique, les
sources thermales, très nombreuses, sont en
relation avec celle-ci et dégagent toutes de
l'acide carbonique.
Dans le prolongement Sud-Ouest du tron-
çon de cassures, orienté suivant la direction
lac Albert-lac Kivu, apparaissent les sources
thermales des bassins du haut Ulindi, de la
haute Elila et de la basse Luama.
Le long du faisceau de fractures localisé
le long du Nord du Tanganyika, de la Ruzizi
et du Kivu, les venues d'eaux thermales mi-
néralisées sont nombreuses. Il en existe aussi
un grand nombre dans le prolongement Nord-
Ouest de ce dernier faisceau de fracture que
l'on peut suivre dans le bassin de la haute
Luama.
Au Katanga, notre documentation nous a
permis de situer les sources thermales con-
nues comme le montre la figure ci-après.
Elles viennent se grouper suivant le tracé
du grand graben centre-africain, le long des
fractures orientales du graben de l'Upemba
et suivant le champ de fractures, encore assez
mal défini, qui raccorde ce dernier fossé au
graben de la région des Grands-Lacs.
L'activité sismique en Afrique, d'après BAILEY WILLIS D'autres venues hydrothermales apparais-
Tremblementsde terre : 1. Rares ou inconnus. 2. Peu sent aussi dans le bassin de la Lufira, où elles
fréquents et peu violents; 3. Fréquents et parfois semblent jalonner d'anciens alignements tec-
destructeurs; 4. De forte intensité.
toniques du faisceau kundelunguien ayant
rejoué récemment et aussi à la bordure des
c) LES SOURCESHYDROTHERMALES. — Comme hauts plateaux où doivent exister des frac-
on le sait, les sources hydrothermales sont en tures récentes.
relation avec les fractures tectoniques. Sui- Les sources thermo-minérales, qui sont ainsi
vant DE LAUNAY,ces manifestations hydromi- distribuées dans toute la zone orientale et
nérales n'apparaissent, dans les régions plis- Sud orientale du bassin congolais, ont des
sées, que là où les anciennes fractures ont températures et des compositions chimiques
été soumises à des dislocations beaucoup plus très diverses. Un certain nombre d'entre elles
récentes, qui les ont fait rejouer ou ont créé sont considérées, par les indigènes, comme
de nouvelles fractures. ayant des propriétés thérapeutiques et sont
Dans la Province Orientale du Congo et fréquentées par eux en vue de la guérison
au -Katanga, la plupart des sources hydro- de toutes sortes de maux. D'autres sont ex-
thermales sont en relation avec les faisceaux ploitées pour leur teneur en chlorure de so-
de fractures qui constituent les grabens et dium. C'est ainsi qu'au Katanga, le sel des
leurs divers prolongements. Certaines d'entre sources de Mwashya est exploité par les indi-
elles paraissent indiquer l'emplacement de gènes depuis des temps immémoriaux.
cassures du socle ancien, qui ont dû jouer à D'autre part, les sources de Guba font ac-
nouveau à une époque récente. tuellement l'objet d'une assez importante
Les sources thermales de la Province Orien- exploitation européenne.

9*
266 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

(0 ) Sources hydrothermalesdu KatanjJ.:.


GÉOLOGIE DU CONGO BELGE 267

5° Les plissements alpins de l'hémisphère Pacifique qui viennent s'y raccorder aux
Sud. — Lorsqu'on trace sur le globe les ban- Antilles, d'une part, et en Malaisie, d'autre
des schématiques suivant lesquelles se sont part, entourent complètement l'aire où s'éten-
formés les plissements alpins, on voit se des- dent les continents de l'hémisphère Sud qui,
siner deux vastes circuits d'ont l'un, orienté autrefois, faisaient partie du continent de
grossièrement dans la direction des parallèles, Gondwana.
suit la Mésogée, tandis que l'autre suit le C'est dans cette immense région, dont la
pourtour de l'Océan Pacifique et allonge son superficie représente approximativement les
axe dans la direction des méridiens. deux cinquièmes de la surface du globe, que
Partant des Antilles, l'arc mésogéen se rat- se trouve la vieille plate-forme soudanaise, lar-
tache aux chaînes alpines de la Méditerranée gement développée au centre africain et no-
en traversant l'Atlantique; il se prolonge vers tamment dans les territoires du bassin
l'Est par l'arc iranien, l'Himalaya et ensuite congolais.
par l'arc malais. La vieille plate-forme africaine et celles de
C'est en Malaisie que les plissements alpins l'Inde péninsulaire, de l'Australie et de
mésogéens viennent se rencontrer avec le l'Amérique du Sud s'appuient sur l'ourlet
grand circuit des chaînes alpines du des chaînes alpines qui entourent la vaste
Pacifique. région, comme si elles avaient été refoulées
Partant de la Malaisie, ce dernier se dirige vers les zones périphériques par de puissan-
vers le Nord en passant par les Célèbes, les tes forces expansives, qui se seraient manifes-
Philippines, Formose, l'archipel japonais, les tées à l'intérieur de la masse continentale pri-
Kouriles et les Aléoutiennes ; il passe alors en mitive, en supposant que celle-ci ait été au-
Amérique, où il suit la côte du Pacifique, trefois plus ou moins coalescente.
depuis l'Alaska jusqu'au cap Horn, à l'ex- L'Afrique et l'Inde péninsulaire tendent,
ception de la traversée de l'Amérique cen- en tout cas, à comprimer l'arc mésogéen, tan-
trale, où il dessine l'arc des Antilles. dis que les boucliers brésiliens et guyanais de
A partir de la Patagonie, le circuit du l'Amérique du Sud et de la plate-forme
Pacifique est inconnu; on suppose qu'il se australienne semblent vouloir s'avancer vers
prolonge vers les terres australes pour venir les régions de l'Océan Pacifique dépourvues
se raccorder à l'arc de la Nouvelle-Zélande. de couverture sialitique ou tout au moins de
Il se poursuit ensuite jusqu'en Malaisie, en couverture sialitique épaisse.
passant par la Nouvelle-Calédonie et la Nou- La position occupée par la vieille plate-
velle-Guinée. forme rigide soudanaise et congolaise, dans
Les chaînes alpines constituées par l'arc la vaste région encerclée par les chaînes alpi-
mésogéen et par les tronçons méridionaux du nes, fait comprendre qu'elle ne pouvait guère

Schéma des plissements alpins. (Projection équivalente de MOLLWEIDE).


268 GÉOLOGIE DU CONGO BELGE

être affectée que par des gondolements et des 6° Essai de parallélisation des périodes
cassures avec légers déplacements différen- orogéniques observées au centre africain
tiels au cours de l'orogenèse alpine. et des grandes périodes orogéniques de
Le bouclier centre africain avait, par ail- l'échelle stratigraphique mondiale. — Aux
leurs, généralement résisté aux efforts dé- plissements de la période huronienne, qui se
sont manifestés notamment entre l'Archéen
veloppés lors de périodes orogéniques an-
et l'Algonkien et vers la mi-Algonkien, peu-
ciennes.
vent être parallélisés respectivement les
Il faut aller au Nord, jusque dans les ré-
mouvements orogéniques localisés en Afrique
gions septentrionales du Sahara, pour obser-
centrale dans le Complexe de Base, entre le
ver * de faibles indices de mouvements
calédoniens et ce n'est que plus loin, soit un système inférieur et le système supérieur de
ce complexe et les mouvements de la période
peu au Sud de la bande africaine voisine de orogénique kibarienne.
la Méditerranée affectée par les plissements
La période de plissements qui a affecté le
alpins, que l'on trouve une étroite zone de Complexe de Base et qui est située entre ce
plissements hercyniens.
complexe et le système des Kibara si impor-
Vers le Sud, sans aller jusqu'à l'extrémité tant en Afrique, doit être considérée comme
méridionale du continent africain, où nous une manifestation des mouvements huroniens
trouvons des plissements hercyniens qui se produite pendant l'Algonkien ancien.
sont prolongés jusqu'au Triasique inférieur, La période orogénique kibarienne pourrait
on peut observer l'existence de bandes affec- être rapportée à des plissements huronien,
tées par le cycle d'orogenèse kundelunguien qui se sont manifestés vers la mi-Algonkien.
jusqu'à proximité du bouclier centre africain. Quant à la période orogénique kundelun-
Ce^sont les bandes plissées, dessinées à l'inté- guienne, elle paraît avoir développé son paro-
rieur de sillons intracontinentaux, qui s'al- xysme vers la fin du Dévonien. Elle a
longent notamment dans la région de l'arc manifesté son activité beaucoup plus tôt, tout
plissé du Katanga méridional, pour se prolon- d'abord entre la série inférieure (t la série
ger ensuite vers le Sud-Ouest dans la région supérieure du système schisto-dolomitique,
angolienne du Haut-Zambèze et se raccorder soit pendant l'Algonkien récent, et ensuite
à la région des mine avi, d'une part, et entre la série inférieure et la série supérieure
à la zone des plissejaems kundelunguiens du du système du Kundelungu, soit sans doute
Bas-Congo, d'autre part. vers la fin du Cambrien ou au cours du
Silurien.
Le du
Climat Congo Belge
Par Maurice ROBERT,
Professeur à l'Université Libre de Bruxelles

LA CLIMATOLOGIE DE L'AFRIQUE ET DU BASSIN CONGOLAIS

A. — CONSIDERATIONS GENERALES loppement de ses entreprises. Il semble bien


'APRÈS sa définition, la climato- que le climat tropical ou subtropical de la
plus grande partie de l'Afrique a mis des
logie traite des relations mu- entraves sérieuses à la pénétration européenne
tuelles des divers phénomènes et qu'il a fortement contribué à retarder l'en-
météorologiques et des modifi- trée de ce continent dans le cycle de l'écono-
D cations que leur impose la mie et de la civilisation mondiales.
variété des conditions géogra-
phiques à la surface du globe. Le climat d'une
région est ainsi la résultante d'un ensemble La position, sur le globe, du massif africain
complexe de phénomènes. La température, la en a fait le plus tropical des continents. Tra-
pression barométrique, les vents, l'humidité, versée à peu près en son milieu par l'équateur,
la nébulosité et les pluies en sont les facteurs l'Afrique s'étend largement dans l'hémi-
prépondérants. Il convient de les étudier, tant sphère Nord comme dans l'hémisphère Sud.
séparément que dans leur ensemble, et de dé- Son point le plus septentrional, le cap Blanc,
terminer quelles sont les modifications en Tunisie, se trouve à 37°20' de latitude
qui
leur sont imposées par les conditions géogra- Nord, tandis que son extrémité la plus méri-
phiques propres à chacune des régions dont dionale, le cap des Aiguilles, est située à
on cherche à caractériser le climat. 34()51' de latitude Sud. La plus grande por-
Il est superflu d'insister sur l'importance tion de l'Afrique s'étend ainsi entre les tro-
que présente l'étude climatique pour la com- piques. Un cinquième à peine de sa superficie
préhension du milieu physique constitué par totale déborde, au Nord et au Sud, au delà de
une région donnée, car c'est, pour une bonne ces parallèles.
part, au facteur climatique qu'un pays doit L'équateur recoupe transversalement le
sa physionomie propre. C'est de lui que Congo Français, le Congo Belge et l'Est-Afri-
dépend en grande partie la formation des cain britannique. Au Congo Français, il passe
sols, ainsi que la végétation, à laquelle est près de Libreville, et un peu au Nord de la
subordonnée, par ailleurs, la distribution géo- courbe dessinée par le fleuve Ogoué; au
graphique des animaux. On peut dire, en Congo Belge, il passe à Coquilhatville, un peu
outre, que de ces différents éléments dépen- au Sud de Stanleyville et un peu au Nord du
dent, dans une large mesure, les caractéristi- lac Edouard; dans l'Est-Africain, il recoupe
ques de la géographie humaine, à laquelle sont le lac Victoria près de sa rive Nord. Le tro-
liées les possibilités de mise en valeur du pique du Cancer (23°27' latitude Nord) coupe
domaine considéré. la côte de l'Afrique entre le cap Bogador et
L'étude du climat, si importante pour tou- le cap Blanc; il traverse le désert du Sahara
tes les régions du globe, présente un intérêt et, en Egypte, passe à peu de distance de la
tout particulier lorsqu'il s'agit des régions première cataracte, au Sud d'Assouan. Le
africaines, car les caractéristiques climatiques tropique du Capricorne touche la côte au Sud
des vastes territoires tropicaux de ce conti- de Walfish Bay; à l'intérieur des terres, il
nent paraissent, en général, peu favorables à traverse le désert austral du Kalahari; plus à
l'établissement de la race blanche et au déve- l'Est, il recoupe la boucle dessinée par le
270 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

Limpopo et atteint la côte orientale à hauteur Les climats tropicaux ont des caractéristi-
du cap Corrientes. ques communes qu'il n'est pas inutile de rap-
Les bandes septentrionale et méridionale du peler, ne fût-ce que pour mémoire. Ils sont
continent, où règnent les zones désertiques caractérisés par une température annuelle
subtropicales, et celles qui se déroulent plus moyenne supérieure à 18°, aucune moyenne
au Nord et plus au Sud, où règne le climat mensuelle ne s'abaissant au-dessous de ce
tempéré chaud, présentent même un intérêt chiffre; il n'y a donc pas de saison froide.
tout particulier. C'est ainsi que la large La variation annuelle est très faible et ne
région côtière de l'Afrique septentrionale dépasse généralement pas 5°; en revanche, la
appartient au monde méditerranéen, dont le variation diurne est forte.
rôle fut si considérable dans le développe- Plusieurs types bien distincts, liés à la posi-
ment de notre civilisation. Mais, le bassin tion du soleil et à son mouvement apparent
congolais étant à cheval sur l'équateur et annuel entre les tropiques, peuvent être dif-
étant limité au Nord et au Sud respectivement férenciés dans le groupe des climats chauds.
par les parallèles de 5° de latitude Nord et Lorsque, à l'équinoxe, le soleil se trouve
13° de latitude Sud, nous sortirions de notre dans le plan de l'équateur, H se produit dans
sujet si nous abordions l'étude des caractères la bande équatoriale du globe terrestre une
climatiques de ces régions africaines extra- zone de calme, large de 10 à 12° de latitude.
tropicales. Par contre, le climat de l'Afrique L'air surchauffé y est animé d'un mouve-
tropicale, en plein mitan de laquelle se trouve ment ascensionnel, créant ainsi une aire de
enclavé le Congo, commande le climat de cette
dépression atmosphérique.
dernière région et doit, dès lors, être examiné
Si le globe terrestre était immobile, il se
dans tous ses détails.
produirait, semble-t-il, une circulation régu-
Tandis que l'action et la réaction des di- lière de l'air, en cycle fermé, entre la zone
vers facteurs qui régissent le climat des équatoriale en dépression et la zone polaire en
régions tempérées se résolvent en des ensem- surpression, suivant la direction des méri-
bles extrêmement compliqués, souvent déli- diens, dans le sens pôle-équateur, à la surface,
cats, remplis de demi-teintes, les climats tro- et dans le sens équateur-pôle, à haute altitude.
picaux apparaissent, en général, comme le
Du fait de la rotation de la terre, le mou-
résultat brutal de l'action de quelques fac-
teurs prépondérants, dont la puissance dé-
vement atmosphérique général considéré ici
est interrompu à hauteur des tropiques. On
chaînée imprime sa marque profonde et agit
souvent avec une remarquable continuité, observe, en effet, que dans les couches supé-
sans être grandement troublée par l'influence
rieures de la troposphère (1) l'écoulement
de facteurs secondaires. Ces caractères des général dans le sens équateur-pôle se produit
climats tropicaux sont particulièrement ici avec une déviation vers l'Est, provoquant
appa-
rents en Afrique, où leur développement est l'établissement d'une zone de forte pression à
hauteur des tropiques et dans la zone subtro-
favorisé, notamment, par la massivité du con-
tinent et par la surface régularisée de ses picale voisine.
grands plateaux intérieurs. On se trouve ainsi devant un système qui

Avant de traiter des climats tropicaux afri-


cains et plus particulièrement des climats (1) La troposphère (sphère des révolutions) est la
congolais, rappelons quelques notions géné- couche d'air située au voisinage du sol et dont l'épais-
rales élémentaires. seur varie depuis environ 6 km. au pôle et approxima-
tivement 17 km. à l'Equateur. L'air y est agité par des
Depuis longtemps, on a reconnu l'existence, remous et des mouvementsverticaux.
à la surface de la Terre, de cinq grandes La stratosphère (sphère des couches horizontales)est
zones climatiques, délimitées théoriquement l'énorme couche d'air superposée à la troposphère et
par les tropiques et les cercles polaires : une qui peut s'étendre jusqu'à une altitude mal définie,
zone tropicale, deux zones tempérées et deux voisinede 100km.
La température y est constante, elle cesse de décroî-
polaires. On sait que cette division fondamen- tre suivant la verticale.
tale résulte de considérations astronomiques,
Cette couche d'air ne subit que des mouvements
qu'elle dépend de la position du globe ter- horizontaux et est en général remarquablementcalme.
restre dans le système solaire, de ses mouve- Les nuages se localisent dans la troposphère.
ments et de l'inclinaison de son axe de rota- La stratosphère est le domaine du beau temps éternel.
tion sur le plan de l'écliptique. La pluie, la neige, la grêle, les orages y sont inconnus.
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 271

comporte une bande de dépression à l'équa- tudes Nord et Sud, qu'apparaissent les cli-
teur et une bande de surpression aux tro- mats secs des contrées désertiques du globe,
piques. Dans les bandes intercalées entre la zone
Le mouvement en cycle fermé s'établit équatoriale et les zones subtropicales souf-
entre ces deux zones. flent les vents alizés. Ce sont des vents plu-
A la surface du globe, on voit le courant vieux, s'ils ont pu, comme c'est le cas général,
aérien se produire des tropiques vers l'équa- se charger de vapeur d'eau en cours de route.

Schémadu régime des vents en zone tropicale.

teur, tout en subissant une déviation vers Le système climatique construit schémati-
l'Ouest due à la rotation terrestre. C'est le quement jusqu'ici suppose le soleil à l'équa-
vent alizé qui, dans l'hémisphère Nord, souf- teur. Si nous tenons compte, à présent, de la
fle du Nord-Est vers le Sud-Ouest et du Sud- révolution de la terre autour du soleil, nous
Est au Nord-Ouest dans l'hémisphère Sud. voyons celui-ci effectuer une oscillation appa-
Dans la zone des calmes équatoriaux, où rente annuelle, de part et d'autre du plan
l'air surchauffé et saturé de vapeur d'eau est équatorial et limitée aux tropiques. Dans ce
animé d'un mouvement ascensionnel, il se mouvement apparent, le soleil entraîne à sa
détend et subit une diminution de tempéra- suite le système climatique qui vient d'être
ture en s'élevant. Dès que la limite de satura- construit. Le centre de la zone des calmes,
tion est atteinte, la vapeur d'eau se condense, chaude, humide, nuageuse et pluvieuse, passe
forme de lourds nuages qui se résolvent en sur l'équateur deux fois l'an, à l'époque des
pluie abondante presque continue. Une large équinoxes. Il atteint le tropique Nord et le
bande nuageuse et pluvieuse se dessine ainsi, tropique Sud une fois l'an, aux solstices.
à cheval sur l'équateur. C'est le « pot au
noir » des marins français, le « cloud ring » Lorsqu'on va de l'équateur vers l'un ou
l'autre des tropiques, l'intervalle entre les
des Anglais. Aux tropiques se produit le
deux passages du centre de la zone des cal-
phénomène inverse. L'air subit un mouve- mes diminue de plus en plus, pour se réduire
ment descendant venant de la haute atmos-
à un seul passage lorsqu'on atteint le tropi-
phère; il est froid et complètement dépourvu
de vapeur d'eau. Il se réchauffe graduelle- que. Le schéma ci-après, emprunté à DE MAR-
ment lors de sa descente, jusqu'au moment TONNE,permet de se rendre compte de l'allure
de ce phénomène.
où il atteint la surface du sol. Sec et chaud,
cet air est dès lors susceptible d'absorber des Ces quelques généralités nous montrent
quantités considérables de vapeur d'eau quels sont les types climatiques fondamentaux
avant d'atteindre son point de saturation. qu'il faudra distinguer dans le groupe des
Aussi est-ce dans la bande subtropicale, qui climats chauds.
peut s'étendre depuis 23° jusqu'à 35° de lati- A cheval sur l'équateur et s'étendant sur
272 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

une largeur totale pouvant comporter de 10 des pluies, entre les 23e et 35e degrés de lati-
à 12 degrés de latitude, règne le climat équa- tudes Nord et Sud environ, s'étendent les
torial. La chaleur et l'humidité y sont remar- zones subtropicales, sèches, à pluies rares ou
quablement élevées et constantes; point de nulles et jalonnées par les régions désertiques.
saison sèche, mais seulement deux maxima de On passe, par des transitions lentes, des
pluviosité et de température plus ou moins régions à climat tropical aux zones déserti-
bien marqués. La somme annuelle des précipi-
ques Nord et Sud. Il faut même noter que
tations atteint un chiffre élevé, souvent supé- dans le type soudanais, s'il y a, en théorie,
rieur à 1.500 mm. deux périodes sèches, en pratique la plus
Au Nord et au Sud de la zone à climat importante seule est nettement marquée, mais
elle est moins longue que dans le type séné-
galien franchement caractérisé.
Tels sont les divers types climatiques dus
aux seules influences astronmniques.
Les diverses conditions géographiques réa-
gissent à leur tour.
La répartition des océans et des continents
dans les deux hémisphères intervient tout
d'abord.
La prédominance en étendue des continents
de l'hémisphère Nord sur ceux de l'hémi-
sphère Sud, jointe aux conditions astronomi-
ques qui font que le soleil déverse plus de
chaleur sur l'hémisphère Nord pendant l'été
boréal que sur l'hémisphère Sud pendant
l'été austral, reporte vers le Nord l'équateur
thermique, ainsi que la zone des calmes équa-
toriaux. En Afrique, l'équateur thermique
passe vers 180 de latitude Nord dans les par-
ties occidentales du continent et à 14° au
Nord dans les parties orientales.
De même, la zone des calmes équatoriaux
occupe une position moyenne comprise entre
8° de latitude Nord et 2° de latitude Sud.
Les points extrêmes atteints par cette
bande, dans son oscillation annuelle, se trou-
vent par 18° de latitude Nord, d'une part, et
10° de latitude Sud, d'autre part.
Schéma des régimes de pluie intertropicaux, Cette même répartition des mers et des con-
d'après E. DE MARTONNE. tinents fait que, des deux saisons de pluies,
celle qui présente l'intensité maximum se pro-
duit lorsque, dans son mouvement apparent, le
équatorial, on voit s'accuser deux périodes de
sécheresse et deux périodes de pluie; plus on soleil vient du Sud.
se rapproche des tropiques, plus on voit se Observons, en passant, que le développe-
restreindre la durée des périodes de pluie; ment de la grande forêt équatoriale amène un
aux tropiques, il n'y a plus qu'une courte abaissement de 1 à 20 de la température
saison de pluies et une longue période de moyenne. Il faut aussi remarquer que, dans
sécheresse. Tel est le climat tropical, que l'on les régions où se dessinent des reliefs, les
subdivise d'ailleurs en deux types : le type pluies accusent une augmentation notable sur
tropical à deux maxima de pluies, c'est le les versants exposés au vent.
climat soudanien d'EMM. DE MARTONNE,et le Par ailleurs, dans le bassin congolais, les
type tropical à un seul maximum de pluvio- altitudes élevées que l'on trouve dans les ré-
sité, le climat sénégalien du même auteur. gions orientales jouent un rôle particulière-
De part et d'autre de la région tropicale ment important, car elles agissent comme un
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 273

véritable écran qui empêche l'influence de de leur parcours, soit de même origine mais
l'Océan Indien de se manifester très loin vers d'âge différent. Elles sont douées notamment
l'Ouest et de se faire sentir efficacement dans de températures et de densités différentes.
la cuvette congolaise. Là où elles viennent en contact apparaissent
Ajoutons à ces considérations générales des zones de transition plus ou moins larges,
combien important fut le rôle joué par la des surfaces de discontinuité, des surfaces
mousson de l'Océan Indien, au point de vue frontales. C'est la trace sur le sol de telles
de l'occupation très ancienne par les Arabes zones de discontinuité que l'on dénomme
de la côte orientale de l'Afrique. Quant à front.
l'alizé soufflant au Nord-Ouest de la côte Là où des masses d'air de direction, de
africaine, il a joué le rôle inverse, car sa propriétés et notamment de températures dif-
direction Nord-Est—Sud-Ouest a contribué à férentes convergent et forment des surfaces
décourager les anciens navigateurs en les de discontinuité, se produisent des courants
repoussant vers le large de ces côtes. ascendants, le flux horizontal de l'air devant
Aux notions générales élémentaires qui être compensé par un flux vertical. Il en
viennent d'être exposées, peuvent être jointes résulte une « détente » de l'air dans le cou-
quelques données complémentaires. rant ascendant avec condensation, formation
de nuages et précipitations.
Le système constitué par les deux centres
de hautes pressions subtropicales entre les- Il n'entre pas dans le cadre de notre étude
quels se dessine la zone équatoriale de basses d'examiner le mécanisme très compliqué des
pressions et qui se déplace en latitude suivant phénomènes météorologiques liés à l'établis-
les saisons, n'est pas aussi simple que per- sement et au développement des zones fron-
mettrait de le supposer l'exposé général élé- tales.
mentaire fait jusqu'ici. La région des calmes équatoriaux où vien-
En réalité, les cartes des isobares montrent nent converger les masses d'air apportées par
que chacune des bandes de haute pression les alizés peut en somme être considérée
subtropicale est relativement accidentée et comme une large zone frontale intertropicale.
présente une succession de dorsales et de thal- Du fait de l'inégale répartition des mers et
wegs, les dorsales avec leurs hautes pressions des océans dans les deux hémisphères, de
étant des champs anticycloniques. La circula- l'alternance des saisons, avec comme consé-
tion divergente de l'air autour de ces grandes quence l'asymétrie des atmosphères de ces
zones anticycloniques subtropicales se fait deux hémisphères, cette zone frontale inter-
dans le sens des aiguilles d'une montre dans tropicale est loin d'être une bande régulière
l'hémisphère Nord et dans le sens inverse superposée soit à l'équateur, soit à un paral-
dans, l'hémisphère Sud; les alizés soufflant lèle Nord ou à un parallèle Sud en accord
du Nord-Est dans l'hémisphère Nord et du avec les mouvements saisonniers : Elle est
Sud-Est dans l'hémisphère Sud sont pour la essentiellement irrégulière, l'un ou l'autre des
plus grande part constitués par les masses alizés la repoussant parfois loin de la position
d'air émanées de la bordure orientale de ces moyenne, comme le montrent notamment
anticyclones subtropicaux. en Afrique les schémas, pages 281 et 282 du
La zone où les alizés Nord et Sud conver- régime des vents, en janvier et en juillet.
gent, constitue, comme on le sait, la région Le régime des pluies est par ailleurs lié à
des calmes équatoriaux. Les phénomènes très ces mouvements comme l'indiquent les cartes
complexes qui s'y produisent peuvent être mensuelles des pluies, pages 289 et 290.
rattachés, en partie tout au moins, à la théorie Il semble qu'en plus de la théorie des
des fronts imaginée par les météorologistes
fronts, il faille cependant faire appel à d'au-
norvégiens de l'Ecole de Bjerknes et qui ex- tres facteurs pour expliquer les phénomènes
plique la formation des masses nuageuses et
des pluies au moyen des surfaces de discon- météorologiques complexes qui se produisent
dans les régions tropicales.
tinuité atmosphériques.
D'après cette théorie, la circulation atmos-
phérique générale est caractérisée par le dé- B. - LA CLIMATOLOGIE AFRICAINE
placement de diverses masses d'air soit d'ori-
gine différente, soit de même source, mais Avant d'aborder l'étude quelque peu dé-
ayant subi des influences différentes le long taillée du climat tropical africain et du climat
274 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

congolais, il est bon de faire une remarque d'observations poursuivies au cours, de pério-
présentée en guise d'avertissement. des très longues.

Isothermes annuels.

La climatologie est essentiellement basée On estime généralement que pour qu'une


sur des études de résultats moyens déduits région soit réputée bien connue il faut que
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 275

des observations y soient effectuées pendant africains, on est loin d'atteindre une telle
plusieurs décades, dans des stations météoro- densité, même dans les zones les plus favori-

Isothermes en janvier.

logiques distribuées à la densité d'environ une sées, où l'on dispose, tout au plus, d'une sta-
station par 1.000 km2. Dans les territoires tion par 10.000 km2. Les postes d'observa-
276 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

tions météorologiques distribués dans le bas- Le réseau météorologique congolais et son


sin congolais sont loin d'atteindre une telle organisation sont encore susceptibles d'amé-

Isothermes en juillet.

densité; en 1950, le réseau y comprenait ce- liorations notables qui pourront sans doute
pendant 780 postes pluviométriques dont 220 être réalisées dans un avenir assez proche. Si
thermo-pluviométriques. l'on tient compte de l'expérience acquise en
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 277

région tempérée dans la pratique de cette nuelle est inférieure à 18° en zone tempérée,
science si étroitement liée à la navigation tandis qu'elle est supérieure à 18° en région
aérienne, on voit qu'une amélioration essen- tropicale. C'est même cette différenciation
tielle consistera dans la synchronisation des qui a servi de base à la classification générale
observations, et l'unification des méthodes. des climats, permettant de grouper, d'une
part, les climats chauds et, d'autre part, les
1° La température. climats tempérés.
En région tempérée, les variations de la
Les planches où sont dessinés les isothermes
température au cours de l'année sont très
annuels ainsi que les isothermes en janvier et
en juillet sont suffisantes pour faire apparaî- prononcées et très importantes, à telle ensei-
tre comment se fait la répartition des tempé- gne qu'elles constituent le facteur essentiel
différenciant les saisons.
ratures dans le continent africain. Rappelons,
Il en va tout autrement en zone climatique
incidemment, que les isothermes donnent des
températures rapportées au niveau de la mer. tropicale, où nous voyons les variations sai-
sonnières déterminées, non par la tempéra-
La planche des isothermes annuels permet
de tracer la portion de l'équateur thermique ture, qui conserve une grande uniformité et
reste élevée pendant tout l'année, mais par le
qui, pour les raisons énoncées plus haut, est
repoussé jusqu'à 14 et 180 de latitude dans régime des pluies.
l'hémisphère Nord. En région tempérée, la température moyen-
Elle fait apparaître les grandes différences ne annuelle est peu élevée ; elle subit au
de températures qui se manifestent entre les cours de l'année une oscillation régulière
côtes occidentale et orientale de l'Afrique d'amplitude très prononcée qui détermine la
succession rythmique des saisons, mais la
du Sud. La côte occidentale est fortement
refroidie par le courant froid du Benguela variation diurne est normalement d'intensité
tandis que la côte assez faible. Dans les territoires où règne le
d'origine antarctique,
orientale est réchauffée par les eaux chaudes climat tropical normal, c'est-à-dire dans les
équatoriales du courant du Mozambique. La régions basses où ne joue pas le correctif
côte Nord-Ouest de l'Afrique, le long du apporté par l'altitude, la température moyen-
Maroc et du Sahara, est refroidie, mais dans ne annuelle est très forte ; elle conserve,
une moindre mesure que la côte Sud-Ouest comme il a été dit ci-dessus, une grande uni-
formité pendant toute l'année, ne laissant
africaine, par le courant froid des Canaries.
Cette influence sur la côte africaine des apparaître une très légère oscillation rythmi-
courants marins n'est d'ailleurs qu'une appli- que qu'aux confins de la bande subtropicale.
Par contre, l'oscillation diurne peut être
cation de la règle générale qui enseigne que d'amplitude relative assez prononcée.
dans les basses latitudes les courants chauds
agissent sur les côtes occidentales des océans A Bruxelles, la température moyenne an-
et les courants froids sur leurs côtes orien- nuelle, le plus souvent équilibrée vers 10 -à
tales. 11°, subit des variations assez fortes au cours
La comparaison dés moyennes de tempéra- de l'année. L'écart entre le maximum et le
tures en janvier et en juillet fait apparaître minimum thermique peut atteindre plus de
la faible variation annuelle de température 50°. L'écart moyen entre le mois le plus chaud
dans la zone tropicale et surtout dans la et le mois le plus froid, qui peut osciller entre
zone équatoriale. 13°6 et 23°6, est le plus généralement de
l'ordre de 16°. Par contre, la variation diurne
Il convient cependant d'observer que dans
est relativement faible, puisqu'elle est en
des zones comme le Sahara où les influences
continentales général de l'ordre de 7°.
intérieures accentuées encore
par l'influence désertique se manifestent, la Au Congo, dans les régions déprimées du
variation annuelle de température peut être centre de la cuvette, on observe que la tem-
très notable. pérature moyenne annuelle est très élevée,
puisqu'elle atteint et dépasse 25°; la variation
moyenne annuelle est très faible; elle peut
La température se manifeste de manière être considérée comme étant environ de 2°5;
très différente en zone tempérée et en zone quant à la variation diurne, elle oscille sou-
tropicale. vent autour de 8°5.
On sait que la température moyenne an- L'altitude apporte des correctifs apprécia-
278 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

bles aux températures qui règnent dans la une très grande importance car elles suffisent sou-
région tropicale. On peut admettre que dans vent à exclure d'une zone donnée certains types végé-
les zones peu élevées, une diminution de tem- taux. On peut rappeler à ce propos que les plantes à
bourgeons non protégés sont cantonnées dans la zone
pérature de 1° correspond à une augmenta- à climat équatorial, tandis que les types végétaux à
tion d'altitude d'environ 180 m., ces chiffres bourgeons protégés apparaissent dans les zones clima-
pouvant varier notablement avec les condi- tiques où se manifestent de plus fortes variations de
tions locales. C'est ainsi qu'un accroissement température.
d'altitude de 80 m. agit sur la température Certains organismes ne peuvent se développer et
prospérer que dans des zones localisées où le rythme
moyenne annuelle, en un point donné, comme des variations de température répond exactement aux
si la latitude de ce point avait glissé à peu exigences qu'ils manifestent à certaines périodes de
près de 1° en s'écartant de la ligne équatoriale. leur développement.
On sait en tout cas que la variation de la
température obéit en général à la loi sui- 2° Les pressions.
vante : dans les 1.000 premiers mètres la
variation est irrégulière et est influencée par
l'allure du relief; jusqu'à une altitude d'une Les figures pages 281 et 282 font connaître
dizaine de kilomètres, la décroissance de la comment en janvier et en juillet, les pres-
température est voisine de 6° par km. ; plus sions se répartissent en Afrique et provoquent
haut, dans la stratosphère, la température les régimes des vents et celui des pluies.
reste stable et peut même parfois croître à Il convient de dire un mot des courbes des
nouveau. variations annuelles et diurnes de la pression.
A Elisabethville, à la latitude de 11°40' Nous venons de voir comment, lors de
Sud et à l'altitude de 1.230 m., la tempéra- l'oscillation apparente annuelle qu'il effectue
ture moyenne annuelle est de 20°5; l'ampli- de part et d'autre de l'équateur, le soleil tient
tude de la variation moyenne annuelle, qui sous sa dépendance les mouvements de l'at-
est le plus généralement voisine de 7°5, peut mosphère des régions tropicales et y com-
atteindre 9°1. Quant à l'oscillation diurne de mande la distribution et la variation des
la température, elle est, en moyenne, à peu zones de basse et de haute pression.
près de 13° au cours de l'année; elle va de La variation annuelle de la pression baro-
près de 10° en saison des pluies à environ 19° métrique, dans une région tropicale donnée,
en saison sèche. dessine une courbe assez régulière, dont l'al-
lure est fonction, à la fois, de la position
Rappelons qu'au point de vue biologique,les tempé astronomique et de la situation géographique
ratures moyennes, les températures extrêmes, de mêm-
du point considéré.
que le rythme des variations de la température ont cha-
cune leur signification propre. La courbe dessinée ci-après figure la varia-
Les températures moyennes permettent de se faire tion annuelle de la pression barométrique à
une idée de la quantité de chaleur répandue en un point Elisabethville. Ce graphique est donné par les
donné, quantité de chaleur qui doit répondre aux exi- moyennes de dix années d'observations.
gences de certains organismes.
Les températures extrêmes, maxima et minima, ont Le croquis ci-après figure la marée baro-

Marée barométrique annuelle à Elisabethville.


LE CLIMAT DU CONGO BELGE 279

métrique annuelle moyenne dans la région diminue de 1,5 à 2 mm. jusque vers 16 h.,
du Bas-Congo. remonte à la moyenne qu'elle atteint vers
Les graphiques chiffrés qui sont donnés 20 h., reste à peu près stationnaire jusqu'aux

Marée barométrique annuelle au Bas-Congo.

ci-dessous représentent les marées barométri- environs de 4 h., pour s'élever alors d'envi-
ques annuelles à Salisbury et à Bulawayo ron 2 mm. jusque vers 9 h. et redescendre
(Rhodésie du Sud — 170 49' et 200 10' de enfin à la moyenne jusque vers midi ». (1).
latitude Sud). Au Bas-Congo, la marée journalière se pré-
sente comme l'indique la figure page 280.
Il faut observer que l'amplitude moyenne
Moyennes mensuelles exprimées en millimètres mensuelle de la marée journalière peut varier,
comme on peut le voir par le tableau suivant
Bulawayo Salisbury où sont données, à Elisabethville, les ampli-
tudes journalières moyennes de la marée
656,3 juillet 646,0 barométrique au cours des différents mois de
août l'année.
655,5 645,4
654,4 septembre 644,4
octobre mm. mm.
653,1 643,1
652,4 novembre 642,5 Janvier 3,15 Juillet 2,94
651,7 décembre 641,9 Février 3,24 Août 3,24
651.2 janvier 641,4 Mars 3,19 Septembre 3,51
651,5 février 641,5 Avril 3,02 Octobre 3,71
652,5 mars 6424 Mai 2,74 Novembre 3,53
653,8 avril 643,7 Juin 2,84 Décembre 3,20
654,8 mai 644,7
655,7 juin 645,5 La régularité des marées barométriques an-
nuelles et diurnes dans les régions tropicales
ann. 653,6 643,5 mérite de retenir l'attention à plusieurs
points de vue.
Contrairement à ce qui se passe pour la Il convient de noter, tout d'abord, que con-
courbe des variations annuelles, la courbe des trairement à ce qui se passe en Europe, les
pressions barométriques journalières a une troubles atmosphériques, en apparence les
allure très constante, tout au moins dans les plus violents, n'affectent guère la colonne
territoires faisant partie du bassin congolais.
La marée barométrique journalière y est
très régulière. Le capitaine CHARLESLEMAIRE
la définissait déjà de la manière suivante : (1) D'après la documentationla plus récente, la ma-
rée barométrique journalière dessine cependant un
« A midi, la pression est moyenne, puis elle second maximum de faible amplitude vers 22 heures.
280 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

mercurielle. Aussi, sous les tropiques, ne se- importantes des différentes régions, au cours
rait-il guère possible d'élaborer un système de l'année.
de prévision du temps basé principalement
sur les observations barométriques, comme a) LE RÉGIMECLIMATIQUE
DU MOISDE JAN-

Marée barométrique journalière au Bas-Congo.

cela se fait dans les zones tempérées. Les VIER.— En hiver, la zone des hautes pressions
orages se produisent aussi bien par haute que permanentes des Açores s'étend vers l'Est
par basse pression. Toutefois, au moment de dans la région Nord-africaine. Dans la région
leur passage, la courbe barométrique éprouve saharienne de hautes pressions et de calme,
de courtes et brusques oscillations comme ne se manifestent que des vents d'allure va-
dans nos pays d'Europe. riable.
En Afrique du Sud, la zone des basses
Il faut, par ailleurs, observer que la marée
pressions équatoriales se dessine suivant une
barométrique journalière présente une grande bande étendue, intercalée entre les deux ré-
importance pratique dans les vastes régions gions d'anticyclones océaniques méridionaux.
tropicales où doivent être effectués des levés Cette zone des basses pressions équatoriales,
topographiques.
qui devrait entièrement se localiser dans l'hé-
Au Katanga, où le Service géographique et misphère Sud, s'étend au Nord, même à
géologique du Comité Spécial du Katanga l'époque du solstice d'hiver, jusque dans la
exécute systématiquement des travaux de levé région du 5e parallèle de latitude Nord. Ce
depuis 1919, nous avons tiré parti de la marée prolongement très septentrional de la dépres-
barométrique diurne, pour déterminer l'alti- sion est évidemment causé par la chaleur in-
tude des points situés le long des itinéraires tense qui règne au Soudan et le long des côtes
de remplissage effectués à la boussole. Cette du golfe de Guinée, même pendant les mois
méthode, simple et rapide, donne des résul- d'hiver.
tats très suffisants, à la condition cependant Le bassin congolais se trouve ainsi entière-
d'appuyer les itinéraires, à leurs deux extré- ment compris dans la zone des calmes large-
mités, sur des points rattachés par nivelle- ment développée et dans laquelle ne règnent
ment trigonométrique au réseau des chaînes que des vents variables et irréguliers, en vi-
fondamentales de triangulation. tesse et en direction.
Il semble, en tout cas, que les vents obser-
vés à Elisabethville, pendant cette période,
3° Les vents et les pluies. tout en étant peu constants, soufflent cepen-
dant le plus souvent du Nord au Sud.
Un aperçu des mouvements atmosphériques La localisation des zones de pression et de
qui se produisent en Afrique tropicale et sub- dépression, en janvier, détermine des mouve-
tropicale vers l'époque du solstice d'hiver et ments atmosphériques qui peuvent être sché-
celle du solstice d'été suffira pour faire appa- matisés de manière assez simple.
raître les caractéristiques climatiques les plus Au Sud de la grande zone de haute pres-
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 281

sion saharienne souffle, vers le Soudan et la Vers l'Est à l'intérieur du continent, ce


côte de Guinée, qu'il n'atteint cependant pas, vent sec chargé de sables désertiques est dé-

Schéma des pressions barométriques et du régime des vents en janvier.

l'alizé de direction Nord-Est — Sud-Ouest. nommé « harmattan ». On peut noter que le


C'est un vent très stable. Tchad se remplit de plus en plus de sable
282 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

apporté dans son bassin par l'harmattan comme un vent du Nord. Une partie dévie
(FITZGERALD) vers le Sud-Ouest et peut s'avancer jusqu'à

Schéma des pressions barométriques et du régime des vents en juillet.

Plus loin à l'Est se dessine un courant une petite distance du Cameroun (C. E. P.
égyptien qui pénètre dans la vallée du Nil BROOKS et S. T. A. MIRRLEES) ; une autre
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 283,

semble vouloir se prolonger jusqu'aux confins se diriger vers la dépression de l'Asie Sud-oc-
de la grande zone de dépression méridionale, cidentale.
peut-être même jusqu'à Elisabethville. Dans La vaste dépression centre africaine, qui
ces régions du Sud, ces vents pourraient dif- s'étend au Sud jusque dans le bassin du
ficilement être distingués de l'alizé Nord-Est Congo, est comblée par l'alizé du Sud-Est. Il
d'Arabie, qui souffle des mers de l'Arabie souffle jusque vers l'équateur, balayant de sa
vers le Sud-Ouest, en traversant les plateaux nappe régulière une grande partie du Congo
de la région des Grands-Lacs et le Tanganyika et notamment toute la région Katanguienne.
Territory. Le faisceau occidental de l'alizé du Sud-
Dans la région Sud, l'alizé du Sud-Est de Est, qui souffle dans la région côtière de l'At-
l'Océan Indien se dirige de cette dernière lantique, tend à dériver vers le Nord-Est
zone d'anticyclone vers la grande région des pour venir combler la dépression du Nord à
basses pressions Sud-africaines et passe sur la façon d'une mousson. Ces courants aériens
les côtes orientales de l'Afrique jusque dans sont, en effet, des moussons pluvieuses qui
la région du Mozambique, au Nord, en ayant balaient notamment les régions centrales et
une direction Est-Ouest. Ces côtes sont ainsi occidentales du Soudan et qui sont originaires
arrosées par des pluies abondantes, surtout au du golfe de Guinée et de la zone atlantique
Mozambique et au Natal. Ce vent, avec ses plus méridionale. Les vents de l'Atlantique
ondées, n'atteint pas, à l'Ouest, la région du ont une influence prépondérante dans le
Kalahari. Nord du continent africain, au moins jusqu'à
A l'Ouest, l'alizé atlantique souffle du Sud, la ligne du Nil, à l'Est.
parallèlement aux côtes de l'Afrique, depuis Le faisceau de l'alizé du Sud-Est, origi-
30° de latitude Sud jusqu'à hauteur du 5e de- naire de l'Océan Indien, balaie la plus large
gré de latitude Nord. La partie orientale ou part du continent, au Sud, jusqu'à hauteur
côtière de ce vent subit un appel moussonique de l'équateur. C'est lui qui règne notamment
qui le dirige vers l'intérieur du continent au Katanga, tandis que c'est déjà le faisceau
surchauffé. La dépression qui se dessine dans atlantique qui se manifeste à ce moment dans
les terres intérieures entraîne l'alizé vers le la portion de l'extrême Nord-Ouest du bassin
Nord jusqu'au 5e parallèle de latitude Nord congolais.
et lui fait aborder les côtes de Guinée et de
Sierra-Leone en direction Sud-Ouest—Nord-
Est en les arrosant copieusement. Ces vents 4° Les climats tropicaux en Afrique.
du Sud-Ouest ne pénètrent cependant pas
très loin à l'intérieur, où ils rencontrent le a) LE CLIMATÉQUATORIAL. — Il règne dans
front de l'alizé venant du Nord-Est. la région centrale déprimée du bassin congo-
lais et atteint, au Sud, le 5e parallèle de lati-
b) LE RÉGIMECLIMATIQUE EN JUILLET. — La. tude Sud.
zone des basses pressions sahariennes du sol- La largeur totale de cette zone peut ainsi
stice d'été remplace les hautes pressions du s'étendre sur environ 10 à 12 degrés de lati-
solstice d'hiver. Elle se prolonge vers l'Est, tude.
pour venir se raccorder à la zone des basses Plus à l'Ouest, dans la région côtière, la
pressions du Nil moyen, qui est elle-même une bande équatoriale de type guinéen est un peu
extension occidentale de la région déprimée plus large.
asiatique voisine. Cette large dépression se La chaleur et l'humidité y sont remarqua-
prolonge jusqu'au Sud de l'équateur dans le blement élevées et constantes et les pluies y
bassin congolais. tombent en abondance pendant toute l'année.
En Afrique du Sud, une région anticyclo- Point de saison sèche proprement dite mais
nique couronne les hauts plateaux situés au seulement deux maxima de pluviosité plus ou
Sud du tropique du Capricorne. moins bien marqués vers l'époque des équi-
Au Nord, l'alizé du Nord-Est souffle le noxes.
long des côtes de l'Atlantique jusqu'à proxi- La somme annuelle des précipitations at-
mité du 20e parallèle. A l'Est, un courant teint un chiffre élevé, supérieur à 1.500 mm.
égyptien atteint la même latitude, tout en se Dans la région congolaise, le climat équa-
recourbant en partie vers le Sud-Est, le long torial est le mieux caractérisé à l'intérieur de
de la Mer Rouge, puis vers le Nord-Est, pour la courbe qui délimite la zone où la somme
284 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

des pluies annuelles moyennes dépasse 1.600 secs, tout au moins lorsqu'on aborde la zone
mm. externe de la région climatique équatoriale,

Régimespluviométriques.

où règne un climat subéquatorial et présou-


Dans cette même région, il n'y a pas de
réelle saison sèche, mais il peut y avoir jus- danien.
Il convient d'observer que le bassin congo-
qu'à deux et même trois mois relativement
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 285

lais, avec son altitude intérieure relativement Les fortes altitudes que l'on trouve dans
élevée et sa position géographique qui le ces régions orientales, dont la cote moyenne
ferme à l'Est aux influences océaniques, jouit est voisine de 1.200 m., font que la tempéra-
d'un climat équatorial moins accentué que ture y est relativement modérée et les nuits
celui de l'Amazone. souvent très fraîches; quant aux pluies, elles
Dans la région amazonienne, les influences sont peu copieuses et bien distribuées au cours
océaniques peuvent se faire sentir profondé- de l'année. On doit se rappeler, en effet, que
ment à l'intérieur des terres, le bassin étant l'accroissement d'altitude provoque une dimi-
largement ouvert vers l'Est, dans la direction nution de température qui, en moyenne, peut
suivant laquelle se font les grands mouve- être évaluée à 1° C. par 180 m., soit à 0,56
ments atmosphériques des zones tropicales. degré pour 100 m. et donc à environ 70 pour
Il est normal d'observer, dans le bassin de 1.200 m., tout en remarquant que cette loi
l'Amazone, 2.000 mm. à 2.500 mm. de pluies, peut subir des variations en relation avec les
tandis que les précipitations de la région conditions locales.
équatoriale congolaise n'atteignent et ne dé- Tandis que le climat de la cuvette congo-
passent légèrement 2.000 mm. que dans une laise et le climat guinéen sont tout à fait hos-
zone très localisée, comme le montre la figure tiles au Blanc, le climat équatorial de l'Est
page 287. africain paraît être moins défavorable à la
La région équatoriale est la région propice colonisation européenne. Quoique la tempéra-
par excellence au développement du règne ture y soit modérée et que les nuits froides
végétal et nous verrons s'y étaler et prospérer donnent à l'organisme du colon une détente
la grande forêt. Par contre, elle fait partie salutaire, il n'en est pas moins vrai que l'ab-
des régions du monde qui sont le moins favo- sence de rythme saisonnier tend à empêcher
rables à l'établissement de la race blanche. La la majorité des Blancs de vivre d'une façon
température élevée et continue, l'humidité at- permanente dans ces régions et même d'y
mosphérique persistante semblent, jusqu'ici, faire des séjours très prolongés.
s'opposer à un séjour permanent ou même
très prolongé du Blanc. De telles régions b) LES CLIMATS SOUDANIEN ET SÉNÉGALIEN. -
apparaissent comme le type de la colonie Théoriquement, les climats tropicaux localisés
d'exploitation, dont l'activité doit être plus de part et d'autre de l'équateur, entre la zone
spécialement orientée vers la production des équatoriale et les zones désertiques, sont aisé-
richesses végétales, avec la collaboration de la ment caractérisés en climat soudanien à deux
population noire et sous la direction, directe maxima de pluie et en climat sénégalien à un
ou indirecte, des Européens. maximum de pluie.
En réalité, le passage du climat équatorial
En plus du type de climat équatorial pro- au climat désertique se fait par transitions
pre à la cuvette congolaise, existe un type qui successives : les mois pluvieux deviennent
est dénommé guinéen. graduellement moins nombreux et la somme
totale des pluies diminue progressivement.
Il est caractérisé par des pluies plus abon-
dantes et une plus grande humidité que cel- La nature du climat est d'ailleurs fidèle-
les de la cuvette congolaise. ment répercutée par la végétation, qui varie
Ce climat équatorial particulier se localise depuis l'exubérance de la forêt équatoriale
dans l'aire côtière du golfe de Guinée, où il jusqu'à la pauvreté végétale du désert, en
est lié au régime des moussons qui règnent passant par la forêt-parc, la savane boisée
sur ces côtes. des régions à climat soudanien et ensuite la
savane arbustive, la savane herbeuse buisson-
neuse et enfin la savane herbeuse propre au
Un autre type de climat équatorial existe climat sénégalien.
dans la région des hauts plateaux de la zone Les climats soudanien et sénégalien de l'hé-
équatoriale de l'Est africain limitée, appro- misphère Nord ne sont pas absolument sem-
ximativement, au 3e degré de latitude Nord blables à leurs symétriques de l'hémisphère
et au 5e degré de latitude Sud. Il s'étend aussi Sud. Le groupe du Nord subit beaucoup plus
dans la région congolaise d'altitude élevée qui les influences continentales que celui de l'hé-
constitue le flanc oriental de la cuvette et la misphère Sud, largement soumis aux influen-
région voisine des grabens. ces océaniques.
286 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

Les régimes climatiques de janvier et de pérature s'élève alors graduellement jus-


juillet, décrits plus haut, révèlent ce qui se qu'aux premières heures de l'après-midi, pour
passe au Soudan et en Afrique du Sud. s'abaisser graduellement jusqu'au minimum
Les quantités de pluie assez considérables de la matinée précédant le lever du soleil.
que reçoivent ces régions tropicales soudanai- Quant à la variation annuelle de tempéra-
ses ne doivent pas faire illusion et ne sont ture, elle présente une double oscillation à
pas aussi profitables aux nappes souterraines l'équateur, pour tendre vers une oscillation
et à la végétation qu'on pourrait se l'imagi- simple, au fur et à mesure que l'on s'écarte
ner. Il s'agit, en effet, de pluies qui tombent de cette zone.
en saison chaude, pendant laquelle l'évapo- La planche pluviométrique générale du
ration est intense, contrairement à ce qui se Congo, page 287, et celle relative à la durée
passe dans la zone tempérée, où ce sont les des saisons sèches, page 288, font apparaître
pluies hivernales abondantes qui alimentent clairement la liaison qui existe entre le régime
surtout les nappes aquifères et constituent des pluies et la marche apparente du soleil en
les réserves. latitude, au cours de l'année.
En observant ces documents, on peut con-
stater que le régime climatique équatorial est
C. — LA CLIMATOLOGIE CONGOLAISE
nettement dominant dans toute l'aire dépri-
mée de la cuvette congolaise, traversée, d'ail-
L'étude de la répartition annuelle des tem- leurs, de part en part, par l'équateur. C'est
pératures moyennes réelles, au Congo, montre dans cette région que se dessinent les courbes
que, dans la zone de la forêt équatoriale, la délimitant les zones où tombent annuellement
température moyenne annuelle oscille entre au moins 2.000 et 1.800 mm. de pluies, enve-
25° et 26° et qu'elle diminue graduellement
loppées par la courbe correspondant à des
sur les flancs de la cuvette, au fur et à 1.600 mm. de hau-
précipitations atteignant
mesure que l'altitude augmente. teur annuelle.
L'isotherme de 24° suit approximativement Dans cette région centrale, les pluies sont
la courbe de forme de 1000 m.; celui de 22° intenses et se répartissent régulièrement dans
se situe entre les courbes d'altitude de 1100 le courant de l'année, de légères accalmies ten-
et 1200 m. ; les isothermes de 190 et 200 sont dant cependant à se manifester aux périodes
guidés par la courbe de 1500 m., tandis que des solstices.
ceux de 16° et 17° sont voisins de la courbe La disposition des tracés pluviométriques
de 2000 m. serait suffisante pour prouver que les reliefs
Quant aux températures extrêmes, il con- du pourtour doivent jouer le rôle d'écran et
vient de noter que c'est toujours par temps empêcher les influences océaniques, tant cel-
calme et ciel serein que les températures les les de l'Océan Atlantique que celles de
plus élevées sont observées. Dans la forêt l'Océan Indien, de se développer librement
équatoriale, la température absolue la plus dans la cuvette centrale. La barrière érigée
élevée est voisine de 38°. Les maxima les entre les océans et la cuvette, et surtout entre
plus forts sont observés en saison sèche, l'Océan Indien et le centre de la dépression
dans le Haut-Ubangi et l'Uele où ils attei-
congolaise, est très efficace et l'on est bien
gnent 400. Quant aux minima les plus bas, forcé d'admettre qu'une grande partie des
ils sont notés à l'extrême Sud du Haut-Ka-
pluies qui tombent dans cette région provient
tanga où ils marquent — 1°,5. de la région même. Un cycle fermé s'y pro-
La variation diurne est faible (voisine de
duit, l'eau tombée s'évapore, se condense et
10°) pendant toute l'année dans la zone équa- retombe sous forme de pluie, pour continuer
toriale. Son amplitude, dans la zone à climat ainsi indéfiniment. Il y a cependant un ap-
soudanien est beaucoup plus faible en saison
port complémentaire d'eaux d'origine océani-
des pluies (10 à 12°) qu'en saison sèche
que, ne fût-ce que pour assurer l'alimentation
(15 à 17°). des rivières qui se déversent dans l'océan.
Au Katanga, elle peut atteindre 200 et A l'extérieur de la zone centrale déprimée,
même 22° en saison sèche. des irrégularités nombreuses
apparaissent
L'oscillation diurne de la température se dans le tracé des courbes. Il est aisé de déce-
manifeste de la façon suivante. ler qu'elles sont dues, pour la plupart, aux
Le minimum est enregistré un peu avant le accidents du relief placés en travers de la
lever du soleil, entre 5 et 6 heures. La tem- marche des courants aériens. Le relief brus-
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 287

que du plateau du Kasai, orienté grosso modo obéissent aux conditions climatiques géné-
Est-Ouest le long d'un ressaut d'altitude rales.
bien accentué, provoque une augmentation De même, le long de la bordure orientale

Planche pluviométrique du Congo (période 1930-1939),d'après E. MICHELet A. VANDENPLAS.

des précipitations. Ce sont nécessairement des congolaise, fortement accidentée, il faut faire
vents plus ou moins réguliers venus du Nord appel au relief et à la direction des courants
qui sont la cause de ce phénomène. aériens en période pluvieuse pour déchiffrer
Au Katanga, les choses sont beaucoup plus l'allure des courbes qui ne sont que vague-
compliquées. La succession souvent brusque ment esquissées jusqu'ici.
des plaines basses et des hauts plateaux juxta- Les planches mensuelles de pluviosité (voir
pose des bandes où les pluies sont provoquées pages 289 et 290) ont été dessinées en partant
par le relief, aux aires où les précipitations de la documentation fournie par l'ouvrage de
288 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

VANDENPLAS. — Les mois qui donnent 0 à 25 ment dans le courant de l'année, domine net-
mm. de pluie sont considérés comme très secs, tement à l'intérieur de la courbe des pluies
25 à 50 mm. secs, annuelles de 1.600 mm.
50 à 100 mm. peu humides, Vers la bordure de l'aire ainsi définie, ten-
100 à 200 mm. humides, dent à se manifester de courtes périodes sol-
200 à 300 mm. très humides. sticiennes de sécheresse, ou, plus exactement,

Les mois de saison sèche au Congo (de 0 à 7 mois de saison sèche), d'après la documentationdu Ministère des
Colonies. Sont considérés comme mois de saison sèche ceux au cours desquels il est tombé moins de 50 mm.
de pluie.

a) LE CLIMAT ÉQUATORIAL.— Le climat d'humidité moindre, pouvant se prolonger,


équatorial de la cuvette congolaise, avec ses au total, jusqu'à un, deux et même trois mois.
températures élevées et ses précipitations C'est ainsi que l'on passe, par transitions suc-
abondantes réparties à peu près régulière- cessives, aux régions où se manifeste le climat
De Arts et Métiers Congolais" de Henri Kerels.

LE FORGERON.
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 289

Planches mensuelles de pluviosité, d'après A. VANDENPLAS.


1. Très secs. — 2. Secs. — 3. Peu humides. — 4. Humides. — 5. Très humides.

10
290 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

Planches mensuelles de pluviosité, d'après A. VANDENPLAS.


- 5. Très humides.
1. Très secs. - 2. Secs. - 3. Peu humides. - 4. Humides.
LE CLIMATDU CONGO BELGE 291

soudanien, en passant par une zone à climat forme, fortement influencée d'ailleurs par les
subéquatorial et présoudanien. variations d'altitude, qui peuvent être très
Dans la région septentrionale du Congo, le notables et qui sont toujours à considérer,
climat équatorial règne au moins jusqu'à hau- surtout dans les régions du Katanga.
teur de l'Uele. Une bande septentrionale Le relief joue aussi un rôle dans le bassin
d'assez faible largeur, localisée plus particu- du Kasai; il manifeste son influence, non seu-
lièrement au Nord-Ouest, dans la boucle de lement sur la température, mais aussi sur les
rUbangi, doit déjà être rapportée aux aires précipitations. C'est ainsi que la bande à
de climat présoudanien et subéquatorial. pluviosité accentuée, qui s'étend dans ces
Le flanc oriental du bassin congolais, jus- régions suivant la direction W.-N.-W. —
qu'à une certaine distance de part et d'autre E.-S.-E., paraît être due, comme nous le di-
de l'équateur, participe des caractères pro- sions plus haut, aux pluies provoquées par le
pres au climat équatorial continental du type ressaut du relief que l'on rencontre lorsqu'on
de l'Afrique orientale. La température y est aborde cette région en venant du Nord ou du
modérée, grâce à la correction apportée par Nord-Est.
l'altitude. Quant aux pluies, elles sont abon- Nous verrons plus loin que la région con-
dantes et peuvent atteindre un total annuel golaise à climat présoudanien et soudanien
de 1.600 mm. Ces précipitations se produisent est recouverte par un manteau végétal qui
au cours des différents mois de l'année, mais peut varier depuis la forêt-parc, au Nord,
elles dessinent cependant un léger maximum jusqu'à la steppe herbeuse en passant par
en avril. toute la gamme des savanes boisées, riches,
C'est dans la partie la mieux caractérisée normales, pauvres et arbustives.
de l'aire à climat équatorial, que se déroule
le manteau végétal constitué par la grande
Le Katanga méridional est entièrement
forêt équatoriale.
compris dans la zone à climat soudanien.
Dans toute la région du Sud-Est, les accidents
b) LE CLIMATSOUDANIEN. — Toute la région
du relief apportent une grande complexité au
congolaise située au Sud et au Sud-Est de la dessin des zones climatiques particulières et à
zone centrale à climat équatorial est soumise leur agencement.
aux influences des climats présoudanien et
soudanien. Entre les plaines basses du Kamolondo, de
la moyenne Lufira et du Bangweolo-Luapula-
Cette zone, qui comporte les territoires du
Moero, viennent s'intercaler les hauts pla-
Kasai et du Katanga, jouit de pluies annuel- teaux de la Manika, du Kibara et du Kunde-
les, dont la somme est inférieure à 1.600 mm.
et supérieure à 1.000 mm. Comme cela se lungu, tandis qu'au Sud, s'étend le plateau
de la région cuprifère et de la bande faîtière
produit dans les régions soumises aux influen-
ces du climat soudanien, la période de séche-. Congo-Zambèze.
resse est constituée par une réelle saison sè- Dans de telles conditions, le climat du Sud-
Est du Katanga présente deux types clima-
che, à laquelle s'ajoute une courte période
de sécheresse relative, vaguement dessinée tiques très différents : le type des hauts
d'ailleurs, et intercalée entre les deux passa- plateaux, balayés par l'alizé et à température
ges du soleil au zénith. modérée, et celui des plaines basses relative-
ment chaudes.
La saison sèche s'amorce déjà à la bordure
Les vents des hauts plateaux ont une
externe de la région à climat équatorial; elle de même que les précipi-
s'étend sur quatre, cinq, six et même sept grande régularité,
tations qui semblent devoir donner un total
mois, au fur et à mesure que l'on s'écarte de annuel compris entre 1.000 mm. et 1.100 mm.
cette zone et qu'on se dirige vers les zones
Il n'en va pas de même des régions de plai-
excentriques.
nes, où les vents, générateurs de pluies, ont
Il faut aller plus loin au Sud, en Rhodésie des allures très irrégulières et très diverses.
et en Angola, pour entrer dans le domaine du Une étude climatique systématique et détail-
climat sénégalien, où la longue saison sèche se lée de ces régions ne pourra être entreprise
prolonge pendant huit mois de l'année. qu'après que des postes météorologiques nom-
Toute la région méridionale de la Colonie, à breux, établis en des points convenablement
climat présoudanien et soudanien, jouit d'une choisis, auront fourni les documents indispen-
température annuelle moyenne assez uni- sables, certains d'entre eux étant nécessaire-
292 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

ment équipés en vue de mesurer la direction fleuve Congo. La température augmente d'ail-
du vent. leurs rapidement quand, de la zone littorale,
Le régime des vents dominants à Elisabeth- on s'avance vers l'intérieur des terres.
ville peut être représenté par le croquis ci- L'influence du courant froid du Benguela
dessous. agit d'une autre façon encore. Il donne aux
régions côtières de l'Angola et même du
vents durant F année Congo un ciel brumeux mais sans précipita-
Système des
tions. Ce brouillard de la zone côtière est
connu sous le nom de « Cacimbo » en An-
gola, et sous celui de « Lisala » au Mayombe.
Les vents du Sud-Ouest et de l'Ouest sont
dominants. Venant du Sud-Atlantique, ces
vents passent par-dessus le courant froid
avant d'arriver sur le continent, où la tempé-
rature est plus élevée; ils ne peuvent évidem-
ment pas donner de précipitations en abor-
dant les terres dans de telles conditions.
Toute une zone désertique côtière tend ainsi à
se dessiner et à augmenter progressivement
de largeur, depuis Ambriz jusqu'à Mossa-
medes, pour se prolonger ensuite dans le do-
maine du Kalahari. A Saint-Paul-de-Loanda,
le nombre de jours de pluie ne dépasse pas
25 par an et la quantité d'eau tombée oscille
aux environs de 140 mm. A hauteur de Ben-
guela, le long du premier tronçon du chemin
de fer de Lobito au Katanga, on traverse
même une véritable zone désertique, avant
Schémadu régime des vents dominantsà Elisabethville. d'atteindre le plateau du Bihé.
A Banana, on mesure des moyennes de
La région du Katanga elle-même se trouve pluies annuelles de 1.107 mm., tandis qu'on
trouve 1.103 mm. de précipitations moyennes
dans le domaine des alizés venant de l'Océan normales à Boma et 1.507 mm. à Léopoldville.
Indien pendant les trois quarts de l'année. Ce
n'est que pendant les mois de décembre, de
janvier et de février que des vents, irrégu- Lorsque l'on se borne à caractériser large-
liers d'ailleurs et peu constants, semblent
ment les principales zones de notre Colonie,
avoir leur origine au Nord: on pourrait peut- on peut s'en tenir à ce qui vient d'être exposé.
être les considérer comme un prolongement
il a été Si l'on voulait faire une étude approfondie
méridional du courant égyptien, dont
d'une zone restreinte, il faudrait faire inter-
parlé plus haut à l'occasion du régime clima-
venir un plus grand nombre de facteurs et
tique africain au mois de janvier. multiplier considérablement les points d'ob-
servation.
Le Bas-Congo appartient au climat présou- Chaque région, en participant aux caractè-
danien et soudanien; le relief y joue un cer- res généraux de la zone climatique qui l'en-
tain rôle, mais les influences océaniques y globe, peut, en effet, présenter de nombreuses
sont dominantes et se manifestent d'une ma- et importantes modalités spéciales résultant
nière toute particulière, grâce à l'existence du boisement ou de la dénudation, de l'orien-
du courant du Benguela. tation et d'une foule d'autres facteurs. Même
Ce courant marin froid, qui vient de la composition du sol superficiel peut avoir
l'Antarctique et passe tout près de la côte, une influence réflexe sensible sur le climat.
détermine le long de celle-ci une violente in-
flexion des isothermes, à telle enseigne que la
température moyenne annuelle est, à peu de Tout en se localisant dans les données gé-
chose près, la même par 30° de latitude Sud nérales, il y aurait intérêt, lorsqu'on s'occupe
que dans la région voisine de l'embouchure du des pluies, à ne point se borner à la compa-
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 293

raison des quantités totales de pluies tombées 24 heures donnent lieu aux remarques
pendant une année et de leur distribution suivantes :
générale dans le temps; il importe de noter, Dans la région de la cuvette centrale recou-
en outre, qu'en général une portion très im- verte par la forêt équatoriale, au cours de la
portante des pluies est fournie par un nom- période de 1930-1939, les précipitations ma-
bre très limité de fortes averses. C'est ainsi xima en 24 heures sont supérieures à 100 mm.
que l'on a pu observer certaines averses excep- et peuvent parfois atteindre 150 mm.; Eala
tionnellement violentes, qui pouvaient donner, (Coquilhatville), donne notamment 144 mm. 6.
en quelques heures, 100 et même 120 mm. Au Mayombe, au Bas-Congo et au Katanga
d'eau. Au Katanga, de même qu'en Rhodésie les intensités maxima en 24 heures dépassent
d'ailleurs, les précipitations de 50 à 100 mm. généralement 100 mm. Des précipitations
en quelques heures ne sont pas rares. A Elisa- maxima exceptionnelles ont été observées no-
bethville, une averse exceptionnelle, observée tamment à Lukula (Mayombe) 168 mm., à
en avril 1923, a donné 160 mm. d'eau en Kiniati (Mayombe) 154 mm., à Léopoldville
2 h. 40 minutes. 165 mm., à Kanzenze (Katanga) 145 mm.
Il est évident qu'en dehors des zones occu- La documentation recueillie jusqu'ici per-
pées par la grande forêt équatoriale, de sem- met de considérer que l'intensité moyenne des
blables chutes de pluies peuvent donner lieu à fortes averses de courte durée (10 à 30 minu-
un ruissellement intense, surtout lorsqu'elles tes) est environ de l'ordre de 2 mm. à la
.se produisent immédiatement après la saison minute, dans les différentes régions congo-
sèche, en agissant, soit sur un sol naturel laises.
qui n'est pas encore recouvert par un manteau Une intensité comparable peut être parfois
végétal serré et vigoureux, soit sur des aires atteinte en Belgique, mais pendant un temps
défrichées livrées à l'exploitation agricole. Il moins long, soit de 5 à 10 minutes.
y a de ce fait une notable quantité d'eau per- On a pu observer des averses de courte
due pour la végétation, précisément dans des
durée dont l'intensité pouvait atteindre 23,5
zones où l'eau n'est déjà pas trop abondante;
mm. et même un peu plus en 5 minutes. Par
de plus, le ruissellement violent entraîne les
sols, produit leur érosion, les dégrade complè- ailleurs, des averses d'une durée de 1 à 2 heu-
tement et enlève toute fertilité à des aires res, peuvent avoir une intensité de 2 mm. par
minute. VANDENPLAScite le cas d'une averse
qui peuvent s'étaler sur de larges espaces.
de 108,1 mm. en 83 minutes à Léopoldville et
L'étude de VANDENPLASnous permet d'ap- de 120,4 mm. en 75 minutes à Iremera.
porter les précisions qui suivent au sujet de
la fréquence des pluies et de l'intensité des
c) L'INDICE D'ARIDITÉ.— Deux facteurs du
précipitations. climat paraissent être prédominants et capa-
Dans la dépression centrale, il pleut en
bles, par leur simple combinaison, de définir
moyenne 130 jours par an, parmi lesquels une une physionomie climatique reflétée assez
trentaine de jours environ donnent des pluies fidèlement par le monde végétal. Le botaniste
très abondantes (20 mm. et plus). L. EMBERGERaffirme même que « tous les
Au Mayombe et au Bas-Congo, nonante groupements végétaux, quelle que soit leur
jours pluvieux se répartissent quasi unifor- composition floristique, croissant sous le
mément au cours de la saison des pluies. Du- même climat, sont homologues, équivalents,
rant cette période, il pleut à peu près un jour comme sont homologues des terrains géologi-
sur trois.
ques différents par leur faune, mais synchro-
Au Kasai et au Katanga septentrional, on niques ».
compte en moyenne 110 jours pluvieux et Des essais ont été tentés par plusieurs au-
pendant la saison humide, il pleut à peu près teurs, notamment par EMM. DE MARTONNEet
un jour sur deux en moyenne.
par H. PERRIN, en vue d'établir, par des don-
A noter qu'au Katanga, cette proportion nées numériques simples, les homologies entre
augmente lorsqu'on s'avance vers le Sud. les bioclimats de régions géographiques diffé-
C'est ainsi qu'à l'extrémité Sud du Katanga rentes, c'est-à-dire les relations qui existent
méridional, il pleut à peu près trois jours sur entre les formations végétales et les éléments
quatre en saison des pluies, mais par contre, fondamentaux du climat, la chaleur et l'hu-
les pluies abondantes diminuent. midité.
Les précipitations maxima obtenues en L'indice d'aridité d'EMM. DE MARTONNE,
294 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

déterminé par la combinaison des facteurs indices mensuels, 4 sont inférieurs à 40 et


chaleur et humidité, se formule comme suit : 2 inférieurs à 20 pour Gangala, 3 sont infé-
P rieurs à 40 et 3 inférieurs à 20 pour Kabinda.
I = , P étant la hauteur moyenne Ces indices situent les points d'observation
T +
annuelle des pluies exprimée en millimètres, dans le domaine de la forêt-parc correspon-
et T la température moyenne exprimée en de- dant à ce que nous dénommons le climat pré-
grés centigrades. La même formule peut être soudanien.
appliquée pour déterminer les indices men- Kilwa et Elisabethville se trouvent dans
suels; il suffit, dans ce cas, de multiplier par des régions recouvertes par la savane boisée
12 la hauteur de pluie, pour obtenir des gran- normale marquant déjà une tendance à la
deurs comparables aux indices annuels. savane normale pauvre. C'est bien ce qu'indi-
H. PERRIN observe que la forêt équatoriale quent leurs indices d'aridité, Kilwa ayant
(Pluviisilva) répond à des indices d'aridité 7 indices mensuels inférieurs à 40 et 6 infé-
toujours supérieurs à 40 et même à 60, aucun rieurs à 20, tandis qu'Elisabethville donne
indice mensuel n'étant inférieur à 20, et six 7 indices mensuels plus petits que 40 et 7
mois au moins ayant des indices supérieurs plus petits que 20.
à 40. Kipushya donne des indices à peu près
La savane boisée (Hiemisilva) apparaît, dès semblables à ceux qui précèdent, mais avec
qu'un seul mois accuse un indice inférieur à une tendance plus prononcée à la pauvreté du
20, dans les régions où l'indice annuel est couvert végétal.
faible, de l'ordre de 20 à 60. D'après PERRIN, En Rhodésie du Sud, on se trouve en
la savane boisée reste la formation principale, région à climat sénégalien. A Salisbury, l'in-
aussi longtemps qu'il s'écoule plus de six mois dice d'aridité annuel est égal à 28 et l'on
à indices mensuels supérieurs à 40. On passe observe sept mois secs, ce qui caractérise le
à la savane boisée pauvre et à la steppe, domaine de la savane à tendance pauvre ou
quand l'indice mensuel reste inférieur à 20 pauvre. A Bulawayo, l'indice d'aridité est
pendant plus de six mois. égal à 20 et les huit mois de sécheresse mon-
L'application de la formule des indices trent que le climat tend à passer ici au type
d'aridité à quelques postes météorologiques sénégalien sec. Dans cette région, les forma-
du bassin congolais, donne ce qui suit : tions végétales passent de la savane boisée

la
Eala Yangambi Gansa Kabinda Kaw. Kipushya
-- _H ---~ ~-- 1 N. Bodio Elisabethville
:-
10 5 - 9 10 9 10 4
Nombred'années d'observa- 1.
tion
Janvier 24,9 26 7 67 72 102 117
Février 41 37 16 77 73 90 106
Mars. 45 42 42 72 79 72 59
Avril 59 51 57 76 68 19 10
Mai ., 48 58 70 17 9 6 1
Juin 45 46 63 3 0 0,1 0
Juillet. 24 46 73 5 0 0 0
Août., 53 57 80 12 0 0,6 0,7
62 64 90 43 2 1 0,2
Septembre 59 14 9 14
Octobre 65 82 74
Novembre 1 ! ! ! ! ! 69 60 36 85 38 60 40
Décemb 47 20 86 70 100 93
Décembre re 1
Indice annuel 49,1 51,2 52,2 50,2 35,3 38,3 36,8

Les indices d'aridité annuels et mensuels pauvre aux steppes arides, arbustives et épi-
d'Eala et d'Yangambi se rapportent à la neuses.
grande forêt équatoriale qui règne effective-
ment en ces points. d) L'ÉVAPORATION. — L'évaporation est un
Les indices annuels de Gangala Na Bodio facteur important du climat au sujet duquel
et de Kabinda sont élevés (50); quant aux l'on ne possède cependant en Afrique que de
LE CLIMAT-DU CONGO BELGE 295

rares données et de valeur assez douteuse, du teurs du climat, quoique souvent considérés
fait de l'imperfection des instruments de comme secondaires, peuvent cependant, no-
mesure. Il faut savoir d'ailleurs qu'un instru- tamment au point de vue biologique, être aussi
ment capable de mesurer le phénomène dans importants que la température, l'humidité et
des conditions semblables aux conditions na- les vents.
turelles n'a pas encore été trouvé. La plupart
des mesures dont on dispose ont été obtenues Insolation. — Le tableau ci-dessous donne
par l'emploi du vieil évaporateur à surface pour quelques points le nombre d'heures d'in-
libre. solation au cours des différents mois de l'an-
Dans la région des grands lacs africains, née, ainsi que le pourcentage d'insolation par

Nombre d'heures d'insolation.

Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Déc.


Janv. Févr. [ Oct. Nov.

Yangambi1938 129,9 122,5 166,9 152,0 148,3 107,5 126,2 115, 1 118,5 128,7 148,4 140,9
Tshibinda 1928-1937 160,1 130,5 148,2 127,7 138,2 147,5 180,5 193,0 16] ,4 147,8 136,4 147,0
Gandajika 1937-1939 165,4144,8143,7171,9255,3 283,6265,8219,4204,4178,4174,1167,1
E'ville 1913-1916, 1929-1939 148.2121,5172,0210,4288,2281,0301,9303,9271,0249,6192,2138,5

Pourcentages d'insolation par rapport au nombre d'heures de soleil possibles.

Yangambi
Tshibinda - 35°/o 36°/o
42 39 42°/o
38 45°/o 35 39°/o
37 29°/o
41 33°/o
49 3152°/o 33°/o
44 34°/o
39 41
37 °/o 39
38°/o
Gandajika 48 70 60
E'ville 42 59 80 81 84 84 65 51 35
56 47 47 43
43 35 46
38 38 80 73 75

on considère généralement que le volume rapport au nombre d'heures de soleil possi-


d'eau évaporé à la surface des lacs est égal bles.
ou plus grand que la somme des précipitations Pour les stations Elisabethville et Ganda-
qui tombent sur cette surface. jika situées en zone à climat soudanien, on
Au Katanga, des mesures systématiques ont peut observer, comme il est normal, que l'in-
été effectuées en vue de déterminer la hau- solation est beaucoup moins forte en saison
teur de la tranche d'eau évaporée annuelle- pluvieuse qu'en saison sèche. Les minima se
ment à la surface du lac artificiel créé en dessinent en février et mars tandis que l'inso-
amont des chutes Cornet. Ces mesures ont lation devient beaucoup plus forte en saison
donné les chiffres qui figurent au tableau ci- sèche.
dessous, qui, pour permettre de faire des com- A Tshibinda, en zone équatoriale des pla-
paraisons, donne aussi la hauteur d'eau éva- teaux, une courbe construite avec les données
porée en divers points de la Rhodésie du Nord numériques observées fait apparaître deux
(R. BETTE). dépressions de faible insolation aux périodes
zénithales et deux saillants de plus forte inso-
lation aux saisons solsticiales.
-5 ? « « u Le diagramme d'Yangambi, station située
2ï S -CË--00 i-S"*„
à peu près sur l'Equateur, établi il est vrai
5 c £ „ £—
aOhS a £ v."13
« —43c3-0«
«„ „ avec les observations d'une seule année, donne
W s0 5 o-3®H e~
des allures de courbe moins nettes.
Chutes Cornet 1.583 82,66 o 2505
M'Kushi o
1.770 74,00 o 2006
Radiations et lumière. - On ne possède
BrokenHill 2.067 64,75 o o 2103
Livingstone 2.229 60,00 °/o encore que peu de données à ce sujet. Les
22°9
phénomènes radiatifs dans l'atmosphère sont
très complexes. Si l'on s'en rapporte à l'ou-
e) INSOLATION, RADIATIONSET LUMIÈRE, vrage de PHILIPPS-SCOTT et MOGGRIDGE1931,
DEL'AIR. — Certains de ces fac-
TRANSPARENCE on peut considérer que, sous les tropiques,
296 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

l'intensité de la lumière, mesurée en unités ces dernières années ne doit pas être confon-
photochimiques, est très élevée même en l'ab- due avec celle du climat local.
sence de l'insolation directe. Dans le cas du micro-climat, il s'agit de
l'état de l'atmosphère qui peut être observé
Transparence de l'air. — La transparence autour d'un point, du climat spécial que l'on
de l'air est affectée par les poussières qui se trouve dans la couche d'air située au voisi-
trouvent en suspension dans l'atmosphère. nage immédiat du sol et au sein de laquelle
Dans nos régions congolaises les poussières vivent les végétaux et les animaux, climat qui
sont surtout apportées par les incendies de est différent de celui qui caractérise l'atmos-
brousse qui se produisent au début de la sai- phère libre avoisinante.
son sèche. Elles sont dues aussi aux vents de
On pourra observer un micro-climat diffé-
saison sèche qui peuvent éroder le sol des
il faut rent du climat local et du climat régional, par
plages dépourvues de végétation; y
mémoire les pro- exemple dans un buisson, entre les chaumes
ajouter pour poussières qui d'un champ de blé, à quelques centimètres du
viennent des volcans actifs de la région
sol. (MAX SORRE).
orientale.
En saison sèche, on peut observer que la Les changements de climat qui peuvent se
transparence de l'air est faible, les visées au produire dans de telles conditions en un court
théodolite effectuées sur les signaux de trian- espace de temps, sont parfois plus importants,
au point de vue biologique que les grandes
gulation ne peuvent pas dépasser une dis-
tance de 3 à 4 kilomètres. Par contre, dès le variations saisonnières elles-mêmes. Un seul
début de la saison des pluies, dès que les pre- exemple suffira pour illustrer cette notion. Le
mières averses ont lavé l'atmosphère, la micro-climat observé dans une plantation de
devient parfaite et les visées au café est très différent du climat atmosphéri-
transparence
théodolite peuvent atteindre une distance de que environnant (T. W. KIRKPATRICK). La
100 kilomètres et plus (1). température dans le feuillage extérieur d'un
plant de café peut s'abaisser jusqu'à 7° en
dessous de la température de l'atmosphère
f) BIOCLIMATOLOGIE. libre environnante, ce qui explique que la
plantation peut parfois souffrir de la gelée
dans une atmosphère où aucune température
Micro-climats. assez basse pour provoquer un tel phénomène
ait été enregistrée.
La climatologie dont il a été traité est de la
climatologie régionale. Elle se rapporte à de On conçoit aisément que l'étude des micro-
vastes territoires qui, étant soumis aux mêmes climats puisse être d'un grand intérêt pour
influences générales, jouissent de caractéris- l'agriculture en général et notamment pour
communes. Chaque site, l'établissement, l'entretien et l'amélioration
tiques climatiques
chaque station d'une telle région tout en des plantations tropicales. Elle pourrait aussi
répondant au type climatique régional, pré- être fructueuse pour la connaissance et la
sente des caractères climatiques qui lui sont destruction éventuelle d'insectes et d'autres
propres et qui résultent des conditions topo- organismes dont la vie est réglée par de légè-
dans lesquelles il se res fluctuations des conditions météorologi-
graphiques particulières
trouve. Il jouit d'un climat local différent ques.
plus ou moins du type climatique régional, du Au Congo, l'Inéac a entrepris et poursuit
type climatique moyen correspondant à l'en- activement des études systématiques de cette
semble de la région. partie spéciale de la climatologie qui s'est
La notion du micro-climat introduite dans créée et développée au cours des dernières
années.
Notons, par ailleurs, que les hommes pas-
leur existence au
(1) Dans la région du Kamalondo,en aval de Bukama sent une bonne partie de
au Katanga, des visées dépassant 100 km. ont été sein de micro-climats réalisés artificiellement
effectuées pour la mesure de signaux de triangulation : autour d'eux. Chaque habitation constitue en
Kayumbay-Mulumbi 114 km.
110 km. somme un milieu plus ou moins confiné, une
Kibala-Wakyula
Wakyula-Kaiya 114 km. enceinte close possédant son micro-climat.
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 297

D. — LA CLIMATOLOGIE CONGOLAISE DU stimulante sur l'organisme, tandis que les


POINT DE VUE DE LA COLONISATION grandes chaleurs humides, tout comme les
EUROPEENNE froids humides, sont pénibles et malsains,
surtout si leur action est prolongée. On sait
Les climats tempérés où la race blanche de plus, grâce aux observations qui ont pu
s'est développée présentent de multiples in- être faites jusqu'à présent (WINCKEL, CH. W.
convénients auxquels l'homme s'est adapté, F.), que le séjour dans les régions tropicales
non seulement par une longue sélection, mais chaudes et humides affecte profondément
aussi en opposant aux éléments défavorables l'équilibre de l'organisme de l'Européen et
tout l'énorme arsenal de correctifs élaborés et provoque des réactions destinées à permettre
réalisés au cours des siècles. son adaptation au milieu nouveau, très diffé-
Rien ne prouve, a priori, qu'étant rent de celui auquel il était précédemment ac-
placé coutumé.
dans le milieu climatique tropical, très diffé-
rent du milieu tempéré, l'homme blanc ne
puisse pas y vivre et y prospérer; mais il y a Nous avons exposé plus haut que la tempé-
tout lieu de présumer que pour ce faire il rature se manifeste très différemment en
devrait subir une adaptation sélectionnée qui zone tempérée et en zone tropicale.
serait très longue, tout en tirant parti au ma-
ximum des connaissances et des moyens dont Rappelons qu'en zone tempérée, la tempé-
on dispose à l'heure actuelle pour lutter effi- rature annuelle est peu élevée et qu'elle subit
cacement contre les éléments climatiques dé- des variations de faible amplitude au cours
favorables. de l'année, la variation diurne étant normale-
ment de faible intensité.
Certes, des essais d'adaptation de la race
Par contre, en zone tropicale, la tempéra-
blanche au milieu tropical peuvent être tentés,
ture moyenne annuelle est très élevée, les
mais il semble bien que l'on ne puisse pas
s'attendre à en obtenir des résultats favora- variations annuelles sont faibles et la varia-
tion diurne est relativement prononcée.
bles, ou même utiles, à moins qu'ils soient
conduits d'une manière prudente, très lente Par ailleurs, il ne faut pas négliger le cor-
et graduelle, en partant des régions où les fac- rectif apporté par l'altitude.
teurs du climat tropical, corrigés par l'alti- Rappelons aussi que l'humidité de l'air,
tude, sont le moins différents de ceux des qu'il convient de combiner avec la tempéra-
zones tempérées. ture, peut être appréciée de deux façons.
On peut, en somme, supposer que la con- L'humidité absolue n'est pas autre chose que
le poids de la vapeur d'eau contenue dans
quête des régions tropicales par la race blan-
che pourrait se faire de proche en proche au une unité de volume d'air; quant à l'humi-
cours des longues périodes de temps de l'ave- dité relative ou état hygrométrique de l'air,
nir comme s'est faite, au cours des millénai- elle s'exprime par le rapport de la tension de
res, l'expansion des groupes humains à la sur- vapeur observée à un moment donné, à la ten-
face de la planète, la conquête de l'CEkumène. sion de vapeur maximum qui amènerait la
saturation et la condensation à la même tem-
La température et l'humidité de l'air sont
pérature. L'humidité relative indique donc
les deux facteurs climatiques dont il convient
dans quelle mesure l'air serait capable d'ab-
surtout de tenir compte et auxquels il faut
sorber une nouvelle quantité de vapeur d'eau,
attribuer le plus de poids lorsqu'on se préoc-
notamment par évaporation, avant d'attein-
cupe des possibilités d'adaptation de la race dre son point de saturation.
blanche au milieu tropical.
Sous les climats tempérés où la température
C'est la combinaison de ces deux facteurs est relativement basse, les périodes d'humidité
qui provoque les réactions les plus vives sur relative élevée de quelque durée ne se produi-
l'organisme et l'on peut observer que l'in- sent qu'à la saison froide, soit à un moment
fluence de la température se fait sentir très où l'humidité absolue doit être particulière-
différemment, suivant que l'on se trouve dans ment faible.
une atmosphère sèche ou humide. Par contre, dans les régions tropicales, les
Chacun sait que la chaleur sèche des régions périodes d'humidité absolue et relative de
désertiques ou semi-désertiques, de même que forte intensité se manifestent par tempéra-
le froid sec des hivers continentaux, est très ture élevée, d'une manière permanente au
supportable et peut même avoir une influence cours de toute l'année dans la zone équato-

10*
298 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

riale et pendant la saison chaude et pluvieuse Il semble que l'effort d'adaptation demandé
là où le climat tropical donne une saison à l'organisme doive amener une sélection avec
sèche. élimination des organismes les moins malléa-
bles et les moins robustes. Quoique la ques-
En Belgique (Institut Royal Météorologique)l'humi- tion soit encore discutée, on tend cependant
dité relative moyenne annuelle est de 83,5 pour une à admettre le plus généralement que la vie
température moyenne annuelle de 907. Elle varie de permanente dans le milieu tropical amoindrit
77 (avril-mai) pour une température moyenne de la capacité de travail normale du Blanc.
8°5 à 13°2, à 91 (décembre) pour une température
moyenne de 3°1. Le vent est un facteur du climat tropical
Dans la cuvette congolaise, à Coquilhatville (1911 à dont il doit être aussi tenu compte. L'alizé et
1922) l'humidité relative moyenne est de 84 en des brises marines peuvent améliorer considé-
janvier, pour une température moyenne de 25°7 pour le rablement les conditions climatiques de cer-
même mois; elle est de 68 en septembre pour une
tains territoires.
température moyenne de 25°2.
A Elisabethville(1914-1924)les chiffres correspondant On n 'attribue pas une grande influence aux
sont : 63,5 en février, la température moyenne étant rayons solaires sur l'organisme mais on
de 22°2; 25 en septembre pour une température n'ignore pas évidemment que c'est à ces ra-
moyenne du même mois de 21°5. diations qu'il faut attribuer les coups de
Remarquons qu'en Belgique, pendant les quelques soleil et les coups de chaleur dont les Euro-
après-midi par an où la température dépasse 30°, l'hu- en Afri-
midité relative est d'environ 36 %, tandis que dans péens ont à souffrir si fréquemment
la cuvette congolaise, pour la même température qui que tropicale. (Science in Africa.)
est observéeau moins 200 jours par an, l'humidité rela-
tive dépasse 50 et même 55
Les plus grandes difficultés de l'établisse-
Les seules considérations qui viennent ment permanent des Blancs dans les régions
d'être émises font apparaître que l'appareil tropicales ne résultent pas de l'action directe
du climat sur l'organisme, mais plutôt de
climatique résultant de la combinaison d'une
élevée constante et d'une forte toute cette floraison de maladies tropicales
température
humidité domine dans les régions tropicales qui peuvent si dangereusement s'épanouir
de faible latitude et plus particulièrement dans ces régions, chaudes et humides. Avant
dans la zone équatoriale. Ses caractéristiques la fin du XIXe siècle, avant que l'on ait
sont si différentes de celles qui règnent en découvert quelles étaient les causes de ces
maladies, la possibilité de la colonisation
milieu de climat tempéré que l'on ne peut
blanche des régions tropicales n'était même
pas espérer voir le Blanc s'y adapter rapide-
ment et sans grandes difficultés. Ce n'est pas pas envisagée dans le monde médical (Dr VER-
la température élevée qui fait obstacle à une KADE).
telle adaptation, mais plutôt, d'une part, la A l'heure actuelle, elles constituent encore
chaleur permanente qui fait opposition au le principal obstacle à cette colonisation.
rythme saisonnier du climat tempéré et, d'au- Théoriquement, un territoire quelconque
tre part, une forte humidité combinée aux peut être débarrassé des maladies infectieuses
températures élevées. tropicales qui l'infestent et notamment de la
mais les dépenses et le temps que
On sait actuellement (RADSMA; WINCKEL; malaria,
Dr E. F. VERKADE-CARTIERVAN DISSEL) que l'on doit consacrer à une telle œuvre sont tels
à l'heure actuelle, les seules
les conditions climatiques dans lesquelles se qu'en pratique et
trouve le Blanc qui vit sous les tropiques zones qui sont indemnes ou peu favorables au
au fonctionnement de son orga- développement de ces maladies ou encore net-
apportent
nisme des modifications qui peuvent être in- toyées à peu de frais peuvent être considérées
comme un effort de cet organisme comme pratiquement susceptibles d'être le
terprétées
vers l'adaptation au milieu. Il n'est pas siège d'une colonisation blanche permanente.
si ces Les connaissances que l'on a acquises au
encore possible de déterminer change- d'es-
ments physiologiques ont une sujet des maladies tropicales permettent
répercussion
de santé de l'individu et s'ils sont pérer que dans l'avenir la lutte que l'on
sur l'état
ou non des modifica- pourra mener contre elles facilitera considé-
susceptibles d'apporter
tions et notamment une régression physique rablement une telle colonisation dans de vas-
et morale chez les Blancs des générations tes territoires.
Les facteurs qui s'opposent encore à la
futures qui se seront fixés à demeure dans
les régions tropicales. colonisation blanche permanente des régions
LE CLIMAT-DUCONGO BELGE 299

tropicales, qu'ils soient dus à l'action directe latitude Sud, jouissent d'une température
du climat ou aux maladies qui en sont la con- moyenne annuelle semblable à celle d'une
séquence, obligent les colons à adopter un région subtropicale. On peut voir ainsi que
genre de vie qui permette à leur organisme dans les régions de hauts plateaux la tempé-
de réagir et de lutter efficacement contre eux. rature moyenne devient très supportable, mais
Il est essentiel que leur standard de vie soit il ne faut pas perdre de vue, par ailleurs, que
plus élevé que dans le milieu tempéré originel, son oscillation annuelle, quoique plus forte
de façon qu'ils puissent non seulement se qu'en région basse, est cependant insuffisante
nourrir d'une manière adéquate et jouir de pour provoquer le rythme saisonnier caracté-
tout le confort et de l'hygiène nécessaires, ristique des régions tempérées. Pour ce qui
mais qu'ils puissent aussi par divers moyens concerne la variation diurne qui est forte
(habitations, vêtements, ventilation, chauf- dans les régions tropicales, elle est considérée
fage, réfrigération) créer autour d'eux un comme bienfaisante par les uns et néfaste
climat artificiel, un micro-climat favorable. par les autres et il ne peut en tout cas être
Il serait évidemment désirable qu'après des admis qu'elle puisse compenser l'absence de
périodes plus ou moins longues, le Blanc rythme saisonnier.
puisse accorder à son organisme la détente Les effets de l'accroissement d'altitude
d'un séjour en région tempérée, mais cette sont moins prononcés au sujet du facteur cli-
possibilité ne doit pas être envisagée lorsqu'il matique humidité que pour la température
s'agit d'établissement considéré comme de- moyenne annuelle. Certes l'humidité est
vant être permanent. moindre sur les hauts plateaux que dans les
Les x facteurs climatiques qui agissent en régions basses voisines et sur les escarpements
région tropicale et tendent à faire obstacle à qui les bordent du côté des vents dominants,
la colonisation blanche permanente voient surtout dans les régions où ces plateaux sont
leur influence s'atténuer au fur et à mesure balayés par des alizés déjà asséchés, mais les
que l'on s'éloigne de l'équateur et que l'on périodes de saison sèche et de saison humide
s'avance vers les zones subtropicales, la tem- que l'on y observe correspondent à celles qui
pérature s'abaisse graduellement et les saisons règnent dans la zone climatique dans laquelle
sèches deviennent de plus en plus longues. ils se localisent par leur latitude.
Rien d'étonnant dès lors à ce que les bandes Il ne faudrait pas négliger de rappeler que
externes de la zone à climat tropical soient la vie aux fortes altitudes présente des incon-
beaucoup plus favorables à l'établissement vénients auxquels est incapable de s'adapter
permanent de l'Européen comme l'expérience une certaine proportion d'Européens, notam-
le prouve d'ailleurs, que la bande centrale de ment ceux qui souffrent d'une faiblesse car-
la zone tropicale à climat équatorial. diaque, sans parler des très fortes altitudes
L'accroissement de l'altitude considérée au supérieures à 5.000 mètres, où l'on trouve les
conditions limites d'existence prolongée, la
point de vue de la possibilité de la colonisa- limite de l'œkumène, soit la limite supérieure
tion blanche sous les tropiques, a des effets
des établissements humains (MAX SORRE).
qui, dans une certaine mesure et à la condi-
tion que l'on ne dépasse pas certaines limites, En somme il apparaît que les obstacles qui
peuvent, en quelque sorte, être parallélisés à s'opposent à l'établissement permanent des
ceux provoqués par l'augmentation de la lati- Blancs en région tropicale sont beaucoup
tude. moins importants en région d'altitude élevée
an- que dans les régions basses. Une telle conclu-
Lorsque l'on considère la température sion ne permet cependant pas de perdre de vue
nuelle, cette parallélisation est parfaite. Nous
savons déjà, comme il a été dit plus haut, que s'il n'y a pas de raison physiologique de
qu'un accroissement d'altitude de 80 m. agit supposer que le séjour permanent de généra-
sur la température tions successives de colons de race blanche sur
moyenne annuelle en un
les hauts plateaux du centre africain doive né-
point donné, comme si la latitude de ce point
avait glissé à peu près de 1° en s'écartant de cessairement amener leur dégénérescence phy-
la ligne équatoriale. C'est ainsi que les hauts sique et morale, il n'est nullement prouvé
plateaux du Biano et du Kundelungu qui se qu'elle ne pourrait pas se produire. Aucune
déroulent au Katanga méridional, à une alti- conclusion scientifique définitive ne peut pas
tude comprise entre 1.600 et 1.700 m. et dans encore être énoncée à ce sujet.
une région avoisinant le 10° parallèle de Voyons à présent quels sont les enseigne-
300 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

ments que l'on peut tirer des expériences fai- Quoique située dans la même région, la colo-
tes jusqu'ici. nisation française de la Guadeloupe et à la
De fait il n'existe qu'un nombre limité de Martinique a donné de moins bons résultats,
les familles auxquelles un sang européen nou-
Blancs, quelques centaines de mille tout au
veau n'a pas été infusé s'éteignant à la troi-
plus, qui vivent dans les régions basses tro-
sième ou à la quatrième génération (MAX
picales.
La plupart d'entre eux n'y séjournent SORRE).
d'ailleurs pas d'une manière permanente et se La colonisation du Queensland, où il existe
contentent d'y travailler pendant un certain une population blanche de quelque 100.000
nombre d'années avec la collaboration des in- âmes, s'est poursuivie depuis déjà trois quarts
digènes, après quoi ils regagnent leur home de siècle et semble devoir donner des résultats
en climat tempéré. satisfaisants. Il est vrai que l'on se trouve ici
de popula- en région climatique à tendance plutôt sub-
Les installations permanentes
tions blanches en région tropicale basse occu- tropicale, quoique la latitude soit seulement
de 150 Sud. L'alizé du Sud souffle d'ailleurs
pent de si faibles territoires qu'elles pour-
dans cette région.
raient être considérées comme négligeables. régulièrement
Elles ne peuvent être mentionnées que comme Au Brésil, dans l'Etat d'Espirito Santo,
des essais expérimentaux tendant à prouver par une latitude comprise entre 180 et 21°
que l'adaptation du Blanc au climat tropical, Sud, on retrouve une colonisation allemande
quoique très difficile, n'est cependant pas commencée en 1847 et étoffée depuis lors et
complètement impossible. jusqu'à la fin du siècle dernier par de nom-
Encore faut-il observer que la plupart de breux apports de sang blanc. A l'heure pré-
ces essais sont plutôt localisés vers les bordu- sente, on y connaît environ 30.000 Blancs vi-
res de la zone chaude, où les influences clima- vant dans une situation sanitaire suffisante.
pas dans Il faut noter que la région colonisée est située
tiques tropicales ne se manifestent
toute leur intensité. aux confins de la zone tropicale et que l'éta-
blissement des colons s'est fait, tout d'abord,
Citons quelques exemples de ces rares éta- dans les plateaux élevés de 500 à 800 m., pour
blissements en région tropicale basse, où le se propager plus tard dans les régions basses
Blanc installé avec sa famille pour y vivre de
(WINCKEL, CH. W. F.). Le pays colonisé est
façon permanente, sans esprit de retour dans accidenté et exposé aux vents.
la mère patrie, a pu faire souche, en mainte-
nant, en général, la pureté de sa race. L'expérience de la colonisation blanche des
hauts plateaux du Kenya prouve que le long
Il y a une couple de siècles, des Juifs por-
séjour dans ces régions amène chez le Blanc
tugais et des familles hollandaises ont colonisé certains changements physiologiques; elle in-
Curaçao (12°15/ de latitude Nord) ; des colons
écossais se sont établis dans l'île de Saba dique notamment que l'allure de son déve-
loppement physique et mental, l'âge de la pu-
(17038' de latitude Nord) au XVIIe siècle; au Kenya et en
leurs descendants ne semblent pas présenter berté, etc., sont différents
Europe. Une impression plutôt favorable
de traces de dégénérescence; des colons hol-
semble se dégager de cette expérience qui n'a
landais se sont installés à Surinam (4° de lati-
tude Nord) depuis 1845, mais il ne reste que cependant pas encore duré assez longtemps
pour que l'on puisse en tirer de réelles con-
quelques centaines de survivants. clusions.
Remarquons que Surinam et Curaçao jouis-
sent d'un climat qui peut être considéré Comme on peut le voir les expériences de
colonisation blanche effectuées jusqu'ici dans
comme plutôt favorable du fait que ces ré-
le monde n'apportent pas de solution suffi-
gions sont balayées par un puissant vent sante au problème posé.
alizé (WINCKEL) et que l'île de Saba se trouve
Nous estimons pouvoir conclure de ces dif-
déjà dans la bande externe de la zone tro-
picale. férentes considérations que les régions dépri-
La colonisation faite aux Antilles, à Porto- mées du bassin congolais, où règne le climat
et où
Rico et à Cuba par les Espagnols a donné équatorial ou le climat tropical accentué
l'activité est entièrement orientée vers la pro-
des résultats favorables et plaide en faveur de
des émigrants ibéri- duction agricole, sont peu favorables à la colo-
la facilité d'adaptation
nisation blanche permanente.
ques, mais il s'agit dans ce cas de régions
localisées aux confins de la zone tropicale. Etant donné les connaissances acquises
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 301

jusqu'à présent et les expériences insuffisan- type équatorial, s'allongeait approximative-


tes cependant, qui ont été faites dans le ment, durant la même période, suivant la
monde, il apparaît qu'il est sage et prudent ceinture de bassins houillers, de la flore à
de se borner à y faire jouer aux Blancs, non Pecopteris, qui se succèdent depuis la région
le rôle qu'ils seraient appelés à remplir dans pensylvanienne de l'Amérique du Nord jus-
une colonie de peuplement, mais celui qui leur qu'à l'extrême Sud-Est de l'Asie, en passant
revient dans une colonie d'exploitation. Ceci par les îles Britanniques, la France, la Bel-
implique que le Blanc doit s'y trouver en gique, l'Allemagne, la Pologne, le Sud de la
nombre limité, que ses travaux s'y fassent Russie et la Chine.
avec la collaboration d'un nombreux person- Au cours des temps géologiques qui se sont
nel indigène, qu'il y jouisse d'un standing de succédé depuis cette époque jusqu'au Juras-
vie lui assurant le confort hygiénique néces- sique inférieur, soit pendant la période du
saire et qu'il puisse, après des périodes plus Karroo, le climat des régions africaines de
ou moins longues, se soustraire à l'influence l'hémisphère austral, jusques et y compris la
déprimante du climat tropical et retrouver région équatoriale actuelle, a considérable-
sous les climats tempérés le rythme saison- ment évolué.
nier, les températures et les conditions d'hu- A la période glaciaire, froide et humide, de
midité auxquels son organisme est adapté la fin du Carbonifère et du début du Per-
depuis des temps immémoriaux. mien, a tout d'abord succédé le climat tem-
péré et assez humide de la flore à Glossopteris.
Le climat encore tempéré est devenu progres-
Les choses se présentent sous un aspect dif-
férent dès que l'on passe aux régions tropi- sivement plus chaud et plus sec pendant le
cales dont le climat est corrigé par une alti- Trias. Il a une tendance à devenir légèrement
tude atteignant ou dépassant 1.400 et 1.500 plus humide à la fin du Trias, soit au début
mètres. de l'époque de la série de Stormberg, pour
Il serait erroné de s'imaginer par ailleurs passer ensuite, à la fin de la période du
que le Blanc puisse vivre dans les zones d'al- Karroo, soit au début du Jurassique, à un
titude élevée dans des conditions aussi favo- climat tropical très aride, allant même jus-
rables qu'en région tempérée. On peut cepen- qu'aux caractéristiques du climat désertique.
dant y envisager l'établissement permanent Au cours de la période crétacique et de la
de Blancs à la condition, et elle est essentielle, première moitié du Tertiaire, soit pendant
qu'ils puissent s'y livrer à une activité suffi- l'Eocène et l'Oligocène, se sont formés en
samment rémunératrice capable de leur assu- Afrique du Sud et dans une partie tout au
rer un standard de vie élevé et pour qu'ils moins du bassin du Congo des dépôts du type
puissent aussi avoir le moyen, après des du Kalahari. De tels dépôts, constitués par
périodes plus ou moins longues, de jouir des sédiments d'eau douce, fossilisés et en-
exceptionnellement d'une détente en dehors suite silicifiés, ont dû se former pendant une
de la région tropicale. période climatique tropicale assez humide qui
De telles directives semblent être peu favo- a précédé une période sèche à tendance déser-
rables à la possibilité d'établir en des points tique ou une période climatique à longue sai-
quelconques du Congo, de vastes communau- son sèche, durant laquelle a pu s'effectuer la
tés de peuplement où serait déversé le surplus silicification. Observons de plus, qu'à l'Oligo-
de notre population laborieuse métropolitaine. cène, la zone tempérée méridionale à conifè-
res s'avançait en Afrique jusque légèrement
au Nord du 20e parallèle de latitude Sud.
LA PALEOCLIMATOLOGIE. Les sables du Kalahari, qui constituent
l'étage supérieur des formations du type du
Pendant le Carbonifère supérieur et le Per- Kalahari, sont considérés comme étant, en
mien inférieur, les régions Sud-africaines grande partie, d'origine éolienne et d'âge
s'étendant au Nord jusqu'à la ligne de l'équa- pliocène. Ils auraient dû se déposer pendant
teur actuel, subissaient un climat glaciaire. une période sèche ou une période à saison
On admet généralement que ce phénomène sèche nettement marquée en Afrique australe.
climatique était causé, à cette époque, par la Par ailleurs, à la fin du Tertiaire et au
situation de cette région dans la zone d'in- Pléistocène, le climat équatorial était certai-
fluence climatique du pôle Sud, tandis que la nement déjà établi dans les régions du centre
bande à climat chaud et humide, nettement de africain et y a subi la répercussion de la
302 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

période glaciaire qui s'est manifestée d'une phologie glaciaire, — forme des vallées, aspect
manière intense, en Eurasie et en Amérique moutonné des roches de leur fond, stries gla-
du Nord, pendant toute la première partie de ciaires, barres rocheuses, — est descendue
la période quaternaire. jusqu'à l'altitude de 3.700 m. et peut-être
même jusqu'à la cote + 3.300 (P. MICHOT).
On trouve dans les déserts africains, le
On sait que la glaciation pléistocène euro-
péenne est subdivisée en quatre périodes gla-
ciaires : le Gunzien, le Mindélien, le Rissien
et le Wurmien, la plus importante étant la
glaciation mindélienne.
Cette grande glaciation pléistocène s'est
répercutée, en Afrique, par un refroidisse-
ment relatif et une humidification du climat
et par la formation de calottes glaciaires loca-
les, non seulement sur les sommets monta-
gneux de l'Atlas et des chaînes du Cap, mais
aussi sur les hauts sommets du centre africain
oriental.
Dans l'Atlas, les glaciers nourris par d'im-
portantes chutes de neige ont pu descendre
jusqu'à environ 600 m. au-dessus du niveau
de la mer, comme le prouvent les restes de
moraines que l'on peut y observer.
Les hauts sommets du centre africain orien-
tal sont pourvus, à l'heure présente, d'une
cape de neiges persistantes et de glaciers. Ils
portent, en outre, des traces morainiques de
l'accentuation ancienne de ces glaciations lors
de l'âge glaciaire pléistocène et, plus particu-
lièrement, lors de la période glaciaire la plus
intense, la période mindélienne.
Au Kilimanjaro, dont la hauteur est de
6.010 m., les neiges éternelles ont leur limite
actuelle à 5.380 m. au versant Nord et à Ruwenzori.— Névés, glaciers, séracs.
5.800 m. au versant Sud. Les traces de glacia- Vue du pic Alexandra (5.098m.), prise des rampes
tion ancienne, datant du début du Pléistocène, du pic Albert
descendent jusqu'à une altitude voisine de la
cote + 1.500. (Photo Institut des Parcs Nationaux du Congo belge)
Au mont Kenya, la limite des neiges éter- Auteur : H. J. BREDO.
nelles passe actuellement à hauteur de l'alti-
tude approximative de 4.500 m. Les traces de
Sahara et le Kalahari, des preuves des chan-
glaciation ancienne se retrouvent jusqu'à l'al- gements climatiques qui se sont produits en
titude d'environ 3.600 m.
Afrique depuis le début du Pléistocène. Les
Au Ruwenzori, dont l'altitude maximum oueds du Sahara, qui ne sont plus que des
est de 5.119 m., la limite des neiges persistan- lits de rivières desséchés, étaient de véritables
tes se trouve à une altitude voisine de 4.450 m. fleuves et roulaient des eaux abondantes pen-
De la calotte glaciaire qui coiffe irrégulière- dant la période pluvieuse correspondant à la
ment les hauts sommets descendent des lan- glaciation du début du Quaternaire. Dans le
gues glaciaires qui peuvent s'étendre plus ou bassin du Chari, au Sud-Est du lac Tchad, il
moins loin et dont certaines arrivent ainsi existe des accumulations de cailloux roulés
jusqu'à l'altitude de 4.200 m. et même de fluviaux, apportés des hauteurs du Tibesti
4.170 m. par les rivières de la période humide pléisto-
La glaciation ancienne, dont on retrouve les cène. Au Nord du fleuve Sénégal, on trouve,
traces grâce aux caractéristiques de la mor- sous les sables éoliens accumulés, des alluvions
LE CLIMAT DU CONGO BELGE 303

qui ont été apportées par des rivières de l'épo- semble qu'elle devait cependant être légère-
que pluviale quaternaire. ment plus intense que celle qui règne de nos
jours. Il y aurait ainsi une légère décrois-
Quant à la région du Kalahari, elle semble sance de la pluviosité, depuis le début de
avoir traversé deux périodes particulièrement
le Pléistocène. Durant l'Holocène jusqu'aux temps actuels (KNOX,
pluvieuses pendant
l'une d'elles au moins, le lac Garni, qui a à HURST, BROOKS).
peu près disparu actuellement, avait dû pren- On se demande si à l'époque actuelle le
dre une très vaste extension. continent africain subit ou non un accroisse-
ment progressif de dessiccation. Une abon-
Pendant les périodes glaciaires et pluviales
dante littérature traite de cette importante
du Quaternaire, les lacs du centre africain
oriental se sont étendus beaucoup plus large- question. Les auteurs sont d'accord pour con-
sidérer que l'Afrique subit un dessèchement
ment qu'actuellement. C'est ainsi que des gra-
climatique depuis les périodes pluviales du
viers, que l'on retrouve en bordure du lac mais l'accord cesse d'être una-
quaternaire,
Victoria, indiquent l'existence de deux pério- nime lorsqu'il s'agit d'apprécier
des très humides, la première coïncidant sans la progres-
sion réelle de l'aridité au cours des temps
doute avec la période glaciaire mindélienne,
modernes.
ainsi qu'avec des chutes de neiges abondantes
qui ont provoqué l'extension des capes gla- Certains estiment que le continent africain
ciaires des hauts sommets du centre africain continue actuellement à se dessécher de plus
oriental. A cette époque, le niveau du lac Vic- en plus, à la fois sous l'effet de facteurs
toria se trouvait à quelque 100 m. au-dessus géographiques, météorologiques et humains
de son niveau actuel (+ 1,135 m.) et sa super- (WORTHINGTON,E. B., p. 115).
ficie atteignait environ le double de celle Le facteur géographique le plus souvent
qu'il mesure aujourd'hui; il englobait, à ce invoqué est la capture des eaux des bassins
moment, la région où se trouve à présent le intérieurs par l'érosion régressive des rivières
lac Kioga (+ 1.030 m.). côtières (SCHWARZ, 1921), ce qui explique
notamment la disparition du lac Garni au
Rappelons que dans les régions européen-
nes, des périodes interglaciaires se manifes- Kalahari, la décroissance du lac Tchad
tent entre les glaciations pléistocènes, provo- (+ 250 m.) et la diminution du volume des
eaux du Niger au cours des temps modernes.
quant un adoucissement du climat qui devient
ainsi, à ces moments, froid et sec ou encore Il semble par ailleurs que les observations
doux et humide. Au dernier réchauffement faites aux confins méridionaux du Sahara in-
qui s'est traduit par le recul et la fonte des diquent que le désert tend à se propager de
glaciers, s'est dessiné un climat plus chaud et plus en plus vers le Sud. C'est ainsi que les
plus sec que le climat actuel. Il a été dénommé sables et les dunes envahissent des régions du
climat xérothermique. A la suite de cette ma- Tchad et du Niger qui, autrefois, étaient sus-
nifestation climatique, le climat s'est refroidi ceptibles d'être livrées à la culture.
jusqu'à devenir analogue à notre climat ac- On peut estimer cependant, comme le font
tuel et allant même jusqu'à des conditions d'ailleurs certains auteurs, que ce phénomène
plus froides, car certains indices accuseraient ne doit pas nécessairement être attribué à un
un réchauffement récent (GAUSSEN). assèchement climatique de la région.
Ces oscillations climatiques européennes de S'il n'est pas entièrement responsable de la
la période pléistocène semblent s'être réper- désastreuse propagation vers le Sud du grand
cutées de la manière suivante dans les régions désert africain, l'homme l'a tout au moins
du centre africain. favorisée activement, en anéantissant complè-
Pendant la dernière période du Pléistocène tement par ses méthodes de culture, la végé-
correspondant à la période postglaciaire qua- tation naturelle dans une zone climatique de
ternaire, le climat redevint moins humide et transition où la flore se trouve dans un état
l'on peut admettre qu'il était alors plus sec d'équilibre instable particulièrement dange-
qu'aujourd'hui. reux.
On doit supposer qu'à cette période de sé- Il convient de noter en tout cas que les
cheresse postglaciaire pléistocène, a succédé observations pluviométriques, le critère capa-
une période assez humide, mais incomparable- ble de donner une solution définitive au pro-
ment moins pluvieuse que celle qui a régné blème posé, sont encore insuffisantes. De tel-
pendant la période glaciaire pléistocène; il les observations n'existent que pour une pé-
304 LE CLIMAT DU CONGO BELGE

riode récente de durée trop courte pour qu'il jouit encore d'un climat tempéré chaud, tan-
soit possible de s'appuyer sur elles pour tirer dis que le climat de l'Afrique du Sud et de
des conclusions suffisantes. Au cours de la la partie méridionale du centre africain passe
période récente couverte par les observations, du climat tempéré de la flore à Glossopteris
se dessinent des variations climatiques cycli- à un climat plus chaud.
ques. On pourrait estimer que l'apparence de Au cours des temps tertiaires, le centre et
dessèchement régressif du climat pourrait le Sud de l'Afrique subissent un climat assez
être attribuée à une interprétation hâtive des chaud, parfois sec ou à saison sèche pronon-
données fournies par ces variations cycliques. cée, qui passe définitivement, à la fin du
En fait, des variations cycliques de niveau Tertiaire, au climat tropical et équatorial.
ont été observées dans les grands lacs afri- Les caractères climatiques équatoriaux et
cains, Victoria, Albert, Tanganyika et Nyassa tropicaux qui existent actuellement dans le
depuis l'arrivée des Européens en Afrique bassin du Congo s'y sont ainsi installés vers
(Dr BROOKS,Dr DIXEY, GILLMAN,G. HEINRICH, la fin du Tertiaire. Pendant cette même ère
E. DEVROEY). tertiaire, la bande climatique équatoriale a dû
Elles sont le plus généralement rattachées migrer de la position assez septentrionale
aux cycles de BRÜCKNERqui, comme on le qu'elle avait atteinte à la fin du Secondaire,
sait, ont une périodicité de 35 ans englobant vers la zone où elle règne actuellement, la
trois cycles de 11 ans liés aux taches solaires. migration étant terminée vers la fin du Ter-
La relation qui semble exister entre les varia- tiaire.
tions de niveau des grands lacs africains et Cette manière de voir est en accord avec
les taches solaires n'a cependant pas encore les variations climatiques qu'on peut observer
été définitivement prouvée jusqu'ici. dans nos pays européens. Au commencement
du Tertiaire le climat de l'Europe centrale
était celui de la zone des pluies tropicales;
En résumé, si nous nous reportons à la fin la température moyenne y était d'environ
de l'ère primaire, nous pouvons admettre que 250 à l'Eocène, elle était de 20 à 22° au
la zone climatique équatoriale se déroulait le Miocène et de 17 à 180 au Pliocène (GAUSSEN).
long de la bande septentrionale que nous Et voici venir la période pléistocène, pen-
avons signalée plus haut et qui s'étendait loin dant laquelle se développe la grande glacia-
au Nord. tion des régions septentrionales et au cours de
A cette même époque, régnait, en Afrique laquelle les régions du centre africain sont
centrale et australe, un climat glaciaire in- soumises au climat équatorial et tropical légè-
fluencé par la position du pôle Sud. rement influencé par Je refroidissement et
Pendant l'ère secondaire, le Groenland l'humidité de la période glaciaire.
Pédologie Tropicale

et
ASOIS Trop icaux
Par P. J. LIVENS

Ingénieur Chimiste Agricole


Chef de la Division d'Agrologie de 1*1.N. E. A. C.
Maître de Conférences à l'Université de Louvain

A Pédologie (1) tropicale a pour Cette roche-mère peut être, ainsi que nous
objet l'étude de la genèse, de la venons de voir, une formation géologique so-
constitution et de la classification lide ou une formation meuble, comme des
des sols des régions équatoriales. alluvions, des loess, etc.
L Suivant la terminologie pédolo- Chaque horizon fondamental peut, à son
gique nous entendons par sol la tour, comprendre plusieurs sous-horizons, à
couche extérieure du manteau terrestre, caractères morphologiques nettement diffé-
d'épaisseur variable et composée de consti- rents. Nous les désignons par les mêmes sym-
tuants minéraux et organiques, généralement boles ou lettres suivies de chiffres.
non consolidés. Elle se caractérise par sa dif-
La position réciproque des horizons A et B
férenciation en un certain nombre d'horizons
dans le profil n'est pas toujours la même. Elle
et se distingue de la roche-mère sous-jacente,
meuble ou solide, par sa constitution morpho- dépend entièrement du mouvement de l'eau
dans le sol. Si ce mouvement est descendant
logique, ses propriétés chimiques, physiques
et biologiques. (percolation > ascension capillaire), l'horizon
illuvial se forme immédiatement au-dessous
Il, existe aussi des sols plus ou moins bien de l'horizon éluvial C'est le cas des sols de
développés, recouverts par des dépôts allu- terre ferme, se développant en régions extrê-
vionnaires ou éoliens plus récents. Ces sols mement humides.
s'appellent parfois paléosols. Par contre, si le mouvement de l'eau dans
L'ensemble des différents horizons que nous le sol est dirigé de bas en haut (ascension ca-
observons en coupe verticale, depuis la surface
pillaire > percolation), l'ordre des horizons A
du sol jusqu'au contact de la roche de départ, et B est renversé. Ce type de profil se déve-
constitue ce que nous appelons le profil du sol.
loppe surtout en régions arides ou semi-arides.
Le profil d'un sol ayant atteint la maturité Dans les conditions du Congo Belge, à cli-
comprend généralement trois horizons fonda- mat généralement humide, le profil du sol
mentaux, désignés habituellement par des correspondra donc, en ordre principal, au
symboles, notamment par les lettres A, B et C. type A. B. C., c'est-à-dire au type de sol
L'horizon A désigne une zone d'appauvris- appauvri en surface et enrichi en profondeur.
sement ou éluviale; Il est à remarquer, toutefois, que les sym-
B une zone d'enrichissement ou illuviale; boles A, B et C, dont les pédologues des pays
C la zone de départ ou la roche-mère in- tempérés se servent couramment pour la des-
tacte. cription des profils caractéristiques de ces
régions, ne sont guère employés en pédologie
tropicale. Ceci s'explique probablement par
(1) Pédologie, du mot grec 71880V,signifiant terre, le fait qu'en régions tempérées, les profils
plaine. sont généralement peu profonds et ne dépas-
306 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

sent guère lm50 de puissance. Ils sont en 1. Altération physique ou désagrégation.


outre, la plupart du temps, nettement diffé-
renciés en horizons principaux. La désagrégation des roches est un phéno-
mène purement physique, ayant pour effet la
Les sols tropicaux, par contre, présentent transformation de roches massives en blocs,
certaines particularités qui rendent l'étude en gravier, en grains et finalement en pous-
morphologique de leurs profils assez compli- sière plus ou moins fine dont les propriétés
quée et laborieuse. En effet, en forêt équato- pétrographiques et minéralogiques sont iden-
riale, les sols de terre ferme sont profondé- tiques à celles de la roche primitive. Ce mor-
ment altérés et atteignent souvent 5 à 15 m. cellement est provoqué par plusieurs facteurs,
de profondeur. Dans ces conditions, il devient notamment par la température (variations
évident qu'avec des trous de profilage de et saisonnières),
dimensions habituelles, l'horizon B est rare-
journalières par l'eau (ac-
tion hydrothermique, érosion, transport des
ment atteint et l'horizon C pratiquement
matériaux), par le vent (érosion par le sable
jamais. De plus, en régions tropicales à saison boulant, mise à nu des roches par enlèvement
sèche plus ou moins prononcée, la différencia- des matériaux désagrégés) et, enfin, par les
tion du profil en horizons A et B est souvent
glaciers (frottement, pulvérisation).
assez confuse, du fait que le mouvement de
l'eau dans le sol est constamment renversé. Le Rappelons ici que des sols formés principa-
lement sous l'influence de la désagrégation
processus de délavage s'y poursuit avec de sols squelettiqucs.
durant lesquels certains s'appellent
longs intervalles,
constituants remontent à la surface. Signalons Ils se forment surtout en régions déserti-
également que beaucoup de sols se dévelop- ques, arctiques et alpines et se caractérisent
pent à partir d'alluvions plus ou moins ré- par l'abondance de matériaux grossiers et vo-
centes, souvent même périodiquement rajeu- lumineux.
nies par les eaux d'inondation. Ces sols pos-
sèdent des profils pédologiquement jeunes, 2. Altération chimique ou décomposition.
exempts d'horizons caractéristiques. Enfin, en
La décomposition des roches massives et des
pays vallonnés et accidentés, l'action dévasta- matériaux désagrégés est un phénomène chi-
trice de l'érosion empêche souvent les profils
mique, produisant des changements dans la
d'arriver à maturité.
nature de la matière même. Elle a pour effet,
Il s'y forme des profils tronqués dont les d'une part la disparition partielle ou totale
horizons supérieurs sont constamment enlevés de certains minéraux, et d'autre part, la for-
par les eaux de ruissellement. mation de matériaux secondaires.
Les minéraux les plus résistants à la dé-
1. GENESE DES SOLS TROPICAUX composition, principalement le quartz, quel-
ques feldspaths et certains micas, constituent
la masse résiduaire principale du sol. Parmi
Par genèse des sols, nous entendons l'étude
les formations secondaires laissées sur place
des lois naturelles qui sont à la base de l'évo-
lution des sols en profils, se caractérisant par également, nous avons les colloïdes minéraux
comprenant, entre autres, du kaolin et des
une succession d'horizons bien définis.
silicates de fer et d'alumine, les concrétions
Sous ce rapport, trois points sont à exami- calcaires et ferrugineuses, l'hydrargilite, la
ner : 1° l'altération des roches et des miné- limonite et nombre d'autres constituants de
raux isolés; 2° les facteurs pédogéniques; néoformation.
3° le mécanisme de la formation des profils. La décomposition chimique des matériaux
minéraux résulte de plusieurs réactions dont
A. ALTERATION DES ROCHES ET DES MINE- les principales sont les suivantes: l'hydrolyse,
RAUX. la carbonatation,
l'oxydation, l'hydratation,
La formation du sol proprement dit est pra- la solubilisation et la précipitation.
tiquement toujours précédée de l'altération L 'HYDROLYSE constitue le facteur le plus im-
physique et chimique des roches de surface et portant d'altération chimique. Elle est basée
de leurs constituants. La transformation ou sur la dissociation partielle de l'eau pure en
l'évolution des matériaux altérés en sol pro- ions hydrogènes et ions hydroxyles. A tempé-
prement dit, ne commence qu'avec leur enva- rature ordinaire, cette dissociation hydrolyti-
hissement par la végétation. que de l'eau est extrêmement faible. Elle
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 307

augmente toutefois sensiblement par l'éléva- LA CARBONATATION constitue également un


tion de température et surtout par la présence facteur important de décomposition, principa-
d'acide carbonique et, dans certains cas aussi lement en régions très humides. En effet, l'eau
d'acides minéraux. Dans le processus de l'hy- des pluies contient des quantités appréciables
drolyse, l'eau se comporte comme un acide d'acide carbonique, capable de transformer,
faible, capable de décomposer les silicates en présence d'eau, le carbonate calcique inso-
complexes. luble des roches calcaires en bicarbonate émi-
La décomposition hydrolytique des roches nemment soluble.
se fait en deux stades : d'abord il y a dépla- Ca C03 + C02 + H20 = Ca (H C03)2
cement, dans la particule minérale, des ions
alcalins et alcalino-terreux par les ions hydro- L'eau chargée d'acide carbonique s'attaque
gènes de l'eau et formation d'hydroxydes également à de nombreux silicates et autres
alcalins et alcalino-terreux d'une part, et minéraux en libérant, sous forme de carbo-
d'acides alumino- ou ferrosiliciques, d'autre nates, les alcalins et les alcalino-terreux, et en
part. Ensuite, il se produit une séparation laissant, comme résidu, de la silice et de l'hy-
d'acide silicique. C'est ainsi que le feldspath drate ou de l'oxyde d'alumine.
potassique se transforme en kaolin suivant les
réactions suivantes : LA SOLUBILISATION joue également un rôle
important dans la décomposition des roches.
=
KO. AIZOg.6 Si O, + 2 H2 0 H20. En effet, l'eau prend part à de nombreu-
AIZOg. 6 Si 02 + 2 KOH ses réactions, principalement aux processus
H20. A1203. 6 Si 0, + H20 d'oxydation, de carbonatation et d'hydrata-
=
Al, 03. 2 Si 02. 2 H2 0 + 4 Si 0„. tion. Elle agit, en outre, comme dissolvant,
L'OXYDATIONconsiste en une introduction d'autant plus actif qu'il contient plus de sels
et d'acides en solution. L'action dissolvante
d'oxygène dans les composés, ou plus exacte-
ment en une augmentation de leur charge de l'eau chargée d'acide carbonique sur le
carbonate calcique et les silicates est bien
positive. La réaction inverse s'appelle réduc-
tion. connue.
se fait sous l'influence de lies composés du soufre, de leur côté, four-
L'oxydation
nissent par oxydation de l'acide sulfurique,
l'oxygène de l'air et de l'eau de l'hydrosphère
ou de l'atmosphère. Elle est particulièrement acide fort à pouvoir dissolvant plus élevé
active en régions humides. Les minéraux à encore que celui de l'acide carbonique.
base de fer ferreux surtout sont sensibles aux Enfin, les solutions de divers sels concou-
réactions d'oxydation. rent également à l'altération chimique des
roches.
2 Fe Si 03 + 3 H20 + 0 = 2 Fe (OH)3 + 2 Si 02
2 Fe S2 + 7 H20 + 15 0 = 2 Fe (OH)3 + 4 H2S 04 LA PRÉCIPITATIONconstitue un phénomène
inverse de la solubilisation. L'on sait, en effet,
Dans certaines conditions anaérobiques, que certains composés peuvent à nouveau pré-
c'est-à-dire en l'absence d'air, le fer ferrique cipiter de leur solution.
se transforme de nouveau en fer ferreux. C'est le cas pour les hydroxydes de fer et
d'alumine à l'état colloïdal. Ces composés coa-
L'HYDRATATION est une réaction par laquelle
une ou plusieurs molécules d'eau se combi- gulent en présence d'électrolytes. Ils floculent
nent avec certains composés. L'élimination de également sous l'effet d'échauffement et de
dessiccation. Comme autre phénomène de
l'eau de combinaison s'appelle déshydrata-
tion. coagulation, il y a lieu de signaler la préci-
L'hydratation est également très active en pitation de l'acide silicique provenant de la
régions humides. Nombre de silicates, d'oxy- décomposition des silicates.
des et de carbonates se combinent ainsi avec
l'eau pour former des produits hydratés. 3. Altération
Comme exemples, nous citerons : biologique.

A1203.2 Si 02 + 2 H20 = A1203.2 Si 02. 2 H2 0 L'altération biologique entre en action dès


(kaolinite) que la moindre végétation commence à pren-
A1203 + 3 H20 =
A1203. 3 H.,0 (gibbsite) dre pied, soit sur des roches solides, soit sur
2 Fe2 03 + 3 H20 = 2 Fe20„. 3 H20 (limonite) des matériaux préalablement altérés par voie
2 Fe203 + H20 = 2 Fe2 Og. 11,0 (turgite) chimique ou physique.
308 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

C'est aussi à partir de ce moment que le sol oxydes; en régions tempérées, par contre,
commence à se former et à évoluer vers un c'est l'inverse qui se présente.
type de profil bien défini. L'influence du climat, principalement de
Indépendamment cependant des processus la température et de l'humidité, se fait aussi
de formation de sol, les réactions biologiques sentir dans les réactions d'altération auxquel-
prennent part également à l'altération des les les minéraux isolés sont sujets. En général,
roches et des minéraux. Leur action altérante on peut dire que l'intensité de ces réactions
peut être d'ordre physique ou chimique. est d'autant plus grande que la température
Comme exemple d'altération physique par ac- est plus élevée. L'altération sera donc parti-
tion biologique, citons le morcellement de culièrement active sous les tropiques.
roches massives en blocs plus petits sous la Les phénomènes d'hydratation et de dés-
pression considérable exercée par les racines hydratation dépendent également, dans une
de grands arbres dans les crevasses des roches. large mesure, des facteurs climatiques. En
Signalons également l'action désagrégeante effet, l'hydratation se manifeste principale-
accomplie par des mousses et des lichens, ment en régions humides et fraîches.
s'installant sur des roches nues. Par contre, sous climat chaud et humide,
Mais l'altération biologique se manifeste à saison sèche plus ou moins marquée, la
surtout par ses réactions chimiques. L'on sait, déshydratation est souvent plus intense que
en effet, que les racines des plantes sécrètent l'hydratation. C'est d'ailleurs à des phéno-
de l'acide carbonique, probablement aussi cer- mènes de déshydratation de la limonite en
tains acides organiques, dont le pouvoir dis- composés moins hydratés ou anhydres, tels
solvant est considérable. que la turgite et l'hématite, que l'on attribue
généralement la couleur rouge-brique des sols
4. Facteurs d'altération des roches et des latérisés des pays chauds.
minéraux. L'action de l'acide carbonique sur le cal-
cium est particulièrement influencée par le
Il existe plusieurs types d'altération, pro- climat. En régions arides, les silicates se dé-
duits par des différences dans la nature des composent en libérant les hydroxydes alca-
roches et par des variations dans les condi- lino-terreux. Ces derniers réagissent forte-
tions climatiques. ment avec l'anhydride carbonique pour for-
de mer des carbonates. En l'absence d'eau de
Nous n'insisterons pas sur l'importance
la nature des roches comme facteur d'altéra- pluie, le carbonate calcique ainsi formé se
concentre toujours davantage et finit par
tion. Rappelons seulement qu'elle dépend
précipiter sous forme de concrétions très
principalement de leur constitution, de leur
caractéristiques. En climat humide, par con-
structure et de leur conductibilité thermique.
tre, le carbonate calcique est très instable; il
Les types d'altération sont surtout déter- se combine avec l'acide carbonique contenu
minés par les conditions climatiques auxquel- dans l'eau de pluie pour former du bicarbo-
les les roches sont soumises. Ceci est particu- nate soluble.
lièrement vrai en ce qui concerne la diffé-
rence fondamentale Signalons aussi l'action du climat sur la
qui existe entre désagré- nature des colloïdes minéraux formés au cours
gation et décomposition. En effet, en régions des processus d'altération. Leurs propriétés
désertiques, arctiques et alpines, c'est la
colloïdales différentes proviennent surtout de
désagrégation physique qui prédomine. Par différences dans le rapport SiOz : R203 (silice
contre, en régions humides, tempérées ou
sur sesquioxydes de fer et d'alumine). Ce
chaudes, c'est surtout la décomposition chi-
rapport est généralement plus élevé en régions
mique qui altère les roches. Il a été établi arides qu'en régions humides. De plus, en ce
également que la nature et l'abondance des
qui concerne les régions humides, il est en
produits éliminés et des constituants laissés
outre généralement plus élevé en pays tem-
sur place varient avec les conditions climati-
pérés qu'en pays équatoriaux.
ques. Cette différence ressort nettement de la
composition de matériaux profondément alté- Enfin, le climat exerce une influence nette
rés, issus d'une même roche, mais situés sous sur le degré de décomposition des feldspaths.
des climats totalement différents. Elle nous Sous climat tempéré humide, ces derniers se
apprend que sous les tropiques, il y a perte transforment en kaolin très stable. Par con-
d'acide silicique et accumulation de. sesqui- tre, sous les tropiques, leur décomposition va
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 309

plus loin. Le kaolin est détruit à son tour et leur répartition mensuelle. Son action primor-
scindé en acide silicique d'une part, et en diale consiste à régler le mouvement de l'eau
hydrates de fer et d'alumine, d'autre part. dans le sol, mouvement qui est à la base de
En résumé, on peut dire que l'intensité de la différenciation du profil en horizons
l'altération des roches et des minéraux dé- définis.
pend, en ordre principal, des conditions cli- En effet, l'eau du sol en mouvement en-
matiques. Elle augmente graduellement du traîne le déplacement, d'une couche à l'autre,
Pôle Nord à l'Equateur. L'élévation de tem- de certaines substances en solution ou en sus-
pérature accélère les processus d'altération, pension colloïdale. De plus, la migration de
principalement les réactions chimiques ; l'aug- particules minérales, d'un point à l'autre
mentation des précipitations atmosphériques, dans le profil, est également une conséquence
de son côté, intensifie le lessivage des compo- du mouvement de l'eau dans le sol. Ce mou-
sés solubles. vement est tantôt descendant, tantôt ascen-
Sous le climat chaud et humide des tropi- dant, suivant que la percolation d'eau est
ques, l'altération se caractérise donc par un plus grande ou plus petite que l'ascension
lessivage complet des alcalins et des alcalino- capillaire.
terreux, et une destruction intense du kaolin Un autre point important est la quantité
en acide silicique éliminé par les eaux de d'eau qui se déplace par unité de temps à
drainage et en hydrates d'alumine et de fer, travers le profil. Elle dépend de plusieurs
laissés sur place comme résidus. Il en résulte facteurs, notamment de la nature du substrat
que les matériaux profondément altérés y (sable poreux ou argile compacte), du relief
sont pauvres en bases et en kaolin, mais riches du terrain (plaine ou pente), du couvert végé-
en composés hydratés de fer et d'alumine. tal (terrain nu, steppique ou forestier), du
caractère des précipitations (pluies lentes ou
averses), etc.
B. FACTEURS PEDOGENIQUES.
Des deux facteurs : direction et quantité
d'eau déplacée, dépendent alors, toutes autres
La formation du sol proprement dit com- conditions étant égales, la position réciproque
mence à partir du moment où la végétation des horizons A et B dans le profil, leur degré
envahit les matériaux désagrégés plus ou d'appauvrissement, voire d'enrichissement et,
moins altérés. L'évolution de ces derniers, enfin, la profondeur du sol proprement dit.
vers un type de sol bien défini, dépend de L'appauvrissement du profil et la puissance
l'action de toute une série de facteurs, appe- de ses horizons seront d'autant plus grands
lés facteurs pédogéniques. Certains de ces que les pluies sont plus abondantes et régu-
facteurs, notamment la nature de la roche lières et le substrat plus poreux.
mère, le relief du pays et l'âge du sol n'inter- Dans de nombreux cas, notamment dans les
viennent qu'indirectement dans les processus
de pédogenèse. D'autres agissent directement régions à saisons sèches et humides bien mar-
et constituent, de ce fait, les facteurs pédogé- quées, le mouvement de l'eau dans le sol est
constamment renversé. Les phénomènes de
niques principaux. Ces facteurs sont les con-
ditions climatiques (pluies, température, hu- déplacement de substances solubles, colloïda-
les et solides y sont par conséquent ânfini-
midité, évaporation, vent) et l'activité de la ment plus complexes.
faune et de la flore.
Le régime pluvial influence également la
position du niveau hydrostatique. Or ce ni-
1. Climat. veau joue un rôle considérable en pédogenèse.
S'il est suffisamment bas, l'aération du sol se
Le climat constitue le facteur pédogénique fait normalement et il se développe des sols
de loin le plus important. L'influence de la de terre ferme. Situé trop près de la surface,
chute des pluies et de la température est par- il empêche tout accès d'air et provoque la
ticulièrement décisive en pédogenèse. formation de sols de marais, généralement
tourbeux.
a) LE RÉGIMEPLUVIAL,dont l'influence sur Entre ces deux types de sols extrêmes, il
la formation du sol est d'importance capitale, en existe d'autres qui doivent certaines pro-
se caractérise non seulement par la hauteur priétés morphologiques à l'action de la nappe
totale des précipitations, mais surtout par phréatique.
310 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

b) L'HUMIDITÉ DE L'AIR ET L'ÉVAPORATION, agit d'une façon indirecte sur la formation


de leur côté, influencent indirectement l'évo- des sols, en influençant l'évaporation de l'eau
lution des sols. En effet, l'humidité de l'air du sol et par conséquent la percolation.
détermine, dans une certaine mesure, la quan-
tité d'eau du sol se perdant par évaporation
et, par conséquent, la quantité d'eau de pluie 2. Biosphère.
susceptible de percoler au travers du profil.
La biosphère comprend la zoosphère et la
c) LA TEMPÉRATUREconstitue un facteur phvtosphère, cette dernière étant le facteur
pédogénique aussi important que le régime pédogénique le plus important. En ce qui con-
pluvial. Nous avons vu qu'à régime pluvial cerne la phytosphère, il faut distinguer la
identique, des différences de températures macroflore, ou plantes supérieures et infé-
notables conduisent à la formation de types rieures, et la microflore ou microorganismes.
de sols très différents. Les sols des régions
humides et chaudes possèdent, effectivement,
a) LA FLORE, tout particulièrement la
des caractéristiques physiques, chimiques et macroflore, contribue activement à la forma-
morphologiques forcément différentes de cel- tion des sols. Son action, sous ce rapport, est
les des types de sols qui se développent en
multiple et variée.
pays tempérés humides. Tout d'abord les plantes constituent la
L'action principale de la température con- source des matières premières nécessaires à la
siste, toutefois, à régler le processus de for- formation de la matière organique. Le pro-
mation et de destruction de la matière orga- cessus d'humification et de minéralisation
nique. Or l'évolution des sols en profils typi- auxquels les débris végétaux sont soumis,
ques dépend, en ordre principal, de la quan- varient fortement avec le climat (température
tité de matière organique formée et de sa et pluies), le type de végétation (forêt ou
nature. En pays froids, il y a accumulation savane) et la composition des végétaux (ri-
de matière organique faiblement décomposée chesse en sels et composés organiques). Or,
en raison de la température basse, peu pro- nous avons vu que l'évolution des sols en
pice à l'activité microbiologique. Il en résulte profils typiques se fait principalement sous
des sols tourbeux, caractérisés par une puis- l'influence des composés organiques libérés
sante couche de matière organique reposant, au cours de la décomposition des débris végé-
sans transition, sur les matériaux altérés. taux.
Le climat humide et tempéré est déjà La végétation agit ensuite sur le climat
sensiblement plus favorable à la décomposi- local. Il est connu, en effet, que la forêt aug-
tion de la matière organique. Les composés mente l'humidité de l'air et atténue l'ampli-
organiques libérés provoquent la solubilisa- tude de variation de la température.
tion des composés de fer de la couche minérale La nature du couvert végétal influence
sous-jacente qui devient grise. Sous l'action
de certains facteurs, les colloïdes organiques également l'économie de l'eau du sol : en
région forestière, l'évaporation directe de
et ferriques précipitent de nouveau à un
l'eau du sol est moins élevée, mais la perte
niveau plus bas, tout en communiquant à la
d'eau par transpiration serait sensiblement
zone d'enrichissement une couleur noir-bru-
nâtre très caractéristique. plus grande.
Signalons enfin l'influence de la végéta-
Enfin, dans les régions humides des tropi-
constamment élevée, est tion sur la position du niveau hydrostatique
ques la température,
éminemment favorable à l'activité des bacté- et sur l'érosion. Il a été établi, en effet, que
ries et des moisissures et, par conséquent, à la la forêt abaisse la nappe phréatique et dimi-
nue l'érosion.
décomposition rapide et totale de la matière
Outre l'influence des plantes, dont nous
organique. L'influence des composés organi-
du profil en venons d'étudier l'importance comme facteur
ques sur la différenciation
horizons y est considérablement réduite. Les pédogénique, il importe de signaler également
types de profils formés sont riches en com- l'action des microorganismes dans la forma-
posés de fer plus ou moins hydratés et colorés tion des sols. Leur activité principale consiste
en rouge vif. à ce sujet, d'une part à décomposer certains
à for-
composés organiques et, d'autre part,
d) LE VENT,tout comme l'humidité de l'air, mer des produits complexes relativement sta-
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 311

bles. Parmi les microorganismes qui prennent 4. Le relief du pays.


part à ces transformations, on rencontre des
Champignons, des Actinomycètes et des Bac- Il agit de façons différentes sur l'évolution
téries. des sols. Par relief, ou topographie, nous en-
tendons principalement l'altitude, la dénivel-
b) LA FAUNE,de son côté, intervient égale- lation et l'orientation des pentes. ,..
ment comme facteur pédogénique. Dans cer- L'altitude influence le régime thermique et
tains cas, elle participe à la décomposition pluvial d'une région et par conséquent le type
initiale des débris végétaux grossiers. Sous du couvert végétal. L'importance fondamen-
les tropiques, l'action destructive des Ter- tale de ces trois facteurs sur la formation des
mites est d'ailleurs bien connue. sols a été suffisamment mise en lumière.
Dans la plupart des cas, toutefois, son La dénivellation, de son côté, affecte la
action est surtout d'ordre mécanique. En position de la nappe phréatique et l'intensité
effet, la faune qui habite le sol y creuse des de l'érosion. L'influence de ces derniers fac-
galeries et des cavités, mélangeant ainsi inti- teurs sur la genèse des sols est connue égale-
mement les matériaux organiques et miné- ment.
raux des divers horizons du profil. Il en
résulte des remaniements et des perturba- Enfin, l'orientation différente des pentes
entraîne une exposition différente aux radia-
tions souvent très importantes dans la consti- tions solaires et aux précipitations atmos-
tution morphologique des profils.
phériques.
Comme derniers facteurs pédogéniques,
nous avons enfin la nature de la roche-mère,
le relief du pays et l'âge du profil. 5. L'âge du profil.

Il indique le stade d'évolution auquel le


3. La composition de la roche-mère. sol est arrivé. Il se reconnaît aux propriétés
morphologiques du profil. En effet, au fur et
Elle n'intervient que fort peu dans la for- à mesure que les processus pédogéniques con-
mation proprement dite des sols. Nous avons tinuent d'agir sur le sol, la différenciation de
vu que toutes autres conditions étant identi- son profil en horizons génétiquement typiques
ques, des roches totalement différentes don- se précise de plus en plus. Le facteur
nent naissance à un même type de profil. De « temps » change donc la physionomie mor-
plus, nous savons que des profils différents phologique des sols.
se développent à partir de roches identiques Sous ce rapport il y a lieu de distinguer,
si les facteurs pédogéniques principaux, tels pour un même type de profil, trois stades
que les conditions climatiques, diffèrent. évolutifs principaux : le stade juvénile (hori-
L'action pédogénique de la roche-mère se zons à peine marqués), le stade adulte (hori-
manifeste surtout d'une façon indirecte.
zons complètement développés) et, enfin, le
stade sénile (horizons en voie de dégradation).
D'abord, elle détermine la texture du sol et,
de ce fait, aussi la profondeur du profil. Sous
un régime pluvial uniformément égal, la per- C. MECANISME DE LA FORMATION DES SOLS.
colation d'eau est plus rapide et plus grande
en sols légers qu'en sols lourds. Il en résulte
1. Généralités.
que les profils sableux sont généralement les
plus profonds, mais aussi les plus pauvres en Dans l'évolution d'un sol en profil typique,
éléments nutritifs. il faut considérer trois processus fondamen-
La nature de la roche influence ensuite la taux : l'humification des débris végétaux
composition chimique des sols et leurs pro- (formation de l'horizon d'accumulation de
priétés colloïdales et physiques. En effet, matière organique et d'humus ou horizon Ao),
les sols argileux possèdent une capacité le délavage des bases (formation de l'horizon
d'échange de bases et un pouvoir tampon gé- éluvial ou horizon A) et, enfin, la précipita-
néralement plus grands que ceux des sols tion des produits délavés (formation de l'ho-
sableux, peu humifères. Ils possèdent, en rizon B).
outre, une économie d'eau et d'air générale- Ces trois processus sont à la base de la for-
ment meilleure. mation de tous les sols. Ils varient toutefois,
312 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

ainsi que nous verrons plus loin, quantitati- au contraire pauvres en lignine et en tannins,
vement et qualitativement avec les facteurs mais riches en cendres. Il en résulte une dé-
pédogéniques, principalement avec les condi- composition plus complète des résidus végé-
tions climatiques auxquelles les sols sont taux.
soumis. La quantité de matières organique rési-
a) LA FORMATION DE L'HORIZOND'ACCUMULA- duaire varie donc sensiblement d'une région
TIOND'HUMUSconstitue le point de départ dans à l'autre suivant le climat et la nature de la
l'évolution d'un sol. Par humus ou matière végétation. Ces mêmes facteurs influencent,
il faut entendre une substance en outre, considérablement la composition élé-
organique,
mentaire de la matière organique accumulée.
organique très complexe, de nature colloïdale,
formée, au cours des processus d'humifica- Le processus d'humification se fait en
tion, par décomposition et synthèse de com- deux stades : d'abord décomposition plus ou
posés organiques. moins complète des résidus organiques et, en-
L'horizon Ao représente la couche tout à suite, formation d'humus proprement dit. La
fait superficielle du profil. Il comporte la décomposition des débris végétaux s'appelle
masse des débris végétaux abandonnés à la minéralisation. Elle résulte de l'action simul-
surface des sols vierges, où ils subissent une tanée de réactions physiques, chimiques et
transformation surtout biologiques auxquelles les résidus
graduelle en matière organi-
que colloïdale ou humus. Cette transformation organiques sont soumis. Elle a pour effet la
destruction partielle ou totale des substances
s'appelle humification. Le degré d'humifica-
tion, et par conséquent la puissance de l'hori- organiques complexes et la formation de com-
zon d'accumulation de la matière organique, posés de plus en plus simples. Comme dernier
dépend en ordre principal des conditions cli- produit de minéralisation, il se forme de
matiques, principalement de la température l'eau, de l'acide carbonique, certains acides
et de l'humidité. En effet, le taux d'accumu- minéraux, nombre d'acides organiques et, en-
lation de l'humus varie d'une zone climatique fin, des cations.
à l'autre. En ce qui concerne les cations, ces derniers
En région tropicale humide, la décomposi- sont en partie fixés par le complexe adsorbant
tion des débris végétaux est très intense par (humus et argile) et en partie précipités sous
suite des conditions particulièrement favora- forme de sels insolubles ou éliminés par les
bles à l'activité microbiologique. La matière eaux de drainage.
organique colloïdale produite est très insta- Les produits organiques résistant à la mi-
ble : elle est attaquée à son tour et détruite néralisation constituent ce que l'on appelle
en grande partie. L'accumulation de matière « humus ».
organique y est par conséquent très faible et L'humus comprend en outre les composés
l'horizon Ao peu prononcé. organiques formés par synthèse de consti-
En région tempérée humide, par contre, tuants moins complexes ou par précipitation
cette accumulation est sensiblement plus éle- d'acides organiques par des cations bi- et tri-
vée et d'autant plus forte que la température valents. La composition extrêmement hétéro-
est plus basse. En effet, tout en entravant gène de l'humus ressort ainsi nettement de
l'activité microbiologique, les basses tempéra- son mode de formation complexe et varié.
tures provoquent une humification plus ou La nature et l'abondance des cations libérés
moins incomplète, avec comme conséquence la au cours de la minéralisation exerce une in-
formation d'un horizon Ao souvent assez fluence fondamentale sur la qualité et la
puissant. quantité de l'humus produit. Il a été établi,
L'humification dépend également de la vé- notamment, que des sols riches en chaux et en
gétation, forestière ou herbacée, fournissant sesquioxydes sont, en général, également bien
les matières premières à l'élaboration de l'hu- pourvus en matière organique. De plus, l'on
mus. Les débris végétaux lignifiés de forêts sait qu'en présence de chaux (réaction alca-
contiennent beaucoup de lignine, de cire et line), il se forme de l'humus neutre ou saturé,
de résine, produits très résistants à la décom- généralement très stable et peu mobile. Par
position. Ils sont en outre riches en tannins contre, en l'absence de chaux (réaction acide),
et substances acidifiantes, ce qui réduit l'acti- l'humus est acide, souvent même hautement
vité bactérienne, mais stimule celle des Cham- dispersé et très mobile.
pignons. Les plantes herbacées de savane sont Nous avons vu que la minéralisation de la
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 313

matière organique est un phénomène qui tend diffère foncièrement d'un type de profil à
à modifier, dans un sens ou dans l'autre, la l'autre.
teneur initiale en bases ou sels minéraux de Sous ce rapport, on peut distinguer trois
la zone d'accumulation. types de profils suivant que le lessivage de
Parmi les facteurs qui déterminent cette l'horizon A affecte : 1° les bases et les sexqui-
modification, citons en premier lieu le climat, oxydes; 2° les bases et la silice; 3° les bases
principalement le régime pluvial. En effet, seules. C'est d'ailleurs sous l'effet de cette
plus les pluies sont abondantes et régulières, élimination de sels minéraux que l'horizon A
plus grande aussi est la percolation et par acquiert certaines de ses propriétés physiques,
conséquent l'appauvrissement en bases et sels chimiques et morphologiques.
minéraux. Quand, à l'opposé, l'évaporation Parmi ces principales caractéristiques, il
est plus intense que la percolation, il y a importe de signaler la réaction, la texture et
enrichissement en bases. la compacité. En effet, l'horizon A est géné-
Comme deuxième facteur, il importe de si- ralement plus acide, plus sableux et plus meu-
gnaler la nature du couvert végétal. Nous ble que l'horizon B. Au point de vue mor-
avons vu plus haut que la végétation fores- phologique, l'horizon éluvial est, en outre,
tière est sensiblement moins riche en cendres souvent assez hétérogène. C'est pourquoi on
que la végétation herbacée. L'accumulation de a l'habitude de le subdiviser en plusieurs cou-
bases sera donc plus forte en savane qu'en ches désignées par les symboles Aa, A2, etc.
forêt, toutes autres conditions étant identi- La puissance de l'horizon A varie d'un
ques. type de profil à l'autre et, pour un même
Enfin, la richesse en sels minéraux dépend, type de sol, d'un emplacement à l'autre sui-
dans une large mesure, de la nature du com- vant le climat local, le relief du pays, l'âge
plexe adsorbant : l'humus colloïdal ayant une du profil, la végétation, etc.
capacité de fixation 4,5 fois plus élevée que
celle de l'argile colloïdale.
c) LA FORMATION DE L'HORIZONILLUVIALva
de pair avec celle de l'horizon éluvial. Elle
b) LA FORMATIONDE L'HORIZONÉLUVIALA résulte de la précipitation et de la floculation
résulte de la réaction des produits de décom- des substances enlevées de l'horizon A, par
position de l'horizon Ao sur les constituants voie chimique ou mécanique.
minéraux des horizons inférieurs. Ces pro-
Cette floculation a lieu sous l'influence des
duits de décomposition, solubles ou colloï- conditions physico-chimiques spéciales qui
daux, sont entraînés par l'eau des pluies au règnent dans la zone de précipitation, notam-
travers des couches minérales sous-jacentes. ment sous l'effet d'une réaction plus alcaline
Une partie de ces produits se perd avec l'eau et d'une forte concentration en électrolytes.
de drainage, l'autre s'attaque aux consti-
tuants minéraux pour former, soit des pro- Parmi les substances qui se déposent, on
duits solubles s'éliminant peut trouver, d'après les conditions climati-
par l'eau de per-
colation, soit des combinaisons chimiques plus ques, des carbonates calciques, des sesquioxy-
ou moins stables restant sur place. En même des de fer et d'alumine, des colloïdes organi-
temps, l'eau de percolation engendre le plus ques et minéraux et, enfin, des constituants
souvent un entraînement solides entraînés mécaniquement par les eaux
mécanique des par- de drainage. Cette floculation provoque une
ticules minérales et organiques très fines.
L'horizon A se caractérise ainsi par un eimentation de plus en plus forte des consti-
tuants solides et, par conséquent, une compa-
lessivage plus ou moins intense de substances
solubles ou colloïdales. Cet épuisement en élé- cité de plus en plus grande de l'horizon B.
ments minéraux et colloïdaux est fonction du Dans certains cas, cet horizon devient telle-
mouvement de l'eau dans le sol qui, de son ment dur que l'on obtient de véritables bancs
côté, dépend de plusieurs facteurs, notam- compacts et imperméables, appelés tufs (hard-
ment du régime pluvial, de la perméabilité pan, Ortstein).
des matériaux, de l'ascension capillaire et de Le carbonate calcique et le sesquioxyde de
l'évaporation. fer, à forte concentration, donnent souvent
Par suite, d'une part de l'extrême hétéro- naissance à la formation de concrétion calcai-
généité des matériaux de départ et, d'autre res ou ferrugineuses très typiques pour cer-
part, de la discordance considérable des con- tains types de profils.
ditions climatiques, le processus d'éluviation Au point de vue physique et morphologi-
314 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

que, l'horizon B se distingue donc de l'hori- des particules minérales est de nature alliti-
zon A par une compacité plus forte et une que ou latéritique. Sous l'effet d'une tempé-
texture plus argileuse. Quant aux propriétés rature constamment élevée, l'hydrolyse va
chimiques, il se caractérise par une réaction beaucoup plus loin. Elle fournit, non pas des
généralement plus alcaline et une teneur plus silicates d'alumine sous forme colloïdale de
élevée en sels minéraux. gel, mais de l'hydrate d'alumine et de l'acide
L'horizon B, tout comme l'horizon A d'ail- silicique, substances colloïdales à l'état de sol.
leurs, n'est pas toujours homogène. Il com- Par « sol » on entend des particules colloï-
porte souvent plusieurs couches morphologi- dales élémentaires, appelées micelles. Lorsque
quement distinctes que l'on désigne alors par ces micelles coagulent, le colloïde passe de
les symboles Bi, B,, etc. l'état de sol à l'état de gel.
L'épaisseur de l'horizon illuvial est très Ce passage de l'état de dispersion à celui de
variable d'un type de profil à l'autre. Sa floculation dépend de la réaction du milieu
puissance est déterminée par plusieurs fac- et de sa teneur en électrolytes. C'est ainsi que
teurs, dont les plus importants sont le climat, les sesquioxydes sont insolubles à pH > 7,5,
le relief du pays, la composition mécanique et peu solubles à pH 5,5 à 6, mais très solubles
chimique des matériaux de départ, l'âge du à pH < 4,5. L'acide silicique, de son côté,
sol, etc. est insoluble à pH 4,5, mais assez soluble entre
En résumé, on peut dire que la différencia- pH 6 à 7.
tion du profil en horizons typiques a lieu, La réaction du milieu joue donc un rôle
d'une part, sous l'influence de l'humification important dans l'altération des particules
et de la minéralisation des débris végétaux et, minérales, en réglant, pour une grande partie,
d'autre part, par le déplacement de certains la solubilisation et le lessivage des consti-
éléments d'une couche à l'autre. tuants qui en dérivent. En effet, si l'hydro-
C'est sous l'effet de ces phénomènes que le lyse se fait en milieu alcalin (pH > 7,5),
profil acquiert des propriétés chimiques, phy- seuls les alcalins et les alcalino-terreux entrent
siques, biologiques et morphologiques bien dé- en solution sous forme d'hydroxydes et dis-
finies, qui permettent au pédologue de le paraissent avec les eaux de drainage. En mi-
classer dans la catégorie de sols auquel il ap- lieu neutre ou faiblement acide (pH 6 à 7),
partient. l'acide silicique entre à son tour en solution.
Par contre, en milieu acide (pH < 4,5),
l'acide silicique libéré précipite à nouveau à
2. Formation des sols tropicaux. l'état de gel, et ce sont les bases et les hydra-
tes de fer et d'alumine qui deviennent de plus
Nous venons de voir que la classification en plus solubles et sujets au délavage.
des sols en types bien définis est basée prin- En bref, l'intensité du phénomène de les-
cipalement sur les conditions climatiques : sivage dépend principalement des conditions
température et humidité. La différenciation climatiques.
des profils en horizons éluvial et illuvial, ca-
Seulement, en ce qui concerne la nature
ractéristiques pour chaque catégorie de sols, des constituants rendus solubles au cours de
a comme point de départ l'hydrolyse des par-
l'évolution du sol, elle est déterminée, en
ticules minérales et des silicates d'alumine
ordre principal, par la réaction du milieu.
d'une part, et la formation de l'humus, d'au-
tre part. Toutefois, la mobilité des sesquioxydes dépend
aussi, pour une large part, de la nature et
L'humification dépend en ordre principal de l'abondance des composés humiques pro-
des facteurs climatiques, notamment des régi- duits au cours de l'humification des débris
mes thermique et hydrique. L'hydrolyse, de
végétaux. En effet, afin que les hydrates de
son côté, est surtout déterminée par la tem- fer et d'alumine deviennent mobiles, il ne
pérature, l'humidité et la réaction du milieu. suffit pas que le milieu soit acide, il faut
En pays tempérés, l'altération des silicates aussi et surtout qu'il contienne des acides hu-
complexes d'alumine est une altération sialli- miques à l'état de sol. Ces colloïdes organi-
tique ou argileuse. Il se forme des hydroxydes ques floculent difficilement et peuvent pré-
de bases solubles, d'une part, et des silicates server de la coagulation des colloïdes insta-
d'alumine colloïdaux, d'autre part. bles, tels que les hydrates de fer et d'alumine.
Dans les tropiques, par contre, l'altération Ce n'est qu'en présence d'acides humiques
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 315

que les composés de fer et d'alumine devien- n. TYPES DE SOLS TROPICAUX


nent susceptibles d'être délavés. Les régions tropicales et subtropicales con-
Cet aperçu très général sur le mécanisme stituent le domaine des sols dits latéritiques.
chimique qui est à la base de la formation des La subdivision de cette catégorie de sols en
horizons éluvial et illuvial dans les profils, types plus ou moins bien définis est basée
permettra de décrire, en quelques lignes, principalement sur leur degré de latéritisation,
c'est-à-dire sur leur enrichissement en oxydes
l'évolution probable des sols tropicaux.
de Fe, Al, Ti et Mn d'une part, et leur ap-
Les sols des régions tropicales et subtropi- pauvrissement en silice et en bases, d'autre
cales humides appartiennent à la catégorie part. Toutefois, les pédologues sont loin
des sols dits latérisés. Ils se sont développés d'être d'accord sur la différenciation exacte
sous un climat très particulier, caractérisé des divers types de sols que l'on peut
par des températures constamment élevées et rencontrer dans la zone de latéritisation, de-
des précipitations abondantes. Ce sont là des puis les latérites proprement dites jusqu'aux
conditions extrêmement favorables aux réac- sols les moins latérisés. C'est pourquoi nous
tions chimiques en général. Et, de ce fait, nous bornerons à décrire les caractéristiques
essentielles des types de sols tropicaux les plus
sous les tropiques, l'altération des minéraux
répandus, notamment celles des latérites et des
est très rapide et le lessivage des sels solu- sols latéritiques. A côté de ces sols propres
bles très intense. aux régions tropicales, nous étudierons égale-
Ces conditions climatiques sont, en outre, ment quelques types plus spéciaux, notam-
très favorables à la minéralisation de la ma- ment les sols tourbeux des régions marécageu-
tière organique. Malgré une végétation luxu- ses et les sols noirs des régions à saison sèche
riante, il n'y a pratiquement pas d'accumu- prononcée.
lation de matière organique. Les débris végé-
1. LATERITES.
taux sont presque entièrement minéralisés :
il se forme beaucoup d'acide carbonique et Le terme latérite (du latin later = brique)
a été introduit par BUCHANANpar analogie
très peu d'humus.
avec la couleur souvent rouge-brique des ter-
Au cours de l'évolution des sols tropicaux, res tropicales. D'autres auteurs désignent les
la réaction du milieu varie considérablement. latérites sous le nom de terres rouges.
De basique ou neutre, au début de l'altéra- Quelles sont les propriétés chimiques, phy-
tion chimique, elle devient rapidement, mais siques et morphologiques d'une vraie latérite?
de plus en plus acide par Au point de vue chimique, les latérites se
graduellement,
suite de la disparition quasi totale des bases caractérisent, ainsi que nous venons de le voir,
et de la transformation des masses de débris par leur abondance en oxydes et sesquioxydes
et leur manque de bases et de silice. Ce phé-
végétaux en acide carbonique. Aussi long- nomène de latéritisation est surtout marqué
temps que le milieu reste neutre ou basique, pour l'horizon de surface. Dans le cas d'une
seuls les alcalins et les alcalino-terreux se per- latérite proprement dite, ce dernier contient
dent avec l'eau de percolation. A pH 6 à 7, de 90 à 100 d'oxydes et de sesquioxydes.
la silice devient également soluble. Sa solu- La teneur en alcalins et alcalino-terreux ne
bilité diminue toutefois très fortement au- dépasse qu'exceptionnellement 1 Ce man-
dessous de pH 6. Lorsque la réaction devient que de bases explique d'ailleurs parfaitement
encore plus acide et atteint pH 4,5, les ses- l'absence totale de carbonate dans les latéri-
quioxydes, à leur tour, deviennent solubles. tes. L'acide phosphorique, par contre, se ren-
En l'absence d'acide humique, leur délavage contre généralement en quantités apprécia-
est toutefois de peu d'importance. bles. Des analyses faites sur quelques profils
montrent, de façon évidente, que le consti-
Les sols tropicaux des régions humides se- tuant essentiel des latérites est l'oxyde d'alu-
ront donc pauvres en bases, en acide silicique mine hydraté. Il représente souvent 50 à
et en silicate d'alumine, mais riches en 60 du total. La teneur en oxyde de fer est
hydrates ou oxydes de fer et d'alumine. C'est assez variable. Il est à remarquer ici qu'à une
d'ailleurs en raison de cette abondance en teneur élevée en oxyde d'alumine correspond
composés de fer que les couleurs dominantes très souvent une faible teneur en oxyde de fer
des sols tropicaux sont le rouge et l'orangé. et vice-versa.
316 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

Nous avons dit plus haut que la classifica- eaux basiques) et l'élimination de la silice
tion des sols tropicaux en latérites propre- (radical acide). Il semble donc qu'en l'ab-
ment dites et en sols latéritiques se base sur sence de silice, les complexes de fer et d'alu-
leur degré de latéritisation, exprimé par les mine, en même temps que les bases libérées
rapports Si02 : R203 ou Si02 : Al2 03 de continuellement lors du processus de minérali-
leur fraction argileuse. En effet, pour déter- sation, doivent être de nature à communiquer
miner le degré de latéritisation d'une terre, aux latérites une réaction neutre et non pas
certains auteurs (HARDY, BENNETT,MATTSON acide.
entre autres) préconisent l'emploi du rap- Comme dernière propriété chimique des la-
port Si02 : R203; d'autres (HARRASOWITZ, térites, nous avons enfin la capacité d'échange
MARTIN et DOYNE), par contre, préfèrent le de leurs colloïdes minéraux.
rapport Si02 : A1203. Bien qu'il ne soit pas D'après MATTSON,elle dépend essentielle-
établi définitivement lequel des deux carac- ment de leur richesse relative en radicaux aci-
térise le plus exactement le stade de maturité des (silice) et radicaux basiques (sesquioxy-
d'une terre tropicale, il semble toutefois que des). Si le rapport acide : basique est élevé,
le rapport SiO, : A1203 se prête le mieux à toutes autres conditions étant égales, la capa-
une étude détaillée des latérites. En prenant cité d'échange des cations sera élevée; celle
ce dernier rapport comme base, on admet des anions, par contre, sera faible et vice-
généralement que les vraies latérites possè- versa. Les latérites et les sols latéritiques, en
dent un rapport inférieur à 1,33. Dans les raison de leur forte teneur en radicaux basi-
sols latéritiques, par contre, il oscille entre ques et leur faible teneur en radicaux acides,
1,33 et 2,0 suivant le degré d'évolution du se caractérisent donc par une capacité
profil. Un rapport Si02 : A1203 égal ou supé- d'échange très faible vis-à-vis des cations,
rieur à 2,0 indique des terres non latérisées. mais relativement élevée pour les anions.
Remarquons, toutefois, que le degré de latéri- Du point de vue chimique, on peut donc
tisation d'une terre se caractérise, non seule- considérer les latérites comme étant des sols
ment par un rapport Si02 : A1203 peu élevé, extrêmement pauvres, en raison précisément
mais aussi et surtout par la présence et de leur faible capacité d'échange et par con-
l'abondance d'alumine libre. Or certains sols séquent de leur pénurie en bases et sels
tropicaux peuvent très bien posséder un rap- nutritifs.
port de 2,0 et être latéritique en raison de la En ce qui concerne leurs propriétés physi-
présence d'alumine libre. ques et morphologiques, il est à remarquer
On n'est pas bien d'accord quant à la réac- qu'au stade sénile de leur évolution, les laté-
tion que possèdent les latérites. MARTIN et rites comportent généralement, à leur surface,
DOYNE, dans leurs recherches sur les sols tro- une cuirasse limoniteuse plus ou moins épaisse
picaux, prétendent qu'elles sont acides. et continue, ou un banc plus ou moins com-
BENNETT,de son côté, signale que les latéri- pact et puissant de concrétions ferrugineuses.
tes étudiées par lui à Cuba, possèdent presque Cet horizon de concentration constitue évi-
toutes un pH voisin de la neutralité. Il est à demment une entrave au développement
présumer, toutefois, que leur réaction doit normal de la végétation, d'autant plus sé-
être neutre plutôt qu 'acide. En effet, les laté- rieuse qu'il est plus compact et plus puissant.
rites se développent dans des conditions qui Les latérites de cette espece se caractérisent
empêchent une accumulation de matière orga- d'ailleurs par une végétation herbacée extrê-
nique. Les débris végétaux y subissent une mement maigre.
minéralisation très rapide et les acides orga- Cependant, aussi longtemps que l'enrichis-
niques, éventuellement libérés lors de cette sement des couches supérieures des sesquioxy-
transformation, sont détruits par les microor- des n'a pas atteint le stade de concrétionne-
ganismes. Leur influence sur la réaction du ment, les latérites possèdent souvent des pro-
milieu sera donc vraisemblablement faible. priétés physiques très favorables. Malgré une
Par contre, la minéralisation des débris végé- très forte teneur en éléments colloïdaux, elles
taux entraîne une mise en liberté de bases restent poreuses, friables et faciles à travail-
capables de communiquer à la solution du ler grâce à leur structure stable et grume-
sol une réaction neutre ou alcaline. Dans ce leuse. Cette structure grumeleuse est due à
milieu neutre ou alcalin, les minéraux du sol la présence de pseudo-sable, c'est-à-dire des
subissent alors une hydrolyse alcaline, provo- agrégats très stables de 0,5 à 2 mm. formés
des sesquioxydes (radi- par agglutination de particules colloïdales
quant l'accumulation
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 317

minérales très fines. Si la cuirasse et les con- genre, le profil pédologique proprement dit
crétions font défaut, et que le sol contient un n'atteint jamais pareille puissance.
peu de matière organique et de sels nutritifs, Bien que le mode de formation des cuirasses
les terres rouges latéritiques constituent sou- ne soit pas encore très bien connu, il semble
vent de bonnes terres de culture, grâce préci- néanmoins qu'il est étroitement lié aux fac-
sément à leur excellent état physique. teurs climatiques, plus spécialement à l'exis-
Les latérites à cuirasse sont évidemment tence d'une saison sèche nettement marquée.
impropres à la culture. Quant aux terres En effet, les latérites à cuirasse ou à concré-
rouges à nodules limoniteux, elles occupent tions se rencontrent dans les régions à saison
une position intermédiaire dans l'échelle de sèche prononcée, sous des couverts végétaux
fertilité. Leur valeur agricole devient d'au- propres aux savanes et aux savanes boisées.
tant plus douteuse que leur teneur en concré- des cou-
D'après VAGELER,l'enrichissement
tions augmente. ches superficielles en sesquioxydes commence
Schématiquement on peut représenter les dès que le profil atteint un certain degré de
latérites de la façon suivante : maturité caractérisé par l'épuisement total en
bases. A partir de ce moment, l'eau qui pénè-
tre dans le sol pendant la saison des pluies
reste dépourvue d'électrolytes et, comme telle;
est capable de solubiliser les sesquioxydes des
couches profondes du profil. Pendant la sai-
son sèche suivante, ces sesquioxydes solubili-
sés remontent à la surface du sol, où ils pré-
cipitent, sous l'effet de la concentration et de
la dessiccation, en colloïdes irréversibles.
Cette concentration en oxydes de fer et
d'alumine augmente de plus en plus et donne
naissance, du moins dans les cas extrêmes, à
des cuirasses pouvant atteindre plusieurs
mètres d'épaisseur.

2. SOLS LATERITIQUES.
Les sols latéritiques se distinguent des laté-
rites proprement dites par un rapport SiO. :
A1203 plus élevé, allant de 1,33 à 2,0. Ils
comprennent donc toute une gamme de types
intermédiaires entre les sols peu ou pas laté-
risés (limons rouges plastiques à rapport
Latérite ou terre rouge.
Si02 : A1203 voisin de 2) et les sols fortement
1 = Cuirasse et concrétions; 2 = Terre latérisés (terres rouges friables à rapport
rouge; 3 = Zone marbrée; 4 = Zone
décolorée avec débris de roche; — 5 = Si02 : A1203 voisin de 1,33).
Roche intacte. Dans la catégorie des terres latéritiques,
nous étudierons principalement deux groupes
Pour donner une idée de la puissance que de sols plus ou moins latérisés : ce sont les
peuvent atteindre les différentes zones ou cou- limons rouges et les limons jaunes. Quant aux
ches d'une latérite, voici les mesures prises sols fortement latérisés (Si02 : A1203 — 1,33)
par LACROIXlors de ses études sur les sols nous renvoyons à ce que nous avons dit au
de Madagascar. sujet des latérites proprement dites, plus spé-
Horizons Profondeur cialement des latérites dépourvues de cuirasse
1 m. ou de concrétions.
Cuirasse latéritique
Terre rouge à concrétions 2 m.
Zone décolorée 8 à 10 m. a. Limons rouges.

Ce sont là des profondeurs extraordinaires, En ce qui concerne la couleur, les limons


totalement inconnues dans les types de profils rouges ressemblent très fortement aux terres
des pays tempérés. Dans une latérite de ce rouges ou latérites. Leurs propriétés chimi-
318 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

ques, toutefois, sont essentiellement différen- Cet auteur estime que les limons rouges déri-
tes. Ils contiennent encore, en effet, des quan- vent de terres rouges incomplètement latéri-
tités appréciables de silicates et relativement sées et formées, du moins dans les premiers
peu d'hydrates d'alumine. Ils sont, en outre, stades de leur évolution, dans les conditions
généralement dépourvus de concrétions ferru- propres aux savanes et aux savanes boisées.
gineuses. De plus, leur capacité d'échange, Tant que la matière organique produite
assez élevée, entraîne une plus forte teneur annuellement continue à être minéralisée com-
en bases et en éléments nutritifs. plètement sans laisser de résidus appréciables,
Au point de vue physique, les limons rouges et c'est le cas aussi longtemps que la savane
se distinguent des latérites et des sols latéri- domine, la latéritisation du sol s'accentue tou-
tiques fortement latérisés, par la nature jours davantage. En d'autres termes, la dé-
plastique de leurs colloïdes minéraux. Cette composition des silicates continue. Si les con-
plasticité est due évidemment à la présence ditions climatiques sont favorables à l'instal-
des silicates d'alumine non décomposés. lation de la forêt tropicale, la production de
les limons rouges pré- matière organique augmente continuellement.
Morphologiquement,
sentent un type de profil nettement différent Le délavement des bases s'accélère de plus en
de celui des terres rouges, sauf dans les cou- plus et, bientôt, il se forme des acides orga-
ches profondes. On peut les schématiser niques en quantité telle que les bases ne suf-
comme suit : fisent plus à les neutraliser. La réaction de-
vient acide. A partir de ce moment le phéno-
mène de latéritisation s'arrête. Les silicates
d'alumine, non encore décomposés, restent
intacts, tandis que les hydrates d'alumine et
de fer disparaissent, sous l'influence des col-
loïdes organiques, dans des couches plus pro-
fondes du profil où ils précipitent à nouveau.

Limon rouge.
1 = Couche humifère(At) ; 2 = Limon
jaune-orange (A2); 3 = zone à concrétions
(B); 4 = Limon rouge (C); 5 = Zone
marbrée; 6 = Zone décolorée avec débris
de roche; 7 = Roche intacte.

La formation des limons rouges, tout


comme celle des latérites d'ailleurs, n'est pas Profil autochtone, pédologiquementjeune.
complètement élucidée. Sans vouloir prendre Vestiges de schistosité très apparente et
position à ce sujet, nous allons reprendre une quartz anguleux.
(Photo BAEYENS Inéac.)
hypothèse assez plausible émise par VAGELER.
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 319

Cette concentration en sesquioxydes peut fer A vrai dire, les sols jaunes ne constituent
alors donner naissance à la formation d'une pas un groupe spécial de sols.
couche de nodules ferrugineux. Au cours de Pour les propriétés chimiques, physiques et
cette évolution, le rapport Si02 : A1203 tend morphologiques de ces sols, nous renvoyons à
à nouveau vers 2, du moins dans les couches ce que nous avons dit des terres rouges et des
supérieures soumises au lessivage. La fraction limons rouges.
argileuse de cet horizon perd par conséquent
son caractère friable et devient plus plastique. 3. SOLS TOURBEUX.
On peut donc dire que les limons rouges se
sont développés en deux stades : le premier Sous les tropiques, il existe également des
est celui d'une latéritisation incomplète et le sols tourbeux se développant dans des condi-
second celui d'une rétrogradation de la laté- tions d'humidité excessive et permanente.
rite, semblable à une podzolisation.
L'excès d'humidité provoque, en effet, des
Au point de vue agronomique, les limons conditions anaérobiques favorables à une
rouges à profil homogène constituent généra- décomposition très lente des débris végétaux.
Il en résulte une accumulation plus ou moins
lement, aux tropiques, de très bonnes terres
de culture. forte de matière organique à la surface du sol.
Les limons rouges peuvent également repré- L'évolution de ces sols est exactement la
senter des sols pédologiquement jeunes, issus même que celle des sols tourbeux des pays
de matériaux riches en fer. tempérés. Les acides organiques, fort abon-
dants dans ce milieu mal aéré et bien pourvu
b. Limons en humus, appauvrissent les couches superfi-
jaunes..
cielles du sol en bases et en oxyde de fer,
Alors que sous les tropiques le rouge est la tout en laissant la silice sur place.
couleur dominante des sols, on y rencontre Le sesquioxyde de fer colloïdal, en traver-
cependant assez bien de sols jaunes. D'après sant les couches inférieures du profil à réac-
leur degré de latéritisation plus ou moins tion moins acide, précipite à nouveau sous
avancé, on peut les subdiviser, tout comme l'influence des électrolytes.
les sols rouges, en terres jaunes et limons
ils représentent soit Si le mode de formation des sols tourbeux
jaunes. Pédologiquement,
des sols rouges au stade juvénile de leur évo- tropicaux est le même partout, l'aspect mor-
lution; soit des sols rouges arrivés au stade de phologique des profils diffère toutefois nota-
mais décolorés dans les couches blement selon la texture du substrat.
maturité,
sous l'effet de composés orga- Sur matériaux très perméables (sables),
superficielles
de l'horizon A atteint sou-
niques, soit enfin des sols juvéniles ou séniles, l'appauvrissement
développés à partir de matériaux pauvres en vent une grande puissance et l'enrichissement

Sol tourbeux sableux. Sol tourbeux argileux.


1 = Humus brut lAo); 2 = Terre humi-
1 = Humus brut (Ao); 2 = Terre humi- fère (Al); 3 = Terre humifère plus claire
fère (Al). 3 = Terre grise (A2); 4 = (A2); 4
= Terre marbrée bleuâtro, verdâ-
Zone à concrétions (B); 5= Sous-sol(C). tre (B); 5 = Sous-sol(C).
320 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

en oxyde de fer de l'horizon B aboutit géné- Le mode de formation de ce type de sols


ralement à la formation de concrétions ferru- n'est également guère connu. Les conditions
gineuses. Dans le cas de susbstrats moins per- essentielles à leur formation semblent être un
méables (argiles), l'horizon A est moins pro- substrat très argileux, riche en bases et situé
noncé et moins profond et l'horizon B dé- sous un climat à forte saison sèche.
pourvu de concrétions. Ce dernier se recon- Pendant les périodes de sécheresse, l'argile
naît toutefois à la présence de taches et de compacte se dessèche tout en se crevassant
traînées d'aspect irrégulier et de couleur ver- jusqu'à des profondeurs considérables. En
dâtre-bleuâtre ou même brunâtre. On peut les même temps, le carbonate calcique dissout
représenter de la façon suivante : remonte vers la surface par ascension capil-
Les états physique et chimique des sols laire et s'y dépose, du moins dans les sols
tourbeux dépendent entièrement de la puis- riches en chaux, sous forme de concrétions de
sance relative des horizons A et B, du degré dimensions très variables. En saison des
d'épuisement des horizons Al et A2 et, enfin, pluies, lors des premières averses, la terre
de la compacité de l'horizon B. humifère de surface et les concrétions calcai-
Au point de vue cultural, on peut dire, res sont partiellement entraînées au fond des
toutes autres conditions étant identiques, que crevasses d'où elles ne remontent plus. Ce
les meilleurs terrains à sols tourbeux sont ceux remaniement continuel de la terre humifère
dont le profil montre de haut en bas : 1° un avec la terre non humifère a pour effet la
horizon humifère (Ao et Ai) très puissant et formation d'une couche de terre noire plus
riche en humus; 20 un horizon décoloré et ou moins homogène dont la puissance atteint
délavé (A2) peu prononcé; 3° un horizon de la profondeur des crevasses. A la base de ces
concentration (B) relativement meuble et pau- horizons humifères se trouve alors, dans cer-
vre en nodules ferrugineux. Par contre, les tains profils, un banc plus ou moins puissant
sols pauvres en humus, fortement délavés et de concrétions calcaires. Ces mêmes concen-
riches en concrétions, sont généralement de trations se rencontrent alors bien souvent à
valeur agricole très médiocre. l'état isolé dans toute la couche de terre noire.
Dans les cas extrêmes, l'horizon humifère
4. TERRES NOIRES. peut atteindre plus d'un mètre de profon-
deur.
Dans les régions à saison sèche très pronon-
Bien qu'apparemment très riches en hu-
cée, on rencontre parfois, en terrains lourds
et argileux, des sols d'un type très spécial, à mus, les terres noires paraissent être à l'ana-
savoir les terres noires. Ces terres, mieux con- lyse plutôt pauvres en carbone et en azote.
nues sous le nom de « black cotton soil » se Il semble donc que la coloration noire de
présentent en profil comme suit : l'horizon A soit due à d'autres constituants
que l'humus.
A côté de ces terres noires riches en chaux,
il en existe d'autres dont les bases sont consti-
tuées presqu'exclusivement d'alcalins. Elles
se distinguent aisément les unes des autres
par des propriétés physiques très différentes.
Alors que les terres noires calcareuses sont
faciles à travailler, en raison de leur structure
grumeleuse, les terres alcalines, par contre,
sont très difficiles à labourer et pratiquement
imperméables.
La valeur agricole des terres noires est très
variable suivant la nature de leur complexe
adsorbant. Les terres noires nettement sodi-
ques sont à considérer comme franchement
mauvaises. Leur fertilité augmente générale-
ment au fur et à mesure que le calcium dé-
Terres noires. place le sodium du complexe adsorbant.
1 = Terre noire avec ou sans concrétions
calcareuses (A et B); 2 = Sous-solbrun
ou rouge (C).
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 321

DI. CHOIX DES TERRAINS DE CULTURE tants : l'abondance ou la pénurie de main-


SOUS LES TROPIQUES d'œuvre; la présence ou l'absence de voies
d'accès faciles et peu coûteuses; un régime
Les pédologues des régions tropicales ont des pluies régulier ou irrégulier, suffisant ou
à résoudre non seulement des questions pure- déficitaire; le régime thermique avec ses mi-
ment scientifiques concernant la genèse des nima et ses maxima, etc. Il est évident que
sols tropicaux, mais aussi et surtout des pro- dans le choix d'un terrain, on sera d'autant
blèmes d'ordre pratique, à savoir la détermi- plus exigeant que la situation économique et
nation exacte des possibilités agricoles des climatique de la région sera plus défavorable.
terrains nouveaux et la conservation de leur L'étude du sol en place débute par le choix
fertilité naturelle. judicieux des endroits de profilage. Cette opé-
ration est de toute première importance et
Sous les tropiques les types de sols de loin
doit se faire avec le plus de soins possible.
les plus répandus appartiennent à la catégo-
rie des sols latérisés. Or, nous savons que la En principe, on creuse des fosses à chaque
fertilité naturelle de ces derniers, principale- variation notable dans la composition et l'as-
ment leur richesse chimique, est d'autant plus pect de la flore spontanée, du relief du ter-
faible que leur degré de latéritisation est plus rain, de la nature de la roche-mère (affleure-
élevé. Dans le choix de nouveaux terrains de ments), des propriétés du sol superficiel (cou-
leur, texture, structure). Pour faciliter les
culture, il convient donc de rechercher avant
tout des sols pédologiquement observations, les fosses devront être larges,
jeunes ou fai-
blement latérisés, et de rejeter ceux qui pré- profondes et bien taillées verticalement.
sentent les caractéristiques d'une terre sénile Les dimensions les plus usuelles sont : lon-
ou dégradée. Entre ces deux types de sols gueur 1 m. 50, largeur 1 m. et profondeur
extrêmes, il existe, évidemment, toute une 1 m. 50 à 2 m. En terrain forestier, on aura
gamme de sols intermédiaires à fertilité sou- soin de creuser les fosses au pied de quelques
vent très différente. petits arbres typiques de l'endroit, afin d'étu-
dier l'allure de leur système radiculaire dans
S'il est relativement aisé de distinguer,
même sur place, par le seul examen de leurs les diverses couches du profil.
propriétés macroscopiques, une latérite à cui- Dans l'étude du profil sur place, plusieurs
rasse ou à concrétions d'une terre juvénile points sont à examiner, notamment son aspect
autochtone et peu profonde, il n'en est pas morphologique, ses caractères physiques et
de même quand il s'agit d'identifier les di- chimiques, son origine géologique et la végé-
vers types intermédiaires, à moins de procé- tation naturelle qui recouvre le sol.
der à des analyses compliquées et onéreuses.
En effet, la plupart des sols tropicaux sont
a. Considérations morphologiques.
tellement profonds qu'il est pratiquement
impossible d'atteindre les horizons génétiques
inférieurs du profil. Les caractéristiques morphologiques qu'il
En présence de pareils profils, le prospec- importe d'étudier en premier lieu sont l'épais-
seur de la terre arable et l'allure générale du
teur pédologique se verra donc obligé de dé-
terminer leur fertilité naturelle d'une façon profil. Au point de vue profondeur des sols,
les exigences des diverses cultures tropicales
indirecte, notamment par des observations sont nettement différentes. Ainsi, le Palmier
faites sur place et complétées, autant que pos-
à huile, les Graminées, le Sisal, le Tabac et
sible, par des analyses au laboratoire. nombre d'autres plantes à enracinement su-
perficiel se contentent généralement d'une
1. ETUDE DU SOL SUR PLACE. couches de terre arable de 80 à 100 cm.
Les cultures arbustives comme le Caféier,
Rappelons tout d'abord que les recherches le Cacaoyer et le Théier, par contre, exigent
sur le sol proprement dit doivent toujours un sol profond d'au moins 150 cm.
être précédées d'une enquête attentive por- Quant à l'Hévéa, le Quinquina et autres
tant sur les facteurs économiques et climati- arbres à enracinement pivotant, il leur faut
ques capables d'influencer, en bien ou en des sols très profonds.
mal, la rentabilité de l'exploitation. La puissance de la couche arable peut être
Parmi ces facteurs, citons les plus impor- limitée en profondeur par la roche-mère, par

II
322 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

le niveau hydrostatique ou par des zones le niveau de l'eau souterraine. Ainsi le Pal-
d'étranglement physique ou chimique. mier à huile profitera largement d'un plan
Des sols reposant à faible profondeur sur d'eau situé entre 100 et 150 cm. de profon-
la roche-mère se rencontrent au Congo Belge, deur; l'Hévéa, au contraire, en souffrira cer-
surtout dans les régions hautes et accidentées, tainement. Il est également connu que le Riz
situées en bordure de la cuvette centrale. En de marais demande des sols périodiquement
inondés, alors que le Caféier et le Théier crai-
gnent l'eau stagnante. Comme règle générale,
il faut exiger que l'eau reste, durant toute
l'année, plus basse que la zone où les racines
latérales des cultures se développent norma-
lement. Vu l'influence considérable que le
niveau hydrostatique, situé à faible profon-
deur, peut exercer sur la rentabilité des plan-
tations, il est à conseiller de relever avec soin,
partout où c'est possible, l'amplitude de fluc-
tuation du plan d'eau au cours de l'année.
La présence dans le sol d'une nappe d'eau
souterraine à une profondeur telle qu'elle
permet le développement radiculaire normal
de la culture envisagée, tout en fonctionnant
comme réservoir d'eau, en saison sèche, ne
peut évidemment qu'augmenter considérable-
ment la valeur agricole du terrain. En effet,
l'économie de l'eau des sols tropicaux consti-
tue un facteur d'importance primordiale
pour la réussite de la plupart des grandes cul-
tures tropicales. On estime qu'aux Indes
Néerlandaises, avec leurs chutes de pluies
énormes, l'eau se trouve encore en minimum
dans plus de soixante pour cent des entre-
prises agricoles. La preuve en est fournie,
d'ailleurs, par les résultats excellents obte-
nus dans de nombreuses plantations et pour
diverses cultures par l'irrigation souterraine
Limon rouge, profond, à horizons peu ou et naturelle. Or, au Congo Belge, une chute
pas marqués. de pluies de plus de 2.000 mm. par an n'est
que rarement atteinte. L'eau y constitue donc
présence de pareilles terres, on aura soin de réellement le facteur limitant pour de nom-
vérifier, sur toute l'étendue du terrain, la breuses cultures. Dans ces conditions, il de-
position de la roche de départ, afin de con- vient évident que la position du niveau
naître exactement le volume de terre exploi- hydrostatique mérite toute l'attention des
table par les racines. Ce relevé sera d'autant prospecteurs. En effet, située à une profon-
plus indiqué, toutes autres conditions étant deur convenable, la nappe phréatique ne gêne
égales, que le sol est moins riche en éléments en rien le développement normal des plantes;
nutritifs, moins rétentif vis-à-vis de l'eau des au contraire, elle est capable, dans bien des
pluies ou situé en région climatiquement cas, d'améliorer considérablement l'économie
moins humide. de l'eau du sol et de suppléer, grâce aux sels
Dans certaines parties basses de la cuvette biogènes qu'elle tient en solution, à une pénu-
centrale et dans nombre d'alluvions, c'est la rie éventuelle en éléments nutritifs.
position de la nappe phréatique qui détermine Des sols apparemment profonds peuvent,
la puissance du profil agricole et par consé- en réalité, ne constituer que des terres arables
quent les conditions de réussite ou d'échec de peu épaisses. C'est le cas lorsque le profil
la culture envisagée. présente des zones d'étranglement d'origines
Plus l'enracinement des plantes sera pivo- chimique ou physique.
tant et profond, au plus bas devra se trouver Par zone d'étranglement chimique, il faut
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 323

entendre une couche de terre pauvre située resteront traçantes également. En terrain
entre deux couches plus riches. Ces horizons, plat et dans les dépressions, la formation d'un
peu fréquents d'ailleurs, se rencontrent sur- plan d'eau est à craindre. En terrain incliné,
tout dans des terres alluvionnaires hétéro- J'eau de percolation coulera à la surface de la
gènes. couche imperméable vers des points situés
L'analyse chimique ou minéralogique est plus bas. Ici encore, l'économie de l'eau du
sol sera défectueuse et le volume de terre, ex-
quasi le seul moyen d'identification de pareils
horizons. Sur le terrain, l'étude attentive de ploitable par les racines, restera très limité.
la répartition des racines à travers le profil La présence d'un banc rocheux de néo-
peut toutefois fournir certaines indications. formation (limonite ou concrétions ferrugi-
En effet, le système radiculaire est généra- neuses) entraîne les mêmes inconvénients
lement mal développé dans ces zones d'étran- qu'un sous-sol argileux, compact et imper-
glement. Seules les grandes racines parvien- méable.
nent à traverser ces couches pauvres, du En résumé, des sols trop peu profonds par
moins si elles sont peu épaisses, pour former suite de la présence d'une couche étranglante
de nouvelles radicelles d'absorption dans les de nature chimique sont à déconseiller. Même
horizons sous-jacents chimiquement plus ri- si les racines parviennent à traverser, à la
ches. Le système radiculaire, dans ce cas, sera longue, la couche appauvrie et à former des,
double. Par contre, il restera superficiel par- racines absorbantes dans les couches sous-ja-
tout où l'horizon étranglant est trop épais. centes plus riches, les plantes subiront tou-
L'étranglement peut également être d'or- jours un temps d'arrêt dans leur développe-
dre physique ou mécanique. ment végétatif.
Comme, en pratique, le prospecteur recher- La mise en culture des terres dont le profil
chera surtout des sols pas trop légers, mais montre, à faible profondeur, une zone
limoneux ou argileux à bonne structure, trois d'étranglement physique, doit être envisagée
cas intéressants peuvent se présenter, suivant avec plus de précautions encore : ces terres
la nature du sous-sol. Effectivement, l'hori- dénotent en général une économie défectueuse
zon d'étranglement peut être soit du sable de l'eau.
grossier ou du gravier, soit de l'argile com- Dans l'étude morphologique du sol en place,
pacte et imperméable, soit encore un banc il faut considérer non seulement la profondeur
rocheux. du profil, mais également l'allure générale de
Un sous-sol sableux ou graveleux provo- ses horizons.
quera, si le plan d'eau est relativement bas, A ce point de vue, on peut subdiviser les
un drainage naturel de l'excès d'eau à l'épo- profils en deux groupes a. s. profils homo-
que des grandes pluies. En saison sèche, par gènes et profils hétérogènes.
contre, le sable grossier, dépourvu de micro- Il va sans dire que les sols les plus intéres-
capillaires, empêchera toute ascension d'eau sants pour l'agriculture tropicale sont les sols
du sous-sol. homogènes sans horizons nettement établis.
Sa présence constitue donc un grave incon- Ces terres ne comportent apparemment qu'un
vénient et cela d'autant plus que l'horizon seul horizon de grande puissance, d'une cou-
sableux se trouve plus près de la surface. Les leur plus foncée en surface, par suite de la
racines absorbantes s'arrêteront à la limite de présence d'humus, et s'éclaircissant graduel-
l'argile et du sable : seules quelques racines lement en profondeur. Des sols de ce type
pivotantes pourront s'installer dans le sous- sont doublement intéressants si, en même
sol. Le système radiculaire restera superficiel. temps, leurs constantes pédologiques, tant
En pratique, les plantes cultivées installées chimiques que physiques, accusent une aug-
sur des sols de ce genre n'auront à Jeur dis- mentation légère en profondeur. Dans ce cas,
position que les éléments nutritifs contenus la terre possède une réserve en éléments nu-
dans le sol de surface, tout apport d'en bas tritifs que les plantes pourront utiliser au
par ascension capillaire étant exclu. En fur et à mesure de la pénétration des racines
outre, le dessèchement des plantes y est à dans le sous-sol, qui constituera aussi un véri-
craindre, surtout lorsque la saison sèche est table réservoir d'eau pour la saison sèche. En
longue et rigoureuse. général, seule l'amélioration des caractères
Lorsque la terre arable repose sur une ar- physiques du sol avec la profondeur pourra
gile compacte et imperméable, les racines être appréciée, dans une certaine mesure, par
324 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

les prospecteurs lors de l'examen du profil vu, en effet, que l'eau du sol constitue le fac-
sur place. teur souvent limitant pour de nombreuses
Bref, on s'efforcera avant tout de trouver cultures au Congo Belge.
des sols homogènes et suffisamment profonds.
Or, dans une région déterminée à condi-
Quant au choix à faire éventuellement tions climatiques uniformes, l'économie de
dans les sols hétérogènes, il sera prudent de l'eau d'un sol dépend presque exclusivement
de son état physique, c'est-à-dire de sa tex-
ture et de sa structure.
Par texture il faut entendre la dimension
et la proportion des éléments minéraux qui
forment les matériaux constitutifs du sol.
Elle reflète donc la nature sableuse, limo-
neuse ou argileuse du profil. Pour apprécier
d'une façon assez précise la texture d'un
profil, lors de l'étude du so] en place, il suf-
fit souvent de broyer assez fortement entre
les doigts un peu de terre de chaque horizon.
La présence et même la teneur approximative
en éléments grossiers ou sable et en éléments
fins ou argile, se reconnaissent ainsi assez
facilement. Notons cependant que certains
sols, connus sous le nom de pseudo-sables et
constitués presque exclusivement de parti-
cules colloïdales, fortement cimentées en
agrégats de 0,50 à 2 mm. de diamètre, peu-
vent présenter tous les caractères classiques
d'un sable : présence d'éléments grossiers,
grande perméabilité et absence complète de
plasticité. Ces sols ne se distinguent en rien
des sols sableux proprements dits; l'analyse
mécanique seule est capable de détecter la
présence du pseudo-sable. Cette mesure phy-
sique permettra donc aux prospecteurs de
compléter et même de rectifier les observa-
tions faites sur place.
Bien qu'il soit actuellement généralement
admis que les sols légers constituent rare-
Ancienne terrasse fluviale à sol hétérogène ment de bons terrains de culture, sauf là où
avec bancs de quartz roulés. le régime des pluies est exceptionnellement
(Photo BAEYENS
Inéac.) favorable, nombre de plantations ont été et
sont encore installées sur des sols trop sa-
bleux. Sous un couvert forestier, ces terres
se limiter aux types de sols dont l'hétérogé- gardent une certaine stabilité de structure,
néité du profil se trouve corrigée par des zo- grâce à une teneur parfois élevée en humus.
nes d'infiltration d'humus, tout en se laissant Mais, à la suite de l'abatage de la forêt, la
guider, comme nous le verrons plus loin, par dénudation prolongée de la terre arable con-
l'allure du système radiculaire de la flore duit à la destruction totale et rapide de la
spontanée. matière organique et ne laisse plus, en fin
de compte, qu'une terre dégradée, dépourvue
de toute structure et, de ce fait, incapable de
b) Considérations physiques. retenir l'eau des pluies en quantité suffi-
sante. L'évaporation excessive de ces sols,
L'étude macroscopique des caractères phy- jointe à une forte percolation, élimine rapi-
siques du sol est de toute première impor- dement le peu d'humidité que chaque pluie
tance dans le choix d'un terrain. Nous avons apporte. Les plantes y souffrent de la séclie-
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 325

favorable (pluies abondantes et régulières).


resse ; elles restent souvent chétives et peu
Leur richesse chimique, au contraire, est sou-
productives.
vent très faible.
Les terrains limoneux ou argileux jouissent
d'une capacité de rétention d'eau générale- Pratiquement, la microstructure suppose la
ment meilleure, grâce à leur structure plus présence d'espaces capillaires capables de re-
stable et plus grumeleuse. tenir l'eau par tension superficielle : c'est
Le prospecteur recherchera donc, de préfé- cette propriété qui règle la capacité maximum
de rétention d'eau, c'est-à-dire son économie
rence, des terres plus ou moins lourdes accu-
sant une teneur en matière colloïdale (argile- de l'eau.
humus) d'au moins 15 à 20 Cette teneur La macrostructure, par contre, implique la
limite peut évidemment varier selon le genre présence d'espaces supracapillaires, remplis
de culture que l'on envisage. Ainsi le Palmier d'air lorsque la terre est ressuyée : c'est elle
à huile et l'Hévéa s'accommodent de ter- qui conditionne sa capacité minimum en air,
rains moins lourds que le Bananier, le Ca- c'est-à-dire son économie de l'air et qui règle,
caoyer ou le Caféier. en même temps, la vitesse d'infiltration de
D'autre part, il faut apprécier avec pru- l'eau dans le sol.
dence la valeur agricole de terres très argi- Alors que la microstructure est très stable,
leuses accusant 50 d'argile et même davan- la macrostructure, de son côté, est sujette à
tage. Ces sols, en effet, sont souvent trop des variations constantes dues aux agents ex-
compacts et de ce fait défectueux au point ternes tels que les pluies, la pénétration des
de vue physique. De plus, ils peuvent être racines, le travail des Termites, le labour, etc.
« physiologiquement » secs, bien qu'appa- Sur le terrain, seul l'aspect de la macrostruc-
remment très humides, par suite d'une forte ture peut être étudié quelque peu en détail.
teneur en eau hygroscopique dont l'utilité N'oublions toutefois pas qu'elle est essentiel-
• pour les plantes est
probablement très réduite. lement sous l'influence de la teneur en eau
La structure d'un sol indique le mode d'as- du sol au moment de la dessiccation. Elle sera
semblage des agrégats terreux. Elle comprend donc différente suivant que la prospection se
la macro- et la microstructure. La microstruc- fait en saison sèche ou en saison humide.
ture caractérise les agrégats élémentaires ou La structure peut être granuleuse, grume-
fins, assez résistants aux agents de peptisation leuse ou anguleuse. Par structure granuleuse
faibles, comme l'eau. Elle est liée à la nature ou sableuse, il faut entendre une structure
colloïdale du sol, à son degré de saturation en labile. Au moindre choc, les mottes de terre
bases floculantes, ainsi qu'à son état de dé- s'émiettent et donnent une terre poussiéreuse.
gradation. C'est ainsi que la microstructure
sera généralement meilleure en terre lourde La structure grumeleuse ou calcareuse se
qu'en terre légère, meilleure aussi en sols caractérise par des agrégats de terre assez
saturés qu'en sols délavés. friables, poreux, à surface irrégulière et à
arêtes plus ou moins arrondies.
Notons cependant que nombre de terres
dégradées, donc pauvres en bases, possèdent Enfin, la structure anguleuse ou cristalline
une microstructure excellente, grâce précisé- se reconnaît à la présence d'agrégats terreux
ment à la présence de psendo-sable. très résistants à l'écrasement, compacts et à
arêtes tranchantes.
Alors que dans les terres chimiquement ri-
ches, l'agrégation des particules terreuses se Entre ces aspects différents de structure,
fait sous l'influence de bases floculantes (Ca il existe également toute une gamme de for-
et Mg), dans les pseudo-sables, au contraire, mes intermédiaires. Pour le prospecteur, il
elle est due à la présence de fer colloïdal importe donc de savoir que l'état grumelé
dont le pouvoir coagulant dépasse de loin d'une terre constitue la caractéristique prin-
celui des bases. Il en résulte que les agrégats cipale d'une bonne structure. Rappelons tou-
élémentaires de pseudo-sable sont plus stables tefois que la structure grumeleuse peut être
que ceux des terres saturées par des bases. la conséquence de propriétés chimiques très
Les terres à pseudo-sable possèdent des pro- différentes : elle peut être provoquée par
priétés physiques excellentes ; elles sont po- une forte teneur en bases, surtout calcique et
reuses et meubles, à économie de l'eau géné- magnésienne, aussi bien que par la présence
ralement bonne et de ce fait relativement de pseudo-sable. L'aspect physique du profil
fertiles, sous la réserve d'un régime pluvial en place ne permet pas, à lui seul, de distin-
326 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

guer ces deux états grumelés, essentiellement de latéritisation. En effet, les sols fortement
différents au point de vue chimique. latérisés et dégradés sont friables; les sols
La mesure de la réaction du sol constituera pédologiquement jeunes, au contraire, sont
généralement une base d'identification satis- plastiques.
faisante. En effet, les terres riches en bases Outre la texture et la structure du sol, le
sont généralement peu acides ou neutres; les planteur vérifiera l'état d'humidité du profil
en tenant compte des conditions atmosphéri-
ques lors du creusement des fosses. Il
est évident qu'une forte humidité du profil
relevée en pleine période de pluies, n'impli-
que pas nécessairement une bonne économie
de l'eau. Par contre, des sols encore bien hu-
mides et frais à la fin de la saison sèche dé-
notent généralement une excellente capacité
de rétention d'eau.
Il existe cependant quelques exceptions à
cette règle, notamment certaines argiles très
lourdes, à forte teneur en eau hygroscopique.
Ce sont des terres dites « physiologique-
ment » sèches, bien qu'apparemment très
humides.
Pour juger de l'économie de l'eau d'un sol,
il est donc plus indiqué d'effectuer les obser-
vations en pleine période de sécheresse.
En résumé, on peut dire qu'au point de
vue physique les sols les plus intéressants à
exploiter sont des sols limoneux ou argileux
(15 à 20 de matières colloïdales au moins
et 50 au plus), bien grumelés, poreux,
meubles et suffisamment frais en pleine sai-
son sèche.

c) Considérations chimiques.
Des analyses chimiques approfondies ne
Type de sol tropical à bonne structure grumeleuse. sont évidemment possibles qu'au laboratoire.
(Photo Inéac.)
Néanmoins certaines observations importan-
tes, d'ordre chimique, sont parfaitement réa-
au contraire, sont souvent lisables sur le terrain.
pseudo-sables,
acides, par suite d'un manque de bases. Un Parmi celles-ci figurent la teneur en humus
moyen d'identification plus sûr encore con- et la réaction du sol.
siste à déterminer la teneur en bases échan- L'importance vitale de l'humus en agrono-
geables de ces terres. mie coloniale ne doit plus être mise en évi-
L'estimation du taux d'argile dans le sol, dence. Dans les régions tropicales, la présence
et surtout l'appréciation de sa structure, n'est et la nature de la matière organique du sol
pas toujours chose aisée. Les prospecteurs au- exercent une influence décisive sur la pros-
ront dès lors tout intérêt à vérifier les obser- périté d'une plantation. C'est la matière or-
vations faites sur place à l'aide de quelques ganique, d'ailleurs, qui règle la teneur en
déterminations physiques relatives à la poro- azote du sol et même celle de l'acide phos-
sité, la structure et la texture. phorique, dans la plupart des cas. De plus,
elle fournit par sa minéralisation progressive
Rappelons également que le degré de plas-
ticité des terres argileuses constitue un carac- un flux constant d'éléments nutritifs facile-
tère physique très important, de nature à ment accessibles aux plantes.
fournir, lors de l'étude du sol en place, des L'effet heureux obtenu dans tous les pays
indications très intéressantes sur leur degré chauds par l'application d'engrais organiques
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 327

et par l'emploi de plantes de couverture en L'échange des bases est étroitement liée à
fournit la meilleure preuve. la nature du complexe adsorbant, c'est-à-dire
à l'ensemble des matières colloïdales, organi-
Les prospecteurs auront donc soin de noter
la puissance de la couche humifère ainsi que ques et minérales du sol, capables d'adsorber
des ions basiques et des ions hydrogènes.
la présence ou l'absence de zones d'infiltra-
tion d'humus. Le phénomène d'échange de bases implique
la permutation entre les cations adsorbés par
Dans l'appréciation du taux d'humus, il ne
les colloïdes et les cations libres de la solution
faut pas perdre de vue, qu'à teneur égale,
minérale du sol. Ces réactions d'échange ont
un sol sableux paraîtra plus riche en matière
pour résultat la fixation plus ou moins impor-
organique qu'un sol argileux. Il faut aussi tante de bases alcalines et alcalino-terreuses
tenir compte du fait que dans les terres rou-
et leur mobilisation plus ou moins rapide.
ges, si fréquentes sous l'équateur, la présence
d'humus est souvent masquée par des compo- Elles sont réglées par les facteurs suivants :
sés de fer et de manganèse. la capacité d'échange (c'est-à-dire de cations
fixés par les colloïdes); la capacité d'adsorp-
Il sera donc utile de vérifier les observa- tion (c'est-à-dire la quantité de cations que
tions par des essais à l'aide d'eau oxygénée à
les colloïdes peuvent fixer) ; le degré de satu-
10 La terrre humifère mise en contact
ration (c'est-à-dire le rapport de la capacité
avec cette solution, produira une mousse plus
ou moins abondante et persistante suivant la d'échange à la capacité d'adsorption) et en-
richesse en humus. fin, la proportion des différents cations fixés.
La fixation des bases dépend de la teneur
L'identification de zones d'infiltration en humus et en argile d'un sol. Ainsi le pou-
d'humus dans le profil, présente un grand voir adsorbant de l'humus est 4 Y2 fois plus
intérêt pour le choix d'un terrain. Elle per- élevé que celui de l'argile non latérisée.
met de statuer non seulement sur la présence
ou l'absence de cet élément précieux dans le La nature de l'argile elle-même influence
énormément la fixation des bases. Dans les
sous-sol, mais également sur le caractère favo-
rable ou défavorable des propriétés physiques argiles latéritiques, la propriété d'adsorption
du sol. des bases est partiellement et souvent même
totalement détruite. Il en résulte que le pou-
En sols légers ou bien grumelés, l'infiltra- voir adsorbant de la plupart des terres tro-
tion se fait graduellement et uniformément;
picales est avant tout fonction de leur teneur
dans les terres physiquement défectueuses, en humus.
elle est irrégulière et souvent même absente.
La richesse chimique d'une terre ne dépend
L'infiltration d'humus, qui est un phéno- pas uniquement de la fixation des bases, c'est-
mène propre aux sols poreux et grumeleux, à-dire de sa réserve en éléments nutritifs assi
enrichit en matières organiques et minérales milables, mais aussi de leur mobilisation plus
les horizons pauvres du sous-sol. Cette péné- ou moins facile. Or, l'intensité de la mobilisa-
tration régulière se traduit par l'uniformité tion des éléments minéraux est proportion-
de la couleur du profil; on passe insensible- nelle à la vitesse de décomposition de la ma-
ment des teintes plus ou moins foncées des tière organique, ainsi qu'au degré de satu-
horizons superficiels à des couleurs de plus ration du complexe adsorbant. Les bases du
en plus claires. sol seront d'autant plus mobiles que la des-
En pratique, les terres humifères possédant truction de l'humus sera plus rapide et que
de belles zones d'infiltration d'humus sont la saturation du complexe adsorbant sera
généralement de bonnes terres de culture, à plus élevée.
condition toutefois que les autres constantes La teneur en bases échangeables d'une
pédologiques soient satisfaisantes. terre, à un moment donné, constitue donc la
Un autre facteur d'importance capitale résultante de la fixation des cations basiqués
dans le choix d'un terrain bien approprié est et de leur mobilisation. Sa mesure est donc
sa richeses en bases échangeables. très importante. Il existe d'ailleurs un rap¡.
Sous ce rapport les exigences des cultures port assez étroit entre la valeur agricole d'un
terrain et sa teneur en bases, à la condition
tropicales sont loin d'être les mêmes. Le Ba-
toutefois que les constantes physiques de ce
nanier, le Cacaoyer et la Canne à sucre sont,
en effet, beaucoup plus exigeants que le Pal- sol soient favorables.
mier à huile ou l'Hévéa. Si la détermination de la capacité d'échan-
328 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

ge sur le terrain présente des difficultés; on recherche du calcaire pouvant, selon cette
dispose cependant d'un moyen indirect pour méthode, conduire à des conclusions erronées,
l'évaluer d'une façon plus ou moins exacte. doit donc se faire avec une certaine réserve.
En effet, l'on sait que, au Congo Belge, Dans les terrains où la nappe phréatique
pour une même catégorie de terres, c'est-à- n'est pas très basse, ce qui est souvent le cas
dire des terres à complexe adsorbant identi- en terre alluvionnaire, la présence de concré-
que, la réaction du sol reflète assez fidèle-
ment sa richesse en bases échangeables.
Les prospecteurs auront donc tout intérêt
à mesurer la réaction du sol sur place.
Cette détermination peut se faire soit colo-
rimétriquement, soit électrométriquement.
Le procédé colorimétrique, basé sur l'em-
ploi d'un indicateur universel, est peu coû-
teux, mais il donne des résultats sensible-
ment moins précis que la méthode électromé-
trique.
La connaissance de la réaction du sol pré-
sente un intérêt double. D'abord elle rensei-
gne, dans une certaine mesure, sur la capa-
cité d'échange des terres et, ensuite, elle
révèle leur caractère acide, neutre ou basique.
Bien que les exigences des cultures tropi-
cales, au point de vue de la réaction, soient
encore assez mal connues, l'influence de cette
dernière sur les plantes est généralement
admise. Il semble que les Céréales, le Coton-
nier et l'Agave préfèrent des sols alcalins.
Le Maïs, le Tabac, le Caféier, le Cacaoyer et
la Canne à sucre auraient leur optimum au
voisinage de la neutralité. Le Palmier à huile
et le Théier trouveraient des conditions opti-
males de croissance dans des sols légèrement
à franchement acides. L'Hévéa, enfin, paraît
indifférent à la réaction.
Parmi les propriétés chimiques du profil,
intéressantes à étudier sur place, citons éga-
lement la recherche de certains dépôts chi- Terre rouge reposant air un banc de quartz,
riche en nodules de limonite.
miques de néoformation, principalement les
(Photo BAEYENS Inéac.)
concrétions calcareuses et ferrugineuses.
L'utilité pour les plantes de la présence de
tions ferrugineuses, à un certain niveau du
carbonate calcique dans le sol est incontesta-
ble. Sa recherche revêt donc un certain inté- profil, doit être attribuée à l'action physique
de l'alternance des positions du plan d'eau.
rêt. On sait que l'acide chlorhydrique dilué, Ces concrétions ferrugineuses peuvent encore
mis en contact avec une terre, fait efferves-
être d'origine alluvionnaire.
cence avec le carbonate de chaux, éventuelle-
ment présent. Toutefois, il arrive souvent que Dans les deux cas, leur présence n'est pas
dans les régions arides, les sols contiennent due à la latéritisation du sol qui les contient.
non pas des carbonates calciques, mais bien Par contre, lorsque ces mêmes concrétions
des carbonates alcalins qui font également ef- se rencontrent dans des terrains à nappe
fervescence au contact de l'acide. L'absence phréatique très basse et à profil autochtone,
d'effervescence n'implique aucunement l'ab- leur présence indique toujours des sols dégra-
sence totale de chaux qui peut, en effet, se dés et peu fertiles et cela d'autant plus
trouver sous forme de sulfate, lequel ne qu'elles sont plus importantes et plus nom-
réagit pas avec l'acide chlorhydrique. La breuses.
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 329

Les terres riches en concrétions ferrugi-


neuses sont, en général, très appauvries en
bases et de ce fait peu aptes à la culture.
Il résulte donc de ce bref exposé que cer-
taines observations chimiques très intéressan-
tes peuvent parfaitement être réalisées sur le
terrain. C'est le cas de la teneur en humus,
de la présence de zones d'infiltration d'hu-
mus et du degré d'acidité du sol.
Le diagnostic de l'origine des concrétions
ferrugineuses, quand elles existent, mérite
également l'attention des prospecteurs.

d) Considérations botaniques.
^'observation superficielle de la flore spon-
taiiée, en tant qu'indice de fertilité naturelle
d%a terrain, a souvent conduit à des échecs
en ^agronomie coloniale.
En effet, la forêt vierge qui recouvre les
terres.latéritiques, s'est constituée à travers
les sièeles et1 persiste sur un sol relativement
v~?'~

Forêt secondaire (Mayombe).


(Photo BAEYENS Inéac.)

pauvre, parce qu'elle restitue constamment


les matières minérales qu'elle enlève au sol.
« Le sol forestier est un système en équilibre
parfait avec la végétation qui le recouvre ; cet

Type de forêt mélangée de terre ferme :


Forêt primaire (Mayombe). Cuvette centrale, Yangambi.
(Photo BAEYENSInéac.) (Photo Inéac.)
330 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

équilibre se caractérise par la constance des Au Congo Belge, nous avons observé que
taux d'humus, d'azote et de bases. Il trouve l'économie de l'eau est généralement meil-
son origine dans l'équivalence exacte des for- leure sous forêt mélangée à Scorodophleus
ces de production et de destruction, qui dé- Zenkeri que sous forêt à Macralobium De-
pendent, elles-mêmes, d'un ensemble de fac- wevrei.
teurs écologiques dont la température et la Quant à la fertilité chimique du sol, la flore
pluviosité sont les plus importants. » (BEIR. spontanée constitue un indice de peu de va-
NAERT) leur. Nos connaissances dans ce domaine sont
Le sol ne joue d'autre rôle que celui d'un d'ailleurs très limitées.
substratum dont la composition chimique, la Au Mayombe, une relation générale a été
nature physique et l'activité biologique peu- mise en évidence entre la réaction du sol, la
vent varier considérablement d'un endroit à géologie du terrain et le degré de dévelop-
l'autre, malgré un couvert végétal apparem- pement de la forêt.
ment identique. La présence de certains végétaux, soi-disant
Certes, des recherches écologiques et phy- indicateurs d'un bon terrain, comme c'est le
tosociologiques peuvent conduire à la décou- cas du Pennisetum, doit être interprétée avec
verte de multiples relations entre les carac- beaucoup de réserve. Si l'eau ne fait pas dé-
tères physiques et chimiques du sol et la com- faut, cette plante s'installe parfois sur un
position floristique de l'endroit profilé, terrain sableux et pauvre, mais recouvert par
A l'heure actuelle, ces relations sont encore une mince couche de bonne alluvion.
fort mal connues au Congo Belge. Il faut se garder surtout de généraliser des
L'appréciation de certaines propriétés, sur- observations faites dans une région limitée.
tout physiques du sol, a souvent été basée sur En général, on peut admettre que des ty-
l'observation de la flore, en même temps que pes de forêt primitive, comprenant un grand
sur l'examen du profil. Sur des territoires nombre d'espèces végétales, les unes à enraci-
restreints, soumis à des conditions climatiques nement traçant, les autres à enracinement
uniformes, il existe non seulement des espè- pivotant, indiquent souvent un sol fertile et
ces, mais également des associations végétales profond. A ce point de vue, la composition et
caractéristiques d'une texture sableuse ou la densité du sous-bois sont plus instructives
limoneuse, d'une bonne ou mauvaise économie que l'aspect des grands arbres, propres à la
en air ou en eau. forêt vierge. En effet, beaucoup de ces arbres

Caféiers peu vigoureux à enracinement superficiel. Caféiers vigoureux à enracinement profond.


Inéac.) (Photo BAEYENSInéac.)
(Photo BAEYENS
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 331

présentent un système radiculaire plutôt su- e) Considérations géologiques.


perficiel et ne donnent aucune indication
quant à la composition du sous-sol (texture, L'utilité de l'analyse minéralogique, au
profondeur, etc.). point de vue agricole, n'est pas généralement
Il faut se méfier particulièrement des ter- admise. D'après A. DEMOLON,elle ne présente
rains couverts d'une forêt vierge pauvre en qu'un faible intérêt pratique pour l'agro-
espèces végétales et souvent dépourvue de nome, bien qu'elle constitue une annexe sou-
sous-bois, même si les arbres qu'ils portent vent utile des méthodes pédologiques et
sont gigantesques. qu'elle apporte une certaine lumière sur la
Les formations herbeuses des sols de savane, composition minéralogique, l'origine, l'évolu-
dont les constituants sont souvent pourvus tion et la classification des divers sols.
d'un système radiculaire traçant, ne fournis- Dans les régions tropicales, son intérêt pra-
sent aucun renseignement quelque peu précis tique est incontestable : P. VAGELER, E. J.
sur les propriétés du sous-sol. En outre, là où MOHR et H. ERHART estiment que la connais-
la savane est périodiquement soumise aux sance exacte de l'abondance et de la nature
feux de brousse, sa composition floristique des substances de réserve minérale constitue
est très uniforme et ne comprend que quel- un facteur important dans l'appréciation de
ques espèces de Graminées pyrophiles. la valeur agricole des sols tropicaux. L'étude
minéralogique est en outre nécessaire dans
les recherches pédologiques proprement dites,
Il ressort nettement de ce qui précède, que car elle permet de statuer sur l'origine du sol
de la flore naturelle, comme et sur son degré d'évolution.
l'observation
indice de fertilité d'un sol, doit être com- Malheureusement, l'analyse minéralogique
plétée par l'étude attentive de la réparti- est très encombrante et, de ce fait, inapplica-
tion des racines à travers le profil. Cette ble sur le terrain.
étude est indispensable et d'autant plus utile Les prospecteurs, cependant; disposent
qu'elle se fait sur les éléments propres au d'un autre moyen, non moins intéressant,
sous-bois. pour juger des possibilités agricoles d'un ter-
rain, d'après l'observation géologique sur
place.
Les prospecteurs ne se contenteront pas Pour les sols autochtones (c'est-à-dire for-
d'observer uniquement la flore spontanée de més sur place), dont la roche-mère de départ
la région, mais ils auront soin également de peut être identifiée (présence d'affleurements
visiter les plantations déjà établies, de préfé- ou sols peu profonds), la connaissance exacte
rence celles qui pratiquent les cultures qu'ils de l'origine géologique fournira souvent des
se proposent d'établir eux-mêmes. Au cours renseignements pratiques complémentaires
de ces visites, ils s'informeront des particu- sur les caractères morphologiques du profil,
larités économiques, climatiques, topographi- notamment en ce qui concerne sa profondeur.
ques et hydrographiques de la plantation, de
la technique culturale suivie lors de son éta- Ainsi les roches-mères meubles ou faible-
ment cimentées par des substances aggluti-
blissement, du mode d'entretien, de la variété
nantes facilement solubles, donneront nais-
cultivée, du rendement des champs, de l'âge
des plantations et enfin des caractéristiques sance à des sols profonds. C'est le cas des
de la flore primitive. Sur le terrain, ils se cendres et sables volcaniques et des roches
rendront compte de l'aspect végétatif des cul- tendres en général.
tures, de la morphologie du profil et de la Des sols superficiels, au contraire, se for-
répartition des racines dans le sol. Ils effec- meront à partir de roches dures (tufs volca-
tueront, si la chose est possible, des sondages niques compacts et nombre de roches sédimen-
dans des terrains vierges limitrophes compa- taires) ou cimentées par des substances ré-
rables, au point de vue du sol et de la flore, fractaires à la décomposition.
aux terrains déjà cultivés. L'utilité de l'étude géologique réside sur-
Cette enquête, même effectuée sur une cul- tout dans le fait qu'elle permet souvent
ture qui n'intéresse pas directement les plan- d'évaluer d'avance la fertilité naturelle pro-
teurs, leur fournira souvent un bon nombre bable d'une terre, ainsi que sa réserve en
de renseignements fort précieux. substances nutritives.
332 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

Pour ce qui est des roches, on peut distin- tamment par l'argile, l'argile ferrugineuse, la
guer trois catégories : chaux, la silice et la glauconie. Elles peuvent
1° Les roches éruptives, qui sont d'origine également être meubles. Seules les roches
meubles ou consolidées par l'argile et, dans
interne ; une certaine mesure aussi, par l'argile ferru-
2° Les roches sédimentaires, qui représen- gineuse, donnent naissance à des sols pro-
tent des dépôts généralement formés dans fonds. Les roches sédimentaires peuvent être
l'eau ; d'origine mécanique, chimique ou organogène.
3° Les roches métamorphiques ou cristallo- La texture des sédiments d'origine méca-
phylliennes, qui résultent de la transforma- nique est tantôt sableuse, tantôt argileuse.
tion des précédentes. Leur richesse en éléments biogènes est très
Au point de vue agricole, les roches érup- variable.
tives à feldspaths alcalins ou calcosodiques, En règle générale, les roches sédimentaires
sont les plus intéressantes. d'origine mécanique se transforment toutes, à
Parmi les roches à feldspaths alcalins, ci- quelques rares exceptions près, en des sols
tons d'abord les granités, de loin les plus relativement pauvres.
répandus, et ensuite les syénites. Les sédiments chimiques, dont les plus inté-
Les granites sont des roches à réaction très ressants pour l'agriculture sont les calcaires
sédimentaires et la dolomie, sont très répan-
acide, à forte teneur en quartz et d'altération
relativement rapide. dus. Leur altération conduit à la formation
de sols riches en chaux et éventuellement
Les syénites, de leur côté, sont pauvres en
aussi en magnésie, mais pauvres en potasse
quartz; ils sont acides ou neutres et s'altèrent
Les roches métamorphiques sont représen-
plus facilement que les granités. Certains syé-
tées par des gneiss, des amphibolites et nom-
nites, notamment les syénites à néphéline et à
bre de schistes cristallins.
leucite, s'altèrent difficilement, mais donnent
de bons sols. Les gneiss à biotite et à hornblende don-
Dans le groupe des roches éruptives à feld- nent naissance à des sols généralement rou-
ges et très fertiles. Des sols clairs à franche-
spaths calcosodiques, on rencontre principale- riches en élé-
ment les diorites et les gabbros. Les premiè- ment foncés et relativement
res sont neutres à légèrement basiques et ri- ments nutritifs, dérivent de la décomposition
ches en plagioclases acides; les dernières, au des eklogites et des amphibolites. Les schistes
cristallins les plus intéressants au point de
contraire, sont franchement basiques et riches
en plagioclases basiques. vue agricole, sont des schistes à amphibole et
à augite. Leur altération aboutit à la forma-
lies diorites (andésites) se décomposent tion de sols rouges, relativement riches et
assez rapidement et donnent naissance à des fertiles.
terres rouges.
Les quartzites, de leur côté, forment des
Les diorites quartzeuses, de leur côté, s'al- sols clairs, légers et pauvres.
tèrent difficilement.
Au Mayombe les terres les plus fertiles se
En ce qui concerne les gabbros (basaltes), retrouvent sur des gneiss à biotite et à amphi-
ces roches se décomposent également assez len- bole.
tement, mais donnent des terres rouges sou- Il ressort de ce paragraphe que la connais-
vent fertiles. sance exacte de l'origine géologique des sols
Parmi les roches éruptives, il faut citer autochtones peut rendre de sérieux services.
également les cendres et les sables volcani- En général, les terres les plus fertiles sont
ques. Les sols qui en dérivent peuvent être formées à partir de roches volcaniques, basi-
très différents, suivant la nature et l'abon- ques et foncées, de gneiss à biotite et à am-
dance des minéraux qu'ils contiennent et phibole et également de granite renfermant
le degré de finesse des particules élémen- beaucoup de minéraux foncés.
taires. Au fur et à mesure que l'on s'éloi- La valeur agricole des terres alluvionnaires
gne du centre volcanique, les sols perdent leur ne peut être jugée que par l'analyse minéra-
caractère sableux et deviennent graduelle- logique.
ment plus lourds. L'étude attentive, sur place, des caractéris-
Les roches sédimentaires sont cimentées par tiques morphologiques, physiques, chimiques,
des substances agglutinantes très variées, no- botaniques et géologiques d'un terrain suivant
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 333

les principes exposés ci-dessus, permettra, le En ce qui concerne les analyses proprement
plus souvent, le choix raisonné d'un terrain dites, nous nous bornerons ici à l'énuméra-
propre à la culture envisagée. tion des principales constantes pédologiques
Cela ne veut nullement dire que l'analyse généralement étudiées au laboratoire :
physique et chimique soit superflue. Au con-
traire, elle sera toujours utile, parfois même
indispensable.

2. L'ANALYSE PHYSIQUE ET CHIMIQUE DU


SOL AU LABORATOIRE.

Le planteur désireux de faire analyser son


terrain au laboratoire, aura soin de ne pré-
lever des échantillons que dans les profils ty-
piques les plus répandus dans la concession
afin d'éviter toute perte de temps et des frais
inutiles.
Il est absolument nécessaire que les échan-
tillons soient accompagnés de tous les rensei- Echantillonnage de profils.
(Photo Inéac.)
gnements utiles, que nous venons d'exposer.
On prélèvera des échantillons représentatifs
dans chaque horizon de profil, c'est-à-dire Parmi les propriétés physiques, signalons
dans chaque couche de terre différente par l'analyse mécanique (texture), la porosité
couleur, texture, structure, perméabilité, con- (perméabilité) et l'économie de l'eau et de
sistance, plasticité ou tout autre caractère l'air (structure).
visible à l'œil nu ou décelable au toucher. L'analyse chimique. de son côté, portera
Avant leur expédition, les échantillons, sur la mesure de la réaction et sur la déter-
d'un poids d'environ 1 kg., seront séchés à mination des propriétés du complexe adsor-
l'air libre, mais à l'abri du soleil. bant, à savoir sa capacité d'échange, sa capa-
Ce séchage préalable de la terre est indis- cité de rétention et son degré de saturation.
pensable pour la conservation des mottes à Elle comprendra également la détermination
l'état naturel lors du transport. De plus, il de la proportion des bases échangeables, de la
permet d'éviter l'envahissement des échantil- richesse en acide phosphorique assimilable et
lons par des moisissures, capables de modifier de la teneur en azote et en carbone (matière
la réaction, ainsi que l'activité biologique de organique)
la terre. L'analyse chimique pourra être complétée,
Une fois convenablement séchée, la terre éventuellement, par la détermination du de-
accompagnée d'une étiquette métallique por- gré de latéritisation.
tant le numéro de l'échantillon, est mise dans Enfin, l'analyse minéralogique sera sou-
un sachet en papier goudronné ou en toile vent utile pour évaluer la réserve minérale
résistante. des sols allochtones (alluviaux et colluviaux)
Les observations faites sur place seront soi- et des sols autochtones (formés sur place) à
gneusement annotées, profil par profil. On origine géologique inconnue.
établira en même temps pour la région étudiée
un croquis spécial, portant comme indications
IV. CONSERVATION DE LA FERTILITE
principales : le tracé des routes et des cours
d'eau, les courbes de niveau, l'étendue appro- DES TERRES TROPICALES
ximative des différentes formations végétales
et des divers types de sols rencontrés dans la Le problème du maintien de la fertilité na-
concession et, enfin, l'emplacement exact des turelle des terres de cultures restera, long-
profils soumis à l'échantillonnage. temps encore, l'occupation principale des
L'interprétation des données analytiques, pédologues travaillant sous les tropiques.
fournies par le laboratoire, sera d'autant plus Parmi les questions à résoudre à ce sujet,
précise que le dossier des observations, faites les unes sont d'ordre physique et concernent
sur place, sera plus complet et exact. principalement le maintien d'un bonne écono-
334 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

mie de l'eau dans les terres; les autres, au Dans cet ordre d'idée, il importe d'attirer
contraire, sont d'ordre chimique et ont trait encore une fois l'attention des prospecteurs
à la restitution des éléments nutritifs con- sur la nécessité absolue de rechercher avant
stamment enlevés aux sols par les récoltes et tout des terres très rétentives, en même temps
par les eaux de drainage. que bien aérées, surtout dans les régions à
régime de pluie défectueux (faible pluviosité,
1. CONSIDERATIONS PHYSIQUES. saison sèche plus ou moins rigoureuse). En
effet, toutes autres conditions étant égales,
Nous avons vu que l'économie de l'eau du les pertes d'eau par percolation et par ruis-
sol constitue un facteur d'importance capitale sellement sont inversement proportionnelles à
pour la réussite des cultures tropicales. la capacité de rétention d'eau du sol.
On estime, généralement, que la production Une fois la plantation établie, le planteur
d'un kilogramme de matière sèche nécessite devra veiller, avant tout, à économiser l'eau
approximativement 300 à 800 litres d'eau. des pluies jusqu'à la moindre goutte.
Voici, d'après VACELER, la consommation Comme premier moyen pour atteindre ce
d'eau approximative des principales cultures
but, il s'efforcera de tirer le meilleur profit
et pour des plantations à rendement maxi-
des possibilités d'irrigation souterraine ou
mum :
superficielle présentée par certains types de
sols, notamment par les alluvions périodique-
Céréales, Plantes oléagineuses 120-150 (600-750) ment inondées et par les terrains à plan d'eau
Maïs, Sisal. Jute, Cotonnier et
Cocotier 200-250(1000-1250) relativement élevé. La mise en exploitation de
terres devra se faire en tenant
Caféier. 250-300(1250-1500) pareilles
des particularités des diverses cul-
Plantes à tubercules, Cacaoyers 300-400(1500-2000) compte
tures.
Théier 350-400(1750-2000)
Canne à sucre 400-500(2000-2500) En général, ces terres conviendront mieux
Palmier à huile 600-700(3000-3500) au Bananier et au Palmier à huile qu'aux
cultures arbustives à enracinement profond.
Ces chiffres, exprimés en mm. de pluie, ont La plupart de ces terres présentent, toute-
été calculés en tenant compte de l'exportation fois, le grave inconvénient d'être trop peu
par la récolte, de l'accroissement annuel des aérées. Pour y remédier, il suffira souvent
plantes cultivées et de l'immobilisation de d'abaisser le niveau du plan d'eau ou de
matière sèche dans les plantes de couverture. faciliter l'évacuation rapide de l'eau en excès
Rappelons, toutefois, qu'ils sont en réalité par un drainage rationnel du terrain
cinq fois trop faibles. En effet, 20 seule- La densité de plantation constitue égale-
ment de la totalité de l'eau apportée par les ment un moyen efficace pour régler, du moins
pluies sont généralement utilisables par les dans une certaine mesure, la quantité d'eau
plantes, le reste étant perdu par évaporation disponible pour chaque plante. C'est pour-
directe du sol et par infiltration dans les cou- quoi l'on conseille de planter à des écarte-
ches profondes du sous-sol. C'est pourquoi, ments plus grands dans les régions où la
nous avons indiqué, entre parenthèses, la pluviosité est trop faible pour la culture envi-
quantité de pluie réelle qu'il faut en moyenne sagée. Dans ce cas, l'espace libre entre les
pour chaque culture. lignes sera garni par des plantes de couver-
Rappelons également que les exigences des ture, dont le semis ou la plantation se fera
diverses cultures tropicales sont très différen- au début de la saison humide. De ce fait,
tes au point de vue de la capacité de réten- l'excès d'eau, qui en terrain dénudé se per-
tion d'eau. C'est ainsi que le Bananier et le drait par percolation ou ruissellement pen-
Cacaoyer demandent des sols plus rétentifs dant la saison des pluies, sera utilisé en
que l'Hévéa et le Caféier. De plus, l'on sait grande partie par la plante de couverture. A
qu'une bonne économie de l'eau doit aller de la fin de la saison des pluies, celle-ci sera
pair avec une économie également bonne de coupée et étendue entre les lignes. Cette cou-
l'air. verture morte, en diminuant l'évaporation de
Lors de nos recherches sur les sols congo- l'eau du sol, maintiendra à travers le profil
lais, nous avons établi, en effet, que les cul- une fraîcheur suffisante pour permettre à
tures tropicales s'accommodent le mieux la culture principale, grâce au volume de
d'une capacité en air de 5 à 15 terre suffisamment grand qu'elle exploite, de
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 335

passer la mauvaise saison sans souffrir de la A la lumière de ces faits, on comprendra


sécheresse. aisément que l'érosion peut transformer, en
Dans les régions tropicales, les précipita- peu de temps, des terres fertiles en terres
tions atmosphériques, le plus souvent très stériles, impropres à toute culture.
violentes, provoquent des pertes d'eau consi- L'application des moyens de lutte, généra-
dérables par ruissellement. Ces pertes sont lement employés Dour combattre l'érosion,
d'autant plus importantes que le pays est mérite donc toute l'attention des planteurs.
plus accidenté et le sol plus dénudé. Le ruis- Certains de ces moyens ne visent qu'à ré-
sellement, à son tour, donne naissance aux duire le ruissellement. C'est le cas notam-
phénomènes d'érosion et de ravinement, dont ment des drains aveugles, des fossés de garde,
les effets catastrophiques pour les cultures des terrasses individuelles ou continues.
ne sont que trop bien connus des planteurs.
En effet, les terrains soumis à l'érosion se D'autres, par contre, cherchent en même
temps à produire de la matière organique,
voient enlever, petit à petit, jusqu'à la dis-
capable de maintenir le sol en excellente
parition complète, leur terre humifère de
structure et de fournir aux plantes une
surface. Or, dans un profil donné, la couche
grande partie des éléments biogènes dont elles
de terre arable et humifère possède générale-
ont besoin. Parmi ces derniers, nous avons la
ment la plus grande capacité de rétention couverture vivante (couverture complète, ban-
d'eau, grâce précisément à sa structure le
des alternées, haies intercalaires) et la cou-
plus souvent assez grumeleuse par suite de la verture morte (mulching). (Voir Tome II
présence d'humus. Ce dernier rend la struc- Aperçu général des améliorations foncières
ture du sol non seulement plus grumeleuse au Congo Belge. Lutte antiérosive.)
mais également plus stable et augmente, de
L'idéal serait évidemment d'associer les
ce fait, sa résistance à l'érosion. Il en résulte
que les phénomènes de ruissellement et d'éro-
procédés purement physiques à l'emploi de
sion augmentent d'intensité au fur et à me- plantes de couverture.
Le planteur peut aussi économiser l'eau en
sure que la terre humifère fait place à la
terre minérale. augmentant la capacité de rétention d'eau du
sol.
L'érosion provoque donc, ainsi que nous La quantité d'eau qu'une terre peut absor-
venons de voir, la détérioration des qualités ber dépend de deux facteurs : la texture et la
physiques du sol. structure. Il en résulte que seule la technique
Son action - n'est pas moins néfaste aux culturale capable de conserver, ou mieux en-
propriétés chimiques des terres. La destruc- core d'améliorer ces propriétés du sol, doit
tion de la couche humifère entraîne, en effet, être envisagée par le planteur. Pareille tech-
la disparition de la source principale de nique peut comprendre l'application de fu-
l'azote, et, dans bien des cas aussi, des autres mier ou de compost, l'emploi de couverture
éléments nutritifs tels que l'acide phosphori- morte ou de paillis, le recouvrement du sol
que, la potasse, la chaux. par des Légumineuses ou autres plantes ap-

(Photo J. LEBRUN.) Aspects des érosions près de la vallée de la Rwindi. (Photo DE WITTE.)
(Photos Coll. Inst. Parcs Nat. Congo Belge.)
336 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

propriées, la mise en jachère, le labour et ture. Lors de la création de nouvelles planta-


enfin l'épandage de chaux. tions, il y a lieu d'appliquer des méthodes
Il a été établi, à maintes reprises, que l'éco- d'aménagement capables de maintenir dans
nomie de l'eau d'une terre donnée, sous les le sol, pendant de longues années, une teneur
tropiques, est sensiblement meilleure en ter- en humus suffisante.
rain vierge qu'en terrain cultivé. Effective-
ment, les terres vierges possèdent générale-

Préparation du terrain d'après le procédé de


non-incinération.
(Photo Inéacl

Plantation de Caféiers en terrasses.


Parmi ces méthodes, il importe de signaler
en premier lieu le procédé de non-incinéra-
ment des propriétés physiques excellentes, à tion. Cette méthode est d'ailleurs parfaite-
savoir : grande porosité et structure grume- ment réalisable pour certaines cultures per-
leuse. Mais leur mise en exploitation d'après manentes, notamment pour le Palmier à huile
les méthodes culturales habituelles entraîne
une détérioration plus ou moins rapide de
leurs constantes physiques et, partant, de
leur capacité de rétention d'eau.
On sait, d'autre part, que la dégradation
physique du sol va toujours de pair avec une
diminution progressive de sa teneur en
humus.
L'intensité de ce processus d'appauvrisse-
ment du sol en matière organique dépend
principalement de deux facteurs, notamment
de la protection thermique du sol et de sa tex-
ture. En d'autres mots, les pertes en humus
seront d'autant plus importantes que la terre
est plus légère et plus dénudée.
A la lumière des considérations émises plus Préparation du terrain par incinération
du couvert végétal.
haut, il devient clair que l'économie de l'eau
d'une terre dépend en premier lieu de sa (Photo Inéac)
teneur en humus, et cela d'autant plus que la
texture du sol est plus sableuse. Grâce à la
matière organique, le planteur dispose donc et FHévés. Par contre, elle ne convient pas
d'un moyen puissant et pratique pour écono- pour le Caféier et les plantes annuelles, qui
miser des quantités appréciables d'eau de exigent des sols bien nettoyés.
pluie. En second lieu, il convient de couvrir le sol
La technique culturale à suivre dans ce dénudé le plus tôt possible par des plantes de
domaine est très variée. Elle diffère notam- couverture, de préférence à port buissonnant,
ment de région à région et de culture à cul- afin de protéger le sol contre l'insolation
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 337

directe et d'éviter ainsi des pertes trop fortes brindilles et de branches. Dans ce cas, le sol
en humus et en azote. se trouve relativement peu protégé contre
Dans le cas de cultures supportant mal la l'action solaire et contre l'évaporation directe
présence de plantes de couverture, il y a lieu de l'eau du sol. Par contre, l'humus produit
de remplacer la couverture vivante par une à partir de ces matières premières riches en
couverture morte, pouvant comprendre, sui- lignine est très stable.
vant les cas, du terreau, du paillis, des brin- La couverture morte est surtout indiquée
dilles. dans les plantations des régions à saison sèche
En ce qui concerne les vieilles plantations prononcée, non seulement pour enrichir la
à sol fortement terre en matière organique et améliorer ainsi
dégradé, il faudra souvent son .économie de l'eau, mais aussi pour empê-
avoir recours, en l'absence de conditions favo-
cher toute évaporation d'eau excessive. Elle
rables à l'établissement d'une plante de cou-
est utilisée également pour toutes les cultures
verture appropriée, à l'application de fumier,
de compost ou mieux encore de terreau fores- supportant mal la présence d'une couverture
vivante.
tier mélangé à des brindilles et des branches
de toute nature. Enfin, lorsque la terre est A côté des couvertures mortes, le planteur
dégradée et épuisée à l'extrême, la régénéra- dispose également de couvertures vivantes, ca-
tion de ses propriétés physiques se fera, le pables de maintenir le sol en excellent état
plus sûrement, par le repos du sol sous physique. L'utilisation des plantes de cou-
jachère temporaire. .verture, dont l'usage devient d'ailleurs de
Grâce aux détritus végétaux et aux plantes plus en plus courant sous les tropiques, pré-
de couverture, le planteur dispose donc, ainsi sente des avantages multiples et variés.
que nous venons de le voir, de moyens mul- D'abord elle constitue pour le sol un écran
tiples et variés pour conserver, voire même protecteur contre l'insolation directe et pro-
pour améliorer l'économie de l'eau de ses voque ainsi un ralentissement de la destruc-
terres. tion d'humus.
La technique culturale à suivre à cet effet D'autre part, les déchets organiques li-
dépendra, la plupart du temps, des conditions gneux qu'elle produit enrichissent le sol en
locales de la plantation, à savoir : composi- un humus stable, propre à améliorer la struc-
tion des terres, type de végétation naturelle, ture du sol. De plus, les plantes de couverture
nature des cultures pratiquées, etc. Autant influencent directement l'économie de l'eau
que faire se peut, le planteur donnera toute- du sol, en diminuant sensiblement, grâce à
fois la préférence aux procédés les plus l'abaissement de la température et à la trans-
rationnels. Sous ce rapport, il y a lieu de piration des plantes de couverture, les pertes
signaler que l'application de compost ou de d'eau considérables occasionnées dans les ter-
fumier, à doses normales, ne fournit aucune rains dénudés par évaporation directe à la
protection thermique du sol. Elle ne ralentit surface du sol et par infiltration dans les
donc aucunement la destruction de l'humus couches profondes du profil. Signalons, toute-
du sol, bien qu'elle augmente temporairement fois, que la plante de couverture constitue
sa réserve en matière organique. Leur emploi souvent, à l'égard de la plante cultivée, un
est surtout indiqué pour les cultures an- concurrent hydrique d'autant plus dangereux
nuelles. que le couvert végétal est plus vigoureux et la
Par contre, l'épandage dans les interlignes saison sèche plus rigoureuse.
d'une couverture morte, composée de paille et Pour remédier à ce danger, il importe de
de chaumes, assure une assez bonne protection couper, au début de la saison sèche la végé-
thermique d'autant plus efficace que le paillis tation de couverture sur une étendue suffi-
est plus épais. Il présente, en outre, l'avan- samment grande pour dégager au moins l'es-
tage de réduire à un minimum l'évaporation pace du sol occupé par la masse des racines
directe de l'eau du sol. De plus, le « mulch » des plantes cultivées. Le sol, ainsi dénudé,
en se décomposant, enrichit le sol en humus est couvert ensuite d'une façon aussi parfaite
plus ou moins stable suivant la richesse en que possible par des déchets organiques et
lignine plus ou moins grande des détritus protégé contre l'action défavorable de l'inso-
végétaux utilisés. lation et de réchauffement.
Dans certaines conditions, on utilise égale- Parmi les plantes de couverture générale-
ment des couvertures mortes constituées de ment employées, il y a lieu de distinguer les
338 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

plantes rampantes et les plantes buissonnan- rence aux espèces végétales à croissance luxu-
tes. Du point de vue de la conservation des riante et à système radiculaire très développé
propriétés physiques du sol, les plantes à port en profondeur.
buissonnant sont de loin les plus intéressan- Dans le but d'éviter des concurrences hy-
drique et nutritive entre les racines des
plantes principales et celles des plantes secon-
daires, il importe de choisir, autant que pos-
sible, des essences végétales dont l'enracine-
ment se développe en majeure partie dans une
zone moins bien exploitée par les racines de
la plante principale.
Un autre moyen consiste, ainsi que nous
l'avons vu, à procéder périodiquement à des
« ring weeding » corrigés par des « mul-
ching ».
La couverture idéale, c'est-à-dire celle qui

Caféiers à Yangambi : mulching au moyen


de Pennisetum purpureum.
{Photo Inéac)

tes. Seules ces dernières sont capables, en


effet, d'enrichir la terre en humus stable et
d'améliorer la structure du sol, principale-
ment sa macro-structure, dans ]es couches
profondes du profil. Elles présentent toute-
Régénération du sol par la culture du
BlackWattle (Ituri).
(Photo Inéac.)

réalise le mieux les conditions écologiques pro-


pres au couvert forestier, doit représenter
une association aussi variée que possible d'es-
pèces végétales rampantes et buissonnantes.
Dans la nature, pareilles associations se re-
trouvent dans les formations végétales secon-
daires qui colonisent les anciennes terres de
culture, plus ou moins dégradées et les trans-
forment, petit à petit, en terrains forestiers
plus ou moins fertiles, grâce à l'augmentation
Couverture du sol par Légumineuse rampante. progressive du taux d'humus dans le sol et à
(Calopogoniummucunoides). l'amélioration des constantes physiques des
(Photo Inéac) diverses couches du profil.
La régénération de l'économie de l'eau d'un
fois l'inconvénient d'assurer une protection sol physiquement très dégradé ne peut sou-
thermique du sol sensiblement moins efficace vent être réalisée que par sa mise en jachère.
que celle réalisée par les plantes rampantes. Le meilleur système de jachère consiste dans
Quant au choix à faire parmi les plantes l'abandon du sol à la végétation naturelle et
buissonnantes, il convient de donner la préfé- spontanée. Dans certains cas, on peut égale-
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 339

ment avoir recours à des plantations artifi- L'exportation des principales cultures an-
cielles (plantes de couverture buissonnantes, nuelles, dont la totalité de la production végé-
essences forestières, etc.). tale est enlevée de la plantation, est connue
La capacité de rétention d'eau dans le sol d'une façon relativement précise.
peut être augmentée, non seulement par ap- D'après VAGELER,elle oscille entre les limi-
plication de matières organiques et de plantes tes suivantes :
de couverture, mais également par chaulage
et par labour.
L'action de la chaux sur les constantes Plantescultivees phosph. Potasse
Kgpar Ha Kgpar Ha KgparHa
physiques du sol semble être assez irrégulière. Azote Ac.
Sous les tropiques, il faut d'ailleurs éviter un
chaulage massif, non seulement parce que Céréales 60-70 25—30 70-80
bien des plantes tropicales sont adaptées à
Maïs., 100-120 50-60 125-150
un certain degré d'acidité, mais encore parce
que la capacité d'absorption des sols tropi- Plantes à tubercules. 50-70 25-30 100-150
caux est généralement faible. 60-80 100-200
Légumineuses (200-250)
L'ameublissement de la terre arable, par
Coton 60 - 90 30-40 60-80
labour, conduit également à une amélioration
de la porosité du sol. Pour les plantations Tabac 110-130 15-25 120-150
permanentes, un labour profond n'est possi-
Canne à sucre 100-125 70-90 200-250
ble qu'avant la mise en place des plantes.
Tout travail ultérieur de la terre risquerait Ananas 140-170 40-60 300-350
d'abîmer les racines.. Cultures arbustives ± 75—100 ± 50-75 ± 75-150
En pays de forêt, le labour doit forcément
se limiter au creusement des trous de planta- Les exigences des cultures arbustives sont
tion. Ce n'est qu'en terrain de savane que le moins bien connues du fait qu'il est difficile
labour intégral peut se faire sans trop de dif- d'estimer la quantité d'éléments fertilisants
ficultés. Seulement, comme ces sols sont géné- immobilisés chaque année par l'accroissement
ralement soumis à des saisons sèches plus continuel des troncs, des branches et des
ou moins rigoureuses, leur ameublissement racines. Une certaine portion de ces éléments
superficiel présente le grave inconvénient, du revient d'ailleurs au sol sous forme de feuil-
moins en ce qui concerne les cultures perma- les et de branches coupées.
nentes, d'attirer la masse des racines dans la
couche de terre travaillée et d'exposer ainsi la JACKS, de son côté, avance les chiffres sui-
vants :
plante au danger du dessèchement.
C'est surtout pour les plantes annuelles
que le labour acquiert une certaine impor- Acide Potasse
tance sous les tropiques. Dans les sols légers, PI
Plantes 1. ,
cultivées P d
Product. Azote phosph.
AI P
il faut se garder cependant d'ameublir la
terre sur une grande profondeur afin d'éviter Canne à sucre
la destruction totale de la structure du sous- (plante entière) 125 T. 50-6949-63 213-224
sol. Le labour de ces sols doit donc rester 65 85
Riz (plante entière). 7,5 T. 110
très superficiel et léger. En terrain argileux,
par contre, un labour profond est souvent Coton (fibres) 0,34 T. 50-6020-24 40-48
indiqué, surtout pour des cultures à enraci- Oranges (fruits) 22,5 T. 37 Il 32
nement profond.
Citrons (fruits) 22,5 T. 30 12 54
Banane (fruits) — 29 8,5 78
2. CONSIDERATIONS CHIMIQUES.
Noix de coco 7000noix 56 16 57
Il va de soi qu'un sol montrant une excel-
Caoutchouc (latex) - - - -
lente économie d'eau sera d'autant plus fer-
tile que sa teneur en éléments biogènes est Tabac (feuilles) 2 T. 90 27 144
très élevée, surtout si l'on considère que l'ap- Café (grains) 95 22
0,63 T. 138
plication d'engrais chimiques n'est pas encore
économiquement réalisable dans la plupart Cacao (fèves) 0,62 T. 22 11 14
des territoires congolais. Thé (thé sec) 0,80 T. 32 6 15
340 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

Il ressort de ces tableaux que les exigences n'exerce généralement qu'une action faible
des diverses plantes cultivées sont relative- et passagère sur les cultures tropicales. Elle
ment élevées. Or, pour couvrir ces besoins, la provoque, effectivement, une augmentation
plante ne dispose, en l'absence d'engrais, que temporaire de la quantité d'azote assimilable,
des éléments assimilables fournis par le sol. mais reste sans effet sur l'accroissement,
L'effet utile d'une fumure minérale est voire même sur le maintien de la réserve
stable en azote du sol. On sait que l'azote assi-
toujours aléatoire sous les tropiques et, de
toute façon, très lent à se manifester pour des milable, ammoniacal ou nitrique, est parti-
cultures à enracinement profond. Cette effi- culièrement sujet au lessivage par l'eau des
cacité assez faible des engrais minéraux, à pluies. Il se perd presque intégralement par
l'égard des cultures permanentes surtout, infiltration, à l'exception des quantités, géné-
par la mobilité très réduite des ralement faibles, d'azote fixé par les colloï-
s'explique
éléments nutritifs dans le sol. L'effet lent des organo-minéraux ou consommé par les
des engrais chimiques, principalement des microorganismes et par les plantes. Ces pertes
engrais potassiques, s'explique surtout par la sont d'autant plus fortes, toutes autres condi-
nature spéciale du complexe adsorbant des tions étant égales, que le régime pluvial est
sols tropicaux. Ces sols sont, en effet, généra- plus abondant et plus régulier. Quant à
lement très acides, à capacité d'échange fai- l'azote apporté au sol par les précipitations
ble et à pouvoir d'adsorption relativement atmosphériques, ou fixé par les nodosités des
élevé. Il en résulte une fixation très énergi- Légumineuses ou par certains microorganis-
mes (azotobacter, clostridium), il se comporte
que de la fumure potassique, de sorte qu'elle
reste sans effet sur la culture, à moins qu'il de la même façon que les engrais azotés miné-
ne s'agisse de terres juvéniles, riches en bases. raux.
Ij'insuccès fréquent de la fumure phospha- Puisque la plante, en dehors des engrais mi-
tée, en agriculture tropicale, s'explique du néraux, se nourrit presque exclusivement des
fait qu'en terre acide et riche en sesquioxy- éléments biogènes qu'elle trouve dans le sol
sous forme assimilable, il est évident que la
des, l'acide phosphorique précipite sous forme
de phosphates de fer et d'alumine, tous deux quantité des matières nutritives disponibles
inassimilables par les végétaux. sera d'autant plus grande que le sol est plus
riche et que le volume de terre exploitée par
L'application de phosphates solubles sur
les racines est plus grand.
des terres rouges à pouvoir adsorbant élevé,
ne présente aucune utilité pour les plantes. La prospérité d'une plantation dépend
Seuls les phosphates bruts, finement pulvé- donc, toutes autres conditions restant égales,
risés et, si possible bien enfouis, sont éven- de la richesse du sol en éléments nutritifs
tuellement à conseiller sur des terres tropi- facilement solubles. Sa longévité, par contre,
cales pauvres en acide phosphorique. est déterminée par la réserve stable du sol en
azote et en sels minéraux. Or, l'on sait que
En ce qui concerne les amendements calcai-
la réserve en azote d'une terre se trouve sous
res, ils peuvent être très utiles dans certaines la dépendance directe de sa teneur en matiè-
conditions. C'est le cas, notamment, des ter-
res humiques et organiques. Il en est de même
rains vierges acides, préparés d'après la
de l'acide phosphorique, du moins en ce qui
méthode de non-incinération.
concerne les sols latéritiques, auxquels appar-
Le degré de saturation souvent très faible tiennent, ainsi que nous l'avons vu, la plupart
de ces sols entraîne, en effet, une fixation très des terres de culture du Congo.
forte des alcalins et des alcalino-terreux au
Quant à la réserve en potasse des terres
complexe adsorbant et. de ce fait, souvent une tropicales, elle est très souvent fonction égale-
carence potassique pour les cultures. Le chau- ment de leur réserve en humus. C'est le cas
lage, même léger, augmente le degré de satu- notamment des terres légères, sableuses et des
ration du complexe adsorbant tout en favori- terres acides, chimiquement pauvres.
sant, en même temps, l'échange des cations L'humus joue donc un rôle prépondérant
potassiques. dans la nutritiou des plantes tropicales. Il
Dans tous 1«« autres cas, l'application des constitue, en réalité, en l'absence d'engrais,
amendements calcaires doit se limiter aux sols la source principale et, souvent même la
très acides et pour des cultures qui préfèrent source unique des principes fertilisants, néces-
des terres riches en chaux. saires au développement normal des cultures.
La fumure azotée minérale, de son côté, Toutefois, à la longue, la terre même la plus
PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX 341

fertile et la plus riche en humus, doit fata- la potasse, élément nutriti i très important,
lement s'appauvrir en certains éléments par lui aussi, peut se faire, ainsi que nous l'avons
suite de l'exportation continuelle de récoltes, vu, par l'intermédiaire de colloïdes organi-
de la minéralisation' progressive des réserves
en matière organique, de l'infiltration d'élé-
ments solubles dans les couches profondes du
profil, etc.
La durée de rentabilité d'une plantation
dépendra donc de la conservation des réserves
minérales, et surtout organiques du sol.
Le maintien de ces dernières à un niveau
suffisamment élevé ne peut évidemment se
concevoir sans l'application de fumure. Or,
la seule fumure pratique et économique en
agricultuer tropicale, consiste dans l'emploi
raisonné des engrais organiques et des plantes
de couverture.
Nous avons signalé que la couverture du
sol, pour être efficace, doit préserver la terre Culture d'engrais vert composé par
de la dégradation physique. Du point de vue Vigrut Sinensis.
chimique, elle doit aussi assurer une bonne (Photo Inéac)
conservation de ses réserves nutritives.
Pour atteindre ce double but, la couverture
ques et minéraux. Toutefois, dans les terres
du sol doit réaliser les conditions suivantes :
tropicales, plus ou moins latérisées, les colloï-
d'abord, protéger la terre arable contre l'éro- des minéraux ne jouent plus qu'un rôle tout
sion et la chaleur afin de ralentir la destruc- à fait secondaire en tant que substances ad-
tion de ses réserves humiques ; ensuite fournir sorbantes vis-à-vis des bases.
des déchets organiques, riches en lignine, afin
la teneur en humus du sol et, La protection des sels minéraux contre le
d'augmenter
enfin, présenter un enracinement profond
afin d'améliorer les propriétés physiques du
sous-sol et d'enrichir la terre arable en élé-
ments biogènes puisés dans les couches pro-
fondes du profil par les racines des plantes
de couverture et ramenés à la surface du sol
sous forme de débris végétaux.
C'est parmi les espèces végétales à port
buissonnant qu'il faut rechercher les plantes
de couverture capables de réaliser le mieux
des conditions écologiques propres à mainte-
nir la terre en bon état physique et chimique.
Nous avons déjà examiné l'influence des
plantes buissonnantes sur les constantes phy-
siques du sol. En ce qui concerne leur action
chimique, elle consiste principalement à enri-
chir le sol en matières humiques.
Essai de régénération du sol par couverture
Rappelons ici le rôle essentiel joué par de Mimosa (Barumbu).
l'humus dans la conservation de la richesse (Photo Inéac.)
chimique des terres tropicales.
Ce rôle est double : d'abord l'humus con- lessivage doit s'y faire presque exclusivement
stitue la source quasi unique de l'azote et de par les colloïdes humiques.
l'acide phosphorique, qui entrent pour une Afin de protéger le sol contre les déperdi-
très large part dans la nutrition des plantes; tions en azote et en bases, il faut donc l'enri-
ensuite il protège les bases, et surtout la chir en humus.
potasse, contre le lessivage. Cette fixation de Le degré d'enrichissement en matière humi-
342 PÉDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX

que est très différent, toutes autres condi- Les sols pauvres en humus, tels que les
tions étant égales, suivant la composition chi- vieux terrains de culture, fortement dégra-
mique des débris végétaux, incorporés au sol. dés, sont à traiter, par contre, avec des matiè-
C'est ainsi que les tissus végétaux lignifiés, res végétales à rapport C/N plus faible.
riches en cellulose et en lignine, mais plutôt L'application de matériaux lignifiés y pro-
pauvres en azote (rapport C/N élevé), se voquerait une immobilisation totale des fai-
transforment très lentement en produits plus bles quantités d'azote assimilable et, de ce
simples, tout en donnant beaucoup d'humus fait, un manque d'azote pour les plantes cul-
stable. tivées.
Les organes verts et jeunes, par contre, gé- Il faut tenir compte encore des besoins en
néralement pauvres en lignine et en cellulose, azote des diverses cultures.
mais relativement riches en azote (rapport C'est ainsi qu'une carence azotée n'est pas
C/N bas), se décomposent avec une rapidité souvent à craindre pour les grandes cultures
extrême, sans enrichir le sol en humus d'une permanentes, comme l'Hévéa et le Palmier à
façon appréciable. En vue d'enrichir le sol en huile. On peut leur appliquer, sans grand
humus, il faut donc faire appel à des matières danger et, pour autant qu'il ne s'agisse pas
organiques riches en lignine et en cellulose, de terres fortement épuisées en azote, des
mais relativement pauvres en azote, c'est-à- déchets organiques à rapport C/N très élevé.
dire des matières organiques lignifiées, à rap-
Par contre, les plantes annuelles à besoin
port C/N assez élevé.
Ces conditions sont réalisées par les organes en azote temporairement élevé, sont très sen-
sibles à un manque d'azote. Elles ne suppor-
lignifiés de nombreuses plantes buissonnantes. de substances ligni-
une fumure tent pas l'enfouissement
Toutefois, avant d'appliquer
fiées dans le sol, mais exigent plutôt l'appli-
organique quelconque à une terre, il faut cation d'engrais verts, c'est-à-dire des sub-
tenir compte de l'état de dégradation chimi-
de son épuisement stances organiques à rapport C/N faible.
que du sol, principalement
en azote, afin d'éviter une carence azotée Les sols très appauvris en humus et en
chez les plantes cultivées. En principe, les ter- azote ne peuvent être remis en état d'une
res riches en humus, et par conséquent bien Façon efficace que par une mise en jachère,
pourvues en matières azotées, peuvent rece- de durée plus ou moins longue. Ici encore on
voir des substances à rapport C/N élevé : peut exécuter des reboisements artificiels ou
c'est le cas, en général, des terres vierges. abandonner le sol à la végétation spontanée.
Chapitre 1 V

Botanique.

Les Cultures Coloniales.

Cultures Potagères et Plantes Condimentaires.

Industries Agricoles Coloniales.


Botanique

(*)
I
I. L
Les G V""
Groupements Végétaux
Par J. LEONARD
Docteur en Sciences botaniques.
Attaché scientifique à l'Institut National
pour l'Etude Agronomique du Congo Belge (I.N.E.A.C.).

A. — INTRODUCTION.

ÉDIGER pour une encyclopédie, de même d'ailleurs pour la phytogéographie


vaste ouvrage de vulgarisation ainsi que pour l'écologie des espèces et des
qui se doit d'être solidement groupements, matières sur lesquelles nous ne
1 établi sur d'indiscutables bases possédons encore que des notions très incom-
R scientifiques, un chapitre con- plètes. Point n'est besoin de se bercer d'illu-
sacré aux groupements végétaux sions, dans ce domaine beaucoup de travail
de notre grand territoire d'outre-mer, pour- reste à accomplir. Il est souvent très utile,
rait paraître à première vue chose aisément en science, de connaître les lacunes de notre
réalisable : c'est en réalité une gageure! savoir; un lecteur, tant soit peu averti, s'aper-
L'état de nos connaissances en cette partie de cevra aisément, à* parcourir ce chapitre, de ce
la botanique, pourquoi le cacher, est encore qui manque encore pour compléter nos con-
bien maigre en effet. Si les travaux de naissances en cette matière.
systématique congolaise sont assez nombreux,
quoiqu'encore fragmentaires, l'étude sociolo-
gique de la végétation du Congo Belge, par (*) Pour des raisons techniques, ce sous-chapitre
a été inséré avant les autres sous-chapitres traitant
contre, en est à ses premiers débuts; il en va de la Botanique.
346 BOTANIQUE

Les causes de ces lacunes sont diverses et en plus d'une foule de renseignements de
certaines parfaitement compréhensibles; il détail, une précieuse vue d'ensemble du
n'est pas inutile de les passer succinctement paysage et permettent bien souvent de
en revue. trouver une explication à des problèmes
La première raison, vraisemblablement la restés insolubles.
plus importante, tient à l'immensité du Un second obstacle, non moins important, est
la diversité des types de vé-
gétation due principalement
à la très grande variation,
dans toute l'étendue du ter-
ritoire, de tous les facteurs
du milieu qui conditionnent
les aspects de la couverture
végétale. Ces types de végé-
tation ne sont, en effet, que
la résultante de divers fac-
teurs, longuement analysés
dans d'autres chapitres de
cette encyclopédie, parmi les
plus importants desquels fi-
gurent le relief oscillant de
0 à 5000 m., la température,
assez constante ou présen-
tant des écarts sensibles se-
lon les régions, ainsi que
le régime des pluies. C'est
ce dernier facteur surtout
Photo aérienne d'un peuplement à Xylopia aethiopica et d'un lambeau de les diffé-
savane à Hymenocardia acida au Mayombemontrant l'intérêt que présentent qui conditionne
les vues- aériennes pour l'établissement des cartes de végétation. rents aspects botaniques
(Photo DONIS.Cliché Inéac.) du paysage non seulement
par la variation (de - 800
territoire à étudier. Le Congo Belge occupe, à 3000 mm. par an) mais principale-
et à cheval ment par la répartition des précipitations
en effet, au centre de l'Afrique
sur l'Equateur, une superficie de plus de au cours de l'année (à peu près uniforme
2.300.000 km2, soit près de 80 fois la surface dans la cuvette centrale mais, au plus
on s'éloigne de l'Equateur, différenciée
de la métropole où les études de phytosociolo-
ne sont terminées! Bien des régions en une saison des pluies et une saison sèche de
gie pas
la Colonie restent encore inexplorées au durée inégale mais de mieux en mieux
de
point de vue botanique et nombreuses
sont marquées). La nature du sol et l'influence
celles dont les aspects de végétation n'ont humaine, si importante en certaines régions,
constituent également d'autres facteurs de
pas été décrits; il suffit d'évoquer, par
haute diversification de la couverture végétale.
exemple, le Nord du Mayombe, la : 1Une troisième cause consiste en l'extraordi-
Lulua, le Moero, le Sankuru, le Maniéma,
etc. Afin de hâter la naire exubérance, et par là même en la
l'Urega, le Haut-Uele,
reconnaissance botanique de cette immense difficulté d'étude, des formations forestières
l'aide importante que peuvent (lui occupent plus de la moitié de l'étendue
superficie, colonial. Un relevé phytosocio-
les services d'aerophotogrammetrie du territoire
apporter
devrait être accrue dans une large mesure. logique d'un hectare de forêt équatoriale
comprend généralement, en effet, plusieurs
Les clichés montrent, d'un seul coup d'œil, différentes intimement
l'intérêt formidable que présentent des vues centaines d'espèces
convenablement non seule- mélangées en un inextricable fouillis souvent
aériennes prises,
ment pour la détection et la localisation des peu accessible !
Le manque de flore constitue également
divers types de végétation, mais aussi pour
leur cartographie et l'évaluation de un sérieux obstacle à l'étude des groupements
précise Flore du
leur superficie. Les photographies aériennes végétaux. La rédaction d'une «
Congo Belge et du Ruanda-Urundi », entre-
examinées au stéréoscope donnent également,
oùla très
bien
gauche
très
habitat
Léopoldville.]
rive cet
à
la montre
et le
adaptée
forêt
comme
de
où,
végétation
Aerophotogrammétr
d'
couverte
endroits
descurieuse
droite
en (Section
très
rive
une
la surtout,
eau
Géodésique
droite
sous
et
rive
successives,
la
rochers
sur
chutesles
sur
C'estCartographique
deux
les
installée
[SenJlu'
pirogues).
s'est
montrant
que
champs,

violents,
routes,
(Stanleyville)
plus
les
(village,
Tshopo
la sont
forte
de
trèsremous
estles
chutes
et
des
humaine
courant
aérienne
le

Photo spécial.
l'influence
photo,
348 BOTANIQUE

agronomiques ou fo-
restiers et la lenteur
des travaux de sys-
tématique ont, à di-
verses reprises, bou-
leversé cet ordre; il
arrive ainsi d'entre-
prendre l'examen
des associations vé-
gétales d'une région
en même temps que
son inventaire flo-
ristique, ce qui n'est
pas sans entraîner
certains inconvé-
nients. D'autre
part, l'emploi des
ouvrages de systé-
matique, dont les
clefs dichotomiques
reposent générale-
ment sur des carac-
tères tirés des
fleurs ou des fruits,
s'avère, de ce fait,
souvent malaisé sur
le terrain, les étu-
des phytosociologi-
ques impliquant, en
effet, la détermina-
tion de la plupart
Fouillis inextricable composant le sous-bois d'une forêt marécageuse. Environs d'Eala. des espèces végéta-
à l'état
(Service de l'Information du Congo Belge. Photo Cdt DANDOY,) les, même

prise tout récem-


ment par l'Institut
National pour
l'Etude Agronomi-
que du Congo Belge
(1. N. E. A. C.) et le
(Jardin Botanique
de l'Etat à Bruxel-
les, viendra très
heureusement com-
bler petit à petit
cette lacune. Une
saine logique eut
commandé de consa-
crer tous les efforts
en premier lieu à
terminer l'inven-
taire floristique de
la Colonie et d'en-
treprendre ensuite
l'étude des groupe-
ferme traduisant à merveille
ments. L'urgence de Aspect général d'une forêt tropicale hétérogène de terre
certains l'extraordinaire richesse de la végétation. Yangambi. (Photo Louis.)
problèmes
BOTANIQUE 349

Forêt rivulaire lianeuse montrant la folle exubérance de la végétation. Yangambi.


(Congopresse. Photo LEBlED.)
350 BOTANIQUE

stérile. Il est souhaitable, dès lors, que, dans Recherche Scientifique en Afrique Centrale)
la mesure du possible, les systématiciens ainsi que la constatation relativement nouvelle
basent également leurs clefs sur de bons de l'énorme intérêt pratique que présentent
caractères végétatifs et écologiques faciles à les travaux de phytosociologie en agriculture
observer. et en sylviculture tropicales.

Enfin, d'autres raisons peuvent encore être Grâce à diverses mesures récentes, il est
invoquées, notamment la pauvreté en person- vraisemblable que d'ici quelques années les
nel scientifique compétent, la création plutôt lacunes en ce domaine de la botanique colo-
récente des organismes chargés des recherches niale seront peu à peu comblées et qu'une
(Institut des Parcs Nationaux du Congo synthèse de nos connaissances pourra, dès
Belge, Institut National pour l'Etude Agro- lors, être tentée avec plus de succès et
nomique du Congo Belge, Institut pour la d'exactitude.

B. — METHODES DE TRAVAIL. - CRITIQUES. - CONCLUSIONS.

METHODES DE TRAVAIL. des monographies agricoles régionales rédi-


gées par des agronomes. Des études plus
Dans l'étude des groupements végétaux, récentes et plus fouillées, dues notamment à
diverses méthodes peuvent être utilisées. La HAUMAN,LEBRUN, ROBYNS et, il y a peu, à
plupart des travaux effectués en ce domaine, DUVIGNEAUD et GERMAINainsi que, dans une
au Congo Belge, reposent soit sur la descrip- moindre mesure, à VANDERYST,établissent
tion des aspects de la végétation (méthode déjà une transition avec l'autre méthode.
physionomique) soit sur l'analyse des asso-
ciations végétales (méthode floristique). LES ASSOCIATIONS VEGETALES.
Dans les lignes suivantes, ces deux métho- En des temps relativement proches, s'est
des, qui chacune a ses adeptes, seront aux dépens de la géographie
développée,
sommairement analysées et quelques-uns de botanique, une discipline nouvelle, la phyto-
leurs principaux avantages et inconvénients sociologie, dont le but consiste à mettre en
mis en lumière.
évidence, à décrire de façon détaillée et à
interpréter les divers types de végétation.
LES ASPECTS DE LA VEGETATION. Des divergences sur les méthodes à employer
Les tenants de cette méthode décrivent les ont longtemps séparé diverses écoles, mais
divers aspects de la couverture végétale des elles tendent peu à peu à s'estomper. De
régions qu'ils ont traversées ou dans lesquelles nombreuses discussions ont abouti à l'établis-
ils ont séjourné quelque temps. Les principaux sement d'une méthode de travail que domi-
types de végétation dominants sont cités et nent actuellement les conceptions de BRAUN-
plus ou moins longuement analysés. Des listes BLANQUET.
d'espèces, rencontrées lors du passage et plus Ce procédé d'analyse de la végétation re-
ou moins complètes selon les auteurs, sont pose, en ordre principal, sur l'idée d'associa-
jointes aux descriptions. Dans les travaux tion végétale. La conception de cette unité
bien faits, ces listes comprennent surtout les phytosociologique, abstraite tout comme celle
espèces dominantes ou typiques de certains de l'espèce, est, comme celle-ci, difficile à
aspects de la végétation. On peut dire, en définir. C'est, si l'on peut dire, un « groupe-
somme, que, dans ses très grandes lignes, ment végétal de composition floristique plus
cette méthode consiste en une description ou moins constante, ayant une structure
physionomique du paysage. déterminée et liée à des conditions de milieu
La plupart des études effectuées au Congo également plus ou moins constantes ».
Belge reposent sur cette méthode. Ce sont La reconnaissance d'une association s'opère
notamment tous les anciens travaux des bota- par l'établissement de relevés phytosociolo-
nistes envoyés en mission qui, pour la pre- giques d'un certain nombre d'individus. Ces
mière fois, parcouraient certaines régions ; relevés consistent en l'inventaire floristique
citons, entre autres, les mémoires d'E. et détaillé, selon des méthodes bien définies,
M. LAURENTet de divers explorateurs étran- d'une certaine superficie (carré d'essai)
gers dont surtout FRIES, MILDBRAED,THONNER bien représentative du groupement et com-
et VON GOETZEN,ainsi que certains chapitres prenant le maximum de composantes. Au
BOTANIQUE 351

Association à Euphorbia prostrata et Portulaca quadrifida


(Portulaceto — Euphorbietum prostratae).

Numéro du relevé LÉONARD74


Date 4 novembre 1947
Endroit Stanleyville, village des Wagenia, terrain
piétiné entre les cases
Surface relevée 10 m2
Recouvrement de la végétation 70
Hauteur de la végétation 5-40 cm

Caractéristiques de l'association

4.4 Portulaca quadrifida


2.1 Euphorbia hirta
1.1 Euphorbia prostrata
1.1 Alternanthera repens

Caractéristiques de l'alliance (Eleusinion indicae)

1.1 Eleusine indica *

1.1 *
Sporobolus Molleri
1.1 Amaranthus dubius
+.1 Amaranthus spinosus
+.1 Chenopodium ambrosioides

Caractéristiques de l'ordre (Bidentetalia pilosae) et de la classe (Rudereto-


Manihotetea pantropicalia)

1.1 *
Cyperus sphacelatus
1.1 Ageratum conyzoides (plantules)
+.1 *
Paspalum conjugatum
+.1 Alternanthera sessilis

* Pionnières du Rudereto-Eleusinetum.

Exemple de relevé phytosociologique : le premier chiffre traduit l'abondance-dominance,


le second la sociabilité.
352 BOTANIQUE

moyen d'un système conventionnel de chif- ments végétaux. C'est ainsi que les associa-
fres, des caractères analytiques très précis tions affines sont groupées en alliances
sont donnés pour toutes les espèces de chaque (suffixe -ion), les alliances affines en ordres
individu d'association; les plus importants (suffixe -etalia) et, enfin, les ordres en
sont l'abondance-dominance et la sociabilité. classes (suffixe -etea).
Les notions d'abondance (appréciation Ce mode de classification, quelque peu
relative du nombre des individus d'une même rébarbatif au premier abord, permet non
espèce) et de dôminance (étendue occupée seulement de mettre de l'ordre dans nos
ou couverte par les individus d'une même connaissances, de souligner les affinités et les
espèce) sont appréciées globalement d'après différences des associations entre elles mais
l'échelle suivante : surtout de déterminer la signification socio-
logique des espèces. Ces dernières, en effet,
+ Individus rares ou très rares, recou- peuvent être classées en :
vrement très faible.
1 Individus assez abondants mais degré — espèces si leur opti-
caractéristiques
de recouvrement faible. mum de vitalité et d'abondance est réalisé
2 Individus très abondants ou recou- au sein d'un groupement (association, alliance,
vrant au moins 1/20 de la surface. ordre, classe);
3 Nombre d'individus quelconque, re- - espèces compagnes si elles se retrou-
couvrant de 1/4 à la 1/2 de la
vent dans divers groupements sans présenter
surface.
aucun optimum;
4 Nombre d'individus quelconque, re-
couvrant de la 1/2 aux 3/4 de la — espèces différentielles si, sans être
surface. caractéristiques, elles se rencontrent dans un
5 Nombre d'individus quelconque, re- groupement à l'exclusion des groupements
couvrant plus des 3/4 de la surface. affins. (Voir exemple, tableau p. 351.)
La sociabilité, qui indique la façon dont Les espèces caractéristiques
sont disposés les individus d'une même espèce « individualisent floristiquement les groupe-
les uns par rapport aux autres, se traduit ments (association, alliance, ordre ou classe)
ainsi : et constituent les éléments essentiels de leur
1 Individus isolés. diagnose. Elles sont, dans leur ensemble, les
meilleurs indicateurs de l'écologie de l'asso-
2 Individus en groupe. ciation. Elles permettent d'apprécier le stade
3 Individus en troupe. de développement d'une association et autori-
4 Individus en petites colonies. sent des déductions sur la dispersion présente
5 Individus en peuplement. et antérieure d'une association déterminée »
La comparaison des relevés de plusieurs (BRAUN-BLANQUET ).
individus d'une même association permet la Les associations, elles-mêmes, tout comme
mise en évidence de caractères synthétiques les espèces, peuvent se subdiviser en unités
comme la présence qui s'établit d'après inférieures d'après leur composition floristi-
l'existence ou l'absence d'une espèce dans tous que et leur écologie; il existe ainsi :
les relevés d'une même association. - des sous-associations (suffixe -etosum)
Les associations ainsi individualisées sont
qui se distinguent de l'association par un
dénommées par une ou deux espèces dominan- différentielles ;
ensemble d'espèces
tes ou caractéristiques (exemple : association
à Euphorbia prostrata et Portulaca quadri- — des variantes qui se caractérisent par
fida) soit par le radical du nom générique quelques différentielles ;
d'une espèce suivi du suffixe -etum, le nom — des facies où domine une seule espèce
spécifique étant au génitif (exemple : Pani- normalement présente dans l'association et
cetum maximi). accompagnée d'un ensemble spécifique nor-
Elias sont ensuite groupées selon leurs mal permettant de rattacher le facies à l'asso-
affinités floristiques en unités supérieures ciation. Le facies se distingue ainsi du
correspondant à des conditions écologiques peuplement dans lequel l'espèce dominante
déterminées. Une véritable systématique phy- n'est pas accompagnée d'un ensemble spéci-
tosociologique a dû être établie afin de tra- fique permettant de rattacher ce groupement
duire les rapports entre les divers groupe- à une association. (Voir exemple, tabl. p. 353.)
aCleS faciès facies
ngeron facies
Facies a
divers divers diversfloribundus -------------
divers
f
aCles
--
;
et D
yperus
nCyperus
,yperus type
G Paspalum
aa facies a
Variantes zeylanica Var.
Sphenoclea
imbricatus
ar.
Var. ar.
, 1 -

ae
rat.
typtcumprostratae
prost,Portulaceto-
Euphorbietum
Sous-Associations
prostratae Molluginetosum
Euphorbietum j
I 1fIEuphorbietum Digitaria
alba divers
et groupements.
laris nigrummo~tm' à
letuni des
Eclipta Galinsoga
Basilicum à
à
Associations Eclipteto- prostratae Rudereto- Talinelum purpurei abyssinica
cylindricaz
et Struchietum Portulaceto-
Portulaceto- EleusinetumPaspa
Amarantheto- triangu parviflora Imperatetum
Pennisetetum
Euphorbietum Synedrelletum
Ass. Solanum
Panicetum
Ass. Ass.
classification
>• osae
albae inaicae conjugatum de
coniugati
Paspaletum pt maximi
----------
D.j
Alliances •
i- ---~ abyssinicae
Exemple
Ecliption Panicion Digitarion
Eleusinion Bidention
i i D

Ordres pilosae conjugati


Bidentetalia abyssinicae
Digitarietalia
raspahon
polystachyon ! Euphorbieium P; ;

Classe
anihotetea
Rudereto-
Mpantropicalia
354 BOTANIQUE

Il ne faut pas perdre de vue, ensuite, que ces régions sauf pour quelques formations
la végétation évolue et que l'association n'est, forestières ombrophiles denses où elles doivent
en réalité, qu'une étape plus ou moins stable subir de légères adaptations (Louis 1), le choix
dans cette évolution. L'enchaînement de ces de la surface à relever ainsi que ses dimen-
étapes vers un groupement déterminé consti- sions soulevant parfois, en effet, certaines
tue une série. L'étude de l'évolution de la difficultés.
végétation (syngénétique) a mis en évidence La plupart des travaux, encore peu nom-
diverses notions importantes, notamment : breux cependant, consacrés à la phytosociolo-
gie congolaise comportent la description
— le climax ou groupement final le plus détaillée des associations, des données souvent
stable, en harmonie avec les conditions clima- très précises sur l'écologie de chacune d'elles
tiques environnantes et vers lequel tend et surtout des listes très complètes des espèces
l'évolution naturelle des groupements végé- composantes. Un séjour suffisamment long
taux ; il est le groupement vers lequel se des auteurs de ces études dans une même
rapprochent les séries progressives. C'est région leur a généralement permis d'établir
ainsi que dans la plupart des régions du des carrés d'essai permanents, d'observer
Congo Belge, le climax est une formation ainsi les groupements à diverses époques de
forestière vers laquelle tend naturellement à l'année et de compléter par là leurs listes
évoluer toute végétation (exemple : l'associa- d'espèces. Les études les plus importantes
tion à Euphorbia Dawei dans la plaine du basées sur cette méthode sont dues principale-
Lac Edouard) ; ment à LEBRUNainsi que, plus récemment, à
— le paraclimax LÉONARD,MULLENDERS,TATON, DUVIGNEAUD et
ou association finale SCHMITZ.
sur des sols pauvres (exemple : l'association
à Canarium Schweinfurthii sur sols jaunes
granitiques dans l'entre Luembe-Lubilash); CRITIQUES
DES METHODES DE TRAVAIL.
— l'anticlimax ou association ultime des
séries régressives c'est-à-dire des séries qui
Les deux méthodes de travail examinées
s'éloignent du climax (exemple : l'association dans le paragraphe précédent présentent
à Sopubia densiflora et Andropogon schiren- chacune des avantages et des inconvénients.
sis dans l'entre Luembe-Lubilash) ;
Passons-les rapidement en revue et essayons
— le subclimax ou groupement perma- de dégager de cet examen quelques conclu-
nent : groupement dont l'évolution vers le sions si possible d'intérêt pratique.
climax est retardée par des facteurs dont
l'action s'exerce d'une manière plus ou moins LES ASPECTS DE LA VEGETATION.
durable, par exemple par le feu, le sol, la — Le principal avantage de
Avantages.
pente, les animaux, le pâturage. La plupart cette méthode tient à la rapidité d'exécution.
des savanes congolaises constituent ainsi des Ce procédé, en effet, basé presque uniquement
subclimax.
sur la description physionomique du paysage,
permet de donner, en un temps relativement
On voit, en conclusion, après ce sommaire bref, un premier .aperçu général de la végéta-
aperçu phytosociologique, que ce procédé tion. Cet avantage est particulièrement
d'étude repose sur une analyse floristique et isensible au Congo Belge dont l'immensité
écologique serrée de la végétation d'où dé- déjà signalée du territoire constitue un sérieux
coule l'établissement des associations; la
handicap. L'étude des aspects de la couver-
méthode de travail est, de plus, soigneusement ture végétale facilite également l'établisse-
réglementée et se traduit par une terminologie ment, à larges traits, de la classification des
assez complexe. types de végétation et, par là même, l'esquisse
Ces méthodes phytosociologiques, mises au générale des subdivisions phytogéographiques.
point dans les régions tempérées surtout, sont
d'introduction récente en Afrique tropicale
où le Congo Belge et certains territoires
les premiers à les (1) J. Louis, Rapport de la Division de Botanique,
français sont pratiquement Rapport Annuel pour l'exercice 1938, Publ. Inst. Nat.
préconiser. Elles semblent applicables dans Et. Agron. Congo Belge, p. 17 (1939).
BOTANIQUE 355

Enfin, le plus grand mérite de cette façon de En effet, si la similitude de types de végéta-
procéder, surtout en des régions encore incom- tion de régions différentes apparaît assez
plètement connues comme l'Afrique tropicale, clairement à la lecture des descriptions, la
consiste à permettre l'établissement rapide confrontation de leur composition floristique
d'une carte schématique de la répartition des est, par contre, beaucoup moins réalisable.
divers types de végétation. Semblables cartes D'autre part, les cartes de végétation établies
existent déjà d'ailleurs pour certains pays par région ou même par pays ne se juxtapo-
d'Afrique centrale voisins du Congo Belge, sent pas toujours, au point que certains ont
notamment l'Angola, la Rhodésie du Nord et proposé tout récemment (WIGG 2) l'uniformi-
le Territoire du Tanganyika. sation de la méthode de travail à l'échelle
Les avantages de cette méthode de travail 'de l'Afrique tropicale.
paraissent donc multiples, surtout dans une Enfin, inconvénient non négligeable, les
région comme notre Colonie où la classifica- résultats pratiques au point de vue agricul-
tion des types de végétation est encore in- ture et sylviculture tropicales sont moins
complètement établie, où les données phyto- immédiats et paraissent moins évidents.
géographiques reposent toujours sur des bases
imprécises et où les cartes de répartition des LES ASSOCIATIONS VEGETALES.
types de végétation .'sont encore par trop — Les avantages de l'examen
Avantages.
grossières.
sociologique de la végétation correspondent,
Inconvénients. — Les inconvénients, par dans une certaine mesure, aux inconvénients
contre, ne sont pas inexistants. Les résultats de la méthode précédente. L'étude analytique
obtenus par cette méthode sont beaucoup des associations, réglementée par une méthode
moins précis que ceux résultant de l'analyse bien définie, présente, en effet, une précision
phytosociologique. Les types de végétation beaucoup plus grande grâce notamment aux
décrits cachent généralement, en effet, des listes très complètes d'espèces constituantes
.mélanges plus ou moins complexes d'associa- accompagnées de nombreux caractères analy-
tions qui ordinairement ne sont pas individua- tiques. Ces données facilitent grandement la
lisées. Les listes d'espèces sont forcément comparaison des associations de régions dif-
incomplètes et des composantes importantes férentes, leur répartition géographique et leur
peuvent avoir échappé lors d'un premier et classification. Elles fournissent, au surplus,
rapide passage, surtout dans des régions où d'utiles indications pour l'établissement de
les groupements végétaux présentent des as- subdivisions plus naturelles du globe en ter-
pects saisonniers bien marqués. Les espèces ritoires phytogéographiques : « les associa-
sont, en général, citées sans ordre apparent, tions sont la base de la géographie des
leur écologie et bien souvent leur importance plantes » (HAUMAN).
ne sont pas suffisamment mises en évidence. Grâce à son souci d'analyse, ce procédé
De plus, les données, si frappantes à l'esprit,
permet bien souvent la mise en évidence et
d'abondance-dominance, de sociabilité et de même la résolution de problèmes qui, sinon,
présence manquent ordinairement. Par suite auraient passé inaperçus.
de la rapidité d'exécution, des sources d'er-
reurs deviennent possibles dans l'établisse- L'intérêt pratique de la méthode, maintes
ment des étapes de l'évolution de la végéta- fois signalé, est évident. « Chaque association
tion et dans la détermination du climax. étant liée à un milieu déterminé, réciproque-
Enfin, en l'absence d'une méthode coordon- ment la présence de telle ou telle association
née de travail, la précision dans les descrip- indique que le milieu, et particulièrement le
tions est sujette à trop de variations selon sol, possède tel ou tel caractère. On peut donc,
les auteurs et l'uniformisation des résultats en s'appuyant sur la répartition des associa-
généralement non réalisée. tions, se rendre immédiatement compte des
Ce manque de précision et d'uniformité conditions de milieu et par suite des possi-
dans les descriptions entraîne diverses consé-
quences. Certains travaux, même relativement
récents, ne sont, de ce fait, guère utilisables. (2) L. T. WIGG,The urgent need for uniformity in
De plus, la comparaison des travaux avec ceux African Végétation description, Emp. For. Review, 28,
des régions environnantes est rendu malaisé 1, p. 14 (1949); voir aussi ibid., 28, 1, p. 6; 28, 2,
et, par voie de conséquence, moins fructueux. p. 171 et 28, 3, p. 205 (1949).
356 BOTANIQUE

bilités agronomiques de la station considérée » CONCLUSIONS.


(REYNAUD-BEAUVERIE). En d'autres mots, la
phytosociologie souligne et facilite l'étude D'après ce rapide examen critique, on voit
des relations étroites existant entre le sol et que ces deux méthodes, actuellement appli-
sa couverture végétale (synécologie). quées au Congo Belge, ne s'excluent pas mais
se complètent heureusement au contraire. Il
D'autre part, des données syngénétiques eut paru logique, en principe, connaissant la
précises présentent un intérêt majeur non
naturelle ou flore, de consacrer tous ses efforts en pre-
seulement pour la reconstitution mier lieu à l'examen des aspects de la végéta-
artificielle des groupements détruits, mais
tion et, grâce à l'aide efficace de l'aviation, à
aussi pour leur exploitation plus rationnelle. l'établissement, en un minimum de temps,
Une autre conséquence pratique, et de pre- de la carte des types de végétation. Cette
mière importance, de ces connaissances con- étape réalisée — étape et non but -, l'étude
siste en la possibilité de modifier dans un et la cartographie des associations eussent
sens désiré les transformations successives que
pu être entreprises en des régions dont le
subit la couverture végétale. C'est ainsi que choix eût été grandement facilité par les
des essais sont actuellement conduits dans données précédemment acquises. Néanmoins,
notre Colonie en vue de hâter la colonisation sous l'emprise des circonstances et de diver-
des jachères. ses nécessités économiques, l'analyse et même
Enfin, la cartographie des associations, qui la cartographie sociologique de certaines ré-
vient d'être entreprise au Congo Belge, est gions de la Colonie ont été commencées et,
beaucoup plus précise que celle des types de quoique lentes, se sont avérées parfaitement
végétation; elle traduit les relations sol-végé- réalisables. Ces procédés sont plus facilement
tation et présente, en plus d'un indéniable applicables en savane qu'en région forestière
intérêt scientifique, des intérêts pratiques où l'opérateur est sans cesse dominé par
immédiats manifestes (choix des cultures et une végétation follement exubérante. Dans
des terres cultivables principalement). ce cas, l'examen des stades pionniers et
— Ici aussi, divers incon- l'étude des séries permettent cependant de
Inconvénients. démêler peu à peu l'inextricable écheveau
vénients sont à signaler dont principalement
que constituent les forêts denses ombrophiles.
la lentcfur de la méthode. Celle-ci résulte
du On pourrait également, bien que la chose
surtout de sa précision, de l'immensité n'ait pas encore été tentée malgré son
territoire et de la diversité de la végétation
grand intérêt, se livrer à l'examen sociolo-
à étudier ainsi que du manque de flore.
gique de certains types de végétation au
Afin de pallier ces inconvénients dans une travers de toute l'étendue de la Colonie.
certaine mesure, des cartes d'associations vé- Cette façon d'opérer autoriserait l'établisse-
gétales peuvent être établies en diverses ment de la hiérarchie des groupements au
régions soigneusement choisies de la Colonie. sein de ces types et permettrait de préciser
Les surfaces relevables en un temps donné la signification sociologique des espèces
sont néanmoins trop restreintes par rapport constituantes. De toute façon, dans l'état
à l'étendue du territoire, ce qui entraîne, du présent des connaissances, il reste indispen-
moins provisoirement, l'impossibilité d'extra- sable dans les travaux d'authentifier les
polation et, par la même, certaines difficultés espèces les plus importantes par des échan-
dans l'établissement des relations avec les tillons d'herbier de référence.
régions environnantes. En conclusion, il semble actuellement que
L'obligation d'analyser dans un relevé l'application des deux méthodes envisagées
toutes les espèces existantes constitue égale- puisse se poursuivre conjointement au Congo
ment une des causes de la lenteur de la Belge mais que, malgré sa lenteur, la méthode
méthode ; le botaniste ignore à priori, en effet, phytosociologique paraisse la plus rentable
la signification sociologique des espèces, les au point de vue scientifique comme au point
plus importantes n'étant pas nécessairement de vue pratique. Il est à espérer que son
celles qui présentent le plus grand recou- emploi se généralisera bientôt pour toute
vrement. l'Afrique tropicale.
BOTANIQUE 357

C. — LES ASSOCIATIONS VEGETALES.

La synthèse des diverses descriptions des Yangambi (8). Enfin, l'étude des groupe-
aspects de la végétation du Congo Belge a ments forestiers du Haut-Katanga a fait
déjà été tentée à plusieurs reprises. Tout l'objet de notes de DUVIGNEAUD(9) et de
récemment encore, ROBYNS (3) entreprit la SCHMITZ (10).
classification des types de végétation déjà Quoique consacrés à des régions bien diffé-
connus en un système physionomique inspiré rentes de la Colonie et malgré le fait que la
de celui de RÜBEL. Des données détaillées sur plupart des groupements décrits se retrou-
cette question figurent d'ailleurs dans un veront en dehors des zones étudiées, ces tra-
autre chapitre de cette encyclopédie. Par vaux ne représentent encore qu'une faible
contre, aucune vue d'ensemble n'existait contribution à l'étude phytosociologique de la
encore sur les associations végétales recon- végétation congolaise. D'autres études sont en
nues à ce jour dans notre Colonie. Aussi le cours et viendront combler peu à peu les
présent chapitre consiste-t-il en un premier lacunes existantes.
essai de classification synthétique des con- Les associations décrites à ce jour au
naissances déjà acquises. Il rendra vraisem- Congo Belge avec quelque détail (écologie et
blablement plus aisée non seulement l'inter- liste d'espèces constituantes) se répartissent
calation de nouveaux groupements, mais aussi comme suit :
la déduction des études à entreprendre.
1. Végétation aquatique.
Les travaux concernant l'analyse socio-
CLASSEPotametea
logique de la. végétation congolaise sont encore
ORDRENymphaeetalia Loti
peu nombreux et tous récents. Le premier en
date et aussi en importance a été consacré ALLIANCE Nymphaeion Loti
1. Lemneto-Pistietum
par LEBRUNà l'étude de la végétation de la 2. Nymphaeetumafro-orientale
plaine alluviale au sud du Lac Edouard (4). 3. Utricularieto-Nymphaeetum
Une contribution a été apportée par LÉONARD 4.- Eichornieto-Ranalismetum
à l'étude des formations ripicoles de la région
d'Eala (5). Les principales associations her- Il. Végétation pionnière des sables flu-
beuses ainsi que 1a. colonisation des roches viaux périodiquement inondés-exondés.
granitiques de la région de Nioka ont été 1. Acrocereto-Cyperetum
étudiées par TATON (6). Quelques aperçus
préliminaires de la végétation ont été
III. Végétation pionnière des chutes, des
donnés, l'un pour le Haut-Lomami par
MULLENDERS(7), l'autre par LÉONARD pour rapides et des rochers périodiquement
les groupements inondés-exondés.
pionniers de la région de
CLASSESaxopodostemeteapantropicalia
ORDRELeiothylacetalia
(3) W. ROBYNS, Over climax formaties van Belgisch- ALLIANCE 1 Leiothylacion
Kongo, Natuurwet. Tijdschrift, XX, p. 179 (1938); 1. Leiothylaceto-Inversodicraeetum
Idem, Les connaissances actuelles en botanique congo- ALLIANCE II Pennisetion nodiflori
laise, Inst. Recherche Scient. Afr. Centr., Rapport
annuel 1948, p. 153, Bruxelles, sans date (1949?). 1. Biophyteto-Dyschoristetum
(4) J. LEBRUN, La végétation de la plaine alluviale 2. Pennisetetum nodiflori
au sud du Lac Edouard, Inst. Parcs Nat. CongoBelge,
Expl. Parc Nat. Albert, Miss. J. LEBRUN(1937-1938),
fasc. 1, 2 vol. (1947).
(5) J. LÉONARD, Contribution à l'étude des forma- ments (8) J. LÉONARD, Essai de classification des groupe-
tions ripicoles arbustives et arborescentes de la région Ulme végétaux pionniers dans la région de Yangambi,
Congrès National des Sciences, Bruxelles, 1950
d'Eala, Inst. Nat. Etude Agron. Congo Belge, Comptes (sous presse)
rendus Semaine Agricole Yangambi. II. D. 863 (1947). et Aperçu préliminaire des groupements
(6) A. TATON,Les principales associations herbeuses végétaux pionniers dans la région de Yangambi, Vege-
de la région de Nioka et leur valeur agrostologique, tatio, II, 1950 (sous presse).
Bull. Agr. Congo Belge, XL, 2, p. 1884 (1949); Idem, (9) P. DUVIGNEAUD, Les « 'Berlinia » des forêts
La colonisation des roches granitiques de la région claires soudano-zambésiennes, Bull. lnst. Roy. Col. Belge,
de Nioka,-Vegetatio, I, 4-5, p. 317 (1949). - XXI, p. 427 (1950).
(7) W. MULLENDERS in A. -FOCAN et W. MULLENDERS, (10)A. SCHMITZ, Principaux types de végétationfores-
Communication préliminaire sur un essai de carto- tière dans le Haut-Katanga, CongrèsScientifique du
graphie pédologiqueet phytosociologiquedans le Haut- Comité Spécial du Katanga, Elisabethville (1950) (sous
Lomami,Bull. Agr. Congo Belge, XL, 1, p. 511 (1949). presse)
358 BOTANIQUE

IV. Végétation herbacée semi-aquatique. ALLIANCE II Hyparrhenioncymbariae


1. Afronardetum
CLASSEPhragmitetea 2. Ass. à Loudetia arundinacea et Echinops
ORDREPapyretalia gracilis
ALLIANCE 1 Jussieuion 3. Ass. à Hyparrhenia cymbariaet Echinops
1. Jussieueto-Enhydretum amplexicaulis
II Echinochloiontropicale ORDRE B Hyparrhenietalia diplandraz
ALLIANCE 1. Hyparrhenictum diplandrae
]. Leptochloeto-Echinochloelum stagninae
2. Echinochloetum pyramidalis ORDRE C Hyparrhenieto-Terminalietalia
3. Paniceto-Cyperetum flabelliformis ALLIANCE I Hyparrhenion confinis
ALLIANCE III Papyrion 1. Ass. à Acacia campylacanthaet Beckerop-
1. Phragmitetum afro-lacustre sis uniseta
ALLIANCE IV Magnocypsrionafricanum ALLIANCE II Andropogonionschirensis
1. Cypereto-Plucheetum 1. Ass. à Loudetia arundinacea et Ochna
2. Cypereto-Asteracanthetum Debeerstii
3. Groupement à Rhynchospora corymbosa 2. Ass. à Sopubia densiflora et Andropogon
et Polygonum pulchrum schirensis
3. Ass. à Hyparrhenia rufa et Scieria cana-
liculato-triquetra
V. Végétation des sols exondés.
1. Eriochloetum nubicae XI. Végétation des savanes boisées et des
bosquets xérophiles.
VI. Végétation fontinale.
1. Acacielumhebecladoidis
1. Sphaeranthetum suaveolentis 2. Maerueto-Carissetumedulis
3. Acacietum nefasiae
VII. Végétation pionnière des sols tempo-
XII. Végétation des forêts claires.
rairement mouilleux.
ORDRESporoboletalia festivi ORDRE
A Isoberlinietalia Dokae
ALLIANCE 1 Nanocyperion teneriffae ORDRE
B Pseudoberlinio-Brachystegietalia
1. Sporoboletum spicati spiciformis
2. Craterostigmetumnano-lanceolati ALLIANCE
I Xerobrachystegion
3. Portulacetum kermesinae ALLIANCE
II Mesobrachystegion
ALLIANCE II Ilysanthion
1. Ass. à Ilysanthes pulchella et Aeolanthus XIII. Végétation arbustive
repens ripicole.
2. Ass. à llysanthes trichotoma et Bulbo-
stylis polytricha ORDREAlchorneetalia
ALLIANCE I Alchorneion cordatae
1. Groupements transitoires
VIII. Végétation pionnière des éboulis 2. Alchornzetum cordifoliae
meubles. ALLIANCE II Syzygion cordati
1. Syzygieto-Garcinietumpolyanthae
ORDRELycopodietalia cernui ALLIANCE III Phoenicion reclinatae
ALLIANCE Gleichenion 1. Sesbanieto-Phoenicetumreclinatae
1. Gleichenietum linearis 2. Khayetum nyasicac

IX. Végétation pionnière des éboulis et XIV. Végétation forestière riveraine.


des substrats arides.
1. Crotoneto-Kigelietumlanceolatae
ALLIANCE Sarcophorbion afro-tropicale 2. Pterygotetum macrocarpae
1. Cyanoteto-Rhynchelytretumrepentis 3. Uapacetum Heudelotii
2. Xerocarallumetumrwindiense 4. Pachysteletum longepedicellatae
3. Ass. à Cyanotis lanata 5. Ass.à Mitragynastipulosa et Spondianthus
4. Ass. à Aloe sp. et Kalanchoe crenata Preussii var. glaber

X. Végétation des savanes herbeuses de XV. Végétation forestière climacique.


terre ferme parsemées d'arbres ou
d'arbustes ± disséminés. A.
1. Euphorbietum Dawei
ORDRE A Themedetalia triandrae B. ALLIANCE du Canarium Schweinfurthii et
ALLIANCE 1 Themediontriandrae afro-orientale Albizzia Zygia
1. Themedeto-Heteropogonetum 1. Ass. à Klainedoxagabonensiset Pterygota
2. Eragrostidetum paniciformis cf. Mildbraedii
3. Bothriochloetum insculptae 2. Ass. à CanariumSchweinfurthii
BOTANIQUE 359

XVI. Végétation nitrophile, rudérale, mes- 1. - Association à Pistia Stratiotes et


sicole, culturale et postculturale. Lemna paucicostata (Lemneto-Pistie-
CLASSERudereto-Manihoteteapantropicalia tum LEBRUN 1947; voir LÉONARD8).
ORDRE A Bidentetalia pilosae Groupement répandu dans toutes les
ALLIANCE 1 Ecliption albae régions tropicales, colonisant les mares et les
1. Ass. à Eclipta alba et Basilicum polysta- franges des prairies aquatiques dans les anses
chyon
2. Eclipteto-Struchietum calmes, recherchant les eaux stagnantes ou
ALLIANCE II Eleusinion indicae faiblement agitées mais non ou à peine
1. Portulaceto-Euphorbietumprostratae courantes. Se compose de Pistia Stratiotes
2. Rudereto-Eleusinetum (la salade du Nil), Azolla pinnata, Cerato-
3. Amarantheto-Synedrelletum Lemna
phyllum demersum, paucicostata,
ALLIANCE III Paspalion conjugati
1. Paspaletum conjugati Spirodela polyrrhiza, Azolla nilotica, Biccio-
ALLIANCE IV Bidention pilosae carpus natans, Wollfia arrhiza ainsi que de
1. Talinetum triangularis Nymphaea Lotus et d'espèces pionnières de
2. Ass. à Galinsoga parviflora et Solanum l'association à Jussieua repens et Enhydra
nigrum fluctnans.
ALLIANCE V Panicion maximi
1. Panicetum maximi 2. — Association à Nymphaea calliantha
2. Pennisetetum purpurei
3. Imperatetum cylindricae et Nymphaea Mildbraedii (Nymphae-
ORDRE B Digitarietalia abyssinicae etum afro-orientale LEBRUN 1947).
ALLIANCE Digitarion abyssinicae
1. Ass. à Digitaria abyssinica Dans les anses profondes et aux embou-
chures des rivières le long des rivages du Lac
Edouard ainsi que probablement dans la
I. — VEGETATION AQUATIQUE.
plupart des lacs de l'Afrique .centro-orientale
Classe : Potametea Tüxen et Preising se rencontre cette association composée de
1942. nénuphars à fleurs bleu pourpre.
(Végétation des eaux calmes et cou-
3. — Association à Nymphaea Lotus et
rantes) Utricularia
ORDRE : NYMPHAEETAUA LOTI LEBRUN Thonningii (U tricularieto-
1947. Nymphaeetum (LEBRUN 1947) LÉONARD
(Végétation des eaux douces en régions 1950 = Nymphaeetum Loti LEBRUN
paléotropicales et subtropicales). 1947).
ALLIANCE: NYMPHAEION LOTI LEBRUN1947. Mares, anses calmes des larges cours d'eau;
eau stagnante ou
faiblement courante.
Comprend Nymphaea
Lotus (nénuphar à
fleurs blanches) mê-
lés à deux utriculai-
res, Utricularia
Thonningii à fleurs
blanc-violet et Utri-
cularia steïlaris à
fleurs jaunes, ainsi
qu'à Nymphoides sp.
Cuvette congolaise.
4. — Association à
Ranalisma
humile et
Eichornia
natans (Ei-
chornieto-
Ranalismetum
Vue détaillée du tapis herbacé flottant à Pistia Stratiotes et Lemna paucicostata LÉONARD1950).
(Lemneto-Pistietum LEBRUN)avec début d'envahissement par les longs cordons
de Jussieua repens. Vitshumbi, Parc National Albert. Groupement rhéo-
(Coll. I. P. N. C. B. Photo LEBRUN.) phile, localisé aux
360 BOTANIQUE

— VEGETATION
II. PIONNIERE
DES SABLES FLUVIAUX
PERIODIQUEMENT INONDES-EXONDES.

1. - Association à Acroceras zizanoides et


Cyperus maculatus (Acrocereto-Cype-
retum LÉONARD1950).
Association herbeuse colonisant les bancs
de sable périodiquement inondés-exondés des
larges cours d'eau et formée d'espèces rhi-
zomateuses présentant de curieuses adapta-
tions à l'exhaussement périodique du substrat,
Anse calme au sein d'une prairie aquatique à Panicum
Echinochloa pyramidalis colonisée par Nymphaea Lotus principalement repens, Cyperus
(nénuphar) et Utricularia Thonningii( Utricularieto- maculatus, Acroceras zizanoides, Hemarthria
Nymphaeetum (LEBRUN)LÉONARD). Yangambi. natans, etc. Cuvette centrale.
(Photo LouisJ

rivières peu profondes à courant


assez rapide. Se compose de Ranalis-
ma humile, Eichornia natans, Pota-
mogeton octandrus, Crinum natans,
Ottelia ulvifolia. Cuvette centrale.

La végétation flottante à Potamo-


geton Richardi (synonyme de P.
nodosus), signalée par LEBRUN(4, 11)
dans les lacs-cratères au pourtour
du volcan Nyiragongo, appartient
vraisemblablement à une autre
alliance de l'ordre des Nymphaeeta-
lia Loti.

Aspect des chutes de la Tshopc sur les rochers desquelles se


une curieuse associationà podostemacées(Leiothylaceto-
(1])J. LEBRUN, La végétation du Nyiragon- développe Inversodicraeetum LÉONARD). Stanleyville.
go, Inst. Parcs Nat. Congo Belge, Aspects de (Photo LÉONARD.)
végétation, Sér. I, Parc Nat. Albert, vol. I,
fasc. 3-4-5 (1942).
III. — VEGETATION PIONNIERE
DES CHUTES,
DES RAPIDES ET DES ROCHERS
PERIODIQUEMENT INONDES-EXONDES.

Classe : Saxopodostemetea pantropi-


calia Léonard 1950.

(Régions tropicales et subtropicales).

ORDRE : LEIOTHYLACETALIA LEONARD


1950.
ALLIANCE1 : LEIOTHYLACION LÉONARD1950.
Banc de sable du fleuve récemmentexondé en voie de (Végétation pionnière prostrée des ro-
colonisation par Cyperus maculatus (la cypéracée chers ± violemment battus par les
dressée en fleurs) accompagné de diverses plantes
eaux et exondés durant des périodes
(Acrocereto-CyperetumLÉONARD).Yangambi.
(Photo LouisJ nulles à relativement courtes).
BOTANIQUE 361

1. - Association à Leiothylax quan-


gensis var. longifolia et Inver-
sodieraea congo 1 ana
(Leiothylaceto - Inversodicraeetwn
LÉONARD1950).
Association très particulière, dévelop-
pée uniquement dans les chutes ou les
rapides et composée de podostemacées
(Leiothylax quangensis var. longifolia,
Invefsodicraea congolana, Tristicha al-
ternifolia), d'algues vertes filamenteuses
et de cyanophycées formant un revête-
ment glissant sur les rochers. Les
podostemacées sont de curieuses plantes
ayant l'aspect d'algues ou de mousses.
Elles vivent accrochées aux rochers dans Détail d'un rocher des chutes de la Tshopo balayé par l'eau
des eaux très aérées où leurs tiges sont et colonisé par diverses podostemacées (Leiothylaceto-
Inversodicraeetum LÉONARP). Stanleyville.
(Photo LÉONARD.;

1. - Association à Biophytum
Zenkeri et Dyschoriste Per-
rottetii (Biophyteto - Dyscho-
ristetum LÉONARD 1950).
Végétation peu élevée (10-70 cm.),
caractérisée notamment par Biophy-
tum Zenkeri, Dyschoriste Perrottetii
et Lepidagathis laguroidea. Cuvette
centrale.

la. - Sous-association à Era-


grostis fluviatilis (Biophy-
teto - Dyschoristetum
Eragrostidetosum fluviatilis
Rochers périodiquement inondés-exondés, soumis à un courant LÉONARD1950).
violent et colonisés par Eragrostis fluviatilis et Dyschoriste
Perrottetii (Biophyteto-DyschoristetumEragrostidetosum fluviatilis Sous-association caractérisée par
LÉONARD). Stanleyville, chutes de la Tshopo. Eragrostis fluviatilis, graminée à
(Photo LÉONARD.)

couvertes de boutons qui attendent la


baisse des eaux pour s'épanouir; les
rochers exondés se couvrent ainsi, en
quelques jours, d'un tapis rosé du plus
ravissant effet. Cuvette centrale et
vraisemblablement large distribution en
Afrique tropicale.

ALLIANCEII : PENNISETIONNODIFLORI
LÉONARD1950.

(Végétation érigée des rochers


soumis à un courant ± rapide
ou ± agité, complètement re-
couverte par les hautes eaux
Vue d'ensemble d'un peuplement dense, de 2-3 m. de hauteur,
mais exondée durant des pé- de Pennisetum nodi.florum sur les rochers des rapides de
riodes plus longues que dans l'Aruwimi (Pennisetetum nodiflori LÉONARD). Yambuya.
l'alliance précédente). (Photo LÉONARD.)

12*
362 BOTANIQUE

gros touradons radiculaires étroitement anses calmes et comprenant principalement


adhérents à la roche, par des cyanophycées, Ipomaea aquatica, Commelina diffusa, Jus-
des lichens et divers bryophytes. sieua repens, Enhydra fluctuans, Neptunia
prostrata, etc., toutes herbes envahis-
santes longuement étalées sur l'eau.
Cuvette centrale.
ALLIANCEII : ECHINOCHLOION TROPI-
CALELÉONARD1950.
(Eaux profondes, au moins du-
rant une partie de l'année —
Végétation étalée, à extrémités
dressées, formant prairies
aquatiques)
1. — Association à Leptochloa coeru-
îescens et Echinochloa stagnina
(Leptochloeto - Echinochloetum
stagninae LÉONARD1950).
Touffesde Pennisetum nodiflorum sur les rochers des rapides Groupement presque entièrement re-
de l'Aruwimi. (Pennisetetumnodiflori LÉONARD;. Yambuya. couvert par les hautes eaux, colonisant
(Photo LÉONARD.)les bancs de vase et les endroits envasés
lb. — Sous-association des bancs de sable disséminés au long
typique (Biophy- des larges cours d'eau. Comprend une phase
teto - Byschoristetum t y p i c u m initiale
LÉONARD1950). avec Leptochloa coerulescens (opti-
mum), Echinochloa stagnina et Sacciolepis
Végétation surtout localisée dans les interrupta et une phase optimale (ou prairie
pentes ± sablonneuses des rochers. Pré- aquatique à Echinochloa stagnina) compo-
sence exclusive de Biophytum Zenkeri et
de Lepidagathis laguroidea.

2. — Association à Pennisetum nodiflorum


(Pennisetetum nodiflori LÉONARD1950).
Groupement très caractéristique, composé
d'un peuplement dense de 2-3 m. de hauteur
de Pennisetum nodiflorum accompagné d'ar-
bustes et de lianes diverses et localisé exclu-
sivement aux rochers des rapides. Cuvette
centrale et vraisemblablement tous les
Districts guinéens de la Colonie.

iy. VEGETATION HERBACEE


SEMI-AQUATIQUE.
Classe : Phragmitetea Tüxen et Mare envahie par un tapis herbacé
Preising 1942. flottant où dominent Ipomaeaaquatica et
ORDRE : PAPYRETAUA LEBRUN 1947. Jussieua repens ( Jussieueto-Enhy
dretum
(Végétation herbacée semi-aquatique en LÉONARD) ; à l'arrière-plan, frange
arbustive à Aechynomene puis forêt
régions tropicales et subtropicales
périodiquement inondée. Yangambi.
africaines) (Photo MOUREAU et LÉONARD.)
ALLIANCEI : JUSSIEUIONLÉONARD1950.
(Bords des eaux — Végétation étalée). d'Echinochloa
sée presque uniquement stag-
1. — Association à Jussieua repens et nina accompagné de Leptochloa coerulescens,
Enhydra fluctuans (Jussieueto-Enhy- Sacciolepis interrupta et Panicum glabres-
dretum LÉONARD1950). cens. Cuvette centrale mais peu fréquent et
Association formant tapis flottant aux n'occupant généralement que des surfaces
bords des eaux, dans les mares ou dans les réduites.
BOTANIQUE 363

2. — Association à Echinochloa pyrami-


dalis (Echinochloetum pyramidalis
LÉONARD1950).
Végétation jamais entièrement submergée
en période de crue, occupant les bancs de
sable des larges cours d'eau, les mares en
voie d'atterrissement ou formant d'étroites
franges en bordure des groupements ripicoles
ligneux. Les principales composantes sont des
graminées présentant de remarquables adap-
tations à l'exhaussement du substrat et aux
fluctuations du plan d'eau. Diverses varian-
tes existent, dépendant notamment du régime
des eaux et caractérisées par la dominance
quasi-absolue d'une espèce. Tous les Districts Prairie aquatique à Echinochloa pyramidalis au bord
guinéens congolais. du fleuve (Echinochloetum pyramidalis LÉONARD) ; à
l'arrière-plan, groupement dressé à CyperusPapy-
:.Ii rus subsp. zairensis. Yangambi. (Photo LoUIs.)

sentée principalement dans les mares


ou les anses calmes en voie d'atterris-
sement.
3. - Association à Panicum Meyeria-
num et Cyperus flabelliformis
(Paniceto - Cyperetum flabellifor-
mis LEBRUN 1947).
Association composée d'herbes flot-
tantes formant une étroite frange ripi-
cole le long des rivières et composée
principalement de Cyperus flabellifor-
mis, Paspalidium geminatumy Panicum
trichocladum, Panicum Meyerianum et
Prairie aquatique à Vossia cuspidata non loin des rapides de Leersia hexandra. Plaine du Lac
l'Aruwimi à Yambuya (Echinochloetum pyramidalis LÉONARD Edouard et vraisemblablement Région
variante à Vossia cuspidata). (Photo LÉONARD.) soudano-zambésienne.

— prairie aquati-
que à Echinochloa
pyramidalis: varian-
te de loin la plus
fréquente, très com-
mune, occupant sou-
vent de larges éten-
dues.
— prairie
aquati-
que à Vossia cuspi-
data : variante rare
dont l'optimum est
atteint en eau pro-
fonde à proximité
des chutes ou des
rapides.
— prairie
aquati-
que à Leersia
hexandra : variante Frange ripicole flottante à Paspalidium geminatum et Panicum Meyerianum
(Paniceto-Cyperetum flabelliformis LEBRUN).May-ya-Moto, Parc National Albert.
peu fréquente, repré- (Coll. I. P. N. C. B. Photo LEBRUN.)
364 BOTANIQUE

aux embouchures des rivières sous forme de


petits massifs denses où domine un grand
roseau de 4-5 m., Phragmites mauritianus,
accompagné d'un cortège floristique fragmen-
taire composé notamment de lianes diverses.
Groupement encore incomplètement défini,
représenté dans la plaine du Lac Edouard
et dans la cuvette centrale ainsi que, vrai-
semblablement, en Afrique tropicale.

Les groupements à Cyperus Papyrus subsp.


zairensis et à Pennisetum purpureum, for-
mant des plages peu étendues aux bords des
eaux dans la cuvette centrale, ainsi que les
groupements à Typha angustifolia subsp.
australis et les marécages à Cyperus Papyrus
subsp. div. des régions orientales appartien-
nent également à cette alliance.
ALLIANCEIV : MAGNOCYPERION AFRICANUM
LEBRUN 1947.
(Plan d'eau superficiel - Végétation
palustre)
1. — Association à Cyperus laevigatus et
Pluchea Bequaertii (Cypereto-Pluche-
etum LEBRUN 1947).
Groupement ± halophile, très caractéris-
tique, colonisant les bords des ruisseaux et
des mares alimentés par des sources hydro-
thermales et à dominance de Cyperus laevi-
Fragment de roselière à Phragmites mauritianus le long gatns, Pluchea Bequaertii ainsi que de Plu-
des îles du fleuve (Phragmitetum afro-lacustre LEBRUN) chea ovalis et Cyperus dives. Plaine du Lac
Yangambi. (Photo Louis., Edouard.

Diverses prairies aquatiques sommairement 2. — Association à Cyperus articulatus et


décrites par LEBRUN et ROBYNSet signalées Asteracantha longifolia (Cypereto-
dans les rivières de la Région guinéenne sont Asteracanthetum LEBRUN 1947).
également à ranger dans cette alliance; il Association paludicole, de 60-120 cm. de
s'agit notamment de la prairie aquatique à haut, occupant en savane les dépressions où
Sacciolepis interrupta (LEBRUN12; ROBYNS13) s'accumulent les eaux de pluie ou constituant
et de la prairie aquatique à Oryza Barthii
(ROBYNS13).
ALLIANCEIII : PAPYRIONLEBRUN1947.
(Eaux profondes, au moins durant une
partie de l'année — Végétation dres-
sée formant roselières).
1. — Association à Phragmites mauritianus
(Phragmitctum afro-lacustre LEBRUN
1947).
Végétation rencontrée le long des rives et

(12) J. LEBRUN, Répartition de la forêt équatoriale et


des formations végétales limitrophes, Publ. Ministère
Colonies,Bruxelles (1936).
(13) W. ROBYNS, Contribution à l'étude des forma- Massif de Pennisetum purpureum au sein d'une prairie
tions herbeuses du District forestier central du Congo aquatique à Echinochloa pyramidalis. Yangambi.
Belge, Inst. Roy. Col. Belge, Mém. in 4°, V, 1 (1936). (Photo LOUIS.)
BOTANIQUE 365

la frange externe de la végétation herbeuse V. - VEGETATION DES SOLS EXONDES.


ripicole autour des mares et des étangs.
Asteracantha 1. — Association à Eriochloa nubica
Cyperus articulatus, longifolia,
(Eriochloetum nubicae LEBRUN 1947).
Cyperus Haspan, Leersia hexandra et Echi-
nochloa pyramidalis subsp. Robynsianum Végétation colonisant les mares superfi-
notamment sont parmi les espèces les plus nielles s'asséchant périodiquement et com-
importantes de ce
groupement connu
seulement, jusqu'ici,
de la plaine du Lac
Edouard.

3. — Groupement à
Rhynchospora
corymbosa et
Polygonum
pulchrum( voir
LÉONARD8).
Petites dépressions
en forêt dense dans
la région de Yangam-
bi; plan d'eau super-
ficiel (eau météori-
que ).

Les prairies aqua-


tiques à Jardinea
congensis citées par
ROBYNS (13) dans le
District forestier cen- Groupement à Cyperus Papyrus au bord des eaux; à l'avant-plan groupement à
tral appartiennent Nymphaea; à l'arrière-plan galerie forestière à Phoenix reclinata. Lac Ndaraga
vraisemblablement à (Mokoto), Parc National Albert.
cette alliance. (Coll. 1. P. N. C. B. Photo DEWITTE.)
posée principalement
d'Eriochloa nubica,
Diplachne Dummeri,
Heteranthera Kot-
'schyana, Marsilea
diffusa, diverses cy-
peracées ainsi que
d'Echinochloa pyra-
midalis subsp. Ro-
bynsianum. Plaine du
Lac Edouard.

Vï.
VEGETATION
FONTINALE.
1. — Association à
Sphaeranthus
suaveolens
(Sphaeranthe-
tum suaveolen-
Dépressionen savane occupée par un marais où dominent Leersia hexandra, Cyperus tis LEBRUN
articulatus et Asteracantha longifolia (Cypereto-AsteracanthetumLEBRUN). Katanda,
Parc National Albert. 1947).
(Coll. 1. P. N. C. B. Photo LEBRUN.) Groupement her-
366 BOTANIQUE

1. — Association à
Sporobolus
spicatus (Spo-
roboletum spi-
cati LEBRUN
1947).
Végétation pion-
nière des sables
périodiquement hu-
mectés déposés lors
des crues torrentiel-
les sous forme de
cônes de déjection au
pied des escarpe-
ments. Cortège flo-
ristique pauvre,
composé surtout de
Sporobolus spicatus,
Sporobolus sp., Cype-
A l'avant-plan, végétation pionnière à Sporobolus spicatus et CynodonDactylon sur rus Teneriffae, Cyno-
sable périodiquement submergé (Sporoboletum spicati LEBRUN).May-ya-Moto, don Dactylonr etc.
Parc National Albert. (Coll. I. P. N. C. B. Photo LEBRUN.)Adaptation à l'ensa-
blement périodique.
- -
beux, dense, de ± 30 cm. de haut, développé Plaine du Lac Edouard.
dans les lits d'éboulis et de graviers recou-
verts d'une nappe d'eau vive superficielle, 2. — Association à Craterostigma nanum
à dominance de Sphaeranthus suaveolens et et Craterostigma lanceolatum (Crate-
de Pycreus elegantulus accompagnés de diver- rostigmetum nano-lanceolati Lebrun
ses espèces nitrophiles. Pied des escarpements 1947).
bordant la plaine du Lac Edouard. Groupement remarquable, développé géné-
ralement sur de petites surfaces sur des sols
Vn. — VEGETATION PIONNIERE DES sablonneux ou des limons parsemés de graviers
SOLS TEMPORAIREMENT MOUILLEUX. et se présentant sous forme d'un gazonnement

ORDRE: SPOROBO-
LETALIA FESTIVI
LEBRUN 1947.

(Végétation pion-
nière des sols
alternative-
ment mouil-
leux et arides)

ALLIANCE NANO-
CYPERION TENE-
RIFFAE LEBRUN
1947.
(Végétation des
terrains sa-
blonneux ou
argileux à
phase d'hu-
mectation - re- Pelouserase à Craterostigma nanum et Craterostigma lanceolatum (Craterostigmetum
A l'arrière-plan, savane herbeuse à Themeda triandra avec
nano-lanceolatiLEBRUN).
lativement grandes touffes de Cymbopogon Afronardus. Kwabembe, Parc National Albert.
courte) (Coll. P. N. C. B. Photo LEBRUN.)
BOTANIQUE 367

Groupement pionnier des


substrats argileux alterna-
tivement mouilleux et
arides à dominance de
Portulaca kermesina et
Portulaca quadrifida (Por-
t u lacetum kermesinae
LEBRUN) ; çà et là quel-
ques touffes de graminées
Bothriochloa insculpta.
Rwindi, Parc National
Albert.
(Coll. P. N. C. B.
Photo LEBRUN.)

très ras (3-6 cm.) piqueté çà et là d'herbes


plus élevées. Nombreuses caractéristiques
dont plusieurs Craterostigma (C. nanum,
C. lanceolatum, C. purpureum), Cyperus Te-
neriffae, deux Indigofera (I. parvula, I. circi-
nella), Polygala C'rioptera, Ilysanthes nana
accompagnés notamment de divers Sporobolus
(8. spicatus, S. festivus var. fibrosus, 8. sp.),
Microchloa indica, Bryum argenteum, etc.
Très commun dans la plaine du Lac Edouard,
Parc de la Kagera et vraisemblablement
toute la zone du graben centro-africain.

3. — Association à Portulaca kermesina


Falaise sableuse au bord du fleuve en voie de coloni- (Portulacetum kermesinae LEBRUN
sation par l'association à Gleichenia linearis bien 1947).
représentée sur la gauche de la photo (Gleichenietum le pendant
linearis LÉONARD,).Yangambi. (Photo LOUIS.) Cette association, qui représente

Détail de l'association des


falaises sableuses à Glei-
chenia linearis (Gleiche-
nietum linearis LÉONARD)
montrant le port en dra-
perie très caractéristique
de cette fougère.
Yangambi.
(Photo LOUIS.)
368 BOTANIQUE

du Sporoboletum spicati, se développe sur les Bulbostylis polytricha, Ilysanthes trichotoma,


sols argileux; elle semble se caractériser par Digitaria sp., Schizachyrium brevifolium var.
Portulaca kermesina accompagné de Sporo- flaccida accompagnés entre autres de Sporo-
bolus spicatus, Cyperus Teneriffae et de di- bolus festivus var. div., Microchloa indica,
verses espèces nitrophiles. Rare dans la plaine Senecio ruwenzoriensis et Loudetia aTundi-
du Lac Edouard où son autonomie sociolo- nacea. Région de Nioka.
gique doit encore être vérifiée. Divers groupements encore mal individua-
lisés, à période de
submersion prolon-
gée, développés dans
des mares temporai-
res sur dalles latéri-
tiques affleurantes ou
sur plages graniti-
ques dénudées et re-
présentés dans le
Nord et le Nord-Est
du Congo
(LEBRUN 4, 12) ainsi
que dans le Haut-
Lomami (MU L L E N -
DERS 7), appartien-
nent également à cet
ordre. Il en va de
même de la pelouse
à Microchloa setacea
(synonyme de M. in-
Eboulis de travertins aux environs d'une source hydrothermale colonisé par Cyanotis dica), groupement
lanata (petite plante crassulescente) et Rhynchelytrumrepens (Cyanoteto-Rhynchely- initial colonisant les
tretum repentis LEBRUN)mêlés à quelques touffes de Pennisetum polystachyon; coulées de lave lisse
dans le fond à droite, un massif de jeunes euphorbes cactiformesEuphorbia média. dans les régions
May-ya-Moto,Parc National Albert. (Coll. I. P. N. C. B. Photo LEBRUN.)orientales du
Congo
(LEBRUN 11).
ALLIANCEII : ILYSANTHION TATON 1949.
(Végétation des roches granitiques af- VIII. — VEGETATION PIONNIERE
fleurantes ; pentes faibles ; sol à DES EBOULIS MEUBLES.
éléments fins).
ORDRE : LYCOPODIETALIA CERNUI
1. — Association à Ilysanthes pulchella et LEBRUN IN LEONARD 1950.
(Végétation pionnière des éboulis
Aeolanthus repens TATON 1949. meubles en régions tropicales)
Groupement pionnier, ras (± 10 cm.), ALLIANCE : GLEICHENION LEBRUNIN LÉONARD
développé sur un substrat peu épais (1-5 cm.) 1950.
composé d'éléments fins déposés par les eaux
(Végétation pionnière des pentes sa-
de ruissellement dans les parties concaves des bleuses et gréseuses)
dalles granitiques à pente faible. Dominance
d'Ilysanthes pulchella, Aeolanthus repens, 1. — Association à Gleichenia linearis
Sporobolus festivus var. div., Microchloa (Gleichenietum linearis LÉONARD1950).
indica et de bryophytes divers. Région de Association pionnière héliophile des pentes
Nioka vers 1800 m. d'altitude. sableuses (falaises, tranchées, déblais), com-
prenant une phase initiale composée d'algues,
2. — Association à Ilysanthes trichotoma de bryophytes et de lichens divers et une
et Bulbostylis polytricha TATON 1949. phase optimale à dominance de fougères
Pelouse rase (15-20 cm.), parsemée de (Gleichenia linearis à port en draperie très
quelques touffes de graminées plus élevées, se caractéristique, Lycopodium cernuum, Sela-
développant sur un substrat assez épais ginella MyoSllrus, Lygodium Snâthianum,
(5-20 cm.), représentant l'évolution normale etc.). Environs de Yangambi et vraisembla-
du groupement précédent et caractérisée par blement toute la Région guinéenne.
BOTANIQUE 369

IX. — VEGETATION PIONNIERE Kalanchoe beniensis, Aloe beniensis, Sarco-


DES EBOULIS stemma viminale ainsi que diverses graminées.
ET DES SUBSTRATS ARIDES. Plaine du Lac Edouard.

ALLIANCE: SARCO-
PHORBION AFRO-
TROPICALE
LEBRUN 19.7.
(Végétation pion-
nière des ébou-
lis rocheux ou
graveleux et
des stations
arides)

1. - Association à
Cyanotis
1 a n a t a et
Rhynchely-
trum repens
(C y an ot et o-
Rhynchelytre-
t u m repentis
LEBRUN 1947). Grosse touffe de Sansevieria bracteata se développant dans un fragment de l'associa-
Groupement bien tion colonisatrice des éboulis graveleux à Cyanotis lanata et Rhynchelylrum repens
représenté sur les (Cyanoteto-Rhynchclytretumrepentis LEllRUN).May-ya-Moto,Parc National Albert.
éboulis de travertins (Coll. I. P. N. C. B. Photo LEBRUN.)
et de fragments de
roches aux environs des sources hydrother- 2. — Association à Caralluma Schwein-
males. Bon nombre de constituants sont des furthii (Xerocarallumetum rwindiense
plantes crassulescentes ; parmi les espèces les LEBRUN1947).
plus typiques figurent Cyanotis lanata, Sanse- Végétation remarquable, développée sur des
vieria bracteata, Cynanchum sarcostemmoides, sols argileux ou argilo-graveleux arides,
composée surtout de
plantes charnues. Ca-
ralluma Schweinfur-
thii, Aloe beniensis et
Ceropegia aristolo-
chioides paraissent
caractéristiques de
cette association re-
licte de temps révo-
lus qui comprend, en
outre, diverses espè-
ces communes avec le
groupement p r é c é-
dent (Kalanchoe be-
niensis, Cynanchum
sarcostemmoides, Cy-
anotis lanata, Sar-
costemma viminale,
etc.) ainsi que plu-
sieurs graminées (Bo-
thriochloa insculpta
Groupe de plantes charnues (Aloe beniensis) et de labiées à feuilles aromatiques
(Plectranthus fragrans à droite) dans un fragment de l'association colonisatrice des principalement ).
substrats arides à Caralluma Sctiweinfurthii (Xerocarallumetumrwindiense LEBRUN). Plaine du Lac
Kanyasembe, Parc National Albert. (Coll. I. P. N. C. B. Photo LEBRUN.) Edouard.
370 BOTANIQUE

3. — Association à Cyanotis lanata TATON ALLIANCE 1 : THEMEDIONTRIANDRAEAFRO-


1949. ORIENTALELEBRUN 1947.
Groupement pauvre, colonisant les sub- (Végétation des savanes herbeuses pla-
strats arides à éléments grossiers dans les nitiaires du Domaine oriental).
parties concaves des dalles granitiques à pente
faible. Présence de diverses espèces crassules- 1. — Association à Themeda triandra et
centes, Cyanotis lanata, Coleus platostomoides Heteropogon contortus (Themedeto-
et Kalanchoc crenata notamment. Environs de Heteropogonetum (FRIES 1921) LEBRUN
Nioka vers 1800 m. d'altitude. 1947 = Association à Themeda triandra
FRIES 1921).
Savane herbeuse
riche en espèces, com-
posée de trois strates
herbeuses, la strate
arbustive étant quasi
inexistante: une stra-
te supérieure de 1,20-
2 m. de hauteur et à
très faible recouvre-
ment (± 5 %) con-
stituée surtout de
hautes graminées
(Sporobolus pyrami-
dalis, Panicum maxi-
mum, etc.) ; une stra-
te moyenne de 50-
100 cm. de hauteur et
à recouvrement de
90-100 %, à dominan-
ce de graminées so-
Aspect de la savane herbeuse à Themerlatriandra et Heteropogoncontortus parsemée
de bosquets xérophiles (Themedcto-Heteropogoneturn(fRIES) LEBRUN).Rwindi, ciales (Themeda
Parc National Albert. (Coll. 1. P. N. C. B. Photo LEBRUN.)triandra, Hyparrhe-
nia filipendula, Hete-
4. — Association à Aloe sp. et Kalanchoe ropogon contortus), généralement disposées
crenata TATON 1949. en touffes écartées les unes des autres à la
Association s'installant dans les parties base mais confluentes au sommet et mêlées à
concaves des dalles granitiques à pente forte, de nombreuses plantes herbacées; une strate
d'abord dans les crevasses puis envahissant inférieure de 5-50 cm. de hauteur et à recou-
le substrat; elle se compose d'espèces crassu- vrement de 10-30 Cette association pré-
lescentes (dont surtout Aloe sp., Cyanotis sente deux aspects saisonniers assez différents.
lanata, Kalanchoe crenata, Coleus platosto- Elle est parcourue par des feux de brousse
moides et Coleus kilimandschari) et de fou- qui apparaissent comme nécessaires au main-
gères chasmophytes (Asplenium amoenum) tien de son individualité floristique. Les
auxquelles se joignent des espèces des Sporo- caractéristiques d'association semblent nom-
boletalia festivi (Aeolanthus repens surtout) breuses, notamment Themeda triandra (carac-
et des Themedetalia triandrae ainsi que des téristique locale), Indigo fera kengeleensis,
pionniers arbustifs (Erythrina abyssinica, Sonchus exauriculatus, Cissus Mildbraedii,
Rhus natalensis). Environs de Nioka. etc. ; elles sont mêlées à des caractéristiques
d'alliance (telle Courbonia camporum) ou
X. — VEGETATION DES SAVANES d'ordre ainsi qu'à diverses espèces des sava-
HERBEUSES DE TERRE FERME nes herbeuses en général (surtout Hyparrhe-
PARSEMEES D'ARBRES OU nia fïlipendula, Heteropogon contortus, Spo-
D'ARBUSTES ± DISSEMINES. robolus pyramidalis, Bothriochloa insculpta)
ORDRE A : THEMEDETALIA TRIANDRAE et à de nombreuses compagnes. Ce groupe-
LEBRUN 1947. ment, dans lequel divers facies édaphiques
(Végétation des savanes herbeuses sou- peuvent être distingués, occupe de vastes
dano-zambésiennes et afro-australes). étendues dans la plaine du Lac Edouard;
BOTANIQUE 371

il se retrouvera vraisemblablement tel quel pements supérieurs telles Themeda triandra


ou sous forme d'associations très affines dans et Courbonia camporum ainsi que d'espèces
tout le Domaine oriental de la Région souda- des savanes herbeuses en général (Hyparrhe-
no-zambésienne.

2. — Association à
Eragrostis pa-
nicif ormis
(E r a g r o s-
tidetum panici-
formis LEBRUN
1947).
La savane à Era-
grostis, composée pra-
tiquement d'une seule
strate continue de
± 1 m. de haut, oc-
cupe les dépressions
± humides toute l'an-
née situées dans la
savane à Themeda et
Ileteropogon ainsi
que la frange externe
des marais à Cyperus
articulatus et Astera-
cantha longifolia lors-
que ceux-ci confinent .Autre aspect de la savane herbeuse à Themeda triandra et Heleropogon contortus
à la savane à Theme- (Themedeto-Heteropogonetwn(FRJES)LEBRUN)avec troupeau de buffles. Vitshumbi,
da. Ce groupement, Parc National Albert. (Coll. I. P. N. C. B. Photo HUBERT.)
qui n'est peut-être
qu'une sous-association du précédent, est ca- nia filipendula, Sporobolus pyramidalis, etc.).
ractérisé par la présence de deux Eragrostis Plaine du Lac Edouard.
(E. cf. katandensis et E. paniciformis) accom-
pagnés de diverses caractéristiques des grou- 3. — Association à Bothriochloa insculpta
(Bothriochloe-
tum insculp-
tae LEBRUN
1947).
Association moins
bien individualisée
que la savane à
Themeda et Hetero-
pogon et caractérisée
par très peu d'espè-
ces seulement. Elle
est composée d'une
strate inférieure de
5-20 cm. de haut à
faible recouvrement
et d'une strate supé-
rieure de 30-70 cm. à
recouvrement incom-
plet (60-80 %). Bo-
thriochloa insculpta
Aspect de la savane herbeuse à Bothriochloa insculpta (Bothriochloetum insculptae domine très nette-
LEBRUN);çà et là une graminée à inflorescences plumeuses Chloris myriostachya. ment en compagnie
Rwindi, Parc National Albert. (Coll. 1. P. N. C. B. Photo LEBRUN.) de Chloris myriosta-
372 BOTANIQUE

chya, Coleus flavovirens. Heteropogon con- 2. — Association à Loudetia arundinacea


tortus, Sporobolus pyramidalis, Hyparrhenia et Echinops gracilis TATON 1949.
filipendula et de nombreuses compagnes. Association occupant les sols graveleux ou
Plaine du Lac Edouard où elle occupe de rocailleux assez superficiels à mauvaise éco-
grandes étendues. nomie en eau et d'une épaisseur d'au moins
30-^0 cm. Elle consti-
tue la succession na-
turelle du groupe-
ment à Ilysanthes
trichotoma et Bul-
bostylis polytricha se
développant sur les
pentes faibles des
roches granitiques ;
les feux de brousse
qui la parcourent
constituent le princi-
pal facteur de son
maintien. La stratifi-
cation est assez nette ;
une strate arbustive
quasi nulle (Albiz-
zia, Erythrin a,
Entada), une strate
Savane à CymbopogonAlronardus parsemée d'arbustes divers, surtout des Terminalia herbacée supérieure
(Afronardetum LEBRUN). Tsliambi, Parc National Albert. de 1-1,50 m. de haut et
(Coll. 1. P. N. C. R. Photo LEBRUN.) de 80-90 de recou-
vrement formée pres-
ALLIANCE II : HYPARRHENIONCYMBARIAE que uniquement de Loudetia arundinacea et
LEBRUN 1947. une strate herbacée inférieure (30-75 cm. et
± 10 ) composée surtout d'Echinops graci-
(Végétation des savanes herbeuses sub-
du Domaine lis, Elyonurus argenteus et Eupatorium afri-
montagnardes oriental). canum. Cymbopogon Afronardus, des Hypar-
rhenia (H. cymbaria, H. Claessensii, H. brac-
1. — Association à Cymbopogon afronar- teata) et diverses espèces complètent le cor-
dus (Afronardetum LEBRUN 1947). tège floristique de cette association. Région
Savane herbeuse développée sur le substrat de Nioka vers 1800 m. l'altitude.
rocheux souvent superficiel des régions mon-
tagneuses, comprenant une strate inférieure 3. — Association à Hyparrhenia cymbaria
peu développée, une strate moyenne herbacée et Echinops amplexicaulis TATON
(1-1,50 m. de haut et recouvrement de 80- 1949.
90 %) et une strate supérieure herbacée
(1,50-3 m. et 10 %) dominées souvent par Savane herbeuse constituant la succession
une strate arbustive très claire (5-10 m. et de la prairie à Digitaria abyssinica en l'ab-
10 %). Les espèces dominantes sont Cymbo- sence de pâturage et représentée notamment
pogon Afronardus, divers Hyparrhenia (H. dans les jachères de 15-20 ans. Plusieurs
cymbaria, H. dissoluta, H. filipendula, H. strates sont à distinguer : une strate arbus-
rufa), Andropogon schirensisf Heteropogon tive de 4-7 m. de haut et de 5 de recou-
contortus et de nombreuses compagnes; vrement formée surtout d'Erythrina abyssi-
comme arbustes sont à signaler Terminalia nica; une strate sous-arbustive (2-3 m. et
sp. et Albizzia coriaria. Ce groupement oc- 5-20 %). avec Albizzia div. sp., Dombeya
cupe des surfaces très étendues dans les Claessensii, Rhus natalensis, Justicia insularis,
régions montagneuses orientales (Lacs Albert, etc.; une strate herbacée supérieure (1,50-
Edouard, Kivu) et vraisemblablement dans 1,75 m. et 100 %) constituée presque unique-
tout le Domaine oriental. ment par Hyparrhenia cymbaria accompagné
BOTANIQUE 373

de Pennisetum unisetum, Setaria sphacelata, laniceps, Rhytachne rottboellioides, Monocym-


Aspili-a asperifolia; une strate herbacée bium ceresiiforme, Vigna venulosa, Osbeckia
moyenne (1 m. et 5-10 %)) avec Iiidigo f er-a
Indigofera congolensis, Neurotheca longidens, Cassia mi-
emarginella et Geniosporum paludosum et mosoides et de suffrutex disséminés (Eriosema
enfin une strate herbacée inférieure (5-20 cm. glomeratum var. Laurentii, Clappertonia fici-
et 5-10 %). Protégée des incendies et des folia, Indigofera capitata).
pâturages, cette savane évolue vers une forma-
tion forestière à nette dominance d'Albizzia
div. sp. Région de Nioka.

A cette alliance appartient également la


prairie à Hyparrhenia cymbaria et Lathy-
rus hygrophilus existant sur les pentes
inférieures du volcan Nyiragongo (LEBRUN11).

Au départ de la forêt voisine, colonisa-


tion arbustive par AnthocleistaLiebrecht-
siana d'une partie d'esobe à Hyparrhenia
diplandra soustraite à l'action du feu;
période des hautes eaux. Eala.
(Photo Cdt DANDOY et LÉONARD.)

Vue d'un esobe à Hyparrhenia diplandra (Hyparrhenietum


diplandrae ROBYNS),groupement herbeux, naturel et perma-
nent, isolé en forêt, inondé en période de crues et périodique-
ment incendié; dans le fond, la forêt périodiquement inondée.
Eala. (Photo LÉONARD.)

ORBRE B : HYPARRHENIETALIA DIPLAN-


DRAE LEBRUN MSS.
(Végétation des savanes herbeuses
guinéenncs)
Cet ordre comprend de nombreux types de
savane à prépondérance d'Hyparrhenia di-
plandra signalés en diverses régions de la
Colonie, au Bas-Congo notamment. Pithecellobium altissimum, pionnier de
Les « esobe », groupements herbeux isolés la colonisation arbustive au sein d'une
dans les forêts de la partie occidentale surtout partie d'esobe à Hyparrhenia diplandra
de la cuvette centrale et comprenant vraisem- soustraite à l'action du feu; période
blablement plusieurs associations, appartien- des hautes eaux; à droite, grosse touffe
de Jardinea gabonensis. Eala.
nent également à cet ordre. ROBYNS (13) y
(Photo Cdt DANDOY et LÉONARD.)
a signalé l'association suivante dont il a donné
un aperçu floristique succinct.
Il s'agit, nous semble-t-il, de groupements
1. - Association à Hyparrhenia herbeux naturels permanents, généralement
diplandra inondés aux hautes eaux et périodiquement
{Hyparrhenietum diplandrae ROBYNS
incendiés mais qu'en l'absence de feu une
1936).
Esobe à dominance d'Hyparrhenia végétation arbustive et arborescente envahit
diplan- lentement. -
dra accompagné de diverses espèces dont
principalement Setaria restioidea, Bulbostylis Les savanes herbeuses et boisées guinéennes
374 BOTANIQUE

de l'entre Luembe-Lubilash (Haut-Lomami) 1. — Association à Acacia campylacantha


ont été étudiées par MULLENDERS(7) qui, et Beckeropsis uniseta MULLENDERS
d'une manière empirique, les a groupées de 1949.
la façon suivante. C'est le groupement de savane le plus
riche au point de vue
floristique. La strate
graminéenne atteint
2-3 m. et la strate
arborescente 8-10 m.
de hauteur moyenne.
Nombreuses caracté-
ristiques d'association
et d'alliance : Be-
ckeropsis uniseta, Hy-
parrhenia confinis,
Digitaria uniglumis
var. major, Pseudar-
thria Hookeri, Acacia
campylacantha, ill-
bizzia versicolor, Al-
b izzia gummifera,
Sterculia quinquelo-
ba, etc.
la. — Sous - asso-
ciation à
St e r c u -
lia quin-
q u el o b a
MULLENDERS
1949.
Type de l'asso-
ciation tendant na-
turellement à se
reboiser. Les pion-
niers de la forêt
Vue d'un esobe un mois après incendie; dominance de cyperacées en fleurs
mêlées à quelques chaumes brûlés d'Hyparrhenia climacique s'instal-
(Cyperus sp., Bulbostylislaniceps) lent sous les arbres
diplandra (à l'avant-plan à droite): nombreuses termitières en forme de champignon.
Environsd'Eala. (Service de l'Information du Congo Belge. Photo Cdt DANDOY.) de savane qui con-
stituent ainsi les
ORDRE : HYPARRHENIETO-TERMINALIE- noyaux de la reforestation.
TALIA MULLENDERS 1949.
(Végétation des savanes herbeuses de lb. — Sous-association à Eupatorium
l'entre Luembe-Lubilash). africanum MULLENDERS 1949.
Nombreuses caractéristiques d'ordre et de
Constitue un stade appauvri de l'associa-
classe : Hyparrhenia div. sp., Panicum phrag- tion dans lequel la tendance à la reforesta-
mit aides, Brachiaria brizantha, Eriosema
tion naturelle est fortement ralentie.
psoraleoidcs, Gymnosporia senegalensis, Pso-
rospermum febrifugum, Bridelia ferruginea, ALLIANCE II : ANDROPOGONION SCHIRENSIS
Anona senegalensis, Hymenocardia acida, MULLENDERS1949.
Entada abyssinica, Piliostigma Thonningii, (Strate arborescente très clairsemée).
Terminalia glandulosa, etc.
Nom breuses caractéristiques d'alliance :
ALLIANCE 1 : HYPARRHENION CONFINIS Andropogon schirensis, Loudetia arundina-
MULLENDERS1949. cea, Hyparrhenia filipendula, Hyparrhenia
(Strate arborescente de 5-30 de rufa, Eriosema glomeratum, Vigna multiner-
recouvrement) vis, etc.
BOTANIQUE 375

1. — Association à Loudetia arundinacea XI. — VEGETATION DES SAVANES


et Ochna Debeerstii MULLENDERS1949. BOISEES ET DES BOSQUETS
La strate herbacée atteint 1,25 m. de hau- XEROPHILES.
teur, la strate arborescente 5-7 m. et 5-10 1. — Association à Acacia hebecladoides
de recouvrement. L'association comprend une
centaine d'espèces dont un quart de caracté- (Acacietum hebecladoidis FRIES 1921).
ristiques parmi lesquelles Loudetia arundina- Savane boisée bien représentée sur les
cea, Ochna Debeerstii, Indigofera polysphaera/ versants des collines sur substrat pierreux ou
Cussonia sessilis, Maprounea africana, Tetra- graveleux ainsi que dans la plaine en des
cera Masuiana, etc. Diverses sous-associations endroits plus ou moins arides. Elle comprend
et variantes. une strate arbustive de 5-12 m. de haut et

2. — Association à
Sopubia den-
siflora et An-
dropogon
schirensis
MULLENDERS
1949.
C'est la savane la
plus pauvre, consti-
tuant l'anticlimax de
la région de l'entre
Luembe-Lubilash. La
strate herbacée, par-
fois très clairsemée,
n'atteint que 50 cm.
et montre un carac-
tère xérophytique ac-
cusé; la strate arbo-
rescente est quasi
nulle. Comme carac-
téristiques, citons
Andropogon schiren-
sis, Sopubia densiflo- Aspect de la savaneboisée à Acacia hebecladoides(Acacietumhebecladoidis LEBRUN);
dans le fond à droite, petit bois à Pterygota macrocarpa (Pterygotetum macrocarpae
ra, Striga asiatica et (Coll. I. P. N. C. B. Photo DEWITTE.)
de nombreuses espè- LEBRUN).Rwindi, Parc National Albert.
ces du genre Ascle-
pias. Deux sous-associations. de 50-90 de recouvrement composée sur-
tout d'Acacia hebecladoides à typique cime
3. — Association à Hyparrhenia rufa et tabulaire étagée et de Dicrostachys glomerata;
Scleria canaliculato-triquetra MULLEN- une strate frutescente (1-3 m. et 10-20 %)
DERS1949. avec notamment Hoslundia opposita var.
Strate herbacée de 1,5-2 m. de haut avec velutina, Grewia similis et Rhus natalensis;
une strate herbacée supérieure (50-120 cm. et
Hyparrhenia rufa et Scleria canaliculato-
strate arborescente de 5-7 m. et de 20-80 %) comprenant des espèces du sous-
triquetra;
± 1 de recouvrement; strate humifuse bois des forêts claires comme Leptochloa
(5-10 %) constituée de bryophytes et d'algues obtusiflora ou des savanes herbeuses telles
diverses. Panicum maximum, Bothriochloa insculpta,
Themeda triandra, Courbonia camporum, etc. ;
D'autres savanes, sommairement analysées une strate humifuse (5-35 cm. et 20-35 %)
par KEVERS (14) dans le Haut-Lomami, font où domine Dyschoriste radicans. Savane par-
également partie de cette alliance. courue par les feux, bien représentée dans la
du Lac Edouard et, avec des variantes
(14) G. KEVERS, Contributionà l'étude pédo-botanique plaine
d'une région du Haut-Lomami,Bull. Agr. CongoBelge, diverses, vraisemblablement dans toute la
XLI, 2, p. 315 (1950). Région soudano-zambésienne.
376 BOTANIQUE

constituent autour d'arbres, de buissons ou


d'Euphorbia calycina isolés en savane. Plaine
du Lac Edouard.
La variante normale est caractérisée par
Maerua Mildbraedii, Carissa edulis, Euphorbia
calycina (qui peut former un faciès), Grewia
div. sp., Capparis div. sp. accompagnés d'es-
pèces des forêts claires fHoslundia opposita
var. velutina, Cissus quadrangularis, Grewia
similis, Rhus natalensis, etc.), de relictes des
savanes boisées et des savanes herbeuses (Pa-
nicum maximum, Cymbopogon Afronardus,
Bothriochloa insculpta) ainsi que de nombreu-
ses compagnes.
Il existe une variante à Euphorbia media
caractérisée par plusieurs espèces différen-
tielles (Sansevieria bracteata, Olea chryso-
phylla, Senecio Stuhlmannii, Aloe beniensis,
etc.) et faisant généralement suite aux asso-
ciations du Sarcophorbion afro-tropicale, sur-
tout au Xerocarallumetum rwindiense.

3. — Association à Acacia nefasia (Acacie-


furn nefasiae LEBRUN1947).
Savane boisée développée sur des sols frais
et profonds. Comprend une strate arbores-
cente de 6-15 m. de haut et de 40-75 de
recouvrement, composée surtout d'Acacia
nefasia (à cime tabulaire portée par des
branches flabellées), de Ficus gnaphalocarpa
Aspect d'une savane boisée à Acacia hebecladoides et de diverses lianes ainsi qu'une strate arbus-
âgés de 5-8 ans (Acacietumhebecladoidis LEBRUN). tive (2-5 m. et 10-25 %), frutescente (2-3 m.
Katanda, Parc National Albert. et 30-35 herbacée supérieure (1-2 m. et
(Coll. P. N. C. B. Photo LEBRUN.) %),

2. — Association à
Maerua Mild-
braedii et Ca-
rissa e d u 1 i s
(J-laerueto - Ca-
rissetum edulis
LEBRUN 1947).
Ce groupement se
présente sous forme
de bosquets xérophi-
les plus ou moins
denses, de 4-8 m. de
hauteur maximum,
parsemant la savane
herbeuse et précédant
l'installation de la fo-
rêt claire climatique
à Euphorbia Dawei;
ils proviennent de la
maturation de la sa- LEBRUN;en voie constitution
Bosquet xérophile (Maerueto-Carissetumedulis le
vane à Acacia hebe- autour d'un massif d'Euphorbia calycina dans la savane C. B. Photo
herbeuse
P. N. à Bothriochlúa
LEBRUN
cladoides ou se insculpta. Nyakisoro, Parc National Albert. (Coll. I.
BOTANIQUE 377

30-80 %) et herbacée inférieure (10-30 cm. et VOY (16) et SCHMITZ (10), elle semblerait,
<10 %). Comme espèces caractéristiques sont contrairement à l'opinion généralement admi-
encore à mentionner Securinega virosa, Seta- se, ne pas répondre à la vocation forestière du
ria kagerensis, Boerhaavia plumbaginea complexe sol-climat mais représenterait plu-
accompagnés d'espèces des forêts claires, de tôt un groupement permanent (subclimax)
relictes des savanes herbeuses et de diverses dont l'établissement et le maintien seraient
compagnes. Plaine du Lac Edouard. dûs à l'action des feux plus ou moins violents
et réguliers.

XII. — VEGETATION ALLIANCE1 : XEROBRACHYSTEGION


SCHMITZ
DES FORETS CLAIRES. 1950.
(Végétation des sols secs, rocailleux ou
ORDRE A : ISOBERLINIETALIA DOKAE superficiels, à pente souvent bien
DUVIGNEAUD 1950. marquée)
(Végétation des
forêts claires
soudanaises à
dominance
d I sober -
linia Doka et
I. Dalzielii).
L'ordre englobe di-
vers groupements fo-
restiers représentés
surtout dans le Do-
maine sahélo - souda-
nien en dehors des
limites du Congo
Belge. Les formations
à Isoberlinia Doka
signalées dans une
petite région au
Nord-Est de la Co-
lonie et non encore
étudiées sont peut- Aspect de la savane boisée à Acacia nefasia (Acacietum nefasiae LEBRUN);Panicum
être à rattacher à ce maximum abonde dans la strate herbacée supérieure. Tshambi, Parc National Albert.
type de végétation. (Coll. I. P. N. C. B. Photo LEBRUN.)

ORDRE B : PSEUDOBERUNtO BRACHY Le tapis herbacé est bas, discontinu et


STEGIETALIA SPICIFORMIS DUVIGNEAUD caractérisé par l'abondance de Tristachya
1950). Thollonii, Cyperus angolensis, Cryptolepis
(Végétation des forêts claires zambé- Hensii, Peltophorus sulcatus, Tapiphyllum
siennes) cinerascens, etc. Une seule association. Haut-
Katanga.
Les espèces arborescentes et arbustives
dominantes appartiennent surtout aux genres
Brachystegia, Pseudoberlinia, Isoberlinia,
Berlinia, Albizzia, Afzelia., Afrormosia, Com- (]fi) A. AUBREVILLE,Climats, Forêts et Désertification
bretum, Monotesf Marquesia, Parinari et de l'Afrique tropicale, Paris (1949) et Ancienneté de
Pterocarpus. la destruction de la couverture forestière primitive de
Les divers groupements de cet ordre sont l'Afrique tropicale, Bull. Agr. Congo Belge, XL, 2,
représentés principalement dans le Haut- p. 1347 (1949).
Kwango et le Haut-Katanga. Dans cette der- (LFI) G. DELEVOY, Aperçu forestier sur le Katanga
nière région, la forêt claire constitue la méridional, Bull. Soc. Centr. For. Belg., LVII, 4-5,
formation la plus commune et caractérise le p. 171 (1950) (extrait de Schweizer. Zeitschr. Forstw.
paysage. D'après AUBREVILLE (15), DELE- n° 10-11, 1949).
378 BOTANIQUE

ALLIANCEII : MESOBRACHYSTEGION SCHMITZ 1. - Groupements suf frutescents et arbus-


1950. tifs transitoires entre les groupe-
(Végétation des sols relativement frais, ments herbeux des Papyretalia et
souvent plats, profonds et non gra- l'Alchorneetum cordifoliae (voir
veleux). LÉONARD8).
Le tapis herbacé est souvent dense, continu Plusieurs associations avec divers faciès.
et atteint généralement une hauteur moyenne Parmi les espèces les plus fréquentes sont à
signaler Ficus asperifolia, Trachyphrynium
Braunianum, Aframomum sp., Mimosa aspe-
rata, Dissotis segregata, Aeschynomene cris-
tata, Phyllanthus reticulatus, Stipularia
clliptica, Sesbania Sesban, etc. accompagnées
de relictes des Papyretalia et de pionnières
des groupements ultérieurs (Alchornea cordi-
folia, Bridelia micrantha). Cuvette centrale.

2. — Association à Alchornea cordifolia


(Alchorneetunt cordifoliae LÉONARD
1950).
Groupement caractéristique colonisant les
jeunes îles des grandes rivières ou constituant
d'étroites franges arbustives le long des rives
Mimosa asperata, un des principaux pionniers de la en avant des formations ripicoles arbores-
colonisation arbustive des prairies aquatiques; à
centes. Se compose de massifs denses de 6-7 m.
l'arrière-plan, frange ripicole à Alchorneacordifolia
(Alchorneetum cordifoliae LÉONARD).Yangambi. de hauteur d'une espèce très sociale, Alchor-
(Photo LouisJ nea cordifolia (= A. cordata), à puissant
système de racines-échasses, entremêlée de
très nombreuses lianes héliophiles dont sur-
de 1,20 m. Parmi les plantes caractéristiques tout Cissus ibuensis, Psophocarpus palustris,
sont à signaler diverses espèces des genres Tetracera Entada div. sp., etc.
potatoria,
Costus, Panicum, Acalypha, Clematopsis, Présence de relictes arbustives et de pionniè-
Dors ténia, Cussonia, Coccinea, Oxalis et
Asparagus.
Plusieurs groupements dans le Haut-Ka-
tanga réunis en deux associations, l'un
sur sol superficiel ou rocailleux, un deuxième
à Aframomum, Pteris, Smilax et Carex sur
sol profond, homogène et plat et un troisième
sur termitières habitées à dominance de Fa-
gara Homblei et divers Boscia dont surtout
B. caloneura. Ces deux associations possèdent
chacune une sous-association plus humide où
domine un bambou Oxythenanthera abyssinica.

XIII. — VEGETATION ARBUSTIVE


RIPICOLE.
Association ripicole à Alchornea cordifolia constituant
ORDRE : ALCHORNEETALIA LEBRUN une nette frange arbustive ceinturant les jeunes îles
1947. du fleuve (Alchorneetum cordifoliae LEONARDA
Yangambi. (Photo LOUIS.)
(Végétation arbustive ripicole périodi-
quement inondée-exondée).
res arborescentes (Bridelia micrantha, Ficus
ALLIANCE 1 : ALCHORNEION CORDATAE Mucuso, Trichilia retusa, Casearia congensis,
LEBRUN 1947. Spondianthus Preussii var. glaber) ainsi que
(Végétation sous-arbustive à arbustive d'espèces nitrophiles à développement fugace
ripicole en Région guinéenne princi- (Ecliption). Très commun dans toute la cu-
palement) vette centrale.
BOTANIQUE 379

ALLIANCE II : SYZYGIONCORDATILEBRUN ALLIANCE III : PHOENICION RECLINATAE


1947. LEBRUN1947.
(Végétation ripicole en Région soudano- (Végétation ripicole et marécageuse en
zambésiennc
p ri n c i -
palement)

Divers groupe-
ments à Syzygium
cordatum constituant
d'étroites franges ri-
picoles en Région sou-
dano - zambésienno
principalement.

1. — Association à
Syzygium cor-
d a t u m et
Garcinia
polyantha (Sy-
zygieto - Garci-
nieturn polyan-
thae SCHMITZ
1950). Galerie forestière périodiquement inondée à Phoenix reclinata (Sesbanieto-Phoenice-
Galerie forestière tum reclinatae LEBRUN)formant un étroit cordon le long des rives. Bugugu.
Parc National Albert. (Coll. I. P. N. C. IB. Photo HUBERT.)
développée le long des
cours d'eau jeunes à
eau claire et courant rapide sur fond Région soudano-zam bésienne princi-
ordinairement graveleux. Les arbres dépassent palement )
rarement 20 m. de hauteur totale. Parmi
les espèces caractéristiques, 1a. plupart sem- 1. — Association à Phoenix reclinata
(Sesbanieto - Phoenicetum reclinatae
LEBRUN 1947).
Cette association constitue des galeries
forestières périodiquement inondées, de 5-
10 m. de largeur, à dominance d'un palmier-
dattier grégaire : Phoenix reclinata. Cette
espèce a été signalée dans diverses formations
en Afrique tropicale et subtropicale, notam-
ment dans les mangroves ainsi qu'à l'intérieur
des terres (Ubangi, Uele, Haut-Kwango,
Katanga, régions orientales) ; on peut la con-
sidérer comme un élément caractéristique des
marais boisés et des groupements arbustifs
ripicoles succédant aux associations des
Papyretalia. Le Sesbanieto-Phoenicetum recli-
Détail du sous-boisdu groupement ripicole à Alchornea natae comprend une strate arbustive de 6-
cordifolia (Alchorneetum cordifoliae LÉONARD)mon- 10 m. de haut et de 100 de recouvrement
trant le fouillis des ramifications et des racines-
échasses de cet arbuste social. Yangambi. composée de Phoenix reclinata, Sesbania Ses-
(Photo LouisJ ban, Albizzia grandibracteata, Bridelia
rnicrantha, d'espèces forestières en général et
pervirentes, citons Syzygium cordatum, de compagnes ainsi qu'une strate herbacée
Garcinia polyantha, Erythrina excelsa, Maesa peu importante avec notamment Aneilema
rufescens, Craibia affinis, Monodora Myristi- beniense. Groupement abondant dans les
ca et de nombreuses lianes des genres régions montagneuses orientales du Congo et
Cissus, Artabotrys, Landolphia, Vanilla, etc. vraisemblablement, sous des formes diverses,
Haut-Katanga. en d'autres territoires phytogéographiques.
380 BOTANIQUE

2. — Association à Khaya nyasica (Khaye- constituer une classe dans laquelle seraient
tum nyasicae SCHMITZ 1950). rangés tous les groupements arbustifs et
Galerie forestière développée dans de larges arborescents ripicoles.

1. — Association à
Croton ma-
crostachys et
Kigelia lan-
ceolata (Croto-
neto - Kigelie-
tum lanceolatae
LEBRUN 1947).
Ce groupement se
présente sous forme
de galeries forestiè-
res périodiquement
inondées, de 30-40 m.
de largeur environ,
composées d'espèces
transgressives des fo-
r ê t s ombrophiles
(Croton macrostachys,
Kigelia lanceolata.
L e e a guineensis,
Paullinia pinnata),
d'espèces des galeries
récents en général (Phialodis-
à
Forêt riveraine Pterygota macrocarpa installée sur des dépôts alluvionnaires
Parc National Albert. eus zambesiacus), de
(Pterygotetum macrocarpae LEBRUN). R windi,
(Coll. I. P. N. C. B. Photo LEBRUN.) caractéristiques des
groupements supé-
vallées creusées dans des alluvions épaisses; rieurs (Rhoicissus Revoilii, Phoenix reclinata,
lent et régulier. Bridelia micrantha, Albizzia grandibractea-
le courant est relativement
Ce groupement se caractérise par la présence ta, A.neilema beniense, Ficus Vallis-Choudae,
usambarensis, Whitfieldia
de Khaya nyasica dans les formations ancien- Conopharyngia
nes et de Phoenix
reclinata dans les
parties éclairées en
début de reforesta-
tion. Haut-Katanga.

XIV.
VEGETATION
FORESTIERE
RIVERAINE.

Plusieurs associa-
tions ressortissant à
ce type de végétation
ont été décrites en
diverses régions de la
Colonie; elles seront
à grouper en allian-
ces elles-mêmes à réu-
nir en un ordre qui, à
Aspect du sous-bois de la forêt riveraine Pterygota macrocarpa (Pterygotetum
avec les Alchorneeta- à remarquer les
Parc NationalLEBRUN);
Albert. (Coll. i. P. N. du
accotementsaliformes B. Photo LEBRUN.,
C. Pterygota. Rwindi,
lia, devra peut-être macrocarpae
BOTANIQUE 381

longifolia, etc.) ainsi que d'espèces forestières Vallis-Choudae et diverses lianes. Dans la
en général et de compagnes. La strate arbo- strate arborescente inférieure (10-15 m. et
rescente, de 60-70 de recouvrement, atteint 30 %) domine Dombeya Mukole accompagné
10-15 m. de haut, la
strate arbustive 40
et 2-10 m., la strate
herbacée supérieure
10-20 et 1-2 m. et
la strate herbacée in-
férieure 5-15 et
jusqu'à 1 m. de haut.
Plaine du. Lac
Edouard où ce grou-
pement se montre fa-
vorable à la pénétra-
tion d'espèces
guinéennes.

2. - Association à
Pterygota ma-
crocarpa
( Pt e r ygo -
tetum macro-
carpae LEBRUN
Végétation forestière riveraine à Baphia Dewevrei-HymenocardiaHeudelotii et à
1947). Uapaca Heudelotii-Irvingia Smithii (Uapacetnm Heudelotii LÉONARD) formant une
Cette forêt riverai- étroite galerie au bord de l'eau (en clair sur la photo); à l'arrière-plan, forêt de terre
ne occupe les sols ferme. Stanleyville, chutes de la Tshopo. (Photo LÉONARD.)
frais constitués par
des dépôts alluvionnaires récents. La strate de nombreuses lianes. Une strate arbustive
arborescente supérieure (60-70 de recou- (5-10 m. et 20 %), une strate herbacée supé-
vrement) atteint 20-25 m. de haut et com- rieure (1-2 m. et 10 %) et une strate herbacée
prend surtout Pterygota macrocarpa (arbre inférieure (20-50 cm. et 5-30 %) complètent
des forêts tropophiles guinéennes) , Ficus l'ensemble de la couverture végétale. En
dehors des caractéris-
tiques d'association
(Pterygota et Dom-
beya surtout), plu-
sieurs caractéristi-
ques des groupements
supérieurs sont à
signaler : Rhoicissus
Revoilii, Conopha-
ryngia usambarensis,
Whitfieldia longifo-
lia, Ficus Vallis-
Choudae. Les espèces
guinéennes sont assez
abondantes au sein
de ce groupement
tout comme dans l'as-
sociation précédente ;
on peut considérer
ces deux ensembles
comme des échappées
Puissant système de racines-échasses de Uapaca Heudelotii, un des principaux guinéennes en Région
constituants de VUapacetum Heudelotii LÉONARD, association forestière des bords soudano-zambésienne.
des eaux. Yangambi. (Photo LouisJ Pl. du Lac Edouard.
382 BOTANIQUE

Griffoniana et Coffea congensis. Dans


la strate arborescente de 10-20 m. de
haut dominent Uapaca Heudelotii (à
racines-échasses) , lrvingia Smithii,
Pithecellobium obliquifoliolatum, Albiz-
zia Laurentii, divers Cynometra (C.
Schlechteri, C. sessiliflora et var.
Laurentii), Crudia Harmsiana, etc.
accompagnés d'espèces transgressives
des forêts périodiquement inondées
(Gtlibourtîa Demeusei, Scytopetalum
Pierreanum, etc.). Les lianes sont très
nombreuses ainsi que les épiphytes
(Fougères, orchidées, Ficus) et les hémi-
parasites (Loranthus). Commun dans la
cuvette centrale.
Port caractéristique, étalé au-dessus de l'eau, de lrvingia
Smithii, un des principaux constituants de des
l'Uapacetum 4. — Association
bords des
à Pachystela longe-
Heudelotii LÉONARD, groupement forestier pedicellata (Pachysteletum lon-
eaux. Rivière Aruwimi à Yambuya. (Photo LÉONARD.)
gepedicellatae LÉONARD1947).
Association très caractéristique, pé-
3. — Association à
B a p h i a
Dewevrei —
Hy me n o -
cardia Heu-
delotii et à
Uapaca Heu-
delotii —
lrvingia
Smithii
(Uapace-
t u ni Il eude-
lotii LÉONARD
1947).
Groupement fo-
restier héliophile,
périodique-
ment inondé, déve-
loppé au bord des
rivières à eau cou-
rante ou agitée en
une galerie de 10-
15 m. de largeur,
très dense et riche
d'une centaine d'es-
pèces environ. La
strate arbustive, de
3-5 m. de haut,
comprend surtout
Baphia Dewevrei,
H-ymenocardia Heu-
delotii, Morelia se- forestière le long des rivières à courant faible, à dominance
Association développée
negalensis, Garcinia de (arbre dans l'eau) et Syzygiumsp. (massif arbustif
Pachystela longepedicellata
ovalifolia ainsi que à à gauche) (Pachysteletum longepedicellatae LÉONARD). Environs
Alchornea l'arrière-plan
cordifo- d'Eala.
lia, Martretia qua-
dricornis, Millettia (Service de l'Information du Congo Belge. Photo Cdt DANDOY.)
BOTANIQUE 383

riodiquement inondée, développée au long XV. — VEGETATION FORESTIERE


des rivières à courant faible ou dans les CLIMATIQUE.
parties convexes des méandres des rivières à
courant normal sous forme de petits îlots A. PLAINE DU LAC EDOUARD.
discontinus extrêmement denses, peu larges
1. — Association à Dawei
(:t 10 m.) et d'une hauteur moyenne de 10- Euphorbia
12 m. Les grandes feuilles pendantes et d'une (Eitphorbietum Dawei LEBRUN 1947).
merveilleuse couleur rouille doré à la face Végétation forestière climatique dense de
inférieure ainsi que le puissant système de la plaine des Rwindi-Rutshuru. Comprend une
racines-échasses du
Pachystela donnent
à ce groupement un
cachet tout spécial.
Parmi les princi-
paux constituants,
citons Pachystela
longepedicellata,
Syzygium sp., Ba-
phia Dewevreif Hy-
menocardia Heude-
lotii, Grumilea div.
sp., Martretia qua-
dricornis, C'ynorne-
t r a Schlechteri,
Morelia senegalen-
sis, de nombreuses
lianes et surtout de
très nombreux Lo-
ranthus dont prin-
ce ipalement L.
Braunii uniquement
localisé sur Pachy-
stela. Assez rare
dans la partie occi-
dentale de la cuvet-
te congolaise.

5. — Association à
Mitragy-
na stipulosa
et Spondian-
thus Preussii Détail du Pachysteletum longepedicellatae LÉONARD, association forestière riveraine,
var. montrant les. racines-échasses et les grandes feuilles pendantes de Pachystela
glaber longepedicellata; l'arbuste au centre est un Grumilea; à l'avant-plan sur l'eau,
H E R MA N in fragment de l'association à Nymphaea Lotus et Utricularia. Environs d'Eala.
MULLENDERS (Service de l'Information du Congo Belge. Photo Cdt DANDOY.)
1949.
Végétation forestière hydrophile, paludi- strate arborescente supérieure (12-15 m. de
cole, périodiquement inondée, développée haut et 70-80 de recouvrement) à domi-
le long des rives marécageuses et dans les nance d'Euphorbia Dawei, une strate arbo-
fonds humides et atteignant 20-25 m. de rescente inférieure (8-10 m. et 30-40 %), une
hauteur. Parmi les espèces les plus im- strate arbustive (2-5 m. et 20 ) et une
portantes, signalons Mitragyna stipulosa, strate herbacée (0,5-1 m. et 5-40 %). Parmi
Spondianthus Preussii var. glaber, Sym- les principales caractéristiques d'association,
phonia globulifera, Treculia africana, Ma- signalons Euphorbia Dawei (grande euphorbe
caranga angolensis ainsi que diverses Maran- cactiforme), Crossandra nilotica, Dicliptera
tacées, Commelinacées et Zingibéracées. insignis, Euclea Kellau, Sansevieria Bequaer-
Haut-Lomami. tii; les espèces forestières en général sont
384 BOTANIQUE

nombreuses (Cissus div. sp., Cordia ovalis, quatorial se présentant sous forme de galeries
Greivia similis, Carissa edulis, Erythrococca parfois très larges (1 km.) ; s'étendant sur les
bongensis, Rhus natalensis, etc.). plateaux, elle n'est pas - liée à une - nappe
phréatique. Montre
une nette tendance
à l'envahissement des
savanes de l'Hypar-
rhenion confinis, sur-
tout en l'absence do
feux de brousse.
Comprend diverses
sous-associations.

2. - Association à
Canarium
Schwein-
furthii
MULLENDERS
1949.
Association fores-
t i è r e représentant
vraisemblablement le
paraclimax sur - les
sols jaunes graniti-
ques.

XVI.

VEGETATION
NITROPHILE,
RUDERALE,
MESSICOLE,
Aspect du sous-bois de la forêt climatique à Euphorbia Dawei (Euphorbietum
Dawei LEBRUN).Fikiri, Parc National Albert. CULTURALE ET
(Coll. I. P. N. C. B. Photo HoIER.) POSTCULTURALE.

B. HAUT-LOMAMI. Classe : Rudereto - Manihotetea


ALLIANCEDU CANARIUMSCHWEINFURTHII
ET pantropicalia Léonard in Taton
ALBIZZIAZYGIA HERMANIN MULLENDERS 1949.
1949.
(Végétation nitrophile, rudérale, messi-
Espèces arborescentes principales de l'al- cole, culturale et postculturale en
liance : Canarium Schweinfurthii, Albizzia régions tropicales).
Zygia, Klainedoxa gabonensis, Funtumia
africana, Lovoa trichilioides, Chlorophora ORDRE A : BIDENTETALIA PILOSAE
excelsa, Celtis Zenkeri, Ricinodendron afri- LEBRUN IN MULLENDERS 1949.
canum, Parkia filicoidea, Piptadenia Lujae, (Végétation nitrophile, rudérale —
Cynometra Alexandri, Cordia cf. longipes, anthropophile, culturale et post-
etc. culturale)

1. — Association à Klainedoxa Caractéristiques probables de l'ordre et de
gabonensis classe (« mauvaises herbes ») : Paspalum
et Pterygota cf. Mildbraedii HERMAN la
IN MULLENDERS1949. conjugatum, Phyllanthus Niruri, Euphorbia
hirta, Bidens pilosa, Ageratum conyzoides,
Forêt climatique hygrophile de type subé- Alternanthera sessilis, Synedrella nodiflora,
De Arts et Métiers Congolais" de Henri Kerels.

LE TISSAGE.
BOTANIQUE 385

Cyperus sphacelatus, Cyathula prostrata, large distribution, un certain nombre d'es-


Mariscus umbellatus, etc. pèces à aire plus réduite (caractéristiques
Portulaca
ALLIANCE 1 : ECLIPTION ALBAE LEBRUN régionales). Se compose de divers
1947. (P. quadrifida, P. oleracea), Euphorbia (E.
(Végétation nitrophile fugace des vases prostrata, E. serpens, E. hirta fa., E. sp.) et
exondées ) Alternanthera (A. sessilis, A. repens) ainsi

1. — Association à Eclipta alba et Basili-


cum polystachyon LEBRUN1947.
Association herbeuse colonisant les dépôts
vaseux. Dominance d'Eclipta prostrata (= E.
alba), Ethulia conyzoides, Melochia corchori-
folia, Ludwigia prostrata, Basilicum polysta-
chyon, Aspilia Dewevrei, Spilanthes Acmella,
Chloris pilosa, etc. Commun dans la plaine
du Lac Edouard.
2. — Association à Eclipta prostrata et
Struchium Sparganophora (Eclipteto-
Struchietum LÉONARD1950).
Végétation développée sur les bancs de vase
périodiquement exondés des grandes rivières
Banc de vase du fleuve récemment exondé couvert
ou dans les dépressions des bancs de sable d'une multitude de jeunes Cyperus imbricatus et
recouvertes de vase. Association fugace par Sphenocleazeylanica (variante de VEclipteto-Struchietum
suite de la durée d'exondaison très brève du LÉONARD). Yangambi. (Photo LOUIS.)
substrat; se compose de nombreuses espèces,
presque toutes du type thérophyte, dont que de Mollugo nudicaulis, Tribulus terrester
Eclipta prostrata, Basilicum polystachyon, et de pionnières érigées du Rudereto-Eleusi-
Struchium Sparganophora, Dichrocephala bi- netum (Eleusine indica, Cyperus sphacelatus.
color, Sphenoclea zeylanica, Echinochloa etc. )
Crus-Pavonis, Hyptis brevipes, Artanema
la. — Sous-association typique (Portula-
longifolium, Sphaeranthus africanus et diver- ceto - Euphorbietum
ses espèces des genres Cyperus, Jussieua, prostratae
Glinus et Melothria ainsi que typicum).
Oldenlandia, divers facies dont un à
de nombreux représentants de l'ordre ou de Comprend
Euphorbia hirta fa. Toute la Colonie et
la classe. Une variante à Cyperus imbricatus
et Sphenoclea très large répartition en Afrique tropicale.
zeylanica se caractérise par
une végétation plus dense et plus élevée que lb. — Sous-association à Mollugo nudi-
dans la variante typique. Cuvette centrale et caulis et Oldenlandia corymbosa
vraisemblablement large répartition en Afri- (Portulaceto-Euphorbietum prostra-
que tropicale. tae Molluginetosum LÉONARD1950).
ALLIANCEII : ELEUSINIONINDICAELÉONARD Sous-association développée uniquement
1950. sur substrat sablonneux et caractérisée par
(Végétation rudé rale - anthropophile l'optimum de développement de Mollugo
proprement dite : bords des chemins, nudicaulis, Oldenlandia corymbosa, l'abon-
villages, terrains vagues, décombres, dance d'Euphorbia hirta et l'absence des
etc.). autres Euphorbia. Environs de Yangambi.
1. — Association à Euphorbia prostrata et 2. — Rudereto-Eleusinetum LÉONARD1950.
Portulaca quadrifida (Portulaceto- Végétation dressée, ± fermée, héliophile à
Euphorbietum prostratae LEBRUN1947; hémihéliophile, ordinairement sarclée, très
voir LÉONARD8). commune aux bords des chemins peu ou non
Végétation prostrée, ouverte, héliophile, piétinés ainsi que dans les terrains vagues et
colonisant les chemins piétinés périodique- les abords des villages. Se compose de nom-
ment sarclés et les abords des habitations sur breuses espèces, appartenant la plupart à
des substrats sablonneux, argileux ou grave- l'alliance, l'ordre ou la classe mais trouvant
leux. C'est en réalité une association collec- au sein de ce groupement des conditions de
tive comprenant, en plus d'un lot d'espèces à développement optimum : Paspalum conjuga-

13
386 BOTANIQUE

tum, Axonopus compressus, Eleusine indica, Calvoa sessiliflora, Aneilema umbrosum,


Panicum repens, Digitaria polybotrya, Cype- Cyperus fertilis, Elytraria acoulis, etc.) ainsi
rus sphacelatus, Eragrostis pilosa, Eragrostis que d'espèces des groupements supérieurs
(Panicum brevifolium, Phyllanthus Niruri) et
de pionnières du recrû forestier. Cuvette
centrale.
ALLIANCEIV : BIDENTIONPILOSAELEBRUN
IN MULLENDERS1919.
(Végétation culturale et postculturale,
périodiquement sarclée ou fauchée).
1. — Association à Talinum triangulare
(l'alinctum triangularis LÉONARD1950).
Groupement nitrophile, héliophile à hémi-
héliophile, envahissant les cultures annuelles
ou pérennes ainsi que les terrains abandonnés
après cultures. Comprend Talinum triangu-
lare, Digitaria horizontalis, Bidens pilosa,
Détail de la végétation d'un terrain vague (Rudereto- Pepercmia pellucida, Micrococca Mercurialis,
Eleusinetum LÉONARDfacies à Panicum repens). diverses caractéristiques des groupements
Yangambi. (Photo LOUIS.) supérieurs (Panicum brevifolium, Cyathula
prostrata, Ageratum conyzoides, Synedrella
tenuifolia, Cynodon plectostachyon, etc. Très
nombreux faciès. Large répartition en Afri-
que tropicale.
3. — Association à Synedrella nodiflora
et Amaranthus div. sp. (Amarantheto-
Synedrelletum LÉONARD 1950).
Association colonisant les décombres et les
immondices aux environs des habitations. Se
compose de Synedrella nodiflora, divers
Amaranthus (A. spinosus, A. dubius, A. gra-
cilis, A. lividus subsp. adscendens, A. tricolor
subsp. tristis), Cyperus distans, Flellrya
aestuans, Gynandropsis gynandra, de plantes
cultivées subspontanées (Carica Papaya, Sola-
nurn Lycopersicum, Elaeis guineensis, Canna
indica, Capsicum frutescensy Manihot esculen-
ta) et de nom breuses caractéristiques des
groupements supérieurs (Ageratum conyzoi-
des, Eleusine indica, Bidens pilosa, etc.).
Commun dans la cuvette centrale et vraisem-
blablement dans toute la Région guinéenne.
ALLIANCE III : PASPALION CONJUGATI
LÉONARD1950.
(Végétation des chemins forestiers
ombragés en Région guinéenne).
1. — Association à Paspalum conjugatum
(Paspaletunt conjugati LÉONARD1950).
Végétation pionnière, dressée, plus ou moins
fermée, périodiquement fauchée des chemins
forestiers ombragés peu piétinés. Se compose
de Paspalum conjugatum (optimum), Otto- Dans les chemins forestiers ombragés se développe une
chloa Arnottiana, Torenia parviflora, Pteris association à dominance de Paspalum conjugatum
différen- accompagné de diverses espèces forestières sciaphiles
atrovirens et de très nombreuses (Paspaletum conjugati LÉONARD,! L'arbre est Cynometra
tielles forestières sciaphiles (Celosia globosa, Alexandri. Yangambi. (Photo LouisJ
BOTANIQUE 387

nodiflora) ainsi que de nombreuses pionniè-


res. La variante type, comprenant divers
faciès, recherche les endroits humifères, frais
et plus ou moins ombragés. La variante à
Paspalum conjugatum, au contraire, carac-
térisée par l'abondance de Paspalum conju-
gatum et la présence sporadique de Talinum,
Digitaria, Peperomia et Micrococca, se déve-
loppe sur des sols ordinairement plus épuisés
que dans la variante type. Le facies à Erige-
ron floribundus, où cette espèce forme une
strate supérieure dense au-dessus d'une strate
où domine le plus souvent Paspalum conju-
gatum, envahit généralement les terrains
épuisés abandonnés après plusieurs cultures Pelouse à Paspalum conjugatum envahissant fréquem-
ou les emplacements d'anciens villages. Cuvet- ment les cultures et les jachères en Région guinéenne
te centrale, très commun. (Talinetum triangularis LÉONARD variante à Paspalum
conjugatum). Yangambi. (Photo LouisJ
2. — Association à Galinsoga parviflora et
Solanum nigrum TATON 1949 nomen; à Polygonum alatum, Hydrocotyle Mannii et
voir HENDRICKX1949. Impatiens sp. tandis que le facies de lumière
est riche surtout en Commelina diffusa, Ma-
Cette association, qui constitue le premier
riscus umbellatus et Amaranthus sp.
stade de la colonisation des cultures, com-
Groupement commun dans les régions
prend diverses espèces, la plupart des théro- orientales de la Colonie et
montagneuses
phytes, dont les plus importantes sont Bidens vraisemblablement à large répartition dans
pilosa, Ageratum conyzoides, Oxalis cornicu- les régions montagneuses africaines (Came-
lata, Dichrocephala bicolor, Celosia trigyna, roun par exemple).
Solanum nigrum, Galinsoga parviflora, etc.
ainsi que Digitaria abyssinica, graminée viva- ALLIANCEV : PANICIONMAXIMILEBRUN IN
ce et rhizomateuse, pionnière de la prairie à MULLENDERS1949.
Digitaria abyssinica. Région de Nioka. (« Savanes » secondaires planitiaires).
HENDRICKX(17), étudiant la flore adventice 1. — Association à Panicum maximum
des plantations de caféiers (Coffea arabica) (Panicetum maximi (RoBERTY 1940
dans la région de Mulungu, décrit une végé- nomen) LÉONARD1950).
tation semblable. Les thérophytes sont en
Végétation herbeuse, fermée, constituant
majorité et, comme Ageratum conyzoides, des « savanes » parfois fort étendues au bord
Mariscus umbellatus, Eleusine indica, etc., des chemins, dans les villages, les terrains
caractérisent la plupart des groupements
On peut distinguer une phase vagues et les jachères. Se compose d'une
supérieurs. strate supérieure de 1,5-2,5 m. de haut et de
initiale se développant immédiatement après 100 de recouvrement comprenant surtout
un labour dans un sol bien aéré et où domi-
des caractéristiques de l'association (Panicum
nent Galinsoga parviflora, Polygonum alatum,
maximum, Setaria megaphylla, Sorghum
Oxalis corniculata, Amaranthus sp., Erucas- Rottboellia exaltata, Pennise-
trum nubicum, Impatiens sp., Stellaria media, arundinaceum,
tum polystachion, Cymbopogon densiflorus)
etc. Sous l'action des pluies surtout, le sol se
entremêlées de lianes diverses ainsi qu'une
tasse graduellement, d'autres espèces appa- strate inférieure de 30-40 cm. de haut où
raissent notamment Ageratum conyzoides, abondent des relictes des associations anté-
Celosia trigyna, Cleome Schimperif Drymaria
rieures (Eleusinion indicae ou Bidention pilo-
cordata suivies, plus tard, de Bidens pilosa,
sae) et des pionnières des recrûs. Divers
Dichrocephala bicolor, Erigeron floribundus, facies dont le plus courant à Panicum maxi-
Sida rhmnbifolia, etc. constituant la phase
mum (herbe de Guinée). Groupement très
finale dans laquelle se développe un chien- commun dans toute la Région guinéenne.
dent Digitaria abyssinica. Dans les endroits
ombragés, la phase initiale présente un facies 2. — Association à Pennisetum purpureum
(Pennisetetllrn purpurei (RoBERTY 1940
(17) F. HENDRICKX, Contribution à l'étude de la flore
adventice des plantations de caféiers (Coffea arabica), nomen) LÉONARD1950).
Bull. Agr. Congo Belge, XL, 1, p. 749 (1949). Dans la région de Yangambi, dans le Haut-
388 BOTANIQUE

Lomami, dans la plaine du Lac Edouard ainsi toutes les savanes de la Colonie et, çà et là.
qu'en diverses régions du Congo ont été dans la cuvette centrale.
ORDRE B : DIGITARIETALIA ABYSSI-
NICAE LEBRUN IN TATON 1949.
(Végétation culturale et postcul-
turale montagnarde).
ALLIANCE : DIGITARION ABYSSINICAE
LEBRUNIN TATON1949.

1. — Association à Digitaria abyssi-


nica LEBRUN 1942; voir TATON
1949.
La prairie à Digitaria abyssinica
(chiendent) est un groupement secon-
daire formant un gazonnement continu
dans les plantations et les jachères. Elle
se compose d'une strate supérieure de
m. de haut, à recouvrement variable
Savane secondaire à Imperata cylindrica (Imperatetum cylin- 1,50
dricae LEBRUN in LÉONARD;. Plaine du Lac Edouard. (0-50 %), constituée de quelques ar-
(Photo LÉOIURD.) bustes et de grandes herbes ainsi que
d'une strate inférieure de 20-30 cm. de
haut et de 100 de recouvrement où domine
signalés des groupements denses à Pennisetum
purpureum (herbe à éléphants) développés très nettement Digitaria abyssinica. Le cor-
surtout dans les jachères en des endroits tège floristique comprend surtout des nitro-
inondés ou à bonne économie philes-rudérales, caractéristiques des grou-
périodiquement
en eau. Ils comprennent une strate supérieure pements supérieurs, les unes tropicales
de 3-5 m. de haut, de 100 de recouvrement, (Solanum nigrum, Alectra senegalensis, Cassia
composée presque uniquement de Pennisetum mimosoides, Achyranthes aspera, Indigofera
entremêlé de lianes diverses et arrecta, Indigofera endecaphylla, Cleome
purpureum
d'une strate inférieure peu importante. Les ciliata, Sida rhombifolia, Oxalis corniculata,
autres espèces constituantes sont des rudé- Bidens pilosa, Paspalum. scrobiculatum, etc.),
rales en général ainsi que des plantes des les autres afro-montagnardes (Cynodon plec-
endroits humides. Par la présence de Pani- tostachyon, Arthraxon Quartinianus, Cyno-
cum maximum, Sorghum arundinaceum, Se- glossum geometricum, Euphorbia Schimpe-
taria megaphylla et Rottboellia exaltata, ce riana, Galinsoga parviflora, etc.) auxquelles
en d'autres se joignent souvent diverses pionnières des
groupement, mieux individualisé
tropicale, semble devoir savanes en général. Commun dans les régions
régions d'Afrique
être rattaché au Panicion maximi. montagneuses orientales, entre 1600 et 2000 m.
d'altitude principalement.
3. — Association à Imperata cylindrica
(Imperatetum cylindricae LEBRUN in
LÉONARD1950). En plus des ouvrages dans lesquels sont
Les savanes bien connues à Imperata cylin- décrits les groupements énumérés ci-dessus, il
drica abondent particulièrement dans les existe également d'autres travaux, assez nom-
breux même, consacrés à l'examen de la végé-
champs, les cultures et les jachères en général
où elles se montrent très envahissantes. Ce tation du Congo Belge. La plupart, ainsi qu'il
incendié, se com- a été signalé précédemment, visent surtout à
groupement, périodiquement
la description du paysage. Certaines études
pose d'une strate inférieure pauvre et d'une
strate supérieure dense de 1-1,50 m. de haut récentes, par contre, sont plus fouillées et,
où domine Imperata cylindrica accompagné sans appliquer entièrement les méthodes phy-
de rudérales diverses dont plusieurs sont des tosociologiques, donnent de très utiles indica-
de l'alliance (Panicum maxi- tions permettant, dans bien des cas, de préci-
caractéristiques
Pennisetum polystachion, Cymbopogon ser les affinités des groupements décrits avec
mum, actuellement connues. La
densiflorus, Hyparrhenia rufa, Leonotis ne- des associations
ainsi que de nombreuses espèces consultation de ces ouvrages, souvent fruc-
petaefolia) avant
des savanes en général. Très commun dans tueuse, s'avère, en tout cas, nécessaire
BOTANIQUE 389

de décrire des associations nouvelles dont un volcans du Kivu), DONIS(forêts du Mayumbe


aperçu, sommaire il est vrai, risque de figurer méridional), DUVIGNEAUD(végétation du Bas-
dans ces travaux. Les plus importants Congo, du Kwango, du Kasai et du Katanga)
d'entre eux sont dûs à FRIES (végétation du et GERMAIN (végétation du Kwango, recrûs
Katanga et des régions montagneuses orien- et formations ligneuses secondaires dans la
tales), VANDERYST (savanes du Bas-Congo et région de Yangambi).
du Kasai), DELEVOY (forêts du Katanga), Enfin, la végétation des pays d'Afrique
HAUMAN(végétation du Ruwenzori), LEBRUN tropicale a fait, elle aussi, l'objet de nom-
(végétation des régions montagneuses du Con- breuses publications basées, la plupart, sur
go oriental, répartition de la forêt équatoriale, la méthode physionomique. Il est probable
végétation du volcan Nyiragongo), ROBYNS qu'un certain nombre de groupements décrits
(colonisation des laves du volcan Rumoka, dans ces travaux se retrouveront dans notre
formations herbeuses du District forestier Colonie ou y seront représentés par des
central), SCAETTA (végétation des régions groupements affins. L'état actuel des connais-
montagneuses orientales), Louis (végétation sances ne permet guère de donner des préci-
des environs de Yangambi), THOMAS(végéta- sions à cet égard, tout au moins à l'échelle de
tion du Kivu), HENDRICKX (végétation des l'association.

D. — CONCLUSIONS.
En conclusion de cet aperçu consacré aux sus), les forêts des régions montagneuses
groupements végétaux du Congo Belge, on orientales (forêts de transition, forêts scléro-
voit que les associations étudiées à ce jour phylles, forêts de montagne), les forêts claires
se rapportent à 16 types de végétation diffé- du Haut-Kwango et du Katanga ainsi que les
rents. Les 67 associations et groupements divers types de forêts établies sur terrain
déjà reconnus ont été groupés en 27 alliances, humide ou périodiquement inondé (mangro-
13 ordres et 4 classes. Ces quelques données ves, forêts ripicoles, forêts périodiquement
certes traduisent incomplètement encore la inondées, forêts insulaires, forêts rivulaires,
richesse de la végétation congolaise (163 asso- forêts marécageuses).
ciations et groupements, 53 alliances, 32 or- Dans l'état actuel de nos connaissances, il
dres et 20 classes connus actuellement en est souhaitable que, dans l'étude des groupe-
Belgique!). La plupart des associations ac- ments végétaux, l'application des méthodes
tuellement connues sont des groupements physionomiques et floristiques puisse se pour-
pionniers ou herbeux (environ 50 sur 67!). suivre au Congo Belge. Il faut espérer,
Leur étude est plus aisée et logique. C'est qu'après un rapide mais utile « survey » des
par ces groupements simples qu'il faut com- régions encore peu connues, l'analyse socio-
mencer en effet pour pénétrer peu à peu les logique de la végétation de toute la Colonie
arcanes de la végétation forestière tropicale. soit entreprise sur une vaste échelle et avec
Les travaux phytosociologiques, dont l'aide indispensable de l'aviation. L'étude
l'énorme intérêt scientifique et pratique n'est approfondie de régions soigneusement choi-
plus à démontrer, débutent à peine dans notre sies avec, dans la mesure du possible, établis-
Colonie et de nombreuses recherches restent sement de cartes de la végétation, doit être
à entreprendre, surtout l'examen des groupe- méthodiquement poursuivie. On pourrait son-
ments forestiers qui constituent la majeure ger également à l'examen de certains types
partie de la couverture végétale et sur lesquels importants de végétation sur de grandes éten-
nous ne possédons encore que des données dues de la Colonie. Les divers organismes
très générales. Pour se rendre compte du scientifiques chargés notamment de l'entre-
travail restant à accomplir, il suffit d'évo- prise de ces travaux existent; on ne peut
quer notamment les nombreux types de forêts qu'espérer, après une indispensable unifor-
équatoriales de terre ferme (forêts hétérogènes misation des méthodes et un accord avec les
à Scorodophloeus Zenkeri, forêts homogènes services aérophotogrammétriques, l'établisse-
à Macrolobium Dewevrei ou à Cynometra ment par eux d'une coordination méthodique
Alexandri, formations forestières secondaires), et d'une hiérarchisation logique du travail à
les forêts du Mayombe (peuplements à Ter- accomplir. Les résultats obtenus en ces der-
minalia superba, à Xylopia aethiopica, à nières années représentent déjà une contribu-
Gossweilerodendron balsamiferum), les forêts tion importante et, avec la collaboration sin-
tropophiles de l'Ubangi-Uele (à Triplochyton cère de tous, permettent d'envisager l'avenir
scleroxylon, à Terminalia superba, à Anogeis- avec optimisme.
II. La Flore(l)

Par \V. ROBYNS.


Directeur du Jardin Botanique de l'Etat,
Professeur à l'Université Catholique de Louvain,
Membre de l'Académie Royale Flamande de Belgique.

E Congo Belge et le Ruanda- Cette flore remonte vraisemblablement à


Urundi sont entièrement situés la fin du Tertiaire, époque à laquelle
dans la zone intertropicale afri- l'Equateur est venu occuper, en Afrique, une
caine et possèdent, de ce fait, une situation voisine de sa position actuelle. Il
L flore tropicale constituée en ma- n'y a cependant pas de doute qu'elle a subi,
jeure partie d'espèces mégather- par après, des vicissitudes diverses, dues aux
mes. Toutefois, des espèces mésothermes et variations climatiques de l'ère quaternaire
même des espèces microthermes se rencontrent et plus particulièrement aux glaciations
parmi les plantes des régions montagneuses pléistocènes.
de l'Est.

A. — CONNAISSANCES ACTUELLES.
Nos connaissances sur la flore congolaise matière et ont jeté les bases de la floristique
sont basées uniquement sur les matériaux et de la phytogéographie congolaises.
d'étude constitués par les herbiers, dont le
plus grand nombre, récoltés par nos compa- a) Les Spermatophytes.
triotes, sont conservés au Jardin Botanique
de l'Etat à Bruxelles. Ces herbiers, compre- D'après le dernier relevé statistique basé
sur toutes les données de la littérature, la
nant actuellement plus de 400.000 feuilles, Flore des Spermatophytes ou des Plantes à
constituent la documentation la plus riche
et la plus abondante de toute l'Afrique graines du Congo Belge et du Ruanda-
Urundi comptait, à la fin de 1940, 9.705 espè-
tropicale continentale. ces et 1039 sous-espèces, variétés et formes,
La détermination systématique de ces her- ce qui donne un total de 10.794 groupes
biers fut commencée en 1895 par TH. DURAND,
ancien Directeur du Jardin de spécifiques et subspécifiques.
Botanique Ces divers groupes appartiennent à 1.631
l'Etat. Ceci donna lieu, en 1896, à une publi-
cation intitulée : « Etude sur la Flore de genres, faisant partie de 170 familles végé-
l'Etat du Congo » faite, en tales.
Indépendant Parmi les 9705 espèces, on compte 6 Gym-
collaboration avec H. SCHINZ, dans les Mémoi-
res de l'Académie Royale de Belgique. nospermes et 9699 Angiospermes, se subdivi-
sant en 1943 Monocotylées et 7756 Dicotylées.
C'est surtout E. DE WILDEMAN,qui succéda
à TH. DURAND comme Directeur du Jardin Comme dans toute la zone intertropicale,
les Gymnospermes sont très rares au Congo
Botanique de l'Etat, qui fit connaître la flore Les 6 espèces
Belge et au Ruanda-Urundi.
congolaise, dont il fut l'un des pionniers et, connues appartiennent aux genres Encepha-
pendant .longtemps, le maître incontesté. Ses et Gnetum, auxquels il
nombreuses publications font autorité en la lartos, Podocarpus
faut cependant ajouter Juniperus procera
HOCHST. découvert dans les Marungu en 1946.
(1) Pour la bibliographie relative à la Flore, la Parmi les Angiospermes, la proportion des
Végétation et les Territoires phytogéographiques, voir Monocotylées est d'environ 25 pour l'en-
W. ROBYNS : Les connaissances actuelles en Botanique semble du Congo Belge et du Ruanda-Urundi :
Congolaise, Premier Rapport Annuel de l'I.R.S.A.C.,
pp. 189-193(1949). mais cette proportion varie largement d'après
BOTANIQUE 391

les formations végétales. Elle augmente con- Les Mélastomatacées : 114 espèces
sidérablement dans les régions de savanes Les Apocynacées : 187 espèces
où dominent les plantes herbacées, pour dimi- Les Asclépiadacées : 149 espèces
nuer fortement dans les régions à forêts Les Verbénacées : 103 espèces
ombrophiles, composées en majeure partie de Les Labiatées : 307 espèces
plantes ligneuses. Les Scrophulariacées : 128 espèces
La flore des Angiospermes présente, d'autre Les Acanthacées : 348 espèces
part, les caractéristiques générales de toute Les Rubiacées : 674 espèces
la flore tropicale africaine, qui est pauvre en Les Composées : 727 espèces
espèces par rapport aux flores de l'Asie et
de l'Amérique tropicales. Toutes les autres familles comptent moins
Les Palmiers, qui donnent leur physionomie de 100 espèces et certaines d'entr'elles ne
propre aux paysages tropicaux par leur port sont même représentées que par 1 seule es-
si particulier, y sont peu représentés. On pèce, ainsi qu'il ressort du tableau ci-après :
n'y rencontre, en effet, que quelque 30 espè- Les :
Typhacées 1 espèce
ces, parmi lesquelles Elaeis guineensis JACQ. :
Les Pandanacées 2 espèces
ou le Palmier à huile, est certes le plus
Les Potamogétonacées : 9 espèces
commun et le plus répandu dans tout le
Les Najadacées : 2 espèces
Congo occidental et central, tant à l'état Les Alismatacées : 2 espèces
spontané qu'à l'état planté. Les Il espèces
Les Orchidées, abondamment Hydrocharitacées :
représentées Les Aracées : 56 espèces
dans les autres régions tropicales, ne comptent
Les Lemnacées : 3 espèces
au total qu'environ '00 espèces. La plupart
Les Flagellariacées : 1 espèce
sont des plantes épiphytes et à petites fleurs
Les Xyridacées : 21 espèces
insignifiantes, sauf quelques Orchidées ter-
Les Eriocaulacées : 5 espèces
restres des genres Eulophia et Lissochilus à
Les Pontédériacées : 5 espèces
grandes fleurs ornementales. Les :
Cyanastracées 3 espèces
Si les Graminées sont nombreuses et Les Juncacées : 4 espèces
comptent plus de 600 espèces, par contre les Les Amaryllidacées : 55 espèces
Bambusées, groupe uniquement tropical, ne Les Velloziacées : 2 espèces
sont représentées que par Arundinaria alpina Les Taccacées : 1 espèce
K. SCHUM., une espèce afro-orophile habitant Les Dioscoréacées : 57 espèces
les montagnes du Kivu et atteignant 20 à Les Iridacées : 59 espèces
23 mètres de haut, ainsi que par Oxythenan- Les Musacées : 16 espèces
thera abyssinica MUNRO, un petit bambou de Les 35 espèces
Zingibéracées :
quelques mètres de haut qui affectionne sur- Les Cannacées : 1 espèce
tout les termitières dans la région de savanes : 29 espèces
Les Marantacées
du Katanga. Burmanniacées :
Les 3 espèces
Parmi les autres familles, comptant plus
de 100 espèces d'après le relevé de 1940,
Les Pipéracées : 12 espèces
signalons pour les Monocotylées :
Les Hydrostachyacées : 2 espèces
Les Cypéracées : 262 espèces Les Myricacées : 7 espèces
Les Liliacées : 187 espèces Les Ulmacêes : 10 espèces
Les Commélinacées : 103 espèces Les Cannabacées : 1 espèce
Les Urticacées : 40 espèces
De même pour les Dicotylées avec plus de Podostémacées : 11 espèces
Les
100 espèces, citons : Les : 24 espèces
Protéacées
Les Moracées : 149 espèces Les Olacacées : 28 espèces
Les Loranthacées : 107 espèces Les Opiliacées : 10 espèces
Les Annonacées : 121 espèces Les Octoknémacées : 1 espèce
Les Connaracées : 119 espèces Les Santalacées : 7 espèces
Les Caesalpiniacées : 239 espèces Les Aristolochiacées : 5 espèces
Les Papilionacées : 876 espèces Les Rafflésiacées : 1 espèce
Les Euphorbiacées : 377 espèces Les Balanophoracées : 3 espèces
Les Tiliacées : 112 espèces Les Polygonacées : 43 espèces
Les Combrétacées : 123 espèces Les Chénopodiacées : 4 espèces
392 BOTANIQUE

Les Amaranthacées : 71 espèces Les Ochnacées 82 espèces


Les Nyctaginacées : 8 espèces Les Guttifères : 34 espèces
Les Phytolaccacées : 6 espèces Les Diptérocarpacées : 14 espèces
Les Aizoacées : 10 espèces Les Canellacées 1 espèce
Les Portulacacées : 8 espèces Les Cochlospermacées 1 espèce
Les Basellacées : 2 espèces Les Bixacées ] espèce
Les Caryophyllacées : 16 espèces Les Violacées : 41 espèces
Les Nvmphéacées : 10 espèces Les Flacourtiacées : 59 espèces
Les Cératophyllacées : 1 espèce Les Turnéracées 4 espèces
Les Ranunculacées : 36 espèces Les Passifloraeées : 22 espèces
Les Ménispermacées : 27 espèces Les Caricacées 1 espèce
Les Myristicacées : 8 espèces Les Bégoniacées : 34 espèces
Les Monimiacées : 1 espèce Les Cactacées : 1 espèce
Les Lauracées : 8 espèces Les Oliniacées 3 espèces
Les Hernandiacées : 1 espèce Les Thyméléacées 29 espèces
Les Papavéracées : 3 espèces Les Lythracées : 11 espèces
Les Capparidacées : 67 espèces Les Lécythidacées 1 espèce
Les Crucifères 18 espèces Les Rhizophoracées : 21 espèces
Les Résédacées : 1 espèce Les Alangiacées : 2 espèces
Les Moringacées 1 espèce Les Myrtacées : 21 espèces
Les Droséracées 4 espèces Les Oenothéracées : Il espèces
Les Crassulacées : 19 espèces Les Halorrhagacées : 2 espèces
Les Pittosporacées : 6 espèces Les Araliacées 26 espèces
Les Rosacées : 69 espèces Les Umbelliférées : 78 espèces
Les Pandacées : 1 espèce Les Cornacées 1 espèce
Les Oxalidacées : 20 espèces Les Ericacées : 23 espèces
Les Géraniacées 5 espèces Les Myrsinacées 21 espèces
Les Linacées : 20 espèces Les Primulacées : 4 espèces
Les Erythroxylacées 2 espèces Les Plumbaginacées : 1 espèce
:
Les Zygophyllacées : 5 espèces Les Sapotacées 85 espèces
Les Rutacées : 34 espèces Les Ebénacées : 38 espèces
Les Simarubacées : 19 espèces Les Oléacées : 31 espèces
Les Burséracées : Les Loganiacées : 89 espèces
3 espèces
43 espèces Les Gentianacées 47 espèces
Les Méliacées :
: 15 espèces Les Convolvulacées : 92 espèces
Les Malpighiacées
: Les Hydrophyllacées : 1 espèce
Les Vochysiacées 1 espèce
: 52 espèces Les Borraginacées : 41 espèces
Les Polygalacées
Les Solanacées : 96 espèces
Les Dichapétalacées : 60 espèces
Les Bignoniacées : 28 espèces
Les Callitrichacées : 1 espèce
Les Pédaliacées : 12 espèces
Les Buxacées : 2 espèces
Les Gesnériacées 9 espèces
Les Anacardiacées : 41 espèces
Les Lentibulariacées : 17 espèces
Les Aquifoliacées : 1 espèce 1 espèce
Les Plantaginacées :
Les Célastracées : 9 espèces 1 espèce
Les Valérianacées
Les Hippocratéacées : 45 espèces 4 espèces
Les Dipsacacées :
Les Salvadoracées : 1 espèce 98 espèces
Les Cucurbitacées :
Les Icacinacées : 25 espèces : 45 espèces
Les Campanulacées
Les Sapindacées : 70 espèces
Les Mélianthacées : 7 espèces
Les Balsaminacées : 43 espèces On peut se demander jusqu'à quel point
les données qui précèdent correspondent à la
Les Rhamnacées : 15 espèces
Les Vitacées : 69 espèces réalité ?
Les Malvacées : 91 espèces Remarquons d'abord que ce sont surtout les
Les Bombacacées : 9 espèces Plantes à graines, constituant la masse de la
Les Sterculiacées : 89 espèces végétation congolaise, qui ont spécialement
Les Scytopétalacées 6 espèces retenu l'attention des collecteurs, à tel point
:
Les Dilléniacées : 12 espèces que l'herbier du Congo Belge au Jardin
BOTANIQUE 393

Botanique de l'Etat est constitué, en majeure phymatodes L., une des espèces les plus com-
partie, de matériaux de Spermatophytes. munes, ainsi que diverses espèces de Platyce-
Cependant, si l'exploration floristique est rium. Ces dernières vivent en épiphytes sur
actuellement bien avancée, certaines régions les troncs et les branches des arbres dans les
sont encore incomplètement connues. Citons forêts ombrophiles et y forment des touffes
ici, à titre d'exemple, le Mayumbe septen- d'un bel effet ornemental.
trional, le Haut-Kwango, le Kasai, le Sankuru Dans les formations forestières submon-
septentrional, la Haute-Tshuapa, l'entre tagnardes èt montagnardes de l'Est se ren-
Aruwimi-Itimbiri, la région de la N'Giri, contrent quelques Cyathéacées, ou fougères
l'Ubangi septentrional, l'Uele septentrional, arborescentes, appartenant aux genres Also-
l'Ituri, le Tanganyika et l'Urundi. phylla et Cyathea.
On peut donc encore s'attendre à la décou-
verte de groupes nouveaux de Spermatophy- c) Les Bryophytes.
tes, surtout dans certaines familles peu étu- D'après le Prodrome récent de F. DEMARET,
diées jusque présent, telles que les Lauracées. on connaît actuellement au Congo Belge et
Alors que d'après le relevé de 1940, cette au Ruanda-Urundi 700 espèces et variétés de
famille ne comptait que 8 espèces, une révi- Bryophytes dent 559 Mousses et Sphaignes et
sion approfondie faite en 1949, par W. ROBYNS 141 Hépatiques. Ce chiffre, qui est sensible-
et R. WILCZEK a fait porter ce chiffre à ment inférieur à celui de la flore bryologique
34 espèces et 2 variétés. de la Belgique et qui concerne surtout les
D'autre part, le relevé de 1940 a été fait régions orientales du Congo Belge, dont les
d'après les données de la littérature, sans hautes altitudes du Ruwenzori sont parmi les
qu'il ait été possible d'établir toutes les mieux connues, montre l'état fragmentaire
synonymies. Une révision approfondie et de nos connaissances, qui ne permet même
critique de diverses familles a déjà amené et pas de se faire une idée d'ensemble de la
amènera sans aucun doute encore à l'avenir flore bryologique congolaise. Les Hépatiques,
des mises en synonymies plus ou moins nom- en particulier, qui sont très abondantes au
breuses, qui compenseront probablement la Congo, surtout parmi la végétation épiphyte
découverte de groupes nouveaux. C'est ainsi et épiphylle, sont très mal connues.
que la révision des Loranthacées par
S. BALLE en 1948 a ramené à 74 le nombre
de 107 espèces signalé dans le relevé de 1940. d) Les ThaUophytes.
On peut donc admettre que le chiffre de La récolte méthodique des Algues, qui
10.000 espèces donne une idée approximative exige généralement un matériel spécial, bien
de la richesse réelle du Congo Belge et du que peu compliqué, pour les mettre en bon
Ruanda-Urundi en Plantes à graines indi- état de conservation, n'a guère encore été
gènes. faite au Congo. Quelques Algues ont pu être
Si l'on compare la flore des Spermato- étudiées par E. DE WILDEMANet P. FRÉMY,
phytes du Congo Belge à celle de l'Afrique cependant que P. VAN OYE s'est adonné à
tropicale, on peut estimer qu'elle comprend l'étude des Desmidiacées et que P. DUVIGNEAUD
environ les 2/5 des espèces de toute l'Afrique et F. SYMOENSont étudié des Cyanophycées
tropicale continentale, c'est-à-dire qu'elle est du Parc National Albert.
relativement riche et diversifiée. Grâce aux nombreuses récoltes et aux
Rappelons ici que la flore des Spermato- aquarelles de Mme V. GOOSSENS,M. BEELI a
phytes de la Belgique compte environ 1300 pu étudier, depuis 1920, les Champignons
espèces, considérées comme indigènes. supérieurs et principalement les Basidiomy-
cètes charnus, dont il a décrit et figuré de
Les nombreuses espèces nouvelles et dont il a
b) Ptéridophytes. commencé la publication d'une flore icono-
D'après les renseignements qu'a bien voulu graphique en couleurs en 1935. Les Cham-
nous communiquer F. DEMARET,Conservateur pignons phytopathogènes, d'autre part, ont
au Jardin Botanique de l'Etat, nous con- retenu Inattention de divers phytopathologis-
naissons actuellement 340 espèces de Ptéri- tes et nous devons citer ici les noms
dophytes ou de Fougères appartenant surtout d'E. MARCHAL,C. VERMOESEN,J. GHESQUlÈRE,
aux Polypodiacées. Parmi les représentants P. STANER,R. L. STEYAERTet F. L. HENDRICKX.
de cette dernière famille, citons Polypodium En outre, L. HAUMAN s'est intéressé aux

13*
394 BOTANIQUE

Champignons séminicoles des forêts équato- Si les Spermatophytes et les Ptéridophytes


riales congolaises. commencent à être bien connus de nos jours,
En 1922, M. BEELI publia une première les données actuelles relatives aux Bryophytes
énumération des Champignons signalés au et aux Thallophytes sont encore très rudi-
Congo Belge ;et ce travail d'ensemble en mentaires et ne permettent même pas de se
énumérait 593 espèces. faire une idée d'ensemble. C'est dire que la
Dans le « Sylloge Fungorum Congensium », récolte des matériaux d'étude et la confection
paru en 1948, F. L. HENDRICKXsignalait qu'à d'herbiers gardent toute leur importance au
la date du 31 décembre 1945, la Flore myco-
Congo Belge et au Ruanda-Urundi, d'autant
logique du Congo Belge et du Ruanda-Urundi plus qu'il s'agit de territoires très étendus,
comprenait 1.193 espèces et 104 variétés. Les présentant une très grande diversité physio-
progrès réalisés depuis 1922 sont certes con- graphique et bioclimatique.
sidérables, mais si l'on se rappelle qu'en
Belgique on connaît près de 8.000 espèces
de Fungi, on se rendra compte que nos con- Pour ce qui est de l'habitat des plantes
naissances actuelles ne permettent encore congolaises, nous pouvons distinguer deux
aucune synthèse sur la flore mycologique du grands groupes : les plantes de savane et
les plantes de forêt. Les plantes savanicoles
Congo Belge.
sont souvent des plantes héliophiles ou des
Enfin, les lichens du Ruwenzori ont fait
l'objet d'études d'A. ZAHLBRUCKNER, E. FREY plantes de lumière; tandis que les plantes
et J. MOTYKA, mais pour le reste, nos con- sylvicoles peuvent être des plantes de lumière
naissances sont très fragmentaires. ou des plantes d'ombre. Ces dernières, dites
plantes sciaphiles, croissent surtout dans le
Cet aperçu, par trop sommaire, montre que sous-bois à l'ombre de la futaie. Dans l'Est,
nos connaissances floristiques actuelles diffè- se rencontrent des espèces montagnardes,
rent grandement d'après les divers groupes. dites aussi espèces orophiles.

B. — FLORE GENERALE DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI

La plupart des travaux relatifs à la flore Une Flore régionale de l'Est, avec des clés
du Congo Belge ont paru dans les Annales du de détermination descriptives et de nombreu-
Musée du Congo Belge à Tervueren, dans ses illustrations, est actuellement en cours de
le Bulletin du Jardin Botanique de l'Etat à publication, par W. ROBYNS, sous le titre :
Bruxelles, dans le Bulletin de la Société « Flore des Spermatophytes du Parc National
Royale de Botanique de Belgique et dans les Albert », sous les auspices de l'Institut des
Annales de la Société Scientifique de Parcs Nationaux du Congo Belge. Les deux
Bruxelles. premiers volumes, consacrés aux Dicotylées,
Le seul travail d'ensemble sur les Sperma- ont paru respectivement en 1917 et 1948. Un
troisième volume, traitant des Monocotylées,
tophytes du Congo Belge est le « Sylloge
Florae Congolanae » de TH. et H. DURAND, est en préparation.
datant de 1909, qui donne un tableau complet En 1942, l'Institut National pour l'Etude
des connaissances à la fin de 1908. Agronomique du Congo Belge, d'accord avec
Des études floristiques régionales ont été le Jardin Botanique de l'Etat, prit l'initiative
publiées par E. DE WILDEMANpour le Kasai, de constituer un Comité provisoire pour exa-
les Bangala et l'Ubangui, le Mayumbe et le miner la possibilité de la publication d'une
Katanga; par J. MILDBRAEDpour le Ruanda flore congolaise, mettant au point toutes nos
et le Kivu; par L. HAUMANpour l'étage alpin connaissances actuelles. Ce Comité provisoire
du Ruwenzori; par J. LEBRUN pour la plaine élabora le plan d'une flore générale du Congo
de la Rutshuru et par J. LEBRUN,L. TOUSSAINT Belge, subdivisée en quatre séries ou flores
et A. TATON pour le Nord-Est du Ruanda. distinctes, consacrées chacune à l'un des
Les essences forestières furent étudiées par grands embranchements du règne végétal :
C. VERMOESENpour la forêt du Mayumbe et une Flore des Spermatophytes, une Flore des
de la cuvette centrale; par G. DELEVOYpour Ptéridophytes, une Flore des Bryophytes et
le Katanga et par J. LEBRUNpour les régions une Flore des Thallophytes, comprenant les
du Congo Oriental. Algues, les Champignons et les Lichens. Ce
BOTANIQUE 395

programme ayant été approuvé, un « Comité a paru en 1948. Il comprend les Gymnosper-
exécutif de la Flore du Congo Belge » fut mes et les premières familles des Angiosper-
chargé de la direction scientifique et techni- mes-Dicotylées, classées d'après le système
que des travaux qui allaient s'effectuer au d'ENGLER, à savoir : les Casuarinacées, les
Jardin Botanique de l'Etat. Pipéracées, les Hydrostachyacées, les Myri-
La Flore du Congo Belge et du Ruanda- cacées, les Ulmacées, les Moracées, les Can-
Urundi sera à la fois analytique et descrip- nabacées, les Urticacées, les Podostémacées,
tive. Elle sera basée sur une révision appro- les Protéacées, les Olacacées, les Opiliacées,
fondie de chaque famille, limitée au matériel les Octocknémacées, les Santalacées, les Lo-
d'herbier du Congo Belge et du Ruanda- ranthacées, les Aristolochiacées, les Rafflésia-
Urundi et elle donnera des descriptions ainsi cées, les Hydnoracées, les Balanophoracées et
que des clefs de détermination pratiques pour les Polygonacées.
tous les groupes. Elle renseignera, pour Le volume II, qui paraît fin 1950, traite
chaque espèce et ses subdivisions : la biblio- les familles suivantes : les Chénopodiacées,
graphie, l'iconographie et la synonymie les Amaranthacées, les Nyctaginacées, les
relatives au Congo Belge et au Ruanda- Phytolaccacées, les Aizoacées, les Portulaca-
Urundi, la distribution géographique détaillée cées, les Bassellacées, les Caryophyllacées, les
à l'intérieur de la Colonie, ainsi que l'aire Nymphéacées, les Cératophyllacéès, les Ra-
de distribution générale, l'habitat y compris nunculacées, les Ménispermacées, les Annona-
les renseignements écologiques, les noms ver- cées, les Myristicacées, les Monimiacées, les
naculaires et les usages. Des observations Lauracées, les Hernandiacées, les Fumaria-
systématiques et biologiques y seront éven- cées, les Capparidacées, les Crucifères, les
tuellement annexées. La citation des spécimens Résédacées, les Moringacées, les Droséracées,
d'herbier sera limitée à celle des types et des les Crassulacées, les Pittosporacées et les
synonymes et de quelques spécimens repré- Hamamélidacées.
sentatifs, sauf pour les espèces rares ou cri- Ces deux volumes marquent le début d'une
tiques, dont tout le matériel sera cité. Les œuvre collective de synthèse et de longue
groupes considérés comme étrangers à la flore haleine, qu'il n'est possible de réaliser que
congolaise et les plantes de culture seront par la collaboration de nombreux systémati-
également incorporés dans la Flore, mais ils ciens acceptant de travailler d'après un plan
seront imprimés en un texte différent. d'ensemble. Vingt volumes sont en effet pré-
La Flore sera abondamment illustrée de vus pour la Flore des Spermatophytes et les
dessins au trait sous forme de planches et de trois autres embranchements en exigeront
figures, ainsi que de dessins en couleurs et probablement autant.
de photographies de plantes in situ. La Flore du Congo Belge et du Ruanda-
Urundi est de nature à rendre de grands ser-
La préparation de la Flore a commencé vices tant dans le domaine scientifique que
par celle des Spermatophytes dont le volume 1 dans le domaine économique.

C. — LES ELEMENTS PHYTOGEOGRAPHIQUES.

La répartition géographique actuelle des Alors que beaucoup d'espèces ont une aire
plantes congolaises dépend d'un grand nom- de distribution géographique qui s'étend bien
bre de facteurs écologiques. De plus, la dissé- loin en dehors des frontières du Congo Belge,
mination des diaspores y joue un rôle fort d'autres, au contraire, ont une aire très petite
important, mais encore très mal connu de nos et limitée à une partie seulement du territoire
jours. envisagé. Si ces dernières espèces sont propres
Chaque plante congolaise présente une aire au Congo, elles sont dites endémiques et
de distribution géographique qui lui est elles sont d'une grande importance pour
propre. Pour déterminer cette aire, le phyto- caractériser la flore. Signalons encore que
géographe dispose des matériaux d'herbier certaines espèces ont des aires de distribution
et des données de la littérature. Ces docu- discontinues ou disjointes à l'intérieur même
ments, pour importants qu'ils soient, sont du territoire qui nous occupe. Ceci se présente
cependant encore insuffisants et la cartogra- aussi bien parmi les espèces sylvicoles que
phie phytogéographique congolaise reste parmi les espèces savanicoles et parmi les
encore en grande partie à faire. espèces orophiles.
396 BOTANIQUE

La connaissance des aires de distribution tivement au Nord et au Sud de l'Equateur


permet de déterminer les divers éléments par les deux tropiques (voir IV, plus loin).
constitutifs de la flore et par là de rechercher Suivant l'étendue des aires, on peut y dis-
leur origine et de déterminer leurs migrations tinguer diverses catégories dans l'ordre
dans le passé. dégressif suivant :
Le terme « élément », pris dans son sens
1. — Les éléments panafricains, largement
purement géographique tel que nous l'enten-
dons ici, désigne un ensemble d'espèces pré- répandus dans toute l'Afrique tropicale con-
sentant des aires de distribution semblables. tinentale. Citons d'après l'habitat :
Tout constituant d'une flore, en tant qu'il Espèces sylvicoles : Ficus Vallis-Choudae
DEL.
occupe une aire topographique déterminée,
est ainsi un élément phytogéographique de Espèces savanicoles : Fleurya aestuans
cette flore. (L.) GAUD.
La détermination des éléments phytogéo- Espèces orophiles, à aire disjointe : Podo-
du Congo Belge et du Ruanda- carpus milanjinnus RENDLE.
graphiques
Urundi se heurte encore de nos jours à de 2. — Les éléments africains, à distribution
nombreuses difficultés dues à l'insuffisance limitée à une partie seulement de l'Afrique
des connaissances actuelles en systématique tropicale continentale. On y peut reconnaître
congolaise, aux divergences de vues dans la de nombreuses catégories trop longues à
détermination systématique et à l'insuffisance énumérer ici.
des matériaux d'herbier. Une de ces catégories comprend les espèces
Les lacunes de notre documentation ac- endémiques comme :
tuelle se manifestent surtout quand il s'agit Espèces sylvicoles Ficus amadiensis DE
de déterminer l'aire totale et le centre de WILD.
distribution des espèces. Certains territoires Espèces savanicoles : Thesium Wittei DE
sont en effet mieux explorés que d'autres, WILD.
de telle sorte que la topographie de l'aire
est souvent inexacte ou 3. — Les éléments guinéens, propres à
totale de distribution
l'Afrique tropicale occidentale, dont l'aire
incomplète. s'étend approximativement de la Guinée
Aussi, nous ne pouvons donner ici qu'un
Française à l'Ouest, à travers tout le bassin
premier aperçu, sommaire et très incomplet, du Congo jusque dans l'Uganda à l'Est, jus-
des principaux « types » d'aires de distribu-
au qu'aux confins du Haut-Katanga dans le
tion géographique que l'on rencontre Sud-Est et jusque dans l'Angola au Sud.
Congo Belge et au Ruanda-Urundi, en nous
Nous distinguons :
basant, avant tout, sur les données des deux
premiers volumes de la Flore du Congo Belge a) Les éléments guinéens proprement dits,
et du Ruanda-Urundi, dont toutes les familles à savoir les espèces répandues dans toute
ont été soumises à révision et qui représen- l'Afrique tropicale occidentale.
tent ainsi l'état actuel de nos connaissances Espèces sylvicoles : Piper guineense
systématiques. SCHUMACH.et THONN.
Nous pouvons distinguer provisoirement Espèces savanicoles : Pandiaka Heudelotii
les trois grands groupes d'éléments phytogéo- HOOK. f.
graphiques suivants :
b) Les éléments congolais répandus seule-
Le groupe des éléments indigènes. ment dans le bassin du Congo, depuis le Ca-
Le groupe des éléments de liaison. meroun à l'Ouest jusque dans l'Uganda à
Le groupe des éléments étrangers. l'Est et jusqu'à l'Angola et le Haut-Katanga
au Sud.
1. — des éléments indigènes. Espèces sylvicoles : Gnetum africanum
Groupe WELW.
Dans ce groupe on peut classer toutes les
c) Les éléments endémiques.
plantes autochtones et immigrées, qui consti-
tuent la base de la flore du territoire envisagé. Espèces sylvicoles : Dorstenia Laurentii
Ce sont, en général, des espèces propres à la DE WILD.
Région florale africaine, c'est-à-dire à l'Afri- Espèces savanicoles : Encephalartos Poggei
que tropicale continentale, limitée approxima- ASCHERS.
BOTANIQUE 397

4. — Les éléments orientaux, dont l'aire c) Les éléments endémiques :


s'étend approximativement sur le Graben de :
Espèces sylvicoles (galeries forestières)
l'Afrique Centrale jusque vers Albertville au Beilschmiedia Schmitzii ROBYNS et
Sud, sur l'Uganda, le Kenya et le Territoire WILCZEK.
du Tanganyika.
Espèces savanicoles : Dorstenia Homblei
Il y a lieu de distinguer : DE WILD.

a) Les éléments orientaux proprement dits, 6. — Les éléments soudanais.


dont l'aire s'étend à travers toute l'Afrique Les espèces répandues dans la zone du
tropicale orientale. Soudan sont très rares au Congo Belge et ne
Espèces sylvicoles : Antiaris usambarensis s'y rencontrent que dans l'extrême Nord,
ENGL. c 'est-à-dire vers la limite méridionale de leur
aire de distribution.
Espèces savanicoles : Viscum Hildebrandtii
ENGL. Espèces savanicoles : Encephalartos septen-
trionalis SCHWEINF.(?)
Espèces orophiles, à aire disjointe : Podo-
carpus usambarensis PILG. 7. — Les éléments éthiopiens.
b) Les éléments centro-africains, répandus Certaines espèces éthiopiennes s'étendent
seulement dans le grand Graben, à savoir dans sous forme d'irridations jusque dans le Nord-
l'Est du Congo Belge, le Ruanda-Urundi et Est du Congo Belge et du Ruanda-Urundi,
l'Uganda. où elles atteignent la limite méridionale de
leur aire d'extension. Nous distinguons :
Espèces sylvicoles : Dorstenia Brownii
RENDLE. Espèces savanicoles : Gerardinia bullosa
: Seri- (HOCHST.) WEDD.
Espèces orophiles, à aire disjointe
Espèces orophiles, à aire disjointe : Pitto-
costachys tomentosa R. BR.
sporum abyssinicum DELILE.
c) Les éléments endémiques.
II. — Groupe des éléments de liaison.
Espèces sylvicoles : Ficus ruwenzoriensis
DE WILD., Peperomia butaguensis DE Ce groupe comprend les espèces dont l'aire
WILD. de distribution s'étend dans les territoires
Espèces savanicoles : Kalanchoe beniensis phytôgéographiques limitrophes de l'Afrique
DE WILD., Oxygonum Humbertii ROBYNS. tropicale continentale.
5. — Les éléments zambéziens, propres à 1. — Les éléments afro-malgaches.
l'Afrique tropicale méridionale, dont l'aire Espèces répandues, à la fois, en Afrique
s'étend approximativement sur tout le bassin tropicale continentale et dans l'Archipel mal-
du Zambèze et du Cunene, ainsi que sur le gache.
Sud-Est du Bassin du Congo, à savoir le
Espèces sylvicoles : Trema guineensis
Haut-Katanga. Il faut distinguer :
(SCHUM. et THONN.) FICALHO.
a) Les éléments zambéziens proprement Espèces savanicoles : Ficus Sycomorus L.
dits, répandus dans toute l'Afrique tropicale Espèces orophiles, à aire disjointe : Ra-
méridionale : nunculus multiflorus FORSK.
: 2. — Les éléments afro-austro-africains.
Espèces sylvicoles (galeries forestières)
Faurea intermedia ENGL. Espèces répandues, à la fois, en Afrique
Espèces savanicoles : Clematis Welwitschii tropicale continentale et en Afrique australe.
HIERN. Espèces sylvicoles : Piper capense L.
b) Les éléments Bangwelo-Katangais, dont Espèces savanicoles : Ficus ingens MIQ.
l'aire s'étend approximativement sur le Haut- Espèces orophiles, à aire disjointe : Tha-
lictrum rhynchocarpum DILL. et RICH.
Katanga et le Nord de la Rhodésie du Nord.
: 3. — Les éléments afro-méditerranéens.
Espèces sylvicoles (galeries forestières)
Piper brachyrachis C. H. WRIGHT. Espèces répandues, à la fois, en Afrique
Espèces savanicoles : Dorstenia Debeerstii tropicale continentale et en Méditerranée :
DE WILD. et TH. DUR. Cyperus Papyrus L.
398 BOTANIQUE

4. — Les éléments afro-macaronésiens. 3. — Les éléments boréaux.


Espèces répandues, à la fois, en Afrique Espèces de l'hémisphère boréal, souvent cir-
tropicale continentale et dans les îles de la cumpolaires, dont l'aire de distribution
Macaronésie : s'étend, sous forme d'irridations, jusqu'en
Espèces savanicoles : Rumex maderensis Afrique tropicale où elles sont généralement
LOWE. orophiles : Ranunculus sceleratus L., Montia
lamprosperma CHAM.
III. — Groupe des éléments 4. — Les éléments cosmopolites.
étrangers.
Ce groupe comprend les espèces à large aire Espèces répandues approximativement sur
de distribution s'étendant sur deux ou plu- toute la surface du globe et toujours rude
sieurs continents. Il comprend : rales ou anthropophiles : Capsella Bursa-
pastoris (L.) MEDIK. qui est orophile en Afri-
1. — Les éléments paléotropicaux, dont que tropicale.
] 'aire s'étend approximativement sur les
tropiques de l'ancien monde. On peut citer, On notera que c'est parmi les éléments
parmi d'autres : boréaux et cosmopolites que l'on rencontre
Espèces sylvicoles : Boehmeria platyphylla les quelques plantes communes au Congo
DON. Belge et à la Belgique, qui établissent ainsi
Espèces savanicoles : Polygonum strigosum des relations floristiques entre deux pays
R. BR. géographiquement très éloignés l'un de l'autre
Espèces orophiles, à aire disjointe : Poly- et très différents au point de vue des condi-
gonum alatum BUCH.-HAM. tions de milieu.
W. ROBYNSpublia en 1935 une liste de ces
2. — Les éléments pantropicaux. plantes communes, énumérant un total de
Espèces répandues, à la fois, dans les tro- 62 espèces dont 7 Ptéridophytes et 55 Sper-
piques de l'ancien et du nouveau monde. matophytes. Parmi ces dernières, il y a 12
Graminées et 6 Composées. Toutes ces plantes
Espèces sylvicoles : Piper umbellatum L. sont des espèces herbacées, annuelles, bisan-
Espèces savanicoles : Ximenia americana L. nuelles ou vivaces, à l'exclusion de toute
Espèces orophiles, à aire disjointe : Car- plante ligneuse. De plus, toutes sont très plas-
damine africana L. tiques et polymorphes.

III. La
Végétation
Par W. ROBYNS.
Directeur du Jardin Botanique de l'Etat,
Professeur à l'Université Catholique de Louvain,
Membre de l'Académie Royale Flamande de Belgique.

ES divers aspects de végétation du elles sont adaptées et dont elles constituent


Congo Belge et du Ruanda- le climax ou le subclimax.
Urundi peuvent se répartir en Le climax est l'aboutissement d'une suc-
deux grands types de formations cession végétale plus ou moins longue, pré-
L végétales, à savoir : les forêts et sentant divers stades successifs, qui forment
les savanes. Ces formations sont une série génétique progressive.
caractérisées par diverses formes biologiques Il constitue le groupement final de l'évo-
qui déterminent leur physionomie. Elles sont lution naturelle des phytocénoses, qui est en
ainsi l'expression du milieu écologique, auquel équilibre dynamique avec le milieu et qui
BOTANIQUE 399

présente, de ce fait, une certaine stabilité. Tenant compte de ces données et en utili-
Le subclimax, d'autre part, représente tout sant les classes de formations végétales du
stade de succession autre que le climax. S'il monde établies par RÜBEL en 1930, on peut
se maintient d'une façon plus ou moins du- classer les principaux types de végétation du
rable par l'action de l'un ou l'autre facteur Congo Belge et du Ruanda-Urundi, d'après
du milieu, le subclimax est appelé groupe- leur origine et leur nature, comme suit :
ment permanent.
Il n'est donc pas étonnant que la végétation A. Formations climatiques.
se présente souvent comme une mosaïque de
groupements à des stades divers d'évolution 1. Pluviisilvae.
et que les formations végétales montrent une a) Forêts ombrophiles équatoriales,
grande diversité due à leur dynamisme sous b) Forêts ombrophiles de montagne,
l'action du milieu. c) Forêts de Bambous.
Il en résulte que toute classification ration- 2. Durisilvae.
nelle des formations végétales doit être basée, 3. Ericilignosa.
en ordre principal, sur les facteurs du milieu,
4. Hiemisilvae.
qui conditionnent leur origine et leur évolu-
tion et qui déterminent ainsi leur nature. 5. Duriherbosa.
Les divers facteurs du milieu sont généra- a) Savanes guinéennes,
lement répartis en trois grands groupes, à b) Savanes orientales,
savoir : c) Savanes zambéziennes.
les facteurs climatiques, constituant le cli- 6. Sempervirentiherbosa.
mat aérien,
les facteurs édaphiques, déterminant la B. Formations édaphiques.
nature du substratum,
les facteurs biotiques, comprenant l'action 1. Pluviisilvae.
des êtres vivants : les plantes, les animaux 2. Pluviifruticeta.
et l'homme. 3. Laurisilvae.
D'après cela, on peut distinguer trois 4. Durilignosa.
grands groupes correspondants de forma- 5. Duriherbosa.
tions végétales : 6. Emersiherbosa.
les formations climatiques, conditionnées, 7. Submersiherbosa.
en ordre principal, par les facteurs du climat 8. Sphagniherbosa.
et qui constituent des climax climatiques, 9. Mobilideserta.
les formations édaphiques, conditionnées, 10. Rupideserta.
en ordre principal, par les facteurs édaphi- 11. Saxideserta.
ques et qui constituent des subclimax éda-
phiques, C. Formations biotiques.
les formations biotiques, conditionnées, en
ordre principal, par l'action des facteurs bio-- 1. Pluviisilvae.
tiques et qui constituent des subelimax bioti- a) Forêts ombrophiles équatoriales
ques. secondaires,
Cette classification n'est cependant pas b) Forêts ombrophiles de montagne
rigoureuse, d'autant plus que le milieu est secondaires.
holocénotique. Dans la nature, tous les fac- 2. Duriherbosa.
teurs du milieu agissent en réalité simultané- 3. Mobilideserta.
ment et collectivement, à tel point qu'il est
impossible de dissocier leur action. Aussi, il
n'est guère facile de fixer la part qui revient Il va de soi que ce synopsis, loin d'épuiser
à chacun dans la détermination des forma- le sujet, ne constitue qu'un essai de classifi-
tions végétales, dont certaines rentrent diffi- cation syngénétique, destiné à être complété
cilement dans les trois groupes précités. C'est au fur et à mesure du progrès de nos con-
le cas, notamment, naissances.
pour les formations cli-
matiques remaniées par l'action de l'homme Dans les pages qui suivent, nous allons
et pour les formations mixtes déterminées à définir, dans leurs grandes lignes, les divers
la fois par les facteurs physiques et biotiques types de végétation que nous venons
du milieu, comme les steppes et les savanes. d'énumérer.
400 BOTANIQUE

A. — FORMATIONS CLIMATIQUES.

1. Pluviisilvae. ves qui constituent la majeure partie du sous-


bois, et enfin une strate inférieure herbacée
Les forêts ombrophiles sont de deux types : qui, généralement, n'est bien développée que
les forêts équatoriales et les forêts de dans les clairières.
montagne. Les forêts équatoriales sont toujours vertes
a) Les forêts ombrophiles équatoriales et composées d'essences sempervirentes ou
constituent le climax
du bioclimat équato-
rial et occupent ac-
tuellement une gran-
de partie du Mayum-
be, ainsi que tout le
centre de la cuvette
congolaise. Ce sont
des formations fo-
restières très exu-
bérantes, denses et
d'une grande
vitalité, présentant
diverses strates su-
perposées, qui ne
sont pas toujours fa-
ciles à distinguer. Vu
d'en haut, le dôme
feuillu a générale- Environs de Coquilhatville, Eala. — Forêt ombrophile équatoriale marécageuse.
ment un aspect irré- Sous-bois avec grandes lianes ligneuses et Palmiers. (Photo W. ROBYNSJ
gulier ou moutonné;
il comprend des arbres de grandeurs diffé- irrégulièrement tropophiles, à bourgeons nus,
rentes constituant les deux ou trois strates à jeunes feuilles molles, vivement colorées,
supérieures, dont la dominante peut atteindre souvent en rouge ou en jaune. Les troncs des
<0 à 50 mètres de haut. Au-dessous des cimes, arbres peuvent être munis à leur base de
dont la forme est caractéristique pour chaque contreforts ou de racines-échasses plus ou
espèce, viennent deux ou trois strates arbusti- moins développés. La cauliflorie et la rami-
florie y sont fréquen-
tes. Elles sont très
riches en grandes
lianes herbacées ou
ligneuses, qui sont ou
bien volubiles, ou
bien munies de vrilles
ou de crochets de for-
mes diverses, leur
permettant de ser-
penter à travers les
diverses strates jus-
qu'au sommet du
dôme feuillu.
Comme ces forêts
croissent dans un bio-
climat à atmosphère
toujours humide et
donc à faible déficit
Environs de Coquilhatville, Eala. — Forêt ombrophile équatoriale périodiquement de les
saturation,
inondée. Sous-bois montrant les racines-échasses de Uapaca Bossenge DE WILD.
(Photo W. ROBYNSJ épiphytes y sont
BOTANIQUE 401

abondants partout. Les uns sont hygrophiles montagne, dans l'étage des précipitations
et humicoles, comme les Mousses et les maxima, entre 1800 et 2400 m. d'altitude, sur
Fougères; les autres sont xérophiles, comme le Ruwenzori, les volcans Virunga et les dor-
les Orchidées, qui sont souvent munies de sales du grand Graben.
pseudobulbes et de longues racines aériennes Au point de vue physionomique, ces forêts
à voiles, permettant d'absorber l'humidité rappellent les forêts ombrophiles équatoriales
atmosphérique. pluristrates, à sous-bois ligneux et générale-
ment bien fourni. Les grandes lianes, et
surtout les lianes rubanées caractéristiques
de la forêt ombrophile équatoriale, y sont
cependant rares ou même absentes. Par suite
de la grande humidité atmosphérique, les
épiphytes y sont particulièrement abondants
et cela non seulement pour les lichens et les
mousses, mais généralement aussi pour les
petites fougères et les Orchidées.
Au peint de vue floristique, ces forêts sont
toujours hétérogènes, mais leur composition
diffère totalement de celle des forêts ombro-
philes équatoriales. Dans les ravins, le sous-
bois renferme souvent des fougères arbores-
centes sociales.
J. LEBRUNa distingué dans ces forêts trois
horizons, présentant des aspects physionomi-
ques et floristiques différents, à savoir :
Un horizon inférieur jusque vers 1900 m.
d'altitude ;
Un horizon moyen allant de 1900 à 2100 m.
d'altitude ;
Un horizon supérieur allant de 2100 à
Parc National Albert. Ruwcnzori, vallée 2400 m. d'altitude.
de la Nyamuamba, altitude 2330 m. — En beaucoup d'endroits, ces horizons che-
Vue de la forêt de Bambous, Arundinarie-
tum alpinae en association pure. vauchent et se compénètrent, de telle façon
(Coll. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNSJ qu'ils ne sont pas faciles à reconnaître.
Au peint de vue floristique, les forêts c) Les forêts de Bambous, denses et tou-
équatoriales sont souvent hétérogènes, c'est- jours vertes, occupant sur les volcans Virunga
à-dire constituées d'un grand nombre d'es- et sur le Ruwenzori un étage altitudinal situé
sences différentes croissant par pieds isolés. immédiatement au-dessus de l'étage des forêts
Leur composition floristique dépend avant ombrophiles de montagne, entre 2400 et
tout des conditions édaphiques. C'est ainsi 2600 m. d'altitude, appartiennent également
que l'on distingue : la forêt marécageuse, à cette classe de formations ombrophiles.
très riche en espèces et en grandes lianes Sur les dorsales, principalement du Ruan-
rubanées ; la forêt périodiquement inondée, da-Urundi à l'Est du grand Graben, des
moins riche en espèces et moins dense que la formations de Bambous plus ou moins éten-
précédente, et la forêt de terre ferme. Toute- dues sont enclavées dans les forêts ombro-
fois, dans le Nord-Est de la cuvette centrale philes de montagne, constituant alors des
congolaise, se rencontrent des forêts de terre forêts mixtes d'un type spécial.
ferme presque homogènes et monophytiques.
à dôme constitué presque uniquement d'une 2. Durisilvae.
seule essence sociale, comme le Macrolobium
Dewevrei DE WILD., et à sous-bois générale- Dans la plaine de lave s'étendant au Nord
ment peu développé. du Lac Kivu jusqu'aux abords de Rutshuru,
ainsi que dans les îles du lac lui-même, se ren-
b) Les forêts ombrophiles de montagne contrent des formations sclérophylles arbusti-
constituent le climax du bioclimat humide de ves et forestières, à allure de maquis, qui
402 BOTANIQUE

constituent le climax d'un bioclimat régional Les épiphytes y sont particulièrement


plus ou moins aride, déterminé par l'action abondants. Ils sont constitués de lichens fila-
du foehn et la nature du sol rocailleux. menteux du genre Usnea, pendant souvent
Ces formations sont constituées essentielle- en longues touffes grisâtres dans les cimes
ment de plantes ligneuses toujours vertes, à et sur les branches, ainsi que de mousses
feuilles coriaces et souvent luisantes et à diverses formant d'épais coussinets sur les
bourgeons nus ou plus ou moins protégés. Les troncs et sur les branches.
essences do taille dominante ne dépassent Le sol est couvert d'une couche épaisse de
guère 10 à 15 m. de hauteur; les troncs irré- Bryophytes et de Sphaignes formant des tapis
guliers et les branches sont protégés par une atteignant par endroits jusque 2 m. de haut.
écorce épaisse subérifiée. Le sous-bois, fort Ces tapis de mousses sont émaillés de diverses
irrégulier, comprend souvent des arbustes plantes herbacées y compris des Orchidées
épineux mélangés à des sous-arbustes et à terrestres.
des herbes. Il y a quelques lianes et les Cette formation paraît constituer le climax
épiphytes sont très peu nombreux. de l'étage subalpin, qui a un bioclimat parti-
Ici se classent encore les bosquets xérophiles culièrement humide étant souvent enveloppé
à Euphorbes cactiformes des plaines alluviales de brouillards.
de l'Est, comme celle de la Rutshuru.
Sur le groupe central des volcans Virunga
3. (c 'est-à-dire le Mikeno, le Karisimbi et le
Ericilignosa.
Visoke) on rencontre dans cet étage la forêt-
Dans l'étage subalpin du Ruwenzori et des prairie à Hagenia abyssinica GMEL. C'est un
volcans Virunga se rencontrent, entre 2600 peuplement monophytique irrégulier et assez
et 3800 m. d'altitude, des formations de clair constitué d'essences de 10-15 m. de haut,
Bruyères buissonnantes ou arborescentes et à cime irrégulière en dôme étalé, dominant
à feuilles éricoïdes. A ces Bruyères, qui peu- une strate herbacée assez élevée et riche en
vent atteindre 10 m. de haut, se mêlent Ombellifères diverses.
souvent des arbustes et des petits arbres à
feuilles coriaces. 4. Hiemisilvae.
Les forêts de savane, ou les forêts claires,
constituent le climax du bioclimat tropical.
Elles sont formées d'arbres peu élevés, de
8-20 m. de hauteur, à cime irrégulière et
claire, souvent en dôme, et à feuillage glau-
que. Le sous-bois est à circulation très facile
et constitué d'herbes diverses entremêlées de
petits sous-arbustes ou arbustes. Les lianes
manquent totalement et les épiphytes sont
rares.
A cause de la hauteur annuelle peu élevée
des précipitations, qui ne dépassent guère
1.200-1.300 mm., et du grand déficit de satu-
ration de la longue saison sèche, ces forma-
tions montrent un caractère xérophile pro-
noncé. Les arbres ont les troncs et les branches
couverts d'un épais rhytidome crevassé; leurs
feuilles sont petites et coriaces et les bour-
geons sont protégés par des dispositifs divers :
indûment, stipules, bractées ou écailles.
Toutes les plantes herbacées ont des feuilles
scléreuses ou enroulées. Ces formations
entrent en repos durant la longue saison sèche ;
Parc National Albert. Ruwenzori, près de les arbres et les arbustes sont généralement
Mohangu, Alt. 3100 m. — L'auteur sur la tropophiles, tandis que les plantes herbacées
piste d ascension au milieu des Bruyères voient se dessécher toutes leurs parties aérien-
arborescentes de l'horizon inférieur de
l'étage subalpin. nes, pour ne persister que par leurs organes
(Coll. P. N. C. B. - Photo J. DE WILDE.) souterrains : bulbes, tubercules ou rhizomes.
BOTANIQUE 403

Les savanes se rencontrent dans les régions


à climat subéquatorial ou même à climat tro-
pical ; elles y occupent généralement les péné-
plaines anciennes et à sol pauvre. Leur végé-
tation est plus ou moins xérophile et tropo-
phile. Pendant la grande saison sèche, les
arbres et les arbustes, qui sont à bourgeons
diversement protégés, perdent ordinairement
leurs feuilles, alors que toutes les parties
aériennes des plantes herbacées se dessèchent
complètement.
Les savanes sont alors facilement la proie
des feux de brousse, allumés soit par la
foudre soit par les indigènes. Ces feux de
brousse, qui sont d'autant plus violents que
la végétation est elle-même plus dense et plus
touffue, sévissent depuis des temps immémo-
riaux et font en quelque sorte partie de
l'histoire même de l'humanité en Afrique tro-
picale. De ce fait, l'étude de l'action actuelle
des feux de brousse sur la flore et la végé-
tation des savanes est rendue extrêmement
complexe et cela d'autant plus que, par leurs
caractères écologiques, les plantes des savanes
Environs d'Elisabethville, Mont Mukuen,
réserve forestière, ait. ± 1370 m. — Forêt sont en quelque sorte adaptées à résister à
de savane zambézienneà Brachystegia et à l'action du feu, ce qui a fait parler divers
sous-bois herbeux. (Photo W. ROBYNS.) auteurs de pyrophytes.
Les forêts de savane se rencontrent actuelle-
ment surtout dans tout le Haut-Katanga, où
elles donnent au pays sa physionomie carac-
téristique. Elles sont du type zambézien et
composées surtout de nombreuses Légumi-
neuses, parmi lesquelles dominent les
Brachystegia.

5. Duriherbosa.
Sous le nom de savanes on comprend com-
munément toutes les formations végétales
tropicales à base de Graminées, dans lesquelles
domine une strate herbacée, formée de plantes
croissant en touffes plus ou moins épaisses et Parc National de la Garamba, Crête Oka-Nawanga. —
isolées, laissant entre elles le sol à nu. Savane guinéenne arbustive à Hymenocardia acida TUL.
et autres arbustes.
Les savanes présentent une très grande (Coll. J. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNSJ
diversité. Elles peuvent être entièrement
herbeuses, mais souvent les herbes sont entre- D'après des expériences récentes de mise
mêlées de sous-arbustes, d'arbustes et d'arbres en défend de certaines savanes contre le feu
isolés ou en petits groupes, ce qui produit et la coupe de bois, réalisées entre autres aux
des aspects régionaux très variés, à savoir : stations de l'I.N.E.A.C. de Muasi et de Gimbi
les savanes sous-arbustives, les savanes dans le Bas-Congo, il semble bien que le feu
arbustives, les savanes arborées, les savanes- peut retarder et même empêcher l'évolution
parcs et les savanes boisées. Ces dernières, naturelle des successions végétales et qu'il
dont le type est la savane à Acacia épineux peut rendre ainsi impossible la colonisation
en parasol de la région du Kivu et du Ruanda- forestière des savanes herbeuses et arbustives
Urundi, rappellent quelque peu les forêts par des arbres tropophiles.
claires et elles sont parfois rattachées au La suppression totale des feux de brousse
Hiemisilvae. provoqués par l'homme est malheureusement
404 BOTANIQUE

très difficile à réaliser dans les conditions de l'Est. Les Graminées y sont moins exubé-
actuelles. D'autre part, même si ces feux rantes, atteignant environ 1 m. de haut.
étaient complètement éliminés, il resterait c) Les savanes zambéziennes ou méridio-
toujours les feux allumés par la foudre.
D'après les observations faites ces dernières
années, notamment dans les Parcs nationaux
du Congo Belge et du Ruanda-Urundi, il est
indiscutable que les chutes de la foudre pro-
voquent des incendies de savanes, surtout
dans les régions orientales du Congo Belge.
Suivant ses origines, le feu de brousse doit
donc être considéré, soit comme un facteur
anthropique à proscrire, soit comme un fac-
teur naturel à maintenir. On se trouve ainsi
placé devant un dilemme inéluctable dans
toutes les mesures relatives à la protection
de la nature contre les feux de brousse au
Congo Belge. Parc National Albert, Plaine de la Semliki, Vieux-
Kasindi. — Savane orientale herbeuse monophytiquc à
Signalons encore que l'érosion peut favori- Themeda triandra FORSK.
ser la transformation des savanes herbeuses (Coll. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNS.)
en formations forestières par décapage du sol
nales, généralement herbeuses et à Graminées
ancien, donnant lieu à la production d'un
sol nouveau, qui permet le développement de peu développées, qui occupent les haut pla-
la forêt. Une colonisation teaux du Katanga au-dessus de 1600 m.
forestière de ce
d'altitude.
genre a été observée, entre autres, sur les
La répartition géographique de ces trois
flancs des collines dans le Bas-Congo par
J. MEULENBERG,mais nous ne possédons mal- types de savanes est indiquée schématique-
heureusement aucune indication sur la nature ment sur la carte de la page 410.
et la composition des formations forestières 6.
en question. Sempervirentiherbosa.
Sur le Ruwenzori et les volcans Virunga
se rencontrent, dans l'étage subalpin et sur-
Les savanes occupent de vastes étendues tout dans l'étage alpin au-dessus de 3700-
au Congo Belge et au Ruanda-Urundi et, au 3800 m. d'altitude, des prairies rases, à tapis
point de vue floristique, on peut les classer végétal dense et continu. Il s'agit de pelouses
comme suit : herbeuses à base de Graminées gazonnante:,
a) Les savanes guinéennes, dont le type et très riches en espèces diverses de Dico-
est la savane à H yparrhenia diplandra tylées, ou d'alpages à Alchemilla constitués
(HACK.) STAPF, occupant les régions situées d'espèces sociales et à tiges ligneuses pro-
au Nord et au Sud de la cuvette centrale combantes et fortement enchevêtrées.
forestière. Les Graminées y atteignent de Peut-être faut-il classer également ici les
2 à 3 m: de haut. groupement alpins à Senecio arborescents et
b) Les savanes orientales, dont le type est à Lobelia géants, toutes plantes à grandes
la savane à Themeda triandra FORSK., se rosettes foliaires caulinaires et terminales, se
rencontrant dans les régions du Nord-Est et rencontrant sur ces mêmes montagnes.

B. — FORMATIONS EDAPHIQUES.

1. Pluyiisilvae. ou tropical, ont un facies de forêt équato-


riale, à tel point qu'on peut, en quelque sorte,
Toutes les régions de savanes du Congo les considérer comme des prolongements ten-
Belge et du Ruanda-Urundi sont parcourues taculaires de la forêt ombrophile équatoriale
par des galeries forestières plus ou moins de la cuvette centrale dans les régions de
étendues, qui se développent sur les rives savanes avoisinantes.
marécageuses ou plus ou moins sèches des Les galeries forestières sont constituées
nombreux cours d'eau. Ces formations, dues d'essences et d'arbustes toujours verts ou
à l'humidité du sol qui compense la séche- plus souvent tropophiles. Leur composition
resse saisonnière du bioclimat subéquatorial floristique est généralement hétérogène et l'on
BOTANIQUE 405

y trouve des lianes et des épiphytes. Toute- sempervirente, constituée d'essences à feuilles
fois, dans les plaines alluviales au Nord et plus ou moins coriaces et lauriformes appar-
tenant au genre
Syzygium.

4. Durilignosa.

Certains groupe-
ments ouverts de
Palmiers à feuilles
coriaces et dominant
une strate herbacée
sont conditionnés par
la présence de nappes
phréatiques souter-
raines. C'est le cas
pour les groupements
à Hyphaene guineen-
sis SCHUM.et THONN.
de la plaine alluvion-
naire de l'estuaire
Bas-Congo,Kisantu. — Rivière Inkisi, vue de la galerie forestière à facies équatorial.
(Photo W. RORYNSJ du fleuve Congo à
l'Ouest de la Lukuga,
au Sud du lac Edouard, les galeries fores- et de ceux à Borassus aethiopum MART., le
tières de certaines rivières sont réduites à une long du Lualaba, dans la région d'Ankoro.
bande ripicole à dominance de Phoenix
reclinata JACQ. Ici se classent également les galeries xéro-
philes des ravins périodiquement asséchés
2. Pluviifruticeta. des plaines de la Haute-Semliki et de la

Ces formations sont représentées par les


mangroves, localisées sur les rives basses de
l'embouchure du Congo et dans les nom-
breuses lagunes pénétrant à l'intérieur des
terres. Elles y occupent une superficie d'en-
viron 20.000 hectares.
Ce sont des formations halophiles, adaptées
à végéter dans un substratum mobile et im-
prégné de sel marin, constituées de grands
arbustes et petits arbres, comme Rhizophora
racemosa G. F. W. MEY, pourvus de racines
à pneumatophores leur permettant de respi-
rer à l'air libre au-dessus de la vase compacte
où elles se trouvent fixées. Ces plantes pré-
sentent, en outre, le phénomène de hiotecnosc,
consistant en ce que les graines germent dans
le fruit restant fixé sur l'arbre en produisant
de jeunes plantules à hypocotyles fort allon-
gés, qui se détachent ensuite du fruit, pour
se fixer par simple chute dans la vase
marine.

3. Laurisilvae.
Certains marais, surtout des têtes de sour- Estuaire du Congo, Banana, Crique. —
ces de rivières dans les régions de savanes, Mangrove à Rhizophora racemosa G. F. W.
MEY. avec racines-échasses à pneumato-
sont occupés par une végétation forestière phores. (Photo W. ROBYNSJ
406 BOTANIQUE

sol imperméable, se rencontrent un peu


partout au Congo. Ils peuvent être perma-
nents ou saisonniers.
Leur végétation herbeuse peut être entiè-
rement à dominance d'une seule espèce
sociale, comme les marais à Phragmites com-
munis TRIN. et les marais à Cyperus Papyrus
L., particulièrement bien développés dans le
Graben de l'Upemba. Elle peut être aussi
hétérogène et constituée d'un mélange. de
Graminées, Cypéracées, Typhacées, Xyrida-
cées, Eriocaulacées, Orchidées et autres végé-
taux palustres.
Route Borna à Banana, plaine alluvionnaire du Congo,
à l'Ouest de la Basse Lukunga. — Groupement édaphi- Il faut également signaler ici les groupe-
que ouvert à Hyphaene guineensis SCHUM. et THONN. ments herbeux des bords des eaux et des
dominant une savane herbeuse. (Photo W. ROBYNS.) berges des rivières, à savoir les diverses
prai-
ries aquatiques qui constituent souvent un
Kagera, constituées d'arbustes et d'arbres stade d'évolution vers la colonisation arbus-
sclérophylles, associés à des Euphorbes-can-
tive et forestière.
délabres cactiformes.
A cause de l'humidité du substratum, la
5. Duriherbosa. végétation des marais peut rester verte pen-
dant toute l'année dans les régions à bioclimat
Au milieu de la forêt équatoriale maréca-
subéquatorial ou tropical.
geuse de l'Ouest de la cuvette centrale s'ob-
servent de petites savanes locales, appelées
« Esobe » qui sont de nature édaphique étant 7. Submersiherbosa.
établies sur d'anciens bancs de sable. Suivant la teneur en matières organiques
Ailleurs et dans les régions de savane, des des eaux douces, il faut distinguer les for-
savanes édaphiques occupent les latérites mations aquatiques eutrophes et oligotrophes,
affleurantes. dont la composition floristique est fort diffé-
Il en est de même des collines herbeuses rente. D'autre part, suivant la profondeur des
des nombreux gisements de cuivre du Haut-
eaux, la végétation aquatique peut être fixée
Katanga, dont la végétation ligneuse semble comme les associations à Nymphaea, ou être
exclue par suite de la forte minéralisation du flottante comme les groupements à Pistia
substratum. stratiotes L.

6. Emersiherbosa.
8. Sphagniherbosa.
Les marécages dûs à un sol ou à un sous-
Des tourbières à Sphagnum se rencontrent
dans l'étage subalpin du Ruwenzori et des
volcans Virunga, ainsi que dans certains
marécages boisés des têtes de sources, notam-
ment sur les haut-plateaux du Katanga,
comme les Kibara et les Kundelungu.

9. Mobilideserta.
D'innombrables bancs de sable encombrent
le lit du fleuve Congo et de nombreux autres
cours d'eau de la cuvette congolaise. Soumis
aux crues, ils subissent des périodes plus ou
moins régulières et alternatives d'immersion
Parc National de la Garamba, Bakbuyo, rivière et d'exondation et montrent les premiers
Nawango près de l'embouchure dans l'Aka. — Marais stades de la colonisation végétale à Cypéracées
riverain à Cyperus Papyrus L. Au fond, un groupe
de Phœnix reclinata JACQ. et Graminées sociales, constituant des prairies
(Coll. L P. N. C. B. - Photo W. ROBYNSJ aquatiques.
BOTANIQUE 1. 407

composés en majeure
partie de chasmophy-
tes et colonisant les
champs de lave ré-
cents des volcans Vi-
runga ou les sols ro-
cheux secs ou inondés
dans d'autres régions
du Congo.

11. Saxideserta.

Des groupements à
Bryophytes
et à Thallophytes
divers (algues et
— lichens) colonisent
Environs de Coquilhatville, Eala, Crique du Fleuve Congo. Association aquatique les des
(Photo W. ROBYNSJ surfaces
fixée à Nyinphaea.
rochers ou les
10. Rupideserta. troncs et les branches des arbres. Sur ces
derniers, ils font partie de la végétation
Il faut classer ici les groupements rupestres, épiphyte.

C. — FORMATIONS BIOTIQUES.

Les formations biotiques sont d'une grande cultures ou des villages. Après l'abandon des
diversité dans tout le Congo Belge et le cultures et des villages, la végétation fores-
Ruanda-Urundi, à cause de la variété des tière se régénère spontanément par divers
facteurs biotiques eux-mêmes. Les grands stades de succession progressive, donnant lieu
animaux herbivores et l'homme agissent par- à des formations forestières secondaires qui
tout sur les formations climatiques et éda- correspondent le plus souvent aux jachères
phiques et il en résulte une mosaïque de for- forestières.
mations remaniées ou secondaires. Cependant, Cette régénération forestière varie d'après
dans beaucoup de cas, il est actuellement im- les conditions de milieu et elle comprend un
possible de détermi-
ner exactement le de-
gré de remaniement
ou de secondarisation
des formations pri-
maires.

1. Pluviisilvae.

a) Les forêts am..


brophiles équato-
riales secondaires.
En beaucoup d'en-
droits du Mayumbe
et de la cuvette cen-
trale congolaise, les
forêts ombrophiles
équatoriales primai-
res ont été abattues Environs de Coquilhatville, Eala-Bolombo. — Régénération forestière secondaire,
pour y établir des stade arbustif. (Photo W. ROBYNS.)
408 BOTANIQUE

grand nombre de stades successifs, qui s'en- Ici aussi la forêt se régénère naturellement
chaînent et se compénètrent, de telle sorte par une série progressive de stades successifs,
qu 'ils ne sont pas toujours faciles à distinguer. ressemblant à ceux que nous venons de
Après culture, le sol abandonné est immé- décrire pour la forêt ombrophile
diatement envahi par une végétation d'herbes équatoriale,
mais comportant des espèces différentes.
annuelles, messicoles et rudérales, qui fleuris- Une succession forestière régressive due à
sent très rapidement et parcourent leur cycle l'action répétée de l'homme s'observe égale-
vital en quelques semaines. A cette végétation ment dans l'aire de ces forêts ombrophiles de
pionnière succède rapidement une végétation montagne et elle aboutit à des formations de
de diverses plantes
vivaces et sous-arbus-
tives, qui occupent un
peu plus longtemps
le terrain. Puis appa-
raissent des buissons,
qui finissent par
constituer un fourré
dense et inextricable.
Dans cette broussaille
s'implantent très vite
quelques essences hé-
liophiles sociales, à
croissance rapide et
à vie courte, parmi
lesquelles il faut si-
gnaler le Musanga
Smithii R. BR. ou le
Parasolier, et le Tre- Bas-Congo,Kisantu. — Association monophytiquesecondaireà Pennisetum purpureum
ma guineensis Fi- SCHUM. A gauche, liane herbacée de Cognauxiatrilobata COGN.(Photo W. ROBYNSJ
CALHO.Ainsi naît une
Parasoleraie à sous-bois de Maranthacées et savanes herbeuses secondaires.
de Commélinacées, dont la durée peut varier
de 10 à 20 ans ou même davantage. Les formations forestières secondaires pré-
A ce stade forestier initial succède un autre sentent donc une très grande diversité suivant
stade forestier composé d'essences à crois- les conditions de milieu. Les essences propres
sance plus lente et à longévité plus grande, à ces forêts secondaires montrent cependant
comme Albizzia gummifera toutes les mêmes caractères écologiques : elles
(GMEL.) C. A.
SMITH. sont héliophiles, à croissance rapide et à bois
Dans le sous-bois de cette forêt secon- léger; elles disparaissent rapidement devant
la concurrence des espèces de la forêt primi-
daire, dont la durée dépasse facilement 30 ans,
les essences et les tive, qui occuperont définitivement le
germent progressivement
lianes de la forêt primitive, qui supplanteront terrain.
lentement les essences de la forêt secondaire 2. Duriherbosa.
du stade précédent. Ainsi se reconstitue, en
un siècle environ, une forêt à facies primaire, Les savanes secondaires occupent l'empla-
stade final de la série progressive secondaire. cement d'anciennes forêts et d'anciennes cul-
Dans certains cas, il n'y a pas de jachère tures, ou des défrichements récents et elles
forestière de longue durée et la succession présentent aussi une grande diversité. Signa-
forestière est régressive, tendant vers la for- lons les savanes herbeuses monophytiques à
mation de savanes herbeuses Panicum maximum JACQ. ou à Pennisetum
secondaires,
dont il est question plus loin. purpureum SCHUM., deux Graminées vivaces
exigeantes et de grande taille, ainsi que les
b) Les forêts ombrophiles de montagne savanes à Imperata cylindrica L. en associa-
secondaires. tions pures. Ces dernières se développent sur
Les forêts ombrophiles primaires de mon- sol argileux et occupent de vastes étendues
tagne ont aussi été défrichées en beaucoup notamment dans l'Ubangi, où elles pénètrent
d'endroits, surtout dans l'horizon inférieur. profondément dans la forêt ombrophile équa-
BOTANIQUE 409

toriale, ainsi que dans la région de Kabinda. il faut citer les reposoirs d'animaux sauvages,
En outre, il y a de nombreuses savanes comme, par exemple, les clairières herbeuses
secondaires à composition floristique hété- à éléphants, souvent à sol frais ou plus ou
rogène et variée, dont l'étude reste encore à moins marécageux, maintenues par le piéti-
faire. nement continu de ces pachydermes. En outre,
Dans les régions montagneuses de l'Est se les herbivores modifient la composition des
rencontrent deux autres types de groupe- savanes par le pacage.
ments herbeux secondaires : les fougeraies à
Pteridium aquilinum (L.) KUHNet les savanes- 3. Mobilideserta.
pâturages occupant l'emplacement d'ancien-
nes forêts ombrophiles de montagne. Les Des formations rudérales très diverses, dues
sont très étendues sur les à l'action anthropique et anthropozoïque et
savanes-pâturages
dorsales du grand Graben et dans le Ruanda- généralement constituées d'un mélange d'es-
Urundi et elles semblent y constituer des pèces herbacées à large aire de distribution
géographique, se rencontrent autour des
groupements permanents.
A côté de toutes ces savanes anthropiques, villages et des centres d'occupation.

-
IV. Les Territoires Phytogéographiques
Par W. ROBYNS.

Directeur du Jardin Botanique de l'Etat,


Professeur à l'Université Catholique de Louvain,
Membre de l'Académie Royale Flamande de Belgique.

OUR situer, au point de vue phy- proximativement par une ligne partant à
togéographique, le cadre choro- hauteur du fleuve Gambie sur la côte occi-
logique du Congo Belge et du dentale de l'Afrique, passant ensuite oblique-
Ruanda-Urundi, il est nécessaire ment à travers le continent à hauteur du
p d'étendre le champ des investi- confluent de la rivière Benue et du fleuve
gations à toute l'Afrique tropicale Niger jusqu'à la frontière septentrionale de
continentale, dont il fait partie et qui con- l'Uganda à l'Est. Cette limite méridionale se
stitue une seule région florale : la Région rapproche de la frontière septentrionale du
africaine. Nord-Est du Congo Belge formant la crête
La Région florale africaine s'étend appro- de partage des eaux Congo-Nil.
ximativement depuis le 20° de latitude Nord
2. La Province Guinéenne, s'étendant tout
jusqu'au Tropique du Capricorne au Sud, ou, le long du Golfe de Guinée, depuis le fleuve
d'une façon plus précise, jusqu'à une ligne
Gambie à l'Ouest à travers le Cameroun et
oblique partant de la frontière méridionale le bassin géographique du fleuve Congo jus-
de l'Angola, passant par le lac N'Garni pour occidentaux du Graben
ensuite le Limpopo jusqu'à son qu'aux contreforts
rejoindre de l'Afrique centrale et jusque dans l'Uganda
embouchure sur la côte orientale d'Afrique.
à l'Est. Sa limite méridionale coïncide appro-
Ainsi délimitée, la Région africaine se sub-
ximativement avec une ligne oblique partant
divise naturellement en cinq provinces floris-
l'Albertville sur le lac Tanganyika, contour-
tiques, à savoir : nant le Graben de l'Upemba par le Sud et
1. La Province Soudanaise, comprenant rejoignant par Dilolo le plateau du Benguela
dans l'Angola. Ce dernier forme la crête de
toute la zone du Soudan au Sud du Sahara,
partage des eaux Congo-Zambèze.
depuis le fleuve Sénégal à l'Ouest jusqu'au
pied du plateau éthiopien à l'Est. La limite 3. La Province Ethiopienne, s'étendant
méridionale de cette province est formée ap- sur tout le plateau éthiopien, y compris
410 BOTANIQUE

l'Erythrée, la Somalie et la région du Province zambézienne :


Yemen en Arabie. Secteur du Bangwelo-Katanga :
4. La Province Orientale, comprenant tout XI. District du Haut-Katanga.
le plateau de l'Afrique
orientale, depuis la dorsale
occidentale du Graben de
l'Afrique centrale jusqu'à
hauteur d'Albertville sur le
lac Tanganyika à l'Ouest et
jusqu'à l'Océan Indien à
l'Est, et depuis le lac Ro-
dolphe au Nord jusqu'au
Nyassaland et le Mozambi-
que au Sud. Elle s'étend
ainsi sur une grande partie
de l'Uganda, le Kenya et le
Territoire du Tanganyika.
5. La Province Zambé-
zienne, comprenant tout le
bassin du Zambèze et du
Cunene, ainsi que le Sud-
Est du bassin du Congo
avec le Haut - Katanga,
situé au Sud de la ligne
oblique Albertville-Graben
de l'Upemba-Dilolo.
Au Congo Belge et au
Ruanda-Urundi, nous avons
reconnu onze territoires phy-
togéographiques, auxquels
nous donnons ici provisoire- Les territoires phytogéographiquesdu CongoBelge et du Ruanda-Urundi. -
ment le rang de « districts ». 1. District Côtier; 2. District du Mayumbe; 3. District du Bas-Congo;
4. District du Kasai. 5. District du Bas-Katanga; 6. District Forestier Central:
Ces districts, dont les limites 7. District de lUbangi-Uele; 8. District du lac Albert; 9. District des lacs
sont encore très imparfaite- Edouard et Kivu; 10. District du Ruanda-Urundi; 11.District du Haut-Katanga.
ment connues, se répartis-
sent comme suit dans les grandes subdivisions 1. District Côtier.
phytogéographiques de la région africaine
établies plus haut. S'étend depuis la côte jusque et y compris
la vallée de la Lukunga à l'Est et le long
Province guinéenne : de l'estuaire du Fleuve jusqu'à Borna.
Secteur congolais :
Le bioclimat se caractérise par de faibles
I. District Côtier. annuelles (800 à 900 mm.) et
II. District du précipitations
Mayumbe. une longue saison sèche d'environ 6 mois
III. District du Bas-Congo.
Kasai. (mai à octobre), avec déficit de saturation
IV. District du deux sous-
élevé. On peut y distinguer
V. District du Bas-Katanga.
districts :
VI. District forestier central.
VII. District de l'Ubangi-Uele. la
1. Le sous-district maritime, occupant
Province orientale : plage et l'estuaire du Fleuve, à végétation
Secteur centro-africain : halophile. Sur la plage sablonneuse on trouve
VIII. District du Lac Albert. une association à Canavallia maritima (AUBL.)
IX. District des Lacs Edouard et THOU., Ipomoea pes-caprae ROTH. et Alter-
Kivu. nanthera maritima ST. HILAIRE, ainsi que des
X. District du Ruanda. fourrés de Chrysohalanus orbicularis SCHUM.
BOTANIQUE 411

et THONN. A Banana se rencontre Cocos II. District du Mayumbe.


nucifera L.
Limité au bassin du Chiloango et de ses
Les rives basses et les criques du Fleuve
sont occupées par des associations forestières affluents, avec le poste de Luki comme limite
méridionale, ce district se prolonge vers le
édaphiques, dont la composition floristique
varie avec le degré de salinité des eaux. Nord dans l'enclave de Cabinda et l'Afrique
Entre Banana et Malela, c'est la mangrove équatoriale française. C'est une région natu-
relle accidentée, formée de collines souvent
abruptes, atteignant 500 à 600 m. d'altitude
et entrecoupées de profondes vallées.
Le bioclimat y est du type subéquatorial,
avec une moyenne annuelle de précipitations
de 1.200 à 1.400 mm. Il subit fortement l'in-
fluence de l'océan et de l'altitude, et les
effets de la grande saison sèche, qui y est
en moyenne de 5 mois, y sont atténués par
des brouillards fréquents et denses provoqués
par le voisinage de la mer.

Environs de Moanda, Plateau sablonneux de Nsenze.


— Petite savane guinéenne herbeuse avec buisson nain
et étalé d'Annona arenaria THONN.
(Photo W. ROBYNSJ

à Rhizophora racemosa G. F. W. MEY.,


associé vers l'intérieur des terres à Avicennia
nitida JACQ. et Cleistopholis Verschuereni
DE WILD. Sur les bords en contact avec la
terre ferme se rencontrent des massifs de
Acrostichum aureum L., de Hibiscus Liliaceus
L., de Conocarpus erectus JACQ. et de Phoenix
reclinata JACQ. Au delà de Malela, apparais-
sent les Raphia et Mitragyna stipulosa
0. KUNTZE; tandis que vers Mateba et Zambi
s'étendent des savanes herbeuses ou arbustives
à Hyphaene guineensis SCHUM. et THONN.
croissant souvent en groupes.

2. Le sous-district littoral comprend l'hin-


terland formé de plateaux étagés. Le plateau
Environs de Gimbi, Vallée de la Ntuafuka.
sablonneux de Moanda, qui surmonte les — Forêt secondaire à Terminalia superba
falaises calcaires de la côte, porte une savane ENGL.et DIELS.Le grand arbre au centre
climatique à végétation herbeuse xérophile a ± 35 m. de haut. (Photo W. ROBYNSJ
avec H eteropogon contortus (L.) ROEM. et
SCHULT., Andropogon schirensis HOCHST. et La végétation y est constituée de forêts
des Hyparrhenia, ainsi que des pieds isolés ombrophiles subéquatoriales, qui ne sont que
de Manilkara cuneifolia (BAK.) DUBARD et la pointe méridionale de la grande forêt du
d'Anacardium occidentale L. Le reste du Gabon. Ces forêts, qui couvrent environ
sous-district est occupé par des savanes her- 5000 Km2, sont composées d'un mélange
beuses guinéennes malingres, à Annona are- d'essences toujours vertes et d'essences tro-
naria THONN. en buissons rabougris et à pophiles.
Anisophylla Poggei ENGL. suffrutescents. Au point de vue floristique, la forêt du
Les fonds sont occupés par des marécages Mayumbe est très hétérogène et parmi les
ou par des formations forestières tropophiles. essences communes ou caractéristiques,
412 BOTANIQUE

signalons : Chlorophora excelsa BENTH.,


Combretodendron africanum EXELL, Sarco-
cephalus Diderrichii DE WILD. et TH. DUR.,
Corynanthe paniculata WELW., Staudtia
gabonensis WARB., Fagara altissinia ENGL.,
Malacantha superba VERM., Cistanthera
Leplaei VERM., Gossweilerodendron balsami-
ferum HARMS, Funtumia latifolia STAPF.
Entandrophragma utile SPRAGUE, etc. Dans
les .ravins se rencontrent des Fougères arbo-
rescentes : Cyathea Manniana HOOK. f.
Une grande partie de la végétation fores-
tière du Mayumbe est actuellement constituée
de forêts remaniées et secondaires, surtout au
Sud du 5e parallèle. Dans ces forêts secon-
daires, les peuplements à Terminalia superba
ENGL. et DIELS (Limba), une essence sociale,
sont de loin les plus importants et couvrent
actuellement de grandes étendues. Parmi les
autres essences, signalons Elaeis guineensis
JACQ. (Palmier à huile) et Musanga Smithii
R. BR. (Parasolier). On y trouve aussi des
clairières herbeuses anthropiques et des sa-
vanes guinéennes plus ou moins étendues.
Environs de Borna, Kalamu. — Un beau
III. District du Bas-Congo. specimen d'Adansonia digitata L. en fruits.
(Photo W. ROBYNSJ
Ce district occupe la région des monts de
Cristal, depuis Borna, à l'Ouest, jusqu'à la entre 1.000 et 1.400 mm., avec des variantes
crête de partage entre les bassins de la Lufimi locales plus élevées, et le régime pluviométri-
et du Kwango, à l'Est. C'est un pays acci- que est du type subéquatorial, avec une
denté, formé d'une succession de collines en- grande saison sèche d'environ 4 mois (mai à
trecoupées de nombreuses vallées, où les septembre). Le déficit de saturation est rela-
cours d'eau forment souvent des chutes. tivement élevé, surtout pendant la grande
La moyenne annuelle des pluies oscille saison sèche.
La formation ca-
ractéristique est la
savane guinéenne à
Adansonia digitata L.
(Baobab ), entrecou-
pée de boqueteaux
forestiers et de nom-
breuses galeries fo-
restières. Certaines
régions, comme le
plateau de Bangu, au
Nord de Thysville,
d'une altitude moyen-
ne de 850 m., portent
même des massifs
forestiers tropophiles
étendus.
La flore des sava-
nes arbustives ou ar-
Bas-Congo, Kisantu. - Savane guinéenne arbustive à Hymenocardia acida TUL.
à droite et borescentes est bien
(arbuste au milieu) et Sarcocephalus esculentus AFZ. (arbuste foncé
à gauche). (Photo W. ROBYNSJ connue dans la région
BOTANIQUE 413

de Kisantu. Parmi les arbustes ou petits nogyne arillata K. SCRUM. abonde dans le
arbres caractéristiques de la brousse sèche de sous-bois.
Kisantu, citons : Annona arenaria THONN., Sur les terres de culture abandonnées et
Hymenocardia acida TUL., Psorospermum fe- sur les anciens sols forestiers se rencontrent
brifngum SPACH., Gaertnera paniculata souvent des associations herbeuses secondaires
BENTH., Sarcocephalus esculentus AFZ., Cros- et denses de Panicum maximum L. (Herbe
de Guinée) et de
Pennisetum purpu-
reum SCHUMACH.
(Herbe à éléphants),
atteignant 3 à 4 m.
de hauteur.

IV. District du
Kasai.

Situé à l'Est du
District du Bas-Con-
go et au Sud du
District forestier cen-
tral, ce district com-
prend la plus grande
partie du bassin du
Kasai jusques et y
compris le bassin de
Environsde Léopoldville,à l'Est. — Savane guinéenne herbeuse de plateau sablonneux, la Lulua, à l'Est,
s'étendant à perte de vue. (Photo W. ROBYNSJ tandis qu'au Sud il
se prolonge dans
sopteryx febrifuga BENTH., Bridelia ferrugi- l'Angola. C'est un pays de plateaux sablon-
nea BENTH., Bauhinia Thonningii SCHUMACH. neux ou gréseux, dont l'altitude augmente
La végétation herbeuse y est formée princi- vers le Sud et qui sont entrecoupés de nom-
palement de Graminées xérophiles atteignant breuses vallées plus ou moins profondes,
2 m. de haut et plus : Andropogon schirensis orientées perpendiculairement à l'Equateur.
HOCHST., Hyparrhenia diplandra (HACK.) Le bioclimat y est fort semblable à celui du
STAPF et Rhynchelytrvm roseum (NEES) Bas-Congo, mais la hauteur annuelle des
STAPF. Par contre, dans la savane humide on précipitations est plus élevée et atteint même
rencontre : Sesbania Sesban (L.) MERR.. 1.600 mm. dans le Sud.
Honckenya ficifolia Wn.LD., Cephalonema Au point de vue phytogéographique, ce
polyandrum K. SCHUM., des Triumfetta, etc. district, couvert de savanes guinéennes, est
Au Nord-Est, à l'Est et au Sud-Est de Léo-
poldville s'étendent des plateaux sablonneux
et herbeux, presque entièrement dépourvus
d'arbres et rappelant les plateaux dénudés
du Kwango. Il s'agit de savanes herbeuses
constituées de Graminées et de Dicotylées
herbacées, entremêlées de nombreux sous-
arbustes rhizomateux, mais dont la composi-
tion floristique n'est guère connue.
Dans les galeries forestières, en grande
parties remaniées et secondarisées, croissent
Ceiba pentandra GAERTN. (Kapokier), Pseu-
dospondias microcarpa ENGL., divers Millettia,
Canarium et Ficlts, entremêlés de nombreuses
lianes, comme : Landolphia owariensis Kwango, environs de Kianza, à Momkoso, ait. ±:
850 m. — Petite savane guinéenne arbustive à
P. BEAUV., Dioscorea Schimperiana HOCHST.
Hymenocardia acida TUL. (près de lhomme) et nom-
et Microglossa volubilis DC., tandis que Cli- breux sous-arbustes. (Photo W. ROBYNS)
414 BOTANIQUE

hétérogène et on peut y distinguer au moins A hauteur du 7e parallèle, la végétation


deux sous-districts : se transforme en forêts de savane à Brachy-
stegia et à Isoberlinia, dominant une strate
1. Le sous-district du Kwango s'étendant herbacée à Graminées et Légumineuses. Ces
entre le Kwango et la Loange, approximative- forêts s'étendent jusque dans l'Angola et
ment au Sud de la ligne Kenge-Kikwit-Idiofa, leur facies rappelle les forêts de savane du
a sol constitué en grande partie de sables du Haut-Katanga.
Kalahari.
Dans le Nord du sous-district se rencon-
trent des savanes arbustives à arborescentes
à Erythrophloeum africanum (WELW.) HARMS
et Hymenocardia acida TUL., avec strate
herbacée à Ctenium Newtonii HACK., entre-
mêlée de nombreux petits sous-arbustes.
Ailleurs, cependant, on rencontre des massifs
forestiers tropophiles à Xylopia aethiopica
A. RICH., Pycnanthus Kombo WARB. et di-
verses Légumineuses. Les larges et profondes
vallées portent également des forêts denses,
constituées par de larges galeries forestières
qui remontent les flancs.
Les plateaux, surtout à hauteur de Feshi
et de Gungu, ne portent plus que des savanes
herbeuses à Ctenium Newtonii HACK., Trista-
chya et Loudetia s'étendant à perte de vue
et dans lesquelles croissent de nombreuses
petites plantes suffrutescentes et sclérophyl-
les : Annona cuneata (OLIV.) ROB. E. FRIES,
Landolphia Thollonii A. DEW. et L. humilis

Kwango, environs de Tenda, le long de


la route, ait. ± 1000m. — Forêt de savane
à BrachystegiaWangermeanaDE WILD,(le
grand arbre incliné au centre de ± 20 m.
de haut).

Les vallées en auge portent des savanes


herbeuses marécageuses ou périodiquement
inondées à Loudetia simplex HUBB., ne dé-
passant guère 1 m. de haut; tandis que les
rivières elles mêmes y sont bordées d'une
mince frange forestière où se rencontrent
souvent des Pandanus.
Kwango, route Kianza à Kahemba, ait. ± 900 m. —
Savane guinéenne herbeuse de pénéplaine avec Parinaii 2. Le sous-district du Kasai-Sankuru occu-
curaltcllaefolium PLANCH.(avant-plan) et autres petits
sous-arbustes. (Photo W. ROBYNSJ pant le reste du District.
La formation prédominante est la savane
K. SCHUM.,Anisophyllea Poggei ENGL. (prune broussailleuse ou arborescente à Hymeno-
du Kasai), Parinari curattellaefolium PLANCH. cardia acida TUL. et Hyparrhenia diplandra
etc. Signalons aussi le Buphane disticha (HACK.) STAPF entrecoupée de lambeaux et
IJERB., une Amaryllidacée à feuilles distiques, de massifs forestiers tropophiles plus ou moins
dont les ombelles de capsules mures se dé- développés. Ces derniers occupent parfois
tachent et, sous l'action du vent, roulent à des étendues considérables notamment dans
travers la plaine sur des distances considé- la région de Lusambo-Luluabourg. Vers le
rables, tout en semant leurs graines en cours Nord, ces formations forestières à facies
de route. équatorial deviennent de plus en plus denses
BOTANIQUE 415

et passent graduellement à la forêt équato- sées du Kwango aux environs de Kasongo-


riale de la cuvette centrale. Lunda ; et E. Poggei ASCHERS.,à tronc court,
Dans le Nord-Ouest entre Mushie et Bolo- habitant les savanes sablonneuses dans le
triangle Luluabourg-Lusambo-Kanda-Kanda,
mais se rencontrant aussi plus au Sud, aux
environs de Kapanga et jusqu'à Kafakumba.

V. District du Bas-Katanga.
Enclavé entre la forêt équatoriale, au Nord,
le Graben du Tanganyika à l'Est, le District
du Haut-Katanga, au Sud, et le District du
Kasai, à l'Ouest, le Bas-Katanga confine à
des régions floristiques très diverses. C'est
une région de plateaux sablonneux et gréseux
entrecoupés de vallées plus ou moins pro-
fondes et souvent très larges.
Le bioclimat y est fort semblable à celui
du Kasai, mais la hauteur des précipitations
annuelles n'y dépasse guère 1.400 mm. et la
grande saison sèche dure 4 à 5 mois dans
le Sud.
Les plateaux sont couverts de savanes
herbeuses, devenant par endroits arbustives
ou prenant même l'aspect de savanes-parcs
à boqueteaux forestiers, surtout dans le Nord.
Les constituants de ces savanes guinéennes
sont des Hyparrhenia, Andropogon, Digitaria,
Région de Dibaya, entre Meneditu et
Tshimbulu. — Encephalartos Poggei Sporobolus et de petites Légumineuses, tandis
ASCHERS.,specimen g, dans la savane que la végétation arbustive et arborescente
guinéenne arbustivc. (Photo W. ROBYNS.) est représentée par Annona chrysophylla
Boj., Hymenocardia acida TUL., Bauhinia
bo et dans la région de Tshikapa s'observent Thonningii SCHUMACH.,Securidaca longepe-
des savanes-parcs à Borassus aethiopum MART. duncalata FRES., Stereospermum Kunthianum
De plus, Elaeis guineensis JACQ. est très CHAM., Borassus aethiopum MART., des Ma-
abondant dans le Nord du Kwango. Les crolobium, Pterocarpus, Sterculia, Vit ex,
galeries
- forestières
- sont à facies équatorial; Combretum, Terminalia, etc.
bien développées dans
le Nord, elles dimi-
nuent d'importance
vers le Sud.

Signalons la pré-
sence, dans le District
du Kasai, de deux
espèces endémiques
d'Encephalartos, gen-
re sud-africain, dont
quelques représen-
tants se rencontrent
en Afrique tropicale,
à savoir : E. Lau-
rentianus DE WILD.,
à tronc de 5 à 10 m.
de long souvent cou-
ché sur le sol, loca- Environsde
Kongolo.— Savane guinéenne à Borassus aethiopum MART.en groupement
lisé sur les rives boi- ouvert. (Photo W. ROBYNS.)
416 BOTANIQUE

Les vallées sont occupées par des massifs au Nord et au Sud de l'Equateur, par le
forestiers composés d'essences hygrophiles, quatrième parallèle et s'arrête, à l'Est, aux
auxquelles se mêlent des essences tropophiles, contreforts de la dorsale occidentale du
dont le pourcentage augmente à meure qu'on Graben de l'Afrique centrale, sauf dans la
s'éloigne de la forêt ombrophile équatoriale. vallée de la Semliki, où il contourne par le
La plupart de ces essences sont des espèces Nord la base du massif du Ruwenzori pour
largement répandues telles que Chlorophora se prolonger jusque dans l'Uganda. A
excelsa BENTH., Piptadenia africana HOOK. f., l'Ouest, il se continue dans l'Afrique équa-
Macrolobium Dewevrei DE WILD., etc. toriale française.
Les galeries forestières, à facies équatorial, Le bioclimat y est du type équatorial avec
bien développées vers le Nord, se rétrécissent une hauteur annuelle de pluies dépassant
graduellement vers le Sud. Le long du 1.600 mm., réparties régulièrement sur toute
Lualaba, ainsi que dans les grandes vallées l'année, avec cependant deux maxima de plu-
largement ouvertes du Lomami et des autres viosité aux équinoxes. L'humidité atmosphé-
rique est fort élevée et le déficit de saturation
est relativement faible.
La végétation climacique y est la forêt om-
brophile équatoriale toujours verte, sauf dans
les zones limitrophes de son aire, où appa-
raissent des essences tropophiles. Les limites
de la forêt équatoriale correspondent appro-
ximativement avec celles du district lui-même.

Lac Upemba. — Ile flottante à Typha angustifolia L.


(Photo W. ROBYNS,)

cours d'eau, formées d'alluvions périodique-


ment inondées, elles font généralement défaut
et les aspects de la végétation y sont très
variés. Des prairies ripicoles à Vossia cuspi-
data GRIFF. y voisinent avec des massifs plus
ou moins étendus de Borassus aethiopum
MART. ou d'Elaeis guineensis JACQ. et des
fourrés ripicoles de Aeschynomene Elaphro-
xylon TAUB., Dichrostachys glomerata CHiov.,
Mimosa asperata L. et Alchornea floribunda
MUELL. ARC.
L'expansion lacustre du Graben de l'Upem-
ba est occupée en grande partie par des
Yangambi, réserve forestière d'Isalowe. —
champs de Cyperus Papyrus L. et des îles Forêt ombrophileéquatoriale de terre ferme
flottantes à Typha angustifolia L., entre les- hétérogène. Au fond et à gauche, un
quelles flotte, à la surface des eaux, le Pistia Pachyelasma Tessmannii HARMS,à tronc
stratiotes L. On y trouve aussi des associa- cannelé à la base. (Photo W. ROBYNS.)
tions à Nymphaea et autres plantes aquati-
ques fixées. Ces limites paraissent stabilisées à l'Est, mais
elles reculent sous l'action de l'homme dans
VI. District Forestier Central. l'Ubangi et dans la région d'Amadi, où la
forêt défrichée est remplacée, sur de grandes
Ce district, d'une superficie d'environ drica (L.) P. BEAUV.Par contre, au Sud, dans
1.000.000 de km2, occupe la cuvette centrale étendues, par des savanes à Imperata cylin-
congolaise. Il est limité approximativement, la région de la Lukenie, la forêt équatoriale
BOTANIQUE 417

paraît actuellement en extension et envahit espèces volubiles ou munies de vrilles, comme


graduellement les savanes limitrophes. les Tiliacora, Cissampelos, Manotes, Entada,
On peut y distinguer deux sous-districts L(tndolphia, Uncaria, etc. Le sous-bois est
édaphiques : généralement bien développé et comprend
plusieurs strates.
Les rives basses des cours d'eau et des îles
sont souvent occupées par des associations
ripicoles, qui forment une série génétique
progressive présentant une zonation très nette
comme suit : prairie aquatique > frutice-
tum > galerie forestière à Irvingia
Smithii HOOK. f., Baphia Dewevrei DE WILD.,
etc. —— forêt marécageuse.
Disséminées à l'intérieur de la forêt, se
rencontrent de petites savanes guinéennes
édaphiques à Hyparrhenia diplandra (HACK.)
STAPF., appelées « Esobe ».
2. Le sous-district du Nord-Est, occupant
l'Est et le Nord-Est, où dominent les forêts
de terre ferme. Celles-ci sont du type hétéro-
gène, comme la forêt à Scorodophloeus Zen-
keri HARMS, ou du type homogène avec domi-
nance d'une seule essence atteignant 70 à
80 et se régénérant naturellement. A ce.
dernier type appartiennent : la forêt à Macro-
lobium Dewevrei DE WILD. de l'Uele et de
Stanleyville et la forêt à Cynometra Alexan-
dri C. H. WRIGHT de l'Ituri. Dans ces forêts
Yangambi, fleuve Congo, île Boke Lisselele.
— Zonation de la végétation le long de la
rive; d'avant en arrière : plage à Ipomœa;
prairie à Echinochloa pyramidalis SCHULT.;
fruticetum à Alchornea cordifolia MUELL.
ARC.; forêt marécageuse.
(Photo W. ROBYNS.)
1. Le sous-district occidental, occupant les
alluvions récentes de la Busira dans la partie
la plus déprimée de la cuvette d'une altitude
moyenne inférieure à 500 m., limité approxi-
mativement à l'Est par la ligne Abumombasi-
Ibembo-Stanleyville et le Lualaba jusqu'à
Kindu. Il est parcouru par de très nombreux
cours d'eau à lit imprécis et changeant.
Ici domine la forêt marécageuse ou périodi-
quement inondée, à composition floristique
hétérogène, présentant diverses associations,
dont celle à copaliers Guibourtia (Copaifera)
Demensei (HARMS): LÉONARD et Cynometra
Laurentii DE WILD. et celle à U apaca guineen-
sis MUELL. ARG., à racines-échasses, sont les
plus répandues. Beaucoup d'essences y sont
pourvues de contreforts à la base des troncs.
Elaeis guineensis JACQ. y est très abondant
dans les forêts secondaires. Les lianes sont Route Irumu à Beni. — Forêt ombrophile
bien représentées, soit par des palmiers à équatoriale de terre ferme homogine, à
aiguillons crochus, comme les Eremospatha, Cynometra Alexandri C. H. WRIGHT (grand
arbre à tronc clair au centre).
Calamus et Ancystrophyllum, soit par des (Photo W. ROBYNSJ

14
418 BOTANIQUE

homogènes, le sous-bois est généralement peu VII. District de l'Ubangi-Uele.


développé. Ce district, qui comprend toute la région
A la limite orientale de ce sous-district, la septentrionale du Congo, sauf l'extrême Nord-
forêt remonte les pentes occidentales de la Est, est un pays de plateaux à bioclimat
dorsale du Graben jusque vers 1.750 m. d'al- subéquatorial, avec une grande saison sèche
titude et devient graduellement submonta- d'environ 3 mois (décembre à février).
gnarde. Cette forêt de transition, qui est hé-
térogène et fort riche en espèces, est encore
imparfaitement connue de nos jours. Elle se
raccorde directement à la forêt ombrophile
de' montagne, sur les pentes septentrionales
du Ruwenzori et sur celles de certaines
régions de la dorsale occidentale du lac Kivu.

Parmi les plantes les plus intéressantes du


district, il faut signaler : les Entandro-
phragrna, Ceiba pentandra GAERTN., Chloro-
phora excelsa BENTH., Canarium Schwein-
furthii ENGL., Ongokea Gore (HUA) PIERRE,
les Klainedoxa, les Irvingia, les Baphia, les
Pterocarpus, les Chrysophyllum, ainsi que les
Raphia et les Coffea, qui affectionnent les
lisières forestières. Les épiphytes hygrophiles
et humicoles sont représentés par les Platy-
cerium à hétérophyllie caractéristique, tandis
que parmi les innombrables épiphytes xéro-
philes, les Orchidées dominent. Beaucoup
d'arbres et d'arbustes sont parasités surtout
par des Loranthus, et parmi les holoparasites
sur racines, mentionnons le Thonningia Parc National de la Garamba, crête Aka-
sanguinea VAHL. Nawango.— Savane arborée a Lophira alata
BANKS.
(Coll. I. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNS.)
Autour des villages et des postes et partout La végétation y est constituée, par des sa-
où la forêt primaire a été abattue, s'est éta- vanes et des savanes-parcs, entrecoupées de
blie une forêt secondaire composée de Musan- galeries forestières et de lambeaux forestiers
ga Smithii R. BR., à racines-échasses, Trema à essences tropophiles, qui semblent actuelle-
guineensis FICALHO,Vernonia conferta BENTH., ment en voie d'extension et qui passent gra-
Harungana madagascariensis LAM., auxquels duellement vers le Sud à la forêt équatoriale.
succèdent graduellement Caloncobrt Welwit- Les savanes y présentent des associations très
schii GILG, Myrianthus arboreus P. BEAUV., variées : savanes à Daniellia Oliveri HUTCH.
Pycnanthus Kombo WARB., Macaranga spino- et DALZ., à B or as sus aethiopum MART., à
sa MUELL. ARG., Spathodea campanulata Terminalia, à Lophira alata BANKS,à Erythri-
P. BEAUV., Ricinodendron africanum MUELL. na et à Protea, ces deux dernières dans le
ARG., Albizzia gummifera (GMEL.) C. A. Nord-Est, où elles occupent la région de
SMITH. Abandonnée à elle-même, cette forêt transition vers le District du Lac Albert. Les
évolue naturellement et progressivement vers galeries forestières sont peu développées et
un stade final, dont la composition floristique souvent représentées par un rideau à domi-
est fort semblable à celle de la forêt primaire. nance de Irvingia Smithii HOOK. f. Les gale-
La durée de cette évolution progressive est ries marécageuses renferment des Pandanus,
évaluée à environ un siècle. à racines-échasses et des Raphia.
Partout où l'activité humaine a empêché Au point de vue floristique, les espèces des
cette évolution, la forêt est remplacée par des savanes guinéennes dominent nettement et
savanes secondaires à Pennisetum purpureum beaucoup d'espèces des savanes des Districts
SCHUM. et autres Graminées de forte taille. du Bas-Congo et du Kasai se retrouvent ici.
BOTANIQUE 410

Toutefois les affinités avec la flore souda- en parasol, comme dans la région de Kasenyi,
naise sont indéniables, comme le prouve la ou des bouquets de Borassus.
présence des représentants des genres Dy- Signalons la présence de quelques éléments
bowskia et Anogeissus. Signalons encore la soudanais dans la plaine d'Iswa, à l'Est de
présence de l'Encephalartos septentrionalis Mahagi : Butyrospermum Parkii KOTSCHY,
SCHWEINF., espèce à tronc court, croissant Balanites aegyptiaca DELILE et Calotropis
dans les savanes de la région de Bili-Gwane proc-era AIT.
et de celle de la Garamba.
IX. District des Lacs Edouard et Kivu.

Ce district comprend le Ruwenzori et tout


le Graben central avec les dorsales jusqu'au
Nord d'Albertville au Sud.
A cause du relief très accidenté, ce district
présente des conditions bioclimatiques très
variées. Dans les plaines alluviales, la hau-
teur annuelle des précipitations est de l'ordre
de 1.000 mm., avec un régime subéquatorial.
La grande saison sèche y dure de 2 à 4 mois,
suivant la latitude, et le déficit de saturation
est élevé. Dans les régions montagneuses, les
variations udométriques et thermiques sont
Parc National de la Garamba, rivière Aka. — Avant- considérables; elles sont responsables de la
plan : savane guinéenne herbeuse; au fond : rideau différenciation de bioclimats locaux de mon-
forestier de la rivière à Irvingia Smithii HOOK.f. tagne, disposés en zones superposées.
(Coll. I. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNSJ On peut y distinguer plusieurs sous-dis-
tricts, que nous groupons ci-après :
VIII. District du Lac Albert.
Ce district comprend l'extrême Nord-Est 1. Les Sous-districts des plaines alluviales.
- Comprennent les plaines de la
de l'Ituri avec le bassin du lac Albert, ap- Semliki, de
à l'Est de la ligne Tapa- la Rutshuru et de la Basse-Ruzizi, occupées
proximativement
Aba. C'est un pays montagneux, à altitude par des savanes herbeuses sèches à Themeda
variant de 1.000 à 2.500 m. et coupé de
profondes vallées.
La hauteur annuelle des précipitations y
diminue rapidement de 1.400 mm. à l'Ouest,
à environ 1.000 mm. dans la plaine alluviale
du lac, où la grande saison sèche dure environ
3 mois (décembre à février), avec un déficit
de saturation élevé.
L'Ouest du district et la dorsale sont
occupés par des savanes orientales sèches à
herbes courtes À Themeda triandra FORSK.,
devenant faiblement arbustives par endroits
et entrecoupées de galeries forestières. Sur la
dorsale proprement dite, se rencontrent divers Parc National Albert, environs de Kamande, ait. ±
éléments orophiles, ainsi que des lambeaux 950 m. -- Savane boisée à Acacia hebecladoides HARMS.
forestiers, qui sont des témoins d'anciennes (Coll. I. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNSJ
forêts ombrophiles de montagne (région de
Djugu); tandis qu'Arundinaria alpina triandra FORSK., Heteropogon contortus (L.)
K. SCHUM. y forme des associations plus ou ROEM. et SCHULT et Hyparrhenia filipendula
moins étendues. (HocHsT.) STAPF., avec des succulents appar-
La plaine alluviale du lac avec les premiers tenant aux genres Sansevieria, Aloe, Kalan-
contreforts de la dorsale est une région de choe, etc. Ces savanes sont souvent parsemées
savanes sèches à succulents, devenant arbo- de bosquets xérophiles à Carissa edulis
rescentes par places, avec des Acacia épineux (SPPENG.) VAHL., Capparis tomentosa LAM..
420 BOTANIQUE

Euphorbia calycina N. E. BR. ou Euphorbe


candélabre et E. Dawei N. E. BR. ou Euphor-
be en arbre. Ailleurs se rencontrent des sava-
nes boisées à Acacia épineux en parasol. Les
rivières sont souvent bordées de galeries
forestières avec Phoenix reclinata JACQ.,
tandis que les marécages sont occupés par une
association dense de Phragmites communis
TRIN. ou de Cyperus Papyrus L.

2. Le Sous-district de la plaine de lave et


des formations sclérophylles. — Occupe la
plaine de lave au Nord du lac Kivu, ainsi
que les îles du lac et quelques autres régions
peu étendues à sols rocailleux et arides, sou-
mises à l'action du « foehn ». On peut y ob-
server les divers stades successifs de la coloni-
sation végétale des laves et des rochers, qui
progresse lentement comme le montrent les
laves scoriacées du Rumoka datant de 1912 et
dont le stade final est une forêt sclérophvlle
claire à strate arborescente discontinue. Les
essences dominantes y sont : Myrica salicifolia
Parc National Albert, baie de Sake, près
HOCHST., Lachnopylis congesta (R. BR.) de la falaise de Kitwaru, cendrées du
C. A. SMITH, Èrythrina abyssinica LAM., Rumoka de 1912. — Forêt sclérophylle
Pittosporum spathicalyx DE WILD., Olea claire à Myrica salicifolia HOCHST.
chrysophylla LAM., Agauria salicifolia (LAM.) (Coll. I. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNSJ
HOOK. f., Hymenodictyon floribundum
prennent le Ruwenzori, les volcans Virunga et
les dorsales occidentale et orientale du
Graben. La végétation des montagnes est
caractérisée par une succession d'étages de
végétation, qui se retrouve à peu près iden-
tique sur tous les massifs, tandis que la flore
comprend surtout des éléments orophiles de
l'Afrique tropicale centrale et orientale.
— Les
a) Etage des forêts de montagne.
forêts de montagne occupent la zone mon-
tagnarde des précipitations maxima avec
1.600 à 2.250 mm. de pluie annuelle, située
entre 1.750 m. et 2.200 à 2.400 m. d'altitude,
Parc National Albert, baie de Sake, coulée de laves du suivant les massifs. Parmi les principales
Rumoka de 1912,ait. ± 1500m. — Stade de colonisation essences constituantes de ces forêts hygro-
herbacée et ouverte à Fougères et Rumex maderensis
citons : Podocarpus milanjianus
LOWE. (Coll. J. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNSJ philes,
RENDLE, Ocotea usambarensis ENGL., Hagenia
abyssinica GMEL., Albizzia gummifera (GMEL.)
(HOCHST. et STEUD.) ROBINSON,etc. La strate C. A. SMITH, Entandrophragma excelsum
arbustive comprend des arbustes souvent épi-
Trichilia Volkensii GÜRKE, Polys-
neux tels que Gymnospora Engleriana LOES., SPRAGUE,
cias fulva (HIERN) HARMS,Afrocrania Volken-
entremêlés de quelques lianes comme Jasmi- BAKER. Dans
sii HARMSet Olea Hochstetteri
num dichotomum VAHL. La strate herbacée les Arundi-
l'horizon supérieur apparaissent
est riche en géophytes : Orchidées terrestres,
Mildbraedii naria alpina K. SCHUM.qui, sur les dorsales,
Haemanthus PERK., Kniphofia
forment souvent des massifs de Bambous
Thomsonii BAKER, etc.
éparpillés parmi les Dicotylées, constituant
3. Les Sous-districts montagneux. — Com- des forêts du type mixte. Le sous-bois est bien
BOTANIQUE 421

développé. Sur le Ruwenzori et le Tshiaberi- atteignant 20 à 25 m. de hauteur et occupant


mu, il renferme des Bananiers comme Musa la zone de 2.200 à 2.400-2.600 m. d'altitude.
Ensete GMEL.; ainsi que de belles Fougères Cet étage manque sur le Nyamuragira et est
arborescentes comme Cyathect" Manniana fragmentaire sur le Nyiragongo.
HOOK., qui atteignent 10 m. de haut et for-
c) Etage des Ericacées arborescentes. —
L'Ericetum, qui s'étend dans l'étage subalpin
entre 2.600 à 3.700-3.800 m. d'altitude, est
formé de Bruyères arbustives ou arborescen-
tes de 4 à 10 m. de hauteur, appartenant
aux genres Erica et Philippia, abondamment
chargées de grands U snea épiphytes filamen-
teux. Le sol est couvert d'une épaisse couche
de Bryophytes comme Breutelia Stuhlmannii
BROTH. et divers Sphagnum entremêlés de
nombreuses Orchidées terricoles comme Disci
Stairsii KRAENTZL.à fleurs roses. Des Podo-
carpllS, des Hypericum, des Rapanea et Sene-

Kivu, entre Lubero et Lubefu, réserve


forestière le long de la route, ait. ± 1900m.
— Forêt de montagne ombrophile avec ravin
à Fougères arborescentes, à l'endroit où
le Roi Albert s'arrêta le 3 avril 1932.
(Photo W. ROBYNSJ

ment des massifs étendus dans les vallées et


les ravins escarpés.
En beaucoup d'endroits, mais surtout dans
l'horizon inférieur, la forêt de montagne a
été détruite et remplacée par des associations
secondaires de Pteridium aquilinum (L.)
KUHN., par des broussailles à Acanthus pubes-
cens ENGL. et surtout par des savanes herbeu- Parc National Albert, Volcan Mikeno, entre
Rweru et Kabara, ait. ± 2850 m. — Forêt-
ses ou arbustives permanentes, servant de prairie à Hagenia abyssinica GMEL.avec
pâturages. Ailleurs, se rencontrent des forêts strate inférieure herbacée.
secondaires à essences héliophiles : Dracaena (Coll. I. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNS.)
afromontana MILDBR., Croton macrostachys
HOCHST. Neoboutonia macrocalyx PAX, Ber- cio Erici-Rosenii ROB. E. FRIES et TH. FRIES
santa ugandensis SPRAGUE,Dombeya Goetzenii JR, un Seneçon arborescent, s'y mêlent
K. SCHUM., Kigelia lanceolata SPRAGUE.Dans souvent dans cet étage, dont la limite supé-
les clairières forestières secondaires apparaît rieure correspond à celle de la végétation
Lobelia giberroa HEMSL. arborescente.
Sur le Ruwenzori, L. HAUMANa distingué
b) Etage des Bambous. — L'Arundinarie- dans cet étage deux horizons : l'Ericetum
tum alpinae est une association forestière riche en espèces jusque vers 3.300 m. d'alti-
monophytique et dense, formée de Bambous tude, composé de Bruyères arborescentes
422 BOTANIQUE

telles que Erica arborea L. et Philippia John- à feuilles en rosettes terminales et produisant
stonii ENGL. associées à Podocarpus milan- de grandes inflorescences. Les rochers et les
jianus RENDLE, Hypericum ruwenzoriense DE pentes arides portent des taillis fruticuleux à
WILD. etc. ; et l'Ericetum pauvre en espèces Ilelichrysurn (Immortelles) à capitules argen-
au-delà de 3.300 m. d'altitude, composé de tés du plus bel effet décoratif; tandis que
Bruyères plutôt buissonnantes qui sont exclu- des alpages à Alchemilla fruticuleux tapissent
sivement des Philippia.
Sur le groupe central des volcans Virunga
(Mikeno, Karisimbi et Visoke) se rencontre,
vers 2.600 m. d'altitude, la forêt-prairie à
Hagenia abyssinica GMEL., qui est parfois
considérée comme un étage séparé. C'est une
association monophytique dominant une
strate herbacée formée de grandes herbes
vivaces, parmi lesquelles dominent deux Om-
bellifères : Chaerefolium sylvestre (L.)
SCHINZ. et THELL. et Peucedcinitm Kerstenii
ENGL. Par endroits, la forêt-prairie à Hagenia
est interrompue par des pelouses herbeuses
subalpines, très riches en espèces.

Parc National Albert, Ruwenzori, Mont


Kiondo, ait. ± 4200 m. - - Specimen
stérile de Senecio Friesiorum MILDBR. sous
la neige, avec alpage à Alchemilla dans
le fond
(Coll. 1. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNSJ

les sols meubles. Ailleurs s'étendent des


marécages à Carex runssoroensis K. SCRUM.
plus ou moins étendus.
A partir de 4.300 m. d'altitude, la végéta-
tion s'appauvrit graduellement, pour se ré-
duire finalement à des plages de Mousses et
surtout de Lichens du genre Tl mbilicaria, qui
s'étendent jusqu'aux glaciers vers 4.500 m.
d'altitude sur le Ruwenzori.
Parc National Albert, Ruwenzori, au-dessus
du camp des bouteilles, ait. ± 4000 m. — du Ruanda-Urundi.
Specimen fleuri de Lobelia Wollastonii X. District
BAK.f. au milieu d'un taillis à Helichrysum
Stuhlmannii O. HOFFM. Le Ruanda-Urundi, à l'Est de la dorsale
(Coll. I. P. N. C. B.- Photo W. ROBYNS.) du grand Graben, est un plateau raviné d'une
altitude moyenne de 1.400-1.800 m.
d) Etage alpin. — Au-dessus de la limite Le bioclimat y est du type subéquatorial,
de la végétation arborescente, vers 3.700 m. avec une grande saison sèche de 3 à 4 mois
d'altitude, s'étend l'étage alpin, surtout bien (juin à septembre) et un déficit de saturation
développé sur le Ruwenzori. Ici apparaissent élevé; la hauteur annuelle des précipitations
des boqueteaux forestiers de Dendrosenecio y est de l'ordre de 1.000 mm
ou Seneçons arborescents et de LobeUa géants, La végétation est constituée de savanes
BOTANIQUE 423

broussailleuses ou boisées à Acacia épineux En dehors des hauts-plateaux, la formation


en parasol et Euphorbia calycina N. E. BR., climacique est la forêt de savane zam-
ou de savanes herbeuses sèches à Themeda bézienne, d'aspect et de développement très
triandra FORSK., Chloris pycnothrix TRIN. et variables. En général, ces forêts claires sont
Asparagus africanus LAM., entremêlés d'Aloe, formées de diverses espèces de Brachystegia
Sansevieria et de nombreuses plantes bul- et autres Légumineuses arborescentes à fo-
lioles petites et coriaces comme les Berlinia,
Acacia, Afzelia, Pterocarpus, Afrormosia,
auxquelles s'associent Marquesia macroura
GILG. et dans la strate arbustive des Uapaca,
des Monotes, des Parinari, des Protea, des
Combretum, etc. On y rencontre aussi spora-
diquement : Entandrophragma Delevoyi DE
WILD., une essence atteignant 30 à 35 m. de
haut, assez abondante dans le bassin de la
Lukuga moyenne, mais qui semble constituer
ici une relique d'une forêt plus ou moins
hygrophile, représentant un climax antérieur,
actuellement disparu. Le sous-bois est formé
d'une strate d'herbes xérophiles où dominent
Parc National de la Kagera, région de Kakitumba,
ait. ± 1500 m. — Belle savane boisée à Acacia
hebecladoides HARMSdéfeuillés.
(Coll. 1. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNS.)

beuses et rhizomateuses. Les marais salins


portent une flore spéciale à Asteracantha
longifolia (L.) NEES et Sphaeranthus. Dans
les ravins rocailleux se rencontrent des ri-
deaux forestiers d'arbustes et de petits arbres
xérophiles et souvent épineux, tandis que
dans les plaines alluviales, comme celle de la
Kagera, ainsi que sur les rives des lacs, exis-
tent des marais étendus à Cyperus Papyrus
L. et à Cladium mariscus R. BR. Les rivières
elles-mêmes sont bordées d'un faible rideau
forestier où peut se rencontrer Phoenix
reclinata JACQ.

XI. District du Haut-Katanga.


La limite septentrionale de ce district suit
approximativement la ligne Dilolo-Sankisia-
Kiambi-Niemba-Albertville. C'est une région
assez accidentée, d'une altitude moyenne de Environs d'Elisabethville, Mont Mukuen,
1400-1700 m., comprenant toutefois des hauts- réserve forestière, ait. ± 1370 m. — Forêt
de savane à Marquesia macroura GILC.,(à
plateaux étendus et plus élevés (Biano, Kun- tronc cannelé et atteignant ± 20 m. de
delungu, Kibara, Marungu), reliques de l'an- haut; specimen au centre).
cienne pénéplaine. En beaucoup d'endroits, (Photo W. ROBYNS.)
le sol est fortement minéralisé par suite d'af-
fleurements de gisements de cuivre. les Graminées de petite taille, entremêlées de
Le biocliftiat est du type tropical, avec des nombreux sous-arbustes nains du type des
précipitations annuelles généralement infé- Cryptosepalum, des Fadogia et des Vernonia,
rieures à 1.200 mm., et une seule saison sèche avec, par-ci par-là, de petits arbustes isolés.
de 5 à 7 mois (avril à octobre), suivant la Les forêts claires sont souvent dégradées
latitude. Le déficit de saturation est relative- en broussailles par suite de la nature du sol.
ment élevé. En maints endroits, elles sont interrompues
424 BOTANIQUE

par des collines dénudées et herbeuses, les Les grandes termitières, surtout abondantes
« kopjes » des gisements de cuivre, dont la dans le Sud du district, hébergent une flore
flore renferme diverses espèces cupricoles, xérophile, mais ne paraissant guère spéciale
telles que Buchnera cupricola ROBYNS,Acro- au point du vue des espèces. On y trouve,
cephalus Robertii ROBYNS,Gutenbergia cupri- entre autres, une Euphorbe candélabre et
cola ROBYNS,etc. des touffes du petit bambou Oxytenanthera
abyssinica MUNRO,qui forme aussi des massifs
assez denses sur les pentes septentrionales
des Biano.
Dans les dembos et les marécages, la végé-
tation, entièrement herbeuse, est constituée
de Graminées, Cypéracées, Xyridacées, etc.
Le long des rivières existent des galeries
forestières peu profondes, parfois réduites à
un simple rideau d'arbres hygrophiles et où
se rencontrent le Khaya nyasica STAPF et de
nombreuses lianes.
Sur les hauts-plateaux ondulés, balayés par
les vents, et à sol plus ou moins sablonneux,
s'installe, à partir de l'altitude moyenne de
1.600 m., la savane herbeuse à herbes courtes
et xérophiles. Parmi celles-ci les Graminées
des genres Loudetia, Tristachya etc. abondent,
à côté de plantes bulbeuses et rhizomateuses
et de diverses espèces suffrutescentes, comme
Acrocephalus suberosus ROBYNS et LEBRUN.
Les rivières y sont bordées d'un faible rideau
forestier, où peuvent se rencontrer des Pan-
danus et des Eremospatha. Les têtes de sour-
ces sont occupées par des bosquets forestiers
Parc National de l'Upemba, rive de la toujours verts à Syzygium guineense (WILLD.)
Lufira, ait. ± 1300 m. — Un beau specimen DC., abritant souvent des tourbières à
de Khaya nyasica STAI'F.
(Coll. 1. P. N. C. B. - Photo W. ROBYNSJ Sphagnum.

- Savane herbeuse de
Région des Marungu, environs de Kayabala, ait. ± 1900 m.
plateau avec diverses plantes suffrutescentes autour de l'homme.
(Photo W. ROBYNSJ
Les Cultures Coloniales
Par J. E. OPSOMER
Ingénieur Agronome Colonial,
Professeur à l'Université de Louvain, -.
Ancien Chef de Division de l'I.N.E.A.C. au Congo Belge,
Chargé de missions aux Indes Néerlandaises,
à Ceylan, au Kenya, en Uganda et au' Congo Belge.

CHAPITRE 1. pérées se multiplient par semis. Une autre


caractéristique des pays chauds est la fré-
GENERALITES quence des cultures associées, voire en ce qui
concerne les cultures indigènes, de mélanges
A technique culturale dans les pays de nombreuses plantes différentes. Disons dès
chauds se différencie en de nom- maintenant que, contrairement à ce que l'on
breux points de celle appliquée pourrait supposer à première vue, cette façon
dans les zones tempérées. La de procéder est très recommandable. Plu-
L remarque vaut non seulement pour sieurs cultures tropicales exigent un certain
l'agriculture indigène, mais aussi ombrage. De ce fait on associe souvent la
pour celle des Blancs. Les procédés de mise plante productrice à des arbres d'ombrage.
en culture, de préparation et d'entretien du Dans les plantations arborescentes, il est de
sol ne sont pas les mêmes dans nos régions et coutume, en l'absence de cultures interca-
dans les régions tropicales et subtropicales. laires, de garnir le sol de plantes de couver-
Celà apparaîtra nettement au cours du pré- ture. Toutes ces pratiques sont inconnues ou
sent chapitre et dans les chapitres suivants. rares en agriculture des zones tempérées. Si-
En outre l'agriculture tropicale et subtropi- gnalons encore le large emploi fait, sous les
cale présente de nombreuses particularités. Tropiques, de la fumure verte et de l'irri-
Par exemple : la grande importance des cul- gation.
tures arborescentes. La plupart des grandes Les chapitres suivants seront consacrés aux
cultures industrielles sont des arbres. Dans divers groupes de cultures des pays chauds.
ces cultures on applique de nombreuses mé- Nous traiterons principalement des plantes
thodes propres à l'horticulture, à l'arbori- cultivées sur de grandes surfaces au Congo
culture, voire à la sylviculture (l) : semis en Belge, ou y faisant l'objet d'essais d'une cer-
pépinière, repiquage, transplantation, greffe, taine importance. Nous ajouterons des indica-
éclaircie, régénération naturelle, etc. Il en tions sur quelques espèces offrant de l'intérêt
résulte qu'il n'y a pas de limite bien définie pour la Colonie. Avant de passer à la descrip-
entre l'agriculture proprement dite, d'une tion des méthodes de culture propres à ces
part, l'horticulture et la sylviculture tropi- diverses plantes, nous traiterons de quelques
cales, d'autre part. Parmi les cultures tropi- points intéressant toutes ou plusieurs cultures.
cales et subtropicales, il en est un grand nom-
bre qui se multiplient habituellement par voie Défrichement. — De façon générale il est
végétative, c'est-à-dire au moyen de boutures, plus intéressant de mettre en culture des sols
tubercules, rejets, etc. C'est le cas du Manioc, forestiers, quoique leur défrichement soit plus
de la Patate douce, de l'Igname, de la Canne pénible que celui des savanes. Pour l'établis-
à sucre, du Bananier, du Sisal, etc. Au con- sement de cultures permanentes, on abat habi-
traire la plupart des plantes agricoles tem- tuellement toute la forêt. Certains planteurs
cependant réservent une partie des arbres
comme ombrage. Il existe au Congo d'excel-
(1) On trouvera principalement chez l'Hévéa et le
Quinquina des méthodes offrant beaucoup d'analogie lentes plantations de Cacaoyers établies de
avec les méthodes de la sylviculture. cette manière. Généralement on déconseille ce

14*
426 LES CULTURES COLONIALES

procédé, mais à la lumière de nos connais- servant au besoin d'un échafaudage rudimen-
sances actuelles en matière de pédologie, on a taire. Le bois n'ayant généralement pas de
tendance à y revenir. valeur, on coupe les arbres à un endroit où
Jusqu'aux environs de 1935, il était de règle
de brûler la forêt abattue. Malheureusement
on détruisait ainsi une quantité énorme de
matière organique, on exposait le sol au soleil
et à l'érosion. D'où transformation accélérée
de l'humus et entraînement par les pluies de
l'azote et des matières minérales libérés en
trop grandes quantités. Très rapidement le
sol s'appauvrissait et, en l'absence de mesures
adéquates, devenait stérile. On a depuis essayé
avec succès diverses méthodes de « non-inci-
nération ». Ici l'on conserve tout ou la plus
grande partie du matériel ligneux, entre les
rangées d'arbres. Evidemment le procédé ne
peut s'appliquer qu'aux cultures à grand
écartement : Hévéa, Elaeis, Cocotier, Kapo-
kier, etc. Le procédé pourra sans doute Forêt abattue prête à être incinérée.
s'adapter aux cultures à écartement moyen : (Photo Inéac.)
Caféier, Cacaoyer, Bananier, etc. Mais en ce
qui concerne les plantes à faible écartement le diamètre n'est plus trop grand. Il est à
(Théier, Quinquina) et les cultures annuelles, remarquer que les indigènes négligent tou-
il est impraticable. jours quelques arbres, ou trop gros, ou trop
La « non-incinération » présente le grand durs, ou habités par des abeilles. Ils respec-
avantage d'exposer au minimum le sol et de tent encore quelques arbres utiles, Palmiers
permettre, dans la suite, par l'application de ou autres.
méthodes culturales adéquates, la conserva- L'abatage a lieu à une époque telle que le
tion de sa fertilité. Elle offre quelques incon-
vénients qui ont cependant été fort exagérés :
par exemple, le danger d'incendie. Il est ré-
duit du fait que, avant la plantation, les bois
abattus seront en grande partie recouverts
par le recrû ou la plante de couverture semée.
De plus la plantation a lieu en saison des
pluies; à ce moment le danger d'incendie est
au minimum, et pour la fin des pluies le
recouvrement du matériel ligneux sera géné-
ralement complet. Par ailleurs, dans une
plantation établie sans incinération, la circu-
lation, la surveillance, le contrôle sanitaire
sont moins aisés que sur terrain entièrement
dégagé.
Voici la suite des opérations dans un
défrichement : Défrichement ayant subi une première incinération.
(Photo Inéac.)
MÉTHODEAVECINCINÉRATION. — Remarquons
que les indigènes appliquent encore cette bois puisse sécher plusieurs mois, et l'inciné-
méthode, mais qu'ils n'ont jamais incinéré ration a lieu à la fin de la saison sèche ou de
aussi intensivement que ne l'ont fait les plan- la saison de moindre pluviosité. On allume le
teurs européens. Le premier travail est la feu à plusieurs endroits, du côté opposé au
coupe, à la machette, des plantes herbacées vent. Le feu progresse alors plus lentement
et du taillis. Ensuite sont abattus, à la hache, et l'incinération est plus complète. En condi-
les arbres petits et moyens, enfin les gros tions favorables, un seul brûlage suffit. Les
arbres. Les arbres se coupent à 1-2 m. au- gros troncs et les souches subsistent évidem-
dessus du sol ou plus haut encore, s'il y a un ment, mais ne gênent pas ou guère. Une partie
fort empattement ou des ailes, l'ouvrier se des souches sera extraite ultérieurement. Si
LES CULTURES COLONIALES 427

l'incinération est jugée insuffisante, on débite


le bois et le rassemble en bûchers, auxquels
on fait subir une seconde incinération. C'est
ce que l'on fait généralement pour le Caféier.
L'indigène cependant, même pour ses cultu-
res alimentaires, n'incinère habituellement
qu'une fois. Il ne dessouche pas, si bien qu'un
quart à un tiers du terrain reste inutilisable.
En savane, le travail est plus simple et
moins dur. Il consiste en général, du moins
pour les indigènes, à brûler les herbes à la
fin de la saison sèche. S'il y a quelques arbres,
comme ils donnent peu d'ombre, ils sont
généralement respectés. S'ils sont nombreux,
ils sont abattus en tout ou en partie et brûlés
ou utilisés pour les usages domestiques. Au
début des pluies, le sol est houé, pour extirper Défrichement sans incinération.
Déblaiement des lignes.
(Photo Inéac.)

la surface, soit seulement en bandes le long


des futures lignes de plantation.

« NON-INCINÉRATION ». — A Yangambi, la
suite des opérations est celle-ci : 1) abatago
du sous-bois; 2) piquetage des alignements
des futures lignes de plantation; 3) abatage
de la futaie, débitage et débaiement des dits
alignements sur 1.50 m. de large environ;
4) dessouchage des allées ainsi créées; 5) pi-
quetage des distances de plantation dans les
Gros bois rassemblé en bûchers
en vue de la seconde incinération.
(Photo VANDENPUTJ

les rhizomes de Graminées et ameublir le sol


en vue des semis et plantations. Il pourrait
sembler judicieux d'enfouir les herbes au
lieu de les brûler; toutefois la chose serait
malaisée avec les outils dont disposent les
indigènes, étant donné que les herbes sont
généralement de haute taille, sèches et dures
à cette saison.
Les planteurs européens défrichent la sa-
vane de la même manière que les indigènes ou
bien suivant des méthodes participant plus Plantation établie sans incinération.
ou moins de la « non-incinération ». Le labour On remarque au centre une « allée »
s'effectue soit à la main, soit à la charrue. où de jeunes Palmiers viennent d'être plantés.
Dans ce dernier cas, il est nécessaire de des- (Photo SLADDEN)
soucher au préalable. Le défrichement à la
charrue s'appliquera normalement dans les alignements; 6) trouage et remblayage des
grandes plantations de Sisal, Manioc, Canne trous; 7) placement de piquets courts et gros
à sucre. Pour les cultures arbustives, le défri- au centre des trous remblayés, afin de les re-
chement pourra se faire soit mécaniquement, trouver aisément dans la suite; 8) abatage
soit manuellement si l'on préfère ne pas des- du reste de la futaie et redéblaiement des
soucher. Le travail pourra aussi se faire en allées; 9) semis de la plante de couverture;
un temps, ou bien progressivement, c'est-à- 10) plantation. Pour faciliter la circulation,
dire que l'on défrichera soit d'emblée toute on ménage de 100 en 100 m, des sentiers
428 LES CULTURES COLONIALES

transversaux pour passer d'une ligne à nuelles, quoiqu'ici aussi il soit possible de
l'autre. pailler le sol entre les lignes, ainsi qu'on l'a
Il existe diverses variantes. Par exemple, expérimenté en Uganda, même pour des es-
on peut abattre toute la futaie en un temps, pèces à petit écartement. S'il s'agit de cul-
après le trouage et le remplissage des trous. tures arborescentes, il pourra être indiqué de
On économisera ainsi quelques journées de pailler le sol entre les lignes. Il sera cepen-
travail. On peut aussi creuser les trous après dant préférable, pour économiser la matière
abatage complet. Toutefois les autres procé- organique, de l'enfouir, si l'on peut recouvrir
dés, surtout le premier, permettent de réduire immédiatement le sol d'une plante de couver-
au minimum la durée d'exposition des lignes ture. Il sera possible aussi pour ces planta-
de plantation et de procéder au creusement tions de travailler uniquement les lignes,
des trous à l'ombre. avant la plantation, pour achever le défriche-
ment des interlignes ultérieurement.
MISE EN CULTUREDE JACHÈRESARTIFICIELLES.
— Le défrichement consiste ici en un labour,
avec enfouisscment de la plante de couver-
ture. Cependant s'il s'agit de grandes Gra-
minées, telles que l'Herbe à Eléphants (l),
diverses méthodes pourront s'appliquer. En
Uganda on brûle généralement. Mais on pour-
ra aussi procéder comme il vient d'être dit
au sujet des savanes.
PRIX DE REVIENT DE DÉFRICHEMENTS.—
Voici quelques exemples pour diverses métho-
des et cultures. Les chiffres différeront beau-
coup d'une plantation à l'autre, parce que
non seulement le rendement de la main-
Plantation d'Elaeis établie sans incinération. d'œuvre varie quelque peu d'après les ré-
Couverturede Pueraria.
Paillis au pied des arbres. gions, mais surtout parce que le degré de pré-
(Photo Inéac.) paration, de dégagement du terrain varie
Il y a aussi des variantes de la méthode d'après le planteur, et que la forêt n'appar-
tient pas toujours à un type aussi lourd que
de non-incinération, où l'on plante avant
celui dont il est question ci-dessous.
l'abatage de la futaie ou, du moins, avant Plantations d'Hévéas à Yangambi (d'après
l'abatage complet. Nous en reparlerons plus
FERRAND,1941) :
loin, aux chapitres traitant de l'Hévéa et du
Bananier. Il y a évidemment de nombreuses Incinération
variantes d'après le type de forêt et les con- Abatage 50 Journées
ditions locales. Enfin, de plus en plus on Débitage et brûlage 220 »
permet à un certain recrû forestier de s'in- Dessouchement 120 »
staller et de jouer le rôle de plante de cou- Piquetage 6 »
verture.
En savane, la non-incinération s'appliquera 396 »
aisément, qu'il s'agisse de cultures annuelles Non-incinération
ou vivaces. Il suffira de couper les herbes,
Abatage 50 Journées
arbustes et arbres, et d'entasser ces matériaux
Ouverture des lignes 150 »
de distance en distance ou entre les futures
Dessouchement des lignes 60 »
lignes de plantation, ou bien encore en bor-
Piquetage 10 »
dure du champ. Ensuite on labourera et en-
lèvera les rhizomes de Graminées que l'on »
270
éliminera du champ, ou mettra en tas et brû-
lera ultérieurement. Les herbes et le bois se-
ront ensuite étendus sur le terrain labouré, (1) Au Kenya et en Uganda, l'Herbe à Eléphants,
comme paillis, ou bien laissés en tas quelques Pennisetum purpureum SCHUM.,Graminée atteignant
3-4 m. de haut, est utilisée comme couverture dans les
temps, pour être enfouis dans la suite plus
ou moin décomposés. Le second procédé s'im- jachères. Elle possède la plupart des qualités d'un bon
régénérateur du sol : multiplication aisée, croissance
pose en tout cas s'il s'agit de cultures an- rapide, entretien nul, défrichement facile.
LES CULTURES COLONIALES 429

On pourrait parfaitement ne dessoucher dans le système de l'INEAC, ou bien on mé-


que les lignes, dans les deux cas; alors la nage, de distance en distance, des bandes
méthode avec incinération ne demanderait perpendiculaires, appelées « bouchons », dans
que 336 journées à l'hectare. A ces chiffres, l'autre système. Voir les schémas ci-après.
il faut ajouter, dans les trois cas, 25 journées Les planteurs sont placés côte à côte, sur
pour le creusement et le remplissage des un même front, et défrichent simultanément
trous. (l) les bandes successives de forêt, en avançant
Plantation d'Elaeis préparée sans incinéra- donc perpendiculairement à l'orientation du
tion à Yangambi (Rapport Inéac 1937) : couloir. Dans le système de Yangambi, les cou-
abatage 41 journées, dont 10 pour le sous- loirs sont orientés Est-Ouest, pour assurer un
bois; ouverture des lignes 78; creusement et
remplissage des trous 9. Total 128 journées
à l'Ha.
Des plantations de Caféiers ou de
Cacaoyers, exigeant un débitage et un des-
souchement plus poussés, et comportant un
plus grand nombre de trous, demandent envi-
ron 500 journées à l'Ha, pour la méthode
avec incinération.
Défrichement d'une jachère artificielle de
Pennisetum, à Bambesa : fauchage 7 jour-
nées; extraction des souches de Pennisetum
33 journées ; mise en tas et légère incinération
5 journées; transport des souches hors du
champ et enfouissement des tiges 50 journées ;
second labour (à la houe) 25 journées. Total
120 journées à l'Ha. Il s'agit ici d'une pré-
paration soignée, en vue de la culture coton-
nière. Pour beaucoup de cultures indigènes
et pour des cultures arbustives, la préparation
serait plus sommaire et ne s'accompagnerait
certainement pas d'un deuxième labour.

NOUVEAUXSYSTÈMESDE DÉFRICHEMENT.—
Culture en couloirs orientés. La durée totale
Au cours des dernières années, l'INEAC a du cycle est de 18 ans. En blanc les couloirs
élaboré une nouvelle technique du défriche- abattus au cours des neuf premières années;
ment pour les plantes vivrières et les autres les zones hachurées correspondent aux neuf
Elle porte le nom de dernières années du cycle. La figure représente
plantes annuelles. un défrichement pour 24 planteurs, possédant
« Culture en couloirs orientés ». Le système chacun un terrain long de 1800m. dans le sens
connu sous le nom de « Lotissements agri- Nord-Sud.
coles », imaginé par BRIXHE, s'en rapproche.
La première méthode est déjà appliquée sur éclairement suffisant aux plantes cultivées.
des surfaces importantes dans la région de Dans le système BRIXHE, on a renoncé à
Yangambi et dans l'Uele, la seconde au l'orientation parce que la topographie du
Sankuru. Sankuru ne le permet pas. Du reste l'aba-
La culture en couloirs, mise au point à la tage ne s'y faisant pas par bandes alternes,
Division des Plantes Vivrières à Yangambi, les défrichements sont plus larges, donc suffi-
consiste à abattre la forêt par bandes étroites, samment éclairés.
mesurant au maximum 100 m. de large. Dans Les expériences faites à Yangambi ont
le système BRIXHE la largeur des bandes est montré que l'incinération des abatis est indis-
de 60-70 m. Pour assurer le reboisement des pensable au bon développement des plantes
annuelles et que d'autre part les forêts se-
jachères, pour autant qu'il soit nécessaire
d'aider la nature, on abat par bandes alternes condaires sont plus favorables comme terrain
de culture que les forêts vierges, pour ces
mêmes plantes. Ce second point est très im-
(1) H. BREMS(Bulletin Agricole du Congo Belge, portant, car il fournit une justification
1942, p. 223) estime que la méthode par incinération sup-
coûte moins cher. Pour l'Hévéa, il indique 200 journées, plémentaire à la mise en réserve de forêts
contre 250 pour la non-incinération. vierges ou anciennes.
430 LES CULTURES COLONIALES

A Yangambi la durée de la rotation est de Le dessouchement se fait le plus souvent


six ans et celle de la jachère de douze ans. encore à la main, la plupart des appareils
Au Sankuru le cycle des cultures a une durée n'étant pas suffisamment puissants pour ar-
de 4-5 ans et la jachère dure 15-16 ans. A racher les grosses souches de la forêt équato-
Bambesa il y a 2-3 ans de culture et 11-12 ans riale. Ces appareils sont décrits au chapitre
de repos. Là où la rotation est longue, comme du Génie Rural.
dans les deux premiers cas, elle est coupée au
milieu par une sorte de « demi-jachère » sous LABOUR. — Sur sol forestier et pour la
Manioc et recrû (c'est-à-dire du Manioc non création de plantations arbustives, le labour
sarclé). Des détails sur la culture sont donnés est inutile. Il est même nuisible, parce qu'il
au chapitre traitant du Riz. accélère la combustion de l'humus et les autres
Le but de cette « systématisation » des réactions du sol, et parce qu'il peut favoriser
l'érosion. Même pour les plantes annuelles
venant immédiatement après le défrichement,
il n'est pas nécessaire de labourer. Un sol fo-
restier mis en culture immédiatement possède
une excellente structure; le labour ne pour-
rait guère l'améliorer. Il n'est du reste pas
commode de labourer à ce moment. Les Ban-
tu ne labourent pas le sol en forêt, à la mise
en culture. Dans la suite, si le terrain reste
en culture, il sera évidemment nécessaire de
le labourer pour les plantes annuelles. En
savane, le labour est nécessaire dans tous les
cas, pour extirper les Graminées.

TROUAGE.— Le trouage remplace le labour


pour les cultures arborescentes. Il a pour but
d'ameublir le sol profondément et de l'amen-
Lotissements au Sankuru (Système BRIXHE). der. En effet le remplissage se fait habituel-
La durée totale du cycle est de 20 ans. Les lement au moyen de terre végétale prélevée
bandes sont abattues dans l'ordre indiqué à autour du trou, ou au moyen d'un mélange
droite de la figure. Le croquis représente une
partie d'un défrichement. On y remarque deux de terre et de compost ou de fumier; ou
« bouchons » et 14 séries de vingt parcelles. bien encore on incorpore à la terre du trou
Chacun des 14 planteurs possède un terrain des engrais, des cendres, de la chaux, etc.
d'une profondeur de 1200 à 1400 m. Ces trous ont des dimensions variables d'après
rotations et jachères est d'assurer la conser- les cultures : par exemple, 2 ou 3 pieds de
vation de la fertilité du sol et le maintien côté ou plus. Il y a quelques années, il était
d'une réserve suffisante de forêts. Elle aura de coutume de laisser les trous ouverts pen-
en outre comme effet de stabiliser l'agricul- dant quelques semaines, pour permettre au
ture et de conduire peu à peu à la notion de sol de se « désaeidifier » (« uitzuren »). En
propriété individuelle, condition de tout per- réalité, on risque ainsi de voir le sol se dé-
fectionnement durable en agriculture. grader. Les parois des trous durcissent au
soleil, à tel point que le développement des
Travail du sol. racines est souvent gêné. Actuellement on
referme les trous au plus vite, sitôt le con-
DESSOUCHEMENT. — En principe, cette opé- trôle du travail fait. On ne peut en aucun cas
ration n'est pas à conseiller, parce qu'elle est tolérer l'ancienne pratique.
coûteuse, rend le sol inégal et hétérogène, en
ramenant en surface de la terre de profon-
Entretien et couverture du sol.
deur. En terrain accidenté, le dessouchement
favorise l'érosion. On n'enlèvera donc que le SARCLAGE.— Il y a lieu d'insister ici sur
minimum de souches nécessaire pour obtenir le danger que présente la dénudation du sol,
une plantation régulière. Un dessouchement sous les Tropiques. Malheureusement on est
total n'est indispensable que dans des cas obligé de le faire pour les plantes annuelles.
spéciaux : pépinières, culture mécanique de C'est pourquoi il importe, pour ces cultures,
plantes annuelles. Dans ce dernier cas, on de multiplier les mesures tendant à la con-
aura soin de le répartir sur plusieurs années. servation du sol : cultures mélangées pour
LES CULTURES COLONIALES 431

mieux ombrager le sol; petits écartements, alors que ce traitement était plus favorable
chaque fois que ce sera possible ; paillage du au sol et à la culture, et on en vint à l'idée
sol entre les lignes; semis d'engrais verts de d'utiliser des plantes de couverture. Le but
petite taille (par exemple Crotalaria juncea principal était cependant toujours de réduire
L.) entre les plantes à écartement relative- les frais de sarclage. On se servit de diverses
ment grand, telles que Maïs, Manioc, Coton, plantes, par exemple, des Patates douces, et
engrais verts qui sont ensuite enfouis ou
étalés sous forme de paillis, ou bien enfouis
avant la culture suivante (1). Ces mesures de
conservation ne se limiteront pas à la période
de culture elle-même, mais s'étendront aux
années suivantes : emploi d'engrais verts
dans la rotation, emploi de compost et autres
fumures, jachère, etc.
En ce qui concerne les plantes vivaces, le
sarclage ne nécessite pas l'exposition du sol.
Il est vrai que jadis on l'a fait. Les premiers
planteurs pensaient qu'il fallait, comme en
Europe, nettoyer complètement le sol. Cette
méthode d'entretien est connue sous le nom
de « clean-weeding » (2). Ses effets néfastes « Strip-weeding » (sarclage en bandes)
furent à la longue reconnus. Mais ce sont dans une plantation d'Elaeis.
(Photo VANDENPUTJ
plutôt les crises économiques qui firent aban-
donner cette méthode coûteuse. On arriva
ainsi à réduire le sarclage à la simple extir- finalement de Légumineuses. L'usage de ces
dernières s'est généralisé vers les années
pation des mauvaises herbes les plus nuisibles, 1920-1925. Actuellement le mode normal
spécialement les Graminées, telles que l'lmpc- d'entretien des plantations est la mise sous
couverture et l'enlèvement dans cette cou-
verture des mauvaises herbes nuisibles qui
pourraient y apparaître. C'est donc une com-
binaison avec le « selected weeding ». La mise
sous couverture doit avoir lieu le plus tôt
possible après le défrichement. En outre, pour
éviter tout inconvénient aux arbres, faciliter
la récolte, etc., on maintient au pied des ar-
bres des cercles exempts de végétation
(« ring-weeding ») ou bien des bandes sui-
vant les lignes de plantation (« strip-wee-
ding »). Cette dernière modalité facilite la
circulation et le contrôle, mais entraîne des
frais plus élevés.
Plantation de Café arabica
traitée suivant la méthode du « clean-weeding» PLANTESDE COUVERTURE ET D'ENGRAISVERT.
(sarclage complet). - Il n'est pas possible d'établir une distinc-
(Photo C. S. K.) tion bien nette entre ces deux groupes. Une
plante de couverture aura toujours une in-
rata et le PaspaIU/YH. La méthode porte le fluence améliorante et, inversement, un en-
nom de « selected weeding ». On s'aperçut grais vert jouera toujours un rôle de couver-
ture. On appellera plutôt engrais vert une
plante cultivée dans une rotation de plantes
(2) On conçoitqu'il y ait ici de nombreusesmodalités annuelles, pour être enfouie, ou, temporaire-
d'application d'après la culture, l'espèce d'engrais vert, ment, dans une plantation, dans le même but.
l'écartement, les dates respectives de semis, les durées Une Légumineuse ou une espèce appartenant
respectives de végétation, etc. à une autre famille, cultivée dans une plan-
(2) Dans les publications agricoles coloniales, on tation d'arbres,
emploie, sans nécessité le plus souvent, un grand portera plutôt le nom de
nombre de termes anglais ou empruntés à d'autres plante de couverture. De même une plante
langues étrangères. destinée à couvrir le sol d'une jachère, quoi-
432 LES CULTURES COLONIALES

couverture et d'engrais verts, les unes ram-


pantes ou volubiles, les autres buissonnantes.
Ces dernières enrichissent généralement
mieux le sol en humus, étant plus ou moins
ligneuses; les premières, par contre, sont
généralement plus efficaces au point de vue
« thermo-protection » du sol.
On emploie le plus souvent des Légumi-
neuses. Ces dernières années, cependant, on
a préconisé plusieurs espèces non-légumineu-
ses, voire des Graminées : Pennisetum, Pani-
cum, etc. Dans certains cas aussi, au lieu de

Pueraria javanica âgé de six mois,


dans une jeune plantation d'Hévéas, à Sumatra.
(Photo SLADDENJ
qu'ici le nom d'engrais vert convienne égale-
ment.
Les plantes de couverture ont d'autres rôles Centrosema Plumieri âgé de huit mois,
à la Station Cotonnière de Gandajika.
à remplir que de réduire les frais de sarclage (Photo OPSOMERJ
semer ou planter une couverture, on favorise
la formation d'un tapis naturel de plantes
adventices ayant les qualités exigées d'une
plante de couverture. Citons : Ageratum

Herbe à Eléphants,
à la Station des Plantes Vivrières de Yangambi
(A gauche parcelles de Riz).
Tephrosia Vogelii, (Photo OPSOMER.)
au Jardin d'Essais de Buitenzorg.
(Photo SLADDEN.) conyzoides L., Bidens pilosa L., Galinsoga
parviflora CAV., Salvia spp., Spilanthes
et de protéger le sol contre le soleil. Elles Acmella MURR., Synedrella nodiflora GAERTN.,
doivent en outre le protéger contre le ruis- Talinum cuneifolium WILLD. (Pourpier indi-
sellement, l'érosion, et l'enrichir en humus et gène), etc.
azote s'il s'agit de Légumineuses, et aussi en Les principales espèces légumineuses, dont
éléments minéraux puisés en profondeur. Il quelques unes sont figurées ci-dessus, sont
existe des centaines d'espèces de plantes de les suivantes :
LES CULTURES COLONIALES 433

1) Espèces rampantes et volubiles : 1° Protéger le sol contre l'érosion, grâce à


Pueraria phaseoloides BENTH. (P. javanica un enracinement développé, ou par la densité
BENTH.), Centrosema Plumieri BENTH., C. de la couverture, ou par le grand nombre
pubescens BENTH., Ga-
lopogonium mucunoides
DESV., Mucuna aterrima
HOLLAND,Canavalia ensi-
formis D. C., Phaseolus
lunatus L., Vigna Hosei
BACKER (V. oligosperma
BACKER), Vigna sinensis
ENDL.
2) Espèces érigées et
buissonnantes : Leucaena
glauca BENTH., Crotalaria
anagyroides H. B. K.,
Ç. juncea L., C. usara-
moensis BAK., Indigofera
arrecta HOCHST., I. hirsu-
ta L., Tcphrosia candida
D. C., T. Vogelii HOOK.,
Cajanus Gajan DRUCE., Plantation d'Elaeis sous recrû forestier à Yangambi.
Flemingia rhodocarpa (Photo OPSOMER.)
BAK.
Dans les régions à saison sèche marquée, de tiges (s'il s'agit d'une plante érigée),
on constate souvent que la couverture nuit enfin par une épaisse litière morte sous le
à la culture principale, en absorbant une feuillage, laquelle absorbera les pluies;
partie des réserves d'eau du sol revenant 2° Avoir une croissance trèis rapide, de
à celle-ci. Dans ce cas, il faut s'adresser à façon à étouffer rapidement les mauvaises
herbes et réduire les frais
de sarclage ; continuer
dans la suite à empêcher
l'envahissement des mau-
vaises herbes (beaucoup
d'espèces n'étouffent les
mauvaises herbes que
d'une façon passagère) ;
3° Avoir un fort déve-
loppement, donner beau-
coup de feuilles et de
déchets (donc d'humus),
de façon à protéger le
sol contre le choc des
pluies et les rayons so-
laires, et de lui conserver
une bonne structure. On
peut souvent augmenter
Jeune plantation d'Hévéas sous recrû forestier. cette action par la taille;
(Photo OPSOMERJ 4° à la fa-
Appartenir
mille des Légumineuses
des plantes de couverture annuelles, se dessé- (actuellement cependant on n'est plus aussi
chant en saison sèche et faisant alors office exclusif), de façon à enrichir le sol en azote
de paillis, ou à des espèces supportant le prélevé dans l'atmosphère;
fauchage ou la taille, c'est-à-dire susceptibles 5° Avoir un enracinement
de reprendre ensuite. profond, de fa-
çon à ramener en surface des éléments nutri-
En résumé les principales qualités exigées tifs du sous-sol. Toutefois il s'agit d'éviter
d'une plante de couverture ou d'engrais vert une concurrence avec la plante
sont les suivantes : principale, au
point de vue eau et sels nutritifs. L'idéal
434 LES CULTURES COLONIALES

sera un enracinement différent de celui de régions tempérées, où on demande toujours


la plante cultivée; une décomposition rapide. Les exigences va-
6° Donner beaucoup de semences, de façon rieront donc aussi d'après qu'il s'agira d'une
à ce que la couverture se maintienne et que culture annuelle ou vivace, et, dans le pre-
la multiplication soit aisée. Sinon être facile- mier cas encore, d'après qu'il s'agira d'in-
ment bouturable. Il faut encore que le maté- tercaler la plante dans la culture ou de la
riel de multiplication se conserve aisément ou faire suivre. Dans tous les cas, il faudra tenir
existe en tout temps, comme c'est le cas pour compte de l'écartement, de la taille, du port
le Pennisetum à bouturer; de la plante cultivée, etc.
Ainsi qu'il a été dit plus
haut, on utilise fréquem-
ment le recrû forestier,
au lieu de semer des plan-
tes de couverture. Celà se
fait principalement pour
les cultures à grand écarte-
ment : Elaeis, Hévéa, sur
terrain préparé sans inciné-
ration. Dans les anciennes
plantations établies avec in-
cinération on fait de même
si possible, c'est-à-dire si
un recrû parvient encore
à s'installer. Le recrû est
rabattu périodiquement, de
manière à ce qu'il n'at-
teigne pas une hauteur
exagérée et on fait du
« strip-weeding » dans les
lignes. On essaie également
d'appliquer la méthode
dans les plantations de
Cacaoyers.

PAILLAGE («MULCHING» ).
-- Cette pratique consiste
à couvrir le sol d'un pail-
lis (« mulch »J, c'est-à-
Paillis dans une plantation de Théiers âgés de 8 mois. dire d'une couverture mor-
(Photo Théki.) te. De nombreux matériaux
peuvent servir comme
7° Etre peu sensible aux maladies et insec- « mulch » : paille, déchets quelconques de la
tes, et surtout ne pas être attaquée par les culture (herbes sarclées, émondes), rameaux
mêmes ennemis que la plante cultivée. feuillés pris en forêt, herbe de savane, feuilles
On voit immédiatement que les exigences de Bananiers, Herbe à éléphants ou autres
varieront suivant l'usage qui est fait de la plantes cultivées dans ce but, etc. Le paillage
plante de couverture ou d'engrais vert : plan- est très utile, surtout là où une couverture
te de jachère ou engrais vert dans la rotation. vivante serait gênante ou ne pourrait se dé-
Dans le second cas, on recherche une plante velopper : par exemple, dans les cultures à
de décomposition aisée, surtout si la culture faible écartement, comme diverses cultures
suivante est une plante annuelle à courte vé- annuelles; en culture potagère; dans les pé-
gétation, telle que le Riz, le Maïs, etc., pour pinières de plantes vivaces; enfin dans les
laquelle une mobilisation rapide des éléments cultures arborescentes à écartement relative-
nutritifs est nécessaire. Dans tous les autres ment faible où la couverture dépérit après
cas, une plante relativement ligneuse ou li- quelques années. C'est le cas par exemple, des
gneuse conviendra mieux. On voit ici encore plantations de Caféiers. En Uganda, les indi-
une différence essentielle avec la culture en gènes paillent régulièrement leurs caféières.
LES CULTURES COLONIALES 435

Fumure. — Toutes les matières fertilisan- sous les Tropiques est le procédé « Indore »,
tes utilisées en Europe peuvent servir en du nom de la Station Expérimentale de l'Inde
Afrique. Toutefois en ce qui concerne les en- Centrale où il fut mis au point. Il est à noter
grais chimiques, on ne peut recommander que l'usage du compost est connu depuis
l'emploi d'engrais très solubles, tel que le longtemps en Europe, en horticulture et
nitrate de soude, qui en raison des pluies très dans la culture de la Vigne (par exemple, en
abondantes seraient en grande partie perdus France). On a mis au point, pour toutes les
pour la plante. Par contre des engrais, tels situations, c'est-à-dire d'après les matériaux
que la cyanamide et l'urée, dont l'azote n'est disponibles sur place, des recettes appro-
pas directement assimilable, présentent plus priées. Peuvent entrer dans les composts les
d'intérêt. En général on donne la préférence, déchets végétaux de toute nature : mauvaises
en raison des frais de transport élevés, aux herbes, produit des tailles, herbe de savane,
engrais concentrés. L'emploi des engrais chi- feuilles de forêt, Légumineuses et autres
miques est cependant encore assez limité, à plantes (par exemple, Pennisetum) cultivées
cause du prix de revient élevé et à cause des dans ce but, paille; tiges de Manioc, Coton,
nombreux échecs qui ont été enregistrés. Maïs, etc., après la récolte; déchets de fabri-
Ceux-ci sont dus à un emploi non judicieux; cation, tels que pulpes de Café ou d'Elaeis,
le plus souvent le manque d'humus dans le bagasse, déchets de Sisal, rafles de Palmiers,
sol est en cause. Il est inutile d'appliquer des cabosses de Cacao, etc.; cendres, fumier de
engrais chimiques, avant d'avoir fourni au kraal, terre imprégnée d'urine des cours et
sol des engrais organiques. La fumure miné- des kraals, etc. Ces matériaux sont disposés
rale présente cependant une très grande im- par couches successives, en tas ou en fosses,
portance, étant donné la pauvreté en chaux et subissent une série de recoupages ou de
et acide phosphorique de la plupart des sols retournements et d'arrosages. Pour accélérer
congolais et, par le fait même, de la plupart la fermentation, on amorce en introduisant
des aliments et produits végétaux. dans la masse, entre les couches successives,
La fumure organique, toujours efficace, est du fumier ou du compost déjà fait. Nous
d'un emploi fréquent sous les Tropiques, du donnerons plus loin, au chapitre consacré à
moins de la part des agriculteurs progres- la Canne à sucre, la description du procédé
sistes. Ce sont les engrais verts qui sont le de fabrication élaboré à Moerbeke-Kwilu
plus utilisés, parce qu'on peut toujours les (Bas-Congo)
cultiver soit sur les parcelles à fumer, soit sur Un dernier mode de fumure ou plus exac-
des parcelles spéciales. Le fumier de ferme tement de restauration du sol est la jachère,
ou le « fumier de kraal » est d'un emploi d'un usage encore beaucoup plus fréquent
plus limité, parce que l'élevage est encore peu sous les Tropiques, que dans les régions tem-
développé. En ce qui concerne les engrais pérées. L'indigène, qu'il soit de la savane ou
verts nous renvoyons au paragraphe précé- de la forêt, ne connaît pas encore d'autre fu-
dent. Pour ce qui est du fumier, il est tou- mure du sol. Il n'est d'exception que pour les
jours possible de le remplacer par un succé- indigènes du Ruanda-Urundi, qui connaissent
dané, le fumier artificiel ou compost. l'usage du fumier de kraal, et pour quelques
L'emploi des composts se répand de plus individus isolés.
en plus. Ils présentent divers avantages sur Le lecteur comprendra, pour les raisons
les engrais verts. On peut faire varier leur déjà exposées plus haut, que sous les Tropi-
composition, en y incorporant des matériaux ques, une jachère ne pourra jamais être une
déterminés, de la chaux, des engrais chimi- jachère nue ou travaillée, c'est-à-dire soumise
ques. Ils sont plus faciles à enfouir. Etant à une série de labours et hersages, comme
décomposés avant enfouissement, ils ne peu- dans les régions tempérées. La jachère devra
vent nuire aux cultures, comme c'est parfois toujours être couverte soit d'une végétation
le cas pour les engrais verts. En effet la soit d'une plante de couverture
spontanée,
décomposition de ceux-ci, dans le sol, s'ac- appropriée. La jachère la plus parfaite, dans
compagne parfois d'une mobilisation de les circonstances actuelles, pour l'indigène, est
l'azote du sol, au détriment de la culture, la jachère forestière. C'est une jachère de
qui subit ainsi une carence temporaire. Enfin très longue durée : 10 ans et plus. Cette
l'engrais vert ne peut souvent entrer dans jachère assure le mieux la protection du sol
la rotation, sans le sacrifice d'une récolte. contre le soleil et les pluies, enrichit le mieux
Il existe un grand nombre de procédés de le sol en humus, et ainsi restaure le mieux
fabrication du compost. Un des plus connus ses qualités physiques et chimiques. Toutefois
436 LES CULTURES COLONIALES

elle serait inapplicable chez le planteur euro- Ombrage en plantation : Caféier, Ca-
péen de Canne à sucre, Sisal, Manioc et autres caoyer, Théier. Les besoins sont toutefois
cultures annuelles, déjà pour la seule raison variables (Voir plus loin).
qu'elle s'opposerait au travail mécanique du Seul l'Elaeis ne demande aucun ombrage,
sol. D'autre part elle exigerait une trop ni en pépinières, ni en plantation.
grande surface totale de terrain, puisqu'il Le besoin d'ombrage en plantation varie
faut autant de soles dans l'assolement qu'il avec les espèces et les variétés. Chez les es-
y a d'années dans la rotation. Pour la même
sera obligé d'abandonner pèces sensibles, l'ombrage, en atténuant l'in-
raison, l'indigène tensité de la lumière et de la chaleur, favo-
la jachère forestière, là où la densité de la
rise le développement végétatif et prévient la
population deviendra trop grande.
surproduction et l'épuisement précoce de la
— Plusieurs plante. D'autres rôles secondaires seront in-
Ombrage. plantes des pays
diqués dans les chapitres suivants. Toutefois
chauds demandent un certain ombrage, soit on ne peut perdre de vue l'influence des
en permanence, soit pendant la jeunesse,
arbres d'ombrage sur le sol (protection contre
le soleil et l'érosion, apport d'humus et
d'azote, etc.), laquelle est suffisamment im-
portante à elle seule pour justifier, dans
certains cas, l'ombrage des cultures moins
sensibles. C'est le cas du Théier qui jadis
n'était généralement pas ombragé en planta-
tion.

Ombrage et haies de Leucaena glauca


dans une plantation de Café robusta.
(Photo SLADDENJ

c'est-à-dire pendant la durée de leur séjour


en pépinière. L'ombrage en pépinière est
constitué habituellement par un écran arti-
ficiel de feuilles, nattes, etc., soutenu par
une charpente de poteaux et de traverses,
parfois par un écran naturel, comme en plan-
tation. L'ombrage permanent, en plantation,
est assuré soit par des arbres réservés au
défrichement, soit par la culture d'une espèce
de grande taille combinée avec la culture à
ombrager, soit par des arbres d'ombrage
proprement dits, c'est-à-dire ne fournissant
aucun produit utile.
Pour les six principales cultures arbores-
centes, on peut résumer comme suit le besoin
d'ombrage :
Leucaenaglauca.
en germoir : Caféier, Cacaoyer, (Photo SLADDENJ
Ombrage
Quinquina, Théier, Hévéa.
Les arbres d'ombrage le plus généralement
en pépinière de repiquage employés appartiennent à la famille des Légu-
Ombrage
Caféier, Cacaoyer, Quinquina; de même le mineuses. Comme pour les plantes de couver-
Théier, si l'altitude est inférieure à 1000 m. ture, leur nombre est très élevé. Parmi les
LES CULTURES COLONIALES 437

plus communs, citons : Albizzia chinensis 5° Ne pas être trop fortement attaqué par
MERR. (A. stipulata Boiv.), A. falcata BACKER des maladies et insectes.
(A. moluccana MIQ.), Acacia decurrens
Conservation du sol. Lutte contre l'éro-
WILLD., Leucaena glauca BENTH. (Lamtoro), sion. — L'exposé de la question a été fait
Adenanthera pavonina L. (Pois Corail), Cas-
sia siamea LAMK., C. multijuga RICH., Ses-
au chapitre de la Pédologie. Quànt aux
bania grandiflora PERS., S. aegyptiaca PERS., moyens de protection, plusieurs appartien-
litho- nent au domaine du Génie Rural et sont
Deguelia microphylla VAL., Erythrina
et plusieurs décrits dans le chapitre consacré à cet art.
sperma BL ex MIQ. (Dadap)
autres Erythrina, Gliricidia sepium (JACQ.)
STEUD., (G. maculata H. B. K.), plusieurs
espèces d'Enterolobium, Pithecolobium, Inga.
Parmi les espèces non-légumineuses, dont
plusieurs fournissent un produit, citons :
l'Hévéa, le Kapokier, le Bananier, l'Elaeis,
le Cocotier, le Ricin, Grevillea robusta
A. CUNN. (« Chêne argenté »), plusieurs
Eucalyptus, Melia Azedarach L. (« Lilas de
Chine » ), etc.
Les qualités exigées d'un arbre d'ombrage
sont :
1° Etre de croissance assez rapide. Dans
les débuts cependant on supplée à l'insuffi-
sance de leur ombrage au moyen d'un om-
Plantation de Théiers
brage auxiliaire temporaire, fourni par des avec terrasses et haies de Leucaena.
plantes de croissance plus rapide, mais de (Photo Inéac.)
courte durée : Sesbania, Cajanus, Crotalaria,
Ricin, Bananier, etc. ; Les principaux moyens préventifs d'ordre
2° Ne pas atteindre de trop fortes dimen- cultural sont les suivants :
sions, ni donner un ombrage trop dense, 1° Eviter de mettre le sol à nu : défriche-
après quelques années. Comme correctif éven- ment sans incinération, sarclage sélectif, mise
tuel, supporter la taille; sous couverture, paillage, cultures serrées et
mélangées, etc. ;
2° Planter, en travers de la pente des lignes,
haies ou bandes de plantes servant à fixer le
sol : par exemple, des haies basses de Légu-
mineuses ou autres plantes buissonnantes,
des lignes de Citronelle, des bandes de Pen-
nisetum, etc.;
3° Alterner, le long de la pente, des bandes
cultivées et des bandes soit en friche, soit en
jachère. Dans le second cas, une rotation est
établie entre bandes cultivées et bandes en
jachère. Le système peut s'appliquer avec
tous les types de jachères : naturelle, plantes
de couverture légumineuses ou autres. Ces
procédés, qui s'apparentent au précédent, sont
Acacia decurrens. connus sous le nom de « strip cropping ».
Toutefois pour être sûr d'atteindre le but,
(Photo SLADDEN.) il faut, dans les procédés 2 et 3, placer assez
exactement haies, lignes, bandes, ainsi que
3° Etre résistant au vent, c'est-à-dire non les lignes de semis ou de plantation de l'es-
sujet au chablis et à la chute de branches, pèce cultivée, suivant les courbes de niveau.
qui endommageraient la plantation ; Plus la pente est forte, plus il faudra de
4° Avoir un enracinement ne gênant pas et bandes protectrices.
ne concurrençant pas celui de la plante cul- Comme moyens de protection relevant du
tivée (donc profond et peu large) ; Génie Rural, citons : les petites digues conti-
438 LES CULTURES COLONIALES

nues fort espacées (pour pentes faibles), les de limon. On peut espérer qu'ils se maintien-
drains aveugles, les terrasses continues ou draient ainsi dans un état de fertilité suffi-
individuelles (ces dernières pour cultures sant (l). De tels terrains pourraient s'utiliser
arbustives), etc. soit en période d'inondation, par la culture
de certaines variétés de Riz, soit en dehors
Irrigation. — Sous les Tropiques, il est de cette période, par la culture du Riz sec
fait un large usage de l'irrigation, même ou d'autres plantes. Nous donnerons, au cha-
dans les régions à climat humide et au cours pitre traitant du Riz, une courte description
des saisons pluvieuses. Des cultures qui se- du mode d'exploitation de ces terrains.
raient parfaitement possibles sans irrigation Terminons par une remarque sur la qualité
sont cependant irriguées, par exemple, le Riz des eaux. Avant d'entreprendre une installa-
à Java en saison des pluies. Par contre, au tion, il est indispensable d'examiner les pro-
Congo Belge, il n'existe qu'un petit nombre priétés de l'eau. Celle-ci peut en effet contenir
de travaux d'irrigation, de surface très res- des éléments nuisibles à la structure du sol :
treinte. Il n'existe aucun ouvrage d'irrigation par exemple, du carbonate de soude, empê-
collectif, public. Ctlà tient au fait que les chant la floculation des colloïdts et détruisant
pluies sont ou bien réparties sur toute l'an- de ce fait la structure grumeleuse du sol; du
née, ou bien, si ce n'est pas le cas, que l'ali- limon excessivement fin, colmatant le sol.
mentation de la population peut, vu la Dans d'autres cas, l'eau contient des substan-
faible densité de celle-ci, être assurée par ces toxiques pour la plante, au delà d'une
une culture saisonnière. Ceci vaut pour les certaine concentration : par exemple, du bore,
cultures annuelles. En ce qui concerne les du manganèse, du chlorure de sodium, des
cultures arbustives, celles-ci restent possibles composés d'aluminium, de l'acide chlorhy-
là où les saisons sèches sont longues et in- drique, ou bien de l'acide acétique ou d'au-
tenses, parce qu'elles utilisent les réserves tres acides provenant des eaux résiduaires
d'eau du sous-sol, grâce à leur enracinement d'usines à caoutchouc, etc. Enfin l'eau d'irri-
profond. gation peut être ou trop chaude ou trop
Il n'est pas exagéré de dire que, dans les froide.
régions humides, l'irrigation est surtout in-
téressante par son rôle fertilisant (à condi- Conservation des semences. — Sous les
tion que les eaux d'irrigation soient riches en Tropiques, la plupart des semences perdent
éléments utiles aux plantes, ce qui est préci-
sément le cas à Java). Il existe des rizières
qui grâce à l'irrigation sont maintenues en
état de fertilité et en culture, depuis des
siècles. Des conditions aussi favorables n'exis-
tent pas, croyons-nous, au Congo. Ceci pour-
rait expliquer aussi, en partie, pourquoi la
culture irriguée ne s'est guère répandue chez
les indigènes du Congo Belge.
Il est enfin à remarquer que le finance-
ment de travaux d'irrigation publics serait
difficile au Congo, à cause de la faible densi-
té de la population.
Il existe toutefois au Congo, et ceci a une
grande importance, des sols irrigués naturel- Aires de séchage
à la Station de Sélection de Buitenzorg.
lement, c'est-à-dire inondés périodiquement. (Photo OPSOMER.)
Ces terres couvrent de grandes étendues dans
la Province de l'Equateur et le Nord de
la Province de Léopoldville, ainsi que le long rapidement leur pouvoir germinatif. S'il faut
du cours supérieur du Lualaba. Du point de les conserver plusieurs mois ou leur faire su-
vue de la conservation des sols, il serait hau- bir un voyage prolongé, il est nécessaire de
tement souhaitable de mettre ces terrains en
valeur, de façon à pouvoir ménager d'autres
sols, spécialement des sols forestiers. En effet (1) Nous disons suffisant, parce que nous croyons
les sols soumis aux crues des rivières sont que les eaux des rivières congolaises n'auraient pas
une valeur fertilisante comparable à celle des rivières
« rajeunis » annuellement grâce aux dépôts de Java.
LES CULTURES COLONIALES 439

prendre certaines précautions. Celles-ci étant rait de faire perdre leur faculté germinative.
les mêmes. pour la plupart des plantes an- On place ensuite les graines dans un récipient
nuelles : Riz, Maïs, Sorgho, Arachides (en hermétique et dépose à leur surface supé-
gousses), Soja, Haricots, semences de Légu- rieure une soucoupe ou un godet contenant
mineuses de couverture, etc., nous les indi- du sulfure de carbone, dans la proportion de
quons ici. 150 ce par m3 de volume du récipient. La
Ces précautions consistent à sécher les se- durée du traitement est de 24 heures. On aère
mences jusqu'à poids constant au soleil, puis ensuite les graines au soleil, afin de dégager
à les conserver dans des récipients herméti- le sulfure de carbone, puis on les enferme
ques. On atteint ce degré de dessiccation en dans les récipients, comme ci-dessus.
exposant les graines
au soleil pendant 7-8
jours, les enfermant
chaque nuit dans les ré-
cipients et les y versant
encore chaudes. Comme
récipients on peut utili-
ser des bocaux avec bou-
chons à l'émeri ou des
bidons métalliques, par
exemple des touques à
farine. Lorsque le sé-
chage est terminé, les
bidons sont fermés her-
métiquement en coulant
un peu de paraffine
dans le joint. On peut
placer dans le récipient
2 ou 3 boules de naph-
taline ou un petit tam-
pon de coton ou d'ouate
imprégné de quelques
gouttes de sulfure de
carbone, pour protéger
les graines contre les
insectes. Ce n'est cepen-
dant pas indispensable.
En effet, dans un réci-
pient hermétique et Les zones de culture du Riz au Congo Belge.
complètement rempli,
aucun insecte ne pourra (Cette carte et les six autres cartes agricoles illustrant ce chapitre ont
été dressées d'après les renseignements du Ministère des Colonies, de la
vivre après peu de « Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie » et de la
temps, faute d'oxygène. « Bamboli Cultuur-Maatschappij ».)
Les graines ainsi con-
servées gardent leur pouvoir germinatif pen- Les autres graines ou fruits se conservent
dant deux ans et plus. Le séchage se réalise de diverses manières : enrobage dans de la
le mieux sur une aire cimentée. On aura soin poudre de charbon de bois sèche ou humide,
d'exposer les récipients ouverts et les cou- stratification, etc. Les procédés seront indi-
vercles (la face intérieure tournée vers le qués aux chapitres spéciaux. Il existe égale-
haut) au soleil, en même temps que les grai- ment des procédés de conservation pour les
nes, afin d'assurer leur siccité absolue. boutures, tubercules, etc.
Dans certains cas, il est nécessaire de dé-
sinfecter au préalable les graines contre les La connaissance de ces moyens de conser-
insectes, spécialement le Paddy et le Maïs vation et procédés d'expédition est très impor-
contre les calandres, les Haricots contre les tante aux colonies, le transport et l'échange
bruches. On commence par sécher les graines de matériel de plantation à grande distance
ainsi qu'il vient d'être dit. Sinon on risque- étant fréquemment nécessaires.
440 LES CULTURES COLONIALES

CHAPITRE IL atteint une taille de 1,20 à 1,80 m. Son enra-


cinement, comme celui de la plupart des
CEREALES. Graminées, est peu profond. La plupart des
racines restent cantonnées près de la surface,
LE RIZ. ceci surtout pour le Riz des champs irrigués,
où se forme souvent à faible profondeur une
Le Riz est vraisemblablement la culture
alimentaire et peut-être la culture la plus
importante qui soit. En effet, il constitue la
base ou un élément important de l'alimenta-
tion de plus de la moitié du genre humain.
La production mondiale atteint en moyenne
142.000.000 de tonnes. Les principaux pro-
ducteurs se trouvent en Extrême-Orient :
Chine (48.014.000 T.) f1), Inde (38.532.000 T.),
Birmanie (7.106.000 T.), Japon (12.805.000
T.), Indochine (7.133.000 T.), Siam (5.082.000
T.). Les plus gros producteurs sont aussi les
plus gros consommateurs et ne livrent que
peu de Riz au commerce mondial. Comme
exportateurs importants citons : la Birmanie,
le Siam et l'Indochine. Comme exportateurs
de Riz de luxe, il y a lieu de mentionner :
Java, l'Inde (Patna), Madagascar, Les Etats-
Unis, l'Italie.
Au Congo Belge la culture, importée par
les Arabes vers 1840, n'a encore qu'une im-
portance limitée. La surface cultivée attei-
gnait, en 1948, 138.240 Ha et la production
137.277 T., dont 82.796 achetées par le Com-
merce. L'exportation est négligeable : 1.000
à 1.500 T. annuellement; cependant elle a
atteint 3.334 T. en 1942 et 6.090 T. en 1946.
Les régions congolaises où la culture du Riz
est pratiquée sont indiquées sur la carte, ci-
devant. Il s'agit uniquement de culture in-
digène. Fleur de Riz : A. de face (glumelle extérieure
Quant aux quantités de Riz importées en enlevée). B. de côté. C. coupe (schématique).
— a, glume. — b, glumelle extérieure ou in-
Belgique, notons 56.089 T. en 1938 et 64.175 férieure. — b', glumelle intérieure ou supé-
T. en 1939. rieure. — c, lodicule ou glumellule. — d,
— On ovaire. — e, style. — f, stigmate. — g, filet. —
Origine et description botanique. h, anthère.
admet généralemjent que le Riz cultivé est
originaire de l'Asie du Sud-Est. Il existe couche imperméable et dure. Il n'y a guère
une vingtaine d'espèces sauvages, principale- de racines descendant au-dessous de 50 cm.
ment en Asie, 4 ou 5 sont africaines, 3 améri- et il est exceptionnel d'en trouver au delà
caines. On ignore quelle espèce ou quelles d'un mètre (sol meuble). Chaque plante se
espèces de ce groupe ont donné naissance au compose normalement de 10-15 tiges. Celles-ci
Riz cultivé. sont rondes, creuses, munies, d'un certain
Le Riz cultivé, Oryza sativa L. (2), appar- nombre de nœuds, d'où naissent, en disposi-
tient à la famille des Graminées. C'est une tion alterne, les feuilles longues de 25-50 cm.
plante annuelle ; sa durée végétative varie et larges de 1,5-2 cm. L'inflorescence est une
entre 2 et 6-7 mois, suivant les variétés. Il panicule, c'est-à-dire un épi composé, long
de 20-30 cm., comprenant 100-125 épillets.
Ceux-ci s'insèrent sur les axes des différents
(1) Chiffres de 1939-40. ordres par l'intermédiaire de courts pédicel-
(2) C'est l'espèce principale. Quelques autres es- les. Dans la plupart des variétés, les épillets
pèces semblent être également en culture, mais sur
une très petite échelle, notamment en Afrique (Tchad). sont isolés; dans quelques unes ils sont
LES CULTURES COLONIALES 441

groupés par 2-3 ou plus. Les épillets sont ncnt une coloration bleue. Les Riz dextrineux
uniflores. Les fleurs se composent des parties ont un grain blanc, crayeux, opaque en
suivantes : 2 glumes rudimentaires, longues section; à la cuisson les grains s'agglutinent,
de 2-3 mm., chez la plupart des variétés; d'où le nom de Riz gluants qui leur est aussi
2 glumelles longues généralement de 8-10 mm., donné. Certains Riz amylacés ont également
à bords solidement et étroitement emboîtés, un grain opaque ; la réaction à l'iode permet
entourant la fleur, l'extérieure portant chez toutefois de les identifier. Les Riz gluants
les variétés barbues une arête de 2-3 mm. à ne sont cultivés que sur une petite échelle,
3-4 cm.; 2 lodicules ou glumellules, dont le ne servant qu'à la préparation de friandises.
gonflement provoque l'ouverture de la fleur Pour la consommation courante, un Riz doit
au moment de la floraison ; un pistil se com- être dur, vitreux, transparent. Au Congo
posant d'un ovaire uniloculaire à un ovule et Belge, il n'existe pas de Riz dextrineux. Il
de 2 styles terminés chacun par un stigmate existe, dans les deux groupes, des variétés
plumeux; 6 étamines à filets courts (mais de culture irriguée et des variétés de culture
s'allongeant pendant la floraison) et anthères sèche ; certaines variétés se prêtent cependant
grandes, allongées, composées. de deux sacs aux deux modes de culture. On ne peut donc
polliniques. pas en faire des espèces ou des variétés bota-
L'àpproche de la floraison est indiquée par niques distinctes. Toutes ces variétés (l) ap-
l'apparition d'une feuille de forme et port partiennent à l'espèce Oryza sativa L. Il
caractéristique; c'est la dernière feuille for- n'est du reste pas possible de les distinguer
mée par la tige. Cette feuille apicale ou morphologiquement ou chimiquement; la dif-
« pavillon » (en anglais : « boot-leaf » ou férence est donc purement physiologique. Il
« flag ») a lé limbe plus court et plus large existe enfin, notamment en Cochinchine et
que les feuilles normales; elle n'est pas re- dans l'Inde, des variétés de Riz dit « flot-
tombante, mais oblique ou horizontale. Sa tant », cultivées en eaux profondes. On les
gaine est renflée à cause de la présence de la sème aux eaux basses et les plantes se déve-
panicule, laquelle apparaît dans les 7-8 jours loppent, à mesure de la crue, jusqu'à at-
suivants. Généralement la tige principale ou teindre 3-4 m. et plus. Les variétés de Riz
primaire épie avant les tiges latérales ou flottant se différencient encore des autres
talles. L'écart est de un à trois jours. Riz par la propriété qu'ont les tiges de se
A maturité, le grain de Riz reste entouré ramifier aux nœuds supérieurs et de pro-
des glumes et glumelles. Le grain ainsi vêtu duire des panicules, sur ces ramifications. Il
existe des Riz flottants dans les groupes amy-
porte le nom de « paddy », le mot « riz »
lacés et dextrineux. Au total il existerait
désignant le grain décortiqué. Le péricarpe
du grain porte le nom de « pellicule argen- plusieurs milliers de variétés de Riz.
tée », laquelle est blanche transparente, rouge,
voire violette ou noire. Les glumes et glumel- Diverses techniques de riziculture. — La
les ont, à maturité, une coloration blanche, culture du Riz peut être :
jaune, brune, noire, uniforme ou non. L'arête 1. Sèche;
peut également être colorée. 2. Humide :
Le Riz est pratiquement autegame. Toute- a) Les rizières étant irriguées;
fois, dans certaines régions, un pourcentage b) Les rizières étant sous la dépen-
de croisement spontané nullement négligeable dance des pluies, c'est-à-dire sim-
peut se présenter. D'après les observations plement entourées de diguettes;
de l'auteur à Yangambi, ce pourcentage est 3. Sèche au début de la végétation, humide
très faible. dans la suite;
Le Riz cultivé possède 12 chromosomes 4. Pratiquée sur terrains marécageux;
haploïdes; certaines espèces sauvages en pos- 5. Pratiquée sur terrains inondés périodi-
sèdent 24. quement :
L'espèce Oryza sativa est très riche en a) A la crue : culture du Riz flottant;
variétés. Il existe des Riz amylacés et des
b) A la décrue : culture en « lebak ».
Riz dextrineux. Ces dernières variétés, qui
sont moins nombreuses, ont un endosperme
contenant de la dextrine. Celle-ci donne une (1) Variétés au sens agronomique.C'est toujours dans
coloration rouge en présence d'iode, cette ce sens que nous employonsle mot « variété », lorsqu'il
réaction étant le seul moyen certain de distin- n'est pas suivi d'un adjectif. Il s'agit alors d'un groupe
de valeur systématique indéterminée, mais inférieure
guer ces Riz des variétés amylacées, qui don- à celle de la variété botanique.
442 LES CULTURES COLONIALES

Dans les systèmes 1 et 3, on sème directe- Le Riz demande beaucoup d'eau, soit sous
ment sur champ. Dans les autres procédés, forme de pluies, soit sous forme d'eau d'irri-
on a le choix entre le semis direct et le semis gation. Les pluies doivent être bien réparties
en pépinière, avec repiquage. Les pépinières au cours de la végétation. A la récolte toute-
elles-mêmes peuvent être sèches ou irriguées. fois un temps moins humide est favorable.
La culture humide (système 2) est la plus Pour le Riz irrigué, la quantité d'eau néces-
répandue dans le monde. Au Congo, toute- saire équivaut à 1000-1500 mm. environ, pen-
fois, on a surtout la culture sèche et, sur une dant la végétation. Le Riz sec est moins
surface restreinte, au Maniéma et au Ruan- exigeant. Ainsi à Yangambi, le Riz reçoit en
da-Urundi, la culture en terrains marécageux moyenne 625 à 725 mm. de pluies pendant
(système 4). Nous décrirons ci-dessous la cul-
ture sèche et, subsidiairement les systèmes
pour terrains soumis à des crues périodiques,
parce que nous pensons que ces modes de
culture présentent de l'intérêt pour le Congo.

Sol. — Le Riz se développe ou doit se dé-


velopper sur toutes sortes de sols, ce qui est
d'ailleurs le cas pour la plupart des plantes
alimentaires et ce qui se traduit évidemment
par des productions très différentes : de 5-600
à 3-4-5.000 kgrs de paddy à l'Ha. Toutefois
ces différences sont attribuables en partie à
d'autres facteurs, notamment le climat. Ainsi,
dans les régions subtropicales (Espagne,
Italie, Japon) le Riz atteint ses plus hautes Parcelles de Riz à Yangambi
On attribue ce fait à la plus (Essais comparatifs).
productions. (Photo ÛPSOMEK.)
grande luminosité, quoique d'autres facteurs
doivent certainement entrer en ligne de
sa végétation, qui est de 130 jours environ.
compte : culture plus soignée, emploi d'en-
Les chiffres relatifs aux quantités de pluie
grais, emploi de variétés sélectionnées, etc. ou d'eau d'irrigation sont éminemment va-
Le Riz irrigué demande un sol suffisam-
ment argileux en profondeur, afin de pouvoir riables, d'après le sol, le climat (en particu-
lier la température), la variété, le mode de
maintenir le terrain sous eau. Pour le Riz sec,
des pluies, un sol culture, etc.
qui dépend uniquement Dans les régions chaudes, on peut géné-
trop léger ne convient pas. Il lui faut un sol ralement cultiver le Riz deux fois par an,
frais. De ce fait, les sols forestiers lui con-
du moins si le régime pluviométrique (ab-
viennent bien, parce qu'ils sont plus riches
sence de saisons sèches ou présence de deux
en humus. Aussi voit-on les indigènes cultiver le permet-
saisons pluvieuses) ou l'irrigation
presqu'exclusivement le Riz sec sur défriche-
tent. En certaines régions, (n s'adressant à
ments forestiers.
des variétés différentes (1), on peut même
Climat. — lie Riz est, de par son origine, prendre trois récoltes par an, sur le même
une plante des pays chauds. Aucun climat terrain ou cinq récoltes en deux ans. C'est
ne lui est trop chaud, mais certaines variétés cependant exceptionnel. Le plus souvent le
sont adaptées à des climats plus frais. Ainsi, Riz se cultive une ou deux fois par an. Dans
en Italie, il se cultive jusque 45 degrés de la partie centrale de la Colonie, on peut
latitude. Pour ce qui est de l'altitude, il peut prendre deux récoltes par an.
se cultiver jusque 2000 m. et plus, dans les
du sol. Rotation. — A la
régions tropicales. Le Riz sec est moins exi- Préparation
geant au point de vue température, c'est lui Station des Plantes Vivrières de Yangambi,
que l'on trouve aux plus hautes altitudes. le Riz se cultive suivant une technique se
Le Riz demande le plein éclairement; il ne rapprochant autant que possible des méthodes
convient donc pas comme culture intercalaire indigènes. Il est cultivé dans les défriche-
entre des plantes dominantes, mais sa culture
sera évidemment possible entre les lignes (1) On ne peut semer immédiatementles graines de
d'une jeune plantation. Exemple : plantations la récolte précédente, car des graines fraîches germent
indigènes d'Hévéas à Sumatra. mal.
LES CULTURES COLONIALES 443

ments en couloirs, dont il a été question au lre Année. - Riz + Manioc.


en mélange avec 2me Année. - (Riz) + Manioc.
chapitre I, généralement 3me Année. - Manioc et recrû.
d'autres plantes et sur terrain préparé som- 4mc Année. - Coton.
mairement (1) et non dessouché. Arachide ou Millet..
La rotation est la suivante : 5me Année. — Manioc de régénération forestière.

lre Année. — Mars : Maïs + Hibiscus cannabinus - Du Paddy âgé de moins


(récoltés en juin). Multiplication.
Juillet : Bananiers (persistant jusqu'en fin de de 6-8 semaines germe mal. D'autre part du
rotation) Paddy âgé de plus de 6-7 mois et conservé
Août : Riz (récolté en décembre). sans précautions spéciales donne une mau-
Octobre : Manioc (récolté en septembre, 2me vaise levée.
année). A Yangambi on peut semer le Riz deux
2meAnnée. — (Culture mixte Manioc + Bananiers).
3/4meAnnées. - (Bananeraie sous recrû de Manioc). fois par an, au début de chacune des saisons
5me Année. — Mai : Maïs T Hibiscus cannabinus pluvieuses : en mars d'abord, entre le 15 août
(récoltés en août) + Coix (récolté en décembre). et le 15 septembre ensuite. Le semis se fait
6mc Année. — (Bananeraie sous recrû de Coix).
Mai: Arachides (récoltées en août). généralement à faible écartement, en lignes
Septembre: Abroma augusta. à 20 X 20 cm., 6-7 graines par poquet et
Octobre: Haricots ou Soja, dans l'Abroma (ré- 2-3 cm. de profondeur. La quantité de se-
coltés 80-90 jours plus tard). mence nécessaire à l'hectare est de 60-70
7-18meAnnées. — Jachère forestière. kgrs.
Les indigènes plantent généralement moins
Le travail du sol : labours, buttages, sar- serré, mais déposent un nombre exagéré de
clages, est réduit au minimum. On n'exécute graines dans chaque trou.
généralement aucun labour avant les semis de Il est indispensable de faire garder les
Maïs, Riz et Haricots, du moins au début de champs du semis jusqu'à la levée, pendant
la rotation. Pour l'Arachide et le Soja on 8-10 jours, pour les protéger contre les
effectue un houage. Le Manioc, intercalé dans oiseaux.
le Riz, se plante également sans labour. On ne
butte que le Maïs. Au milieu de la rotation, Entretien. - L'entretien comporte un ou
il y a une « demi-jachère » sous recrû de deux sarclages, suivant les besoins, jusqu'à
Manioc. ce que le champ soit fermé. En cas d'irrégu-
La rotation se termine par une culture qui larité dans les pluies, il serait utile de biner,
favorise l'établissement de la jachère fores- et il serait intéressant d'essayer le paillage,
tière, c'est-à-dire assurant un bon couvert au du moins pour les semis sur lignes suffisam-
sol. Ce rôle est joué par VAbroma augusta. ment écartées. Il est nécessaire de garder à
Le Manioc et la combinaison Manioc + Ba- nouveau les champs de la floraison à la ré-
naniers conviennent moins bien pour clôturer colte, soit pendant plus d'un mois.
le cycle de culture.
Dans les couloirs indigènes voisins de Yan- Cycle végétatif. - La germination débute
gambi, la rotation est analogue, mais légère- après 3 jours environ, elle est complète en
ment simplifiée et abrégée. 6-7 jours. A Yangambi les variétés moyen-
nement précoces épient et fleurissent après
Dans les couloirs de l'Uele (Bambesa) on
90 jours; elles sont mûres après 130 jours.
a adopté la succession suivante :
Ces variétés conviennent le mieux aux condi-
lro Année. — Défrichement. tions de cette localité, où les saisons des pluies
Riz + Manioc. ont une durée approximative de trois mois.
2mo Année. - Arachide + Maïs.
Coton. Des variétés moins précoces existent dans
3me Année. - Manioc + Bananiers (non sarclés d'autres régions de la Colonie. Quelle que
pour favoriser l'établissement de la jachèrs soit la durée de la végétation, la floraison se
forestière) produit toujours environ 40 jours avant la
4-14mesAnnées. — Jachère.
maturité, chez le Riz.
Dans les lotissements du Sankuru, le Riz
vient en première et éventuellement encore Récolte. Production. — La récolte a lieu
en deuxième année de la rotation, comme lorsque le grain est presque complètement
suit : mûr. Il est imprudent de tarder à récolter,
parce que le Riz a une forte tendance à
(1) Il y a avantage en sélection à appliquer des l'égrenage spontané. L'indigène est malheu-
méthodes culturales se rapprochant le plus possible de reusement souvent tenté de récolter trop tôt,
celles de la pratique. ce qui a comme inconvénients de fournir à
444 LES CULTURES COLONIALES

l'usinage des grains moins bien remplis, une (mélange) ultérieure. Voici le processus à
plus forte proportion de brisures et la pré- suivre : le lot de Paddy destiné à l'ensemen-
sence de grains colorés en jaune. Ci s grains, cement de la première parcelle est mis à
qu'aucun appareil ne peut évidemment sé- tremper dans de l'eau pendant 24 heures. Il
parer, déprécient fortement le produit sur est alors examiné sur une plaque de verre,
le marché européen. posée à quelques centimètres au-dissus d'une
La récolte se fait à la faucille. On coupe feuille de papier blanc. On reconnaît ainsi,
un fragment de tige de 25-30 cm. et on en- par transparence à travers les glumelles, les
lève les feuilles qui gêneraient le séchage, grains rouges et on les élimine. A la récolte,
puis on lie en petites bottas. Celles-ci sont lors du choix des plantes d'élite, on décorti-
séchées plusieurs jours au soleil (à Yangam- que un grain par panicule (un par plante
bi, sur une aire cimentée) et chaque soir on suffit, si on est sûr qu'elle provient elle-même
les suspend dans une grange. Il est mauvais d'une seule graine), pour s'assurer si le péri-
de laisser les botte s de Paddy à l'extérieur carpe est blanc. La coloration blanche du
la nuit, parce que le grain réabsorbe une péricarpe étant récessive, on est dès lors cer-
certaine quantité d'humidité, chaque nuit. Il tain que la sélection sera pure pour ce
se forme de ce fait de petites crevasses, ap- caractère.
pelées « suncracks », d'où une plus forte SÉLECTIONGÉNÉALOGIQUE.— Les semences
proportion de brisures à l'usinage. Après destinées au semis des parcelles pour choix
battage, le Paddy est encore séché au soleil de plantes-mères, sont triées comme il vient
pendant 2-3 jours. d'être dit pour les sélections massales. A la
La production à l'hectare atteint, en cul-
1500-2000 kgrs de Paddy récolte, un grand nombre de plantes est pré-
ture européenne, levé. Ces plantes sont soigneusement décrites
sec (1) pour des variétés non améliorées et au laboratoire, où se fait le choix définitif.
2500-3000 kgrs pour les variétés sélectionnées. Il est ensuite procédé à des essais sur petites
En culture indigène, on obtient 600 à 1000
parcelles, uniques en première « élimina-
kgrs dans le premier cas et environ 1500 kgrs
dans le second.

Amélioration. — D'après nos observations,


le croisement spontané atteint au maximum
0,4 entre plants voisins, c'est-à-dire dis-
tants de 40 cm. Il est très rare à des distances
supérieures et on ne l'a pas observé au delà
de 1,60 m. Il résulte de ces essais, qu'à Yan-
gambi de petites distances d'isolation suf-
fisent dans les travaux de sélection. A Java,
le pourcentage de croisement spontané est
généralement inférieur à 1 %, pour une
distance de 3 à 3,75 m. (VAN DER MEULEN).
Pour diverses contrées rizicoles d'Asie, ce
pourcentage oscille entre 1 et 4
Les points essentiels dans la sélection du
Riz sont : la productivité, la qualité (rende-
ment en Riz décortiqué, dureté, goût), la
précocité, la résistance à la verse, aux mala-
dies, à la sécheresse et à l'égrenage spontané.
SÉLECTION MASSALE.— Elle a été surtout
appliquée pour obtenir rapidement un Paddy
plus uniforme (Séparation de formes) et
exempts de grains rouges. Ce dernier résultat
s'obtient aisément et certainement en deux
cultures, à condition d'éviter toute souillure

(1) Nous indiquons toujours, sauf mention contraire, Isolation de plants de Riz.
le poids sec, c'est-à-dire le poids établi après séchage (Photo OPSOMER.)
à poids constant au soleil.
LES CULTURES COLONIALES 445

toire », en double en deuxième « élimina- Annexes. Culture du Riz en Lebaks. — Ce


toire », puis pendant plusieurs années encore mode de culture est propre à certains ter-
à des essais comparatifs, sur parcelles plus rains — les lebaks — de la Région de Palem-
grandes avec plusieurs répétitions. A partir bang, à Sumatra. Une lebak est une dépres-
de ce moment, des essais de décorticage ont sion située en bordure d'une rivière et
lieu. Après 2-3 essais comparatifs, on procède connectée avec celle-ci, s'inondant annuelle-
à des mélanges de lignées morphologiquement ment à la mousson des pluies et s'asséchant
identiques et on leur fait subir plusieurs es- lentement en mousson sèche. Ces lebaks
sais en comparaison avec les lignées pures. étaient à l'origine couvertes de forêt; ce sont
On s'assure ainsi si et s mélanges ne subissent donc d'anciennes forêts inondées, comme il en
aucune régression vis-à-vis du mélange ori- existe beaucoup au Congo.
ginal. Finalement on procède encore à une Les opérations de la culture sont réglées
série d'essais régionaux, avant de distribuer d'après le niveau des eaux. On prépare la
les semences améliorées aux indigènes. Il h bak à la fin de la saison des pluies, cette
s'écoule ainsi 10-11 anné,s ou saisons avant préparation consistant à couper et écarter
qu'une sélection ne soit terminée. herbes et plantes aquatiques, puis à arracher
On a pu obtenir de cette manière, à Yan- racines et restes de plantes. Il n'y a pas
gambi, des lignées et mélanges de lignées (forcément) de labour. La culture a lieu en
ayant des productions de l'ordre de 2500-2600 saison sèche. On établit des pépinières, pen-
kgrs, et donnant aux essais de décorticage dant la période de préparation des lebaks.
60-62 de Riz, dont 38-44 de grains Cette époque dépend du rythme habituel de
entiers. décrue. En effet, la plantation a lieu quand
le niveau n'est plus que de .0-45 cm. On
TECHNIQUEDE L'HYBRIDATION.— La tech- sème en pépinière 70-80 jours avant ce mo-
nique en usage à Yangambi, inspirée de ment, les plants étant repiqués deux fois :
celle de Buitenzorg, est la suivante : entre une fois en pépinière de repiquage (pour les-
6 et 7,30 heures du matin, on choisit des quelles on utilise les bordures déjà asséchées
panicules récemment sorties; on supprime la des lebaks) et une fois sur champ. Les lebaks
plupart des fleurs, sauf une quinzaine près ne demandent pratiquement aucun entretien.
du sommet; on coupe le quart ou le tiers La récolte a lieu 95-100 jours après le repi-
supérieur des glumelles et, par l'ouverture quage définitif. Les variétés cultivées en le-
ainsi pratiquée, on aspire les étamines au baks (ce sont des variétés spéciales) ont ainsi
moyen d'une petite pompe à vide. Vers 11 une végétation de 160-180 jours.
heures de la même matinée, on pollinise en Les rendements sont très élevés, oscillant
secouant une panicule en fleurs au-dessus des entre 2.200 et 5.200 kgrs de Paddy sec à
fleurs châtrées. On isole après castration et l'hectare. (1)
pollinisation, au moyen de sachets en coton
épais et blancs. Ces sacs sont laissés jusqu'à Culture du Riz flottant. — Cette culture
la récolte, pour protéger les grains partielle- se pratique au Bengale, en Birmanie, au Siam
ment à nu à cause de la coupe du sommet et en Indochine. D'après les régions, le ni-
des glumelles. On a obtenu ainsi un pour- veau atteint par les eaux varie entre 2 et 6 m.
centage de réussite (nombre de plants réelle- Les mêmes variétés ne conviennent toutefois
ment hybrides à la Fj de 40-45 pas aux diverses profondeurs. Pour convenir
Récemment on a introduit avec succès une à la culture, il faut que le terrain subisse des
nouvelle méthode d'hybridation, dont les crues lentes (5-8 cm. par jour) et que le cou-
particularités essentielles sont les suivantes : rant soit faible.
la panicule à émasculer est immergée pen- Souvent le terrain n'est pas labouré,
dant 10 à 20 minutes dans de l'eau à 44 de-
quoiqu'ici rien ne s'y oppose. On sème en
grés, ce qui a pour résultat de provoquer place au moment où le terrain est à sec, et
l'ouverture des fleurs (arrivées au stade de il faut que les plants aient une hauteur de
floraison) et la libération du pollen, lequel 30-40 cm. avant que la crue ne débute. Nor-
perd sa vitalité sous l'action de la chalcur. malement la récolte a lieu après que les eaux
Les autres parties de la fleur ne sont pas
affectées. On supprime ensuite toutes les
fleurs qui ne se sont pas ouvertes et dont le (1) Une description détaillée de la culture en lebak,
pollen est resté intact. ainsi que de la culture du riz flottant, a paru dans le
Bulletin Agricole du Congo Belge, vol. XXXIII. 1942.
4. p. 445-458.
446 LES CULTURES COLONIALES

se sont retirées, mais pour certaines variétés Congo Belge a atteint 331.397 Ha et la pro-
précoces on doit récolter en pirogue. duction 355.990 T. Le Commerce a acheté
Généralement les Riz flottants sont de qua- 67.404 T. dont 27.497 ont été exportées en
lité inférieure. On ne les a d'ailleurs pas grande partie vers la Belgique. Les besoins
encore améliorés. Ils ne conviennent donc de celle-ci s'élèvent à environ 800.000 tonnes.
que pour la consommation locale. Ils sont En 1936 les importations ont cependant été
généralement tardifs : 170-185 jours pour les de 905.012 T. et en 1938 de 584.975 T.
variétés « précoces », 200-215 jours pour les Le Maïs se cultive dans toute la Colonie,
variétés « tardives ». Production moyenne : mais n'a une réelle importance que dans les
1700 kgrs de Paddy à l'hectare. Ces chiffres régions de savanes : Ituri, Kasai, Lomami,
se rapportent au Bengale. Katanga, etc. C'est essentiellement une cultu-
re indigène. Un petit nombre de colons et de
LE MAIS. Sociétés cultivent cependant aussi le Maïs
(3.198 Ha en 1947).
La production mondiale de Maïs a atteint
120.000.000 de Tonnes en 1939. Etant donné
Origine et description botanique. — Le
que la production du Riz est exprimée sous
Maïs, Zea Mays L., est originaire d'Amérique.
Il n'est pas connu à l'état sauvage. Diverses
hypothèses ont été émises concernant son as-
cendance. D'après l'une d'elle, il dériverait
du Téosinte (Euchlaena mexicana SCHRAD.).
Actuellement cette hypothèse ne paraît plus
admissible et il semble, d'après les travaux
de MANGELSDORF, qu'il faille admettre que le
Maïs descend d'une forme sauvage de « pod
corn » (Zea Mays var. tunicata) qui existait
jadis en Amérique du Sud.
Le Maïs est une Graminée annuelle, à tige
pleine et, du moins dans les pays tropicaux,
ne tallant pas. La hauteur atteint, d'après les
variétés 1 à 4 m. et le diamètre jusque 6 cm.
Les racines sont, pour la plupart, peu profon-
des, ne descendant pas au-dessous de 50 cm.,

Maïs.
1 = inflorescence mâle:
2 = inflorescence femelle; 3 = épi.
Coupe longitudinale et
forme de Paddy, laissant un déchet d'environ transversale d'un épillet
40-45 %, c'est la production du Maïs qui est d'inflorescence mâle :
la plus importante. Au point de vue de l'ali- 1. glume extérieure.
mentation humaine, il est probable cependant 2. glume intérieure.
que le Riz l'emporte, car une grande partie 3. glumelle inférieure de la
de la production du Maïs est destinée à fleur supérieure, fleuris-
sant la première.
l'industrie et à l'alimentation des animaux.
Les principaux producteurs 4. glumelle inférieure de la
sont les Etats- fleur inférieure.
Unis (66.528.000 T.), l'Argentine (11.028.000 5. glumelle supérieure de la
T.), le Brésil (6.020.000 T.), la Roumanie fleur supérieure.
(6.051.000 T.), la Yougoslavie (4.045.000 T.), 6. glumelle supérieure de la
la Mandchourie (3.011.000 T.). Les princi- fleur inférieure.
paux exportateurs sont l'Argentine, le Brésil, 7. ovaire rudimentaire.
la Roumanie, les Etats-Unis. 8. glumellules ou lodicules.
La culture est pratiquée en Afrique depuis (Extrait de
le 16me siècle. En 1948, la surface cultivée au SPRECHER
v, BERNEGGJ
LES CULTURES COLONIALES 447

quoiqu'on en ait observé parfois au delà de pair de séries longitudinales de fleurs :


1,25 m. Les nœuds inférieurs de la tige for- 8 à 16, parfois plus, d'après les variétés. Les
ment de nombreuses racines adventives aérien- fleurs sont réunies par deux en des épillets
nes qui n'atteignent généralement pas le sol se trouvant dans de petites dépressions de
(mais que l'on butte souvent). Les feuilles l'axe. Dans chaque épillet, normalement une
sont alternes, longues de 50-80 cm., larges de seule fleur est développée. Les glumes et glu-
5-10 cm. Le Maïs est monoïque, mais les in- melles sont rudimentaires, sauf chez certains
florescences sont unisexuées. On observe ce- Maïs, et invisibles sur l'épi mûr. Ce sont
pendant arjsez souvent des inflorescences uniquement les bractées qui protègent les
mixtes, c'est-à-dire présentant quelques épil- graines. L'ovaire, uniloculaire à un ovule,
lets, voire des rameaux entiers de l'autre mesure 2-3 mm. seulement, mais est surmonté
sexe. L'inflorescence mâle est une panicule d'un style long de 20 cm. et plus, filiforme.
terminale. Les épillets sont réunis par deux, L'extrémité du style est bifide (stigmate) et
l'un sessile, l'autre muni d'un pédicelle d'en- garnie de poils qui retiennent le pollen. A la
viron 6 mm. L'épillet est ovale, mesurant floraison les enveloppes de l'épi restent fer-
6-8 X 3 mm. et contenant deux fleurs. Il mées, les styles se frayant un passage entre
se compose de deux glumes enfermant les les sommets des bractées, qu'ils dépassent de
deux fleurs; chacune de celles-ci comprend plusieurs centimètres, formant une touffe de
deux glumelles, deux glumellules ou lodicules, nombreux filaments.
trois étamines et un ovaire rudimentaire. L'inflorescence mâle apparaît plusieurs
L'inflorescence femelle est un épi axillaire, jours avant les épis femelles, si bien que la
entouré de nombreuses (6-14) bractées, long plupart des fleurs de ceux-ci sont pollinisées
de 10 à 30 cm. et plus. Ces épis sont insérés par du pollen étranger. Le Maï's est une
fcur les nœuds inférieurs de la plante. Chaque plante typiquement allogame : normalement
nœud peut porter un épi; généralement ce- il y a environ 95 d'allogamic. Le pollen
pendant il ne s'en forme au maximum que est transporté par le vent. L'autofécondation
2-3 et, dans les variétés sélectionnées, 1-2. est possible, mais nuit fortement à la vigueur
et à la production.
La coloration des grains est blanche, jaune
clair, jaune, orange, rouge, bleue, violette,
noire, tachetée. Diverses colorations peuvent
se présenter sur un même épi. C'est souvent
le cas pour le Maïs cultivé par les indigènes
du Congo Belge.
Le nombre de chromosomes haploïdes est de
Coupe longitudinale
schématique d'un épi dix (il en est de même chez le Téosinte). Ex-
femelle de Maïs : ceptionnellement ce nombre peut être de
1, 9 et 12. Gaines foliaires. 9 à 12.
2. bourgeon axillaire. Le Maïs est riche en variétés et formes.
3 et 11. noeuds. STURTEVANTles a classées en un certain nom-
4. styles. bre de variétés botaniques, dont voici les
5. bractées ou spathes de principales :
l'épi. Zea Mays, var. indurata : « flint corn »,
6. limbe foliaire. Maïs silex, Maïs dur. L'endosperme est com-
7. ligule. posé d'amidon tendre entouré d'amidon cor-
8. axe ou rachis de l'épi. né, la proportion des deux amidons variant
10. bourgeons foliaires du suivant les variétés. à ce
de Appartiennent
pédoncule l'épi.
groupe : la plupart des Maïs indigènes du
(Extrait de Congo Belge, la variété italienne « Cinquan-
SPRECHER v. BERNEGG.) tino
», etc.
Var. indentata : « dent corn », Maïs dent
Les sommets des bractées développent souvent de cheval. La partie tendre de l'endosperme
des appendices foliacés d'assez grande dimen- n'est pas recouverte d'amidon corné au som-
sion. L'épi femelle se compose d'un pédoncule met. Cette portion tendre séchant plus vite,
court et épais, sur lequel sont insérées les il se produit une dépression au sommet du
bractées. Ce pédoncule se poursuit en un axe grain, d'où le nom. Les grains et les épis sont
ou rachis épais, spongieux, portant un nombre généralement de grande dimension.
448 LES CULTURES COLONIALES

5.

1 3. 4.

2.

9.
6. 7. 8. 10
Epis de diverses variétés de Maïs : 1 à 5. var. indurata (Maïs dur). — 6. var. indentata (Maïs « dent de
cheval h). — 7. — var. everta (« popcorn », à grain pointu). — 8. var. amylacea (Maïs tendre). — 10. var.
saccharata (Maïs sucré). — Le n° 3 représente un épi de Maïs à grain blanc (2) ayant subi l'influence
du pollen d'une variété à grain rouge (4), c'est-à-dire présentant le phénomènede xénie. Le n° 9 est un
épi « saccharata » influencé par du pollen « amylacea ». (Extrait de SPRECHER v. BERNEGG.)

Var. saccharata : « sweet corn », Maïs bleux ou extrêmement lourds ne lui convien-
sucré. Le grain se ride complètement en sé- nent pas, de même les terrains à nappe phré-
chant. L'endosperme est dextrineux, d'aspect atique trop élevée. Les meilleurs sols sont
corné, translucide. des sols profonds, perméables, riches en hu-
Var. amylacea : « flour corn », « soft mus. Les sols forestiers conviennent donc par-
corn », Maïs farineux ou tendre. Grain ridé ticulièrement. Une bonne structure du sol
comme le précédent, mais endosperme pres- est de grande importance pour le Maïs, d'où
qu'entièrement composé d'amidon tendre. l'opportunité du travail du sol.
Var. everta : « pop corn ». L'endosperme
contient très peu d'amidon tendre. Lorsqu'on Climat. - Le Maïs est une plante des pays
chauffe les grains, ils éclatent, d'où les noms chauds. Il possède cependant une grande
de « pop corn », « knalkoren », etc. Les épis adaptabilité, ce qui explique la grande ex-
et les grains sont généralement petits. Le tension de son aire de culture. Actuellement,
sommet des grains est souvent pointu. il peut se cultiver pour le grain jusqu'à nos
Var. tunicata : « pod corn », Maïs vêtu. latitudes (50-51°) et même au delà (54° en
Chaque grain est entouré de baies. Allemagne et Pologne), grâce à la sélection
de variétés précoces. Il ne supporte cependant
Sol. — Le Maïs s'accommode de la plupart pas la gelée, même peu de temps. La culture
des sols. Seuls les terrains extrêmement sa- est donc limitée aux régions exemptes de ge-
LES CULTURES COLONIALES 449

lées printanières ou à été suffisamment long, mottes. A Java on sème souvent derrière la
permettant de retarder les semis. Sous les charrue, c'est-à-dire sur un sol encore plus
Tropiques l'extension de la culture peut, en « motteux ». Une bonne préparation du sol
raison des gelées, être limitée par l'altitude. a souvent plus d'influence sur le Maïs que la
Cependant, en l'absence de gelées, la culture fumure. Pendant la végétation on entretien-
est- possible jusqu'à des hauteurs extraordi- dra ou rétablira soigneusement la bonne struc-
nairement élevées : par exemple, sur le Pla- ture du sol par diverses mesures culturales :
teau de Bolivie jusque 4000 m. au-dessus du buttage, binage, « mulching », etc. A Yan-
niveau de la mer. En Europe et en Amérique gambi on butte parfois le Maïs.
du Nord, la culture ne dépasse guère 500 m. Sur la culture indigène du Maïs au Congo,
Le Maïs peut se contenter de pluies relati- il n'y a pas grand'chose à signaler. En forêt,
ment peu abondantes. Il résiste bien à la le Maïs se sème en mélange parmi le Manioc,
sécheresse, surtout dans sa jeunesse. Il craint les Bananiers, etc., sans labour. En savane
en tout cas l'excès d'humidité au début et à aussi, il se plante généralement en mélange
la fin de sa végétation. Dans les pays chauds, avec une ou plusieurs autres espèces : Manioc,
la quantité absolue de pluie peut être nota- Patate douce, Arachide, Haricot, Sorgho,
blement plus grande que dans les zones tem- Millet, etc. Comme particularité, signalons
pérées, étant donné que la température et que le Maïs (comme d'autres plantes du reste)
donc l'évaporation sont plus élevées. Il existe est cultivé sur buttes par certaines tribus,
néanmoins certaines régions où la culture est notamment les Baluba. Ce procédé peut se
aléatoire par excès d'humidité, du moins à justifier s'il sert de succédané de labour ou
certains moments de l'année : par exemple, si le sol l'exige : par exemple, sol lourd,
Java, en mousson d'Ouest. Au Congo, celà humide ou peu profond.
ne se présente nulle part. Aussi peut-on, du
moins dans la cuvette, cultiver le Maïs 2-3 Multiplication. — Comme matériel de
fois par an, grâce à sa précocité à basse plantation on choisit (ou l'on doit choisir)
altitude. des épis de bonne grandeur, correspondant
Les quantités de pluie nécessaires varient au type de la variété, à bractées bien fermées,
dans de larges limites, comme pour toutes les sur des plants normaux. Les indigènes conser-
plantes d'ailleurs, d'après le climat, le sol, la vent le Maïs destiné au semis, en épis avec
production, etc. En Amérique du Nord on les bractées. Ils les lient en petites bottes et
considère qu'il lui faut environ 100 mm. par suspendent celles-ci dans leur hutte. La fu-
mois de végétation. Dans les régions tropica- mée dégagée par le foyer contribue à la
les, d'après VAGELER, une forte récolte de bonne conservation, en écartant les insectes.
Maïs ou de Sorgho demanderait de 1000 à Le procédé est efficace, mais applicable seu-
1250 mm. d'eau pendant leur période de lement à la petite culture. En culture euro-
végétation. Ce chiffre nous paraît exagéré. péenne, le Maïs sera traité ainsi qu'il a été
En ce qui concerne Yangambi, le Maïs, semé exposé dans les Généralités et conservé en
au deuxième mois de la saison des pluies et bidons, fûts ou silos métalliques, suivant la
végétant 90-100 jours, reçoit de 5 à 600 mm. quantité.
A Nioka, en sept mois de végétation, il reçoit On aura soin, au moment de l'égrenage, de
environ 900 mm. faire un nouveau triage. Les bractées étant
Au point de vue lumière, le Maïs, ainsi enlevées, on choisira les plus beaux épis :
que les autres Céréales, demande le plein grands, réguliers, complètement garnis de
éclairement. grains jusqu'aux extrémités, à nombreux
rangs de grains (d'après le type de la variété).
Préparation du sol. — Le Maïs demande L'égrenage se fera, si possible, à la main, la
un sol travaillé avec soin et profondément. semence étant ainsi en meilleure condition.
Le nombre de façons dépend évidemment de L'époque du semis dépend du régime des
la nature du terrain. Ainsi sur sol forestier, pluies et du cycle végétatif de la variété. A
par exemple dans les « couloirs » de Yan- Yangambi, le Maïs mûrissant en 90-100 jours
gambi, on ne laboure pas en tête de rotation on peut le semer au deuxième mois de la
(voir au Chap. du Riz). En cas de besoin on saison des pluies, soit en avril ou en octobre,
exécute un léger houage. mais on le sème généralement aux mêmes épo-
Il est inutile de herser, car le Maïs demande ques que le Riz : mars et août-septembre, ou
un sol meuble, bien aéré. Or on conserve encore en mai. Voir au chapitre du Riz :
mieux cette structure en laissant le sol en Rotation. A Nioka, où la végétation est de sept

15
450 LES CULTURES COLONIALES

mois, on sème en mars. Si possible, il faut Plus tard il sera utile d'arracher tous les
éviter de semer à un moment particulière- plants anormaux ou suspects de produire des
ment humide de la saison : dans ce but il épis défectueux, afin qu'ils ne viennent pas
faut avancer le semis jusqu'à la fin de la nuire à la valeur des semences futures. On
saison sèche ou bien le retarder. pourra cependant se contenter de les châtrer,
Il existe de nombreux modes de semis et afin que leur pollen n'intervienne pas dans
d'écartements. Le semis se fait mécanique- la fécondation, à condition d'éviter soigneuse-
ment, au moyen de semoirs à un ou plusieurs ment de prendre leurs épis comme semence.
Il est utile, si la chose est possible, par
rangs, ou à la main. Au Congo, il se fait
à la main, même en culture exemple en petite culture, d'arracher les
généralement
européenne. Les écartements varient entre tiges latérales qui apparaissent parfois. Celles-
90 et 100 cm. entre les lignes et 30 à 50 cm. ci ne donnent jamais de beaux épis et nui-
dans les lignes. On dépose deux ou plusieurs sent au développement de la tige et des épis
grains par trou. A Java, on sème souvent par principaux.
groupes de trois poquets. Les groupes sont On conseille parfois d'enlever les panicules
écartés, de centre à centre, à 90-100 X 75-80 mâles, une fois la pollinisation terminée, pour
cm., les poquets se trouvant eux-mêmes à hâter la maturation des épis. Il est probable
environ 15 cm. l'un de l'autre, dans les grou- que cette opération est sans influence réelle.
pes. Dans ce procédé de semis, on dépose deux Par contre si on coupe le sommet des plantes,
graines par trou. Dans la suite, on supprime c'est-à-dire la panicule et une ou deux feuil-
le plant le plus faible de chaque poquet et, les pour se procurer une petite quantité de
plus tard encore, si la végétation est vigou- fourrage, on nuit certainement au développe-
reuse, on supprime encore un des trois plants ment des épis et au rendement.
restants. Il faut, dans ce dernier procédé, de
15 à 20 kgrs de semences à l'hectare. A Yan- — La levée débute après
Cycle végétatif.
gambi, lorsque le Maïs se cultive en inter- 3-4 jours; elle est complète après 5-6 jours.
calaire dans le Riz, on le sème à 1,60X1 >60 m. Pour une variété mûre en 85-90 jours à Yan-
La profondeur de semis varie entre 7 et gambi, la floraison mâle a débuté après
10 cm., d'après le sol et le climat. Il faut 35 jours, la floraison femelle après 42 jours.
semer plus profondément en sol léger et sous Il a fallu environ 45 jours pour la fructifi-
un climat sec. Aussi va-t-on jusque 12 cm. en cation et la maturation. Pour une variété
Afrique du Sud et, dans des climats aussi mûre en 110 jours à Gandajika (WOUTERS),
secs que celui de l'Arizona, on descend jus- il a été observé que la floraison mâle débute
que 20 cm. et plus. Dans ce cas il faut des 3-4 jours en moyenne avant la floraison fe-
variétés spéciales, par exemple, la variété melle, qui a lieu, elle, 65-72 jours après le
« Hopi » qui peut se semer jusqu'à 32 cm. de semis. Le développement du grain a pris ici
profondeur. 40 jours.

Entretien. — L'entretien consiste en sar- Récolte. Rendement. — La récolte peut


clages suivant les besoins. On pourrait ré- avoir lieu à des moments différents. Ainsi
duire ceux-ci et, en même temps, protéger le pour la consommation directe, les indigènes
sol contre la dégradation par des cultures (surtout en forêt) récoltent avant maturité,
intercalaires, ainsi qu'il vient d'être dit, ou au stade laiteux. Les grains sont encore
bien en semant un engrais vert entre les aqueux et plus ou moins sucrés et se con-
lignes, à un moment variant d'après les du- somment entiers. Pour l'utilisation comme
rées de végétation du Maïs et de la Légumi- fourrage, on récolte de préférence lorsque les
neuse. Ce sont spécialement les Crotalaria grains sont farineux, encore quelque peu ten-
qui peuvent convenir ici ; on les enfouira dres. La teneur en matière sèche est alors
après la récolte du Maïs. Le paillage sera presque maximale, mais la digestibilité est à
aussi de grande valeur, surtout par grande son maximum. Pour la préparation de farine
sécheresse. On pourrait utiliser dans ce but et pour la semence, on récolte à maturité
des pailles de Riz ou des tiges de Maïs d'une complète. Le grain étant parfaitement protégé
culture précédente, etc. et aucune perte n'étant à craindre, on peut
Il est bon de butter le Maïs lorsqu'il a retarder la récolte jusqu'à dessiccation com-
et
atteint une taille de 40-50 cm. Le démariage plète de la plante. Toutefois les tiges
est à signaler également ici, on le fera avant feuilles ne conviennent plus alors comme
buttage. fourrage.
LES CULTURES COLONIALES 451

La cueillette des épis se fait à la main. On la bonne fermeture des bractées, la produc-
les sèche plusieurs jours au soleil, avec les tion d'un ou au maximum de deux bons épis.
bractées, puis sans les bractée, enfin égrenés,
si toutefois on égrène immédiatement. En SÉLECTIONMASSALE. — Elle donne de bons
grande culture, par exemple en Afrique du résultats, parce qu'il existe chez le Maïs de
Sud, on peut égrener et nettoyer le grain nombreux caractères défavorables récessifs,
immédiatement sur champ, le tout mécanique- que l'on peut facilement éliminer par sélec-
ment. Il faut évidemment pour pouvoir faire tion massale. La méthode est donc à conseiller
de même, que le climat s'y prête. dans les débuts.
Le Maïs peut atteindre des rendements très
élevés. Les indigènes récoltent aisément 800 « EAR-TO-ROWMETHOD» et « EAR REMNANT
à 1000 kgrs de grains et plus, dans le cas METHOD». — On choisit de beaux épis et com-
de récolte à maturité complète. En culture pare leur descendance sur des lignes séparées
européenne, on peut obtenir, dans la cuvette ou de préférence avec des répétitions, donc
et pour des variétés précoces, 1500 à 2000 plusieurs lignes pour chaque épi. On conserve
kgrs à l'Ha. Pour les régions élevées et des de chaque épi une partie des graines (« rem-
variétés tardives, on récolte 2 à 3 tonnes de nant »). L'année suivante on ne resème plus
grains (Nioka). En culture très intensive et que les meilleurs numéros, au moyen des
pour des variétés sélectionnées de façon con- graines mises en réserve. On châtre une partie
tinue avec grand soin, à Ndele (Ferme des des plantes, pour favoriser l'hybridation
Mines de Kilo-Moto), on récolte en moyenne entre les bons numéros. A la récolte on mé-
3.500 kgrs et au maximum 4-5000 kgrs. Les lange le grain et le vend comme semence amé-
records des Etats-Unis seraient de 5 et 6 liorée. La méthode s'applique de façon con-
tonnes, mais les moyennes 1800-2000 kgrs. tinue, en recherchant chaque année de beaux :
Cent kilos d'épis secs avec les bractées épis.
donnent 75-85 kgrs d'épis sans bractées. Cent
kilos de ceux-ci donnent 55-75 kgrs de grains CROISEMENTDE LIGNÉESAUTOFÉCONDÉES. -
et pour de beaux épis à axe mince 70-85 kgrs. On purifie un certain nombre de lignées, par
autofécondation forcée et répétée. On recher-
Amélioration. — Le Maïs est une plante che ensuite celles qui, après croisement, don-
essentiellement allogame. En culture le pour- nent les plants les plus vigoureux et les plus
centage d'autofécondation naturelle est géné- productifs. On exploite donc ici l'hétérosis,
ralement inférieure à 5 %, d'après les au- ou vigueur hybride. Chaque année on répète
teurs américains. D'après les observations de ces croisements et vend les graines de pre-
WOUTERS,à Gandajika, le pourcentage d'auto- mière génération comme semence sélectionnée.
fécondation naturelle varie entre 5 et 11 Pour échapper avec plus de certitude aux
Le pollen de Maïs est transporté à grande effets néfastes des autofécondations, on com-
distance par le vent, dans certains cas jusque bine souvent aussi trois ou quatre lignées.
6 milles aux Philippines (MENDIOLA).A Gan- On croise donc ici d'une part les lignées A
dajika, WouTERs a constaté les pourcentages et B et d'autre part C et D. L'année sui-
suivants d'hybridation entre parcelles diffé- vante on croise AB X C ou AB X CD,
rentes : d'après que l'on désire combiner trois ou

5.9 °/o 2.2 °/0 1.2 o/0 0.8 °/0 0.4 °1" 0.15 °/. 0.09 °/0

Directiondes vents dominants ±45 m ±65 m ±100 m 125 m 225 m ±315 m 425 m
Direction opposée 10 m 25 m ±40 m ±65 m 95 m 150 m 250 m

Il faut donc prévoir de grandes distances quatre lignées. La méthode est très intéres-
d'isolation pour les parcelles de multiplica- sante, mais coûteuse et d'application délicate.
tion : au moins 300 m. pour la conservation Il s'agit en effet de conserver indéfiniment
de noyaux purs; pour des sélections massalcs les lignées autofécondées, pour pouvoir ré-
on pourra se contenter de 100 m. péter chaque année les croisements. Le plan-
Les objectifs principaux dans la sélection teur doit achetir chaque année de nouvelles
du Maïs sont : la production, la précocité, la semences. La distribution aux indigènes serait
résistance aux maladies, la régularité des épis, donc compliquée.
452 LES CULTURES COLONIALES

CROISEMENT DE POPULATIONS. — On applique moyen de sachets en papier parcheminé ou


le même schéma, avec des populations au lieu en coton. Le moment propice pour la polli-
de lignées. La réalisation est plus aisée, mais nisation arrivé (celui-ci est à établir par des
le renouvellement des semences reste néces- observations des conditions de floraison faites
saire. La méthode a été appliquée avec de sur les deux numéros à croiser), on coupe
bons résultats à Java et en Italie. l'inflorescence mâle du plant paternel et re-
cueille le pollen dans le sachet d'isolation,
TECHNIQUEDE L'HYBRIDATION. — La méthode en secouant l'inflorescence. On coupe alors le
naturelle est très facile. Il suffit de semer en sommet du sachet protégeant l'épi femelle du
lignes alternées les deux lignées ou variétés plant maternel, verse le pollen sur les stig-
mates, puis on referme l'ouverture au moyen
d'un attache-tout.

LE SORGHO.
Le Sorgho remplace le Maïs sur les terres
moins fertiles ou sous les climats plus secs,
grâce à ses exigences moindres. Avant l'in-
troduction du Maïs, le Sorgho était la prin-
cipale Céréale de l'Afrique tropicale. Actuel-
lement encore la culture est importante dans
les régions de savanes d'Afrique centrale et
occidentale, au Soudan, en Afrique du Nord.
L'Inde anglaise, la Chine, les Etats-Unis en
possèdent aussi d'importantes cultures. Les
statistiques sont toutefois rares, ce produit
n'intéressant pas le commerce mondial. Au
Congo la culture est pratiquée principalement
par les indigènes de l'Uele-Ituri, du Manié-
ma et du Tanganyika et, sur une moindre
échelle, dans les autres régions de savanes de
la Colonie. La surface occupée par le Sorgho
au Congo est d'environ 65.000 Ha, avec une
production d'environ 55.000 T. Le Sorgho
entre dans l'alimentation de beaucoup d'in-
digènes, sans en constituer la base, comme
c'est le cas pour le Maïs dans plusieurs ré-
gions. Une bonne partie de la récolte sert
du reste à la fabrication d'une bière. En
1948 le Congo a exporté 1205 T. de Sorgho
Mode d'isolation
des inflorescences mâles et femelles du Maïs. et 3966 T. de Millet, destinées principale-
Remarquer à hauteur de la feuille ment à la Belgique.
la plus élevée, le mode de fermeture En 1938, la Belgique a importé 22.486 T.
du sachet en papier : de Sorgho et 16.311 T. de Millet.
repli et attache-tout.
(Photo OPSOMERJ
— Le
Origine et description botanique.
à croiser, par exemple, A et B, sur un champ Sorgho, Sorghum vulgare PERS. et Sorghum
isolé pour écarter tout tiers pollen. Dans la spp., est originaire d'Afrique centrale. Il ap-
méthode des lignées autofécondées on sème partient à la famille des Graminées et à la
deux champs. Dans l'un on coupe toutes les tribu des Andropogonées. De toutes les Cé-
panicules mâles de A, dans l'autre on fait réales, c'est le Sorgho qui est le plus riche
de même pour B. On aura dans le premier en formes. D'après les variétés, la taille varie
champ des graines hybrides AB et des grai- entre 1 et 3 mètres, parfois plus. La plante
nes pures B, dans le second champ des grai- rappelle l'aspect du Maïs, les tiges sont toute-
nes pures A et des hybrides AB. fois plus grêles et multiples, puisque le
Dans la méthode artificielle, on isole l'in- Sorgho talle. Elles sont pleines. L'enracine-
florescence mâle du plant paternel et l'in- ment est plus profond que chez le Maïs; il
florescence femelle du plant maternel, au atteint 1,50 m., ce qui explique la plus grande
LES CULTURES COLONIALES 453

résistance du Sorgho à la sécheresse. L'in- Sorghum halepense PERS. Il existe de nom-


florescence est une panicule lâche ou com- breuses variétés : par exemple «Sudan grass»,
pacte, dressée ou pendante, suivant les va- « Johnson grass », etc.
riétés. Elle contient des fleurs hermaphrodites
Le nombre haploïde de chromosomes est
et des fleurs mâles. Le grain est allongé,
10 chez S. vulgare, 20 chez 8. halepense.
ovale ou rond. Les glumes sont jaunes, rou-
ges, brunes ou noires. Le péricarpe est blanc, TOXICITÉDU SORGHO.— Dans certains cas,
gris, jaune, rouge ou brun. Chez beaucoup de le Sorgho peut être toxique, à cause de la
variétés, les glumes ne recouvrent que par- présence, comme chez le Manioc et quelques
tiellement le grain à maturité. Les glumes autres plantes, d'un glucoside cyanogénéti-
restent adhérentes au grain après battage. La que, pouvant dégager de l'acide cyanhydri-
plante est annuelle, mais fournit une repousse que. C'est surtout le cas pour les plantules,
et une deuxième récolte si on la coupe. Si on le regain, les gourmands et les plantes qui
ne la coupe pas, des ramifications apparais- ont subi un arrêt dans leur croissance par une
sent aux nœuds supérieurs et donnent des sécheresse anormale. Les plantes normales ne
panicules de petite dimension. La durée de contiennent pas ou très peu d'acide cyanhy-
végétation des Sorghos tropicaux est de 5-6 drique; la teneur minimale est atteinte à la
mois. Quelques rares variétés mûrissent en floraison. Après la maturation des graines,
trois mois. la teneur augmenterait à nouveau. Jusqu'ici
Le Sorgho présente un pourcentage va- cependant on n'a pas signalé de cas d'em-
riable de croisement spontané : de quelques poisonnement chez le bétail congolais, suite
pourcents à 50 On peut aisément l'auto- à la consommation de Sorgho. Hasard ou
féconder, sans nuire à la vigueur ni à la question de variété. Il est certain que la
productivité. teneur varie avec la variété et la lignée, avec
On distingue les groupes suivants de va- la nature du sol (elle est plus haute sur un
riétés : sol sec), la fumure (les applications d'azote
1. Sorghos à grains (« Grain sorghums ») : l'augmentent) et d'autres facteurs.
Sorghum vulgare PERS.
2. Sorghos sucrés (« Sweet sorghum » ou Culture. — En ce qui concerne le climat,
le Sorgho demande moins d'eau que le Maïs,
« Sorgo ») : S. saccharatum MOENCH. La
mais plus de chaleur. Pour cette dernière
moelle de la tige est sucrée comme chez la
Canne à sucre, mais avec une teneur moindre. raison, son aire d'extension est moins grande
On l'emploi à la préparation en latitude et altitude. Au point de vue
d'un sirop.
humidité, la moitié de la quantité nécessaire
3. Sorghos à balais (« Broom corn ») : au Maïs, ou même moins encore, lui suffit.
S. vulgare PERS. var. technicum. Les ramifi- Il se contente de sols' médiocres.
cations de la panicule sont très longues. Les La culture est analogue à celle du Maïs.
inflorescences servent à la fabrication de Les distances de semis sont à peu près les
balais.
mêmes, quoique le Sorgho talle, parce que la
4. Sorghos fourragers («Grass sorghums) : plante est plus grêle et les feuilles plus
étroites. La profondeur de semis est toutefois
moindre : 2-3 cm. Le Sorgho se prête aux
mêmes associations que le Maïs : Arachide,
Soja, Haricot, Manioc, Patate douce, etc. On
l'associe souvent aussi au Millet, au Maïs.
Le rendement des Sorghos à grain est de
750 à 1000 kgrs en culture indigène. Sur
terrains médiocres ils produisent plus que le
Maïs. Sur terrain fertile la production est
bonne, mais ici il est plus intéressant de cul-
tiver le Maïs. En culture soignée, le Sorgho
peut donner 1500-2000, voire 2500-3000 kgrs
à l'Ha.
AUTRES CEREALES.
Les indigènes des régions de savanes du
Divers types de panicules de Sorghos Congo cultivent encore d'autres Céréales,
à balais (à gauche) et à grains (1/6 gr. nat.). notamment :
454 LES CULTURES COLONIALES

Le Millet à chandelles (« Bulrush Millet », consommée sur place, une partie sert à fabri-
« African Millet ») ou Pennisetum spicatum quer de l'huile, enfin une portion est expor-
ROEM& SCHULT.(P. typhoideum RICH.). Cette tée : 7.639 T. en 1938. Depuis la guerre l'ex-
Graminée est originaire d'Afrique; elle est portation se fait plutôt sous forme d'huile :
de petite taille (environ 1,50 m.) et porte un en 1948, 5.371 T., dont 4.460 vers la Belgique.
épi cylindrique. Elle se cultive comme le Il est à noter que les importations belges de
Sorgho et lui est d'ailleurs souvent associée. 1938 atteignirent 87.974 T. d'arachides et
On la rencontre dans les mêmes régions que 5.298 T. d'huile, de diverses origines.
le Sorgho.
L'Eleusine et description —
(« Kurakkan ») ou Eleusine Origine botanique.
coracana GAERTN., qui est la forme cultivée L'Arachide est originaire du Brésil. La
d'E. indica GAERTN. Cette Céréale est origi- principale espèce cultivée est Arachis hypo-
naire de l'Asie méridionale. Elle se cultive gaea L. En dehors de celle-ci, les Indiens
surtout dans l'Uele et l'Ituri. Elle atteint d'Amérique du Sud cultivent encore deux
une taille de 80-100 cm. et porte au sommet autres espèces : A. Nambiqucirae HOHNE et
des tiges un groupe de 3 à 8 épis de 5 à 15 A. Rasteiro CHEV., caractérisées par une plus
cm. de long, souvent courbés. grande taille et de plus grosses graines. A
On estime qu'au Congo, ces deux Céréales côté de ces trois espèces il existe encore neuf
occupent ensemble quelques 75.000 Ha, pro- espèces sauvages. Arachis hypogaea possède
duisant environ 50.000 T. de grain. 20 chromosomes haploïdes, sauf quelques va-
Le Froment se cultive aussi sur une petite riétés qui n'en possèdent que dix.
échelle, dans les régions montagneuses de Le genre Arachis appartient à la famille des
l'Est de la Colonie, notamment dans le Terri- Papilionacées de l'ordre des Légumineuses.
toire de Lubero, dans l'Ituri, au Ruanda- Arachis hypogaea est une plante annuelle,
Urundi, etc. Une certaine extension a été herbacée, à tiges érigées longues de 40-60 cm.
donnée à cette culture au cours de la guerre. ou à tiges rampantes longues de 50-100 cm.
Ainsi en 1943 la production a atteint 1.300 T., Il existe en effet deux sous-espèces ou variétés
alors qu'antérieurement elle était négligeable. botaniques. La racine pivotante est bien déve-
En 1948, les Indigènes ont récolté sur loppée et les nombreuses racines latérales por-
4.075 Ha, 3.449 T. de Froment, dont 1149 ont tent une grande quantité de nodosités. Les
été achetées par le Commerce local. feuilles sont alternes et composées de deux
paires de folioles ovales; à la base du pétiole
se trouvent deux stipules partiellement sou-
CHAPITRE m.
dées avec lui. Les feuilles se ferment la nuit,
LEGUMINEUSES ALIMENTAIRES. les folioles de chaque paire s'appliquant
l'une sur l'autre par leur face supérieure. Les
L'ARACHIDE. fleurs sont réunies par 2-4. ou plus en petits
Nous traitons l'Arachide et le Soja dans le épis axillaires. D'après BOUFFIL, il en est de
présent chapitre et non au chapitre des Plan- trois types : 1) fleurs souterraines, cleisto-
tes oléagineuses, parce que ces deux plantes games; elles sont normalement constituées,
sont plus importantes comme plantes vivriè- quoique leurs enveloppes soient réduites, et
res, au Congo Belge. fertiles; elles se présentent surtout chez les
La production mondiale d'Arachides (en variétés hâtives; 2) fleurs aériennes, norma-
gousses) s'est élevée en 1939 à 5.710.000 Ton- les, chasmogames, mais généralement pollini-
nes, non compris la Chine qui a eu une sées avant l'épanouissement; 3) fleurs mâles,
production de 2.631.000 Tonnes en 1936. Les apparaissant généralement en fin de florai-
principaux producteurs sont : l'Inde (plus son et sur les grappes les plus élevées. Il ré-
de 3 millions de tonnes), les Etats-Unis, le sulte de ces conditions de floraison que l'Ara-
Sénégal, la Nigérie, Java. Les principaux chide est une des plantes les plus strictement
exportateurs sont : l'Inde (600.000 T.), le autogames.
Sénégal et la Nigérie. Les fleurs se composent d'un tube calicinal
Au Congo Belge, la culture doit remonter très long; d'une corolle papilionacée, com-
au 16me ou au 17me siècle. Elle est pratiquée posée d'un étendard arrondi large de 10-12
sur une certaine échelle dans toute la Colonie, mm., deux ailes et une carène ; de 8-10 éta-
mais principalement dans les régions de sa- mines soudées en un long tube; d'un ovaire
vanes. En 1948 la surface a été de 195.696 infère contenant 3-4 ovules, surmonté d'un
Ha et la production de 111.872 T. d'arachi- style aussi long que les étamines. Les pétales
des décortiquées. La plus grande partie est sont jaunes, parfois (surtout chez les fleurs
LES CULTURES COLONIALES 455

supérieures) plus ou moins striés de rouge exige 48 d'huile sur matière sèche. Des
sur l'étendard. variétés non sélectionnées dosent générale-
La fructification de l'Arachide se fait ment 45 d'huile.
d'une manière très spéciale. Après féconda- VARIÉTÉS. — On distingue dans Arachis
tion et chute de la corolle, le réceptacle floral
hypogaea L. deux types, variétés ou sous-
des fleurs aériennes normales s'allonge en un
espèces : Arachis africana LOUR. (A. procum-
organe ressemblant à un pédoncule, large de bens WALDRON), l'Arachide rampante (« run-
1-2 mm. et long de 5 à 20 cm. : c'est le gyno- ner »), à fructification
le bas et fait dispersée, et A. asia-
phore. Celui-ci se dirige vers tica LOUR. (A. fastigiata
l'ovaire dans le sol où il achève son WALDRON),l'Ara-
pénétrer chide érigée (« bunch »), à gousses groupées
développement, pour devenir la gousse. Il se autour du collet. Outre les caractères ci-des-
développe au maximum 4 gynophores par épi sus, Arachis africana se différencie encore
et généralement un ou deux seulement. La
par une durée végétative plus longue, une
plupart des fleurs supérieures avortent, soit
fructification non simultanée (le produit con-
que leurs gynophores n'arrivent pas à at- tiendra donc des graines incomplètement
teindre le sol (surtout chez les variétés éri-
soit d'autres raisons. Dans sa mûres), une moindre production, une récolte
gées), pour moins facile (la plupart des pédoncules se
partie souterraine, le brisent à l'arrachage) ; par contre les graines
gynophore 's'entoure
ont une moindre tendance à germer dans le
d'un manchon mycé- sol, si l'on retarde la récolte, et la teneur en
lio-bactérien qui sem-
huile serait très légèrement supérieure.
ble être une véritable Il faut donc donner la préférence aux va-
association symbioti- riétés érigées. Au point de vue de la protec-
que, indispensable à la tion du sol, il n'y a pas d'objection, car les
maturation normale de
variétés érigées se sèment plus serrées. Les
la gousse. Celle-ci ne
variétés indigènes, c'est-à-dire en culture de-
peut se développer
dans puis des siècles au Congo, sont pour la plupart
complètement que certaines se caractérisent
le sol. Ce phénomène rampantes; par de
très grosses amandes. Le commerce congolais
porte le nom de géo- considère que la coloration rouge des amandes
carpie. Il existe aussi
chez d'autres correspond à une plus haute teneur en huile.
Il y a lieu de douter de l'existence de cette
espèces. (1) corrélation. En effet à Java on croit générale-
La gousse est ment à la plus haute teneur des variétés roses.
indéhiscente ; elle pos- Terminons ces remarques sur les variétés, en
sède une coque épaisse,
signalant qu'en Uganda il serait apparu que
plus ou moins ligneu- les variétés érigées sont moins sensibles à la
se, jaune clair, et con-
« rosette », mais plus attaquées par les sau-
tient 2-4 graines à épi-
terelles que les variétés rampantes.
derme mince, coloré en
rose ou rouge, excep-
Sol. — L'Arachide n'est pas exigeante
tionnellement en blanc
ou rouge foncé. La ger- quant au sol. Des terrains légers et lourds
mination est épigée. conviennent, pourvu qu'ils ne soient pas trop
La graine contient de pauvres. Il ne faut toutefois pas qu'ils soient
40 à. 52 Plant d'Arachide en trop compacts, en raison de la géocarpie.
d'huile sui- fleurs (1/4 grandeur na- C'est pourquoi on préfère
vant les variétés, le généralement des
turelle). - G, gynopho- sols relativement
pays d'origine et le de- re. — GF, gynophore légers. Les sols humides ne
gré de maturité. Cette avec fruit en voie de dé- conviennent pas, pour la même raison.
en effet, est veloppement. - B, no-
teneur, dosité radiculaire. — L'Arachide
maximale à maturité Climat. s'adapte aux cli-
(Extrait de mats
complète. Le commerce SPRECHER v. BERNEGG.) tropicaux et subtropicaux. Vu sa courte
durée végétative, on peut même la cultiver
en été, dans certaines régions tempérées de
(1) Voandzeia subterranea THOU. (voandzou ou Ha- Nord : Espagne, Midi de la
ricot bambara), Kerstingiella geocarpa HARMS.,deux l'hémisphère
espèces d'Afrique tropicale, et en partie aussi chez France, Etats-Unis. L'Arachide ne supporte
Trifolium subterraneum L, plante fourragère du bassin pas la gelée. Elle n'est pas exigeante au point
méditerranéen. de vue humidité. Ainsi au Sénégal elle se dé-
456 LES CULTURES COLONIALES

veloppe avec 250-300 mm. de pluies. YVES traitant du Riz. Après arrachage du recrû
HENRY indique comme optimum 500 mm. de la culture précédente, le sol subit un
pendant la végétation, à condition d'être bien simple houage. On ne confectionne pas de
répartis. L'Arachide peut cependant se dé- buttes, comme celà se fait parfois ailleurs.
velopper sous des climats beaucoup plus plu- Nos essais ont montré qu'il valait mieux se-
vieux : par exemple, au Congo central, à mer à plat, du moins à Yangambi. Le semis
Java, etc. La répartition est importante : il sur buttes donne un moindre rendement,
faut que la maturation et la récolte puissent sans doute parce que le sol se dessèche
se faire pendant une période sèche ou rela- trop. Sur sol lourd et humide, il pourrait se
tivement sèche. L'Arachide demande beau- justifier.
coup de lumière, l'élaboration de la matière
— L'épiderme de la graine
grasse demandant beaucoup d'énergie. La te- Multiplication.
neur en huile ne sera maximale que si la étant mince et la protégeant mal contre la
plante jouit du plein éclairement. Il y a lieu dessiccation, il est préférable de ne pas dé-
d'en tenir compte dans les associations et le cortiquer les Arachides à semer, longtemps
choix des dates de semis, en cas de culture d'avance. Le décorticage se fera si possible
à la main, les graines étant fragiles. Dans
mélangée.
tous les cas, surtout si le décorticage s'est
fait mécaniquement, on triera soigneusement
Préparation du sol. — La culture indi-
les graines. On ne trempe jamais les Arachi-
gène est peu soignée. Elle ne se fait presque
des, de peur de voir l'épiderme se déchirer
jamais sur défrichement forestier; la culture et les graines se fendre. De plus le semis
se pratique d'ailleurs surtout en savanes et
en forêt, les indi- mécanique deviendrait difficile et les graines
lorsqu'elle est pratiquée seraient exposées à sécher à nouveau dans
gènes sèment généralement sur les terrains
le sol, si les pluies venaient à manquer. Dans
entourant les cases (l). La culture se fait sou-
certains pays on sème les gousses entières.
vent en champs purs ou en association avec subir un
Celles-ci peuvent éventuellement
une espèce seulement : Maïs ou Manioc. S'il
trempage. Toutefois le procédé est à condam-
s'agit de Manioc, celui-ci est souvent planté ner, parce qu'on gaspille ainsi les graines,
lorsque les Arachides ont déjà pris un certain on ne peut faire un triage sévère de celle s-ci,
développement. Les indigènes sèment géné-
ni semer mécaniquement.
ralement sur buttes. Disons, pour en finir A Yangambi, il est préférable de ne pas
avec la culture indigène, que les Noirs ont semer avant avril ou octobre, c'est-à-dire pas
souvent tendance (par crainte de vol) de ré- avant le deuxième mois des pluies. Dans la
colter trop tôt, ce qui nuit à la valeur com- rotation indiquée plus haut, on sème l'Ara-
merciale du produit, principalement parce chide en mai. Celà permet de faire coïncider
que la teneur en huile est insuffisante. la maturation et la récolte avec la saison
L'Arachide, contrairement à ce que l'on sèche, pour des variétés précoces (variétés
pourrait supposer, ne demande pas un la- érigées).
bour profond. Il n'est d'ailleurs pas souhai- L'écartement ne dépassera pas 40 cm. en-
table que les gousses descendent trop pro- tre les lignes, pour les variétés érigées. A
fondément, ce qui rend la récolte plus Yangambi on sème actuellement à 20 X 20
difficile. Or il semble qu'un ameublissement cm. et on dépose deux graines par trou. Avec
trop profond du sol ait ce résultat. La pro- des semences fraîches (âgées de 3-4 mois au
fondeur du labour dépendra évidemment de maximum) et triées soigneusement, on peut
la nature du terrain. Pour un sol léger 15 cm. se contenter d'une graine par trou. La pro-
suffisent ; pour des sols lourds il faudra aller fondeur de semis est de 3-4 cm. En terrain
plus profondément. sec, très léger, on a avantage à semer un peu
Comme exemple de culture européenne, plus profondément.
décrivons brièvement la technique suivie à Le mode de semis est très important. En
Yangambi. Dans le système de culture en effet le rendement est plus élevé avec un
couloirs, appliqué actuellement à la Division semis serré et l'atteinte par la « rosette »
des Plantes Vivrières, l'Arachide vient au moindre. Ceci a été constaté en Uganda. A
cours de la sixième année après le défriche- Yangambi cette maladie est rare, mais le
ment. La rotation a été indiquée au chapitre premier avantage reste. Comme les graines
sont grosses et le rendement à l'hectare en
Arachides décortiquées relativement faible, il
(1) L'Arachide semble réussir moins bien sur défri-
chement forestier récent. est souhaitable d'utiliser le moins possible de
LES CULTURES COLONIALES 457

semences, donc de ne semer si possible qu'une Les plants sont arrachés à la main ou en
graine par trou. Beaucoup de planteurs adop- s'aidant d'une bêche ou d'une fourche, si le
tent des écartements plus grands et sèment sol s'est durci par une longue sécheresse. En
plusieurs graines par trou. Conformément à grande culture (Etats-Unis, etc.) l'arrachage
ce qui est dit ci-dessus, il vaut mieux utiliser se fait mécaniquement, au moyen d'appareils
la même quantité de graines à un semis plus analogues aux arracheuses de Pommes de
dense. Pour un semis à 20 X 20 cm. et une terre. On recherche à la main les gousses res-
graine par trou, il faut environ 150 kgrs à tées dans le sol. On peut cueillir les gousses
l'hectare. immédiatement ou bien laisser sécher plants
et gousses quelques jours sur champ, mais
Entretien. — On sarcle dans les débuts, celà expose au vol. Dans certaines régions,
mais dès que le sol est couvert, ce n'est plus par exemple aux Etats-Unis, on sèche sur
nécessaire et l'on risque de gêner le phéno- chevalets. Les gousses cueillies immédiatement
mène de la géocarpie. Un léger buttage exé- sont mises à sécher pendant quelques jours
cuté au moment du sarclage (par exemple, sur aire. Lorsque la dessiccation est complète,
avec l'appareil « Planet ») pourrait favoriser les graines sont libres et ballottent dans les
la fructification, surtout si le sol est relative- gousses. A la cueillette on fait un triage,
ment lourd ou a été tassé par de fortes c 'est-à-dire que l'on ne cueille que les gousses
pluies. complètement mûres et bien développées.
Il ne faut jamais regarnir les vides d'un La production moyenne à l'hectare est de
champ d'Arachides, parce que les plants du 1500-2000 kgrs de gousses sèches, donnant
second semis ne seraient pas complètement 60-65 de graines triées. Ce pourcentage est
mûrs au moment de la récolte. cependant souvent moindre, surtout en cul-
ture indigène. Les champs des indigènes pro-
— La levée commence
Cycle végétatif. duisent environ 750 à 1000 kgrs. Avec des
après 4-5 jours et est complète en une se- variétés sélectionnées on peut atteindre, en
maine, s'il ne pleut pas trop. L'excès de culture soignée, environ 2.500 kgrs. Le maxi-
pluie, comme la sécheresse, nuit à la germina- mum du rendement gousses/amandes semble
tion. Lorsque la levée d'un champ n'est pas être de 75 %, pour des variétés à coques
complète après une semaine, il ne faut pas minces.
espérer une bonne récolte. Les plants qui
pourraient encore lever par après ne se dé- — Dans la sélection
Amélioration. de
veloppent jamais convenablement. C'est
l'Arachide on vise à améliorer les caractères
pourquoi il est si important d'employer de
suivants : productivité, teneur en huile (plus
bonnes semences.
de 48 %), pourcentage d'amandes sur gous-
Pour des variétés précoces cultivées à Yan-
ses, précocité, résistance aux maladies. Notons
gambi, la floraison débute moins d'un mois ici qu'il ne semble pas exister de résistance
après la levée et se poursuit pendant un ou héréditaire à la « rosette », du moins n'a-t-on
deux mois. La durée totale de végétation est
d'environ 100-110 jours. Les fleurs inférieures pas encore trouvé de variétés ou de lignées
réellement exemptes de « rosette » en toutes
(fleurs fertiles) fleurissent les premières. Les situations.
variétés rampantes mettent 5-6 mois et plus
à mûrir. SÉLECTIONMASSALE.— Elle ne donne guère
de résultats. A Yangambi on n'a obtenu
Récolte. Rendement. Dans les climats aucune augmentation de rendement, après
tropicaux, à saison sèche marquée, le feuillage quatre années de sélection. On pourra évidem-
se dessèche, ce qui indique la maturité. A ment homogénéiser le produit, si le lot initial
proximité de l'Equateur il n'en est pas de contenait divers types, par exemple des
même, la maturité n'est pas apparente. Si amandes de diverses colorations ou dimen-
l'on tarde à récolter, une partie des graines
sions, et ainsi améliorer la valeur commerciale.
germe. Dans ces conditions il faut arracher,
à différents endroits du champ, un plant et SÉLECTION GÉNÉALOGIQUE. — La technique
examiner les gousses. Les signes de maturité est celle des plantes autogames, telles que le
sont les suivants : coques relativement sèches, Froment ou le Riz. Elle est même plus simple,
de coloration grise à l'intérieur; amandes de puisqu'il n'est pas nécessaire de prendre des
coloration rose ou rouge marquée; épiderme précautions contre le croisement spontané. A
se séparant facilement de la graine par frot- Yangambi certaines lignées ont été isolées,
tement. susceptibles de produire jusque 2.500 kgrs de

15*
458 LES CULTURES COLONIALES

gousses sèches à l'hectare, avec des pourcen- (506.000 T.) le Japon (348.000 T.), Java
tages de graines sur gousses atteignant 65- (326.000 T.). La Chine, à elle seule, aurait
70 Il est recommandable, après achèvement produit 5.911.000 T. en 1936. La Mandchourie
de la sélection, de constituer des mélanges de est pratiquement le seul pays exportateur :
quelques bonnes lignées, présentant des gous- 2.164.000 T. en 1938. Cette même année la
ses et des amandes de même aspect. Belgique a importé 22.046 T. de Soja et
— Le procédé 6.879 T. d'huile.
TECHNIQUEDE L'HYBRIDATION.
appliqué à Yangambi et Gandajika est le Les usages du Soja sont multiples. La plan-
suivant : les plants 'à croiser sont cultivés en te peut servir d'engrais vert; elle peut servir
pots, ce qui permet d'effectuer le croisement aussi, en entier ou après la récolte des gous-
à l'intérieur. La castration a lieu vers 8 heu- ses, de fourrage, soit à l'état vert, soit sous
res du soir. L'opérateur rabat les pièces de forme de foin, soit après ensilage. Les gousses
ou les graines avant maturité complète, les
graines germées constituent trois légumes de
grande valeur. La graine sèche est utilisée de
diverses façons dans l'alimentation humaine :
telle quelle, en farine, sous forme de prépara-
tions diverses (sauces, soupes, galettes, etc.).
On peut en extraire une huile alimentaire ou
industrielle (teneur environ 18 %) ou l'utili-
ser à la fabrication de lait ou de fromage
artificiels (teneur en matières protéiques 30-
36 et plus). Graines et tourteaux servent
dans l'alimentation des animaux. L'industrie
extrait aussi la « caséine » du Soja, comme
matière première pour la fabrication de gala-
lithe, laine artificielle, etc. L'industrie ali-
mentaire l'utilise encore dans la fabrication
Parcelles de sélection d'Arachides à Yangambi. de produits spéciaux : macaroni, aliments
(Photo OPSOMER.)
pour diabétiques, etc.
la corolle vers le bas et incise la carène, pour Le Soja est employé aussi dans la fabrica-
libérer les anthères. Ensuite il enlève celles-ci tion des explosifs.
au moyen de fines pinces. Après avoir déposé
un tampon d'ouate à la base du style (pour Origine et description botanique. —
empêcher la dessiccation), il remet les pièces Glycine Max (LINN.) MERR. (1), de l'ordre
de la corolle en place et protège la fleur au des Légumineuses, famille des Papilionacées,
moyen d'un tube en verre, soutenu par une est originaire de l'Asie orientale : Mandchou-
tige en fil de fer. Ce tube mesure environ rie, Mongolie, Corée, Chine, Japon. Le Soja
7 cm. de long et 1,5 cm. de diamètre. Il con- cultivé proviendrait de G. ussuriensis RECEL
tient un petit tampon d'ouate humectée, afin & MAACK(Soja ussuriensis MAX.) qui croît à
de maintenir une certaine humidité autour l'état sauvage dans ces régions. Les deux es-
de la fleur. La pollinisation a lieu vers 3-4 pèces possèdent .20 chromosomes haploïdes.
heures du matin. A ce moment le tube et le La culture s'est répandue depuis des siècles
tampon d'ouate placé à la base du style sont dans le Sud de l'Asie et l'Archipel malais.
retirés. Les anthères du plant paternel sont Au 19me siècle elle a été introduite en Europe,
mises en contact avec le style. Ensuite la fleur Amérique, Afrique, Australie. Des essais ont
est isolée à nouveau. été faits dans toutes les régions tropicales et
subtropicales et dans beaucoup de régions tem-
LE SOJA. pérées. Au Congo des essais sont en cours de-
puis plusieurs années. Les statistiques de 1948
La production mondiale de Soja atteignit mentionnent une surface de 1.400 Ha, en
8.780.000 tonnes en 1939, non compris la pro- culture indigène, et une production de 960 T.
duction chinoise. Les principaux producteurs Le Soja est une plante herbacée annuelle,
sont : la Mandchourie (4.961.000 T.), les
Etats-Unis (2.378.000 T.) (1), la Corée
(1) Les synonymessont nombreux: G. Soja BENTH.,
G. hispida MAX., Soja hispida MOENCH.,S. Max
(1) 5.269.000T. en 1946. PIPER,Dolichos Soja L., etc.
LES CULTURES COLONIALES M

généralement érigée, atteignant 30-50-100 cm. grand nombre de variétés différentes. Géné-
de haut. Certaines variétés cependant sont ralement les variétés jaunes ou vertes sont
plus ou moins rampantes ou volubiles (1). plus riches en huile que les variétés foncées.
Paï son aspect général le Soja rappelle le La germination est épigée, comme chez le
Haricot nain. La tige est anguleuse et pu- Haricot commun.
bescente. Les feuilles sont trifoliolées, à fo- Généralement le Soja présente une florai-
son de courte durée, si bien que toutes les
gousses mûrissent en même temps. Au Congo
toutefois ce n'est très souvent pas le cas, ce
qui contituerait un inconvénient au point de
vue commercial. Le défaut pourrait sans
doute être corrigé par la sélection.

Sol. — Le Soja n'est pas exigeant. Il pousse


sur des terres légères et lourdes, mais craint
les sols humides. Sur une terre vierge, c'est-
à-dire n'ayant jamais porté de Soja, il pous-
se généralement mal, à cause de l'absence des
bactéries spécifiques des nodosités radicu-
laires. Aussi est-il généralement nécessaire ou
utile d'inoculer. On a cru longtemps que le
Soja ne pouvait s'inoculer qu'au moyen d'une
variété ou race de bactéries bien déterminée,
Rameau de Soja avec fleurs et jeunes gousses.
(1/3 grandeur naturelle.) spécifique. Plus récemment on a remarqué
(Extrait de SPRECHER V. BERNEGG.) qu'il pouvait cependant s'inoculer aussi au
moyen de « cultures » de bactéries de diver-
ses autres espèces. Ces espèces constituent,
lioles entières et pubescentes. La disposition
est alterne. Forme, dimension et couleur des en ce qui concerne la possibilité d'inoculation
feuilles varient fortement d'une variété à réciproque, un groupe appelé « groupé du
Pautre. La couleur varie de vert jaunâtre au Cowpea ». Il contient notamment l'Arachide,
vert foncé. Les fleurs sont petites, peu visi- divers Haricots, Pueraria, Mucuna, Vigna
bles, solitaires ou réunies en sinensis, Dolichos, Crotalaria, Cajanus, etc.
contenant Toutefois si la chose est possible au labora-
petites grappes
jusque 6-8 fleurs, placées à toire, il semble qu'au champ il n'en soit pas
l'aiselle des feuilles. La cou- toujours de même. En effet, à Yangambi, où
leur est blanche ou mauve. toutes les espèces précitées sont cultivées, le
Le Soja est le plus souvent Soja ne porte pas ou pratiquement pas de
strictement autogame. Les nodosités, en l'absence d'inoculation artifi-
cielle. Peut-être certaines variétés de Soja
gousses longues de 3-6-8 cm.,
sont vertes avant maturité, sont-elles moins strictement adaptées à une
devenant ensuite jaune bru- bactérie déterminée. Par ailleurs certaines
nâtre, brunes, noirâtres ou variétés, par exemple la variété à graines
noires « Otootan », semblent pouvoir se
noires, suivant les variétés.
Elles sont glabres ou velues développer de façon satisfaisante tout eh ne
et contiennent 2-5 graines. portant pas de nodosités. Néanmoins l'inocu-
Celles-ci sont de dimension lation artificielle augmente les rendements de
la plupart des variétés, y compris « Otootan ».
variable, rondes ou ovales,
en même temps grosses ou L'inoculation peut se faire de diverses ma-
aplaties, colorées en noir, nières : épandage de terre ayant porté du
Rameau de Soja brun, jaune, jaune clair ou Soja muni de nodosités, épandage de « cul-
portant des gousses vert, parfois panachées. Le tures pures » de laboratoire ou bien, ce qui
mûres. hile est coloré comme le res- sera généralement le procédé le plus écono-
(1/2 grand, natur.)
(Extr. de SPRECHER te de la graine ou différem- mique et le plus commode, inoculation des
v. BERNEGG.) ment. Il existe ainsi un très semences avec les dites « cultures ». Il suffit
pour celà d'humecter la « culture », puis de
mélanger les graines avec le produit, de façon
(1) Il est à noter que Glycine ussuriensis est volubile. à les enrober. On sème immédiatement. On
460 LES CULTURES COLONIALES

peut cependant attendre que les graines maturation est simultanée pour toutes les
soient sèches si l'on désire semer mécanique- gousses, on arrache les plants entiers, les
ment, et l'on peut à la rigueur retarder le expose une ou deux heures au soleil sur le
semis plus longtemps encore (jusqu'un mois). champ et les bat immédiatement. Il ne reste
Ceci permettrait de vendre et expédier des plus alors qu'à achever la dessiccation des
semences inoculées. graines sur aire. En grande culture, par
exemple aux Etats-Unis, on fauche mécani-
Climat. — Le Soja a une aire d'extension quement, lie en bottes et sèche celles-ci plu-
très grande, comparable à celle du Maïs. sieurs jours au soleil avant de battre. Si l'on
Toutefois, contrairement au Maïs, il est de par tardait aussi longtemps avant de battre, au
son. origine subtropical. On constate de fait Congo, où il fait beaucoup plus chaud, toutes
que dans les régions voisines de l'Equateur les gousses éclateraient.
et à basse altitude, le Soja pousse moins bien Les rendements atteignent à Yangambi,
et produit moins. Il préfère un climat moins pour l'ensemble des variétés, 500 à 1000 kgrs
humide, étant d'ailleurs très résistant à la de graines sèches à 1 'hectare. La variété
sécheresse. Il est moins sensible au froid que « Otootan » peut donner 1000-1500 kgrs. En
le Maïs, ce qui s'explique par son origine. général les variétés à graines foncées sont
— A Yangambi, la culture du plus rustiques et plus productives que les
Culture. autres. En Mandchourie le Soja produit 1500-
Soja est fort analogue à celle de l'Arachide, 2000 kgrs à l'Ha et aux Etats-Unis 1500-
notamment en ce qui concerne la préparation 2500 kgrs.
du sol, la place dans la rotation, l'époque des
Les rendements obtenus au Congo ne se
comparent pas défavorablement à ceux de
l'Arachide, qui sont exprimés en gousses et
non en graines. Mais l'Arachide a l'avantage
d'être connue des indigènes et d'être de con-
sommation plus facile et plus agréable. Vu
la valeur toute particulière des protéines du
Soja, comparables à celles de la viande, il
est cependant souhaitable de tenter l'intro-
duction de cette plante dans les cultures in-
digènes, là où la viande est rare. Le Soja
étant de cuisson difficile, on pourrait recom-
mander la consommation des graines avant
maturité complète, la teneur en protéine des
graines (contrairement à la teneur en huile)
n'étant guère moindre à ce stade.
Champ de Soja.
K.J
(Photo C. S. K.)
AUTRES LEGUMINEUSES ALIMENTAIRES.

semis, l'écartement qui sont identiques. Dans Les indigènes cultivent encore, pour leur
la rotation des « couloirs » le Soja se sème alimentation, diverses autres Légumineuses.
en octobre de la sixième année. On dépose Leur importance n'est nullement négligeable,
2-3 graines par poquet à 3-4 cm. de profon- puisqu'elles sont estimées couvrir quelques
deur. A 20 X 20 cm., il faut 100-150 kgrs de 90 à 100.000 Ha. Les statistiques de 1948 ren-
semences à l'hectare, d'après la grosseur des seignent 87.030 Ha de Pois et Haricots,
graines. La durée de végétation est générale- ayant produit 49.161 T. Le Commerce en a
ment de 90 jours environ, pour certaines acheté 11.014 T. et exporté 1.351 T. Il y eut
variétés 80, pour d'autres 100-120 jours. La en outre 12.040 Ha de Voandzou. Les Hari-
maturité se reconnaît généralement au feuil- cots précités sont soit des Phaseolus, soit prin-
lage. Il est préférable toutefois de se baser cipalement des Vigna. Les indigènes cultivent
sur la texture des graines : celles-ci doivent aussi le Pois Cajan. Quelques colons, notam-
avoir une dureté telle que l'on puisse encore ment dans l'Ituri, cultivent des Haricots pour
tout juste les rayer à l'ongle (du moins si la vente aux Sociétés minières. Ces cultures
l'on désire récolter à maturité complète). Une couvraient 582 Ha en 1948 et produisirent
fois ce stade atteint, il ne faut pas tarder à 366 T.
récolter, car les gousses sont déhiscentes et Vigna sinensis ENDL. (IR. Catjang WALP.) :
l'on perdrait une partie des graines. Si la originaire de l'Asie orientale, connu généralc-
LES CULTURES COLONIALES 461

ment dans la littérature sous les noms de d'interplanter d'autres espèces, c'est ce que
« Voème » ou « Voehm » et, pour certaines l'on fait d'ailleurs en Afrique orientale. On
variétés, de « Haricots à œil noir ». Au récolte les gousses vertes comme légume, ou
Congo, on les désigne habituellement sous le à maturité complète pour la consommation
nom de « nkunde ». L'espèce est particulière- des graines. Après chaque récolte il faut tail-
ment riche en variétés. Certaines conviennent ler les plants, à une hauteur d'un mètre
mieux à l'alimentation humaine (légume vert environ. Cette taille se fait avant l'arrivée de
ou sec), d'autres sont utilisées comme four- la saison des pluies. Elle est nécessaire pour
rage, notamment aux Etats-Unis où elles por- maintenir la production. Les rendements
tent le nom de « Cowpeas ». Enfin la plante peuvent atteindre 1000-1500 kgrs de graines
peut servir d'engrais vert. Parmi les variétés sèches, en culture pure.
comestibles, la plupart sont rampantes ou Le Pois cajan peut servir de plante de
volubiles. Certaines possèdent des gousses couverture pour jachères. Il a l'avantage
pouvant atteindre 85 cm. de long (« Katjang d'être une des rares espèces fournissant un
pandjang »). Les graines sont réniformes ou produit. Il est intéressant, comme engrais vert
parallélogrammatiques, blanches, grises, jau- toujours, de l'introduire en mélange dans les
nes, brunes, rouges, violettes ou noires. La cul- cultures vivrières.
ture est très simple. On sème à des distances
variant entre 50 et 75 cm., en carré. On utilise CHAPITRE IV.
ou non des tuteurs. La récolte débute vers
trois mois et se poursuit quelque temps. Les RACINES ET TUBERCULES.
rendements sont élevés : environ 1500 kgrs
de graines sèches et plus. Les indigènes ap- LE MANIOC.
précient cette plante. Ses graines ont cepen- Le Manioc constitue la base de l'alimenta-
dant le grave défaut d'être fortement atta- tion de la plus grande partie de la population
quées par les bruches, au cours de la
indigène du Congo Belge. La surface en cul-
conservation. ture a été de 580.471 Ha en 1948 et la pro-
Voandzeia subterranea THOUARS:originaire duction de 4.910.820 T. de racines fraîches.
d'Afrique et connu sous les noms de Voand- Le Commerce en a acheté 456.607 T. Etant
zou, Pois d'Angole, « Haricot bambara », la principale culture vivrière de la Colonie,
etc. Il est cultivé sur une petite échelle dans le Manioc mérite une attention toute parti-
le Nord de la Colonie. Le Voandzou rappelle culière de la part des Services de recherches
l'Arachide par son aspect et son mode de agronomiques. Le Manioc occupe également
fructification. Gousses et graines sont cepen- une place importante dans plusieurs autres
dant plus petites et il n'y a généralement régions tropicales. Les données statistiques
qu'une graine par gousse, parfois deux. Les sont cependant rares. Voicr quelques rensei-
graines sont blanches, jaune clair, brunes, gnements fragmentaires : Brésil : ± 950.000
noires ou tachetées. Leur teneur en huile est T. de farine (± 20 du poids des racines
de 4 à 7 La maturation est toujours irré- fraîches). Madagascar : ± 320.000 Ha et une
gulière et le rendement faible. Les graines se exportation, en 1938, de 44.523 T. de farine,
consomment fraîches, soit grillées, soit bouil- tapioca, etc. Java : ± 950.000 Ha, une pro-
lies. Le mode de culture est semblable à celui duction de ± 8.000.000 T. de racines et une
de l'Arachide. La durée de végétation est exportation, en 1938, de 246.765 T. de farine,
de 4 à 5 mois. tapioca, cossettes, etc.
Le Congo Belge ne produit jusqu'à présent
Cajanus Cajan DRUCE(C. indiens RPRENG.):
originaire de l'Asie du Sud, connu sous les pas de tapioca. Il a exporté, en 1948, princi-
noms d' Ambrevade, Pois cajan, « Pigeon palement vers la Belgique, 3.659 T. de cos-
Pea », etc. La plante est cultivée sur une settes et 11.644 T. de farine. En 1938 la
grande échelle dans l'Inde anglaise. Elle est Belgique a importé 459 T. de tapioca.
cultivée également au Kenya-Uganda et en Le Manioc est surtout cultivé dans la zone
certaines régions du Congo Belge, notamment forestière et au Bas-Congo ; on le trouve aussi
dans le Bas-Congo. L'Ambrevade est un dans les régions de savanes, sauf à haute
buisson pouvant atteindre 1,50 à 3 m. de haut altitude.
et pouvant vivre plusieurs années. Il est
toutefois préférable de ne conserver les plants Origine et description botanique. — Le
que deux ans. La culture est facile. On sème Manioc est originaire du Brésil et des régions
à environ 1,50 m. de distance. Il est utile voisines : Guyanes, Vénézuéla, etc. H a été
462 LES CULTURES COLONIALES

importé en Afrique par les Portugais, au la moelle (blanche et spongieuse) occupe plus
16me ou au 17me siècle. de la moitié de la section. La ramification se
Botaniquement le Manioc appartient à fait d'une façon particulière, en relation avec
l'espèce Manihot utilissima POHL., de la fa- la floraison. Chaque fois que la plante fleurit,
mille des Euphorbiacées. Comme toutes les elle est obligée de se ramifier, du fait que les
plantes de cette famille, le Manioc contient inflorescences sont terminales. Généralement
trois bourgeons axillaires, très rapprochés, se
développent, donnant naissance à trois ra-
meaux paraissant insérés à un même niveau.
Ces rameaux peuvent se ramifier à leur tour
et ainsi plusieurs fois, chaque fois qu'il y a
floraison. Les variétés qui ne fleurissent pas
ne se ramifient pas et donnent des plants
constitués de deux ou trois longues tiges pa-
rallèles. La tige ou la portion de tige encore
jeune a une coloration vert clair ou foncé,
parfois pourpre ou marquée de taches ou
stries pourpres; plus tard il se forme une
couche subéreuse grise, argentée, brun clair
ou foncé, chocolat, etc. Les feuilles sont al-
ternes, portées par un pétiole long muni
de deux stipules caduques (plus ou moins
découpées et colorées) ; elles possèdent un
limbe palmatiséqué. Les lobes foliaires, au
nombre de 3-5-7-9, sont de dimension et forme
variables : oblongs, obovales, lancéolés, quasi-
linéaires. Exceptionnellement on trouve des
variétés à feuilles entières et des variétés ou
des monstruosités ou des formes pathologi-
ques (1) à feuilles composées (c'est-à-dire
présentant de véritables folioles munies, de
pétiolules). Les feuilles sont vert clair ou
foncé, parfois pourpres, dans certains cas
pourpres dans le jeune âge, vert foncé dans
la suite. Les parties jeunes des tiges, les
pétioles et les feuilles peuvent être glabres
ou plus ou moins pubescents. Les pétioles et
les nervures foliaires sont colorés en vert,
Plants et racines de Manioc. blanc, rose, rouge ou pourpre, sur les deux
(Photo Département de FAgriculture, Buitenzorg.) faces ou à la face supérieure seulement. Les
pétioles peuvent aussi être colorés aux deux
du latex dans ses différents organes. Il pos- extrémités seulement.
sède 18 chromosomes haploïdes. On a consta- L'inflorescence est une panicule terminale,
té, au Brésil, des cas de doublement du
composée d'un axe principal et de 2-4 ou un
nombre de chromosomes. Les
plus grand nombre d'axes latéraux.
Le Manioc est un arbuste pluriannuel, mais fleurs sont unisexuées, mais les panicules
généralement cultivé comme plante annuelle comportent généralement des fleurs des deux
ou de courte durée. Il peut atteindre une sexes. Les fleurs femelles se trouvent à la
taille de 4-5 m., mais en culture il ne dé- base des axes. Il y a en moyenne 20 fleurs
passe guère 2-3 m. Le diamètre des tiges est femelles pour 100 fleurs mâles. Dans les deux
de 2-5 cm. Il possède des racines épaissies,
sexes, les fleurs sont dépourvues de corolle.
tubérisées, riches en fécule, pouvant atteindre Les fleurs femelles possèdent un calice haut
30-50 cm., voire plus d'un mètre de long, et de 9-11 mm., avec cinq lobes divisés jusqu'à
un diamètre de 5 à 10 cm. Les racines possè- la base. Chez les fleurs mâles, le calice ne
dent une couche externe subéreuse brune,
jaune ou blanche ; une écorce blanche, jaune,
rose ou violacée et une chair blanche ou (1) Formes pathologiques?Peut-être, car ces Maniocs
jaune. Les tiges sont fragiles, du fait que sont toujours fortement atteints de « Mosaïque ».
LES CULTURES COLONIALES 463

mesure que 4-6 mm. et est soudé, ne présen- teurs l'ont prétendu, de les distinguer par des
tant que cinq lobes courts. Les fleurs sont caractères morphologiques, il n'est pas per-
incolores, jaunâtres, roses ou pourpres. Les mis d'en faire deux espèces distinctes. Toutes
fleurs mâles possèdent deux verticilles de les variétés douces groupées sous les noms
cinq étamines et un ovaire rudimentaire. Les de Manihot dulcis BAILLONOU M. Aipi POUL.,
fleurs femelles présentent un, ovaire supère,
triloculaire, à un ovule par-loge, un style
court, un stigmate divisé en trois lobes garnis
de protubérances et dix staminodes.
Beaucoup de variétés ne fleurissent pas,
soit que les boutons floraux avortent dès leur
apparition, soit que l'âge auquel on les récolte
ne leur en donne pas l'occasion. Les fleurs
femelles fleurissent toujours avant les fleurs
mâles, ce qui exclut toute possibilité de fé-
condation à l'intérieur de la panicule et même
de la plante, puisque toutes les inflorescences
présentes à un moment donné ont le même
âge. Le Manioc est de ce fait allogame. L'au-
tofécondation est toutefois possible dans un Fleurs femelles de Manioc, (env. 1.4 X grand, nat.)
champ monoclonal. Le transport du pollen se
fait par des insectes, principalement des rentrent en réalité, auprès des variétés amè-
abeilles. Le fruit est une capsule ligneuse, res, dans l'espèce M. utilissimei POHL.
hexagonale, de 12-15 mm. de diamètre, à trois Il est inexact de dire que les colorations :
loges. A maturité il éclate avec un bruit sec, vert foncé, rouge ou pourpre de certains or-
comme le fruit de l'Hévéa, projetant les ganes sont caractéristiques des variétés amè-
graines à distance. Les graines sont ellipti- res, de même que la grande taille, la tardi-
ques, longues de 8-10 mm., grises ou brunes,
munies à la base d'une caroncule (1) blanche.
La germination est épigée; les cotylédons se
déploient et verdissent. En culture le Manioc
se multiplie par bouture. Le semis n'est em-
1 1
ployé qu'en vue de la création de nouvelles
variétés.
On distingue chez le Manioc des variétés
amères et douces, ou plus exactement toxi-
1
ques et non-toxiques. En effet des variétés
douces peuvent être toxiques. Cette toxicité
est due à un glucoside cyanogénétique con-
tenu dans le latex. Ce glucoside se dissocie
sous l'action de certaines enzymes de l'esto-
mac et libère de l'acide cyanhydrique. Le Fleurs mâles de Manioc, (env. 2.2 X grand, nat.)
glucoside est présent dans toutes les parties (Extrait de KOCH.Cassaveselectie. Wageningen.)
de' la plante et chez toutes les variétés. La
différence entre variétés toxiques et inoffen- vité, la haute productivité. Tous ces carac-
sives réside, non dans la présence ou l'ab- tères, comme leurs réciproques, se rencontrent
sence du glucoside, mais dans sa teneur et chez les Maniocs amers, comme chez les
sa répartition. Chez les variétés toxiques le Maniocs doux.
glucoside est réparti dans toute la racine,
chez les variétés non-toxiques principalement
Sol. — Le Manioc est « relativement »
dans l'écorce. Le pelage des racines sup-
peu exigeant, mais, étant donné sa longue
prime donc la quasi-totalité du glucoside,
chez ces dernières variétés. Etant donné que végétation et l'importance de sa production
(souvent plusieurs dizaines de tonnes), il en-
les deux groupes contiennent le glucoside et lève au sol de grandes quantités d'éléments
qu'il n'est pas possible, comme certains au- nutritifs. Toutefois, le sol étant mieux pro-
tégé que par la plupart des autres plantes
(1) Renflement du funicule de l'ovule. annuelles, la dégradation et les pertes d'élé-
464 LES CULTURES COLONIALES

ments nutitifs (1) seront moindres. Le Manioc faut donc l'intercaler dans des plantations
sera de ce fait une culture moins dévastatrice arborescentes, que dans les débuts (culture
que celle des Céréales, par exemple. indigène). Enfin en raison de la fragilité de
Le Manioc s'accommode de toutes sortes de ses tiges et de son enracinement peu profond,
il ne supporte pas les vents violents. En forêt
sols, mais sa production sera évidemment le
reflet de la qualité de celui-ci : elle pourra le Manioc est abrité naturellement. En d'au-
varier de 5-6 à 50-60 tonnes de racines fraî- tres situations il faudra éventuellement pré-
ches à l'hectare. Le Manioc affectionne les voir une protection (haies, etc.).
sols meubles, perméables. Il ne supporte pas
les terrains humides, ce qui se conçoit pour Culture indigène au Congo Belge. —
une .plante-racine. Il existerait cependant au La culture du Manioc est des plus faciles.
Vénézuéla plusieurs variétés pouvant se cul- La multiplication est aisée, les boutures re-
tiver sur sol marécageux. Puisque le Manioc prennent pratiquement toujours et presque
demande des sols meubles, les sols forestiers sans déchet, la croissance est rapide; la plante
lui conviennent particulièrement. Aussi la a peu d'ennemis au Congo Belge (comme ma-
culture est-elle surtout développée dans la ladies, il n'y a pratiquement que la Mosaïque,
zone forestière. et comme ennemis, divers mammifères) ; le
rendement est élevé et le problème de la con-
Climat. — Le Manioc demande un climat servation ne se pose pas, la récolte pouvant
humide et chaud. Au delà de 1500 m., même se faire à mesure des besoins pendant de
sous les Tropiques, la culture n'est plus à longs mois. C'est une plante providentielle
conseiller. On constate d'ailleurs, qu'à éga- pour les indigènes peu évolués des pays chauds.
lité de qualité du sol, le rendement est tou- Au Congo, le Manioc est cultivé presqu'ex-
jours supérieur à faible altitude. Quoique le clusivement par les indigènes.
Manioc préfère un climat humide, il est ce- Les procédés de culture sont très primitifs.
pendant très résistant à la sécheresse ; il peut En forêt l'indigène se contente de donner
se cultiver dans les ré-
gions à saisons sèches
marquées. En aucun
cas le Manioc ne sup-
porte la gelée, ni même
des températures rela-
tivement basses ; il
n'existe toutefois pas
d'observations précises
à ce sujet. Le Manioc
se développe plus rapi-
dement et est récolta-
ble plus tôt (10-12
mois) dans les régions
équatoriales, que dans
les régions plus élevées
ou en zone tropicale
(18-24 mois et plus).
En ce qui concerne les
quantités de pluie, le
Manioc demande, pour
produire normalement,
1000 à 2000 mm. an- Champ de Manioc.
nuellement. Il suppor- (Photo DE SAEGERJ
SAEGER.)
te des quantités lar-
gement supérieures, pourvu que le sol soit quelques coups de houe ou de machette, ou
bien drainé (perméable). de confectionner des buttes (les usages varient
Le Manioc demande le plein soleil. Il ne d'après les régions) aux emplacements des
boutures. La plantation a lieu au début des
(1) Ces pertes sont souvent supérieures aux quan- pluies et pendant les semaines suivantes, car
tités exportéespar la plante elle-même. il y a avantage à l'échelonner. Les boutures
LES CULTURES COLONIALES 465

mesurent de 15 à 40 cm. de long et sont la plantation sur buttes, contre 100 pour la
enfoncées par 2-3, verticalement, obliquement plantation ordinaire.
ou horizontalement, à chaque emplacement.
Généralement l'indigène plante un mélange Multiplication. — Quelques jours à 2-3
de variétés et. ne prête aucune attention à semaines avant la plantation, a lieu la coupe
la Mosaïque, qu'il ne considère le plus sou- des tiges destinées à fournir le bois à boutu-
vent pas comme une maladie. Il ne veille rer. Ces tiges sont choisies sur des plants
donc pas à prendre ses boutures sur des sains, exempts de Mosaïque; on supprime le
plants sains. Dans son champ de Manioc, il sommet et les feuilles, lie en bottes et con-
intercale du Maïs, des Haricots, des Courges, serve sous hangar, si la plantation n'a pas
des Patates douces, des Bananiers, etc. Les lieu à bref délai. Le prélèvement des tiges
écartements sont très irréguliers : de 2-3 m. doit se faire dans une parcelle âgée d'un an
pour le Manioc, le Maïs, etc., 7-10 m. pour le au moins et destinée à être récoltée peu de
Bananier. Grâce au mélange le sol est com- temps après. Pour des raisons d'organisation,
plètement garni. Toutes ces récoltes s'éche- on peut être obligé de conserver les tiges plus
lonnent : Haricots dès deux mois, Courges de 2-3 semaines, ce qui est parfaitement pos-
2 1/2-3 mois, Maïs 3 mois, Patates douces 4- sible. D'un autre côté, il n'est pas permis de
5 mois, Manioc 8-10 jusque 18 mois et plus,
prélever du bois dans une parcelle qui sera
Bananes 12-14 mois. récoltée beaucoup plus tard, parce que celà
Ces cultures mélangées, ainsi qu'il a été nuit au rendement. La récolte anticipée des
dit plus haut, sont très recommandables, pour tiges ne nuit nullement à leur valeur, mais
la protection du sol. Après la récolte du au delà de 3-4 semaines il est nécessaire de
Manioc, une nouvelle plantation est faite plus supprimer les extrémités qui se dessèchent. Il
ou moins progressivement, au moyen de di- suffit donc de couper une provision un peu
verses espèces toujours, à l'exception du Ba- plus abondante. D'autre part il semble né-
nanier qui dure plusieurs années. Le terrain cessaire d'accorder au moins quelques jours
est ainsi occupé pendant 3-4 ans et plus, de repos au bois à bouturer : la reprise est
puis abandonné à la jachère. meilleure et plus rapide dans ce cas. Lors-
En savane, le Manioc est planté après la- qu'il faut conserver des tiges pendant un
bour et généralement aussi en mélange avec certain temps, il faut les placer verticalement,
diverses autres plantes ou en rotation plus dans un endroit frais, afin d'éviter la sortie
ou moins régulière. Il n'est récoltable des yeux. Pour l'expédition à grande dis-
qu'après 15-18-24 mois et plus; on ne le tance on paraffine les sections, après les
plante qu'une fois au cours d'une même pé- avoir laissé sécher. On cnveloppe de toile de
riode de culture. jute et dispose les diverses bottes dans une
caisse à claire-voie. Le bois peut supporter
Culture Européenne. ainsi un voyage de deux mois et plus.
La taille des boutures se fait au moment de
Préparation du sol. - Dans les rotations la plantation ou la veille, au moyen d'un
citées au chapitre du Riz, le Manioc est couteau ou d'une machette. L'opération doit
planté en deuxième ou même en première se faire progressivement, et non pas d'un
saison de la première année, sans labour. A
coup sec, pour éviter de fendre les boutures,
Yangambi, les boutures sont plantées dans ce qui expose à la verse. Les boutures ont
des parcelles déjà occupées par du Riz, donc une longueur moyenne de 25 cm. (la longueur
sans faire usage de buttes. n'a guère d'influence sur le rendement, si
Dans les situations nécessitant le labour, elle n'est pas inférieure à 15-20 cm.) et un
par exemple, en savane ou en culture perma- diamètre de 2-2,5 cm. Il faut les tailler dans
nente, comme à Java, on évite de travailler les tiges et non dans les ramifications, et en
le sol trop profondément. Des essais faits à prélever au maximum 4-5 par tige, dans les
Buitenzorg, pour des profondeurs de labour portions inférieures. En effet les boutures de
de 15, 30 et 45 cm., ont donné respectivement, base donnent une production supérieure. Des
les rendements étant rapportés à cent : 100, essais faits à Buitenzorg, dans lesquels on
103,6 et 97,9. Les différences sont donc né- comparait trois lots de boutures constitués
gligeables. La confection de buttes, avant la par les deux boutures inférieures, les deux
plantation, n'a généralement pas d'influence moyennes et les deux supérieures, prises dans
sur le rendement. A Buitenzorg, on a obtenu des tiges taillées en six morceaux, ont donné
des productions correspondant à 97,1 pour respectivement 100, 85,8 et 67,4 comme ren-
466 LES CULTURES COLONIALES

dement. Les boutures doivent en outre ré- ment pas possible. Il faut éviter de butter
pondre aux exigences suivantes : avoir une tardivement, trop haut ou plusieurs fois. Tout
moelle blanche et saine, ne pas être taillées celà est à condamner, parce que celà expose
depuis plus de dix jours, ne pas être four- à la formation de verticilles supplémentaires
chues, ni courbes, posséder au moins 4-5 de racines qui nuisent .à l'épaississement des
yeux (sinon augmenter leur longueur), ne racines normales et n'atteignent, elles-mêmes,
pas avoir d'yeux déjà développés (sortis). que des dimensions réduites. La taille ou l'éci-
Dans les « couloirs » de Yangambi, le mage (pincement) est nuisible au rendement.
Manioc se plante généralement en octobre. A En culture indigène on peut cependant le
la rigueur on peut le planter à un moment tolérer, parce que la feuille de Manioc con-
quelconque de la saison des pluies. Toutefois, stitue un légume de grande valeur. On sarcle
en plantant au début des pluies, on obtiendra une ou plusieurs fois, suivant les besoins.
toujours une plus forte production. A Buiten-
zorg, pour quatre dates de plantation échelon- Cycle végétatif. La reprise débute après
nées de mois en mois depuis le début des 5-6 jours et est complète après une dizaine
pluies, la récolte ayant lieu à 12 mois dans de jours. Le sol est couvert après trois mois
tous les cas, on a obtenu des rendements environ. Certaines variétés fleurissent à 4
équivalant respectivement à 100, 88,1, 78,6 mois (par exemple Akolu), d'autres après
et 63,5. 6-7 mois (par exemple Aipin Valenca), les
L'écartement habituel est de 1 X 1 m. Les autres plus tard ou pas. En général on peut
boutures sont enfoncées obliquement dans le dire que, plus les conditions de croissance
sol, en les enterrant aux trois quarts et en sont favorables, plus la floraison est tardive,
évitant toute inversion. Nos essais ont montré et aussi qu'une variété fleurissant précoce-
qu'il n'y a aucune différence de rendement ment est peu productive. Il y a cependant
entre la plantation des boutures verticale- des exceptions. A Yangambi, on récolte tou-
ment, obliquement ou horizontalement. Le tes les variétés, douces et amères, à 12 mois.
dernier procédé est rejeté parce qu'il em- Ceci facilite le travail et assure automatique-
pêche le contrôle, le premier parce qu'il ment une sélection vers un rendement pré-
expose à une plantation trop profonde, nui- coce. Nous évitons à dessein le mot « pré-
sant au rendement. L'inversion des boutures cocité », comme aussi « maturité ». Chez le
est très nuisible : à Buitenzorg on a constaté Manioc on ne peut parler de maturité, préco-
qu'elle pouvait diminuer le rendement de cité, tardiveté, comme pour les autres cultures.
70 et qu'elle augmente la toxicité des Les racines continuent à grossir et augmenter
racines. (1) leur pourcentage de fécule pendant des mois.
La quantité de boutures nécessaires est de On ne récolte pas lorsque le poids est maxi-
2.500 m. à l'hectare, soit à deux tiges utili- mum, parce qu'alors les racines deviennent
sables par plantes et 5 boutures par tige, le trop dures, plus ou moins ligneuses et si on
bois de 1000 pieds, soit 10 ares. tarde trop, souvent elles se gâtent. Dans tous
les cas, la plante est susceptible de vivre
encore longtemps après ce stade et on ignore
Entretien. — Entre la deuxième et la qua- même la durée maxima de végétation des
trième semaines après la plantation, on re- diverses variétés. Elle dépasse certainement
garnit les vides éventuels au moyen de bou- 3-4 ans. Si néanmoins on parle de variétés
tures enracinées. Dans ce but on prévoit
précoces, on entend par là des variétés don-
toujours quelques boutures de remplacement, nant à un âge peu avancé, par exemple,
au moment de la plantation. Lorsque les 9 mois, un rendement déjà intéressant. En
plants ont 50 cm. de haut, on peut les butter culture industrielle, on récolte souvent le
sur une hauteur d'environ 10 cm., à titre de Manioc entre 12 et 18 mois. On vise ici le
précaution contre la verse. Cette taille est maximum de rendement en fécule à l'hectare
atteinte normalement 5-6 semaines après la et on récolte dès que l'augmentation ne com-
plantation. En intercalaire dans le Riz, com- d'une plus longue
pense plus l'inconvénient
me à Yangambi, le buttage n'est évidem- occupation du terrain. Il existe des variétés
qui peuvent se récolter à six mois. Une varié-
té de ce genre existe notamment dans l'Uban-
(1) La seconde conséquence n'a pas d importance gi et a été introduite dans diverses stations.
dans les régions où les indigènes rouissent le Manioc, Au Vénézuéla il existerait une variété qui
pour en faire de la chickwangue. peut se récolter dès l'âge de trois mois.
LES CULTURES COLONIALES 467

Récolte. Production. Exportation d'élé- Amélioration.


ments nutritifs. — Après avoir choisi le bois
SYSTÉMATIQUE.— Le genre Manihot con-
à bouturèr pour les cultures nouvelles, on tient diverses autres espèces, à côté du Ma-
coupe toutes les tiges à 25 cm. de hauteur. nioc. Certaines de celles-ci ont été utilisées à
Les plants sont alors arrachés à la main;
Buitenzorg, d<ans des essais d'hybridation
après quoi .on recherche les racines restées avec le Manioc, notamment : M. Glaziovii
en terre. Lès racines sont grattées pour les
MUELL. ARC., M. dichotoma ULE (deux espèces
débarrasser de la terre adhérente. Comme
elles commencent à se gâter après 24 heures, qui furent jadis exploitées comme plantes à
il ne faut pas récolter en un jour plus qu'on caoutchouc), M. Pihauyensis ULE, etc. On
ne peut utiliser, traiter ou vendre. espère ainsi trouver éventuellement des for-
mes intéressantes au point de vue dévelop-
RENDEMENTS.— A Yangambi on récolte de pement, rendement, précocité, etc.
25 à 40 T. de racines fraîches non pelées. Si l'on s'en tient à l'espèce Manihot utilis-
Certaines variétés vont jusque 50 T. et il sima POHL., on constate que le nombre de
n'est pas impossible d'atteindre 70-80 T. On variétés est très élevé. Rien qu'au Congo il
peut estimer à environ 10 T. le rendement en existe au moins 2 ou 300. En culture il en
du Manioc en culture indigène en savane et apparaît fréquemment de nouvelles par muta-
à 20 T. en forêt. tion gemmaire (mutation de bourgeon), mais
Les racines de Manioc comportent environ surtout parvenus naturel. Ces formes nou-
12-18-22 de pelure rapportés au poids velles se conservent grâce à la multiplication
frais. Les racines pelées dosent 20 à 40 de végétative. Le Manioc étant généralement
fécule. Le rendement pratique à l'usine est allogame, on obtient ainsi des hybrides, donc
de 20-30 de farine; à Java la méthode des « variétés » nouvelles. Le matériel étant
indigène donne 15-25 de farine. Dans la très abondant, la simple étude comparative
préparation des cossettes (« gaplek ») on des variétés, ou « sélection entre variétés »,
obtient un rendement de 45 à 50 peut très souvent donner de bons résultats.
Pour donner une idée de l'exportation On a ainsi pu reconnaître à Yangambi quel-
d'éléments nutritifs, voici les résultats d'ana- ques variétés indigènes ou exotiques recom-
lyses faites à Buitenzorg, pour la variété mandables pour leur haut rendement, leur
Aipin Mangi et une production de 42 T. de résistance h la mosaïque et à la verse. Voici
racines à l'Ha. Les quantités (en kilos) con- les principales :
tenues dans les divers organes furent : Variétés indigènes : « Manioc de six
mois », Ntolili, Ikiela, Nzila, quatre variétés
Azote Potasse L Acide ChauxMagnésie amères produisant environ 40 T. à l'âge d'un
phospnorique an. Des pesées de plants de Manioc de six
mois semblent indiquer que cette variété est
Tiges 73.9 225 36.8 149 44.8 susceptible de produire environ 3 kgrs par
pied à 6 mois. Les plants récoltés à un an sur
Feuilles 25.4 25.6 6.26 23.4 4.26 la même parpelle ont donné environ 5 kgrs.
Racines 34.8 236 48.5 23.4 Variétés brésiliennes : Aipin Valenca, va-
36.4 riété douce donnant 30-40 T. à un an, très
Total 91.56 résistante, mais non «immune», à la mosaïque.
134.1 486.6 208.8 72.46 Cette variété est déjà très répandue en cul-
ture indigène et passe souvent pour une va-
Ce qui est réellement enlevé au sol, c'est
riété congolaise, sous les noms de « Gonga
l'azote total, puisque l'on brûle normalement
na Butu », « Kingoma », etc., Aipin Mangi,
les tiges, et les éléments minéraux contenus
dans les racines. Le reste retourne au sol. Aipin Pacarae, Mandioca Basiorao, trois
variétés douces, et Mandioca Tapicuru, Man-
L'exportation due au bois à bouturer récolté
dioca criolinha, Mandioca Sao Pedro
est compensée par les boutures qui ont servi
à la plantation. Preto, trois variétés amères, ayant des pro-
Cependant si l'on vend des ductions variant entre 30 et 50 T. à un an.
boutures en quantités assez importantes (cas
d'une Station de Multiplication), Toutes ces variétés ont été importées via Java.
cette com-
pensation n'existe plus et une importante SÉLECTION.— Nous avons vu que le Manioc
exportation supplémentaire se fait. Ce qui est généralement allogame, mais que l'auto-
frappe surtout dans le tableau, c'est le chiffre fécondation est possible dans un champ pur
élevé pour la potasse. (monoclonal). Toutes les plantes d'un clone
468 LES CULTURES COLONIALES

étant génétiquement identiques, la féconda- plus loin), le caractère inoffensif ou plus ou


tion entre elles équivaut à une autoféconda- moins toxique des racines de Manioc. On peut
tion. Il a été constaté, à Buitenzorg, que l'au- ainsi distinguer diverses classes et cette clas-
tofécondation donne des plants moins vigou- sification est suffisamment précise pour les
reux. On veillera donc, en cas de semis, sauf besoins de la sélection, un dosage exact n'of-
si l'on a en vue des recherches spéciales, d'uti- frant d'intérêt que pour des recherches spé-
liser des graines provenant de croisem nt. ciales. On a également mis au point, à
Buitenzorg, un procédé rapide d'estimation
de la teneur en fécule, remplaçant en sélec-
tion, le dosage précis, trop long et fasti-
dieux f1). Le procédé consiste à déterminer,
par dessiccation à l'étuve, la teneur en ma-
tière sèche des racines pelées et d'en sous-
traire le facteur 7,5. (DE JONG.)
SÉLECTIONVÉGÉTATIVE. — C'(st la sélection
conduite avec du matériel multiplié unique-
ment par boutures. C'est par elle que l'on
débute. Le travail peut consister en un choix
parmi les variétés existantes. On peut arriver
ainsi à des résultats satisfaisants, ainsi qu'il
a été indiqué au début de ce paragraphe.
Quant à la sélection à l'intérieur des variétés,
qu'il s'agisse de sélection massale ou de sélec-
tion généalogique, elle ne peut avoir aucun
effet, étant donné que la plupart des variétés
sont des clones, donc un matériel absolument
homogène, aussi longtemps qu'il ne s'y pro-
duit pas de mutations gemmaires (exception-
nelles d'ailleurs).
SÉLECTIONGÉNÉRATIVE. — C'est la sélection
conduite avec du matériel obtenu par semis.
On sème une fois pour créer le matériel ini-
tial, puis on poursuit par voie végétative, ce
qui permet de conserver des hybrides non
Plant de Manioc de la variété « Aipin Valenca ». fixés et de profiter de l'hétérosis, c'est-à-dire
(Photo DE SAEGERJ de la plus grande vigueur végétative ou luxu-
riance des hybrides. Etant donné que le
Les points essentiels en sélection sont : la
Manioc est allogame, le simple semis fournit
productivité, la résistance à la mosaïque et
à la verse, la durée de végétation, la ramifi- toujours un matériel très variable, dans lequel
la sélection pourra isoler des numéros intéres-
cation (et la floraison) tardive, de façon à
sants. On aura soin de prélever les semences
obtenir des tiges longues fournissant beau-
dans un champ mélangé ou constitué à des-
coup de bois à bouturer. Pour la consomma- sein de deux ou plusieurs variétés supérieu-
tion, on tiendra encore compte de la toxicité
ou de la non-toxicité, du goût (certaines va- res, ou bien encore de procéder à des croise-
ments artificiels.
riétés, par exemple, A. Manteiga et A. Mangi, La technique du semis est des plus simples.
sont de goût plus agréable que les autres,
On choisit des semences bien remplies (triées
mais ceci n'importe que pour la consomma-
tion sous une forme autre que la « chick- par densité dans un bain d'eau) et les sème
directement en pleine terre, sans aucun om-
wangue »), de la teneur en protéines (il serait
utile de l'augmenter, car elle n'est que de brage. On a en effet constaté, à Buitenzorg,
1 c'est surtout que la germination est meilleure qu'en pépi-
environ). Pour l'industrie, nière abritée. A Yangambi, on a pu obtenir
la teneur en fécule qui importe, après le de levée en six semaines.
ainsi environ 60
rendement, et la qualité de cette fécule.
Notons qu'il est possible de reconnaître, (l) En sélection on est obligé d'examiner des cen-
au moyen d'une réaction de coloration (la taines, voire des milliers d'échantillons,d'où la nécessité
réaction de GUIGNARD,dont il sera question de méthodes de détermination rapides.
LES CULTURES COLONIALES 469

Pour supprimer l'influence des vides sur les cier le glucoside, au contact de l'air, donc
plants voisins, on remplace les manquants à l'ouverture des cellules (coupe, râpage,
par des boutures. Afin de reconnaître les etc.). La linamarine résiste à une température
plants qui en proviennent et qui sont sans de 1403, tandis que l'enzyme ne résiste pas
intérêt pour la sélection, on utilise des bou-
tures très longues (par exemple, 50 cm.),
donnant des plants en forme de candélabre.
Dès que les tiges sont suffisamment ligni-
fiées pour pouvoir y tailler des boutures,
donc sans attendre l'âge d'un an (pour gagner
du temps), on récolte. On tient surtout comp-
te, à ce moment, de la résistance à la mosaï-
que et très peu du rendement. En effet, la
génération de semis et même les deux pre-
mières descendances végétatives n'ont géné-
ralement pas un rendement normal, c'est-à-
dire un rendement constituant un critère pour
l'avenir. Les numéros retenus, c'est-à-dire
sains, sont comparés pendant plusieurs an-
nées, en lignes, puis en parcelles dès que la
quantité de boutures est suffisante, suivant la
technique habituelle des essais comparatifs.
La sélection générative donnera des ré-
sultats supérieurs à ceux de la sélection vé-
gétative, surtout si l'on a pratiqué des
croisements raisonnés entre variétés très
productives et douées de divers autres
caractères favorables.
TECHNIQUE DE L'HYBRIDATION.— Elle est
très simple, puisque les fleurs sont unisexuées.
Pour châtrer il suffit de couper les fleurs
mâles. Peut-être n'est-ce pas nécessaire, puis-
que les fleurs femelles fleurissent toujours
les premières, mais c'est plus prudent. On
isole l'inflorescence au moyen d'un sachet de
mousseline, depuis un ou plusieurs jours
avant la floraison, jusque quelques jours Routoir à Manioc.
après la floraison. On pollinise dès que les (Photo Office Colonial.)
fleurs femelles s'ouvrent, car elles ne restent
réceptives que pendant quelques heures. Le à l'ébullition. Il en résulte que l'ébullition
pollen doit s'utiliser frais; toutefois une in- ne rend pas les racines inoffensives, à moins -
florescence placée dans un verre d'eau fleu- qu'elles n'aient été coupées en menus frag-
rira pendant 3-4 jours, fournissant du pollen ments. En effet, au début de la cuisson,
frais pendant le même laps de temps. Peu tant que la température d'ébullition n'est
avant la maturité des fruits on replace un pas atteinte, l'acide cyanhydrique pourra se
sachet afin d'éviter la perte des graines au dégager et ainsi être éventuellement rame-
moment de la déhiscence. né en dessous de la teneur mortelle, même
La toxicité du Manioc. — La toxicité des si du glucoside inattaqué reste subsister à
racines de Manioc est due à un glucoside l'intérieur des fragments.
cyanogénétique, appelé manihotoxine, ré- On admet en général qu'un homme adulte
pondant à la formule CJ0HI7O6N et identique peut supporter une dose de 50 milligrammes
à la linamarine des graines de lin, ainsi qu'à d'acide cyanhydrique et que l'aliment pré-
la phaséolunatine du Phaseolus lunatus L. paré ne peut pas contenir plus de cette quan-
La linamarine étant plus anciennement con- tité par kilogramme, soit 0,05 Les procé-
nue, c'est cette dénomination qu'il y a lieu dés susceptibles de détruire la totalité ou
d'utiliser. La racine de Manioc contient elle- une quantité suffisante du glucoside sont les
même une enzyme, la linase, qui peut disso- suivants :
470 LES CULTURES COLONIALES

1. Fermentation (rouissage) et manipula- limite entre variétés toxiques et non-toxiques.


tions diverses au cours de la préparation de On connaît des teneurs plus élevées encore :
la « chickwangue ». Procédé le plus efficace, en Amérique du Sud notamment on a trouvé
éliminant probablement la totalité de l'acide jusque 770 mgrs.
cyanhydrique; Il est toutefois à remarquer que la teneur
2. Râpage et exposition à l'air, comme en acide cyanhydrique des racines (et des
dans le traitement en vue de la préparation autres parties de la plante vraisemblable-
de la fécule; ment), pour une variété déterminée, n'est
3. Cuisson à l'eau des racines coupées en pas constante. Les facteurs du sol et du
petits morceaux, l'eau étant initialement climat l'influencent. Par exemple, une sé-
froide et abondante, de manière à ce qu'il cheresse prolongée cette
peut augmenter
reste de l'eau à la fin de la cuisson, eau qui
teneur, comme c'est le cas pour les plants de
(st jetée. Ce dernier procédé est préconisé Sorgho (voir plus haut). L'âge de la plante
aux Indes néerlandaises, où les indigènes a certainement aussi une influence. Il est
ignorent la préparation d'un produit du gen- intéressant de signaler à ce propos que les
re de la « chickwangue ». Il est certainement indigènes de certaines régions de la Colonie
moins efficient que les deux précédents. prétendent posséder des variétés qui sont
Ces quelques remarques sont importantes, amères la première année, et deviennent dou-
car beaucoup de personnes imaginent qu'il ces si on les récolte à un âge plus avancé.
suffit de bouillir ou griller les racines de Ceci est parfaitement possible, mais n'a pas
Manioc amer, pour le rendre inoffensif. Les été vérifié. On peut d'ailleurs - tenir pour
recherches faites par NIJHOLT, à Buitenzorg, certain que chez toutes les variétés, il y a une
montrent qu'il n'en est rien. variation de la teneur en acide cyanhydrique
Il découle aussi de ce qui a été dit plus au cours de la végétation, variation qui toute-
haut que la farine de Manioc, la fécule, les fois n'est pas suffisante pour les faire passer
cossettes (racines coupées en tranches minces de la toxicité à la non-toxicité.
et séchées au soleil) préparées au moyen de
Manioc amer doivent normalement être inof- RÉACTIONDE GUIGNARD(IDENTIFICATION DES
fensives, puisque dans tous les cas les cellules VARIÉTÉS TOXIQUES) — On place environ
sont déchirées et leur contenu mis en contact 10 grammes, c'est-à-dire une cuiller à soupe
avec l'air à basse température.
rase, de racine fraîche râpée dans un petit
TENEUREN GLUCOSIDE DESDIVERSESVARIÉTÉS. flacon. On ajoute de l'eau de manière à re-
— Les quantités d'acide cyanhydrique, que couvrir tout juste l'échantillon et ferme her-
peuvent dégager les diverses variétés, sont métiquement au moyen d'un bouchon, auquel
plus élevées que celles généralement rensei- est suspendu un petit morceau de papier
gnées dans la littérature. Ceci provient de ce picro-sodé sec. Si après 24 heures ce papier,
que la macération préliminaire à l'analyse, de jaune qu'il était, est devenu rouge foncé,
ainsi que l'a montré NIJHOLT, était trop on est en présence d'une variété contenant
courte (moins de 12 heures). La méthode plus de 100 mgrs d'acide cyanhydrique par
d'analyse est le procédé classique de titrage kilo. On peut d'après l'intensité de la colo-
au nitrate d'argent utilisé dans l'examen des ration ou la vitesse de la réaction, distinguer
tourteaux de Lin, Amandes, etc. Voici quel- diverses classes : par exemple, pratiquement
exempte d'acide cyanhydrique, contenant
ques teneurs en milligrammee par kilogram-
me de racines fraîches peléesr(NIJHoLT) : très peu d'acide, peu d'acide, etc. (NIJHOLT).
Aipin Mangi 40 lie papier réactif se prépare au moyen de
Aipin Trapecuma 44 papier filtre ou de papier buvard blanc. On
Aipin Valenca 54 trempe d'abord dans une solution à 1
Aipin Manteiga 55 d'acide picrique, puis, après séchage, dans
Aipin Itaparica 61 une solution à 10 de carbonate de soude,
Aipin Pacarae 70 et laisse sécher à nouveau. Ce papier se con-
Mandioca Basiorao 80 serve longtemps.
Mandioca criolinha 121
Mandioca Tapicuru 132 CONSIDERATIONS SUR LA MOSAÏQUE.
Mandioca Sao Pedro Preto. 150-200
Cette maladie à virus est répandue dans
La teneur de 100 milligrammes d'acide toute la Colonie et les colonies voisines. Elle
cyanhydrique (racine fraîche) est prise comme se manifeste par la panachure, l'asymétrie, la
LES CULTURES COLONIALES 471

frisure des lobes foliaires, ces symptômes accessoirement avec la variété Akolu. On
étant ou non réunis. Parfois la maladie ne peut supposer, comme il a été indiqué plus
s'extériorise que par la troncature des som- haut, que "les variétés fortement atteintes su-
mets des lobes foliaires (bouts ronds). La bissent une réduction de production d'envi-
transmission se fait par les piqûres de divers ron 50 Si en l'absence de choix des bou-
Hémiptères, notamment le Bemisia gossy- tures, les champs indigènes sont atteints de
piperda M. & L. var. mosaicivectura GHES- Mosaïque dans une proportion de 50 %, la
QUIÈRE,de la famille des Aleurodides, ainsi perte de récolte effective est d'environ 25
que par plusieurs Aphidides et Jassides. Le Il semble* d'autre part, que la maladie pro-
développement végétatif est ou non réduit par gresse et atteint de plus en plus de variétés.
la maladie. Enfin, constatation d'un autre genre, il sem-
L'influence sur le rendement peut être très ble que les variétés douces sont plus résis-
forte. En effet la production peut être dé- tantes, ou plus exactement qu'il existe pro-
primée de 25 à 40 %, si tous les plants du portionnellement plus de variétés exemptes
de Mosaïque parmi les variétés douces que
champ sont atteints. C'est ce qui ressort de
nos essais. Si l'on fait un choix sévère des bou- parmi les variétés amères. Ceci a été constaté
tures, on peut souvent obtenir des cultures également par GHESQUIÈRE au Congo et
exemptes de Mosaïque. Si, par exemple, 25 GOLDINGen Nigérie.
des plants sont atteints la réduction de ren-
dement sera de l'ordre de 6 à 10 Il LUTTE CONTRELA MOSAÏQUE.- Il n'est pas
existe aussi de nombreuses variétés, dans les- d'autre moyen de lutte que la création de
quelles il est impossible de trouver des plants variétés indemnes ou très résistantes. On peut
sains, si bien que l'on ignore l'importance de espérer en isoler par sélection, mais il est
la perte de rendement. On peut toutefois s'en probable qu'on en créera un plus grand choix
faire une idée en comparant les moyennes de par semis. S'il n'est pas possible à la longue
toutes les variétés saines et malades d'une de maintenir les variétés exemptes de la ma-
collection. Ceci a été fait à Yangambi et a ladie, il faudra procéder périodiquement à de
révélé une différence de l'ordre de 50 nouveaux' semis. A côté de la sélection, il
La Mosaïque peut avoir un caractère de gra- faut que les planteurs appliquent en perma-
vité plus grand encore que ce n'est le cas nence, à titre de mesure culturale, une sélec-
au Congo Belge. Ainsi en Afrique Orientale, tion sanitaire, dans le genre de celle qui est
il arrive que des plants meurent de Mosaïque. utilisée pour la production des Pommes de
Au Congo le fait n'a pas été signalé jusqu'ici. terre de plantation. Dans le cas du Manioc,
la méthode suivante pourrait être employée.
Il semble d'ailleurs exister des différences
de virulence entre les diverses races de virus. Délimiter d'avance dans le champ la partie
Ainsi STOREY (Amani 1936) distingue une où sera prélevé le bois à bouturer.
Mosaïque virulente et une Mosaïque peu viru- Au cours de la végétation, visiter plu-
lente. En plus il a découvert un troisième sieurs fois cette partie du champ et arracher
virus, provoquant le « brown streak disease », les plants malades. On pourrait éventuelle-
maladie caractérisée par l'apparition de pus- ment regarnir les vides (au début du moins)
tules sur les tiges jeunes, pustules qui sèchent avec des boutures enracinées, ou des boutures
plus tard en laissant des cicatrices, et des de variétés très « précoces », ou encore au
taches jaunes suivant les nervures (dans la moyen de très longues boutures plantées obli-
Mosaïque les taches sont irrégulières) sur les quement (Méthode CARa, procédé qui serait
feuilles âgées exclusivement. Dans cette mala- de nature à accélérer le développement des
die, les feuilles ne sont pas déformées. Ces racines)
trois formes de Mosaïque existent au Congo La sélection en question doit s'appliquer
Belge ; la troisième toutefois est rare, du en cours de végétation, car sur les plants
moins à Yangambi. âgés (à partir de la floraison) la maladie est
Diverses autres observations ont été faites souvent peu visible.
à Yangambi. Tout d'abord on a constaté que
la plupart des variétés indigènes sont plus LA PATATE DOUCE.
fortement atteintes que celles qui ont servi
dans les essais comparatifs. Ceux-ci ont été La Patate douce est cultivée dans toute la
faits principalement avec la variété Aipin Colonie sur une échelle plus ou moins grande,
Valenca, dans laquelle il est aisé de trouver mais principalement dans l'Ituri, au Kivu,
une bonne quànMté de plants sains et malades, au Ruanda-Urundi et au Katanga. Elle entre
472 LES CULTURES COLONIALES

pour une part assez importante dans l'alimen- Origine et description botanique. — La
tation de certaines tribus, mais l'extension de Patate douce est originaire de l'Amérique
la culture est de loin inférieure à celle du cdntrale et méridionale. Au 16me et 17me
Manioc. Les statistiques de 1948 mentionnent siècles les Espagnols et les Portugais l'ont
42.512 Ha, en culture indigène, et une pro- importée en Afrique, aux Indes orientales et
duction de 251.401 T. de tubercules l1). La aux Philippines.
culture européenne couvrit 978 Ha et produi- La Patate douce appartient à l'espèce
sit 5.124 T. Ipomoea Batatas POIR. (Batatas edulis
Pour les autres colonies, il n'y a guère de CHOISY, Convolvulus Batatas L.) de la fa-
statistiques. A Java la moyenne annuelle est mille des Convolvulacées. Elle n'existe pas
de 172.450 Ha et 1.080.000 T. à l'état sauvage en Amérique, mais on a émis
l'hypothèse que la Patate cultivée descendrait
de Ipomoea fastigiata SWEET., qui existe à
l'état sauvage aux Antilles, à la Jamaïque, la
Guadeloupe, etc., où elle est connue sous le
nom de « Patate sauvage ». On consomme
d'ailleurs parfois, en Amérique centrale et
méridionale, outre cette « Patate sauvage »,
les tubercules de diverses autres espèces
d'Ipomoea.
Ipomoea Batatas POIR. est une plante her-
bacée, rampante, pluriannuelle, mais cultivée
comme plante annuelle. Les tiges peuvent at-
teindre une longueur de 2-3 m. Les feuilles
sont alternes, cordiformes, entières ou lobées,
Feuillage et tubercules de Patate douce.
(Photo Département de l'Agriculture, Washington.) à découpures plus ou moins profondes. La
forme est très variable. On trouve souvent,
La culture de la Patate douce présente
divers avantages. Celle du Manioc lui est
cependant généralement préférable, sauf à
haute altitude où le Manioc donne des résul-
tats médiocres. La culture est facile, elle est
récoltable plus tôt que le Manioc, mais pro-
duit moins. Les tubercules se conservent
moins bien dans le sol que les racines de
Manioc ; par contre il est possible de les
emmagasiner quelques temps. Malheureuse-
ment ils sont souvent attaqués par le cha-
rançon Cylas, soit en terre, soit en magasin.
Les tubercules ont plusieurs usages : ils
entrent, préparés de diverses manières, dans
l'alimentation humaine; ils servent également
de fourrage, de même que les feuilles. Les
jeunes feuilles peuvent se consommer comme Une belle touffe de tubercules de Patate douce.
légumes (« épinards »), tout comme les feuil- (Photo Département de FAgriculture, Washington.)
les de Manioc. On peut aussi préparer des
cossettes de Patate douce, qui sont cepen- sur un même plant, des feuilles de formes
dant moins appréciées que celles de Manioc. diverses. Les pétioles et les nervures foliaires
Enfin on peut extraire la fécule des tubercu- sont verts, violacés, violets ou rouges. Les
les et utiliser ceux-ci en distillerie. Il ne jeunes portions des tiges et les limbes foliaires
semble cependant pas que les produits de la sont souvent plus ou moins teintés de violet.
Patate douce, à part l'alcool peut-être, entrent Les feuilles adultes sont vertes, vert foncé ou
dans le commerce mondial. vert plus ou moins violacé. La plupart des
variétés ne fleurissent pas en culture ou du
(1) La Pomme de terre est également cultivée au moins ne fructifient pas. La fructification
Congo Belge. En 1948 on signale, en culture indigène, est toujours très peu abondante. Si on laisse
3.210 Ha. et une production de 15.477T., dont 6.258 T.
achetées par le commerce. Les colons européens ont les plants se développer au delà d'un an,
planté 178 Ha. et récolté 705 T. beaucoup de variétés fleurissent et donnent
LES CULTURES COLONIALES 473

des graines, surtout sur sol pauvre. Les in- gions tropicales on peut la cultiver jusque
florescences sont en forme d'ombelle, longue- 2000 et même 2500 m. d'altitude, alors que le
ment pédonculées et placées à l'aisselle des Manioc ne dépasse pas 1500 m. La culture de
feuilles. Elles contiennent au maximum 10-12 variétés précoces est possible jusqu'à des la-
fleurs. La fleur rappelle celle du Liseron des titude assez élevées (Sud des Etats-Unis,
champs, mais est beaucoup plus grande, Espagne), pourvu que l'été soit chaud. Vers
blanche, violette, rarement rouge. Elle est la fin de la végétation et pendant la récolte
hermaphrodite, comporte 4-5 étamines, qui un temps relativement sec est souhaitable.
sont généralement plus courtes que le pistil. du sol. — Elle consiste en un
Préparation
L'ovaire comporte 2 ou 4 loges, à un ou deux labour à la bêche ou à la houe, suivi de la
ovules chacune. Le fruit est une capsule indé- confection de buttes ou billons hauts de 30-
hiscente contenant une graine, parfois deux. 40 cm. ou même plus, écartés de centre à
Le tubercule est rond, ovale, allongé, parfois centre de 90 cm. à 1 m. En culture indigène
de forme irrégulière. La couche subéreuse est l'écartement est généralement plus grand. Le
colorée en blanc, jaune, gris, rose, brun, violet travail peut se faire à la charrue, y compris
ou rouge, tandis que la chair peut être le billonnage. Il est cependant utile d'achever
blanche, jaune, blanche avec des taches violet- les billons à la main. Lorsque l'écartement est
tes, orange, jaune avec des taches oranges, etc. de 1 m., on donne souvent aux buttes une
Les racines qui donnent naissance aux tuber- largeur de 60 cm. et aux rigoles une largeur
cules se développent d'abord horizontalement de 40 cm. Ainsi qu'il a été dit plus haut, il
dans le sol, puis elles se dirigent brusquement y a avantage au point de vue du rendement,
vers le bas. Le tubercule apparaît à l'endroit d'utiliser des buttes étroites et hautes. Toute-
de la courbure. Pour stimuler la formation fois la dépense de main-d'œuvre est plus éle-
des tubercules, on plante sur buttes étroites, vée. A Buitenzorg on a fait des essais qui
ce qui oblige rapidement les racines à prendre ont donné les résultats suivants :
une direction descendante. Les tubercules
sont récoltables après 3 à 12 mois, d'après la desbuttes Hauteurdesbuttes Rendement
Largeur parplant
variété et le climat, généralement après 4-6
mois en régions tropicales basses. Les tuber- 100 cm. 30 cm. 700 grammes
cules de la plupart des variétés ont un goût 75 cm. 60 cm. 1.100 grammes
sucré, surtout prononcé dans les régions tro- 40 cm. 60 cm. 1.500 grammes
picales. Pour cette raison ils sont peu appré-
ciés par les Européens. Il existe cependant Les buttes peuvent avoir la forme de petits
des variétés très peu sucrées et ces dernières monticules ronds; c'est généralement le cas
années, on aurait produit en Russie des varié- en culture indigène. Sur terrain incliné la
tés supérieures à la Pomme de terre, en ce forme longue est à préférer et on place les
qui concerne le goût. buttes perpendiculairement à la pente. Sur
La Patate douce et diverses autres espèces sol forestier on pourra confectionner les but-
d'Ipomoea possèdent 15 chromosomes ha- tes sans labour préalable.
ploïdes. Multiplication. — Chez la Patate douce,
En culture la multiplication se fait au les meilleures boutures proviennent des por-
moyen de boutures de tiges, de tubercules tions jeunes des tiges. C'est donc l'inverse
entiers ou divisés, ou encore au moyen de de ce qui est conseillé pour le Manioc. Toute-
rejets de tubercules. fois il ne faut pas les prélever sur de jeunes
Sol et climat. — La Patate douce est peu plants, mais dans les parties jeunes de plants
relativement âgés, c'est-à-dire âgés de 3-4
exigeante quant au sol, pourvu qu'il soit
meuble et pas trop humide. Ses exigences mois en région chaude, où l'on récolte vers
sont à peu près les mêmes que celles du Ma- 5-6 mois. De telles boutures reprennent plus
nioc. Les terres riches en azote ne conviennent vite et produisent plus. En ce qui concerne la
pas à la Patate douce; elle y développe un reprise, voici les résultats d'un essai fait à
abondant feuillage au détriment de la produc- Yangambi :
tion de tubercules. Débutdu Pourcentage
La Patate douce est une plante des pays développement de repriseaprès
desyeuxaprès:
yeuxaprès 15 jours
chauds. Elle atteint son développement et
son rendement maxima dans les climats Boutures de base 7 jours 42.6
chauds et humides. Elle est cependant moins Boutures 2 jours 60.9
exigeante que le Manioc. Ainsi dans les ré- Boutures de tête
moyennes 3 jours 69.3
474 LES CULTURES COLONIALES

Les boutures ont une longueur de 30-40 cm. on coupe les tiges qui se sont développées et
On les taille au moment de la plantation, car les divise en fragments, utilisés comme des
n'étant pas lignifiées elles se dessèchent rapi- boutures ordinaires. Il faut donc établir les
dement et ne peuvent donc se conserver. Elles pépinières un ou deux mois d'avance donc
doivent avoir au moins deux yeux, de préfé- éventuellement en saison sèche ou de moindre
rence 3-4 ou plus. pluviosité. Ceci est possible avec des tuber-
Dans certains cas on est obligé de multi- cules, qui résistent évidemment mieux à la
sécheresse que des boutures.
plier au moyen de tubercules ou de rejets de
tubercules. Le dernier procédé est préférable,
car il nécessite une moindre quantité de Entretien. — On regarnit les vides dans
tubercules. Les rejets ont la même valeur les débuts, si l'on dispose encore de boutures,
que les boutures ordinaires. Toutefois ils et sarcle une ou deux fois jusqu'à ce que le
supposent l'établissement d'une pépinière. sol soit couvert, ce qui se produit très tôt, en
La multiplication par boutures n'est possible l'espace d'un mois environ. Avant ce moment
il faut aussi entretenir les buttes, c'est-à-dire
que s'il y a des Patates en végétation au mo-
ment de la plantation. Si donc il s'écoule un réparer les dégâts provoqués par les pluies.
certain laps de temps entre deux cultures, Une dernière mesure qui peut être utile lors-
elle devient impossible. Parfois il est utile de que les organes aériens se développent
faire en sorte qu'il n'y ait pas de Patates en trop, consiste à replier les tiges. Ceci les
végétation toute l'année, pour limiter le dé- empêche de s'enraciner et freine donc le dé-
veloppement du Cylas. On conserve alors des veloppement végétatif. On a en effet constaté
tubercules pour établir une pépinière. Il fau- qu'au delà d'un certain optimum, le dévelop-
dra veiller à ne pas utiliser des tubercules pement du feuillage se fait au détriment des
attaqués. tubercules. En outre on prévient ainsi la for-
mation de nombreux tubercules tardifs, qui
n'ont pas le temps de se développer conve-
PLANTATIONDE BOUTURES.— Si l'on utilise
nablement et gênent la croissance des premiers
des buttes rondes, on plante 4-5 boutures en
tubercules.
cercle. Sur buttes longues on plante en lignes.
Sur celles de 60 cm. de large, on peut planter
deux lignes écartées de 30 cm., les boutures Cycle végétatif. — La reprise débute après
étant également espacées de 30 cm. dans les 3-4 jours et est complète après 8-10 jours. Le
sol est couvert après 4-5 semaines. On récolte
lignes. On plante parfois aussi en ligne uni-
que, les boutures placées par 2-3 ensemble, après 5-6 mois en plaine, parfois dès 3-4 mois.
dans ce cas, étant distantes de 30-40 cm. Les Dans les régions montagneuses de l'Est on
boutures s'enfoncent ou se couchent horizon- récolte après 9-12 mois. Dans les deux cas la
talement ou obliquement dans un petit sillon végétation est environ de moitié moins longue
tracé au préalable; on les place de manière que celle du Manioc.
à laisser dépasser le sommet. L'époque de la
plantation est choisie de façon à ce que, comp- Récolte. Production. Conservation des
te tenu du régime pluviométrique et de la tubercules. — L'indigène récolte progressi-
durée de végétation de la variété, la récolte vement à mesure de ses besoins. Il ne dispose
puisse se faire en saison sèche. A Yangambi toutefois pas de la même latitude que le plan-
on plante donc au début des pluies, la végé- teur de Manioc. En effet, chez la Patate
tation étant de 4-5 mois et les saisons d'en- douce il faut achever plus rapidement la ré-
viron 3 mois. Dans la plantation en doubles colte, sous peine de voir les tubercules se gâ-
lignes, il faut 66.600 boutures à l'hectare. ter : crevasser, germer, être attaqués par le
Cylas, pourrir. On veille à conserver un coin
PÉPINIÈRES. — Le sol se prépare comme de champ comme réservoir de boutures, à
On choisit des moins que le moment de la nouvelle planta-
pour une culture ordinaire.
tubercules de la grosseur du poing, sains, tion ne soit trop éloigné (voir plus haut).
intacts, et les plante en lignes simples au Avant la récolte on coupe le feuillage (qui
centre des buttes, à l'écartement de 25-30 cm. peut servir de fourrage), puis on arrache les
Par are de pépinière il faut alors environ 400 tubercules à la main ou les extrait à la four-
tubercules, soit une centaine de kilos. Une che. On peut aussi arracher mécaniquement,
pépinière est de ce fait coûteuse. Pour planter avec les mêmes appareils que ceux utilisés
un hectare il faut environ 7 ares de pépi- pour les Pommes de terre. La chose n'est pas
nière. Un ou deux mois après la plantation, possible avec le Manioc dont les racines sont
LES CULTURES COLONIALES 475

trop longues. Il faut, là où existe le Cylas, des divers plants. Il faudra également pré-
rechercher soigneusement les tubercules restés voir de grandes distances entre parcelles,
en terre, afin de limiter sa multiplication. En aux stades ultérieurs de la sélection, ou bien,
plus il faut détruire tous les tubercules atta- pour ne pas exposer le sol, alterner les par-
qués ou inutilisables pour une raison quel- celles de Patates avec des parcelles d'une
conque. On les brûle avec un peu de feuilles autre espèce. Il sera d'ailleurs toujours pru-
sèches et du bois. dent, dans la suite, de prendre comme point
Le rendement en tubercules frais atteint de départ, non des boutures, mais des tuber-
8 à 20 tonnes à l'hectare. Comme maximum cules pris dans le centre des parcelles.
on peut citer 30-40 T. En culture indigène Comme points importants en sélection,
les rendements oscillent entre 5 et 10 T.
Lorsque des tubercules doivent se conser-
ver plusieurs mois, il faut les récolter par
temps sec. On laisse un fragment de la racine
principale et de même un morceau de tige
intact d'environ 15 cm. On les emmagasine
tels quels, sans les laver, dans un local sec
et sombre. On peut ainsi les conserver jusque
5 mois. Il n'y a qu'une légère régression de
poids et de qualité, ce qui ne nuit certaine-
ment pas à leur utilisation comme matériel
de plantation.. Pour l'expédition de tubercu-
les à planter, la récolte se fera de même, avec
grand soin, en veillant à ne pas blesser l'épi-
derme. On laisse sécher un ou deux jours à
l'ombre, puis on paraffine les moignons de
tige et de racine. Chaque tubercule est alors Parcelles de sélection de Patates douces, à Buitenzorg.
enveloppé dans du papier-journal. On dis- (Photo OPSOMER.)
pose ensuite les tubercules dans des paniers
ou caissettes à claire-voie. On peut éventuelle-
ment ajouter du charbon de bois en poudre. citons : le rendement, la « précocité », le
goût, la faculté de conservation des tubercu-
Amélioration. — La Patate douce fructi- les, la teneur en fécule. A Buitenzorg, la
détermination du pourcentage de fécule se
fie rarement en culture, à moins de la con- fait comme pour le Manioc, en établissant
server beaucoup plus longtemps que d'habi-
par séchage à l'étuve la teneur en matière
tude, par exemple, un à deux ans. Dans tous
sèche, puis en retranchant de celle-ci un fac-
les cas on récolte peu de graines (l). Les teur égal à 10,2 (VAN ROSSEM).
Japonais AKIMOTO et KONDO ont stimulé la
floraison en greffant la Patate douce sur Ipu-
moea bona-nox L. et Pharbitis Nil CHOISY. TECHNIQUE DE L'HYBRIDATION.— A Yan-
Dans la nature la pollinisation se fait par des gambi l'anthèse a lieu entre 3 et 5 H. du
insectes. Il y a jusque 60 de fécondation matin. La castration s'effectue la veille, vers
croisée. L'autofécondation est cependant pos- 9 H. du soir, en supprimant les anthères à
l'aide de fines pinces et de ciseaux. La polli-
sible, par exemple, dans un champ pur.
nisation a lieu vers 4 H. du matin. L'isola-
tion se fait au moyen de sachets en papier.
SÉLECTION.— Elle se fait suivant les mê- Le pourcentage de réussite est toujours faible,
mes principes que celle du Manioc. Les varié-
à cause du climat. A Mulungu, Station d'alti-
tés de la culture sont des clones. Seul le
semis permet de faire des progrès. On sème tude, on a obtenu plus de succès. On y a
aussi effectué des croisements inter-spécifi-
les graines en petits paniers ou bien en cais-
ques, notamment entre Ipomoea cairica (L.)
ses, puis on repique au champ, à une distance SWEET et 7. Bat citas.
minimale de 4 X 4 m. Un tel écartement est
nécessaire pour prévenir le mélange des tiges MILLER, un expérimentateur de Louisiane,
stimule la germination des graines en les trai-
tant pendant cinq minutes à l'acide sulfuri-
(1) Cependant à Mulungu (Kivu) la Patate douce que concentré, puis les lave pour enlever
fructifie abondamment. toute trace d'acide.
476 LES CULTURES COLONIALES

LES IGNAMES. dre jusque 3 m. de long, présentant une


Il y a quelques siècles, avant l'introduc- partie vivace, généralement plus ou moins
tion de la Patate douce et du Manioc, l'Igna- renflée, souterraine ou non, et une partie
aérienne (tige) annuelle ou de courte durée.
me était la base de l'alimentation des indi-
Les tiges sont de section cylindrique ou angu-
gènes de la forêt, comme le Sorgho et le Millet
l'étaient en savane, avant l'introduction du leuse, parfois munies de crêtes ou ailes plus
ou moins saillantes [D. alata L. d'Asie et
Maïs. La culture des Ignames n'a pas complè-
tement disparu et présente même encore une Océanie), épineuses ou inermes. Les feuilles
sont opposées ou alternes, entières ou lobées,
certaine importance au Mayumbe et dans la
généralement cordiformes. A leur aisselle se
partie Nord d? la zone forestière, par exem- trouvent souvent (chez certaines espèces) des
ple, dans la région de Basoko. En dehors du bulbilles ou bourgeons tubérisés, qui peuvent
Congo, les Ignames sont cultivées sur une servir à la multiplication. Au collet de chaque
échelle variable dans toutes les régions
pied naissent un ou plusieurs tubercules de
tropicales. forme variable suivant les espèces : allongée
et description — Les ou arrondie, simple ou lobulée. La forme est
Origine botanique. aussi influencée par la nature du sol. En
Ignames, dont il existe un grand nombre
terrain meuble, profond, les tubercules s'al-
longent beaucoup plus qu'en terrain peu pro-
fond. Ils peuvent acquérir de très grandes
dimensions et un poids variant de quelques
kilos à 10-15 kgrs et au delà. Chez beaucoup
d'espèces ils contiennent un principe véné-
neux, appelé « dioscorine ». Chez plusieurs
espèces cultivées la teneur diminue progres-
sivement et les tubercules sont inoffensifs à
maturité. Chez d'autres il n'en est pas de
même, mais la cuisson ou un rouissage à
l'eau courante permettent d'éliminer l'alca-
loïde. Extérieurement les tubercules sont
brun foncé; la chair est blanche, jaune, vio-
lette ou rougeâtre. Les Ignames sont monoï-
ques ou dioïques, suivant les espèces. Les
fleurs sont petites, disposées en épis ou en
grappes de fleurs mâles ou femelles. Le fruit
est une capsule à trois loges, garnie de trois
ailes membraneuses.
Les principales espèces cultivées sont les
suivantes : Dioscorea Batatas DECAISNE
(Chine), D. alata L. (Asie, Océanie), D. bul-
bifera L. (Asie, Océanie, s'est répandue en
Afrique et Amérique), D. trifida L. (Améri-
que tropicale), D. aculeata L. (Asie, Archipel
malais) ; D. dumetorum PAX., D. abyssinica
HOCHST., D. colocasiaefolia PAX., D. armata
DE WILD. (toutes quatre d'Afrique), etc.

Culture. — Sauf Dioscorea Batatas, toutes


Feuillage et tubercule de Dioscoreaalata. L. les Ignames exigent le climat chaud et hu-
(Photo Département de l'Agriculture, Washington.) mide des régions tropicales. Elles sont peu
exigeantes quant au sol. La multiplication
d'espèces, appartiennent au genre Dioscorea, peut se faire au moyen de graines, de bul-
de la famille des Dioscoréacées (Classe des billes, de petits tubercules apparaissant au
Monocotylées). Elles semblent être pantro- collet près des gros tubercules ou au moyen
picales. de fragments de tubercules. Les deux pre-
Les Ignames sont généralement des plantes mières méthodes sont moins à conseiller par-
herbacées, volubiles (lianes), pouvant attein- ce que la production est plus tardive; il fau-
LES CULTURES COLONIALES 477

drait attendre la deuxième année avant d'ob- limbe, mais à l'intérieur de celui-ci) dans le
tenir de gros tubercules. genre Colocasia, cordiformes, munies de longs
Le labour du sol ne doit pas être profond pétioles. La forme et la dimension des tuber-
à cules varient, de même que la couleur de la
(voir plus haut). On plante généralement
1 m. en carré, les tubercules étant enterrés de chair qui est blanche, jaune ou violette. Cer-
6-10 cm. Il est utile de placer un tuteur à taines variétés contiennent un principe âcre
chaque emplacement. Les indigènes cepen- que la cuisson fait disparaître.
dant négligent généralement le tuteurage, ce Il existe des variétés de Colocasia qui ne
qui est sans doute mieux au point de vue de peuvent se cultiver qu'en terrain maréca-
la protection du sol. L'entretien consiste en geux ou irrigué. Ceci pourrait être intéres-
sarclages et en un buttage vers l'âge de 1 à sant pour la mise en valeur des terrains ma-
3 mois, suivant les variétés, lorsqu 'on a planté récageux au Congo Belge. Les autres variétés
à plat. demandent cependant aussi un sol frais. A
On récolte lorsque les feuilles commencent défaut d'une fraîcheur suffisante, on les cul-
à faner, ce qui se produit à un âge plus ou tive souvent à l'ombre. Les Taros affection-
moins avancé, suivant les variétés. Si on tarde nent des sols meubles, riches en humus. Aussi
à récolter les tubercules, leur qualité diminue ; les indigènes les cultivent-ils souvent à pro-
éventuellement ils pourrissent. La récolte peut ximité de leurs cases, où le sol est enrichi par
se faire après 8-9-11 mois de végétation. La des détritus divers. La multiplication se fait
pourrait atteindre 20-30 T. et au moyen de fragments de rhizomes, parfois
production
plus. Elle est généralement plus élevée que aussi au moyen des rejets que la plante for-
celle de la Patate douce, mais la végétation me à une certaine distance autour d'elle.
est plus longue aussi. Les écartements varient entre 60 cm. et 1 m.
On récolte après 6-10-14 mois, d'après les
LES TAROS. variétés. Il n'est pas à conseiller de retarder
la récolte, du moins en terrain humide, sinon
Le mot « Taro » est la dénomination poly- les tubercules germent, ce qui diminue leur
nésienne de Colocasia antiquorum SCHOTT.(C. qualité. Là où il y a une saison sèche mar-
esculenta SCHOTT., Caladium esculentum quée, les feuilles fanent et les tubercules peu-
VENT.), originaire de l'Asie du Sud et de vent se conserver un certain temps en terre.
l'Océanie. On l'étend parfois aussi à une Les rendements varient entre 10 et 40 tonnes.
plante analogue d'Amérique centrale et mé-
ridionale, le «Chou-caraïbe », qui correspond CHAPITRE V.
à l'espèce Xanthosoma sagittifolium SCHOTT.
Enfin il existe un troisième Taro, au sens PLANTES A SUCRE
large, X. violaceum SCHOTT.des Antilles. En ET PLANTES FECULENTES.
dehors de ces trois espèces, il en existe encore
En ce qui concerne le Congo, ce groupe ne
plusieurs de moindre importance. Toutes ap-
partiennent à la famille des A racées (Classe comporte qu'une culture importante, celle de
des Monocotylées). la Canne à sucre. Citons cependant pour mé-
moire le Bananier, culture évidemment très
La Colocase est cultivée en Afrique depuis dont il sera traité au chapitre
importante,
des temps reculés, les Xanthosoma par contre des Plantes fruitières, et les diverses espèces
sont d'introduction plus récente. Leur im- de Palmiers fournissant une sève sucrée, dont
portance est d'ailleurs moindre. Les Taros les indigènes préparent du « vin de palme »
se cultivent sur une petite échelle dans toutes
(Palmier à huile, Raphia vinifera P. BEAUV.
les régions forestières d'Afrique, pour leur et autres Raphia, Borassus flabellifer L.).
rhizomes féculents ou pour leurs feuilles qui Citons enfin un Sagoutier africain de la fa-
servent de légume.
mille des Cycadacées : Encephalartos Poggei
Les Taros sont des plantes herbacées vi- ASCH., dont, d'après le Dr P. STANER, les
vaces par leur rhizomes, ressemblant à ceux indigènes du Kasai extraient parfois du
du genre Iris. Ces rhizomes peuvent attein- sagou.
dre un poids de plusieurs kilos. L'appareil
aérien de la plante se compose de grandes LA CANNE A SUCRE.
feuilles pouvant mesurer 75 cm. de long et
60 cm. de large, vertes ou plus ou moins La Canne à sucre est cultivée dans toute
violacées ou tachetées, peltées (c'est-à-dire la Colonie sur une petite échelle par les indi-
que le pétiole ne s'insère pas au bord du gènes. On en trouve toujours quelques touffes
478 LES CULTURES COLONIALES

dans leurs champs ou près de leurs cases. les Espagnols l'importèrent en Afrique occi-
Mais cette culture a plutôt le caractère d'une dentale et à Madère au 15me siècle et en Amé-
culture potagère ou fruitière. En effet les rique au début du 16me siècle. Aux Etats-
Noirs n'extraient généralement pas le sucre Unis la culture ne date que du 18me siècle.
ou le jus de la Canne (pour le faire fermenter
par exemple), mais se contentent de mâcher
les tiges telles quelles, par morceaux. La cul-
ture de la Canne à sucre a été pratiquée avec
succès pendant plusieurs années, à l'ancien-
ne Station expérimentale de Kitobola (Bas-
Congo). Les rendements atteignaient en
moyenne 75 T. à l'Ha et plus, sur terrains
irrigués.
Actuellement il n'existe qu'une plantation
européenne de Canne à sucre au Congo Bel-
ge, notamment à Moerbeke-Kwilu, dans le
Bas-Congo. Les champs couvrent environ
3.200 Ha chaque année; les jachères occupent
environ 300 Ha. La production la plus élevée
a été atteinte en 1942, avec un chiffre supé-
rieur à 16.000 T. de sucre, dont il fut expor- Champs de Canne à sucre à Java.
té environ 12.000 T. En 1948 la production Devant, dans les sillons, jeunes Cannes.
Au fond, Cannes « mûres ».
a été de 15.735 T. et l'exportation de 7.948 T. (Photo OPSOMER.)
La Belgique, grosse productrice de sucre
de Betterave (200 à 250.000 T. par an), im- La Canne à sucre appartient à l'espèce
porte cependant une petite quantité de sucre Saccharum officinarum L. Il en existe plu-
de Canne. En 1938, elle a acheté 12.493 T. sieurs formes sauvages, ainsi que d'autres es-
de sucre congolais, à côté de 48.426 T. de sucre pèces sauvages également : par exemple,
étranger. Ce dernier chiffre comprend vrai-
semblablement une certaine quantité de sucre
de Betterave.
Les principaux producteurs de sucre de
Canne, d'après les statistiques de l'Institut
International d'Agriculture de Rome pour
1939-40, sont Cuba (2.672.700 T.), l'Inde
(2.770.000 T.) , Java (1.550.000 T.). La pro-
duction de ces régions subit toutefois une li-
mitation depuis quelques années. La produc-
tion mondiale de 1939-40 a été de 17.420.000
T. de sucre de Canne et de 10.520.000 T. de
sucre de Betterave.
En dehors de la Canne et de la Betterave,
il existe quelques autres plantes à sucre
moins importantes : Arenga saccharifera
LABILL. (le Palmier à sucre de l'Archipel ma-
lais), Sorghum saccharatum MOENCH. (le
Sorgho sucré d'Afrique, cultivé au Natal et
aux Etats-Unis), Acer saccharum L. et autres
Erables à sucre du Canada et des Etats-Unis.
Pieds de Cannes à sucre montrant le tallage.
Origine et description botanique. — La (Photo HEINDRICH.)
Canne à sucre est originaire de l'Asie méri-
dionale. Sa culture s'est répandue aux pre- S. spontaneum L. On en rencontre notamment
miers siècles de l'ère chrétienne, en Chine en Chine, Nouvelle-Guinée, dans l'Inde an-
d'une part, en Perse et Arabie d'autre part. glaise, etc. Ces espèces présentent de l'intérêt
Elle atteignit le bassin de la Méditerranée pour l'amélioration et certaines ont été croi-
vers le 8me ou le 9me siècle. Les Portugais et sées avec la Canne cultivée.
LES CULTURES COLONIALES 479

La Canne à sucre est une Graminée vivace, de large, à bords finement denticulés, à face
mais souvent cultivée comme plante annuelle : inférieure pubescente. L'inflorescence est une
par exemple, à Java et dans l'Inde anglaise. panicule terminale, longue de 50 à 100 cm.
Dans la plupart des autres régions, la culture Avant déploiement les planteurs la désignent
est pluriannuelle et on prélève plusieurs cou- sous le nom de « flêche ». Elle est très rami-
pes. La Canne atteint en culture une taille fiée, à fins rameaux étalés, portant de petits
de 2 à 5 m., mais le plus souvent de 3-4 m.; épillets entourés à la base, du côté dorsal, de
le diamètre des tiges est de 3-5 cm. Comme longs poils soyeux argentés. Les épillets sont
chez la plupart des Monocotylées, la racine réunis par deux : l'un sessile, l'autre pédi-
principale disparaît rapidement et est rem- cellé. Ils sont uniflores, entourés de 4 ou 5
placée par des racines adventives. Ceci se bractées (glumes et glumelles. Voir la figure.)
rapporte aux plants obtenus de semis. Les D'après certains botanistes, l'épillet est bi-
plants provenant de boutures (ce qui est le flore, mais la fleur inférieure ou antérieure
mode habituel de multiplication) ne possè- est avortée. La fleur est hermaphrodite, pos-
sède trois étamines, un ovaire uniloculaire
surmonté de deux styles terminés par des
stigmates plumeux. Il n'y a généralement
pas de fructification, le pollen avortant. Des
graines peuvent cependant se former, et ces
graines sont très petites (1-2 mm. de long,
pesant 0,1-0,2 mgr.), lorsqu'une forme fertile
fleurit à proximité.
La Canne à sucre comprend un grand nom-
bre de variétés nées en culture, c'est-à-dire
Fleurs de Canne à sucre :
1. Epillets sessile et pédicellé. — 2. Epillet isolées par la sélection, ou apparues spontané-
ouvert : Hl. première glume (glume extérieure ment par semis naturels ou mutations gem-
de la fleur antérieure avortée). H2. deuxième maires. Au cours des dernières années un
glume (glume extérieure de la fleur posté- grand nombre de nouvelles variétés ont été
rieure). H3. troisième glume, absente (glume
intérieure de la fleur postérieure). D. glumelle créées par hybridation artificielle et semis,
inférieure. V. glumelle supérieure. L. lodi- puis « fixées » par la multiplication végéta-
cules. 3. Diagramme floral. — (En 1 et 2 tive, à aux
remarquer les poils à la base des épillets.)
Java, Hawaï, Indes, etc.
Le nombre de chromosomes haploïdes est
(Extrait de SPRECHER V. BERNEGG.)
de 40 chez la Canne cultivée. Ce nombre est
dent évidemment plus grand chez les Cannes hybrides obtenues
d'emblée que des racines
par croisement avec des Cannes sauvages
adventives, c'est-à-dire formées sur les nœuds
de la tige. Les racines sont peu ramifiées et (voir plus loin).
s'étendent sur 50 cm. à 1 m. Les tiges sont Sol. - La Canne à sucre est une plante
cylindriques ou légèrement aplaties, vertes, exigeante. Il lui faut des terres fertiles. Elles
jaunes, violettes, pourpres, brunes ou striées peuvent cependant être de nature diverse :
(rubanées) de diverses manières. Les nœuds
alluviales, limoneuses, plus ou moins argileu-
sont plus ou moins saillants et les entre- ses, pourvu qu'elles soient suffisamment per-
nœuds ont une longueur de 5-7 à 20-22 méables ou drainées artificiellement.
cm., En au-
suivant les variétés. La tige est généralement cun cas le plan d'eau ne peut être à moins
glabre et recouverte de pruine, sauf en ce qui de 1 m. de profondeur, puisque les racines
concerne « l'anneau germinatif ». Cet anneau cette profondeur. Si cette condi-
atteignent
est situé au-dessus des nœuds, à l'endroit où tion est réalisée, en même temps que les con-
sont implantés l'œil et plusieurs séries de ditions de climat, la plupart des sols convien-
petits primordia de racines. La tige ne se ra- nent. C'est ce que l'on constate si l'on passe
mifie pas au-dessus du sol, sauf en revue les divers pays producteurs
anomalie, de sucre
mais les nœuds de la base peuvent rejeter et de Canne : sols lourds à Java et
donner naissance à des tiges secondaires, ter- Cuba, sols
limoneux en Egypte, sols légers à Hawaï, etc.
tiaires, etc. La Canne talle donc et peut pré- En ce qui concerne la réaction du sol, VAGE-
senter une douzaine de tiges et plus LER indique un pH de 7, soit un sol neutre.
par
touffe. Les tiges sont remplies de moelle, Le Prof. BAEYENS a constaté effectivement
contenant de Il à 16 de sucre (par rapport que les meilleurs sols à Canne du Bas-Congo
au poids de la tige). Les feuilles sont ont un pH de 7 à 8, ce qui correspond même
alternes,
étroites, mesurant 1-2 m. de long sur 5-7 cm. à des sols alcalins.
480 LES CULTURES COLONIALES

Climat. — La Canne à sucre est une plante préparation débutent plusieurs mois avant
des pays chauds. Au cours des siècles sa la plantation, vu la grande surface mise en
culture s'est cependant répandue jusqu'aux culture. »
limites des zones subtropicales. Les points ex- Le système de culture comporte en général
trêmes atteints sont 37 degrés de latitude en un maximum de 4 années d'occupation par
Sicile et aux Etats-Unis, 39 degrés en Es- la Canne et un an de jachère sous Légumi-
pagne. Aucun climat n'est trop chaud, pour- neuses (Mucuna aterrima ou autres espèces).
vu que la plante reçoive assez d'eau. D'autre
part la Canne ne supporte pas le froid; la Multiplication. — Sauf en amélioration,
gelée (accident qui peut se produire en Loui- on multiplie toujours au moyen de boutures.
siane et en Argentine) lui cause d'importants Celles-ci sont prélevées dans des champs de
dégâts. En réalité la Canne n'est vraiment première année (Cannes vierges), les repous-
à sa place qu'en régions chaudes, c'est-à-dire ses étant toujours moins vigoureuses. On
à température moyenne annuelle de 23-24° choisit des parcelles de bonne venue et ne
et plus. C'est aussi essentiellement une cul- fleurissant pas encore. Les meilleures boutu-
ture de plaine, même en région tropicale. Les res sont celles de tête (« bouts blancs »),
grandes zones de culture se trouvent entre c'est-à-dire situées juste sous l'extrémité en-
0 et 4-500 m. On trouve cependant des Can- core tendre de la tige et les dernières feuil-
nes à 1900 m. au Mexique et à 3000 m. dans les. On en prélève généralement 2-3 par tige.
les Andes de Bolivie. Il est d'ailleurs à remarquer qu'au point de
La Canne à sucre demande ou du moins vue de la fabrication les sommets des tiges
préfère une atmosphère humide. Il y a en ne sont pas intéressants, parce que pauvres
effet des régions sèches, par exemple, l'Egyp- en sucre. Pour des raisons d'organisation du
te, auxquelles elle s'est adaptée. Il lui faut travail, on utilise souvent des Cannes de pé-
des pluies ou une irrigation abondantes. De pinières, c'est-à-dire des champs ordinaires,
façon générale 1500-2000 mm. sont considérés mais réservés dans ce but. Dans ce cas on
comme des minima. VACELER indique comme utilise les tiges entières, mais on coupe plus
optimum 2000 à 2500 mm. Dans le Bas-Congo, jeune : par exemple, à 5-7 mois, si bien que
la Canne doit se contenter d'environ 1300 tous les yeux rejettent facilement, comme
mm., sans irrigation le plus souvent. Dans la pour les boutures de tête des Cannes mûres.
plupart des pays, par exemple à Java, on Les boutures sont toujours triées avec soin :
irrigue en saison sèche. on élimine celles dont les yeux sont anormaux
La Canne à sucre craint les vents violents ou ont commencé à pousser, celles qui sont
qui provoquent la verse. Il faudra éventuel- atteintes de maladies ou creusées par des
lement établir des coupe-vents. Elle exige le « borers ». On enlève les gaines foliaires
plein éclairement pour élaborer beaucoup de qui pourraient encore y adhérer. On désin-
sucre. fecte ou goudronne les sections. La longueur
des boutures est de 30-40 cm., avec autant que
Préparation du sol. — La préparation du possible trois yeux, c'est-à-dire trois nœuds.
sol est toujours intensive, mais les méthodes Suivant les variétés, il faudra allonger ou on
varient d'après les régions. Voici celle qui pourra raccourcir quelque peu les boutures.
est appliquée au Congo. Il s'agit de culture On coupe très près des yeux se trouvant aux
sans irrigation, sauf sur une surface d'envi- extrémités, parce que les bouts ont tendance
ron 500 Ha. Le travail est entièrement méca- à se décomposer, ce qui retarde ou nuit à la
nique, tandis qu'à Java il se fait souvent à reprise. On dépose les boutures dans les sil-
la main. Le sol est labouré deux fois, au lons, de façon à ce que les yeux se trouvent
sur le côté et non en haut ou en bas. Ainsi
moyen de puissantes charrues actionnées par
des tracteurs ou halées par des locomobiles, aucune des tiges émises par la bouture n'est
jusque 40 cm. de profondeur. Sur terrain gênée dans sa croissance.
vierge on laboure trois et même quatre fois.
Ensuite des sillons sont tracés au moyen de EXPÉDITIONDE BOUTURES. — S'il faut expé-
billonneuses triples. L'écartement des sillons dier des boutures à grande distance, on le
eqt de 0,9 à 1,20 m. de centre à ; centre, fait sous forme de fragments d'environ 1 m.
d'après la variété plantée; leur largeur de On les désinfecte, les laisse sécher un ou deux
<0 cm. environ, leur profondeur de 25-30 cm. jours à l'ombre et paraffine les sections. On
Au moment de la plantation, on ameublit le les lie ensuite en bottes et les emballe dans
fond des sillons, à la houe. Les travaux de de la toile de jute. Les bottes sont disposées
Arts et Métiers Congolais ,. de Henri Kerels.

LE VANNIER.
LES CULTURES COLONIALES 481

dans des caisses à claire-voie. On ajoute éven- deux ou trois arrosages d'environ 1000 m8
tuellement du charbon de bois pilé. C'est le chacun à l'Ha, suivant les quantités d'eau
procédé utilisé pour le Manioc et l'Herbe à disponibles. Ces quantités relativement fai-
éléphants ou fausse Canne à sucre. bles augmentent cependant notablement tes
rendements. Le supplément de récolte serait
LA PLANTATIONAU CONGO BELGE. - A de l'ordre de 15 tonnes.
Moerbeke, on se sert principalement de Can-
nes de pépinières, parce que la campagne su- SARCLAGES.BINAGES. BUTTAGES.- H y a
crière tombe en saison sèche, à un moment où plusieurs sarclages et environ cinq binages, à
il n'est donc pas possible de planter, sauf en Moerbeke, pendant les 3-4 premiers mois de
terrain irrigué. Ces pépinières sont des la végétation. En première année les binages
champs de première année, choisis en cours comblent à peu près les sillons, en deuxième
de végétation, pour leur beau développement. ils forment de légères buttes et des buttes de
Il y a deux époques de plantation : la prin- plus en plus hautes en troisième et quatrième
cipale en octobre-novembre, c'est-à-dire au années (1). On est obligé ici de butter très
début de la saison des pluies; la seconde en progressivement, car il s'agit après chaque
mars-avril, soit vers la fin des pluies. La coupe de butter les repousses. Par contre là
date des premières plantations varie quelque où la culture est annuelle, on butte haut en
peu d'une année à l'autre : on attend en effet l'espace de quelques mois.
qu'il soit tombé quelques 100 mm. de pluie
avant de commencer à planter. Les boutures FUMURE. — En culture européenne on res-
sont désinfectées à la bouillie bordelaise. Elles titue généralement les déchets de la culture
sont ensuite disposées en une file ininterrom- (feuilles, sommets) et de la fabrication (ba-
pue, dans le fond des sillons. Parfois, s'il gasses ou leurs cendres, écumes, miélasses),
s'agit de boutures de moins bonne qualité tels quels ou après compostage, de sorte que
ou par temps moins favorable, on dépose en- l'exportation d'éléments nutritifs du sol est
core, de distance en distance, des boutures assez restreinte. Là où les bagasses servent
supplémentaires, à côté de la première file. de combustible à l'usine et où l'on ne peut
Le but visé est d'obtenir une levée minima donc restituer que les cendres, il faut suppléer
de dix yeux au mètre. A Java, on ne dépose à la perte de l'azote par l'emploi d'engrais
qu'une bouture tous les 30-40 cm. Cette énor- chimiques. A Java on utilise beaucoup comme
me consommation de boutures est nécessaire fumure des tourteaux et du fumier.
dans le Bas-Congo, parce que la réussite de Au Congo, on emploie surtout, outre la
la plantation dépend uniquement des pluies, jachère de Légumineuses, des composts dans
sauf sur les champs irrigués. A Java, par lesquels entrent les feuilles de Cannes, des
contre, tous les champs sont irrigués à la herbes, les cendres, boues et mélasses, et en
plantation. Les boutures sont recouvertes de outre de la chaux et de la cyanamide. Ce
2-5 cm. au moyen de terre prélevée sur les compost est fabriqué en très grande quantité
bords des sillons, qui sont ainsi comblés par- à la Sucrière Congolaise, suivant un procédé
tiellement et le seront de plus en plus dans la mis au point après de multiples essais. Nous
suite. La profondeur de la plantation varie donnons ci-dessous, en note, la description
avec les terrains et l'époque. Dans les vallées, détaillée de la fabrication (2). La dose ap-
donc en sol frais, on enterre moins profondé- pliquée est de 50 tonnes à l'hectare, conte-
ment. Au début et à la fin des pluies on
enterre plus profondément qu'en pleine sai-
son des pluies. A Java on enterre toujours (1) La culture dure généralement 4 ans au maximum,
très superficiellement, mais les boutures y exceptionnellement 5-6 ans. La durée de la plantation
dépend essentiellement du rendement. On conserve un
sont beaucoup moins exposées à la champ aussi longtemps que sa production est suffisante,
dessiccation. c'est-à-dire atteint environ 30 tonnes. C'est aussi une
Il faut un hectare de pépinières par 6-7 question de prix de revient, coût des labours, frais de
plantation, etc.
Ha à planter. La surface plantée chaque an-
(2) Les renseignements qui suivent sont extraits du
née, à Moerbeke, est de 7 à 800 Ha, nécessi- texte d'une conférence faite par M. DE PAEPEà
tant donc 100-130 Ha de pépinières. Bruxelles le 18 mai 1938, à la « Société technique et
chimique de Sucrerie de Belgique » :
Fumure. Etc. « Notre procédé peut être comparé au procédé
Entretien. Irrigation. « d Indore» ; mais comme le cheptel nous manque, le
fumier de ferme du procédé « d'Indore » est assez
IRRIGATION. — A Moerbeke-Kwilu, les
avantageusement remplacé par les résidus de fabrica-
champs irrigables reçoivent en saison sèche tion : boues des presses, écumes, mélasse, cendres.

16
482 LES CULTURES COLONIALES

nant 160 kgrs d'azote, 70 de potasse, 35 d'aci- ques. Les champs de repousse reçoivent quel-
de phosphorique et 8,5 de magnésie. L'épan- quefois aussi du compost, appliqué au pied
dage du compost se fait dans le fond des des Cannes.
sillons avant la plantation. L'influence de
cette fumure est très sensible, comme le prou- SOINS AUX REPOUSSES.— Après la récolte,
vent les résultats d'essais : on débarrasse les champs des déchets : feuil-
les, sommets des ti-
ges, qui servent à la
fabrication du fumier
artificiel. Après 2-3
semaines les rtjets
apparaissent. Les
champs sont alors
sarclés et les jeunes
tiges légèrement but-
tées. Ces opérations
sont répétées 2-3 fois,
ainsi qu'il a été dit
plus haut.

Cycle végétatif. —
La reprise des boutu-
res a lieu en l'espace
de 2-3 semaines. Le
tallage s'échelonne
Champ de Cannes à sucre sélectionnées à Moerbeke-Kwiiu. entre 6-8 semaines et
(Photo Sucrière Congolaise.) 4 mois environ. Les
jeunes Cannes et,
Fumé. Témoin. dans la suite, les entrenœuds jeunes (supé-
Sur bon terrain 95.400 kg. 60.000 kg.
rieurs) ne contiennent tout d'abord pas de
Sur terrain médiocre 69.080 kg. 36.700 kg.
saccharose. Plus tard il s'en forme, mais pen-
Des fumures sont également appliquées, à dant la nuit il est inverti en glucose et lévu-
Moerbeke, au cours de la culture, si le besoin lose utilisés par la plante (croissance, respi-
s'en fait sentir. Dans ce cas on donne géné- ration). L'inversion se produit dans toutes
ralement de la mélasse ou des engrais chimi-
chaux éteinte, 500 kilogrammes de boues des presses,
300 kilogrammes de cendres des générateurs.
» La décomposition s'effectue sur des aires cimen- » Si est bien conduite, on peut recharger
tées de 12 X 12 m., soit 144 m2, munies d'un rebord tous lesl'opération
8 jours en saison des pluies, tous les 15 jours
d'environ 0 m. 75 de haut, l'aire est parcourue par en saison sèche.
trois rigoles, qui amènent le purin dans une fosse » A chaque rechargement on ajoute 200 kilogrammes
cimentée. Au bord de celle-ci, est installé un chadouf de
remonte le dans un bac muni d'une manche cyanamide et 400 kilogrammesde chaux éteinte, les
qui purin boues et les cendres. la hauteur finale du tas est de
souple permettant d'arroser toute la superficie de
2 mètres; à ce moment, on retourne la masse, on y
l'aire. 2.500 kilogrammes de mélasse et on laisse con-
» Les déchets végétaux de toute provenance (feuilles ajoute
tinuer la fermentation, tout en surveillant l'humidité
de Cannes, herbes de brousse, herbes de sarclages, du tas. La fabrication du fumier artificiel demande
feuilles de Légumineuses, etc.) sont disposés sur 1aire de 3 à 4 mois.
à une épaisseur de ± 0 m. 50. Cette couche reçoit » Une fosse donc produire annuellementde 3 à
2.500 kilogrammes de mélasse, dont une partie s'écou- 4 charges, soitpeut 750 à 1000 tonnes de fumier: la pro-
lera dans la fosse à purin (remplie d'eau). Le lit est duction annuelle, à Moerbeke-Kwilu, est de 50.00U
toujours tenu humide, un arrosage trop abondant re- tonnes.
froidit le tas, un arrosage insuffisant provoque le » En résumé: par fosse, et par chargement complet,
relèvementde température dans la masse et l'apparition nous fabriquons 250 m3 de fumier artificiel, auquel
de moisissures blanchâtres. Il faut un contrôle constant nous avons incorporé au moins 1.200 kilogrammes de
pour la bonne marche et la bonne réussite de l'opéra- cyanamide, 5.CC0kgrs de chaux éteinte, 5.000 kgrs de
tion. boues des 3.000 kgrs de cendres des généra-
» Après ± 8 jours, un tassement du lit se produit teurs, 5.000presses, de mélasse, soit par tonne de fumier:
et la température du tas atteint ± 60°. On se guidera Az 3.2 kgrs,kgrs CaO 5 kgrs, K20 1.4 kgr., P205 0.7 kgr.,
sur cette température pour régler les arrosages et le
rechargement du lit. Le rechargement s'opère par MgO 0.17 kgr.
couches de ± 30 centimètres: dès le premier rechar- » N. B. L'apport de P205 est très déficient; nous
gement, on épandra uniformément à cet étage 200 pourrons y remédier par 1introduction d'un engrais
kilogrammes de cyanamide et 400 kilogrammes de minéral phosphaté. »
LES CULTURES COLONIALES 483

les zones ou niveaux encore en croissance. même un peu en dessous. En culture an-
Plus tard encore, une partie du saccharose nuelle, on déterre complètement les tiges. Les
descend et s'accumule dans les entrenœuds Cannes sont effeuillées et débarrassées des
inférieurs, qui sont toujours les plus riches. sommets, qui servent comme boutures ou
Enfin vers l'époque de la « maturité », c'est- comme fourrage, ou entrent dans les com-
à-dire quand les feuilles commencent à des- posts. On les lie en bottes et les expédie à
sécher, il n'y a presque plus que du saccha- l'usine, en chariots ou, comme à Moerbeke, en
rose dans les entrenœuds inférieurs et moyens. Decauville (l). Il est à conseiller de ne pas
Le peu d'inverti disparaît progressivement, conserver les Cannes plus de 24 heures avant
jusqu'à ce qu'il n'en reste que ::f: 0,2 de les usiner, car elles s'altèrent avec perte
Ce stade porte le nom de « maturité indus- de sucre. Il faut donc régler la coupe sur la
trielle » : le saccharose est au maximum, capacité journalière de l'usine.
l'inverti au minimum. Ce stade ne peut se A Moerbeke on récolte à partir du mois
déterminer sûrement que par analyse. Il faut d'août (soit 2 mois 1/2 environ après le début
alors récolter, sinon l'inversion reprend. de la saison sèche) jusque fin novembre. La
La Canne à sucre prend 10-18 mois et plus campagne dure donc 4 mois. Les Cannes plan-
pour atteindre son complet développement, tées en octobre-novembre et les Cannes de
c'est-à-dire arriver à floraison : 10-12 mois repousse sont alors âgées de 10-12 mois en-
en régions tropicales basses, 18 mois et plus viron, suivant les parcelles ou les dates de
en montagne ou en région subtropicale. plantation. Celles plantées en mars-avril ont
L'époque de la floraison dépend aussi des environ 18 mois (2). A Java on récolte entre
variétés : il en est de précoces et de tardives 12 et 15 mois.
dans les diverses régions. La récolte s'effectue Les rendements varient dans de larges li-
avant ce stade ou au plus tard au début de mites : de 20-30 à 200 T. de Cannes à l'hec-
la floraison. Il est toutefois à noter que l'ar- tare et par coupe, suivant les régions. A
rivée de la saison sèche ou bien le froid, en Java (coupe unique) la moyenne est de 100-
ce qui concerne les pays situés à la limite 110 T., à Hawaï 88 T., en Egypte 50 T., à
de l'aire de culture, arrêtent la végétation Cuba 43 T., dans l'Inde anglaise 23 T. A
et déclenchent la maturité. Moerbeke les moyennes sont de 75 T. pour
Les Cannes plantées tard dans la saison les Cannes vierges et 50 T. pour toutes caté-
mûrissent avec les premières plantées, mais gories réunies. Les rendements s'améliorent
produisent moins. Les Cannes de repousse se d'année en année, grâce à un emploi de plus
récoltent généralement un peu plus tôt que en plus intensif de la fumure et grâce à la
les Cannes vierges. Elles sont un peu plus sélection (3). Ils se comparent très favorable-
précoces, mais à chaque fois leur rendement ment à ceux des autres régions et à ceux
subit une certaine régression, qui à Moerbeke- obtenus jadis à Kitobola, avec irrigation.
Kwilu serait de l'ordre de 20-30 (par rap- La richesse en sucre varie au cours de la
port à la coupe précédente). On prend rare- campagne. Il est en effet matériellement im-
ment plus de trois récoltes; mais en quelques possible de récolter toutes les parcelles au
régions on va jusque 6 coupes et même plus. moment optimum. Ainsi à Moerbeke la riches-
Le nombre de coupes dépend de multiples se est de 12-13 au début du mois d'août,
facteurs : sol, climat, variété, fumures appli- elle augmente ensuite progressivement jus-
quées, etc., et de considérations économiques. qu'au début d'octobre, où elle peut atteindre
16
Récolte. Rendement. Exportation. — Les La quantité de sucre effectivement extraite
signes extérieurs de « maturité » sont le varie suivant les régions et la perfection des
jaunissement des feuilles jusque près du som- installations. Ainsi dans l'Inde anglaise une
met des plants et le gonflement des yeux. grande partie de la culture et de la fabrica-
L'analyse toutefois, ainsi que nous l'avons tion est aux mains des indigènes. Les rende-
dit, est plus sûre et est utilisée par tous
les planteurs européens. Le chimiste doit
suivre, par de multiples analyses, la marche (1) Le réseau de Moerbeke comporte 85 Km. de
de la maturation, voies fixes, avec 8 locomotiveset 300 wagons.
au cours des dernières se- (2) Ces Cannes plantées à la fin de la saison des
maines de la végétation. pluies ne commencent réellement à se développer
La récolte se fait à la main, au moyen de qu'aux pluies suivantes. Elles ne pourraient donner
machettes. Les portions inférieures étant les un rendement suffisant en douze mois.
(3) Des rendements de 80 à 120 T. ont été obtenus
plus riches en sucre, on coupe au ras du sol, en lre année.
484 LES CULTURES COLONIALES

ments au champ et à l'usine s'en ressentent. numéros. A Moerbeke la variété la plus culti-
De façon générale les rendements à l'usine vée est la 2714 P. O. J., à tige brune, im-
varient entre 7 et 12 ; le plus souvent ils portée de Java via Eala et dénommée « Cho-
sont de 10-11 Voici quelques exemples de colat d'Eala ». La 2878 et la 2696 occupent
rendements en sucre à l'hectare : Java 10-12 également une surface importante.
T. (maximum 14 T.), Hawaï 10-11 T. (records
14-16 T.), Cuba et Egypte 5 T. En moyenne SÉLECTION.— L'amélioration par voie végé-
la Canne produit deux fois plus de sucre à tative dans une variété ne donne aucun ré-
l'hectare que la Betterave. sultat, les « variétés » étant, tout comme chez
la Pomme de terre,
le Manioc, la Patate
douce, des clones.
Seule la sélection gé-
nérative est utile,
principalement après
hybridation. Sitôt
une combinaison in-
téressante obtenue,
on la conserve par
voie végétative.
Des travaux de
grand intérêt ont été
faits à Java. On y a
constitué, en vue des
croisements, une im-
portante collection de
Cannes sauvages ap-
partenant à toutes les
espèces connues du
genre Saccharum et
originaires de diver-
ses régions : Chine,
Champ de Cannes à sucre 2714 P. 0. J. - Guinée,
(Photo Sucrière Congolaise.) Nouvelle
Inde anglaise, etc.
D'après BONAME,une récolte de 100 T. de Dans cette dernière région, on a surtout tra-
Cannes exporte 41,5 kgrs d'azote, 46,1 kgrs vaillé le croisement Sorgho X Canne à sucre,
de potasse, 42,9 kgrs d'acide phosphorique, dans le but d'augmenter la résistance à la
31,8 kgrs de chaux et 41 kgrs de magnésie. sécheresse. De nombreux croisements ont été
réalisés aussi à Hawaï et aux Antilles.
Amélioration.
VARIÉTÉS CULTIVÉES.— Parmi les variétés GÉNÉALOGIEDE LA VARIÉTÊ2878 P. O. J. -
cultivées, la plupart sont à tiges épaisses, Les travaux effectués à la « Proefstation
relativement tendres et juteuses. On les cul- Oost-J ava » à Pasoeroean sont un bel exemple
tive surtout à Java, Cuba, Hawaï, etc. Il de collaboration entre la Génétique et la Cy-
existe d'autre part des Cannes à tiges plus tologie. On a visé à créer des Cannes à nom-
grêles, plus ligneuses et moins riches en jus. bre chromosomique de plus en plus élevé, en
Ces dernières variétés sont plus rustiques, vue d'augmenter leur vigueur, leur résistance
plus résistantes à la sécheresse et aux parasi- aux maladies et leur productivité. Les croise-
tes. On leur donne souvent la préférence en ments ont été faits surtout jusqu'à présent
régions subtropicales, par exemple, dans le avec Saccharum spontaneum, qui possède 56
Nord de l'Inde où des vents secs et froids chromosomes haploïdes, contre 40 pour S. of-
sont fréquents. La Canne Uba appartient à ficinarum. Voici le schéma de ces croisements
ce second groupe. Elle se cultive en grand (communiqué par le Dr BREMER, en 1930) :
au Brésil et en Afrique, notamment au Natal « Premier anoblissement » : « Zwart
et au Mozambique. On cultive en outre de Cheribon (S. officinarum ou Canne noble) à
nombreuses Cannes de semis et hybrides, par 40 chromosomes haploïdes X « Glagah »
exemple, à Java la 2878 P. O. J. et d'autres (S. spontaneum de Java) à 56 chromosomes
LES CULTURES COLONIALES 485

haploïdes > un Hybride à 136 chromo- La production mondiale de graines de Co-


somes somatiques (soit 40 + 40 + 56) ou ton a été de 12.620.000 T. en 1939-40. Les
68 chromosomes haploïdes. graines ont de multiples usages. Tout d'abord
Remarque : chez la plante maternelle (ci- les « linters » (duvet court qui recouvre les
tée en premier lieu, suivant l'usage) il n'y graines de certaines espèces) servent comme
a pas eu de cinèse de réduction. Cet hybride matière textile, comme rembourrage et comme
existe aussi dans la nature et porte le nom matière première dans la fabrication de
de « Kassoer ». l'ouate, de la soie artificielle, de feutres, d'ex-
« Deuxième anoblissement » : 100 P. O.J. plosifs, de papier, etc. Des graines on extrait
(S. officinarum) à 40 chromosomes haploïdes des huiles alimentaires et industrielles, dont
X un Hybride à 68 chromosomes haploïdes les usages sont innombrables. On peut aussi
(« Kassoer ») > un Hybride à environ les réduire en farine, utilisable pour l'ali-
74 chromosomes haploïdes (le nombre variant mentation humaine ou pour celle des ani-
de 70 à 80). maux, mais on préfère en général extraire au
Remarque : 74 chromosomes correspondent préalable l'huile et utiliser les tourteaux tels
x 40 + 40 + 68 quels ou moulus. Les coques qui sont géné-
a E
Encore une f. h
fois, chez l
la ralement avant l'extraction de
2 séparées
plante maternelle il n'y a pas eu de cinèse l'huile, ont également de nombreux usages :
de réduction. fabrication de cellulose, papier, carton, dy-
« Troisième anoblissement » : 2364 namite, etc. ; elles peuvent aussi servir comme
P. O. J. (Hybride à 74 chromosomes ha- fourrage ou comme combustible.
ploïdes) X E. K. 28 (S. officinarum) à 40 La farine de Coton présente un grand
chromosomes haploïdes > des Hybrides intérêt au Congo Belge, pour l'alimentation
à 114 (soit 74 + 40), 115, jusque 120 chro- des indigènes, alimentation qui est générale-
mosomes somatiques. ment déficitaire au point de vue protéines.
Remarque : chez les deux géniteurs il y a La farine de Coton est précisément très riche
eu, cette fois, cinèse de réduction. en ces éléments : 36 à 48 %, pour des farines
Deux numéros du troisième anoblissement de tourteaux de Coton décortiqué. Il y a
se sont révélés supérieurs : 2883 P. O. J. à toutefois un inconvénient, c 'est la présence du
115 chromosomes et surtout 2878 P. O. J. à « gossypol », principe colorant jaune des
120 chromosomes. graines, qui est toxique et dont la teneur
De nouveaux croisements ont été effectués est de 0,15 à 1,5 Au cours de l'extraction
ultérieurement, pour essayer d'augmenter de l'huile, notamment pendant la cuisson de
encore le nombre de chromosomes et les qua- la pâte, une grande partie du gossypol est
lités culturales. On a ainsi pu obtenir un détruite, ou plus exactement transformée en
hybride à 170 chromosomes,s , toutefois il pré- une substance qui n'est pratiquement pas
sentait certains caractères défavorables. toxique. Les farines de tourteaux sont de ce
fait moins dangereuses que les farines de
CHAPITRE VI. graines. Heureusement on peut rendre les
farines inoffensives en les chauffant à la
PLANTES TEXTILES ET FIBREUSES. vapeur sous pression.
Les graines, les tourteaux et les coques
LE COTON.
peuvent aussi servir d'engrais. En ce qui
Le Coton est la principale matière textile concerne les graines on les a souvent utilisées
utilisée dans l'industrie. Avant la guerre la jadis au Congo sous forme de cendres ou
consommation de Coton était plus grande après « compostage ». Le dernier procédé
que celle de toutes les autres matières textiles est encore appliqué. A défaut d'autres utili-
naturelles et artificielles réunies. La pro- sations, le meilleur usage que l'on puisse
duction mondiale a atteint, en 1939-40, un faire des graines est de les composter ou de
total de 6.190.000 tonnes. Les principaux les broyer, pour les employer comme engrais.
producteurs sont les Etats-Unis (2.562.100 T.) Au Congo Belge, la culture cotonnière est
et l'Inde (907.200 T.). Les Etats-Unis ont pratiquement entre les mains des seuls indi-
toutefois fortement réduit les surfaces culti- gènes. L'égrenage est effectué par des entre-
vées depuis quelques années : en 1937-38 leur prises européennes. La surface annuellement
production était de 4.107.600 T. La produc- en culture est de 300.000 à 350.000 Ha. Plus
tion de succédanés de Coton était estimée à de 700.000 indigènes plantent du coton, dans
1.000.000 T. en 1939. les différentes zones cotonnières indiquées
486 LES CULTURES COLONIALES

sur la carte ci-dessous. Une plus grande ex- nombre de 120. Trois huileries traitent des
tension de la culture ne semble pas souhai- graines de coton.
table, si l'on veut éviter le déboisement de
surfaces exagérées. Désormais l'augmentation Origine et description botanique. — Le
de la production doit être obtenue unique- genre Gossypium, auquel appartiennent les
ment en améliorant les rendements à l'hec- Cotonniers, est pantropical. Il existe en effet
tare. Les statistiques de 1948 donnent les des espèces sauvages en Amérique, Afrique,
indications suivantes : Asie, Australie et Polynésie. Parmi la qua-
rantaine d'espèces con-
nues, il en est 4 ou 5
qui présentent une
réelle importance éco-
nomique. Au point de
vue de leur origine on
peut les classer comme
suit :
Cotonniers de l'An-
cien Monde : Gossy-
pium herbaceum L.
(Asie du Sud; cultivé
dans l'Inde, la Perse,
le Turkestan, l'Asie
Mineure, la Turquie, la
Grèce, etc.) ; G. obtusi-
folium ROXB. (espèce
très voisine, souvent
fusionnée avec la pré-
cédente, cultivée no-
tamment à Java); G.
arboreum L. (Inde,
Malaisie, Abyssinie,
Soudan ). Toutes ces
espèces possèdent 13
chromosomes
haploïdes.
Cotonniers
du Nouveaux Monde
Zones de culture du Coton et de l'Urena au Congo Belge. G. hii'sutum L. (origi-
naire du Mexique mé-
Surface cultivée : 317.852 Ha. ridional, surtout cultivé aux Etats-Unis, intro-
Production de coton-graines : 123.757 T. duit en Afrique, au Turkestan et dans l'In-
Exportation de coton-fibres : 51.224 T., de); G. barbadense L. (Amérique du Sud;
dont 30.053 vers la Belgique. d'après HARLAND vraisemblablement de
Exportation de linters : 414 T. l'Ouest de la Colombie; cultivé en Amérique
Production d'huile de coton : 1.899 T. centrale et méridionale, aux Antilles, intro-
T. duit en Egyptc); G. vitifolium LAMK. (espèce
Exportation d'huile de coton : 1.639
très voisine, peut-être la souche de G. barba-
Exportation de tourteaux : 6.042 T. dense) ; G. peruvianum CAV. (Amérique cen-
Production des usines textiles : 23.073.754 trale et méridionale) ; G. brasiliense MACF.
m. de tissus; 2.754.005 m. de pansements; (Brésil, Guyanes). Toutes ces espèces possè-
520.000 couvertures. dent 26 chromosomes haploïdes. Il existe
On peut prévoir une forte augmentation, cependant aussi des espèces sauvages améri-
au cours des années à venir, des productions caines à 13 chromosomes, comme il existe
et linters. Notons qu'en des espèces sauvages polynésiennes à 26
d'huile, tourteaux
1938 la Belgique a importé 122.245 T. de chromosomes.
coton, dont un tiers du Congo. Le croisement entre espèces à nombres
Les usines d'égrenage de coton sont au chromosomiques différents est très difficile.
LES CULTURES COLONIALES 487

Trois plants de Cotonnier « Triumph » à différents stades de développement: à gauche plantule, à droite
plant portant ses premières fleurs. (Photos DE SUGER.)

Il réussit rarement. Encore les plants F, D. Polynésie (espèce sauvage) : G. Klotz-


sont-ils stériles, ce qui leur enlève tout inté- schianum ANDSS.
rêt cultural. E. Australie (cspèce sauvage) : G. Sturtii
Récemment HARLANDa remanié la classifi- F. v. M.
cation du genre Gossypium et réduit le Cette classification comporte au total 18 es-
nombre des espèces. Le groupement qu'il pro- pèces. La plupart des espèces restantes ont
pose est le suivant : été fusionnées avec celles-ci. Ainsi HARLAND
rattache à G. barbadense L. : G. peruvianum
Section 1. Cotonniers à 26 chromosomes : CAV., G. vitifolium LAMK., G. lapideum TUSSAC
(= G. brasiliense MACF.) et d'autres. Quel-
A. Nouveau Monde (espèces cultivées ou ques espèces ont été exclues du genre.
sauvages) :
1. Groupe Upland : G. hirsutum L. DESCRIPTION DU GENRE GOSSYPIUM.— Le
2. Groupe Bourbon : G. purpurascens genre Gossypium appartient à la famille des
POIR. Malvacées. Il comprend des arbustes annuels
3. Groupe Punctatum : G. punctatum
SCH. et THON.
4. Groupe Péruvien : G. barhadense L.
B. Polynésie (espèces sauvages) : G. to-
mentosum NUIT. (Hawaï), G. taitense
PARL. (Fiji), G. Darwinii WATT.
(Galapagos).

Section II. Cotonniers à 13 chromosomes :


A. Ancien Monde (espèces sauvages et
cultivées) :
1. G. arboreum L. (Asie-Afrique).
2. G. herbaceum L. (Asie-Afrique).
B. Ancien Monde (espèces aauvages) :
G. anomalum WAWRA et PEYR. (Afri-
que), G. Stocksii M. MAST. (Inde).
C. Nouveau Monde (espèces sauvages) :
G. Davidsonii KELL., G. Thurberi TOD., Fleur de Cotonnier
G. Harknessii BRANDG.,G. armourianum (coupe longitudinale).
KEARNEY, G. aridurn SKOVSTED. (Extrait de WITTMACKJ
488 LES CULTURES COLONIALES

ou vivaces et des petits arbres. La taille varie rent, en fanant, une teinte plus ou moins
entre 0,25 et 2,50 m. pour les espèces buis- rouge, allant de rose sale à pourpre. Les
sonnantes, 4 et 7 m. pour les espèces arbo- pétales sont soudés entre eux à la base, de
rescentes. Les Cotonniers buissonnants sont même qu'avec le tube staminal. Les étamines
ramifiés bas. Les branches inférieures por- sont nombreuses (:!:: 50) et soudées en un
tent peu ou pas de fleurs, et si elles en portent, tube. Le style est divisé en 2 à 5 stigmates,
c'est sur des rameaux secondaires ou de rang d'après qu'il y a 2 à 5 loges dans l'ovaire.
plus élevé. Ces branches sont appelées « bran- Celui-ci est supère. Le fruit est une capsule
ches végétatives ». Les autres branches por- loculicide à 2-5 loges. A maturité il éclate, les
tent de nombreuses fleurs ; on les appelle 2-5 segments se repliant en arrière et décou-
vrant la masse du Coton et des graines.
Chaque loge contient 6-10 graines libres, sauf
chez G. brasiliense. Les graines sont couver-
tes d'une ou de deux sortes de poils : des
poils courts ou duvet (« linter ») et des
poils plus ou moins longs, ou ces derniers
seulement. Ces poils sont formés par les cel-
lules de l'épiderme de la graine. Ils mesurent
15-55 mm. pour le Coton proprement dit et
2-4 mm. pour le duvet. Les poils de Coton,
souvent désignés sous le nom impropre de
fibres ou de soies, sont unicellulaires, plus ou
moins aplatis en section et vrillés, colorés en
blanc, jaune, brun ou rouge. (l)
Le Coton n'est pas strictement autogame.
Il présente généralement un pourcentage do
croisement spontané de 10 à 20 Les fleurs
sont visitées par de nombreux insectes, prin-
cipalement des abeilles et des guêpes.
Capsule de Coton ouverte.
(Photo Musée du Congo Belge.) Caractères distinctifs des principales
— Co-
espèces. — Gossypium herbaceum L.
« branches fructifères ». Le Coton possède tonnier herbacé. Cotonnier indien. Cotonnier
du Levant, etc. Généralement annuel, du
une racine pivotante descendant jusque 2-
mais la plupart des moins en culture (2). Taille 0,5 à 2 m. Peu
2,50 m. de profondeur,
racines latérales ne pénètrent pas à plus de pubescent. Feuilles petites à moyennes, à dé-
coupures atteignant à peu près la moitié du
30 cm. Les jeunes tiges sont glabres ou pu-
limbe et lobes de forme très variable. Lobes
bescentes, d'après les espèces. Les feuilles
au nombre de 3-5, parfois 7, larges, ovales, à
sont alternes, palmatilobées, à 3-9 lobes, gla-
sommet légèrement acuminé et base rétrécie.
bres ou pubescentes. La découpure et la for-
Fleurs petites; pétales jaunes avec tache pour-
me des lobes varient suivant les espèces. Les
pre à la base. Graines munies d'un duvet
cotylédons sont réniformes (la germination
blanc ou gris. Soies courtes, de 15-25 mm.,
est épigée) ; de même les premières feuilles
formées ne sont pas découpées. Il apparaît rugueuses, épaisses, blanc grisâtre.
ensuite progressivement des feuilles à 3-5-7-9
lobes. Souvent les dernières feuilles ont à
(1) Depuis quelques années les Russes s'appliquent
nouveau une forme plus simple. Les fleurs à sélectionner des cotons de couleur, notamment jaunes
courtement pédonculées apparaissent seulcs et verts, afin de supprimer la teinture. Ils cherchent
ou par 2-3 à l'aisselle des feuilles. Elles sont aussi à créer des cotons présentant des teintes nou-
velles (rose, bleu, etc.) Ceci offre peut-être un certain
entourées de trois (parfois 5) bractées de
intérêt, mais il est douteux que l'on puisse produire
grande dimension, plus ou moins concres- ainsi une infinité de teinter pouvant satisfaire les goûts
centes et plus ou moins découpées, formant occidentaux, d'ailleurs variables (modes!). Aux Etats-
le calicule. Le calice proprement dit est peu Unis on a étudié également des cotons colorés, notam-
ment bruns et verts, mais ceux-ci n'ont pas été jugés
développé, soudé en une coupe dont le bord intéressants.
présente 5 dents. La corolle se compose de (2) A l'état sauvage tous les Cotonnierssont vivacos.
cinq grands pétales, blancs, roses, jaunes ou En culture plusieurs espèces ou variétés sont devenues
rouges. Dans tous les cas les fleurs acquiè- annuelles ou sont traitées comme plantes annuelles.
LES CULTURES COLONIALES 489

Gossypium obtusifolium ROXB. — Fort Gossypium barbadense L. — Cotonnier de


semblable à l'espèce précédente. Lobes foliai- Barbade. Cotonnier « Sea-Island ». Coton-
res à sommet obtus. nier à longues soies. Taille 1 à 2,50 m. Tige
Gossypium arboreum L. — Cotonnier ar- glabre. Feuilles glabres ou très légèrement
borescent. Vivace. Généralement arborescent, pubescentes, grandes, profondément décou-
parfois buissonnant. Taille 2-3 à 5-7 m. Feuil- pées (au delà de la moitié du .limbe), à 3-5
le généralement petite; découpures dépassant lobes ovales ou ovales lancéolés et acuminés.
les deux tiers du limbe; lobes au nombre de Fleur grande, à pétales jaunes munis d'une
5-7, étroits. Fleur grande, rouge pourpre. tache pourpre à la base. Graines nues, noires,
Graine à duvet gris ou verdâtre et soies lisses. Fibres longues de 40-50-55 mm., blan-
courtes, blanches, relativement fines. Dans ches, soyeuses, fines, se détachant aisément
l'Inde, G. arboreum est un arbre sacré, plan- de la graine.
té près des temples et dans les jardins. Son Gossypium bTasiliense- MACFADYEN(G. pe-
importance commerciale est faible. ruvianum AUCT. non CAVANILLES).— Coton
Pierres. Coton à rognon. « Kidney cotton ».
Gossypium hirsuhLrn L. - Cotonnier hir- Généralement vivace et arborescent ou buis-
sute. Cotonnier « upland ». Toujours annuel
en culture Taille 0,5 à 2,50 m. Tige, pétiole sonnant. Taille assez réduite : ± 3 m. Feuil-
et face inférieure des feuilles fortement pu- les et fleurs semblables à celles de G. barba-
bescents. Feuille assez grande ou grande, à dense. Graines nues, parfois partiellement
couvertes d'un duvet brunâtre ou blanchâtre,
3, parfois 5 lobes, dans ce dernier cas les deux
inférieurs peu développés. Lobes larges, trian- réunies par 5-6 en « rognons ». Fibre longue,
gulaires, à sommet généralement fortement blanche, soyeuse, moins vrillée que chez les
autres espèces.
acuminé, non rétrécis à la base. Découpures
Gossypium peruvianum CAVANILLESnon
n'atteignant que le tiers du limbe. Fleur AUCT. — Cotonnier du Pérou. Cotonnier des
grande, blanche, rose ou jaune clair, sans
tache pourpre à la base des pétales. Graines Andes. D'après certains auteurs, plusieurs
à duvet variétés de Cotons égyptiens à longue soie
blanc, gris, verdâtre ou bru-
nâtre et soies de longueur moyenne (20-30 descendraient de cette espèce. Vivace. Petit
arbre ou buisson, atteignant jusque 6 m.
mm., généralement 25-30 et atteignant même
30-45 mm., chez certaines variétés), blanches, Feuilles et fleurs analogues à celles de G.
barbadense et brasiliense. Graines libres, sou-
parfois jaunâtres et de finesse moyenne. La
variété « Triumph vent partiellement couvertes d'un duvet gris,
big boll » ou « Mebane » brunâtre ou verdâtre. Fibre longue, blanche,
cultivée au Congo appartient à cette espèce;
de même le Stoneville, importé en 1937. jaune ou brun rougeâtre, rugueuse, laineuse
et très résistante (« rough peruvian »).
Au point de vue commercial, l'espèce de
loin la plus importante est G. hiTsutum. G.
herbaceum vient ensuite. G. barbadense n'est
cultivé que dans quelques régions. Les autres
espèces n'ont qu'une importance locale.

Culture. — La culture du Cotonnier se


fait de deux manières : à sec ou avec irriga-
tion. La première est la plus répandue : par
exemple, aux Etats-Unis, au Congo, etc. La
culture irriguée n'est pratiquée qu'en Egyp-
te, dans certaines parties des Etats-Unis
(Arizona, Californie), en quelques endroits de
l'Inde, etc. Nous décrirons la culture telle
qu'elle se pratique au Congo Belge.

Sol. - Le Coton est peu exigeant quant


au sol, pourvu qu'il ait une bonne structure
et soit suffisamment perméable. Il ne sup-
Feuilles de Gossypium porte pas l'eau stagnante pendant un temps
1 = herbaceum; 2 = arboreum; prolongé. Sur les sols très riches en humus,
3 = hirsutum; 4 = barbadense. par exemple des marais drainés, parfois aus-

16*
490 LES CULTURES COLONIALES

si sur les sols forestiers récemment défrichés, (voir au Chapitre du Riz). Le défrichement
le Coton prend un développement végétatif de la forêt, de la savane ou de la jachère se
exubérant, mais la fructification et la matu- fait donc une ou plusieurs saisons avant le
ration sont moins bonnes; cette dernière no- semis du Coton. Dans la zone Nord le Maïs
tamment est retardée. La production est se sème en mars et se récolte en juin ; le Co-
diminuée. Sur de tels sols, le Coton devra ton se sème dès le début de juillet. On ne
suivre une ou plusieurs autres récoltes. Nous dispose donc généralement que d'un mois
avons signalé un phénomène analogue chez la environ pour préparer le terrain. Le Coton
Patate douce. D'après VAGELER,le Coton af- se sème en deuxième place dans la rotation
fectionne les sols ayant un pH supérieur à 7. ou la saison, pour deux raisons : l'une, déjà
Au Congo, le Cotonnier est cultivé en forêt indiquée, est qu'il produit généralement
et en savane. De façon générale les rende- moins bien en tête de rotation (du moins en
ments à l'hectare sont plus élevés en région forêt) ; l'autre est la nécessité de faire coïn-
forestière. cider la récolte avec la saison sèche.
Le Coton demande une bonne préparation
Climat. — Les Cotonniers sont des plantes du sol. Elle ne doit cependant pas être très
des pays chauds. Aucun pays n'a un climat profonde, puisque la plupart des racines ne
descendent guère qu'à 30 cm. de profondeur.
trop chaud. De nombreuses variétés, apparte-
nant à plusieurs espèces, se sont cependant La technique actuelle sur les terrains soumis
et même à jachère forestière, dans les Stations expéri-
adaptées à des climats subtropicaux
tempérés à été chaud. Comme exemples de mentales, ainsi que la technique indigène ne
ces dernières régions, citons la Hongrie et comportent cependant que des labours som-
le Turkestan, où le Coton atteint le 45me maires, souvent limités à des bandes suivant
les futures lignes de semis. Au Congo, le
parallèle, et la Russie où il atteint 47 degrés
de latitude. En ce qui concerne l'altitude, le Coton se sème à plat et non pas sur buttes
Coton peut se cultiver jusque vers 2000 m. confectionnées d'avance, comme aux Etats-
dans les régions tropicales. Au point de vue Unis.
des précipitations, la répartition importe Les rotations généralement suivies par les
une ou plusieurs an-
plus, dans un certain sens, que la quantité. indigènes comportent
En effet, on peut suppléer à l'insuffisance ou nées de cultures vivrières après le Coton. La
l'absence des pluies par l'irrigation. Le Coton propagande cotonnière ne tolère pas jusqu'à
présent de cultures intercalaires, ainsi que
demande des pluies régulières pendant la pé-
riode de croissance jusqu'à la formation des celà se pratique en Uganda. Vu l'importance
boutons floraux, ensuite pendant la florai- du problème de la protection du sol, protec-
son un temps ensoleillé, avec moins de pluie. tion qui est insuffisante dans les champs de
Après la nouure quelques pluies sont utiles Coton pur, des essais sont en cours dans les
diverses Stations expérimentales cotonnières,
jusque vers le moment auquel les capsules
éclatent. A partir de ce moment une séche- en vue de déterminer les plantes et les modes
resse absolue est l'idéal. De ce fait le Coton d'association appropriés.
donne généralement de meilleurs résultats en
— Le semis se fait à la
région tropicale et subtropicale qu'en région Multiplication.
équatoriale. L'époque des semis devra être main aux écartements suivants : sur sols de
choisie de manière à faire coïncider la récol- bonne qualité et notamment sur sols forestiers
te avec la saison sèche. Le besoin en eau est, 1,00 X 0,30 m., sur sols moins bons, par
d'après VAGELER,compris entre 1000 et 1250 exemple dans les savanes de l'Uele septen-
mm. Le premier chiffre correspond approxi- trional, 0,80 X 0,30 ou 0,25 m., ou moins
mativement aux quantités de pluies qui tom- encore. Le nombre de graines par poquet est
bent, dans l'Uele, pendant la végétation du de 3 à 6 et la profondeur de semis de 4-5 cm.
Coton. Il peut cependant se contenter de La quantité de semences nécessaires est de
moins. 10 à 20 kgrs à l'hectare.
Les semences sont distribuées par les usi-
Ces graines proviennent des
Préparation du sol. — Le Coton vient nes d'égrenage.
généralement en deuxième place dans la suc- lots spécialement désignés par le Service
cession des cultures, après Maïs, celui-ci étant Agricole dans la récolte de l'année précéden-
semé au début de la saison des pluies. Il se te et usinés séparément. Elles sont générale-
les rotations ment désinfectées à l'usine, avant la distri-
place plus loin cependant dans
des lotissements de Bambesa et du Sankuru bution. Le procédé habituellement appliqué
LES CULTURES COLONIALES 491

est le traitement à l'air chaud (50-60° pendant en même temps que les opérations précitées et
1 à 5 minutes). La conservation des graines ensuite autant que de besoin, jusqu'à ce que
de Coton ne durant que quelques mois, d'une le sol soit couvert et le développement des
récolte au semis suivant, n'offre guère de mauvaises herbes arrêté.
difficultés. Elles sont disposées en petits tas
sur des claies ou planchers à claire-voie, à Cycle végétatif. — La levée commence
quelque distance du sol, dans les magasins à après 4-5 jours; elle est complète après une
coton des usines. Dans ces conditions le pou-
voir germinatif est d'environ 80-85 %, au
moment du semis. Il est un peu moindre pour
les graines désinfectées, la diminution pou-
vant atteindre jusque 10 La faculté ger-
minative pourrait donc être ramenée à
70-75
Il n'y a qu'une saison de culture pour le
Coton. Au Nord de l'Equateur les dates-
limites suivantes sont préconisées : Savanes
du Nord de l'Uele 15 juin-ler juillet, Forêt
ler-15 juillet, Région de Stanleyville-Benga-
misa-Nepoko 15-30 juillet. Pour la zone Sud
(Province du Kasai) : du 25 décembre au
15 janvier pour les régions situées au Sud Table pour le séchage du Coton-graines.
du 5me parallèle, du 15 janvier au 15 février (Photo Inéac.)
au Nord de cette limite.
semaine environ. La floraison, chez la variété
Triumph, commence environ deux mois après
le semis et se poursuit pendant trois mois
environ. Le développement et la maturation
des capsules prennent ±: ± 2 mois. Il y a donc
donc
à certains moments des capsules mûres et
des fleurs sur les plants. La récolte commence
à partir de l'âge de 4 mois et continue jus-
qu'à celui de 7 mois, en plusieurs cueillettes.

Récolte. Production. Conservation de la


récolte. — Lorsque les capsules sont mûres
elles éclatent, laissant apparaître le Coton.
On peut récolter 3 à 10 jours plus tard, dès
que le Coton est suffisamment sec et se sé-
pare aisément de la capsule. Par temps
humide ou peu de temps après une pluie,
il est préférable de ne pas récolter. Cepen-
dant en retardant trop la récolte, on
risque d'en perdre une partie, entraînée par
Champ de Coton. le vent. D'autre part la qualité du Coton
(Photo DE SAEGER,) souffre. La cueillette se fait à la main, la
masse de Coton s'échappant de la capsule
Entretien. — On regarnit les vides, en étant prise entre les doigts et enlevée d'un
semant à nouveau, environ 15 jours après la coup, en veillant à ne pas arracher en même
levée. Ensuite on démarie à un plant, 3-4 temps de fragments de la capsule ou des
semaines après la levée. Cette mesure est bractées. En cueillant, le récolteur trie le
rendue obligatoire pour les indigènes. Cepen- Coton. Il est muni, dans ce but, de deux
dant dans certains pays, par exemple en paniers : un pour le Coton de première qua-
Egypte, on démarie à deux plants en général. lité, un pour le Coton souillé. On a essayé
Immédiatement après le démariage on butte aux Etats-Unis un grand nombre d'appa-
les plants. On butte encore une seconde fois reils pour la récolte mécanique. La plupart
4-5 semaines plus tard. Les sarclages se font cependant n'ont pas donné satisfaction. En
492 LES CULTURES COLONIALES

culture indigène seule la cueillette à la main ville », toutes deux originaires des Etats-Unis.
entre en ligne de compte, cette opération La première a été cultivée exclusivement pen-
pouvant du reste être confiée aux femmes et dant de longues années et soumise à une
aux enfants. sélection continue. Elle a une fibre d'environ
Après la cueillette, le Coton-graines est 25 mm. Le Stoneville est appelé à la rempla-
séché pendant 2-3 jours au soleil sur des cer. Il lui est supérieur aux points de vue
nattes. La nuit il est abrité dans les cases. longueur et pourcentage de fibre, de même
Dans les Stations cotonnières, le séchage se qu'en ce qui concerne le rendement à l'hec-
fait dans des caisses plates, dont le fond est tare et la résistance au « Wilt » et aux Jas-
constitué par un clayonnage ou un treillis. sides. Dans la vallée de la Ruzizi, on cultive
Ces caisses munies de poignées pour le trans- une autre variété américaine dénommée
port et de pattes (on les appelle « tipoi » dans « Allen long staple » qui est un hybride
les Uele) sont rentrées le soir et superposées hirsutum X barbadense, ayant l'habitus hir-
pour réduire l'espace nécessaire, tout en per- sutum. Les lignées cultivées dans cette région
mettant une bonne aération du Coton. Lors- ont une longueur de fibres de ± 30 mm.,
que le séchage est terminé, l'indigène s'em- mais un pourcentage de fibres de 29-30
presse de vendre son produit au premier seulement, contre ± 33 pour le
jour de marché. Il ne lui faut donc pas de « Triumph ».
local spécial pour la conservation. Dans les D'autres variétés sont à l'essai dans les
Stations cotonnières et les usines d'égrenage, Stations de sélection des deux zones et des
le Coton-graines se conserve dans des ma- croisements ont été faits, dans le but d'attein-
gasins spéciaux souvent munis d'un plancher dre dans l'ensemble une longueur voisine de
à claire-voie surélevé. Le Coton peut s'y en- 30 mm. A Gandajika, par exemple, on a
tasser sur une grande hauteur. beaucoup travaillé la variété « U4 » et le croi-
Les productions à l'hectare sont de 3 à sement « Triumph »/« U4 ». La variété
600 kgrs de Coton-graines en culture indi- « U4 » possède une fibre de bonne longueur
gène. Elles sont en progression constante. (30 mm.) et un bon rendement à l'égrenage
Ainsi pour 1949, la moyenne a été de 525 kgrs (33 %). C'est une sélection de la Station de
pour la Province Orientale et certains Terri- Barberton (Transvaal) faite parmi les des-
toires accusent des moyennes de 8 à 900 kgrs. cendants de graines originaires de l'Uganda.
Dans les Stations européennes on obtient jus- Ces graines provenaient elles-mêmes du croi-
que 1000 et 1200 kgrs. Sur ces quantités sement naturel entre diverses variétés culti-
environ un tiers est constitué par les fibres, vées en Uganda.
deux tiers par les graines.
Après la dernière cueillette, les indigènes SÉLECTION.— Le Coton présente un pour-
sont obligés d'arracher et de brûler les plants
centage de croisement spontané qui atteint
de Coton, pour limiter l'extension des mala- souvent 10-20 Certains expérimentateurs
dies et insectes. ont observé jusque 40 L'autofécondation
L'exportation d'une récolte de Coton est est facile à réaliser; elle ne nuit aucunement
faible, si l'on restitue les graines ou les à la vigueur et à l'a productivité. La distance
tourteaux au sol. En effet la fibre est con- à laquelle le croisement spontané est possible
stituée presqu'exclusivement de cellulose.
dépasse 500 m. Il devient cependant rare au
Cent kilos de fibre ne contiennent que 340 delà de 20-30 m. (moins de 1 %).
grms d'azote, 100 grms d'acide phosphorique, Les buts de la sélection sont l'amélioration
460 grms de potasse, 188 de chaux et 80 de
du rendement, du pourcentage de fibre, de la
magnésie. Les plants étant incinérés, l'azote
contiennent 30 kgrs) est longueur de celle-ci et de sa qualité (résis-
qu'ils (environ
perdu. Quant aux graines, cent kilos contien- tance, finesse, couleur), de la résistance aux
maladies et insectes, de la précocité, éven-
nent 2,5 à 5 kgrs d'azote, 1,3 à 1,5 kgr.
d'acide phosphorique et 1,2 à 1,5 kgr. de tuellement de la teneur en huile (qui est
normalement de 19-21 %).
potasse.
SÉLECTIONMASSALE.— Elle a donné des
résultats satisfaisants dans les débuts de la
Amélioration.
culture cotonnière au Congo Belge, en permet-
VARIÉTÉS CULTIVÉESAU CONGO BELGE. — tant d'améliorer quelque peu la qualité, l'ho-
Les variétés le plus généralement cultivées mogénéité, la pureté du Coton. Au point de
appartiennent au groupe « Upland » (G. hir- vue rendement, elle n'a pu donner d'augmen-
suturn) : « Triumph big boll » et « Stone- tation fort sensible.
LES CULTURES COLONIALES 493

SÉLECTION GÉNÉALOGIQUE. — On applique non récoltée, 300-500 m. pour plus de


au Coton la technique d'amélioration propre certitude.
aux plantes autogames, avec toutefois deux
opérations supplémentaires nécessitées par TECHNIQUEDE L'HYBRIDATION. * - La méthode
l'allogamie partielle : le choix répété ou con- actuellement en usage est celle de ZAITZEVet
tinu de plantes-mères au cours de la sélection
et l'autofécondation forcée. Celle-ci peut se
réaliser de diverses manières. Voici les pro-
cédés essayés à la Station de Gandajika
(SOYER) : Isolation des boutons floraux au
moyen de sachets en mousseline ou en papier.
C'est la méthode classique; elle a comme in-
convénient le danger de vol des sachets. Les
autres procédés consistent à cmpêcher la co-
rolle de se déployer : par ligature, en dépo-
sant une goutte de colle au sommet du bouton
floral, en passant une petite spirale en fil
de cuivre ou de fer galvanisé sur le sommet
du bouton (spirale fixée par une ficelle au
pédoncule floral), en cousant le sommet des
pétales. Après quelques jours, on enlève les
sachets pour éviter la pourriture des capsules.
Dans les autres procédés il ne faut plus in- Hybridation suivant la méthode ZAITZEV-DOAK.
En haut : enlèvement de la corolle et du tube.
tervenir, puisque la corolle tombe naturelle- staminal. En bas, de gauche à droite : fleur
ment après 2-3 jours. Il faut avoir soin de châtrée suivant l'ancienne méthode (enlèvement
marquer les fleurs traitées pour pouvoir ré- des anthères, une à une), fleur châtrée suivant
volter séparément les graines autofécondées. la nouvelle méthode, isolation du pistil au
Dans le procédé à l'anneau ce n'est pas né- moyen d'un chalumeau.
(Photo Inéac.)
cessaire, l'anneau fixé au pédoncule étant lui-
même l'indication du traitement fait. Ce sont
ces graines autofécondées DOAK. Elle consiste à fendre, avec l'ongle du
qui servent à la
pouce, la base de la corolle, un peu en des-
sous des sépales, à la déchirer ensuite et à
l'enlever en entier. Le tube staminal étant
soudé à la base de la corolle, on le retire par
le fait même. Il n'y a aucun danger de faire
éclater les anthères ou de blesser le style. La
fleur est ainsi châtrée. Ceci se fait la veille
de l'ouverture de la fleur. L'isolation est
réalisée au moyen d'un petit morceau de
paille de 2-3 cm., fermé au sommet par un
petit tampon de Coton et reposant sur un
peu de Coton enroulé à la base du style, de
façon à ce que le chalumeau soit bien fixé et
l'isolation complète. Lorsque les stigmates se-
crètent un liquide visqueux, indiquant le mo-
ment de la réceptivité, on les met en contact
avec une fleur paternelle à anthères déhis-
Modes d'isolation pour l'autofécondation des centes. Cette fleur a été isolée d'avance afin
fleurs de Cotonnier. qu'elle ne soit pas souillée de pollen étranger.
De gauche à droite : en haut : spirale de La fleur maternelle est ensuite isolée à nou-
laiton, trempage dans de la colle, fleur non veau. Récemment la méthode a été amiéliorée
traitée. — En bas : sachet de mousseline,
couture, ligature. par HUMPHREYET TULLER. Ces expérimenta-
(Photo Inéac.) teurs introduisent des anthères de la fleur
paternelle dans le chalumeau, immédiatement
continuation des essais. Pour les grandes par- après la castration. Il n'y a plus lieu dès lors
celles (multiplications) on isole par la distan- d'intervenir, la pollinisation se produisant à
ce : 30-50 m. minimum avec ligne de bordure l'éclatement des anthères.
494 LES CULTURES COLONIALES

LE SISAL. six pièces soudées en forme de tube ou d'en-


tonnoir, sauf leur partie supérieure libre. La
La culture du Sisal est pratiquée dans quel- coloration est jaune blanchâtre. Il y a six
ques entreprises européennes du Bas-Congo. étamines dépassant largement le périgone. Le
Voir carte page 551. En 1948 la surface style se termine par un stigmate trifide. Le
totale était de 839 Ha, dont une partie fruit est une capsule contenant de nombreuses
seulement était en rendement. La production graines noires aplaties. L'Agave est allogame.
a été de 102 T. : 63 T. ont été exportées, le Le pollen est transporté généralement par de
reste a été transformé sur place en cordes petits oiseaux (FRUWIRTH). Il y a rarement
(30 T.) ou en sacs (20.000 pièces). Il existe fructification ou bien les graines avortent.
également une plantation au Ruanda-Urundi. Chez la plupart des espèces il apparaît un très
La culture du Sisal mériterait d'être déve- grand nombre (1500 à 3000) de bulbilles, qui
loppée au Congo. La Belgique offre en tout se développent, après la chute des fleurs, à
cas un débouché intéressant, les quantités partir de bourgeons se trouvant à l'aisselle
importées annuellement oscillant entre 20 et des pédicelles floraux. Ces bulbilles ont l'as-
30.000 T. En 1938 nous avons acheté 18.491 pect de minuscules plants d'Agave. A « ma-
Tonnes de Sisal et 3.804 T. de Chanvre de turité » elles portent déjà quelques petites
Manille (Musa textilis NEE.). racines et mesurent 12-15 cm. Elles se déta-
Les principaux de fibres chent après un certain temps et peuvent, ar-
producteurs
d'Agave (Sisal, etc.) sont le Tanganyika Ter- rivées au contact du sol, s'enraciner. Peu de
ritorv (103.022 T. en 1938), le Kenya (28.318 temps après, l'Agave jaunit et meurt (environ
un an après l'apparition de la hampe). La
T.). le Mozambique (21.746 T.), Java (90.079
durée de la vie d'une plante varie avec les
T.), le Mexique (53.393 T.).
Le Sisal et les autres Agaves servent prin- espèces et les conditions de croissance. L'ap-
à la fabrication de cables et de proche de la floraison est annoncée par l'ap-
cipalement
cordes, spécialement de ficelle pour moison-
neuses-lieuses (« binder-twine ») et accessoire-
ment à la fabrication de sacs, tapis, nattes,
chapeaux. Enfin ces dernières années on a
essayé d'assouplir les fibres de Sisal par cer-
tains traitements chimiques, afin de les rendre
propres à de nouveaux usages. La fabrication
de sacs de Sisal est vraisemblablement appe-
lée à se développer. Les déchets (fibres cour-
tes) servent comme rembourrage et comme
matière première pour la fabrication de
papier.

Origine et description botanique. — Le


genre Agave, auquel appartient le Sisal, est
originaire d'Amérique centrale, en particulier
du Mexique. Il fait partie de la famille des
Amaryllidacées, de même que le Fourcroya ou
Chanvre de Maurice (plante originaire elle
aussi d'Amérique centrale).
Les Agaves possèdent une rosette de feuil-
les épaisses, coriaces, allongées ou lancéolées,
garnies d'une épine terminale et, chez cer-
taines espèces, d'épines latérales. La rosette
repose soit sur le sol, soit sur un tronc court
et trapu. Au centre de la rosette apparaît,
après quelques années, une hampe florale
pouvant atteindre 6-8 m. de haut. Cette
hampe est ramifiée à sa partie supérieure et
porte de nombreuses fleurs. Celles-ci ont une Plant de Sisal avec nampe florale.
longueur de 2-3 cm. et possèdent un ovaire
infère surmonté d'un périgone composé de (Photo Musée du CongoBelge.)
LES CULTURES COLONIALES 495

parition de feuilles plus courtes que les feuil- des régions recevant 6-800 mm., à l'intérieur,
les normales. et jusque 1500 mm., à la côte de l'Océan
L'enracinement est relativement peu déve- Indien. Il n'est pas souhaitable que les pluies
loppé, en profondeur il s'étend jusque 50 cm. dépassent ce chiffre. Une saison sèche est
environ, en largeur sur ± 1,50 m., au maxi- favorable. Sous les Tropiques le Sisal peut se
mum 2-3 m. Il apparaît dans un certain cultiver jusqu'à une assez grande altitude,
rayon, généralement ± 1 m., autour de la pourvu qu'il n'y ait pas de gelées. A Java,
plante des rejets ou drageons, qui naissent il se cultive jusque 700 m., le Cantala jusque
sur les racines et perpétuent le plant-mère. 1700 m. Il demande le plein soleil.
On les utilise, de même que les bulbilles, à Le Sisal n'est pas exigeant en ce qui con-
la multiplication. Les feuilles contiennent en-
viron 4 de fibres longues, blanches, raides.
Les fibres sont groupées en trois faisceaux
superposés : un au centre, les deux autres
près des faces supérieure et inférieure.
D'après DOUGHTY(Amani), le nombre basal
de chromosomes serait 30 chez l'Agave.
Agave sisalana et A. fourcroydes seraient
pentaploïdes. Il aurait pu dénombrer chez ces
deux espèces respectivement 138 et 140 chro-
mosomes somatiques. A. Cantala serait tri-
ploïde et posséderait 90 chromosomes
somatiques.
Le genre Agave contient un grand nombre
d'espèces. Les plus importantes pour la cul- Plantation de Sisal.
ture sont : (Photo Office Colonial.)
Agave sisalana PERRINE. — Sisal. Chanvre
sisal. Sisal vert. Feuilles vertes à vert gri- cerne le sol. Il est toutefois inexact de dire
sâtre, mates, longues de 1-2 m., épaisses de qu'il affectionne les sols pauvres. Le terrain
3-4 cm. à la base, larges de 8-10 cm. vers le devra en tout cas être perméable, car le Sisal
bas et jusque 14 cm. au milieu. Pas d'épines ne supporte pas l'humidité du sol. On donne
latérales. Fleurit à partir de 5 ans environ, la préférence aux sols de savanes, parce qu'ils
parfois après 10-12 ans seulement. Hampe se prêtent mieux (à moindres frais) à la cul-
atteignant jusque 7 m. Nombreuses bulbilles. ture mécanique et qu'ils correspondent aux
Agave fourcroydes LEMAIRE.— Hennequen. climats convenant le mieux aux Agaves.
Sisal blanc. Feuilles vert bleuâtre, longues de
Le sol est généralement labouré une ou
1,5-2,5 m., atteignant jusque 15 cm. de large
au milieu. Epines latérales. Fleurit plusieurs fois, sur toute la surface ou en
plus bandes. On ne lui applique que rarement
tard, parfois après 25-30 ans seulement. Ham- des fumures, sauf ces dernières années où on
pe de 6-7 m. Nombreuses bulbilles. Cette a commencé à composter les déchets de la
espèce est plus rustique que la précédente. fabrication. La jachère est cependant fré-
Agave Cantala RoxB. — Cantala. Maguey. quemment utilisée après une ou deux cultures
Feuilles vertes, longues de 1,5-2 m., atteignant de Sisal. A Java, le Sisal entre souvent en
jusque 14 cm. au milieu, moins charnues et rotation avec le Manioc ou la Canne à sucre.
moins épaisses que chez le Sisal. Fines épines La multiplication se fait au moyen de re-
latérales. Hampe de 3-5 m. Forme souvent
jets de 30-50 cm. mis directement en place,
des bulbilles. Fleurit vers 10-15-20 ans. parfois mis au préalable en pépinières, ou au
L'espèce la plus cultivée est Agave sisalana, moyen de bulbilles mises en pépinières pen-
sauf au Mexique où l'on cultive surtout dant 9 à 12 mois. Les rejets ont l'avantage
A. fourcroydes. A Java on plante aussi de pouvoir se mettre en place directement
l'Agave Cantala. et de produire plus tôt, si on les prend d'assez
grande dimension. Les bulbilles ont l'avantage
Culture. — Le Sisal (comme les autres d'exister en grande quantité. Ce sont elles
Agaves) est originaire d'une région chaude et que l'on utilise lorsqu'il faut transporter du
sèche. Il s'est cependant adapté à des climats matériel de plantation, vu leur faible poids.
beaucoup plus humides, par exemple à Java. Les bulbilles se plantent en pépinière à faible
En Afrique Orientale le Sisal se cultive dans distance, par exemple, 20 X 15 cm. ; elles sont
496 LES CULTURES COLONIALES

mises en place quand elles mesurent 25-30 fois par an. Actuellement il n'y a le plus
cm. Les rejets ou les plants de pépinières ne souvent qu'une ou deux récoltes. On coupe de
sont pas plantés immédiatement après leur préférence en saison sèche, ce qui permet de
arrachage. On coupe leurs racines, puis on sécher les fibres au soleil.
laisse cicatriser les plaies. On ne plante Les feuilles sont coupéet* au moyen de
qu'après plusieurs jours, voire après 1-2 mois. couteaux bien tranchants, près de la base.
On aura soin de prélever rejets ou bulbilles Dans les grandes plantations on les transporte
sur des plants sains, n'ayant pas fleuri à l'usine, liées en bottes, en Decauville. Il
prématurément. faut les usiner dans les 24 heures, sinon elles
Jadis on laissait souvent les plantations se fermentent, donnant des fibres colorées.
renouveler naturellement au moyen des rejets. A défaut d'indications sur les rendements
C'est-à-dire que lors de l'enlèvement des de plantations congolaises, voici ce que l'on
plants ayant fleuri, on conservait un nombre renseigne pour d'autres régions. Java : troi-
correspondant de rejets bien répartis et vi- sième année 1.750 kgrs de fibres sèches à
goureux. Ceci abrégeait le temps nécessaire ] 'Ha., quatrième année 3.250 kgrs, cinquième
jusqu'à la rentrée en production. De plus en année 3.750 kgrs (Prof. VAN ITERSON). Yuca-
plus ce système est remplacé par la replan- tan (Mexique) : en moyenne 2 tonnes par an
tation entre les lignes de la plantation exis- (TOBLER). Est Africain : d'après TOBLER la
tante eu mieux encore par le redéfrichement. première coupe est généralement la plus abon-
On applique divers types d'écartements : dante et donne jusque 50 feuilles, les coupes
par exemple, 3X1 m., 2,50 X 1 m., 2 suivantes donnent 20-30 feuilles, à des inter-
X 1 m. d'après la variété et la qualité plus valles variables. A l'hectare, il estime les ren-
ou moins bonne du terrain. Souvent aussi dements d'une bonne plantation à 4-5 T. de
on plante en bandes : par exemple, deux ou fibres, la première année d'exploitation; le
plusieurs lignes rapprochées, puis un grand rendement s'abaisse progressivement au cours
interligne, pour faciliter la circulation et la des années suivantes.
récolte. On plante dans des trous de 20-30 cm. Les fibres préparées atteignent une lon-
de profondeur. L'entretien consiste en sarcla- gueur de 1,20 m. et plus. Les fibres plus
ges, accompagnés de la suppression des rejets courtes sont classées séparément par longueur
inutilisés pour les plantations, lesquels nui- décroissante jusque 60 cm. et moins. Les fi-
raient aux plants-mères. Dans les débuts on bres de Cantala sont plus courtes et ne dépas-
intercale parfois des plantes annuelles : Maïs, sent pas 1 m.
Arachide, Haricot, Coton. Si la culture se
fait en bandes, on peut se contenter de fau- LE JUTE.
cher les parties non plantées. Le Sisal résiste
d'ailleurs bien aux mauvaises herbes. Toute- Le Jute proprement dit n'est pas cultivé
fois la présence d'herbes expose à l'incendie au Congo Belge. C'est le produit de deux
en saison sèche. Pour cette raison il faut en- Tiliacées : Corchorus capsularis L. et C. oli-
tretenir des coupe-feu autour de la plantation. torius L., cultivées en grand dans l'Inde.
On peut récolter le Sisal à partir de 3 ans Dans le commerce, il est connu sous les noms
environ après la plantation, s'il s'agit de de « Chanvre de Calcutta », « Jute du Ben-
rejets, 4 ans environ s'il s'agit de bulbilles. gale » ou le plus souvent de « Jute ». Une
Pendant sa période d'exploitation, dont la fibre de qualité égale ou supérieure est pro-
durée varie de 3 à 5 ans, rarement plus, le duite à Java à partir d'une Malvacée : Hibis-
Sisal produit 150 à 250 feuilles utilisables. cus cannabinus L. C'est le « Jute de Java ». Il
Une feuille est considérée comme mûre existe de nombreux succédanés, de qualité
lorsqu'elle s'écarte de la verticale de 45° ou égale ou parfois supérieure, comme l'Urena.
plus et que sa couleur est devenue vert jau- Toutes ces plantes contiennent dans leurs ti-
nâtre. La première année d'exploitation on ges des fibres qui servent principalement à
peut couper en général une vingtaine de la fabrication de sacs et toiles d'emballage,
feuilles (on ne compte pas les petites feuilles accessoirement de tapis et tissus pour ameu-
de la base) et, en bonnes conditions, jusque blement, etc.
40-50. Il faut évidemment toujours avoir soin La production mondiale de Jute a atteint
de laisser à la plante quelques feuilles : par en 1939 un total de 1.760.000 T. dont 1.748.000
exemple, 12-15 ou plus la première année. Les T. rien que pour l'Inde. La Belgique consom-
années suivantes on peut couper 30-40 feuil- me annuellement de 50 à 60.000 T. de Jute.
les, parfois plus. Jadis on récoltait plusieurs En 1938 les achats se sont élevés à 68.507 T.
LES CULTURES COLONIALES 497

Au Congo Belge, la culture de succédanés page 486). Culture ou récolte et traitement


du Jute est en voie de développement. sont faits uniquement par les indigènes. (l)
En 1948, les cultures d'Urena ont couvert
9.121 lIa. Les exportations, surtout dirigées — Urena lobata
Description botanique.
vers la Belgique, ont comporté : 1.706 T. de L. est un arbrisseau à tiges annuelles et sou-
Cephalonema, 6.783 T. d'Urena et-4.321 T. de che vivace. Il atteint une taille de 1 à 3 m.
« cuttings et filasses », soit au total 12.810 T. En peuplement peu dense, il est fort ramifié.
Au Congo, on cultive uniquement Urena Son enracinement est superficiel. Toutes les
lobata L., Malvacée pantropicale, connue dans
parties aériennes de la plante sont plus ou
la littérature sous les noms de « Paka » moins pubescentes. Les feuilles sont alternes
(Madagascar), «Aramina» (Brésil), «Urène». et très variables de forme et de dimension
En outre on exploite les peuplements naturels
(4-8 X 2-5 cm.). Le limbe est parfois oblong
de Cephalonema polyandrum K. SCHUM., Ti- étroit ou lancéolé, avec tendance très peu
liacée africaine, connue au Congo sous le marquée à présenter des lobes; parfois plus
nom de « Punga », et de quelques autres ou moins arrondi, cordiforme ou cunéiforme
espèces : Honckenya ficifolia WILLD. (Tiliacée à la base et présentant 3-5 lobes plus ou
d'Afrique), Triumfetta semitriloba LAMK., moins profonds; légèrement scabre à la face
T. rhomboidea JACQ. (Tiliacées pantropicales), tomenteux à la face inférieure.
supérieure,
etc. La culture de l 'U rena et la récolte du Fleurs solitaires ou par deux, courtement
Cephalonema se pratiquent dans le Bas-Con- pédonculées et axillaires. Calicule composé de
go, au Nord et au Sud du fleuve. L'Urena 5 bractées de 6-7 mm., aussi longues que le
se cultive en outre ou est à l'essai dans le fruit. Calice plus petit à 5 sépales de 3-5 mm.
district du Lac Léopold II, au Kwango, au de long. Corolle rose, trois fois plus longue
Kasai et dans le territoire d'Opala (voir carte
que le calice. Etamines nombreuses, soudées
en un tube staminal. Ovaire supère à 5 loges
et un seul ovule par loge. Fruit subglobuleux,
large de 8-10 mm. suivant son plus grand
diamètre, déprimé au sommet, composé de 5
carpelles indéhiscents, garnis de crochets, se
séparant de l'axe à maturité. Graine longue
de 3-4 mm., lisse.
L'Urena vit à l'état sauvage dans les
champs abandonnés, aux abords des villages,
le long des chemins (étant facilement propagé
par ses fruits accrochants). L'espèce est très
variable ; elle présente de nombreuses variétés.
Cephalonema polyandrum K. SCHUM.est un
arbrisseau vivace pouvant atteindre une hau-
teur de 4 m. Les feuilles sont alternes, ovales
larges ou plus ou moins arrondies, entières,
parfois légèrement trilobées, cordées à la base,
longuement acuminées au sommet, mesurant
9-14 X 6-10 cm., légèrement pubescentes.
L'inflorescence est une grappe composée. Les
fleurs possèdent 4 sépales et 4 pétales. Les
sépales sont spatulés et longs de ± 2 cm.,
larges de ± 3 mm. Les pétales sont jaunes,
oblancéolés, un peu plus courts que les sé-
pales. Etamines nombreuses. Staminodes nom-

(1) L'attention se porte actuellement au Congo sur


d'autres espèces encore, en particulier Hibiscus canna-
binus L., le Jute de Java, et Abroma augusta L., une
Sterculiacée asiatique. Ces plantes entrent notamment
Urena lobata : rameau et fruits. dans les rotations de la Division des Plantes Vivrières
à Yangambi et sont l'objet de divers essais, tant à
Yangambi qu'à Gimbi, afin de déterminer les méthodes
(1/2 grandeur naturelle.) culturales qu'il convient de leur appliquer.
498 LES CULTURES COLONIALES

breux insérés entre les étamines et la corolle. duction au même moment. Avant semis, les
Ovaire supère à 5-6 loges et nombreux ovules semences (carpelles) sont frottées entre les
par loge. Le fruit est une capsule oblongue mains ou dans du sable, pour enlever les
ailée, les ailes étant garnies de poils raides. crochets. Sans cette précaution, elles s'agglo-
Fruit long de 3,5-4 cm. Graines longues de mèrent et il n'est pas possible de réaliser un
± 2 mm. bon semis. Les semences sont enterrées de 1
Cephalonema polyandrum s'installe spon- à 2 cm. par ratissage ou par un léger houage.
tanément dans les champs cultivés en forêt et La levée débute environ 8 jours après le
sur les jachères forestières. semis. Dans les débuts la croissance est lente.
Il faut donc semer sur sol très propre et
Culture. — L'Urena se rencontre à l'état ensuite sarcler avec soin. Il faut générale-
ment 1-2 sarclages au cours des deux pre-
spontané en région tropicale et équatoriale,
de la plaine jusqu'à des altitudes assez éle- miers mois de la culture. Ensuite l'Urena
vées. A Java on le trouve jusqu'à 1750 m. doit normalement étouffer les mauvaises her-
bes. Sur terrain forestier, les semis sont fré-
(HEYNE). Il est toutefois préférable de le cul-
tiver sous un climat chaud, pour obtenir des quemment envahis par le Cephalonema. Il est
nécessaire de l'extirper, sinon il étouffe com-
plants de grande taille et, partant, des fibres
longues. Il lui faut le plein éclairemcnt. plètement VUrena. Or celui-ci fournit une
fibre de meilleure qualité. L'U rena se cultive
Au point de vue du sol, VUrena est à con-
sidérer comme plante exigeante. En effet, il généralement comme plante annuelle au Bas-
a un enracinement peu profond, un cycle vé- Congo. Il peut cependant subsister plusieurs
années, par rejets et semis naturel. Sur sol
gétatif court (4-5 mois dans le Bas-Congo) et fertile on pourra ainsi obtenir plusieurs ré-
une forte exportation, du fait que tout l'ap-
coltes, à condition de sarcler soigneusement.
pareil aérien de la plante, représentant un
Il semble plus intéressant en général, là où le
poids de 15 à 20 tonnes et plus à l'hectare, Cephalonema s'installe spontanément, de lui
est enlevé du champ pour subir le rouissage.
Les meilleurs terres dans le Bas-Congo sont
les sols forestiers et alluvionnaires. Malheu-
reusement ils sont rares. Aussi plante-t-on
également sur terrain de savanes de bonne
qualité. DE GROOF conseille d'y planter
VTJrfna en deuxième année, après Maïs, suivi
de Haricot ou de Tabac.
Le terrain sera labouré profondément et
soigneusement. Des essais faits dans le Bas-
Congo ont montré que ce point avait une
grande influence. Sur un sol labouré super-
ficiellement les plants ont atteint une taille
moyenne de 1,80 m., sur labour profond
(30 cm.) leur taille était de 3,50 m. (DE
GROOF). Le sol sera bien ratissé avant semis.
La multiplication se fait par semis. Il est
nécessaire d'établir des parcelles semencières
étant donné qu'en culture serrée, les plants
fleurissent peu et que d'ailleurs la récolte
doit se faire à la floraison, ce qui exclut la
fructification. Le semis se fait à la volée et
très dru, afin d'obtenir des plants de grande Tiges d'Urena lobata
liées en bottes
taille, peu ramifiés, donnant une fibre longue et prêtes au rouissage.
et fine. Il faut de 70 à 90 kgrs de semences (Photo Office Colonial.)
à l'hectare. On sème plus dru en savane,
parce que la levée y est moins bonne. Dans abandonner le terrain après la coupe de
le Bas-Congo on sème en octobre, c'cst-à-dire VUrena et de l'exploiter pendant deux ou
au début des pluies. On sème dès qu'il est plusieurs années. On pourra ensuite y mettre
tombé quelques bonnes pluies. Il est souhai- des plantes vivrières : Manioc, Bananier, etc.
table de fractionner les semis, afin de ne pas L'Urena. se récolte après 4-5 mois. Le mieux
être obligé de récolter et rouir toute la pro- est d'effectuer la coupe en pleine floraison.
LES CULTURES COLONIALES 499

On obtient ainsi de belles fibres, brillantes, ne sont pas atteints. Tout en appuyant le
souples, et le rouissage est plus aisé que si l'on couteau, on tire la foliole en arrière, puis
tarde à récolter. Les tiges sont coupées à la en avant, de façon à enlever la partie tendre.
machette près de la base. On néglige toutefois Il reste une mince lanière verdâtre, qu'il
la partie inférieure fortement lignifiée, à
écorce brune. Cette partie est de rouissage
difficile et on ne parvient pas à en extraire
les fibres à l'état pur.
Le rendement en fibre est de 5 à 6 par
rapport au poids des tiges vertes. Les produc-
tions à l'hectare oscillent entre 800 et 1000
kgrs pour de bonnes cultures, au Bas-Congo.
Il est toutefois à noter que le point de départ
de toutes les cultures a été l'Urena croissant
à l'état spontané dans la région et qu'il a
fallu, dans les débuts, utiliser des semences
de qualité inégale. La sélection permettra
certainement d'améliorer notablement les
rendements. Au Brésil, d'après JUMELLE, on
récolterait de 1000 à 2000 kgrs de fibre à
l'hectare.
L'exploitation du Cephalonema est sembla-
ble à celle de VTJrena. On récolte et rouit de
la même manière. La plante rejette vigou-
reusement et produit pendant plusieurs an-
nées. Sa production de fibre est comparable
à celle de VTJrena, quoique le poids des tiges
à l'hectare soit supérieur.

AUTRES PLANTES A FIBRES.

Le Congo fournit ou pourrait fournir d'au-


tres fibres encore. Une espèce présentant une
certaine importance est le Raphia, dont on
produit une centaine de tonnes annuellement.
Au cours de la guerre l'exploitation a été Spécimen de Kapokier africain ou Fromager,
fortement intensifiée, puisqu'il a été exporté aux environs d'Eala.
276 T. en 1941 et 648 T. en 1942. n'autres (Photo Musée du Congo Belge.)
espèces sont utilisées occasionnellement sur
place. Enfin un grand nombre d'espèces sont suffit de sécher au soleil pendant une demi-
employées par les indigènes pour fabriquer journée environ. Un séchage rapide est fa-
des cordes et des filets de pêche ou de chasse. vorable à la qualité. Le raphia sec est de
couleur jaune clair et prêt à la vente. D'après
Raphia Laurentii DE WILD. et Raphia spp. YVES HENRY, un Palmier fournit en moyenne
- Ces Palmiers ne sont pas cultivés. Les in-
six feuilles utilisables par an, donnant envi-
digènes exploitent ceux qui croissent spon-
ron 3 kgrs de raphia marchand.
tanément. Le Raphia utilisé à la fabrication
des nattes et tissus indigènes et employé en Ceiba pentandra GAERTN. (Eriodendron
grande quantité en horticulture, est tiré des anfractuosum D. C.). — Bombacacée d'Amé-
folioles des feuilles. On récolte les jeunes rique et d'Afrique tropicales. Kapokier.
feuilles non encore déployées. Les folioles Fromager (nom généralement donné au
sont coupées, puis débarrassées de la nervure Kapokier d'Afrique). Ce sont des arbres de
médiane. Les deux demi-folioles ainsi obte- grande taille, fournissant une bourre de qua-
nues sont étalées sur un tronc ou une planche, lité médiocre. Le Kapokier asiatique (Bombax
leur face inférieure vers le haut. On pose un malabaricum D. C.) produit un kapok blanc
couteau vers le milieu de la lanière et en- de belle qualité; il est cultivé en Indonésie,
lame celle-ci partiellement. Les faisceaux de aux Philippines, en Malaisie et à Ceylan. On
fibres se trouvant sous l'épiderme supérieur l'a importé au Congo et il en existe de petites
500 LES CULTURES COLONIALES

rage (trop peu utilisé)


pour matelas.
La bourre ou kapok
est un produit du
fruit, qui est une cap-
sule longue de 10-20
cm., à 5 loges. Les pa-
rois sont tapissées in-
térieurcment de poils.
A maturité, ces poils
sont libres et se pré-
sentent sous forme de
flocons entourant les
graines. Ils se laissent
donc séparer beaucoup
plus facilement que
ceux du Cotonnier. Le
kapok asiatique sert
principalement comme
rembourrage et pour la
Plantation de Kapokiers à Java. Variété : « Japara », âge : 4 ans. fabrication de ceintures
(Photo OPSOMER.) de sauvetage. Les grai-
nes sont oléagineuses.
surfaces. Quant au Fromager il se rencontre Musa spp. — Musacées. Bananiers. Les
partout au Congo, sauf aux hautes altitudes. gaines foliaires, dont l'ensemble constitue le
La bourre qu'il produit est généralement tronc, contiennent des fibres, pouvant servir
brunâtre. Elle constitue un excellent rembour- de succédanés des fibres du Bananier textile :
Musa textilis NEE., des Philippines, où il est
cultivé en grand et fournit le « Chanvre
de Manille » ou « Abaca ». Les Bananiers
comestibles pourraient ainsi fournir une fibre.
Elle est cependant rarement extraite. lie
« chanvre de Manille » sert principalement
à la fabrication de cables. Le Musa textilis
a été introduit au Congo Belge.
Sansevieria spp. — Liliacées d'Afrique et
d'Asie. Il existe au Congo Belge plusieurs
espèces de Sansevières. Les feuilles contien-
nent des fibres comparables à celles de
cul-
l'Agave. Elles ne font l'objet d'aucune
ture ou exploitation au Congo. Plusieurs es-
comme
pèces ont été importées en Europe
plantes ornementales d'appartement.

CHAPITRE VII.

PLANTES OLEAGINEUSES.

L'ELAEIS OU PALMIER A HUILE.


L'Elaeis fournit deux produits : l'huile
de palme extraite de la pulpe ou chair des
fruits. et les amandes palmistes ou « coco-
nottcs ». Ces amandes fournissent l'huile de
palmiste, que l'on prépare généralement
Jusqu'au début
dans les huileries d'Europe.
de ce siècle, huile de palme et amandes pro-
Branche de Kapokier avec feuilles et fruits. venaient exclusivement d'Afrique occidentale
(Photo Musée du Congo Belge.)
LES CULTURES COLONIALES 501

et centrale. La culture
a été ensuite introdui-
te et fortement déve-
loppée à Sumatra
(1911) et en Malaisie
(1917). Toute la pro-
duction était fournie
jadis par des palme-
raies spontanées ex-
ploitées par les indi-
gènes. Actuellement
encore, l'Afrique four-
nit beaucoup d'huile
de palme et de coco-
nottes préparées par
les indigènes ou pro-
duites en collaboration
avec les indigènes,
c'est-à-dire à partir de
fruits achetés aux in-
digènes et traités dans
des usines européennes.
Sumatra et la Malaisie,
au contraire, produi- Palmeraie naturelle à Eala.
sent uniquement des (Photo GHESQUIÈRE.)
huiles et amandes de
plantation, donc de qualité supérieure. On le Congo Belge surtout, a amélioré sa pro-
distingue, dans le commerce, trois types duction et est entré dans la voie des planta-
d'huiles, de qualité croissante : l'huile de tions.
palme indigène, l'huile de palme usinée et On croyait jadis qu'il était plus intéressant
l'huile de palme de plantation. En Afrique, d'exploiter les palmeraies naturelles plus ou
moins aménagées. Ce-
pendant la produc-
tion de celles-ci est
toujours faible et ir-
régulière. Le type de
fruit n'y est généra-
lement pas homogène
et on y trouve sur-
tout les types les
moins intéressants,
c'est-à-dire à coque
épaisse et faible
pourcentage d'huile,
ces types étant les
plus rustiques. Une
palmeraie naturelle
donnera de 100 à
1000 kgrs d'huile seu-
lement à l'hectare,
alors qu'une planta-
tion donnera au
moins une tonne,
souvent 2 T. et plus.
On en est finalement
revenu et les plan-
Palmeraie naturelle aménagée à Eala. teurs ont compris
(Photo GHESQUIÈRE.) que seule, comme
502 LES CULTURES COLONIALES

pour toutes les autres cultures, la plantation 60.000 T.; pour les palmistes : Nigérie
créée au moyen de matériel sélectionné est 315.000 T., Congo Belge 88.778 T., Afrique
intéressante. Chez l'indigène également on occidentale française 70.290 T., Sierra Leone
ne vise plus à l'aménagement de palmeraies, 70.870 T., Indes néerlandaises 43.800 T.,
mais à la création de plantations régulières Malaisie 10.950 T. Le classement se modifie
(voir plus loin). pour les palmistes, parce que certains pays
Les premières exportations d'Afrique da- d'Afrique exportent beaucoup d'amandes,
tent seulement de 1790, en ce qui concerne mais consomment une grande partie de
l'huile, et 1832 pour les amandes. En 1840 l'huile de palme provenant des mêmes fruits
on importait déjà en Europe 20.000 T. d'huile et parce que le type de fruit de Malaisie-
de palme et vers 1880 on atteignait 70.000 T. Sumatra contient relativement moins
Voici des statistiques plus récentes (an- d'amande.
nées 1938 ou 1939) : pour l'huile de palme :
Indes néerlandaises 230.000 T., Nigérie Les dernières statistiques congolaises (1948)
110.400 T., Congo Belge 72X92 T., Malaisie renseignent les quantités suivantes :

Production. Exportation.
Indi- Huile vendue 11.645T. Huile de palme. 109.591T.
gène. Palmistes 54.087 Huile de palme dure (1) - - 795
Fruits vendus 478.148 Huile de palmistes. 17.602
Palmistes 83.375
Huile de plantation 50.107 Tourteaux de palmistes 13.599
Euro- Huile usinée (2) 93.700 Savon , 3.502
péenne. Palmistes de plant. 15.036
Palmistes usinés 42.400 (1) Fabrication indigène.
(2) A partir de fruits achetés.

USAGES: Les prin-


cipaux usages de
l'huile de palme sont
la savonnerie et la
fabrication de bougies,
l'étamage du fer, la fa-
brication d'huiles ali-
mentaires et de mar-
garine. Viennent en-
suite les nombreuses
applications industriel-
les diverses : fabrica-
tion de linoléum, en-
cres grasses, etc.
L'huile de palme con-
vient particulièrement
bien à la fabrication
de la margarine, grâce
à sa composition, sa
consistance, sa couleur.
Toutefois il faut un
degré d'acidité peu
élevé. Le commerce
exige actuellement 3-4
d'acide gras libres
(jadis il tolérait 6-8
). Pour l'étamage
du fer, la tolérance va
jusque 20 Notons
Exploitation et culture de l'Elaeis au Congo Belge. à ce point de vue que
LES CULTURES COLONIALES 503

les huiles indigènes dosent 30 et plus pourra doubler les rendements de l'Hévéa
d'acidité. Les amandes servent à la fabrica- et de l'Elaeis.
tion de margarine, huiles alimentaires, etc. Signalons encore que l'Elaeis est la plante
Le tourteau de palmistes sert à l'alimentation oléagineuse donnant les plus hauts rende-
du bétail. ments en huile. Il produit 3-4 fois autant, et
L'Elaeis existe à l'état spontané dans pres- même plus, d'huile à l'hectare que l'Arachide,
que toute la Colonie. Il manque dans le
Nord-Est, ainsi que dans le Haut-Katanga;
il est rare dans l'Est. Il est surtout exploité
ou cultivé dans la région équatoriale, au
Mayombe et au Kwango-Kasai. Voir la carte
d'Afrique indiquant la distribution naturelle
de l'Elaeis et la carte du Congo indiquant
les zones d'exploitation et les plantations.
L'étendue des palmeraies naturelles est in-
connue. Leur densité est d'ailleurs très va-
riable. Les statistiques de 1948 mentionnent
36.155 Ha de palmeraies aménagées par les
Européens, à côté de 75.948 Ha de planta-
tions en rendement et 24.109 Ha de jeunes
plantations. Les plantations indigènes cou-
vraient 27.394 Ha en rendement et 20.978 Ha
non en rendement.
La culture de l'Elaeiis est certainement
destinée à se développer sur une grande
échelle, à l'avenir, principalement sans doute
en collaboration avec les indigènes. Techni- Limites de l'extension naturelle du Palmier à huile.
(D'après la carte in SPRECHER V. BERNEGG.)
quement l'Elaeis est, avec l'Hévéa, une des
cultures les plus recommandables. Ces deux
le Sésame ou le Soja. Il donne plus du double
plantes protègent beaucoup mieux le sol que de la production du Cocotier. La dépense en
le Cacaoyer, et surtout que le Caféier. Au
main-d'œuvre est en même temps plus faible
point de vue économique, l'Elaeis se recom-
mande pour sa haute production à l'hectare, pour l'Elaeis. Il est vrai cependant qu'il
fournit une assez faible quantité de tour-
obtenue avec une faible dépense de main-
teaux : la fabrication de l'huile de palme
d'œuvre. Dans une étude non publiée, laisse un résidu sans valeur; seules les aman-
A. RINGOET estime que, tenant compte de des fournissent du tourteau. La valeur-ar-
l'entretien, de la récolte et de la préparation,
une journée de travail fournit 2 kgrs de café, gent des produits de l'Elaeis reste néanmoins
de beaucoup supérieure à celle des plantes
2,55 kgrs de caoutchouc, 6,5 kgrs de cacao et « concurrentes ».
14,5 kgrs d'huile de palme. En supposant
300 journées de travail par an, un travailleur
les quantités et valeurs suivantes Origine et description botanique. — Le
produit
(prix de 1939) (l) : Palmier à huile ou Elaeis guinsensis JACQUIN
'Kilos. Prix unitaire. Total. est originaire d'Afrique occidentale et cen-
Café robusta 600 4,35 2.610 trale. Les limites de sa distribution naturelle
Cacao 1.950 4,10 7.995 sont approximativement les dixièmes paral-
Caoutchouc 765 11,30 8.645 lèles Nord et Sud, l'Atlantique à l'Ouest, les
Huile de palme 4.350 2,10 9.135
Grands Lacs à l'Est. Des limites plus précises
A. RINGOET ajoute qu'avec des plantations sont indiquées sur la carte, ci-dessus.
créées au moyen de matériel sélectionné, tel L'Elaeis a été importé en Amérique, notam-
qu'on en a employé ces dernières années, on ment en Amazonie et dans l'Etat de Bahia
(Brésil) où il est cultivé sur une petite échelle.
(1) Notons en passant qu'il serait logique, pour une On suppose qu'il y a été introduit avec les
colonie où la main-d'œuvreest rare, de calculer les ren- esclaves, au temps de la traite. Il a été intro-
dements par ouvrier et non par hectare. Il faut recher- duit en Extrême-Orient au 19me siècle, mais
cher le rendement maximum par travailleur, ce qui sa culture n'y a commencé qu'au début du
n'est pas toujours le maximum à l'hectare. Il sera
parfois rationnel d'appliquer des méthodes moins in- 20me siècle. L'habitat naturel du Palmier à
tensives et d'étendre les surfaces plantées. huile se trouve dans les forêts secondaires,
504 LES CULTURES COLONIALES

les galeries forestières, les abords des villages variété botanique d'E. guineensis. Enfin on
et emplacements d'anciens villages. On ne le distingue parfois une quatrième espèce, afri-
rencontre pas, à l'état spontané, en forêt caine : E. Poissonii ANNET, dont les fruits
vierge ni en savane. sont entourés d'une gaine oléagineuse, en
plus de la pulpe proprement dite. Plusieurs
auteurs en font une sous-espèce d'E. guineen-
sis; les auteurs allemands la considèrent com-
me une simple variété botanique, dénommée
« Diwakawaka »; enfin, pour d'autres encore,
ce ne serait qu'une forme tératologique
(monstruosité)

DESCRIPTION D'ELAEIS GUINEENSIS. —


L'Elaeis est un Palmier pouvant atteindre
une taille de 30 m. et plus. En culture, il ne
dépasse guère 15-20 m. Le tronc ou stipe a
un diamètre de 20-60 cm. et porte 10 à 40,

Régime mâle.
(Extrait de RUTGERS :
Invstigations on Oilpalms.)

SYSTÉMATIQUE.— Le genre Elaeis appar-


tient à la famille des Palmiers, sous-famille
des Céroxyloïdées, tribu des Cocoées. Cette
dernière contient un autre Palmier utile : le
Cocotier. Le genre Elaeis comprend trois es-
pèces : E. guineensis JACQ. d'Afrique, E. ma-
dagn scariensis BECC. ou « Palmiste » de Ma-
Régimes femelles mûrs.
(Photo Inéac.)

mais en moyenne 20-25, feuilles pennées. Les


5-7 premières feuilles du jeune Palmier sont
toutefois entières, lancéolées. Les feuilles nor-
males mesurent 3-5 m. de long, sous un climat
relativement sec, et jusque 6-7 m., en bonnes
conditions de végétation. Entre les lobes fo-
liaires ou pinnules se trouvent des épines. Le
pétiole de la feuille mesure 0,50 à 1,20 m. et
porte également des épines. Il est fortement
élargi à la base. Cette base du pétiole persiste
pendant plusieurs années après la chute de
la feuille, sous forme d'un chicot. Avec l'âge,
cependant, les chicots disparaissent et les
vieux Palmiers ont un tronc lisse. Le tronc
Régimes femelles. De gauche à droite : ne commence à se dessiner que vers l'âge de
Enfermé dans la spathe interne; à fleurs ouvertes; 4-6 ans. La croissance en hauteur est en rela-
en coupe longitudinale; à fruits noués.
(Photo BEIRNAERT.) tion étroite avec la formation des feuilles,
comme chez les autres Palmiers. En Afrique,
dagascar et E. melanococca ou melanocarpa d'après BUECHER,un Palmier croît en moyen-
GAERT. d'Amérique (Bahia, Amazonie, ne de 25 cm. par an; à Sumatra, d'après
Guyanes, Vénézuéla, Panama). Certains au- MAAS, de 35-40 cm.
teurs considèrent VElaeis madagascariensis Comme chez la plupart des Monocotylées,
une la racine primaire cesse rapidement de se
comme une sous-espèce ou simplement
LES CULTURES COLONIALES 505

développer et est remplacée par des racines forment un cône autour du pied. L'Elaeis est
secondaires et d s racines adventives (se for- ainsi solidement ancré. En ce qui concerne
mant sur la portion enterrée du tronc). Ces la profondeur, disons qu'on a retrouvé des
racines s'allongent très fort, mais, comme racines jusqu'à 9 m. La profondeur normale
chez les autres Monocotylées, ne s'épaississent de l'enracinement est déterminée par la pro-
pas ; elles se ramifient très peu. Elles peuvent fondeur du plan d'eau ou d'une couche im-
s'étendre sur un rayon de 15 m. et plus. perméable ou dure existant éventuellement
Etant donné que les racines ne portent des dans le sol. Elle est donc variable. Voir au
poils absorbants que dans la portion voisine paragraphe « Sol ». Les racines de l'Elaeis
de la coiffe, et que chez l'Elaeis elles se rami- portent des organes respiratoires ou pneu-
fient peu, il n'y a pratiquement que les ex- matodes, lui permettant de résister à une
trémités des racines qui puisent la nourriture inondation de courte durée. D'après YAM-
et l'eau du sol. Heureusement il se forme POLSKY,seules les racines aériennes en portent
constamment de nouvelles racines, si bien normalement, mais le Palmier en forme aussi
qu'un réseau très serré de racines d'inégale un grand nombre sur ses racines souterraines,
longueur explore et exploite complètement lorsque le sol est trop humide.
le sol. A partir d'un certain âge (15-20 ans), Le Palmier à huile est monoïque, mais les
il se forme en outre des racines aériennes sur inflorescences ou régimes sont unisexués. Les
la base du tronc, jusqu'à 1 m. de hauteur
régimes mixtes sont rares, de même les Pal-
environ. Ces racines sont très nombreuses et miers ne produisant que des régimes mâles
ou femelles. Les recherches de BEIRNAERTont
montré, qu'en réalité, ces Palmiers semblent
ne produire que des régimes d'un sexe, parce
qu'ils produisent des séries très longues de
régimes de l'un ou l'autre sexe (voir plus
loin). Les régimes sont axillaires. A l'aisselle
de chaque feuille, même de celles qui sont à
peine différenciées dans le cône végétatif, se
trouve un bourgeon floral mâle ou femelle.
Mais ils ne se développent pas nécessairement
tous. Toutefois, les feuilles qui se forment
pendant les deux premières années de la vie
du Palmier ne portent pas de bourgeon floral
à leur aisselle. Sous l'influence de facteurs
internes, notamment de facteurs héréditaires,
et de facteurs externes (x), les bourgeons
floraux donnent naissance, tantôt à des régi-
mes mâles, tantôt à des régimes femelles. Le
Palmier produit généralement alternative-
ment des séries mâles et femelles. D'après
BEIRNAERT, si on dissèque un Palmier, on
trouve de 50 à 70 bourgeons floraux, dont
20-25 s'épanouissent annuellement. Il se forme
donc aussi 20-25 nouvelles feuilles par an et
les bourgeons floraux préexistent deux à deux
ans et demi avant la maturité des régimes.
Annuellement le Palmier produit de 5 à 15

Structure des régimes d'Elaeis.


I. Coupe longitudinale d'un fragment d'épi de (1) Facteurs externes, c'est-à-dire le « milieu » et
régime mâle : 1. Fleurs mâles. 2. Bractées. 3. Axe. en particulier les conditions de nutrition. C'est surtout
II. Fleur mâle : 1. Etamines 2. Périanthe; III. le rapport entre les matières d'assimilation et les ma-
Grains de pollen, certains en germination (Gross. tières d'absorption qui agit ici. S'il y a un excès de
300 x) : 1. Grains de pollen. 2. Tubes polliniques. sève élaborée, le Palmier aura tendance à former des
3. Raphides (cristaux): IV. Fleur femelle : 1. régimes femelles; si au contraire il y a un excès de
Stigmates. 2. Périanthe; V. Epi de régime femelle: sève absorbée ou minérale, il aura tendance à former
1. Fleurs femelles. 2. Epines des bractéss. 3. des régimes mâles. Tout ce qui nuit à l'élaboration
Epine de l'épi. chlorophyllienne poussera donc à la formation de
(D'après RUTCERS.) régimes mâles.
506 LES CULTURES COLONIALES

régimes femelles, les autres étant des régimes des eu étamines rudimentaires. Enfin, de part
mâles. et d'autre de chaque fleur femelle, se trouvent
L'Elaeis commence normalement à fleurir deux fleurs mâles rudimentaires, que BEIR-
en troisième année. Généralement la première NAERT appelle « fleurs mâles accompagna-
floraison débute par une série mâle ou par trices ». Ces fleurs se trouvent sous la même
des régimes mixtes. Du reste les premiers bractée que la fleur femelle ; chaque alvéole
régimes femelles formés ne se développent contient donc en fait trois fleurs, dans les
guère, parce que le pourcentage de féconda- régimes femelles.
tion est peu élevé chez les jeunes Pal- Chez Elaeis Poissonii, la fleur femelle pos-
miers (x). Pratiquement l'Elaeis ne produit sède 6-9 carpelles rudimentaires qui provien-
nent, par transformation, des staminodes de
la fleur normale. Ces carpelles s'épaississent
et constituent, à maturité, le manteau oléa-
gineux qui entoure le fruit « diwakawaka ».
L'Elaeis est pratiquement allogame, étant
donné que les inflorescences mâles et femelles
d'un même arbre ne fleurissent pas ou rare-
ment ensemble. La pollinisation se fait sur-
tout par le vent, accessoirement par des
insectes.
Diagramme de la fleur femelle de 1Elaeis. Le développement du fruit, de la féconda-
(D'après BEIRNAERT.) tion à la maturité, demande 5-6 mois à Su-
matra et, d'après FICKENDEY, 6-9 mois en
qu'un ou deux ans plus tard, soit à 4 ou 5 Afrique. A Yangambi, cependant, cette durée
ans (âge réel).
Les régimes mâles et femelles se composent
d'un axe épais de 5 à 10 cm., portant, en dis-
position spiralée, des épis de fleurs au nombre
de 200 environ. Les épis se terminent en
épines, surtout bien développées dans les ré-
gimes femelles. Les fleurs mâles sont nom-
breuses et serrées sur les épis; il y en a ±
750 par épi, soit 150.000 par régime. Les
fleurs femelles, au contraire, sont largement
espacées ; il y en a ± 15 par épi (et au maxi-
mum 30), soit environ 3.000 par régime.
Chaque régime est enfermé dans deux spathes
brunes, très résistantes. Le pédoncule du ré-
gime mesure 20-30 cm. chez les régimes femel-
les, 40 cm. chez les régimes mâles. Les inflo-
rescences ouvertes! mesurent 30-50 cm. de
long. Chaque fleur se trouve à l'aisselle d'une
bractée épineuse, dont les bords sont concres-
cents avec l'axe de l'épi, formant une alvéole
dans laquelle se trouve la fleur. La fleur
mâle mesure 3-4 mm., ses enveloppes florales
se composent de 6 pièces ou tépales. Il y a
normalement 6 étamines et un ovaire rudi-
mentaire. Chez les fleurs femelles, qui mesu-
rent environ 14 mm., les enveloppes florales
Palmier portant des régimes mâle et femelle
comprennent 9 pièces; l'ovaire est supère, à fleurissant simultanément.
3 loges contenant chacune un ovule, dont nor- (Photo l'illustration congolaise.)
malement un seul se développe. L'ovaire est
surmonté d'un stigmate trilobé sessile. La n'est également que de 6 mois environ. Com-
fleur femelle contient encore 6 à 10 stamino- développés, les fruits mesurent
plètement
3-6 X 2-4 cm. Au point de vue de leur colo-
préconise de les polli-
(1) C'est pourquoi FICKENDEY ration, on distingue trois variétés ou types :
niser artificiellement.
LES CULTURES COLONIALES 507

1. Nigrescens : avant maturité le fruit est 21 chromosomes haploïdes, tandis que DE


noir, plus ou moins violacé ; il devient dans POERCK (Yangambi), en dénombre 16 chez
la suite rouge orangé plus ou moins foncé, le les différents types : dura, tenera, pisifera,
sommet des fruits extérieurs restant plus ou Poissonii, de même que chez le Cocotier.
moins noir. Ce type est le plus répandu, VARIÉTÉS d'Elaeis guineensis. - Il existe
constituant au moins 95 des palmeraies de nombreuses classifications des variétés
naturelles; d'Elaeis, notamment celles de CHEVALIER,
2. Virescens : vert, devenant rouge orangé ANNET, BECCARI, JUMELLE, BUECHER et
clair à maturité, le sommet des fruits exté- FICKENDEY,etc. Aucune n'est satisfaisante, la
rieurs restant verdâtre; stabilité de beaucoup des caractères utilisés
3. Albescens : blanc jaunâtre avant et n'ayant pas toujours été contrôlée par des
après maturité, le sommet du fruit prenant essais de culture. Les agronomes et sélection-
une teinte noir violacé. Ce type est très rare. neurs ont généralement adopté la classifica-
Les fruits intérieurs et surtout les fruits tion de RUTGERSet MAAS (1922), basée sur le
parthénocarpiques présentent toujours une type de fruit et comportant quatre variétés
coloration plus claire. (voir figure) :
Le poids du régime femelle est très varia- var. macrocary a : coque épaisse de 4-8 mm.,
ble; il est compris entre 5 et 70 kgrs, parfois représentant 40-60 du poids du fruit ; pul-
plus. Le pourcentage de fruits sur régime pe 0,75-2,50 mm., correspondant à 30-50
varie entre 50 et 75 du poids du fruit; 10-12 d'amande. A
Le péricarpe du fruit se compose de trois Sumatra, on l'appelle « Congo type » (!).
parties : la peau ou épicarpe; la chair ou var. dura : coque moyenne, 2-4,5 mm., 20-
pulpe du fruit, constituant le mésocarpe, 40 en poids; pulpe 2-6 mm., 50-70 en
plus ou moins fibreuse, d'épaisseur variable poids; 10 d'amande. La plupart des Pal-
et riche en huile (40-50 ) ; enfin la coque miers à huile de Sumatra, groupés sous le
ligneuse, ou endocarpe, ayant de 0 à 8 mm. nom de « Deli type », sont des dura.
d'épaisseur. La noix présente, tout comme la var. tenera : coque mince, 0,5-2,5 mm..
noix de coco, trois pores germinatifs. La noix 5-20 en poids ; pulpe mince à très épaisse,
contient normalement une seule amande. Cel- 70-95 en poids; 8-10 d'amande.
le-ci dose 45-50 d'huile. Si l'on fait une Les sélections de l'Inéac, dénommées
coupe longitudinale à travers la noix, on re- « Type Yangambi » sont des tenera,. Les
marque le germe engagé partiellement dans indigènes désignent les tenera sous les noms
un des pores germinatifs (obturé par l'oper- de Mohei, Lisombe, etc.
cule); l'haustorium, sorte de suçoir, qui n'est var. pisifera : sans coque ; amande très
autre que le cotylédon, qui restera dans la petite, de la dimension d'un pois; pulpe
graine au moment de la germination et s'y épaisse, mais fruit petit. Type sans valeur,
développera en digérant l'endosperme; la fis- comme tel, présentant un haut degré de stéri-
sure centrale qui correspond à la cavité de la lité- Peu d'amandes germent.
noix de coco. Voir figure. BEIRNAERTa constaté que les pisifera sont
Terminons cette description en signalant stériles jusqu'à l'âge de 12-15 ans.
que YAMPOLSKYa trouvé chez E. guineensis N. B. — Chez Elaeis Poissonii, on trouve

Structure de la noix d'Elaeis et germination.


(Remarquer la digestion progressive de l'endosperme par l'haustorium.) (Dessin Inéac)
508 LES CULTURES COLONIALES

des macrocarya, dura et tenera. MAAS consi- Sol. — L'Elaeis s'adapte à des sols très
dère que ce sont les variétés tenera, dura et divers. Toutefois, pour une plantation indus-
macrocarya qui présentent chacune une forme trielle, le choix devra se faire avec beaucoup
« diwakawaka ». de soin. Le choix du terrain a beaucoup plus
Plus récemment (1941) BEIRNAERTet VAN- d'importance que pour une plante annuelle,
DERWEYEN ont proposé une nouvelle classifica- étant donné que la plantation doit durer de
tion. Ces auteurs ne retiennent comme varié- longues années. C'est d'ailleurs là une re-
tés proprement dites que les dura et pisifera. marque tout à fait générale, s'appliquant à
Ils considèrent les macrocarya comme les toutes les cultures vivaces. En ce qui con-
« plus-variantes » de la variété dura. Quant cerne le Palmier à huile, les qualités essen-
au tenera, ils ont pu montré qu'il n'est qu'un tielles du sol sont : la profondeur, la perméa-
hybride instable entre dura et pisifera. bilité, la fraîcheur et la richesse en humus.
La classification, dont nous donnons un L'Elaeis demande un sol riche en humus.
tableau ci-dessous, est basée sur quatre carac- A Sumatra on a constaté un développement
tères qui sont, par ordre d'importance systé- et une production extraordinaires sur des sols
matique : la présence ou l'absence do carpelles tourbeux, après drainage. Il faudrait toujours
supplémentaires; l'épaisseur de la coque; la choisir des sols forestiers, parce qu'ils sont
pigmentation du fruit avant maturité ; la plus riches en humus que les sols de savane.
Le Palmier à huile affectionne particulière-
ment les sols alluviaux, les sols argilo-sableux,
les sols volcaniques (exemple Sumatra). Les
sols sableux conviennent aussi s'ils sont suf-
fisamment riches en humus; les sols argileux
s'ils sont drainés. Le sol doit être perméable:
en effet l'Elaeis ne supporte pas l'humidité
exagérée du sol. Il languit en terrain maré-
cageux. S'il peut supporter l'inondation
(voir plus haut), du moins à l'état spontané,
il ne supporte pas l'eau stagnante. La pro-
fondeur du sol est d'importance primordiale.
surtout lorsque la teneur en éléments nutri-
tifs n'est pas élevée. Il serait souhaitable que
le sol n'ait jamais une profondeur inférieure
à 1.50 m.
Variétés du Palmier à huile :
l, 2, 3 : Macrocarya.- 4, 5, 6 : Dura. - 7, 8, L'Elaeis est une plante épuisante. (Voir
9 : Tenera. — 10. 11, 12 : Pisifera. — 13 - 16 : plus loin les chiffres d'exportation.) lie sol
Elaeis Poissonii. devra donc être fertile. Si, au Bas-Congo,
(D'après RUTGERS : Investigations on Oilpalms.)
l'Elaeis s'est montré moins exigeant que les
autres cultures : Hévéa, Caféier robusta,
soudure éventuelle des folioles (var. idolatrica
Cacaoyer, Canne à sucre, celà est dû, comme
CHEV-, considérée par les auteurs comme une le Prof. BAEYENS, au fait qu'il
l'indique
simple mutation du type ordinaire).
Elaeis guineensis : s'agissait de matériel non amélioré, souvent
var. dura : s. var. nigrescens; même de palmeraies naturelles.
s. var. virescens; En ce qui concerne la réaction du sol,
s. var. albescens;
« var. » tenera : s. var. nigrescens; VAGELER(1930) dit qu'elle peut être « légè-
s. var. virescens; rement acide à acide, avec une grande tolé-
s. var. albescens; rance du côté acide » ; BLOMMENDAAL (1937)
var. pisifera : s. var. nigrescens; la préfère « neutre à faiblement acide ». Le
s. var. virescens;
s. var. albescens; Prof. BAEYENS(1938) constate que les bons
E. guineensis sub-spec. Poissonii : sols à Elaeis du Bas-Congo ont un pH com-
var. dura : s. var. etc. etc. pris entre 6 et 7, ce qui confirme l'opinion
« var. » tenera : etc. de BLOMMENDAAL.
var. pisifera : etc.
Chacune de ces 18 sous-variétés peut pré- Signalons, enfin, que le Palmier à huile
senter la mutation idolatrica. est beaucoup plus sensible à la présence de
Enfin Elaeis madagascariensis pourrait chlorure de sodium que son parent le Cocotier.
éventuellement être rattaché à E. guineensis Il peut supporter au maximum une teneur
et constituer la sous-variété rubescens. de 0,5 %, alors que le Cocotier croît même
LES CULTURES COLONIALES 509

sur des terres imprégnées par l'eau de mer çoivent effectivement 2500-3500 mm. Au Ca-
(atolls du. Pacifique). meroun, à certains endroits, l'Elaeis reçoit
Le relief du terrain a aussi son impor- jusque 10.000 mm. sans en souffrir!
tance. L'exploitation, la construction de rou- Au Congo Belge, les pluies ne sont géné-
tes et decauvilles sont plus faciles et les ralement pas en quantités optimales. Le plus
transports moins coûteux sur un terrain peu grand nombre de plantations ne reçoit que
accidenté. Ce point n'est nullement négligea- 1500-1800 mm. et souvent moins. Une saison
ble, vu le poids des récoltes qui atteint 10- sèche provoque un arrêt ou une chute dans
20 T. par hectare et par an. les récoltes. Par contre, de brèves sécheresses,

Climat. — L'Elaeis
demande un climat
chaud. FIGKENDEY in-
dique comme optimum
une température
moyenne de 24-26°,
avec le moins possible
de variations et des va-
riations ne dépassant
pas 10° en plus ou en
moins. Comme limite
inférieure, il indique
une température
moyenne annuelle de
200, à condition que
les autres facteurs
soient favorables. C'est
cette température de
20° qui limite l'aire
d'extension du Pal-
mier à huile en latitu-
de et altitude. Il n'est Jeune plantation
pas possible d'indi- d'Elaeis. (Photo Huilever.)
quer, de façon précise,
l'altitude que l'Elaeis ne peut dépasser. de temps à autre, favorisent la floraison et,
Ainsi, au Cameroun, il existe à 1300-1400 m., partant, la fructification.
alors qu'à certains endroits il ne dépasse pas L'Elaeis résiste aux vents violents, grâce
700 m. En Afrique orientale, on le trouve à son enracinement développé. Des vents secs,
même à 1700 m. Ces hautes altitudes sont comme il en règne à la limite de son aire
toutefois exceptionnelles. De façon générale, d'extension (Sénégal) lui sont très nuisibles.
il ne faut pas dépasser 500 m. en plantation Etant anémophile, un certain mouvement de
industrielle. A Sumatra, la plupart des plan- l'air (brise) est utile à la pollinisation.
tations se trouvent entre 10 et 60 m. d'altitude.
L'Elaeis exige beaucoup de lumière. A ce Préparation du sol. — Nous renvoyons à
point de vue, le climat de Sumatra est plus ce qui a été dit, au chapitre I, sur l'inciné-
favorable que celui de l'Afrique, sa patrie. ration et la non-incinération, le dessouche-
Le ciel y est rarement couvert pendant le ment et le trouage.
jour; les pluies tombent généralement le soir Pour l'Elaeis, les trous de plantation doi-
ou la nuit. A Sumatra l'activité photosynthé- vent avoir 50-60 cm. de côté, éventuellement
tique sera donc plus intense. D'autre part, plus. L'écartement le plus fréquemment suivi
le travail en plantation y est rarement en- jusqu'à présent est l'écartement standard de
travé par la pluie. Sumatra : 9 X 9 m. en triangle ou ce qui
En ce qui concerne les pluies, l'Elaeis est revient au même 7,79 m. entre les lignes et
également exigeant. 1500 mm. de pluies an- 9 m. dans les lignes, en quinconce. Ceci donne
nuelles sont un minimum, à condition d'être 1''3 arbres à l'hectare (l). On rencontre par-
bien réparties. D'après VAGELER, pour pro-
duire abondamment, il lui faut 3000-3500 mm. (1) 9 X 9 m. en carré ou en quinconce donnent
A Sumatra la plupart des plantations re- 123 arbres à l'Ha.
510 LES CULTURES COLONIALES

fois aussi des écartements de 8-9-10 m. en semer immédiatement, il faut au moins stra-
carré. Notons qu'un espacement rationnel doit tifier les noix, ce qui revient à faire un
permettre aux arbres de se développer con- semis provisoire. La germination est égale-
venablement, de jouir d'assez d'air et de ment moins bonne pour des noix cueillies
lumière, tout en protégeant suffisamment le avant maturité complète (évidemment!) ou
sol. Les feuilles doivent arriver à se toucher trop mûres.
tout juste. Actuellement, au Congo Belge et D'après MAAS, des noix « Deli type » ne
à Sumatra, on a tendance à planter plus serré, donnent en moyenne que 50 de germina-
ce qui protège mieux le sol, donne des rende- tion en 9 mois. D'après BEIRNAERTles dura
ments plus élevés au début, et permet ensuite et mncrocarya commencent à germer entre 5
et 8 semaines et donnent 60 à 70 de ger-
mination en 6 mois. Les tenera ont une éner-
gie germinative moindre encore : leurs noix
commencent à germer après 14 semaines et
donnent 30 à 50 de germination en 12 mois.
Ceci provient de ce que leur coque mince
protège moins bien l'amande contre la des-
siccation. Ces circonstances sont fort gênan-
tes en pratique : pour obtenir une levée suf-
fisante en un temps donné, il faut semer
beaucoup plus de graines qu'il n'en faudrait
Coffre de fermentation. normalement; la taille des plants est inégale
(Dessin Inéar) au moment de la plantation ; il faut appliquer
des traitements spéciaux.
une éclaircie sélective. On plante, par exemple
On a donc cherché à stimuler la germina-
à 3-4 m. pour éclaircir, deux ans après l'entrée
en production, à 8-9 m., tout en opérant une tion. Les premiers essais, antérieurs à 1935,
ainsi des n'ont guère donné de résultats. Des essais plus
sélection judicieuse. On obtient
de bons récents, effectués à Yangambi et aux Indes
plantations composées uniquement
éléments et beaucoup plus productives au néerlandaises, ont indiqué que la température
optimale pour la germination est comprise
cours des années ultérieures. est
entre 33 et 37°. Le but du traitement
Sur terrain moins fertile ou accidenté, on
de fournir aux noix, de façon constante, une
peut planter plus serré. Sur les pentes, on
aura soin de planter suivant les lignes de température s'en rapprochant le plus possible.
De cette manière on stimule la sécrétion de
niveau, ce qui facilitera d'ailleurs le terras- diastases par l'haustorium et la solubilisation
sement. L'écartement standard pourra, par des réserves de l'endosperme.
exemple être modifié en 6 X 9 m-, la distance
6 étant prise suivant la pente. Plus la pente TRAITEMENTDESNOIX-— A Yangambi pour
sera grande, plus la distance, mesurée hori- obtenir une élévation de température, on fait
zontalement, entre les lignes pourra être pe- usage d'un « coffre de fermentation ». Les
tite. La plantation, dans ce cas, comme aussi noix sont mélangées avec de la poudre de
lorsqu'on applique l'éclaircie sélective, ne sera charbon de bois et placées dans des caissettes
pas régulière, mais les avantages dépassent de 25-30 cm. de côté. Il faut environ 500
de loin les inconvénients. grammes de charbon de bois pour 500 noix.
Le fond du coffre est garni de matières fer-
Multiplication. — Les noix d'Elaeis ger- mentescibles : feuilles vertes de Bananiers,
ment très lentement et irrégulièrement, sur- Papayers ou de Marantacées et Zingibéra-
tout lorsqu'elles ne sont pas fraîches, c'est-à- cées de forêt, etc., grossièrement hâchées et
dire cueillies depuis plus d'un ou deux jours. tassées. Les caissettes sont posées sur cette
Ceci n'est pas dû à une diminution rapide du couche, en laissant des intervalles de 10-15
pouvoir germinatif. Au contraire, chez cm. qui sont ensuite remplis avec les mêmes
l'Elaeis la maturité physiologique des graines matériaux. Au début, on utilisa aussi de la
se produit assez longtemps après la maturité pulpe de fruits ou de la pulpe de café, mais
externe. La maturité physiologique se fait le ces matières attirent les fourmis. Pendant
mieux si les noix sont semées au plus tôt, le jour, on laisse les caisses ouvertes, pour
surtout pour les noix tenera, ou traitées com- bénéficier de la chaleur solaire et aérer, ce
me il sera indiqué plus loin. Si l'on ne peut qui est très important. Le soir, à partir de
LES CULTURES COLONIALES 511

5 heures, chaque caissette est fermée au graines, les mettra évidemment directement
moyen d'un couvercle et le coffre est égale- en germination, ainsi qu'il a été dit plus haut
ment couvert de planches ou de feuilles, (Coffre de germination).
afin de conserver la température. Après 24
heures, la température commence à s'élever GERMOIRS. — Les germoirs sont des lits
et atteint rapidement 33-35° dans les caisses. de 1 m. de largeur, 15-20 cm. de profondeur
Elle dépasse rarement 40°. Ceci se produit et une longueur quelconque. Les bords sont
lorsque la couche de feuilles est trop épaisse. garnis de bois durs écorcés (pour écarter in-
En aucun cas, on ne peut dépasser 42°. Après sectes et fourmis). Ils servent à empêcher le
7-10 jours, la température diminue. Il faut ruissellement de l'extérieur. Ces lits se rem-
alors renouveler les feuilles. On vide les cais-
settes, à ce moment, pour ameublir le charbon
de bois, qui s'est tassé par les arrosages, et
l'aérer, puis on les remplit à nouveau. Les
arrosages doivent être réguliers, mais modérés.
Le charbon de bois doit être simplement hu-
mide. L'excès d'humidité nuit plus que le
défaut. Si l'on a procédé avec soin, les pre-
mières germinations se produisent après 40
jours. Il y a ensuite 1 à 3 de nouvelles
germinations chaque jour; après deux mois,
on atteint 30-^0 ; après trois mois 70-80
Dès que la germination a commencé, on exa-
mine les noix tous les 2-3 jours et repique
en germoir toutes les noix germées.
Un coffre de 2 X 1 m., pouvant contenir Germoirs d'Elaeis à Yangambi.
10 caissettes, suffit pour 25.000 graines. (Photo LouisJ

CONSERVATIONET EXPÉDITIONDES GRAINES plissent de terre sableuse ou de préférence


D'ELAEIS- — Le mieux est de conserver les de sable pur ou de sable mélangé à du charbon
fruits entiers. Ceci évite une dessiccation de bois. Ces matériaux attirent moins les
néfaste au pouvoir germinatif, surtout chez fourmis que la terre végétale ou le terreau.
le tencra, dont la coque mince protège mal Ce dernier est à exclure en tout cas. En outre
l'amande. Toutefois ce procédé n'est pas pra- le sable s'échauffe plus, ce qui est favorable
tique, lorsqu'il s'agit de grandes quantités, à la germination. Si les fourmis sont nom-
dont le dépulpage doit nécessairement s'éche- breuses, on les piège au moyen de petits
lonner sur plusieurs jours ou semaines. On paniers garnis de pulpe, partiellement enter-
est donc obligé, alors, de conserver les noix rés dans ks sentiers. Quand ils sont remplis
un certain temps. Les conditions de conserva- de fourmis, on brûle ou ébouillante leur con-
tion sont inspirées de celles réalisées dans la tenu. Les germoirs doivent être d'une hori-
stimulation de la germination. A Yangambi- zontalité parfaite pour permettre un arrosage
Sélection on procède comme suit : après dé- convenable. On arrose d'après les besoins.
pulpage, qui se fait immédiatement après la Par temps sec et chaud, on arrose copieuse-
récolte, les noix sont mélangées à 25 de ment tous les soirs. Le sable pur demande
leur poids de charbon de bois pilé et humide évidemment beaucoup d'eau.
et mises immédiatement dans les caisses d'ex- Les germoirs d'Elaeis ne sont jamais om-
pédition. Celles-ci sont placées dans un petit bragé. L'ombrage ralentit la germination.
local muni de bouches d'aérage et chauffé
On repique, de préférence, lorsque le germe
par des tuyauteries reliées à un foyer. La
coiffé de l'opercule apparaît sous forme d'un
veille de l'expédition, on ajoute environ 10
d'eau (1). Le planteur récoltant lui-même ses petit bourrelet blanc, hors du pore germi-
natif. La noix se pose à plat sur le sol. Si
l'on peut déjà distinguer tigelle et radicule
(1) On obtient aussi de bons résultats en procédant (c'est-à-dire si la germination est déjà plus
plus simplement. Les noix dépulpées à mesure des avancée), il faut les placer dans leur position
récoltes, sont conservéesen paniers dans un local non normale, pour éviter la torsion de la plan-
chauffé. Au moment de l'expédition, seulement, on les
met en caisses avec de la poudre de charbon de bois tule. L'extrémité de la tigelle est parfois
humide. rougeâtre, ce qui facilite la distinction. Si
512 LES CULTURES COLONIALES

l'on doute, on place tigelle et radicule pa- argileux afin d'obtenir des mottes plus soli-
rallèlement au sol. Les noix se repiquent à des, au moment de la plantation.
4X4 cm. et à 4 cm. de profondeur. Dans ce Le terrain est complètement dessouché et
défoncé à 40 cm. de profondeur et, si possible,
fumé au moyen de compost, feuilles de Lé-
gumineuses, fumier, engrais chimiques. A
Sumatra, par exemple, on donne souvent
10 T. de fumier à l'hectare. A Yangambi, les
plates-bandes, non surélevées, ont 3 à 3,60 m.
de large et les sentiers 50 cm. On repique à
70 X 70 cm. en triangle, soit à 60 cm. entre
les lignes. Celles-ci sont donc au nombre de
5 ou 6. Le repiquage a lieu lorsque les plan-
tules ont 2-3 petites feuilles, c'est-à-dire une
hauteur de 12-15 cm. On arrose très copieu-
sement le-s germoirs de façon à pouvoir ex-
traire aisément les plantules. En même temps,
le sol étant ainsi rendu boueux, les racines
sont « pralinées », ce qui les protège contre
la dessiccation. Il faut prendre soin de ne
pas blesser les racines, ni détacher la noix
encore adhérente. Ses réserves ne sont pas
épuisées et profitent donc encore à la plan-
Pépinières d'Elaeis à Sumatra. Age un an. tule. On veille à bien placer les racines au
Préparation des plants pour la mise en place. nouvel emplacement (faire des trous assez
(Photo ÛPSOMER.)
grands), à bien tasser la terre et faire en
but, on retire une couche de 3 cm. de sable sorte que le collet soit exactement au niveau
du germoir (ou plus simplement on ne le du sol. Si le collet est enterré, la plantule se
remplit pas complètement), puis, en s'aidant développe très lentement.
d'une règle, on trace des sillons profonds Après le repiquage, on protège les plants
de 1 cm. On pose les noix, replace le sable et pendant quelques jours à quelques semaines
arrose abondamment. On repique environ 600 (d'après les saisons), au moyen de tavaillons,
noix par mètre carré
de germoir. Il est uti-
le de pailler les ger-
moirs pour obtenir
une température plus
constante.
On centralise géné-
ralement les germoirs
à proximité d'un
point d'eau.
PÉPINIÈRES. — Il y
a avantage à décen-
traliser les pépiniè-
res, c'est-à-dire à les
placer à proximité
des parcelles à plan-
ter, pour réduire les
frais de transport des
plants, lors de la mi-
se en place. S'il est
possible de les mettre
en même temps à
proximité d'un point
d'eau, on le fait. On Plantation
choisit un sol assez d'Elaeis. (Photo Inéac.)
LES CULTURES COLONIALES 513

feuilles ou rameaux enfoncés près des plants Au moment de la mise en exploitation, on


ou au moyen de claies posées à une certaine coupe toutes les feuilles basses. Dans la suite,
hauteur. Il est aussi fortement à conseiller on ne coupe que les feuilles qui doivent être
de pailler le sol entre les plants, par exemple coupées pour permettre la récolte du régime,
au moyen d'Herbe à éléphants, pour proté- et celà au moment même de la récolte. La
ger le sol, réduire l'évaporation, réduire les taille a été appliquée, il y a quelques années,
frais de sarclage, etc. On. obtient ainsi des à Sumatra, pour augmenter la production.
plants plus vigoureux. Les pépinières ne sont On coupait les feuilles portant à leur aisselle
arrosées qu'au cours des premiers jours, des régimes commençant à développer leurs
éventuellement dans la suite si le besoin s'en fruits, afin de permettre aux régimes d'ac-
fait sentir. quérir un plus grand volume. En réalité, la
feuille ne gêne pas ce développement. Néan-
MISE EN PLACE.— De préférence, il ne faut
moins la taille augmentait la production par-
planter que des plants d'au moins 12-15 mois. ce qu'elle poussait le Palmier à former de
On peut cependant planter dès 6 mois et aussi
nouvelles feuilles et donc de nouveaux régi-
à 18-24 mois et plus, sans inconvénient. L'es-
mes. On augmentait donc le nombre des ré-
sentiel est de planter au moment propice. La
se fait avec mottes de 20-30 cm. gimes. Malheureusement la taille présentait
plantation
et plus, d'après la taille des plants. On enve- plusieurs inconvénients : de pousser les ar-
bres en hauteur, de nuire à l'épaississement
loppe les mottes de feuilles de Bananiers, du tronc et de les épuiser. Dès la deuxième
Palmiers, etc. L'emploi de plants âgés permet
un choix plus judicieux des bons éléments, année, les rendements retombaient sous la
normale. Aussi la taille a-t-elle été abandonnée.
réduit la période d'entretien entre la planta-
tion et l'entrée en production. De plus, des
POLLINISATIONARTIFICIELLE.— Elle a été
plants de grande taille sont moins exposés
aux attaques des rats et autres mammifères. appliquée également à Sumatra pour aug-
On taille généralement quelques feuilles pour menter la production, mais a été abandonnée
réduire la transpiration et on coupe les ra- parce qu'elle épuisait les arbres. Cette pra-
cines blessées. La plantation a lieu évidem- tique consistait à pulvériser, au moyen d'un
ballon en verre muni d'une poire en caout-
ment au début des pluies. Il faut veiller à ne
pas planter trop profondément, ce qui nuit chouc, du pollen sur les inflorescences femel-
au développement du tronc et des premiers les récemment ouvertes (Voir au paragraphe
Sélection). On obtenait ainsi des régimes
régimes, ni trop superficiellement, ce qui
donne des troncs grêles et expose à la verse. mieux remplis, plus lourds. Plus tard, on
l'appliquait parfois de façon modérée, par
Cultures intercalaires. — La culture pure exemple en faisant circuler entre les lignes
est de règle pour l'Elaeis, dans les planta- un ouvrier muni d'un pulvérisateur à dos,
tions européennes. A Sumatra, on rencontre au moyen duquel il projetait un nuage de
parfois l'association temporaire Elaeis/Café pollen vers les Palmiers. Ou bien encore on
robusta. Ce dernier est arraché après 4 années réservait le traitement aux jeunes plantations,
de production. Au Congo Belge, plusieurs pendant les 2-3 premières années de produc-
plantations pratiquent une association plus tion, le pourcentage de fécondation étant peu
ou moins durable avec le Café robusta. Pour élevé à cet âge (Voir plus haut).
assurer la permanence de l'association, il fau-
drait augmenter l'espacement des Elaeis, sans FUMURE.— On restitue habituellement aux
quoi l'ombrage deviendrait trop dense. plantations les rafles et les pulpes épuisées,
pour autant qu'elles ne servent pas de com-
Entretien. Taille. Etc. bustible à l'usine. On les épand telles quelles
ou sous forme de compost. Les coques sont
ENTRETIEN. — Il s'agit du sarclage de la
généralement brûlées dans les chaudières,
couverture et des cercles, dans les plantations mais on restitue les cendres. La fumure chi-
sous couverture, ou du rabattage périodique
du recrû forestier, si celui-ci a été conservé mique est encore au stade expérimental. De
nombreux essais sont en cours à Sumatra, en
(voir chapitre I), de l'enlèvement des Fou- Malaisie et au Congo Belge. A Sumatra, les
gères se trouvant dans la couronne et gênant meilleurs résultats ont été obtenus avec des
la pollinisation, et des Ficus épiphytes qui
sur les Palmiers. engrais azotés et phosphatés. Dès 1930, plu-
parfois s'installent sieurs plantations appliquaient régulièrement
TAILLE. — Elle doit être nulle, aussi long- tous les deux ans 2-3 kgrs de sulfate d'am-
temps que les Palmiers ne produisent pas. moniaque par arbre.

17
514 LES CULTURES COLONIALES

Cycle végétatif. A la plantation les Pal- par l'augmentation des frais de récolte. Cha-
miers sont généralement âgés d'un an. Ils que planteur doit calculer quelle est, dans
peuvent commencer à fleurir deux ans après les conditions de sa plantation, la périodicité
la mise en place, soit donc à trois ans, mais optimale des récoltes. Généralement celle-ci
ils ne commencent pratiquement à produire est comprise entre 5 et 10 jours. Dans ce calcul
que 3 ou 4 ans après la plantation. Les jeunes il faut tenir compte des frais de main-d'œuvre
arbres produisent de nombreux petits ré- et des pertcs d'huile. Celles-ci sont qualita-
gimes : 15 et plus. Dans la suite, le nombre tive : augmentation de l'acidité, et quanti-
de régimes diminue, mais le poids augmente tative : la formation d'acides gras libres
beaucoup. Entre la floraison et la maturité libère de la glycérine qui est éliminée en
il s'écoule 5-6-9 mois, d'après les régions majeure partie à la clarification.
(voir plus haut). On admet que l'Elaeis est Voici, d'après BLOMMENDAAL, les pertes en
huile exprimées en pour-cents du maximum
d'huile que l'on peut retirer des fruits, pour
des périodes de plus en plus longues :
3 jours 0 7 jours 3.4
4 — 0.5 8 — 4.8
5 — 1.4 9 — 6.1
6 — 2.3 10 — 7.5
Généralement on récolte pour la première
fois en quatrième année, parfois dès la troi-
sième pour des Palmiers sélectionnés. La ré-
colte se fait le plus souvent à la tâche, chaque
coupeur étant responsable d'un bloc, subdivisé
en autant de parcelles qu'il y a de jours dans
la période. La dimension des parcelles varie
avec l'âge et la taille des arbres, la produc-
Plantation d'Elaeis à Sumatra. tivité du bloc et la distance de portage jus-
(Photo SLADDEN.) qu'à la voie de vidange (généralement ±
500 m.) En moyenne, un coupeur est à même
adulte vers 10-15 ans ; sa production est alors de récolter et transporter 400 à 600 kgrs
maxima. On ne sait pas très bien encore à de régimes, dans une plantation dont les
partir de quel âge la production cessera arbres sont encore de taille réduite. Il s'agit
d'être intéressante, du point de vue du plan- donc de déterminer la surface nécessaire pour
teur, c'est-à-dire trop difficile, à cause de la trouver, tous les 5 à 10 jours, 400 à 600 kgrs
hauteur des arbres. Actuellement on estime de régimes mûrs.
que ce serait le cas dès l'âge de 20-25 ans. Les régimes sont coupés à la hache, après
La durée d'une plantation dépend, dans avoir sectionné la feuille sous- jacente. Sur
une large mesure, de la nature du sol et des les Palmiers de petite taille, les coupeurs
soins apportés au sol et à la plante. Pour ce grimpent en montant sur les chicots foliaires.
qui est de la longévité du Palmier à huile, Sur des arbres plu^ âgés, ils grimpent à
les estimations varient entre 100 et 200 ans. l'aide d'une ceinture (Afrique) ou au moyen
Récolte. — Des recherches faites par d'une légère échelle en bambou (Sumatra).
à Sumatra, il ressort que, pour Les feuilles coupées sont déposées dans les
BLOMMENDAAL,
obtenir le maximum d'huile avec le minimum interlignes.
d'acidité, il faut récolter exactement à maturi- Le transport à l'usine se fait par camion
té. Celle-ci coïncide avec le moment où quel- ou par decauville. Il faut éviter de blesser
ques fruits extérieurs se détachent du régime. les fruits et, pour cette raison, de surcharger
Si l'on récolte avant maturité complète, la les véhicules. Cela augmente le pourcentage
teneur en huile est moindre et l'acidité plus d'acides gras libres formés. Le transport des
élevée. Si l'on récolte trop tard, il y a à régimes enticrs est préférable, parce qu'ils
nouveau augmentation de la teneur en acides se tassent moins que les fruits détachés et
gras libres et beaucoup de fruits tombent et sont donc moins exposés à être blessés. D'au-
se perdent. Jusqu'au troisième jour, cepen- tre part, en n'égrappant pas en plantation,
de l'acidité est négli- on gagne du temps et on peut stériliser plus
dant, l'augmentation récolte ou
geable (0,6 %). Il faut donc passer fréquem- rapidement : le jour même de la
ment dans les champs; toutefois on est limité au plus tard le lendemain matin. On obtient
LES CULTURES COLONIALES 515

ainsi des huiles à très faible acidité. Une sté- troduits en 1848 au Jardin Botanique de
rilisation rapide n'est pas possible pour des Buitenzorg, en provenance de Bourbon ou de
fruits achetés aux indigènes. C'est pourquoi Maurice. Ces quatre arbres appartenaient,
l'huile de palme de plantation est toujours par hasard, à un type de haute valeur. La
de meilleure qualité. quasi-totalité des plantations de la Côte Est
de Sumatra (Deli) descendent de ces Pal-
Production. — A Sumatra, miers. L'Elaeis étant allogame, cette descen-
Exportation.
les plantations d'Elaeis produisent en moyen- dance, malgré son origine limitée, n'est pas
ne 5-600 kgrs d'huile et 100-200 kgrs d'aman- absolument homogène. Aussi la sélection n'a-
des à l'hectare, à l'âge de 4 ans. A 10 ans, t-elle pas été sans résultats.
elles donnent 1500-2000 kgrs d'huile et 4-500
kgrs d'amandes. Ceci correspond à 5.500 à
7.500 kgrs de fruits ou 10 à 13 T. de régimes.
De bonnes plantations donnent 2-3 T. d'huile
et plus. Il est à remarquer que les planta-
tions de Sumatra, même non sélectionnées,
appartiennent à un type de haute valeur
(voir au paragraphe de l'Amélioration).
Au Congo Belge, on possède encore peu de
renseignements sur les rendements de plan-
tations établies avec du matériel sélectionné.
Des productions de 2 à 3 T. d'huile ont été
obtenues pour des plantations de 10 ans et,
même dans certains cas, pour des parcelles
plus jeunes. On dépassera certainement ces
chiffres, dans les plantations établies sans
incinération et entretenues suivant les pro- Yangambi. Champ généalogique d'Elaeis.
Couverture de Pueraria.
cédés actuels. Il est à noter que des planta- (Photo LouisJ
tions non sélectionnées, comme la plupart
des anciennes plantations congolaises, ne dé- Voici la composition des fruits du « Deli-
passent pas 800-1000 kgrs d'huile à l'âge
adulte. type » :
et de 60-65 de pulpe (avec 43-47 d'huile
D'après les calculs de BLOMMENDAAL
sur pulpe) ;
MAAS,une récolte de 15 T. de régimes corres-
de 90 kgrs d'azote, 28-32 de coque;
pond à une exportation
135 kgrs de potasse, 20 kgrs d'acide phos- 7- 8 d'amande;
50-60 de fruits sur régimes;
phorique et 40 kgrs de chaux. Les feuilles
formées par hectare et par an contiennent, 28-29 d'huile sur fruits ou 14 à
17,5 sur régimes.
pour une production de cette importance, 70
Voici la composition des sélections tenera
kgrs d'azote, 70 de potasse et 12,5 d'acide
Une certaine quantité de ces de Yangambi, groupées sous la dénomination
phosphorique.
éléments est toutefois restituée, par les dé- de « Type Yangambi » :
chets de fabrication ramenés dans la planta- 70-80-82 de pulpe (avec 49 d'huile
tion et par les feuilles qui restent dans les sur pulpe);
10-12 de coque;
champs. L'azote cependant est généralement
7-10 d'amande;
perdu, parce que les déchets sont habituelle-
ment brûlés dans les chaudières. L'azote des ± 67 de fruits sur régimes;
feuilles est lui aussi perdu en grande partie, ± 34 d'huile sur fruits ou 23
la décomposition se faisant à la surface du sur régimes.
sol. Enfin, de grandes quantités d'éléments L'épaisseur de la coque du « Type Yan-
sont fixées dans les troncs et les racines, gambi » est comprise entre 1,5 et 2,5 mm., ce
donc soustraites au sol. L'Elaeis apparaît qui en fait un tenera à coque relativement
ainsi comme une plante épuisante. épaisse.
BIOLOGIE FLORALE. — L'Elaeis est prati-
Amélioration.
quement allogame, puisque les régimes mâles
VARIÉTÉS CULTIVÉES.— Les dura du type et femelles d'un même pied ne fleurissent
« Deli » descendent de quatre Palmiers in- pas simultanément ou très rarement. La pol-
516 LES CULTURES COLONIALES

linisation se fait surtout par le vent, acces- meilleurs types obtenus pour les autofécoii-
soirement par des insectes. La floraison d'un der et les croiser entre eux. En deuxième
régime femelle dure trois jours et les fleurs génération on fait de même, etc. On isole
restent réceptives pendant trois jours. Au ainsi des « arbres d'élite » ou « Elites FI »
moment de la floraison, les fleurs mâles et « Elites F2 », etc. C'est donc l'inverse de ce
femelles dégagent une forte odeur d'anis. qui se pratique pour les plantes annuelles
L'autofécondation artificielle est possible, allogames, où l'on commence toujours par
grâce au fait que le pollen peut se conserver autoféconder pour rendre homozygote, avant
pendant 4-5 mois, dans un exsiccateur. de croiser. La méthode suivie chez les plantes
vivaces présente le maximum de chances
SÉLECTION. — Le but de la sélection est d'obtenir des résultats en un minimum de
d'obtenir des Palmiers de haut rendement, temps, avec un matériel qui est hétérozygote
faciles à exploiter, résistant aux maladies, pour la plupart des caractères. En effet, en
fournissant une huile de haute qualité. Les croisant des arbres de valeur, on réunit des
points importants seront donc le nombre de facteurs qui existent séparément chez les deux
régimes (10-15), le poids élevé (au moins 150 géniteurs et on obtient une dissociation trans-
kgrs par an), le haut pourcentage de fruits, gressive, donc certains individus supérieurs
de pulpe et d'huile, la croissance lente du aux parents, parce que totalisant un plus
stipe, afin de prolonger l'exploitabilité (le grand nombre de facteurs favorables. La
croisement avec Elaeis melanococca semble même chose pourra se produire à nouveau,
intéressant à ce point de vue), la couleur si l'on continue les croisements aux généra-
claire de l'huile (type albescens), etc. Les tions suivantes. De nouveaux progrès pour-
deux derniers points ne retiennent l'attention ront ainsi être réalisés, jusqu'à obtenir, dans
des sélectionneurs de l'INEAC que depuis un avenir plus ou moins éloigné, des types
quelques années. réunissant un très grand nombre de facteurs
Comme chez toutes les plantes, le rende- et stables ou pratiquement stables.
ment dépend de nombreux facteurs hérédi- Etant donné que le nombre de facteurs est
taires. Le Palmier est allogame. Le nombre
grand, il faudra cultiver un grand nombre
de Palmiers qui possèdent tous ou un grand de chaque descendance, pour
d'exemplaires
nombre de ces facteurs, à l'état homozygote, avoir des chances suffisantes de voir apparaî-
est donc très petit. Il faut donc observer un tre toutes les combinaisons possibles. Il fau-
très grand nombre d'arbres pour découvrir dra conserver au moins 200 exemplaires, soit
quelques individus supérieurs. Ainsi, dans un plus d'un hectare, par croisement effectué.
groupe de 1000 arbres mis en observation à D'autre part, il faut faire un grand nombre
Yangambi, il n'y en avait que 8 bons. Le de croisements simultanément, si l'on veut
matériel actuellement en observation dépasse aller vite. En effet, chaque génération dure
45.000 arbres. Avant de pouvoir faire un de 5 à 7 ans, période de contrôle comprise.
choix, il faut que les observations aient duré Etant donné qu'une palmeraie dure de
au moins trois ans. Le contrôle consiste à
numéroter tous les arbres, peser tous les régi- longues années, on peut utiliser ou vendre
comme semence sélectionnée les graines pro-
mes produits et observer les différents points venant de fécondation croisée entre arbres
précités. Lorsque quelques arbres supérieurs
ont ainsi été reconnus, on les choisit comme supérieurs. Ces semences auront plus de va-
leur que celles des arbres-mères vendues an-
« arbres-mères ». Provisoirement on utilise établies
térieurement. Dans les plantations
ou vend déjà leurs noix comme semence amé-
avec ce matériel, on aura avantage à appli-
liorée, mais le travail d'amélioration propre-
ment dit va seulement commencer. Il consiste quer l'éclaircie sélective ou le remplacement
sélectif. Comme les parents restent subsister,
à croiser entre eux les arbres-mères. On fait
on pourra reproduire, chaque fois qu'on le
aussi des autofécondations. Comme un régime
donne de 500 à 1000 noix et un arbre en un voudra, les croisements se révélant les plus
intéressants.
an de 5000 à 10.000 noix, on dispose immé-
diatement d'un abondant matériel pour l'étu- C'est ce qui se fait actuellement systémati-
de de la descendance. quement, en attendant les résultats plus du-
Chez des plantes comme l'Elaeis, on tâche rables de la sélection.
de croiser des individus dont les caractères se Les sélections tenera présentent l'inconvé-
complètent, par exemple le grand nombre de nient de donner toujours, soit autofécondées,
régimes et le régime lourd. En première gé- soit croisées entre elles, une descendance com-
25 de dura,
nération, qui sera hétérogène, on choisit les portant approximativement
LES CULTURES COLONIALES 517

50 de tenera et 25 de pisifera (stériles). commencement de la floraison, c'est-à-dire


Le tenera serait donc un monohybride non avant qu'elles ne se soient complètement dé-
fixable. Etant donné la longue durée des gagées des spathes. En pratique, on place les
plantations, il n'est pas dépourvu de valeur sacs 4-5 jours après l'ouverture des dites
pratique. Toutefois la présence de 25 de spathes. Il s'écoule alors encore 2-3 jours
Palmiers stériles ou pratiquement stériles avant l'apparition des stigmates. Les sacs
constitue un grave défaut. Avant de connaî- d'isolation mesurent environ 70 X 50 cm. et
tre la constitution génétique du tenera. on
avait cherché un remède dans l'éclaircie ou
le remplacement sélectifs. Actuellement on
sait que l'on peut éviter l'apparition des sté-
riles en croisant le tenera avec le dura, ce
qui donne, conformément aux lois mendélien-
nes, une descendance comprenant 50 de
dura et 50 de tenera. Toutefois la propor-
tion de pulpe se trouve réduite sensiblement
chez la moitié des arbres. Enfin, le procédé
de l'avenir consistera à refaire la synthèse
du tenera, en croisant le dura avec le pisifera,
ce qui doit donner 100 de teneret. La dé-
monstration de la valeur pratique de la mé-
thode est encore en cours. Les géniteurs dura
et pisifera seront choisis parmi les meilleures
descendances des croisements tenera X tenera. 1 2
Appareil pour la pollinisation artificielle.
TECHNIQUEDE L'HYBRIDATION.— Le croise-
ment est facile, puisqu'il n'y a pas de cas- 1. Démonté: a, ballon avec ouverture dans le col;
tration. On isole les inflorescences avant le b, poire en caoutchouc; c, tube. 2. En ordre de
marche.
(D'après RUTGERS : Investigations on Oilpalms.)

sont confectionnés dans un tissu serré et ré-


sistant. Jadis on les imprégnait d'huile de lin
ou de latex pour les imperméabiliser. Actuel-
lement on se sert de goudron minéral. Pour
assurer une bonne fermeture, on entoure le
pédoncule, à l'endroit de la ligature, d'un
tampon d'ouate. Parfois on superpose deux
ou trois sacs pour plus de sécurité, notam-
ment dans les recherches génétiques.
Le pollen doit se récolter au moment où
l'humidité de l'air est la moins élevée, soit
entre 1 et 3 heures de l'après-midi. A Yan-
gambi cependant, à cause des grandes quan-
tités à récolter, on commence dès 9 heures,
mais le pollen est séché à l'étuve, à une
température de 35-37°, pendant 24 heures. Il
est conservé ensuite dans des exsiccateurs, ce
qui se fait aussi évidemment quand on ré-
colte l'après-midi. Un régime donne en
moyenne 40 à 50 cc. de pollen.
La fleur femelle est réceptive lorsque les
trois stigmates se sont dégagés du périgone;
ils sont alors blancs, brillants et répandent
une odeur d'anis. Le soir du même jour, ils
commencent à rougir et lorsqu'ils sont com-
Mode d'isolation des
régimes femelles pollinisés artificiellement (Yangambi). plètement rouges, ce qui se produit le soir
(Photo RINGOET.) du troisième jour, ils ne sont plus récep-
518 LES CULTURES COLONIALES

porté. Le mésocarpe n'est pas, comme celui


des fruits de l'Elaeis, oléagineux. Le Coco-
tier ne fournit donc qu'une espèce d'huile,
mais les fibres du mésocarpe ou coïr servent
à fabriquer des cordes, nattes, tapis, brosses
ou sont employées comme rembourrage.
La productivité du Cocotier est de beau-
coup inférieure à celle de l'Elaeis. Un Coco-
tier adulte produit de 50 à 100 noix par an.
On considère qu'une tonne de coprah à l'hec-
tare est un bon rendement et que cette quan-
tité correspond en moyenne à 6.000 noix. La
production d'huile à l'hectare n'atteint pas,
même pour les meilleures plantations, la moi-
tié de celle des Elaeis sélectionnés.
La culture du Cocotier ne présente certai-
nement pas d'avenir au Congo Belge, où
jusqu'à présent n'existent que quelques pe-
tites parcelles et avenues de Cocotiers. Il est
probable que dans les autres régions tropica-
les, la culture sera délaissée de plus en plus
par les planteurs européens.
L'Institut International d'Agriculture de
Rome indique pour les années 1938-1939 les
exportations suivantes : Indes néerlandaises
529.220 T., Philippines 398.550, Malaisie
159.960, Nouvelle-Guinée 74.400, Ceylan
Cocotiers. 53.920, Fidji 34.010, Mozambique 33.310,
(Photo DESAEGERJ Zanzibar 10.890, Trinidad 4.260, Total mon-
dial 1.489.800 T.
tifs (l). On pollinise généralement au moyen
d'une pissette de laboratoire, munie d'une LE SESAME.
poire en caoutchouc. Dans ce but, on fait
une ouverture dans le sac du régime femelle, Le Sésame est cultivé au Congo Belge sur
introduit le tube du ballon et pulvérise dans une petite échelle, principalement dans le
toutes les directions. On peut aussi saupou-
drer l'inflorescence à la main, au moyen
d'un simple sachet en papier contenant le
pollen. On referme ensuite soigneusement
l'ouverture, après y avoir introduit un tam-
pon d'ouate, puis on la ligature. L'isolation
est conservée pendant 4-5 jours encore.
La technique de l'autofécondation est
identique.

LE COCOTIER.

Le Cocotier, Cocos nucifera L., appartient


à un genre voisin de l'Elaeis. Il est originaire
de l'Océanie et cultivé dans toutes les régions
tropicales. L'albumen de la noix contient en-
viron 65 d'huile. Retiré de la noix et
séché il porte le nom de coprah. C'est sous
cette forme que le produit est vendu et ex-

(1) Pour cette raison on passait tous les trois jours


dans les plantations de rapport que l'on soumettait Allée de Cocotiers à Albertville.
jadis à la pollinisation artificielle. (Photo HEINDRICHJ
LES CULTURES COLONIALES 519

District de l'Ubangi et dans l'Uele. La sur- même variété peut fournir des graines de
face était de 9.472 Ha en 1948, avec une diverses colorations : blanche, jaune, grise,
production de 4.729 T., dont 2.370 T. ont été brune, rouge, noire, d'après la station. Les
exportées. 275 T. d'huile de Sésame ont été fleurs sont solitaires et insérées à l'aisselle
produites sur place. des feuilles supérieures. Le calice est petit
La culture est pratiquée, généralement aus- et présente 5 dents. La corolle est soudée en
si sur une petite échelle, dans les autres ré- un tube dont le bord est bilabié; la lèvre su-
gions tropicales. Deux producteurs cependant périeure est échancrée, l'inférieure présente
sont importants : la Chine avec 865.000 T. 3 lobes, dont le central est plus développé.
et l'Inde avec 421.000 T., mais ils consom- La coloration est blanche ou plus ou moins
ment la majeure partie de leur production. violacée, parfois lie de vin. Le climat et l'al-
On cultive aussi le Sésame dans le Sud de titude influencent cette coloration. Les éta-
mines sont au nombre de 4, insérées sur la
l'Europe : Italie, Grèce, Turquie.
corolle, didynames; l'étamine supérieure (la
Le Sésame n'offre guère d'intérêt pour le
cinquième) est stérile, parfois elle manque.
Congo Belge, à cause de sa faible producti- L'ovaire est supère, biloculaire; une fausse
vité. C'est la raison pour laquelle la culture
cloison délimite toutefois 4 loges dans la partie
est peu développée dans la plupart des
inférieure. Le style est long et porte deux
régions. Le fruit est une capsule, de
stigmates.
L'huile de Sésame est une des matières section carrée, longue de ± 2 cm., large de
grasses utilisées dans l'alimentation humaine ± 5 mm., s'ouvrant au sommet par deux
depuis les temps les plus reculés, notamment fentes (déhiscence septicide). Il contient de
dans l'Inde, la Perse, la Mésopotamie. La nombreuses graines, petites, aplaties, longues
culture est très ancienne aussi en Afrique. de 1,5-2 mm., larges de 1-1,5 mm., épaisses de
Certains auteurs ont même cru que le Sésame
0,5-1 mm., légèrement pointues à la base,
était d'origine africaine. arrondies au sommet. La germination est
— épigée.
Origine et description botanique.
Sesamum indicum L. est originaire de l'Asie Culture. — Le Sésame demande des sols
du Sud. Il appartient à la famille des Péda- légers. Il se développe particulièrement bien
liacées. LINNÉ distingua deux espèces : une sur défrichement. Il demande un climat cliaud;
à graines noires ou S. indicum L. et une à mais ayant une courte végétation, sa culture
graines blanches ou S. orientale L. Toutefois est possible jusqu'à la limite des zones subtro-
ce caractère et les autres caractères servant picales. Il n'est pas très exigeant en ce qui
à les distinguer s'étant révélés instables, on concerne les pluies. Aussi la culture est-elle
les réunit actuellement en une seule espèce. développée surtout en dehors de la zone équa-
Le Sésame est une plante annuelle, herba- toriale. L'existence d'une saison sèche est
cée, atteignant une taille de 60 à 150 cm. La d'ailleurs favorable au Sésame. Il est souhai-
tige est érigée, de section carrée, peu ramifiée table que la fructification et la maturation
en culture serrée. Les feuilles sont opposées puissent se faire à ce moment.
(alternes chez certaines variétés), assez gran- Le Sésame ne demande pas un labour pro-
des et plus ou moins pubescentes. Leur forme fond, mais un sol bien ameubli en surface.
est variable : les inférieures sont larges, den- On sème généralement à la volée, les graines
tées, parfois lobées; les supérieures sont étant mélangées à du sable ou une autre ma-
étroites, lancéolées, à bords entiers. Normale- tière inerte. On sème aussi en lignes distan-
ment la plante porte les deux types de feuilles, tes de 50-60 cm. Il faut de 6 à 10 kgrs de
mais sous un climat humide le type large, graines à l'hectare. Les graines ne doivent
denté, domine, tandis que le type étroit, à être enterrées que légèrement. Si la levée est
bords entiers, l'emporte sous un climat sec. trop dense on éclaircit. On attend pour celà
C'est ce second type à graines noires que que les plants aient 10-15 cm. de hauteur
LINNÉ dénomma S. indicum, tandis qu'à celui et on fait en sorte que les plants se trouvent
à feuilles larges et graines blanches, il donna distancés de 20-50 cm., d'après l'exubérance
le nom de S. orientale. Toutefois ces carac- de leur développement. Le Sésame est souvent
tères, conformément à ce qui vient d'être dit, intercalé dans d'autres cultures.
ne sont pas spécifiques. De même la coloration Le Sésame fleurit après deux mois environ
de la graine varie avec les conditions de mi- et mûrit ses premières capsules un mois plus
lieu : pour une même variété, la coloration tard. On récolte généralement après 3 1/2
est claire en plaine, foncée en montagne. Une ou 4 mois. La maturation des capsules n'est
520 LES CULTURES COLONIALES

souvent pas simultanée, ce qui est un grave n'atteint alors qu'une taille de 2-2,50 m.
défaut. Dans les régions tempérées, le Ricin est an-
La récolte se fait par fauchage ou arra- nuel et sa taille ne dépasse guère 1,5-2 m. La
chage des plants, lorsque les feuilles jaunis- tige est fistuleuse, verte, rouge ou violacée.
sent, avant l'éclatement des capsules. Il ne Les feuilles sont alternes, palmatilobées, de
faut pas tarder à récolter, de crainte de per- grande dimension ; les lobes sont pointus (t
dre une partie des graines. Les plantes sont leurs bords dentés. La coloration varie du
liées en bottes et séchées une huitaine de jour, vert au rouge, suivant les variétés et le milieu.
puis battues. Généralement il faut battre Les fleurs sont réunies en inflorescences ter-
deux ou plusieurs fois, après un nouveau minales ou axillaires. Les fleurs mâles occu-
séchage de 2-3 jours, toutes les capsules ne pent la partie inférieure, les fleur femelles
s'ouvrant pas au premier battage. le sommet de l'inflorescence. Les fleurs mâles
Le rendement varie entre 200 et 600 kgrs présentent un calice à 5 divisions et de nom-
à l'hectare, mais pourrait en bonnes condi- breuses étamines soudées à la base. Les fleurs
tions atteindre le double et au delà. La teneur femelles possèdent un calice à 5 divisions, un
en huile est de 45 à 55 Les graines blan- ovaire supère, triloculaire, surmonté d'un
ches fournissent l'huile la plus appréciée. style portant trois stigmates rouges. Le fruit
est une capsule hérissée, chez la plupart des
LE RICIN. variétés, de piquants mous. Chacune des trois
loges contient une graine ovale, tachetée de
Le Ricin existe partout au Congo, mais brun, rouge ou noir sur fond blanc, gris,
n'est généralement pas l'objet d'une culture mesurant 1-2,5 X
jaunâtre pu rougeâtre,
régulière. En quelques régions les indigènes 0,5-2 cm. La graine présente, tout comme
en extraient l'huile, soit pour l'éclairage, soit celle du Manioc à laquelle elle ressemble fort
pour la toilette. La production tend à se
développer depuis quelques années. En 1948,
les exportations atteignaient déjà 1.962 T. de
graines et 333 T. d'huile. La Belgique im-
porte des quantités assez importantes, notam-
ment en 1938 : 11.563 T. de graines et 224 T.
d'huile. Les principaux producteurs de Ricin
sont le Brésil et l'Inde, qui ont exporté en
1939, respectivement 127.000 et 114.000 T.
L'huile de Ricin sert en pharmacie et pour
le graissage des moteurs d'avions et autres.
Le tourteau ne peut servir pour l'alimenta-
tion des animaux, étant toxique. Il serait
cependant possible de lui faire subir un
traitement le rendant inoffensif. Normale-
ment il sert d'engrais. Il serait donc souhai-
table d'extraire l'huile au Congo, pour pou-
voir utiliser le tourteau sur place.
La culture du Ricin convient aux indigè-
nes, éventuellement aussi, surtout comme
culture intercalaire, aux colons.

et description botanique. —
Origine
Ricinus communis L. est originaire d'Asie et
d'Afrique. Sa culture est très ancienne. Elle
Champ dee Ricin.
a été introduite dans toutes les régions tropi- E)
(Photo LEPLAEJ
cales et subtropicales; elle existe aussi dans
le Sud de l'Europe (Italie, Roumanie, You- chez les variétés à petites graines, une caron-
cule blanche à sa base. Certaines variétés
goslavie). Le Ricin appartient à la famille des
Euphorbiacées. sont déhiscentes, leurs capsules s'ouvrent par
Dans les régions tropicales, le Ricin est six valves à maturité et projettent leurs grai-
vivace et peut atteindre une hauteur de 6-9 nes, comme c'est le cas chez le Manioc et
m. et plus. Il y est cependant souvent cultivé l'Hévéa. D'autres sont indéhiscentes. La ger-
comme plante annuelle ou de courte durée, et mination est épigée.
LES CULTURES COLONIALES 521

Le Ricin présente de nombreuses variétés LES ALEURITES.


botaniques, se distinguant par la taille, la Le genre Aleurites, de la famille des Eu-
coloration, l'absence de piquants sur les
fruits. Les graines contiennent de 45 à 55 phorbiacées, comprend plusieurs espèces ori-
d'huile. ginaires de Chine, Japon ou Asie méridionale,
cultivées pour l'huile que l'on extrait des
amandes de leurs graines. Ces huiles servent
Culture. — Le Ricin étant une plante épui- à préparer des couleurs, vernis, huiles sicca-
sante demande de bons sols. En ce qui con-
tives, etc. Des essais de culture ont été entre-
cerne le climat, il est très adaptable, ainsi et
pris dans diverses régions subtropicales
que le prouve sa grande dispersion. Il se notamment au Congo Belge, où
tropicales,
développe cependant mieux sous un climat existent déjà quelques plantations européen-
chaud et humide. La teneur en huile est nes. En 1948 elles couvraient 2.167 Ha, pour
plus élevée dans les régions tropicales que la plupart non encore en production. Elles
dans les régions tempérées. sont situées dans l'Uele, l'Ituri, le Kivu et
Le Ricin se cultive comme plante annuelle, le Ruanda-Urundi. La récolte a été de 131 T.
soit comme plante pluriannuelle, soit pur, soit de graines.
en mélange avec diverses plantes vivrières. La Chine produit presque la totalité des
On le cultive aussi, comme « catch-crop », huiles d'Aleurites consommées dans le monde.
dans des plantations arborescentes ou comme Elle a exporté 86.738 T. en 1936 et 102.979 T.
ombrage provisoire dans les plantations de en 1937. 70 à 75 de ces quantités vont aux
Café. Etats-Unis. Les Etats-Unis et la Russie pro-
Le sol est labouré profondément et le se- duisent une certaine quantité d'huile d'Aleu-
mis a lieu au début des pluies. Les écarte- rites. L'avenir de la culture dépendra en
ments varient fortement suivant le mode de grande partie de la production des succéda-
culture et la variété. En culture pure on nés, notamment l'huile de Perilla du Japon
écarte les lignes, d'après la taille de la varié- et de la Mandchourie, et l'huile d'Oïticica
té, de 1 à 2 m. et plus. La distance dans les (Licania) du Brésil.
lignes varie entre 0,5 et 2 m. Les graines se
placent caroncule en bas, à 2-4 cm.. de pro- Description — Les Aleurites
botanique.
fondeur. On en dépose 2-3 par place, mais sont de petits arbres, atteignant 5-10-20 m. de
dans la suite on ne conserve que le plant le
haut, souvent ramifiés dès la base. Ils portent
plus vigoureux. On étête souvent les plants, des feuilles alternes, grandes, palminervées,
pour les maintenir bas et stimuler la ramifi- entières ou lobées. On trouve souvent les deux
cation et augmenter la fructification. Sui-
types de feuilles sur le même pied. Fleurs en
vant les régions, cela se fait à une hauteur
panicules terminales, unisexuées, mais géné-
variant, entre 70 cm. et 1,50 m. Lorsqu'on le ralement groupées dans les mêmes inflores-
maintient en culture pluriannuelle, on rabat ces ou du moins présentes sur le même pied.
souvent le Ricin après la récolte. Le Ricin La dioécie existe cependant parfois chez cer-
fructifie après 4 à 7 mois, suivant les variétés. taines espèces. Les fleurs sont blanches, roses,
Le maximum de teneur en huile est atteint, violet clair. Le calice est divisé
rougeâtres,
comme pour toutes les plantes oléagineuses, en 2 ou 3 lobes. Il y a 5 pétales et 8 à 20
lorsque la maturité est complète. Chez les étamines insérées sur un à quatre rangs.
variétés déhiscentes, il faut ou il faudrait L'ovaire est supère et comporte 2 à 5 loges,
récolter capsule par capsule, à mesure de la à un ovule chacune. Le style est bifide. Le
maturité. Chez les autres variétés, on peut fruit est une drupe. Les graines sont pour-
attendre que toute l'inflorescence soit mûre. vues d'une coque épaisse. La teneur en huile
On laisse les capsules ou les grappes sécher des graines entières est de 25 à 35 La
pendant plusieurs jours, puis on les bat ou germination est épigée.
les pilonne au mortier pour libérer les graines.
Chez certaines variétés la déhiscence est diffi- Plusieurs espèces présentent de l'intérêt
cile à obtenir, même ainsi, et on est obligé de pour la culture :
laisser les capsules subir un début de fermen- Aleurites Fordii HEMSLEY (A. cordata
tation en tas, avant de les sécher. HOOK.). — « Tung oil tree ». Fournit
Dans l'Inde on récolte de 600 à 1000 kgrs l'« huile de toung » ou « huile de bois de
à l'Ha. Au Brésil on atteindrait 2000 kgrs. et Chine ». C'est l'espèce principalement culti-
même plus. vée en Chine : 90 de la production de ce
pays sont fournis par cette espèce. C'est un

17*
522 LES CULTURES COLONIALES

arbre de 10-20 m., à feuilles ovales, tronquées pesant ± 3,5 grammes. Cette espèce est origi-
ou cordiformes à la base, entières, parfois naire du Sud de la Chine, ce qui explique
trilobées, caduques. Les fleurs apparaissent vraisemblablement pourquoi elle réussit mieux
à l'extrémité des rameaux de l'année précé- que la précédente en région tropicale, par
exemple en Indonésie. Il faudra sans doute
lui donner la préférence au Congo Belge. Elle
fournit approximativement 10 de la pro-
duction chinoise.
Aleurites cordata STEUD. (A. japonica BL.).
— « Abrasin ». « Faux Bancoulier ». Fournit
« l'huile d'abrasin » ou « huile de toung
japonaise ». Arbre de ± 10 m., parfois dioïque,
à feuilles caduques, entières, cordiformes, par-
fois lobées. Les fleurs apparaissent après les
feuilles. Fruit plus petit que chez les autres
espèces, mesurant 2-2,5 cm. de long et 2-3 cm.
de large, contenant 3-5 graines, pesant ± 1
gramme. Origine : Chine, Japon.
Aleurites moluccana WILLD. (A. triloba
FORST.). — « Bancoulier ». Fournit « l'huile

Fleurs d'Aleurites Fordii :


en haut fleurs femelles,
en bas fleurs mâles.
(Extrait de NEWELL.The tung oil tree.)

dente, avant les feuilles. Fruits de 3-5 cm.


de diamètre, contenant 3-5-7 graines, de la
dimension d'une grosse graine de Ricin, pe-
sant ± 2,5 grammes à sec. A. Fordii est ori-
ginaire de la Chine. C'est une espèce subtro-
picale. Elle ne réussit guère au Congo Belge.
Aleurites montana WILSON (A. cordata
MUELL. ARG.). — Fournit l'« huile d'abra-
sin » ou de « Mu ». On la vend cependant Aleurites montana âgés de 2 1/2 ans
au Jardin d'Essais de Tjibinong (Java).
(Extrait de « Landbouw », Vol. XV. 1939. Buitenzorg.)

de bancoulier » ou « Lumbang oil » ou « can-


die nut oil ». C'est un grand arbre, pouvant
atteindre jusque 25 m. de hauteur. Feuilles
caduques, grandes, ovales, souvent à 3-5 lobes,
recouvertes d'une pubescence roussâtre à la
face inférieure. Les fleurs apparaissent sur
les rameaux de l'année, en même temps que
les feuilles. Ovaire à deux loges. Fruit globu-
leux de 4 cm. de diamètre ou allongé trans-
Fruits à'Aleurites Fordii versalement de 5 X 4 cm., suivant qu'il
(à droite en coupe transversale).
(Extrait de NEWELL.) contient 1 ou 2 graines. Graines de 3-4 cm.
de diamètre. A moluccana est originaire de
souvent aussi sous le nom d'« huile de bois Malaisie. Il existe à l'état spontané dans les
de Chine ». C'est un arbre de 10-15 m. Feuil- îles du Pacifique, en Indonésie, aux Philip-
les caduques, généralement à 3-5 lobes. Les pines, dans le Nord de l'Australie.
fleurs se développent sur les rameaux de
l'année, après les feuilles. Fruits plus petits Culture. — Les essais ont surtout porté sur
que ceux d'A. Fordii, larges de 3 cm., hauts Aleurites Fordii et A. montana. Les Aleuri-
de 4 cm., contenant généralement 3 graines, tes sont peu exigeants, mais demandent des
LES CULTURES COLONIALES 523

sols perméables. Ils craignent les sols humi- CHAPITRE VDI.


des. A. Fordii semble être l'espèce la plus
exigeante. Au Congo, il existe quelques bon- PLANTES STIMULANTES
nes plantations d'A. montana au Bas-Congo, ET PSEUDO-ALIMENTAIRES.
dans l'Uele, au Ruanda-Urundi, etc., sur ter- CAFEIER.
rains de savane, relativement argileux. Les Le café est un des principaux
essais sur sols forestiers ou sur sol sableux produits des
ont échoué. Les arbres y souffrent générale- pays chauds. La production mondiale oscille
entre 2.000.000 et 2.250.000 Tonnes par an.
ment du Fomes, lequel est rare en savane. Les en particulier le Brésil, est le
Alcurites demandent un climat chaud. L'Amérique,
A. Fordii peut cependant supporter de faibles principal producteur. L'Afrique, quoiqu'elle
soit la patrie des Caféiers cultivés, est restée
gelées, c'est pourquoi nous avons dit que
longtemps un producteur peu important,
c'était plutôt une espèce subtropicale.
mais elle a fortement développé sa production
A. montana demande plus de chaleur et aussi
ces dernières années. Voici, d'après l'Institut
plus de pluies. Etant des espèces à feuilles International de Rome, les
d'Agriculture
caduques, les Aleurites demandent une pério- en 1939-40 : Brésil
de de repos, donc une période moins chaude principaux producteurs
1.250.000 T., Colombie 267.000 T., Vénézuéla
ou sèche.
65.000 T., Indes néerlandaises 107.000 T.,
On sème généralement en pépinières à 100
Madagascar 30.000 T., Congo Belge 23.000 T.,
X 20-30 cm., une graine par trou. La germi-
nation demande environ 60 jours. Il est bon Angola 19.000 T., Uganda 17.700 T., Kenya
16.500 T. Production mondiale 2.200.000 T.
pour cette raison de faire usage de germoirs Nous omettons plusieurs Etats d'Amérique
et de stimuler la germination par divers pro-
centrale et méridionale ayant des productions
cédés, tels que la stratification. La mise en
oscillant entre 25 et 60.000 T. Notons que le
place a lieu à un an environ, les plants ayant Brésil a produit en 1936-7 1.577.000 T.
alors 1-2 m. Les distances de plantation va-
Il y a eu constamment, depuis la guerre
rient, d'après le sol et la variété, entre 7,5 1914-18 et même avant, surproduction de café.
et 10 m. Entre les lignes on fait des cultures Le Brésil a tâché de restreindre sa produc-
intercalaires ou on sème une couverture.
Les Aleurites commencent à produire 3 ans tion; il a également procédé à des destruc-
tions. C'est ainsi que de 1931 à fin 1939, il
après la plantation, mais le rendement ne de- a détruit plus de 4.000.000 T. de café. Ac-
vient intéressant qu'après 5 ans. Ils sont en
tuellement, il recherche diverses utilisations
pleine production à 10 ans et se maintien-
du café : par exemple la fabrication de
draient tels jusque 30 ans environ. Les ren-
matières plastiques.
dements sont très variables. La littérature
Les principaux consommateurs de café, en
renseigne peu de chiffres dignes de foi. Il kilos par tête d'habitant, sont : le Danemark
semble toutefois qu'il ne faut pas espérer plus
de 1000 à 3000 kgrs de graines à l'hectare, 7,3, la Suède 7, la Belgique 6,4, la Norvège
soit quelques 250 à 750 kgrs d'huile. 5,9, les Etats-Unis 5,6, la Finlande 4,8, la
Hollande 4,5, la France 4, la Suisse 3,3,
AUTRES PLANTES OLEAGINEUSES. l'Allemagne 2,1, l'Italie 1,1, l'Espagne 1,
Nous avons traité dans d'autres chapitres l'Angleterre 0,4. (Moyennes des années 1926-
de plusieurs plantes fournissant de l'huile, 30.)
notamment l'Arachide, le Soja, le Cotonnier, La Belgique a importé ces dernières années
le Kapokier. Plusieurs espèces décrites dans :lne moyenne de 50.000 T. En 1939 ses achats
les chapitres suivants fournissent ou peuvent ont atteint 54.454 T. Au Congo Belge, le
fournir également des matières grasses, par Caféier est une des principales cultures in-
exemple le Cacaoyer, lo Théier, l'Hévéa, dustrielles, ainsi qu'il ressort des statistiques
voire même le Caféier. ci-après, pour 1948 :

indig. Plantat.europ.
Plantation* EXPORTATIONS
Product.Surface Product. Plaotatiooliodil. Plantations
europ.
1Surface
Café robusta 3.782 1.191 36.101 - 15.159 Café robusta 63 16.298
Idem, jeunes plantat. 66b 7.718 Café arabica 8.227 2.305
Café arabica 17.700 9 810 2.841 Déch. et bris. robusta 2.543
Idem, jeunes plantat. tS (Ruanda- 849 Idem arabica 578
Urundi 1 947) Idem diverses espèces 528
Total: 30.544 T.
524 LES CULTURES COLONIALES

La culture des Caféiers pourra vraisembla- au 18me siècle aux Indes, à la Réunion, à
blement s'étendre encore au Congo Belge. Maurice, aux Antilles, au Brésil, mais ne prit
Toutefois il y a lieu de tenir compte de la une grande extension qu'au cours du siècle
surproduction (ou sous-consommation?) per- passé.
sistante. D'autre part, plusieurs cultures se Les espèces appartenant au genre Coffea
sont révélées techniquement et économique- sont des arbres, des arbustes ou des lianes. A
l'état sauvage les es-
pèces arborescentes at-
teignent une hauteur
de 8-15 m. L'enracine-
ment comprend un pi-
vot assez court, prolon-
gé par des racines
axiales très profondes,
atteignant jusque 5 m.
de profondeur chez
l'Arabica, et de nom-
breuses racines latéra-
les. Le tronc porte des
branches primaires, op-
posées deux à deux,
généralement horizon-
tales ou légèrement
pendantes. Ces bran-
ches portent des ra-
meaux secondaires, op-
posés également deux
à deux et étalés dans
un plan plus ou moins
horizontal; ceux-ci, des
rameaux tertiaires dis-
posés de même, etc. Les
feuilles sont entières,
opposées, persistantes
ou caduques (1), mu-
Situation des plantations de Café au Congo. nies de stipules persis-
tantes. Ces stipules
ment plus intéressantes. Nous avons cité des sont au nombre de deux, placées sur les
chiffres au début du chapitre consacré au nœuds entre les insertions des deux feuilles.
Palmier à huile. Au point de vue cultural, Sur les tiges et gourmands, les paires
le Caféier est de toutes les cultures arbus- successives de feuilles sont croisées ; sur
tives celle qui protège le moins bien le sol. les branches et rameaux elles se trouvent
Ceci est dû principalement aux nécessités de dans un même plan. La plupart des Caféiers
la lutte contre le Stephanoderes, qui pous- présentent à la face inférieure des feuilles,
au point de confluence des nervures se-
sent le planteur à maintenir le sol en grande
partie nu. condaires sur la nervure médiane ou bien à
l'aisselle des nervures secondaires, des petites
cavités, appelées « domaties ». Les fleurs,
des
Origine et description botanique généralement blanches et très odorantes, sont
Caféiers. — Le genre Coffea, de la famille réunies en glomérules ou fascicules de 3-16
des Rubiacées, sous-famille des Cofféoïdées, fleurs. Les glomérules sont portés sur des
3 paires
est paléotropical. Seules quelques espèces pédicelles courts et entourés de 2 ou
africaines produisent des graines utilisées ou de bractéoles, constituant des espèces de colle-
utilisables dans la préparation de la boisson rettes ou calicules. Chaque calicule se compose
bien connue. L'existence de la plante ne de 2 bractéoles foliacées plus ou moins déve-
fut connue des Européens qu'à la fin du
16me siècle; l'usage du café en Europe ne (1) Tous les Caféiers cultivés sont à feuilles per-
remonte qu'au 17me siècle. La culture débuta sistantes.
LES CULTURES COLONIALES 525

loppées, homologues de feuilles. Comme celles-


ci, les bractéoles présentent deux stipules sou-
dées latéralement, apparaissant sous forme de
2 pointes entre les bractéoles (Voir figure).
Les glomérules de fleurs se trouvent à l'ais-
selle des feuilles ou au-dessus des cicatrices
foliaires. Généralement il y a plusieurs glo-
mérules à l'aisselle de chaque feuille. On peut
ainsi trouver, notamment chez le Robusta
cultivé, jusque. 40-60 fleurs par nœud. Les
fleurs sont sub-sessiles ou brièvement pédi-
cellées. Le calice et la corolle sont composés
de pièces partiellement soudées. Le calice com-
porte un tube court, persistant et une partie
libre composée de 4-5 lobes ou dents courts
et caducs. La corolle se compose d'un tube
beaucoup plus long que le calice et de 4 à 9
lobes. Elle tombe rapidement après la flo-
raison : dans le cours de la même journée.
Les étamines sont au nombre de 4-7, à filets
courts, soudés à la corolle. L'ovaire est in-
fère, globuleux, surmonté d'un disque charnu
et saillant ou d'une couronne ou rebord, en-
tourant une partie déprimée. Le sommet du
fruit porte les vestiges de ce disque, ainsi que
les vestiges du calice. L'ovaire est biloculaire,
à un ovule par loge, surmonté d'un style se
terminant par un stigmate divisé en deux
branches. Le fruit est une drupe, désignée
sous le nom de « cerise » dans le langage des
planteurs, contenant normalement deux
Structure des fleurs et des fruits du Caféier.
noyaux, généralement libres. Il est globuleux
ou oblong, charnu, rouge, noirâtre, 1. Aisselles foliaires avec 4 glomérules (1.7 n).
jaunâtre 2. Diagramme des glomérules à l'aisselle d'une
ou blanc à maturité. Il comporte, de l'exté- feuille.
rieur vers l'intérieur, l'enveloppe ou 3. Diagramme d'un glomérule de 4 fleurs, entouré
« peau » (exo- ou épicarpe), la pulpe ou de 2 calicules.
chair (mésocarpe) qui est juteuse et sucrée, 4. Calicule externe. — 5. Calicule interne.
6. Calice et corolle (1,25 x).
les enveloppes des deux loges, lesquelles enve- 7. Corolle déployée, montrant l'insertion des eta-
loppes sont parcheminées ou membraneuses, mines (2,5 x).
jaunâtres et désignées sous le nom de « par- 8. Calice et ovaire en coupe longitudinale (1,8 x).
ches » (endocarpe). Les deux loges se regar- 9. Fruit (1 x) (remarquer le disque).
10. Fruit en coupe transversale : h, peau (exo-
dent par leur face ventrale qui est plane, carpe); f, pulpe (mésocarpe); p, parche (en-
tandis que la face dorsale est convexe. Par- docarpe) ; s, pellicule argentée (tégument
fois le fruit ne contient qu'une graine, l'autre séminal) ; n, endosperme.
11. Coupe transversale d'un fruit ne contenant
ayant avorté. Cette graine unique prend alors qu'une graine, l'autre restée rudimentaire (r).
une forme plus ou moins ovoïde. Dans le 12. Schéma montrant la disposition des graines
commerce ce café porte le nom de « Cara- dans le fruit (une partie de la pulpe a été
coli ». Chez les Caféiers de la section enlevée)
13. Graine : vue dorsale. L'embryon est indiqué
Eucoffea (1), la face plane de la graine pré- en pointillé (1,2 x).
sente une fente profonde, dans laquelle la 14. Graine en coupe transversale, avec l'embryon
parche pénètre. Chaque loge contient norma- mis à nu (1,2 x).
lement une graine épousant sa forme (Voir (Extrait de SPRECHER V. BERNEGG.)
figure). Le tégument de la graine (épisperme,
spermoderme) est mince et porte le nom de « pellicule argentée ». Elle est cnlevée plus
ou moins complètement au cours de l'usinage.
L'albumen ou endosperme est corné; l'em-
(]) Subdivision du genre Coffea, dans les classifica- bryon est court, placé près de la base de la
tions de SCHUMANN et de CHEVALIER, contenant notam-
ment les Caféiers cultivés. graine, à la face dorsale. Les cotylédons sont
526 LES CULTURES COLONIALES

minces, cordés, entiers. La germination est variété de C. arabica, dénommée bullata, pos-
épigée. sède 66 ou 88 chromosomes. On a dénombré
Des cas de polyembryonie ont été constatés 22 chromosomes somatiques chez C. excelsa,
chez le Caféier. Abeokutae, Dybowskii, Dewevrei, ainsi que
chez les espèces suivantes du groupe robusta :
SYSTÉMATIQUE. - Le genre Coffea comprend C. congensis, Canephora et Ugandae. Ces dif-
une cinquantaine d'espèces, la plupart afri- férences dans le nombre chromosomique ex-
caines. Trois ou quatre seulement présentent pliquent la stérilité partielle ou totale de cer-
un intérêt commercial. La systématique est tains hybrides interspécifiques.
assez embrouillée, d'autant plus que certaines Dans la classification de LEBRUN (M, les
espèces peuvent s'hybrider entre elles. espèces constituant le genre Coffea de CHEVA-
SCHUMANNdivisait le genre en deux sec- LIER ou de SCHUMANNsont groupées en une
tions, tandis que CHEVALIERen distingue six. sous-tribu, celle de3 Cofféastrées. Les diverses
Seule leur première section, celle des Eucof- sections regroupées et réduites sont élevées au
feae, nous intéresse. Ces deux auteurs la sub- rang de genres, au nombre de quatre. Le
divisent en deux sous-sections : les Semper- genre Coffea de LEBRUNne contient plus que
contenant les Caféiers proprement dits. En ce qui con-
vircntes, à feuilles persistantes,
tous les Caféiers cultivés, et les Deciduae, à cerne le Congo Belge, LEBRUNdivise le genre
feuilles caduques. en trois séries. De la première à la troisième
LEBRUN a proposé, en 1938, un nouveau série, la taille et la vigueur végétative aug-
mentent graduellement, de même le nombre
groupement des espèces que nous donnons à
la fin de ce paragraphe. floral. Par contre les bractées foliaires des
Les planteurs groupent généralement les calicules sont généralement de plus en plus
réduites.
espèces cultivées de la façon suivante :
GROUPE ARABICA: Coffea arabica L. et SÉRIE ABYSSINICAEOU ARABICAE :
variétés. 1. Coffea eugenioides S. MOORE (taille 2-3
GROUPE ROBUSTA: se rapprochant plus ou m.) du Congo oriental, Kenya et Uganda.
moins du précédent au point de vue morpho- 2. C. kivuensis LEBRUN(2-10 m.) du Kivu.
logique, spécialement chez la première espèce. 3. C. congensis FROEHNER(jusque 6 m.).
Il contient C. congensis FROEHNER, C. Cane- 4. C. arabica L. (jusque 10 m.).
phora PIERRE (C. Laurentii DE WILD., C.
SÉRIE ROBUSTAE :
robusta LINDEN), C. kwiluensis PIERRE, C. 5. C. brevipes HIERN. (3-12 m.) du Came-
Ugandae CRAMER (« Nganda coffee »). Les roun, A. E. F., Congo.
deux dernières espèces doivent, d'après CHE- 6. C. Canephora PIERRE (8-15 m.). Syno-
VALIER,être rattachées à C. Canephora. Ren- DE
trent encore dans ce groupe : C. stenophylla nymes ou variétés : C. Laurentii
fort différent des autres WILD., C. robusta LINDEN,C. lVelwitschii
DON., cependant PIERRE, C. bukobensis ZIMM., C. Ugandae
espèces, etc.
GROUPE LIBERICA : C. liberica BULL., C. CRAMER,etc.
Klainii PIERRE, etc. SÉRIE LIBERICAE :
GROUPE EXCELSA : se rapprochant plus ou 7. C. liberica BULL. (jusque 20 m.). Syno-
moins du précédent au point de vue morpho- nymes ou variétés : C. Dewevrei DE
logique et comprenant notamment les espèces : WILD. OU C. excelsa CHEV., C. Arnol-
C. excelsa CHEV., C. Abeocutae CRAMER, C. diana DE WILD., C. aruwimiensis DE
Arnoldiana DE WILD., C. Dewevrei DE WILD-, WILD., C. Royauxii DE WILD., C. Klainii
C. Dybowskii PIERRE. PIERRE, C. Dybowskii PIERRE, C. Abeocu-
tae CRAMER.
Il est intéressant de noter qu'au point de
vue cytologique, l'affinité entre les groupes Enfin, une quatrième série serait à ajouter :
est différente. Le nombre basal de chromo- la SÉRIE STENOPHYLLAE, comprenant C. steno-
somes dans le genre Coffea est 11. On a trou- phylla DON., espèce très différente de toutes
vé 44 chromosomes somatiques chez C. ara- les autres espèces citées et qui n'existe pas à
bica (16 variétés examinées), C. liberica et l'état spontané au Congo Belge.
chez 1rs hybrides javanais « Kawisari » B
et D, qui sont des hybrides liberica x arabica. DESCRIPTION DES PRINCIPALESESPÈCES. -
Certains « Kawisari » B ont cependant 33 L'aire d'extension naturelle de C. arabica,
chromosomes seulement et présentent sans
doute un fort pourcentage de stérilité. Une (l) Publications INEAC. Hors série, 1941.
LES CULTURES COLONIALES 527

congensis, Canephora (robusta) et liberica est


figurée sur les cartes.
Coffea arabica L. — Caféier d'Arabie.
Caféier commun. Caféier du Brésil. Origi- 1
naire d'Abyssinie. C'est l'espèce la plus an-
ciennement connue et cultivée. Actuellement
encore elle est cultivée sur une échelle beau-
coup plus grande que les autres espèces. En
Amérique, on ne cultive pratiquement que de
l'Arabica. A l'état spontané c'est un petit
arbre de 8-10 m. Les branches sont longues,
flexibles, étalées ou pendantes. Les feuilles
sont d'un beau vert, brièvement pétiolées,
entières, légèrement coriaces, parfois un peu
gaufrées ou ondulées, luisantes au-dessus, lan-
céolées ou oblongues, acuminées, longues de
5-20 cm., larges de 1,5-5 cm. La plante est - >3|1ÉË
entièrement glabre. Les fleurs sont blanches,
du type 5, réunies par 3-7 à l'aisselle d'une
feuille, chaque groupe de 1 à 4 fleurs étant
entouré de 2 ou 3 calicules. La corolle pré-

Coffea arabica.
(Photo SUDDEN.)

C. arabica est pratiquement autogame. La


floraison est saisonnière, c'est-à-dire présen-
tant une période principale au cours de l'an-
née. La production débute vers l'âge de
4 ans. (l)
Il existe de nombreuses variétés botaniques
bien fixées, qui semblent être apparues en
culture, par mutation. En effet, on ne les

Aires d'extension naturelle de


Coffea arabica et congensis..
(D'après LEBRUN.)

sente un tube de 10-12 mm. et 5 lobes étroits,


lancéolés, longs d'environ 7 mm. Le fruit est
plus ou moins globuleux ou ovoïde, d'un
diamètre de 10-15 mm. La fève débarrassée
de son tégument (pellicule argentée) a une
teinte gris jaunâtre (Inde, Java, Ceylan,
Moka, Bourbon) ou gris verdâtre (Amérique) ;
elle est gris bleuâtre ou bleue aux hautes
altitudes.

(1) 4 ans après la mise en place, donc la durée du Aire d'extension naturelle de
séjour en pépinière non compris. C'est ainsi que l'on Coffea Canephora.
indique généralementl'âge des plantations arborescentes. (D'après LEBRUN.)
528 LES CULTURES COLONIALES

connaît pas à l'état sauvage. Par exemple les gola et de l'Ouest de l'Uganda. C'est une
variétés amarella (à fruits jaunes), leucocarpa espèce polymorphe, variable, ce qui s'explique
(à fruits blancs), polysperma (à plusieurs par son caractère allogame. On a décrit un
fèves par fruit), monosperma (à une fève). grand nombre d'espèces ou de variétés, qui
Une autre variété, cultivée sur une certaine ont été ultérieurement identifiées ou ratta-
échelle au Vénézuéla notamment, est le chées à C. Canephora, par exemple les Quil-
« Maragogipe ». C'est une grande variété, à lou,, Niaouli, Bukoba, Uganda, Robusta,
feuilles de 18-20 X 6-12 cm., à fruits et grai- C. Laurentii, etc. Le C. Canephora fut décou-
nes de la dimension de ceux de C. liberica, vert en 1885 en Afrique Equatoriale Fran-
mais ayant le goût arabica. çaise; LAURENTle trouva au Congo Belge en
1895 et l'identifia en 1898 avec le Canephora
de PIERRE. En 1900, DE WILDEMANdécrivit
un C. Laurentii qui fut dans la suite reconnu
identique au Canephora. La même année, la
firme Linden (l'Horticole Coloniale) de Bru-
xelles, mit en vente des graines d'un Caféier
congolais qu'elle dénomma robusta et qui fut
lui aussi rattaché à C. Canephora. En 1901,
ce robusta fut importé à Java. La culture s'y
développa rapidement, de même qu'au Congo
Belge. Il semble cependant que, dès 1850 ou
même avant cette date, ce Caféier était cultivé
en diverses régions par les indigènes et par
les Portugais.
A l'état sauvage, C. Canephora peut attein-
dre une taille de 8-15 m. Il se présente sou-
vent avec plusieurs tiges et une taille de
3-5 m. Les feuilles sont vert clair, parfois
plissées aux nervures et très gaufrées, ellip-
tiques, plus ou moins atténuées aux deux
extrémités, parfois arrondies-obtuses ou même
émarginées à la base, mesurant 15-30 X
5-12 cm. A l'état sauvage, il y a de 1 à 5
fleurs à l'aisselle d'une même feuille. En
culture, ce nombre est beaucoup plus élevé et
on peut fréquemment compter sur une même
Caféier robusta.
(Photo Office Colonial.) branche 12-15 boules de 40-60 fleurs chacune.
Les glomérules se composent généralement de
4 à 6 fleurs et sont entourés normalement
La teneur en caféine des fèves est de
de 2 calicules. Les fleurs sont assez grandes,
1-1,2 à 5 lobes, parfois jusque 8 chez certaines
— Caféier du
Coffea congensis FROEHNER. variétés. Typiques du Canephora sont les ap-
Congo. Caféier de Chalot. Caféier des rives
inondées. Originaire de l'Ubangi et du Moyen- pendices foliacés très développés du calicule
extérieur (jusque 1,5-3 cm.) qui distinguent
Congo, au Congo Belge et en A. E. F. Cette immédiatement l'espèce des C. arabica (1)
espèce se rapproche de l'Arabica, mais est
et liberica. Les fruits sont de même forme que
plus grêle dans toutes ses parties. C'est un ceux de C. arabica, mais plus petits et plus
arbrisseau, souvent à plusieurs tiges, de petite nombreux. Ils sont rouge foncé à maturité.
taille, ne dépassant jamais 6 m. et restant Le dépulpage est aisé, comme chez l'Arabica.
même généralement au-dessous de 4 m., à
La fève est plus petite et la pellicule « argen-
l'état spontané. Les rameaux sont plus ou tée » est plus adhérente que chez C. arabica.
moins dressés. Les feuilles mesurent 10-16
La dite pellicule a une coloration vert gri-
X 4-6 cm. Les fruits sont analogues à ceux
de l'Arabica, mais plus petits. C. congensis sâtre, mais peut aussi avoir une autre teinte,
est peu important en culture. par exemple chez le Quillou où elle est
bronzée. Le Robusta fleurit toute l'année et
Coffea Canephora PIERRE. — « Caféier
Robusta ». Originaire du Congo Belge, de
l'Afrique occidentale, du Nord-Ouest de l'An- (1) Chez C. arabica ils ne dépassent jamais 5-10 mm.
LES CULTURES COLONIALES 529

produit à partir de l'âge de 3 ans, ou même plus coriaces que chez les autres espèces et
un peu plus tôt. plus grandes, mesurent 16-40 X 6-15 cm.;
La teneur en caféine est de 1,5 à 2,5 Au elles sont oblongues, terminées par un large
point de vue qualité, le Robusta est générale- acumen, rétrécies et èunéiformes à la base.
ment inférieur à l'Arabica. Les fleurs sont grandes, à 6-8 lobes, réunies
Parmi les variétés de C. Canephora, le souvent en grand nombre à l'aisselle d'une
Caféier Uganda présente une certaine impor-
tance, du moins dans son pays d'origine. Il
est fort semblable au Canephora typique,
mais a les feuilles plus petites et plus étroites,
plus ou moins naviculaires, à bords fortement
ondulés. Ses branches sont assez souples, de-
viennent rapidement pendantes, mais les extré-
mités se replient plus ou moins et restent hori-
zontales. Il produit beaucoup de bois : les
arbres sont de ce fait assez touffus. Le
Stephanoderes semble avoir une prédilection
marquée pour ses fruits, ce qui pourrait
s'expliquer par le goût et le parfum parti-
culier de la pulpe (HILLE RIS LAMBERS).
Coffea liberica BULL. — Caféier de Libéria
ou de Monrovia. Caféier à gros grains. Ori-
ginaire d'Afrique occidentale, depuis le
Libéria jusqu'en Angola, avec une expansion
vers le Nord du Congo Belge (Voir carte).
Les premiers envois aux Indes néerlandaises
vinrent de Libéria, d'où le nom. L'espèce a Coffea liberica
âgé de 3 1/2 ans. à Yangambi.
joui d'une forte vogue vers 1880-1895, lorsque (Photo SLADDEN.)

même feuille. Chaque glomérule, comportant


5-6 fleurs, parfois plus, est entouré de 2 ou
3 calicules à appendices foliacés très réduits.
Les fruits ont un diamètre de 2-3 cm.; les
fèves sont beaucoup plus grandes que chez
l'Arabica et le Robusta. La peau est coriace,
la pulpe moins épaisse et difficile à séparer,
rendant le traitement à sec impossible. L'en-
lèvement de la pellicule argentée est égale-
ment difficile. La fève a une couleur jaune
clair ; le goût est amer, généralement peu
apprécié, sauf en Scandinavie. La teneur en
caféine est de 1,4-1,6
C. liberica est généralement autogame. Il
fleurit toute l'année et produit à partir de
l'âge de 3 ans.
Coffea Klainii PIERRE se caractérise par des
fruits plus gros encore que chez le Liberica,
Aire d'extension naturelle de atteignant la dimension d'une prune. Il a
Coffea liberica. été découvert au Gabon. D'après CHEVALIER,
(D'après LEBRUN.) ce serait une simple mutation de C. liberica.
Nous avons indiqué, plus haut, que LEBRUN
les plantations d'Arabica de Java furent en- rattache ce Caféier à l'espèce liberica.
vahies par YHemileia. Actuellement, sa cul- Coffea excelsa CHEV. (ou C. Dewevrei DE
ture est en régression.
WILD.). — Caféier du Chari. Caféier arbores-
Le Liberica est un Caféier de grande taille. cent. Egalement rattaché à l'espèce liberica.
A l'état spontané, il peut atteindre 15 à Découvert en 1903 dans les bassins de l'Uban-
20 m. Il a un port pyramidal. Les feuilles, gi et du Chari. C'est un arbre atteignant
530 LES CULTURES COLONIALES

jusque 20 m. Il se caractérise par des rameaux rables, suffisamment pourvu en humus. Les
plus ou moins dressés, des feuilles grandes, meilleurs terrains seront donc généralement
coriaces, luisantes et dressées, des fèves petites. des sols forestiers vierges. La principale qua-
L'Excclsa est une plante vigoureuse, résis- lité d'une terre à café est sa profondeur; il
tante à la sécheresse (cfr. son origine) et peu est souhaitable que celle-ci atteigne 3-4 m. et
sensible aux nématodes (Heterodera) et autres même plus. En effet, le Caféier a un enracine-
ennemis. On l'a préconisé comme porte-greffe. ment très profond; de nombreuses racines
Il n'a cependant pas répondu aux espoirs mis descendent jusque 3 m. et, chez l'Arabica,
en lui. Il est peu cultivé comme producteur elles peuvent même atteindre et dépasser
direct. Il est tardif et peu productif, et il 5 m. Dans un sol peu profond, les arbres
dépérissent après quelques années. Une autre
qualité essentielle est la perméabilité. Aucune
espèce de Caféier ne supporte un plan d'eau
élevé, un sol humide. Même C. congensis, le
« Caféier des rives inondées », qui croît au
bord de l'eau et subit souvent des crues pro-
longées, dépérit dans un sol où l'eau stagne.
On constate d'ailleurs la même chose chez
l'Elaeis et l'Hévéa, en culture. D'autre part
les Caféiers demandent beaucoup d'eau, il
faut donc que le sol soit frais, c'est-à-dire
ait une bonne capacité de rétention de l'eau.
Les sols sableux ne conviennent donc pas ; les
meilleurs sols sont ceux riches en humus.
En ce qui concerne la teneur en éléments
nutritifs, il est intéressant de noter, et celà
confirme ce qui a été dit plus haut, que la
plupart des sols de l'Etat de Sao Paulo,
réputés cependant comme bonnes terres à
café, sont très pauvres en potasse, acide
phosphorique et chaux. Ils sont généralement
acides. Le Prof. SPRECHER VON BERNEGG
(Zurich) en conclut que le Caféier, il s'agit
ici de C. arabica, demande des sols acides. Il
situe l'optimum entre pH 4,2 et 5,1. D'après
VAGELER,cependant, l'optimum est une réac-
tion neutre et, d'après BAEYENS,les meilleurs
sols à café (Robusta) du Bas-Congo ont un
Coffea excelsa, port naturel (non taillé). pH compris entre 6 et 7,5.
(Photo Office Colonial.)
Climat. — Les exigences varient suivant
n'est pas supérieur au Robusta au point de les espèces. L'Arabica ne supporte pas le
vue de la qualité. Il a une floraison saison- climat équatorial. Dans les régions équatoria-
nière (cfr. son pays d'origine). les et tropicales, il ne se cultive avec succès
Coffea stenophylla DON. — Caféier du qu'entre 600 et 1200 m. Il peut remonter plus
Rio-Nunez. « Highland Coffee » (Sierra-Leo- haut, là où les gelées ne sont pas à craindre :
ne). C'est un arbuste de 3-5 m-, à feuilles par exemple jusque 2000 m. et au delà.
étroites, oblongues, à fruits et fèves de petite L'Arabica peut, à la rigueur, supporter des
le cas du
dimension. A maturité, les fruits ont une gelées courtes et peu intenses. C'est
teinte bleu noir. La fève est jaune clair. Cette moins pour certaines variétés : par exemple les
espèce n'est guère cultivée. variétés amarella (ou Botucatu) et myrtifolia
(ou Murtha). L'Arabica demande une tempé-
Sol. — De façon générale, les Caféiers ne rature moyenne annuelle de 17 à 22°. Il n'est
de
sont pas très exigeants en ce qui concerne la pas à conseiller de le planter au-dessous
richesse chimique du sol. Ils demandent, sur- 6-700 m., en région tropicale, parce que la
tout C. arabica qui est l'espèce la plus exi- croissance, la production et même la qualité
geante, un sol à propriétés physiques favo- du café y sont moindres. Il y est aussi plus
LES CULTURES COLONIALES 531

sensible aux maladies. Par contre, le Libérica Au point de vue végétatif, toutefois, les
et le Robusta demandent un climat chaud, à Caféiers ont meilleur aspect que sur terrain
température moyenne annuelle d'au moins incinéré. L'insuffisance des premières récoltes
20-25°. On les cultive en plaine, jusque vers est attribuée à la pauvreté en éléments miné-
500 m. d'altitude. Le Robusta peut se cultiver raux et à l'acidité du sol. Pour y obvier, on
encore vers 900 m., mais il est plus intéressant, essaie actuellement un système. de défriche-
à cette altitude, de cultiver l'Arabica. En ment comportant une incinération incomplète,
somme, VArabica est une espèce subtropicale, dite « à feu-courant ». De même la planta-
tandis que les autres espèces cultivées sont tion sous forêt éclaircie (maintenue comme
tropicales. ombrage) n'a pas donné jusqu'ici de bons
La quantité de pluies doit être d'au moins résultats. Peut-être une meilleure connais-
1000 à 1500 mm. Le Libérica et le Robusta sance des essences forestières, dans leurs rap-
demandent un climat plus humide que ports avec les Caféiers, permettrait-elle un
l'Arabica. L'Excelsa est l'espèce la moins choix plus approprié des arbres à réserver et
exigeante à ce point de vue. Des alternances une mise au point du procédé.
de périodes plus ou moins pluvieuses et sèches La préparation du terrain comporte éven-
favorisent la floraison et la fructification, tuellement diverses mesures antiérosives :
facilitent la récolte et la préparation. En gé- haies, fossés aveugles, terrasses. Les trous de
néral, plus de 3000 mm. de pluie n'est pas plantation ont généralement 50-60 cm. de côté
favorable au Caféier. ou même plus, suivant la nature du sol. Les
Les Caféiers craignent les vents forts et les écartements normaux sont de 2 X 2 à 2,5 X
vents secs. En certaines situations, il faut 2,5 m. pour l'Arabica; 3 X 3 m. pour le
éventuellement établir des coupe-vents. Robusta et 4 X 4 m. pour le Libérica et
Le besoin en lumière est très variable. De l'Excelsa. Au Brésil, on espace souvent
la (plupart des l'Arabica à 3 X 3 ou 3,5 X 3,5 m-, parce
façon générale, cependant,
Caféiers ne demandent pas le plein éclaire- qu'on y a généralement plusieurs plants par
ment. A l'état sauvage on les rencontre en place.
forêt ou dans les galeries forestières, sous un
— Le semis est le mode
ombrage moyennement -dense. Il ne faudrait, Multiplication.
toutefois, pas copier exactement les conditions habituel de multiplication. Le greffage se
naturelles d'ombrage. En effet, les Caféiers pratique déjà aussi sur une certaine échelle.
sauvages fructifient peu, tandis que lors- SEMIS. — Les baies destinées à fournir la
qu'on éclaircit le couvert de la forêt la pro- semence sont choisies sur des arbres bons pro-
duction augmente. Aussi ombrage-t-on le plus
ducteurs (à moins que l'on n 'achète des semen-
souvent les plantations. L'ombrage joue du ces sélectionnées) et triées soigneusement. On
reste divers rôles, dont il sera question plus
loin. De façon générale, il faut ombrager dépulpe à la main, frotte avec du sable ou des
cendres pour éliminer les restes de pulpe, lave
l'Arabica et le Robusta en région tropicale
et sèche à l'ombre. Lors du lavage, on élimine
à forte insolation, surtout le premier. Là où
le ciel est fréquemment les graines légères. Les graines fraîches sont
couvert, l'ombrage
n'est pas nécessaire. Il en est de même, préférées, parce qu'elles germent plus rapi-
dement. Le pouvoir germinatif peut cepen-
semble-t-il, en région subtropicale C1). La
résistance à l'insolation varie avec les espèces. dant, en bonnes conditions, se conserver près
d'un an. Chez le Libérica, dont le dépulpage
Ainsi le Libérica peut se passer d'ombrage.
Il en est de même du C. Arnoldiana. C. excel- est difficile, on sème souvent les fruits entiers.
Au Brésil, on sème souvent aussi les cerises
sa et congensis ne demandent qu'un ombrage
d'Arabica séchées.
léger. C. arabica est l'espèce la plus sensible. Le semis peut se faire en place ou en pépi-
nières. La première méthode est fréquente au
Préparation du sol. — Les méthodes de Brésil. Une variante du semis en pépinière est
défrichement ont été décrites au Chapitre I. le semis en paniers. On utilise parfois aussi
Le procédé de non-incinération n'a pas donné, les semis naturels nés sous les arbres, en
jusqu'à présent, de bons résultats chez le Cette méthode est à condamner,
plantation.
Caféier, du moins en ce qui concerne le parce que ces plants sont généralement
rendement et pendant les premières années. « filés » et ne possèdent pas un bon pivot.
Voici, à titre d'exemple, la méthode suivie
(1) Dans l'Etat de Sao Paulo, par 22-24° de latitude, dans l'établissement des germoirs et pépiniè-
on n'ombrage pas l'Arabica. res à Yangambi :
532 LES CULTURES COLONIALES

Le sol est labouré profondément (50-60 les plants chétifs. On repique ensuite, en
cm.). Il est, en effet, d'importance primor- veillant à ce que le pivot soit droit et la
diale d'obtenir des plants à pivot droit. On plantule enterrée à la même profondeur que
a soin de ne pas laisser le sol travaillé sans dans le germoir. L'écartement est de 15 X 15
protection pendant plus de deux jours. L'abri cm. pour un séjour d'environ trois mois,
est constitué par des rangées de piquets c 'est-à-dire pour une mise en place à 6-7 mois,
placés à 3 X 3 m. et soutenant un canevas avec 2 à 4 paires de vraies feuilles. On écarte
de perches recouvert de nattes ou de feuilles. à 30 X 30 cm. au moins, si la plantation doit
Cet écran est placé à environ 2 m. du sol, avoir lieu à un an ou plus.
pour la facilité du service. On prévoit éven- Les germoirs et pépinières sont arrosés
régulièrement, par exemple 2-3 fois par se-
maine, suivant les besoins. On tient compte
aussi des exigences différentes des diverses
espèces : par exemple le Libérica demande le
plus d'eau. On effectue des binages pour bri-
ser les croûtes formées sous l'action des arro-
sages. On sarcle, répare les abris, etc. Vers la
fin du séjour en pépinière, il est indiqué
d'éclaircir progressivement la protection.
SURFACEDE LA PÉPINIÈRE.— Un hectare à
3 X 3 m- contient environ 1100 plants. Ta-
blant sur 50 de déchet en pépinière, il faut
mettre ± 2000 fèves en terre, soit environ
700 grammes de semences, un kilo contenant
± 3000 fèves. Etant donné les écartements
en germoir et pépinière et la largeur des
plates-bandes et sentiers, il faut environ un
hectare de pépinières par 100 Ha à planter.
Pépinière de Coffea excelsa
au Jardin d Essais de Buitenzorg. TRAITEMENTET CONSERVATION DES SEMENCES
(Photo SLADDEN.) DE CAFÉ. — Après lavage, le café est séché
pendant trois jours à l'ombre, en couche
tuellement un ombrage latéral, aux côtés Est mince et remué plusieurs fois par jour.
et Ouest. Sous cet abri, on établit des plates- Ensuite il est désinfecté à la térébenthine
bandes larges de 1,20 m., séparées par des pendant 72 heures, contre le Stephanoderes.
sentiers de 60 cm. On utilise aussi, avec Cette opération se fait dans des « touques »,
succès, l'ombrage naturel de la forêt plus ou dans lesquelles le café est disposé en couches
moins éclaircie. assez minces séparées par des linges imbibés
Les fèves (en parches) sont placées à plat de térébenthine. Après ce traitement, le café
sur le sol bien nivelé, la face dorsale (bombée) est aéré pendant 2-3 heures à l'ombre. En-
vers le haut, pour éviter la torsion de la suite il est mélangé à 10 de son poids de
tigelle. L'écartement est de 4 X 4 cm. On poudre de charbon de bois fine et sèche et
recouvre de 1 cm. de terre fine. La levée se conservé dans des caisses ou « touques » fer-
fait en 40-70 jours. Là où l'on sème des mées au moyen d'une fine toile métallique,
fruits entiers, il est préférable de les placer pour éviter une réinfection. L'expédition peut
le pédoncule vers le bas. On se faire dans les mêmes conditions.
verticalement,
obtient ainsi une meilleure germination et MULTIPLICATIONVÉGÉTATIVE. — Le Caféier
r'. c germination égale des deux graines. peut se bouturer. Toutefois l'opération de-
Le repiquage en pépinières a lieu lorsque mande des soins spéciaux et la reprise est
les feuilles cotylédonnaires sont complètement difficile. Le bouturage des feuilles est possible.
épanouies, soit vers trois mois. On peut aussi Quant à la greffe, la méthode habituelle est
repiquer dès que les plantules se sont dressées la greffe en fente. Comme greffons, on prend
complètement, mais les cotylédons étant encore des portions du sommet de la tige ou des
enfermés dans la parche, soit vers six semai- gourmands. Le bois de branches ne convient
nes environ. Les plantules sont soulevées à pas, parce qu'il donne, chez le Caféier, des
l'aide d'une spatule en bambou ou en bois. arbres de port et dimensions anormaux. Le
On raccourcit les pivots à 20 cm. et élimine greffon doit comporter au moins deux bons
LES CULTURES COLONIALES 533

yeux (un nœud) et avoir un diamètre de large de 10-20 cm. On le place autour du
8-12 mm. A la partie inférieure on le taille en plant, puis on l'enfonce; on peut ainsi retirer
biseau, sur deux faces et sur une longueur de le plant avec une motte maintenue solidement.
2-5 cm., d'après le diamètre. Ces biseaux Le « stump » est un plant recépé sur 2 ou
doivent être nets et réguliers. Le sujet ou 3 nœuds (t dont le système radiculaire a été
porte-greffe est recépé, puis fendu verticale- taillé de façon à ne conserver que 30 cm.
ment sur une longueur de 2-5 cm., correspon-
dant aux biseaux du greffon. Autant que
possible, on choisit sujet et greffon d'égal
diamètre. Le greffon est ensuite introduit
dans la fente, tenue ouverte au moyen du
greffoir, puis on ligature au moyen de
raphia. La greffe est protégée au moyen d'un
tube à essai ou d'un tube en papier paraffiné,
reposant sur une baguette ou un pétiole du
sujet. (Voir figure.) Un ouvrier peut faire
de 100 à 150 greffes par jour. Le greffage
•se fait généralement en pépinière, sur des
sujets âgés d'un an environ. La soudure est
faite après 2-3 semaines et la mise en place
peut avoir lieu 2-4 mois plus tard. La réussite
peut atteindre jusque 95 Elle est en
moyenne de 50 à 70
Si l'on manque de bois à greffer, on peut
provoquer la sortie de gourmands en coupant
quelques branches primaires. Le déséquilibre
ainsi produit et l'éclairement du tronc pous- Grefiage du Caféier.
sent à la formation de nombreux gourmands. Journées d'Agronomie Coloniale 1933.)
(Dessin SLADDEN.
Le recépage n'est pas conseillé parce qu'il
donne des rejets trop tendres, se lignifiant environ du pivot et de courts moignons de
lentement. Pour produire de grandes quan- racines latérales. On supprime toutes les
tités de bois à greffer, on établit des parcelles feuilles.
La plantation a toujours lieu au début de
spéciales, appelées « parcs à bois ».
la saison des pluies. La date de la mise en
MISE EN PLACE. — A Yangambi elle a lieu germoir sera donc calculée d'après l'âge
habituellement, pour des plants non greffés, auquel on se propose de planter et le régime
vers 6-7 mois. Elle peut aussi se faire vers pluviométrique local. Si l'on plante à racines
10-12 mois. La plantation se fait de diverses nues, on coupe les feuilles à moitié ou aux
manières : à racines nues, ave c mottes enve- deux tiers, pour diminuer la transpiration.
loppées ou non de feuilles, au moyen du Si la plantation est éloignée, il est utile de
« plantoir Java », parfois en paniers; enfin, praliner les racines au moyen d'une boue
s'il s'agit de plants de 18 mois et plus, sous assez liquide. Dans les autres méthodes, il
forme de « stumps ». Entre 12 et 18 mois est bon aussi de raccourcir les feuilles. Il
se place une période convenant moins bien à faut avoir soin de bien tasser la terre autour
la plantation. Les plants sont trop grands des plants, et celà surtout pour les stumps.
pour les quatre premières méthodes et trop Il faut aussi veiller à planter de façon à ce
peu lignifiés cependant pour le « stumpage ». que le collet soit exactement au niveau du sol
Chaque méthode a ses avantages et ses incon- et que le pivot reste bien droit. Pendant les
vénients : « racines nues » et « stumps » premiers jours, on abrite les plants sous une
permettent le choix des plants ayant un bon coiffe de feuilles. Celle-ci se dessèche et tombe
enracinement, c'est-à-dire un pivot droit, d'elle-même dans la suite.
mais leur reprise est plus délicate. Les autres
Ombrage. — Les rôles de l'ombrage sont
méthodes nécessitent des transports impor-
tants et dans la plantation au « plantoir multiples. Tout d'abord, il diminue l'intensité
Java », il faut un matériel nombreux et assez de la lumière et de la chaleur, ce qui favorise
coûteux. le développement végétatif et donne, à condi-
Le « plantoir Java » est un cylindre métal- tion qu'il ne soit pas exagéré bien entendu,
lique, fendu sur le côté, haut de 15-30 cm. et des plants plus vigoureux et plus résistants
534 LES CULTURES COLONIALES

aux maladies. L'ombrage « freine » la flo- 3-4 Caféiers ou plus entre les lignes. A Yan-
raison et la fructification qui, sans cela, pour- gambi, on le plante généralement à 9 m. On
raient être trop abondantes et amener l'épui- plante quelquefois deux ou plusieurs espèces
sement rapide des Caféiers. Il « ménage » d'arbres d'ombrage en mélange.
donc les arbres, régularise leur production au
cours des années successives et augmente la Couverture du sol et entretien. — Dans
durée de la plantation- Les arbres qui ont les plantations de café, vu le faible écarte-
trop porté dans leur jeunesse sont souvent ment, il n'est pas toujours facile de mettre
fortement atteints et éventuellement succom- le sol sous couverture. En effet, la plupart
bent à l'Hemileia ou au « Die-back ». Les des espèces sont volubiles, ce qui exclut leur
arbres d'ombrage protègent aussi contre le emploi ici. Aussi remplace-t-on souvent la
vent, régularisent la température, en rédui- couverture par des haies croisées de Leucaena
sant les écarts entre le jour et la nuit, aug- glauca, Indigofera arl'ecta, Tephrosia candida,
mentent l'humidité de l'air qui baigne les etc., taillées périodiquement. En tapis, on
Caféiers, y maintiennent une plus haute peut utiliser des espèces non volubiles, telles
teneur en anhydride carbonique (cet air étant que Indigofera hendecaphylla. On constitue
moins agité), diminuent la transpiration des aussi d'excellentes couvertures en maintenant
Caféiers, protègent éventuellement contre la certaines plantes adventices, que l'on fauche
grêle. Enfin, les arbres d'ombrage jouent de temps à autre : dans la cuvette, en parti-
un rôle important comme protecteurs et amé- culier Salvia, Talinum, Passiflora, Synedrella,
liorateurs du sol : protection contre le soleil Ageratum, Bidens, etc.; au Kivu Galinsoga,
et l'érosion, apport d'humus (feuilles et brin- Ageratum, Stellaria, Tradescantia, etc. Plu-
dilles) et d'azote (s'il s'agit de Légumineuses), sieurs planteurs emploient avec succès la
apport d'éléments minéraux prélevés en pro- Patate douce à feuilles entières pour lutter
fondeur, etc. La plupart de ces remarques contre les Graminées : Paspalum, etc.
s'appliquent évidemment aux autres cultures L'entretien comporte de multiples travaux :
pratiquées sous ombrage. sarclage, entretien de la couverture et des
Nous avons indiqué, au Chapitre I, les cercles au pied des Caféiers, taille des haies
exigences auxquelles doivent satisfaire les et éventuellement enfouissement du produit
arbres d'ombrage et cité les principales espè- des tailles (souvent dans les fossés aveugles,
ces. Parmi celles-ci, on utilise surtout à Yan- qui sont alors périodiquement remplacés par
gambi : Albizzia moluccana et stipulata, de nouveaux fossés), taille et ou éclaircie
Erythrina lithosperma, Adenanthera pavoni- de l'ombrage, entretien des terrasses et ou
na, etc. On essaie, en outre, un grand nombre fossés aveugles, taille des Caféiers, etc. Dans
d'espèces nouvelles, légumineuses ou non : les plantations d'Arabica (Kivu, Ituri, etc.)
Acacia Kirkii OLIV., Dichrostachys glomera- on effectue annuellement un labour à la houe.
ta HUTCH. & DALZ., Rauwolfia vomitoria
AFZEL. (Apocynacée), Maesopsis Eminii ENGL. Taille des Caféiers. — La taille est une
(Rhamnacée), etc. Au Kivu, on rencontre opération très importante dans la culture du
fréquemment Leucaena glauca BENTH., Ery- Caféier. Elle a pour but de lui donner une
thrina abyssinica LAM., etc. bonne charpente, assurant une production
Les arbres d'ombrage sont élevés en pépi- abondante et bien répartie; de faciliter la
nière. On sème en germoir, repique à 50 X récolte, en maintenant les arbres bas (écima-
50 cm., quand les plants ont une hauteur de ge) ; de prolonger son existence, en réglant
15-25 cm. et on met en place à un an environ. la production dans le temps, et par le fait
Leur plantation a lieu soit peu avant, soit même la durée de la plantation. Les méthodes
peu après la mise en place des Caféiers. de taille sont nombreuses. Elles varient avec
Généralement on est obligé de donner un les espèces, le climat, le sol, l'habileté de la
ombrage auxiliaire provisoire, au moyen de main-d 'œuvre, etc. La taille doit se faire en
plantes à croissance rapide, mais de courte saison sèche, c'est-à-dire en période de morte-
durée, telles que : Sesbania, Pois cajan, Cro- sève. Le recépage, toutefois, doit se faire au
talaria anagyroides ou usaramoensis, Bana- début des pluies et l'enlèvement des gour-
niers, Ricin, etc. Cet ombrage temporaire se mands en toute saison.
plante entre les lignes, au même écartement En l'absence de taille, les Caféiers de cul-
que les Caféiers, ou bien en bouquets, haies ture atteindraient une hauteur de 3-6 m.
ou carrés autour des Caféiers. L'ombrage pour Y Arabica, 3-8 m. pour le Robusta et
définitif se plante à un multiple de l'écarte- 8-15 m. pour le Libérica et l'Excelsa. Nous
ment des Caféiers, de façon à ce qu'il y ait avons vu que la tige forme des rameaux hori-
LES CULTURES COLONIALES 535

zontaux, opposés deux à deux; ce sont les rapide, d'où également réduction des frais
futures branches charpentières. Celles-ci for- de sarclage; les arbres sont moins exposés au
ment, à leur tour, des rameaux secondaires vent. Par contre, l'écimage stimule la forma-
opposés également par deux et situés dans tion des gourmands et des rameaux anor-
un plan plus ou moins horizontal. Ceux-ci, de maux, nécessitant donc des tailles répétées.
même, peuvent porter des rameaux tertiaires. On écime généralement à une hauteur de
C'est sur les rameaux primaires, secondaires 1,50-2 m. pour l'Arabica; 1,70-2,50 m. pour
et tertiaires que la fructification a lieu. Elle le Robusta; 2-3 m. pour le Libérica et l'Excel-
est surtout abondante sur le bois d'un et sa. On procède généralement par échelons :
deux ans. La ramification est donc symétri- on pince le bourgeon terminal quand le Ca-
que, du moins dans le jeune âge. Dans la féier est encore très jeune; des deux gour-
suite, des bourgeons adventifs se développent, mands qui se forment, l'un est supprimé dès
donnant naissance à des gourmands (se diri- son apparition ; chaque année on fait de même
geant parallèlement à l'axe) et à des rameaux jusqu'à ce que la hauteur voulue soit atteinte.
anormaux, dirigés vers le centre, vers le bas, Le gourmand conservé sera opposé à celui
etc., et qu'il y a généralement lieu de sup- conservé l'année précédente (Voir figure). Ce
primer. Les rameaux secondaires et tertiaires procédé retarde la croissance en hauteur,
apparaissent plus ou moins tardivement sui- mais favorise le développement des branches
vant les espèces et les circonstances. Une charpentières et stimule la formation des
fructification trop précoce et trop abondante rameaux secondaires. Il diminue la tendance
sur les primaires peut compromettre la forma- à la surproduction précoce. Il est à remar-
tion des secondaires : on en a de nombreux quer que si les secondaires tardent à se for-
exemples chez des Robusta jeunes insuffi- mer, il est utile de pinccr ou de raccourcir
samment ombragés. Au Kivu, on constate gé- les primaires.
néralement que tout Arabica qui fructifie sur
avant formation des secondaires, FORMES. — Elles sont nombreuses. Les
primaires,
est attaqué par le « Die-back » et souvent principales sont la « Tige simple écimée »
en meurt. On évite cet accident en écimant à et la « Tige multiple » (sans écimage). On a
aussi la tige simple non écimée et on pour-
temps, c'est-à-dire quand l'arbre atteint en-
viron 1 m. de haut, soit vers 1-2 ans. Les rait avoir plusieurs tiges écimées.
branches de l'Arabica portent de nombreux TIGE SIMPLEÉCIMÉE.— On écime comme il
yeux latents qui, par la taille, se développent a été dit ci-dessus, de préférence par échelons.
en rameaux ou en boutons à fleurs, d'après A partir d'un certain du
développement
qu'ils reçoivent beaucoup ou peu de sève. Caféier, il faut en même temps supprimer
L'Arabica peut ainsi produire plusieurs une des deux charpentières se trouvant sous
années aux mêmes endroits, ce qui n'est pas le la section, pour éviter le déchirement du
cas chez le Robusta. Il en résulte que ce
tronc, surtout sous le poids de fruits éven-
dernier allonge fortement ses branches et tuels. C'est l'étêtage suivant la «Méthode
porte ses fruits vers les extrémités de celles-ci. Smeroe » (Voir figure). Dans la « Tige
ECIMAGE ou ETÊTAGE. — Cette opération simple », il y a plusieurs modalités de taille
n'est pas toujours pratiquée, c'est-à-dire que de production :
toutes les méthodes de taille ne comportent Enlèvement — Méthode
des gourmands.
pas l'écimage. Dans des régions assez sèches rudimentaire. Simple écimage avec enlève-
comme l'Arabie, on n'écime pas, mais les ment périodique des gourmands. Après quel-
arbres y restent bas (3-3,50 m.), précisément les arbres deviennent
à cause du climat. Au Brésil également on ques années, trop
n'écime pas; ici la présence de plusieurs touffus, à branches trop longues et ne portant
des feuilles qu'à leurs extrémités; les bran-
plants par emplacement freine le développe- ches supérieures pendent vers le bas et étouf-
ment. C'est du reste surtout dans les climats fent les inférieures, d'où la forme en cloche
chauds et humides que l'écimage et la taille ou en parasol, vide à l'intérieur.
sont nécessaires.
L'écimage présente plusieurs avantages : Taille en cylindre (Kokersnoei). — Dans
récolte plus aisée et plus économique, ce qui cette taille on supprime tous les rameaux
est surtout intéressant en cas de cueillettes secondaires sur environ 15 cm. de part et
multiples (Robusta) ; lutte plus aisée contre d'autre du tronc, de façon à créer une che-
les parasites; le sol est plus vite ombragé minée d'aération. En outre, on supprime les
parce que la croissance en largeur est plus charpentières trop rapprochées d'autres
536 LES CULTURES COLONIALES

paires ou trop rapprochées du sol (± 50 cm.). On voit immédiatement que cette méthode
(Voir figure.) Si les rameaux secondaires sont de taille diffère complètement de la « Tige
nombreux, on peut en supprimer une partie. simple écimée ». Dans celle-ci on vise surtout
Le Robusta en formant peu, on conserve deux à la fructification sur les secondaires et ter-
rameaux par nœud, supprimant simplement tiaires et on renouvelle le bois fructifère dans
les paires trop rapprochées. Chez l'Arabica, le sens horizontal, tandis que dans la « Tige
au contraire, où il s'en forme beaucoup, on
n'en laisse souvent qu'un, citer native ment à
gauche et à droite (« Arête de poisson »).
On supprime aussi tous les rameaux de direc-
tion anormale, gourmands, bois mort, etc-

Taille en bayonnette (Bajonetsnoei). —


L'arbre est écimé et taillé en cylindre, comme
ci-dessus. Lorsqu'il atteint un développement
et une vigueur suffisants, on laisse monter
un gourmand au sommet : c'est la bayonnette,
qui formera une nouvelle couronne, au-des-
sus de l'arbre. Si celui-ci en souffre, on
supprime la bayonnette. Lorsque celle-ci est
épuisée, on laisse monter ou fait naître une
nouvelle bayonnette, opposée à la première
qui est supprimée ultérieurement. Cette taille
s'applique plus souvent à l'Arabica qu'au
Robusta; elle ne convient pas aux Libérica
et Excelsa, parce que ceux-ci sont de taille
trop grande. La taille en bayonnette expose
les arbres à l'épuisement et rend la cueillette
plus difficile.

TIGE MULTIPLE («Multiple stem »). — Dans


cette forme, on provoque la formation de
plusieurs tiges, généralement trois. Ces tiges Caféier multicaule.
conservent suffisamment de souplesse (on ne
les laisse pas trop vieillir) pour s'écarter et (Photo VANDENPUTJ
assurer l'aération du centre de l'arbre. La
taille de ces Caféiers est beaucoup plus multiple », on exploite surtout les primaires
simple. Au début, il n 'y a qu'à supprimer les et renouvelle le bois fructifère dans le sens
gourmands et raccourcir les primaires trop vertical. Cette taille est beaucoup plus facile
longues. Dans la suite les primaires qui ont à exécuter et rencontre de plus en plus la
porté pendant deux ans (les inférieures) sont faveur des planteurs au Kenya-Uganda et au
coupées rez tronc, c'est-à-dire « avec la cou- Congo Belge. Les Caféiers multicaules ont
ronne », de façon à ce qu'il ne naisse pas de l'avantage de mieux protéger le sol. En outre,
nouvelles pousses. On les reconnaît générale- grâce à cette meilleure protection, les frais
ment à leur allure pendante (Voir figure). d'entretien sont diminués.
La suppression des primaires inférieures ra- Pour obtenir la forme en tiges multiples,
lentit l'épaississement des troncs qui restent on peut procéder de plusieurs manières
donc souples. Ceci est important aussi pour différentes :
la cueillette. En même temps on supprime les
secondaires en surnombre, pour l'aération. Par double coupe. — On écime le jeune
Cette opération ne demande que peu de con- Caféier, quelques mois après sa mise en place,
naissances, car on vise ici à la fructification à environ 40 cm. de hauteur et on supprime,
sur les primaires. Enfin, quand une ou plu- en même temps, la paire de primaires situées
sieurs tiges sont devenues trop hautes ou sont sous la section. Les deux rejets qui se forment
épuisées, on laisse monter un ou plusieurs au sommet sont rabattus à environ 60 cm. du
gourmands et, dans la suite, les vieilles tiges sol, lorsqu'ils ont atteint une hauteur totale
sont supprimées. La production est donc de 80 cm. environ, et on supprime une paire
ininterrompue. de branches primaires à chacun des rejets.
LES CULTURES COLONIALES 537

La taille du Caféier.
1 = Ecimage par échelons; 2 = Ecimage suivant la « méthode Smeroe »; 3 = Taille en cylindre; 4 =
Idem. Suppression des branches charpentières trop rapprochées; 5 et 6 = Idem. Suppression des rameaux,
secondaires en surnombre (6 = « Arête de poisson »); 7 = Taille en bayonnette (A, vieille bayonnette.
B, bayonnette de remplacement); 8 = Taille en tiges multiples; 9 = Idem. Branches primaires à
supprimer après deux années de production: 10, 11, 12 = « Double coupe » pour l'obtention de la tige
multiple; 13 et 14 = Taille en archet (« Agobiada ») pour l'obtention de la tige multiple; 15 = < Heavy
pruning » (taille forte); 16 = « Parrot sticking » (échelle de perroquet); 17 et 18 = Recépage partiel
progressif; 19 = Recépage total.
(Dessins exécutés d'après SLADDEN. Bull. Agric. Congo Belge 1933 et 1939.)
538 LES CULTURES COLONIALES

Ces deux rejets forment à leur tour deux TAILLES DE RAJEUNISSEMENT. — Malgré les
gourmands, dont on supprime généralement soins apportés à la taille, il arrive un moment
le plus faible. On obtient ainsi un Caféier à où il devient nécessaire de rajeunir les vieux
trois troncs. (Voir figure.) Caféiers. Dans ce but, on peut raccourcir
fortement les branches charpentières.
Par simple coupe. — Ici aussi on coupe à D'après l'intensité de la taille, on parle
environ 40 cm. On obtient deux rejets et on de « heavy pruning » et de «parrot sticking»
conserve en outre un gourmand formé en ou « parrot perching ». Dans le premier cas,
même temps plus bas. On a ainsi directement on taille à ± 45 cm. du tronc; dans le second
trois tiges et bénéficie plus rapidement d'une :j: 15 cm. La méthode n'est applicable qu'à
première récolte. l'Arabica. Chez le Robusta, il vaut mieux
recéper. Il ne faut évidemment jamais vouloir
Par la taille en archet ou « agobiada ». — rajeunir un arbre épuisé ; il faut le remplacer.
Cette méthode est originaire du Guatemala. Ces fortes tailles sont d'application simple,
Quand le plant atteint 0,80 à 1 m. de hauteur, mais privent de récolte pendant environ 18
c'est-à-dire vers l'âge d'un an, on le courbe mois. Dans la suite, elles donnent parfois lieu
vers le sol et on l'y fixe au moyen d'un à surproduction. (Voir figure.)
crochet ou d'un lien. Les branches touchant
le sol sont coupées. A la partie supérieure RECÉPAGE,— Il a pour but de régénérer
naissent un certain nombre de gourmands, ou rajeunir de vieux Caféiers ou des arbres
dont on conserve les 3-4 les plus vigoureux déformés. Il est aussi utilisé lorsque l'on
et les mieux placés. Dans la suite, on sup- désire changer de forme. Le recépage peut
prime la ligature et on coupe la partie supé- être partiel ou total et progressif ou non. On
rieure du plant, qui souvent a fructifié applique le recépage partiel, par exemple
entretemps (Voir figure). On peut faire naître à des arbres dégarnis dans leur portion
les gourmands aux endroits choisis, en cou-
moyenne par une fructification exagérée. La
pant à ces endroits les deux primaires. section se fait juste au-dessous de la partie
dénudée. On peut cependant éviter une perte
Par libre croissance. — Ce procédé est pré- de récolte, soit en faisant naître un gourmand
conisé pour le Robusta qui a naturellement dans cette zone et en lui laissant former deux
tendance à la multicaulie. Dans la méthode ou trois étages (Voir figure), soit en courbant
de taille de J. POSKIN, on conserve générale- tout l'arbre pour faire apparaître des gour-
ment six tiges que l'on remplace progressi- mands dans le bas. On en choisit un et on
vement dans la suite. coupe les branches qui pourraient le gêner.
On peut aussi convertir des arbres adultes Dans les deux cas, quand le gourmand est
à tige simple en multicaules. Voir plus loin bien développé, on recèpe. On pince le sommet
(Recépage). du gourmand et les extrémités des primaires
pour stimuler la formation des secondaires
TATLLEPD'ENTRETIEN.— Elles ont pour but et éviter la surproduction sur les primaires.
de maintenir la forme adoptée. Elles consis- Dans le recépage total, on coupe à 30-40
tent à supprimer les gourmands, les rameaux cm. du sol et sous un angle de 45 degrés. Au
en surnombre, prenant une direction anormale début, on conserve tous les gourmands, comme
ou développés asymétriquement, à supprimer appels de sève. On les supprime ensuite pro-
le vieux bois, le bois mort ou en voie de dépé- gressivement, pour n'en maintenir qu'un ou
rissement. On taille généralement « sur plusieurs, suivant la forme adoptée. Lors du
couronne », c'est-à-dire en respectant l'empat- recépage, il faut toujours faire un labour
tement de la branche, de façon à ce que les profond au pied de l'arbre, à partir de 60 cm.
yeux latents se développent. L'opération du pied vers l'extérieur, ce qui constitue en
s'exécute au sécateur. On coupe « avec la même temps une taille radiculaire. On aura
couronne» ou rez tronc, quand il s'agit de soin, ensuite, de couvrir le sol de paillis ou
supprimer définitivement une formation. de plantes de couverture. Le recépage doit
Cette taille exige l'emploi de la serpette. On avoir lieu au début des pluies.
appelle « taille en vert » ou « ébourgeonne- On a avantage, ici aussi, à pratiquer un
ment » (« handling ») l'enlèvement des pous- recépago progressif, pour ne pas perdre toute
ses inutiles qui se forment chaque fois que la récolte de l'arbre. De même on ne recépera
l'on taille sur couronne. Celà se fait par pas toute une plantation au même moment.
exemple 2-3 mois après la taille. Le recépage progressif évite, en outre, une
LES CULTURES COLONIALES 539

croissance anormale du ou des rejets. En laquelle se juge d'après la couleur propre à


effet, étant suralimentés, ils ont tendance à la variété. Chez l'Arabica il faut alors se
filer et à espacer trop leurs étages. hâter, par crainte de voir tomber les cerises,
On peut procéder de diverses manières. ce qui nuit à la qualité. Chez le Libérica et
Dans la taille de conversion de l'Arabica, le Robusta, ce danger est beaucoup moindre,
SLADDEN préconise de couper toutes les car ils « retiennent » leurs fruits pendant un
branches primaires, sauf quelques unes au mois environ. La cueillette se fait à la main.
sommet. De ce fait, de nombreux gourmands On ramasse ensuite tous les fruits tombés :
se forment sur le tronc. On en conserve 3 ou mûrs, noirs et verts, comme précaution contre
4 situés près de la base et, lorsqu'ils sont la multiplication du Stephanoderes. Ces fruits
bien développés, on recèpe le vieux tronc. Au sont usinés séparément. Un bon récolteur peut
besoin on aura éclairci quelque peu la cou- cueillir environ 60 litres de baies par jour.
Au Brésil, où l'on récolte par « raclage »
ronne, pour ne pas gêner le développement
des gourmands. Pour le Robusta, POSKIN des branches, on atteint jusque 250 litres.
supprime du côté Sud toute une tranche en Les rendements atteignent en moyenne
forme de prisme triangulaire et intéressant 500 à 1000 kgrs de café marchand à l'hectare,
1/4 à 1/3 de la couronne. Six ou huit des pour l'Arabica, 700 à 1400 kgrs pour le
gourmands qui apparaissent, choisis parmi les Lib.érica et 1000 à 2000 et plus pour le
plus vigoureux et situés bas, sont conservés. Robusta. Le poids de cerises fraîches néces-
Lorsqu'ils entrent en production 12-18 mois saires pour préparer un kilo de café mar-
plus tard, on recèpe l'ancien tronc. Parfois chand est d'environ 4 kgrs pour le Robusta,
cependant on le conserve. On peut aussi, 5 pour l'Arabica et 10 pour le Libérica.
comme on l'a fait en Uganda, donner un
trait de scie au pied de l'arbre et coucher
D'après SPRECHER. v. BERNEGG,une récolte
ou non le tronc. Quelques mois plus tard on de 1200 kgrs de café sec exporte, dans les
achève le recépage.
fèves, 30 kgrs d'azote, 22,8 de potasse, 4,68
d'acide phosphorique, 3,72 de magnésie et
Fumure. — La meilleure fumure pour les
2,04 de chaux.
Caféiers est la fumure organique : compost,
fumier, déchets d'usinage, paillis. Dans les
Amélioration.
régions montagneuses de l'Est et du Lomami,
la combinaison d'un élevage avec la culture BIOLOGIE FLORALE. — Nous avons dit que
du Caféier est particulièrement recomman- C. arabica et C. liberica sont généralement
dable, afin de disposer de fumier pour res- autogames, C. robusta généralement allogame.
taurer et améliorer les sols, qui y sont fort Le transport du pollen par le vent n'a lieu
exposés à la dégradation. qu'à faible distance. D'après STOFFELS, pour
l'Arabica, au Kivu, cette distance ne dépas-
Cycle végétatif. — L'Arabica fleurit pour serait pratiquement pas 5 m. En ce qui con-
la première fois au cours de la troisième cerne le Robusta, FERWERDA (Java) estime
année et produit vers l'âge de 4 ans. Entre que 15-30 m. constituent des distances d'iso-
la floraison et la maturité des baies, il s'écou- lation suffisantes. L'Arabica a une floraison
le environ 9 mois. Le Libérica fleurit vers essentiellement saisonnière, tandis que le
deux ans et produit au cours de la troisième Libérica et le Robusta fleurissent toute l'an-
année. Entre la floraison et la maturité, il née. Les fleurs s'ouvrent tôt le matin et se
s'écoule 12 mois. Le Robusta fleurit égale- fanent déjà l'après-midi, mais la fécondation
ment à l'âge de deux ans. Le développement est encore possible après ce moment.
de ses fruits demande 9-12 mois. Les arbres
sont en plein rendement vers 6-7 ans et la SÉLECTION.— Les points essentiels dans la
plantation reste productive pendant 20-30 ans sélection du Caféier sont : la productivité;
et plus, d'après le sol, l'ombrage, la fumure, la grosseur et la beauté de la cerise et de la
la méthode de taille, etc. On voit cependant fève; l'homogénéité du produit, sa couleur,
souvent des arbres de 50-60 ans en pleine son goût, son arôme; le rendement en café
vigueur et production et, au Brésil, d'après marchand (rapport cerises/café sec) ; la faci-
CHEVALIER,il en est de centenaires. lité du traitement, notamment la séparation
facile de la pellicule argentée; la vigueur et
Récolte. Production. Exportation. — Il la résistance aux ennemis et maladies. Il faut
est important de récolter à maturité complète, aussi sélectionner les porte-greffes et recher-
540 LES CULTURES COLONIALES

cher ceux qui conviennent le mieux aux dif- plus rapidement à disposer de semences pour
férents clones. Il en est d'ailleurs de même la vente, on commence déjà à multiplier végé-
pour d'autres cultures, telles que le Cacaoyer, tativement les numéros qui, après quelques
l'Hévéa, les Agrumes, etc. mois de comparaison sur les parcelles-filles,
En ce qui concerne les méthodes, les prin- semblent prometteurs, quitte à écarter plus
tard ceux qui ne répondront pas à l'attente.
cipes sont les mêmes que ceux qui ont été De même dans la sélection générative, on
exposés au chapitre du Palmier à huile.
Chez le Caféier, on a l'avantage de pouvoir établit assez rapidement des champs semen-
les meilleurs ar- ciers isolés, mono- ou biclonaux, pour obtenir
multiplier végétativement
bres : arbres-mères, hybrides Fi intéressants, soit des graines pures, soit des graines hybri-
des. Toutefois ces champs semenciers étant
d'établissement plus coûteux, on attend des
indices un peu plus certains. Ces remarques
valent encore une fois pour les autres cultu-
res arborescentes : Cacaoyer, Hévéa, etc.
Une suggestion intéressante, valant aussi
pour les autres espèces pouvant se multiplier
par greffage, a été faite par le Dr HILLE RIS
LAMBERS (« Bergcultures » 1929, p. 1924).
Celui-ci préconise de sélectionner des sujets
de greffe qui sont eux-mêmes de bons pro-
ducteurs, si bien que si dans la suite les
greffons, pour une raison quelconque, cessent
de donner satisfaction, il suffira de recéper
la plantation au-dessous de la greffe pour
obtenir une nouvelle plantation, sans être
obligé de redéfricher.

HYBRIDATION. — La technique est très


Technique de la castration chez le Caféier.
simple. La veille de la floraison, le matin de
1 = Corolle intacte; 2 = Flexion provoquant bonne heure, le bouton floral étant déjà blanc,
la rupture; 3 = Corolle enlevée; seul le pistil on châtre. Pour celà il suffit de courber la
subsiste. (Dessin SLADDEN. corolle. Celle-ci se rompt au-dessus du calice
Journées d'Agronomie Coloniale 1933.) et est alors délicatement soulevée et enlevée.
On retire ainsi, avec la corolle, toutes les
étamines qui y sont soudées. (Voir la figure.)
etc. On applique l'autofécondation forcée, On isole au moyen d'un sachet ou d'un man-
soit par isolation, soit par floraison anticipée. chon de mousseline et on pollinise le lende-
Ce dernier procédé consiste à arroser abon- main matin. On a soin évidemment d'enlever
damment un Caféier déterminé, en saison tous les fruits, toutes les fleurs non traitées
sèche, lorsque les autres arbres ne fleurissent et tous les boutons portés par la même
branche. Le pourcentage de réussite atteint
pas. Huit à dix jours plus tard, ce Caféier
fleurit et, malgré la visite d'insectes, se jusque 70-80.
trouve pollinisé par son propre pollen. Les
essais comparatifs entre les descendances des CACAOYER.
arbres-mères se font au moyen de « parcelles-
filles » multiples : parcelles de descendance La culture du Cacaoyer est surtout impor-
végétative, parcelles de descendance généra- tante en Afrique, quoique la plante soit
tive autofécondée, parcelles de descendance originaire d'Amérique. C'est donc, mutntis
générative croisée avec d'autres arbres-mères. mutandis, ce qui s'est produit pour le Caféier.
Par la greffe on obtient des résultats plus Une grande partie (58 en 1938-9) de la
rapides, puisqu'elle conserve intégralement production mondiale provient de plantations
les caractères des plants-mères. En cas de indigènes, donc de cultures plutôt extensives,
de
croisement, on choisit, comme chez l'Elaeis, d'Afrique et notamment de la Gold Coast,
de nouveaux arbres-mères dans les descen- la Nigérie et de la Côte d'Ivoire. Le principal
dances hybrides. producteur est la Gold Coast, le principal
Pour gagner du temps, c'est-à-dire arriver producteur américain est le Brésil.
LES CULTURES COLONIALES 541

Voici les statistiques de l'Institut Interna- de la famille des Sterculiacées. Le genre com-
tional d'Agriculture de Rome, pour 1938-39 : porte une quinzaine d'espèces, toutes origi-
Brésil 136.100T.
St Domingue 28.100
Trinidad 19.200
Equateui 18.400
Vénézuéla 15.000
Colombie 11.400
Gold Coast 253.100
Nigérie 117.500
Côte divoire 52.700
Cameroun
français 31.000T.
Fernando Po. 12.900
San Thome 10.500
Ceylan 3.700
Java 1.700
Samoa , 1.700
Production mondiale :
722.000 Tonnes.

Le Congo Belge a
exporté 1.380 T. en
1938, et 2.220 T. en
1948. Les principaux
importateurs de fèves
de cacao (chiffres de
1938 ou de 1939, sui-
vant les pays) sont :
les Etats-Unis
(301.080 T.) , l'Angle-
terre (13 3.66 0 T. ),
l'Allemagne (79.450
T.) , la Hollande
(75.010 T.), la France
(42.430 T.), la Belgi- Les plantations de Cacaoyers du Congo Belge.
que (14.540 T..). En
1936, la Belgique avait importé 10.250 T. et naires des régions tropicales du Nouveau
en 1938, 11.117 T. Monde. Les principales sont Theobroma
Au Congo Belge, la culture du Cacaoyer Cacao L. (Criollo), T. leiocarpa BERN.
est pratiquement exclusivement une culture (Forastero), T. pentagona BERN. et T. bicolor
européenne. En 1948, on comptait 5.842 Ha HUMBOLDT.Seules les deux premières sont
de plantations en rapport et 6.443 Ha de cultivées pour l'exportation. Elles croissent
jeunes plantations; la production fut de à l'état spontané, de même que les autres
1.617 T. Quelques indigènes, notamment à espèces, dans les bassins de l'Amazone, de
proximité de la Station de l'INEAC à Gazi, l'Orénoque, aux Guyanes, à Trinidad. On les
possèdent des Cacaoyers, dont ils vendent les trouve aussi, à l'état subspontané, jusqu'au
cabosses. Les statistiques de 1948 mentionnent Mexique. Les Cacaoyers étaient déjà cultivés
22 Ha et une récolte de 8 T., à côté de en Amérique bien avant la découverte de ce
139 Ha de jeunes plantations. continent. La culture fut introduite à Cé-
Le commerce distingue les cacaos fins lèbes, au 16me siècle, par les Espagnols. L'in-
(Criollo), produits principalement en Améri- troduction à Java date du 17m8 siècle. Quant
que et plus particulièrement au Vénézuéla, à Ceylan, La Réunion, Madagascar et l'Afri-
à Trinidad, dans l'Equateur, également à que, l'introduction n'y date que du 19me
Ceylan, Java et Samoa, et les cacaos com- siècle.
muns (Forastero). L'Afrique ne produit, Comme pour les autres plantes cultivées,
jusqu'à présent, que des cacaos du second les espèces sauvages voisines présentent de
groupe. l'intérêt pour l'amélioration : hybridation,
greffe, etc. Signalons que T. pentagona pos-
Origine et description botanique. — Les sède des graines de très grande dimension,
Cacaoyers appartiennent au genre Theobroma très riches en graisse et d'excellente qualité.
542 LES CULTURES COLONIALES

Elles donnent un cacao et un chocolat parti- DESCRIPTION DES CACAOYERSCULTIVÉS.—


culièrement fins. Cette espèce ressemble très Les Cacaoyers sont de petits arbres de 8-12
fort à T. Cacao, sauf que les fleurs sont plus m. à l'état sauvage. Leur enracinement est
petites, uniformément vertes et que le fruit assez profond et comporte un pivot atteignant
ne présente que cinq sillons, d'où son nom jusque 3 m. de profondeur. Les feuilles sont
spécifique. En outre le fruit est très verru- alternes, simples, courtement pétiolées, obo-
vales - lancéolées, mesurant
20-30 X 7-12 cm., un peu
pendantes, blanc-verdâtre ou
rouge-violacé à l'état jeune,
vertes dans la suite. A la
base du pétiole se trouvent
deux stipules caduques. Le
pétiole présente deux articu-
lations, l'une à la base,
l'autre près du limbe, per-
mettant à la feuille de
s'orienter d'après l'intensité
de la lumière. Les fleurs ap-
paraissent sur le tronc (cau-
liflorie) et les grosses bran-
ches (ramiflorie), à l'aisselle
d'anciennes cicatrices fo-
liaires, sur de petites saillies,
appelées « coussins floraux »
ou « coussins fructifères ».
Il faut veiller à ne pas bles-
ser ces coussinets lors des ré-
coltes et des tailles. Les
fleurs sont solitaires ou
réunies par groupes de 2-3,
jusque 5. Elles sont de très
petite dimension (longueur
8 mm. prise sur le bouton
prêt à s'épanouir), blanchâ-
tres ou jaunâtres. Le calice
est coloré en rose à l'exté-
rieur. Il y a 5 sépales lan-
céolés, à bords ciliés, soudés
sur une courte distance à la
base. Les pétales sont au
nombre de 5, libres, présen-
tant une conformation très
Theobroma Cacao. particulière : leur base est
a = Rameau avec fleurs et fruits (1/4); b = Fleur en coupe longitudinale dilatée en forme de capu-
(6.5 x); c = Tube staminal, étamines et staminodes (9.5 x): d = Dia- chon surmonté d'une lan-
gramme floral.
(Extrait de SPRECHER V. BERNEGG.) guette étroite et recourbée,
se terminant par une portion
queux, d'où le nom vulgaire de « Cacao élargie en spatule, denticulee, jaunâtre, par-
alligator » qui lui est donné. Malheureuse- courue par trois stries violacées (Voir figure).
ment la plante est plus exigeante encore que Les étamines sont au nombre de 10, disposées
T. Cacao. Elle est cultivée sur une petite en un seul verticille. Cinq sont fertiles et 5
échelle au Mexique, au Nicaragua et au stériles (staminodes). Elles sont soudées à la
Guatemala. T. bicolor se caractérise par des base, les 5 fertiles étant opposées aux pétales,
graines douces, pauvres en théobromine, les 5 staminodes, en forme de languettes
riches en graisse. Il est cultivé sur une petite étroites et longues, alternant avec les étamines
échelle en Amérique centrale, en Equateur, fertiles. L'ovaire est supère, pentagonal, à
etc. 5 loges, contenant chacune 10-12 ovules dis-
LES CULTURES COLONIALES 543

posés sur deux rangs. La placentation est type « Cundeamor ». Elle est moins fréquente
axile. L'ovaire est surmonté d'un style divisé chez le Criollo et plus rare dans un autre type
en 5 branches stigmatiques. Le fruit, vulgai- forastero : « l'Amelonado ». D'après le même
rement appelé « cabosse », est une sorte de auteur, elle serait moins fréquente dans les
occidentale que., , dans
baie, ovoïde-allongée, ayant plus ou moins la plantations d'Afrique
forme d'un concombre ou d'un melon. Il est celles des Indes occidentales. ',;'
plus ou moins lisse ou verruqueux d'après
les variétés, présente dix sillons longitudi-
naux, dont 5 profonds et 5 superficiels, et
mesure 10-25 X 8-10 cm. Le péricarpe mesure
10-15 mm. d'épaisseur et se compose de trois
parties : une couche externe ou épicarpe,
épaisse et charnue; une couche moyenne ou i 2
mésocarpe, mince, fibreuse, assez dure; enfin
une couche interne ou endocarpe, tendre, con-
stituée par les parois des 5 loges. L'épiderme
est vert avant maturité, rougè foncé, jusque
rose, parfois jaunâtre ou verdâtre à maturité,
suivant les variétés. Les parois des loges se
détruisent à maturité et l'on trouve à ce
a v s
moment les graines, au nombre de 20-40,
noyées dans une pulpe molle, blanchâtre, su-
crée, légèrement acidulée. Les graines ou
« fèves » sont ovoïdes, plus ou moins aplaties
et mesurent 25 X 15 X 8 mm. environ. Elles
sont disposées généralement en 5, parfois 5 à
8, séries longitudinales. Le tégument de la 1
graine est rose ou rouge pâle. L'amande est Fèves de cacao.
blanche jusque violet foncé; elle est consti- 1 = Vue de face; 2 = Vue du côté
du raphé; 3 = Sans tégument; 4 =
tuée d'un gros embryon à deux cotylédons Premier cotylédon; 5 = Deuxième co-
charnus, repliés irrégulièrement sur eux- tylédon, avec l'axe hypocotyle; 6 =
mêmes et « intriqués ». L'endosperme est Coupe transversale.
réduit à une mince pellicule pénétrant entre (Extrait de SPRECHER V. BERNEGG.)
les plis des cotylédons. La germination est
épigée. D'après HEYN, T. Cacao possède 8 chromo-
somes haploïdes.
Les fèves contiennent en moyenne 1,5
d'un alcaloïde, appelé théobromine, très voi-
sin de la caféine, et environ 52 de matière VARIÉTÉS. — Le nombre des variétés et for-
mes de Cacaoyers de grande culture est
grasse (beurre de cacao). à deux
élevé. On les rattache généralement
La floraison est très abondante (il se forme
espèces, jadis considérées comme deux varié-
de 5 à 12.000 fleurs par an), mais un très tés botaniques ou deux groupes non autrement
faible pourcentage (0,4 à 0,6 %) des fleurs définis :
arrive à maturité complète. A tout moment, Theobroma Cacao L. (ex T. Cacao var.
on peut trouver des fleurs et des fruits à
typica)' ou « Cacao Criollo » ou « Cacao
différents stades de développement. Il y a dulce ».
cependant des périodes de floraison plus Theobroma leiocarpa BERN. ou « Cacao
abondante, auxquelles correspondent, environ Forastero » ou « Cacao Trinitario ».
5 mois plus tard, des récoltes plus abondan- On peut y ajouter un troisième groupe :
tes. Le développement du fruit demande, en les Hybrides Criollo-Forastero.
effet, en moyenne 5 mois; mais d'après le Criollo (l). — Il se caractérise comme
climat cette période peut varier entre 4 1/2 suit : cabosse longue de 20-23 cm., sans
et 6 mois. On croit que le Cacaoyer est prin- « col », c'est-à-dire non rétrécie à la base,
cipalement autogame, quoique des insectes à sillons prononcés, très verruqueuse, à enve-
(notamment des fourmis) interviennent dans
loppe relativement mince et tendre, à extré-
la pollinisation. D'après POSNETTE, l'auto-in-
compatibilité est cependant assez fréquente (1) « Criollo » signifie indigène, originaire du pays,
chez certains Forastero, notamment dans le par opposition à « Forastero » qui signifie étranger.
544 LES CULTURES COLONIALES

mité pointue et déviée. Couleur du fruit à « Angoleta » : cabosse de 20-23 cm., sans
maturité : rouge, rarement jaune ou blanche. col, plus ou moins verruqueuse, à sommet
Amande blanche en section. Section ronde ou pointu et dévié; amande claire, de section
peu aplatie. Goût fin, peu amer. Plante de presque ronde, rappelant celle du Criollo;
« Cundeamor » :
cabosse de 21-23 cm.,
présentant un col, ver-
ruqueuse, à sillons as-
sez marqués et sommet
pointu et dévié ; aman-
de violette, aplatie;
« Amelonado » :
cabosse de 19-20 cm.,
rétrécie à la base (col),
lisse, ayant plus ou
moins la forme d'un
Cabosses de Criollo (1/4 grand, natj. melon; amande violet-
A gauche deux cabosses de types américains (Mexique, Nicaragua, Trinidad, te, aplatie. C'est la
Vénézuéla, Equateur). A droite types de Ceylan, Java, Samoa. sorte la plus cultivée,
(Extrait de SPRECHER V. ÏÎERNEGGJ notamment à San Tho-
me, etc. ;
développement moindre, plus exigeante, plus « Calabacillo » : cabosse de 16-17 cm.,
sensible aux maladies que le Forastero et sans col, lisse, à sillons quasi absents, ayant
relativement peu productive. Le groupe plus ou moins la forme d'une calebasse;
Criollo (T. Cacao) est moins variable que le amande violet foncé, plate; qualité tout à
groupe Forastero. Il contient cependant fait inférieure; type le plus rustique.
diverses races locales : Vénézuéla, Ceylan Hybrides. — Ils ont des caractères inter-
(« Old Red Cocoa »), Java, Samoa, Mada- médiaires. On y observe des amandes blan-
gascar, Nicaragua, etc.
Les meilleures sortes
commerciales provien-
nent du Vénézuéla et
ont nom « Caracas »,
« Maracaïbo », « Puer-
to Cabello », etc., ou
de l'Equateur : « Ar-
riba », « Guyaquil »,
etc.
Forastero. — Cette
espèce, beaucoup plus
variable que la précé-
dente, possède les ca-
ractères distinctifs sui- Cabosses de Forastero (1/4 grand, nat.).
vants : sillons des De gauche à droite : « Angoleta », « Cundeamor », « Amelonado»
« Calabacillo».
fruits généralement (Extrait de SPRECHER V. BERNEGGJ
peu marqués, surface
lisse ou peu verruqueuse, enveloppe dure, ches, violet clair ou encore, dans une même
ligneuse, coloration généralement rouge cabosse, la présence de fèves à cotylédons
foncé, sommet du fruit obtus, rarement poin- blancs et d'autres à cotylédons plus ou moins
tu et dévié. Amande violette, rarement blan- intensément colorés (« Mosaïque ») (1). Leur
che. Section de la graine aplatie ou très qualité est intermédiaire entre celle du
aplatie. Goût moins fin, amer ou très amer. Criollo et du Forastero. Leur vigueur et leur
Plante vigoureuse, rustique, peu sensible aux
maladies, relativement peu exigeante, pro-
ductive, mais à produit de qualité moindre (1) Des Cacaoyers à cotylédons blancs peuvent, sous
l'influence de pollen étranger, produire un certain
ou inférieure. On distingue quatre types pourcentage de fèves colorées dans leurs propres cabos-
(Voir figure) : ses. Ce phénomène est dû à la « xénie »,
LES CULTURES COLONIALES 545

productivité sont supérieures à celles du ce chiffre, ce qui est défavorable au point de


Criollo. Il existe des hybrides notamment à vue phytopathologique. Une trop grande hu-
Java, où on les cultive de préférence aux midité de l'air favorise aussi le développe-
Criollo : par exemple les Hybrides « Djati- ment de mousses sur les troncs, pouvant
Roenggo », « Assinan », etc. nuire aux fleurs.
Au point de vue insolation, le Cacaoyer est
Sol. — Le Cacaoyer est une plante exi- moins sensible que le Caféier. En général un
geante. L'étude des sols du Bas-Congo, faite ombrage léger suffit. Voir plus loin. Le
par le Prof. BAEYENS,a montré qu'il est plus Cacaoyer craint les vents violents.
exigeant que l'Hévéa, le Caféier ou l'Elaeis.
Il faut lui réserver les meilleures terres. Le Préparation du sol. — Elle est analogue
sol doit être perméable, profond d'au moins à celle des plantations de Caféiers. Les essais
1-1,50 m. Les meilleurs sols sont des sols de Yangambi paraissent indiquer que les
limoneux, des alluvions; en tout cas, il faut méthodes de non-incinération (avec ou sans
des sols, poreux, riches en humus, à bonne « feu-courant ») et de plantation sous om-
capacité de rétention de l'eau. D'après brage forestier éclairci et recrû pourraient
VAGELER, la réaction doit être neutre. donner de bons résultats.
D'après BAEYENS,les meilleurs terres à cacao Les écartements ne sont généralement pas
du Bas-Congo ont un pH de 6,5 à 7,5, ce qui inférieurs à 3,5 X 3,5 m., ou même de pré-
est concordant. férence à 4 X 4 m. On déconseille les écar-
- Le Cacaoyer supporte des inondations de tements moindres, parce que les Cacaoyers
courte durée. Elles lui seraient même utiles ont alors tendance à se ramifier trop haut
si elles apportent des limons fertiles, les in- et ne forment pas une large couronne, en
convénients de l'inondation étant compensés forme de Pommier, comme on la souhaite. A
par le « rajeunissement » du sol ainsi opéré. Java on a généralement espacé à 4,5 ou 5 m.
D'après le Prof. SPRECHER v. BERNEGG A Yangambi l'écartement habituel est de
(Zurich), on rencontre à Suriname des ca- 4 X 4 m. Il semble cependant qu'il y aurait
caoyères âgées de 80 ans et encore en pleine avantage à planter plus serré et à pratiquer
production, sur des terrains inondés périodi- ensuite des éclaircies sélectives. Par ailleurs,
quement. A Yangambi, on a entrepris récem- pour faciliter l'application de la non-inci-
ment un essai sur terrain marécageux, après nération, il y a avantage à espacer davantage
avoir abaissé le plan d'eau à 50 cm. les lignes, quitte à planter plus serré dans
les lignes. Divers écartements sont à l'essai
à Yangambi.
Climat. — Le Cacaoyer exige un climat
Les trous de plantation mesurent 50-60 cm.
chaud, régulier, à faibles oscillations de tem- de côté, parfois plus.
pérature. La température moyenne annuelle
doit être aux environs de 24-28° et la tem-
— On multiplie habituelle-
pérature nocturne ne peut descendre qu'ex- Multiplication.
ceptionnellement au-dessous de 20°. En ment par semis. Le greffage ne se pratique
conséquence, même à l'Equateur, il ne faut encore que sur une petite échelle.
pas planter le Cacaoyer au delà de 5-600 m.
d'altitude'et, pour le Criollo, on recommande SEMIS. — On choisit des cabosses complè-
de ne pas dépasser 3-400 m. D'après ZELLER, tement mûres, cependant pas trop mûres, ce
les meilleurs résultats s'obtiennent vers qui nuirait au pouvoir germinatif des graines.
200 m. Aux altitudes de 600 m. et plus, on Il faut les ouvrir le plus rapidement possible,
ne peut guère cultiver que les Forastero les trier les graines, les sécher une nuit, puis les
moins appréciés : Amelonado et Calabacillo. semer. On peut aussi les mélanger avec de la
Le Cacaoyer demande un climat humide. cendre ou de la poudre de charbon de bois et
En général, on considère 2000 mm. comme les employer immédiatement.
un minimum de pluies, à condition d'être En cas d'expédition à distance, on préfère
uniformément réparties. Le cacao fleurit et généralement laisser les graines dans les ca-
fructifie alors toute l'année. Des périodes bosses. Très souvent on paraffine celles-ci,
sèches, de courte durée, sont cependant favo- puis on les met en caisse avec du foin ou des
rables à la fructification. A Java on consi- feuilles sèches. Le voyage ne peut cependant
dère comme optimum 3 à 4000 mm. Un degré pas durer plus de 3-4 semaines, sinon le
hygrométrique élevé, aux environs de 80 %, pouvoir germinatif devient insuffisant. En
est favorable. En Afrique il dépasse souvent effet, les fèves de cacao ne conservent leur

18
546 LES CULTURES COLONIALES

appliqué à Java et le repiquage en paniers a


lieu sitôt après la germination. Quand on
emploie la méthode des pépinières proprement
dite, on repique habituellement à 30-45 cm.
de distance, quand les plants possèdent 4
feuilles. Le Cacaoyer ne supporte pas la
plantation sous forme de « stump ».
A Yangambi, on donne la préférence au
semis en paniers, placés sous un abri ana-
logue à celui des pépinières. Le semis en
paniers a l'avantage de donner plus de
liberté pour la mise en place. Les paniers
sont cylindriques et mesurent 10-12 cm. de
diamètre et 30-35 cm. de haut au moins. Ils
sont tressés au moyen de rotang (« makau »)
fendu. Un homme peut en confectionner 40
par jour. A Java, on les fabrique en lanières
de bambou. On les remplit de terreau de
forêt tamisé.

Germination des graines du Cacaoyer.


(Photo Institut Colonial d'Amsterdam.)

faculté germinative que pendant un mois en-


viron. A grande distance, il faut expédier
des plants vivants, en caisses.
Les pépinières se préparent et s'abritent
comme celles de Caféiers. Vers la fin du sé-
jour des plants, on éclaircit progressivement
l'écran protecteur. On utilise aussi l'ombrage
naturel. Le Cacaoyer ne supporte pas aussi
bien la transplantation que le Caféier. En
Amérique, on sème souvent 2-3 graines en
place et on fait ultérieurement choix du
meilleur plant. Celà se fait également au
Congo. On sème souvent aussi en paniers,
ou bien encore en germoirs avec repiquage
en paniers. Ce dernier procédé est souvent Cacaoyers semés en paniers à Lukolela.
(Ombrage naturel.)
(Photo COLICNONJ

La fève doit être semée de manière à ce


La base
que le sommet affleure légèrement.
de la graine, d'où sortira la radicule, se
trouvera donc vers le bas et la graine sera
placée verticalement. La base se reconnaît
aisément, étant plus large et plus arrondie
que le sommet et présentant une légère rugo-
sité (hile). La germination débute après une
huitaine de jours; elle est générale après
12-15 jours.
L'entretien consiste en arrosages fréquents,
de façon à ce que la terre des paniers soit
toujours fraîche, sans excès. Si les termites
sont à craindre, on pose les paniers sur un
certaine
support constitué de perches, à une
Pépinière de Cacaoyers à Java. distance au-dessus du sol.
(Photo Institut Colonial d'Amsterdam.)
LES CULTURES COLONIALES 541

SURFACE DE LA PÉPINIÈRE. QUANTITÉ DE tie plus rapide de l'œil, en courbant le sujet


SEMENCES. — A Yangambi on table sur 40 un peu au-dessus de la greffe, 3-4 semaines
de déchet, jusques et y compris la mise en après l'écussonnage. Le recépage se fait juste
place. Si l'on plante à 4 X 4 m., soit 625 au-dessus de l'écusson, après 3-4 mois, quand
pieds à l'Ha, il faut semer environ 1.050
graines pour chaque hectare à planter. A
raison de 30 bonnes fèves par cabosse, celà
correspond au contenu de 35-36 cabosses. La
pépinière étant divisée en ccmpartiment de
1,20 m. de largeur, on place 80 paniers par
mètre courant. Les sentiers de service ayant
60 cm., il faut 25 ares de pépinières pour
une plantation de 100 Ha.

MISE EN PLACE.— La plantation peut avoir


lieu dès que les plants possèdent huit feuilles
bien constituées, c'est-à-dire vers 4 mois. Il 1 2 3
est toutefois préférable de planter plus tard, Ecussonnagesuivant la méthode STAHEL,
par exemple vers 6-9 mois. Les plants sont Le n° 2 représente la façon correcte de recéper le sujet.
alors plus vigoureux, reprennent mieux et (Extrait de SPRECHER V. BERNEGGJ
demandent moins de soins. Il est d'ailleurs
plus facile de les soigner en pépinière. En le greffon mesure environ 2 pieds (Méthode
pratique, on plante au début des pluies. Il STAHEL, Suriname).
faut donc choisir l'époque du semis en tenant On greffe généralement le Criollo sur
compte du régime des pluies. Il faut éviter Forastero.
de planter des Cacaoyers en pleine végétation,
avec des feuilles jeunes et tendres, car ils Ombrage et couverture du sol. — Le
souffrent de la transplantation. Après la besoin d'ombrage du Cacaoyer est souvent
mise en place, on abrite les plants au moyen discuté. Ce qui est certain, c'est que les jeu-
de coiffes de feuilles. i.es plants en ont besoin et que, dans la suite,
l'ombrage peut être plus léger que chez le
GREFFE. — On utilise la greffe en écusson, Caféier. Il existe à Java, à faible altitude,
suivant la méthode FORKERT modifiée. C'est ] lusieurs plantations où le Cacaoyer est cul-
la méthode appliquée à l'Hévéa, au Kapokier, 1 ivé sous ombrage exclusif de Kapokier,
etc. Elle sera décrite en détail au chapitre c'est-à-dire quasi sans ombrage, et ne semble
consacré à l'Hévéa. Chez le Cacaoyer la re- pas s'en porter plus mal. La nécessité de
prise est assez difficile et les sujets doivent l'ombrage dépend de divers facteurs : va-
avoir un diamètre de 12-15 mm., ce qui sup- riété, altitude, température, luminosité, chu-
pose un âge compris entre 14 et 18 mois tes de pluies, humidité du sol et de l'air,
environ. Aussi préférait-on, dans les débuts, vent, etc. De façon générale, il est utile
greffer « en place », pour n 'avoir pas à trans- d'ombrager légèrement, ne fut-ce qu'en
planter des plants trop âgés. Actuellement, raison des multiples avantages accessoires
à Yangambi notamment, on greffe en pépi- que procure l'ombrage (Voir au chapitre du
nière vers 14 mois, c'est-à-dire dès que pos- Caféier). En tout cas, il est certain que les
sible. Le Cacaoyer présente, tout comme le plantations non ombragées sont plus rapide-
Caféier, le dimorphisme des axes. Il faut ment épuisées et plus sensibles aux maladies,
donc-prendre le bois de greffe sur des tiges que des plantations modérément ombragées.
ou des gourmands, si l'on veut obtenir des Dans les débuts, il est nécessaire, comme
plants à port érigé. Toutefois on peut prendre pour le café, de planter un ombrage auxiliaire
du bois de branches, quitte à corriger le port, temporaire.
dans la suite, par la taille. Le bois doit être On a planté parfois aussi sous ombrage de
de l'année, mais bien aoûté et la greffe doit forêt éclaircie, par exemple à Lukolela, ou
se faire quand les sujets sont en pleine sève, dans des plantations existantes de Funtumia
donc en saison des pluies. La reprise est ou d'Elaeis, par exemple au Mayombe. Le
meilleure dans ces conditions. Elle atteint en premier procédé, judicieusement appliqué
moyenne 80 et peut atteindre 90-95 (spécialement en ce qui concerne le choix des
On obtient une meilleure reprise et une sor- essences forestières à réserver) et combiné
548 LES CULTURES COLONIALES

avec la non-incinération, conduira vraisem- tion en écimant; si elle se forme trop bas,
blablement à une technique très intéressante on laisse monter un gourmand qui formera
de culture du Cacaoyer. On arriverait ainsi plus haut un nouvel étage. Il se forme géné-
à une méthode apparentée au « Jungle plan- ralement 3-6 branches primaires (charpen-
ting » de l'Hévéa (Voir au chapitre de tières), parfois plus. On en conserve le plus
l'Hévéa). souvent 3 ou 4. Dans la suite, on supprime
Divers types d'ombrage sont à l'essai à aussi toutes les branches ou rameaux de direc-
Yangambi. Outre les diverses Légumineuses tion ou forme anormales, trop longs, dépé-
« classiques », on expérimente l'ombrage rissants ou faibles, en surnombre. On veille
naturel de la forêt éclaircie ou du recrû (Pa- aussi à dégager et aérer le centre de l'arbre.
rasoliers, etc.), ainsi que diverses combinai- Cette opération joue le même rôle que la
sons d'espèces, à titre provisoire ou définitif, taille en cylindre chez le Caféier; elle est
telles que : Bananiers, Ricin, « Faux Ma- peut-être plus importante encore ici, puisque
nioc », Néflier de Costa-Rica (Bellucia Au- le Cacaoyer fleurit sur le tronc et les grosses
bletii SEEM.), Elaeis, Hévéas, Limba, Maesop- branches. L'enlèvement des gourmands ne
sis, etc. peut en aucun cas être négligé. Sinon ils
En ce qui concerne la couverture du sol, poussent en hauteur, forment un étage, à la
manière d'une « bayonnette » et finalement,
nous renvoyons au chapitre du Caféier. Chez
en s'épaississant, un nouveau tronc. Le même
le Cacaoyer, l'écartement étant plus grand,
on a un choix plus étendu de plantes de cou- processus peut se répéter. Le résultat est le
verture utilisables. En tapis, on peut em- dépérissement des primaires ; le Cacaoyer for-
me un tronc trop élevé, grêle, terminé par
ployer Vigna Hosei, Indigofera hendecaphyl-
un panache de feuilles peu développé, celà
la, Leucaena glauca et même des plantes surtout dans les plantations
volubiles : Calopogonium, Centrosema, Mu- trop serrées.
On ne fait qu'une grande taille par an et
cuna, voire Pueraria, si on le surveille. La
celà à un moment où il y a peu ou pas de
couverture de plantes spontanées peut être
fruits sur les arbres. L'enlèvement des gour-
employée. Ceci se rapporte aux jeunes plan-
tations. Dans la suite, tout comme pour les mands, du bois mort et des branches cassées
se fait en tout temps. Il faut éviter les bles-
plantations de Café, et même à un plus haut
sures inutiles, couper net et goudronner les
degré, le Cacaoyer ombrage tellement le sol sections étendues. Il faut enfin veiller à ne
que les plantes de couverture disparaissent.
Une cacaoyère de belle venue protège bien le pas blesser les coussins floraux, pour ne pas
compromettre les floraisons futures.
sol, grâce à son feuillage dense et à la litière
de feuilles mortes qu'elle fournit. A ce point Rajeunissement : D'après ROEPKE, il serait
de vue le Cacaoyer est supérieur au Caféier. utile après quelques années, par exemple
10 ans, de laisser les arbres former une nou-
Entretien. Taille. Fumure. — En ce qui velle charpente, c'est-à-dire de laisser monter
concerne l'entretien, nous renvoyons au cha- un gourmand (né assez bas) pour obtenir un
nouvel étage. Dans la suite, on recèperait
pitre consacré au Caféier.
au-dessus de l'insertion du gourmand. Ce se-
La meilleure fumure pour le Cacaoyer est
rait donc un recépage progressif. Ce système
également la fumure organique : fumier, dé- aussi servir à régénérer un arbre
chets de la culture et de l'usinage, compost. pourrait
En effet, le Cacaoyer réagissant lentement après maladie. ZELLER conseille également ce
mode de rajeunissement.
à la fumure, il s'agit donc de lui fournir des
engrais à action lente.
Cycle végétatif. — Le Cacaoyer commence
La taille du Cacaoyer est assez simple. généralement à fleurir vers la troisième an-
Elle consiste à provoquer la formation d'une née, parfois même en deuxième. Cependant
bonne charpente, si celle-ci ne se forme pas ces premières floraisons ne donnent habituel-
spontanément, et à enlever dans la suite les lement que peu ou pas de fruits, ce qui est
gourmands. Les Cacaoyers se ramifient vers d'ailleurs préférable pour l'avenir de la plan-
l'âge d'un ou deux ans, à 1-1,50 m. au-dessus tation. La première récolte n'a lieu qu'en
du sol. Chez les Criollo cette ramification se cinquième année, parfois en sixième seule-
fait plus tôt et de façon plus régulière, tandis ment. Le développement complet du fruit
que chez les Forastero la croissance en hau- demande 4 1/2-5 1/2, jusque 6 mois, en
teur continue plus longtemps. Si la couronne moyenne 5 mois. Une cacaoyère est en pleine
tarde à se former, on provoque son appari- production vers 10-12 ans. La durée d'une
LES CULTURES COLONIALES 549

plantation semble être d'au moins 25-30 ans; 40-45 et plus. Une cabosse pèse entre 300 et
en bonnes conditions de terrain et de culture 500 grammes. Les fèves fraîches représentent
40-60 ans et plus éventuellement. Il est à environ 25 du poids de la cabosse. Les
remarquer que les Forastero vivent plus long- fèves fermentées et séchées correspondent à
temps que les Criollo. 36-38 du poids des fèves fraîches.

D'après ZELLER, une récolte de 1000 kgrs


Récolte. Production. Exportation. - La
récolte doit se faire à maturité complète,
sinon la qualité est moindre. Les signes
extérieurs de la maturité (couleur) varient
d'après les variétés (voir plus haut) et les
conditions de végétation : altitude, climat,
etc. On apprend rapidement à reconnaître
les fruits mûrs. Dans une cabosse mûre, les
graines sont libres et on les entend remuer
quand on la secoue. Ceci ne peut toutefois
se faire qu'après cueillette! Il n'est pas per-
mis d'arracher les fruits, de peur d'endom-
mager les coussins fructifères. Il faut les
couper avec un couteau, éventuellement monté
sur une perche pour les fruits placés à une
certaine hauteur. En même temps que les
fruits mûrs, on cueille les fruits malades ou
attaqués par les insectes, en ayant soin de
ne pas les mélanger aux fruits sains. L'éca-
bossage se fait généralement en plantation, au
moyen de couteaux ou de maillets. On peut
cependant retarder l'opération, même d'un
ou deux jours. Au moment de l'écabossage
les ouvriers effectuent un triage. Ils séparent
les fèves provenant des cabosses mûres de
celles qui proviennent des fruits incomplète-
ment mûrs ou attaqués. Parfois ils séparent
une troisième sorte : les fèves noires, fèves
malades également. Ces sortes sont usinées
séparément. Des fèves incomplètement mûres
restent violettes en section et semblent ainsi Cacaoyer chargé de fruits.
(Photo Office Colonial.)
incomplètement fermentées, ce qui les dé-
précie. Les fèves malades ou attaquées par
des insectes restent ou deviennent générale- de cacao exporte 20 kgrs d'azote, 12,6 de
ment noires à l'usinage. Une partie est par- potasse, 10 d'acide phosphorique, 5,3 de ma-
fois germée. Il est donc nécessaire de sur- gnésie et 3 de chaux.
veiller de près la récolte et le triage.
A Java, les Criollo produisent 4 à 500 kgrs Amélioration.
de cacao sec à l'hectare, mais là où la teigne
Acrocércops Cramerella SN. exerce ses rava- BIOLOGIE FLORALE. — La question de sa-
ges, le rendement descend souvent à 250- voir si le Cacaoyer est autogame ou allogame
300 kgrs. En Amérique, on récolte générale- n'est pas encore résolue. On croit générale-
ment 2-300 kgrs; les records atteignent 800- ment, ainsi qu'il a été dit plus haut, qu'il
1000 kgrs. Les Forastero produisent plus. est autogame. La fleur semble cependant
Ainsi les moyennes en Gold Coast sont de 4 constituée en vue de la fécondation croisée :
à 600 kgrs (en culture indigène), à San Thome elle est protogyne et les anthères sont plus
6-700 kffrs- Les bonnes récoltes sont de l'ordre ou moins cachées dans les alvéoles des pétales
de 1200-1500 ksrrs et D"uvent atteindre excep- où elles éclatent, si bien que le pollen est
tionnellement 1800-2000 kgrs. rarement projeté sur les stigmates. La fleur
Il faut de 20 à 35 cabosses pour préparer s'ouvre vers 5 heures de l'après-midi; les
un kilo de cacao marchand, parfois jusque stigmates sont déjà réceptifs alors, mais les
550 LES CULTURES COLONIALES

anthères n'entrent en déhiscence que le len- bres. Au Congo Belge, la sélection en est
demain matin. On peut donc faire des fécon- encore à ses débuts. On possède cependant
dations croisées sans châtrer. Dans la nature, déjà à Gazi des arbres-mères Forastero don-
la pollinisation se produit entre 7 heures du nant de 5 à 9 kgrs de cacao sec. Le meilleur
matin et 5 heures de l'après-midi. Des insec- arbre-mère hybride Criollo a donné 9,605 kgrs
tes, notamment des fourmis et des pucerons, de cacao frais, soit plus de 3 kgrs de cacao
semblent nécessaires à la pollinisation. En sec.
effet, si on isole les fleurs, il n'y a pas fruc-
tification, même si on secoue les arbres pour TECHNIQUE DE L'AUTOFÉCONDATION FORCÉE
imiter l'action du vent (essais faits à Gazi). ET DE L'HYBRIDATION.— L'après-midi au
cours de laquelle la fleur s'est ouverte, m
Puisque les insectes volants n'interviennent
semble devoir se faire écarte légèrement les pétales au moyen d'une
guère, la pollinisation
généralement par du pollen propre. Des fé- pincette. Pour l'autofécondation, on prélève
condations croisées sont toutefois possibles en- une autre fleur plus avancée sur le même
arbre. On la cueille le matin et on la conserve
dans un exsiccateur, jusqu'au soir. Au moyen
d'une pincette on prend, à ce moment, une
anthère et on la frotte légèrement sur le
stigmate de la fleur à féconder. On marque
la fleur traitée au moyen d'une épingle pi-
quée à côté d'elle et portant une petite éti-
quette. On a soin d'enlever les fleurs non
traitées ou fanées du même groupe. Ensuite
on isole au moyen d'un manchon en zinc,
terminé par un tube en papier perforé de
Isolation des fleurs de Cacaoyer. très petits trous. Le manchon est fixé au
tronc ou à la branche au moyen d'un fil de
tre arbres voisins, dont les branches se tou- fer et on ferme le joint au moyen de paraffine
chent. D'après STAHEL, le pollen ne conserve ou de mastic à greffer (Voir figure).
son pouvoir germinatif que pendant trois Pour l'hybridation on procède de même, en
jours. se servant comme source de pollen d'une fleur
Notons qu'on a constaté des cas de parthé- d'un autre arbre. Il n'est pas nécessaire de
nocarpie. Ce phénomène est toutefois sans
châtrer, mais il est cependant préférable de
intérêt pratique, puisque la graine constitue le faire, en retirant prudemment les étami-
le produit! nes à l'aide d'une pincette. La réussite se
constate provisoirement après trois jours ;
SÉLECTION. — Les points importants en elle n'est définitive qu'après deux mois.
sélection sont : la productivité : nombre de Quand le fruit est suffisamment développé,
fruits, leur poids, rendement en cacao sec; on remplace l'épingle par une étiquette fixée
la qualité : forme de la fève, couleur de au pédoncule. L'hybridation du Cacaoyer est
l'amande, faible teneur en tanin; la vigueur une opération délicate, donnant un pourcen-
et la résistance aux maladies et insectes. A tage de réussite relativement faible. A Gazi,
ce point de vue, on aurait constaté, à Java, on a obtenu ± 11 %, ce qui est satisfaisant,
que les cabosses rouges sont attaquées de pré- puisque chaque cabosse contient ± 30 graines.
férence par l'Helopeltis, les jaunes par contre
par la teigne. A Lukolela, il semble que les THEIER.
cabosses rouges sont moins attaquées par
Sahlbergella singularis HAGL. Le thé semble avoir été utilisé comme bois-
Pour les méthodes nous renvoyons au son, par les Chinois, dès le VIIIme siècle
Caféier. En ce qui concerne les résultats, no- avant Jésus-Christ, mais la culture n'est de-
tons qu'à Java on possède des clones ayant venue importante en Chine que 6 ou 700 ans
donné, aux essais comparatifs, 75-100 cabos- après Jésus-Christ. Au Japon, elle a été in-
ses par arbre et ± 3 kgrs de cacao sec ou troduite au Ixme siècle. Les Européens n'ont
1200-1400 kgrs à l'Ha, celà pour des Hybri- connu le thé qu'au XVIIme siècle et ils n'ont
des Criollo, à raison de ± 400 arbres à l'Ha. entrepris la culture, aux Indes néerlandaises
A Trinidad les meilleurs clones Criollo don- et anglaises et à Ceylan, que vers le milieu
nent ± 1,800 kgr. de cacao sec par arbre ou du XIxme siècle. Au début, ils plantèrent
± 1.200 kgrs à l'Ha, à raison de ± 700 ar- du Thé de Chine, mais dans la suite surtout
LES CULTURES COLONIALES 551

du thé d'Assam. A Java, notamment, on tanistes avec le genre Camellia (1), appartient
cultive la seconde espèce depuis 1873. à la famille des Théacées ou Ternstroemiacées.
Les principaux producteurs, d'après les Les Théiers cultivés sont généralement rat-
tachés à deux espèces botaniques différentes:
statistiques de l'Institut International d'Agri-
culture de Rome pour 1939, sont : l'Inde Thea sinensis (L.) Sims. et Thea assamica
Anglaise (204.960 T.), Ceylan (103.447 T.), MASTERS.Certains auteurs en font simplement
les Indes Néerlandaises (83.798 T.), le Japon deux sous-espèces ou deux variétés botaniques.
(57.460 T.), Formose (12.984 T.), l'Indochine Les Théiers sont des arbres ou des arbus-
(11.018 T.), le Nyassa-
land (5.143 T.), le Ke-
nya (5.000 T.). Total
mondial : 485.000 T.
La production très im-
portante, mais mal
connue, de la Chine
n'est pas comprise
dans ce chiffre. On
l'estime à 4 ou 500.000
T. par an. L'exporta-
tion de la Chine est
relativement faible :
22.557 T. en 1939.
Les principaux con-
sommateurs de thé, les
quantités étant expri-
mées en grammes par
tête d'habitant, sont :
l'Angleterre (4.560),
l'Irlande (3.600), le
Canada (1.782), la Hol-
lande (1.500), les
Etats-Unis (325). La
Belgique n'importe
que de faible quantités
de thé : 329 T. en 1939,
soit 38 grammes par
habitant. La consom-
mation de la popula- Situation des plantations de Thé, Quinquina, Sisal et Canne à sucre.
tion blanche du Congo N. B. Les plantations de Thé correspondent aux croix entourées d'un cercle.
Belge est au contraire
relativement élevée, puisque les importations tes toujours verts, d'environ 3-8 m. pour
ont atteint 26.013 kgrs en 1939. T. sinensis, jusque 12-15 m. et plus pour
La culture du thé est encore à ses débuts T. assamica, à l'état sauvage. Les feuilles
au Congo Belge. En 1948, il existait au Kivu sont alternes, lancéolées, elliptiques ou ovales,
926 Ha de Théiers, dont 455 en rapport. à bords finement dentés. Les jeunes feuilles
L'extension de cette culture, de même que sont velues à la face inférieure. Les fleurs
de celle du Quinquina, est souhaitable afin sont pendantes et réunies par 2-4 à l'aisselle
de développer la polyculture. La production des feuilles. Elles sont blanches, odorantes,
de 1948 a atteint 87 T. mesurant environ 3 cm.. de diamètre. Elles se
composent de 5-7 sépales, de 5-7 pétales, ceux-
Origine et description — ci soudés entre eux à la base et avec les filets
botanique.
Le Théier existe à l'état sauvage en Asie des étamines, de nombreuses étamines et d'un
sud-orientale, entre 18 et 28 degrés de lati- ovaire supère, triloculaire, surmonté d'un
tude, notamment en Chine méridionale, dans style trifide. Chaque loge contient 4-6 ovules,
le Nord du Tonkin et du Laos, en Birmanie
septentrionale et en Assam.
(1) Le Théier porte alors le nom de CameUia thei-
Le genre Thea, fusionné par certains bo- fera (GRIFF.)DYER.
552 LES CULTURES COLONIALES

mais normalement un seul se développe. Le assez importante : elle en a exporté environ


fruit est une capsule à trois loges, parfois 1-2 3000 T. en 1929.
seulement, d'un diamètre de 2-3 cm. La
graine est sphérique lorsqu'il s'en développe CARACTÈRESDISTINCTIFSDES DEUXESPÈCES:
une par loge, sinon plus ou moins aplatie, Thea sinensis (L.) SIMS. — Arbuste ayant
brun noirâtre, lisse, de 1-1,5 cm. de diamètre. généralement une taille de 3 m. environ, pré-
coce et fleurissant abondamment, ce qui est
un défaut du point de vue du planteur.
Feuilles coriaces, petites (±9X3 cm.), peu
pubescentes, non acuminées. « Pekoe »,
c'est-à-dire la jeune feuille encore pliée en
deux, rougeâtre. Sensible à l'Helopeltis. Ré-
siste mieux au froid que l'autre espèce.
Aussi la cultive-t-on uniquement en Chine,
Japon et à très haute altitude dans l'Inde.
Il en existe plusieurs variétés botaniques :
cochinchinensis, macrophylla (à feuilles de
± 12 cm. de long), etc.

Thea assamica MASTERS. - Arbre ayant


généralement une douzaine de mètres de hau-
teur, à floraison tardive et peu abondante.
Feuilles et fleurs de Théier hybride de Java. Feuilles tendres, grandes (± 12 X 4 cm.),
plus ou moins pubescentes, acuminées. « Pe-
(Photo St. Exp. du Thé, Buitenzorg.) koe » vert ou vert jaunâtre. Plus résistant
(Extrait de SPRECHER V. BERNECCJ
à l'Helopeltis. Plus exigeant au point de vue
température. Surtout cultivé aux Indes, à
Dans les régions tropicales, le Théier fleu-
Ceylan, à Java, etc., à côté d'hybrides entre
rit toute l'année, tandis qu'en Chine il n'y les deux espèces. On y distingue diverses
a que deux floraisons. Le Théier est essen- variétés ou types :
tiellement allogame. La pollinisation se fait
notamment par des guêpes (Java). A matu- « Assam indigenous » — à grandes feuil-
rité, le fruit éclate et projette les graines à les (10-17 X 5-7 cm.) vert clair; variété de
distance. Le développement et la maturation qualité supérieure, mais peu rustique. On y
du fruit demandent 9-12 mois. distingue plusieurs sous-variétés : Bazaloni,
Le nombre haploïde de chromosomes est 15. Singlo, etc.
KARASAWA a cependant trouvé 45 chromosomes
somatiques dans les bouts des racines de T.
sinensis macrophylla et KASPARJANa trouvé
des Théiers tétraploïdes. Ceux-ci ont un dé-
veloppement très vigoureux et sont complète- 2 3
ment stériles. Ils pourraient donc être inté- 1
Fruits et graines de Théier
ressants pour la culture, en les multipliant (2/3 grandeur naturelle).
végétativement. 1 = Capsule à trois loges; 2 = Graine: 3 = Capsule
=
Ce sont les bourgeons et jeunes feuilles qui, ouverte, découvrant les graines; m = Micropyle; h
constituent le thé. Hile; e = Empreintes d'ovules avortés.
après préparation, V. BERNEGGJ
Les feuilles de thé contiennent de 2 à (Extrait de SPRECHER
4 de caféine. D'après que la préparation
s'accompagne ou non de fermentation, on « Shan » — variété voisine de la précé-
obtient le thé noir ou le thé vert. On croyait dente, à feuilles vert clair, de qualité supé-
jadis qu'il s'agissait du produit de deux es- rieure.
pèces différentes. Aussi LINNÉ scinda-t-il « Manipur » — à feuilles plus grandes que
Thea sinensis en Thea, bohea ou Thé noir et celles de l'Assam indigenous, mesurant 15-
Thea viridis ou Thé vert. 20 X 6-8 cm., vert foncé; plante rustique,
La graine est riche en huile : 30-35 pour mais de qualité moindre.
T. sinensis, 42-45 pour T. assamica. Cette
huile pourrait éventuellement être intéres- « Burma » — à feuilles plus petites. Varié-
sante. La Chine en produit sur une échelle té encore plus rustique.
LES CULTURES COLONIALES 553

Parmi les hybrides, il y a lieu de citer le effet elles dosent de 4,5 à 6 d'azote sur
type « Ceylan », qui a une taille et des feuil- matière sèche.
les plus grandes que celles de T. sinensis, une
floraison précoce et abondante. Climat. — Le Théier préfère un climat
relativement frais et en même temps humide.
Sol. — Le Théier peut se contenter de sols Il demande en quelque sorte un climat subtro-
assez pauvres, mais pour produire abondam- pical, en ce qui concerne la température, mais
ment il lui faut un sol réunissant un certain tropical en ce qui concerne l'humidité. En
nombre de qualités. Il est vrai cependant effet, un climat humide est indispensable
que si la production est moindre, par contre pour qu'il puisse supporter des cueillettes
la qualité est souvent meilleure, sur un sol continues. La température moyenne annuelle
moins riche. Un point essentiel est la riches- doit être d'environ 18°, avec faibles variations
se en humus; des sols forestiers vierges journalières. Dans les régions tropicales, il
seront donc préférés. DEUSS cite le cas d'une trouve un climat favorable en montagne entre
plantation établie sur un bon sol de forêt, 1000 et 2500 m. environ. On le cultive cepen-
donnant annuellement 1300 à 1400 kgrs de dant fréquemment à des altitudes relative-
thé sec à l'hectare, alors que 400 à 600 kgrs ment basses. Ainsi d'après SOLIVA, 55
sont déjà considérés comme de bonnes récol- des plantations de Thé d'Indonésie se trou-
tes. Une terre à thé doit être perméable et vent au-dessous de 600 m., contre 35 entre
meuble. On a, en effet, observé des racines 600 et 1200 m. et 10 seulement au delà
de Théier jusque 6 m. de profondeur. On de 1200 m. ; dans l'Inde 45 des plantations
considère généralement qu'il faut au moins se trouvent au-dessous de 400 m. et il en est
1,50 m. de sol de bonne qualité. Le sol peut de même pour 25 des théeries de Ceylan.
être pierreux, toutefois sans couches conti- Il est donc parfaitement possible de cultiver
nues. Il ne peut pas être humide; il doit le Thé au Congo Belge, non seulement dans
cependant être frais, car le Théier, obligé à l'Ituri et le Kivu, mais aussi dans la région
produire constamment de nouvelles feuilles, forestière centrale.
exige beaucoup d'eau.
Le Théier est donc susceptible de s'adapter
En ce qui concerne les propriétés chimi-
à des conditions climatiques diverses. De fa-
ques, le point essentiel est que le sol ne peut
contenir que des traces de chaux. La réaction çon générale, cependant, la qualité augmente
avec l'altitude, mais la quantité est plus
doit être nettement acide. D'après VAGELER
le pH doit être aux environs de 5-5,5. Pour grande à faible altitude. L'optimum, au point
de vue financier, semble donc être la plan-
les plants en pépinières et les jeunes arbres,
tation à altitude moyenne.
il devrait même être plus bas encore :
PRILLWITZ (Java) cite le chiffre de 4. On a Pour illustrer l'adaptabilité du Théier,
même préconisé d'acidifier le sol par des ap- voici quelques chiffres empruntés à SPRE-
plications de soufre en poudre, à des doses CHERv. BERNEGG : dans les régions tropicales,
allant jusque 1 kgr. par mètre carré en pépi- le Thé se cultive à des altitudes moyennes,
nières ou bacs de culture (PRILLWITZ) et 50- comprises entre 200 et 1000 m., avec tempé-
200 grammes par trou de plantation (SPRE- rature moyenne annuelle de 20-25° et extrê-
CHER V. BERNEGG). (l) mes de 15 et 30°; et à haute altitude, entre
En ce qui concerne les différents éléments 1000 et 2000 m., avec température moyenne
nutritifs, l'azote surtout est important, puis- annuelle de 15-20° et extrêmes de 10 et 25°.
que le produit est constitué par les jeunes La température maxima ne pourrait dépasser
feuilles et que celles-ci sont particulièrement 32° à l'ombre que si l'humidité atmosphéri-
riches en cet élément, chez le Théier. En que est élevée. Le Théier produit cependant
aussi dans des régions beaucoup plus fraîches,
notamment au Japon, dans le Nord de l'Inde,
(1) Dans le sol le soufre est oxydé en acide sulfu- au Caucase, dans des régions à température
rique par des microorganismes. Il y a de ce fait aug- moyenne annuelle de 12-15° et température
mentation de la concentration en ions H et déplace- moyenne du mois le plus froid de 1 à 5°. Le
ment de bases, donc acidification. Il y a toutefois lieu Théier (de Chine) supporte la gelée, mais à
de remarquer que le soufre peut avoir une influence —5° feuilles et jeunes pousses sont tuées. Là
germicide et que celle-ci pourrait, en certains cas, être
la cause des bons résultats enregistrés. D'autre part, il où de telles températures se produisent fré-
faut observer que l'application de soufre expose les quemment, la plante doit être protégée arti-
bases à être délavées, donc appauvrit le sol. ficiellement en hiver. Dans ces conditions une

18*
554 LES CULTURES COLONIALES

culture industrielle n'est évidemment plus jardins semenciers ou d'acheter des graines.
possible. On recherche d'ailleurs des types fleurissant
En ce qui concerne l'humidité, le Théier tardivement et peu abondamment, parce que
demande au moins 1500 à 2000 mm. de pluies la floraison se ferait au détriment de la pro-
annuelles, mais pour produire abondamment, duction de feuilles. La création d'un jardin
il lui faut beaucoup plus d'eau. Une répar- semencier est très simple. Il suffit de choisir
tition uniforme sur toute l'année est préfé- une parcelle isolée, en forêt ou dans une
rable. Une grande humidité cependant, si plantation de Café, pour éviter la fécondation
elle augmente la quantité, réduit la qualité. par du pollen étranger. On donne la préfé-
rence à un sol plutôt médiocre, pour hâter.
Eclairement : A l'état spontané, le Théier la floraison, et on plante à grande distance :
est une plante de sous-bois. Cependant, en
on estime généralement par exemple 4-5 m. Ces dernières années,
culture, préférable cependant, on préfère
de ne pas ombrager ou d'ombrager très légè- planter ptus serré,
pour faire ensuite une éclaircie sélective. Les
rement. A la lumière, il se forme plus de semenciers ne sont ni taillés, ni cueillis. Ils
bourgeons' et la qualité est meilleure. En
fleurissent après 6-8 ans ou plus, car ils sont
effet, le thé cultivé sans ombrage développe, tardifs et on doit rechercher ce caractère.
pendant la fermentation, une plus grande
il a donc plus Lorsqu'ils sont en fructification, on ramasse
quantité d'huiles essentielles; régulièrement (par exemple 2-3 fois par se-
d'arôme. On conseille d'ombrager à très haute
maine) les graines tombées. On ne peut les
altitude, comme protection contre le froid
cueillir, parce qu'il est difficile de recon-
nocturne et surtout contre les variations trop naître les fruits mûrs. Les graines de Théier
rapides de température, le matin. Il est utile
perdent rapidement leur faculté germinative,
aussi d'ombrager là où la température est notamment en moins de 4 mois. Le rendement
trop élevée ou l'humidité atmosphérique trop en graines est généralement peu élevé, du
basse. Un ombrage léger sera toujours utile, fait que l'on sélectionne vers une floraison
grâce aux divers avantages généraux qu'il peu abondante. On n'obtient que 200 à 500
procure (Voir sub Caféier). kgrs à l'Ha, mais les graines se vendent cher.
Le Théier craint le vent. Il faut donc, en
l'absence d'ombrage, planter de distance en CONSERVATION ET EXPÉDITIONDESGRAINES, —
distance des coupe-vents. Ceux-ci sont utiles Les graines de Thé se conservent le mieux
aussi contre la poussière, laquelle nuit à la
mélangées à du sable, de la terre ou de la
qualité du thé. Pour cette raison; il faut éviter poudre de charbon de bois secs. Pour l'expé-
de laisser des terrains dénudés près d'une
dition, on les dispose en couches avec une
plantation de Thé.
grande quantité de ces matières, les couches
étant séparées par des feuilles de papier,
Préparation du sol. — Le Théier étant pour éviter que, sous l'action des secousses,
généralement une culture de montagne, il y les graines ne se séparent de la matière em-
a souvent lieu de terrasser le terrain. On ployée comme remplissage et ne s'accumulent
procède souvent, étant donné les faibles écar- dans un coin de la caisse.
tements adoptés en plantation, à un défon-
cement de toute la surface (sauf des parois - SEMIS. — Il y a environ 700 graines par
des terrasses) à 40-50 cm. de profondeur. Si kilo. A 60 de réussite il faut, par hectare
l'on ne procède pas ainsi, et ce sera souvent planté à 4 X 3 pieds, 24 kgrs de semences.
le cas sur terrain forestier où le labour serait Les graines sont généralement désinfectées
difficile, on fait des trous d'au moins 50 cm. au sublimé à un pour mille, puis triées sui-
de côté. En cas de redéfrichement d'une an- vant leur densité, par immersion dans une
cienne plantation de Thé, Café, etc., on incor- solution sucrée à 25 On a en effet con-
porera des engrais au trouage. Les écarte- staté que les graines lourdes donnent un
ments habituels sont de 0,6 X 0,6 (Chine) pourcentage de germination plus élevé et pro-
à 1 X 1 m.; aux Indes souvent 4 X 3 ou duisent des plants plus vigoureux et plus
4X4 pieds, d'après la qualité du sol. résistants aux maladies (essais de BERNARD
et DEUSS, à Java). La graine doit se semer
Multiplication. — Le Théier peut se mul- avec le hile et le pore germinatif vers le bas,
tiplier par semis, bouturage et greffage. Le sinon on obtient des plants à pivot courbe.
semis est le mode le plus utilisé, jusqu'à On reconnaît aisément cette partie de la
présent. Etant donné le mode d'exploitation graine. (Voir figure.) En bonnes conditions,
des arbres, il est nécessaire de créer des la germination a lieu après 10-15 jours, pour
LES CULTURES COLONIALES 555

des graines fraîches. Le semis peut se faire plantoir Java, sous forme de « stumps » et
en place ou en pépinière. Les deux méthodes à un âge plus ou moins avancé. On peut
sont courantes, quoique la seconde soit même planter au stade de plantule, munie de
préférable. deux feuilles. Cela a été essayé avec succès

PÉPINIÈRES. - On fait
généralement usage de ger-
moirs et on repique en
pépinière. Les germoirs
sont constitués de sable ou
de terre additionnée de
brique pilée et placés sous
abri. Les graines y sont
étalées et arrosées autant
que de besoin. Chaque jour
on retire les graines ger-
mées et on les repique en
pépinière.
Les pépinières s'établis-
sent de la façon habituelle,
sur bon sol, labouré pro-
fondément (60 cm.). Elles
sont abritées si l'altitude
est inférieure à 1000 m.
Les graines sont repiquées
à 2 cm. de profondeur et
à des écartements variables
suivant l'âge auquel se fe-
ra la plantation : 20 X
20 cm. pour une mise en
place à un an, 10-15 cm.
si l'on plante plus jeune,
25 cm. si l'on plante à deux
ans. On arrose régulière-
Pépinière de 15 à 18 mois.
ment. Vers la fin du séjour
en pépinière, on éclaircit (Photo Théki.)
progressivement l'écran,
s'il s'agit d'une pépinière abritée. à Sumatra. On plante habituellement à 9 mois
dans l'Inde et 12-18 mois à Java, parfois 6-8
MISE EN PLACE. — Elle a lieu au début des mois ou à 2-3 ans. A partir d'un an on
plante généralement des stumps. Ces stumps
pluies. Lors de l'enlèvement des plants, on fait
un choix des meilleurs sujets. On procède comportent ± 30 cm. de tige et le pivot en-
parfois même à une véritable sélection en tier, sauf l'extrémité tendre. Ils supportent
mieux la transplantation que d'autres plants
pépinière. Nous y reviendrons au paragraphe et sont fortement à conseiller, parce qu'à un
de l'Amélioration. A la Station Expérimen-
tale du Thé à Buitenzorg, on a appliqué éga- âge avancé on peut faire un choix plus judi-
lement un genre de sélection ou d'éclaircie cieux des meilleurs individus.
en pépinière. On plante 100 graines par mètre Lors de la mise en place, il faut veiller à
carré et on ramène dans la suite, par élimina- ne pas incorporer les cendres dans les trous,
tion des mauvais plants vers l'âge de 5-6 mois, parce qu'elles sont trop alcalines pour le Thé.
le nombre de plants à environ 30 par m2.
Cette simple sélection aurait permis d'aug- GREFFAGE. — Le bouturage est possible,
menter de 37 le rendement de la planta- mais les plants ainsi obtenus sont moins vi-
tion créée au moyen des plants réservés goureux; ils sont dépourvus d'un véritable
(VAN DEN ABEELE). pivot et résistent donc moins bien à la
La plantation peut se faire de diverses sécheresse.
manières : à racines nues, avec mottes, au Dans les débuts de la greffe du Théier, on
556 LES CULTURES COLONIALES

utilisait à Java la greffe en couronne sur sages fréquents), une grande surface lui per-
des plants âgés et on l'effectuait en planta- mettant de produire beaucoup de feuilles,
tion. On obtenait ainsi environ 75 de enfin d'empêcher la floraison. Pour atteindre
réussite. Ces dernières années, on a mis au ces buts, il faut tailler périodiquement, quoi-
point une greffe en écusson analogue à celle que la cueillette elle-même concourt à les at-
de l'Hévéa (voir plus loin) et obtenu des teindre, même en grande partie. La forme
résultats égaux ou supérieurs à ceux que donnée au Théier est celle dite « en gobelet »
donnait la greffe en couronne. De plus elle (voir figure) et la surface de ce gobelet est
a l'avantage de s'appliquer en pépinière. On plane ou tabulaire (« tafelsnoei »), concave
utilise des sujets de 18 mois à 2 ans. (« komsnoei ») ou convexe (« kogelsnoei »).
La taille de formation a lieu en deux stades.
Ombrage et couverture du sol. - Ac- Si l'on a planté des plants ordinaires ou semé
tuellement la pratique de l'ombrage, mais en place, lorsqu'ils ont atteint une hauteur
d'un ombrage léger, se répand. On a le choix de 3-4 pieds, on les taille à 1 pied du sol.
entre diverses essences déjà mentionnées Si l'on a planté des stumps, le recépage à
30 cm. en pépinière remplace cette première
taille. La seconde taille a lieu 12-18 mois plus
tard : à ce moment on coupe les rameaux
formés, à 2 pieds du sol, de façon à constituer
un gobelet à plusieurs branches charpentières
bien réparties et à obtenir la surface désirée.
La cueillette, dès lors, maintiendra cette
forme.
Après quelque temps, cependant, les petits
Taille de formation du Théier. rameaux s'épuisent, ne pouvant se lignifier,
à cause précisément de la cueillette conti-
nuelle qui supprime les feuilles. A ce moment
plus haut : Leucaena, Albizzia, Acacia de- on coupe tous les rameaux minces et on
currens WILLD. (« Black Wattle », au delà rétablit au besoin la forme. Habituellement
de 1000 m.), Gliricidia sepium (JACQ.) STEUD. il faut tailler ainsi tous les 18 à 24 mois. A
(G. maculata H. B. K.), Deguelia microphylla chaque fois le niveau monte légèrement.
VAL. Comme couverture on peut utiliser Indi- Après 5 à 7 tailles, ce niveau étant devenu
gofera hendecaphylla ou Vigna Hosei, mais trop haut,' on taille profondément (« diepe
on se sert plus souvent d'espèces buissonnan- snoei »). Plus tard encore, il peut être utile
tes en haies, entre les lignes ou sur les bords de recéper complètement (« wortelkraag-
des terrasses, et on les taille périodiquement. snoei », « collar pruning ») pour rajeunir
les plants, par exemple, si leur forme est
— L'entretien défectueuse, s'ils ont été attaqués par les
Entretien. Taille. Fumure.
des manquants, le termites, etc. Lors des tailles, on supprime
comporte le remplacement aussi le bois mort et les branches inutiles. On
maintien des terrasses et fossés aveugles, la taille ou on recèpe de préférence au début
taille des Légumineuses et le sarclage. Le sol
des pluies, toujours par temps frais, jamais
est rapidement ombragé par les Théiers et si au cours d'une période fort sèche.
la couverture disparaît de ce fait, le dévelop-
pement des mauvaises herbes est cependant Après une taille, il faut compter 6-8 semai-
nes et plus avant d'obtenir une nouvelle
généralement assez faible. Sur sol lourd, un
labour effectué annuellement, à la fin des récolte. La première cueillette, après une
taille, donne un thé de moindre qualité, parce
pluies, peut être utile.
En ce qui concerne la fumure, on emploie que les feuilles sont plus aqueuses. On ne
Ces taillera donc pas toute la plantation au même
depuis longtemps, à Java, des tourteaux. moment, non seulement pour ne pas arrêter
dernières années on a commencé à utiliser toute production, mais pour pouvoir mélan-
largement le sulfate d'ammoniaque : par
ger ce thé de première cueillette au thé des
exemple 2-300 kgrs en deux doses à six mois cueillettes normales.
d'intervalle.
— On peut généralement
TAILLE. — La taille du Théier a pour but Cycle végétatif.
de lui donner un format réduit facilitant la commencer à exploiter les Théiers 2 ou 3 ans
cueillette (c'est important en raison des pas- après la mise en place. La production est dès
LES CULTURES COLONIALES 557

lors continue, sauf aux périodes de taille. Une plus spécialement le nom de « fish-leaf » ou
théerie est en pleine production à 6-7 ans et « kepel ». Il y a ensuite un certain nombre
elle dure 40-50 ans et plus. de feuilles normales, nombre variable d'après
Les Théiers non taillés fleurissent vers l'âge de la pousse. La feuille supérieure,
6-8 ans, souvent vers 10 ans seulement et encore pliée en deux longitudinalement et
même plus tard. Le développement du fruit couverte de fins poils lui donnant un aspect
prend 9-12 mois. La longévité des semenciers plus ou moins argenté, porte le nom de
est notablement plus grande que celles des « pekoe » ou « pecco ». Il y a enfin au som-
Théiers de plantation. En effet, ceux-ci sont met le bourgeon terminal. Celui-ci et cinq
littéralement massacrés par le mode d'exploi- feuilles, comptées depuis le sommet, portent
tation qu'ils subissent. Les semenciers vivent des noms propres qui correspondent plus ou
au moins 100 ans. moins aux qualités commerciales. Nous disons
plus ou moins, parce que le sens des dénomi-
Récolte. Production. — La nations commerciales varie avec les pays et
Exportation.
cueillette peut être
plus ou moins poussée,
c'est-à-dire « grossiè-
re » ou «fine», suivant
que l'on recherche la
quantité ou la qualité.
Dans une cueillette
fine, on ne prend que
les bourgeons et les
feuilles les plus jeu-
nes. On peut d'ailleurs
concilier les deux buts :
procéder d'abord à
une cueillette fine
(l'ouvrière ayant par
exemple deux paniers)
ou bien faire des
cueillettes fines à cer-
tains moments, ou bien Première cueillette après une taille.
encore trier le produit (Photo Théki.)
récolté. C'est ce qui se
fait généralement, mais la séparation est parce que le triage mécanique ne peut évi-
évidemment imparfaite. La cueillette con- demment réaliser une séparation correspon-
siste à sectionner les jeunes pousses (très dant à l'ordre suivant lequel les feuilles
tendres) avec un certain nombre de feuilles, étaient insérées. Le bourgeon terminal, couvert
d'après la qualité désirée. (l) d'un duvet blanc, est le « flowery pecco »
Lorsqu'on examine une jeune pousse de (« pekoe fleuri ») ; la première feuille, pliée
en deux, est le « orange pecco ». Parfois
Théier, on constate vers le bas la présence
d'une ou plusieurs feuilles de forme spéciale, on appelle bourgeon et première feuille
« pekoe fleuri » ou bien tous deux « pekoe
appelées « préfeuilles », « feuilles axillaires »,
« kepels » ou « fish-leaves ». Ces feuilles orange ». La deuxième feuille est le « pecco »
correspondent aux écailles du bourgeon pri- (« pekoe » ou « pekoe ordinaire ») ; la troi-
mitif. Les inférieures ont plutôt la forme sième le « first souchong » (« premier
souchong »); la quatrième le « second
d'écaillés, mais à mesure que l'on remonte
elles ressemblent de plus en plus à des feuil- souchong » ; la cinquième le « congou ».
les. Seule la plus élevée est persistante Ces feuilles sont de plus en plus grandes,
(les
autres sont caduques), mais elle a cependant de moins en moins tendres et de moins en
une forme différente de celle des feuilles nor- moins aromatiques. (Voir figure.) Après
males. Elle est ovale, à bords entiers et porte qu'il s'est formé un certain nombre de
feuilles sur la pousse, il apparaît une
période de repos : le bourgeon terminal
devient dormant ou sourd, « boeroeng » en
(1) En Chine, le thé vert se cueille feuille par
feuille sans pétiole; le thé noir de même, mais avec javanais, et ne donne plus de « pekoe ». Le
pétiole. « boeroeng » se reconnaît au fait qu'il est
558 LES CULTURES COLONIALES

plus petit et plus mince. Ce repos dure 1-2 ce qui est plus commode et exclut toute
ou plusieurs semaines, suivant les cas. Il est confusion, en indiquant exactement ce que
plus long en saison sèche ou en mauvaises l'on cueille et ce que l'on laisse. Par exemple
conditions de nutrition (1). Ensuite le bour- P + 2 — K + 2 : on enlève le « pekoe »
geon entre à nouveau en activité, forme des et deux feuilles et laisse le « kepel » et deux
« kepels » (2), puis des feuilles normales, etc. feuilles.
La cueillette se fait à la main, en coupant
les pousses avec l'ongle. Les femmes javanai-
ses et cinghalaises font celà très bien et vite,
en même temps que complètement. Elles jet-
tent les feuilles dans un panier porté sur le
dos ou dans un sac. Le sac convient moins
bien, parce que les feuilles s'y tassent et sont
de ce fait exposées à subir un début de fer-
mentation. La quantité récoltée par de bonnes
ouvrières est de 20 à 30 kgrs. On paie géné-
ralement au poids récolté. Le taux varie
d'après le mode de cueillette : on paie plus
pour une cueillette fine ou pour une cueillette
fractionnée.

PÉRIODICITÉDES CUEILLETTES.— A Ceylan,


Java et autres régions tropicales, on cueille
Dénominations des différentes feuilles toute l'année, sauf pendant la taille (1). Là
de thé. où il y a une saison froide, comme dans le
B = Bourgeon terminal ou pekoe
fleuri: 1 = Pekoe orange; 2 = Nord de l'Inde, en Chine, au Japon, en Rus-
Pekoe: 3 = Premier souchong; 4 = sie, etc., on ne cueille qu'en été et moins
Second souchong; 5 = Congou; K = fréquemment. La périodicité dépend de divers
Kepels ou fish-leaves. facteurs : vigueur des plants et vitesse de
régénération des pousses, lesquelles dépendent
on ne laisse pas ce proces- de la sorte, du climat, du sol, des soins cultu-
Habituellement,
sus se produire, car on cueille avant celà. A raux, du genre de cueillette. En effet, si
la cueillette, il faut toujours avoir soin de l'on recherche la qualité, il faut moins de
laisser au moins une ou deux feuilles en feuilles par pousse et on peut (mais on ne
doit pas) revenir plus rapidement. Ceci tou-
plus du « kepel » supérieur, pour obtenir
de nouvelles pousses à partir des bourgeons tefois épuise plus les arbres et, plus la pério-
axillaires. Quand on vise la qualité, on cueille dicité est courte, plus il faut de main-d 'œuvre.
le bourgeon et deux feuilles; si on recherche Voici quelques exemples de périodicités :
la quantité, on prend trois et même quatre Ceylan 8 jours à basse altitude, 13-14 jours
feuilles. La cinquième se récolte rarement. à haute altitude; Java 7-12 jours, en moyenne
Celà se fait plutôt en Chine, pour la consom- 8-10 jours; Darjeeling (Inde) 5-8 jours au
mation locale. On cueille parfois 2 1/2, 3 1/2, début de la saison, 9-11 jours en fin de saison;
4 1/2 feuilles, c'est-à-dire deux feuilles et la Chine et Japon 3 à 8 fois au cours de l'été.
moitié de la troisième, etc.
En Indonésie, on tend à désigner les cueil- PRODUCTIONET EXPORTATION.— Dans l'In-
lettes, non plus par les dénominations indi- de et à Ceylan, on récolte au moins 300-
quées plus haut ou d'autres encore (3), mais 350 kgrs de thé sec à l'Ha et au maximum

(1) En somme l'apparition du « boeroeng » est un pluk », etc. « Grof » indique que la cueillette est gros-
signe de fatigue. DEUSSconseille cependant de conti- sière, que l'on cueille beaucoup; « fijn » est l'inverse,
nuer la cueillette, pour pousser la plante à redonner on enlève peu. « Oud » signifie que l'on attend long-
du produit, quitte à fumer. temps pour cueillir et qu'on laisse beaucoup de
(2) Il se forme donc des « kepels » soit à partir des feuilles; « jong », au contraire, qu'on laisse peu de
bourgeons axillaires normaux, soit à partir des « boe- feuilles.
roengs». (1) Avant une taille on fait une cueillette totale
(3) Précédemment les planteurs javanais indiquaient (« rampasan », « schoonpluk »), c'est-à-dire que l'on
les cueillettes par les expressions suivantes : « oud- prend tout ce qui convient à la fabrication, sans tenir
en grofpluk », « jong- en grofpluk », « oud- en fijn- compte des limitations habituelles.
LES CULTURES COLONIALES 559

800-1000 kgrs. A Java, on récolte fréquem- connaît pas suffisamment la relation avec la
ment 1000-1200 kgrs de thé sec et plus, dans qualité. Il faut donc, au moyen d'installa-
les bonnes plantations. Au Kenya, le rende- tions expérimentales compliquées, préparer
ment moyen est de 1125 kgrs à l'Ha, pour des échantillons de thé, puis les déguster. Il
l'année 1939 (VAN DEN ABEELE). Il faut de n'est pas permis de prendre comme semen-
4 à 4,5 kgrs de feuilles fraîches pour préparer ciers des arbres fleurissant abondamment et
un kilo de thé noir.
D'après SPRECHER V. BERNEGG, une bonne
récolte de thé — 600 kgrs à l'Ha — exporte
31 kgrs d'azote, 15 de potasse, 5,28 d'acide
phosphorique et 2,5 de chaux (Java). C'est
approximativement le double de ce qu'expor-
te une égale quantité de café marchand.

Amélioration.

BIOLOGIE FLORALE.— Le Théier est essen-


tiellement allogame. Lorsqu'on isole les fleurs
au moyen de sachets (gaze) , la fructification
est rarement normale. Il est toutefois à noter
que, même en conditions normales, la fructifi-
cation est peu abondante : 0 à 58 d'après
les variétés. L'hybridation artificielle sera
donc difficile. Pour obtenir des semences légi-
times (c'est-à-dire de père et mère connus)
ou des semences autofécondées, il faudra
établir des champs isolés, plutôt que d'effec-
tuer des fécondations artificielles. Si l'on Très beau type de Théier dans une pépinière de 14 mois.
désire néanmoins y recourir, on isole depuis (Photo Théki.)
deux jours avant la floraison jusque cinq
jours après la floraison (COHEN STUART). En
moyenne on obtient 1000 graines par arbre précocement, car ce caractère est évidemment
et par an, ce qui est peu. Avant éclatement héréditaire. Tout au plus peut-on le faire
des fruits, il n'est pas possible de reconnaître dans la sélection de types destinés à produire
la maturité. On ne peut donc cueillir les des sujets de greffe. Les cueillettes répétées
fruits. compliquent les essais comparatifs. Le mode
de cueillette et l'habileté de la cueilleuse in-
SÉLECTION. — Les points importants en fluencent fortement le rendement.
sélection sont : rendement, qualité (on con- Jusqu'à présent, on a surtout pratiqué la
sidère qu'une feuille grande et vert clair est sélection massale et la sélection végétative.
un indice de qualité), vigueur, ramification Dans la sélection massale, on peut procé-
régulière, floraison tardive et peu abondante, der comme suit : choisir en pépinière un
résistance aux maladies et insectes, en parti- certain nombre de beaux plants, de préfé-
culier aux maladies des racines (Rosellinia) rence vers 2-3 ans, et les planter sous forme
et à l'Helopeltis, éventuellement résistance de stumps dans un champ isolé. On plante à
au froid et à la sécheresse. écartement normal, par exemple 4X3 pieds,
La sélection du Théier est difficile, à cause et on traite la parcelle pendant 2-3 ans com-
des particularités de la biologie florale et du me une plantation ordinaire. On élimine alors
mode de culture. Le Thé étant exploité pour les mauvais producteurs (de feuilles), ceux
sa feuille, il faut des parcelles spéciales pour qui fleurissent précocement et abondamment,
l'étude du rendement et d'autres pour la les arbres peu résistants ou à mauvaise rami-
production de semences et de bois de greffe. fication, etc., jusqu'à obtenir un écartement
La sélection qualitative au moyen de déter- normal de jardin semencier (4-5 m.) et un lot
minations chimiques, telles que dosages du d'arbres tous supérieurs. On laisse ensuite
tanin, des huiles essentielles, de la caféine, pousser les arbres normalement et on ramasse
etc., n'est pas possible, parce que l'on ne régulièrement leurs graines, en mélange. Au
560 LES CULTURES COLONIALES

besoin, si trop d'arbres sont éliminés, on peut la Mandchourie est estimée à 25 du total.
greffer les souches de certains d'entre eux, Pour 1937, les statistiques renseignaient
au moyen de bois des meilleurs arbres de la 773.000 T. pour la Chine.
parcelle. La Belgique a consommé en 1939, 24.134 T.
de tabac, dont 5.268 T. de tabac indigène et
Dans la sélection végétative, on procède
18.984 T. de tabacs exotiques, provenant
à peu près de même au début. Il vaut cepen-
principalement des Etats-Unis et d'Indonésie.
dant mieux de ne pas arracher les mauvais
Les quantités importées ont été plus élevées
pieds, pour éviter l'influence des vides. Ici
certaines années; il en est de même de la
les productions individuelles sont pesées et
diverses autres observations faites pendant production belge. En 1939 le Congo Belge a
2-3 ans. Les meilleurs arbres sont choisis com- importé environ 1.050 T. de tabac.
me arbres-mères et multipliés par la greffe. Au Congo Belge, les indigènes cultivent
On poursuit alors les essais comme dans la le Tabac sur une petite échelle. Quelques
sélection végétative du Caféier ou d'autres colons, au Kivu et au Katanga, ont essayé
On peut évidemment cette culture (162 Ha en 1948). Les efforts
plantes arborescentes.
aussi chercher des arbres d'élite dans les sont surtout concentrés au Katanga, sous la
existantes et chez les planteurs. direction du Comité Spécial et de l'Inéac. De
plantations
Après croisement, on pourra, de la même petits lots ont déjà été exportés à titre d'essai,
au cours des dernières années. Le reste est
manière, établir une parcelle de première gé-
nération et y choisir des arbres-mères. traité sur place : en 1948 l'industrie locale
a produit 669.888.000 cigarettes et 246.000
Avant de récolter du bois de greffe sur un
arbre soumis à cueillette, il faut le tailler. cigares.
On peut alors y prélever des greffons, envi- — Le
ron cinq mois plus tard. Origine et description botanique.
genre Nicotiana, de la famille des Solanacées,
auquel appartiennent les Tabacs cultivés,
Sélection en pépinière :' On a essayé de
faire une première sélection en pépinière, par comprend 40 espèces américaines et 3 espèces
exemple en taillant les jeunes plants trois fois
à six mois d'intervalle, à 25, puis 30, enfin
35 cm. au-dessus du sol, et en déterminant
pour chaque plant le poids des feuilles et
rameaux et le diamètre du tronc. On choisit,
d'après ces données, les meilleurs plants et
on les plante sous forme de stumps. Il existe
une corrélation positive entre le diamètre du
tronc et le rendement. Cette sélection donne
des résultats favorables ; cependant ils ne sont
guère supérieurs à ceux obtenus par un simple
triage à l'œil des meilleurs plants, au moment
de leur enlèvement de la pépinière (WELLEN-
SIEK)

TABAC.
Le Tabac est cultivé sous des climats très
divers, chauds et tempérés. Ce sont, toutefois,
certains pays tropicaux et subtropicaux qui
produisent les tabacs fins. D'après les statis-
tiques de l'Institut International d'Agricul-
ture, la production mondiale a atteint environ Tabac « Havana » en fleurs.
3.000.000 de tonnes en 1939-40. Les princi- (Photo C. S. K.)
paux producteurs sont : les Etats-Unis
(842.935 T.), le Brésil (90.000 T.), l'Inde
d'Australie et des Iles de la Sonde. Il est
(495.830 T.), la Turquie (63.800 T.), les Indes
néerlandaises (55.000 T.). L'Europe a pro- intéressant de noter qu'une de ces dernières,
duit 295.000 T. et l'Afrique 65.800 T. La pro- N. suaveolens LEHM., était utilisée par les in-
digènes de l'Australie, avant l'arrivée des
duction de l'U. R. S. S., de la Chine et de
LES CULTURES COLONIALES .- 561

Européens. Plusieurs espèces américaines sont ches), les Tabacs d'Orient 1,5 à 4 %, les
cultivées, soit comme « tabacs », soit comme Tabacs belges dosent 4-5 et plus.
plantes ornementales. L'espèce de loin la plus
importante est N. Tabacum L. Dans l'Inde Sol et climat. — Le Tabac demande des
anglaise, N. rustica L. est cependant cultivé sols moyens ou légers, riches en humus, frais,
sur une certaine échelle. Cette espèce se dif- de 80 cm. à 1 m., à
perméables, profonds
férencie notamment par ses fleurs jaunes.

Nicotiana Tabacum L. est originaire d'Amé-


rique centrale et méridionale. C'est une plan-
te herbacée, annuelle, de 1,50-2,50 m. de hau-
teur. Il existe toutefois des variétés naines et
des variétés géantes. A Sumatra, des exem-
plaires de variétés géantes ont atteint une
taille de 7 mètres et plus. Les feuilles sont
alternes, entières, ovales ou lancéolées, de
dimensions variables. Il existe des variétés à
petites feuilles, notamment les Tabacs turcs,
et des variétés à grandes feuilles, chez lesquel-
les les feuilles peuvent atteindre une longueur
de 70 cm. Tiges et feuilles sont garnies de
poils glanduleux. Les fleurs sont réunies en
Pépinières de Tabac.
panicules terminales; elles sont généralement
roses ou rouges, chez certaines variétés ce- (Photo C. S. K.)
pendant blanches ou vert jaunâtre. Le calice
est soudé en forme de cloche et présente 5
réaction neutre. Les sols humides et compacts
dents, il est persistant ; la corolle est infundi-
buliforme à 5 lobes; les étamines sont au donnent des Tabacs de qualité inférieure. Le
nombre de 5, insérées au bas du tube de la Tabac est une plante exigeante. Il lui faut
des sols fertiles, d'autant plus que la durée
corolle; l'ovaire est supère, à 2-4 loges et nom-
breux ovules. Le fruit est une capsule s'ou- de sa végétation sur champ est courte.
vrant par deux valves, rarement quatre; cha- Le Tabac est une plante tropicale. Il craint
que valve se divise ensuite en deux. Les grai- le froid. Si sa culture est possible dans les
nes sont brunâtres, rondes, de très petite di- régions tempérées, c'est grâce à sa courte
mension : ± 0,5 mm. de diamètre. Un gramme végétation et au semis sous verre. Les Tabacs
en contient ± 12.000. Une plante bien déve- de qualité supérieure sont cultivés dans des
loppée peut en fournir environ 300.000. régions chaudes, à pluies abondantes. Les
Le Tabac est généralement célèbres Tabacs de Deli (Sumatra) sont culti-
autogame, quoi-
que les fleurs soient visitées par de nombreux vés à faible altitude, au-dessous de 200 m. A
insectes. Le pourcentage de croisement spon- Java également, l'altitude est généralement
tané ne serait que de 2-3 faible : 100 à 500 m. En ce qui concerne les
pluies, à Sumatra elles sont réparties sur
N. Tabacum, N. rustica et quelques autres toute l'année, à Java il y a une saison sèche.
espèces possèdent 24 chromosomes haploïdes; L'humidité atmosphérique est élevée à Suma-
N. silvestris SPEG. & COMES, N. glutinosa L., tra : 75-80 à midi, moindre à Java (Vor-
etc. en contiennent 12, et un troisième groupe, stenlanden) : 55-70 Les conditions clima-
dont N. alata LINK & OTTO et N. longiflora tiques sont donc diverses; elles le seraient
CAV., 9, Un croisement glutinosa X Tabacum encore plus si nous passions en revue un plus
a donné 72 chromosomes diploïdes, soit 2 grand nombre de pays. Les Tabacs de haute
(12 + 24) (CLAUSENet GOODSPEED). qualité ne peuvent toutefois se cultiver que
Le Tabac contient de la nicotine en pro- dans des conditions bien déterminées de sol
portion très variable, d'après les variétés et et de climat. Avant d'entreprendre des essais
les conditions de culture. Cette teneur peut dans un pays neuf, il faudra faire une étude
aller jusque 10 et au delà, chez certaines sérieuse de ces conditions.
variétés cultivées pour la nicotine (par exem-
ple la variété « Soufi »). Les tabacs fins, à Culture. — Le Tabac demande un labour
feuilles minces, en contiennent le moins. Le profond et soigneux.
Havane en contient 1-2 (sur feuilles sè- Dans les entreprises européennes, beaucoup
562 LES CULTURES COLONIALES

de soins sont consacrés à la production des été mises à germer dans des linges humides.
semences. Des plants sont choisis et auto- Celles-ci se sèment le mieux à l'arrosoir. Les
fécondés, par isolation dans des sacs en mous- graines étant très petites et exigeant (sauf
seline. Les capsules sont souvent récoltées certaines variétés) la lumière pour germer,
une à une, à mesure de leur maturité. Elles elles ne sont pas enterrées. On se contente de
sont ensuite séchées sur des linges à l'ombre tasser légèrement le sol après le semis. La
quantité nécessaire
est très faible. A Su-
matra, on utilise en
moyenne 0,5 gramme
ou 1 cc. par plate-
bande de 24X3 pieds.
On arrose régulière-
ment, de préférence
au moyen d'un pul-
vérisateur pour ne
pas déplacer les grai-
nes. Les pépinières
sont abritées. Après
quelque temps, on
soulève la couverture,
matin et soir, pour
habituer progressive-
ment les plants au
plein soleil; on aug-
mente graduellement
la durée d'exposition
Champ de Tabac au Katanga. et, vers la fin du
(Photo C. S. K.) séjour en pépinière,
on supprime tout
(par exemple dans la salle de fermentation), écran. Les soins consistent en sarclages, éclair-
pendant une quinzaine de jours, puis écrasées cissages, aspersions et autres mesures contre
à la main. Les graines sont séparées par les insectes et maladies. Comme protection
tamisage, puis triées et purifiées au moyen contre les insectes, on isole parfois complète-
de petits tarares spéciaux. Les graines sont ment les plates-bandes au moyen de tissu
encore séchécs quelque temps à l'ombre, puis, moustiquaire assez serré, que l'on soulève
à un moment où l'air est sec, enfermées dans une partie de la journée pour aérer. Dans
des flacons avec un peu de cendres sèches. ce cas, on ne donne parfois pas d'autre abri
Les flacons sont alors fermés et cachetés. Un aux plates-bandes. A Sumatra, on éclaircit de
meilleur procédé est de les conserver dans des façon à écarter les plants à 7-8 cm. ou plus,
bidons, contenant un récipient garni de chaux mais on ne repique généralement pas, sauf
vive. De bonnes graines ont un pouvoir ger- pour regarnir des plates-bandes où la germi-
minatif de 94-100 et une énergie germi- nation a. été insuffisante. Dans ce cas on
native de 85-95 Le premier pourcentage repique à l'écartement précité, à l'âge de
s'établit après 15 jours, le second indique les 25 jours environ. Lorsqu'on applique systéma-
graines germées en l'espace de 7 jours. tiquement le repiquage, comme c'était le cas à
Le semis des graines de Tabac est une opé- Yangambi, on repique à un mois environ et
ration délicate. Il se fait en pépinières pré- les plants séjournent encore un mois sur les
parées avec beaucoup de soins, travaillées nouvelles plates-bandes.
débarrassées de pierres, mor- Les distances de plantation observées
profondément,
ceaux de bois, insectes. Souvent elles sont en Indonésie sont fréquemment de 2 1/2
désinfectées ou stérilisées. Avant le semis, la à 3 pieds entre les lignes, sur 1 1/2 pied
terre est finement émiettée. Les graines de dans les lignes. On plante souvent en
Tabac étant très fines, on les mélange avec double ligne ou « en chemin de fer ». Dans ce
du sable ou des cendres, avant de procéder cas les lignes sont écartées de 1 1/2. pied par
au semis. On peut aussi les mettre en suspen- exemple et les plants dans les lignes de même,
sion dans de l'eau et semer au moyen d'un mais on les place en quinconce; les couples
arrosoir. On sème souvent des graines qui ont sont écartés de 3 pieds. A Yangambi, on avait
LES CULTURES COLONIALES 563

adopté ce mode de plantation, avec 50 cm. sur la qualité et les caractères du Tabac; il
d'écartement entre lignes et 1 m. entre en est de même du mode de séchage et de
couples. fermentation. Il est ainsi possible de répondre
A la plantation et pendant les premiers à des exigences changeantes du marché.
jours on arrose les plants. En outre, on les Lorsqu'on cueille feuille par feuille, on
abrite individuellement au moyen d'une plan- récolte chaque feuille au moment optimum.
chette (tavaillon) piquée obliquement à côté A Sumatra, les feuilles les plus basses sont
du plant ou au moyen d'une feuille. L'entre- mûres 45-50 jours après la plantation. En gé-
tien ultérieur consiste en remplacements, bi- néral, on ne récolte pas plus de deux ou au
nages, sarclages, buttages. maximum trois feuilles simultanément.
D'après le nombre de feuilles laissées aux
Après 35-40 jours, les plants ont atteint
leur complet développement et le bouton flo- plantes et la périodicité dans les cueillettes,
ral apparaît. C'est le moment de l'écimage. la récolte s'échelonne sur un ou deux mois.
Actuellement on écime généralement assez A Sumatra, on récolte 3-4 feuilles inférieures
ou sableuses (zandblad), 8-10 feuilles de pied
haut, c'est-à-dire qu'on ne supprime que le
bouton et éventuellement (voetblad), 4-6 feuilles moyennes (midden-
quelques petites
feuilles. On obtient ainsi des feuilles plus blad) et 3-4-6 feuilles supérieures ou de tête
fines et plus claires. Jadis on écimait assez (topblad). En généra], à Sumatra, on ne ré-
bas, surtout parce que l'on récoltait les plants colte que des feuilles ayant au moins 30-35
entiers; dans ces conditions un écimage haut cm. A Java, dans. les « Vorstenlanden », la
exposait les feuilles inférieures à être trop limite inférieure est de 15 cm. La classifica-
mûres au moment de la récolte. D'après le tion y est différente. On y distingue, en
sol et la vigueur des plants, on laissait de moyenne, 4 feuilles « zandblad », 8 feuilles
16 à 24 feuilles par pied. Celles-ci devenaient « voetblad », 10 feuilles « middenblad » et
plus épaisses et plus foncées, mais cela n 'avait 8 feuilles « topblad ». Le « topblad » est
guère d'inconvénient, le commerce étant alors parfois récolté en une fois, en sectionnant le
moins exigeant. L'écimage provoque la sortie sommet de la tige portant ces quelques feuil-
de gourmands, que l'on supprimait les. Celles-ci sont alors séchées comme on le
jadis.
Actuellement, on en laisse souvent 2 ou fait dans le système à récolte unique. Lors-
3, afin que les feuilles supérieures, après la qu'on récolte les plants entiers, on coupe
cueillette des inférieures, ne soient pas sur- ceux-ci lorsque la feuille supérieure est à
alimentées. Dans certaines régions, on a même point, ce qui, à Sumatra, se produit 60 à
abandonné l'écimage ou on ne le pratique 80 jours après la plantation, d'après
qu'après que l'inflorescence s'est partielle- l'altitude.
ment ou complètement développée. Dans ce
cas la feuille supérieure reste plus petite, mais Séchage. Manoquage. Fermentation. —
est plus fine et plus souple. Arrivés au séchoir, les plants sont triés sui-
vant dimension. Il en est de même des feuilles,
Récolte. — Une feuille est mûre lorsque mais ici on maintient en outre séparées les
la couleur s'éclaircit légèrement ou a tendance catégories de feuilles citées plus haut. A Su-
à devenir vert jaunâtre, ou qu'elle présente matra les plants sont fixés par 10 à une
quelques mouchetures ou points plus clairs. perche de 7 pieds. Les granges contiennent
Les bords de la feuille se bombent légèrement. un ensemble de supports sur lesquels se posent
En récoltant à ce stade, on obtient un Tabac les perches, à des intervalles réguliers assu-
plus clair et mat. En récoltant plus jeune, rant une bonne aération. Les feuilles sont
la teinte est plus foncée. De même les feuilles enfilées sur des cordes par paires adossées,
récoltées tôt dans la journée sont légèrement pour éviter quelles ne s'emboîtent. Une corde
plus foncées, mais plus mates que celles ré- en porte 40 à 50. Cette corde est ensuite ten-
coltées plus tard dans la journée. Aussi, à due le long d'une perche de 7 pieds et sou-
Sumatra, récolte-t-on actuellement plus tôt tenue en un ou plusieurs points par une petite
que jadis, même avant disparition complète ficelle liée autour de la perche. On utilise
de la rosée, étant donné qu'on obtient ainsi aussi des perches doubles, de 13 pieds, aux-
la teinte exacte exigée de ce Tabac, qui sert quelles on fixe deux guirlandes de feuilles.
de feuille de cape pour cigares. L'âge et Les perches se posent sur les supports
l'heure de récolte varient donc d'après le type précités.
de Tabac que l'on désire produire. Le mode Les granges sont construites en bois et
de culture, ainsi qu'il a été dit, influe aussi couvertes de feuilles, de façon à ce qu'elles
564 LES CULTURES COLONIALES

ne s'échauffent pas et que le séchage s'opère et ensuite les masses sont couverts de nattes.
lentement. Elles sont munies de fenêtres gar- Les tas initiaux mesurent environ 2 X 4-5 m.,
nies de volets que l'on peut ouvrir ou fermer, sur 1-1,50 m. de hauteur. Dans la suite on les
pour régler le séchage. Par temps humide, on fait de plus en plus grands, en groupant plu-
fait du feu dans les granges. Dans certains sieurs tas, afin d'obtenir une élévation de tem-
pays, le Tabac est toujours séché artificielle- pérature suffisante. Pour contrôler les tempé-
ment, soit au moyen de feux ouverts (« Fire ratures, on dispose des gaines dans les tas,
curing »), soit au moyen d'air réchauffé par souvent constituées par des tiges de bambou,
un foyer se trouvant au dehors du séchoir dans lesquelles se placent des thermomètres.
(« Flue curing »). Dès que le centre des masses atteint une tem-
Là durée du séchage naturel est très pérature suffisante, on les défait, puis on les
elle oscille entre 3 et 5 semaines reconstruit en réunissant plusieurs tas et en
variable;
environ. Le séchage des plants entiers est veillant à placer à l'intérieur les manoques
qui se trouvaient à l'extérieur. La tempéra-
plus lent que celui des feuilles détachées. Le
Tabac est suffisamment séché lorsque la ner- ture admise varie d'après le type de tabac
vure centrale est complètement sèche et qu'on produit : elle est généralement comprise entre
ne peut plus la plier sans la casser. 50 et 60 degrés; à Sumatra, on dépasse par-
fois légèrement cette dernière température et
Au cours du séchage, le Tabac est le siège on va jusque 61-62 degrés. Dans les premières
de diverses modifications chimiques (oxyda- s'élève rapidement,
masses, la température
tions, etc.). Pendant les premiers jours, il
reste vert et vivant; il continue à respirer. parfois de 5 degrés par jour; dans la suite,
l'élévation de la température est beaucoup
Après 4-5 jours, il commence à jaunir et mou- plus lente, le tabac devenant de plus en plus
rir. Finalement, après 7-10 jours, il acquiert sec. En reconstruisant les masses, on a soin
une teinte uniformément brune. Toutefois,
d'examiner les manoques et d'éliminer celles
à ce moment, les transformations internes,
qui présentent des traces de moisissures.
qui sont très importantes au point de vue de
la qualité et pour la bonne marche de la Le nombre de mises en tas varie entre
fermentation, ne sont pas terminées. C'est quatre et huit et la durée totale de la fermen-
pourquoi le Tabac doit séjourner encore quel- tation entre deux et quatre mois, parfois plus.
La fermentation est achevée lorsque la tem-
que temps dans le séchoir. Un séchage lent est
favorable parce qu'il permet des transforma- pérature des masses ne s'élève plus. Toute-
fois si le tabac reprend ultérieurement de
tions plus complètes; trop lent, il produit un
tabac foncé et parfois provoque la pourriture l'humidité, il est très souvent susceptible de
des feuilles. Si le séchage est trop rapide, les fermenter à nouveau. Seule l'expérience per-
transformations ne se produisent guère et le met de déterminer, dans chaque situation et
tabac n'acquiert pas une belle teinte. pour chaque type de tabac, la durée optimale
de fermentation ainsi que les températures
Le manoquage doit se faire à un moment
les plus favorables. Une fermentation trop
où les feuilles sont suffisamment souples,
courte donne un tabac de qualité inférieure,
sans être trop humides. En effet, les feuilles et s'avarier, voire pren-
sèches réabsorbent de l'humidité la nuit et la exposé à s'échauffer
dre feu, au cours du transport maritime.
perdent pendant la journée, ce qui fait varier D'une fermentation trop longue résulte une
leur souplesse. Le manoquage consiste à lier
dessiccation trop prononcée. Une température
le tabac en petits paquets d'une cinquantaine
de fermentation trop élevée donne au tabac
de feuilles. S'il s'agit de plants récoltés en-
commence par détacher les une teinte trop foncée, les feuilles pouvant
tiers, l'ouvrier finalement noircir. Le tabac ne peut pas être
feuilles et les trie par catégories et dimen-
mis à fermenter trop sec, sinon la tempéra-
sions. Pour le tabac récolté feuille par feuille,
ture ne s'élève pas suffisamment. Il ne peut
ce triage ayant déjà eu lieu à la récolte, l'ou-
être trop humide, sinon il se forme des taches
vrier confectionne chaque manoque au moyen
ou des stries huileuses et, éventuellement, les
des 40 ou 50 feuilles que comporte une guir-
feuilles pourrissent. Au cours d'une fermen-
lande. Les manoques sont ensuite transpor-
tation normale, le tabac dégage une odeur
tées vers la salle de fermentation.
de pain de seigle chaud; une mauvaise fer-
Le tabac est fermenté en tas, appelés mentation est caractérisée par une odeur
« masses », dans lesquels les manoques sont
désagréable d'ammoniaque.
placées en couches, les sommets des feuilles le tabac est le
étant tournés vers l'intérieur. On construit les Pendant la fermentation,
siège de multiples transformations chimiques
masses sur un plancher en bois. Le plancher
LES CULTURES COLONIALES 565

et enzymatiques. La couleur des feuilles se lia technique de l'hybridation est aisée. On


modifie et s'uniformise. Le tabac perd de châtre la veille de l'ouverture de la fleur, de
l'eau et diverses substances sont éliminées, préférence le soir. On fend la corolle et on
notamment les matières protéiques qui nui- l'entr'ouvre, puis on retire les cinq étamincs
sent à la qualité et au goût. La teneur en en les saisissant par le filet au moyen d'une
nicotine diminue. pincette. Toutes les fleurs non châtrées, ou
Après la fermentation, les manoqucs sont
défaites et le tabac est trié une dernière fois,
en tenant compte de la dimension, de la
teinte, de l'épaisseur, de défauts éventuels,
etc. On distingue un grand nombre de qua-
lités différentes. Le tabac est ensuite lié à
nouveau en manoques, d'une quarantaine de
feuilles. Dans certaines régions on trie sim-
plement les manoques, sans les ouvrir.
Le tabac est finalement emballé en balles
de poids uniforme : par exemple 80 ou 100
kgrs. A Sumatra il subit, avant l'emballage,
une dernière fermentation à température
modérée.

RENDEMENT.— Les productions sont très Tabac « Magaliesberg ».


variables. Le rendement quantitatif n'a sou-
vent qu'une importance secondaire, la qualité (Photo C. S. K.)
primant. Mille kilos à l'Ha constituent un
bon rendement pour un tabac de qualité. A
ayant déjà fleuri, sont coupées. On isole en-
Sumatra et Java, les récoltes sont en moyenne suite au moyen d'un sac de grande dimen-
de 1000 à 1200 kgrs. En Belgique, elles va-
rient entre 2000 et 3000 kgrs. sion, en papier ou en mousseline. On a soin
de tuteurer les plants traités et de fixer le
Le tabac perd 85 à 90 de son poids par sac au tuteur, afin qu'ils ne soient pas ren-
séchage. Sec, il perd encore 8 à 12 de son versés par le vent. La pollinisation a lieu le
poids au cours de la fermentation. Cent kilos lendemain, vers 10 heures ou un peu plus
de tabac vert donnent donc 8,8 à 13,2 kgrs tard, pendant les heures chaudes de la jour
de tabac marchand. née. On utilise des anthères ou du pollen
fournis par la plante paternelle et les dépose
Amélioration. — Nous avons vu que le sur le stigmate au moyen d'une lancette ou
Tabac présente un certain pourcentage de d'une plume en acier. On maintient l'isola-
croisement spontané. Heureusement l'autofé- tion jusqu'à la récolte, mais on ouvre de
condation artificielle est facile à réaliser et, temps à autre pour aérer, enlever les fleurs
même répétée, elle n'a aucune influence dé- tombées, qui sinon pourraient moisir, et cou-
favorable ni sur la fructification, ni sur la per les gourmands qui se forment.
vigueur végétative et la production de feuil- Lorsqu'on applique l'autofécondation en
les. On pourra donc appliquer les méthodes grand, pour la production des semences né-
de sélection propres aux plantes autogames, cessaires aux cultures, on peut cependant,
sauf à utiliser l'autofécondation artificielle. pour la commodité, retirer les sacs d'isolation
Celle-ci ne doit être opérée que sur un nombre après quelques jours.
relativement petit de plantes, vu que la quan-
tité de graincs produites est énorme. KOLATIER.
Les points importants en sélection sont :
la « qualité », c'est-à-dire : dimension et Les Kolatiers sont originaires d'Afrique
forme de la feuille en rapport avec sa desti- tropicale. Ils ont été introduits dans toutes les
nation, finesse de la feuille et des nervures, régions tropicales, mais la culture n'a acquis
couleur, poids spécifique, élasticité, force ou nulle part une réelle importance. Le princi-
teneur en nicotine, arôme, combustibilité. pal producteur est resté l'Afrique, en parti-
goût, arôme à la combustion, etc.; la résis- culier l'Afrique occidentale, qui produit an-
tance aux maladies et insectes ; le rendement ; nuellement environ 20.000 tonnes de noix de
la précocité; etc. kola. Parmi les autres pays où la culture se
566 LES CULTURES COLONIALES

pratique, on peut citer Ceylan, Java, les An- fois plus. Il y a donc ramiflorie, mais celle-ci
tilles, le Brésil. Une grande partie de la pro- est moins prononcée que chez le Cacaoyer. Les
duction africaine est consommée sur place inflorescences se composent d'un petit nom-
par les indigènes, qui sont d'ailleurs prati- bre de fleurs. Beaucoup d'arbres ne portent
quement les seuls planteurs. pratiquement que des fleurs mâles, tandis que
Les. Kolatiers appartiennent au genre Cola les autres portent généralement à côté d'in-
florescences mâles, des inflorescences com-
posées de fleurs hermaphrodites, à la base, et
de fleurs mâles au sommet. Parfois fleurs
mâles et hermaphrodites sont mélangées, mais
le nombre de fleurs mâles l'emporte pratique-
ment toujours. Il ne semble pas exister de
Kolatiers ne portant que des fleurs herma-
phrodites. Les fleurs des deux catégories sont
dépourvues de corolle; elles ne comportent
qu'un calice à 5 sépales partiellement soudés
en forme de coupe, jaune blanchâtre à l'ex-
térieur, bordés de pourpre à l'intérieur. Les
fleurs hermaphrodites possèdent un ovaire su-
père, porté sur un prolongement du récep-
tacle floral ou gynophore. L'ovaire semble
de ce fait porté sur un pédoncule. Le gyno-
phore porte un double rang de 10 anthères
sessiles. L'ovaire se compose de 5-6 carpelles
libres, surmontés chacun d'un stigmate sessile
et contenant chacun 6 à 16 ovules. Les fleurs
mâles contiennent deux rangs de 10 anthères
sessiles, portées sur une petite colonne, cor-
respondant au gynophore des fleurs herma-
phrodites. Les Kolatiers fleurissent et fructi-
fient toute l'année. Le fruit est un schizocar-
pe, composé de 4-5, parfois 6 segments li-
Plantation de Kolatiers gneux, généralement indéhiscents, disposés
à l'ancienne Station de Congo da Lemba. en étoile. La forme et les dimensions des seg-
(Photo Musée du Congo Belge.) ments varient d'après les espèces et les va-
riétés. Chaque segment contient 5 à 9 graines,

de la famille des Sterculiacées. CHEVALIER


divise le genre en deux sections : Eucola et
Macrocola. Seuls les Eucolae sont importants
comme producteurs de noix de kola. Ils se
divisent en deux groupes. Le premier possède
des graines à deux cotylédons et ne contient
que l'espèce Cola nitida (VENT.) CHEV. Dans
le second groupe, il y a plusieurs cotylédons.
Il comprend notamment les espèces : Cola
acuminata SCHOTT. & ENDL., C. verticillata
STAPF., C. Ballayi CORNU, etc. Cola nitida
fournit le meilleur produit.
Les Kolatiers, de la section Eucola" sont des Kola. A gauche fruit (1/4,7 grandeur naturelle).
arbres de 6-15 m. et plus. Les feuilles sont A droite segmentouvert, avec graines (1/2,6 grand, nat.)
alternes, coriaces, ovales ou oblongues, acu- (Extrait de SPRECHER V. BERNEGG.)
minées, vert foncé, mesurant 10-15-30 X 3-5-
12 cm. Comme chez les Cacaoyers, le pétiole
présente à ses deux extrémités une articula- désignées à tort sous le nom de noix. Le
tion permettant à la feuille de s'orienter sui- poids moyen d'un fruit frais varie entre 1,5
vant l'intensité lumineuse. Les inflorescences et 1,7 kgr.; il peut atteindre un maximum
sont portées par du bois âgé de 2-4 ans, par- de 3,5 kgrs. Le poids d'une graine est com-
LES CULTURES COLONIALES 567

pris entre 8 et 25 grammes, mais peut dépas- l'Inde, on prépare la drogue pure, séparée
ser 50 grammes. La graine est entourée d'un par battage ou secouage, sous forme d'une
arille charnu, blanc, épais de 3-5 mm. Le fine poudre. Le « haschisch » des Arabes
fruit mûr a une coloration brun jaunâtre. est constitué par les feuilles séchées; ce
La graine sèche est brune. produit se fume ou se mâche. Le Chanvre est
Le Kolatier est une plante de sous-bois. Il également utilisé sous cette forme, dans l'Inde
faut donc le cultiver sous ombrage. Les indi- et ailleurs, notamment au Congo.
gènes d'Afrique se contentent souvent d'ex-
ploiter les Kolatiers de forêt, auxquels ils
donnent quelques soins : dégagement, etc. CHAPITRE IX.
Il demande un climat chaud et humide. La
multiplication a lieu par semis en place ou en
PLANTES MEDICINALES ET
pépinière. Dans le second cas on n'utilise pas
de germoirs, car le Kolatier supporte assez INSECTICIDES.
mal le repiquage. Les indigènes multiplient
aussi par bouturage et marcottage. L'arbre QUINQUINA.
prenant un fort développement (pour une
L'usage des écorces de Quinquina est connu
plante de culture), il lui faut de grands écar- des Européens depuis le début du XVIIme
tements, par exemple 10 X 10 m. Comme siècle. 11 ne s'est cependant établi régulière-
ombrage, il faut prendre des essences de
ment qu'à partir de 1640, suite à la cure
grande taille ou de préférence utiliser l'om- suivie avec succès par la Comtesse del Chin-
brage forestier (abatage partiel), les Kola-
tiers n'étant chon, épouse du vice-roi du Pérou. A partir
pas écimés et atteignant donc
de ce moment on commença à importer les
une grande hauteur. La culture intercalaire
écorces de Quinquina en Europe. Jusque vers
s'indique dans les débuts, d'autant plus que était le seul producteur.
la production est tardive. Les Kolatiers 1880, l'Amérique
Les écorces provenaient principalement des
commencent à produire à 7 ans, mais la pro-
duction n'acquiert une certaine importance peuplements naturels et, pour une très faible
part, de plantations. Les exportations améri-
qu'à 10-15 ans. La pleine production est at-
caines s'élevèrent à environ 300 T. à la fin du
teinte vers 20-30 ans et semble pouvoir se
XVIIIme siècle et à 9.800 T. en 1882, année
maintenir jusque 75 ans et plus. Le fruit au cours de laquelle le maximum fut atteint.
mûrit en 7-8 mois. Il existe peu de données
Elles entrèrent ensuite en régression.
certaines sur le rendement. Celui-ci semble
être très irrégulier. D'après SPRECHERv. BER- De peur de voir s'épuiser les peuplements,
NEGG, un arbre adulte pourrait produire, en en l'absence de régénération rationnelle, plu-
bonnes conditions, 10-16 kgrs de noix et un sieurs pays européens cherchèrent à intro-
hectare, à 100 arbres, 1000 kgrs. duire le Quinquina dans leurs colonies. La
première introduction à Java date de 1852.
CHANVRE. Entretemps l'exportation de semences et de
plants avait été interdite par les divers Etats
Les indigènes de diverses régions tropicales, sud-américains. Au cours de cette même année
notamment du Congo Belge, fument le Chan- 1852, le Gouvernement hollandais envoyait
vre, dont l'action est analogue à celle de HASSKARLen mission secrète pour récolter du
l'Opium. Cette pratique, de même que la matériel de plantation. Deux ans plus tard,
culture de la plante, sont interdites au Congo. il embarquait ce matériel sur un navire de
Il s'agit en l'occurrence du Chanvre indien, guerre spécialement envoyé dans ce but. En
Cannabis sativa L. var. indica,. de la famille 1865, l'Anglais George Ledger offrit en vente
des Cannabinacées. La substance active est au Gouvernement anglais des semences que
une résine à propriétés narcotiques, sécrétée son frère CHARLESLEDGER avait récoltées en
par les poils glanduleux que portent les som- Bolivie et au Pérou. Le Gouvernement anglais
mets des tiges et des inflorescences des plants refusa. Les graines furent alors offertes au
femelles. Cette sécrétion a lieu surtout à par- Gouvernement hollandais qui en acheta une
tir de la floraison. Les autres parties de la partie. Il apparut plus tard que ces semences
plante sécrètent cette même résine en moindre appartenaient à une espèce supérieure à tou-
quantité. D'après WILLIS (« Agriculture in tes les espèces connues antérieurement. Dans
the Tropics ») on arrache les pieds mâles la suite, le Gouvernement anglais acheta
dans les champs, car si les plants femelles sont quand même de ces graines, mais elles
fécondés, la drogue ne se forme pas. Dans n'avaient plus qu'un faible pouvoir germi-
568 LES CULTURES COLONIALES

natif. Les planteurs des Indes et de Ceylan En 1948, les expéditions ont atteint 551 T.
continuèrent à préférer les anciennes espèces. d'écorces; celles de 1949, 1.165 T.
La culture du Quinquina se développa sur- De nombreux autres pays tentent de déve-
tout à Java, Ceylan et aux Indes. Ceylan fut, lopper la culture dans leurs colonies. Même
à certain moment, le principal producteur : la Russie fait des essais dans les régions du
7000 T. en 1887. Dans la suite la culture y Sud.
Il existe certains produits synthétiques, par
exemple la plasmoquine, l'atébrine, la palu-
drine, qui remplacent la quinine ou complè-
tent son action. Il ne semble pas, cependant,
qu'ils puissent constituer actuellement des
concurrents dangereux pour la quinine. De la
quinine synthétique a été fabriquée au cours
de cette guerre. Toutefois le prix de revient
est beaucoup plus élevé que celui de la qui-
nine naturelle, si bien qu'on reviendra cer-
tainement à celle-ci, dès que les circonstan-
ces seront redevenues normales. D'autres pro-
duits synthétiques ont été réalisés, à plus bas
prix, mais leur toxicité constitue une infé-
riorité vis-à-vis de la quinine.
Graines, capsules et feuilles de C. succirubra (A. B. C.)
et de C. Ledgeriana (a. b. c.»,- A et a : 3 x. — Origine et description botanique. — Les
B et b : 1/1,7. — C : 1/16,5. — c : 1/10. sont originaires des versants
Quinquinas
(Dessin HENDRICKXJ orientaux boisés des Andes, entre 19° S. et
10° N. On les rencontre donc en Bolivie, au
Pérou, en Equateur, en Colombie et dans
fut abandonnée, devant la concurrence de une petite partie du Vénézuéla. La plupart
Java qui possédait les espèces les plus riches. des espèces croissent à haute altitude, entre
Actuellement, Java fournit environ 90 1000 et 3000 m. Cinchona succirubra PAVON,
de la production mondiale, tandis que la du Pérou et de l'Equateur, se rencontre ce-
production américaine est devenue négli- pendant aussi à altitude relativement basse,
geable. jusque 700 et même 500 m.
Voici les statistiques pour 1938 : Indes Le genre Cinchona, dédié à la Comtesse del
néerlandaises 11.188 T., Inde anglaise 900 T., Chinchon, appartient à la famille des Rubia-
Ceylan 70 T., Indochine 19 T., Bolivie 885 T., cées, sous-famille des Cinchonoïdées. Il com-
Pérou 83 T., Equateur 73 T., San Thomé
porte un nombre assez élevé d'espèces, dont
43 T. Production mondiale 12.488 T., dont une trentaine sont bien connues. Parmi celles-
89,6 pour les Indes néerlandaises. Expri- ci, quatre ou cinq sont importantes à des
mée en sulfate de quinine, la production indo- degrés divers : C. Calisaya WEDDELL et
néerlandaise équivaut à 644.587 kgrs. C. Ledgeriana MOENS, C. succirubra PAVON,
Au Congo Belge, on s'intéresse depuis C. officinalis L. et C. robusta TRIMEN. Les
quelques années à la culture des Quinquinas. deux dernières sont beaucoup moins impor-
Les premières importations de semences et tantes. A Java, on ne cultive que le Ledge-
plants datent de 1901. En 1939, la surface riana qui fournit les « écorces industrielles »
des plantations du Kivu ne devait guère dé- dont on extrait les sels de quinine et le
passer 100 Ha. Pendant la guerre de grandes succirubra qui fournit les « écorces pharma-
extensions ont été réalisées. En 1948 la sur- ceutiques ».
face atteignait 4.537 Ha; la production fut Les Quinquinas sont des arbres ou des
de 919 T. d'écorces. Il s'agit pour une bonne arbustes toujours verts. Ils peuvent atteindre
part encore de jeunes plantations. Il existe une hauteur de 30 m. et un diamètre d'envi-
aussi des plantations indigènes au Kivu et ron 50 cm. Les feuilles sont simples, opposées,
au Ruanda-Urundi. à bords entiers, lancéolées à suborbiculaires,
Une usine pour le traitement des écorces glabres ou velues. Entre les insertions foliai-
a été construite à Costermansville. La pro- res se trouvent deux stipules soudées ensem-
duction actuelle permet déjà de couvrir les ble qui, à l'opposé de celles du Caféier, sont
besoins en quinine du Congo et d'exporter. caduques. La couleur varie du vert clair au
LES CULTURES COLONIALES 569

vert foncé. Les nervures sont parfois rouges capsule qui s'ouvre à maturité par le milieu,
(C. officinalis). Les fleurs sont réunies en de bas en haut, en deux valves, tandis que
panicules; elles sont courtement pédonculées le pédoncule se fend. Il contient de 12 à
et munies de petites bractées. Elles possèdent 28 graines plates, minces, entourées d'une
un ovaire infère biloculaire, contenant plu- aile large. A l'état sec, ces graines sont jau-
sieurs ovules fixés à la paroi centrale. Le style, nes à brun marron. Cette dernière coloration
qui est surmonté d'un stigmate bifide, est se présente notamment chez C. officinalis.
entouré à sa base d'un disque nectarifère, la Elles sont très petites : 7-10 X 2-3 mm. et
seule partie de la plante qui n'ait pas un environ 2.000.000 de graines au kilo chez
goût amer. Le calice est court, soudé, pré- C. succirubra; 4-5 X 1-1,5 mm. et environ
3.500.000 graines au kilo chez C. Ledgeriana.
La germination est épigée.
D'après MENDES, le nombre de chromo-
somes est de 17 à l'état haploïde chez C. Ca-
lisaya et Ledgeriana.
DE POERCK (Mulungu) a trouvé également
17 chromosomes chez C. succirubra.
Les Quinquinas contiennent divers alca-
loïdes, dont le plus important est la quinine,
utilisée comme remède et préventif contre la
malaria. Plusieurs des alcaloïdes secondaires
ont aussi une certaine efficacité. Les alca-
loïdes se trouvent principalement dans l'écor-
ce du tronc, des branches et des racines. La
teneur varie suivant les espèces, l'âge, la
i' hauteur, l'organe et divers facteurs extérieurs.
Fleurs de C. Ledgeriana. Voir plus loin.

A : aspect extérieur. — B : corolle de fleur macrostyle


(déployée). — C : fleur microstyle. — (1,8 x). CARACTÈRES DISTINCTIFS DES PRINCIPALES
ESPÈCES. — Cinchona Ledgeriana MOENS. -
(Dessin HENDRICKX.) Originaire de Bolivie et du Pérou. Découvert
par LEDGER vers 1865 et décrit à Java par
MOENS. Noms vulgaires : «Quinquina jaune»,
sentant cinq dents. La corolle est soudée en
un tube long, terminé par cinq lobes ou lèvres « Gele Kina », « Yellow bark ». L'espèce est
certainement voisine de C. Calisaya WEDDELL,
allongés ou ovales, garnis sur leur face inter-
ne (c'est-à-dire de nombreux qui est originaire du Nord de la Bolivie et
supérieure) du Sud du Pérou, où il fut découvert par
poils charnus. Les étamines sont au nombre
de cinq, soudées à la corolle et alternant WEDDELL, en 1846. C'est la première espèce
avec les lobes. Les fleurs sont hétérostyles importée à Java, en 1852. Elle porte les
:
mêmes noms vulgaires que C. Ledgeriana et
certains pieds portent des fleurs macrostyles,
en outre celui de « Koningskina ». MOENS et
c'est-à-dire à styles longs et étamines courtes;
d'autres auteurs regardent le Ledgeriana
d'autres des fleurs microstyles, c'est-à-dire
comme la forme originale du Calisaya.
à styles courts et étamines longues. Un même
pied ne porte jamais les deux sortes de fleurs. PRUDHOMME,au contraire, considère le Led-
La pollinisation a lieu à l'intervention d'in- geriana comme une variété de C. Calisaya.
sectes et il faut la présence, dans la même C. Ledgeriana se caractérise particulière-
plantation, d'arbres macrostyles et microsty- ment par une écorce épaisse et très riche en
les pour obtenir une fructification normale. alcaloïdes, surtout en quinine (4-13 %). Les
Les fleurs sont blanches à jaune crême chez caractères morphologiques les plus saillants
C. Ledgeriana, plus ou moins roses chez C. sont : couronne pyramidale, ce qui le distin-
Calisaya, succirubra,. etc., violettes ou pour- gue des autres espèces; branches formant un
pres chez C. officinalis et C. lancifolia MUTIS. angle très aigu avec le tronc ; taille relative-
Elles répandent généralement un parfum ment petite : en culture il a souvent tendance
agréable, analogue à celui du Jasmin. Entre à rester buissonnant, à Java il existe cepen-
]a floraison et la maturité, il s'écoule environ dant de vieux exemplaires de ± 25 m. ; flo-
huit mois. Le fruit surmonté du calice, qui raison tardive : généralement pas avant
est persistant, est ovale ou lancéolé. C'est une 7 ans, quoique le sol, l'altitude et le climat
570 LES CULTURES COLONIALES

aient une grande influence; feuilles présen- Au Kivu, STOFFELS constate la même chose.
tant des domaties et ayant une coloration vert Les terrains plats conviennent aussi, à condi-
sombre, mat ou brillant, le type à feuilles tion que le sol et le sous-sol soient bien drainés
mates étant le meilleur (GROOTHOFF); longues (perméables). La perméabilité et la grande
de 20-28 cm. et larges de 4-5 à 9-13 cm., profondeur sont des points essentiels pour le
d'après leur position, les jeunes branches por- Quinquina. Le sol doit être riche en humus,
tant des feuilles larges, les branches plus limoneux ou sablo-limoneux. S'il doit être
âgées et surtout les branches florifères por- perméable, il faut cependant qu'il ait une
tant des feuilles étroites; fleurs en panicules bonne capacité de rétention de l'eau, surtout
terminales de 5-10 cm. de long, blanches à s'il y a une saison sèche. Les sols forestiers
jaune crème, longues de ± 12 mm.; fruits de sont les meilleurs. En ce qui concerne la
8-12 X 3-4 mm.; graines de 4-5 X 1-1,5 mm. réaction, on a constaté, à Java, que les Quin-
quinas poussent le mieux si le pH est compris
Cinchona succirubra PAVON. — Originaire entre 4,5 et 6,5, l'optimum étant 5,6. Le pH.
du Pérou et de l'Equateur. SPRUCE l'intro- des sols du Kivu est précisément compris en-
duisit aux Indes anglaiser, d'où Java en tre ces limites (STOFFELS). En Russie cepen-
reçut quelques plants en 1862. Noms vulgai- dant, d'après OZEROV, il serait apparu que
res : « Quinquina rouge », « Roode Kina », le mieux est un sol légèrement alcalin, à pH.
« Roode basten », « Red bark ». Il est pauvre d'environ 7,3 à 8, avec comme optimum 7,6.
en quinine (1,5 à 4 %), mais riche en alcaloï-
des secondaires. C. succirubra est de grande Climat. — Au début, à Java, les essais se
taille, à tronc régulier, présentant une hau- firent principalement entre 1400 et 1800 m.,
teur de fût d'environ 6 m. Ses autres carac- où l'on s'attendait à rencontrer un climat
téristiques sont les suivantes : feuilles ovales analogue à celui des pays d'origine. On
et larges, de ± 45-50 X 35-40 cm., vert clair : s'aperçut vite cependant que l'on peut élargir
inflorescences garnissant les extrémités des ces limites. VAN LEERSUMobserve, d'ailleurs
branches sur une assez grande longueur, lon- très justement, qu'en Amérique les limites
gues elles-mêmes de 5 à 30 cm. ; fleurs roses, anciennes des Quinquinas s'abaissaient pro-
sauf la partie supérieure des lobes qui est bablement plus bas que celles constatées par
blanche avec une ligne rose centrale, mesu- les différents botanistes et voyageurs. En
rant 15-21 mm.; fruits de 29-38 X 7-8 mm. ; effet, l'exploitation, il faut entendre « des-
graines de 7-10 X 2-3 mm. Cette espèce est truction », s'adressant de préférence aux peu-
moins exigeante quant au sol, plus rustique, plements les plus accessibles, avait déplacé
moins sensible aux maladies que le Ledge- la limite inférieure de leur extension, déjà à
riana. Elle convient donc comme sujet de cette époque. Actuellement on admet, à Java,
greffe. Elle se bouture aisément. que le Ledgeriana peut se cultiver entre 900
ou 1000 et 2000 m. d'altitude. Au-dessous de
Cinchona officinalis L. — Originaire du
900 m. les arbres poussent rapidement, mais
Sud de l'Equateur. C'est l'espèce la moins
meurent plus tôt. Au delà de 2000 m. la
vigoureuse et croissant aux plus hautes alti- croissance est très lente et les arbres, surtout
tudes. Elle a les feuilles minces, vert foncé
les jeunes sujets, souffrent des froids noc-
brillant, à nervures rouges et les fleurs pour- turnes. Le succirubra peut se cultiver entre
pres. Elle est connue sous un grand nombre des limites plus larges : à Java, on indique
de dénominations : « Quinquina gris »,
« Quinquina de Loxa », « Kroon-kina », généralement 800 à 2.200 m. Il est plus rus-
« Bruine Kina », « Huanuco-bast », « Loja- tique et il supporte aussi des climats plus
basten », « Kroonbasten », « Crown bark », chauds, pouvant descendre à 700 et même
à 500 m. et plus bas. De façon générale, la
« Brown bark », « Pale bark ». SPRUCE et
culture des Quinquinas est impossible là où
CROSSla découvrirent en 1860-61.
la température descend souvent vers 0°. L'es-
Cinchona robusta TRIMEN. — Cette espèce pèce la plus résistante au froid est C. offici-
est considérée comme un hybride entre succi- nalis qui peut supporter des gelées de courte
rubra et officinalis. Elle fut introduite de durée, n'allant toutefois pas jusque —2°. Elle
l'Inde à Java en 1882. Elle est particulière- peut se cultiver jusque 2.500-3.000. voire
ment riche en cinchonidine, un des alcaloïdes 3.400 m. Aux altitudes de 2.000-2.500 m.
accessoires. VAN LEERSUMlui préfère toutefois C. robusta.
En ce qui concerne la température, GROOT-
Sol. — A Java les Quinquinas se dévelop- HOFF dit que les régions à Quinquinas de
pent le mieux sur des terrains en pente légère. Java ont une température diurne variant
LES CULTURES COLONIALES 571

entre 12 et 30° et une température nocturne on augmente quelque peu le produit des
allant de 8 à 15°. En Amérique du Sud, éclaircies. En outre on a constaté, à Java,
d'après VAN LEERSUM,la température moyen- que lorsque les rayons solaires n'atteignent
ne annuelle est de 15°5 vers 2.000 m. d'alti- plus le sol, les attaques d'Helopeltis cessent
tude. Au Kivu, les températures se rappro- ou diminuent très fort. Les écartements indi-
chent de ces chiffres; en outre les écarts qués se rapportent au Ledgeriana. Beaucoup
entre les différents mois de l'année sont très de plantations sont même établies à 3 X 3
faibles i1), ce qui est favorable aux Quin- pieds seulement. Les succirubra et robusta se
quinas. A Tshibinda (altitude 2070 m.) la plantent au moins à 4 X 4 pieds ou à 5 X
température moyenne annuelle est de 16°; 5 pieds. Pour le Kivu, STOFFELS conseille de
à Kabare (altitude 1925 m.) elle est de 16°8. planter le Ledgeriana à 90 X 90, ou même
En Amérique, les Quinquinas poussent 80 X 80 cm.
dans des régions à pluies abondantes et forte
humidité atmosphérique. Il y a toutefois lieu — Les Quinquinas se mul-
Multiplication.
de tenir compte de la régression qu'a subi tiplient par semis, bouturage ou greffage.
leur aire d'extension. Il se pourrait donc que
leurs exigences ne soient pas aussi étroites. SEMIS. — Les semences sont très coûteuses.
De fait, les Quinquinas résistent mieux à la Vers 1930 on les payait, à Java, environ
150 frs le gramme pour le Ledgeriana et
sécheresse qu'on ne le croyait anciennement.
On continue cependant, à Java, à exiger 2.500 35-40 frs pour le succirubra. On compte
à 3.500 mm. de pluies bien réparties, à con- qu'un gramme donne environ 1.200 plants à
dition que le sol soit suffisamment la mise en place et qu'il faut environ 10 gram-
perméable.
mes à l'hectare. Il est donc souhaitable de
Au Kivu pourtant ils se développent parfai-
tement avec 1.500-1.900 mm. d'eau. Quant créer des jardins semenciers. On établit ces
parcelles en forêt pour exclure l'apport de
au drgré hygrométrique moyen il est de 76
à Mulungu. pollen inférieur. Ces jardins subissent une
certaine sélection, c'est-à-dire que l'on sup-
Signalons, pour terminer, que les Quinqui- pas à un
nas craignent les vents violents. prime les arbres ne répondant
ensemble de qualités. Voir à ce sujet au para-
graphe de l'Amélioration. Si le nombre d'ar-
Préparation du sol. — Elle comporte le bres éliminés est grand, on peut regarnir la
défrichement ou le redéfrichement et, géné- parcelle au moyen de greffes des meilleurs
ralement, le terrassement. Ces opérations ont arbres et s'assurer ainsi un nombre suffisant
été décrites ailleurs. Parfois on défonce toute de semenciers de haute valeur.
la surface du terrain, comme pour le Théier,
allant même jusque 60 cm. Les Quinquinas C. succirubra et officinalis fleurissent toute
se plantent d'ailleurs aussi très serrés. Les l'année, tandis que chez le Ledgeriana la flo-
trous de plantation ont généralement 60 cm.raison est saisonnière. On récolte en cueillant
de côté, lorsque le terrain n'est pas défoncé; les inflorescences entières, dès que quelques
lorsqu'il l'a été, on se contente de trous de fruits éclatent. On les met à sécher à l'ombre,
30 cm. creusés au moment de la mise en dans un courant d'air (sous un hangar), sur
place. Sur redéfrichement il est utile, avant des linges ou dans des boîtes recouvertes de
plantation, de faire une culture de Lupins tissu moustiquaire. Ces boîtes peuvent être
ou d'autres engrais verts à enfouir. A Java, placées chaque jour au soleil pendant quel-
on espace en moyenne à 4 X 4 pieds. Toute- ques heures. Pendant le séchage, les capsules
fois le nombre théorique de plants n'est le incomplètement mûres achèvent leur matura-
plus souvent pas atteint, à cause des obsta- tion. On nettoie et on tamise ensuite les
cles : terrasses, fossés, troncs. Aussi, pour com- graines, puis on les trie sur une plaque de
penser, adopte-t-on un écartement plus petit verre mat éclairée par le bas au moyen d'une
sur les terrains incomplètement dégagés ou lampe ou d'une 'ampoule électrique, pour
en forte pente : par exemple 2 1/2-3 pieds éliminer les graines non mûres. On peut aussi
dans les lignes, c'est-à-dire suivant les ter- le faire sur une feuille de papier blanc. Les
rasses. De même sur sol de qualité inférieure. semences doivent se' conserver à l'abri de
Ainsi le terrain est plus vite ombragé, les l'humidité. Ceci se réalise le mieux en utili-
mauvaises herbes ne peuvent se développer et sant des exsiccateurs ou des bocaux contenant
des petits flacons de chlorure de calcium. Il
(1) Ils n'atteignent que ± 1° entre moyennes men- faut placer les bocaux à l'obscurité ou em-
suelles. ployer des bocaux en verre foncé. Les semen-
572 LES CULTURES COLONIALES

ces peuvent se conserver pendant quelques à 5 mois. La germination demandant environ


mois ou, en utilisant des exsiccateurs, quel- un mois, on sème donc souvent 6 mois au
ques années. moins avant le début de la mousson pluvieuse.
Ensemencement. — Après avoir humecté
les plates-bandes, on sème à la volée 3-4 gram-
mes de semences par mètre carré; on ne
recouvre pas les graines, car elles ont besoin
de lumière pour germer. Immédiatement
après le semis, on arrose à nouveau pour
assurer le contact des graines avec le sol.
Tous les arrosages doivent se faire au pulvé-
risateur, en tenant l'ajutage à 1 m. du sol,
pour ne pas déplacer les graines. C'est la
raison pour laquelle on abrite les plates-ban-
des contre les pluies. L'eau d'arrosage doit
tomber sous forme d'une légère bruine. L'ar-
rosage est une opération délicate : l'excès
d'humidité amène la pourriture des semences,
le manque provoque la dessiccation et la mort
des graines. Il faut que celles-ci restent en
contact avec le sol. Au début on pulvérise
généralement deux fois par jour, par exemple
pendant la première semaine, puis une fois
et plus tard une fois tous les deux jours.
Germoirs de Quinquinas au Kivu. Jadis on fermait les abris jusqu'au début de
(Photo SLADDEN.) la germination; actuellement on ouvre sou-
vent les claies pendant le jour, pour laisser
pénétrer l'air et une lumière diffuse. Une
GERMOIRS.— Jadis on semait sous verre, à fois la germination en cours, il faut bien
Java. Celà se fait encore pour de petits lots surveiller les arrosages et éviter l'excès d'eau.
de semences, en sélection. Des paillassons as- C'est surtout alors que l'aération et un éclai-
surent l'ombrage nécessaire. rage diffus sont importants. D'après la situa-
Actuellement on sème à l'air, sous abri. On tion, la germination débute après 3 ou 4 se-
établit des plates-bandes de 75-80 cm. de maines. Si des champignons apparaissent (1).
large et environ 4 m. de long. On les entoure il faut enlever la partie atteinte — terre et
de rondins (troncs de Quinquinas par exem- graines -, la saupoudrer de cendres ou de
ple) pour éviter l'érosion des bords. Au préa- soufre et éviter de l'arroser.
lable on les travaille soigneusement : on retire — L'époque du repiquage
on Pépinières.
le sol sur 3/4 à 1 pied de profondeur, varie avec l'altitude. A Java on repique gé-
ameublit profondément le sous-sol, puis on
néralement après 5-6 mois, les plants ayant
replace le sol après l'avoir soigneusement alors une hauteur de 3-4 cm. Au Kivu,
tamisé pour éliminer pierres, morceaux de STOFFELSattend jusqu'à ce qu'ils aient 6 cm.,
bois ou racines, insectes, etc. On termine en ce qui correspond à 7 mois d'âge à 1650 m.
recouvrant d'une bonne couche de terreau et Il mois à 1860 m.
de forêt. On abrite soigneusement en construi-
Les pépinières sont labourées à 60 cm. de
sant sur chaque lit une cabane, composée d'un
toit fortement incliné et complètement étan- profondeur et débarrassées des morceaux de
che aux pluies, de parois postérieure et laté- bois, racines, pierres. Il est bon d'y épandrc
rales (en bambou tressé par exemple) et munie quelques centimètres de terreau. On repique
à l'avant d'un auvent et d'une claie verticale à 8 X 8 cm., si l'on se propose de repiquer
sont orientées Est- deux fois, sinon, et c'est le cas général actuel-
mobile. Les plates-bandes
lement, à 12 cm. STOFFELS repique à 25 X
Ouest, la face antérieure étant au Nord. Il 10 cm.
existe évidemment d'autres types d'abris, par
Au-dessus des lits on établit un canevas de
exemple celui représenté sur la figure.
On choisit l'époque des semis de telle sorte
que le repiquage coïncide avec le début de la (1) Ceci se produit souvent lorsque des graines non
saison des pluies. A Java, on repique souvent mûres sont restées parmi la semence.
LES CULTURES COLONIALES 573

lattes ou de baguettes à 30 cm. de haut et on étant pauvre en quinine, il produit des raci-
le couvre d'une couche de fougères ou d'her- nes moins riches que le reste de l'arbre. Aussi,
bes. Latéralement on suspend des paillassons lorsque le sol est de qualité suffisante, pré-
confectionnés avec les mêmes matériaux. Dans fère-t-on, à Java, greffer sur hybride succi-
la suite le plafond est placé de plus en plus
haut. On le soulève pour les arrosages. Cet
écran protège les plants contre le soleil et le,
choc des gouttes de pluie. Après 3 mois envi-
ron, on supprime les paillassons latéraux,
pour habituer progressivement les plants à la
lumière, puis peu à peu on éclaircit le plafond,
pour le supprimer finalement. Si l'on éclaircit
trop rapidement l'écran, cela se traduit par
un rougissement des feuilles. A Java, on met
en place définitive après 18 à 24 mois, comp-
tés à partir de la germination. Au Kivu, on
plante après 8-10 mois de pépinière, soit
15-21 mois depuis le semis; les plants ont
alors une taille d'environ 25 cm.

Greffage du Quinquina :
1 = Greffe en fente de côté.
2 = Greffe de côté sous écorce.

Pépinières de Quinquinas à Tjinjiroean (Java).


rubra X Ledgeriana. La vigueur des arbres
(Photo SLADDEN.)
n'est guère diminuée et les racines sont riches
en quinine. On utilise principalement deux
BOUTURAGE.— Au début de la culture on méthodes de greffe : la « greffe en fente de
a beaucoup bouturé à Java. Nous avons côté » et la « greffe de côté sous écorce ».
signalé que C. succirubra se bouture facile-
ment. On obtient une meilleure reprise en Greffe en fente de côté. - - On prend comme
utilisant du bois jeune, mais aoûté, muni de sujets des plants de la grosseur d'un crayon
feuilles. La croissance des boutures est très ou un peu plus gros s'il s'agit de sujets succi-
lente pendant les premières années et elles rubra X Ledgeriana. Ils sont âgés d'environ
18 mois. Les greffons sont des rameaux vigou-
exigent des soins attentifs. Leur enracine-
ment est moins bien développé : les arbres reux, encore en croissance et plus ou moins
sont donc moins vigoureux et la production lignifiés à la base, longs de 8-10 cm. et pour-
d'écorce de racines est moindre. Aussi ne vus de deux nœuds (4 feuilles). La base est
bouture-t-on plus qu'exceptionnellement. taillée en biseau sur ± 4 cm. de long. On
pratique sur le sujet à environ 5 cm. du sol
GREFFAGE.— On greffe souvent sur sujet une entaille oblique du haut vers le bas, d'une
succirubra ou robusta, plus rustiques et moins profondeur égale à la longueur des biseaux
exigeants en ce qui concerne le sol que le et ne dépassant pas le quart ou le tiers du
Ledgeriana. En outre ces porte-greffes com- diamètre du sujet. Le greffon doit s'ajuster
muniquent une plus grande vigueur végéta- aussi exactement que possible dans l'entaille,
tive au greffon Ledgeriana. Toutefois le sujet de façon à ce que les cambia se correspondent.
574 LES CULTURES COLONIALES

Si le sujet est plus gros, on place le greffon pousser, on coupe le sujet à mi-hauteur, puis
de façon à ce qu'il y ait contact d'un côté, plus tard près de la greffe, en oblique, à la
ou bien on l'incline de façon à ce que les scie et on enduit la section de mastic. On a
cambia se touchent au moins aux deux points soin d'enlever, dans la suite, les rejets « sau-
de croisement. On ligature ensuite et recou- vages » qui se forment sous la greffe. Le
vre de mastic à greffer, pour protéger la pourcentage de réussite atteint à Java 90-
greffe contre la dessiccation et les pluies. On 100 en pépinière. En bonnes conditions,
protège de même la section supérieure du les plants sont suffisamment développés pour
être mis en place, deux mois plus tard, mais
greffon. A Java, on coupe les deux tiers des
limbes foliaires. Au Kivu, STOFFELS conseille on attend généralement plus longtemps :
de couper tout le limbe. Pour favoriser la jusque 2 ans même à la Station Expérimen-
tale de Tjinjiroean (Java).
reprise, on fait une entaille horizontale dans
l'aubier du sujet à 10 cm. au-dessus de la Greffe de côté sous écorce. — Elle s'em-
greffe (Voir figure). ploie pour des sujets plus âgés, beaucoup
Après quelques semaines, les feuilles ou les plus gros. Ici on soulève deux lanp::'.:ttes
pétioles (si on a coupé les limbes en entier) d'écorce, que l'on raccourcit de 5 mm. envi-
tombent d'eux-mêmes ou lorsqu'on exerce ron. Dans ce but, on commence par faire
une légère pression. Ceci est pour les greffes trois incisions longitudinales parallèles, la
avec feuilles un signe de reprise. En cas de centrale étant de moitié plus courte, puis
mort du greffon, les pétioles desséchés restent deux incisions parallèles réunissant la partie
au contraire adhérents. Si la reprise se mani- supérieure des trois premières. (Voir la fi-
feste comme il vient d'être indiqué, on écime gure.) Le greffon est taillé comme ci-dessus,
le sujet immédiatement, sinon le greffon se glissé sous les languettes et fixé comme dans
dessécherait. Lorsque la greffe commence à la méthode précédente.

Plantation de Quinquina « succirubra » à Nyankende (Urundi).


— Congopresse.)
(Photo J. MULDERS
LES CULTURES COLONIALES 575

MISE EN PLACE. — La plantation a lieu au Comme fumure, on appliquait jadis, à Java,


début de la saison des pluies. A l'arrachage, surtout des tourteaux de ricin (par exemple
on fait un choix sévère et on élimine les plants 500 grms par arbre) ou d'autres tourteaux.
chétifs ou ne correspondant pas au type. On Plus récemment on s'est servi aussi d'engrais
plante généralement à racines nues, parce chimiques, spécialement pour des parcelles en
que la plantation awc mottes serait trop retard de croissance ou des arbres ayant souf-
coûteuse, vu le grand nombre de plants à fert d'attaques d'insectes ou de maladies. Des
l'hectare. On l'emploie cependant pour de fumures sont évidemment très recommanda-
petites surfaces : parcelles de sélection, jar- bles sur redéfrichements de plantations de
dins semcnciers, essais, etc. On raccourcit les Quinquinas ou autres.
feuilles pour réduire la transpiration et, si
le plant est trop grand, on peut couper le TAILLE. — Il est nécessaire de tailler les
sommet. Des plants de 15-20 mois mesurent jeunes arbres afin de leur donner un tronc
droit et bien développé. Ceci est surtout im-
environ 25 cm. On veille à ne pas blesser les
portant chez C. Ledgeriana qui a souvent
racines, mais on coupe celles qui sont endom- tendance à rester buissonnant. Il faut com-
magées. On veille aussi à planter à profon- mencer les tailles le plus tôt possible. Lors-
deur exacte, c'est-à-dire de manière à ce que
le collet soit au niveau du sol, à ne pas cour- qu'il y a plusieurs tiges, on conserve la plus
ber les racines, à bien tasser le sol et à placer vigoureuse. Dans la suite, on supprime les
la tige verticalement. On choisira, comme branches de direction anormale, qui gênent
un temps couvert, un moment où les autres ou ont une direction trop verticale
d'habitude, de donner une deuxième tête),
la pluie est prochaine. (et risqueraient
de même que les gourmands. On vise à obte-
On peut aussi planter des stumps, notam- nir des troncs de 1,80-2 m. de hauteur.
ment s'il s'agit de plants de grande taille ou VAN LEERSUMconseille, après 3 ans, quand
de greffes âgées. Dans ce cas, on coupe les la plantation est bien fermée, de couper une
tiges à environ 45 cm. et conserve le plus de ou deux branches inférieures, pour éclairer et
racines possible. aérer quelque peu la plantation. Ceci retarde
la première éclaircie et fournit une certaine
Entretien et taille. — Dans les débuts, il quantité d'écorces dès ce moment.
est nécessaire de sarcler, même de pratiquer
du « cltan-weeding », surtout s'il y a des Cycle végétatif. — La germination débute
Graminées et plantes à rhizomes. Les Quin- après 3-4 semaines; le repiquage peut avoir
quinas souffrent de la concurrence radicu- lieu à 5-6 mois et la plantation à 18-24 mois
laire des plantes adventices ou de couverture ; ou même plus tôt. A Java, le Ledgeriana ne
comme la plantation est très dense, on est fleurit généralement pas avant 7 ans et sou-
donc obligé de sarcler toute la surface. D'au- vent plus tard. Sur terrain de moins bonne
tre part on a constaté, à Java, que YHelopel- qualité et à altitude relativement basse, la
tis se développe plus abondamment dans les floraison est plus précoce. Au Kivu, les arbres
plantations « sales ». Or l'insecte est surtout fleurissent généralement plus tôt qu'à Java.
nuisible dans les jeunes plantations. Sur les Entre la floraison et la maturité des fruits
flancs des terrasses on ne peut sarcler; ici il s'écoule 8 mois. Après 3 ans, la plantation
l'on fauche ou bien on les garnit de Légumi- est généralement fermée. Elle entre en pro-
neuses maintenues basses par la taille : par duction dans le courant de la 4ME année,
exemple Leucaena glauca ou Indigofcra arrec- grâce aux premières éclaircies, parfois dès la
ta. Après 1-2 ans on peut pratiquer du « selec- 3ME année. On continue ensuite à récolter
ted weeding » et faire en sorte que le sol se progressivement par éclaircie, pour finale-
couvre d'un tapis naturel de bonnes espèces: ment abattre complètement entre 10 et 25 ans.
Galinsoga, Eupatorium, etc. (Voir chapitre I). Le dernier chiffre se rapporte à des planta-
Cette couverture est fauchée plusieurs fois tions situées à haute altitude. Les Ledgeriana
par an. On utilise aussi parfois les Lupins peuvent atteindre, à Java, un âge de 50 ans
ou du Crotalaria usaramoensis, comme engrais et plus, sur bon sol; par contre si le sous-sol
verts, fauchés ou taillés et enfouis ou déposés est peu perméable, ils ne dépassent souvent
dans des fossés aveugles que l'on ferme plus pas 15 ans.
tard et déplace. Après quelques années toute- D'après d'anciennes observations de MOENS,
fois, le sol étant ombragé, il n'est plus possi- rapportées par GROOTHOFF, les Quinquinas
ble de maintenir une couverture. Le sol est poussent de 1 à 1,50 m. en hauteur, pendant
alors protégé par les Quinquinas eux-mêmes. les 4-6 premières années de plantation, puis
576 LES CULTURES COLONIALES

de 0,6 à 0,8 m. entre 6 et 10 ans, ensuite 0,2 (après l'écorçage on recouvrait le tronc de
à 0,3 m. pendant quelques années, après quoi mousse) ; l'enlèvement de l'écorce sans at-
la croissance en hauteur s'arrête. L'accroisse- teindre le cambium, connu sous le nom de
ment en circonférence serait de 5 à 8 cm. « schraapsysteem » ou « schaafsysteem »;
par an chez le Ledgeriana, tandis que chez l'abatage sans dessouchement pour obtenir la
le succirubra il serait de 10 cm. dans les régénération par rejets. Ces procédés sont
abandonnés actuellement.
Dans le système d'exploitation actuel, le
mode de récolte diffère d'après l'espèce,
Ledgeriana ou succirubra, c'est-à-dire d'après
qu'il s'agit d'écorces industrielles ou phar-
maceutiques.
Cinchona Ledgeriana : On commence par
couper autant que possible les branches, pour
que l'arbre, dans sa chute, n'endommage pas
les arbres voisins réservés. On scie ensuite
obliquement vers 50 cm. de haut; ainsi l'arbre
: glisse verticalement à terre. Ensuite on des-
Plantation de Cinchona succirubra. souche pour recueillir l'écorce des racines et
(Photo Inéac.) on débite le tronc et les branches en morceaux.
Puis on enlève l'écorce par battage, avec des
maillets, et en s'aidant de couteaux en os.
débuts et de 5-6 cm. dans la suite. L'accrois- Des couteaux métalliques ne peuvent être
sement est évidemment très variable d'après utilisés parce que le tanin attaquerait le
les conditions de sol, climat, écartement, etc. métal et que l'on risquerait d'enlever du bois
avec l'écorce. Pour les racines, on fait de
Récolte. — A Java, on obtient en général même après les avoir nettoyées, voire lavées.
une première récolte en 3me année, du fait
de la taille et de l'enlèvement des tiges sur-
numéraires sur les pieds qui en possèdent
plusieurs. En 4me année, a lieu la première
éclaircie. On abat complètement quand le
nombre d'arbres devient insuffisant et que
l'accroissement de la quantité d'écorces ou de
de
quinine n'est plus suffisant. Au planteur
calculer celà pour chaque situation, pour
chaque bloc de sa plantation. Le maximum
de la teneur est généralement atteint vers la
8me ou la 9me année; il y a ensuite une légère
régression entre la 9me et la 14me année,
après quoi la teneur reste pratiquement cons-
tante. Si l'on récoltait au maximum de teneur,
le rendement total à l'hectare serait insuffi- Plantation de Quinquinas de Tjinjiroean.
de
sant, eu égard aux frais de plantation et Ecorçage par battage.
replantation. Aussi récolte-t-on plus tard, (Photo SUDDEN.)
entre 10 et 25 ans : le plus souvent 12-15 ans
à Java, parfois 20, exceptionnellement 25 ans
et plus. On fait évidemment en sorte que Il faut toutefois éviter un séjour prolongé
l'on ait tous les ans des blocs d'égale surface dans l'eau, ce qui entraînerait des pertes
à abattre. Leur nombre est égal à l'âge d'ex- d'alcaloïde. On a soin de ne pas mélanger les
ploitation. S'il est de 10 ans, par exemple, écorces de troncs, branches et racines, ni
on abat et replante chaque année un dixième celles provenant d'arbres malades.
de la surface.
Jadis on a appliqué aussi d'autres modes Cinchona succirubra : Ici il faut veiller à
des Quinquinas : par exemple ne pas endommager l'écorce et à l'enlever par
d'exploitation
lanières de grande et égale dimension : 1 m.,
l'écorçage partiel, par bandes longitudinales, larges pour
» 75, 50, 25 cm. et suffisamment
appelé « schilsysteem » ou « mossysteem
Arts et Métiers Congolais „ de Henri Kerels.

FABRICATION DU VELOURS DU KASAI


LES CULTURES COLONIALES 577

à 90) nuit à leur teneur en alcaloïde, tandis


qu'en séchant les bords se rejoignent, formant
des « pipes ». Avant d'abattre, on « essaie » que si on les sèche d'abord au soleil ou à 600,
l'écorce, pour voir si elle se sépare aisément; on peut sans danger les soumettre ensuite à
si ce n'est pas le cas, on remet l'abatage à une température de 80°. Le séchage au soleil
plus tard. On enlève en-
suite un anneau d'écorce,
afin de ne pas abimer
l'écorce en abattant. On
peut aussi écorcer sur pied,
aussi haut qu'on peut at-
teindre, avant d'abattre.
Un triage a lieu à l'usine
et les morceaux qui con-
viennent sont coupés droit.
Les autres sont réduits en
menus morceaux. On débite
généralement aussi en pe-
tits morceaux l'écorce des
branches, qui est fort
mince, et la partie de
l'écorce de racines que l'on
ne peut enlever par
pièces. (1)
Il n'y a pas de saison
en ce qui concerne la ré-
colte. En effet, les varia-
tions de la teneur en qui-
nine sont très faibles au
cours de l'année. On ré-
colte donc toute l'année, ce
qui assure d'ailleurs une
meilleure organisation du
travail et une meilleure
utilisation de la main-
Triage des écorces de Quinquina par des travailleurs Bashi,
d'œuvre et des installa- à Mulungu (Kivu).
tions de séchage. (Photo LEBIED— Congopresse.)

— Actuellement on sèche le plus n'influence pas la teneur. Actuellement on


Séchage.
souvent partiellement au soleil et on achève sèche généralement dans des caisses à fond
le séchage à la chaleur artificielle. Toutefois perforé, roulant sur des rails disposés en
il est préférable de sécher les « pipes » de gradins, permettant de les rentrer dans un
succirubra entièrement au soleil, pour leur magasin, la nuit ou en cas de pluie. C'est
conserver un meilleur aspect. Les écorces l'installation souvent utilisée dans les usines
fraîches dosent 70-75 d'eau. Les écorces à café ou cacao. On emploie aussi de grandes
jeunes, notamment celles des branches, sont caisses fixes, munies d'un toit en tôle pouvant
plus humides que les écorces vieilles. Par s'ouvrir et se fermer. On remue et retourne
séchage au soleil, on peut réduire cette teneur fréquemment les écorces. Ce préséchage dure
à 10-13 Les recherches effectuées à Java en général 3-4 jours, parfois plus, pour le
ont montré que le fait de sécher d'emblée des Ledgeriana. On achève le séchage dans des
écorces humides à une température supérieure étuves appelées « Sirocco », composées d'un
foyer surmonté de plusieurs étages de tiroirs
à fond perforé. L'écorce humide est placée
(1) La valeur des écorces de Ledgeriana s'établit à
la teneur, principalement en quinine. Aussi les récolte- dans l'étage supérieur, puis progressivement
t-on en fragments
Il de dimension quelconque, que l'on elle descend, si bien que l'air le plus chaud
broie pour faciliter l'emballage et l'expédition. Les rencontre les écorces presque sèches. La
écorces de succirubra, au contraire, se jugent à l'aspect, durée du séjour dans le « Sirocco » est de
à côté de la teneur en alcaloïdes totaux et en tanin.
C'est pourquoi on soigne la présentation. 24 heures à Tjinjiroean, la teneur en eau

1\)
578 LES CULTURES COLONIALES

étant de 30-35 à l'entrée et 8 à la chiffres de rendement en écorce sont très


sortie. La consommation de bois est de 1,5 m3 modérés.
par tonne d'écorce sèche.
Les écorces pharmaceutiques (pipes) se Age Poidad'écorce Teneurenquinine
sèchent en général uniquement au soleil ou, icche
en cas de besoin, dans un local chauffé, par
3-4 ans 300 Kgrs 4
exemple à côté du « Sirocco ». Après quel-
ques jours de séchage, on enroule les pipes 4-5 » 500 » 6 »
sur des baguettes et on les lie, pour leur
donner une forme correcte : droite et cylin- 5-6 » 600 » 8 »
drique. On les laisse ainsi quelques jours, puis 6-7 » 800 » 10 »
on achève le séchage sans tuteur. La durée
totale du séchage est d'environ 15 jours. 7-8 » 1000 » 13 »
Le séchage terminé, les écorces de Ledge-
riana sont broyées dans des moulins spé- Dans les plantations régulières, c'est-à-dire
ciaux ou pilonnées au mortier, puis emballées bien garnies d'arbres de bonne croissance, on
en sacs. On veille à donner aux balles une atteint souvent 1200-1500 kgrs, voire 2000
section carrée, pour réduire le fret. Leur kgrs d'écorce sèche. On dépasse rarement
poids est de 80-100 kgrs. Les pipes s'emballent 13 de quinine. La récolte finale, la plus
en caisses de 60-70 kgrs. forte, est un multiple de la moyenne des
récoltes des dernières années : elle peut don-
RENDEMENT.— La teneur en eau passant de ner jusque 6 fois cette moyenne. Tous ces
70-75 à 9-13 %, on obtient environ 35-40 chiffres se rapportent au Ledgeriana. Le
d'écorce sèche, soit 1 kilo pour 2,5 à 2,8 kgrs succirubra peut produire plus encore.
d'écorce humide. , - Voici un autre tableau indiquant le rende-
ment moyen en sulfate de quinine de C. Led-
Production. — On admet généralement, geriana, aux Indes (RINGOET,1938) :
à Java, qu'un Ledgeriana de 4 ans produit
0,250 kgr. d'écorce, à 8 ans 4 kgrs, à 15 ans 2-3 ans 8,5 kgrs
10 kgrs, à 25 ans 20 kgrs, à 45 ans 75 kgrs. 3- 4 ans 17,0 kgrs
Le tiers environ est fourni par les racines. 4- 5 ans 25,5 kgrs
La production à l'hectare est très variable, 5- 6 ans 34,0 kgrs
puisqu'elle dépend du nombre d'arbres enle- 6- 7 ans 42,5 kgrs
vés aux éclaircies. La production de quinine 7- 8 ans 51,0 kgrs
à l'hectare dépend en outre de la teneur et 8- 9 ans 59,5 kgrs
celle-ci dépend de l'âge. On exprime souvent 9-10 ans 1. 68,0 kgrs
aussi la production en sulfate de quinine : il 10 ans 345,0 kgrs
suffit pour celà de multiplier le poids de (grande récolte)
quinine par 1,346.
Voici, d'après le Prof. LEPLAE, un tableau Terminons en citant les rendements esti-
estimatif des récoltes minima et des teneurs matifs de C. Ledgeriana, au Kivu, d'après
en quinine que peuvent fournir des planta- STOFFELS, pour une exploitation à l'âge de
tions d'âge croissant. On remarquera que les 8 ans :

Sulfate d'arbre» °/0 Sulfate


Nombre Kin Sulfate
Année
Ecorce d'élagage
o/o quinine d'abatage abattus quinine dequinine
Ecorce
Troisième..
i 400 Kgrs 1 4 1.250 Kgrs ! 2.500 5 70,50

Cinquième 600 » 6 1.125 » 1.500 8 126,00

Sixième. 400 » 7 1.875 » 2.500 9 196,75

,
Huitième — ; | 10 350,00
- 3.500 » 3.500 10 350,00
1.400 Kgrs 7.750 Kgrs 10.000 743,25
LES CULTURES COLONIALES 579
.-

Composition des écorces de Quinquina. fabrication de la quinine pure est délicate et


— Quoique l'écorce des Quinquinas ait été coûteuse. En outre la culture des espèces
utilisée contre la fièvre à partir du 17me pauvres en quinine, mais riches en alcaloïdes
siècle par les Européens (1), le principe actif, secondaires, par exemple G. succirubra, espè-
ou plus exactement l'élément le plus actif, ces qui sont plus rustiques, acquiert à nou-
la quinine, ne fut isolé qu'en 1820 par les veau plus d'intérêt. On peut dès lors confier
la culture aux indigènes et l'introduire dans
les régions plus chaudes.
Les alcaloïdes se trouvent principalement
dans l'écorce du tronc, des branches et des
racines. Les couches extérieures de l'écorce
sont plus riches que les couches internes :
d'où l'idée d'exploiter les Quinquinas par le
« schaafsysteem ». Le bois contient très peu
d'alcaloïde et, notamment, seulement 0,25
de quinine. Tous les autres organes de la
plante : feuilles, fleurs, fruits contiennent
divers alcaloïdes. Tous les Cinchona contien-
nent de la quinine, de la cinchonine, de la
cinchonidine et des alcaloïdes amorphes. La
plupart des Ledgeriana et succirubra ne con-
Plantation de Quinquinas de Tjinjiroean. tiennent pas de quinidine.
Préséchage des écorces au soleil,
dans des caisses munies d'un toit amovible. Les alcaloïdes ne sont pas répartis unifor-
(Photo SLADDEN.) mément dans l'écorce. Celle de la base du
tronc est généralement la plus riche. MOENS
chimistes français PELLETIER et CAVENTOU. a trouvé le maximum de teneur vers 1-1,50 m.
Avant cette époque, on employait les écorces C'est pourquoi il est nécessaire, en sélection
sous forme de poudres, extraits ou décoctions. et dans la plupart des essais, de prélever les
L'écorce des Quinquinas contient plusieurs échantillons d'écorce à la même hauteur.
alcaloïdes. Les principaux sont la quinine L'écorce jeune est plus pauvre, celle des
de formule C20H24N2O2 et son isomère la qui- branches sera donc souvent moins riche. La
la cinchonine proportion relative des différents alcaloïdes
nidine, Cl9H22N20 (isolée
n'est pas identique dans les différentes sortes
également par PELLETIER et CAVENTOU)et son
isomère la cinchonidine, ainsi que plusieurs d'écorces. L'écorce de branche, lorsqu'elle est
autres moins importants. Les quatre alca- plus jeune du moins, contient plus de cincho-
nidine que celle du tronc. L'écorce de racine
loïdes cités et quelques autres sont cristalli-
autres Au total il contient plus de cinchonidine et chez le succi-
sables, les sont amorphes.
rubra cet alcaloïde est souvent plus abondant
y a plus de 20 alcaloïdes différents, qui
que la quinine. L'alcaloïde se trouve dans les
toutefois n'existent pas tous chez toutes les
cellules du parenchyme. C'est vraisemblable-
espèces. La quinine est l'alcaloïde le plus actif
contre la malaria, mais la quinidine, la cin- ment un « déchet » de la plante. L'alcaloïde
chonine et la cinchonidine sont plus actifs est plus abondant dans l'écorce primaire que
Il en résulte dans l'écorce secondaire. Le liber en contient
qu'on ne l'a admis jusqu'ici.
que l'on pourrait faire l'extraction des alca- peu. Les couches externes de l'écorce, ainsi
loïdes sur place, à peu de frais, car seule la qu'il a été dit plus haut, en contiennent donc
plus que les couches internes.
(1) Les Indiens d'Amérique l'utilisaient sans aucun Voici, d'après GROOTHOFF, la composition
doute dès avant cette époque. des écorces de ejuelqucs espèces :

Quinidine Cinchonidine Alcaloïdes


amorphes
Quinine Cinchonine
1
C. Ledgeriana 5-13 0-0.5 0.1-1.5 0.2-1.5 0.2-1.0
0-0.1 2.0-2.5 1.5- 4.0 0.5-1.8
C. succirubra
C. officinalis 1-2.5
2-4.0 0-0.3 0.4-1.0 1.0-3.0 0.5-1.5
580 LES CULTURES COLONIALES

FACTEURS INFLUENÇANT LA TENEUR EN tions naturelles. Le Quinquina est donc néces-


ALCALOÏDE.— Espèce et variété : voir ci- sairement allogame. Le transport du pollen se
dessus. fait par des insectes, principalement des
Hyménoptères et Lépidoptères, peut-être aussi
Age : voir plus haut. D'après MOENS la des Hémiptères.
teneur en quinine de C. Ledgeriana continue
à augmenter jusque 8-9 ans; elle reste en-
suite stationnaire ou même rétrograde un peu SÉLECTION.— Les points suivants doivent
entre 9 et 14 ans. Ceci peut être dû à l'aug- retenir l'attention du sélectionneur : produc-
mentation de la proportion de rhytidome tivité, épaisseur de l'écorce, richesse en
quinine, faible teneur en alcaloïdes secon-
pauvre en alcaloïde. VAN LEERSUMa constaté,
de sélection, que le daires, vigueur végétative, cime pyramidale
pour certains arbres
maximum était atteint à 5 ans, qu'il y avait (typique de l'espèce Ledgeriana), floraison
ensuite une légère régression entre 6 et 12 ans, tardive, résistance aux maladies et insectes.
après quoi la teneur restait pratiquement Les méthodes de sélection sont analogues
constante. à celles des autres plantes vivaces pouvant se
multiplier par la greffe. L'épaisseur de
Climat et altitude : ont peu d'influence, l'écorce se mesure sur des échantillons pré-
sauf indirectement par leur action sur le levés à l'emporte-pièce ou au moyen d'une
développement des arbres : des sujets crois- douille de cartouche. Ces échantillons doivent
sant en mauvaises conditions seront pauvres être pris à la même hauteur, 1 mètre, pour
en alcaloïde. tous les arbres étudiés. La détermination de
la teneur en quinine se fait sur des échan-
Saison : voir plus haut. L'influence est
tillons d'écorce, prélevés également à 1 m.
négligeable. de haut. Cette analyse ne se fait que pour
Etat sanitaire : les arbres malades contien- les arbres satisfaisant aux autres éléments
nent moins d'alcaloïde et la quinine s'en d'appréciation. On pèse et mesure exactement
extrait avec un degré de pureté moindre. la surface de ces échantillons, puis établit
(Test pourquoi il faut récolter ces écorces leur teneur en humidité et en alcaloïde. A
séparément. D'autre part, la teneur en alca- Java, on exige en général une teneur en
loïdes secondaires augmente par rapport à quinine d'au moins 10 et une teneur maxi-
celle de la quinine, ce qui indique que la male de 1 de cinchonidine. On recherche
proportion de cette dernière subit une plus des arbres à floraison tardive : c'est-à-diro
forte régression que celle des alcaloïdes ne se produisant pas avant 8 ans. Une flo-
accessoires. raison précoce dénote un type inférieur ou
peu vigoureux. D'après VAN LEERSUM,un bon
Sol : il a une influence complexe. Les sols Ledgeriana ne peut pas fleurir avant 20 ans.
forestiers vierges donnent une teneur en alca- Dans l'appréciation des candi-
préliminaire
loïde total plus élevée que les sols replantés. dats semenciers ou arbres-mères, nROOTHOFF
Fumure : elle n'a qu'une influence tem- recommande de choisir des individus à feuilles
assez larges et d'un vert mat. Les types à
poraire sur la teneur en alcaloïde (l'influence
feuilles brillantes seraient toujours inférieurs
générale sur l'arbre étant mise à part), celle-
ci retournant ensuite à son niveau antérieur. et pauvres en quinine ; les types à feuilles
Si l'on voulait fumer pour augmenter la étroites seraient généralement plus sensibles
aux maladies.
teneur, il faudrait le faire peu de temps avant
l'abatage : environ 10 mois d'avance, d'après Les jardins semenciers devront grouper
n ROOTHOFF. quelques clones macrostyles et microstyles de
valeur.
Amélioration. — La méthode
TECHNIQUEDE L'HYBRIDATION.
BIOLOGIE FLORALE. — La biologie florale élaborée par ENGELBEENcomporte les opéra-
du Quinquina a été étudiée de façon appro- tions suivantes. Après toilette des inflores-
fondie au Kivu par ENGELBEEN(1940-5). Ces cences, en vue du maintien exclusif des bou-
travaux ont montré que l'auto- et l'anémo- tons floraux sur le point de s'épanouir, ces
pollinisation, ainsi que la pollinisation liomo- derniers sont émasculés par ablation délicate
style ne peuvent déterminer qu'une féconda- de la corolle. Cette émasculation s'opère en
tion apparente. Seule l'entomopollinisation même temps sur les inflorescences macrosty-
hétérostvle assure la fécondité des pollinisa- les et microstyles dont l'hybridation < st pro-
LES CULTURES COLONIALES 581

jetée. Les corolles, recueillies dans des sachets Les Pyrèthres appartiennent à la famille
de papier, serviront à la pollinisation des des Composées. Comme aspect ils rappellent
pistils à stylie opposée à celle des corolles la Grande Marguerite. Ils ont une taille de
pollinisatrices. Les pollinisations peuvent dé- 50-60 cm., les feuilles longuement pétiolées
buter le lendemain de l'émasculation et se et très divisées, vert blanchâtre. Le Pyrèthre
prolonger durant trois ou quatre jours avec de Perse a les fleurs roses. Les capitules sont
le même matériel. Au moment de la pollinisa- de grande dimension, mais peu nombreux et
tion, la corolle pollinisatrice est saisie, par relativement pauvres en pyréthrines. Aussi
sa partie basale, de la main droite. D'un coup sa culture est-elle en régression. Le Pyrèthre
d'ongle, on sectionne le sommet ou les deux de Dalmatie a les fleurs extérieures blanches
tiers terminaux de la corolle, selon qu'il et les fleurs centrales jaunes; les capitules
s'agit d'une corolle micro- ou macrostyle. Par sont petits et nombreux. Les feuilles sont
pression et roulement sous les doigts, on fait foncées et velues à la face inférieure. La
jaillir les anthères que l'on passe légèrement teneur en pyréthrines varie entre 1 et 2
sur les stigmates. Les deux faces des lobes du Le Pyrèthre produit au Japon et en Yougo-
pistil sont susceptibles de fécondation. Aucune slavie ne dépasse que rarement 1 Celui du
protection artificielle n'est nécessaire. Kenya et du Congo est généralement plus
riche (teneur moyenne 1,5 en 1949, pour
le Kivu et le Ruanda-Urundi).
PYRETHRE.
Sol et climat. — Dans son pays d'origine,
Le pyrètre est un insecticide utilisé en le Pyrèthre de Dalmatie croît sur les pentes
agriculture et économie domestique, pharma- rocailleuses des collines, en association avec
cie et médecine vétérinaire. Depuis quelques des Genêts, etc., donc sur des sols pauvres
années, il subit une concurrence très vive de et secs. Il se plait dans les terrains calcaires,
divers produits synthétiques, si bien que la légers, perméables. Il dépérit rapidement sur
culture semblait à certains moments compro- sol humide.
mise. Une reprise se manifeste cependant Le Pyrèthre exige un climat nettement
actuellement, comme l'indiquent les statisti- subtropical, assez sec ou à saisons sèches bien
ques de l'Office des Produits Agricoles de marquées. Il craint l'humidité. Dans les ré-
Costermansville. gions tropicales, il fleurit mal, sauf à haute
Les principaux altitude. Au Congo, seuls les essais établis
producteurs étaient, avant
guerre : le Japon (13.000 T.), le Kenya vers 2000 m. et au-delà ont donné de bons
(1.000 T.) et la Yougoslavie (750 T.). Une résultats. Les rapports de la Station Expé-
certaine surface existait aussi en Italie, aux rimentale de Mulungu-Tshibinda, au Kivu,
Etats-Unis, en Australie, au Congo Belge. signalent qu'à 1600 m. 25 seulement des
A partir de 1940, les colons du Kivu et du plants fleurissent après 18 mois, tandis qu'à
Ruanda-Urundi ont fortement étendu leurs 2000 m. 80 des plants fleurissent à cet
cultures. Les exportations de ces territoires, âge. D'autre part, à cette altitude, la florai-
au cours des années 1945-9, ont atteint res- son commence à un an. Au delà de 2000 m.
pectivement : 1.575, 1.750, 2.336, 840 et la floraison est encore plus abondante. Au
1.271 T. de fleurs sèches. En 1949, une cen- Kenya, les meilleurs rendements s'obtiennent
taine de tonnes ont été employées sur place, entre 2500 et 3000 m.
dans la lutte contre le Lygus et l'Antestia,
dans les plantations de Café arabica. Culture. — La préparation du sol com-
porte un labour profond et un hersage. Sou-
Origine et description. — Il existe plu- vent on confectionne des billons, larges par
sieurs espèces de Pyrèthres, mais deux seule- exemple de trois lignes. Ils assurent un bon
ment sont intéressantes comme insecticides. drainage.
Ce sont Pyrethrum ou Chrysanthemum cine- La multiplication se fait par semis ou par
rariaefolium Boic., le Pyrèthre de Dalmatie, division de souches. La multiplication végé-
indigène en Dalmatie et en Albanie, et tative a l'avantage de permettre une sélection
Pyrethrum roseum WEBER & MOHR (P. cau- donnant des résultats rapides. D'autre part,
casicum WILLD., P. caucasicum PERS., Chry- les plants obtenus par division de souches
santhemum caucasicum WEBER & MOHR), le fleurissent plus tôt. Toutefois, après quelques
Pyrèthre du Caucase ou de Perse, indigène générations, la teneur en pyréthrines bais-
dans ces deux régions. serait. C'est ce que l'on a constaté au Kenya.
582 LES CULTURES COLONIALES

Les Pyrèthres seraient autostériles : il faudra Cycle végélalif. — En Dalmatie, on obtient


donc avoir soin de constituer des champs une petite récolte la première année, la pro-
polyclonaux. Le semis peut se faire en place, duction est maximale en 3me année et la cul-
mais on le fait généralement en pépinières ture dure environ 6 ans. Passé cet âge le
bien travaillées et légèrement fumées. Il faut rendement devient faible. Au Congo, on ne
utiliser des graines fraîches, sinon le pouvoir récolte souvent qu'en deuxième année et on
conseille de renouveler les champs (ou de les
abandonner à la jachère), après 4 années de
production. Le rendement diminue en effet
fortement dès la troisième année.

Récolte. Séchage. Production. — On


cueille à la main ou bien on coupe les tiges,
puis on sépare les capitules. Le second pro-
cédé n'est pas applicable au Congo, où la
floraison s'échelonne sur plusieurs mois. La
teneur maxima en pyréthrines est atteinte
quand toutes les fleurs du capitule sont
ouvertes. Il faut donc récolter à ce moment,
d'autant plus que le poids des capitules est
Fleurs de Pyrèthre.
plus élevé lorsqu'ils sont complètement déve-
(Extrait de GNAIHNGEK. loppés. En effet, le poids moyen des fleurs
Pyrethrum flowers. Minneapolis. 1936.) ouvertes est à peu près double de celui des
fleurs fermées. Dans la pratique, on récolte
Le semis se fait périodiquement et on est obligé de prendre les
germinatif est insuffisant.
à la volée ou en lignes espacées de 20 cm. capitules à divers stades de développement,
Les graines étant très fines, on les recouvre pour ne pas devoir repasser trop fréquem- j
ment. A Mulungu, on cueille lorsqu'il y a
très peu ou pas; on peut se contenter de les
1 rangs de fleurons ouverts. Au Kenya, on
imprimer dans le sol au moyen d'une plan- cueille généralement tous les 10-12 jours. Les
chette. Pour éviter leur dessiccation, on
ouvriers peuvent cueillir environ 12 kgrs par
couvre le sol de feuilles sèches (Dalmatie).
jour à Mulungu, certains peuvent atteindre
Au Congo les pépinières sont abritées 20 kgrs et plus.
contre le soleil au moyen de claies que l'on
La cueillette doit se faire par temps sec et
retire par temps couvert. La levée a lieu
ensoleillé. Le séchage peut se faire au soleil
après 12-15 jours. Les pépinières sont arro-
ou à l'ombre. Certains auteurs considèrent
sées suivant les besoins et soigneusement sar-
que le séchage au soleil nuit à la teneur en
clées. Les plants sont mis en place à 4-6 mois ; Si le climat ne permet pas un
aussi être transplantés dès pyréthrines.
ils pourraient au soleil, le
environ séchage rapide et ininterrompu
l'âge de 2 mois. A Mulungu on sème
produit a moins bel aspect et est moins riche.
un kilo de semences par 80 m2 de pépinière. Aussi préfère-t-on sécher artificiellement au
La mise en place des plants ou des éclats Kenya et au Kivu. Le séchage est terminé
de souches se fait au début des pluies. Les lorsque les capitules s'effritent sous la pres-
écartements sont compris entre 40 et 60 cm. sion des doigts. Il faut alors procéder immé-
entre les lignes, sur 30 à 50 cm. dans les diatement à l'emballage, en balles compri-
lignes. On passe souvent une ligne toutes les mées, pour éviter que le produit ne reprenne
trois lignes, de façon à avoir des sentiers de l'humidité.
facilitant la récolte. On plante au plantoir En Dalmatie, on récolte annuellement en
et on enterre superficiellement, ce qui stimule moyenne 3.600 à 4.000 kgrs de fleurs fraîches
la floraison. Une plantation trop profonde à l'hectare, soit 900 à 1000 kgrs de fleurs
au contraire stimule le développement foliacé. sèches. Cent kilos de fleurs fraîches donnent
On arrose si c'est nécessaire. en effet environ 25 kgrs de fleurs sèches; mais
L'entretien consiste en sarclages et binages. le pourcentage peut aller à 33 Au Congo,
Il y a aussi lieu de réparer les billons. En il est de 20-25 Au Kenya, à altitude
Dalmatie, on fauche les champs après la ré- favorable, le rendement moyen est de
colte et on laboure entre les lignes, en 1.250 kgrs de fleurs sèches à l'Ha. Au Congo,
automne et au printemps. on a obtenu des rendements de l'ordre de
LES CULTURES COLONIALES 583

500 à 800 kgrs dans de jeunes plantations. Derris elliptica est une liane volubile pou-
A Mulungu on a obtenu, par sélection mas- vant atteindre jusque 15 m. de long. Les
sale, jusque 485 kgrs de fleurs sèches l'année feuilles sont composées, à 9 folioles au moins
de la plantation. de 5-8 X 2-3,5 cm. chacune, violet rougeâtre
Au Japon, on récolte aussi la plante elle- à l'état jeune, dans la suite vertes à la face
même qui contient une petite quantité de supérieure, grisâtres à la face inférieure, avec
On en fait des poudres pour une pubescence couleur de rouille sur les ner-
pyréthrines.
vures. Cette même pubescence recouvre les
certains usages ne nécessitant qu'une faible
toxicité. Ce produit n'est pas exporté. jeunes tiges, les ax( s et rameaux des inflores-
cences et se trouve même sur le calice et
l'étendard de la fleur. L'inflorescence est
DERRIS. une grappe se trouvant à l'aisselle des feuilles
et comptant 40-50 fleurs violet rougeâtre. Les
La culture de cette plante n'est pratiquée 1
gousses mesurent 2-5 cm. et contiennent
sur une certaine échelle qu'en Indonésie et
ou 2 graines plates. Les racines et rhizomes
en Malaisie, où elle porte le nom de « toeba »
exploitables, c'est-à-dire encore relativement
ou « tuba ». Aux Philippines aussi, la culture
a pris un certain jeunes, sont longs, droits, peu ramifiés, de la
déjà développement.
D'autres notamment le grosseur du petit doigts et brun noirâtre. Il
pays tropicaux, existe des variétés à feuilles blanchâtres et
Congo Belge, ont introduit la culture ou se
livrent à des essais. En 1939, les exportations peu pubescentes à la face inférieure. D'autres,
par contre, sont très pubescentes. Certaines
ont atteint 1.400 T. pour la Malaisie, 571
et 145 T. pour variétés ont, au lieu de folioles acuminées,
pour les Indes néerlandaises des folioles à sommet obtus ou arrondi (obo-
les Philippines. En 1948, le Congo Belge a
vales). C'est le cas notamment des variétés
exporté 139 T.
« Changi n° l et 3 ». La première se distin-
Les racines de Derris contiennent diverses gue de la seconde par ses folioles plus
substances toxiques, à propriétés insecticides. étroites.
La principale est la « roténone » ou « der-
Derris malaccensis se distingue de l'espèce
ride »; les autres ont nom : « déguéline »,
« téphrosine », « toxicarol ». La roténone précédente par ses feuilles et fleurs glabres,
semble être la plus active. Elle est beaucoup son port plus ou moins érigé, buissonnant.
plus toxique pour les insectes que l'arséniate Les folioles sont au nombre de 7-9 et me-
de plomb, la nicotine, la pyréthrine, etc. Il surent 5-10 X 2-5 cm. Elles sont vertes à la
existe un grand nombre de plantes contenant face inférieure. La teneur en roténone est
de la roténone, notamment : plusieurs plus faible que celle de D. elliptica, mais la
proportion des autres éléments toxiques est
Tephrosia d'Afrique, Amérique et Australie,
les Lonchocarpus et d'Amérique, élevée. Cette espèce est moins vigoureuse et
d'Afrique
le Mundulea de Madagascar. Le principal de moindre intérêt pour la culture.
concurrent du Derris est le « Cubé » ou
Lonchocarpus Nicou D. C. du Pérou et d'au- D'après HEYN, D. elliptica possède 20 chro-
tres régions d'Amérique du Sud. Il est cul- mosomes haploïdes, D. malaccensis 22.
tivé actuellement au Pérou et au Brésil. Ses
racines dosent jusque 8 de roténone, tandis Sol et climat. — Le Derris est une plante
assez exigeante. Des sols meubles, profonds
que certains Derris atteignent 9-12 et plus.
Il serait cependant intéressant la lui conviennent le mieux, les racines pouvant
d'essayer
culture de certains Lonchocarpus mieux s'y développer. Il craint les sols humi-
indigènes
ou américains au Congo Belge. des. En ce qui concerne le climat, étant une
plante des régions équatoriales, il demande
— Le un climat chaud, humide, à pluies bien répar-
Origine et description botanique. ties. D'après MAASla quantité doit être d'en-
genre Derris, parfois fusionné avec le genre viron 3000 mm. A Java, le Derris croît à
Degllelia, est une Légumineuse-Papilionacée l'état spontané jusque 1500 m. MAAS indique
d'Asie, d'Afrique et d'Amérique. Plusieurs
comme optimum, en culture, une altitude de
espèces contiennent la roténone. Les princi-
200 à 700 m. Il faut la pleine lumière, sinon
pales sont Derris elliptica BENTH. et Derris la toxicité serait moindre.
malaccensis PRAIN qui croissent à l'état spon-
tané en Indonésie et en Malaisie, où depuis Culture. — Il n'y a rien de particulier à
des siècles les indigènes les utilisent comme noter sur la préparation du sol. Signalons
stupéfiants de pêche. qu'en Indonésie, notamment à Bornéo, les
584 LES CULTURES COLONIALES

indigènes plantent souvent dans les champs gène, mais ce procédé n'est pas à conseiller,
de Riz sec, après le sarclage, entre les lignes. parce qu'il donne un fort déchet.
Le Derris ne se développe qu'après la récolte La culture du Derris se fait souvent en
du Riz et ne reçoit aucun soin d'entretien. Les intercalaire, comme « catch-crop », dans les
indigènes l'exploitent en une fois à deux ans. jeunes plantations d'Hévéas, Kapokiers,
fruitiers de diverses espèces, etc. Les Chi-
nois d'Indonésie l'intercalent souvent dans
leurs cultures de Poivriers. Cultivé en inter-
calaire, le Derris n'est généralement pas tu-
teuré; on le laisse se développer à la manière
d'une plante de couverture, rôle qu'il joue
du reste. Comme il lui faut le plein éclaire-
ment, il ne convient de le planter que dans
les jeunes plantations. En intercalaire dans
l'Hévéa ou l'Elaeis, on peut faire deux cul-
tures, avant que l'ombrage ne devienne trop
dense.
Dans les débuts de la plantation, il faut
biner et sarcler fréquemment. C'est pourquoi
on préfère les variétés rampantes qui, recou-
vrant rapidement le sol, suppriment l'entre-
tien et protègent mieux le sol. On conseille
de tuteurer les variétés plus ou moins érigées,
ce qui augmenterait leur rendement, mais
serait coûteux et augmenterait les frais d'en-
tretien du sol.
La fumure est rarement pratiquée, sauf
dans les cultures chinoises de Malaisie et de
Bornéo. Dans ce cas il s'agit principalement
de fumier de porc.

Récolte. Rendement. Séchage. — On ré-


colte généralement à 18-24 mois, parce qu'on
suppose que la teneur en roténone ou l'extrait
Rameaux et racines de Derris malaccensis. éthéré total, c'est-à-dire l'ensemble des élé-
ments actifs, sont au maximum à cet âge. La
Au-dessous : deux fragments de racines de
Derris elliptica. (1/3 grand, nat.) chose n'est cependant pas certaine : en effet,
on constate que les racines minces (2-5 mm.)
sont plus riches que les autres; d'autre part
La multiplication se fait habituellement au à la Station Expérimentale de Serdang
moyen de boutures, mais elle peut se faire (Malaisie), on aurait obtenu en récoltant à
aussi par semis. Les boutures ont générale- 15 mois d'aussi bons résultats qu'à 24 mois.
ment 30 cm. de long et 2-3 yeux ; les meilleu- L'époque optimale de récolte n'est donc pas
res ont un diamètre de 1-2 cm. On les choisit encore établie. En tout cas, il n'est pas indi-
lignifiées. Elles se plantent obliquement, qué d'attendre plus de deux ans : le poids
enterrées des deux tiers, en pépinières légè- des racines augmente, mais les teneurs en
rement ombragées, à l'écartement de 15-20 cm. roténone et extrait éthéré total diminuent.
On arrose si c'est nécessaire. La reprise a En culture européenne, on ne récolte qu'une
lieu après trois semaines environ et la mise fois. En culture indigène, au contraire, par
en place 6 à 8 semaines plus tard, à des exemple à Java, la culture est parfois plu-
écartements de 60 X 60, 90 X 90, 100 X riannuelle. Dans ce cas, on récolte une partie
100 cm. en Indonésie et en Malaisie, 100 X des racines seulement, à chaque fois, et on
80 cm. en Chine. L'époque de la mise en enterre quelques rameaux pour favoriser leur
pépinière est choisie de façon à ce que la enracinement.
transplantation coïncide avec le début de la Lorsqu'il s'agit d'une récolte en un temps,
saison des pluies. On plante parfois directe- on déterre tout le système radiculaire. Ce
ment sur champ, notamment en culture indi- travail se fait à la main, en s'aidant d'une
LES CULTURES COLONIALES ÔÔ5

fourche et d'un levier. En culture pure, en Ce sont là des teneurs de lots de racines.
Malaisie, on récolte 900 à 1300 kgrs de racines Des numéros de sélection accusent des teneurs
sèches à l'hectare; en bonnes conditions et beaucoup plus élevées : jusque 14 de
culture soignée, on atteint 2 Tonnes. A Java roténone sur matière sèche.
on compte en moyenne sur 1000-1200 kgrs. Des analyses de racines du Congo, faites
Des rendements de 1000 à 2000 kgrs ont été au Laboratoire de Tervueren, ont donné des
obtenus au Congo. Pour une culture inter- teneurs de 7 à 8,5 pour certains échan-
calaire, on pourra estimer le rendement en tillons, en 1937. Depuis cette date, des clones
tenant compte de la surface effectivement plus riches ont été importés de Malaisie.
occupée par le Derris. Une tonne de racines PLANTES DIVERSES.
sèches correspond à environ 3,6 à 3,7 T. de
racines fraîches. Des plantes rentrant dans la catégorie des
Plantes médicinales ou insecticides ont été
A la récolte, les racines sont repliées sur
traitées dans d'autres chapitres, notamment:
elles-mêmes et liées de façon à former des pe-
le Ricin, le Kola, le Chanvre, le Tabac, etc.
tites bottes d'environ 50 cm. de long. Ces
La flore congolaise contient un nombre très
bottes sont séchées au soleil, par exemple sur
élevé de plantes utilisées en médecine indi-
une aire cimentée, pendant 7-10 jours. Le
gène. Plusieurs de ces espèces sont intéres-
séchage artificiel, par exemple dans des sé- santes pour la pharmacie et éventuellement
choirs à café ou caoutchouc, peut se prati-
mériteraient d'être cultivées. Nous ne pou-
quer aussi. Il dure 3-4 jours. La température vons songer à traiter de ces plantes. Citons
maxima de l'air du séchoir ne peut pas dépas-
toutefois quelques noms : Adansonia digitata
ser 40-45°, même de préférence 40° en fin de
L. (Baobab), Cassia alata L. (Dartrier), Dios-
séchage. Il faut sécher jusque 8-10 d'hu-
midité et ensuite emballer immédiatement,
corea spp., Erythrophloeum guineense DON.
d'eau. On com- f« Kassa »), Hagenia abyssinica GMELIN,
pour éviter une réabsorption
Quassia africana BAILL., Strychnos spp.,
prime souvent en balles de 200-250 livres ou Tabernanthe
de 100 kgrs. Jadis le commerce refusait les Iboga BAILL., Triclisia Gilletii
racines cassées en petits morceaux, pour ob- (DE WILD.) STANER (la liane « Efiri » dans
tenir des balles plus denses, parce que cela laquelle on avait cru trouver un remède con-
on tre la malaria), Xylopia aethiopica RICH.,
facilitait les falsifications. Actuellement
broie souvent les racines ou on les réduit etc., ainsi que plusieurs espèces fournissant
en poudre, et on vend sur analyse. des huiles chaulmoogriques, citées ci-dessous.
La Section des Sciences Naturelles et Médi-
Le Derris, surtout les morceaux de racines cales de l'Institut Royal Colonial Belge a
et les poudres, doit se conserver à l'abri de publié plusieurs études sur les plantes médi-
l'humidité et de la lumière, sinon il y a cinales du Congo Belge.
régression de la teneur. La flore congolaise comprend également
plusieurs espèces pouvant fournir des insec-
Teneurs. — La vente se fait d'après la ticides, par exemple Tephrosia Vogelii HOOK.,
teneur en roténone et/ou l'extrait éthéré utilisé par les indigènes comme stupéfiant de
total. Les standards commerciaux sont res- pêche, et divers autres Tephrosia, des Lon-
pectivement de 5 et de 18-20 %, sur chocarpus, Melia Azedarach L. (le Lilas de
matière sèche. Chine), etc.
Voici des teneurs de racines de 2 ans de Les espèces chaulmoogriques, c'est-à-dire
diverses variétés de Malaisie, d'après le « Bul- fournissant l'huile de « Chaulmoogra », em-
letin Agricole du Congo Belge » 1938, p. 28 : ployée dans le traitement de la lèpre, méri-
tent une mention spéciale, en raison des essais
de culture auxquels elles ont été soumises.
1 d é 1 0/0 d'extrait Ces plantes appartiennent à la famille des
Variétés cIo e rot none
surimatièresèche
éthéré total
Flacourtiacées. Il en existe en Amérique, en
D. elliptlcu. 9 27 Afrique et en Asie. Ce sont généralement des
Changi 3 arbres dont les graines contiennent l'huile
D.elliptica,no. 6,5 27 dite de « Chaulmoogra ». En général, on a
(rampant)
Sarawak (rampant) limité les essais aux espèces de l'Inde et de
D. malaccensis, 3,5 24 la Malaisie, notamment : Hydnocarpus
Sarawak (érigé)
D. malaccensis, 2,5 21 anthelmintica PIERRE, H. Wightiana BLUM.,
Kinta type (semi-érigé) Taraktogenos Kurzii KING., etc. D'après les

19*
586 LES CULTURES COLONIALES

recherches de L. ADRIAENS,les espèces congo- venant de lianes ou « d'herbes » : Landolphia


laises semblent mériter au moins autant l'at- spp., Carpodinus spp. et Clitandra spp. ou
tention, en raison de la composition de leurs d'un arbre : l'Irch ou Funtumia elastica
huiles. Ces espèces appartiennent aux genres STAPF. Toutes ces plantes appartiennent à la
Lindackeria, Oncoba. et Caloncoba. Les plus famille des Apocynacées.
intéressantes sont : Caloncoba Welwitschii On songea bientôt à implanter la culture
(Ouv.) GILG., Caloncoba glauca GILG. et Lin- des essences à caoutchouc dans les diverses
dackeria dentata (OLIV.) HILG. colonies européennes, mais on se heurta
à l'interdiction d'exportation de graines
et plants d'Hévéa d'Amérique du Sud.
CHAPITRE X.
En 1876 cependant, l'Anglais Wi c K H A M
réussit à embarquer secrètement 70.000
PLANTES A CAOUTCHOUC.
graines qui furent envoyées au Jardin Bo-
Il est établi que les
premiers Européens,
qui abordèrent e n
Amérique, connurent
le caoutchouc ou
« gomme élastique »,
nom que l'on donnait
jadis au produit. En
effet, les auteurs du
début du XVIme siècle
signalent que les. In-
diens pratiquaient des
jeux avec des balles en
caoutchouc. Toutefois,
ce n'est qu'en 1736,
que le Français DE LA
CONDAMINEsignala de
façon précise l'exis-
tence d'arbres à caout-
chouc; il s'agissait de
Castilloa et d'Hevea.
Ce n'est qu'à partir de
1825 que l'on utilisa le
caoutchouc en Europe Manihot Glaziovii ou « Ceara ».
à la fabrication de (Photo Musée du Congo Belge.)
galoches. En 18 3 3,
MACINTOSHfabriqua des vêtements imperméa- tanique de Kew, en Angleterre, où elles
bles et, en 1839, l'Américain GOODYEARinven- donnèrent 2.700 plants. Ceux-ci furent envoyés
ta le procédé de vulcanisation. A partir de à Ceylan et en Malaisie et quelques uns à
ce moment la consommation se développa. Buitenzorg, en 1878. Notons ici que les pre-
L'Amérique resta longtemps le seul four- mières introductions au Congo Belge datent
nisseur de caoutchouc, lequel provenait de de 1896. La culture de l'Hevea cependant
des peuplements naturels de ne se développa guère, mais parallèlement à
l'exploitation
diverses espèces : Hevea brasiliensis MUELL. ces essais on créa des plantations de Ficus
ARC. ou Caoutchoutier de Para et autres He- elastica ROXB. (« India rubber tree ») et
vea, Manihot Glaziovii MUELL. ARC. ou Caout- d'autres Ficus, Moracées d'Asie et de l'Archi-
choutier de Ceara et autres espèces du genre pel malais, ainsi que de Castilloa et Manihot.
Manihot, appartenant toutes à la famille des Ceci se passait à la fin du XIxme siècle.
Euphorbiacées et répandues principalement au En Afrique aussi, on tenta de créer des
Brésil; Castilloa elastica CERV., une Moracée plantations de lianes à caoutchouc et d'Ireh.
d'Amérique Centrale, etc. Après la pénétra- Certaines de ces dernières existent encore.
tion des Européens en Afrique Centrale, cette A partir de 1905 les plantations d'Hevea
région, en particulier le Congo Belge, exporta d'Extrême-Orient se développèrent et, vers
des quantités importantes de caoutchouc pro- 1910-12, il y eut un véritable engouement,
LES CULTURES COLONIALES 587

devant la demande croissante et l'impossiblité fixé chaque année correspondait à un certain


d'y satisfaire au moyen du caoutchouc syl- pourcentage de la quantité de base, établi
vestre d'Amérique et
d'Afrique. Au cours de
la guerre 1914-18, la
demande ne fit que
croître, d'où il résulta
à partir de 1919-20
une surproduction et
une chute des prix. On
tenta, en 1922, de res-
treindre la production
par le « Plan Steven-
son », mais seuls les
Anglais y adhérèrent,
tandis que les autres
producteurs en profitè-
rent pour augmenter
leur production. En
1928, les Anglais sus-
pendirent l'application
du plan et les cours
descendirent de plus Castilloa elastica CERV.(à droite) et C. Tunu HEMSL.(à gauche)
en plus jusqu'en 1934, ou Caoutchoutiers du Panama.
année où fut créé le (Photo PYNAERTJ
« International Rubber
Régulation Committee ». Celui-ci contrôlait d'après l'écoulement des stocks. En 1941,
96 de la production. Seuls n'y adhérèrent ce pourcentage avait été, pour la première
pas les producteurs peu importants : l'Amé- fois, fixé à 100
Voici quelques statis-
tiques anciennes pour
le Brésil et le Congo.
Les exportations brési-
liennes se sont élevées
à 30 T. en 1827, 1.500
en 1850, 6.500 en 1870,
15.000 en 1890, 25.000
en 1900, 30.000 en 1905,
40.000 vers 1910-15,
22.500 en 1929. Le
Congo Belge a produit
30 T. en 1887, 576 en
1895, 6.022 en 1901,
chiffre le plus élevé
atteint à l'époque. A
partir de 1915, le caout-
chouc des plantations
d'Asie l'a emporté sur
le caoutchouc sylves-
tre. Ces dernières an-
nées, celui-ci ne con-
Funtumia elastica ou Ireh. stituait plus qu'une
part minime de la pro-
(Photo Musée du Congo Belge.)
duction mondiale :
25.000 à 30.000 T. pour ,¿-- --
rique et l'Afrique. Le comité fixait, pour l'Amérique et l'Afrique réunies. Au cours
chaque producteur, une quantité de base ou de la guerre, cette production fut à nouveau
contingent maximum. Le contingent effectif intensifiée. Ainsi, en 1944, le Congo Belge
588 LES CULTURES COLONIALES

exporta plus de 9.000 T. de caoutchouc Les principaux consommateurs sont les


sylvestre. Etats-Unis, l'Angleterre, l'Allemagne, la
L'Institut International d'Agriculture in- France, l'Italie, le Japon. La Belgique a im-
dique les productions suivantes pour l'année porté 11.855 T. en 1939, mais les quantités
1939 : avaient atteint 15.799 T. en 1937.

Caoutchouc sylvestre : de plantation :


Caoutchouc

Bolivie 1.188 T. Mexique 2.963 T.


Brésil 18.000 (Guayule)
Birmanie 10.609
A. E. F 010 , ,,~
Bornéo br 31.648
Congo Belge 79 Ceylan 61.210
Indes néerl.. 378.372
(dont 184.578
des plantations indig.)
Indochine 69.058
Malaisie 365.998
Totaux mondiaux: Siam 53.584
Congo Belge 1.046
Caoutchouc sylvestre 27.600T. Liberia 6.200
Caoutchouc plantation 1.030.000T. Nigeria 2.431

Le caoutchouc subit depuis quelques années


la concurrence du caoutchouc synthétique :
« Buna » fabriqué en Allemagne, « Néo-
prène » fabriqué aux Etats-Unis. Outre les
deux pays précités la Russie, le Japon et
l'Italie fabriquaient du caoutchouc synthé-
tique. Au cours de la guerre, quelques autres
s'y sont joints. La production de 1940 était
estimée à 100.000 T. I1) Le caoutchouc syn-
thétique surpasse la gomme naturelle à plu-
sieurs points de vue, notamment par sa résis-
tance à l'usure, à la chaleur, à la vapeur, à
l'essence et aux huiles. Son prix de revient
est toutefois beaucoup plus élevé. Le caout-
chouc naturel, d'autre part, l'emporte au
point de vue de la plasticité. Un autre con-
current est le caoutchouc régénéré. Celui-ci
n'a toutefois que des usages limités ou néces-
site l'addition d'une certaine proportion de
gomme fraîche, mais son prix de revient est
peu élevé. En 1939, les Etats-L nis en ont
produit 186.000 T.
Enfin plusieurs pays ont tenté la culture
de plantes subtropicales ou tempérées produc-
trices de caoutchouc : par exemple le
« Guayule » ou Parthenium argentatum
A. GRAY (Composée, originaire du Mexique),
Euphorbia Intisy DRAKE (Euphorbiacée de

Lianes à caoutchouc: Landolphia Klainei PIERRE. l1) Pour 1950,la production mondiale de caoutclnuc
Récolte du latex. naturel est estimée à 1.605.000T. et la consommation
(Photo Musée du Congo Belge.) du caoutchoucsynthétique à 460.000 T.
LES CULTURES COLONIALES 589

Madagascar), enfin diverses espèces de Soli- les statistiques indiquent pour 1948 5.301 T.
dago (Solanées) et de Tciraxacum, (Composées, de caoutchouc d'Hévéa. Il est à espérer que la
par exemple le « Kok-Saghyz »). Les essais culture de l'Hévéa pourra se développer
ont eu lieu principalement aux Etats-Unis, encore au Congo Belge. Elle présente, en
en Russie, dans. les colonies italiennes. effet, plusieurs avantages : bonne protection
du sol, faible exportation d'éléments nutritifs,
rendement-argent élevé. Voir à ce sujet les
chiffres cités dans l'introduction du chapitre
consacré à l'Elaeis.

et description botanique. —
Origine
Ilevect brcisiliensis MUELL. ARG. est originaire
de l'Amazone (Brésil, Pérou). D'autres es-
pèces du même genre se rencontrent aux
nuyanes, dans le bassin de l'Orénoque, etc.
HUBER (1913) distingue 24 espèces, répar-
ties en deux sections :
E-llhevca : possédant un verticille de 5 éta-
mines dans les fleurs mâles et comprenant
les espèces Hevect guyanensis AUBL., H. colli-
na MUELL. ARG., etc. Bisiphonia : possédant
deux vertieilles de 5 étamines et comprenant

Caoutchoutier des herbes :


Landolphia Thollonii DEWÈVRE.
(Photo Musée du Congo Belge.)

HEVEA.

Les principaux producteurs de caoutchouc


d'Hévéa ont été indiqués dans les statistiques
à la page précédente : Malaisie, Indonésie,
Ceylan, Indochine, Siam. Au Congo Belge, la
culture est en voie d'extension rapide depuis
quelques années. Les premières plantations
datent de 1911. En 1938, il existait au Congo
46 plantations couvrant 7.497 Ha et on avait
entrepris la culture en collaboration avec les
indigènes dans la Lopori. En 1939, la surface
totale s'élevait à 10.619 Ha, dont 249 de
plantations indigènes. En 1948 on comptait
82.907 Ha, dont 28.393 Ha de plantations
indigènes (6.109 en rapport) et 54.514 Ha de
plantations européennes (22.137 en rapport). Feuille, inflorescence et graines d'Hévéa.
En ce qui concerne la production congolaise, (1/3,5 grand, nat.)
590 LÉS CULTURES COLONIALES

notamment : Hevea brasiliensis MUELL.ARG., « mue », c'est-à-dire avec la chute plus ou


H. Spruceana MUELL. ARC., etc. moins complète des feuilles, au début de la
saison sèche (1). Les fleurs mâles sont nom-
breuses, mesurent 6-8 mm. et sont placées
plus bas que les fleurs femelles. Celles-ci sont
plus grandes, peu nombreuses et se trouvent
uniquement aux extrémités de l'axe principal
et des axes latéraux primaires de la panieulc,
parfois de quelques axes secondaires. Les
fleurs mâles et femelles sont colorées en jaune.
Elles sont toutes deux dépourvues de corolle;
les enveloppes florales se composent unique-
ment du calice, dont les sépales sont soudés
sur leur plus grande longueur. Les fleurs
mâles présentent deux verticilles de 5 anthè-
Fleurs d'Hévéa dont le calice a été partiellement res. Celles-ci sont fixées sur une petite colon-
enlevé (2,7 X gr. nat.). — A gauche fleur mâle : ne, en deux séries superposées et alternantes.
S = colonne (pistil rudimentaire); An = anthè- La colonne se termine en pointe, parfois en
res. — A droite fleur femelle : Na = stigmate; trois pointes ; elle constitue un pistil rudimen-
Gy = ovaire; St = staminodes; Di = disque. taire, les pointes étant des rudiments de
(D'après HEUSSER. Public. AVROS.Sumatra.) stigmates. Les fleurs femelles ont un ovaire
supère, triloculaire, à un ovule par loge, sur-
DUCKE (1935) ne reconnaît que 12 espèces
et abandonne la division en deux sections.
(1) Les Hévéas commencent à muer après 2 ans de
Les quatre espèces précitées possèdent plantation, mais des arbres vigoureux peuvent croître
18 chromosomes haploïdes (RAMAER,1935). sans muer jusqu'en 4meet même en 6me année.
En Amérique, diver-
ses espèces autres que
l'Hevea brasiliensis
sont exploitées sur une
petite échelle. Pour la
culture européenne,
certaines peuvent pré-
senter de l'intérêt, no-
tamment dans l'amé-
lioration : sujets de
greffe ?, hybridations ?
H e v e a brasiliensis
peut atteindre 25-30 m.
dans les forêts de
l'Amazonie. En cultu-
re, sa taille est généra-
lement moindre. Les
feuilles sont alternes,
trifoliolées, les folioles
mesurant 20 cm. de
long et plus. Comme
toutes les Euphorbia-
cées, l'Hévéa possède
des fleurs unisexuées.
Celles-ci sont groupées
en panicules axillaires,
comprenant des fleurs
mâles et des fleurs fe-
melles. La floraison
coïncide avec la fin de
« l'hivernage » ou Les plantations européenneset indigènes d'Hévéa au CongoBelge.
LES CULTURES COLONIALES 591

monté d'un stigmate trilobé sessile. Elles fruit est une capsule déhiscente à trois loges.
Il mûrit en l'espace de 5-6 mois. La capsule
présentent, en outre, un verticille de 10 stami-
possède un endocarpe dur, ligneux. Elle
nodes, sous la forme de dix petites protubé-
rances entourant la base de l'ovaire (Voir éclate à maturité et projette les graines à dis-
La floraison commence à la base, tance. La graine mesure 2,5-3 X 2-2,5 cm. ;
figure).
donc par les fleurs mâles, mais les fleurs elle est de forme approximativement ovale et
femelles commencent à fleurir avant la fin
de la floraison mâle. Il ne semble cependant
guère y avoir d'autofécondation, et l'auto-
fécondation artificielle ne réussit du reste
généralement pas. La pollinisation a lieu à
l'intervention de mouches et d'abeilles. En
plantation, le pourcentage de fructification
est toujours très faible : maximum 3 Le

Anatomie de l'Hévéa. — Coupe tangentielle,


pratiquée dans le liber, au niveau d'un plexus
de tubes laticifères anastomosés (Gross. 100).
L, tubes laticifères; r, rayons médullaires.

présente une caroncule qui, à l'opposé de


celle des graines de Manioc et de Ricin, se
dessèche avant maturité et ne reste donc pas
adhérente à la graine mûre. La graine a une
coloration blanchâtre à brun clair, marbrée
Anatomie de 1 Hévéa.- Section transversale de de brun noir de diverses manières.
l'écorce et d'une partie du bois (Grossissement L'Hévéa présente des tubes laticifères, d'un
20). — B2, bois secondaire le plus jeune; E, diamètre de 20-30 microns, dans toutes ses
écorce; 1, liber cortical; pc, parenchyme corti- parties : racine, tige, branches, feuilles, fleurs.
cal; a, b, c, formations scléreuses diverses; Ils existent déjà dans les plantules. La com-
su, suber. position des latices des divers organes n'est
( Cette figure et les trois suivantes ont été cependant pas identique. Par exemple celui
extraites d'une étude faite, pour le Ministère des branches, rameaux et feuilles contient
des Colonies en 1912, par le Chanoine MEUNIER, plus de résines que celui du tronc; dans les
Professeur à l'Université de Louvain. Les planches rameaux et feuilles, les globules de caoutchouc
ont été dessinées et gravées par l'auteur lui- sont plus petits. Seuls les laticifères des tiges
même. Sur les planches originales, les laticifères intéressent le planteur. La majorité des lati-
étaient colorés en jaune-orangé; ici ils sont cifères de la tige se trouve dans les parties
colorés en noir.) internes de l'écorce, donc dans les portions
592 LES CULTURES COLONIALES

les plus rapprochées du cambium. Les lati- ration du latex. Il n'en est donc rien. On sait,
cifères sont disposés en anneaux concentri- actuellement, qu'il y a plusieurs systèmes la-
ques, indépendants. Un Hévéa de 15 ans ticifères indépendants. Les différents anneaux
présente de 10 à 60 anneaux laticifères. Le en sont déjà un exemple. Chaque système ou
système laticifère est indépendant du système portion de système peut fabriquer du latex.
vasculaire. A l'intérieur d'un même anneau BOBILIOFF a démontré l'indépendance des
les tubes sont anastomosés entre eux. Entre systèmes laticifères par l'expérience suivante :
les anneaux se trouvent quelques assises de il enlève toute l'écorce sur une certaine sur-
cellules ordinaires. Il est très rare de trouver face, puis gratte le cambium sur les bords
de ce panneau, de
façon à isoler un îlot
de cambium. Celui-ci
régénère des tissus et
des laticifères, de façon
tout à fait indépendan-
te, et ces laticifères
sont sans connexion
avec les autres laticifè-
res de l'arbre. Des la-
ticifères peuvent se
trouver dans la moelle,
notamment chez les
jeunes plants. Dans la
suite ils dégénèrent
• très souvent.
Anatomie de l'Hévéa. — Section radiale de l'écorce et du jeune bois (Gross.20). Les laticifères les
— B, bois; fg, fibres ligneuses; v, vaisseau; pour les autres lettres voir la légende plus jeunes, c'est-à-dire
de la figure précédente. les plus proches du
camhium, forment des
une connexion entre anneaux. Il en résulte
qu'il faut saigner le plus profondément pos-
sible, sans toutefois entamer le cambium (M.
On obtient ainsi le maximum d'écoulement
de latex, car seuls les anneaux recoupés
directement laissent écouler leur latex. Les
laticifères sont légèrement inclinés (d'environ
5°) de droite à gauche. Il y a donc intérêt
à incliner l'incision de gauche à droite (Voir
plus loin).
Le cambium forme constamment de nou-
velles assises de cellules, dont certaines se
transforment en laticifères, donnant naissance
aux anneaux précités. Les laticifères des
feuilles ne sont pas « connectés » avec ceux
du tronc. Il y a discontinuité à la base du
pétiole, au point d'insertion sur le rameau.
Il y a d'ailleurs aussi discontinuité entre les
laticifères des branches secondaires et pri-
maires. Le latex des feuilles ne peut donc pas
s'écouler vers le tronc lors de la saignée. On
avait pensé jadis que le latex se forme dans
les feuilles, parce que c'est dans les feuilles
que se forment la plupart des substances
organiques, matières premières pour l'élabo- Anatomie de l'Hévéa. — Coupe tangentielle dans le
parenchyme cortical externe (Gross. 100). — L, latici-
fères étirés formant un plexus à mailles très inégales
(1) En pratique, il faut rester à 1-1,5 mm. du et irrégulières: pc, parenchyme cortical mou; se,
cambium. sclérenchyme.
LES CULTURES COLONIALES 593

anneaux continus. A mesure qu'ils sont re- dépasser une teneur en argile de 55
poussés vers l'extérieur du tronc, ils devien- L'Hévéa demande un sol très profond, bien
nent discontinus, à cause de la présence de drainé, à moins de pouvoir assainir. En
massifs de cellules scléreuses entre les latici- aucun cas le plan d'eau ne pourra se trouver
fères. Finalement les plus vieux anneaux se à moins de 2 m. de profondeur. L'Hévéa
détruisent. (Voir les figures). Le nombre craint l'eau stagnante, même peu de temps.
d'anneaux est plus grand à la base de la tige, On évitera les sols présentant une couche
qui est la portion la plus âgée et dont l'écorce cohérente à faible profondeur, à moins qu 'elle
est la plus épaisse. A partir d'un certain ne soit peu épaisse et qu'on ne puisse la percer
âge cependant, le nombre d'anneaux reste au « trouage ». Il faut généralement préférer
pratiquement constant, malgré l'activité les sols forestiers. Il existe cependant, à Su-
constante du cambium, parce que les latici- matra, de bonnes plantations établies sur
fères les plus anciens sont repoussés, comme forêt secondaire jeune et même sur « alang-
il est dit ci-dessus, vers l'extérieur dans la alang » (Imperata). Il n'est donc pas exclus,
zone dure de l'écorce. Il y a néanmoins avan- à priori, que l'on puisse établir des planta-
tage à saigner le plus bas possible, d'autant tions d'Hévéas dans les savanes congolaises.
plus que la circonférence étant plus grande, Au point de vue de la réaction, on a con-
l'incision sera plus longue. Chez les arbres staté que l'Hévéa bien les sols
supporte
greffés, on constate toutefois que le tronc est acides, même nettement acides. Il croît aussi
quasi cylindrique et que le rendement dimi- sur sols alcalins, mais ici faut-il que cette
nue peu si on saigne à une certaine hauteur. alcalinité ne soit pas trop marquée. (2)
Le rôle ou l'utilité du latex pour la plante
VAGELER dit de l'Hévéa qu'il croît dans
est mal connu. Les avis sont partagés. Jus-
toute la gamme des pH, apparemment sans
qu'à présent on l'a généralement considéré
comme un « déchet », ce qui n'est vraisem- optimum bien marqué.
blablement pas exact. Autant que possible, il faut préférer un
sol peu accidenté, pour la facilité de l'exploi-
Sol. — L'Hévéa se place certainement tation, de l'entretien et de la « conservation ».
Il y a cependant beaucoup de plantations en
parmi les plantes les moins exigeantes. On le terrain accidenté, par exemple à Ceylan. Un
cultive sur des sols très divers. D'après les
tel terrain vaut mieux qu'un terrain bas,
recherches du Prof. BAEYENSsur les sols du
humide.
Bas-Congo, l'Hévéa se place au bas de
« l'échelle de fertilité ». On conçoit aisément
qu'il soit peu exigeant, puisqu'il -n'exporte Climat. — L'Hévéa est originaire d'une
quasi rien : le caoutchouc est un hydrocar- région équatoriale, chaude et humide, sans
bure et, à côté de celui-ci, le latex ne contient saison sèche proprement dite. La température
quasi que de l'eau, très peu de matières pro- moyenne annuelle, réduite au niveau de la
téiques et une très faible proportion de sub- mer, est de ± 28° en Amazonie; les pluies y
stances minérales (1). D'autre part, la quan- atteignent 2000 à 2500 mm. De façon géné-
tité de graines exportées est normalement rale, 1500 mm. de pluies constituent un mini-
négligeable. La culture de l'Hévéa est, de ce mum. On a cependant, au Mayombe, des
fait, une culture très intéressante, peu épui- plantations ne recevant que 1200 mm. et su-
sante, conservant bien et même améliorant le bissant une saison sèche de 4-5 mois. En
sol (si la culture est bien conduite), ne de- Indochine également, il existe des plantations
mandant guère l'emploi d'engrais chimique. dans des régions présentant 5 mois de saison
Bien entendu il y aura toujours avantage à sèche marquée. En Indonésie, par contre, les
choisir un sol de bonne qualité, mais si l'on régions de culture d'Hévéa reçoivent de 2 à
désire pratiquer plusieurs cultures, on pourra 5 m. d'eau. Dans les régions à saison sèches
sans crainte réserver les moins bonnes terres marquées, il faut utiliser des variétés ou clo-
à l'Hévéa. nes appropriés et éventuellement arrêter la
Lorsqu'on a le choix, on préférera un sol saignée ou du moins accorder aux arbres un
plutôt argileux que sableux, sans toutefois repos d'une certaine durée. Ainsi, à Ceylan
et en Indochine, on arrêtait la saignée pen-

(1) Voici la composition du latex : 50-60 d'eau,


30-40 de caoutchouc, ± 2 de matières protéiques, (2) Pour des cultures en solution, BOBILIOFF
constate
± 1,5 de résines (également des hydrocarbures), des effets nuisibles au-dessous de pH 3 et au-dessus
± 0,5 de matières minérales. de pH. 7,6.
594 LES CULTURES COLONIALES

dant 4-6 semaines. Actuellement cependant, plantation. La nécessité de dessoucher les


des systèmes de saignée avec périodes de repos lignes découle de la plus grande sensibilité
s'appliquent habituellement, même en régions des jeunes arbres.
à climat humide. En tout cas, s'il y a une
saison sèche, la production baisse notablement. ECARTEMENTS. - Les écartements habituels
Un élément climatique également important variaient, il y a quelques années, entre 6 et
est la répartition des pluies au cours de la 8 m., la disposition étant en carré, quinconce,
journée. Peu de régions, cependant, ont un rectangle ou triangle. Actuellement, on plante
régime bien constant à ce point de vue. Des beaucoup plus serré, afin de pouvoir faire
pluies matinales fréquentes sont défavorables des éclaircies sélectives. La plantation dense
parce qu 'elles gênent la saignée ou provoquent a l'inconvénient de coûter cher, surtout si on
des pertes de latex. Des pluies nocturnes, emploie des stumps greffés; par contre, le
comme à Sumatra, ou d'après-midi sont sol est mieux et plus rapidement protégé et
préférables. Dans la cuvette congolaise, il ne la production des premières années est plus
semble pas que la saignée soit souvent élevée. En Indonésie on préconise, en ce mo-
entravée. ment, une densité de 400 à 500 arbres, c'est-
En ce qui concerne l'altitude, l'Hévéa exi- à-dire un écartement de 4,5 X 4,5 ou 5 X
geant un climat chaud, il faudra rester dans 5 m. A Yangambi, les plantations récentes ont
certaines limites. En général, on mentionne été établies à 5 X 4 m. en quinconce, soit
6-700 m. comme un maximum à l'équateur. 490-500 arbres à l'hectare. Ce nombre doit
A Sumatra, la plupart des plantations se trou- être ramené, par éclaircie sélective, à ± 325
vent entre 12 et 450 m. à 7 ans, ± 280 à 10 ans et ± 240 à 15 ans.
Ce sont là des moyennes, l'écartement dépen-
L'Hévéa, surtout les jeunes arbres et cer-
tains clones, craint les vents violents. Il faut dant de la variété. Autant que possible, on
donc éventuellement oriente les lignes Est-Ouest, pour obtenir un
prévoir des coupe-vents
ou planter des clones résistants aux endroits meilleur éclairement des couronnes sur deux
côtés. (2)
exposés.
Les trous de plantation mesurent 1 1/2 à
3 pieds de côté, généralement 2 pieds, parfois
Préparation du sol. — On a le choix entre 2 pieds de large et 3 en profondeur.
l'incinération et la non-incinération. Dans le
premier cas, on aura soin de ne pas exagérer d'Hévéaculture.
le brûlage. L'écartement assez grand auquel Techniques spéciales
on plante les Hévéas ne nécessite pas un ter- « FORESTRYMETHOD». — Cette méthode
rain entièrement dégagé : des allées de 1,50 m. consiste à traiter l'Hévéa comme une plante
par exemple suffisent. Jadis on pratiquait un forestière. La plantation est dense et on con-
dessouchement très poussé : on enlevait les serve sur le sol une végétation spontanée, y
souches petites et moyennes sur toute la sur- compris les semis naturels d'Hévéas. On fait
face. Seules les grandes souches étaient res- éventuellement un « selected weeding » vis-
pectées, mais si on l'avait pu on les aurait à-vis des mauvaises herbes les plus nuisibles.
enlevées. Souvent on les isolait au moyen de On envisage même la régénération naturelle
tranchées profondes de ± 80 cm. Tout ceci des peuplements ou provisoirement le remplis-
par crainte des maladies des racines (Fomes, sage des vides de cette manière. On grefferait
Ganoderma), auxquelles les Hévéas, surtout éventuellement les individus de remplacement
les jeunes arbres jusque 4-5 ans, sont très
sensibles. Actuellement cette crainte n'est
plus aussi vive, car on a constaté que là où (2) Au cours de la guerre on a planté, au Congo,
le dessouchement et l'incinération avaient été 6.000 Ha. à la densité de 2.500 arbres, afin d'obtenir
moins poussés, il n'y avait pas plus de cas un rendement assez élevé, malgré une mise en saignée
de maladie, plutôt au contraire (l), du moins très précoce. Il s'agit là d'un procédé anormal, justifié
si les lignes avaient été soigneusement des- par les circonstances. Il ne pourrait, en effet, être
souchées. On peut donc, comme dans la non- toléré en temps ordinaire, même si une partie des
incinération, ne dessoucher que les lignes de plants n'était pas soumise à la saignée précoce, afin
d'assurer son avenir. La plantation à grande densité
présente l'inconvénient d'exclure les méthodesmodernes
(1) En Indonésie et à Yangambi, on a souvent d'hévéaculture (non-incinératiion,couverturedu sol par
relevé moins de cas de Fomes sur parcelles non le recrû forestier) et d'exposer à une propagation
incinérées. rapide du Fomei.
LES CULTURES COLONIALES -

et on supprimerait les jeunes « sauvageons » arraché les arbres avec leurs racines, au moyen
en surnombre, en les cassant. Le système est de dessoucheuses de grande puissance. Parfois
excellent du point de vue de la conservation un labour complet a été effectué. Ailleurs on
du sol; il fut essayé en premier lieu en Ex- n'a pas brûlé, éventuellement même on n'a
trême-Orient et largement appliqué dans les pas dessouché. Dans beaucoup de cas on a
nouvelles plantations congolaises. isolé les nouvelles lignes des anciennes au
La technique des indigènes de Sumatra s'en moyen de tranchées. On a également essayé de
rapproche. Ceux-ci plantent environ 1000 greffer ou regreffer les anciennes souches,
pieds (des « seedlings ») à l'hectare et pen- l'opération se faisant généralement sur un
dant un ou deux ans ils cultivent du Riz sec rejet afin d'obtenir une meilleure reprise. De
entre les lignes. Dans la suite, jusque 5-6 ans, nombreux essais ont été faits en Asie, en
ils laissent pousser la végétation naturelle Indonésie et au Congo Belge. L'avenir dira
buissonnante. Ensuite les arbres sont dégagés quelles sont les meilleures méthodes. Avant
autant qu'il le faut pour pouvoir les saigner. l'abatage des arbres condamnés, on les saigne
Ces plantations ont l'aspect de « forêts » à blanc (« slaughter tapping ») pendant
d'Hévéas et donnent des résultats très satis- quelque temps, par exemple sur une ou deux
faisants. spirales complètes, jusqu'au bois, de façon à
leur faire rendre le maximum.
« JUNGLE PLÀNTING». — Cette méthode con-
siste à planter en forêt, donc sous couvert Multiplication. — On peut multiplier
forestier. On ouvre des allées parallèles, cor- l'Hévéa par semis, greffage et bouturage. Ce
respondant aux lignes, et on y abat le sous- dernier procédé nécessite l'emploi de stimu-
bois et les arbres. On y plante des Hévéas à lants (hormones) et n'intéresse pas la prati-
faible écartement et pendant trois ans on que. Actuellement, les planteurs européens
laisse pousser la végétation forestière, enle- utilisent surtout la greffe, parce que c'est la
vant simplement, s'il y a lieu, VImperata et seule façon d'obtenir un matériel de valeur,
dégageant les jeunes arbres. Ceci consiste à la sélection générative n'étant pas encore
couper la végétation spontanée des allées assez avancée. On connaît cependant déjà des
chaque fois qu'elle atteint 4 pieds de hauteur. clones dont la descendance à partir de graines
Dans les essais faits en Malaisie, les arbres issues d'autofécondation (semences « clona-
se sont mieux développés que dans les parcel- les ») ou de croisement avec un clone de va-
les-témoins établies suivant les méthodes habi- leur (semences « interclonales ») est suscep-
tuelles. Dans la suite, on abat progressivement tible de fournir de hauts rendements et de
la forêt entre les lignes. Avec des abatteurs diverses autres qualités : bonne
présenter
adroits, il n'y a guère de dégâts aux Hévéas. régénération de l'écorce, résistance au vent
La méthode s'applique d'ailleurs à des forêts et aux maladies, etc. Il s'agit donc de semen-
secondaires ou partiellement exploitées anté- ces provenant de champs isolés monoclonaux
rieurement, en tous cas exemptes de très gros ou biclonaux. De telles plantations devront,
arbres. Si des terrassements sont nécessaires, dans la suite, subir une éclaircie sélective plus
ils se font avant l'abatage. On n'incinère pas attentive que des plantations greffées, car
dans cette méthode, sauf éventuellement, et elles seront moins homogènes. Toutefois on ne
celà modérément, à l'ouverture des allées. dispose pas encore de grandes quantités de ces
Lors des abatages ultérieurs, on sème des semences et les descendances n'ont pas encore
Légumineuses, à moins que l'on ne traite la été mises à l'épreuve pendant un aussi grand
plantation suivant la méthode forestière. nombre d'années que les descendances végé-
tatives. H y a donc lieu de se montrer encore
RAJEUNISSEMENT ET REDÉFRICHEMENT.— En prudent.
Extrême-Orient, on a redéfriché beaucoup de
vieilles plantations, établies à une époque où Semis. — La graine d'Hévéa doit être
on ne disposait pas encore de matériel sélec- semée aussi fraîche que possible, son pouvoir
tionné. Actuellement, on estime devoir rajeu- germinatif diminuant rapidement. Après 2-3
nir toute plantation ne donnant pas 400 kgrs mois, elles ne germent généralement plus. Des
de caoutchouc sec. On espère que l'opération graines tout-venant ramassées en plantation
procurera des rendements de l'ordre de donnent 70-80 de germination, lorsqu'elles
1.500 kgrs. Le mode d'exécution varie d'après sont fraîches ; après un mois, elles ne donnent
les plantations. Dans certaines on a abattu, plus que 40 Il ne faut donc ramasser que
incinéré, dessouché complètement ou même des graines d'aspect frais, luisantes, à mar-
596 LES CULTURES COLONIALES

brures bien marquées. On peut aussi cueillir F ornes, mortel pour les jeunes plants, et pour
les fruits. Ceux-ci sont mûrs, lorsqu'en pi- éviter des pivots courbes ou fourchus. Les
quant la couche tendre extérieure (mésocar- souches de grande dimension sont isolées au
pe), il n'en sort plus de latex. Ils ont alors moyen de tranchées de 80 cm. de profondeur
une coloration vert jaunâtre. Ceci est utile et 30 cm. de large. Les trous laissés par les
lorsqu'on veut s'assurer de l'origine des grai- autres souches sont comblés, en ayant soin
nes (l). Il faut au moins, même si l'on compte de remettre le sous-sol en dessous. Ensuite
greffer, ramasser les graines sous des arbres le terrain est labouré à deux fers de bêche
connus comme bons producteurs ou dans un de profondeur, en enlevant avec grand soin
ehamp bon producteur. toutes les racines, morceaux de bois et pierres.

(TERMOIRS.— On peut, à la rigueur, s'en


passer et semer directement en pépinière,
mais on obtient alors une pépinière irrégu-
lière. A Yangambi, on utilise des lits de
1,25 X 10 m., non surélevés et bordés de ron-
dins, pour empêcher l'érosion. On ameublit à
20 cm. de profondeur, ce qui suffit ici, puis
tasse légèrement. En terre lourde on étend,
avant le tassement, une couche de sable de
5 cm., ce qui a l'avantage de placer les grai-
nes dans un milieu assez humide pour germer,
mais pas trop humide pour pourrir. On place
les graines à 2 X 2 cm., en se servant d'un
bâton ou d'une règle de 2 cm., de largeur,
comme gabarit, afin d'obtenir un espacement
régulier. En effet, des graines trop serrées
s'extrayent difficilement du germoir. Les
Plantule cl Hévéa apte à être graines doivent se poser à plat, sur leur face
repiquée. (DessinInéac.) longue et le dos vers le haut, pour éviter des
courbures du pivot. Elles ne sont pas enter-
La conservation et l'expédition rées, mais simplement imprimées dans la ter-
des semen-
ces se font le mieux en les mélangeant avec re, de manière à ce que le dos affleure. On en
de la poudre de charbon de bois humide, en place 750 par mètre courant de plate-bande.
Les germoirs sont fortement ombragés au
couches alternées avec du papier fort. Il est
utile de garnir les caisses intérieurement de moyen d'une toiture en feuilles. En outre, les
côtés Est et Ouest sont munis de parois. On
papier huilé. Avec du charbon de bois addi-
tionné de 20-30
arrose copieusement chaque jour, sauf s'il
d'eau, le pouvoir germina-
tif se conserve intact. pleut. Normalement les germinations s'éche-
lonnent entre 10 et 25 jours. On néglige les
Le semis peut se faire de diverses manières.
graines non encore germées après un mois.
Le plus souvent, jusqu'en ces dernières an-
Lors de la germination, la radicule, puis la
nées, il s'est fait en germoir, avec repiquage
en pépinière, suivi de la plantation sous forme tigelle s'échappent par le pore germinatif.
Les cotylédons restent dans la graine ; ils
de stumps. On sème parfois en paniers et,
absorbent les réserves du périsperme et les
dans les plantations récentes, on a souvent conduisent vers la plantule. On repique en
remis en honneur le semis en place de graines Le
pépinière à mesure de la germination.
prégermées ou non. meilleur moment est celui auquel la tigelle a
Nous donnons, ci-dessous, la technique des une longueur de 6-7 cm. Il faut repiquer au
pépinières à Yangambi. des deux
Le terrain des pépinières est choisi et pré- plus tard juste avant l'apparition
On dessouche de façon premières feuilles. Les plantules sont soule-
paré soigneusement. vées au moyen d'une spatule en bois ou en
parfaite, en enlevant toutes les racines. Ceci
est indispensable en raison du danger de bambou, en ayant soin de ne pas séparer la
graine.

(1) Rappelons qu'elles sont projetées à grande dis- PÉPINIÈRES. — La distance de repiquage
tance, lors de l'éclatement du fruit. est de 35 X 35 ('m. Toutes les 4-5 lignes ou
LES CULTURES COLONIALES 597

plus, on ménage un sentier de 50 cm. Si l'on plants des diverses classes de CRAMER. Il a
se propose de greffer on prévoit un sentier constaté une infériorité nette des classes 1 et
toutes les deux lignes, pour permettre aux II. Il y a donc tout intérêt à les éliminer.
greffeurs de travailler à l'aise. Dans ce der- Par une telle sélection, on a pu obtenir, après
nier cas, 1 Ha de pépinière compte environ 18 mois de saignée, 17 d'augmentation
65.000 plants. En repiquant, on veille à ne de rendement.
pas briser ni courber le pivot et on fait en
sorte que la graine reste à la surface du sol.
On arrose et abrite au moyen d'un écran de
feuilles placées à 50-60 cm. au- dessus du sol.
Après deux jours on supprime cet abri. S'il
fait sec, on arrose encore le lendemain et
éventuellement quelques jours durant. Nor-
malement après 10-20 jours ce n'est plus
nécessaire.
En bonnes conditions on peut tailler les
stumps et planter après 8-9 mois. Générale-
ment, cependant, celà ne se fait pas avant
10 mois et on attend parfois jusque 20 mois.
Sur sol bien préparé, des plants de 10 mois
mesurent 7 à 10 pieds de haut et 5-10 cm.
de circonférence. En ce qui concerne la
greffe, elle peut avoir lieu à partir de 10 mois.
Habituellement on greffe sur sujets de 10 à
Pépinière d'Hévéas.
16 mois, ayant au moins 6-7 cm. de cir-
conférence. (Photo Musée dit Congo Belge.)

SÉLECTIONEN PÉPINIÈRE.- On fait toujours FERRAND remplace le testatex par un gref-


en pépinière, comme pour les autres cultures, foir. Il fait une incision oblique sur la demi-
un choix des meilleurs plants. En outre, on a circonférence, de gauche à droite, pour imiter
tenté de reconnaître, au moyen d'un « test », la saignée. Il distingue cinq classes. La mé-
les Hévéas futurs bons producteurs. thode est équivalente à la méthode originale.
Le Dr. CRAMER a imaginé une méthode
qu'il a dénommée « Méthode testatex ». Le GREFFAGE. — L 'Hévéa se greffe en écus-
testatex est un petit outil composé d'une lame son, à œil dormant, suivant la « méthode de
métallique sur laquelle sont fixés quatre FORKERT modifiée », méthode déjà citée au
couteaux en forme de V, perpendiculaires à chapitre du Cacaoyer. Comme bois à greffer
la lame et écartés d'environ 2 cm. On appuie on emploie des jeunes branches, âgées de
l'outil contre le tronc du jeune plant de ma- 8-10 mois, avant 5-10 cm. de circonférence.
nière à faire quatre entailles à environ 10 cm. Le bois doit être assez aoûté, ce qui se recon-
du sol. Celà doit, en tout cas, se faire à la naît à la couleur grise ou brun gris de
même hauteur pour tous les plants, du même l'écorce; les portions vertes ou brunes sont
côté et à la même heure. D'après l'abondance trop jeunes. Elles ne conviennent pas, parce
de l'écoulement de latex, CRAMER distingue que l'écorce se froisse au cours des manipu-
six classes : I. lignes blanches sans écoule- lations de la greffe. Le bois âgé convient
ment; II. une goutte à chaque coupure; III. moins bien aussi.
latex coulant et réunissant à peu près les Comme il est difficile et peu commode de
coupures; IV. latex réunissant les coupures prélever des jeunes branches convenables sur
et coulant plus ou moins le long du tronc; V. des arbres âgés, on établit des « parcs à
latex coulant jusqu'au sol; VI. (« Napo- bois ». Ce sont des espèces de pépinières pour
léon ») dépôt de latex sur le sol. La méthode
la production de bois de greffe, plantées au
n'est pas tout à fait à l'abri de critiques.
L'écoulement moyen de stumps greffés, à 2 X 2 m. de
de latex n'est qu'un élément;
en plus il y a les différences de concentration distance, taillées et recépées périodiquement
des latices. pour récolter le bois à greffer ou, en cas de
non-utilisation de celui-ci, pour maintenir
SCHMOLE a comparé les productions de bas et rajeunir. La première année on coupe
parcelles plantées de plants tout-venant et de les pousses latérales, pour obtenir une
tige
598 LES CULTURES COLONIALES

droite et longue. A la « récolte » on sectionne de toucher des doigts ou de souiller le cam-


à 35-40 cm. de hauteur et des rejets qui appa- bium. On vérifie ensuite l'œil, c'est-à-dire
raissent, on choisit et conserve après 2-3 mois qu'on s'assure qu'il subsiste à la face interne
les deux plus beaux. En troisième année, on une petite saillie qui est la base ou le « ecetir »
pourra en conserver 4 et plus dans la suite. (« zieltje ») de l'œil. Il est bon, avant d'enle-
A un an, un parc à bois fournit environ 3 m. ver la lamelle de bois, de couper un des coins
de bois par pied, dans la suite 6-9 m. et plus. supérieurs de l'écusson, afin de pouvoir le
placer en position normale sur le sujet, quoi-
qu'il n'y ait guère d'inconvénient à le placer
sens dessus dessous. On fait toujours l'écusson
légèrement plus petit que la « fenêtre » du
sujet. Il faut éviter soigneusement d'exposer
le cambium au soleil.
Quelques minutes d'avance, pour que le
latex ait le temps de s'écouler, on fait sur le
sujet trois incisions délimitant un rectangle
vertical d'environ 4X2 cm. On ouvre la
« fenêtre » le plus bas possible, c'est-à-dire
à environ 5 cm. du sol, étant donné que le
tronc doit être saigné jusque près du sol.
Avant de soulever le « volet » ou la lèvre
d'écorce, on essuie le latex écoulé. La lèvre
est alors soulevée et raccourcie. Dans la mé-
thode dite « Plakoculatie » ou placage, on
fait quatre incisions et on enlève le volet, que
l'on replace éventuellement sur l'écusson pour
le maintenir.
L'écusson est introduit dans la fenêtre du
sujet, en ayant soin de ne pas le faire glisser
Hévéa greffé ou tourner, ce qui froisserait le cambium. On
suivant la méthode de FORKERT modifiée. relève le volet et on entoure d'une bande de
(Photo SLADDENJ coton d'environ 50 X 3 cm., l'enroulement
commençant par le bas. Ces bandes sont au
Les yeux convenant pour la greffe sont préalable imbibées de paraffine à point de
fusion vers 55°. On a obtenu des résultats
petits, dormants, situés près des nœuds. On
obtient 12-15 yeux utilisables par mètre cou- excellents, en cou-
rant. Comme sujets, on emploie, ainsi qu'il vrant la greffe d'un
a été dit, des plants de pépinière âgés de morceau de feuille
10-16 mois et d'au moins 6-7 cm. de circonfé- de Palmier (± 15
rence. Des sujets plus âgés peuvent servir; cm.) fixé solide-
ils donnent des plants vigoureux, mais la re- ment au moyen de
prise de la greffe est plus lente et le pour- raphia.
centage de réussite moins élevé. Il faut toute- Dix à quinze
fois avoir soin de ne pas utiliser des sujets jours plus tard, on
qui sont âgés, parce qu'ils furent laissés en ouvre la greffe, on
pépinière à cause d'un retard de croissance. casse la lèvre et on
On prend toujours des sujets vigoureux, bien 1 examine l'écusson
2
en sève, dont le bourgeon terminal est en en le grattant légè-
voie de développement ou qui portent au Ecussonnage de l'Hévéa rement avec le ca-
suivant la méthode FOR- nif. S'il est resté
sommet des feuilles récemment déployées. Ils KERTmodifiée. - 1, écus-
donnent une meilleure reprise. Il faut donc son; 2, écusson en place. frais, la greffe est
greffer en saison des pluies. (Dessin Inéacj réussie provisoire-
On donne à l'écusson environ 4X2 cm. et ment. Dans le cas
on enlève, à l'aide de la spatule du greffoir, contraire, on peut regreffer le sujet de l'au-
la lamelle de bois qui se trouve sous l'écorce tre côté. Une semaine après l'ouverture, on
et qui a été coupée avec celle-ci, au moment recèpe le sujet à 10-20 cm. au-dessus de la
du prélèvement de l'écusson. Il faut éviter greffe. La section se fait à la scie, en oblique
LES CULTURES COLONIALES 599

vers le côté opposé à la greffe, pour que la quelques millimètres du pivot. Certains plan-
pluie s'écoule de ce côté. Si on désire retar- teurs préfèrcnt conserver les racines latérales
der la mise en place, on peut recéper après sur une certaine longueur : par exemple
3-4 semaines seulement, mais pas plus tard, 20 cm. On fait un triage sévère, écartant les
sinon beaucoup d'écussons sèchent. Entre- plants ayant un mauvais pivot ou pas de
temps rœil reste dormant; il ne commence pivot. Si le pivot est fourchu on peut conser-
à gonfler qu'après recépage. La mise en ver le stump en lui supprimant la branche
la plus faible. On examine aussi les plants
place a lieu lorsque l'œil a commencé à
gonfler, ce qui se produit ± 3 semaines au point de vue du Fomes. Ceux qui sont
atteints sont brûlés ; ceux qui sont légèrement
après le recépage. A ce moment, on obtient
une bonne reprise, en outre le transport et atteints sont grattés; quant aux plants sains
la plantation se font commodément. On peut provenant d'une pépinière infectée, on lave
encore planter avec succès plus tard, aussi leur pivot. Ces plants, ainsi que ceux qui
longtemps que les premières feuilles ne sont étaient légèrement atteints, sont plongés pen-
pas développées. On peut cependant planter dant une minute dans une solution à 2
encore, en coupant les feuilles, mais la re- de sulfate de • cuivre, jusqu'au-dessous des
prise est moins bonne. On peut évidemment bourgeons, puis lavés à nouveau. Au cours
planter des greffes développées, en les « stum- du transport, on protège les stumps contre le
pant », mais dans ce cas il y a deux arrêts soleil et le vent. A la mise en terre, il faut
dans la croissance. Ceci se fait pour des veiller à planter à la bonne profondeur, c'est-
remplacements. à-dire de façon à ce que le collet soit au
Le pourcentage de réussite est d'environ niveau du sol, et à tasser fortement la terre
70 et peut atteindre 95 En pratique, autour du plant, sinon la reprise est aléatoire.
on fait deux fois autant de greffes qu'on en La reprise a lieu et les stumps rejettent
compte planter, parce que toutes ne réussis- après un mois environ, si le temps est favo-
sent pas et que, parmi celles qui réussissent, rable. Il se forme généralement plusieurs
toutes ne sortent pas assez rapidement pour rejets, dont on conserve le plus vigoureux.
pouvoir être plantées au moment le plus fa- Après quelques mois, on coupe le chicot situé
vorable. Par exemple à Yangambi, on table au-dessus du rejet conservé. La section se
sur 70 de réussite et dans ce nombre sur fait au moyen d'une bonne scie, en oblique.
75 de sorties endéans les deux mois, soit Il peut être utile de goudronner la nouvelle
au total. Un greffeur peut faire 125 section. L'enlèvement du chicot hâte la sou-
52,5
à 150 greffes par jour. dure tige-rejet.
Greffes. — Nous avons dit qu'on plante
EXPÉDITIONDE BOISA GREFFER.— On prend environ trois semaines après le recépage du
dans ce but du bois bien aoûté, on le taille en porte-greffe. Un bon système est de planter,
tronçons de 1 m. et on paraffine les extrémi- non pas à date fixe, mais seulement lorsque
tés. Les tronçons sont enveloppés de papier, l'œil de l'écusson est gonflé. On obtient ainsi
séparément, puis placés dans une caisse avec une plantation plus régulière et une meilleure
du charbon de bois humide. A l'arrivée, on reprise. Les plants dont l'œil n'est pas gonflé
scie les bouts inférieurs et on place les tron- sont laissés en pépinière pendant quelques
çons debout dans des récipients contenant du jours encore et servent à planter un autre
sable humide. On peut ainsi les conserver bloc. Toutefois, si l'on plante de très grandes
quelque temps. Ceci se fait aussi s'il faut surfaces à la fois, il est difficile de faire ce
conserver du bois sur place pendant quelques choix. Un stump greffé se prépare comme un
jours. stump de seedIing, à part que la tige est plus
courte (10-20 cm.). Ceci a l'avantage d'em-
MISE EN PLACEDES STUMPS.- « Seedlings ». pêcher le sujet de former un trop grand
— Un stump d'Hévéa se
compose habituelle- nombre de rejets « sauvages ». La plantation
ment de 50-75 cm. de tige et d'une longueur se fait également de la même manière que
égale de pivot. Les plants sont âgés de 8 à pour d'autres stumps, mais les plants ayant
20 mois à la plantation. Généralement on plus de valeur, on les abrite pendant quel-
recèpe les stumps à la hauteur choisie, en ques jours sous une coiffe de feuilles. Après
pépinière, 1-2 semaines d'avance, de façon à 8-10 jours, on ôte cette coiffe de peur que le
ce que les yeux commencent à gonfler avant greffon ne soit dévié. Une surveillance at-
la mise en place. Il est utile de goudronner tentive est exercée pour supprimer les rejets
ou paraffiner la section. Après arrachage, « sauvages » qui pourraient se former avant,
on sectionne le pivot et les racines latérales à ou supplanter le greffon. Il faut les couper
600 LES CULTURES COLONIALES

immédiatement. Quand la base du greffon attendre plus longtemps encore. On désire


est bien aoûtée, on scie le chicot en biseau, donc, dans certains cas, pratiquer une culture
immédiatement au-dessus du greffon, pour intercalaire temporaire ( « catch-crop »). Dans
favoriser la soudure complète. On supprime d'autres cas, on désire un intercalaire défi-
ensuite les pousses latérales qui pourraient nitif, mais alors il faut modifier l'écartement
apparaître sur le greffon, car il s'agit d'ob- des Hévéas, sinon l'ombrage serait trop dense.
tenir un tronc suffisamment haut pour la Comme « catch-crop » on rencontre, en cul-
saignée. On désire généralement une hauteur ture indigène : le Riz, le Maïs, le Manioc,
de 2 m. Parfois l'écusson donne plusieurs l'Ananas (Sumatra), etc., en culture euro-
rejets. On ne conserve évidemment que le plus péenne le Café robusta. D'autres associations
fort ou le plus rapproché du tronc, s'ils se
valent.
Greffage en place. - Beaucoup de nou-
velles plantations congolaises ont été semées
et greffées en place. On a généralement mis
3 ou 4 graines (germées ou non) à chaque
emplacement, afin de s'assurer une occupa-
tion complète. Deux, parfois trois plants de
chaque emplacement ont été greffés, à un
âge compris entre 12 et 24 mois, les plants
en surnombre étant supprimés dans la suite.
Cette méthode produit de meilleurs plants,
puisque les sujets semés en place ont une
croissance ininterrompue. En outre, les rem-
placements éventuels sont facilités, les plants
de réserve étant sur place. Un essai compara- Plantation d'Hévéas à Sumatra.
La photo représente un essai de fumure appliquée
tif fait à Yangambi indique que la croissance à la couverture de Pueraria.
des plants greffés en place est significative- (Photo SLADDEN)
ment supérieure à celle des plants greffés en
pépinière. Toutefois, dans certaines régions, de plantes vivaces sont rares. Pendant les
les semis ont parfois à souffrir des attaques premières années, il faut un ombrage supplé-
de sauterelles ou de rongeurs. mentaire de Leucaena, par exemple. L'inter-
calaire « robusta », ou autre du même genre,
et cultures intercalaires. - et le contrôle des maladies,
Couverture gêne l'entretien
Les plantes de couverture le plus souvent uti- de même que la saignée et la surveillance.
lisées sont le Pueraria, le Centroserna, le Calo- Les maladies du tronc et des surfaces de
pogonium, le Vigna Hosei. Ce dernier, saignée sont plus fréquentes. Un intercalaire
cependant, est moins apprécié, parce qu'il temporaire exigerait des installations tempo-
donne un tapis peu épais, donc d'entretien raires pour l'usinage du produit.
assez coûteux. On emploie souvent des mélan-
ges de Légumineuses et, de plus en plus, on Entretien et taille. - - 11 faudra entretenir
maintient le « recrû forestier » comme cou- la couverture ou rabattre périodiquement le
verture. Outre les rôles généraux, cités recrû forestier et maintenir les cercles ou
ailleurs, les plantes de couverture, comme les bandes au pied des arbres. Ce point est
d'ailleurs la plupart des végétaux, surtout important, car des Hévéas non dégagés sont
un mélange d'espèces, par exemple le recrû gênés dans leur croissance et les jeunes greffes
dans la « Forestry method », grâce à leur sont exposées à être étouffées par les Légu-
fouillis de racines, gênent la progression des mineuses volubiles. Il y a normalement des
rhizomorphes du Fomes, si elles ne sont pas remplacements à faire. Au Congo, sur sol
susceptibles de lui servir de support. D'autre relativement léger, il y a généralement
part. les Hévéas, en l'absence de couverture, 10-15 de déchet au cours des trois pre-
forment des racines latérales longues et droi- miers mois. Dans la suite, quelques arbres
tes qui entrent plus rapidement en contact meurent encore, mais après la deuxième année
avec le Fomes, éventuellement présent. on ne les remplace généralement plus, parce
de
On ne peut généralement pas saigner avant qu'il y aurait une trop grande différence
la 5me année, souvent même pas avant la développement.
6me année. A une certaine altitude, il faut L'entretien comporte encore un ensemble
LES CULTURES COLONIALES 601

de mesures de prophylaxie et de lutte contre examen, on déterre le pivot sur une profon-
les maladies des racines. Ces opérations, de deur de 5 à 25 cm. suivant l'âge, et les racines
grande importance, sont décrites plus loin. latérales sur une longueur d'un mètre, pour
rechercher la présence, de cordons mycéliens.
Taille. — Les jeunes Hévéas ne se rami- Lorsqu'on en découvre, on dénude les raci-
fient généralement pas avant un ou deux nes sur toute la distance et suivant toutes les
ans; les plants greffés cependant débutent directions envahies. Si l'attaque est super-
plus tôt. Il faut supprimer ces rameaux ou ficielle, on gratte les portions atteintes et on
pousses près du tronc et le plus tôt possible, les badigeonne avec une solution à 2 de
de façon à ce que l'opération nuise moins et sulfate de cuivre. Si l'attaque est profonde
que la cicatrisation soit plus rapide. Nous et s'il y a un début de pourriture, on coupe
avons dit qu'on ne laisse pas les Hévéas se la racine et en goudronne la section. Il est
ramifier en dessous de 2 m. Lorsqu'un arbre utile de laisser les trous ouverts pendant
tarde à former sa couronne, c'est-à-dire file quelques jours, car le soleil tue rapidement
en hauteur sans se ramifier, on peut essayer les champignons responsables de la maladie.
le. « stripping », qui consiste à couper toutes On a soin de marquer les arbres traités, afin
les feuilles au moyen d'une serpette montée de pouvoir les surveiller spécialement dans
sur une perche, pour provoquer le dévelop- la suite. Les arbres morts ou fortement at-
pement de rameaux. On peut aussi étôter à teints sont enlevés et toutes les racines sont
2 m., mais ceci est nuisible et expose dans la extraites et brûlées. Les inspections se font
suite au bris des branches et à la déchirure pendant les 5-6 premières années après la
du tronc par le vent. plantation. Si le travail a été bien conduit,
Parfois il est utile de tailler dans la cou- les cas de Pan/cs seront rares au cours des
ronne, surtout chez certains clones sensibles années ultérieures.
au vent. On éclaircit ainsi la couronne de Depuis quelques années, on a mis à l'essai,
façon à ce qu'elle offre moins de prise au à Yangambi et dans diverses plantations pri-
vent. vées, des méthodes préventives légèrement
modifiées. A partir de deux ans, le collet l t
Prophylaxie et lutte contre les maladies l'étage supérieur des racines latérales sont
des racines (Fomes et Ganoderma). —• Il est dénudés en permanence sur un rayon de 10
de coutume, dans les plantations bien dirigées, à 30 cm. Le contrôle sanitaire est ainsi rendu
de former une ou plusieurs équipes sanitaires plus aisé et moins coûteux; les blessures sont
spécialisées dans le dépistage et le traitement plus rares. En cas d'atteinte, on procède
de ces maladies. comme ci-dessus et on arrose le trou de 5 litres
Rappelons les principaux symptômes exté- de solution à 2 de sulfate de cuivre, pour
rieurs : arrêt de la croissance chez les jeunes des arbres de 1 à 3 ans, 20 litres pour des
arbres les feuilles prennent un aspect gri- arbres plus âgés. Dès avant l'âge d'un an, les
sâtre. puis elles brunissent, sèchent et tom- plantations sont évidemment surveillées et
bent; des branches dépérissent; finalement tous les arbres montrant des symptômes sont
]'arbre meurt. Parfois, avant qu'aucun symp- traités. Quelques variantes du traitement ont
tôme n'ait été constaté, l'arbre est déraciné été expérimentées : par exemple le non-badi-
par le vent. Les jeunes arbres sont particu- geonnage des racines atteintes superficielle-
lièrement sensibles et, à l'apparition des pre- ment; le remplacement du badigeonnage par
miers signes de maladie, il est généralement un poudrage au moyen de 100 grammes de
trop tard pour les traiter. Il faut donc pro- sulfate de cuivre pilé et mélangé à une cer-
céder différemment suivant l'âge des planta- taine quantité de terre, pour faciliter l'épan-
lions. dage. Cette quantité équivaut à 5 litres de
Voici, en bref, les méthodes appliquées : la solution; son application est plus économi-
Jeunes plantations. — A partir de que. On expérimente aussi certains fongicides
l'âge de remplacement fournis l'industrie
d'un an, on inspecte périodiquement le collet par
et les racines des jeunes Hévéas. Toutefois katangaise du cuivre : scories arsénicales
si les cas de Fomes sont (20 Cu, 6 As), concentrés de flottage
rares, on peut se (carbonate de cuivre). L'avenir
contenter d'arracher les sujets atteints et indiquera
d'examiner les arbres voisins. Si les cas sont quels procédés il faut adopter et si les arbres
ne souffrent pas trop du traitement assez
nombreux, il faut inspecter systématiquement
tous les arbres du champ, une fois par an, anormal qui leur est appliqué.
éventuellement deux ou trois fois. A chaque Plantations IJIUS âgées. — Ici les racines
602 LES CULTURES COLONIALES

des différents arbres se rencontrent et le pro- jugés à l'oeil offre toute garantie, car ils
cédé ci-dessus ne suffit plus. Quand un arbre produiront certainement moins que les beaux
malade est repéré et traité, il faut en outre spécimens du même clone. Pour les « seed-
l'isoler au moyen d'une tranchée, pour arrê- lings », il n 'en est pas de même, car ici on ne
ter l'extension de la maladie. Il faut faire compare plus un matériel génétiquement
de même pour un arbre mort, puis l'enlever homogène.
et le détruire. En plus on examine tous les Il faut évidemment veiller à répartir judi-
Hévéas voisins et, éventuellement, on isole cieusement les abatages, pour ne pas faire
tout le groupe par une seconde tranchée, des vides, d'une part, et laisser des arbres
même s'il est sain. L'emplacement de la trop serrés, d'autre part. Ce qu'il faut viser,
tranchée est à déterminer par tâtonnement. c'est d'enlever des arbres là où leurs cou-
Les tranchées mesurent 25-30 cm. de large ronnes se gênent mutuellement.
et 80 cm. ou plus de profondeur. Il faut les Les éclaircies suivantes, vers 7, 10 et 15 ans,
entretenir et les approfondir périodiquement, se font principalement d'après la production.
pour éviter que les racines ne passent en Dans ce but, dès la mise en saignée, on note
dessous. Si l'on constate la présence de cham- deux fois par an la production de chaque
pignons, notamment des fructifications (car- arbre. Pour celà, on parcourt la plantation le
pophores) sur les sections des racines, sur les matin, en fin de saignée, avant le ramassage
parois des tranchées, on les détruit et on des « cups ». Tous les arbres produisant
recherche les cordons jusqu'à leur origine. moins de la moyenne sont marqués d'un point
Dans la suite, on continue le contrôle dans
rouge, à la couleur, sur le tronc. C'est parmi
et autour de la surface isolée, afin de détruire ceux-ci que l'on abattra, en choisissant ceux
le foyer d'infection. Dans ce but, on fouille
qui portent le plus de points rouges. Ces
à fond la tache infectée et on détruit toutes arbres subissent au préalable une période de
les racines malades, en commençant par le saignée à blanc (Voir plus haut).
centre d'attaque et en progressant vers la
Parfois, surtout pour les « seedlings »,
limite d'extension. Tout d'abord on fouille le matériel plus variable, on procède ou on pro-
sol jusque 15-25 cm. de profondeur; on va
cédait de façon plus précise. On mutiplie les
plus profondément s'il le faut. Si l'on procède
contrôles et on mesure la production en cen-
ainsi immédiatement, on peut à la rigueur
timètres cubes. On établit des classes de pro-
se passer de tranchées. Plus tard on pourra ductivité et on marque les arbres au moyen
replanter. de signes conventionnels correspondants aux
Dans les plantations âgées, un quatrième classes. Aux éclaircies on élimine tout
champignon, l'Armillaria mellea, constitue un d'abord la classe inférieure, puis la suivante,
sérieux danger, du fait qu'il est difficile à etc.
détecter, donc difficile à combattre de façon On a aussi appliqué, en plantation, l'exa-
préventive. men anatomique de l'écorce. L'opération con-
siste à prélever une rondelle d'écorce et à
Eclaircies sélectives. — Ces éclaircies ont compter, à la loupe, le nombre d'anneaux
pour but d'éliminer les arbres peu intéres- laticifères. BOBILIOFF a, en effet, établi qu'il
sants, peu vigoureux, etc., et en même temps existe une corrélation positive entre le ren-
de placer les bons arbres dans de meilleures dement et ce nombre, du moins au delà de
conditions. A Yangambi, avons-nous dit, on quatre ans. f1)
plante environ 500 pieds à l'hectare, nombre
qui doit être ramené progressivement à ± — Les jeunes Hévéas peu-
Cycle végétatif.
240 vers l'âge de 15 ans. vent fleurir en plantation dès 3-4 ans. En
Voici comment l'éclaircie est conduite. Vers général, cependant, ils ne fleurissent pas
3-3 1/2 ans, on enlève tous les pieds mal avant 4-5 ans et la floraison ne devient abon-
venus, de façon à en supprimer environ dante qu'en 7me ou 8me année. La floraison
10 L'année suivante, on enlève tous le1 débute vers la fin ou après la mue, qui se
Là où il
sujets moins développés que leurs congénè- produit au début de la saison sèche.
est
res, jusqu'à supprimer environ 25 des n'y a pas de saisons marquées, la mue
arbres restants. En même temps on supprime
avantageusement aussi les arbres qui ont été
brisés par le vent et que l'on a dû recéper (1) Le coefficient de corrélation atteint 0,5 à 0,6.
ou étêter. Pour du matériel greffé, théorique- Chez les arbres plus jeunes la corrélation est faible
ment de valeur égale, l'enlèvement des arbres La méthode n'est donc pas applicable en pépinière.
LES CULTURES COLONIALES 603

irrégulière : les arbres ne muent pas tous Quant à ces dernières plantations, elles sont
au même moment, parfois même ils renouvel- toutes encore trop jeunes pour que leur ren-
lent progressivement leurs feuilles, sans hiver- dement soit entré en régression. La durée
nage proprement dit. A Sumatra, par exem- d'une plantation d'Héyéas, en bonnes condi-
ple, il y a toute l'année des arbres en mue. tions de culture et d'exploitation, doit cer-
Pendant la mue, les feuilles sèchent et les tainement être longue.
arbres se dénudent plus ou moins complète- Notions d'anatomie et de physiologie
ment, pendant peu de
temps. La mue peut
aussi durer plus d'un
mois. Elle est annuelle
ou périodique. Les jeu-
nes Hévéas ne muent
pas, mais ils peuvent
le faire dès la deu-
xième année après la
plantation. Cependant
des arbres vigoureux
ne muent souvent pas
avant la 4me ou la
6me année. Les inflo-
rescences apparaissent
avant la sortie des jeu-
nes feuilles et souvent
avant la chute com-
plète des vieilles feuil-
les. La floraison dure
1 1/2 à 2 mois et les Jeune plantation d'Hévéas.
fruits mûrissent en (Photo Musée du Congo Belge.)
5-6 mois.
La croissance des Hévéas est rapide. La concernant la saignée. — Le latex d'un
couronne se forme après un ou deux ans, arbre non saigné varie peu quantitativement
un peu plus tôt chez les arbres greffés que et qualitativement. Il ne subit pas ou guère
chez les « seedlings ». Le tronc commence de mouvements. Il est épais, visqueux, plus
alors à s'épaissir rapidement : en bonnes ou moins jaunâtre et dose 50-60, jusque 70
conditions, la circonférence augmente d'envi- de caoutchouc sec. En cas de traumatisme ou
ron 1 cm. par mois. d'incision (saignée) le latex s'écoule, à cause
Les Hévéas sont exploités à partir de 4 1/2- de la pression interne (pression osmotique)
5 ans, plus souvent 5 ans ou même 6 ans. Les des tubes laticifères. L'écoulement est très
clones sélectionnés sont généralement variable en quantité : de quelques centimè-
plus
précoces et peuvent être saignés à -1-4 1/2 ans. tres cubes à 300-500 cc. par saignée. Il dépend
Evidemment 3e qui compte c'est le développe- de l'individu et de divers facteurs : intensité
ment et non l'âge. On saigne dès que la cir- de la pression osmotique, qui dépend elle-
conférence d'un nombre suffisant d'arbres (1) même des quantités de substances dissoutes
atteint 45-50 cm. à 1 m. de hauteur. Les dans le sérum du latex ; nombre de laticifères
« seedlings » atteignent leur maximum de ouverts; durée pendant laquelle ils restent
production vers 10-15 ans, tandis que chez ouverts; diamètre des laticifères; viscocité du
les arbres greffés celle-ci continue à augmen- latex; intensité du transport de latex vers la
ter jusqu'au delà de 15 ans. On n'est guère blessure; intensité de l'apport de liquide vers
fixé sur la durée de productivité des planta- le système laticifère, etc. Après quelque
tions d'Hévéas. Les plus anciennes planta- temps, l'écoulement s'arrête par diminution
tions (« seedlings ») ne dépassent pas 40 ans, de la pression dans les tubes et par la for-
mais elles ont été surclassées et en grande par- mation de bouchons de coagulum dans les
tie remplacées par des clones sélectionnés. ouvertures, puis par la nécrose d'une mince
tranche d'écorce sous la trace d'incision (1).

(1) Par exemple 50 ou plus. C'est là une question (1) L'incision suivante enlève cette tranche d'écorce
d'organisation du travail et de prix de revient. et ces bouchons.
604 LES CULTURES COLONIALES

La durée de l'écoulement est de 10-15 minu- indice de la faible distance de déplacement


tes à 1-2 heures. Lorsqu'elle dépasse ce temps, du latex est fourni par la greffe d'un clone
l'organisation de l'usinage s'en trouve gênée. à latex jaune sur sujet à latex blanc : à la
Une durée anormale est souvent un signe de soudure, on constate une limite nette entre
maladie imminente (« Bruine Binnenbast »l. les deux colorations; les latices ne se mélan-
En cas d'incisions répétées, la quantité de gent donc pas.
latex écoulé augmente, et celà pendant plu- En cas de saignée très intensive, par exem-
sieurs jours, puis elle se stabilise. Entretemps ple dans une saignée à blanc, il peut arriver
la concentration diminue, mais ici aussi un que l'écoulement de latex ne se produise plus.
équilibre s'établit, après quelques semaines, On dit alors que les Hévéas sont « taris ».
généralement vers 30-35 %, parfois 40 de En réalité, seule une portion est tarie, c'est-à-
caoutchouc. En cas de saignées anormalement dire ne donne plus de latex, mais à une cer-
intensives, le pourcentage peut tomber plus taine distance du panneau on en retrouve.
bas encore. En fait la diminution de la Un arbre ne peut d'ailleurs pas tarir, parce
concentration est utile au point de vue que la structure capillaire des laticifères les
pratique, car elle facilite l'écoulement. Après empêche de se vider complètement.
un repos prolongé, la concentration atteint Il existe une relation étroite entre la pro-
à nouveau le niveau original. duction et la transpiration. C'est ce qui ex-
IL se reforme du caoutchouc dans les latici-
plique les variations dans l'écoulement du
fères voisins de l'incision, mais moins active- latex chez un même arbre, au cours de l'an-
ment qu'auparavant, puisque la concentra- née et de la journée. D'après BOBILIOFF,
tion diminue aux saignées suivantes. Le latex l'écoulement est maximum le matin entre
qui s'écoule ne provient que des zones voisines 6,30 et 7,30 heures I1). Il attribue ceci au
de l'incision, principalement de la portion fait que la transpiration est quasi nulle la
située sous l'incision (BOBILlOFF). La distance nuit. Dans la journée, la transpiration aug-
sur laquelle l'incision exerce son influence mente ct, à un moment donn5, l'arbre trans-
n'est pas connue. On en a cependant quelque pire plus qu'il n'absorbe d'eau. De l'eau est
idée en saignant des Hévéas à latex jaune, alors soutirée aux tissus, y compris les tissus
coloration qui suite à la saignée vire au blanc entourant les laticifères. Il en résulte une di-
plus ou moins pur, et en examinant à quelle minution de la teneur en eau de ceux-ci, d'où
distance de l'incision le latex reprend sa colo- moindre intensité de l'écoulement, si on saigne
ration naturelle. Après deux mois de saignée, à ce moment.
on a constaté que le changement de teinte se
Une forte insolation, de même un vent in-
produit à environ 90 cm. sous l'incision. Laté- la transpiration et dimi-
tense, augmentent
ralement, le virage se produit à environ 5 cm. nuent la production. On constate par exemple
de distance. Enfin lorsqu'on saigne en remon-
tant de bas en haut, ce qui ne se fait pas qu'après une nuit de fort vent la production
est faible. Le vent dans ce cas a une double
normalement, le virage se produit à 75 cm.
action : il augmente directement la transpira-
au-dessus de l'incision. L'écoulement de haut
tion et aussi indirectement, en empêchant le
en bas est donc moins intensif. Toutefois,
dans la saignée normale, il ne vient pas ou dépôt de rosée sur les feuilles, lequel s'op-
poserait à la transpiration. En saison sèche
guère de latex d'au-dessus de l'incision. En et pendant la mue, la production diminue,
effet, si on pique l'écorce au-dessus du pan- même fortement. D'après BOBILIOFFla réduc-
neau de saignée, le latex est épais et jaune. La production
tion est de l'ordre de 30
Cette expérience n'indique cependant pas la reste amoindrie encore quelque temps après
distance de transport du latex, mais simple- surtout pendant la
la mue. C'est d'ailleurs
ment jusqu'où la saignée fait sentir son in-
formation des nouvelles feuilles que la pro-
fluence, ce qui n'est pas nécessairement la
duction est déprimée (2). En effet, la for-
même chose. D'ailleurs, chez un arbre saigné
mation des nouvelles feuilles nécessite beau-
bas, quand on arrive au bas du panneau, la
production ne diminue guère. Sans doute une
partie du latex écoulé provient-elle alors des
racines; mais il est à remarquer que le dia- (1) Des essais plus récents faits en Malaisie indi-
mètre des racines diminue rapidement, de quent cependant que l'on obtient un rendement pr-
même que l'épaisseur de leur écorce, qui ne élevé en saignant dès 4 heures du matin (FERRAND).
contient donc que peu de laticifères. En (2) Cest surtout à ce moment qu'il faudra donner
outre, il y a discontinuité entre les laticifères un repos aux arbres, du moins là où la saison sèche
du pivot et des racines latérales. Un autre est marquée.
LES CULTURES COLONIALES 605

coup d'eau, alors que l'arbre dispose de des cellules scléreuses dans l'écorce, lui ren-
moins d'eau. On pourrait objecter que la dant sa résistance.
diminution de la production est due au défaut Grâce à la suppression temporaire de la
d'assimilation. Il n'en est rien, car l'arbre tension intercambiale,. l'écorce se régénère
contient beaucoup de réserves (amidon), dont très rapidement au début, le cambium étant
une faible partie seulement sert à la forma- momentanément très actif. En même temps de
tion des nouvelles feuilles (BOBILIOFF). C'est nouveaux laticifères se forment. Le nombre
donc la pénurie d'eau qui est seule en cause. de ceux-ci dépend de la constitution de l'ar-
Toute diminution de la teneur en eau des bre, c'est-à-dire que le nombre reformé est à
tissus réduit la production. peu près identique au nombre original. Les
laticifères sont reformés après un an environ,
RÉGÉNÉRATIONDE L'ÉCORCE. — La saignée toutefois on attend beaucoup plus longtemps
provoque des blessures continuelles à l'écorce, avant de resaigner au même endroit, pour ne
nécessitant donc un renouvellement de celle- pas nuire au développement du tronc et à
ci. L'écorce constitue en quelque sorte le ca- la santé de l'arbre. Pour apprécier la « ma-
pital de la plantation, capital qu'il faut mé- turité » de l'écorce, il faut tenir compte de
nager et conserver. Si la consommation d'écor- trois facteurs : nombre de laticifères, quan-
ce est trop grande, la régénération est insuf- tité de cellules scléreuses, quantité de sub-
fisante pour la compenser; le capital se stances de réserve dans l'écorce (BOBILIOFF).
détruit. Lors de la saignée, il n'est pas permis Beaucoup d'Hévéas produisent plus sur
de blesser le cambium, ce qui empêcherait écorce régénérée que sur écorce vierge. Ceci
une régénération normale. Le cambium doit ne signifie toutefois pas que de mauvais pro-
rester recouvert de 1-1,5 mm. d'écorce. ducteurs deviennent bons. Il faut d'ailleurs
L'épaisseur totale de l'écorce varie entre 5 tenir compte aussi de l'influence de l'âge sur
et 17 mm. le rendement. L'inverse se présente aussi,
Comme chez les autres Dicotylées, la struc- c'est-à-dire des arbres produisant moins sur
ture secondaire, c'est-à-dire l'épaississement, l'écorce régénérée que sur l'écorce originale.
dépend de deux cambia : le cambium propre- Ce sont là des caractères propres aux diffé-
ment dit, situé entre le bois et le liber, et le rents clones et vraisemblablement héréditaires.
phellogène. Celui-ci donne extérieurement le Il y a aussi des arbres ou des clones qui
liège et intérieurement le phelloderme, con- régénèrent mal leur écorce et qui reforment
stitué de parenchyme chlorophyllien ou amy- une écorce mince ou irrégulière, à portions
lifère. C'est dans ce parenchyme cortical, de dure et tendre peu nettement différenciées,
même que dans les portions extérieures du etc., alors que l'écorce vierge était bonne.
liber, que se forment ensuite les cellules et Une écorce mauvaise se régénère en tout cas
massifs scléreux, dont il a été question dans avec ses défauts. De tels arbres seront élimi-
la description botanique de l'Hévéa (voir nés en sélection.
plus haut). L'ensemble phelloderme-phello- La reformation des cellules scléreuses est
gène-liège porte le nom de périderme ou moins rapide que celle des laticifères, mais
structure protectrice secondaire. Le phello- à la longue l'écorce régénérée ne diffère plus
derme correspond approximativement à ce qui guère de l'écorce vierge. Ce qui est typique
a été appelé la « portion ou zone dure » de de l'écorce régénérée, c'est que la couche su-
l'écorce, par opposition à la « portion ten- béreuse externe est plus lisse. Toutefois, à
dre » qui est essentiellement composée de la longue, ce caractère s'atténue. Plus typique
liber et comprend la majeure partie des encore est le fait qu'à faible profondeur, sous
laticifères « utiles ». la couche de liège, se trouve une couche de
La saignée met donc à nu de l'écorce cellules intensément colorées en rouge, par
tendre, c'est-à-dire un tissu délicat, exposé la présence d'anthocyane.
à se dessécher. C'est pourquoi, surtout en
saison sèche, il faut éviter de saigner trop CAS ANORMAUX.— Si l'on enlève toute
profondément. L'Hévéa, cependant, se défend l'écorce, comme celà se faisait dans certains
très efficacement : en très peu de temps un procédés de traitement du « Bruine Binnen-
nouveau phellogène se forme et du liège bien- bast », on blesse le cambium. Ce cambium
tôt recouvre la blessure. On les appelle phello- mutilé régénère cependant de l'écorce, el
gène et liège de cicatrisation. Ce phellogène même assez rapidement, si on protège la plaie
de cicatrisation est beaucoup plus actif que contre la dessiccation; mais cette écorce ne
le phellogène original. Plus tard, il se reforme contient que peu de laticifères, ou du moins
606 LES CULTURES COLONIALES

ceux-ci se reforment très lentement (BOBI- Indonésie, par MAASet d'autres expérimenta-
LIOFF). En cas de blessure jusqu'au bois, il teurs.
se forme un bourrelet de cicatrisation et la Voici les principales constatations qui ont
plaie se referme lentement à partir des bords. été faites :
On obtient alors une écorce irrégulière, proé-
1. Nombre d'incisions : le rendement aug-
minente, de mauvaise qualité au point de vue
de la saignée. mente, du moins temporairement, mais la
santé des arbres est mise en danger;
REMARQUESCONCERNANT LES ARBRESGREFFÉS.
2. Longueur de l'incision : le rendement
— Leur écorce est en somme de l'écorce de
elle est plus mince que chez les augmente, mais l'augmentation n'est pas tout
branche; à fait proportionnelle à la longueur. L'aug-
« seedlings ». Elle se renouvelle cependant
mentation est plus sensible si les saignées
aussi bien que celle des « seedlings », sauf
alternent avec des périodes de repos, et dans
chez certains clones. A Java et Sumatra, plu-
ce cas on peut allonger l'incision jusqu'à la
sieurs clones sont déjà en saignée sur écorce
demi-circonférence ;
renouvelée, même dans certains cas sur écorce 3. Direction de l'inci-
renouvelée deux fois, et celà avec succès.
sion : c'est-à-dire sa situa-
Le tronc des arbres greffés est quasi cylin-
tion par rapport à la rigole
drique, tandis que celui des autres Hévéas d'écoulement. Les laticifè-
est conique. Chez les premiers, l'épaisseur de
res étant inclinés de droite
l'écorce diminue moins avec la hauteur et le à gauche, une incision in-
nombre d'anneaux laticifères n'est guère clinée en sens inverse de
moindre. Entre la base et 1 m. de hauteur, la
gauche à droite en recoupe
différence est au maximum de 10-15 %, alors un plus grand nombre et
que chez les « seedlings » il peut y en avoir assure un rendement plus Inclinaison des
40-50 de moins (VAN DEN ABEELE). laticifères et
élevé ; direction
Facteurs influençant la production. — 4. Inclinaison de l'inci- de l'incision.
La production de latex dépend d'un très sion : actuellement on in-
grand nombre de facteurs, ce qui rend diffi- cline habituellement l'incision à 25° pour les
cile la comparaison de rendements obtenus en « seedlings » et à 300 pour les arbres greffés,
différents endroits, de même que la compa- parce que les laticifères de ces derniers sont
raison d'arbres et de parcelles de sélection. légèrement plus inclinés;
On peut grouper ces facteurs en trois caté- 5. Epaisseur ou hauteur de la tranche
gories : facteurs intrinsèques, facteurs du d'écorce enlevée par l'incision : il s'agit
milieu et mode d'exploitation. d'enlever les tissus nécrosés et les bouchons
de coagulum. L'écoulement est maximum pour
FACTEURSINTRINSÈQUES, c'est-à-dire propres
une épaisseur de 1,7 mm. Dans la saignée
à l'arbre. — Citons le périmètre de l'arbre,
journalière, on était obligé d'enlever une
donc aussi son âge; l'épaisseur de l'écorce et
tranche plus mince, pour réduire la consom-
surtout de la partie tendre (1); le nombre
mation totale. Avec 180 jours de saignée,
d'anneaux laticifères (2); le diamètre des lati- maximum généralement
de la couronne et adopté actuellement,
cifères; le développement on consomme environ 30 cm. par an et un
du feuillage; etc.
panneau de saignée dure trois ans;
MILIEU. — Sol; climat; soins culturaux; 6. Profondeur de l'incision : le rendement
influence du sujet pour les arbres greffés; augmente; toutefois on est obligé de rester à
état sanitaire, spécialement en ce qui concerne 1-1,5 mm. du cambium, pour ne pas risquer
les maladies du feuillage (Oïdium) et de la de compromettre la régénération normale de
surface de saignée (B.B.B., chancre)..
l'écorce;
MODE D'EXPLOITATION.— L'influence du 7. Hauteur de l'incision au-dessus du sol :
mode de saignée a été étudiée en détail, en la production est maxima vers la base. Pour
des « seedlings », MAASconstate que le ren-
(1) A égalité de production, il faut préférer l'arbre dement diminue de 13-14 chaque fois
à écorce épaisse, parce qu'il se saigne plus facilement.
On recherche aussi une séparation nette entre les qu'on s'élève d'un pied. En pratique, on
portions tendre et dure. saigne à partir de 1 m. jusqu'à 10 cm. du
(2) Il faut qu'ils soient groupés surtout dans la sol. Pour les arbres greffés, la décroissance
zone tendre. Il est toutefois à remarquer qu'un grand de production est faible. On conseille de
nombre de laticifères situés très près du cambium
sont aussi sans intérêt, parce qu'ils ne sont pas rester ici à 10-20 cm. de la soudure greffon-
recoupés par l'incision. sujet, parce que le rendement baisse près de
LES CULTURES COLONIALES 607

la soudure. Pour les greffes, on trace donc le Actuellement on saigne habituellement sur la
panneau plus haut que pour les « seedlings »; demi-circonférence, pendant 20 ou 30 jours,
8. Succession des surfaces de saignée : il suivis d'un repos d'égale durée. On a essayé
faut éviter de placer un panneau de saignée aussi d'accorder un repos au panneau de
à droite d'un panneau qui vient d'être saigné, saignée et de continuer la saignée sur un
parce que, à cause de l'inclinaison des lati- autre panneau (Système « Change ovcr »).
cifères de droite à gauche, Ce repos agit favorablement, mais moins ef-
une partie de ceux-ci aura ficacement que le repos complet;
été sectionnée à courte
distance dans le panneau
précédent et produira donc
moins que ceux qui sont
ininterrompus jusqu'à la
base. Ceci vaut pour des
saignées sur moins de la
Succession des demi-circonfércnce. La dif-
surfaces de saignée: férence est de l'ordre de
1 doit être saigné
avant 2. 3,5 Si l'on est obligé
de passer à droite, il faut
saigner plus haut ou plus bas que l'endroit
des dernières saignées;
9. Heure de la saignée : d'après MAAS le
rendement diminue surtout à partir de 9 heu-
res. A 10 h. il n'est plus que de 91,1 %, à
11 h. 84,4 %, à 14. h. 67,8 et à 17 h. 63,4 %,
comparativement à la saignée à partir de
6 heures. Des essais récents faits en Malaisie
indiquent que l'on obtient un rendement plus
élevé en avançant encore l'heure de saignée :
on aurait obtenu 23 de plus en saignant
à partir de 4 heures, au lieu de 6 heures.
Toutefois on se heurte alors à des difficultés Matériel de saignée : 1. Couteau « Serdang ». —
2. Gouge. — 3 et 4. Spouts (gouttières). —
d'ordre pratique; 5. Cup (godet).
10. Périodicité de la saignée : d'après (D'après SCHOOFS.
MAAS, à Sumatra, la saignée un jour sur deux La préparation du caoutchouc en Extrême-Orient.
Bull. Agric. C. B. 1944.)
entraîne, pour une saignée sur un tiers de
la circonférence, une réduction de rendement
de 40-45 la première année et de 30-35 12. Influence de l'âge de l'écorce régénérée:
la deuxième année. Dans la suite le rende- elle est mal connue. D'après MAAS (1925) la
ment se relève encore légèrement. Toutefois deuxième écorce doit avoir au moins 5-6 ans,
on économise 50 de main-d'œuvre et on la troisième 7-8 ans et la quatrième 8 à 10 ans.
peut sans inconvénient porter l'incision à la L'écorce sera plus ou moins âgée d'après le
moitié de la circonférence, ce qui donne mode de saignée adopté;
± 20 d'augmentation, en sorte que la ré- 13. Influence du saigneur : elle se traduit
duction (st en grande partie compensée à la par une profondeur plus ou moins grande de
longue ; l'encoche, une épaisseur plus ou moins grande
11. Influence des périodes de repos : l'in- de la tranche d'écorce, la fréquence plus ou
fluence du repos accordé pendant la mue, moins grande de blessures, etc. Elle est très
là où la saison sèche est marquée, n'a pas été grande et peut atteindre 30 et plus du
mesurée de façon précise. En ce qui concerne rendement (DE VRIES).
les périodes de saignées et de repos alternées,
les essais ont montré qu'il faut qu'elles aient Exécution de la saignée. — Nous décri-
une durée de un à deux mois. On a cependant rons ici le système de saignée généralement
trouvé, récemment, que souvent le rendement utilisé actuellement, notamment à Yangambi.
et la régénération de l'écorce sont meilleurs, Signalons, pour mémoire, que l'on a jadis
en saignant pendant 20 jours et accordant un employé un grand nombre d'autres systèmes,
repos de même durée (VAN DEN ABEELE). tels que : l'arête de poisson, la demi-arête de
608 LES CULTURES COLONIALES

poisson, la spirale simple ou multiple, la sai- ment à l'aide d'un gabarit flexible (en zinc)
gnée en V, une ou plusieurs incisions obliques dont le bord supérieur forme un angle de
sur deux panneaux opposés, etc. Pendant la 25 ou 30". Le long des lignes verticales, il
guerre, on a réintroduit certains modes de marque par des traits superficiels la hauteur
saignée intensive. d'écorce pouvant être consommée chaque année
Le procédé actuel consiste à saigner sur la et chaque mois, comme repères pour le sai-
gneur. A la partie inférieure du canal d'écou-
lement on enfonce le « spout » (gouttière)
dans l'écorce et on place, au-dessous, le sup-
port du « cup » (godet) clou, anneau de
fil de fer soutenant le godet et dont les extré-
mités sont enfoncées dans l'écorce, fil de fer
entourant le tronc, etc.
Généralement on débute vers le bas du pan-
neau, parce que les arbres sont jeunes (pre-
mière saignée). Or, à la base, l'écorce est plus
« mûre » et la circonférence est plus grande,
ce qui a une influence particulièrement sen-
sible chez les jeunes arbres. Quand on saigne
à une certaine hauteur (dans la suite), on
relève habituellement « spout » et « cup »,
afin d'obtenir moins de « scraps » f1) dans
le canal d'écoulement. On évite de faire voi-
siner un nouveau panneau avec un panneau
récemment saigné sur l'autre moitié ou au-
dessous. La figure indique un mode de suc-
cession répondant à ces exigences.
Le travail du saigneur consiste à enlever
les « scraps » de l'incision précédente et du
eanal vertical, placer le godet sur son sup-
port, faire l'encoche au moyen de la gouge
ou du couteau « Je-
Saignée. bong » ou « Ser-
(Photo FERRAND.)
dang », outils les
plus employés
demi-circonférence, au moyen d'une incision actuellement (voir
simple de gauche à droite, inclinée à 30°, par figure), et à con-
mois alternés de saignée et de repos. En duire le premier
conditions défavorables, par exemple sur sol filet de latex vers le
moins fertile ou pour des clones sensibles au eanal. Le saigneur
« B.B.B. », on saigne sur le tiers de la cir- recueille les
conférence. Il est conseillé, pour tous les « scraps » et éven-
arbres greffés, de saigner au début sur un tuellement les
tiers de circonférence ou de saigner 20 jours « barks » (écorces)
sur 60. dans un seau spéeial. Schéma indiquant la suc-
Avant de commencer la saignée, on fait A Yangambi, la sai- cession des panneaux au
tracer par le capita-saigneur les limites des gnée débute généra- cours de six années de
panneaux de saignée. On a soin de les orien- lement avant six saignée, sur la demi-circon-
ter tous de la même façon, pour faciliter le férence ( les deux demi-cir-
heures et se pour- conférences sont figurées
contrôle. La première opération est la mesure suit jusque vers 8 dans un même plan).
de la circonférence de l'arbre au moyen Le
8,30 heures.
d'une corde, à 1 m. de hauteur pour les ramassage des godets a lieu vers 10,30 h. Le
« seedlings », à 1,25 m. pour les arbres gref-
transport du latex se fait dans des seaux ou
fés. En pliant la corde en deux, on obtient la des cruches spéciales. Après son travail, le
demi-circonférence. Ensuite le capita trace, à saigneur doit laver ses godets. La propreté
la gouge, deux lignes verticales délimitant le
panneau et une encoche à la partie supérieure,
à l'inclinaison choisie. Celle-ci s'obtient aisé- (1 ) « Serap» : latex coagulé sur 1incision.
LES CULTURES COLONIALES 609

de tous les outils et récipients a une grande vingt ans on espérait par la sélection arriver
importance au point de vue de la qualité du à 1000 kgrs. Actuellement, il existe des
caoutchouc. arbres-mères donnant 15-20 kgrs de caout-
Les « spouts » sont généralement en fer chouc sec par an. Leurs descendances végé-
étamé, les « cups » en aluminium, les seaux tatives donnent à l'âge adulte 1.200-1.500 kgrs
sont émaillés ou bien ce sont des cruches ana- et on espère même atteindre 1.500-2.000 kgrs
logues à celles des laitiers. de caoutchouc sec à l'hectare.
Les tâches individuelles varient entre 250 Pour une récolte de 1000 kgrs et une com-
et 400 arbres, d'après l'âge de ceux-ci, l'écar- position du latex indiquée plus haut, au
tement, la distance de transport, etc. Il vaut paragraphe du Sol, l'exportation n'est que
mieux imposer des tâches modérées, mais exi- de ± Il kgrs d'azote et 17 kgrs de matières
ger un travail soigné, par exemple 350 jeunes minérales à l'hectare.
arbres ou 300 adultes, éventuellement moins
encore pour des arbres de grande dimension. Amélioration.
BIOLOGIE FLORALE. — La floraison com-
AUTRES SYSTÈMESDE SAIGNÉEMODERNES.—
mence à la base des inflorescences, par les
Le système décrit ci-dessus rentre dans le
fleurs mâles. La floraison mâle dure environ
groupe des « Systèmes AB », dans lesquels 15 -jours; la floraison femelle débute vers le
les périodes de saignée et de repos sont de
milieu de cette période et dure 3-5 jours.
même durée. On saigne environ 180 jours
L'autofécondation est donc théoriquement
par an, soit un jour sur deux, un mois sur
possible, mais pratiquement il y a toujours
deux, 20 jours sur 40, etc. La plantation est fécondation croisée et l'autofécondation
donc divisée en deux moitiés qui sont alter- arti-
nativement en saignée. Ce système est le plus ficielle ne réussit généralement pas. La polli-
nisation se fait par des mouches et des
fréquemment utilisé, avec incision sur la moi-
tié ou le tiers de la circonférence. abeilles. Les fleurs s'ouvrent l'après-midi, vers
On a
13 heures, et la floraison dure 1-2 jours
également des « Systèmes ABC » où le repos
dure deux fois aussi longtemps que la saignée pour la fleur mâle et environ 3 jours pour
et où un tiers de la plantation est saigné à la la fleur femelle. A la floraison, le stigmate
est blanc jaunâtre et brillant. Il se décolore
fois, et des « Systèmes ABCD » dans lesquels et dessèche après 4 jours, mais plus tôt déjà
on ne saigne que 90 jours par an, la plan-
tation étant divisée en quatre blocs. Dans s'il y a fécondation.
ce dernier cas, on saigne souvent suivant deux
encoches ou bien suivant une spirale com- SÉLECTION.— De nombreux points doivent
plète : « full spiral » ou « système Socfin ». retenir l'attention du sélectionneur : rende-
Actuellement on désigne souvent les sys- ment en caoutchouc sec; habitus, c'est-à-dire
tèmes de saignée au moyen de formules indi- bon développement du tronc, tronc droit,
quant : le nombre d'encoches, leur forme régulier, couronne bien développée, de pré-
(S = en spirale; V = en V; etc.), leur férence pyramidale, résistant au vent; écorce
longueur, la fréquence et/ou la périodicité épaisse, lisse, se régénérant bien; caractères
(symboles : d, w, m, y, désignant respective- anatomiques de l'écorce : tubes laticifères
ment les jours, semaines, nombreux et de grand diamètre, groupés
mois, années),
l'intensité et éventuellement d'autres ren- dans la portion tendre et pas trop rapprochés
seignements encore. L'intensité s'exprime par du cambium, zones tendre et dure nettement
rapport à la saignée standard, sur la demi- séparées, tubes criblés nombreux et bien dé-
circonférence, par jours alternés. Celle-ci a veloppés (1) ; résistance aux maladies et à
pour formule S/2, d/2, 100 %, ce qui la sécheresse; dans certains cas : adaptation
signifie donc une encoche en demi-spirale à une certaine altitude, aptitude à servir
de gauche à droite, un jour sur deux, d'ombrage pour Caféiers, etc. (couronne lar-
intensité 100 ge, mais pas trop dense) , etc.
Les méthodes sont celles des autres plantes
Production. Exportation. — Jadis on vivaces, pouvant se multiplier végétativement.
considérait comme bonne production 100 kgrs Chez l'Hévéa la sélection végétative est très
de caoutchouc sec à l'hectare, à la mise en
saignée, à 5 ans, et 400 à 500 kgrs entre 10 (1) GUNNERY(Malaisie) a trouvé une corrélation
et 15 ans. Toutefois, beaucoup de plantations entre le développement des tubes criblés et le rende-
ne dépassaient ment. On pourrait éventuellement baser sur ce fait une
guère 200-250 kgrs. Il y a méthode de sélection en pépinière.

20
610 LES CULTURES COLONIALES

avancée et la greffe couramment employée température de 6°, au-dessus d'une solution


dans la pratique. La sélection générative, d'acide sulfurique à 27-33
par contre, est moins avancée. Le pourcentage de réussite des hybridations
Nous avons signalé ailleurs que dans l'amé- est toujours très faible. Il ne dépasse géné-
lioration des plantes vivaces, pour accélérer ralement pas 10
la marche des travaux, on désire souvent an-
ticiper quelque peu l'établissement des essais
CHAPITRE XI.
comparatifs en grand et la multiplication
(parcs à bois, champs semenciers). Chez
l'Hévéa on peut faire un premier choix de PLANTES A PARFUM.
clones au moyen du « Test Morris-Mann ». La culture des Plantes à Parfum est fort
Ce test, imaginé à Kuala-Lumpur (Malaisie), développée dans les régions subtropicales et
est appliqué dans les champs d'épreuve, tropicales, notamment le Midi de l'Europe,
c'est-à-dire les petites parcelles-filles créées l'Afrique du Nord, l'Indonésie, les Philippi-
avec le bois de greffe pris sur les arbres- nes, La Réunion, etc. Au Congo Belge, plu-
mères. Il a lieu vers 3-3 1/2 ans et s'effectue sieurs espèces sont expérimentées et l'une
sur tous les arbres ayant 30 cm. de circon- d'elles, le Géranium-Rosat, est cultivé sur une
férence et plus à 50 cm. au-dessus de la petite échelle par quelques colons. En 1948,
soudure. Le test consiste à saigner pendant le Congo Belge a exporté 3.753 kgrs d'huiles
15 jours, précédés de 5 jours de saignée sans essentielles, principalement de Géranium.
contrôle. La production de chaque jour est Il existe un très grand nombre d'espèces
coagulée dans le godet au moyen d'acide de plantes à parfum dans les pays chauds. A
formique à 10 et le coagulum est enfilé côté du Géranium-Rosat, que nous traiterons
sur un fil de fer suspendu à l'arbre. Cinq plus loin, citons parmi les principales :
jours après la dernière saignée, on pèse la Andropogon Martini ROXB. (Graminée de
production de chaque arbre, dans la planta- l'Inde) : var. Motia, qui donne « l'essence
tion même, en se servant d'une balance réglée de palma-rosa » ou de « géranium des Indes »
de façon à compenser le poids du fil de fer. et var. Sofia, qui fournit « l'essence de gin-
Le travail se trouve ainsi grandement facilité ger-grass ».
et accéléré. Le poids de caoutchouc humide
Andropogon Nardus L. (Graminée de l'Asie
est converti en poids sec, en le multipliant du Sud et de l'Archipel malais) : var. ceri-
par le coefficient 0,8. Il existe une corréla- ferus HACK. ou « Lemon-grass des Indes »,
tion très élevée entre la production de cette « Sereh-gras », etc. ; var. flexuosus HACK. ou
quinzaine de saignée et le rendement à 5 ans, « Lemon-grass de Malabar ou de Cochin »;
époque normale de la mise en saignée. subsp. genuinus HACK. ou « Citronelle ».
Chez tous ces Andropogon l'essence est
TECHNIQUE DE L'HYBRIDATION.— Vu la contenue dans les feuilles.
structure de l'inflorescence, la castration est
Andropogon zizanoides URBAN. (Graminée
aisée. Elle se fait quelques jours d'avance.
de l'Inde et de Ceylan) : « Vétiver ». L'es-
On isole le plus tard possible, par exemple
sence est contenue dans les racines.
après qu'une fleur femelle a fleuri, fleur que
l'on a soin de supprimer. Comme isolation, Canangium odoratum BAILL. (Anonacée de
on utilise des sachets en mousseline ou en Malaisie et de l'Archipel malais) : « Ylang-
papier parchemin. On récolte le pollen un ylang ». C'est un arbre dont les feuilles con-
des fleurs mâles; on tiennent une huile essentielle. Les qualités
jour avant l'ouverture
place les anthères dans une boîte de Pétri, fines, produites par les Philippines et la Réu-
au soleil et lorsqu'elles commencent à éclater nion, portent dans le commerce le nom « d'es-
on procède à la pollinisation. Celle-ci se fait sence d'ylang-ylang »; les autres se vendent
le matin sur des fleurs femelles qui se sont sous le nom « d'essence de Cananga ».
ouvertes l'après-midi de la veille. Les anthè- Citrus spp. (Rutacées d'Asie Sud et Est).
res sont prises au moyen d'une pincette Plusieurs espèces de ce genre fournissent des
et mises en contact avec le stigmate. On con- essences extraites des fleurs, des zestes ou des
tinue les pollinisations à mesure de l'ouver- feuilles.
ture des fleurs femelles, soit pendant 3-5 jours Citons :
et on isole jusqu'au 6me jour après la der- Citrus Bigaradia LOISEL. Les fleurs don-
nière pollinisation. DIJKMAN a pu conserver nent « l'essence de Néroli » ou « de fleurs
du pollen d'Hévéa pendant 19 jours, à une d'orangers », aussi dénommée « Néroli vrai »
LES CULTURES COLONIALES 611

ou « Néroli bigarade ». Des feuilles, on ex- comprend 5 pièces, dont deux ou trois sont
trait « l'essence de petit-grain » et des zestes plus larges que les autres. Les étamines, sou-
« l'essence de zeste » ou « essence bigarade ». dées ensemble à la base, sont au nombre de
Citrus sinensis OSBECK. Oranger doux. Des 5 à 7. Le style est plus long que les étamines
fruits on extrait « l'essence d'orange » ou et se termine par 5 branches colorées en
« essence Portugal ». Les fleurs et feuilles pourpre. L'ovaire est supère et comporte
sont rarement traitées; elles peuvent fournir 5 loges biovulées. A maturité, le fruit (cap-
respectivement : le « Néroli doux » ou «Né- sule) se divise en 5 coques restant fixées au
roli Portugal » et le « Petit-grain Portugal ». sommet à la columelle. Tiges et feuilles sont
pubescentes. Toutes les parties vertes, mais
Citrus deliciosa TENORE. Des fruits on ex-
trait « l'essence de mandarine ».
Citrus Bergamia Risso. Des fruits on ex-
trait « l'essence de bergamote ».
Citrus Limonum Risso. Les fruits fournis-
sent « l'essence de citron ». Les fleurs et les
feuilles ne sont généralement pas utilisées;
elles fournissent éventuellement les essences
de « Néroli citronnier » et de « petit-grain
citronnier ».
Pour la culture des Citrus voir au chapitre
suivant.
Les huiles essentielles servent principale-
ment en parfumerie et en savonnerie. Cer-
taines sont employées également en pharmacie
et dans les industries alimentaires, pour aro-
matiser des liqueurs, sirops, confiseries, etc.
et dans diverses préparations. Les parfums Champ de Géranium-rosat dans l'Ituri. Récolte.
naturels subissent la concurrence des parfums (Photo HACQUART.)
synthétiques. La plupart des parfums du
commerce sont des compositions plus ou principalement les limbes foliaires, contien-
moins secrètes de diverses essences naturelles nent une huile essentielle, appelée « essence
et/ou synthétiques. de géranium ». D'après certains auteurs, les
fleurs contiennent aussi de l'essence. Un des
GERANIUM-ROSAT. constituants de l'essence, le « géraniol » (un
alcool), possède des propriétés microbicides
On donne le nom de Géranium-Rosat à et est utilisé dans l'industrie des produits
l'espèce Pelargonium Radula L'HÉRIT. (P. pharmaceutiques.
odoratissimum HORT., P. roseum HORT., Ge- Les principaux producteurs d'essence de
ranium Radula CAVAN.) -et à diverses autres géranium sont La Réunion (80 T.) et l'Al-
espèces du genre Pelargonium, cultivées pour gérie (30 T.). La France, la Corse, l'Italie et
leur essence. On cultive aussi des hybrides de l'Espagne en produisent de petites quantités.
ces espèces. L'essence française est la plus appréciée.
Le Géranium-Rosat appartient à la famille
des Géraniacées; il est originaire de l'Afrique Culture. — Le Géranium-Rosat demande
du Sud et cultivé depuis près de deux siècles un sol léger ou moyen, perméable, assez frais
dans de nombreux pays, comme plante orne- en été. Les terres fortes donnent plus d'es-
mentale ou à parfum. sence, mais la qualité est moins fine. Il lui
Le Géranium-Rosat est une plante vivace faut un climat chaud et relativement sec,
sous-frutescente, haute de 50 cm. à 2 m. Les donc subtropical. Il craint les gelées et la
feuilles sont alternes, palmatipartites, les 5-7 température ne devrait jamais descendre au-
lobes étant eux-mêmes découpés suivant le dessous de 5 ou 3°. A La Réunion, les prin-
mode pennatifide. Les fleurs, disposées en cipales cultures se trouvent entre 400 et
ombelles capitellées, sont zygomorphes (irré- 600 m. Au Congo Belge, les essais ont lieu
gulières) , à 5 pétales, les deux supérieurs vers 1000-1500 m.
striés de lignes pourpres, les trois inférieurs Le Géranium-Rosat fructifie rarement en
plus petits, roses ou purpurins. Le calice culture. On le multiplie au. moyen de boutu-
612 LES CULTURES COLONIALES

res prises dans les sommets de tiges vigou- CHAPITRE XII.


reuses, pas trop lignifiées, longues de 25-
30 cm. On les met en pépinières, écartées à PLANTES FRUITIERES.
15-20 X 2-3 cm. et enterrées des deux tiers.
Au Congo, ces pépinières sont ombragées et Les espèces fruitières des pays chauds
sont légion. Nous ne pouvons songer à décrire
on arrose chaque jour. La mise en place a
lieu un mois plus tard, à 70 X 30 cm. On même une petite partie de ces plantes et nous
limiterons aux deux groupes les plus impor-
peut aussi planter directement en place, quitte
à regarnir les vides. Il n'est pas à conseiller tants pour le Congo Belge, tant au point de
surtout vue de la consommation locale qu'en ce qui
d'augmenter l'écartement, dans les
concerne l'exportation : les Bananiers et les
climats chauds, parce que celà favorise la
production ligneuse qui est sans intérêt. Par Agrumes. On rencontre cependant aussi, dans
la plupart des jardins coloniaux, des Ananas
contre, un écartement insuffisant est nuisible, et des Papayers (l). Les Anones, Manguiers,
le Géranium-Rosat demandant beaucoup de
lumière.
La culture est généralement pluriannuelle.
On conseille de restituer à la plantation les
résidus de la distillation, après neutralisation
à la chaux ou compostage. Ainsi le sol ne
s'appauvrirait pas en éléments minéraux,
l'essence n'exportant que des hydrates de
carbone.
La première coupe a lieu après 3-4 mois. La
durée de la plantation est de 1 an en Pro-
vence, 4-5 ans en Corse et en Algérie, sur
terres légères, 7-8 ans sur terres plus fortes
et de 4 à 8 ans en Italie. Au Congo, on peut
compter sur une durée de 6 à 8 ans. Entre
deux cultures successives, il est conseillé de
laisser le sol en jachère ou de pratiquer
d'autres cultures pendant 3-4 ans ou plus.
On récolte peu de temps avant la florai-
son ou tout au début de celle-ci. Les plants
ont en général 80 cm. à 1 m. de haut. On
peut compter sur 3 coupes par an, à 2-3 mois
d'intervalle, en régions chaudes. En Corse et
en Afrique du Nord on obtient 2 coupes, en
France une. La coupe se fait à la faucille,
mais la première se fait souvent au sécateur,
pour ne pas déraciner les plants.

Traitement et rendement. — La récolte


doit être transportée à l'usine et traitée le
plus tôt possible. L'essence s'extrait par dis-
tillation. On obtient, en moyenne, 1 kilo
d'essence par tonne de matière verte. La
première coupe de l'année donne générale-
ment un peu plus. A l'hectare on obtient
15-30 T. de matière verte; en France et en
Italie on atteint 40 et 50 T. par Ha et par
an. Au Congo, on a obtenu des rendements Manguier : Mangifera indica L.
(Anacardiacée d'Asie méridionale et de
de 20 à 30 kgrs d'essence à l'Ha et des te- l'Archipel malais.) — Jeune arbre avec fruits.
neurs de 0,8 à 1,4 pour-mille. (Photo Musée du Congo Belge.)
L'essence doit se conserver dans des flacons
(l) Dans certains pays le Papayer est cultivé pour
opaques, complètement remplis (pour éviter la la production de la papaïne. Celle-ci s'extrait du latex
présence d'air), hermétiquement fermés, que l'on récolte en « saignant » les fruits avant
placés dans un local frais. maturité.
LES CULTURES COLONIALES 613

Arbres à pain sont assez répandus également,


mais certaines espèces, telles que les Ram-
boutans, Mangoustans, Sapotilles, mérite-
raient d'être mieux représentées. Toutes ces
espèces sont originaires d'Asie ou d'Améri-
que. La flore indigène contient cependant
quelques espèces intéressantes, notamment
dans les genres Ficus, Morus, Annona, Chry-
sophyllum, Panda, etc.
La Belgique importe de très grandes quan-
tités de fruits étrangers. Pour 1947, la valeur
de ces importations a atteint 2.056.512.000 frs.
Les fruits tropicaux et subtropicaux inter-
viennent pour 1.478.256.000 frs : bananes
392.385.000, citrons 56.065.000, oranges
747.052.000, pamplemousses 58.565.000; dat-
tes, figues, noix de Brésil, noix de Coco,
amandes pour les 224.169.000 frs restants.

BANANIERS.
On distingue les diverses espèces de bana- Fruits et feuille de la variété sans graines
de l'Arbre à pain, qui se multiplie généra-
nes, en bananes de table et bananes à cuire lement par boutures de racines.
ou bananes-plantains. Ces dernières sont (Ph.otoMusée du Congo Belge.)
cultivées sur une grande échelle, pour l'ali-
mentation indigène, dans de nombreux pays
quelques années également pour l'Afrique.
tropicaux. C'est le cas également au Congo Au Congo Belge aussi, la culture en vue de
Belge, particulièrement dans les districts de est en voie de développement,
l'exportation
Stanleyville et de l'Uele, à l'Equateur, au tant chez les planteurs européens que chez
Mayombe, au Ruanda-Urundi. En 1948, la les indigènes, au Mayombe et dans le Bas-
surface des bananeraies était de 114.093 Ha,
Congo. Les planteurs européens possédaient
en 1948, 4.955 Ha de bananeraies. Les expor-
tations ont atteint 3.148 T. de régimes et
29 T. de bananes séchées, farine, etc.
Les principaux producteurs ont été, en
1936 :
Jamaïque.. , , 375.000T.
Mexique , 291.000
Honduras. 268,000
Brésil , 227,000
Guatemala 170.000
Colombie 157,000
Canaries 145,000
Cuba 132,000
Panama 117.000
Afrique occ. franç. 51.000
Cameroun britannique 50.000
Somalie italienne. 18.000
Mozambique. 14.000
Total mondial 2.188.000
Avocatier : Persea gratissima GAERTN. soit plus de 100 millions de régimes.
(Lauracée d'Amérique Centrale.)
Branche avec fruits. Les principaux consommateurs ont été,
(Photo Musée du Congo Belge.) pour la même année :
Etats-Unis 1.166.000T.
avec une production de 1.625.572 T. de Angleterre 413.000
France, 172.000
régimes. Argentine 169.000
La banane de table constitue un article d'ex- Allemagne 124.000
portation important pour beaucoup de pays Canada 66,000
Hollande.. 31.000
d'Amérique Centrale et Méridionale, et depuis Belgique 19.000
614 LES CULTURES COLONIALES

La consommation de la Belgique était en donnant graines et rejets (employées comme


forte régression pour les dernières années plantes ornementales) et des espèces comes-
d'avant-guerre, étant tombée de 37.000 T. en tibles stériles, ne donnant qu 'exceptionnelle-
1932, à 26.000 T. en 1934, 20.486 en 1938 et ment des graines. Mains composées de nom-
17.709 en 1939. breuses fleurs disposées sur deux rangs.
Nombre de chromoso-
mes : 11. La plupart
des espèces comestibles
sont des triploïdes et
possèdent donc 33
chromosomes somati-
ques. Leur stérilité,
caractère recherché en
l'occurrence, serait
due à cette triploïdie.
Les nombres chro-
mosomiques ont été
établis par CHEESMAN
et LARTER.
Les principales espè-
ces de bananes comes-
tibles sont :
Musa paradisiaca L. :
nom collectif sous le-
quel on groupe un
grand nombre de va-
riétés ou peut-être
d'espèces de bananes à
Ananas : Ananas comosus MERR. cuire.
(Broméliacée du Brésil.) Champ en production.
(Photo Musée du CongoBelge.) Musa paradisiaca L.
var. sapientum L. ou
Origine et description botanique. — Le
genre Musa, auquel appartiennent les Bana-
niers comestibles, ornementaux et textiles, est
paléotropical. Toutefois les Bananiers à fruits
comestibles semblent tous originaires d'Asie
sud-orientale, de l'Archipel malais et des
Philippines. Le Bananier textile ou « Abaca »
(Jfusa textilis NEE. ou M. mindanauensis
RUMPH.) est originaire des Philippines.
L'Afrique ne possédait à l'origine que des
Musa non comestibles.
Le genre Musa appartient à la famille des
Musacées, de la classe des Monocotylées. On
le divise généralement en trois sections :
1. Physocaulis : stipe renflé en forme de
bouteille à la base, absence de rejets, la plante
meurt après avoir fructifié, multiplication
par graines. Cette section est propre à l'Afri-
que et comprend notamment Musa Ensete
GMELIN d'Ethiopie. Nombre haploïde de
chromosomes : 9;
2. Rhodochlamys : espèces produisant grai- Feuilles et fruits de Corossolier.
nes et rejets, mains composées d'un petit (Photo Musée du CongoBelge.)
nombre de fleurs, généralement placées sur
une rangée. Nombre chromosomique : 10; M. sapientum L. groupant diverses variétés
3. Eumusa : contient des espèces fertiles. ou espèces de bananes de table.
LES CULTURES COLONIALES 615

Corossolier : Anona muricata L.


(Anonacée d'Amérique Centrale.)
(Photo Musée du Congo Belge.)

Papayer : Carica Papaya L.


(Caricacée d'Amérique Centrale.)
Arbre femelle chargé de fruits.
(Photo Musée du CongoBelge.)

Arbre à pain : Artocarpus incisa L. Ramboutan : Nephelium lappaceum L.


(Moracée de l'Archipel malais et de l'Océanie.) (Sapindacée de l'Archipel malais.) Rameau avec fruits.
(Photo PYNAERT.) (Photo Musée du Congo Belge.)
616 LES CULTURES COLONIALES

faux-tronc ou stipe. Une tige développée porte


10 à 20 feuilles (l). La coloration de celles-ci
est vert clair ou fon-
cé, parfois pourprée
o u irrégulièrement
tachetée de pourpre.
Le limbe foliaire me-
sure 3-5 m. de long
sur 50-70 cm., voire
1 m., de large. La Représentation schématique
nervure médiane est du développement d'une
fortement marquée et touffe de Bananier.
les nervures latérales
sont à peu près perpendiculaires à la nervure
centrale et aux bords du limbe. Il résulte de
ce dernier caractère que le limbe est généra-
lement lacéré par le vent. La dernière feuille
formée, précédant la sortie de l'inflorescence,
est beaucoup plus petite que les autres. L'in-
florescence met 6 à 8 semaines pour s'élever
et apparaître au sommet du stipe. Normale-
ment, un rejet met 10 à 14 mois pour arriver
à son complet développement et fleurir. La
maturation du régime demande encore 3 ou
4 mois. Avant son épanouissement, le régime
est enfermé dans deux grandes spathes, géné-
ralement colorées en vert.
L'inflorescence ou régime se compose d'un
axe portant, en disposition spiralée, des
Régime de Bananier au début de la floraison
(fleurs femelles). groupes de fleurs, appelés « mains ». Chaque
main se trouve à l'aisselle d'une bractée
Musa sinensis SWEET. (M. Cavendishii verte, rouge ou pourpre, qui la recouvre
LAMB., M. nana LOUR.) : Bananier nain, complètement avant la floraison. Chaque
Bananier de Chine, Bananier des Canaries, main se compose de deux rangées de 3 à
originaire de Chine. 10 fleurs (doigts). Le nombre de mains « fe-
En dehors de celles-ci, on connaît encore melles », c'est-à-dire susceptibles de donner
plusieurs autres espèces de bananes de table des bananes, est de 1 à 10 ou plus, suivant
et de bananes plantains. Les indigènes du les variétés.
Congo Belge, notamment, cultivent plusieurs Les régimes des
sortes de bananes à cuire. Eumusa compor-
tent généralement
Description botanique des Bananiers à trois sortes de
fruit comestible. — Le Bananier est une fleurs :
plante herbacée, pluriannuelle, haute de 2 à 1° Des fleurs
6 m., possédant un rhizome renflé en forme « femelles », si-
de tubercule. Les tiges sont monocarpiques, tuées à la base du
mais la plante persiste grâce au rhizome qui régime. Ces fleurs
émet de nouveaux rejets, lesquels, à leur tour, possèdent un ovai-
en émettront d'autres. Les racines sont super- re infère, qui se
ficielles, le pivot cessant rapidement de se présente sous la
développer; elles sont nombreuses, minces, se forme d'une bana-
développant horizontalement sur un rayon de ne de dimensions
± 1 m. et une profondeur de 60-70 cm. Fleurs de Bananier.
réduites et qui se De gauche à droite :
Quelques racines plus ou moins verticales transformera, par- fleur femelle, fleur neutre,
descendent jusqu'à 1,80 m. de profondeur. Le thénocarpiquement fleur mâle (env. 1/2 gr. nat.)
rhizome donne naissance à un certain nombre (1 ) Le long du tronc pendent quelques feuilles des-
de feuilles, munies de gaines longues et em- séchées. Il faut les respecter, du moins dans les jeunes
boîtées. L'ensemble des gaines constitue le plantations, car elles protègent le stipe contre le soleil.
LES CULTURES COLONIALES 617

ou peut-être de façon pseudogame (1), en variétés, le bouton terminal n'a pas l'occasion.
fruit. Les étamines sont au nombre de 5 ou de s'épanouir complètement, avant la maturité
en nombre irrégulier de 3 à 7 (2); elles sont des bananes. Chez Musa emasculata DE BRIEY
rudimentaires et ne donnent normalement les fleurs mâles manquent.
pas de pollen. Le style est long et surmonté
d'un stigmate globuleux, où l'on peut distin-
guer plus ou moins nettement six lobes.
L'ovaire comporte trois loges et un grand
nombre d'ovules. L'enveloppe florale se com-
pose de deux pièces : une grande présentant
5 lobes ou dents et une petite appelée « tépale
libre ».
Les fleurs femelles fleurissent en premier
lieu, la floraison commençant à la base du
régime. Dans certains cas, sous l'influence de
pollen étranger, quelques unes de ces fleurs
peuvent donner des graines. A maturité, les
bananes ont une coloration jaune plus ou
moins foncée, parfois tachetée de brun. Chez
certaines variétés, le fruit mûr est vert ou
rouge.
2° Des fleurs « neutres », situées vers le
centre du régime. Elles manquent chez cer-
taines variétés. Ces fleurs sont beaucoup plus
petites que les précédentes et ont les organes
mâles et femelles rudimentaires. Là où elles
existent, les fleurs neutres donnent naissance
à un petit nombre de mains de bananes tout
à fait rudimentaires, juste au-dessus des bana-
nes normales. Comme le régime pend norma-
lement vers le bas, on les voit sous les bananes Régime mûr de la variété « Gros Michel ».
proprement dites. (Généralement ses régimes sont
Après la floraison, les bractées des fleurs de plus grande dimension.)
femelles et neutres tombent. (Photo Office Colonial.)
3° Des fleurs « mâles », de dimension à
peu près égale aux fleurs neutres et situées CARACTÈRES DISTINCTIFS DES PRINCIPALES
au sommet du régime. Ici, seules les étamines
ESPÈCES.— Musa paradisiaca L. — Les feuil-
sont normales ou apparemment normales. les ont souvent une teinte mate, due à la
Elles produisent du pollen en quantité plus
ou moins grande, mais il n'est pas toujours présence de pruine. Le pédoncule du régime
est généralement, si pas toujours, glabre. Les
susceptible de germer, chez les variétés comes-
tibles. En tout cas, il ne peut jamais féconder fruits sont de grande dimension, dépassant
les fleurs femelles du même régime, qui fleu- généralement 20 cm. de long et pouvant at-
rissent plus tôt. Après la floraison, les fleurs teindre 40 cm. et plus. Généralement les fleurs
mâles tombent avec leurs bractées, chez plu- mâles et. leurs bractées restent adhérentes,
sieurs espèces. Il en résulte que le rachis pré- parfois les fleurs mâles persistent seules, dans
sente une portion nue plus ou moins longue, d'autres cas une partie seulement persiste,
entre les fleurs neutres (ou femelles) et le tandis que le bouton terminal se détache et
« bouton terminal ». Chez la plupart tombe. On considère habituellement ces ba-
des nanes comme restant farineuses et ne pouvant
se consommer crues. A maturité complète,
(1) Parthénocarpiquement, c'est-à-dire sans interven- cependant, du moins chez certaines variétés,
tion de pollen; de façon pseudogame, c'est-à-dire suite les fruits deviennent sucrés et peuvent se
à une action stimulative du pollen, sans qu'il y ait ce- manger comme d'autres bananes.
pendant fécondation.
(2) Normalementil devrait y avoir 6 Musa sapientum L. — Pédoncule souvent,
mais
chez la plupart des variétés sans grainesétamines,
une étamine mais pas toujours pubescent. Fruits géné-
manque ou est très réduite. ralement petits ou moyens. Fleurs mâles

20*
618 LES CULTURES COLONIALES

caduques, ainsi qu'il a été dit dans la des- le rendement maximum. La température
cription générale. Avant maturité, les bananes moyenne annuelle ne peut pas être inférieure
sont farineuses et conviennent à la prépara- à 18-20° et la température minimale ne peut
tion de farine, aussi bien et mieux (parce que descendre qu'exceptionnellement au-dessous
leur production est plus élevée) que les ba- de 15°. Musa sinensis peut supporter des tem-
nanes-plantains. Dans cet état elles peuvent pératures de 10° et, même pendant peu de
aussi se consommer cuites. La peau du fruit temps, des températures descendant jusque 0°.
est mince ou épaisse suivant les variétés. Ceci peut se présenter aux Canaries, à Ma-
Musa sinensis SWEET. — Taille réduite : dère, en Afrique du Nord et dans le Sud
des Etats-Unis. Le Bananier demande beau-
2-2,50 m. Aspect rappelant celui de M. para-
coup d'eau. Les grandes plantations commer-
disiaca, notamment en ce qui concerne la ciales d'Amérique se trouvent dans des ré-
couleur des feuilles et la constitution du
gions recevant 2 à 4 m. de pluies. 1500 mm.
régime : fleurs mâles et bractées persistantes. constituent à peu près le minimum. Dans les
Pédoncule du régime pubescent. Stipe court,
régions où l'on irrigue, on fournit en
épais; toute la plante a un aspect trapu.
moyenne 20.000 m3 d'eau par hectare et par
Régime de grande dimension, comprenant un an, soit l'équivalent de 2 m. de pluies. Aux
grand nombre de fruits moyens, à peau fine. Canaries, cependant, on ne peut donner en
Il existe, parmi les bananes-plantains du moyenne que 12.000 m3. Toutefois le climat
Congo Belge, des variétés ou des formes téra- y est déjà relativement frais, si bien que
l'évaporation est moindre; en outre on dis-
tologiques chez lesquelles les fleurs ne sont tribue l'eau de façon très judicieuse et on
pas disposées en groupes séparés (mains),
mais en une spirale ininterrompue. Dans ce l'économise grâce à des binages, etc. Le
Bananier demande le plein éclairement; il ne
cas, les bractées sont également soudées en
une spirale continue. convient donc pas comme culture intercalaire
dans des plantations arborescentes. Il craint
Sol. — Le Bananier est une plante exi- les vents violents, en raison de son enracine-
geante. Il demande un sol profond, perméa- ment superficiel. Musa sinensis,, grâce à sa
ble, riche en humus et éléments minéraux, petite taille, est plus résistant. Il faut planter
notamment en potasse. Le Bananier, tout à des endroits abrités, par exemple à faible
comme le Manioc, exporte de grandes quan- distance (± 100 m. par exemple) de la forêt
tités de potasse. Il peut cependant se cultiver ou d'un coupe-vent.
sur toutes sortes de sols, mais une culture
Préparation du sol. — Le défrichement
commerciale ne pourra être entreprise que sur
s'effectue comme pour d'autres plantes plu-
des terres de première qualité. L'indigène a
riannuelles. On peut appliquer la méthode
toujours soin de planter ses Bananiers sur
sans incinération. En Amérique centrale, de-
des sols fertiles : sols forestiers, sols alluviaux,
terrains voisins des cases enrichis par les puis plus de 25 ans déjà, et au Cameroun
plus récemment, on plante sans incinération,
détritus, cendres, etc. du village. avant l'abatage de la futaie. On abat donc
Pour une culture commerciale, on choisira
un terrain simplement le sous-bois et les petits arbres.
plat, permettant l'aménagement On plante ensuite et, lorsque les rejets ont
de nombreuses routes, voire la construction
bien repris, on abat les grands arbres. Ceci
d'un decauville, pour le transport dés régi-
a l'avantage de protéger le sol le plus long-
mes avec un minimum de frais.
temps possible et d'empêcher la croissance
Climat. - Le Bananier demande un cli- des mauvaises herbes, jusqu'à ce que les
mat chaud et humide. Toutefois si les pluies rejets aient pris une certaine avance. Les
sont insuffisantes, on peut y suppléer par trous de plantation ont généralement 40 ou
l'irrigation. Le Bananier est par excellence 50 cm. de côté ou de diamètre, et une pro-
une culture de basse altitude. La plupart des fondeur égale. L'écartement diffère d'après
grandes plantations commerciales d'Amérique les espèces ou variétés et la nature du sol.
sont situées entre 0 et 500 m. d'altitude. Au Sur sol fertile, on plante à plus grand écar-
delà de 1000 m., même en région tropicale, il tement. Musa sinensis peut se planter à 3 X
n'est pas à conseiller de planter des Bana- 3 m.; les autres variétés se plantent à 4 X
niers, à moins qu'il ne s'agisse de Musa 4 ou 5 X 5 m., parfois même sur sol de bonne
sinensis. On trouve cependant des bananeraies qualité à 6 et 7 m. On plante toujours en
indigènes jusque 2000 et 2500 m. à Java et carré ou en rectangle, jamais en quinconce,
dans l'Inde, mais ces cultures ne visent pas afin de conserver le plus longtemps possible
LES CULTURES COLONIALES 619

une plantation régulière. Les touffes de Bana- On plante en saison des pluies, mais pas au
niers, en effet, se déplacent. Au Congo, des moment des plus fortes pluies, de crainte
écartements de 4 X 4 ou 5 X 4 m. suffisent que les rejets ne pourrissent. Les « bits » se
généralement pour la
banane de table ordi-
naire (type « Gros Mi-
chel » des Antilles).


Multiplication.
On propage le Bana-
nier au moyen de vieux
rhizomes ou de frag-
ments de rhizomes
(« bits ») portant au
moins deux yeux, au
moyen de petits rejets
n'ayant pas encore for-
mé de feuilles (« rej ets
écailleux »), ou enfin
au moyen de grands
rejets hauts de 1 à
1,50 m. Ces derniers
conviennent le mieux;
ils donnent des plants
plus vigoureux et plus
Plantation de Bananiers.
précoces que ceux obte-
nus les autres (Photo Musée du CongoBelge.)
par
procédés de multipli-
cation. Les meil'eurs parmi les rejets sont -es plantent de manière à ce qu'ils soient recou-
« rejets-épées » (« sword-leafed suckers ») : verts de 10 cm. de terre et que les yeux se
ce sont des rejets à bulbe épais, stipe conique trouvent vers le bas, ceci afin d'obtenir un
et feuilles étroites et aiguës. Les gourmands, meilleur enracinement. Les rejets se plantent
c'est-à-dire à tige cylindrique de manière à ce que le collet se trouve au
des rejets
et feuilles larges ne conviennent niveau du sol. Il faut avoir soin de tasser
pas ; ils
sont à éliminer. Il est préférable de choisir les
rejets sur des souches âgées d'environ trois
ans au moins et à la périphérie. Les rejets de
souches plus jeunes, de même que les rejets
intérieurs, se détachent difficilement en entier.
La séparation se fait au moyen d'un large cou-
teau ou d'une bêche très tranchante. Cette opé-
ration se pratique en même temps que les tail-
les ou éclaircies. On fait immédiatement la toi-
lette des rejets, c'est-à-dire qu'on sectionne
le stipe à j: 40 cm. de haut et qu'on supprime
toutes les racines au ras du rhizome. On laisse
ensuite reposer les rejets pendant quelques
jours, pour que les plaies sèchent.
On peut conserver les rejets, à l'ombre, pen-
dant un mois environ ou :eur faire subir un
voyage de même durée. L'expédition se fait
en caisses ou paniers, avec de la paille ou des
feuilles sèches, pour éviter les blessures. Poui
un voyage de plus longue durée, il vaut mieux
planter les rejets dans des petits paniers, dis-
posés dans une caisse surmontée de lattes sou-
tenant une toile ou des nattes protectrices.
« Rejets-épées (Photo Inêac.)
».
620 LES CULTURES COLONIALES

fortement la terre autour des rejets. Après les nombreux rejets formés ne pourraient dé-
la plantation, on raccourcit parfois le rejet velopper un régime de belle dimension. Il faut
à ± 20 cm. au-dessus du sol. intervenir de façon à ce qu'à partir de la
Un rejet moyen coupé à ± 40 cm. pèse en- deuxième année, il y ait 2 ou 3 tiges pour
viron 4 kgrs. Une vieille souche ne fournit remplacer le pied-mère et produire. On con-
serve 3 rejets sur bon sol ou dans les planta-
généralement pas plus de 2-3 rejets utilisa-
tions à grand écartement. Les rejets conser-
bles, car il faut ménager les possibilités de
vés doivent toujours se trouver à l'extérieur
production de régimes. Le coefficient de mul-
n'est donc pas fort élevé. Pour de la touffe, sans quoi ils seraient mal enra-
tiplication
cinés. On les choisit de telle sorte qu'ils soient
planter un hectare à 4 X m., il faut
625 rejets; à 5 X 5 m. il en faut 400. régulièrement espacés entre-eux et d'âge dif-
férent, pour espacer la production et ménager
la souche. On obtient ainsi de plus beaux
régimes et on augmente la durée de la planta-
tion. Les années suivantes on continue à
tailler de façon à conserver toujours 2 ou
3 rejets par touffe. Les rejets inutiles servent
aux nouvelles plantations ou sont détruits.
Dans le second cas, on les coupe au ras du
sol et on détruit le cœur de deux coups de
bêche croisés. Les tailles se succèdent à inter-
valles de 6 à 12 semaines. Il vaut mieux tailler
souvent; les plants en souffrent moins alors
et les rejets n'ont pas l'occasion de leur
soustraire beaucoup d'éléments nutritifs.
Dès que la plantation est fermée, les Bana-
Mise en place des rejets de Bananiers.
niers rejettent moins abondamment. Les re-
jets à conserver doivent correspondre à la
(Dessin Inéac) description qui a été donnée au paragraphe
précédent. Lorsque la plantation est devenue
Entretien. Le premier travail d'entre- trop irrégulière, à touffes trop ouvertes, il
tien consiste à regarnir les vides, au moyen est généralement temps de la renouveler.
de rejets de grande taille, de façon à compen- Lors de la taille, on aura soin de débiter
ser le retard qu'ils ont vis-à-vis des autres les tiges et bulbes en menus morceaux. On
plants. En culture indigène, le Bananier est fera de même à la récolte des régimes. Ainsi
associé à diverses autres plantes vivrières ; les ils se dessécheront et se décomposeront plus
plantations européennes sont généralement rapidement, ce qui empêchera les charançons
pures. Dans celles-ci il y a donc lieu d'entre- Cosmopolites et Temnoschoita d'y pondre.
tenir la couverture et les cercles au pied des Eventuellement on pourra en conserver une
Bananiers (sur un rayon de ± 1 m. à partir partie temporairement, comme pièges que l'on
des rejets extérieurs). Il faut veiller à ne pas détruira ensuite, anéantissant les pontes (ll.
blesser les racines ni les troncs, au cours de Lorsque les Bananiers portent de lourds ré-
ces travaux. A Mvuazi, on a obtenu d'excel- gimes il est prudent de les soutenir au moyen
lents résultats par le paillage des banane- de perches fourchues.
raies : deux fois par an un « mulch » épais Là où l'on irrigue, il faut fractionner les
d'herbes de brousse est étendu sur toute la arrosages, car le Bananier ne supporte pas
surface; lors du renouvellement de la couche, l'eau stagnante. Il faut donc donner rela-
les restes du paillis précédent sont enfouis. tivement peu d'eau à la fois. Aux Canaries,
Les rendements s'en trouvent à peu près on irrigue généralement tous les 15 à 20 jours,
doublés. la dose étant de 500 à 650 m3 à l'hectare, à
Fumure : elle est généralement indispen- chaque fois. En « mulchant » on peut espacer
les arrosages jusque 30 jours. La quantité
sable, sauf sur les sols très riches. A Mvuazi,
50 kgrs de compost donnés tous les six mois pouvant se donner à chaque arrosage dépend
à chaque pied ont procuré de bons résultats,
moins marqués cependant que ceux obtenus
par le paillis. (1) Pour le Cosmopolitesun piège doit êtr? détruit
du
après trois semaines, au plus tard, soit la durée
La taille est une opération importante, car stade larvaire.
LES CULTURES COLONIALES 624

évidemment du climat et de la nature du sol. « payable », c'est-à-dire un régime de pre-


mière catégorie, doit peser 30 kgrs.
- - La reprise des rejets a Le poids des régimes diffère évidemment
Cycle végétatif.
lieu en l'espace de 10-15 jours, parfois un suivant les variétés. Dans la variété « Gros
mois. Nous avons dit qu'un rejet arrive au Michel », un régime à 9 mains pèse de 22 à
stade de la floraison après 10-14 mois et que 36 kgrs. On rencontre exceptionnellement des
le régime est mûr 3-4 mois plus tard. Il s'agit
là de l'évolution d'un rejet fixé au pied-
mère, comptée depuis la sortie de l'œil. Dans
une nouvelle plantation, établie au moyen de
forts rejets, la première floraison est évidem-
ment plus précoce et se produit 6 à 10 mois
après la mise en place. On peut donc récolter
les premiers régimes après 9 à 14 mois, en
moyenne après 12 mois.
La durée d'une bananeraie est très varia-
ble; elle dépend du sol et du climat, de la
variété et des soins apportés à la culture. En
moyenne, une plantation de bananes de table
dure 5 à 10 ans; en Amérique il en est qui
atteignent 20 ans. On peut redéfricher et
replanter le même terrain. Les Bananiers-
plantains semblent avoir une longévité moin- Plantation de Bananiers et d'Ananas.
dre, du moins en culture indigène. Au Congo, (Photo Inéac.)
ils ne dépassent guère l'âge de 3 à 5 ans.

— Les régimes de 65-70 kgrs et plus. Les régimes


Récolte. Rendement. Exportation. du Bananier de Chine sont généralement de
régimes se récoltent toujours avant maturité grande dimension et pèsent 35-40 kgrs, en
complète. Des bananes récoltées complètement moyenne. Ceux de bananes-plantains pèsent
mûres sont fades. Pour la consommation lo- le plus souvent de 10 à 20 kgrs.
cale, on récolte 4-5 jours à une semaine avant
maturité, c'est-à-dire lorsqu'un ou deux fruits RENDEMENTSA L'HECTARE. — A Yangambi
commencent à mûrir. Pour l'exportation, la les meilleures variétés de bananes de table
récolte doit être avancée, d'après la durée du produisent 25 à 35 Tonnes de régimes à l'Ha.
voyage. Pour Musa sinetisis le rendement s'élève à
Pour récolter un régime, on commence par 40-50 Tonnes. Les meilleures variétés de ba-
entailler le stipe à mi-hauteur environ. Entre- nanes à cuire indigènes ne donnent que 15 à
temps l'ouvrier soutient la partie supérieure 18 Tonnes. Au Cameroun français, la « Gros
de la tige, puis la laisse descendre lentement Michel » donne en moyenne 25 T. Ailleurs,
vers un aide qui saisit le régime. Celui-ci on indique souvent le nombre de régimes de
est alors séparé du tronc et débarrassé de la première classe. Au Cameroun britannique,
partie stérile : fleurs mâles et portion nue du d'après REYPENS, les nouvelles plantations
rachis. On coupe ensuite le reste du tronc. donnent 650 « counts » à l'hectare, les an-
Les régimes destinés à l'exportation doi- ciennes 300 à 350. En Amérique, la moyenne
vent satisfaire à diverses exigences, concer- est de 500 et les bonnes plantations donnent
nant leur développement, leur intégrité, leur 700 à 750 « counts ». Aux Canaries, on
dimension. Ainsi, au Cameroun britannique, obtient de 1.600 à 2.000 régimes de toutes
on exige 9 mains pour la première classe, catégories.
mais on paie le même prix au-delà. Il faut
donc, par la taille, tâcher de produire le plus D'après RUSCHMANN,une récolte de 25 Ton-
possible de régimes à neuf mains et pas plus. nes de régimes à l'hectare exporte 37,5 kgrs
Ceux à 8 et 7 mains constituent les deuxième d'azote, 167,5 kgrs de potasse et 42,5 kgrs
et troisième classes et se paient beaucoup d'acide phosphorique.
moins. Ceux de 6 mains sont refusés ou ache- Les bananes refusées à l'exportation peu-
tés à bas prix. Au Cameroun français, les vent être transformées en « bananes-figues »
conditions sont plus équitables : on paie au (fruits mûrs, pelés et séchés) ou en farine
poids, mais on n'accepte pas les régimes de de banane, ou servir à la fabrication
6 mains. En Amérique, un « count » ou d'alcool.
622 LES CULTURES COLONIALES

Amélioration. chromosomiques des trois sections du genre


Musa. Chez Eumusa le nombre basal est 11.
VARIÉTÉS.— Pour l'exportation on cultive La plupart des espèces comestibles, notam-
uniquement, en Amérique et Afrique, la va- ment « Gros Michel », Musa sinensis, « Pisang
riété « Gros Michel », appartenant à l'espèce
radjah », etc., possèdent 33 chromosomes.
Musa sapientum L. Cette variété est connue M. acuminata COLLA, M. ornata RoxB.,
aussi sous diverses autres dénominations : M. Martini HORT. et d'autres espèces orne-
« Pouyat », « Martinique », « Jamaïque », mentales possèdent 22 chromosomes somati-
etc. A Hawaï elle est connue sous le nom de
ques. CHEESMANet LARTER ont trouvé cepen-
« Bluefields ». Elle a été découverte à la dant aussi des variétés comestibles à 22
Martinique en 1840, et est identique à la chromosomes (notamment dans 9 cas, contre
variété « Pisang Ambon » de Java. Aux Iles 82 avec 33 chromosomes). Musa textilis NEE.
Canaries et à Madère, on cultive diverses
possède 20 chromosomes.
variétés de Musa sinensis. Jusqu'à présent il
n'a pas été possible de trouver une variété Les études cytologiques ont permis à CHEES-
MAN de fixer un schéma de croisement tel
supérieure à la « Gros Michel» pour l'expor-
tation. Celle-ci se caractérise en effet par un que la « stérilité », c'est-à-dire l'absence
haut rendement et des régimes supportant de graines, soit conservée. Dans ce but deux
bien le transport, grâce notamment à l'épais- croisements sont nécessaires :
seur de la peau des fruits. La banane des 1° Croisement Bananier comestible à 33
Canaries possède au contraire une peau chromosomes, comme mère, avec Bananier
mince et doit être emballée pour le trans- fertile à 22 chromosomes, comme père. L'hy-
port. Pour la consommation locale, on cultive bride obtenu possède 44 chromosomes et est
aux colonies des variétés ou espèces de goût fertile.
beaucoup plus fin, mais qui en raison de leur 2° Croisement de l'Hybride à 44 chromo-
rendement insuffisant ou de leur moins bonne somes, comme mère, avec Bananier fertile à
conservation au cours du transport, ne con- 22 chromosomes, comme père. La descen-
viennent pas pour la culture commerciale. dance possède à nouveau 33 chromosomes et
Citons parmi les plus appréciées : « Pisang est dépourvue de graines.
radjah », « Pisang mas », « Pisang soesoe », D'autres croisements ont été essayés, mais
« Lady finger », « Apple banana » (« Bana- ne réussirent guère, par exemple celui du
ne-pomme »), etc. Parmi les bananes-plan- Bananier comestible à 33 chromosomes avec
tains, il existe également un grand nombre l'hybride à 44 chromosomes, comme père.
de variétés. Notons qu'il a été constaté, au
Congo, qu'elles sont moins résistantes ou at- Après hybridation, il appartient à la sélec-
tion végétative d'isoler les types intéressants
taquées de préférence par le Cosmopolites.
Musa sapientum et surtout M. sinensis sont au point de vue rendement, goût, précocité,
moins souvent attaqués. qualités commerciales, résistance aux mala-
dies et insectes.
SÉLECTION ET CROISEMENT.— Les variétés —
de la culture sont généralement des clones et TECHNIQUEDE L'HYBRIDATION. Des essais
ne sont donc pas perfectibles. Les Stations de croisement ont été faits à Yangambi en
expérimentales américaines, spécialement 1935, entre diverses variétés de table ou plan-
celles de Trinidad et de la Jamaïque, ont tains et Musa Martini, comme pollinisateur.
Un total de 44 inflorescences comportant
comparé toutes les variétés connues, sans
4.612 fleurs fut traité. Il fut obtenu 70 grai-
pouvoir découvrir des variétés supérieures à De nouveaux essais furent
la « Gros Michel » ou résistantes à la « Mala- nes, soit 1,51
die de Panama ». Elles ont donc eu recours effectués dans la suite avec d'autres espèces
à l'hybridation. Des recherches cytologiques fertiles, dont M. acuminata.
et génétiques de grand intérêt ont été faites La technique appliquée fut la suivante.
par CHEESMAN (Trinidad) et LARTER (Ja- Dès leur sortie, les inflorescences maternelles
maïque) Comme les Bananiers comestibles sont isolées au moyen d'un sac en « américa-
ne produisent généralement pas de pollen ni » de 100 X 85 cm. Des régimes ayant déjà
normal, ils se sont servi de diverses espèces commencé à fleurir peuvent être utilisés, a
et variétés de Bananiers fertiles, en parti- condition de marquer les mains traitées.
le
culier de Musa acuminata COLLA,qui appar- Quant au régime paternel, il suffit d'isoler
tient à la Section Eumusa. bouton terminal au moyen d'un sachet de
Nous avons indiqué plus haut les nombres 45 X 35 cm. Un bouton déjà en voie de
LES CULTURES COLONIALES 623

floraison peut encore servir, quitte à arracher dans le Bas-Congo des plantations européen-
au préalable les spathes déjà ouvertes et nes et indigènes en vue de l'exportation. En
les fleurs sous-jacentes, et éventuellement 1948, le Congo a exporté 46 T. de fruits
une ou deux mains supplémentaires. Musa divers, comprenant principalement des
Martini épanouit généralement une ou deux Agrumes. --
nouvelles mains mâles chaque jour, pendant Les statistiques de l'Institut International
une période très prolongée. Les Bananiers à d'Agriculture de Rome renseignent les pro-
polliniser fournirent chaque jour une ou plu- ductions suivantes pour 1938-39. Il est à re-
sieurs nouvelles mains de fleurs femelles. Le marquer que certains pays, tels que les Etats-
pollen de M. Martini étant très abondant, il Unis et le Brésil, consomment la majeure
ne fut pas recueilli. On se contenta de se- partie de leur production.

oranges Citrons
1 Mandarine* Grape-fruits

Espagne 1 909.800 T. - 51.000 T. -


348.000 62.500 T. 390.500 -
Italie
Palestine 437.400 - - 69.200 T.
Brésil < 1.165.800
Etats-Unis < 2.844.200 > 390.300 j 1.545900
Mexique 167.200 - - -
Algérie 65.600 - 1 -
!
112.400 j 53.000
64.400 140.300
Egypte -
Afrique du Sud. 95.300 - - 14.100
Japon 106.200 349.600 - -

Production mondialed'Agrumes : 9.710.000 Tonnes.


couer les fleurs mâles sur les stigmates des La Belgique consomme une grande quan-
fleurs femelles, de façon à ce qu'un grand tité d'Agrumes et sa consommation va crois-
nombre de grains de pollen y restent adhé- sant : 67.340 T. en 1935, 80.264 en 1937,
rents. La récolte des fleurs mâles eut lieu 91.850 en 1938, 84.200 en 1939. Ce dernier
chaque jour à partir de 10 heures et la polli- chiffre se répartit comme suit : 70.817 T.
nisation suivit immédiatement. A chaque fois d'oranges et mandarines, 7.201 T. de pample-
les nouvelles fleurs femelles furent traitées mousses (grape-fruits) et 6.182 T. de citrons.
et, en outre, les fleurs plus anciennes furent Les principaux importateurs d'Agrumes,
pollinisées à nouveau, aussi longtemps que autres que la Belgique, sont : l'Angleterre,
leur stigmate apparaissait encore frais. En la France, l'Allemagne, la Hollande, le Cana-
général, chaque fleur fut de ce fait traitée da, les Pays scandinaves.
deux fois. Les sacs furent retirés trois jours
après la dernière pollinisation.
La récolte des régimes traités se fait comme
de coutume, quelque? jours avant maturité.
Ils sont ensuite mis à mûrir en chambre,
avant de rechercher les graines.
AGRUMES. Fleurs d'Oranger. — A droite bouton; au centre
fleur épanouie; à gauche fleur châtrée (remarquer
On désigne sous le nom d'Agrumes l'en- le gros stigmate au centre du tube staminal).
semble des espèces appartenant au genre (Extrait de FRUWlRTH.)
Citrus : Orangers, Mandariniers, Citronniers,
etc. La culture de ces espèces est très impor- et
Origine, systématique description
tante dans les régions tropicales et — Le
subtropi- botanique. genre Citrus appartient à
cales, surtout dans ces dernières. Au Congo la famille des Rutacées et à la sous-famille
Belge, on cultive des Agrumes dans toutes les des Aurantioïdées. MARCOVITCH distingue
régions et, depuis quelques années, on a créé vingt espèces, originaires des Indes, de Chine,
624 LES CULTURES COLONIALES

du Japon, des Philippines, de Malaisie et de nes contiennent plusieurs embryons. Ceux-ci


l'Archipel malais. Il les répartit entre trois sont blancs, sauf chez les Mandariniers où
sections et deux sous-sections : Section Auran- ils sont verts. Au paragraphe de l'Améliora-
tium et groupe Nobilis, Section Intermedium tion nous reparlerons de la polyembryonie.
et Groupe Limctta, Section Medica. On rencontre chez les Citrus d'autres anoma-
lies encore ou des formes tératologiques : par
Les Citrus sont des arbres ou des arbris-
exemple le doublement de l'ovaire, produisant
seaux. Chez certaines espèces, les rameaux une petite orange incluse au sommet du fruit,
portent des épines axillaires. Les jeunes dans la variété « Washington Navel »; fleurs
pousses sont vert pâle dans la première sec- doubles chez certains Bigaradiers, recherchés
tion, roses ou pourpres dans les deux autres. de ce fait pour la distillation.
Cette coloration est liée à celle des fleurs,
Les Citrus possèdent 9 chromosomes ha-
qui est blanche dans la section Aurantium,
rose ou pourpre dans les sections Intermedium ploïdes.
et Medica. Les feuilles sont persistantes, co-
riaces, simples, à limbe articulé sur le pétiole. SYSTÉMATIQUE.— Nous n'indiquons, ci-
Celui-ci est pourvu d'ailes de grandeur va- après, que les principales espèces cultivées.
riable, parfois plus grandes que le limbe. Ces Elles sont rangées par ordre décroissant de
ailes représentent les folioles latérales qui dimension des ailes, d'après la classification
auraient existé anciennement chez les Citrus de MARCOVITCH.
et existent encore chez des genres voisins, 1. Section Aurantium: pétiole ailé, jeunes
lesquels possèdent des feuilles trifoliolées. Les pousses vertes, fleurs blanches. Citrus gran-
ailes sont plus ou moins développées dans la dis (OSBECK) MARC.
section Aurantium, peu marquées dans la (C. decumana MURR.
section Intermedium et absentes dans la sec- pro parte, C. maxima
tion Medica. Le limbe est ovale, oblong ou MERR.). — Pample-
lancéolé, à bords entiers, dentelés ou crénelés, moussier, « Shad-
vert foncé ou clair, contenant de petites dock ». Originaire
glandes à huile essentielle. Les fleurs sont d'Insulinde. Arbre de
solitaires ou bien réunies en petites grappes, 5 à 10 m., muni de Dimension des ailes chez
blanches, roses ou pourpres, suivant les espè- petites épines. Fruit quelques espèces de Citrits:
ces. Elles comportent 3 à 5 sépales très petits pouvant atteindre un 1 = C. ichangensis
diamètre de 15 cm. et SWINGLE.; 2 = C. grandis
et plus ou moins soudés ; 4 à 8 (généralement
(OSBECK)MARC.;3 = C.
5) pétales charnus et contenant des glandes plus, à peau épaisse sinensis OSBECK.; 4 =
à huile essentielle; 15 à 60 étamines à filets et jaune, à pulpe C. Limonum Risso.
partiellement soudés, formant souvent 4 ou jaunâtre ou rose, plus
5 faisceaux; un ovaire supère, à style aussi ou moins amère. Crames monoembryonales.
long que les étamines et terminé par un gros Citrus raeemosa MARC. (C. decumana MURR.
stigmate capité. Les fleurs mesurent 1-2 cm., p. p., C. paradisi MACF.). — « Grape-fruit »,
jusque 3-4 cm. chez le Pamplemoussier. Le
« Pomelo » (2). Fruits en grappes, d'où le
fruit (hespéridie) se compose de 8 à 15 car- nom. Fruits plus petits et de goût plus agréa-
pelles, réunis en une baie recouverte d'une ble que les pamplemousses proprement dits.
écorce ou zeste de couleur, épaisseur et aspect Graines polyembryonales, comme chez tous les
variables suivant les espèces. Chaque loge Citrus ci-après.
(carpelle) est tapissée intérieurement de poils
devenus charnus et remplis de liquide, Citrus aumntifolia SWINGLE.— « Lime »,
constituant la pulpe du fruit. Le zeste Limettier, Limettier acide. Originaire des
est constitué par l'épicarpe glanduleux Indes. Fruit semblable au citron, mais feuil-
et le mésocarpe sec, spongieux, blanchâtre. les et fleurs ressemblant à celles de l'Oranger.
L'endocarpe est représenté par les parois Beaucoup cultivé en Amérique pour la fabri-
membraneuses des loges ou segments, sur
lesquelles sont implantés les poils charnus
précités. La pulpe est plus ou moins douce (x) La variété « Washington Navel » est le type des
ou acide et enveloppe les graines sur les côtés oranges aspermes. D'autres variétés ne contiennent
et le sommet. Chez plusieurs variétés culti- qu'un nombreréduit de graines. Ainsi l'orange « Jaffa »
vées les graines manquent, soit qu'il y ait ou « Shamouti » de Palestine ne contient en moyenne
que trois graines, la « Valencetard ive » en moyennesix.
parthénocarpie, soit qu'il y ait pseudoga- (2) SWINGLE et WEBBER donnent le nom de « Pum-
mie (1). Chez la plupart des espèces les grai- melo » à Citrus grandis.
LES CULTURES COLONIALES 625

cation du « lime juice ». D'après STANER, le var. deliciosa). - Mandarine vraie. Manda-
« Citronnier indigène » (« Ndimu ») du rine d'Italie. Originaire de la Chine du Sud.
Congo appartient à cette espèce. Une variété Branches pendantes. Feuilles étroites,
locale de C. aurantifolia est employée comme lancéolées.
porte-greffe en Palestine, sur sols légers.
Citrus Unshiu (MAKINO) MARC. - Manda-
Sur sols lourds elle souffre de « gommose ». rine japonaise.
sont Originaire du Japon. Bran-
Les arbres greffés sur ce sujet
ches longues et étalées. Feuilles grandes et
plus précoces que ceux greffés sur Bigaradier, obtuses.
mais moins « longévifs ».
Citrus Bigaradia LOISEL. (C. Aurantiunt L.
p. p.). — Bigaradier, Oranger amer. Origi- 2. Section Intermedium : ailes peu déve-
naire de l'Inde. Petit arbre épineux. Il se loppées, jeunes pousses et fleurs roses ou
distingue de l'Oranger proprement dit par rouges.
un fruit présentant un creux central et une Citrus Khatta (BONAVIA) MARC. - Origi-
peau s'enlevant facilement, deux caractères naire de l'Inde. C'est une forme intermé-
existant aussi chez les Mandariniers, par sa diaire, qui a été considérée par certains
pulpe amère et sa peau très aromatique. On comme un Oranger, par d'autres comme un
le cultive beaucoup dans le bassin de la Bigaradier, par d'autres encore comme un
Méditerranée, pour la parfumerie. Le zeste Cédratier. L'arbre a l'aspect de l'Oranger,
sert aussi dans la préparation du Curaçao. mais les pousses sont jaunes et les fleurs
Enfin le Bigaradier est couramment employé roses. Certaines variétés ont la peau des fruits
comme sujet de greffe pour l'Oranger et le presque lisse, d'autres l'ont très verruqueuse
Mandarinier, surtout sur les sols lourds. Il et présentent en outre un mamelon au sommet
résiste en effet à la gommose (Phytophtora du fruit. Les premières rappellent donc
parasitica). C'est le cas notamment en Eu- rOranger, les autres le Cédratier. Les fruits
rope, en Afrique du Nord, au Congo Belge, conviennent particulièrement à la prépara-
en Amérique et en Australie. Par contre, à tion de gelées. L'arbre est vigoureux et pour-
Java et en Afrique du Sud, les résultats sont rait sans doute servir de porte-greffe.
moins satisfaisants.
Citrus sinensis OSBECK (C. Aurantium L. 2bis. Section Intermedium. Groupe Li-
p. p.). — Oranger. Oranger doux. Originaire metta : Ce groupe est peu homogène et pré-
de la Chine méridionale. L'Oranger est de sente parfois des caractères s'écartant de ceux
taille plus grande que le Bigaradier. Les ra- de la section. Citons ici :
meaux sont épineux ou non, suivant les varié- Citrus Bergamia Risso. - Bergamotier.
tés. Fruit rond à peau assez lisse ou lisse, inconnue. Fruit en
Origine généralement
jaune orangé jusque rouge, parfois restant forme de poire renversée, zeste à parfum spé-
verte à maturité chez certaines variétés ou cial. On le cultive en Italie, pour la parfu-
dans certaines régions (Congo, Indes, etc.). merie. L'essence de bergamote est employée
dans la fabrication de l'Eau de Cologne.
Ibis. Section Aurantium. Groupe Nobi-
lis : Ce groupe contient les Mandariniers, 3. Section Medica : ailes absentes ou
caractérisés par des graines à embryons quasi-absentes, jeunes pousses rouges ou pour-
verts, une cavité dans le fruit et une peau pres, fleurs roses ou rouges.
se détachant facilement et possédant un par-
fum spécial. Le fruit est plus ou moins aplati, Citrus Cedra LINK. (C. medica L.). — Cé-
rouge orangé, parfois vert à maturité. dratier. « Citron » (en anglais). Originaire
de l'Inde et de l'Indochine. Feuilles épaisses,
Citrus nobilis LOUR. — Mandarinier. Ori- coriaces, à sommet obtus. Gros fruit allongé,
ginaire de Cochinchine. Peau épaisse, ru- à peau épaisse et verruqueuse. Rameaux
gueuse et plus adhérente que chez les autres épineux. Utilisé en confiserie.
Mandariniers. Graines blanches à blanc-vert
en section. Cette espèce constitue Citrus Limonum Risso. — Citronnier. « Le-
donc en mon » (en anglais).
quelque sorte la transition entre les Orangers Originaire de l'Asie du
et les Mandariniers. Sud. Petit arbre très épineux. Feuilles oblon-
Goût et arôme analogues
à ceux des véritables mandarines. gues, à bord denté. Fruit allongé, terminé
Branches
dressées. Feuilles petites et ovales. par un mamelon, à peau mince, jaune et
pulpe très acide. Le Citronnier est plus sen-
Citrus deliciosa TENORE (C. nobilis LOUR. sible au froid que l'Oranger. En Europe, il
626 LES CULTURES COLONIALES

se cultive surtout dans le Sud de l'Espagne Afrique : par exemple Citropsis Gilletiana
et de l'Italie. SWINGLE,arbre de 8 à 10 m. Plusieurs sont
intéressantes pour la greffe.
Autres formes ou genres de Rutacées. —
Nous citons ici encore quelques espèces ou SWINGLEa donné en 1946 (in WEBBER and
BATCHELOR. The Citrus Industry. I.) une
hybrides fréquemment utilisés dans la greffe classification très complète des Citrus et des
ou en croisement.
genres voisins. Il divise le genre Citrus en
« Rough Lemon ». — Les Hollandais don- deux sous-genres : Eucitrus comprenant toutes
nent à ce Citrus le nom de « Citronella ». les espèces communément cultivées, à fruits
Il est originaire de l'Inde. D'après TOXOPEÜS comestibles (à des degrés divers), et Papeda
ce serait un hybride Oranger-cédratier; pour dont les fruits ne sont pas comestibles.
TRABUT c'est un hybride Citronnier-pample- Le premier sous-genre comporte les espèces
moussier, tandis que WEBBER(1946) le rattache suivantes :
au Citronnier, tout en admettant qu'il pour-
rait être un hybride Citronnier-cédratier. 1. C. Medica LINN., Cédratier.
« Rough Lemon » constitue un excellent 2. C. Limon (LINN.) BURM., Citronnier.
porte-greffe, utilisé fréquemment en Améri- 3. C. aurantifolia (CHRISTM.) SWING.,
que, Afrique du Sud, Rhodésie et Australie, « Lime ».
de même qu'à Java et au Congo. Il est spé- 4. C. Aurantium LINN., Bigaradier, Oran-
cialement indiqué pour les sols légers. Sur ger amer.
sol lourd il souffre souvent de gommose. 5. C. sinensis (LINN.) OSBECK., Oranger,
Oranger doux.
« Webber's Philippine Hybrid ». - - Origi- 6. C. reticulata BLANCO.,Mandarinier.
naire des Philippines. D'après SWINGLE, ce 7. C. grandis (LINN.) OSBECK.,Pamplemous-
serait un hybride de Citrus macroptera sier, « Pummelo ».
MONTR. (l) avec la Mandarine commune des 8. C. paradisi MACF., « Grapefruit ».
Philippines. C'est un sujet de greffe très 9. C. indica TAN., « Indian wild orange ».
intéressant; il est à l'essai à Mvuazi. 10. C. tachibana (MAK.) TAN., « Tachibana
« Japansche Citroen ». — A Java on donne orange ».
ce nom à un Citrus qui, d'après TOXOPEÜS. Le Bergamotier est considéré comme une
serait un hybride nobilis/mcdica et qui sert variété ou une mutation, voire comme un
de sujet de greffe.
hybride du Bigaradier.
Fortunclla japonica SWINGLE (C. japonica
THUNB.). — « Kumquat ». Originaire de Sol. — A l'exception des sols trop sablon-
Chine et du Japon. Fruit très petit consommé neux ou trop argileux, tous les sols convien-
avec la peau qui est relativement très épaisse, nent à la culture des Agrumes, pourvu qu'ils
ou employé en confiserie. Graines vertes en soient profonds et perméables. Il faut des
coupe. Pourrait servir en croisement. sols frais, à moins de pouvoir irriguer, car
les Citrus demandent beaucoup d'eau. Les
Poncirus trifoliatus RAFINESQUE (C. trifolia- sols trop légers pourraient être utilisés, à
ta L., C. triptera DESFONTAINES).— Origi- condition de les améliorer au moyen d'engrais
naire de Chine et du Japon. Petit arbre très verts. La production et l'exportation étant
épineux, très rustique, résistant à des froids importantes, le sol devra être suffisamment
assez intenses. Feuilles trifoliolées, caduques. fertile. Les terrains volcaniques sont recher-
Sujet de greffe pour régions tempérées. Les chés en Italie et Sicile, où l'on voit les flancs
Agrumes greffés sur lui résistent mieux au du Stromboli et de l'Etna couverts d'oran-
froid que les francs-de-pied ou les individus
geraies.
greffés sur d'autres sujets. Il a été utilisé
aussi en hybridation. D'après VAGELER la réaction du sol doit
être aux environs du pH 7.
Citropsis latialata (DE WILD.) TAN. (Limo-
nia Poggei ENGL. var. latialata DE WILD.). — Climat. — Les Agrumes s'adaptent à une
leur
Rutacée sauvage du Congo Belge, résistante grande variété de climats, à preuve
à la gommose. A été employée comme sujet grande extension en latitude : jusque 43-44°
de greffe à Eala. D'autres espèces existent en dans la région de Nice et de Gênes. Un climat
chaud, caractérisé par une température
moyenne se rapprochant de 16-18°, exempt
(1) Cette espèce rentre dans le sous-genre Papedi de gelées, est préférable. Certaines espèces
de SWINGLE (voir plus loin).
LES CULTURES COLONIALES 627

supportent cependant des gelées peu intenses, Les trous de plantation mesurent générale-
c'est-à-dire allant jusque -2, voire —4°. ment 50-60 cm. de profondeur et de côté. En
C'est le cas notamment pour l'Oranger, le Italie on leur donne même, lorsqu'on ne dé-
Bigaradier, Citrus deliciosa. La Mandarine fonce pas tout le terrain, 1 m3 et on va même
japonaise (C. Unshiu) résiste mieux encore jusque 1,50 m. de profondeur en terrain peu
que la Mandarine d'Italie. Par contre les fertile ou compact. En Algérie, les trous me-
Citronniers, les Limes, les Cédratiers et sur- surent généralement 80 cm. à 1 m,.
tout les Pamplemoussiers exigent plus de Les écartements varient dans de larges
chaleur. C. racemosa est moins exigeant que limites, d'après les espèces et variétés, d'après
le Pamplemoussier, mais donne très bien qu'il s'agit de « seedlings » ou de plants
aussi en climat chaud et humide. greffés, dans ce dernier cas encore d'après
Dans les régions tropicales, à Java par le sujet utilisé, d'après le sol et le climat.
exemple, on constate que les Agrumes vien- Voici quelques exemples :
nent mieux et sont de meilleure qualité à
Orangers : 3 m. en Italie du Nord, 5 dans
partir d'une certaine altitude : ± 500 m. Les le Sud; 4 ou 5 m. en Palestine; 6 à 7 m. en
meilleures plantations de Java, celles de la
Afrique du Sud et au Brésil; 7 à 9 m. aux
région de Malang, se trouvent vers 1000 m.; en Rhodésie, à Java. En Egypte,
le Pamplemoussier toutefois Etats-Unis,
(C. grandis) on plante généralement à 3,50 m., mais on
vient mieux en plaine.
préconise d'éclaircir ensuite à 7 m. Les arbres
Les Agrumes demandent beaucoup d'eau. destinés à disparaître seraient fortement
Il semble cependant qu'un climat relative- taillés dès qu'ils gênent les autres arbres. On
ment sec ou comportant une saison sèche soit aurait ainsi dt plus fortes récoltes dans les
préférable, à condition, bien entendu, dans le débuts. Toutefois on peut se demander s'il
premier cas, de pouvoir irriguer. On constate, ne serait pas plus intéressant de faire des
en effet, que les fruits de haute qualité pro- cultures intercalaires : Ananas, Bananiers,
viennent de régions subtropicales : Méditer- Plantes vivrières, etc. A Mvuazi, l'écartement
ranée, Syrie, Palestine, Afrique du Sud, minimum est 6 X 6 m.
Californie, tandis que les oranges des régions
équatoriales manquent souvent de saveur. Il Mandariniers : 4-5 m. en Algérie; 5-7 m.
pourrait cependant y avoir d'autres facteurs aux Philippines; 6-8 m. à Java; 5 X 5 m.
en jeu, notamment la température. Le ou 6 X 6 m. à Mvuazi.
Dr TRABUT dit qu'en Algérie les oranges les
Citronniers : 3-4 m. en Algérie et Italie;
plus savoureuses proviennent de plantations
6-8 m. aux Etats-Unis; 7 X 7 m. à Mvuazi.
qui ont parfois à souffrir des gelées. Le sol,
la fumure et surtout la variété interviennent Bigaradiers : 3-4 m. en Algérie et Italie.
certainement aussi. Quoiqu'il en soit, une — Citronniers et Bigaradiers se plantent sou-
grande humidité atmosphérique, à la matu- vent en haies, à 50 cm. d'écartement.
ration et à la récolte, ne peut être favorable
à la qualité. Notons, dans cet ordre d'idées, Pamplemoussiers : 10,5 m. en Malaisie;
que l'Est de Java, où se trouve la région de 10-12 m. à Java.
Malang et où la culture des Agrumes est plus
Grape-fruits : 6,5-8 m. aux Philippines;
développée que dans le reste de l'île, a un
climat moins humide et une saison sèche plus 7,5 m. en Afrique du Sud; 7 à 9 m. aux
Etats-Unis; 8 X 7 m., parfois 7 X 7 m. en
marquée que l'Ouest.
triangle, à Mvuazi.
En ce qui concerne les quantités de pluies
ou d'eau d'irrigation, VAGELER indique 500
Multiplication. — En culture soignée, on
à 1000 mm. C'est certainement là un mini-
mum, généralement dépassé en culture inten- multiplie généralement par la greffe. A Java,
sive (irriguée) et en région tropicale. en petite culture, les indigènes utilisent habi-
Les vergers d'Agrumes, surtout les jeunes tuellement le marcottage.
plantations, craignent le vent. Au besoin on PÉPINIÈRES. — On sème généralement en
établira des coupe-vents.
germoirs, parfois en caisses ou en pots, et on
repique en pépinières. Le terrain est préparé
Préparation du sol. — On procède souvent soigneusement, labouré profondément et fu-
à un labour profond ou même à un défonce- mé. Les germoirs sont généralement abrités
ment. On effectue d'ailleurs habituellement dans les régions tropicales. Dans les régions
des cultures intercalaires, dans les débuts. tempérées, ils sont souvent établis sous verre.
628 LES CULTURES COLONIALES

A Java, on rencontre également en mon- Etats-Unis, en Afrique du Sud, etc. En Pales-


tagne (au-dessus de 500 m.) des germoirs sous tine, on repique à très faible écartement,
verre. Quant aux pépinières de repiquage, mais la mise en place a souvent lieu après
elles sont abritées temporairement en région 6-7 mois déjà, du moins pour des sujets aurnn-
tropicale. A Mvuazi, on abrite les germoirs tifolirt destinés à être greffés en place. A
sous un écran de feuilles ou d'herbes; les Mvuazi, on sème en lignes espacées de 10 cm.
pépinières ne sont pas ombragées. et, après 3 mois, on repique en pépinière à
Les graines sont employées aussi fraîches 50 X 50 cm. Environ un mois plus tard on
que possible, car elles perdent rapidement leur paille les interlignes. (On ne le fait pas au
pouvoir germinatif en séchant. Si on ne peut moment du repiquage, pour éviter que les
semer immédiatement, on peut laisser les plants ne soient étouffés ou piétinés. )
fruits aux arbres ou bien les conserver dans
(TREFFE. - - On greffe habituellement en
,~ pépinière, un ou deux ans après le repiquage.
, , Les pépiniéristes européens greffent souvent
plus tard, à un âge réel de 4-6-8 ans, parce
qu'ils préfèrent vendre des plants de grande
taille. Le planteur, par contre, greffe le plus
"",'
tôt possible, c'est-à-dire dès que le diamètre
atteint 10-15 mm. Dans les régions tropicales,
on greffe habituellement un an après le re-
il'. ¡.. piquage; en Afrique du Sud même dès l'âge
de 10-12 mois; en Egypte parfois 6 mois
après le repiquage. Presque partout on met en
place un an après le greffage ; dans certains
cas on attend 2-3 ans et plus.
En Palestine, le greffage se fait habituelle-
Verger d'Orangers à Eala. ment en place, un ou deux ans après la plan-
(Photo Musée du CongoBelge.) tation. Les sujets sont alors âgés d'environ
2 ou 3 ans, s'il s'agit de C. aurantifolia. Pour
du sable. On peut aussi extraire les graines le Bigaradier, la plantation est retardée d'un
et les stratifier ou les mélanger à de la poudre an et le greffage de même : les sujets sont
de charbon de bois humide. Le dernier procé- donc âgés d'environ 3 ou 4 ans au moment de
dé convient aussi pour l'expédition. la greffe.
En Europe on sème au printemps ; en On a le choix entre différentes méthodes :
région tropicale et subtropicale, au début des greffe en fente, greffe anglaise, greffe en
en écusson. En général on préfère cette dernière,
pluies. Le semis se fait généralement
lignes écartées de 25 à 60 cm., les graines parce qu'elle consomme moins de bois. L'in-
étant espacées de 2 à 5-6 cm. dans les lignes. cision se fait le plus souvent en T renversé.
On arrose ou on irrigue autant que de besoin A Java on emploie la « méthode de Forkert
et on donne les soins habituels en horticul- modifiée » (Voir au chapitre de l'Hévéa). En
ture, notamment des éclaircies lorsque le Egypte (BROWN) on a obtenu aussi de bons
semis est serré et la durée du séjour au ger- résultats avec la « greffe de côté sous écor-
moir longue. Le repiquage a lieu le plus sou- ce », pour du bois ayant voyagé, donc moins
vent à un an, notamment en Italie, en Afri- frais et dont l'écorce se soulève moins facile-
ment. Au chapitre du Quinquina une greffe
que du Nord et aux Etats-Unis, parfois à
deux ans. Certains planteurs mettent en place de ce genre a été décrite. Un des buts princi-
à deux ans sans repiquage, mais ce procédé paux de la greffe étant la lutte contre la
donne des plants avec un mauvais enracine- gommose ou maladie du collet, on greffe haut :
à 30-60 cm. du sol. Il est désavantageux de
ment. Dans beaucoup de pays, notamment
en région tropicale, on repique à un âge greffer plus haut, parce que celà oblige à
moins avancé : entre 3 et 6 mois. Dans cer- greffer plus tard.
tains cas, notamment quand on sème en cais- L'époque du greffage varie d'après les ré-
ses, on repique deux fois. Les distances de gions. En Europe, Afrique du Nord et Etats-
repiquage sont très variables : 20 cm. en Unis, on greffe au printemps ou à l'automne.
Palestine; 25-30 à 60-70 cm. en Europe; Les greffes d'automne sont laissées dormantes
70 cm. en Egypte; 100-120 X 30-40 cm. aux jusqu'au printemps, parce que le greffon ne
LES CULTURES COLONIALES 629

serait pas suffisamment aoûté avant l'hiver. il n'y a guère lieu de tailler dans le jeune
Sous les Tropiques, l'époque varie d'après le âge, sauf à supprimer les gourmands, le bois
climat. A Java, par exemple, on greffe en mort et les branches inutiles et à raccourcir
saison sèche. les branches trop longues. Au besoin on donne
Le mieux est d'employer le bois de greffe au plant une bonne charpente, soit en pépi-
le plus frais possible. On peut cependant le nière, soit plus souvent en plantation. Dans
conserver ou le faire voyager pendant plu- ce cas, on écime en première année à environ
sieurs semaines. Il faut avoir soin de prendre 70 cm. de hauteur; l'année suivante on con-
du bois fructifère. Pour éviter des erreurs et serve 4 à 6 forts rameaux bien placés les uns
avec certitude la variété désirée, par rapport aux autres. Si le nombre de
reproduire rameaux est insuffisant, on les
le mieux est de prendre des rameaux portant vigoureux
des fruits à leur extrémité. Le meilleur bois rabat de façon à les obliger à se ramifier. Au
se trouve dans les portions situées immédiate- besoin on lie les rameaux à des croisillons
ment derrière un fruit mûr. La reprise se formés de lattes, pour leur faire prendre la
constate 2 ou 3 semaines après le greffage. Le direction voulue. Dans la suite, la taille se
limite à l'émondage ou enlèvement rez-tronc
sujet est recépé en un temps ou progressive-
ment. du bois mort, des gourmands, etc., et au sec-
tionnement des branches trop longues ou qui
A Mvuazi on greffe à un an et on met en
touchent le sol.
place à 18 mois. La greffe réussit toute l'an- A Mvuazi, la taille ne débute qu'en 2me
née, mais on l'effectue principalement vers
le milieu de la saison sèche (1), après un arro- année, parce que les plants taillés plus tôt y
souffrent souvent de gommose, mais on a soin
sage copieux. On greffe en écusson, à 30 cm. de supprimer les gourmands sur le pied. On
du sol, avec une incision en T renversé.
écime à une hauteur maxima de 80 cm. et, en
Comme bois de greffe on prend des rameaux
3me année, on garde 3-4 rameaux au moins
d'un an, on l'utilise frais et on laisse les pé-
tioles sur les écussons. On ligature au moyen pour former la charpente.
de bandes paraffinées, que l'on ouvre 10 jours Jadis, notamment en Italie, on conduisait
les Agrumes sur tronc de 1,20 à 1,80 m. Ac-
plus tard. Les greffes réussies sont étêtées,
10 jours après l'ouverture, à 15 cm. au-dessus tuellement, en Palestine, Egypte, Etats-Unis,
de l'écusson. Le chicot sert à fixer le greffon. Rhodésie, Afrique du Sud, etc., on préfère les
Une fois celui-ci aouté (± 3 mois), on sup- basses tiges, avec tronc d'environ 50 cm. ou
prime le chicot. Le pourcentage de réussite m,ême moins. Les arbres à tiges multiples sont
est en moyenne de 95 en toutes saisons. toutefois à rejeter, parce qu'il se produit
souvent une accumulation de terre et détritus
MISE EN PLACE.— En Europe, Afrique du dans l'espace compris entre les tiges, d'où
Nord et Etats-Unis, on plante au printemps humidité et danger de pourriture.
ou si possible en automne, parfois en été si En Europe et aux Etats-Unis on taille à la
l'on irrigue. Sous les Tropiques, on plante en fin de l'hiver ou au printemps. On peut aussi
saison des pluies. Les plants sont alors âgés tailler plus tard. Il est toutefois préférable
de 2-3 ans en région tropicale et de 3 à 10 ans de le faire à un moment où il n'y a ni fruits,
dans les autres régions. La transplantation ni fleurs sur les arbres. Sous les Tropiques
se fait à racines nues ou avec mottes. Il faut on taille en saison sèche. Le mieux est de
éviter soigneusement de planter trop profon- tailler chaque année, de façon à pouvoir
dément, ce qui entraîne la disparition des tailler modérément. Toute plaie étendue doit
racines du collet et affaiblit les plants. En
être enduite. Il est utile de brûler le bois
outre, cela prédispose à la gommose. Un
enlevé, pour détruire les germes ou insectes
Oranger bien planté doit avoir la base des
racines du collet apparente. Avant plantation, qu'il pourrait héberger.
les plants subissent une certaine taille pour ENTRETIEN.— En Europe et en Afrique du
réduire la transpiration. Nord, les vergers qui ne sont plus interplantés
sont binés plusieurs fois et généralement la-
Taille. Entretien. Irrigation. bourés deux fois par an : au printemps pour
aérer le sol, en automne pour favoriser
TAILLE. — La taille des Agrumes est sim- l'accumulation de réserves d'eau (pluies d'hi-
ple. Si le plant de pépinière est bien formé, ver). Les binages d'été doivent surtout être
fréquents là où l'on n'irrigue pas. En Afri-
(1) Dans le Bas-Congo,la saison sèche s'étend appro- que du Sud, on bine plusieurs fois en saison
ximativementdu 15 mai à fin septembre, début octobre. sèche, tandis qu'en saison des pluies on
630 LES CULTURES COLONIALES

cultive des engrais verts qui sont enfouis en en huiles essentielles et ils pourraient nuire
fin de saison. En région tropicale on met à la qualité.
sous couverture. Dans certains cas on colore les fruits ar-
tificiellement, par exemple ceux qui restent
IRRIGATION.— L'irrigation des sols légers verts à maturité ou n'ont pas une coloration
est plus abondante que celle des sols plus
uniforme, comme la « Washington Navel »
lourds. Ici il faut craindre la gommose et Le procédé le plus utilisé est le traitement
les maladies des racines. Si on pratique l'ir- à l'éthylène.
rigation par bassins, il faut laisser une petite Voici comment on procède en Afrique du
butte (rayon 50 cm.) au pied des arbres, de Sud : on place les caisses d'oranges dans des
façon à ce que l'eau ne soit pas en contact chambres spéciales à la température de 24°
avec la base du tronc. Les arrosages doivent et à 30 d'humidité, pendant 48 heures;
être fréquents surtout en été (Europe, Afrique toutes les 4 heures il y a une circulation
du Nord), c'est-à-dire pendant la période de forcée d'air chargé d'éthylène dans la pro-
production. Dans le bassin méditerranéen, on
portion d'une partie pour 5.000 parties d'air.
donne généralement 4 à 500 m3 à l'hectare,
tous les 10 à 15 jours, en été (mai-octobre). Les jeunes Orangers produisent de 250 à
On va souvent jusque 8-9.000 m3 au total. 500 fruits; les adultes atteignent fréquem-
ment 1000 fruits et plus. A 5 X 5 m. on
Cycle végétatif. — Sous les Tropiques les obtiendrait ainsi environ 400.000 oranges ou
arbres entrent en production vers l'âge de environ 40.000 kgrs. On peut compter cou-
2 à 4 ans après la plantation, soit à un âge ramment sur 20.000 kgrs.
réel de 5-6 ans. Ailleurs ils produisent à Les Citronniers portent 5-600 fruits dans
partir de la troisième ou de la cinquième le jeune âge, 800-1200, voire 2.000 à l'âge
année (âge réel 8-10 ans et plus). Une plan- adulte. Or un hectare porte environ 600
tation d'Agrumes est en plein rendement arbres.
10 ans après la plantation et reste de bon Les jeunes Mandariniers produisent 5-600
rendement pendant 30-40 ans. Entre la flo- fruits et les adultes 1.000 à 3.000. Il n'est pas
raison et la maturité il s'écoule 5-6 mois. En rare de récolter 500.000 mandarines à
Europe la récolte est saisonnière. Cependant l'hectare.
les Citronniers de Sicile fructifient presque D'après OLIVIERI, un hectare d'Orangers
toute l'année, mais avec une période de plus exporte par an par les fruits, le bois taillé et
grande production. Dans les climats plus les feuilles : 80 kgrs d'azote, 18 kgrs d'acide
chauds, la récolte s'échelonne généralement phosphorique, 68 kgrs de potasse et 105 kgrs
sur toute l'année, avec souvent deux maxima : de chaux.
par exemple à Java.
Amélioration.
Récolte. Production. Exportation. — On BIOLOGIE FLORALE. — Certaines espèces
récolte à la main. Il faut manipuler les fruits portent uniquement des fleurs hermaphrodi-
avec précaution. En culture soignée, les récol- tes. C'est le cas notamment de Citrus nobilis,
teurs portent des gants. Les fruits sont triés du Pamplemoussier et de l'Oranger. D'autres
suivant grosseur et aspect, à la main ou portent en outre une certaine proportion de
mécaniquement, éventuellement emballés dans fleurs mâles : par exemple C. Cedra et C. ai,,-
du papier fin ou du papier d'argent et mis rantifolia. D'autre part le Pamplemoussier,
en caisses. Aux Etats-Unis la récolte se fait l'Oranger, le Cédratier et C. aurantifolia
avec plus de soins encore. Les fruits sont sont protandres, tandis que chez C. nobilis
détachés de l'arbre au moyen de ciseaux. Ils par exemple, la maturité des stigmates et du
sont ensuite acheminés vers des installations pollen est simultanée. Chez les espèces pro-
spéciales où ils sont lavés et brossés mécani- tandres, les anthères éclatent juste avant ou
quement, séchés dans un courant d'air chaud, pendant l'ouverture de la fleur; elles sont
puis triés et mis en caisses. alors encore en contact avec le stigmate, si
Les fruits éliminés sont consommés sur bien que celui-ci est immédiatement saupoudré
place ou utilisés dans diverses industries de pollen propre. Chez les autres espèces, la
locales : parfumerie, préparation de jus et pollinisation a lieu quand les anthères se sont
limonades, confiserie, fabrication d'acide déjà écartées, ce qui réduit donc les chances
citrique, etc. Il est toutefois à remarquer que d'autofécondation. Les Citrus sont visités par
les fruits plus ou moins gâtés ne conviennent de nombreuses abeilles, mais celles-ci visitent
pas pour la parfumerie : ils sont plus pauvres généralement plusieurs fleurs sur le même
LES CULTURES COLONIALES 631

pied. Il en résulte que l'autofécondation et seront moins vigoureux. En Palestine on


domine chez les Gitrus. Le croisement se pro- a constaté qu'ils sont plus sensibles à la gom-
duira généralement quand un pied portant mose. En outre le prélèvement de boutures
peu de fleurs est entouré d'arbres-fleurissant nombreuses endommage les arbres. Le marcot-
abondamment. Le pourcentage d'hybridation tage a le même défaut et est d'application
spontanée peut varier entre 1 et 60 (Toxo- peu commode. La séparation des plantules
PEÜS, Java).
AMÉLIORATIONET POLYEMBRYONIE CHEZ LES
CITRUS.— Chez les Citrus (1) il se développe
des embryons, non seulement à partir de
l'oosphère, mais aussi à partir des tissus nu-
cellaires entourant le sac embryonnaire. Ces
embryons adventifs ne se forment toutefois
que si l'oosphère est fécondée ou, du moins,
s'il y a eu pollinisation. Ayant une origine
purement végétative, ils n'héritent que des
caractères de la plante-mère. On peut donc
multiplier les Agrumes « végétativement »
à partir de graines, à condition de pouvoir
reconnaître, dans les pépinières, les plantules
provenant des embryons adventifs. Générale-
ment cette identification est possible. Chez le
Pamplemoussier, qui est monoembryonal, et
chez les variétés aspermes, telles que
« Washington Navel », le procédé n'est évi-
demment pas applicable. La graine des Citrus
polyembryonaux se compose uniquement
d'embryons, parfois très nombreux : 10-12,
jusque 28. Parmi ceux-ci, 2 ou 3, jusque 5-6,
se développent en plantules. Généralement
un seul embryon provient de l'oosphère, mais
il ne donne pas nécessairement une plantule,
pouvant être vaincu dans la concurrence avec
les embryons « nucellaires ». Ainsi dans la
variété « Jaffa » il n'y a généralement que Branche d'Oranger chargée de fruits.
les embryons « nucellaires » (adventifs) qui (Photo Musée du CongoBelge.)
se développent, si bien que le semis donne
généralement une descendance pure (OPPEN- adventives est donc le meilleur moyen pour
HEIM) obtenir un matériel de sujets de greffe supé-
La polyembryonie des Citrus présente un rieur et homogène. On possède un moyen
grand intérêt pratique, sur lequel TOXOPEÜS pour identifier à coup sûr ces plantules, c'est
a attiré l'attention. d'opérer une fécondation croisée sur le se-
Dans la greffe des Agrumes, on a constaté mencier au moyen de pollen d'une espèce
que le sujet a une très grande influence. ayant un caractère dominant aisément déce-
Ayant trouvé un bon sujet, il est donc très lable, par exemple un pétiole à grandes ailes.
important de pouvoir le multiplier avec certi- Seules les plantules provenant d'embryons
tude d'identité. Le semis ne donne générale- génératifs seront hybrides et présenteront ce
ment pas un matériel homogène, sauf en ce caractère; on pourra donc aisément les recon-
qui concerne les plantules issues des embryons naître et les éliminer.
adventifs, après triage. Le bouturage ne réus- En pratique on obtient en pépinière 40 à
sit guère. Actuellement, cependant, on peut
bouturer plus aisément grâce à l'emploi des 60, jusque 90 de plantules d'origine végé-
hormones. Toutefois les plants de boutures tative, d'après les espèces et variétés. Toxo-
PEUS en a obtenu 95 pour « Rough le-
auront toujours un enracinement moins bon mon » et 60 pour « Japansche citroen ».
Pour ces deux porte-greffes l'identification
(1) La polyembryonieexiste aussi chez d'autres plan- est facile, sans recourir à l'artifice précité.
tes, notamment chez le Manguier. Chez « Rough lemon » il n'y a quasi pas de
632 LES CULTURES COLONIALES

plantules d'origine générative et elles pous- d'insectes que l'expédition de plants vivants
sent généralement très mal. Le danger d'er- ou de bois de greffe.
reur est donc pratiquement nul. Chez En dehors des particularités précitées.
« Japansche citroen » on reconnaît aisément, l'amélioration des Citrus est analogue à celle
avec un peu d'habitude, le type végétatif. On d'autres arbres fruitiers. Les points devant
remarque d'ailleurs immédiatement qu'un retenir l'attention du sélectionneur sont :
certain type est abondamment représenté; les le port; la forme; la vigueur; la productivité;
plantules d'origine générative sont au con- la précocité; la résistance aux maladies et
traire très variables, un même type sera donc insectes; le type de fruit : dimension, poids,
représenté par un nombre d'individus rela- épaisseur du zeste, coloration, chair juteuse
tivement réduit. Les graines de « Rough et savoureuse, conservation au cours du
lemon » donnent souvent deux ou trois plan- transport; la composition du fruit : teneur
tules, généralement toutes d'origine végéta- en sucre, nature des sucres et des acides con-
tive. Elles se gênent fortement l'une l'autre tenus dans le fruit. Notons que le commerce
et, de ce fait, sont généralement inutilisables. demande une peau mince, se détachant faci-
Si l'on manque de graines, on peut séparer lement, alors que pour le transport une peau
les plantules lorsqu'elles ont acquis un cer- épaisse, résistante, adhérente est préférable.
tain développement, par exemple lorsqu'elles Il faut donc tâcher de trouver un type inter-
portent deux feuilles, et les repiquer séparé- médiaire. Comme pour les autres fruitiers et
ment. On peut aussi supprimer les plantules plantes pouvant se multiplier végétativement,
les plus faibles et conserver la plus vigoureu- une sélection soigneuse des meilleurs porte-
se. On obtiendra ainsi des sujets de même greffes pour les diverses variétés et les di-
valeur que ceux fournis par les graines à verses situations doit être faite.
plantule unique, quoique greffables seulement
à un âge un peu plus avancé. Chez « Japan- TECHNIQUEDE L'HYBRIDATION. — De nom-
sche citroen », il n'y a généralement qu'une breux croisements artificiels ont été effectués
plantule qui se développe. S'il y en a deux, aux Etats-Unis et plus récemment à Java,
une est généralement d'origine générative. en Palestine, en Russie. La technique est
Celle-ci se développe très peu et ne gêne pas facile. La castration a lieu peu avant l'ouver-
l'autre plantule, qui pourra donc servir de ture de la fleur. On écarte délicatement les
sujet. pétales au moyen d'une pincette. Chez les
La polyembryonie permet aussi de multi- espèces qui ne sont pas protandres, on peut
plier végétativement des hybrides non fixés. encore châtrer quand la fleur a commencé
Puisque les embryons adventifs conservent les à s'ouvrir. On ne risque pas ainsi de la bles-
caractères de l'arbre F, (l), si l'on fait le ser inutilement. Les filets des étamines étant
triage des plantules en pépinière, on pourra très délicats on peut aisément enlever les
rester indéfiniment en Fi, comme dans le cas anthères au moyen d'une pincette. Il faut
de la multiplication végétative par greffage ou évidemment les saisir par les filets. On peut
bouturage. On peut de même prélever les grai- aussi se servir de fins ciseaux. On supprime
nes sur un arbre F2 et rester toujours en F2, les fleurs non traitées et on isole le rameau
si le type intéressant n'apparaît qu'à cette au moyen d'un sachet en papier. Lorsque le
génération (2). Le procédé s'applique aussi stigmate est réceptif, ce qui se produit
bien au cas d'un hybride intéressant comme 2-3 jours plus tard, on le saupoudre de pollen,
porte-greffe, qu'à celui d'un hybride apprécié en tapotant une fleur ou bien des étamines
pour ses fruits, donc comme producteur di- paternelles sur le stigmate. On isole ensuite
rect. Dans le second cas, cependant, on pré- pendant huit jours encore.
fère généralement, pour gagner du temps, Pour prélever du pollen pur, TOXOPEÜS
recourir à la greffe. procède comme suit : il cueille des fleurs la
La polyembryonie permet aussi l'importa- veille de l'ouverture et leur enlève le stigmate,
tion de variétés étrangères sous forme de pour éviter que la pollinisation ne se pro-
graines. Ceci est plus commode et offre moins duise. Dans ce cas, en effet, les pièces florales
de danger d'introduction de maladies ou se détachent et la fleur ne peut plus se mani-
puler; en outre beaucoup de pollen se perd.
(1) Les embryons adventifs appartiennent à la FI Il conserve les fleurs dans un flacon conte-
(Première génération), tandis que les embryons géné- nant un peu de chaux vive. Après 24 heures,
ratifs font déjà partie de la F„. la plupart des anthères sont déhiscentes. On
(2) C'est le cas, si un ou plusieurs parmi les carac- peut aussi conserver le pollen de cette ma-
tères recherchés sont récessifs. nière pendant 3-4 semaines.
Cultures
Potagères

et Plantes Condimentaires

Par L. PYNAERT

Ancien Directeur du Jardin botanique de Eala.


Directeur honoraire du Jardin Colonial de Laeken.

ES Cultures vivrières traitées au bien-être et à la prospérité de ceux qui s'y


chapitre précédent, comprennent adonnent.
les plantes alimentaires à grand
rendement, dont le produit sert GENERALITES.
L de base à la nourriture des popu-
lations indigènes de la Colonie. Raisons justifiant la création et l'entre-
Les Cultures potagères ont pour but la ré- tien de jardins potagers au Congo. —
colte de légumes destinés, en ordre principal,
1° La consommation régulière de légumes
aux Européens.
frais est d'une grande importance pour le
maintien de la santé. Les recherches concer-
INTRODUCTION.
nant le rôle des vitamines ont démontré
On attribue aux Indiens le dicton : le combien étaient fondées les appréciations
Froment marque le pied de l'Homme blanc. défavorables quant à l'usage des aliments
On peut en dire autant des plantes potagères. conservés. Chaque légume offre, en plus de
En effet, en quelque endroit du monde où sa saveur particulière et généralement recher-
se fixe l'Européen, il cultive, dès son arrivée, chée, des avantages salutaires particuliers.
les légumes qu'il consommait régulièrement 2° Le rendement d'un jardin légumier
dans sa patrie.
apporte un allègement sérieux aux charges
L'Histoire de la colonisation du Congo d'un ménage. lia variation dans les occupa-
Belge nous apprend que chaque nouvelle sta- tions courantes auxquelles il donne lieu, est
tion fondée à l'intérieur du pays, était, dès bienfaisante. Son organisation conduit à la
le début, entourée d'un jardin dont les récol- réflexion et à des essais dont les résultats
tes étonnaient les cultivateurs. Le Gouverne- peuvent être importants.
ment encourageait l'initiative en faisant par-
venir des semences de légumes à tous les 3° Le choix des plantes ainsi que le per-
postes qui s'organisaient. Les Cours de pré- fectionnement des outils et des procédés de
paration coloniale donnés en Belgique inscri- culture peuvent provoquer une amélioration
virent, de bonne heure, dans leur programme, très sensible des conditions de travail et
des leçons pratiques de jardinage. d'existence de certaines populations indigènes
Tandis que le Congo prospérait et voyait ayant eu, jusqu'à présent, peu de contact
le nombre de ses habitants européens avec les Européens. Par la pratique des cul-
augmen- tures potagères, on donne le meilleur exemple
ter dans de fortes proportions, les cultures
susceptible de faire progresser l'Agriculture
potagères connurent, des adeptes de plus en
plus nombreux. des natifs.
L'exposé des connaissances acquises, ac- Elles produisent des résultats favorables
compagné de suggestions, permet d'espérer de dans n'importe quelle région du Congo si l'on
nouveaux progrès dans cette branche de cultive exclusivement des espèces appropriées
l'Agriculture, qui contribue largement au au climat qui la caractérise.
634 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

On ne peut exagérer l'opinion d'après la- aussi de deux saisons dont l'une est humide
quelle les plantes fruitières produisent mieux et chaude et l'autre sèche et fraîche la nuit.
que les légumes dans les régions basses et On y comprend la région de l'Equateur qui
chaudes. Une bonne règle à suivre est d'avoir est dépourvue de saison sèche et fraîche.
recours aux légumes originaires de latitudes En région subtropicale, les légumes origi-
et d'altitudes voisines ou semblables à celles naires des tropiques se cultivent sans difficul-
où on désire les cultiver; de plus, par des tés pendant la saison chaude et ceux prove-
procédés de culture spéciaux, on peut lutter nant de pays tempérés, capables de subir
contre les inconvénients de la situation géo- quelques froids, s'y adaptent tout aussi bien.
graphique et des conditions locales et amé- Dans les climats tropicaux, quelques légu-
mes des régions
tempérées se déve-
loppent, avec suc-
cès, pendant la pé-
riode la plu s
fraîche, mais, dans
ces régions, une
élévation de quel-
ques centaines de
mètres produit un
changement remar-
quable de la tempé-
rature, et des légu-
mes des climats
tempérés peuvent
être obtenus à cette
altitude, même sous
l'Equateur, et d'au-
tant mieux que l'on
s'éloigne de la zone
équatoriale.
Il en résulte que
Potager colonial. les régions jouissant
(Photo Ministère des Colonies.) d'un climat subtro-
pical peuvent - pro-
liorer la qualité et la saveur des produits. duire, à diverses époques de l'année, à peu
Enfin le recours à de fréquentes importations près tous les légumes du monde entier. D'au-
de semences pures et sélectionnées est déjà tre part, de bons légumes des régions tempé-
un moyen de combattre le désagrément résul- rées, améliorés, peuvent être récoltés jusque
tant de la stérilité très fréquente chez beau- dans la zone intertropicale à basse altitude
coup de plantes importées. en saison fraîche, mais les produits seront
plus nombreux et plus variés à mesure que
Influence du climat sur le développe- l'altitude s'élève.
ment des légumes. — L'entretien d'un
— Dans quel-
potager signifie l'obtention continue de Pays d'origine des légumes.
légumes variés. Ce but se réalise aisément en que région du Congo que ce soit, on peut
tenant compte du climat de la région. Les trouver réunis dans un jardin potager un
climats régnant entre nos latitudes et celle de très grand nombre de plantes différentes les
l'Equateur sont désignés sous les noms de unes des autres. On en trouve une explication
tempérés, de subtropicaux et de tropicaux. dans le fait que les légumes ont été empruntés
Une constatation à peu près semblable se fait à des flores et à des climats variés et que,
en passant de la région côtière à celle des de plus, ils ont vu leurs exigences se modifier
montagnes du Congo Belge. au cours des temps ou encore à la suite de
Les climats subtropicaux sont caractérisés sélections répétées.
par deux saisons sèches dont l'une connaît Ci-après la liste des espèces légumières
quelques froids qui ne dépassent guère 0 degré avec l'indication du pays d'origine et des
centigrade. Les climats tropicaux jouissent zones de culture au Congo Belge.
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 635

P". d'origine Ahitud,moyenneou Zonede


cuttureauConcoBelIZe
Espèceà

Ail Europe méridionale et Asie occidentale. 1000 m.


Frontières N. et S.
Alkekenge. Amérique méridionale. Tout le territoire.
Amarante. Indes et Afrique tropicale. Tout le territoire.
Aneth. Midi de l'Europe. 1800 m.
Angelique. Alpes. 1800 m.
Anis vert. Asie et Afrique. 750 m.
Anserine quinoa. Pérou. 1500 m.
Arachide. Régions tropicales. Tout le territoire.
Armoise. Europe. 1800 m.
Arroche. Tartarie. Tout le territoire.
Artichaut. Europe méridionale, Nord de l'Afrique. 1800 m.
Asperge. Sables des côtes maritimes de 1800 m.
France, Hollande et Belgique.
Aspérule odorante. Europe. 1800 m.
Aurone. Midi de l'Europe. 750 m.
Baselle. Régions tropicales. Tout le territoire.
Aubergine. Inde. Tout le territoire.
Basilic. Inde. Tout le territoire.
Ben ailé. Indes et Afrique. Tout le territoire.
Betterave potagère. Région méditerranéenne. Tout le territoire.
Bourrache. Midi de l'Europe. 750 m.
Cardon. Europe méridionale. Tout le territoire.
Carotte. Europe. Tout le territoire.
Carvi. Europe. 750 m.
Céleri. Europe. Tout le territoire.
Cerfeuil. Russie méridionale. Tout le territoire.
-
Cerfeuil musqué. Centre et midi de l'Europe. 750 m.
Cerfeuil tubéreux. Europe méridionale. 750 m.
Chervis. Chine. Tout le territoire.
Chicorée, Europe. Tout le territoire.
Chou de Bruxelles. Europe. 650 m.
Chou cabus. Europe et Asie occidentale. Tout le territoire.
Chou-fleur. Europe et Asie occidentale. 1500 m.
Chou marin. Europe. 1500 m.
Chou navet. Europe. 750 m.
Chou Pe-Tsai. Chine. Tout le territoire.
Chou rave. Europe. Tout le territoire.
Chou de Savoie. Europe. Tout le territoire.
Ciboule. Sibérie ou Orient. 750 m.
Claytone. Cuba. Tout le territoire.
Concombre. Inde. Tout le territoire.
Coriandre. Europe méridionale. 750 m.
Courges. Indes et Afrique. Tout le territoire.
Cresson alénois.. Perse. Tout le territoire.
Cresson de Fontaine. Europe. 750 m.
Cresson du Para. Brésil. Tout le territoire.
Cresson de terre. Europe. 750 m.
Crosnes. Japon. 750 m.
Cumin. Amérique septentrionale. 750 m.
Curcuma. Indes et Afrique tropicale. Tout le territoire.
Echalote. Palestine. Tout le territoire.
Endive et ccarolle. Inde. Tout le territoire.
Epinard. Asie centrale ou septentrionale ou Perse. 750 m.
Estragon. Europe orientale ou Sibérie. 750 m.
Fenouil doux. Europe méridionale. Tout le territoire.
Fève de marais. Asie occidentale et Nord de l'Afrique. 750 m.
Fraisier hybride. Virginie, Chili, Caroline. 750 m.
Glaciale. Cap de Bonne Espérance. 750 m.
Gombo. Amérique tropicale et subtropicale. Tout le territoire.
Igname. Régions tropicales, Chine. Tout le territoire.
Laitue. Inde. Tout le territoire.
Liveche. Centre et midi de l'Europe. 750 m.
Mais sucré. Amérique. Tout le territoire.
Marjolaine. Orient. 750 m.
Melisse. Europe méridionale. 750 m.
Melon. Parties chaudes de l'Asie. Tout le territoire.
636 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

Espèces PaYId'origine Altitudemoyenne


ouZonede
cultureau CongoBelge

Menthe. Europe centrale et méridionale. 750 m.


Moutarde. Chine. Tout le territoire.
Navet. Europe et Asie occidentale. Tout le territoire.
Nigelle aromatique. Orient. 750 m.
Oignon. Asie centrale et occidentale. Tout le territoire.
Origan. Inde supérieure. 750 m.
Oseille. • Europe. 1000m.
Oseille d Abyssinie. Afrique centrale. Tout le territoire.
Oseille epinard. Europe. 1000m.
Panais. Europe. 650 m.
Pastèque. Afrique. Tout le territoire.
Patate douce. Régions tropicales. Tout le territoire.
Persil. Europe méridionale. Tout le territoire.
Piment. „ Amérique tropicale. Tout le territoire.
Pimprenelle. Europe. 1000 m.
Poirée ou bette. Europe. Tout le territoire.
Poireau. Alpes suisses et Europe méridionale. Tout le territoire.
Pois. Asie occidentale. 750 m.
Pois Asie tropicale. Tout le territoire.
Pois cajan. Orient. Tout le territoire.
romms chiche.
de terre. Montagnes de 1 Amérique tropicale. 650 m.
Pomme de terre de
Madagascar. Indes. Tout le territoire.
Pourpier. Indes. Tout le territoire.
Radis. Asie méridionale. Tout le territoire.
Raifort. Europe orientale tempérée. 650 m.
Raiponce. Europe 1000m.
Rhubarbe. Mongolie et Chine. 750 m.
Romarin. Région méditerranéenne. 750 m.
Roselle. Amérique tropicale. Tout le territoire.
Salsifis et scorsonère. Amérique tropicale. 750 m.
Sarriette. Midi de l'Europe. 750 m.
Sauge. Midi de l'Europe. 750 m.
Soja. Chine. Tout le territoire.
Thym. Midi de l'Europe. Tout le territoire.
Tomate. Amérique tropicale. Tout le territoire.
lopmambour. Canada. 750 m.
Voandzou. Afrique centrale. Tout le territoire.

Ce tableau donne une idée de la variété des avantageusement avec les élevages d'animaux
plantes pouvant être cultivées dans les pota- domestiques, ce qui résoud le problème des
gers du Congo en tenant compte de l'influence engrais ;
du climat. Dans les régions où les pluies sont 3° en vue d'enseigner le mode opératoire à
saisonnières et fortes, on évite leurs dégâts en de jeunes indigènes. On y arrive par l'orga-
semant les graines dans des bâches ou coffres nisation de jardins scolaires;
munis de châssis vitrés ou couverts de papier 4° en vue d'occuper utilement les Noirs des
huilé ou de windolite. Dès que les plantes ont grandes agglomérations au cours de leurs heu-
cinq à huit centimètres de hauteur, on pro- res de liberté. La démonstration a été faite
cède à leur mise en place. que la culture individuelle de lopins de terre
Buts divers des cultures — d'environ cinq ares à proximité des vil'es,
potagères.
Les cultures potagères peuvent être entre- par les Noirs, a eu les plus heureux effets à
de très nombreux points de vue.
prises :
1° en vue de satisfaire aux besoins d'un — Les cultures seront éta-
Emplacement.
ménage. La superficie dévolue au jardin peut blies dans un endroit où il est facile de se
dans ce cas être restreinte et, moyennant un
procurer de l'eau, près de l'habitation, sur
choix judicieux des espèces et des soins appro- un sol plat, non sujet aux inondations et
priés, son rendement peut être, néanmoins, surtout en terrain riche et perméable.
très varié ;
2° en vue d'approvisionner un marché im- IMPORTANCEDE L'EAU. — Les légumes ren-
portant. Dans ce cas, les cultures s'associent ferment de 75 à 85 pour cent d'eau. Au cours
CULTURES POTAGÈRES ET - PLANTES CONDIMENTAIRES 637

de leur croissance, le sol ne peut être dé- assurer la surveillance. Une superficie d'en-
pourvu d'humidité. viron 10 ares donnera toute satisfaction à
La région équatoriale du Congo est privilé- un ménage de quatre personnes.
giée à ce point de vue et l'on n'y recherche
nullement la proximité d'un marais. Les ré-
gions tropicales (Bas-Congo, Kasai, Katanga,
Uele) sont moins favorisées. Aussi, rappro-
che-t-on les cultures de marais asséchés ou les
installe-t-on dans des terrains en contre-bas.
Ces précautions, quant à l'approvisionne-
ment de l'eau ne doivent pas empêcher les dis-
tributions à l'arrosoir. Les semis et les repi-
quages doivent être bassinés régulièrement,
surtout le soir de journées sèches et ensoleil-
lées.
VOISINAGEDE L'HABITATION.— Afin d'assu-
rer aux travaux du jardin les soins requis,
il est bon de l'établir non loin de l'habitation.
Il doit recevoir en abondance la lumière
solaire et on ne peut y tolérer la présence
de grands arbres.
TERRAIN.— Le terrain doit être de niveau.
Une pente provoque le ravinement du sol
sous l'action des pluies, et amène la perte de Plan-type d'un jardin potager :
graines, de matières fertilisantes, etc. A, B, C, D, E = bordures; 1 - 12 = plates-
bandes; F, G, H, 1 = fosses à compost.
Aux emplacements de villages où les indigè-
nes ont abandonné des détritus, on trouve sou-
Le plan ci-dessus donne une idée de la
vent des terrains riches convenant aux cultu- division du terrain en bordures, plates-bandes
res. Les jachères de Manioc, de Sorgho, de
et sentiers. Les trois bordures longeant la
Riz, de Coton sont trop épuisées pour y amé- clôture mesurent 3 m. de largeur. La qua-
nager un potager. trième sert au semis de plantes devant être
Les plantes, en général, ne croissent que repiquées. Le centre est occupé par des
dans les sols présentant des conditions phy- plates-bandes d'environ 8 m. de longueur et
siques parfaites, c'est-à-dire subissant l'action de 1,25 m. de largeur. Le chemin central
des agents atmosphériques, ce qui n'est pas divise le jardin en deux parties et se limite
le cas dans les marais permanents. C'est donc d'un côté par une porte d'entrée. Aux quatre
une peine perdue que de chercher à mettre coins se trouvent les fosses à compost.
ceux-ci en valeur.
Il est à conseiller de disposer de deux em- Mise en valeur du potager. — Un em-
placements pour le potager : l'un destiné placement de dimension adéquate ayant été
à la saison des pluies, l'autre à la saison choisi, le sol doit être débarrassé de toute
sèche. Le premier est un endroit un peu
végétation sauvage existante. Les souches des
élevé dont le sol se ressuie aisément, le arbres, des arbustes et des plantes herbacées
second occupant les accotements d'une vivaces doivent être soigneusement extraites.
rivière.
Lorsque les souches ligneuses sont suffisam-
ment sèches, on les brûle, de même que toute
Superficie du jardin. — Ce sont les be- trace de racine d'Imperata (Chiendent des
soins ou la possibilité d'écouler les produits tropiques) qui pourrait être rencontrée. Les
qui règlent les dimensions des cultures. Dans autres mauvaises herbes peuvent être réunies
une exploitation étendue, on s'intéressera plus et mises en tas dans les fosses à compost.
aux exigences particulières des plantes, à Les terrains sont rarement plats ; il est bon
l'égard de la nature du sol, qu'à la réunion de profiter des travaux de préparation
de toutes le s plantes dans un enclos déterminé. pour
effectuer un nivellement des endroits sur-
Un petit jardin bien entretenu est plus élevés. Le terrain en entier sera entouré d'un
avantageux qu'un grand dont on ne peut fossé de trente centimètres de profondeur et,
638 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

d'autant de largeur, afin de permettre évite de faire suivre une récolte par une
l'écoulement des eaux de pluies. Les sentiers autre de même espèce. C'est ce que l'on
sont généralement aménagés de manière désigne sous le nom de rotation des cultures.
que leur niveau soit inféritur de 10 cm. à Cette méthode de culture a pour but de
celui des plates-bandes. tirer le meilleur parti des forces productives
du sol. Pour le moins, on ralentit son épui-
Clôture. — Il est prudent de clôturer le sement.
jardin afin d'empêcher que les animaux sau- En conséquence, le potager sera divisé en
vages ou d'élevage (basse-cour et petit bétail) quatre soles réservées, la première année, à
ne s'y introduisent. On peut avoir recours à chacun des groupes suivants :
trois sortes de clôtures : 1° la clôture en fil de 1° Légumes foliacés (Pourpier, Laitues,
fer barbelé tendu en trois rangs fixés à des
montants en fer; 2° la clôture au moyen de Endives, Cresson alénois, etc.).
2J Légumes-racines (Radis, Navets, Carot-
pieux en bois non attaquables par les termites
et reliés horizontalement par des traverses en tes, Patates, Oignons, Pommes de b rre di-
tiges de Palmiers; 3° la plantation d'une haie verses, etc.).
vive à l'aide de Citronniers, de Lantana 3° Légumes à fruits secs (Légumineuses :
Camara, d'Oncoba spinosa, de Goyaviers, de Haricots, Pois, Soja, etc.).
Pignon d'Inde (Jatropha), de Bambous nains 4° Plantes vivaces ou à végétation de lon-
ou d'autres arbustes peu vigoureux et se gue durée (Aubergines, Asperges, Courges,
ramifiant bien. On plante la haie à environ Gombo, Piments, Tomates, etc.).
] m. des lignes extérieures du jardin. Les Annuellement, on change les quartiers. Les
espèces mentionnées se propagent aisément légumes foliacés sont suivis par les légumes
à l'aide de boutures ou de graines. Mais il racines, les légumes à fruits par les légumes
suffit souvent, dans les stations où il s'en vivaces et ainsi de suite.
trouve des exemplaires adultes, de recueillir
autour de ceux-ci, au commencement de la
Engrais.
saison des pluies, les jeunes plants provenant
de semis naturels qui s'y sont développés. FUMIER. — Le jardin dans lequel on ne
A défaut de ceux-ci, on peut prendre quel- laisse aucun endroit inoccupé par une cul-
ques fruits parvenus à maturité et en extraire ture quelconque est un exemple de culture
les graines ; on trace ensuite à l'emplacement intensive. On n'atteint ce but que par l'em-
que doit occuper la haie, un petit sillon de ploi abondant d'engrais. Pourtant le main-
3 centimètres de profondeur dans lequel on tien de la fertilité rencontre, maintes fois,
dépose deux à trois graines tous les 30 ou 40 une certaine difficulté due à la pénurie
centimètres. On referme le rayon et on ar- d'engrais. Elle n'existe pas là où il y a
rose dès que la terre se dessèche. La seconde de grands élevages.
année de leur croissance, on recèpe les jeunes La quantité classique de fumier nécessaire
arbustes à 10 ou 15 centimètres du sol pour à la culture potagère est estimée à 40 tonnes
les forcer à se ramifier. Par la suite, on
par hectare et par semestre, soit au total
conduit les branches très obliquement en les 80 tonnes par hectare et par an- En petite
entrelaçant dans le sens de la longueur. Plus culture, la charge d'une brouette de fumier
tard, on taille les haies au moyen de cisailles. par m2 n'est pas exagérée. Dans les régions
Les Bambous nains conviennent aussi pour où il n'y a pas de gros bétail, il convient de
la formation de haies vives. A cet effet, on rassembler et d'utiliser le fumier du petit
plante des éclats de souches à environ 75 bétail : chèvres et moutons, et les engrais
centimètres les uns des autres. de la basse-cour.
Le fumier d'étable bien décomposé est in-
Assolement et rotation des cultures. — contestablement le meilleur engrais, parce
L'assolement est le mode de culture consistant qu'il contient, non seulement tous les élé-
à diviser le terrain en un certain nombre de ments nécessaires à la croissance vigoureuse
parcelles, appelées soles, destinées chacune des plantes, mais aussi parce qu'il approvi-
à un groupe de plantes ayant des exigences sionne le sol en humus, cet élément essentiel
à peu près identiques. Il a trouvé son origine qui retient l'humidité. Les principaux élé-
dans le fait que les plantes n'enlèvent pas, ments de la production de bonnes récoltes
toutes, les mêmes éléments nutritifs ni à la sont l'azote, l'acide phosphorique et la po-
même profondeur. Sur chacune des soles, on tasse. Une tonne de fumier d'étable contient
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 639

environ cinq, deux et demi et cinq kilos de Abris temporaires. — Le potager devra
ces trois éléments. être dégarni d'arbre s, mais pour assurer la
Des résultats remarquables s'obtiennent germination des graines et le bon dévelop-
pourtant aussi par l'utilisation d'engrais pement des plantules avant et après le repi-
chimiques. quage, on dispose au-dessus d'elles des claies
ENGRAIS CHIMIQUES.- A titre d'exemple,
nous rappellerons que le nitrate de soude, le
phosphate basique et le sulfate de potasse
contiennent respectivement de l'azote, de l'aci-
de phosphorique et de la potasse. Dans cer-
tains cas, il est nécessaire d'introduire ces trois
engrais dans le sol; en d'autres, deux et même
un suffisent. On se rend compte de l'engrais
dont lépandage est utile, d'après l'aspect et
la qualité des récoltes. Les sols manquant
d'azote donnent des plantes d'aspect peu
vigoureux, à feuillage pâle. (Cette dernière
remarque ne s'applique pas aux plantes de la
famille des Légumineuses.) Les sols où le
phosphore est déficitaire peuvent produire
des plantes de dimensions normales, mais Pépinières.
leurs graines sont inférieures en quantité et (Photo Ministère des Colonies.)
en dimension. La croissance est satisfaisante
dans les sols où la potasse fait défaut, mais
la récolte des fruits est maigre. ou des feuilles de Palmiers maintenues à une
Un 1/2 kilo de nitrate de soude, une même hauteur d'un mètre au-dessus du sol, à l'aide
quantité de sulfate de potasse et 750 grammes de pieux fichés en terre. Ces abris garantis-
de phosphate basique constituent une dose sent, de plus, les plates-bandes contre les
suffisante pour fumer une plate-bande de dégâts des pluies torrentielles qui entraînent
10 m. de longueur et de 1,25 m. de largeur. au loin les graines, les plants et les particules
Ces engrais sont mélangés à 6 fois leur poids du sol.
de sable finement tamisé. Le mélange est L'usage de coffres et de châssis couverts
ensuite épandu sur le terrain et enfoui, dans de papier huilé ou même de vitres est à con-
le sol, à l'aide d'une houe. seiller éventuellement pour abriter les semis
des graines fines. Ceux-ci sont, à leur tour,
COMPOSTS.— Sur le plan du potager, page protégés des rayons trop ardents du soleil
637, il est prévu quatre fosses à compost, par des feuilles de Palmiers.
lequel peut rendre les plus grands services
au jardin. Si on s'en sert convenablement, — Les abris perma-
Abris permanents.
il procure une grande partie de l'engrais
nents sont les rares arbres que l'on main-
organique si nécessaire à la végétation. Toutes tient ou que l'on plante même aux alentours
les feuilles, le produit de la coupe des haies,
du potager, pour que leur couronne rompe
les plantes rejetées des plantes-bandes doivent
l'intensité des radiations solaires. Les arbres
être jetés dans ces fosses. On y déverse aussi
d'ombrage doivent remplir les conditions
les engrais animaux que l'on peut se pro-
suivantes : n 'avoir pas un feuillage trop serré,
curer dans le voisinage, tels que les litières
de bergeries, chèvreries et de poulaillers. On porter des feuilles qui se replient la nuit,
n'avoir pas de racines traçantes, et être
y ajoute les cendres, les déchets de cuisine d'une croissance rapide. Les essences qui con-
ainsi que toutes autres matières organiques.
viennent le mieux à cet effet sont : l'Albizzia
LES ENGRAISVERTS. — On peut améliorer stipulata, l'Inga Saman, le Leucaena glauca.
la qualité des terres fatiguées en y cultivant Dans certaines régions, il convient de plan-
des plantes de la famille des Légumineuses ter des brise-vent, en établissant des rideaux
(Mucuna, Crotalaria, Vigna, Centrosema, etc.) de Maïs, de Sorgho, de Bambous, etc.
puis en les enfouissant dans le sol. Ce mode
de fertilisation procure de l'azote et de l'hu- Préparation du sol. — Le sol doit être
mus, mais peu de potasse et d'acide phos- bien travaillé et préparé afin de permettre
phorique. aux plantes de se développer vigoureusement.
640 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

Il s'agit, tout d'abord, d'enlever tous les corps est l'outillage d'un jardin aux dimensions
étrangers qui peuvent s'y trouver : souches modestes.
d'arbres, d'arbustes et de plantes vivaces qui Dans un jardin de 10 ares, il est déjà
entraveraient la germination des semis. En avantageux de labourer à l'aide de la charrue
a traction animale et de se
servir de la houe à roulettes
dont il existe de nombreux
types, en général peu
coûteux.
Le ratissage a pour but de
pulvériser la surface du sol
et d'enlever les pierr(s et les
détritus qui pourraient con-
stituer un obstacle à la
croissance des plantes de se-
mis. Un terrain bien ratissé
et nivelé, en même temps,
facilite les soins d'entretien
ultérieurs.

Irrigation. — Dans les


régions du Congo à saison
sèche prolongée, l'irrigation
produit d'excellents résul-
tats. Elle s'opère sur les ter-
Champ de Fraisiers au Katanga avec canaux d'irrigation. rains bordant des ruisseaux.
(Photo C. S. K.) Au moyen d'un barrage et
de vannes, on règle l'arrivée
outre, il convient d'ameublir le sol à l'aide de l'eau et sa hauteur dans les fosses d'irriga-
de la houe, de la bêche ou de la charrue. tion; par infiltration, elle pénètre dans les
Le labour à la bêche produit les meilleurs bandes de terrains voisins.
effets. Sa profondeur doit atteindre 25 à 30
centimètres. En raison du fait que la couche Semis. — On sème les graines de trois
superficielle du sol peut avoir subi un certain manières différentes : en lignes, à la volée
épuisement par suite de la végétation anté- et en touffes.
rieure, un labour profond ramène à la sur- Les semis en lignes doivent être pratiqués
face des couches de terre de meilleure fer- le plus souvent possible. En voici les avan-
tilité. Un sol profondément labouré retient tages : 1° C'est une opération purement
le mieux l'humidité. Par l'émiettement des machinale où l'habileté et l'habitude ont peu
particules du sol qui s'ensuit, les agents at- à voir; 2° Toutes les opérations ultérieures :
mosphériques y ont libre accès, ce qui a son couvrir les graines, éclaircir, sarcler, biner,
importance. récolter les produits, se trouvent de beaucoup
facilitées; 3° On fait des économies de grai-
Outillage. — La création d'un jardin con- nes; 4° Les graines étant toutes recouvertes
formément au plan établi réclame l'emploi de d'une même épaisseur de terre, la levée se
divers outils. La variété des outils à recom- fait régulièrement et simultanément, ce qui
mander dépend entièrement de la dimension n'est pas le cas du semis à la volée.
du terrain. Même pour un jardin de petite Le semis en touffes ou en poquets ne se
surface, quelques outils sont indispensables. pratique plus que pour certaines plantes exi-
Une houe ou une bêche destinée au labour ; geant un grand espacement, les Haricots par
un râteau pour l'émietter et le niveler et exemple.
pour enlever aisément les mauvaises herbes et Le semis à la volée ne convient théorique-
les pierres; un cordeau permettant de tracer ment que pour les produits qui doivent se
les sentiers et les lignes des semis; une bi- trouver très drus, tels le Cresson alénois, la
nette afin de creuser des sillons et de sarcler ; Laitue à couper et le Céleri à couper.
un transplantoir-truelle; un sarcloir afin de
retirer les mauvaises herbes des cultures, tel Blanchiment. — Le blanchiment est un
CULTURES PpTÀGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 641

étiolement que l'on fait subir, en les sous- Les insectes rongeurs des feuilles se com-
trayant à la lumière, à certains plantes lé- battent aisément à l'aide de produits toxiques
gumières, afin de les rendre plus tendres et que l'on pulvérise sur les plantes. Ils s'in-
plus appétissantes. La Chicorée Witloof ne troduisent le poison dans l'organisme en se
se consomme qu'après avoir été blanchie ou nourrissant des plantes aspergées. Des solu-
étiolée. Les Scaroles et les Endives, égale- tions d'extraits de racines de Derris, les pou-
ment, gagnent en saveur, étant blanchies. Les dres de Pyrèthre et de Tabac, de même que
côtes et le cœur du Céleri, les Poireaux voient l'arséniate de plomb sont les remèdes classi-
leurs qualités se développer lorsqu'on les fait ques de la lutte contre cette catégorie d'in-
blanchir. lies Chicorées blanchissent sous une sectes.
couche d'humus : on lie, dans le même but, En règle générale, les cultivateurs ne se
en bottes et sur pied, les feuilles des Scaroles montrent pas assez attentifs aux invasions
et des Endives ; on butte les Céleris dans la d'insectes. Des aspersions systématiques ne
même intention. peuvent que réduire le nombre d'insectes
— Un certain nombre de nos attaquant le potager.et combattre les mala-
Tuteurage. dies. Lorsque les plantes sont attaquées à la
plantes légumières doivent être soutenues à fois par des insectes et un champignon, on
l'aide d'un tuteur afin de donner de beaux
additionne de l'arséniate de plomb à la
et bons produits. Les Tomates, les Haricots,
bouillie bordelaise.
les Pois, la Baselle, l'Igname, etc., sont dans
Les insectes taraudeurs se combattent dif-
ce cas. Le procédé spécial de tuteurage pour
ficilement par les produits toxiques. Certains
chacune de ces plantes se trouve décrit dans
doivent être capturés.
le chapitre qui les concerne.
Tous les insectes rongeurs sont annihilés
Ennemis des légumes. par des aspersions à base de nicotine ou à
CHAMPIGNONS. — Des maladies dues à des base d'huile lourde qui les asphyxient.
champignons frappent fréquemment les cul- Il serait apparemment pratique de pulvé-
tures de légumes. Ce sont celles désignées riser un liquide d'aspersion qui supprime
communément sous les noms de bactériose, les insectes rongeurs et les insectes suceurs,
de blanc, de charbon, de hernie, de mosaïque, à la fois, en combinant les remèdes arsénicaux
de mildiou, de moisissure, de noir, de rouille, avec les remèdes à la nicotine. Mais cela con-
etc. stituerait un gaspillage, parce que l'aspersion
Le remède consiste à asperger, de bouillie de nicotine doit entrer en contact avec le
bordelaise, les plantes malades. corps des pucerons, tandis que le poison des
MALADIESPHYSIOLOGIQUES. — Des plantes rongeurs doit recouvrir simplement le
peuvent cependant devenir malades par suite feuillage.
de mauvaises conditions de culture et alors Le commerce offre, sous forme concentrée,
l'aspersion de produits fongicides est ineffi- des spécialités insecticides qui se préparent
cace. Les plantes deviennent souffreteuses et s'appliquent, selon les circonstances, en
dès que le sol est trop humide ou trop sec. suivant ponctuellement les instructions du
Une plante introduite d'un autre pays peut mode d'emploi.
éventuellement devenir malade parce que le
climat ne lui convient pas. Elle peut souffrir Production et récolte des graines pota-
d'un mal dû uniquement à une culture dé-
gères. — La plupart de nos légumes d'Euro-
fectueuse. Il s'ensuit que pour éviter le plus
pe ne produisent pas de bonnes graines au
sûrement les maladies, il convient avant tout
Congo. On se trouve donc fréquemment
d'adopter les meilleures méthodes de pro-
obligé de se procurer périodiquement celles-
duction. ci dans les pays où des spécialistes sélection-
INSECTES.— Des insectes viennent se nour- nent les meilleures variétés potagères. Même,
rir des produits de nos jardins au point d'en la conservation de ces graines venant de
compromettre quelquefois les récoltes. On les l'étranger est difficile en pays tropical. Aussi,
a subdivisés en insectes taraudeurs, en insec- leur expédition et le maintien de leurs facul-
tes rongeurs et en insectes suceurs. Les plus tés germinatives sur place, exigent qu'elles
insidieux sont les derniers parce que, au soient expédiées, enfermées dans des boîtes
début, leurs dommages se constatent à peine. hermétiquement closes, de manière à les sous-
Les pucerons se rencontrent très fréquem- traire à l'action de l'humidité.
ment. On peut se débarrasser de ceux-ci par Des graines de quelques légumes peuvent
des aspersions à base de nicotine. pourtant se récolter au Congo au cours de

21
642 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

plusieurs générations, moyennant certaines semer les graines de Tomates en pépinière,


précautions. Tels sont : les Endives, le Cres- sur une plate-bande, et à transplanter les
son alénois, le Cerfeuil, la Moutarde de Chine, jeunes plantes dans un carré du jardin.
la Laitue, les Tomates, les Aubergines, le Après avoir préparé soigneusement une plate-
Piment, le Gombo, les Courges, le Melon, les bande, on y sème les graines dans des sillons
Cornichons, les Haricots, etc. peu profonds, distancés de 10 à 15 centimè-
Les précautions destinées à prévenir la tres, et on les recouvre d'un peu de terre
perte des caractères variétaux sont les sui- finement tamisée. On protège la plate-bande
vantes : choisir, pendant la végétation, les contre les rayons directs du soleil à l'aide
plantes les plus vigoureuses et représentant de feuilles de Palmiers et l'on maintient le
bien le type de la variété à reproduire sol dans un état d'humidité convenable à
et n'utiliser que les graines des exemplaires l'aide d'arrosages. Quand les plantules me-
ainsi sélectionnés. Transplanter les espèces surent 10 centimètres de hauteur, on peut les
gagnant de fortes proportions : Choux, transplanter. Une semaine avant la mise en
Poireaux, etc., si la saison est propice, dans place, on supprime l'ombrage afin d'habituer
un sol riche, afin qu'elles forment un nou- les jeunes plantes aux rayons ardents du
veau système radiculaire et acquièrent de la soleil. A l'endroit où les plantes doivent se
vigueur. Laisser les petites plantes choisies trouver, on jalonne des lignes à la distance
comme porte-graines, comme les Salades, le de 75 centimètres et, sur celles-ci, on plante
Cerfeuil, etc., en place, les fumer et les les Tomates à la distance de 50 centimètres.
arroser. Récolter les graines à maturité com- Avant l'enlèvement des plantes de semis, on
plète. Laisser s'effectuer naturellement leur arrose copieusement la plate-bande. On ex-
dessiccation dans un local sec et aéré, enfin trait ensuite les plantes soit à la main, soit
les conserver dans un récipient bien fermé. à l'aide du transplantoir, de telle manière
que leurs racines et la terre y adhérente ne
CULTURES SPECIALES. soient pas trop dérangées. Puis on les plante
Les légumes réussissant le mieux au Congo à leur emplacement définitif, un peu plus
sont : les Tomates, le Pourpier, les Echalotes, profondément qu'elles l'étaient. Tout autour
les Haricots, les Aubergines, les Patates dou- des racines, la terre sera légèrement tassée,
ces, les Cucurbitacées, les Ignames. puis on arrosera abondamment et on les om-
bragera à l'aide de feuilles de Palmiers,
Légumes pouvant s'utiliser en salades ou jusqu'à la reprise de la croissance. On main-
comme garniture de salades. tient quelques plantes sur la plate-bande
afin qu'elles puissent servir au remplacement
TOMATE. Solanum Lycopersicum L. — de celles qui dépériraient.
L'origine américaine de la Tomate est incon-
testable. La culture au Pérou paraît ancienne. Après la reprise des plantes, on les pour-
voit d'un tuteur, de 1,25 m. de hauteur.
L'espèce a été introduite en Afrique par les solidement fixé en terre, et on y palisse les
Arabes ou par les Portugais. La forme sous
tiges des Tomates à l'aide d'un lien en raphia,
laquelle on la rencontre au Congo, à l'état en laissant un peu de jeu.
spontané ou de plante rudérale, est à fruits
On supprime, en tout temps, tous les bour-
petits et sphériques. Ce serait la plante échap-
pée de jardins, qui, tout en se propageant geons se développant à l'aisselle des feuilles
a fini par retourner au type ainsi que le bourgeon terminal, lorsqu'il a
naturellement,
ancestral. Le fait s'observe pour beaucoup atteint la hauteur du tuteur. La suppression
de plantes à gros rendements obtenues par des bourgeons favorise le développement des
voie de sélection et de fortes fumures. C'est fruits. Les plantes portent alors de 3 à 4
d'ailleurs afin d'éviter cette dégénérescence grappes de fruits et chaque grappe, 5 à 7
fruits.
que des cultivateurs avisés propagent des
Tomates d'années en années par voie de L'obtention de Tomates dépourvues de
bouturage. graines (fruits parthénocarpiques) se réalise
Seules des variétés d'Europe doivent être en vaporisant les stigmates ou même les
cultivées au Congo, et notamment les To- boutons à l'aide d'auxines existant dans le
mates : a) Merveille des Marchés, très pro- commerce.
ductive, vigoureuse et résistant aux maladies ; La Tomate est un légume volontaire. Les
b) Joffre, très productive, portant des grap- Européens en sèmeront une petite plate-ban-
pes de fruits ronds, fermes et lisses. de tous les deux mois, afin d'avoir, sans cesse,
Le meilleur mode de culture consiste à des plantes de culture à leur disposition.
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 643

Cette culture peut aisément être répandue l'Amérique du Nord-Ouest. C'est une plante
chez les Noirs dans les villages et même dans annuelle dont les jeunes tiges et les feuilles
les gîtes d'étapes, etc. en cornets, trouvent un usage analogue à
Maladies. — La Tomate est une plante de celui du Pourpier. Sa culture réussit bien au
régions sèches, mais en culture, les racines ne Congo et se pratique comme celle du Pourpier.
peuvent manquer d'humidité. Plantée en
BASELLE BLANCHE.Basella alba L. — La
climat ou en saison pluvieuse, elle peut être
Baselle blanche est indigène au Congo. C'est
sujette à diverses maladies dûes à des cham- une plante sarmenteuse qu'il faut tuteurer au
pignons et qui rendent les aspersions à la
bouillie bordelaise, diluée à 1 %, nécessaires moyen de perches analogues à celles utilisées
et fréquentes. pour la culture des Haricots. On la propage
aisément à l'aide de boutures. On connaît
Propriétés. — Des recherches récentes sur différentes variétés de Baselle, originaires de
la composition de la Tomate ont démontré
l'Inde, de Chine et du Japon. La Baselle de
qu'elle ne renferme que des traces d'acide Chine à larges feuilles (Basella cordifolia
oxalique. Elle a la propriété d'alcaliniser le
LAMK.) est à cultiver de préférence aux
sang, mais ne doit entrer dans l'alimentation
qu'à l'état de maturité parfaite. autres, en raison de l'ampleur de ses feuilles
et de l'abondance de son produit. La Baselle
POURPIER. Portulaca oleracea L. — Le se consomme aussi en guise d'Epinard.
- Pourpier est répandu dans le monde entier. LAITUE. Lactuca sativa L. — Plante an-
On le rencontre autour des lieux habités.
La plante, à l'état sauvage, a les tiges ram- nuelle dont les variétés sont nombreuses et
divisées en trois catégories distinctes :
pantes; à l'état cultivé, les tiges érigées. On
cultive le Pourpier doré à larges feuilles, 1° Les Laitues pommées ordinaires, à
sélection d'une plante importée naguère des feuilles molles, arrondies, cloquées, réunies en
îles Saint Christophe et dont les feuilles sont une pomme ronde ou déprimée ; 2° Les Laitues
plus tendres que celles d'autres variétés. romaines à feuilles fermes, longues ovales, ne
La graine est très fine; un gramme en pommant pas; 3° Les Laitues à couper que
contient de 2500 à 3000. Le Pourpier se dé- l'on récolte, de très bonne heure, et qui ne
veloppe le mieux dans une terre légère et développent pas de tête serrée. Les variétés
humifère. On sème les graines, bien mélangées de cette dernière classe sont peu intéres-
avec du sable fin, en lignes distantes de 20 santes pour le Congo.
centimètres. Il pousse facilement en saison
En ce qui concerne les Laitues pommées
des pluies. En saison sèche, il faut bassiner
le sol pour activer la germination des graines. ordinaires, il faut faire un choix parmi les
variétés recommandées en Europe pour la
Outre son usage, en salade, il peut entrer
culture en plein été. Ce sont les plus lentcs
dans la composition des potages et des pré-
à monter. Telles sont : Laitue blonde de
parations analogues à celles des Epinards.
Berlin, Laitue grosse blonde paresseuse, Lai-
CLAYTONEPERFOLIÉE. Claytonia perfoliata tue merveille des quatre saisons.
DON. — La Claytone perfoliée ou Claytone Les Laitues romaines, divisées en trois ou
quatre variétés distinctes, sont moins inté-
ressantes à cultiver que les Laitues pommées
parce qu'elles montent assez vite en graines.
Afin de récolter des Laitues toute l'année
durant, il faut faire, mensuellement, un semis
d'une petite quantité de graines.
On choisit une parcelle de bordure ou de
plate-bande dont le sol a été bien ameubli.
On y trace des lignes peu profondes distantes
de 8 à 10 centimètres et on laisse tomber,
dans le creux de ces lignes, une unique rangée
Claytoneperfoliée. de graines. On referme le sillon avec le dos
(Cliché VILMORIN.) du râteau. On couvre la parcelle de feuilles
de Palmiers et on l'arrose tous les soirs.
de Cuba appartient à la même famille bota- Quand les jeunes plantes ont 4 ou 5 feuilles,
nique que le Pourpier, mais son habitat on procède à la transplantation.
naturel s'étend de Cuba et du Mexique. à Il est indipensable, et c'est même essentiel,
644 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

de transplanter avec une motte de terre ad- tendres et peu amères, il faut les faire blan-
hérente aux racines. Pour cela, on arrose chir ou étioler, en rassemblant les feuilles et
copieusement les plantes à repiquer, on les en les liant au moyen d'une ligature en
enlève ensuite avec une petite spatule, les raphia pas trop serrée. On procède par temps
dispose dans une petite caissette plate, les sec, sinon les feuilles pourriraient. Privées de
unes à côté des autres, pour les transporter la lumière solaire, les feuilles du cœur ac-
à l'endroit où elles doivent être mises à de- quièrent une teinte blanche, au bout d'une
meure. Si on les transplante avec une motte huitaine de jours, et peuvent, dès lors, être
de terre et si on les arrose copieusement les consommées.
jours qui suivent, on récoltera de belles Les Endives présentent l'avantage d'être
Laitues six à sept semaines après le semis. plus rustiques que les Laitues.
La distance de plantation est de 25 centi-
mètres. CHICORÉEWITLOOF. Cichorium Intybus L.
Il n'est pas nécessaire de repiquer tous les — Pour produire le
Witloof, il importe de
plants. On n'enlèvera que les plants les plus cultiver la Chicorée à grosse racine de
serrés. Quelques uns resteront donc en place. Bruxelles. La nécessité de blanchir les feuilles
On peut les y laisser. Ils se développeront à est absolue, car lorsqu'elles sont vertes, elles
peu près comme ceux que l'on aura repiqués. restent très amères.
Si l'on craint la saison des pluies, il suffit Le sol ayant été profondément labouré, on
d'effectuer les semis en caissettes plates me- sème les graines en lignes distantes de 30
surant 1 m X 0,50 m. remplie de bonne centimètres. Si la graine se trouve dans un
terre, que l'on tient, par exemple, sous la sol suffisamment humide, elle germe au bout
véranda de son habitation, à l'abri des pluies de quelques jours. Dès qu'on aperçoit les
et des vents violents. Les jeunes plantes lignes, on bine les interlignes et, quinze jours
provenant de caissettes se repiqueront aisé- après, lorsque les premières feuilles sont
ment et supporteront facilement les pluies développées, on éclaircit les plantes à 10 ou
éventuelles. Un ombrage à l'aide de claies ou 12 centimètres dans les lignes et on bine une
de feuilles de Palmiers disposées au-dessus seconde fois. A partir de ce moment, les
des plantes constitue une bonne précaution. plantes poussent rapidement et le terrain est
Dans un jardin potager, on ne laisse ja- bientôt caché par le feuillage.
mais un sol inoccupé. Ainsi, on peut garnir Quand les plantes ont atteint leur complet
les espaces laissés vides entre les lignes de développement, on les recouvre d'une couche
Choux, de Tomates, d'Aubergines, etc., à; de terre légère de 15 à 20 centimètres afin que
l'aide de plants de Laitues. On occupe de les pétioles et les feuilles blanchissent. Une
cette façon un terrain encore utilisable. dizaine de jours après, elle peuvent être con-
sommées soit en salade, soit étuvées.
ENDIVES.Cichorium Endivia L. — Les En- Une autre méthode pour se procurer des
dives s'accommodent des climats tropicaux,
chicons est de retirer les plantes, de les débar-
mieux que les Laitues. On en cultive deux
rasser de leurs feuilles et de placer les racines
races bien distinctes : celle à larges feuilles dans une tranchée de 60 centimètres de pro-
appelée Endive scarole et celle à feuilles dé- fondeur, les unes à côté des autres, debout
chiquetées que l'on désigne sous le nom et de les recouvrir d'une couche de terreau
d'Endive frisée. Chacune de ces deux races tamisé sur une épaisseur de 30 centimètres.
compte plusieurs variétés parmi lesquelles se Au bout d'un laps de temps assez court, les
recommandent : l'Endive scarole à larges feuilles s'y développent, serrées, sous forme
feuilles blondes, l'Endive frisée fine d'Italie, de petites pommes blanches et allongées.
l'Endive frisée toujours blanche.
La culture se fait de la même façon que BETTERAVEA SALADE.Beta vulgaris L. -
celle des Laitues, mais il faut accorder, aux La Betterave à salade s'obtient sans diffi-
Endives, un espace un peu plus grand, c'est- culté dans les régions tropicales, pourvu que
à-dire les planter à 35 centimètres de distance le sol soit constamment humide. La plante
l'une de l'autre. est exigeante. Il lui faut une terre un peu
La récolte commence une quarantaine de forte, riche et profondement labourée.
jours après le repiquage. La culture de ce On sème la Betterave en lignes distantes
légume peut se pratiquer pendant toute de 30 à 40 centimètres et de 2 à 3 centimètres
l'année. de profondeur. Lorsque les premières feuilles
Blanchiment. — Afin d'obtenir des feuilles se développent, on éclaircit les plantes à 25
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 645

ou 30 centimètres dans les lignes. Un ou deux semaines après — les plantes mesurent alors
binages sont nécessaires. On arrache les Bet- 15 à 20 centimètres de hauteur — les trans-
teraves à la bêche ou à la fourche. planter définitivement en place.
Le sol destiné à cette plantation sera amé-
MOUTARDEDE CHINE. Brassica juncea (L.)
nagé d'une façon toute spéciale. On creuse,
Coss. — Bonne plante légumière annuelle tout d'abord, des rigoles de 35 à 40 centi-
de culture facile. Diverses variétés sont culti- mètres de largeur à la base et profondes de
vées au Japon. La plante est appréciée dans 15 centimètres; la terre extraite est déposée
l'Inde et les autres pays tropicaux. La saveur sur les bords, de sorte que l'on obtient une
un peu piquante des feuilles est agréable en tranchée de 25 à 30 centimètres de profon-
salade ou après cuisson. deur. Si on fait plusieurs tranchées, il faut
On sème en rayons distants de 40 centi- les distancer de 60 centimètres environ.
mètres et à 2 centimètres de profondeur. On répand, dans les tranchées, une couche
Après la levée, on éclaircit les plantes à de fumier court, de 7 centimètres d'épaisseur
20 centimètres. que l'on tasse légèrement et on y verse encore
La Moutarde de Chine à feuilles de Chou de l'engrais liquide. On y plante trois rangs
peut atteindre 1,50 m. de hauteur. La Mou- de Céleris à 20 centimètres de distance l'un
tarde de Chine frisée a un feuillage élégant. de l'autre. Sur les buttes qui séparent les
La Moutarde de Chine à racine tubéreuse se fossés, on plante deux rangs de Laitues ou
rapproche plutôt du Navet que de la Mou- d'Endives que l'on enlève 3 à 4 semaines
tarde. On utilise les racines comme celles du après leur plantation.
Céleri-rave et on la cultive comme une plante- Le Céleri-rave se cultive de la même façon.
racine. La récolte se fait dès que l'on estime que
CÉLERI. Apium graveolus L. — Il existe les plantes ont atteint leur plein développe-
une variété cultivée pour ses feuilles vertes ment.
à couper, comme le Persil et le Cerfeuil, Propriétés. — Le Céleri est un légume ap-
d'autres à côtes blanches et d'autres, enfin, pétissant, grâce à sa saveur aromatique et
à racines charnues (Céleri-rave). stimulante, mais il est considéré comme indi-
La première, c'est-à-dire le Céleri à couper, geste à l'état cru.
peu cultivé en Europe, est intéressant au CONCOMBRE. Cucumis sativus L. — On dis-
Congo où il est toujours utile de récolter
hâtivement un produit. tingue deux races de Concombres : les Con-
combres longs et les petits Concombres ou
On sème en lignes ou à la volée, on éclair- Cornichons.
cit de manière que les plantes se trouvent à
Ce légume a l'avantage de donner de bon-
10 centimètres de distance l'une de l'autre
nes graines au Congo et en prenant soin de
et on coupe leurs feuilles au fur et à mesure
sélectionner des plantes porte-graines en
des besoins, pour assaisonnement.
raison de leur robustesse et de la valeur des
Vient ensuite le Céleri à côtes dont la réus-
site exige des soins de culture spéciaux. Les fruits, on peut conserver pendant plusieurs
générations un légume intéressant.
distributions d'engrais et les arrosages doi-
vent être répétés. Les variétés chlorotiques, On sème sur plate-bande large de 1,20 m.,
en poches, c'est-à-dire dans de petits trous
notamment le Céleri plein blanc doré, méri-
tent la préférence. Cinq mois de culture sont que l'on a remplis de terreau. La distance
nécessaires pour en arriver à la récolte. entre ces poches est de 0,80 m. à 1 m. pour les
Concombres longs et de 0,50 m. pour les
Semis et repiquage. — On sème en lignes variétés donnant des Cornichons. On sectionne
distantes de 5 centimètres. On arrose,
chaque l'extrémité des tiges lorsqu'elles portent 5 à
semaine, à l'aide d'un engrais azoté dilué. 6 feuilles pour qu'elles se ramifient. On ne
Quand les plantules ont 3 centimètres de conserve aux plantes que 5 à 6 fruits afin
hauteur, on les repique sur une autre plate- d'obtenir de gros Concombres. Pour récolter
bande, à la distance de 8 centimètres. On de petits Cornichons, on leur laisse un nom-
arrose copieusement et dispose de
l'ombrage. bre illimité de fruits.
Il est bon d'effectuer au moins
quatre semis La récolte des Concombres longs est effec-
par an.
— La tuée avant le développement complet des
Plantation. plate-bande ayant été fruits. La cueillette des Cornichons a lieu
tenue humide et de l'engrais liquide
y ayant lorsque les fruits ont de 3 à 5 centimètres
été distribué chaque semaine, on
peut, 3 ou 4 de longueur.
646 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

Les Concombres longs sont surtout mangés approvisionné par une source naturelle. Une
en salade, après avoir été coupés en très fines rivière sujette à des crues durant la saison
tranches; les Cornichons sont conservés dans des pluies ne convient pas, les plantes pouvant
du vinaigre aromatisé et consommés comme être entraînées au loin. Une simple source
condiments. peut procurer une surface suffisante pour
PIMENT DOUXD'ESPAGNE.Capsicum annuum fournir le Cresson nécessaire à un ménage.
L. — Le Piment doux d'Espagne Afin d'obtenir une plus forte production, des
produit lits peuvent être excavés légèrement au-des-
de gros fruits rouges ressemblant, quant à
sous du niveau de l'eau et puis inondés. Le
l'aspect, à des Tomates. Il n'est autre qu'une
variété sélectionnée, en partant semis est simple. Il suffit de laisser tomber
du Piment
les graines sur un endroit humide. Dès qu'une
qui existe dans tous les villages indigènes,
condiment à saveur piquante de l'alimenta- petite parcelle a été établie, elle continuera
tion des Noirs. à produire pendant plusieurs années, mais
Le Piment doux d'Espagne tôt ou tard, pour diverses raisons, il faudra
a perdu sa
saveur piquante et est un vrai légume-salade. renouveler le semis et la plantation.
La culture est identique à celle des Tomates. On peut établir une cressonnière dans un
bac en ciment profond de 40 à 50 cm., dont
CRESSON.—- On donne le nom de Cresson le fond est garni de 20 cm. de bonne terre
à quatre plantes très différentes l'une de bien fumée. Après le semis on amène lente-
l'autre au point de vue spécifique. ment assez d'eau pour que la terre en soit
1° Le Cresson alénois (Lepidium sativum saturée. Lorsque les jeunes plantes commen-
L.) développant de petites feuilles à saveur cent à se développer, on élève progressivement
le niveau de l'eau en évitant de submerger
les plants. Par la suite, on règle l'arrivée de
l'eau de façon que son niveau se trouve à
5 à 8 cm. au-dessus du sol. L'eau doit se re-
nouveler constamment, mais sans produire de
fort courant.
Propriétés. — Le Cresson, sous forme de
salade, est dépuratif, digestif, tonique, puri-
fiant et antiscorbutique. Finement découpé
sur des tranches de pain beurré, il est très
efficace contre l'anémie.
3° Le Cresson de terre (Barbarea praecox
R. BROWN).Petite plante à cultiver, au Congo,
aux grandes altitudes, en terrain frais et om-
bragé. Les feuilles sont composées, vert foncé
Cresson alénois. luisant et disposées en rosettes étalées, au
(Cliché VILMORIN.)
centre desquelles s'élèvent, La deuxième an-
née, des épis assez allongés de fleurs jaune
aromatique et poivrée et à tigelle blanche.
C'est un légume entrant dans la composition
des salades, des plus faciles à obtenir. On
sème dru, on tient frais à l'aide d'arrosages
fréquents et d'un ombrage et, un mois après,
on récolte l'assaisonnement frais, très
apprécié.
2° Le Cresson de Fontaine (Sisymbrium
Nasturtium L.) est une petite plante semi-
aquatique, traçante, à feuilles plutôt larges, Cressonnièreétablie dans un bac en ciment.
vert foncé.
Il est possible de le cultiver en région vif. Le semis se fait en lignes espacées de
tropicale sur la berge d'une source d'eau 20 centimètres et de 1 centimètre de profon-
courante. Cependant, il n'est pas recomman- deur. Après la levée, on bine, on sarcle et on
dable de cultiver la plante dans n'importe éclaircit à 15 centimètres. On cueille suc-
quelle eau, car elle doit être potable. Le meil- cessivement les plus grandes feuilles puis la
leur emplacement est un ruisseau d'eau cou- plante entière.
rante dont le sol est plus ou moins ferme et 4° Le Cresson du Para (Spilantes oleracea
CULTURES POTAGÈRES ET- PLANTES CONDIMENTAIRES 647

à peine TANIER.Xanthosoma sagittifolium SCHOTT.—


L.) Plante tropicale qui pourrait
recevoir le nom dé Cresson. Elle est annuelle, Les Européens de notre Colonie remplacent
rampante, à fleurs jaunes (Famille des Com- fréquemment les Epinards par les feuilles de
sont la Colocase encore appelée Taro et même
posées). Ses feuilles à saveur piquante
utilisées comme salade. Dasheen par les Américains du Nord. C'est
une plante cultivée dans tous les pays tropi-
CŒUR D'ANANAS.Ananas sativus SCHULT. f. caux, mais constituant un aliment de base
— Dans maintes stations croissent, à l'état chez les populations des îles du Pacifique. On
subspontané, des plantes d'Ananas. Elles y la rencontre dans à peu près tous les villages
couvrent quelquefois de petites surfaces, s'y du Congo Belge, mais c'est surtout pour ses
étant reproduites par drageonnement. tubercules alimentaires que les natifs des ré-
N'ayant pas fait l'objet d'une culture, leurs gions tropicales la cultivent.
fruits sont rares, petits, fibreux, et peu inté- Côte à côte avec les Colocases, se rencontre
ressants. Le cœur des feuilles est blanc, très également le Tanier, plante de la même fa-
tendre et, sectionné en petits morceaux, pro- mille botanique des Aroïdées. Les Colocases
cure une bonne salade. se distinguent des Taniers par l'insertion du
CHOU-PALMISTE. — Le bourgeon d'un grand pétiole au centre et au-dessous de la feuille,
nombre de Palmiers indigènes ou introduits tandis que chez le Tanier le limbe se dévelop-
au Congo, cueilli lorsqu'il est encore jeune, pe à l'extrémité du pétiole. Les deux plantes
ont les mêmes usages. La Colocase possède
est excellent. On l'appelle Chou-pnlrniste. On
le consomme sous forme de salade, de pickles, une saveur âcre et ne doit être consommée
de légume. qu'après plusieurs ébullitions.
N. B. : Une loi congolaise interdit l'abatage AMARANTEOLÉRACÉE.Amaranthus oleraceus
du Palmier à huile. Pourtant, des nécessités L. — Cette plante est très commune au
se rencontrent qui obligent de débarrasser le
Congo, elle ressemble par son port aux Epi-
sol de la présence d'un Palmier, telles que nards. On peut y reconnaître diverses varié-
l'établissement d'une grand-route, la cons- tés : une verte, une blanche, une rouge, une
truction d'un poste ou d'un campement et géante. C'est un légume apprécié aux Indes,
l'on a, alors, l'occasion d'en utiliser le Chou. en Chine et dans d'autres régions tropicales.
Outre les feuilles, on consomme les tiges. La
Epinards et succédanés. culture est à faire comme celle de l'Epinard,
en donnant aux plantes un plus grand es-
EPINARD.Spinacia oleracea L. - L'Epinard
pacement.
d'Europe, réputé pour sa résistance aux hi-
vers rigoureux, ne réussit sous les tropiques ARROCHE. Atriplex hortensis L. - Plante
qu'à la condition d'être cultivé dans les ré- annuelle atteignant 0,80 m. à 1 m. de hauteur
gions les plus fraîches. Il lui faut un sol
argilo-sablonneux et richement fumé. On
divise les Epinards en deux groupes de va-
riétés : 1° Celles à graines piquantes; 2°
Celles à graines rondes. Les premières sont
les plus résistantes aux chaleurs, les secondes
produisent pourtant des feuilles plus épaisses
et plus développées.
On sème en lignes distantes de 20 centimè-
tres et profondes de 2 à 3. Après la levée,
on bine et, lorsque les premières feuilles
apparaissent, on éclaircit à 4 ou 5 centimètres,
en sarclant dans les lignes. Plus tard, on
enlève, tout en récoltant, une plante sur deux.
La réussite de la culture dépend des sarclages,
de la grande fertilité du terrain et de son
état d'humidité.
— Riche en sels de
Propriétés. potasse,
l'Epinard présente des propriétés laxatives
incontestables.
Arroche blonde.
COLOCASE.Colocasia esculenta SCHOTT. et (Cliché VILMORIN.)
648 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

à feuilles larges, sagittées, très tendres. Le feuilles blondes est celle qu'il y a lieu de
semis se fait en lignes distantes de 0,20 m. et propager. Une fois la plante installée dans un
à 2 centimètres de profondeur. On peut potager, on peut la multiplier ultérieurement
récolter des feuilles, dès que les plantes me- par division des touffes. Le semis se fait
surent 10 centimètres de hauteur. Après un en lignes distantes de 20 centimètres. Des
éclaircissage des plantes, on poursuit la récol- éclaircissages les porteront à la distance de
te des feuilles se développant sur les tiges. 15 centimètres sur les lignes.
BETTE-POIRÉE.Beta Cicla L. — La Bette- L'Oseille entre en mélange dans la prépa-
ration des Epinards dont il relève la saveur.
poirée est une plante obtenue par voie de
Propriétés. -— L'Oseille possède des pro-
priétés apéritives et antiscorbutiques. Il con-
tient de l'oxalate de potasse en forte pro-
portion, raison pour laquelle il ne se consom-
me qu'en mélange avec d'autres légumes.

Bette ou Poirée.
(Cliché VILMORIN.)

sélection en partant de la Bette sauvage. La


culture a produit, sur l'espèce type, deux
sortes de modifications qui ont créé deux Oseille de Belleville.
catégories de plantes très différentes par leur (Cliché VILMORIN
J
aspect et leurs usages : les Betteraves et les
Poirées. Chez ces dernières, le limbe des OSEILLE D'ABYSSINIE. Rumex abyssinicus
feuilles a pris de l'ampleur. JACQ. — Cette espèce qui se rencontre dans
Le semis se fait en lignes distantes de de nombreux villages du Congo, aux environs
30 centimètres. Comme la culture a pour but des cases indigènes, remplace avantageuse-
la récolte des feuilles, celle-ci se fait à partir ment l'Oseille d'Europe, là où la culture de
du moment où l'on procède aux éclaircissages cette dernière plante réussit mal. L'Oseille
qui tendent à laisser 5 centimètres d'espace- d'Abyssinie élève ses tiges à 1 m. et plus de
ment entre les plantes. L'éclaircissage se hauteur et se reproduit aisément par graines.
répète jusqu'à ce que les plantes se trouvent
à 10 centimètres de distance l'une de l'autre, OSEILLE DE GUINÉE OU ROSELLE. Hibiscus
puis à 30 centimètres. rosteïlatus GUILL. et PERR., H. Sabdariffa L.
— On peut introduire l'acidité des Oseilles,
BETTE A. CARDE-— De l'hypertrophie con-
sidérable des pétioles et des nervures des dans les Epinards, en utilisant les feuilles
feuilles' est résultée la Bette à carde dont le et les calices de fleurs de l'Oseille de Guinée
nom rappelle le Cardon, parce que les côtes ou Roselle très répandu au Congo autour des
cases indigènes.
larges, tendres et charnues des feuilles de ces
La plante se propage par semis et éventuel-
variétés, sont utilisées comme le Cardon.
lement par bouturage.
Les graines se sèment en pépinière, telle
Oseille et succédanés.
qu'on l'aménage pour les Tomates, h s Pi-
OSEILLE D'EUROPE. Rumex Paterttia L. — ments, les Aubergines, et en sillons tracés à la
L'Oseille d'Europe est une plante vivace distance de 15 centimètres les uns des autres.
réussissant en de nombreuses localités du On éclaircit les plantes, dès qu'elles se tou-
Congo, à condition que le sol soit riche, bien chent de manière qu'elles soient distantes de
travaillé et frais. La variété Oseille verte à 3 cm. les unes des autres. Deux ou trois
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 649

mois après, on les transplante à la distance mage aux racines. Les fruits sont le meilleur
de 30 à 40 centimètres dans les lignes. lorsque leur couleur passe du violet luisant
Les Indigènes de la région équatoriale à une teinte plus foncée. Si, à ce moment,
congolaise désigent l'Oseille de Guinée sous on coupe un fruit en deux, on constatera que
le nom de Bekaie ou Makaie. les graines sont formées et que leur enveloppe
est encore tendre. Quand les graines sont
ARBRESA OSEILLE. — Deux arbres des fo- devenues dures, le fruit a déjà perdu de ses
rêts congolaises produisent de jeunes pousses qualités pour la cuisine.
et des fruits à saveur acide que l'on peut
ajouter aux aliments, à savoir : l'Hymenocar- ECHALOTE. Alliurn ascalonicum L. -
dia acida TUL. et lH. ulmoides OLIV. L'Echalote se rencontre en Afrique centrale
sous deux formes assez différentes. La plante
Divers. produit comparativement peu de bulbilles, à
l'aide desquels on la propage, les fleurs
AUBERGINE.Solanum Melongena L. — Une étant généralement stériles. La culture de
variété d'Aubergine à fruits blancs se ren- l'Echalote réussit toujours, à condition que
contre fréquemment dans les villages indi- le sol soit riche et fertile. On plante les bul-
gènes. Les variétés que les Européens intro- billes ou éclats du bulbe-mère en lignes dis-
duisent dans leurs potagers, sont le plus tantes de 25 centimètres et à un espacement
de 12 centimètres sur les lignes-
En Afrique centrale, la saveur de la plante
est plus douce qu'en Europe et a davantage
les qualités de l'Oignon.
OIGNON.Allium Cepa L. — Les résultats
de la culture de l'Oignon au Congo pour-
raient être meilleurs que ceux renseignés si
l'on tenait davantage compte des exigences
de la plante.
Certaines variétés et notamment l'Oignon
des îles Bermudes se cultivent dans les pays
subtropicaux et tropicaux, au cours de la
saison la plus fraîche. L'Oignon réclame une
période sèche pour mûrir ses bulbes.

Aubergine violette.
(Cliché VILMORINJ

souvent celles à fruits violets. Les sélections


visent généralement à l'obtention de plantes
à grand rendement, à fruits volumineux et
tendres à la fois. L'Aubergine longue violette
hâtive et l'Aubergine naine hâtive sont des
variétés recommandables.
Elles sont à cultiver au même titre et de Oignon blanc, petit, extra-hâtif
la même manière que la Tomate. Comparée de Barletta.
(Cliché VILMORIN.)
à ce légume, on en trouve la saveur fade.
Elle entre cependant largement dans l'alimen- Parmi toutes les cultures, il n'en est peut-
tation des habitants des pays méditerranéens.
être pas qui exigent plus de soins dans la
Afin de consommer de bonnes du sol avant la plantation.
Aubergines, préparation Un
il faut apporter à la culture de la plante de sol sablo-argileux, à sous-sol argileux, don-
grands soins. Le labour du sol doit être nera de bons résultats, pourvu qu'il soit hu-
profond. La plante ne supporte pas l'humi- mifère et riche en matières azotées. Le sol ne
dité du sous-sol. De plus, les distributions
peut devenir fangeux par temps humide, ni
d'engrais doivent être abondantes et le sol sec quand les pluies se font attendre.
fréquemment biné, en ne causant aucun dom- On sème sur une plate-bande bien pré-

21*
650 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

ses, au commencement de la saison sèche, en


les distançant de 15 à 20 centimètres et à
5 centimètres de profondeur.
Propriétés. — Effets stimulants dûs au
sulfure d'allyle que contiennent toutes les
parties de la plante.
ARBRES A AIL. -- Plusieurs succédanés de
l'Ail font partie de la flore arborescente du
Congo. Ce sont : Olax alliacea (DE WILD.)
VERM.; 0. Pynaertii DE WILD.; Scorophloeus
Zenkeri HAEM-; Hua Gabonii PIERRE; Afros-
tyrax lepidophyllus MILD. dont les usages
culinaires de l'écorce et des graines sont très
courants.
CHOUX.Brassica oleracea L. — Seuls, les
Choux-fleurs, les Choux brocolis et les Choux
de Bruxelles exigent le climat des pays d'al-
titude; les autres races et variétés s'adaptent
aux climats et aux sols les plus divers et on
réussit toujours leur culture moyennant les
soins habituels.
L'examen des diverses races dénote déjà
que le potager congolais ne saurait en être
dépourvu. En effet, on les divise en : Choux
cabus, hâtifs et tardifs, Rouges hâtifs et tar-
difs, de Milan hâtifs, d'été et d'hiver, à gros-
Choux cabus. ses côtes, non pommés, fourragers, de Bruxel-
(Photo Musée du Congo Belge.) les, raves, navets, choux-fleurs hâtifs, d'été et
tardifs, Brocolis, Pe-Tsai. Et parmi chacune
de celles-ci, on compte, de plus, un très grand
parée, c'est-à-dire qui aura reçu, au préalable,
une bonne couche de terre finement tamisée, nombre de variétés.
en lignes distantes de 10 centimètres l'une A l'exception des Choux-raves et navets, on
de l'autre. On recouvre les graines de cette sème les autres races en pépinière ombragée
terre tamisée et on damme avec le dos de la et on les transplante, ensuite, à leur emplace-
bêche. La plate-bande sera bien ombragée
jusqu'à ce que les jeunes plantes aient atteint
7 à 8 centimètres de hauteur. Elles sont aptes
à être transplantées, quand elles mesurent
12 centimètres de hauteur.
La transplantation se fera en lignes dis-
tantes de 25 centimètres et, entre les plantes,
on laissera un espacement moitié moindre.
Six mois après, les bulbes sont mûrs.
Propriétés. — L'Oignon est un diurétique
et un tonique du cœur. Tous les peuples,
depuis les temps les plus reculés, ont reconnu
son utilité bienfaisante dans l'alimentation. Chou-rave.
Chou-navet.
(Cliché VILMORIN.) (Cliché VILMORINJ
AIL. Allium sativum L. — Dans les régions
du Congo à longue saison sèche, situe s le
long des frontières Nord et Sud, l'Ail peut ment définitif lorsque les plants ont atteint
être planté avec succès. Ce bulbe est com- 10 centimètres de hauteur. Avant de les dé-
posé de « gousses » enfermées dans une enve- terrer, on arrose copieusement la pépinière,
loppe papyracée. On propage l'Ail le plus de manière qu'un peu de terre puisse adhé-
généralement à l'aide des gousses, plus rare- rer aux racines. En outre, on opère la trans-
distance de
ment à l'aide de graines. On plante les gous- plantation par temps humide. Une
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 651

60 centimètres entre les plantes convient pour marchand-grainier. On sera ainsi en mesure
la généralité des variétés. de tenter la réussite de cette culture, sans
Les Choux-raves et navets ne se transplan- perte de temps. Sinon, la façon rationnelle
tent pas. On les sème en lignes espacées de de l'entreprendre est de semer les graines en
30 centimètres et on éclaircit de telle ma- pépinière, d'y maintenir les plants pendant
nière que, finalement, les plantes se trouvent un an et puis de les transplanter à leur em-
à cette même distance, en quinconce, dans les placement définitif. La mise en place se fait
rangs. La récolte s'effectue avant la maturité, en sillons distants de 90 centimètres l'un de
afin d'avoir un produit donnant toute satis- l'autre et à un espacement de 45 centimètres
faction. sur la ligne. Pendant la première année, le
Propriétés. - Les Choux constituent un sol doit être biné et sarclé au moment oppor-
légume très nutritif, mais peu digeste. Ils tun. Moins de soins seront nécessaires la
sont riches en phosphore, en soufre, en chaux, deuxième année. Dans tous les cas, en sur-
en fer, en magnésie, en silice. Le Chou est façage, on apportera annuellement, à la par-
antiscorbutique mais est contre-indiqué pour celle, une fumure riche en humus.
les arthritiques et les malades du foie et de
Cueillette. — Bien que l'Asperge puisse
l'intestin.
produire quelques jets comestibles, un an
ASPERGE, Asparagus officinalis L. ET SUC- après la plantation, il est préférable de les
-
CÉDANÉS.— Les jets comestibles que forme laisser croître et de ne récolter que la deu-
l'Asperge ne se développent en grand nombre xième année en ayant soin de maintenir aux
qu'après que la plante a subi une période de plantes quelques gros rejetons destinés à les
repos. On en conclut que l'Asperge ne saurait renforcer et à assurer des récoltes normales
prospérer que là où les froids ou bien une les années d'après.
période de sécheresse arrête momentanément La cueillette se fait après avoir enlevé
la végétation. Ces conditions se rencontrent une partie de terre, à l'aide d'un couteau
au Congo dans les pays d'altitude. que l'on pousse prudemment vers le bas, afin
Le choix du terrain doit se porter sur une de ne pas blesser les jets qui ne font que
parcelle fraîche mais qui ne soit cependant commencer à croître. Un léger mouvement
jamais fangeuse. L'emploi d'une fumure latéral, donné au couteau, séparera le jet
abondante est nécessaire aussi. d'Asperge de la souche. On laisse ensuite
Préparation du sol. — Un labour profond, les pousses vertes se développer de manière
afin d'ouvrir le sous-sol, est le premier tra- que la plante puisse emmagasiner dans ses
vail, après que le terrain a été drainé. En racines des réserves nutritives pour la récolte
de l'année suivante. En cueillant trop d'As-
perges à la fois, on compromet la récolte
de l'année qui suit.
Blanchiment. — Afin de récolter des As-
perges toutes blanches, on couvre les lignes
à l'aide de la terre extraite de deux tranchées
que l'on creuse de chaque côté des rangs et
on la ratisse. De cette façon, les pousses sont
enterrées de 15 à 20 centimètres et blanchis-
sent, faute de lumière. Après la période de
cueillette, on abandonne la végétation à elle-
même, mais on a soin de sarcler convenable-
ment le sol, afin que les mauvaises herbes
n'entravent pas la croissance des plantes. A
l'arrêt de la végétation dû à la sécheresse, on
Plan d'Asperge.
coupe les tiges de l'année rez-de-terre, on
(Cliché VILMORIN.) distribue du fumier ou du compost et on
abandonne l'aspergerie jusqu'à la nouvelle
effet, les racines fouillent le sol très profon- végétation.
dément, en absorbant beaucoup de matières Semis. — Si on désire élever soi-même ses
nutritives. plants d'Asperge, il faut semer les graines en
Plantation. — Le moyen le plus expéditif labourée et fumée.
pépinière, profondément
pour entreprendre la culture de l'Asperge On creuse des sillons profonds de 2,5 centi-
est de se faire expédier des plants par un mètres, distants de 50 centimètres et on y
652 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES QONDIMENTAIRES

dépose les graines à 2,5 centimètres l'une grâce au tanin qu'il renferme. Il (st recom-
de l'autre. Quand les plantes ont une hauteur mandable contre les affections du foie.
de 10 à 12 centimètres, on les éclaircit forte-
ment au point de n'en laisser qu'une seule Cardon- Cynara
tous les 10 ou 12 centimètres. Un an de séjour Cardunculus L. — Le
en pépinière suffit. Après la période de re- Cardon et l'Arti-
chaut sont issus de la
pos des plantes et vers le moment de la
même plante sauva-
reprise de la végétation, on effectue la plan-
tation à l'emplacement définitif. ge., Chez le Cardon,
la variation s'est por-
L'Asperge est un aliment sain et nourris-
tée sur les côtes ou
sant, de digestion facile.
SUCCÉDANÉS. — On peut trouver un succé- nervures médianes
dané de l'Asperge dans les jeunes racines des feuilles qui se
de Papayers. Dans ce but, on soumet ceux-ci sont épaissies et four-
à un mode de culture spécial. On sème des nissent un aliment
en terre très meuble, recherché. La diffé-
graines de Papayers
renciation de l'Arti-
profonde et bien fumée, de façon que les
chaut s'est faite sur
plantes soient espacées de 5 à 10 centimètres.
On consomme les racines lorsque les jeunes le capitule floral.
Le Cardon doit
plantes ont atteint 25 centimètres de hauteur. être traité en plante
On peut encore utiliser en guise d'Asperge,
annuelle. Afin de
les jeunes extrémités de Palmiers-lianes (ro-
consommer les côtes Cardon.
tangs) et désignés en langage indigène sous
les noms de Kékélé ou Kodji. des feuilles, tendres (Cliché VILMORIN.)
et savoureuses, il faut
ARTICHAUT.Cynara Scolymus L. — L'Ar- les faire blanehir au préalable, en les entou-
tichaut s'adapte aux régions subtropicales et rant d'un enveloppement de paille.
se cultive notamment dans l'Inde, pendant
la saison fraîche, même avec succès à Calcut- CAROTTES.Daucus Carota L. — Des récol-
ta. On en déduit que la culture en est pos- tes de Carottes s'obtiennent facilement au
sible dans certaines localités du Congo. cours des saisons les plus fraiches et en une
Ses grands capitules sont cuits et consom- période de culture de 3 à 5 mois.
més comme des Asperges, avant que les fleurs, La variété Carotte rouge courte de Hollan-
de donne un produit hâtif. La Carotte demi-
bleues, se montrent.
Pour la culture de ce légume, le sol doit longue Nantaise exige plus de temps, mais le
être richement fumé et labouré à la profon- rendement en est supérieur.
deur de 20 à 25 centimètres. On sème la On sème en lignes ayant un espacement de
25 centimètres ou même un peu plus. On
graine en lignes distantes de 90 centimètres,
à 1,20 m., et, plus tard, on éclaircit les plantes, recouvre les graines d'un centimètre de terre,
de manière qu'elles se trouvent à 90 centi- mais moins si le sol est argileux. Les graines
mètres d'espacement. Une fois que la plante germent en 10 à 15 jours. Souvent, on sème
est installée dans un potager, on la propage des Laitues et des Radis sur le même terrain
et en même temps, comme culture intercalaire.
par division des touffes. Le sol doit être bien
drainé mais humide. La récolte de ces derniers produits sera ter-
Dès la première année, on obtient déjà un minée au moment où les Carottes auront
produit. Tous les capitules doivent être cueil- besoin de toute la place. Lorsque les plants
aux plantes de fruc- de Carottes ont atteint une hauteur de 7 à
lis, car en permettant
10 centimètres, on doit les éclaircir, de telle
tifier, on les verrait dégénérer rapidement.
on rabat manière qu'ils se trouvent à environ 5 centi-
Après la cueillette des Artichauts,
les plantes à leur collet. mètres l'un de l'autre sur les lignes. De pro-
Un petit nombre de plantes seulement, pro- fonds et fréquents binages sont nécessaires
venant d'un semis, produisent des capitules pour l'obtention de bonnes racines.
pouvant être considérés comme normaux. Propriétés. — La Carotte est un légume
Celles-ci servent uniquement à la propagation. très sain et très digestif, légèrement laxatif
Les plantes dont les capitules se présentent et diurétique.
mal doivent être infailliblement rejetées.
Propriétés. — L'Artichaut est tonique, PANAIS. Pastinaca sativa L. - Le Panais
astringent, antidiarrhéique, et diurétique peut être obtenu dans toutes les régions du
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 653

Congo au même titre que les Carottes. Ces Propriétés. — Le Cerfeuil est
apéritif,
dernières s: mblent préférées parce que leur diurétique, antidartreux, antiscorbutique.
obtention demande moins de temps.
On sème en lignes distancées de 30 centi- FENOUILDOUXOU DE FLORENCE.Foeniculum
dulcc DC. — On ne peut confondre le
mètres et on recouvre les graines d'environ
un demi centimètre de terre. Dès que les Fenouil doux avec le Fenouil amer. Celui-ci
se cultive pour ses graines servant d'aro-
jeunes plantes forment leur troisième paire
de feuilles, on les éclaircit de manière qu'elles mate, celui-là pour la partie de la tige, tendre,
se trouvent à 10 centimètres l'une de l'autre. sucrée et blanchie qui se consomme comme
— La racine du Panais pré- hors-d 'œuvre.
Propriétés.
sente une saveur aromatique, On sème le Fenouil en pépinière. Un mois
légèrement
sucrée. Elle est rafraîchissante et convient après la levée, on transplante en distançant
aux malades du foie. les plantes à 45 centimètres; enfin on bine
et on arrose copieusement.
PERSIL. Apium Petroselinum L. — Le Per-
POIS. Pisum sativum L. ET SUCCÉDANÉS. —
sil peut être obtenu, s'il est légèrement om-
La culture des Pois est considérée comme
bragé. On peut cueillir ses feuilles trois mois aléatoire dans les régions basses du Congo.
après le semis; les racines aussi constituent En effet, on ne réussit à récolter des petits
un assaisonnement très fin.
Pois qu'à condition d'importer, sans cesse,
Les graines germent lentement. Pour obvier de nouvelles semences. Mais la consommation
à l'inconvénient, on les trempe pendant 24 de ce légume est tellement intéressante, au-
heures dans l'eau et on les sème mélangées à tant en raison de sa saveur que de sa ri-
du sable. La distance entre les lignes s:ra de chesse en matières nutritives, que si des soins
25 centimètres et. sur celles-ci, on laisse choir
particuliers sont pris, en quelque endroit que
les graines en les espaçant légèrement. ce soit du Congo, on peut (n réussir la cul-
Propriétés. — Le Persil est fébrifuge et ture. En Floride, on trouve bon de protéger
diurétique. ]es champs de Pois contre le soleil. Dans cer-
taines régions chaudes des Indes, on préfère
CERFEUIL. Scandix Cerefolium L. - Il semer des graines de variétés déjà acclimatées.
n'est si petit jardin qui ne contienne une
L'exemple est à retenir, par exemple pour le
plate-bande de Cerfeuil. L'usage des feuilles où les Pois se sont natu-
est si fréquent dans la préparation des pota- Ruanda-Urundi,
ralisés.
ges qu'elles peuvent être considérées comme
un légume tout autant que comme plante Dans les pays européens, les Pois ont fait
condimentaire. l'objet de sélections spéciales. C'est ainsi
La plante n'est pas aussi volontaire dans qu'on les divise en groupes distincts.
les pays chauds que dans les régions tempé- D'après la nature des graines, on a en
rées; c'est ainsi qu'on ne peut pas en récol- premier lieu, les Pois lisses et ronds, les Pois
ter plusieurs coupes. On y remédie en répé- ridés et les Pois nUtnge-toy,t. Les premiers
tant les semis tous les quinze jours. sont les plus hâtifs et les plus résistants.
Les seconds sont plus tendres mais, dans un
climat humide, ils ont une tendance à péri-
cliter. Les mange-tout, sans avoir les qualités
appétissantes des premiers et des seconds,
sont cependant précieux grâce à la quantité
d'aliment qu'ils fournissent.
On compte dans ces groupes des variétés
dont les tiges s'élèvent à des hauteurs diffé-
rentes et réclament par conséquent des sup-
ports (rames) de hauteur convenable. Finale-
ment, il y a des Pois hâtifs, de moyenne
saison et tardifs.
On sème les Pois en « doubles » lignes pro-
fondes de 5 centimètres en répandant les
graines de façon qu'elles se trouvent écartées
Fenouil de Florence. de 1 centimètre environ. L'espace laissé entre
(Cliché VILMORIN.) une double ligne est de 30 centimètres et,
654 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

entre une couple de lignes, un écartement de dans lesquels on sème les grains doivent avoir
70 centimètres doit servir de sentier, permet- 7 centimètres de profondeur et être espacés
tant les soins d'entretien, un ou deux binages, de 60 à 90 centimètres l'un de l'autre. Il
la pose des rames et la cueillette. Les rames est préférable de disposer les lignes en par-
sont constituées par des branchages munis celles. Au bout de 8 à 10 jours, les plantules
de brindilles et de la longueur des tiges de apparaissent et on donne, à ce moment, un
Pois. On enfonce ces rames le long des lignes premier binage le long des lignes à l'aide
un peu à l'extérieur des doubles lignes et en de la houe ou d'un râteau.
les inclinant légèrement vers l'intérieur. Lorsque les plantes mesurent de 15 à 18
La récolte doit se faire avec précaution. centimètres de hauteur, on les éclaircit de
En àrrachant les gousses à la main, on risque manière qu'elles se trouvent à 30 ou 35 cen-
de déterrer les plantes. Mieux vaut détacher timètres de distance l'une de l'autre et en
les gousses avec des ciseaux. conservant les plus fortes. Un mois plus tard,
Pour l'obtention de Pois secs, à consommer on parcourt à nouveau la parcelle afin de
comme tels, ou destinés à des semis ultérieurs, supprimer tous les rejetons ou pousses laté-
on déterre les plantes quand les feuilles rales. Puis on butte légèrement les lignes, en
jaunissent. surélevant le sol de 10 à 12 centimètres, des
Propriétés. — Comme la généralité des deux côtés, le long des tiges. Cette opération
aliments provenant de la famille des Légu- protégera les plantes contre les dommages
mineuses, les Pois constituent un aliment al- causés par les vents et maintiendra les ra-
buminé et riche en amidon dont les teneurs cines dans une humidité constante, donc
augmentent avec le degré de maturité. On favorable.
leur reconnaît une action mécanique dans la
GOMBO.Hibiscus esculentus L., H. ficifo-
digestion.
lius MILL-, Abelmoschus esculcntus MOENCH.
Succédanés. — On trouve des succédanés — Le Gombo est une plante annuelle ou bisan-
des Pois dans les graines du Maïs sucré, non nuelle cultivée dans tous les pays tropicaux
mûres, et dans celles du Gombo. et subtropicaux où il procure souvent un
MAIS SUCRÉ.Zea Mays L. — Le Maïs cultivé légume frais, bienfaisant, alors que d'autres
bien souvent manquent. La plante est au point de vue
par les indigènes, caractérisé
par des épis portant des grains passant du
jaune au gris, peut être utilisé comme
légume. Les indigènes, comme les Européens
d'ailleurs aussi, sont friands de Maïs cueillis
avant maturité.
Mais la plante ayant fait l'objet de sélec-
tions très spéciales en Amérique, ce sont les
Maïs sucrés de ce pays dont on recommande
l'introduction dans les potagers d'Afrique.
C'est un fait heureux, dit un auteur améri-
cain, que parmi les variétés hâtives de dimen-
sion faible, on trouve les Maïs les plus sucrés.
Une parcelle comportant six rangs, chacun
de 5 mètres de longueur, plantée d'une variété
pédigrée, peut produire entre dix et quinze
douzaines d'épis. Gomboà fruit long.
Les Maïs sucrés, au point de vue potager, (Cliché VILMORIN.)
peuvent être divisés en variétés à grains
blancs et en variétés à grains jaunes. Les botanique très voisine de la Roselle. Elle est
plus hâtives donnent une récolte convenant cultivée pour ses fruits qui sont onctueux.
pour la table, en moins de soixante jours, Lorsqu'on les sectionne en petites tranches
tandis que les plus grandes et les plus tar- dans les potages, ils sont toujours appréciés
dives en exigent nonante. Les épis destinés à et, à côté de cet emploi, ils peuvent être con-
la cuisine peuvent être récoltés quand les servés au vinaigre et cuits également pour
soies de la base deviennent noires. constituer un plat spécial.
Un demi litre de semences suffit pour 30 Les fruits acquièrent toutes leurs qualités
mètres de lignes de Maïs sucré. Les sillons quand les plantes sont bien cultivées.
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMËNTAIRES lim

On sème les graines en lignes distantes de parchemin ou Haricots à écosser et en Hari-


75 à 90 centimètres en y laissant tomber une cots sans parchemin ou Haricots mange4out-
graine tous les 10 centimètres. Quand les Le parchemin est la pellicule coriace qui re-
plantes atteignent la hauteur de 15 centimè- couvre intérieurement les gousses. Les Hari-
tres, on les éclaircit à 30 centimètres. cots à parchemin ne peuvent se consommer
Trois variétés sont réputées aux Etats-Unis que très jeunes. Cette précaution est inutile
d'Amérique, à savoir : Little Gem, White chez les variétés sans parchemin.
Velvet et Improved Green. On peut récolter Les semis des Haricots nains sont effectués
les graines soi-même aux fins de cultures de la manière suivante : on creuse des rayons
ultérieures. Lorsque les fruits sont mûrs, on profonds de 3 à 4 centimètres que l'on dis-
les détache des plantes. On les casse aisément tance de 40 à 50 centimètre, suivant la
et on en retire les semences. vigueur des variétés ; dans ces rayons, on
dépose une graine tous les 5 centimètres.
AMBREVADE OU POIS CAJAN. — (Voir Cul- Les Haricots à rames sont plantés diffé-
tures Coloniales page 460.) remment. On sème en touffes espacées de
60 centimètres en tous sens. Sept ou huit
HARICOTS. Phaseolus vulgaris L. — Les plants peuvent se développer autour des
Haricots constituent un aliment de base dans perches.
de nombreux pays tropicaux. Les variétés
indigènes au Congo méritent-elles une préfé- Haricots de Lima. — Les variétés à grosses
rence à l'égard des variétés importées? La graines des Haricots de Lima procurent un
réponse sera affirmative au point de vue de des meilleurs légumes. Ecossés de la gousse
la réussite de la culture, mais au point de vue verte ou, à maturité complète et secs, ces
de la - qualité des produits, les variétés sélec- Haricots sont, au même titre, appétisants
tionnées dans les régions européennes méri- après une cuisson d'environ deux heures. Ils
tent de faire l'objet de nombreux essais. croissent le mieux en période sèche et fraîche
Eventuellement on cultivera sous un abri de ou à une altitude de 300 mètres.
lattis, les variétés européennes naines trop Les Haricots de Lima se divisent en va-
délicates pour les pays très chauds. riétés à grains petits et en variétés à gros
Variétés européennes. — On fait une pre- grains. Parmi les premiers se recommandent:
mière distinction entre les variétés naines et Wood's Prolific (nain), Wood's Improved
les variétés à rames. Les premières donnent (à rames). Parmi les seconds : Wonder (nain),
leur produit plus hâtivement que les secondes. Dreer's (nain), Henderson's Idéal (à rames),
Les variétés à rames demandent plus de tra- Leviathan (à rames), Challenger (à rames).
Propriétés. — Les Haricots constituent un
aliment albuminé par excellence. A l'état vert
et très jeunes, ils sont de digestion facile. A
l'état sec, ils sont riches en amidon. Il con-
vient de les débarrasser de leur enveloppe
avant la cuisson, celle-ci étant irritante pour
l'intestin, en les trempant pendant une nuit
dans l'eau.

FÈVE DE MARAIS.Vicia Faba L. — La Fève


de marais peut être cultivée sous les tropiques
à l'altitude d'environ 2000 m. On sème direc-
tement en place, en rayons de 4 à 5 centimè-
tres de profondeur et distants de 50 centimè-
Plantation de Haricots à rames. tres. Tous les 20 à 25 centimètres, on dépose
(Photo Ministère des Colonies.) deux graines.
Pour avancer la formation des gousses, on
vail étant donné qu'elles exigent le place- pince les plantes au-dessus du huitième ou
ment de tuteurs, mais elles permettent dixième groupe de fleurs. La récolte s'effec-
des
récoltes pendant une période de temps plus tue lorsque les graines sont encore jeunes et,
longue que les variétés naines et, en outre, la en tous cas, avant qu'elles aient atteint leur
récolte est plus aisée. complet développement.
On les subdivise, de plus, en Haricots à
POIREAU.Allium Porrum L. - Le Poireau
656 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

s'adapte à de grandes différences de tempé- variétés donnent des fruits munis d'épines
rature. Sa culture ne présente pas les avanta- tendres.
ges de celle des Oignons, mais se recommande La chair est plus ferme que celle de l'Au-
cependant au cours des saisons fraîches. bergine ou de la Courge ordinaire et est
1 On sème les graines en prenant les précau- consommée généralement bouillie, frite ou
tions d'usage, en régions tropicales, d'ombra- étuvée avec du sucre. Le fruit diffère de
ger la plate-bande et de l'arroser si les pluies celui de toutes les autres plantes de la famille
font défaut. Lorsque les plantules mesurent des Courges, parce qu'il ne contient qu'une
12 centimètres de hauteur, elles doivent être seule graine et celle-ci est très volumineuse.
transplantées. Afin de les transférer à leur Cette plante ne peut manquer dans un po-
emplacement définitif, il faut enfoncer la tager tropical. Une fois plantée, elle ne de-
bêche ou le trident sous les plants et les mande aucun soin et donne d'abondantes
soulever; ensuite, tandis que la terre se désag- récoltes pendant plusieurs années. Pour la pro-
glomère, on les retire, sans abîmer les racines. pagation, il suffit de confier un fruit entier
Si les feuilles paraissent trop longues, on les à la terre en le couchant sur le côté et en
raccourcit d'un tiers. Le Poireau vient le le recouvrant légèrement. On le sème géné-
mieux en terrain argileux et bien drainé. On ralement le long d'une clôture sur laquelle
plante à la distance de 12 centimètres dans les lianes pourront se fixer. Il faut distancer
des lignes espacées de 30 centimètres et assez les plantes d'au moins trois mètres. Elles
profondément. La végétation doit être soute- produisent au bout de 3 à 4 mois. Les jeunes
nue par des arrosages à l'engrais liquide. pousses constituent déjà un bon légume.

COURGES.Cucurbita L. — Les Courges font NAVET.Brassica Napus L. — Le Navet peut


partie de la famille botanique des Concom- être cultivé au Congo au cours des saisons
bres et sont, comme ces derniers, des plantes fraîches, à condition que le sol ne soit 'jamais
annuelles d'origine tropicale. Les tiges sont dépourvu d'humidité. Plus élevée sera la
généralement rampantes ou grimpantes, les région, plus en récoltera de bons produits.
fleurs sont grandes, jaunes, unisexuées, toutes Les variétés utilisées en Europe pour la
solitaires. Les fruits sont ronds ou allongés forcerie sous verre, en hiver, réussissent le
ou à côtes. mieux sous les tropiques. A ce point de vue,
Les variétés légumières comprennent, outre se signale le Navet à forcer demi-long blanc.
les Courges proprement dites, les Citrouilles, Le semis se fait en lignes distantes de 20
les Potirons et les Pâtissons dont les plantes à 25 centimètres, les graines étant enterrées
et les fruits acquièrent des développements de 1 à 2 centimètres. Lorsque les premières
variés. feuilles sont formées, on éclaircit à 15 ou 20
Le semis se fait en poquets distants de centimètres et, pendant la végétation, on
1,50 m. et occupant le milieu de la plate- maintient le sol propre et meuble par des
bande. On sème à raison de trois graines par binages. En période sèche, de fréquents arro-
poquet, et on n'y conserve par la suite que sages contribueront à produire des Navets de
la plus forte des plantes. bonne qualité. La récolte se fait avant qu'ils
aient atteint leur grosseur maxima.
CHAYOTEOU CHOUCHOUTE.Secchium edule
Sw. — Plante de la famille des Courges, RADIS. Raphanus sativus L. — On ne ren-
cultivée abondamment aux Indes Occidenta- contre aucune difficulté pour récolter régu-
les, vivace, grimpante, et dont la racine est lièrement des Radis. Il faut répéter fréquem-
tubéreuse et féculente. Les tiges atteignent ment les semis car le produit s'obtient, pour
plusieurs mètres de longueur et peuvent por- certaines variétés, au bout de 20 ou 30 jours.
ter une centaine de fruits pesant de 1/2 à Les variétés de radis sont nombreuses. En
1 kilo. Ces fruits, blancs ou verts, sont pyri- Belgique, on les classe en trois groupes com-
formes ou arrondis et sillonnés. Certaines me l'indique le tableau suivant :

RADIS HATIFS RADIS D'ETE RADIS D'HIVER

A forcer rond rose. Blanc rond d'été. Noir gros rond d'hiver.
Rond rose à bout blanc. Blanc géant de Stuttgart. Noir gros long.
Demi-long rose. Jaune d'été. Gris d'hiver de Laon.
Demi-long écarlate. Demi-long blanc de Strasbourg. Gros blanc d'Augsbourg.
Noir long d'été.
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 657

Un sol riche, tcrreauté si possible et tenu de terre peuvent être compromises au Congo
humide produira les résultats attendus. par une Teigne connue sous le nom scienti-
fique Phtorimea opercullela. Le mal se recon-
ARACHIDE. - (Voir Cultures Coloniales naît en premier lieu, à l'aspect grisâtre des
page 454.) feuilles. Un examen plus attentif fait voir
VOANDZOU.- (Voir Cultures Coloniales de petites chenilles, de 12 mm., à tête brune,
page 460.) rongeant les feuilles des deux côtés. Les tu-
bercules sont attaqués également. Le papillon
SALSIFIS. Tragopogon porrifolius L. ET mesure 16 mm. d'envergure. Il y a plusieurs
SCORSONERE.Scorzonera hispanica L. — Ces générations par an.
deux légumes appréciés, réussissent le mieux La lutte contre l'insecte comporte la des-
dans les pays d'altitude. Le mode de culture
truction, par le feu, de tous les restes de la
est celui de toutes les plantes-racines. Les
plante; une surveillance et une désinfection
lignes sont distantes de 60 centimètres l'une éventuelle des locaux où l'on emmagasine les
de l'autre et, par éclaircissage, on veille à ce tubercules.
que les plantes se trouvent sur les lignes à un
espacement de 10 à 12 centimètres. Propriétés. — La Pomme de terre est un
aliment féculent dont l'amidon est très di-
gestible, contenant, de plus, des sels miné-
Les Farineux. raux. Ce n'est pas un aliment complet, car il
POMME DE TERRE. Solanum tuberosum L. manque de matières azotées.
ET SUCCÉDANÉS. — Il y a lieu de placer la
PATATEDOUCE.— (Voir Cultures Coloniales
Pomme de terre parmi les plantes potagères,
en raison de l'importance qu'elle présente page 471.)
pour l'alimentation de l'Européen. Il con- POMMES DE TERRE DE MADAGASCAR. Plec-
vient d'insister sur le fait que si le sol où tranthus rotundifolius CHEVALIERet PERROT.
on l'entreprend n'est pas très riche, la récolte — Petite plante dont le tubercule est moins
ne récompensera pas les peines que l'on se développé et moins féculent que la Pomme de
sera données. En outre, l'altitude de la ré- terre vraie.
gion exerce son rôle. Il ne faudrait tenter La culture se fait comme celle de la Patate
qu'exceptionnellement cette culture en des- douce, c'est-à-dire que l'on propage la plante
sous de 600 m. On ne peut considérer comme à l'aide de boutures et qu'on les plante sur
une production réelle, la récolte de petits des billons. Ceux-ci s'établissent sur une dis-
tubercules dont le poids n'atteint pas celui tance moindre, soit 50 centimètres.
des tubercules plantés. Ce cas fut constaté
bien souvent dans la région chaude et basse COLEUS DAZO. Coleus Dazo CHEVALIER.—
du district de l'Equateur. D'excellents résul- Un autre succédané de la Pomme de terre se
tats s'obtiennent, par contre, à Madimba (Ca- trouve au Congo dans les tubercules du
taractes) dans d'anciens marais drainés. Coleus Dazo, appelé en langage indigène
Un labour profond est indispensable car Tamba. La plante est moins vigoureuse que
le système radiculaire de la Pomme de terre la Pomme de terre de Madagascar. On plante
s'étend en profondeur. On plante en lignes des boutures, sur buttes, à des distances
distantes de 60 à 90 centimètres l'une de moindres que celles prescrites pour celle-ci.
l'autre et à 5 à 10 centimètres de profondeur.
L'on ne peut planter de petits tubercules si IGNAME. — (Voir Cultures Coloniales
l'on désire un rendement abondant. Ce sont page 476.)
les tubercules de dimension moyenne qui don- ARRACACIA.Arracacia xanthorrhiza BAN-
nent les meilleurs résultats. CROFT. — I/Arracacia est un excellent lé-
Lorsque les jeunes pousses dépassent la sur- gume répandu depuis peu dans les régions
face du sol, on donne un binage et quand elles montagneuses du Congo, par les soins du
mesurent de 15 à 20 centimètres de longueur, Jardin d'Essais de Kisantu, et où il a trouvé
on procède à un léger buttage. des conditions climatériques assez semblables
Il convient d'importer fréquemment des à celles des pays d'origine : le Vénézuéla et
tubercules, soit d'Europe, soit de régions afri- la Colombie. Il ressemble à la Carotte ou au
caines où la culture de la Pomme de terre Panais; mais la saveur en est décrite comme
a été installée définitivement (Cap, Kenya, supérieure.
etc.). La culture se fait comme celle des Carot-
Insecte parasite. — Les récoltes de Pommes tes et du Panais, mais on n'a pas recours à
658 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

la graine qui s'obtient d'ailleurs très rare- teuses. Les racines, qui ressemblent au Navet,
ment. On propage la plante à l'aide de bour- se consomment crues ou cuites.
geons qui naissent à la base des pétioles. La On les déterre avant qu'elles n'aient acquis
racine peut être consommée quatre mois tout leur développement, qu'elles ne devien-
après la mise en culture; une période plus nent fibreuses et qu'elles ne produisent leurs
longue — jusqu'à onze mois — produira des graines. Les jeunes gousses peuvent être
racines plus développées. On consomme les utilisées à l'instar du Haricot princesse.
racines bouillies, frites en tranches ou en La culture se fait comme celle des Hari-
potages. cots à rames.
ANSERINE QUINOA
OU QUINOA BLANC.
Chenopodium Qui-
noa WILLD. (Petit
riz du Pérou.) —
Cette plante an-
nuelle fait partie
des cultures ances-
trales en Colombie,
au Pérou et au Chi-
li. Au Congo, on la
cultivera de préfé-
rence dans les ré-
gions montagneuses.
Elle atteint une
hauteur de 1,80 m.
On sème les graines
sur une plate-bande
Potager à Tshikapa. au commencement
A gauche : touffes de Maranta arundinacé; A droite : Colocases. de la saison des
(Photo Ministère des Colonies.) pluies et quand les
plantules atteignent
CANNACOMESTIBLE.Canna edulis KER. — une hauteur de 10 centimètres, on les met en
Le Canna comestible fait l'objet; en Austra- place, en les espaçant de 50 centimètres.
lie, d'une culture industrielle. On extrait de La graine très menue, mais produite en
ses racines une fécule dite « Fécule de Tolo- grande abondance, entre dans la préparation
mane » ou « arrowroot de tous les mois ». de potages, de panades et de gâteaux. Le
Les tubercules en voie de formation, non Quinoa a une saveur amère et âcre que l'on
encore montés à tiges ni pourvus de racines, peut lui enlever cependant à la suite de plu-
donnent, étant cuits, un légume tendre et sieurs ébullitions L'Européen établi au Con-
délicat. go tirera le meilleur parti de ce produit en
On reproduit la plante par division des accordant de grands soins à sa préparation.
racines que l'on plante en lignes, à environ
90 centimètres, en tous sens. PLANTES CONDIMENTAIRES.
MARANTAARUNDINACE.Maranta arundina- 1° D'origine tropicale.
cea L. — Du Maranta arundinacé, on extrait CARDAMOME.Amomum Cardamomum L. —
après râpage, décantation et séchage, la fé-
La Cardamome est une plante vivace indien-
cule dite d'« arrowroot », très digestive, con-
l'alimentation des en- ne, introduite au Congo, dont les tiges feuil-
venant surtout pour lées partent d'un rhizome et atteignent de
fants et des invalides. Les tubercules se con- 2 à 3 m. de hauteur. Elle appartient à la
somment aussi en guise de Pommes de terre famille si caractéristique des Gingembres. On
et selon des recettes particulières. la propage par semis et fragmentation des
La culture est identique à celle du Canna
rhizomes. Les graines, stomachiques, entrent
comestible.
dans la préparation du « curry », d'aliments
DOLIQUE BULBEUX.Pachyrrhizus angulatus divers et notamment de gâteaux.
RICH. — Voisin du Haricot, le Dolique bul- CURCUMA.Curcuma longa L. — Comme la
beux produit, comme lui, des tiges sarmen- plante précédente, le Curcuma produit des
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMËNTAIRES 659

tiges dressées, portant de larges feuilles et POIVRE NOIR.Piper nigrum L. — Le Poivre


naissant d'un rhizome épais. Il est répandu noir est produit par une liane de 3 m. et
chez les Indigènes de notre Colonie. Le rhi- plus de longueur, que l'on peut conduire le
zome entre dans la préparation du « curry ».
On le propage par division des touffes.

GINGEMBRE. Zingiber officinale Rosc. — Le


Gingembre rappelle légèrement le Canna par
son mode de végétation. Il a un port de
roseau. Originaire de l'Inde, il est répandu
aujourd'hui dans diverses régions du Congo.
Le rhizome du Gingembre constitue un aro-
.mate agréable et stomachique.

GALANGA.Alpinia Galanga SWARTZ.— Le


Galanga diffère peu du Gingembre par son
aspect extérieur et provient du Sud de la
Chine. Le rhizome est un aromate stimulant,
de même nature que le Gingembre. Certains
Européens l'apprécient beaucoup comme
épice.
POIVREDE CAYENNE.Capsicum annuum L.
— Le Poivre de Cayenne provient de la

Poivre indigène.
(Photo Ministère des Colonies.)

long des clôtures du potager. Les graines de


poivre sont disposées en épis. On peut pro-
pager le Poivrier noir par graines, mais le
procédé habituel est le marcottage ou le bou-
turage.
Le Poivre indigène au Congo, Piper gui-
neense SCHUMACH. et THONN. est moins
apprécié que le Poivre noir, originaire des
Indes. Celui-ci seul mérite la propagation.
VANILLE. Vanilia planifolia ANDR. — La
Vanille est le fruit d'une Orchidée émettant
de longues tiges rampantes ou grimpantes, à
feuilles assez épaisses. Le Vanillier peut trou-
ver sa place dans le potager et être conduit
le long des clôtures. Il préfère l'ombre et un
Poivriers sur Kapokiers. sol surtout composé d'humus. Provenant de
boutures, après 18 mois de culture, il produit
(Photo Musée du Congo Belge.) des fleurs qui doivent être fécondées artifi-
ciellement pour assurer la formation des
même plante que le Piment doux d'Espagne fruits. Ce sont ceux-ci, presque mûrs et que
mais, contrairement aux fruits de cette der- l'on sèche lentement, qui fournissent les
nière variété, les fruits sont petits et leur « gousses » de vanille telles qu'on les utilise
saveur très piquante. en pâtisserie.
660 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

une confiserie estimée. La plante est considé-


rée comme stimulante.

Vanillier (fruits).
(Photo Ministère des Colonies.)

2° D'origine extratropicale.

En Europe, dans beaucoup de jardins po-


Angélique officinale.
tagers, on trouve une bordure ou une plate-
bande réservée à la culture de plantes (Cliché VILMORIN.)
aromatiques ou condimentaires. Celles-ci sont
d'autant plus appréciées que la plupart ANIS. Pirnpinella Anisum L. — L'Anis est
d'entre elles jouissent de propriétés médica-
annuel, indigène en Asie Mineure, dans les
menteuses. îles de la Grèce et en Egypte et est cultivé
Au Congo, dans la mesure du possible, il y aujourd 'hui dans maints pays chauds du
a lieu de suivre l'exemple. Dans les régions Monde entier. La plante s'élève à une hauteur
d'altitude, on ne rencontrera aucune diffi- de 30 centimètres.
culté pour les cultiver ; dans les autres, leur La pâtisserie fait un grand usage des
nombre sera moindre mais certaines d'entre grains d'anis. La plante est réputée pour son
elles s'adaptent à tous les climats. action stimulante sur les organes de la diges-
tion et les muqueuses des voies respiratoires.
ANETH. Anethum graveolens L. — L'Aneth Elle favorise la sécrétion du lait.
est une Ombellifère du midi de l'Europe at-
teignant 70 centimètres de hauteur. On sème
les graines en rayons distants de 25 centi-
mètres. Après la levée, on éclaircit à 15 cen-
timètres.
Le plus souvent, on se sert des graines pour
aromatiser les conserves au vinaigre. L'infu-
sion de la plante est calmante, diurétique et
sudorifique.

ANGÉLIQUE. Angelica Archangelica L. —


L'Angélique appartient à la même famille
botanique, est bisannuelle et provient des
montagnes du Nord de l'Europe. La graine
perd rapidement ses facultés germinatives et
doit être semée sur place. La plante atteint
une hauteur de 1 m. à 1,50 m. Anisvert.
Ses tiges, en conserves sucrées, constituent (Cliché VILMORIN.)
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 661

BASILIC.Ocimum Basilicum L. — Le Basilic Les feuilles de la Coriandre sont utilisées


des potagers d'Europe a reçu les appellations au même titre que les graines, comme condi-
de Basilic aux sauces, Basilic des cuisiniers, ment, et on leur attribue aussi des propriétés
Basilic rom.ain, Herbe royale, Oranger des digestives.
savetiers. Ces noms proviennent incontesta-
blement de la grande valeur condimentaire
attribuée à la plante. Elle est originaire des
Indes orientales et peut être cultivée dans
toutes les stations du Congo. On propage la
plante à l'aide de graines semées sur une
plate-bande ombragée ou dans une caissette
mise à l'abri, sous une véranda. Lorsque les
plantes ont développé trois ou quatre feuilles,
on les repique à demeure.
Deux espèces au moins, voisines du Basilic,
se rencontrent fréquemment dans les villages
congolais et peuvent être consacrées aux mê-
mes usages que le Basilic. La tisane de Basilic
est un remède digestif.

BOURRACHEOFFICINALE.Borago officinalis
L. — La Bourrache officinale est une plante Coriandre.
du midi de l'Europe atteignant de 30 à 50 (Cliché VILMORIN.)
centimètres de hauteur. On sème sur place
ou en pépinière. Lors de la transplantation, CUMIN.Cuminum Cyminum L. — Le Cumin
on distance les plants de 50 centimètres en a l'aspect de la Carotte et est annuel. Beau-
tous sens. coup d'aliments sont aromatisés à l'aide de
On se sert principalement de la Bourrache ses graines.
pour assaisonner les Concombres mis en con- ESTRAGON.Artemisia Dracunculus L. —
serve. La plante entière est considérée comme
L'Estragon a pour pays d'origine la Sibérie.
rafraîchissante, dépurative, sudorifique et Ses usages dans la cuisine européenne sont
surtout diurétique à cause du nitrate de po-
tellement fréquents qu'il mérite toutes les
tasse qu'elle renferme.
tentatives de le cultiver dans les potagers
CERFEUILMUSQUE. Myrrhis odorata SCOP. —
Le Cerfeuil musqué est une plante vivace
haute de 75 centimètres à feuilles grandes,
finement découpées, exhalant une odeur rap-
pelant celle du Cerfeuil et de l'Anis. Les
feuilles sont utilisées comme celles du Cer-
feuil ordinaire. La propagation s'effectue à
l'aide de semis.

CORIANDRE.Coriandrum sativunt L. — La
Coriandre est une plante annuelle cultivée
pour son fruit globuleux dont la saveur rap-
pelle celle de l'Anis et qui est employé aux
mêmes usages. On en réussit la culture aussi
bien dans les régions basses que dans les
régions élevées de notre Colonie. On sème Estragon.
2 à 3 graines dans de petites fosses distancées (Cliché VILMORIN.)
de 1 m. On sarcle et on butte en même temps
les plantes. Trois mois après le semis, on congolais. L'Estragon donnant très rarement
des graines, on le propage par éclats de
opère déjà la récolte. A cet effet, on arrache
souche.
les plantes, on les lie en bottes et on les sèche
au soleil pendant une semaine, jusqu'à ce que LAVANDE. Lavandula Spica DC. - La
les fruits aient acquis une teinte jaune paille. Lavande, bien connue, est du midi de l'Eu-
Ces derniers s'arrachent ensuite facilement. rope. La plante se multiplie par graines, bou-
662 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

tures et divisions des touffes. Ses feuilles et


ses fleurs constituent un condiment précieux.
Leur infusion jouit de propriétés antispasmo-
diques et toniques. C'est la source de l'huile
d'aspic par voie de distillation.
LIVÊCHE. Levisticum officinale KOCH. -
La Livêche, originaire du centre et du midi
de l'Europe est vivace et s'élève à 1,50 m.
de hauteur. Ses feuilles sont assez semblables
à celles du Céleri. Les feuilles sont condimen-
taires et ses graines entrent dans la confiserie.
La plante contient une essence qui possède des
propriétés stimulantes et antispasmodiques.

MARJOLAINEVIVACEOU ORIGAN. Origanum


vulgare L. — La Marjolaine croît en touffe

Mélisse.
(Cliché VILMORIN.)

les emploie quelquefois dans la cuisine. En


infusion, elles sont données aux dyspeptiques.
MOUTARDENOIRE. Sinapis nigra L. — La
Moutarde noire se cultive aisément dans les
régions d'altitude. La plante est annuelle. Les
graines se sèment en lignes et très clair car,
par des éclaircissages, on doit donner aux
plantes un espacement de 20 centimètres en
tous sens.
Les graines servent à la préparation de la
moutarde de table; elles ont, de plus, un
large emploi en pharmacie.
RAIFORT. Cochlearia Armoracia L. — Le
Marjolaine vivace. Raifort se développe bien en pays d'altitude.
(Cliché VILMORIN.) Sa culture exige un sol léger mais riche et
profondément labouré. Pour mettre cette
ramifiée, haute de 50 centimètres. Toutes ses plante en culture, il faut importer de petites
racines bien droites de 1,5 centimètre d'épais-
parties donnent aux salades un arôme agréa-
ble. On la propage par semis et aussi par seur et de 15 centimètres de longueur. On les
division des touffes. L'infusion à 5 p. c. prise plante verticalement à 40 centimètres l'une
au coucher est antispasmodique. de l'autre et de telle manière que le bourgeon
se trouve à 5 ou 10 centimètres de profondeur.
MÉLISSEOUCITRONNELLE.Melissa officinalis On récolte les racines destinées à la consom-
L. — La Mélisse est vivace et produit des mation la seconde année de culture et chaque
tiges rameuses, hautes de 80 centimètres. A année on fait une nouvelle plantation.
son odeur de citron, la plante joint des pro- C'est la racine finement râpée qui consti-
priétés digestives. Au Congo, sa zone de cul- tue le condiment très apprécié dans certains
ture sera comprise entre 1500 et 2500 m. d'al- pays d'Europe, avec raison d'ailleurs, car le
titude. Raifort est stomachique, diurétique et anti-
scorbutique.
MENTHESDIVERSES.Mentha L. — Il existe
diverses espèces de Menthes dont l'arôme des BEN AILÉ. Moringa oleifera LAM. — Le Ben
unes est plus fin que celui des autres. Elles ailé est considéré comme un succédané du
sont toutes vivaces et vigoureuses. Elles se Raifort. C'est un petit arbre de 4 à 6 m. de
développent le mieux aux endroits frais. On hauteur très répandu en Afrique centrale, à
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 663

feuilles bipennées, à folioles petites, à fleurs sis L.) et l'autre vivace (Satureia montana
très odorantes. L.). Les plantes s'élèvent à la hauteur de
Les jeunes racines épaissies s'emploient en 30 centimètres. Elles constituent le condiment
guise de Raifort. principal des Fèves de marais.

ROMARIN.Rosmarinus officinalis L. — Le SAUGE OFFICINALE.Salvia officinalis L. —


Romarin est un sous-arbrisseau de la région La Sauge officinale est un sous-arbrisseau du
midi de l'Europe dont les feuilles lancéolées
et blanchâtres servent à assaisonner certaines
viandes. La plante se propage par graines,
boutures et division des touffes. Elle est con-
sidérée comme un stimulant des fonctions
gastro-intestinales.

Romarin.
(Cliché VILMORIN.)

méditerranéenne susceptible d'être cultivé


dans de très nombreux endroits de la Colonie.
Les fleurs chez lesquelles on retrouve les ca-
ractères des Labiées naissent des aisselles des
feuilles, lesquelles sont étroites, lancéolées,
d'un gris verdâtre. Toutes les parties sont
utilisées en guise de condiment. Le Romarin
se multiplie par graines, boutures et division Sauge officinale.
des touffes. C'est un stimulant stomachique (Cliché VILMORIN.)
et cholagogue.
THYM. Thymus vulgaris L. — Le Thym
SARRIETTES.— Il existe deux variétés de est également du midi et se présente comme
Sarriettes : l'une annuelle (Satureia horten- une plante sous-ligneuse. Elle aime les en-
droits secs. Une fois introduite dans un po-
tager, on peut la multiplier par fragmenta-
tion des touffes.

PETITES PLANTES FRUITIERES DU POTAGER.


Dans certaines localités congolaises, il peut
être avantageux de cultiver quelques fruits
dans le potager.
ALKEKENGEOU GROSEILLEDU CAP. Physalis
edulis SIMS. — Plante vivace à tiges rameu-
ses de 1 m. de hauteur à feuilles cordiformes
et à fleurs des Solanées. Le petit fruit jaune
vert ou orange, rappelant la cerise comme
forme et dimension, est enfermé dans une
enveloppe papyracée, mince et de couleur
Sarriette vivace. crème. Il convient surtout pour la prépara-
(Cliché VILMORIN.) tion de confitures.
664 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

deux par billon. Quand les fruits sont bien


formés, on pince les extrémités des tiges et
on supprime les ramifications superflues. La
cueillette des fruits s'effectue lorsque les
pédoncules se rident.
Il y a lieu d'importer des graines des va-
riétés réussissant dans les colonies limitro-
phes du Congo et même des régions méri-
dionales des Etats-Unis. On récoltera soi-
même les graines en vue des cultures ulté-
rieures.
ROSELLE. Hibiscus Sabdariffa L. — Men-
tionnée déjà parmi les succédanés de l'Oseille,
la Roselle produit de petits fruits convenant
pour la préparation d'une boisson, de gelées
et de confitures en lieu et place des Groseilles
ou des Caneberges.
Alkékenge jaune doux. En vue de ces utilisations spéciales, on ré-
(Cliché VILMORIN.) colte les fruits avant que les calices ne se
lignifient. On s'en rend compte en ouvrant
ANANAS.Ananas sativus SCHULT. — La les fruits. Si on y trouve des fibres ligneuses,
leur maturité est trop avancée.
plante d'Ananas n'atteint pas plus d'un Les fruits bien cultivés et arrivés à matu-
mètre de hauteur et de largeur. On la pro-
rité peuvent être récoltés sans avoir recours
page à l'aide de la couronne de feuilles qui au couteau. Ils sont alors tendres, friables et
surmonte le fruit et des rejetons naissant à
bien remplis. En les saisissant entre h s doigts
la base de la tige, plantés à la distance de
1 m. l'un de l'autre. Après une période de et le pouce et, en exerçant une pression, le
culture de 1 an à 18 mois, on peut déjà récol- pédoncule se rompt. Si les fruits ne se déta-
chent pas aisément, c'est qu'ils ont dépassé
ter des fruits. Il ne faut propager que les
le stade de maturité propice. La cueillette
variétés les meilleures, par exemple : Ananas
est plus aisée le matin que le soir.
Bogor, Mont-Serl-at, Comte de Paris, Ripley Une plante peut produire de 2 à 4 kilos
Queen, Smooth Cayenne, de Kew, Merah. de fruits. La partie employée consiste dans
FRAISIER. Fragaria L. — Le Fraisier pros- le calice et l'involucre rouge, succulent et
de 1000 mètres. bien développé. Il contient, en moyenne 87
père à partir de l'altitude
La variété appelée Fraisier des quatre saisons d'eau, 3 d'acides (acides malique et tar-
réussit le mieux, mais il ne faut pas exclure trique; il n'y aurait pas d'acide citrique)
les variétés à gros fruits. Il y a lieu d'im- et 1 au moins de sucre.
porter des plantes d'Europe que l'on répartit Une boisson rafraîchissante se prépare à
sur des plates-bandes à 35 centimètres de dis- l'aide d'une infusion des fruits, qui la colorent
tance l'une de l'autre. Par la suite, on pro- en rouge, d'aspect agréable. Elle se conserve
page les variétés à l'aide des premiers ou des bien, si on n'y ajoute pas de sucre et si les
plus forts stolons. Dans les régions à longue bouteilles sont stérilisées à la chaleur et scel-
saison sèche, il faut se rapprocher d'un ruis- lées, alors qu'elles sont encore chaudes.
seau au voisinage duquel le sol est humide L'acidité du fruit, sa belle teinte cerise, et
par infiltration. la pectine qu'il renferme permettent la pré-
paration d'une excellente gelée. En vue de
MELONET PASTÈQUE.— Le Melon (Cucumis leur emploi, il faut en enlever les capsules.
Melo L.) et la Pastèque (Cucurbita Citrullus Pour la préparation de la gelée, 125 gram-
L.) réussissent le mieux dans les régions mes de sucre suffisent pour un demi-litre de
caractérisées par une saison sèche. On sème jus obtenu par la cuisson et après filtrage.
en poquets à raison de trois à quatre graines L(s confitures et les marmelades s'obtiennent
sur des billons bien fumés d'avance, les po- en cuisant les calices dans un sirop de sucre
quets étant distants d'au moins 1 m. à 1,50 m., épais.
selon les variétés. Quand les tiges commen- Variétés. — Il existe une variété dont le
cent à ramper, on supprime les plantes les calice n'est pas rouge. Elle donne une gelée
plus faibles et on n'en conserve qu'une ou vert jaune. Elle n'est pas autant appréciée.
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 665

En Floride, on cultive une variété appelée leur donnent une grande valeur commerciale.
Victor à fruit plus gros. Les plantes sont MUSCADIER.Myristica fragrans HOUTT. —
plus petites mais d'un rendement plus élevé Origine. — Iles Banda, Amboine, Gilolo
que la variété ordinaire. (Moluques) et Nouvelle Guinée occidentale.
TOMATE EN ARBRE. Cyphomandra betacea Arbre de 10 à 14 m. de hauteur réussissant
SENDT.— La Tomate en arbre est une espèce dans toutes les parties chaudes et basses du
voisine de la Tomate vraie, à cultiver dans
les régions d'altitude à climat plutôt sec. La
plante affecte une forme arbustive et fructi-
fie seulement la seconde année de culture. Les
fruits de forme ovoïde se récoltent en abon-
dance en toute saison. Leur saveur rappelle
celle des Tomates et on les consomme frais,
étuvés ou en conserves au vinaigre.
VIGNE. Vitis vinifera L. et V. Labrusca L.
— Partout où le climat le
permet, il y a un
intérêt à cultiver quelques ceps de Vignes
dans le potager et à (n conduire les sarments
le long des clôtures. Toutefois, il est inutile
d'en essayer la culture là où la période de
sécheresse ne dure pas au moins trois mois.
De plus, la réussite sera mieux assurée dans
les régions assez élevées. La taille est indis-
pensable afin de récolter des fruits gros et
abondants. Elle consiste à maintenir des
branches charpentières et à en raccourcir
les ramifications sur deux yeux. La Vigne
ne fructifiant que sur du bois de l'année,
l'œil supérieur donnera le rameau portant
la grappe de raisins, l'œil inférieur celui du
remplacement, c'est-à-dire la branchette à la-
quelle on conservera deux yeux lors de la
taille de fin de saison. Nécessairement, on
ébourgeonne les pousses superflues et rac-
courcit à deux feuilles les rameaux fructi-
fères et de remplacement (taille en vert). Muscadier âgé de 25 ans.
Après la récolte des fruits, on effeuille et on (Photo Ministère des Colonies.)
procède à une nouvelle taille des branches à
fruits. i Congo. La noix de muscade est l'amande du
On propagera de préférence les variétés fruit; une enveloppe charnue entoure la
donnant de bons résultats dans les colonies graine. Cette enveloppe se fend en deux lors
limitrophes du Congo, par exemple le Kenya de la maturité. Mais la noix est encore en-
ou l'Afrique du Sud. tourée d'un tissu rouge brillant qui se forme
à partir de la base de la graine : c'est le
ARBRES A EPICES. macis, autre épice spéciale très appréciée.
Le Muscadier se reproduit aisément par le
Une énumération des plantes condimentai- semis. Celui-ci donne des arbres mâles et des
des susceptibles d'être cultivées dans la Co- arbres femelles; les premiers à raison de 30
lonie doit comprendre le
Muscadier, le Gi- à 50 %, sont improductifs. On ne sait recon-
roflier et le Cannelier. En raison de leur naître quel est le genre des plantes obtenues
forme arborescente, ces espèces ne trouvent
par le semis. Aussi l'obtention de plantes
pas leur place dans un jardin potager mais femelles s'assure-t-elle par la greffe. La
peuvent être plantées dans toutes les stations présence d'arbres mâles est cependant néces-
européennes comme dans les villages indigè- saire pour assurer la fécondation des fleurs
nes. L'utilisation de leurs produits dans l'art femelles. La distance de plantation est de
culinaire est important. D'autres 7 à 8 m. Le Muscadier entre en production
usages, no-
tamment dans la parfumerie et la médecine vers sa septième année, donne son maximum
666 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

vers 25 ans et peut vivre de 60 à 80 ans. La sont cueillies en entier. On en détache aussitôt
récolte est évaluée à 1.500 à 2.000 fruits par les clous de girofle des pédoncules et on les
an, soit 15 kilos de noix et 2 kilos de macis. sèche sur des nattes exposées au soleil. Ce
séchage dure de 2 à 4
jours. La récolte peut
être en moyenne de 4
kilos par arbre et par
an.

CANNELIER. Cinna-
momum zeylanicum
NEES. — La cannelle
est l'écorce d'un arbre
indigène à Ceylan, en
Inde méridionale, en
Birmanie et dans la
Péninsule Malaise. Le
centre principal de
culture du Cannelier
ést Ceylan. Introduit
depuis une cinquan-
taine d'années au
Congo, on le rencontre
aujourd'hui dans les
principales stations eu-
Jeunes Girofliers à Eala. (Photo Musée du Congo Belge.) ropéennes. L'arbre at-

Succédané. — Au Congo, comme dans toute


l'Afrique occidentale forestière, on trouve un
succédané de la noix de muscade vraie dans
les graines du Muscadier de Calabash (Mono-
dora Myristica DUN.). L'arbre est d'assez
haute taille. Les fruits sont des baies de la
grosseur de la tête, sphériques, ligneuses ex-
térieurement. Dans la pulpe sont incluses des
graines allongées, un peu aplaties de 20 à
25 millimètres de longueur ayant une saveur
de muscade.

GIROFLIER. Caryophyllus aromaticus L. —


Le Giroflier est indigène aux Iles Moluques.
Au Congo, il croît le mieux aux basses alti-
tudes ne dépassant pas 300 m. et recevant
des pluies abondantes. Petit arbre de 5 à 10
m. de hauteur se ramifiant et à rameaux
grêles. La propagation de l'arbre s'assure
par le semis en pépinière et par une trans-
plantation des plants à la distance de 5 à 6 m.
l'un de l'autre.
Le Giroflier commence à produire à 7 ans.
Le clou de girofle n'est autre que le bouton
floral séché. Un mois après l'apparition des
fleurs, il est pratiquement formé. Il est
d'abord vert foncé, puis vert clair et enfin
après 4 mois, rose. Les fleurs s'ouvrant alors
très rapidement, le moment de la récolte est Jeune Cannelier.
venu. Les inflorescences (grappes de fleurs) (Photo Musée du Congo Belge.)
CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES 667

tient de 8 à 10 m. de hauteur et est fort par drageons réussit très bien aussi.
branchu. La propagation a lieu par le semis On. peut commencer à récolter les écorces
de ses graines, conservant peu de temps seu- après quatre ans de culture. A cet effet, on
lement leurs facultés germinatives. Six mois sectionne des tiges épaisses d'un doigt, on
après la levée, on plante les jeunes Canneliers les racle, puis on en détache les écorces que
à leur emplacement définitif en leur donnant l'on sèche le plus rapidement possible.
une distance de 2 à 4 m. La multiplication

AQUICULTURE POTAGERE AU CONGO BELGE.

Des expériences sont entreprises actuelle- 2° LA CULTUREEN SUBIRRICATION. — Le bac


ment à Léopoldville, et à Yangambi, en vue de culture contient un substrat choisi (gravier
de la production rationnelle et économique siliceux, gravier du Rhin). Les cailloux cal-
de légumes par le procédé spécial de l'aqui- caires ne conviennent pas. Les plantes sont
culture, semées ou repiquées dans ce. substrat. La
La pratique actuelle de l'aquiculture dérive
des résultats de cultures obtenus, à l'aide
exclusif de solutions nutritives, depuis plus
d'un demi-siècle.
Une étude complète du sujet a été publiée
récemment par le Prof. MARCELV. HOMÈSet
JACQUESR. ANSIAUX,Chef des Travaux, de
l'Université Libre de Bruxelles. (Ministère
des Colonies, Direction de l'Agriculture,
Bruxelles, 1949, 116 pages, 39 fig.) L'on doit
s'y référer intégralement en vue de son appli-
cation.
Quatre modes différents sont examinés :
l'aquiculture proprement dite; la culture en
subirrigation; la culture à niveau constant
(circulation) et la culture à liquide perdu
(percolation)
1° L'AQUICULTURE PROPREMENT DITE. —
Quoiqu'on en ait pensé, ce n'est pas le mode
Culture en subirrigation. Bac en maçonnerie recouvert
d'un enduit anti-acide. On remarque la disposition du
substrat : éléments grossiers dans le fond, surmontés
d'une couche de graviers plus fins.
(Installations expérimentalesde Léopoldville.)

solution nutritive baigne jusqu'à un niveau


déterminé, mais peut s'écouler du bac et y
être ramenée par le dispositif d'irrigation.
le plus pratique. Il y a notamment à veiller
3° LA CULTUREA NIVEAU CONSTANTOU A
particulièrement au soutien des plantes.
SOLUTIONNUTRITIVECIRCULANTE.— Dans ce
668 CULTURES POTAGÈRES ET PLANTES CONDIMENTAIRES

cas-ci, la mobilité de la solution est aussi FORMULESPRÉCONISÉESPAR LES AU.TEURS:


nécessaire que dans la subirrigation. Le sub- A. 1° Nitrate de calcium. 0.600
Nitrate de potasse 0.250
strat doit présenter les mêmes caractéristiques Nitrate de magnésie 0.500
que dans cette technique. (cristallisé hydraté)
Phosphate monopotassiquc 0.350
4° LA CULTUREA LIQUIDEPERDU.- - Le sub- Chlorure de sodium 0.050
strat du bac de culture reçoit, par intervalle,
une certaine quantité de solution nutritive Concentration totale en produits de base : 1.750
qui le mouille. L'excédent du liquide s'écoule 2° Nitrate de potasse 0.200
Nitrate d'ammoniaque 0.600
par le bas. Le bac doit être muni d'un orifice 0.200
d'écoulement. Superphosphate
Sulfate de magnésie 0.075
Chlorure de sodium. 0.050
Concentrationtotale en produits de base : 1.125
3° Nitrate d'ammoniaque 0.750
Superphosphate 0.200
Sulfate de potasse 0.200
Sulfate de magnésie 0.075
Chlorure de sodium. 0.050
Concentrationtotale en produits de base : 1.275
B. Corps oligodynamiquesen milligrammes par litre.
Acide borique 3
Sulfate de manganèse cristallisé 3
Sulfate de zinc cristallisé. 1
Sulfate de cuivre cristallisé 0,5
Le calibre du gravier doit être plus fin. On En ce qui concerne les sels de fer, 10 milligrammes
a utilisé du gros sable très pur. Il est possible de sulfate de fer suffisent.
d'utiliser un substrat calcaire. Le soutien des
En 1918, on renseignait de Léopoldville que
plantes ne soulève pas de problème. Le tuteu- ] installation comprenait deux bacs de culture
rage est aisé.
longs d'une vingtaine de mètres chacun et
— Elle peut varier, larges de un mètre cinquante. Le procédé en
Solution nutritive.
subirrigation a été suivi. Les produits récoltés
mais les formules doivent remplir les condi- une qualité au moins égale à
représentaient
tions suivantes : celle que l'on peut obtenir en pleine terre, et
on a même constaté que pour certains de
1° L'acidité doit être maintenue par le
contrôle du pH. Le pH le plus favorable se ceux-ci, on pouvait obtenir, par la culture
en liquide, un développement qu'il était impos-
situe entre 5 et 6,5.
sible de réaliser dans les conditions ordinaires.
2° La concentration ne peut être élevée. Ce fut notamment le cas pour la tubérisation
Elle doit être de un à trois grammes par des racines chez le Céleri-rave. Les produits
litre (1,5 à 2 semble la meilleure). récoltés étaient également sains et d'excellente
Les éléments majeurs à y introduire sont : qualité.
A Yangambi, l'essai a permis aussi de se
l'azote sous forme de nitrates et de sels rendre compte de la qualité des produits
d'ammonium ; obtenus. Là, pour varier les principes mis à
le phosphore sous forme de phosphates; l'épreuve à Léopoldville, on a protégé les
le soufre sous forme de sulfates. cultures contre les pluies par une couverture
vitrée. Le dispositif utilisé était celui de la
Ces sels (nitrates, phosphates, sulfates) sont circulation à niveau constant. Treize kilo-
choisis de telle manière qu'ils apportent. grammes de Tomates ont été obtenus au m2.,
d'autre part, en proportion convenable, les soit le double d'une récolte sur sol.
éléments suivants : potassium, magnésium, Dans leur étude, HOMÈS et ANSIAUXenvi-
calcium, sodium. sagent objectivement les avantages et les in-
On prépare aussi une solution mère de convénients de l'aquiculture. Ils n'omettent
corps oligodynamiques, dont les plus utiles pas le point de vue économique et social.
sont le bore (sous forme de borate de sodium Un jalon important dans la voie progressive
ou d'acide borique), le cuivre et le manganèse des exploitations horticoles du Congo a été
(par exemple sous forme de sulfates). posé par les expériences d'aquiculture.
Industries Coloniales
Agricoles
Par J. BONNET
Ingénieur Agronome Colonial,
Professeur à l'Institut Agronomique de l'Etat, à Gembloux.

HUILERIE. EXTRACTION DE L'HUILE.


ES huiles végétales sont utilisées Pour extraire l'huile, on opère par fusion,
dans l'alimentation, dans l'indus- par expression, par essorage, par extraction
trie, dans la savonnerie et comme à l'aide de dissolvants volatils, et récemment
combustible. on a même proposé un procédé bactériolo-
L On donne le nom d'huile à un gique.
mélange de glycérides d'origine
1. Extraction par fusion. - C'est le
végétale ou animale conservant l'état liquide
à la température ordinaire, et celui de graisse procédé le plus ancien.
ou huile concrète à un mélange de glycérides Il consiste à mettre les fruits en tas et à
qui se solidifie à la température ordinaire les exposer à l'action d'une douce chaleur.
(huile de Palme, de Palmiste, de Coco). L'huile fond et s'écoule du tas. Une améliora-
Les glycérides sont les éthers résultant de tion de ce procédé tout à fait primitif consiste
la combinaison de la glycérine avec des acides à opérer par voie humide. La pulpe ou les
gras saturés ou non; cette combinaison s'ef- fruits, préalablement divisés, sont mélangés
fectue de plusieurs façons, donnant ainsi des avec de l'eau et le mélange est soumis à
l'ébullition. L'huile ou la matière grasse sur-
produits de propriétés différentes.
Les huiles et graisses végétales se rencon- nage et on la sépare par décantation.
trent surtout Les rendements sont très faibles; aussi
dans l'amande des graines
l'extraction par fusion a-t-elle été abandonnée
(Ricin, Lin, Elaeis) ; parfois elles sont locali-
sées dans l'embryon de la graine (Arachide, pour les huiles végétales.
Colza, Maïs, Noix), ou bien dans la pulpe 2. Extraction par expression. - Elle
qui entoure l'amande (Olive, Elaeis). On consiste à soumettre la matière oléagineuse
trouve également de l'huile dans les noyaux à une pression assez élevée sous laquelle
et les pépins de la plupart des fruits. l'huile est chassée des cellules et s'écoule au
On ne connaît pas encore très bien le dehors.
pro-
cessus de formation de la matière grasse dans Pour faciliter cette expression, il est néces-
l'organisme végétal. On pense que la princi- saire de faire subir aux fruits certaines
pale source serait les hydrates de carbone. La préparations.
molécule de sucre se dédoublerait en aldéhyde Il importe tout d'abord de séparer des
acétique et acide pyruvique, lesquels seraient graines toutes les matières étrangères (terre,
à la base de la synthèse de la matière débris de fer, bois, feuilles) qui saliraient
grasse.
Les huiles liquides se divisent en huiles l'huile ou détérioreraient les machines.
siccatives (Lin, Chanvre, Œillette), en huiles Ce nettoyage se fait mécaniquement dans
demi-siccatives (Maïs, Coton, Colza), et en des trieurs où les fruits sont classés suivant
huiles non siccatives (Arachide, leur volume, leur forme, leur densité. A ces
Olive, Ricin).
Une huile siccative est une huile
qui au trieurs font suite des séparateurs magnéti-
contact de l'air absorbe l'oxygène et se trans- et des
forme en un produit ques brosses.
ferme, dur et transpa- Lorsque l'huile se trouve dans la pulpe
rent.
entourant un noyau (Elaeis), on sépare sou-
Une huile est demi-siccative
quand ce dur- vent cette pulpe du noyau avant la pression.
cissement à l'air s'effectue très lentement. On utilise, à cet effet, des épulpeurs qui peu-
670 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

vent être constitués de tambours octogonaux PRESSION: la pâte convenablement chauffée


garnis extérieurement de tôle déployée for- est soumise à la pression. Celle-ci est obtenue
mant ainsi raclettes. au moyen de presses hydrauliques. Elles com-
Si l'huile est contenue dans l'amande, il est prennent un corps cylindrique vertical, en
souvent nécessaire de briser la coque entou- métal très résistant, dans lequel se meut un
rant cette amande. Parfois aussi cette enve- piston surmonté d'un plateau. Le corps cylin-
loppe contient une matière colorante ou drique se prolonge en hauteur par des colon-
odorante dont il faut éviter le contact avec nes en acier portant la tête de la presse. Une
l'huile. Le décorticage s'effectue en faisant chambre aménagée dans le corps de presse,
passer les fruits entre deux cylindres à écar- et limitée par la partie inférieure du piston,
temènt convenablement réglé de façon à bri- est reliée à une pompe ou à un compresseur
ser la coque sans toucher à l'amande. Si cette d'eau par une tuyauterie résistante avec ma-
amande est mobile, ou n'adhère pas à la co- nomètre et appareil de sécurité. L'eau sous
que, la séparation par la force centrifuge est pression sortant de la chambre pousse le
très facile. piston, le plateau s'élève et comprime les
On isole ensuite les amandes des débris de matières déposées entre le plateau et la tête
coques à l'aide de tamis oscillants, de tarares, de presse. Ce plateau porte une gouttière
ou bien en projetant le mélange dans une périphérique afin de recueillir l'huile. Pour
solution de sel ou une suspension d'argile : donner satisfaction, une presse doit pouvoir
les amandes surnagent tandis que les coques, exercer une pression lente mais progressive.
plus lourdes, tombent au fond du récipient. On distingue trois types de presses hydrau-
Les amandes sont ensuite soumises à un liques :
broyage afin de détruire les cellules oléifères. 1° Presses marseillaises. - Dans celles-ci
On utilise à cet effet des meules valseuses la tête de presse est supportée par deux
verticales (Olive) dans le genre des broyeurs colonnes.
servant anciennement à la confection du mor- La pâte à presser est disposée dans des
tier, ou bien des moulins à cylindres. Le degré scourtins, sortes de bérets tissés en fibres de
de mouture varie avec le genre de presse
coco, d'alfa, de chanvre. Les scourtins sont
utilisé.
empilés les uns sur les autres, entre la tête
Pour les huiles industrielles, l'extraction et le plateau de la presse, et entre deux scour-
se fait à chaud afin d'obtenir le maximum tins on place une tôle ondulée pour éviter le
de rendement. Pour les huiles comestibles de
qualité supérieure, l'extraction se fait au
contraire à froid; le rendement est moindre,
mais la qualité est meilleure.
Cette différence tient au fait que l'huile
chaude absorbe facilement les matières colo-
rantes et odorantes.
Le chauffage de la pulpe ou des amandes
broyées se fait dans des appareils spéciaux
appelés chauffoirs. Ce sont des cuves cylin-
driques, à double enveloppe pour la circula-
tion de la vapeur, et portant à l'intérieur un
agitateur à bras ou à hélice. Ces chauffoirs
sont simples, doubles ou triples, c'est-à-dire
qu'ils sont divisés en 1, 2 ou 3 chambres de
chauffe superposées, la matière passant auto-
matiquement de l'une dans l'autre.
Ils sont supportés par des colonnes en
fonte et peuvent desservir plusieurs presses;
souvent aussi ils sont montés directement sur
la presse (expeller).
La température de chauffage varie de 350
à 100° suivant les types d'huile.
Parfois, au cours du chauffage, il est néces-
saire de mouiller la pâte; dans d'autres cas,
il faut la sécher préalablement dans une
étuve à air chaud. Presses marseillaises.
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 611

glissement et pour provoquer un bon drai-


nage de l'huile,
Avec ces presses, on ne peut dépasser 250
à 300 kgrs par cm2; au delà de cette pression,
les scourtins se déchirent.
2J Presses anglo-américaines. — La tête de
presse est supportée par quatre colonnes.
Entre celles-ci glissent des plaques d'acier,
portant des nervures ou des perforations, et
suspendues l'une à l'autre par des maillons.
Elles jouent le rôle des tôles ondulées sépa-
rant les scourtins précédents.
La pâte à presser est tout d'abord moulée,
soit à la. main, soit mécaniquement, sous forme
d'un gâteau, d'habitude rectangulaire, que
l'on place ensuite entre lej plaques d'acier.
L'appareil à mouler fait souvent corps avec
le chauffoir; un appareil peut desservir plu-
sieurs presses.
Au cours du moulage, la pâte est envelop-
pée d'une toile en alfa, en poils de chameau,
etc., portant le nom d'étrindelle.
La pression avec ce type de presse peut
monter jusque 4 à 500 kgrs par cm2.
Avec ces deux types de presse, on ne peut,

Presse à deux colonnes


avec appareil tasseur et chariot à cages.

en une pression, extraire toute l'huile de la


pâte. Les gâteaux de première pression, dé-
barrassés de leur scourtin ou étrindelle, sont
concassés, réchauffés, remoulés et soumis à
une seconde pression. Ce travail demande
donc assez bien de main-d 'œuvre.
30 Presses à cage. — La pâte à
presser est
placée dans une cage métallique cylindrique
ou rectangulaire, se plaçant entre le plateau
de presse et la tête, et calibrée de façon que
le plateau puisse s'y engager exactement.
Ces cages sont en tôle d'acier perforée de
trous tronconiques, ou bien constituées de
lattes d'acier disposées côte à côte, à faible
écartement, et solidement maintenues par des
frettes en acier.
La pâte y est introduite par portions suc-
cessives; chaque portion est recouverte d'une
étrindelle circulaire ou carrée et d'une
Presse anglo-américaine. plaque
d'acier ondulée.
672 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

Les presses à cage permettent d'exercer de 4. Extraction par dissolvants volatils. —


fortes pressions, sans danger de glissement Le procédé consiste à faire passer, sur la
ou de déchirure des étrindelles. Elles sont matière réduite en farine grossière, un liquide
volatil dissolvant la matière grasse, puis de
séparer par distillation le dissolvant et la
matière grasse entraînée.
Les dissolvants employés sont nombreux.
On fait usage de sulfure de carbone, d'éther
de pétrole, de chloroforme, de tétrachlorure,
de trichloréthylène, etc. Mais aucun ne dissout
la matière grasse seule à l'exclusion des
autres corps solubles tels que des matières
colorantes, des résines et corps analogues.
L'appareillage comprend l'extracteur, dans
lequel se place la farine à épuiser, et le
distillateur où se fait la séparation du dissol-
vant (qui peut servir à nouveau) et de la
matière grasse.
Presse continue Atlas. Lorsque ces deux appareils sont séparés,
l'extraction se fait à froid. Lorsqu'ils sont
souvent réservées aux matières dont la ri- réunis sous une variante de l'extracteur
chesse en huile dépasse 40 Soxhlet de laboratoire, on dit que l'extraction
se fait à chaud. Le premier procédé est celui
Presses continues ou expellers. — Les pres-
que l'on rencontre le plus fréquemment. On
ses hydrauliques fonctionnent d'une manière
dispose généralement plusieurs extracteurs
intermittente et exigent une main-d'œuvre
pour un même distillateur; le travail est plus
assez conséquente. Pour la réduire et obtenir continu et la marche rappelle celle d'une
un travail continu, les Américains ont réalisé batterie de diffusion.
une presse mécanique ou « expeller ».
Elle consiste en une vis d'Archimède On trouve aussi de plus en plus des extrac-
teurs continus dans lesquels la farine entre
tournant dans une enveloppe métallique per-
à une extrémité pour en sortir épuisée à
forée. Le pas de la vis varie d'une extrémité
à l'autre, de façon à réaliser une pression l'autre, le dissolvant suivant le chemin inver-
La matière moulue sortant du se, allant donc à la rencontre de farines de
progressive.
chauffoir tombe au début de la vis et est plus en plus riches et par conséquent s'enri-
chissant lui-même de plus en plus.
poussée vers l'autre extrémité. L'orifice de
sortie est réglable au moyen d'un cône, de L'extraction par dissolvants est souvent
sorte que l'on peut faire varier la pression réservée aux huiles de faible valeur, ne con-
à son gré. venant pas à l'alimentation.
L'huile s'écoule par les orifices de l'enve- Toutefois, on arrive actuellement par un
loppe et est recueillie dans un bac collecteur. raffinage soigné à obtenir des huiles comes-
Les expellers sont d'un usage courant en tibles par extraction.
Amérique.
En Europe, ils servent principalement de RAFFINAGE DES HUILES.
presse préparatoire, la pression définitive
étant faite par des presses hydrauliques. L'huile obtenue par pression ou par extrac-
tion est rarement limpide et pure. Elle
3. Extraction par essorage. — Ces der- entraîne toujours un peu d'eau, des muci-
niers temps, on a essayé d'extraire l'huile par lages, des impuretés, des matières colorantes
essorage, et le procédé est d'application dans et odorantes que l'on doit enlever.
diverses huileries du Congo Belge. De plus, elle est rarement neutre.
La pulpe oléifère, convenablement chauffée Le raffinage comprend :
et divisée, est déversée dans le panier perforé
d'une turbine tournant à grande vitesse. Sous 1° Clarification. — Celle-ci s'obtenait
l'action de la force centrifuge, la pulpe est autrefois par déposage suivi de décantation.
appliquée contre la paroi du panier, laquelle Aujourd'hui, on clarifie souvent par injection
la retient, mais l'huile passe au travers des d'eau chaude ou de vapeur qui coagule les
et est ensuite recueillie. matières albuminoïdes, et la séparation de
perforations
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 673

Groupe d'extracteurs simples « Bataille ».

l'huile et du dépôt s'effectue par filtration propriétés d'adsorption des agents physiques
dans des filtres presses, des filtres Philippe tels que le noir animal, la terre à foulon, les
ou par centrifugation. terres décolorantes, le kieselguhr, etc., ou bien
La clarification s'obtient aussi à l'aide de on détruit la matière colorante à l'aide
produits chimiques, tels l'acide sulfurique, d'agents chimiques : soude, acide sulfurique,
la potasse, la soude, etc., mais leur emploi doit vapeur, ozone, bichromates, chlore et hypo-
faire l'objet de précautions spéciales et l'huile chlorites, anhydride carbonique, etc.
obtenue doit être lavée et filtrée.
4° Désodorisation. — Bien souvent l'huile
2" Neutralisation. — Elle est nécessaire soumise au blanchiment est en même temps
lorsque l'on travaille mal ou que l'on traite désodorisée par le même traitement.
des fruits avariés, mal récoltés ou mal con- Lorsque l'odeur persiste, on peut l'éliminer
servés. La neutralisation consiste le plus sou- par entraînement à la vapeur d'eau et sous
vent à traiter l'huile par des lessives de soude vide. L'emploi du vide est indispensable afin
ou de potasse, des silicates, des borates ou de d'éviter l'attaque des glycérides par l'oxy-
la chaux; les acides gras libres se transfor- gène de l'air et la température, et de prévenir
ment en savon que l'on sépare ensuite. Par- le goût de cuit qui en résulterait.
fois, un courant de vapeur suffit à entraîner
les acides gras libres volatils. 5° Démargarination. — Quand on soumet
l'huile à une température quelque peu basse,
3° Blanchiment. — Les matières colorantes on remarque que des glycérides se solidifient
des graines (chlorophylle, xanthophylle, éry- et forment un amas auquel on a donné le
throphylle) passent souvent dans l'huile avec nom de « margarine » (ne pas confondre avec
l'extraction. la margarine alimentaire). La séparation se
Pour décolorer de telles huiles, on utilise les fait par décantation, filtration ou essorage.

22
674 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

La démargarination est surtout employée fixe sont frictionnées; les coques se brisent
pour les huiles alimentaires. et le mélange (coques + amandes) tombe dans

Le raffinage de l'huile est le résultat des


traitements précédents appliqués à l'huile
brute. Mais tous ne sont pas nécessaires au
raffinage de telle huile déterminée.
Il existe, en effet, pour chaque huile, un
processus spécial à suivre et qui souvent a été
déterminé par l'expérience, tel agent chimi-
que ou physique convenant à une huile et
pas à une autre; de même il arrive qu'un
même agent épurant est capable de neutra-
liser, blanchir et désodoriser une huile.

EXTRACTION DE L'HUILE DE COTON.


Dans les stations d'égrenage, les capsules
de coton sont passées dans des égreneuses Décortiqueur à disques.
afin de séparer les graines des fibres. Cer-
taines variétés donnent des graines qui se une suite de tarares et de cribles qui opèrent
laissent facilement déshabiller, tandis que la séparation. Un seul passage dans le décor-
d'autres gardent des fibres courtes ou tiqueur ne suffit pas. Il en faut généralement
« linters ». deux ou trois.
Les graines de coton renferment, en poids,
de 45 à 60 3. Mouture. — Les amandes sont moulues
d'amandes et 40 à 55 de
en farine à l'aide de broyeurs à deux ou
coques. La teneur en huile varie dans les limi-
tes suivantes :
Graines non décortiquées 16 à 24
Amandes 34 à 40
Coques 0,4 à 1,2
L'amande contient une matière colorante
d'un jaune brun qui communique à l'huile
une couleur variant du rouge rubis au rouge
foncé. Cette matière colorante, soluble dans
l'huile, disparaît par le traitement aux alcalis.

Les opérations se succèdent dans l'ordre


suivant :
1. Nettoyage des graines. — On les débar-
rasse des poussières, cailloux, terre, débris de
bois en les passant dans des tarares suivis de
séparateurs magnétiques qui retiendront les
impuretés métalliques.
2. Décorticage. — Comme la coque
n'adhère pas à l'amande, le décorticage et la
séparation des amandes sont faciles. Les grai-
nes blanches (pourvues de linters) sont tou-
jours décortiquées. Pour cette catégorie, cer-
taines usines enlèvent les linters au préalable,
à l'aide d'égreneuses, dans le but de les
récupérer. Les graines noires (sans linters)
ne sont pas décortiquées lorsque l'on n'envi-
sage que la production d'huile non alimen-
taire. On se sert d'un appareil constitué de
deux disques à relief, l'un fixe, l'autre Installation de presses ouvertes
mobile, à écartement réglable. Les graines avec chauffoir quintuple
déversées par une trémie dans l'axe du disque et machine à mouler automatique,
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 675

plusieurs cylindres. Le broyeur anglo-améri- expellers peuvent travailler 8 tonnes de grai-


cain à cinq cylindres peut débiter de 40 à nes par 24 heures, laissant environ 6
160 tonnes de graines par 24 heures selon les d'huile dans la farine.
dimensions des cylindres. 7. Epuration de l'huile. — L'huile obte-
nue a une bonne odeur, mais elle est colorée
4. Chauffage de la farine. — La farine
doit subir un chauffage à une température (rouge) et a une saveur très amère. Elle doit
de 100° C, parfois plus. Il s'effectue dans
des cuiseurs simples ou à étages multiples,
chauffés à la vapeur. Les chauffoirs de
1,4.0 m. de diamètre et à quatre chambres de
0,65 de haut peuvent traiter 35.000 kgrs de
farine par jour.
5. Moulage. — La farine chauffée est
moulée avant d'être soumise à la pression.
Pour la presse anglo-américaine, le gâteau
est enveloppé dans une étrindelle. La machine
à mouler est placée immédiatement au-dessous
du chauffoir. Il importe que les gâteaux
soient d'un poids régulier et uniforme pour
une pression donnée; les gâteaux, d'autre
part, seront d'une même épaisseur. On peut,
avec des mouleuses automatiques, préparer de
6 à 8 gâteaux par minute et d'un poids de
15 livres (lbs).
6. Pression. — Les gâteaux sont portés
sous la presse hydraulique. L'huile s'extrait
par une seule pression de 240 à 250 kgrs
par cm2.
Les tourteaux contiennent encore de l'huile;
5 à 10 pour les graines décortiquées et
jusque 20 pour les graines non décorti-
quées.
Aux Etats-Unis, on utilise parfois les
expellers. Dans ce cas, la farine est préala-
blement séchée jusqu'à 1 à 2 d'eau. Ces Filtre décanteur.

donc être épurée. Le raffi-


nage comprend :
a) FILTRATIONDE L'HUILE.
— Celle-ci a pour but d'en-
lever les débris d'amandes
ou de farine qui auraient
passés dans l'huile. A cet
effet, on se sert de filtres
décanteurs constitués d'une
cuve cylindrique à l'inté-
rieur de laquelle se trouve
un cylindre en fine toile
métallique.
b) DÉCOLORATION.— La
matière colorante rouge est
précipitable par les alcalis
(lessives de soude à 5-16°
Baumé). Afin que la préci-
Installation de presses anglo-américaines pitation se fasse convenable-
pour le traitement de la graine de coton. ment, l'huile doit être portée
676 INDUSTRIESAGRICOLES COLONIALES

à 500 C environ. La quantité de soude doit EXTRACTION DE L'HUILE DE PALME.


être exactement déterminée, au préalable,
L'huile de palme provient de la pulpe du
par des essais au laboratoire.
L'huile ainsi obtenue possède encore une fruit du palmier Elaeis. Ce dernier fructifie
couleur jaune citron. Le savon précipité est en régimes. Le poids du fruit et l'épaisseur
de la pulpe sont très variables et fonction
appelé « crasse de coton ».
Ce raffinage par la soude donne l'huile de la variété.
Le poids d'un fruit varie de 5 à 20 grs;
jaune d'Eté.
— Quand on soumet l'épaisseur de la pulpe de 1 à 6 mm. environ.
c) DÉMARGARINATION. Un fruit donne de 27 à 71 de pulpe ren-
l'huile de coton à un refroidissement, elle fermant de 30 à 70 de matière grasse.
laisse déposer beaucoup de palmitine. Aussi L'ensemble du régime a un poids de 5 à
une bonne partie de l'huile comestible est-elle 15 kgrs et même plus.
soumise à la démargarination. On la refroidit La pulpe qui entoure le noyau est excessi-
lentement à 0° C, température que l'on main- vement altérable et l'on constate que l'altéra-
tient pendant 5 heures. Par filtration, on tion commence par la base du fruit, au point
obtient, d'une part de l'huile jaune d'Hiver où celui-ci est fixé sur les rafles du régime.
et, d'autre part, de la margarine de coton. Si le fruit reste attaché au régime, l'altération
Celle-ci représente 16 à 18 de la quantité est beaucoup plus lente. Elle est due aux
d'huile traitée. lipases, n'agissant donc que lorsque le fruit
d) BLANCHIMENT. — Les huiles destinées à est détaché et consiste en une hydrolyse des
la consommation sont généralement blanchies. glycérides en glycérine et acides gras; l'aci-
On utilise les adsorbants habituels (terre à dité augmente. Il faut donc récolter les
foulon ou noirs activés) L'huile séchée et regimbes en entier et n'en détacher les fruits
portée à 110°, est agitée en présence de l'ad- qu'au tout dernier moment. L'extraction doit
sorbant pendant une quinzaine de minutes. absolument se faire sur place.
L'opération est conduite sous vide partiel.
On séparera ensuite l'huile blanche de l'ad- Extraction indigène.
sorbant par filtration dans un filtre-presse.
— Les huiles comestibles Jusqu'en ces dernières années, la majeure
e) DÉSODORISATION.
sont parfois désodorisées. Le travail consiste partie de l'huile de palme du Congo prove-
nait d'extraction indigène. Celle-ci se fait de
à les soumettre à une température de 200 à
225° obtenue par de la vapeur surchauffée façons différentes suivant les régions. Dans
et sous pression réduite. La matière odorante certaines, les indigènes placent les régimes en
tas qu'ils recouvrent de feuilles de Bananiers
est décomposée et enlevée avec les vapeurs
et les abandonnent pendant quelque temps à
entraînées au condenseur de l'appareil. la fermentation (de 1 à 5 jours). Lors de la
reprise, les fruits se détacheront facilement;
On rencontre dans le commerce quatre
sortes d'huile de coton, suivant qu'elle aura
été soumise ou non à la démargarination et
au blanchiment.
Ce sont : l'huile jaune d'Eté; l'huile jaune
l'Hiver; l'huile blanche d'Eté; l'huile blan-
che d'Hiver.

Rendements et destination des produits.

Indigène découpant un régime.


(Photo LÉONARD.)
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 677

il suffit de battre le régime. Les fruits sont Quand elle n'est pas employée sur place à la
alors réunis dans des pots en terre cuite; on fabrication de savon, l'huile indigène doit
les additionne d'eau et on fait bouillir pen- être épurée avant son expédition en Europe.
dant quelques heures pour ramollir la pulpe, L'épuration comprend un chauffage à 100-
après quoi l'indigène les place dans un mor- 110°, suivi de décantation et d'un tamisage.
tier creusé dans un tronc d'arbre ou dans une Elle est ensuite mise en tonneaux.
vieille pirogue et les broie grossièrement de
façon à les réduire en bouillie. Cette bouillie
est alors additionnée d'eau chaude, pilonnée
de nouveau et triturée à la main en isolant le
plus possible les noyaux. L'huile libérée vient
surnager et on la sépare par décantation.
Cette huile est bouillie pendant quelques
heures, l'eau s'évapore et les impuretés préci-
pitent ou surnagent.
Dans d'autres régions, la fermentation des
régimes se fait dans des fosses et non plus
en tas, mais la suite des opérations reste la
même. On comprend facilement que, par ces
procédés, le rendement en huile est très faible :
1/3 environ de l'huile est extraite. Dans le
Nord-Est du Congo, les Noirs soumettent la Paniers chargés de régimes
des suspendus à un rail
pulpe fibreuse, séparée préalablement pour être conduits dans l'autoclave.
noyaux et chauffée, à une certaine pression
Extraction industrielle.
Elle comporte les opérations suivantes :
1° Stérilisation des régimes. — Les régi-
mes, amenés à l'usine immédiatement après
la cueillette, sont aussitôt soumis à une stéri-
lisation afin de détruire les enzymes hydroli-
sant la matière grasse. Cette stérilisation se
fait dans des autoclaves à double enveloppe,
chauffés à la vapeur. Les régimes y restent
1/2 heure sous 0,5 atmosphère de pression.
2. Egrappage. — Les régimes retirés de
l'autoclave sont soumis à l'égrappage afin
de séparer les fruits des rafles. Cette sépara-
tion s'effectue dans des cylindres à axe munis
Extraction de l'huile par torsion. de bras qui battent les régimes et en déta-
(Photo LÉONARD.)

obtenue par torsion. Le rendement est


meilleur.
L'huile obtenue par ces procédés indigènes
est parfois assez pure, d'une belle couleur
orange, mais c'est souvent l'opposé : couleur
foncée, odeur mauvaise, impuretés nombreuses
et acidité très élevée.
USAGES. — L'indigène consomme une
bonne partie de l'huile de palme qu'il
pro-
duit. Elle est la base de son
alimentation;
elle entre dans la confection des remèdes fa-
miliers; il s'en enduit le corps en toutes occa-
sions et l'utilise parfois pour son
éclairage.
L'excédent seul est vendu aux factoreries.
Stérilisateur horizontal.
678 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

Mais à l'usage, surtout pendant la guerre,


on s'est aperçu que les égrappeurs ne don-
naient pas entière satisfaction : usure très
rapide, noix de palme éliminées avec les
rafles.
C'est pourquoi certaines huileries ne prati-
quent plus la stérilisation des régimes, mais
traitent seulement les fruits.
Les régimes cueillis sont découpés en tron-
çons à la plantation, afin d'en enlever la
majeure partie des rafles. Ils sont envoyés à
l'huilerie où l'on achève l'égrappage mécani-
quement ou à la main. Les fruits sont immé-
diatement stérilisés dans des autoclaves verti-
caux, en charge sur le malaxeur.
Cette pratique du découpage des régimes à
la plantation n'est pas souhaitable, beaucoup
de fruits sont blessés et l'acidité s'élève rapi-
dement. Si l'on désire pratiquer la stérilisa-
Egrappeur à cylindre trieur. tion des fruits, et non des régimes, il serait
préférable de ne refendre les régimes qu'au
moment du chargement de l'autoclave.
chent les fruits. L'égrappeur est suivi d'un
cylindre trieur laissant passer les fruits et 3. Malaxage des fruits. — Il est nécessaire
retenant les rafles. de malaxer les fruits stérilisés de façon à

Batterie de presses révolvers avec chauffoirs.


INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 679

briser les cellules oléifères et à désagréger la


pulpe encore quelque peu adhérente. Ce ma-
laxage se fait mécaniquement dans des cuves
avec agitateurs ou dans des cylindres avec
batteurs.
On peut faire suivre le malaxage d'un
épulpage afin de séparer les noyaux de la
pulpe. Mais, en général, on ne le pratique
pas et on soumet à la pression la pâte con-
tenant pulpe et noyaux.
4. Chauffage. - Avant la pression, la
pâte doit être chauffée vers 100-1100, car lors
de la pression les fruits doivent encore être
à 70° pour que l'huile s'écoule facilement. Ce
chauffage peut se réaliser dans l'appareil à
malaxer qui est alors muni d'une double
enveloppe pour la vapeur. Parfois on rechauf-
fe la pâte par injection de vapeur surchauf-
fée ou d'air chaud : procédé excellent, car
l'eau de la pulpe est ainsi évaporée.
5. Pression.
A. PAR VOIESÈCHE.- On utilise les presses
à cage dans lesquelles la pâte est soumise à
une pression de 400 à 425 kgrs par cm2. Lors- Appareil pour l'extraction centrifuge
que la pression dépasse 100 kgrs, des matières de l'huile de palme (Manlove).
cellulosiques sont entraînées avec l'huile et
on les sépare par après. exige le dépulpage préalable des fruits. On
Aux Indes, on rencontre souvent les presses a remplacé aussi les presses hydrauliques et
continues ou expellers, mais leur utilisation les expellers par l'extraction centrifuge qui
permet de retirer 85 à 90 de l'huile.
B. PAR VOIE HUMIDE.— Les fruits sortant
de l'autoclave sont malaxés et chauffés avec
une certaine quantité d'eau. Ils sont désa-
grégés en une bouillie fibreuse dont on sépa-
rera l'huile par centrifugation dans une tur-
bine à panier plein. Ce système par voie
humide permettrait de retirer environ 92
de l'huile, alors que par voie sèche l'extrac-
tion se limiterait à 90
6. Purification de l'huile. — L'huile de
palme obtenue contient de l'eau et des ma-
tières cellulosiques et mucilagineuses entraî-
nées par la pression.
L'eau est éliminée par chauffage à une
température supérieure à 100° C et sous
agitation continue. Les matières en suspension
sont séparées par filtres-presses ou par cen-
trifugation. Pendant cette opération, l'huile
doit être maintenue à 75° C. Souvent on se
contente d'un lavage à l'eau chaude suivi
de décantation ou de centrifugation.
Pour usage alimentaire (margarine), l'huile
de palme est parfois blanchie par chauffage
Appareil pour la purification à haute température (180 à 250°) avec insuf-
de l'huile de palme. flation d'air chaud ou de vapeur d'eau.
680 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

7. Traitement des tourteaux. — Les tour-


teaux obtenus par pression ou centrifugation
sont constitués d'un mélange de fibres et de
noix. On les sépare au moyen de dépulpeurs

Tambour dépulpeur et sécheur à travail continu


(Système Krupp-Forminière).

Défibreur Manlove, Alliott & Co.

ou défibreurs, cylindres à paroi perforée


très rugueuse contre laquelle le mélange est
projeté et frictionné par les bras de l'axe.
Les noix de palme extraites sont séchées par
séchage naturel au soleil ou par séchage arti-
ficiel. Ce dernier est de règle dans les huile-

Concasseur à noix de palme.

Indigènes concassant des noix.


(Photo LÉONARD.)

ries industrielles et s'effectue en faisant pas-


ser un courant d'air ou de gaz chaud dans Noix de palme séchant au soleil.
le défibreur même. A l'arrière-plan :
Il arrive que la fibre séparée des noyaux installation pour la préparation du cacao.
soit réchauffée et soumise à une seconde (Photo Inéac.)
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 681

pression afin d'en extraire le maximum plus courant et le plus économique. Le perfec-
d'huile. La fibre épuisée est brûlée dans les tionnement de l'outillage et du raffinage
chaudières ou sert à la préparation de permet l'obtention d'une huile d'excellente
composts. qualité.
Les noix de palme sont constituées d'une Les dissolvants les plus utilisés sont la
amande entourée d'une coque résistante. benzine et l'éther de pétrole.
L'amande porte le nom de « palmiste » ou Les tourteaux de pression renferment encore
« coconotte ». Elle renferme de 40 à 53 7 à 8 d'huile; la farine d'extraction n'en
d'huile. On les expédie en Europe ou en contient plus que 1 à 2 On les destine à
Amérique. La séparation des coques de Palimentation du bétail.
l'amande « palmiste » s'effectue sur place.
Comme cette amande n'adhère pas à la coque, PROPRIÉTÉSET USAGES. - L'huile de palmiste
la séparation en est facile. Le concassage des est solide à la température ordinaire (20° C).
Elle a plutôt l'aspect d'une graisse blanche,
coques est réalisé à la main par les indigènes,
et mécaniquement dans les exploitations in- jaunâtre ou grisâtre.
dustrielles. Un triage isole ensuite les coco- Ses principaux débouchés sont la savonne-
nottes. On les laisse sécher au soleil ou au rie et la margarinerie.
séchoir avant leur expédition.
EXTRACTION DE L'HUILE DE COCO.

Elle est extraite de l'amande des fruits du


Cocotier. Le fruit est une drupe; la pulpe
est fibreuse (coïr) et utilisée dans l'industrie
textile. Le noyau est une grosse noix consti-
tuée d'une enveloppe ligneuse entourant une
couche d'albumen solide et blanc (coprah)
contenant un liquide blanchâtre, le lait de
coco.
L'albumen contient de 30 à 40 d'huile
et 50 d'eau. 1000 noix peuvent ainsi donner
de 325 à 350 kgrs d'albumen frais, qui
s'altère rapidement. On constate l'apparition
de moisissures noires, les glycérides s'hydro-
lisent et le milieu s'acidifie. On ne peut donc
le transporter sans lui avoir fait subir un
EXTRACTION DE L'HUILE DE PALMISTE.
séchage de façon à ce que la teneur en eau
Jusqu'à présent les amandes « palmistes » soit réduite à 4 maximum. On obtient ainsi
ont toujours été expédiées en Europe où se le coprah. L'extraction de l'huile du coprah
fait l'extraction de l'huile. Mais il est permis est faite en grande partie en Europe ou en
de prévoir que dans un avenir prochain le Amérique.
travail des « palmistes » s'effectuera sur
place; on y gagnerait en rendement et en Préparation du coprah.
transport. Nous venons de signaler précédem-
ment qu'elles renferment de 40 à 53 Les indigènes séparent d'abord le coïr des
d'huile. noix. Celles-ci sont ensuite fendues, au moyen
de machettes, en deux ou trois morceaux,
Extraction. - L'extraction se fait sur la puis mises à sécher au soleil. Après quelques
heures l'albumen se détache facilement de la
matière préalablement broyée, réduite en
farine et chauffée. coque. Dans les plantations, l'extraction de
l'albumen se fait mécaniquement à l'aide d'un
1. PAR PRESSION.— Souvent on se contente appareil à trois couteaux.
d'une seule pression à haute température
(80-90°). Comme l'huile est très consistante, Séchage. - Il se réalise de trois manières
afin de maintenir la température pendant la différentes :
pression, on utilise, en Europe, des plaques
de presse creuses et chauffées à la vapeur. 1. Au SOLEIL.— Les morceaux sont étalés
au soleil et la dessiccation dure de 8 à 9
2. PAR DISSOLVANTS. — C'est le procédé le jours. Le coprah soleil est d'excellente qua-

22*
682 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

lité; il donne une graisse blanche parfois de la grosseur d'une lentille, puis broyé. Il
teintée en jaune. est ensuite chauffé vers 50-55° et humecté
2. SUR FOYER.— Le système précédent ne dans le chauffoir jusque vers 12-14 d'eau.
convient pas à toutes les régions et à toutes Immédiatement après on le soumet à la pres-
les époques de l'année. On est alors obligé sion. On fait généralement deux pressions
de recourir au séchage artificiel. Les indi- successives, la première jusque 300 à 350 kgrs
gènes construisent des foyers où ils brûlent par cm2. Les tourteaux de première pression,
réchauffés, sont soumis à une seconde pres-
sion de 350 à 400 kgrs/cm2. En Amérique,
la première s'effectue parfois dans des
expellers et la seconde dans des presses à
cage. Les huiles de première et de seconde
pression sont mélangées et raffinées ensuite.
Le raffinage comprend :
1° Une décantation ou filtration;
2. Une neutralisation à la soude.
Parfois l'huile neutralisée est blanchie à
l'aide des adsorbants ordinaires. Elle peut
aussi être désodorisée par injection de vapeur
surchauffée à 130° C et sous vide.
PROPRIÉTÉSET USAGES.— Le coprah peut
fournir de 63 à 65 d'huile. Cette huile,
Feu de coques solide à la température ordinaire (20° C),
les enveloppes du fruit et les coques. Le fond toutefois vers 25-28, C. Elle a l'aspect
coprah est disposé sur un treillis métallique d'une graisse blanche ou jaunâtre ressemblant
ou en bambous et soumis à l'action de la au saindoux.
fumée du foyer. La dessiccation demande de Dans le commerce, on rencontre diverses
5 à 12 heures. Le coprah obtenu est toujours huiles de coco extraites au pays d'origine.
coloré en jaune ou jaune-brun (smoked-dried). On les a classées suivant leur degré d'acidité :
Il garde une odeur de fumée et fournit une
huile colorée impossible à blanchir. Huiles de Cochin 1 à 2 d'acidité —
les meilleures.
3. SÉCHOIRSA AIR CHAUD.— Dans les gran- Huiles de Ceylan 2 à 5 d'acidité.
des plantations, on utilise les séchoirs à air Huiles ordinaires plus de 5 d'acidité.
chaud. On en rencontre de nombreuses réali-
sations : tourailles, tunnels, tambours rotatifs. Du fait d'être concrète à la température
On a même essayé de sécher le coprah dans ordinaire, l'huile de coco est souvent désignée
une atmosphère sous le nom de « beurre végétal » et entre
de S02 pour éviter tout
jaunissement et détruire les microorganismes. pour une grande partie dans la préparation
Le traitement par S02 dure 12 heures et la de la margarine. On l'utilise également dans
dessiccation la fabrication de savons cosmétiques et de
dans les chambres closes est
savons blancs bon marché.
prolongée pendant deux semaines.
Il faut veiller, au début, à ne pas dépasser
la température de 50° C. Ce n'est que vers PREPARATION DU CAFE.
la fin que l'on peut monter jusque 70° C.
Néanmoins, le coprah obtenu par séchage Immédiatement après la récolte, les cerises
artificiel n'égale jamais le coprah-soleil. C'est de Caféier doivent être débarrassées des en-
pourquoi on combine souvent les deux procé- veloppes externes (exocarpe, mésocarpe, par-
dés : le séchage débute par une exposition de
che) et séchées pour donner le café marchand.
un ou deux jours au soleil, pour le terminer La qualité de celui-ci, pour une même variété,
ensuite au séchoir. C'est le meilleur système.
dépend en grande partie des soins apportés
par le planteur lors de sa préparation.
Extraction de l'huile. Les processus suivis par les très nombreuses
Le coprah débarrassé des plantations, réparties dans le monde, peuvent
complètement être ramenés à deux méthodes principales :
impuretés terreuses et autres, par tamisage
et épierrage, est découpé en petits fragments LA MÉTHODESÈCHEqui consiste à sécher les
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 683

cerises puis, par décortication mécanique, à cate. Un séchage trop rapide au début ferait
libérer les grains de café. éclater la pulpe et la parche et provoquerait
La MÉTHODEHUMIDEdébute par un dépul- l'apparition de taches noires ou brûlures sur
page; le café en parche ainsi obtenu est sou-
mis à fermentation puis à un lavage et à un
séchage ; une décortication libèrera ensuite les
grains de café de la parche et de la pellicule
argentée qui les entourent.

Le choix de la méthode à adopter dépend


de nombreux facteurs, mais toutes deux,
lorsqu'elles sont bien exécutées, peuvent don-
ner des produits d'égale valeur. Il semble
toutefois que la méthode humide permet d'ob-
tenir des cafés d'aspect extérieur plus satis-
faisant. Comme facteurs déterminants, il faut
retenir le climat, la main-d 'œuvre, la quan-
Séchage du café au soleil.
tité d'eau et la variété cultivée. Les planta-
tions d'une région à climat humide à l'époque (Photo Inéac.)
de la cueillette et disposant en même temps
les grains de café, ce qui les déprécie
de main-d 'œuvre assez abondante, de façon
à ne récolter que des cerises bien mûres, don- fortement.
neront la préférence à la méthode humide. Les régions qui pratiquent la méthode sèche
La méthode sèche sera en place dans les utilisent presque toujours le séchage au
soleil.
régions à climat sec favorable au séchage à
l'air libre et là où la main-d'œuvre est insuf- Les séchoirs sont constitués par des sur-
fisante. Il en sera de même là où l'eau est faces planes, carrelées ou bétonnées et bien
peu abondante ou de très mauvaise qualité. ——

Le café Liberica, à cerises très charnues, ¡{
se prépare toujours par voie humide.

Méthode sèche.
Elle débute par un lavage des cerises qui
a pour but de les débarrasser de la terre,
pierrailles, brindilles et feuilles qui les accom-
pagnent toujours, surtout là où, faute de
main-d 'œuvre, on cueille suivant la « métho-
de à terre ». A cet effet, les cerises sont
déversées dans un lavoir : bassin muni d'un
faux fond percé de trous de 5 à 6 mm. de
diamètre. Elles y sont lavées à grande eau et
remuées en même temps à l'aide de râteaux
en bois. La terre et les pierrailles gagnent
le fond du bassin en passant au travers des
perforations du faux fond; les feuilles, brin-
dilles et autres corps légers surnagent. Dans
ce lavoir s'opère également la
séparation des
cerises mûres, bien fraîches, par conséquent
Séchage du café au soleil.
plus denses, d'avec les cerises noires, dessé- (Photo Inéac.)
chées et plus légères que l'on appelle au
Brésil café « boia ». Grâce à des ouvertures exposées au soleil. Les cerises y sont étendues
pratiquées à des niveaux différents, ces deux en couches minces de 7 à 8 centimètres
lots sont repris et conduits
hydrauliquement d'épaisseur que l'on remue constamment à
vers les séchoirs où ils seront traités à l'aide de râteaux en bois. Le soir elles sont
part :
les cerises fraîches demandent une dessicca- rassemblées en petits tas que l'on étend à
tion plus prolongée que le café « boia ». nouveau en couches minces le lendemain. Le
— C'est l'opération séchage doit être progressif, c'est-à-dire que
Séchage. la plus déli- la durée journalière au soleil
d'exposition
684 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

augmente au fur et à mesure que la dessicca-


tion se poursuit. On fait des tas de plus en
plus gros avec la progression du séchage pour
finir par de très gros tas. On uniformise
ainsi le degré de siccité des cerises. Les tas
sont recouverts le soir de bâches afin de les
préserver de l'humidité de la nuit. Les jours
de pluie, le café est rentré sous abri, ce qui
exige une main-d'œuvre onéreuse. Aussi les
grandes exploitations préfèrent-elles, lorsque
la pluie est à craindre, réunir les cerises de
café en tas que l'on recouvre de bâches im-
perméables. Le café en cerises est en géné-
ral jugé sec lorsque la pulpe et la parche Trieur pour grains longs et courts.
s'écrasent facilement sous la pression des
doigts, ou lorsque, en en secouant une poignée
près de l'oreille, on perçoit le bruit des
graines remuant dans leurs enveloppes.
La durée du séchage dépend des conditions
climatiques. Par temps chaud et sec, 5 à
6 jours pourraient suffire, mais on a tout
avantage à ce que l'opération soit conduite
plus lentement.
On compte, en moyenne, de 12 à 15 jours
pour l'Arabica et 8 à 10 jours pour le
Robusta.

Décorticage. — Les cerises séchées passent


tout d'abord dans un tarare qui éliminera les Classificateur à café.
impuretés légères (débris de feuilles, brin-
dilles, etc.) ainsi que la terre et les petites
trop serrer l'appareil
afin de ne pas briser
les grains.
En sortant du décor-
tiqueur, le café passe
dans un tarare qui le
sépare des débris d'en-
veloppe et des pous-
sières ; les grains insuf-
fisamment nettoyés
retournent aux décor-
tiqueurs.

Décortiqueur « Engelberg» ouvert. Triage. — Le pro-


duit sortant du tarare
est loin d'être unifor-
pierres. Elles sont ensuite dirigées sur les me: on y rencontre des
décortiqueurs qui sépareront les graines de grains de grosseur et
leurs enveloppes desséchées et de la pellicule de forme différentes.
argentée. Un triage à l'aide de
Il existe plusieurs modèles de décortiqueurs. trieurs cylindriques ou
Tous opèrent par friction des cerises entre à tamis, le classera en
deux parois dont l'une, au moins, est pourvue catégories bien déter-
d'aspérités. Un réglage facile permet d'adap- minées.
ter l'écartement des deux parois à la grosseur Le travail du trieur
des cerises de café. Il faut toujours éviter de Catador. est parfois complété
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 685

par un passage au catador. C'est une haute cerises mûres et vertes, plus denses, qui
colonne verticale, divisée en deux comparti- tomberont, par une ouverture du fond de la
ments et traversée de bas en haut par un rigole, dans le bassin de lavage proprement
violent courant d'air. Chaque catégorie ve- dit. Le lavage est réalisé, comme dans la
nant du trieur y est séparée en trois lots par méthode sèche, par brassage des cerises à
ordre de densité : les grains lourds, les l'aide de râteaux en bois.
moyens et les légers ou brisures. D'après WILBAUX (Inéac 13, 1937) « cer-
Le triage est absolument nécessaire dans » tains planteurs effectuent une macération,
les exploitations qui désirent s'imposer sur » de durée variable, des cerises dans l'eau,
un marché. La standardisation de la produc- » entre le lavage et le dépulpage. Les auteurs
tion est tout aussi déterminante que la » sont cependant unanimes pour déconseiller
qualité. » cette pratique. FAUCHÈRE relate qu'au
» Brésil on laisse macérer les baies pendant
Méthode humide. » 24 à 72 heures. Cette opération serait tout
» à fait inutile si la récolte était bien faite,
Elle ne s'applique que là où l'on dispose » mais la macération est pratiquée pour uni-
d'une eau abondante et de bonne qualité. Il » formiser partiellement la consistance du
faut rejeter les eaux polluées, nuisibles à la » mésocarpe des grains mûrs et non mûrs. Il
bonne conduite de la fermentation, et celles » ne faut cependant pas perdre de vue que
trop riches en fer (5 à 10 mgrs au maximum), » le ramollissement de la pulpe d'une cerise
le fer pouvant être la cause de taches noires » verte n'a aucune influence sur la qualité
et communiquer un goût métallique aux » du grain de café; une drupe non mûre
grains. » donne toujours une fève âpre (ardito) ».
La méthode comporte les opérations suivan- Et WILBAUX conclut à la suite d'essais
tes : 1° Le lavage-triage des cerises récoltées ; entrepris à Lula : « la macération est à pros-
2° Le dépulpage; 3° La fermentation du café » crire; c'est tout au plus un palliatif pour
dépulpé; 4° Le lavage; 5° Le séchage; 6° Le » améliorer les récoltes mal faites; de plus,
décorticage, triage et classification. » la diffusion du pigment rouge 'dans le
» mésocarpe augmente le danger d'obtenir
1° Lavage-triage. — Tout comme dans la » des grains tachetés (rossig) ; la macération
méthode sèche, les cerises doivent être débar- » fait courir le risque de fermentation anaéro-
rassées des feuilles, terre et pierres qui peu- » bies malodorantes avant dépulpage, surtout
vent les accompagner. Cette séparation s'ef- » si les eaux employées sont polluées ».
fectue par lavage. On profite de cette opéra-
---- ---
tion pour trier également le produit de la
récolte. En effet, l'appareil de dépulpage
ne donne de bons résultats qu'en traitant
des drupes de café bien mûres, bien charnues
et bien fraîches. Ce triage n'est pas néces-
saire lorsque l'on pratique la récolte ration-
nelle, c'est-à-dire la récolte à la main des
cerises en état de maturité convenable; il
est indispensable pour la méthode de récolte
utilisée au Brésil, dite « méthode à terre ».
L'usine de préparation reçoit, dans ce cas,
un mélange de cerises
mûres, de cerises ver-
tes et de cerises desséchées.
Ce triage est souvent effectué dans une
rigole remplie d'eau courante et placée sur
les bords du lavoir. Les cerises déversées
petit à petit à l'une des extrémités sont en-
traînées avec l'eau. Elles s'y séparent en deux
parties : l'une qui flotte, composée des cerises
séchées, qui sont éliminées à l'autre extrémité
dans un caniveau spécial qui les conduira
aux aires de séchage afin de les
préparer par
la méthode sèche, l'autre partie formée des
Dépulpeur à disques.
686 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

Coupe dans un dépulpcur Vogts.

2° Dépulpage. — Du lavoir les cerises sont avec intervention microbienne faible ou


conduites hydrauliquement aux dépulpeurs. nulle;
Ceux-ci sont du type à cylindres, ou à dis- 2. La fermentation se développe, principa-
ques dans les petites exploitations. Ils doivent lement lactique aérobie avec fermentations
éliminer le maximum de pulpe adhérente à secondaires peu importantes, alcooliques et
la parche; c'est pourquoi on les place parfois acétiques. Les sucres sont rapidement détruits
par séries de deux, les seconds servant à et l'acidité monte au fur et à mesure de la
repasser les cerises insuffisamment nettoyées disparition des sucres;
par le passage dans les premiers et que l'on 3. La fermentation se ralentit faute
a séparées par un trieur intermédiaire. d'aliments ;
Signalons que l'Arabica et le Robusta se 4. La minéralisation des acides organiques
dépulpent sans difficulté;
le Liberica, au contraire, est
beaucoup plus résistant. -

A la sortie des dépulpeurs, le


café en parche est repris par
un courant d'eau et conduit
aux bacs de fermentation.

3° Fermentation. — Le
but de la fermentation est la
désagrégation de la couche
de mucilage et des petites
particules de pulpe adhérant
encore à la parche, de façon
qu'un lavage subséquent
puisse les éliminer entière-
ment et permettre ainsi un Dépulpeur« Vogts ».
séchage rapide.
D'après WILBAUX (Inéac 13, 1937) les commence; les éléments mycéliens deviennent
grandes lignes du processus de fermentation plus abondants; la désacidification du milieu
peuvent s'établir comme suit : prépare le terrain pour les bactéries de la
1. Après dépulpage, il y a fluidifica- putréfaction qui ne pouvaient se développer
tion enzymatique rapide de la pectose en milieu acide;
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 687

5. La graine absorbe des corps élaborés peu rude au toucher. La durée de la fermen-
aux dépens du mésocarpe. Les maxima tation varie avec les variétés. Au Brésil, à
d'acidité interne et externe montrent un dé- la Jamaïque, où l'on cultive l'Arabica, elle
calage de 40 heures environ. est en moyenne de 36 à 48 heures; le Robusta
Cette dernière phase nous indique que la
fermentation doit être arrêtée à temps. Des
fermentations trop prolongées peuvent don-
ner des cafés tachés, aigres et d'odeur fran-
chement mauvaise.

Le café en parche, venant du dépulpeur,


est déversé dans les bacs de fermentation :
cuves cylindriques ou rectangulaires en béton.
La fermentation s'y effectue à sec ou sous
eau.
Dans la fermentation à sec, le café en
parche est simplement humecté dans le bac,
puis on laisse s'écouler l'eau immédiatement.
Au contraire, dans la fermentation sous
eau, le café en parche est maintenu immergé
dans le bac.
On traite le Robusta souvent à sec, tandis
que l'on semble préférer la méthode sous eau
pour l'Arabica et le Liberica.
WILBAUX (Inéac 21, 1938), en comparant
ces deux processus sur du Robusta, arrive aux ;,--- KRUPP-GRU50MWERK
conclusions suivantes :
1. La fluidification du mésocarpe est un Laveur vertical.
peu plus lente lorsqu 'on fermente sous eau ;
2. L'acidification de la masse est plus ra- demande moins de temps (12 heures à Lula),
pide en cas de fermentation à sec, mais elle quant au Liberica, il faut la prolonger; nous
n'atteint pas les valeurs élevées obtenues par avons obtenu, à Busira, de bons résultats
la fermentation sous eau. Cette élévation de avec une fermentation de 66 heures.
l'acidité protège la masse contre la putré-
faction. Cependant, des fermentations 4° Lavage. — Le café fermenté doit être
trop
lavé abondamment afin d'enlever le mucilage
prolongées sous eau s'accompagnent d'une
fermentation butyrique;
3. Il n'y a que de faibles différences de
goût, légèrement en faveur de la fermentation
sous eau.
4. Si le dépulpage des drupes est mal con-
duit et si les pellicules rouges sont trop nom-
breuses, la fermentation sous eau présente un
danger plus grand de production de café ino-
culé par le pigment rouge de l'exocarpe;
5. Les essais ne permettent pas de conseiller
l'un ou l'autre mode de fermentation.
Il est évident que la fermentation sous
eau réclame une eau aussi pure que possible.

Dans le cas où une cuve de fermentation


à sec ne pourrait être vidée à temps pour Laveur horizontal.
une cause quelconque, on pourrait toujours la
protéger contre l'infection en la remplissant et les débris de pulpe adhérant encore à la
d'eau et immergeant le café. Le terme de la parche. Dans ce but, on le conduit dans un
fermentation se détermine pratiquement : lavoir spécial où il est brassé vigoureusement
le café en parche ne doit plus glisser entre en présence d'eau renouvelée.
les doigts mais, au contraire, paraître un Les grandes plantations utilisent même plu-
688 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

sieurs bassins successifs. D'autres lavent le Tel est le cas du dépulpeur « Raoeng », qui
café dans des caniveaux en béton. Il existe se compose d'une enveloppe perforée et can-
nelée dans laquelle tourne un cylindre muni
d'alvéoles. Des rampes d'arrosage amènent
l'eau sous pression, laquelle entraîne, par les
perforations de l'enveloppe, les parties char-
nues et les substances mucilagineuses.
Les produits obtenus par ce procédé sem-
blent équivalents, comme goût, à ceux ayant
subi la fermentation.
5° Séchage. - Le café en parche, sortant
du lavage, contient environ 60 d'eau : eau
superficielle mouillant la parche, plus l'eau
interne de la parche et des grains.
Après un égouttage sommaire, la teneur en
eau tombera à 55 environ. Elle doit être
ramenée à 5 pour obtenir un produit de
bonne conservation.
Le séchage s'effectue, là où les conditions
Dépulpeur « Raoeng » ouvert. climatiques sont favorables, sur des aires
bien exposées, comme nous l'avons décrit
également des laveurs mécaniques, horizon- dans la méthode sèche. En général, au Congo
taux ou verticaux. Belge, et souvent aussi au Brésil, on préfère
Il est inutile d'insister sur la nécessité d'un opérer la dessiccation du café en parche à
lavage parfait : toute trace de pulpe dans le l'aide d'appareils de séchage à air chaud.
On utilise, à cette fin, dif-
férents types de séchoirs,
depuis la simple touraille
jusqu'au séchoir à tambour
rotatif.
Le point capital à obser-
ver est la température, qui
ne peut pas dépasser 80° C
surtout en fin de dessicca-
tion. Le café, une fois sec,
doit être retiré immédiate-
ment de l'appareil. Un sé-
chage prolongé a une mau-
vaise influence sur la teinte ;
on s'expose même à le voir
roussir. En opérant à 80° C
ce danger paraît limité.
KNAUSSsignale que du café
à 5 d'eau roussit à 80°
Séchoir à café. après 10 heures.
Dans le cas de séchoir-tou-
café en parche engendrerait une post-fermen- raille, le café en parche est étendu sur le
tation au cours du préséchage, ce qui nuirait plateau en une couche de 5 cm. environ que
à la qualité du produit final. l'on doit remuer à plusieurs reprises au
Signalons que par suite du perfectionne- cours de la dessiccation. Dans la conduite
ment mécanique des dépulpeurs, on est arrivé, d'un séchoir de ce genre, on peut, au début,
ces dernières années, à effectuer le dépulpage, afin d'accélérer la dessiccation, envoyer de
la démucilagination et le lavage dans une l'air chaud à haute température jusqu'à ce
seule et même machine. De ce fait, la fermen- que l'humidité soit tombée à 30 %, et cela
tation est supprimée. Les cerises provenant sans nuire à la qualité du café. En effet,
de ces dépulpeurs peuvent être séchées direc- aussi longtemps que celui-ci est humide, il
tement sans aucune autre préparation. ne pourrait être exposé à une température
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 689

supérieure à celle qui correspond à la valeur séchage peut se réaliser d'une façon pratique
calorifique de l'air qui l'entoure. Or la valeur en utilisant des claies mobiles sur roues que
calorifique d'un kilo d'air sec porté à 150° l'on rentre en cas de pluie.
est de 35,6 calories. Lorsque ce kilo d'air s'est
saturé d'eau, sa température est tombée à
35°. Dans la pratique, on constate que l'éva-
poration s'opère à 40° environ. A la fin du
séchage, la température de l'air chaud devra
être ramenée à 80° C maximum.
Les séchoirs à tambour rotatif ou autres
séchoirs continus seront conduits suivant le
système méthodique, c'est-à-dire où l'air se
déplace en sens inverse de la matière;, la
température de l'air chaud étant dans ce
cas de 80° C maximum pendant toute la durée
du séchage.
Afin d'alléger le travail du séchoir à air
chaud, le café en parche, après égouttage, est
soumis à un préséchage sur aire, d'environ Séchoir à café à Lula.
48 heures ou à un essorage à l'aide de tur- (Photo LÉONARD.)
bines analogues à celles utilisées en sucrerie.
Cette pratique permet d'éliminer environ 6. Décorticage. Triage et classification.
10 d'eau par rapport au café lavé. Le pré- — Le café en parche sortant du séchoir est

Vue d'une installation pour le traitement du café.


1 = Dépulpeur; 2 = Séchoir; 3 = Catador; 4 = Trieur.
690 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

soumis aux mêmes manipulations que nous de température. Cette fermentation extérieure
avons examinées dans la méthode sèche, c'est- débute par une fermentation alcoolique exo-
à-dire : un décorticage qui débarrassera les thermique, due à des saccharomycètes, suivie
d'une fermentation acétique, oxydant l'alcool
en acide acétique, et dont les agents princi-
paux sont des bactéries. Cette acidité préser-
ve la masse contre le danger d'infection par
les ferments butyriques et putrides. En fin
de fermentation, l'acidité tombe ;
b) Une fermentation intérieure dont le
phénomène principal est l'oxydation des ta-
nins en tanoïdes. Elle ne commence que lors-
que l'embryon est mort. Cette mortalité sur-
vient, d'après SACK, lorsque l'on maintient
les graines pendant 6 heures à une tempéra-
ture de 44° C, laquelle est atteinte lors de la
fermentation précédente.
Par cette oxydation, l'astringence et l'amer-
tume des fèves sont fortement atténuées; les
fèves se colorent en brun.
Le fermentoir se compose de plusieurs cuves
(4 à 6) en maçonnerie cimentée ou béton,
placées les unes à côté des autres, avec un
fond en bois perforé de façon à permettre
l'écoulement des liquides provenant de la
J ambourséchoir, vue intérieure. fermentation. Leur capacité est variable; en
moyenne elles peuvent contenir 1000 kgrs de
fèves. Pour obtenir une bonne fermentation,
grains de la parche et de la pellicule argen-
la couche de fèves doit être de un mètre
tée, puis un triage suivi d'une classification
qui isolera des lots bien homogènes et uni- d'épaisseur.
formes. On remplit la première cuve de fèves
fraîches presque jusqu'au bord et on recouvre
7. Emballage. — Le café marchand est ensuite d'une couche de feuilles de Bananier.
ensuite logé dans des sacs-jute de bonne qua- Le lendemain, de façon à aérer la masse, on
transvase les fèves de la première dans la
lité, qui seront emmagasinés en un endroit sec
seconde cuve à l'aide de pelles en bois, et
jusqu'au moment de l'expédition. ainsi de suite, chaque jour, jusqu'à la fin de
la fermentation. Les cuves doivent être main-
PREPARATION DES FEVES DE CACAO. tenues très propres et lavées abondamment
après leur vidange. Au cours de la fermenta-
tion, la température se maintient entre 45 et
lia préparation des fèves de cacao consiste 50° C.
à soumettre le cacao écabossé à une fermen- La fin de la fermentation se décèle prati-
tation en cuves, avec aération, puis à un
quement par la chute de température et par
lavage éventuel pour terminer par un séchage la teinte pâle, couleur cannelle, que prend
convenable. Elle vise au développement de l'amande. Mais, d'après WILBAUX(Inéac 15,
l'arôme en même temps qu'à l'obtention d'un
1937), à la suite d'essais effectués à Barumbu
produit de. bonne conservation. et à Gazi, le meilleur critère de la fin de la
fermentation est obtenu par la titration de
1. Fermentation. — Dès leur sortie des l'acidité externe. La limite d'acidité au-des-
cabosses, les fèves sont mises à fermenter. sous de laquelle on ne peut descendre est de
La fermentation a pour but de tuer l'em- 1,5 cc. selon ZELLER. Cette titration ZELLER
bryon de la graine et de faciliter l'élimination s'obtient de la façon suivante : on prend
des mucilages et débris de pulpe qui l'en- 20 graines dans la cuve, on y ajoute 100 cc.
robent. Elle comporte : d'eau; après mélange on prélève 20 cc. que
a) Une fermentation extérieure détruisant l'on titre en présence de phénolphtaléine, par
la pulpe et s'accompagnant d'une élévation la soude N/10. L'acidité s'exprime en cc. de
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 691

soude employée pour obtenir le virage au Cet arôme est dû à la formation d'une huile
rose. essentielle sous l'action d'une levure (Willia)
Il importe de décuver au moyen voulu : si qui se développe dans la pulpe lors du sécha-
on le fait prématurément les fèves gardent ge. Il y aura donc d'autant plus d'arôme que
un goût acide; si l'opération est pratiquée le séchage aura été conduit plus lentement.
tardivement, les fèves commencent à se décom- D'autre part, il est nécessaire de remuer
poser. constamment les fèves pendant toute la durée
La fermentation dure de 5 à 6 jours en de la dessiccation afin de régulariser l'évapo-
moyenne. ration et le départ de l'acide acétique libre.
Le manque d'aération et une température
2. Lavage. — A leur sortie des bacs, les trop élevée fournissent toujours des fèves
fèves sont parfois lavées afin de leur donner
plates et ridées, moins appréciées sur le
un bel aspect. Beaucoup contestent l'opportu- marché.
nité de cette opération, car le lavage entraîne
Pour le séchage naturel on utilise souvent
une perte de poids de 4 environ, qui n'est des plates-formes en bois dur, agencées avec
pas toujours compensée par la plus value du un toit de façon à abriter rapidement le cacao
produit final. D'autre part, elle rend les co- en cas de pluie ; tantôt la plate-forme est fixe
ques plus friables et on augmente la propor- et le toit mobile se déplace sur rails, tantôt
tion de fèves nues après séchage, ce qui les
la plate-forme est mobile et le toit fixe. Les
déprécie. fèves y sont étalées en couches de 10 à 20 cm.
3. Séchage. — Les fèves La dessiccation est terminée en 6 à 7 jours.
fermentées et
Pour le séchage artificiel, tous les séchoirs
à air chaud conviennent, du moment qu'ils
permettent un réglage convenable de la tem-
pérature de façon que le cacao n'atteigne pas
une température supérieure à 60° C. La des-
siccation y est achevée en 3 ou 4 jours.
L'accident dangereux au cours du séchage
est l'apparition de moisissures (Mucor et
Aspergillus) lorsque l'humidité relative de
l'air dépasse 80

4. Emballage. - Les fèves séchées sont


nettoyées dans un tarare, puis soumises à un
triage. Elles sont immédiatement après logées
en sacs jute et gardées en magasin jusqu'au
moment de l'embarquement. Le magasin doit
être bien sec et ventilé. En atmosphère
Séchage au soleil des fèves de cacao. humide, le cacao reprendrait de l'eau et ne
(Photo Inéac.)

lavées éventuellement, sont portées sans re-


tard au séchoir.
Le séchage naturel au soleil donne les
meilleurs produits, mais les conditions clima-
tiques obligent souvent à recourir au sé-
chage artificiel à l'air chaud. D'ailleurs, avec
des fèves bien fermentées, on peut obtenir par
séchage artificiel du cacao d'aussi bonne
qualité que celui provenant du séchage
naturel.
Ce qui importe, est que le cacao soit séché
de l'une ou l'autre façon, et
que le séchage
soit conduit lentement et progressivement.
La température ne doit pas dépasser 60° C.
On constate d'ailleurs que le
séchage à basse Triage des fèves de cacao.
température donne un produit plus aromatisé. (Photo Inéac.)
692 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

tarderait pas à moisir. Afin de prévenir cet que la Canne à sucre renferme 80 de jus
accident, WILBAUX conseille d'emballer le et 20 de fibres et produits solubles. En
cacao du Haut-Congo dans des sacs jute sucrerie de Cannes, le jus porte le nom de
doublés de papier. vesou et les fibres épuisées celui de bagasses.

Réception des Cannes. — Les Cannes


EXTRACTION DU SUCRE DE CANNE.
coupées sont amenées à la sucrerie par
chariots, wagons, transporteurs aériens ou par
Le sucre saccharose se trouve localisé dans Le déchargement est
transport hydraulique.
la tige et surtout dans la moëlle de la tige,
toujours mécanique. Les Cannes sont déver-
mais fa répartition y est irrégulière; il y en
sées, au fur et à mesure de leur arrivée, dans
a moins dans les entre-nœuds supérieurs et le pied d'un transporteur à chaîne qui les
inférieurs. WENT, qui opéra sur une Canne acheminera dans l'usine. Le pied de ce trans-
ayant 45 entre-nœuds, a trouvé les teneurs
porteur est souvent muni d'un arbre tour-
suivantes : nant à 400-450 tours par minute et garni de
couteaux, qui coupent les Cannes en tron-
Sc .cc h.ro.e Sucre. çons qui se rangent mieux sur le transpor-
réducteur. teur.
loi Saccharote
Entre-nœuds de 1 à 9 12,1 à 15,8 0,60 à 0,33 Extraction du vesou. — Elle peut se réa-
Entre-nœudsde 10 à 26 16,2 à 17,8 0,33 à 0,24 liser de trois façons différentes :

Entre-nœudsde 27 à 45 13,5 à 5,7 0.27 à 0,80 1. Extraction par laminage : les Cannes
sont laminées et écrasées entre des cylindres;
Le sommet (entre-nœuds de 27 à 45) s'ap- sous la pression exercée par ceux-ci, le vesou
pelle la flèche ou bout blanc. s'écoule des cellules déchirées. C'est de loin le
procédé le plus employé;
Composition de la Canne à sucre. —
A côté du saccharose, la Canne à sucre con- 2. Extraction par diffusion. — C'est le
tient toujours une certaine proportion de même travail qu'en sucrerie de Betterave;
sucres réducteurs. Celle-ci peut croître rapi- n'est plus guère répandue;
dement dès que la Canne est coupée. On y
rencontre aussi des matières organiques azo- 3. Extraction par procédé mixte : les Can-
nes sont broyées, puis épuisées par diffusion.
tées, surtout des amides et des aminés; des
matières organiques non azotées comprenant
de la cellulose, des acides organiques, des ma- A. Extraction du vesou par laminage. —
tières pectiques, des matières cireuses, un peu Les Cannes amenées par le transporteur sont
de matières grasses, des matières colorantes dirigées sur un défibreur ou crusher, composé
et des produits aromatiques. de deux cylindres en acier portant des canne-
lures à fort relief, droites, obliques ou en
chevrons. L'écartement des cylindres est
réglable. Ils tournent en sens inverse, parfois
à la même vitesse ou à des vitesses différentes.
Le défibreur doit simplement écraser l'enve-
loppe ligneuse de la Canne, ainsi que les
nœuds, sans extraire le vesou.
Derrière le défibreur se place l'appareil
de laminage proprement dit. Il se compose
de 3 à 4 trains de trois cylindres. Au-dessous
du cylindre supérieur de chaque train se
trouve un organe fixe important, la bagas-
sière, qui dirige le produit écrasé par les
Appareil pour tronçonner les Cannes. cylindres 1 et 2 sur les cylindres 1 et 3 (voir
cliché ci-après) ; son réglage doit être bien
Les matières minérales sont peu représen- déterminé.
tées et c'est la potasse qui prédomine. Des transporteurs intermédiaires conduisent
Au point de vue industriel, on peut dire les Cannes écrasées d'un train à l'autre.
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 693

Afin de réaliser une pression progressive, de la façon suivante : 83,4 pour le premier
l'écartement entre les cylindres décroît; il train; 6,3 pour le deuxième train; 5,3
est de 25 mm. environ entre les premiers pour le troisième train.
cylindres du premier train
pour finir à 2 mm. entre
les derniers rouleaux du troi-
sième train.
lia vitesse de rotation varie
avec les régions : l'école de
Java préfère les vitesses len-
tes décroissant du premier au
quatrième moulin (la pression
est plus prolongée, le draina-
ge du vesou plus facile, l'ex-
traction plus grande) ; l'école
américaine (Hawaï-Cuba), au
contraire, adopte les vitesses
plus rapides et croissant du
premier au quatrième moulin :
la capacité prime le rende-
ment dans ces régions.
Les appareils de laminage
travaillent à fortes pressions
(200.000 à 600.000 kgrs sur Installation à trois trains de laminage et un défibreur.
toute la surface des cylindres)
Le vesou qui s'écoule est recueilli au pied B. Extraction par diffusion. Les Cannes
de l'appareil. Afin de mieux épuiser la préalablement découpées en rondelles, sont
Canne, certaines sucreries pratiquent une im- introduites dans des diffuseurs tronconiques
bibition de la Canne écrasée. Pour y arriver, disposés en batterie. Leur fonctionnement
on pulvérise 16 à 20 d'eau froide ou chaude est identique à celui des sucreries de Bettera-
sur la bagasse se trouvant sur le tablier inter- ves, seulement on peut pousser la température
médiaire entre les deux premiers moulins. jusque 90-95° C. On soutire 105 à 110 litres
Le laminage extrait à peu près 95 du de vesou par 100 kgrs de Cannes.
vesou de la Canne, lesquels se répartissent Ce procédé ne s'est guère répandu à cause

Moulins à Cannes,
694 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

de fermentations possibles dans la batterie, à 100° et envoyé à la clarification. Si la teneur


d'un accroissement important de l'azote, nui- du jus en P205 est inférieure à 0,025 à 0,030
sible, et aussi du fait que la bagasse épuisée grs, par 100 cc., il est nécessaire d'en ajouter.
est gorgée d'eau et ne peut plus alimenter Certains préconisent un plus grand emploi
directement le foyer des chaudières. du P205. Le vesou est alors chaulé jusque
pH = 9 à 10, puis additionné d'acide phos-
C. Extraction par le procédé mixte. — phorique à 10° Baumé jusqu'à ce que le pH
On extrait la majeure partie du vesou par retombe à 7,6. On le chauffe ensuite à 100°
laminage et on achève l'extraction par dif- et on l'envoie à la clarification.
fusion. On n'utilise habituellement qu'un Le chaulage à froid est le plus utilisé.
train de trois cylindres, parfois deux. La
bagasse est alors découpée et soumise à dif- b) CHAULAGEA CHAUD.— Le jus brut est
fusion. Ce mode de travail se rencontre dans chauffé à 100°. On y ajoute alors la chaux
les sucreries espagnoles. Le laminage fournit jusqu'à pH = 7,8, puis on clarifie pour
75 du vesou et la diffusion 15 obtenir un vesou de pH = 7 à 7,2. Ce chau-
lage repose sur le principe suivant : en
Vesou. — Le vesou obtenu est un liquide chauffant le jus brut qui est d'un pH de
plus ou moins trouble présentant une colora- 4,8 à 5,6, certains colloïdes, dont le point
tion plus ou moins accentuée variant du isoélectrique correspond à ces pH, précipi-
jaune-verdâtre au brun-verdâtre. Sa compo- tent. Mais il y a danger d'inversion du sac-
sition est variable d'une année à l'autre, charose et le dépôt ne s'opère pas aussi
d'une variété de Canne à l'autre et, pour complètement.
une même variété et une même année, les
trains de laminage donnent des vesous de c) CHAULAGEET SULFITATION.— Le jus
teneurs différentes. chaulé est sulfité de façon à ramener le pH
aux environs de 7. La sulfitation a pour but
On peut admettre les limites suivantes : de décolorer le vesou.
Saccharose 16 — 26
d) CHAULAGEET CARBONATATION SUIVISOU
Glucose 0,2 — 2 NONDE SULFITATION. — C'est le même travail
Matières organiques 0,8 — 4 qu'en sucrerie de Betteraves. Le vesou chaulé
Matières minérales 0,8 — 2,5 est carbonaté (C02) jusqu'à une alcalinité
Quotient de pureté 80 — 87 de 0,01 %, soit la neutralité à la phénol-
Densité 1,065— 1,075 phtaléine, puis est sulfité (S02) jusqu'à neu-
tralité au tournesol.
Réaction du vesou frais — toujours acide.
En Afrique du Sud, le processus est le
suivant : première carbonatation jusque pH
Epuration du vesou. — Elle a pour but = 9,5 - filtration — deuxième carbonata-
de débarrasser le vesou de la plus grande tion jusque pH = 8,2 - 8,4 — filtration —
partie possible du « non sucre » lequel en- sulfitation jusque pH = 7 - 7,2.
trave la cristallisation. Elle est le résultat
Quel que soit le mode d'épuration adopté,
de phénomènes physiques, chimiques et phy- il faut veiller à ce que le vesou épuré soit
sico-chimiques que l'on provoque dans le vesou d'une réaction neutre ou même très légère-
par l'intermédiaire d'agents épurants, dont ment acide (pH = 7), du fait de la présence
le plus utilisé est la chaux. Son action est du glucose (réducteurs).
parfois complétée par l'addition d'acide phos- Si le milieu est franchement alcalin, le
phorique ou par une carbonatation (C02) ou
une sulfitation (S02). glucose donnera naissance à des glucates, les-
quels provoqueront une coloration intense des
L'épuration débute par un tamisage du sucres.
vesou afin d'enlever les débris de fibres qu'il
Le vesou chaulé à froid ou à chaud et
contient. L'épuration chimique, qui succède, est envoyé immédiate-
est moins compliquée que celle du jus de porté à l'ébullition
ment au bac à clarifier, qui est du type inter-
Betteraves. On opère par l'un des procédés
mittent ou continu.
suivants :
Dans ce bac, le vesou se stratifie en trois
a) CHAULAGEA FROID: addition de chaux couches au bout de quelques instants : un
de façon à obtenir un jus clair de pH = chapeau d'écume formé surtout d'amides et
7 à 7,2. Après chaulage, le vesou est chauffé aminés, puis une couche de vesou limpide et,
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 695

au fond du bac, un dépôt de matières préci- peut être amélioré par l'introduction d'un
pitées et de vesou trouble. préévaporateur.
La couche limpide est sou-
tirée, filtrée sur filtres mé-
caniques et envoyée directe-
ment à l'évaporation. Le
vesou trouble et le dépôt sont
passés aux filtres-presses.

Evaporation,
cristallisation
et turbinage.
EVAPORATION DUJUS. — Le
jus épuré, obtenu par les
précédentes opérations, doit
être concentré afin de pro-
voquer la cristallisation du
sucre.
Cette concentration s'opè-
re en deux phases : l'évapo-
ration proprement dite, qui
amène le jus à 25° Baumé
environ, puis la cuite en
grains.
L'évaporation se fait Poste d'évaporation Kestner.
dans des appareils à effets
multiples composés d'une série de chau- On rencontre aussi des sucreries équipées
dières reliées entre elles de façon que la d'évaporateurs à multiple effet Kestner basé
vapeur produite, aux dépens du jus dans sur le principe du grimpage.
la première, chauffe la seconde; la vapeur Le sirop à 25-30° Baumé sortant de l'appa-
produite dans la seconde chauffe la troisième
et ainsi de suite jusqu'à la dernière. Si l'ap-
pareil comprend trois chaudières, il est dé-
nommé triple effet; quadruple effet, s'il y
a quatre chaudières ; quintuple effet, s'il y en
a cinq.
La vapeur servant au chauffage de la pre-
mière chaudière, ou premier corps, est donc
capable de produire son effet trois, quatre
ou cinq fois et 1 kgr. de vapeur évaporera
ainsi théoriquement 3, 4 ou 5 kgrs d'eau.
Pour y arriver, il est toutefois nécessaire de
réaliser une chute convenable de température
d'un corps à l'autre et il faut donc, si la
température de la vapeur de chauffe n'est pas
très élevée (105° environ), que les deux ou Appareil à cuire.
trois derniers corps travaillent sous un vide
partiel. Si la température de la vapeur de
chauffe du premier corps est assez élevée reil d'évaporation n'est pas encore assez
(120-121°), on peut alors réaliser l'évaporation concentré pour permettre la formation de
sous pression. cristaux de sucre. Elle n'aura lieu que
La vapeur sortant du dernier corps d'un lorsque la solution sera légèrement sursaturée.
multiple effet sous vide est condensée à l'aide Cette concentration s'achève dans l'appa-
d'un condenseur barométrique. Dans un triple reil à cuire.
effet sous pression, elle peut encore être Il existe de nombreux types de chaudières
utilisée à divers réchauffages. à cuire, les unes verticales, les autres hori-
Le travail d'un multiple effet sous vide zontales.
696 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

Les chaudières verticales sont les plus Lafeuille, cristalliseurs Werkspoor)


répandues. Le chauffage y est assuré par un La séparation des cristaux de sucre de l'eau
système tubulaire vertical, la vapeur circulant mère (eau + non sucre) qui les entoure se
à l'extérieur des tubes. fait à l'aide de turbines.
La cuisson comprend plusieurs phases :
Toutes les turbines sont constituées d'un
1° La formation du pied de cuite : le sirop panier ou tambour métallique tournant à
est concentré jusqu'à obtention d'une solution grande vitesse (1.000 à 1.500 tours), d'un
légèrement sursaturée à la température de diamètre de 1,13 m. et de 0,45 m. de haut.
l'appareil; Le panier est ouvert à la partie supérieure
2° La formation du grain : obtenue par et le fond porte également une ouverture de
refroidissement brusque causé par admission vidange oblitérée par un cône coulissant sur
de sirop extérieur. La sursaturation l'axe. La paroi latérale du panier est perforée
augmen-
te et il se forme de fins cristaux de sucre; et tapissée intérieurement d'une toile métal-
lique spéciale. Le panier est entouré d'une
3° La nutrition du grain : les petits cris-
enveloppe destinée à recueillir l'eau mère.
taux formés sont nourris en les laissant
Les turbines se différencient par le mode
constamment en contact avec une solution
de commande du panier.
légèrement sursaturée. Ils grossissent ainsi
et se séparent alors nettement Les unes sont à commande par courroie,
rapidement
de l'eau mère; qui attaque l'arbre soit au-dessus, soit au-
dessous du panier; d'autres sont à commande
4° Serrage de la cuite : on poursuit la
par moteurs fixés à l'extrémité supérieure
concentration jusqu'à ce que la masse ne con- de l'axe (moteurs électriques ou moteurs
tienne plus que 8 d'eau environ. hydrauliques).
En pratique sucrière, on ne fait pas de Sous l'action de la force centrifuge, la
masse-cuite pure dans laquelle il n'entre que masse cuite malaxée et refroidie se sépare en
du sirop vierge. deux parties : le sucre, restant dans le panier,
Au commencement de la nutrition du grain, dont les cristaux sont encore entourés d'une
lorsque le liquide dans la chaudière atteint pellicule d'eau mère, et l'eau mère ou égout
un certain niveau, le cuiseur coupe l'arrivée pauvre, qui passe au travers du panier et
du sirop vierge et continue la cuite en ali- s'écoule par l'enveloppe extérieure dans une
mentant avec du sirop de refonte (sucre roux gouttière collectrice.
refondu dans du jus épuré) et des égouts
(égouts riches, puis égouts pauvres).
On donne le nom d'« égout » à l'eau mère
entourant les cristaux de sucre.
La masse cuite ainsi obtenue s'appelle
masse cuite mixte.
CRISTALLISATION ET TURBINAGE. — La masse
cuite est donc constituée par des cristaux de
sucre englobés dans un sirop saturé.
Au sortir de la chaudière, elle a une tem-
pérature de 85° environ; il faut la refroidir
à 45-50° qui est la température de turbinage.
Ce refroidissement se fait dans des cristalli-
seurs-malaxeurs : grandes cuves de forme
parallélipipédique avec fond hémicylindri-
que, de la capacité d'une chaudière à cuire Sucreriede Moerbeke-Kwilu.
et portant dans l'axe un agitateur tournant Atelier des turbines en activité.
à faible vitesse : 1 tour par minute. Le (Photo Sucrière Congolaise.)
refroidissement doit être lent de façon à ne
pas provoquer la formation de nouveaux cris- Le sucre ainsi obtenu est roux. Si l'on désire
taux qui passeraient au travers du tamis de le blanchir, il faut lui enlever, par lavage, la
la turbine. Il dure de six heures à plusieurs pellicule d'égout qui entoure ses cristaux. Ce
jours suivant la pureté du produit. lavage se fait dans la turbine à l'aide d'eau
Toutefois, divers systèmes permettent un et de vapeur : c'est le claircage.
refroidissement plus rapide (cuite rotative L'eau de lavage qui s'échappe contient une
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 697

grande quantité de sucre redissous : c'est Composition de la mélasse de canne.


l'égout riche, lequel servira à la confection Brix. 75 à 92
de la masse cuite mixte suivante.
Matières sèches réelles 73 à 88
L'égout pauvre renferme du sucre en disso-
lution qui peut encore cristalliser. Saccharose 28 à 40
Cet égout est cuit comme précédemment Glucose. 6 à 27
et donnera une masse cuite appelée masse Cendres 7 à 13
cuite de deuxième jet, la précédente étant 36 à 52
Pureté réelle
une masse cuite de premier jet.
Après malaxage et cristallisation par turbi-
UTILISATIONDE LA MÉLASSEDE CANNE.
nage, cette masse cuite donnera du sucre
roux de second jet et de l'égout second jet. a) On peut désucrer la mélasse de Canne,
Le sucre roux second jet est souvent refondu. mais cette opération ne rapportant pas, elle
L'égout second jet est transformé en masse ne se pratique plus guère.
cuite de troisième jet, laquelle donnera du
sucre roux troisième jet et un égout troisième b) Elle sert à l'alimentation humaine. On
la concentre alors jusqu'à une teneur en
jet dénommé mélasse. eau de 10 : c'est la « molascuit » des
Le turbinage peut se faire en blanc ou en
Américains.
roux, mais c'est ce dernier qui est le plus
courant. Les sucres roux de Canne s'altèrent c) On en fabrique de l'alcool. La mélasse
assez facilement. est diluée et soumise à fermentation alcooli-
Au cours de la conservation, la teneur en que suivie d'une distillation. On obtient aussi
saccharose diminue tandis que le glucose du rhum de qualité secondaire.
augmente. Les sucres roux sont vendus aux d) On peut l'employer comme engrais
raffineries d'après leurs teneurs en saccha- (3 à 6 de K20). En mélangeant à la
rose, en glucose et en cendres. Interviennent mélasse les cendres des foyers et les écumes
aussi la coloration et l'odeur du sucre. provenant de l'épuration du vesou, on obtient
Le titre T d'achat du sucre = Polarisa- un engrais assez convenable.
tion moins teneur en glucose moins cinq fois e) On se sert de la mélasse comme combus-
le poids des cendres. tible. 1 kgr. de mélasse à 9,28 de cendres
EXEMPLES: 1) Un sucre à l'analyse donne : et à 19,4 d'eau peut donner 3000 calories
Saccharose 96,50 lors de sa combustion. On l'utilise injectée
Glucose 1,42 directement par des tuyères dans les foyers
Cendres » 0,38 des générateurs ou en mélange avec les
T = 96,5 — 1,42 — (5 X 0,38) - 93,18 bagasses.
Le sucre sera acheté par les raffineries 2. Bagasses. — 100 kgrs de cannes donnent
comme s'il ne contenait que 93,18 de en moyenne 25 kgrs de bagasses.
saccharose.
COMPOSITIONDES BAGASSES. — En moyenne,
2) Un autre sucre a donné :
Saccharose elle serait la suivante :
; 97,70
Glucose 0,92 Ligneux 46,5
Cendres 0,27 Saccharose 4,5
Coloration FORTE
T t= 97,70 — 0,92 — (5 X 0,27) = 95,43 Eau 47,5
Cendres 1,5
Ce titre sera diminué de une unité afin de
tenir compte de la coloration. Il sera vendu UTILISATIONDES BAGASSES.— Elle servent
comme s'il ne contenait que 94,43 de presqu'uniquement à l'alimentation des chau-
saccharose. dières. Leur valeur calorifique dépend de la
teneur en eau. On estime que :
Résidus.
2,56 kgrs de bagasse à 30 d'eau =
L'extraction du sucre de Canne laisse 1 kgr. de charbon.
comme résidus la mélasse et les bagasses. 3,10 kgrs de bagasse à 40 d'eau =
1. La mélasse. — La quantité de mélasse 1 kgr. de charbon.
est d'environ 2,5 à 2,7 de la quantité de 3,93 kgrs de bagasse à 50 d'eau =
Cannes mises en œuvre. 1 kgr. de charbon.
698 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

USINAGE DU PADDY. L'appareil est constitué de deux meules en


Lors du battage, les panicules cèderont des fonte, de 1,50 m. de diamètre, disposées hori-
zontalement l'une au-dessus de l'autre et en-
grains de riz encore entourés par des balles, fermées dans un carter métallique. Les faces
en contact sont recouvertes d'une couche
uniforme d'un mélange de ciment et de car-
borandum. La meule supérieure est fixe (la
gisante) , la meule inférieure (la courante)
est entraînée dans un mouvement de rota-
tion par un axe vertical, à une vitesse
d'environ 190 tours par minute. Le paddy
est déversé par une ouverture centrale de la
gisante; par friction entre les deux meules,
les balles se brisent, les grains de riz sont
1 = Paddy; 2 = Riz décortiqué- 3 - Brisures.
dégagés et le mélange (débris de balles, son,
grains décortiqués, grains cassés et paddy
dures, rigides, et de couleur jaune-brunâtre
plus ou moins fortement accusée : c'est le
« Paddy ». Sous cet état, il n'est pas utilisable
pour la consommation humaine. L'usinage du

Coupe longitudinale d'un grain de Paddy.


1 := Balles; 2 = Albumen; 3 = Germe.

paddy consiste à débarrasser le grain de riz


de cette enveloppe, ensuite à le polir et le
glacer. Appareil à blanchir.
Il est utile de débuter par un nettoyage
afin de séparer du non décortiqué) est poussé par le mouvement
paddy les impure- de rotation vers la périphérie des meules ; une
tés plus légères et raclette, fixée à la courante, l'entraîne vers
plus lourdes. Il l'orifice de sortie du carter.
passera dans un Ce mélange est conduit sur un tarare qui
tarare, suivi sou- séparera ce qui est léger : les balles et le
vent d'un sépara- son. Ce dernier est quelquefois appelé « farine
teur magnétique basse de riz cargo » et est constitué des fines
pour éliminer les particules d'amande et des germes. Le reste,
particules métalli- riz décortiqué, paddy et brisures, est dirigé
ques, et d'un sur un séparateur à paddy : table inclinée,
trieur-calibreur. garnie de chicanes et animée de mouvements
alternatifs rapides dans le plan horizontal.
Décorticage. — Elle fonctionne d'après le même principe que
Le paddy nettoyé la table épierreuse en meunerie : le paddy,
est dirigé sur la plus élastique, rebondit contre les chicanes
décortiqueuse afin et remonte la pente tandis que le riz décor-
de libérer le grain tiqué, plus dense, descend la pente. Commer-
de riz des balles cialement, le riz décortiqué porte le nom de
Décortiqueuse à Paddy. qui l'entourent. « riz cargo ».
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 699

Suivant la perfection du travail, le riz Polissage et glaçage. — Le riz blanchi est


cargo contient une quantité plus ou moins terne, mat et enfariné. Le polissage s'obtient
grande de paddy. en passant les grains dans un appareil où il
Pour lui donner les
qualités de présenta-
tion désirables, le riz
décortiqué doit être
blanchi, poli et glacé.

Blanchiment. — Il
a pour but d'enlever,
du grain de riz, les
différentes assises du
péricarpe. On utilise à
cette fin, le cône à
blanchir, constitué
d'un tronc de cône 0 »M 4
vertical, dont la surfa-
ce est recouverte p- - .,~
d'une couche de ci-
ment et de carboran-
dum, et tournant dans
une enveloppe métalli-
que perforée, qui por-
te, suivant sa généra- u-
trice, des blocs de
caoutchouc appelés Tarare et table de séparation du Paddy.
buttoirs. Les grains de
riz sont frictionnés entre l'enveloppe et le est frotté entre une paroi métallique perforée
tronc de cône, les couches extérieures s'usent:
les débris passent au travers des perforations
de la paroi, tandis que le riz tombe au bas
de l'appareil.
On obtient ainsi, d'une part, du riz blanc,
et d'autre part, des issues que l'on appelle
parfois « farines basses de riz blanc ». Au
cours de l'opération, des grains de riz se cas-
sent et donnent des brisures, qui sont séparées
des grains entiers et classées ensuite, suivant
leur grosseur, par des trieurs-calibreurs. On
considère comme grain entier, les parties de
grain dont le volume est, en général, égal
aux 3/4 du volume originel.
Le cône à blanchir tend, de plus en plus,
à être remplacé par un appareil à cylindre,
constitué d'un cylindre cannelé, tournant à
500-600 tours par minute, dans une enveloppe
cylindrique perforée et fixe.
i'ar frottemt:: + des grains les uns sur les
autres et contre la surface de l'enveloppe
perforée, les assises du péricarpe s'usent et
se détachent. Une lame métallique, qui s'étend
dans la masse entassée des grains, retarde,
d'après son réglage, le mouvement d'avan-
cement du riz et crée une plu.: vive action
de nettoyage. Ensachage du riz.
700 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

et une autre, garnie de brosses, de feutre, cendres et notamment de l'acide phosphori-


de peau de mouton ou de flanelle. que et de la magnésie.
Le glaçage, pratiqué pour les riz consommés
en Europe et aux Etat-Unis, consiste en un o/odematière
Composition sèche
enrobage du grain à l'aide d'un mélange de Riz Riz Briures
talc et de glucose ou bien de vaseline ou de P dd cargo blanchi no2
a y
paraffine.
RENDEMENTS. — D'après CHEVALIER et Matières azotées 7.70 9.17 8.55 8.40
ANGLADETTE.l'usinage industriel sur riz de Matières grasses 2.42 2.35 060 0.79
Cochinchine, donnerait les résultats suivants: Mat. hydrocarbonées(1) 73.60 86.50 90.20 90.00
Cendres ! 6.16 1.37 0.63 0.70
Si02 ,4.89 0.10 0.02 0.04
010dePaddyusiné 0.60 0.70 0.32 0.34
P205
Riztri*longsRizronds MgO 0.19 020 0.07 0.08

Rizblanc (grains entiers et 3/4 47 à 50 55 à 60 (1) Cellulosenon comprise.


de grains) La teneur en vitamines B, d'autre part,
Brisures 1 et 2. 13 à 15 6 à 8
Brisures 3 et 4 i, 5 à 2 1,5 tomberait de 0,50 mgr. par kgr. dans le riz
Farines brunes et blanches 6 à 10 9 à 10 cargo, à 0,20 mgr. par kgr. dans le riz blanc.
Brisures cargo et 6 à 8,5 3 Le polissage accroît ces pertes. VAN DER
Balles son 18 à 20 20 VEER donne les chiffres suivants obtenus à
Java :
Riz étuvé. — Les divers traitements méca-
niques décrits précédemment réduisent con- HydratesCendres
sidérablement la valeur du riz blanchi par Matières
azotéesMatière»!
de carbone Oj0
j grasses
0/0 o/o o/o
rapport à celle du paddy. Le tableau ci-après,
établi par R. AURIOL à l'Office indochinois Riz décortiqué mécan. 7,82 0,60 77,74 0,56
du riz, montre une diminution de 80 du Riz blanchi 7,82 0,40 78,20 0,44
Riz poli 7,62 0,30 78,18 0,36
taux de matières grasses, plus de 50 des

Schéma d'une Installation d'étuvage. (D'après Food Industries.)


1 = Arrivée du Paddy; 2 = Tarare; 3 = Cyclone; 4 = Trieur-séparateur; 5 = Réservoir
à eau chaude; 6 = Trempeur rotatif; 7 = Pompe; 8 = Chambre de séparation; 9 = Etuve
à vapeur surchauffée et sous pression; 10 = Chambre de décompression; 11 = Sécheur rotatif
à air pour éliminer la vapeur; 12 = Conditionneuseà air chaud; 13 = Conditionneuseà air
= Vers la
froid; 14 = Silo pour uniformisation de la température et de l'humidité; 15
décortiqueuse.
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 701

en procédant à l'étuvage du riz, préalable- FECULERIE.


ment aux opérations de l'usinage mécanique.
La fécule s'extrait principalement de la
Le traitement a été industrialisé sur une assez
Pomme de terre, dont certaines variétés, dites
vaste échelle aux Etats-Unis. Il consiste à
« industrielles », sont à grand rendement
traiter, sous pression, à la vapeur surchauffée de fécule environ) et du -Manioc (20 à
dans une étuve rotative, le paddy trempé à (20
25 de fécule).
l'eau chaude. De l'étuve, il passe dans une
L'extraction s'obtient de la même façon
chambre de décompression, où en 7 minutes
pour tous les tubercules, par une série d'opé-
environ, la pression est ramenée à la pression rations purement mécaniques. Dans le travail
atmosphérique. Cette chute lente est néces-
du Manioc, il faut toutefois laver davantage
saire afin de ne pas faire éclater les grains.
Le riz tombe alors dans un cylindre sécheur-. lorsque l'on traite du Manioc amer (Manihot
refroidisseur à air, où sa température est utilissima)
ramenée à ± 60°. Le séchage et le refroidisse- 1. Lavage et épierrage. — Les tubercules
ment se poursuivent ensuite dans des colonnes doivent être préalablement débarrassés de la
conditionneuses, les premières alimentées par terre adhérente ainsi que des pierrailles qui
de l'air chaud, les dernières par de l'air froid. les accompagnent infailliblement. Le lavage-
A la sortie de celles-ci, le paddy est froid, épierrage s'effectue dans un appareil sem-
son humidité est de 15 Il est ensilé pen- blable à celui de sucrerie : auge demi-cylin-
dant 24 heures afin d'uniformiser la tempé- drique dans laquelle tourne un arbre axial
rature et l'humidité, après quoi il peut subir muni de bras.
l'usinage mécanique ordinaire. 2. Râpage. — Les grains de fécule sont
La valeur nutritive du riz étuvé, comparée logés à l'intérieur des cellules; pour les
à celle du riz blanc, serait accrue (plus forte
extraire, il est indispensable de déchirer ces
teneur en vitamines B et en sels minéraux). dernières.
Certains l'expliquent par une diffusion de Les râpes utilisées sont de deux types.
ces éléments des couches périphériques vers Les unes sont formées d'un tambour cylin-
l'intérieur du grain. On observe, d'autre part, drique horizontal tournant à une vitesse de
une réduction considérable des brisures et un 900 à 1.200 tours par minute; le tambour
pouvoir de conservation nettement accru. est garni de lames dentées disposées suivant
sa génératrice.
D'après R. AURIOL: Les tubercules vidés dans la trémie s'appli-
quent sur le tambour par leur poids ou bien
Paddy Paddy grâce à un poussoir. Le râpage est accom-
ordinaire étuvé pagné d'un arrosage, afin de prévenir les
-
engorgements et d'obtenir une masse liquide
Paddy restant après décorticage 3.5 0 capable d'être pompée.
Grains entiers 44.9 77.6
Brisures Le deuxième type de râpes, ou râpes centri-
30.5 0.5
Balles 21.1 21.9 fuges, est constitué d'un tambour fixe, garni
100.0 100.0 intérieurement de lames dentées, dans lequel
tourne à 6-700 tours un fort batteur à 2 ou 3
branches, qui projettent les tubercules déver-
FECULERIE, AMIDONNERIE. ses latéralement contre les dents périphéri-
ques. La pulpe est éliminée par les interstices
On sait que les plantes ont la faculté de existant entre les lames.
mettre en réserve une partie des matières — La pulpe râpée récoltée
3. Tamisage.
amylacées formées à la suite de la photo- dans un bac à agitateur est envoyée par
synthèse. Ces réserves se trouvent dans des
pompage sur un tamiseur qui séparera les
fruits, des tiges, des feuilles, des tubercules,
des rhizomes et enfin dans certains latex. grains de fécule des pulpes. Le tamiseur est
constitué d'une carcasse cylindrique ou pris-
Dans la pratique industrielle, on désigne matique à 6 pans garnie de toile métallique
sous le nom d'amidon la matière amylacée des et animée d'un mouvement de rotation lent
Céréales et des graines en général, et sous le (25 à 30 tours).
nom de fécule celle des tubercules et des La pulpe tombe à l'intérieur du tamis et
racines. Au point de vue chimique, amidon y est soumise à un arrosage. L'eau chargée de
et fécule répondent à la même formule fécule passe au travers de la toile métallique,
géné-
rale (C6H10O5)n. la pulpe épuisée sortant à l'autre extrémité.
702 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

Généralement, ce tamisage se fait en deux à l'aide de filtres suceurs, soit à l'aide de


fois, tout d'abord à l'aide d'un tamis grossier, turbines dont le panier est garni intérieure-
puis l'eau féculente passe sur un tamis fin ment d'une toile filtrante.
(n° 58). La fécule verte ainsi obtenue à 30
Dans certaines usines, la pulpe après tami- d'eau est livrée telle quelle aux glucoseries.
sage est renvoyée à une râpe centrifuge, dans — Pour le commerce ali-
le but d'obtenir un déchiquetage plus pro- 7. Dessiccation.
noncé, puis remise au tamis. mentaire, il est nécessaire de diminuer encore
la teneur en eau et de l'abaisser vers 18-20
4. Epuration. — L'eau féculente obtenue On y arrive par la dessiccation dans des
contient la fécule, mais aussi des impuretés : séchoirs à travail continu et chauffés par
le jus des racines et le gras (débris des mem- courant d'air chaud.
branes cellulaires). On obtient ainsi de la fécule en mottes que
Par le repos, la fécule dense gagne facile- l'on écrase dans des broyeurs à cylindres en
ment le fond et le liquide qui surnage conte- porcelaine lisse ou en bronze. La mouture est
nant le jus des racines est appelé eaux vertes. tamisée, puis emballée.
Par décantation, il est facile de les éliminer. La quantité d'eau utilisée est assez grande,
La fécule est remise en suspension dans de on compte généralement 8 à 10 litres d'eau
l'eau et envoyée sur des tamis à toiles fines par kgr. de fécule.
(n° 80-90) qui retiendront les pulpes folles. Le rendement en fécule du commerce à
Il faut souvent deux passages successifs sur 18-20 d'eau varie de 90 à 100 de la
ces tamis fins. quantité de fécule sèche contenue dans les
La séparation de la fécule et des gras se tubercules.
fait par colmatage sur des plans de dépôt. Ce
sont de grandes rigoles inclinées en béton ou AMIDONNERIE.
en bois, de 1 m. de large sur 20 à 50 m. de
L'extraction de l'amidon est plus difficile
long, dans lesquelles on laisse couler l'eau
féculente. La fécule, lourde, se dépose rapi- que celle de la fécule car, dans les grains,
l'amidon est accompagné de gluten et d'un
dement; les gras, plus légers, sont entraînés
plus loin. Des ouvriers munis d'une raclette peu de matières grasses. Le gluten est inso-
enlèvent les gras qui se déposent trop vite. luble dans l'eau, mais soluble dans les alcalis
et fermente facilement ; ces deux dernières
5. Purification de la fécule brute. — La propriétés sont utilisées pour la séparation
fécule brute obtenue est rejetée dans un de l'amidon et du gluten.
désableur où elle est remise en suspension
1. Extraction de l'amidon de Maïs. —
dans de l'eau. Le désableur est une grande
cuve munie d'un agitateur qui délayera con- Les grains convenablement nettoyés sont mis
à tremper afin de les ramollir et de faciliter
venablement la fécule brute. Celle-ci est en-
suite dirigée dans les bacs de décantation. Par le décollage de l'enveloppe et du germe.
le repos, la fécule se dépose et l'on soutire Comme ce trempage est assez long, on ajoute
l'eau surnageante. Cette fécule contient en- à l'eau de trempage un antiseptique (S02)
core 40 à 50 d'eau. pour tuer le germe et éviter les fermentations.
Le grain ramolli est moulu dans un appa-
La sédimentation dans les rigoles de dépôt
reil composé de trois disques verticaux dont
et la purification demandent de la main-
d'œuvre et un temps assez conséquent, en l'un, mobile, tourne au milieu des deux autres
fixes.
même temps qu'un espace relativement grand.
La bouillie obtenue est tamisée sous courant
Aussi remplace-t-on actuellement les rigoles
d'eau dans des tamis à pans ou cylindriques.
et les bacs de décantation par des appareils
L'eau chargée d'amidon est recueillie et
de dépôt plus rapides — système UHLAND—
décantée.
Lamellateur de JAHN.
L'amidon brut obtenu est délayé à 3-4°
L'eau féculente sortant des tamis à une
Baumé. On y dissout le gluten accompagnant
concentration de 5-100 Baumé coule dans l'es-
l'amidon au moyen de soude ou de potasse
soreuse. Celle-ci donne directement une fécule
brute à 50-55 d'humidité. (solutions très faibles). Après dépôt, on sou-
tire le liquide surnageant et on le remplace
6. Essorage. — La fécule verte sortant des par de l'eau fraîche jusqu'à obtenir une
bacs de décantation ou des essoreuses contient bouillie à 12-150 Baumé, qui est essorée. On
~o) Il faut la rame-
trop d'humidité (50 à 55 %). répète le lavage deux ou trois fois. L'amidon
ner vers 30 environ. On élimine l'eau soit purifié est délayé à nouveau jusqu'à 20-24°
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 703

Baumé. La bouillie obtenue est déposée en- Les méthodes calcaires. — L'écorce pul-
suite dans des formes ou bachots (petites cuves vérisée est traitée avec de la chaux éteinte
en bois, à fonds à claire-voie et garnies inté- et l'extraction se fait au moyen d'huile de
rieurement d'une toile filtrante). On laisse paraffine ou de benzol.
égoutter. Les méthodes acides. — L'écorce est mise
Les blocs démoulés sont découpés en cubes à macérer dans de l'acide chlorhydrique dilué
dont les dimensions correspondent aux poids froid. Par après on transforme le chlorhy-
en usage dans le commerce (paquets de 1 kgr.,
drate obtenu en sulfate de quinine.
1/2 ou 1/4 ). Les cubes sont ressuyés dans des
étuves jusqu'à 30 d'eau, puis grattés et Les méthodes à l'ammoniaque. — Les
emballés dans le papier définitif. écorces sont traitées au moyen d'un mélange
Les petits paquets passent alors au séchoir d'éther, d'alcool et d'ammoniaque.
dont la température est inférieure à 500 au
D'après GROOTHOFF,les méthodes calcaires
début, mais peut atteindre 65° vers la fin. sont les plus suivies, et la quinine obtenue se
Par cette dessiccation, l'amidon se crevasse
et forme les aiguilles que l'on remarque présente sous forme de sulfate de quinine.
Cette préparation se divise en trois stades :
lorsqu'on ouvre un paquet d'amidon. la séparation et la purification.
RENDEMENT.- - 100 kgrs de maïs peuvent l'extraction,
L'écorce est finement pulvérisée, puis bien
donner en bon travail 50 kgrs d'amidon à
15 d'eau. mélangée à de la poudre de chaux éteinte.
Elle est légèrement humidifiée par de l'eau
2. Extraction de l'amidon de Riz. — On et malaxée en une pâte qu'on laisse mûrir
utilise les brisures de riz. Pour isoler les pendant quelques jours. La chaux libère
grains d'amidon, on solubilise également le les alcaloïdes qui se trouvaient liés à l'acide
gluten à l'aide de la soude ou de la potasse. tannique et aux acides quininiques.
Le trempage se fait directement dans des La pâte d'écorce est extraite alors par de
lessives à 1/2 que l'on renouvelle toutes les l'huile minérale ou un autre solvant (benzol
12 heures environ jusqu'à ce que le grain de ou mélange de pétrole et d'alcool par exem-
riz s'écrase facilement sous les doigts. ple) : la quinine et d'autres alcaloïdes sont
Après trempage, le contenu des cuves à dissous tandis que les matières colorantes et
tremper est envoyé au moulin broyeur. La les résines ne sont guère entraînées. La solu-
bouillie obtenue est tamisée sous courant tion recueillie est traitée alors par de l'acide
d'eau. On obtient ainsi une eau contenant
l'amidon ainsi qu'un peu de gluten non solu-
bilisé. La séparation de ces trois corps se fait
par turbinage. L'amidon recueilli est lavé par
une lessive de soude pour dissoudre les der-
nières traces de gluten et envoyé aux filtres-
presses. On lave à l'eau, on met en bachots
et on sèche comme pour l'amidon de maïs.
RENDEMENT. — Par un bon travail, on peut
ainsi extraire 60 d'amidon fin et 7 à 8
d'amidon de seconde qualité.

EXTRACTION DE LA QUININE.
Ecorçage de branchettes de C. Ledgeriana. par des milliers d'enfants
Les écorces de Quinquina, qui peuvent (Photo U. C. B.)
contenir jusque 10-14 de quinine, sont
soumises à divers processus, qui ont pour but sulfurique dilué, donnant des sulfates avec
de séparer la quinine des autres alcaloïdes. la quinine et les divers alcaloïdes.
On procède ensuite à l'épuration du produit La solution réchauffée est décolorée aux
brut obtenu. La littérature donne peu de charbons activés puis, après filtration, neu-
renseignements techniques sur les méthodes tralisée à chaud par la soude : le sulfate de
suivies, qui sont tenues plus ou moins secrètes quinine précipite. Après refroidissement, il
par les fabricants. est séparé par filtration et essorage.
On peut distinguer trois procédés prin- Les eaux-mères sont traitées à la soude jus-
cipaux : qu'à fin de précipitation. Après filtration,

La Quinine était connue par les chefs des clans.


La connaissance disparaissait avec le système d'exploitation de l'EIC qui
fut maintenu après la reprise de 1908 ce qui causa une grande mortalité
causée par le Paludisme (Malaria).
704 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

on obtient, d'une part du Totaquina B et, On l'obtient :


d'autre part, des eaux-mères épuisées, éva- 1. Par enfumage; 2. En chauffant le latex;
cuées à l'égout. 3. En abandonnant le latex à lui-même ;
Le sulfate de quinine brut est sali par des 4. Par des agents chimiques ; 5. Par agitation ;
impuretés et d'autres alcaloïdes. Le raffinage 6. Par amorçage; 7. Par l'électricité. De
consiste en plusieurs cristallisations et redis- toutes ces méthodes, on utilise surtout le
solutions successives, combinées parfois avec procédé par enfumage et celui par les agents
une nouvelle décoloration aux charbons acti- chimiques.
vés, jusqu'au moment où l'on obtient des
A. Coagulation par enfumage. — Prati-
cristaux blancs de sulfate de quinine, répon-
dant aux exigences de la pharmacopée. quée au Brésil, Uruguay et Bolivie. Elle
Ce sulfate de quinine peut aussi être trans- donne du caoutchouc de qualité supérieure :
formé en chlorhydrate ou en bromhydrate de le Para. Dans ces pays il y a peu de planta-
tions d'Hévéa. Ceux-ci sont disséminés dans
quinine. la forêt et les ouvriers (seringueros) y vont
faire la récolte du latex.
TRAITEMENT DU LATEX D'HEVEA. Le latex de plusieurs arbres étant rassem-
blé, l'ouvrier procède immédiatement à la
Le caoutchouc est extrait du latex de cer- coagulation. Au centre de sa cabane, il
taines espèces végétales des régions tropicales allume un feu au moyen de feuilles et de
et notamment de l'Hévéa. Le latex est un branches d'Hévéa pour produire beaucoup
liquide blanc, plus ou moins épais, dans de fumée. Le foyer est recouvert d'un grand
lequel le caoutchouc se trouve sous forme dis- tronc de cône qui fonctionne comme cheminée.
persée à l'état de petits globules. On y ren- Le seringuero plonge une spatule dans le
contre aussi des résines, des acides organiques, latex et l'expose ensuite à l'action de la
des matières albuminoïdes jouant le rôle de fumée. Au bout de quelques instants, le latex
colloïde protecteur, des matières minérales et sèche et le bois est recouvert d'une mince
des ferments solubles. pellicule de caoutchouc. Il replonge alors la
Le latex s'écoulant de l'arbre a une réaction spatule dans le latex, remet à la fumée et
neutre, mais il s'acidifie de suite sous l'in- ainsi de suite. Pour finir il obtient une boule
fluence des enzymes; le pH se modifie, les de caoutchouc au bout de sa spatule. Quand
matières albuminoïdes précipitent, entraînant elle est suffisamment grosse, il la dégage au
la coagulation du latex. moyen d'une incision.
Le caoutchouc se trouve dans le latex sous Ces blocs constituent le caoutchouc Para.
forme de globules, d'aspect piriforme ou Ils doivent présenter une odeur franche,
sphérique, de quelques microns, variables agréable, rappelant celle du jambon fumé. Le
avec l'arbre, l'âge et la saignée. Para est d'autant plus apprécié que les
COMPOSITIONDU LATEX.

C
Caoutc
h
houc RI
Réiines Matières S
Sucre" l
eS s1 mmcraux
Matièresdes
aibuminoi

Hevea brasiliensis 31,70 7,13 1,90 2,90 indosé


Hevea plantation Ceylan 37 à 41 2 à 3,5 2,2 à 2,8 0,4 à 4,17 0,4
» » Tonkin 37,90 2,38 1,43 3,35
» » Malaisie 27 à 35,6 1,20,62
à 1,65 1,5 à 2 indosé* 0,25 à 0,70
Funtumia elastica , 40,72 4,46 3,25 2,97
Ficuselastica 2,4 0,4 * 0,40
37,20 *
Castilloaelastica 31,20 5 0,2 0,90

Dans les plantations, le latex récolté peut couches concentriques sont plus minces. Il
être traité sur place afin d'en isoler le caout- contient tous les constituants du latex sauf
chouc ou bien être expédié en Europe ou en l'eau qui s'est évaporée; néanmoins il est de
Amérique. très bonne conservation parce qu'il est sec et
qu'il contient des produits antiseptiques de
I. Extraction du caoutchouc sur place. la fumée. C'est donc un moyen primitif don-
On provoque la destruction de la suspen- nant de bons résultats.
sion en précipitant le colloïde protecteur : 100 kgrs de latex donnent de 40 à 45 kgrs
les matières albuminoïdes. de Para.
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 705

B. Coagulation par les agents chimiques. • A son arrivée à


l'usine, le latex est tamisé
- Comme agents chimiques, on s'adresse aux sur un fin tamis en cuivre, la mousse qui ne
acides minéraux, aux acides organiques ou à passe pas est recueillie et l'on élimine les
certains sels (Hg Cl2,, Ca CI,,
Cl2, K,, Fe CY6).
K4 Fe Cy,,) Ce
sont surtout les acides organiques qui sont
utilisés et l'on se sert presqu'uniquement
d'acide acétique et d'acide formique.
Il y a deux manières d'opérer, suivant la
quantité d'acide mélangée au latex : la coagu-
lation lente, obtenue en 5-7 heures, et la
coagulation rapide obtenue en 15 minutes à
1 heure.
Pour la coagulation lente, on mélange un
volume d'acide acétique glacial à 8000 volu-
mes de latex à 30 de caoutchouc. On dilue
au préalable l'acide à 1 Cet acide est
ajouté petit à petit au latex en mélangeant
avec une spatule en bois, puis on abandonne
au repos. Ce procédé est presque complète-
ment abandonné.
Pour la coagulation rapide, on force
la dose d'acide. Une partie d'acide acétique
glacial pour 1000 parties de latex à 30
de caoutchouc. On dilue également l'acide
à 1
Saignée sur un Hévéa.
(Photo LÉONARDJ

impuretés retenues (insectes, brindilles,


feuilles, etc. )
Il tombe ensuite dans un bac qui sert à
uniformiser la récolte pour la prise d'échan-
tillon, puis à la dilution du latex de façon à
obtenir des produits standardisés (feuilles de
même poids).
Le latex peut être coagulé sous forme de
crêpes ou sous forme de sheets.
CAOUTCHOUCEN CRÊPES. — Ce sont des
bandes de caoutchouc d'environ 0,40 m. de
Coagulation du latex. largeur sur 6 mètres de longueur et aussi
(Photo Inéac.) minces que possible (usuellement 1,5 mm.).
Le latex dilué à 15-20 de caoutchouc est
Le caoutchouc obtenu est plus
sain, de additionné d'une solution de bisulfite de
bonne odeur fraîche, de plus grande élasticité
soude afin de retarder l'action des enzymes,
et de meilleure résistance à la
rupture. du brunissement et le toucher gras. (2 litres
de solution de bisulfite à 5 pour 100 litres
Travail dans une plantation.
de latex.) Le latex dilué est alors vidé dans
Le saigneur apporte à l'usine un latex des réservoirs de 250 litres environ où s'opéré
avec des parties coagulées par la coagulation avec l'acide dilué à 1 Il
barattage au
cours du transport. Ce latex coagulé donne faut une partie d'acide dilué pour dix parties
les lumps. Il ramène également le latex séché de ce latex. Si l'on désire une coagulation
sur les incisions qui constitue les plus rapide, on augmente la concentration
scraps et
l'eau de lavage des godets qui de l'acide.
donnera, après
coagulation, les shavings. D'autre part, les Bien mélanger ensuite et enlever les mous-
cuves de latex sont toujours couvertes d'écu- ses puis laisser en repos jusqu'à complète
-
me renfermant du caoutchouc et
qui, traitée coagulation.
à part, fournira les skimmings. Le coagulum est alors découpé en mor-

23
706 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

ceaux; chaque morceau est étiré au laminoir Le séchoir à caoutchouc est un séchoir sta-
et abondamment lavé. tique, genre touraille ; l'air chauffé au contact
Le laminoir comporte deux cylindres à des carneaux du foyer s'élève naturellement.
Les crêpes y sont suspendues sur des bam-
bous. Un tel séchoir nous a toujours donné
de bons résultats. Le point capital à observer
est la température qui doit être maintenue
uniforme et ne pas dépasser 40° C. La des-
siccation demande plusieurs jours. Actuelle-
ment, dans des exploitations modernes, on
sèche en 2 heures de temps dans des chambres
à vide.
CAOUTCHOUC EN SHEETS.— La coagulation
s'opère dans des cuvettes de 25 cm. X 45 X 4
ou 68 cm. X 33 X 6.
On place, dans chacune de ces cuvettes,
une quantité déterminée de latex dilué, tou-
jours la même, puis la proportion voulue
d'acide acétique dilué à 1, 2, 3 ou 4 sui-
vant la rapidité de coagulation désirée. On
mélange avec une spatule en bois.
Dans les grandes exploitations, la coagu-
lation est conduite dans de grands bassins
rectangulaires garnis intérieurement de pla-
ques d'aluminium. Après remplissage, on
laisse descendre une série de cloisons en
aluminium espacées de 4 à 5 cm. de façon à
diviser le bassin en logettes de même capacité.
Laminoir à caoutchouc crêpe.

rainures et tournant à des vitesses différentes


pour triturer et bien laver. Le bloc sort
de cet appareil sous forme de feuille qui par
l'apparence de sa surface ressemble à du

Laminage des sheets.


Etirage des sheets au rouleau à main. (Photo lnéar.)
(Photo LÉONARD.)
On obtient par ces deux systèmes des
papier crêpé, d'où le nom de crêpe. La feuille- coagula de mêmes dimensions et même poids.
crêpe passe plusieurs fois dans le même lami- Ceux-ci passent alors dans un laminoir à
noir; elle est mise à égoutter et portée ensuite cylindres lisses qui les étire en feuilles de
au séchoir. 2,5 à 3,5 mm. d'épaisseur et environ 40 ou
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 707

70-80 cm. de largeur. Ces feuilles sont lavées Dans la plantation, il faut éviter toute
à l'eau et brossées en présence d'eau pour coagulation partielle pendant la récolte et au
en éliminer toute trace d'acide. On les passe cours du transport à l'usine. Pour cela on
ensuite au laminoir à gaufrer qui exprime verse dans le seau du baigneur une très
l'excès d'eau et donne du relief au sheets. faible quantité d'agent de conservation,
Après égouttage, elles sont portées au comme l'ammoniaque, mais la pratique a
séchoir où la température ne peut dépasser démontré que le sulfite de soude était préfé-
50° C. rable. On additionne ainsi 31 grs de solution
de sulfite à 10 pour 18 litres de latex. Le
Emballage. — Après triage, les sheets sont sulfite étant alcalin, neutralise l'acidité qui
pressés et enveloppés dans des sheets collés se développe naturellement, et perd rapide-
entre eux pour fermer le ballot. La colle est ment son activité par évaporation.
préparée par dissolution de cuttings dans de A l'usine, le latex à conserver est réuni,
l'essence exempte de sels de plomb antidé-
après filtration sur fin tamis, dans des cuves
tonants (essences 80 octanes, « nonleaded »). de 2 m3 environ.
Les sheets servant d'enveloppe doivent être On uniformise par- mélange et on prélève
spécialement calandrés pour que leur longueur échantillon afin de pouvoir déterminer la
soit plus grande que les sheets normaux. L'addition
quantité d'agent anti-coagulant.
On procède de la même manière pour les d'anti-coagulant doit se faire avec précau-
crêpes, l'enveloppe étant constituée par des tion ; il est absolument nécessaire de bien
crêpes de même qualité. mélanger pendant l'addition et de procéder
DIMENSIONSDES BALLOTS.— Les ballots en par petites portions successives.
L'ammoniaque s'utilise sous forme de solu-
provenance d'Extrême-Orient pèsent 60 à tion concentrée ou sous forme de gaz com-
80 kgrs.
primé en bonbonne.
Dimensions des ballots de 60 kgrs : environ
D'après OBRIEN, trois parties de solution
60 cm. de longueur, 40 cm. de largeur et
de NH3 à 25 sont suffisantes pour stabili-
40 cm. de hauteur. ser 100 parties de latex normal pendant
Dimensions des ballots de 80 kgrs : 70 à 6 mois. Dans le cas de gaz, on compte 3 kgrs
80 cm. de longueur, 70 à 80 cm. de largeur et pour 450 litres de latex.
40 cm. de hauteur. Les alcalis s'emploient à la dose de 0,6 à
On recommande aux planteurs de se rap- 0,7 kgr. d'alcalis purs pour 100 kgrs de
procher le plus possible des dimensions adop- latex. On en fait des solutions à 20
tées en Extrême-Orient, les machines à dé-
couper les ballots étant conçues pour ces Concentration du latex.
mesures.
Afin de réduire les frais de transport, on
RENDEMENTS.- Ils dépendent de la va- a cherché à concentrer le latex au lieu de
riété et surtout de l'âge des Hévéas. production.
En moyenne, un bon travail donne : Il s'agit d'obtenir une pâte réversible qui,
Caoutchouc n° 1 66 en lui ajoutant de l'eau, redonnera lé latex
Skimmings 9 primitif. Différents moyens sont en usage
Lumps 7 pour obtenir cette concentration :
Scraps 12
Shavings 6 a) CONCENTRATION PAR FILTRATION.— Le
latex est soumis à filtration par aspiration au
II. Conservation et expédition du latex en travers d'une paroi à pores très fins comme
Europe ou en Amérique. les filtres en céramique ou les membranes
Pour assurer au latex sa nature colloïdale ultra-filtrantes en collodion. L'eau et les élé-
ments solubles seuls passeront. Dans le filtre
et empêcher sa coagulation au cours du restera une solution concentrée de latex qui
transport, il est nécessaire d'y incorporer,
aussitôt après la récolte, des substances qui peut contenir 80 à 85 de caoutchouc. Le
le conserveront et le stabiliseront. latex doit au préalable être pourvu de colloï-
Ce sont de protecteur (colle, gélatine, gomme arabi-
l'ammoniaque, la soude caustique, la potasse
que, dextrine). L'inconvénient de ce système
caustique, la formaldéhyde, les sels de so-
est que le filtre se colmate rapidement.
dium, l'acide salicylique, le créosote, etc. Les
quatre premiers sont les plus utilisés et b) CONCENTRATION PAR ÉVAPORATION. — Si
notamment l'ammoniaque. l'on chauffe le latex à une température de

23*
?ô6 IÑDUStRIES AGRICOLES COLONIALES

700 C. environ, on constate une augmentation 2° Qu'il soit suffisamment résistant (verre
sensible de la viscosité et la coagulation ne à proscrire);
tarde pas. On est donc obligé de munir le 3° Qu'il puisse, à peu de frais, être re-
latex d'agents protecteurs : colloïdes plus tourné aux plantations;
agents stabilisateurs (NH3 ne convient pas car 4° Qu'il ne coûte pas trop cher.
elle s'évapore). La concentration a lieu dans On utilise souvent les fûts en tôle galvani-
des évaporateurs rotatifs et sous vide. La pâte sée ayant amené l'essence ou le pétrole. Ceux-
obtenue porte le nom de « Revertex ». ci sont au préalable lavés avec une solution
— bouillante de soude et rincés à l'eau bouillan-
c) CONCENTRATION PAR CENTRIFUGATION.
Le latex additionné d'un anti-coagulant te. La firme Dunlop emploie des tonneaux
constitués de deux parties pouvant s'emboîter
(NHa, alcali ou colloïdes) est centrifugé dans
une espèce d'écrémeuse de laiterie tournant pour la réexpédition.
à 8000-9000 tours. Par un orifice de l'appa- D'autres fabriquent sur place des récipients
reil sort un latex pauvre en caoutchouc, par formés par des feuilles de caoutchouc (sheets)
l'autre coule le latex concentré. collées entre elles par les bords et protégées
45 parties de latex à 30 donnent 23 par- extérieurement par des fibres.
ties de latex concentré à 60 ou « Jatex », Enfin, certains préconisent les cylindres
et 22 parties de latex pauvre. genre Carpenter, récipients en bois et fibre
dans lesquels le latex n'est en contact avec
d) CONCENTRATION PAR ÉCRÉMAGE. - L'écré- aucune pièce métallique. Les sociétés puissan-
mage est un traitement chimique qui consiste tes ont même équipé des wagons-citernes et
à faciliter la séparation du latex en deux cou- des bateaux-citernes pour le transport de leur
ches de densité différente par addition de latex.
certains produits tels que la colle, la gélatine,
l'algine. Les deux couches sont constituées,
l'une par le caoutchouc qui se réunit à la EXTRACTION DES FIBRES.
partie supérieure, et l'autre par le sérum et Extraction des fibres de Coton.
les substances dissoutes. La séparation des fibres de coton d'avec
Au latex dilué à 35 de caoutchouc et les graines qu'elles contiennent porte le nom
stabilisé par 0,25 de NH3, est ajoutée une
d'égrenage.
solution de gomme à 1 %, dans la proportion Autrefois il se faisait à la main. Les peu-
de 2 parties de solution de gomme pour 10 le coton ont ensuite
plades produisant
parties d'eau dans le latex. Après repos de imaginé des petites machines rudimentaires.
48 heures, on soutire la couche aqueuse infé- Actuellement le travail est fait par des
rieure.
égreneuses, dont on en rencontre deux types
On obtient ainsi un latex concentré à suivant qu'il s'agit de coton à longues ou à
56 de caoutchouc. courtes soies.
e) LATEX EN POUDRE.— Le latex présen-
tant beaucoup d'analogie avec le lait, les prin- Egreneuse de coton à longues soies. — Il
existe un type industriel d'égreneuse pour
cipes de dessiccation du lait lui ont été appli- ces genres de cotons : c'est l'égreneuse à
qués. Il s'agit donc d'obtenir une poudre qui,
remise en solution dans l'eau, doit donner rouleau du type « Mac Carthy ».
un liquide ayant les propriétés Elle comprend un bâti en fonte supportant
physiques, un rouleau R formé d'un noyau en bois re-
chimiques et physico-chimiques du latex
couvert de bandes de cuir placées sur champ
primitif.
Le séchage doit être très rapide afin et tournant à 130 tours environ par minute.
d'éviter la coagulation. La surface de ce rouleau porte des rainures
Le latex additionné de son colloïde protec- hélicoïdales de 2 mm. de profondeur.
teur est pulvérisé Dans sa rotation, le rouleau appuye sur un
dans un courant d'air
et
chaud (150°) qui le sèche quasi instantané- couteau fixe Ci disposé verticalement
ment sous forme de particules de 15 à 150 réglable. Un second couteau C2, mobile et
microns. animé d'un mouvement de va-et-vient verti-
cal, se déplace devant le rouleau. On règle
Expédition du latex. — Le choix du réci- l'écartement du rouleau et du couteau Ci
pient est difficile. Il exige en effet : ainsi que l'amplitude du va-et-vient. Au-des-
1° Que les parois ne donnent lieu à aucune sous d'une trémie T se trouve un poussoir
réaction chimique avec le latex ou l'agent de d'alimentation P et une grille G formant
conservation (cuivre à éliminer) ; fond de la trémie.
INDUSTRIES AGRICOLESCOLONIALES 709

On distingue deux types de machines à


scies:
a) Les sam-gins ordinaires qui permettent
de traiter les cotons sans traces de capsule;
b) Les huller-gins qui égrènent les cotons
encore entourés de capsules. C'est le cas pour
certaines variétés de coton, ou bien lors de
récolte de capsules non ouvertes.
SAW-GINORDINAIRE.— Elle est constituée
d'un arbre sur lequel sont enfilées des scies
circulaires au nombre de 10 à 25 pour les
égreneuses à bras et de 30 à 100 pour celles

Le coton déposé dans la trémie est poussé


contre le rouleau; les fibres sont entraînées
par la surface rugueuse de celui-ci et se
logent dans les rainures.
Les graines sont arrêtées par le couteau
fixe Cj, mais à ce moment le couteau mobile Egreneuse « Saw-Gin».
C2 vient les frapper et les détache ainsi des
fibres. Les graines libérées tombent au travers
de la grille G.
Le travail de cette machine dépend du
réglage des parties travaillantes : le rouleau
doit être bien horizontal de même que les
couteaux. Le couteau fixe CI sera appliqué
contre le rouleau d'une manière uniforme.
Le couteau mobile doit recouvrir, au sommet
de sa course, le couteau fixe de 15 mm. envi-
ron pour les très longues soies et en être
écarté de 1 mm. à peine.
Cette égreneuse permet de traiter de 22 à
27 kgrs de coton par heure. On est parvenu
à augmenter sa production en munissant l'ap-
pareil de deux couteaux mobiles C2 montés
sur deux bielles différentes, mais tournant
autour du même axe. Le nombre de chocs
étant double, les graines se séparent d'autant
plus vite.
Coupe transversaled'une « Saw-Gin».
Egreneuses des cotons à courtes soies. —
L'égrenage des courtes soies se fait par les actionnées par moteur. Entre chaque scie on
égreneuses à scies ou « saw-gins ». Ces machi- laisse un intervalle tel que les graines de
nes sont les seules utilisées aux Etats-Unis coton ne puissent venir s'y loger. Sur cet arbre
et elles conviennent parfaitement
pour nos à scies se place un tablier métallique portant
cotons africains. des fentes transversales ; chaque scie s'engage
710 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

dans une fente. Ce tablier est mobile, ce qui fibres attachées aux dents des scies en sont
permet de régler la partie de scie qui le libérées par la brosse et sont chassées dans
dépasse. un collecteur qui les conduit hors de l'appa-
En arrière de l'arbre à scies et parallèle- reil. Certains constructeurs ont remplacé la
brosse par un puissant courant d'air.
Le réglage porte principalement sur la
vitesse de rotation des scies, celle-ci ne peut
dépasser 250 tours pour les appareils à bras
et 300-350 tours pour les égreneuses à moteur.
Le rendement est environ de 2 à 3 kgrs
de coton par heure et par scie.

EGRENEUSE-DÉCORTIQUEUSE OU « HULLER-
GIN ». — L'égreneuse-décortiqueuse est consti-

Egreneuse ouverte.
(Photo LÉONARD,)

ment à lui-même, une brosse tourne en sens


inverse et à grande vitesse.
Le coton placé dans la trémie est pris par
les dents des scies ; celles-ci entraînent les
fibres et les détachent des graines; ces der-
nières ne pouvant passer entre les fentes du
tablier retombent hors de l'appareil. Les

Coupe transversale d'une « HuIler-Gin ».

tuée comme le saw-gin ordinaire mais porte


en plus, dans le fond de la trémie, un cylin-
dre broyeur garni d'une série de dents cour-
bes. Le tablier porte un éperon vers le milieu
et l'intervalle entre les lames de cet éperon
est tel qu'il arrête les impuretés d'un certain
volume mais laisse passer les graines encore
vêtues. La trémie est divisée en deux parties
par une cloison. La distance séparant l'extré-
mité de cette cloison des scies se règle de
manière qu'aucune impureté ne pénètre dans
la deuxième partie de la trémie.
Le coton brut, venant de la plantation, est
déversé dans la première partie. Le cylindre
broyeur pousse constamment coton et impu-
retés contre les scies. Celles-ci entraînent le
coton non égrené et brisent les impuretés.
Ces dernières sont arrêtées par l'éperon et
Egreneuse à courant d'air remplaçant la brosse. retombent sur le cylindre broyeur qui les
(The Lummus Cotton Gin Cy.) entraîne hors de la machine. Le coton non
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 711

égrené pénétrant dans la deuxième partie de égreneuses. Elles y sont transportées grâce à
la trémie y est soumis au défibrage comme un ventilateur.
dans l'égreneuse ordinaire; les,. graines libé- Ce condenseur est alors constitué d'un
rées glissent sur
l'éperon et retombent
finalement hors de
l'appareil.
Le rendement est
sensiblement le même
que celui des saw-gins.
ACCESSOIRES
DES ÉGRENEUSES.
1. Alimentateur. —
Pour obtenir un travail
régulier, il importe que
la machine soit aliment
tée d'une façon conti-
nue et uniforme. Cette
alimentation a été
réalisée mécanique-
ment, soit par une
toilé sans fin amenant
le coton contre un rou- Egrenage du coton.
leau distributeur, soit (Photo DE SAEGHERJ
par deux rouleaux can-
nelés déposant le coton sur un tambour garni grand tambour garni de toile métallique et
de dents, lequel tourne dans une trémie animé d'un mouvement de rotation. Les pous-
per-
sières sont entraînées avec l'air au travers de

Alimentateur d'égreneuse.

forée; les corps durs et les impuretés passent


au travers des perforations tandis que le
coton est poussé vers le plan incliné condui-
sant à l'égreneuse.
2. Condenseur. — Le condenseur a
pour
but d'enlever les poussières des fibres et de Coupe d'un condenseur :
réunir celles-ci en une nappe régulière. On les parties ombragéesmontrent le déplacement du coton,
le place derrière la brosse; le coton les petites flèches celui de l'air.
y est (The Lummus Cotton Gin Cy.)
amené par le courant d'air créé par la rota-
tion de celle-ci. cette toile, tandis que le coton est conduit
Dans les grandes installations, un conden- entre deux rouleaux qui le comprime en
seur unique recueille les fibres de toutes les nappe
continue.
712 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

Coupe dans une station d'égrenage.


Pressage du coton. - Avant d'être expé- rotative. Au Congo, le coton est souvent mis
dié, le coton est comprimé et emballé sous en balles à l'aide de presses « Bijoli ».
forme de balles. Celles-ci, pour un même
Elles sont constituées par deux solides mon-
tants dont la base articulée est fixée au sol
dans une assise en béton. Les têtes de ces
montants portent deux bras articulés fixés à
la tête de la presse par un ensemble égale-
ment articulé.
Lorsque, à l'aide d'un cabestan et d'un
câble, on rapproche les montants, cette tête
de presse pénètre dans la cage en compri-
mant le coton qui y a été rassemblé au
préalable.
Les balles ainsi obtenues sont finalement
ligaturées.

Presse « Bijoli ».

pays, sont de dimensions et de poids constants.


La tare de chaque balle (emballage plus liens)
ne peut dépasser 6 du poids total.
La compression s'effectue dans des presses
à vis ou des presses hydrauliques. On rencon-
tre le plus généralement la presse double Défribreuse « Raspador » à deux tambours.
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES 713
Extraction des fibres d'Agaves (Sisal). rivent du raspador. Certaines permettent de
Les Agaves et autres plantes de la famille traiter de 60.000 à 100.000 feuilles par jour.
des Amaryllidacées donnent des feuilles à Pendant le grattage, un filet d'eau lave la
fibres très appréciées. Les fibres d'Agaves feuille et entraîne les débris de cellulose ainsi
que le jus cellulaire. Les
feuilles à base épaisse sont
souvent soumises à un
broyage préalable avant de
les passer au raspador. Ce
broyage leur donne une
épaisseur à peu près uni-
forme et permet un grat-
tage rationnel.
La machine de Me. Crae,
décrite par HACQUART,tra-
vaille suivant un principe
différent de celui du
Défibreuse « Corona ». raspador.
Le défibrage consiste
en deux opérations
portent le nom de Sisal. Ces feuilles sont distinctes réalisées dans le même ensemble
épaisses et très longues; les fibres y sont
mécanique : la première est un écrasement
rangées entre d'abondantes couches de cellules. (crushing) entre des rouleaux cannelés qui
La quantité de fibres varie suivant les
espè- désagrègent les tissus et libèrent les fibres :
ces de 1 à 6 du poids des feuilles. Pour la seconde est un peignage sous jet d'eau à
isoler les fibres on opère par grattage. l'aide d'un système de peignes rotatifs qui
Les feuilles coupées doi-
vent être immédiatement
soumises au défibrage : le
travail de la feuille fraîche
est plus aisé et la fibre
obtenue plus blanche et
plus appréciée.
Le grattage, après avoir
été réalisé manuellement
par les indigènes, a été
mécanisé par la suite. La
défibreuse originelle por-
tait le nom de «Raspador».
Le raspador se compose,
en principe, d'un tambour
de 1,30 m. à 1,60 m. de
diamètre, large de 0,15 et
portant 12 à 15 couteaux;
il tourne à 200 tours
environ. Contre ce tam-
bour s'applique un con-
tre-batteur fixe et réglable. Défibrage des feuilles de Sisal.
L 'ouvrier introduit la
feuille entre le tambour et le contre-batteur raclent et lissent les fibres. Ce traitement,
et la soumet à l'action des couteaux. moins brutal que le grattage, réduirait la
Lorsque le grattage est fini d'un côté, on quantité de fibres passant dans les déchets.
retourne la feuille pour traiter l'autre. Le
raspador à main permet de défibrer 60 feuil- Séchage. — La fibre sort toujours humide
les environ par heure. Les machines à com- de la défibreuse et il faut la sécher avant de
mande mécanique qui ont été construites la mettre en balle. Sa dessiccation s'effectue
par
après sont très nombreuses, mais toutes dé- au soleil ou au séchoir.
714 INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES

Dans le séchage au soleil, la fibre est dispo- Les rendements sont de 1000 à 1500 kgrs
<-
sée sur des fils de fer galvanisés ou des cadres. de fibres à l'hectare de culture.
Il faut éviter que les fibres ne s'enchevêtrent,
ce qui obligerait à les peigner, d'où pertes. Extraction des fibres d'Urena lobata.
A Java. elles sont soumises à un essorage
L'Urena lobata procure une fibre se rap-
préalable, puis dirigées au séchoir à air
chaud. prochant du jute et pouvant convenir au
tissage de sacs et toiles d'emballage, à la
Après dessiccation, les fibres sont peignées fabrication de tapis, etc.
éventuellement puis pressées en balles. La L'extraction des fibres s'effectue égale-
pression ne sera pas trop forte, afin d'éviter ment par rouissage.
de les casser lors du déballage. Les plantes coupées à la machette sont
Le rendement, à Java, est d'environ réunies en bottes et immergées; une rivière
3 1/2 T. à l'hectare les quatrième et cin- à faible courant peut très bien convenir.
quième années. On manque d'indications sur Comme la partie inférieure des tiges est plus
les rendements de plantations congolaises. dure, il est à conseiller de placer les bottes
debout et de les immerger verticalement et
Extraction des fibres de jute. graduellement de façon à ce que les parties
les plus dures rouissent plus longtemps.
Le nom de jute sert à désigner la filasse une
Après quinzaine de jours on les retire;
extraite de la tige de diverses plantes du les fibres se détachent alors facilement du
genre Corchorus, poussant principalement bois. Elles sont soumises à un lavage à
dans l'Inde.
grande eau, puis à un léger teillage et mises
La séparation des fibres se fait principale- ensuite à sécher au soleil.
ment par rouissage, parfois précédé d'un dé- Les rendements à l'hectare sont variables
corticage. Il importe que les tiges coupées et suivant la nature du sol. Des essais que nous
réunies en bottes soient soustraites à l'action avons eu l'occasion de poursuivre à Busira-
directe du soleil avant d'être immergées dans Manéné, en sol pauvre, nous ont donné
les bacs. La durée du rouissage varie de 2 à 500 kgrs de fibres à l'hectare. En sol riche,
35 jours suivant les climats et la nature de la récolte sera plus abondante et atteindra
l'eau. 1000 kgrs.

Lavage des fibres d'Urena lobata après rouissage.


(Photo Office Colonial.)
TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE
PREMIER. Pages.
V. La Préhistoire congolaise. 50
HISTOIRE DU CONGO A. Le matériel archéologique. 50
1. Pierres taillées 51
Industrie de la pierre taillée de
Pages. l'Holocène 54
1. Du Zaïre au Congo 3 Industries du Pléistocène 56
1. Le Royaume du Congo jusqu'à l'aube Le Lupembien, sensu stricto 56
du XIXc siècle. 3 Le Sangoan du Congo 58
2. Les Premières Explorations (1798-1876). 7 L'Acheuléen. 58
L'Abbevillien 58
.II. Fondation de l'Etat Indépendant du Le Kafilien et le Kafuen 58
Congo av 10 2. Pierres polies. Polissoirs 58
3. Pierres trouées 63
1. Brève esquisse d'une histoire coloniale 4. Gravures rupestres et Antiquités
de la Belgique, jusqu'en 1876 10 préhistoriques diverses 69
2. La Conférence géographique de
Bruxelles (septembre 1876) et l'Asso- B. Interprétation du matériel archéologique 70
ciation Internationale Africaine 13 1. Considérations préliminaires 70
3. Le Comité d'Etudes du Haut-Congo 18 2. Cultures holocènes. 71
4. L'AssociationInternationale du Congo 22 3. Cultures pléistocènes 72
5. Reconnaissancede l'AssociationInterna-
tionale du Congo (A. I. C.) 26 VI. La Préhistoire congolaise et la Pré-
6. Le Congrès de Berlin 28 histoire des contrées voisines 75
1. L'Afrique Equatoriale Française 75
III. Etat Indépendant du Congo 30 2. L'Angola 75
1. Organisation de l'Etat 30 3. Rhodésie du Nord 76
2. L'occupation 32 4. Le Territoire du Tanganyika et le Kenya 76
3. La Conférence Anti-esclavagiste; La 5. Uganda 77
Campagne Arabe et la Révolte des
Batetela ., 36
4. Le Régime personnel 40 CHAPITRE
II.
5. L'annexion 43
LES POPULATIONS AFRICAINES
LA PREHISTOIRE DU CONGO BELGE
AU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI
1. Historique 45 ORIGINES ET HISTOIRE
II. La Géologie et la Préhistoire 1. Origines et genèse des races africaines 82
congolaises 46
II. Origine et genèse des langues
III. L'Ethnographie et la Préhistoire africaines 87
congolaises. 47
III. Origines et genèse des sociétés et des
IV. La Protohistoire et la Préhistoire cultures en Afrique Belge. 90
congolaises 47
A. Légendes., IV. Les Pygmoïdes et les Pygmées
47 africains 104
Bas-Congo 47
Bassin du Sankuru -.. 48
Urua -. 48 r-J VISIONS, REPRESENTATIONS
Environs du Lac Kivu 48 ET EXPLICATIONS DU MONDE ET DE LA VIE
B. Objets protohistoriques. , 49 1. Considérations générales 113
716 TABLE DES MATIERES

Pages. LA CULTURE MATERIELLE


II. Naturalisme, Panthélisme, Animatisme,
Préanimisme 115 Pages.
1. Alimentation, cueillette, chasse, pêche,
III. Mânisme, Animisme, Mythologie, agriculture, élevage 195
Religion 117 II. L'habitation et les villages 1%
IV. Dynamisme et Magie 125 III. L'habillement 197
V. Sciences et Techniques 128 IV. Soins donnés au corps 198
VI. Philosophie 130 V. Les artisans 198
VI. Jeux, danses et amusements 199
VII. Présages, Divination, Epreuves et
Ordalies 131
LA CULTURE INTELLECTUELLE
VIII. Médecine 132
IX. Cérémonies magico - religieuses, CHAPITRE
III.
Serments, Bénédictions, Malédictions 134
X. Mentalité africaine 134 GEOLOGIE DU CONGO BELGE

SOCIOLOGIE APERÇU DE LA GEOLOGIE


1. Le mariage et la famille au sens I. Considérations générales préliminaires 203
biologique ou famille au sens strict 140
II. Evolution géologique de l'Afrique 206
II. La famille au sens étendu, le groupe 1° Considérations générales 206
de familles ou sous-clan et le clan 153 2° Esquisse de la géologie du bassin
congolais 206
III. Le rang social 158 3° Histoire géologique générale du conti-
nent africain 209
IV. Associations 159
III. Le groupe des formations constituant
V. Les structures des sociétés 160 le soubassement africain 210
1. Structure des sociétés 160 A. Le soubassement ancien du continent
africain. 210
2. Organisation politique des sociétés 161
3. Droits sur le sol et sur les eaux 166 B. Le soubassement ancien du bassin
congolais 213
4. Gouvernement et administration des
groupements 167 IV. Les formations continentales reposant
5. Droit coutumier africain. 168 sur le soubassement ancien 234
6. Succession des gouvernants 169 A. Le système du Karroo et le système
7. Administrationde la justice 171 du Lualaba-Lubilash 234
8. Coexistence, à côté de liens du sang, B. Les formations du type du système du
de liens d'ordre territorial 173 Kalahari 249
9. Tributs et corvées 173
C. Les couches de la Buzira et les dépôts
10. Insignes des gouvernants et honneurs fluvio-lacustres des Grabens 251
devant leur être rendus 174
V. Les formations du liséré littoral. 251
SYSTEMES DES SUCCESSIONS VI. La tectonique 252
DES GOUVERNANTS 1° Aperçu préliminaire 252
I. Succession dans les sociétés patriarcales 178 2° Les mouvements tectoniques pendant
l'ère géologique ancienne propre à
II. Succession dans les dynasties des l'hémisphère Sud 252
seigneuries, des sultanats et des 3° La tectonique pendant l'ère plus
royaumes 179 256
récente. Les Grabens
4° Les volcans, les tremblements de terre
STRUCTURES DES SOCIETES et les sources thermales 260
1. Structure des sociétés patriarcales 182 5° Les plissements alpins de l'hémisphère
Sud - 267
II. Structure des seigneuries, sultanats et 6° Essai de parallélisation des périodes
royaumes. 188 orogéniques observées au centre afri-
III. Les groupes ethniques ou les ethnies 192 cain et des grandes périodes orogéni-
ques de l'échelle stratigraphique 268
IV. L'Economie 193 mondiale - -
TABLE DES MATIÈRES 71%

LE CLIMAT DU CONGO BELGE Pages.


c. Considérations chimiques 326
d. Considérations botaniques 329
LA CLIMATOLOGIE DE L'AFRIQUE e. Considérations géologiques 331
ET DU BASSIN CONGOLAIS 2. L'analyse chimique et physique du sol
au laboratoire. 333
Pages.
A. Considérations générales 269
IV. CONSERVATION DE LA FERTILITE
B. La climatologie africaine 273 DES TERRES TROPICALES
1° La température 277 1. Considérations physiques 334
2° Les pressions 278 2. Considérations chimiques 339
3° Les vents et les pluies 280
4° Les climats tropicaux en Afrique 283
CHAPITRE
IV.
C. La climatologie congolaise 286
a) Le climat équatorial 288
b) Le climat soudanien 291 BOTANIQUE
c) L'indice d'aridité 293
d) L'évaporation. 294 I. LES GROUPEMENTS VEGETAUX
e) Insolation, Radiations et Lumière, A. INTRODUCTION 345
Transparence de l'air 295
f) Bioclimatologie 296 B. METHODES DE TRAVAIL. CRITIQUES.
CONCLUSIONS 350
D. La climatologie congolaise du point de Méthodes de travail 350
vue de la colonisation européenne 297
Les aspects de la végétation 350
LA PALEOCLIMATOLOGIE Les associations végétales 350
Critiques des méthodes de travail 354
Les aspects de la végétation 354
PEDOLOGIE TROPICALE Les associations végétales 355
ET SOLS TROPICAUX Conclusions. 356

C. LES ASSOCIATIONS VEGETALES 357


I. GENESE DES SOLS TROPICAUX
J. Végétation aquatique. 359
A. Altération des roches et des minéraux 306
1. Altération physique ou désagrégation 306 II. Végétation pionnière des sables
fluviaux périodiquement inondés-
2. Altération chimique ou décomposition 306 exondés 360
3. Altération biologique 307
4. Facteurs d'altération des roches et des III. Végétation pionnière des chutes,
minéraux 308 des rapides et des rochers périodi-
quement inondés-exondés 360
B. Facteurs pédogéniques 309
IV. Végétation herbacée semi-aquatique 362
1. Climat 309
2. Biosphère 310 V. Végétation des sols exondés 365
3. La décompositionde la roche-mère 311
4. Le relief du pays. VI. Végétation fontinale 365
311
5. L'âge du profil 311 VII. Végétation pionnière - des sols
temporairement mouilleux 366
C. Mécanisme de la formation des sols 311
VIII. Végétation pionnière des éboulis
1. Généralités 311 meubles 368
2. Formation des sols tropicaux 314
IX. Végétation pionnière des éboulis
et des substrats arides 369
II. TYPES DE SOLS TROPICAUX
X. Végétation des savanes herbeuses
1. Latérites 315 de terre ferme parsemées d'arbres
2. Sols latéritiques.. , , , 317 ou d'arbustes plus ou moins dissé.
a) Limons rouges. , , 317 minés 370
b) Limons jaunes 319 XI. Végétation des savanes boisées et
3. Sols tourbeux 319
4. Terres noires 320 des bosquets xérophiles 375
XII. Végétation des forêts claires 377
III. CHOIX DES TERRAINS DE CULTURE XIII. Végétation arbustive ripicole 378
SOUS LES TROPIQUES
XIV. Végétation forestière riveraine 380
1. Etude du sol sur place 321 XV. Végétation forestière climatique
a. Considérationsmorphologiques 383
321
b. Considérationsphysiques 324 D. CONCLUSIONS.. , , , , 389
718 TABLE DES MATIÈRES

II. LA FLORE LES CULTURES COLONIALES


Pages.
A. CONNAISSANCES ACTUELLES 390 Pages.
a) Les Spermatophytes - 390 CHAPITRE I. — Généralités , , 425
b) Les Ptéridophytes. , 393 Défrichement 425
c) Les Bryophytes 393 Travail du sol 430
d) Les Thallophytes. 393 Entretien et couverture du sol 430
B. FLORE GENERALE DU CONGO BELGE Fumure 435
Ombrage 436
ET DU RUANDA-URUNDI 394 Conservationdu sol. Lutte contre l'érosion. 437
C. LES ELEMENTS PHYTOGEOGRAPHI- Irrigation. , 438
QUES 395 Conservationdes semences 438
1. Groupe des éléments indigènes 396 II. — Céréales
CHAPITRE 440
II. Groupe des éléments de liaison. 397
III. Groupe des éléments étrangers 398 Le riz 440
Origine et descriptionbotanique 440
III. LA VEGETATION Diverses techniques de riziculture 441
Sol 442
A. FORMATIONS CLIMATIQUES 400 Climat 442
Préparation du sol. Rotation 442
1. Pluviisilvae - 400 Multiplication 443
2. Durisilvae , 401 Entretien.. , , 443
3. Ericilignosa 402 Cycle végétatif.. , 443
4. Hiemisilvae , 402 Récolte. Production 443
5. Duriherbosa 403 Amélioration 444
6. Sempervirentiherbosa 404 Culture du riz en Lebaks 445
Culture du riz flottant 445
B. FORMATIONS EDAPHIQUES 404
1. Pluviisilvae 404 Le mais 446
2. Pluviifruticeta 405 Origine et description botanique 446
3. Laurisilvae 405 Sol 448
4. Durilignosa 405 Climat. , 448
5. Duriherbosa 406 Préparation du sol 449
6. Emersiherbosa 406 Multiplication 449
7. Submersiherbosa 406 Entretien 450
8. Sphagniherbosa ,. 406 Cycle végétatif. 450
9. Mobilideserta , , , , 406 Récolte. Rendement 450
10. Rupideserta 407 Amélioration 451
11. Saxideserta 407
Le sorgho. 452
C. FORMATIONS BIOTIQUES 407 452
Origine et description botanique
1. Pluviisilvae 407 Culture 453
a) Les forêts ombrophiles équatoriales
secondaires 407 Autres céréales.. , 453
b) Les forêts ombrophilesde montagne Millet à chandelles. , , , , 454
secondaires 408 Eleusine 454
2. Duriherbosa 408 Froment 454
3. Mobilideserta 409
III. — Légumineuses alimentaires
CHAPITRE 454
IV. LES TERRITOIRES L'arachide. 454
PHYTOGEOGRAPHIQUES Origine et description botanique 454
Sol 455
1. Province soudanaise. 409 Climat.. , , , 455
2. Province guinéenne. 409 Préparation du sol 456
3. Province éthiopienne. 409 Multiplication 456
4. Province orientale. '- 410 Entretien. 457
5. Province zambézienne 410 Cycle végétatif. , 457
I. District côtier 410 Récolte. Rendement 457
II. District du Mayumbe 411 Amélioration.. , 457
III. District du Bas-Congo 412
IV. District du Kasai 413 Le soja 458
V. District du Bas-Katanga 415 Origine et description botanique 458
VI. District forestier central 416 Sol 459
VII. District de FUbangi-Uele 418 Climàt , , , 460
VIII. District du Lac Albert 419 Culture. 460
IX. Districtdes LacsEdouardet Kivu 419 Rendement. 460
X. District du Ruanda-Urundi 422 460
XI. District du Haut-Katanga 423 Autres légumineusesalimentaires
TABLE DES MATIÈRES fff

Pages. BaCN.
CHAPITRE IV. — Racines et tubercules 461 VII. — Plantes oléagineuses
CHAPITRE , 500
Le manioc. 461 Elaeis ou palmier à huile. 500
Origine et description botanique 461
Sol 463 Origine et description botanique. 503
Climat 464 Sol 508
Culture indigène au Congo Belge 464 Climat 509
Culture européenne. 465 Préparation du sol - 509
Préparation du sol 465 Multiplication 510
Multiplication 465 Cultures. intercalaires 513
Entretien 466 Entretien. Taille , 513
Cycle végétatif. 466 Cycle végétatif 514
Récolte. Production. Exportation d'élé- Récolte 514
ments nutritifs. 467 Production. Exportation .-. 515
Amélioration 467 Amélioration 515
La toxicité du manioc 469
Considérationssur la mosaïque. 470 Le cocotier. 518
La patate douce. 471 Le sésame 518
Origine et description botanique 472
Sol et climat 473 Origine et description botanique 519
Préparation du sol 473 Culture 519
Multiplication 473
Entretien. 474 Le ricin 520
Cycle végétatif « 474 Origine et description botanique 520
Récolte. Production. Conservation des Culture 521
tubercules. 474
Amélioration 475 Les aleurites 521
Les ignames 476 Description botanique 521
Origine et description botanique 476 Culture 522
Culture 476
477 Autres plantes oléfIBineuses. 523
Les taros.
CHAPITREVIII. — Plantes stimulantes et
CHAPITRE V. — Plantes à sucre et plantes. 523
féculentes. 477 pseudo-alimentaires
477 Caféier. 523
La canne à sucre 478
Origine et description botanique Origine et description botanique 524
Sol 479 Climat 530
Climat 480 Préparation du sol 531
Préparation du sol 480 Multiplication 531
Multiplication 480 Ombrage 533
Entretien. Irrigation. Fumure 481 Couverture du sol et entretien 534
Cycle végétatif 482 Taille 534
Récolte. Rendement. Exportation 483 Fumure 539
Amélioration 484 Cycle végétatif 539
Récolte. Production. Exportation 539
CHAPITRE VI. — Plantes textiles et fibreuses 485 Amélioration 539
Le coton 485
Origine et description botanique 486 Cacaoyer 540
Caractères distinctifs des principales Origine et description botanique 541
espèces. 488 Sol 545
Culture 489 Climat 545
Sol 489 Préparation du sol 545
Climat. 490 Multiplication 545
Préparation du sol 490 Ombrage et couverture du sol 547
Multiplication 490 Entretien. Taille. Fumure 548
Entretien. 491 Cycle végétatif 548
Cycle végétatif 491 Récolte. Production. Exportation 549
Récolte. Production. Conservation de Amélioration 549
la récolte. 491
Amélioration 492 Théier. 550
Le sisal 494 Origine et description botanique 551
Origine et description botanique 494 Sol 558
Culture 495 Climat' 553
Le jute. 496 Préparation du sol 554
Multiplication 554
Urena lobata 497 Ombrage et couverture du sol 556
Description botanique 497 Entretien. Taille. Fumure. 556
Culture 498 Cycle végétatif 556
Autres plantes à fibres. 499 Récolte. Production. Exportation 557
Raphia. Kapokier. Musa sp. 500 Amélioration 559
720 TABLE DES MATIÈRES

Pages. Pages.
Tabac. 560 XII. — Plantes fruitières
CHAPITRE 612
Origine et description botanique 560
Sol et climat 561 Bananiers. 613
Culture 561 Origine et description botanique 614
Récolte 563 Descriptionbotanique des bananiers à
Séchage. Manoquage. Fermentation 563 fruit comestible. 616
Amélioration 565 Sol 618
Climat 618
Kolatier. 565
Préparation du sol 618
Chanvre. 567 Multiplication 619
Entretien 620
CHAPITREIX. — Plantes médicinales et Fumure. 623
Taille 620
insecticides 567 Cycle végétatif. 621
Quinquina 567 Récolte. Rendement. Exportation 621
Origine et description botanique 568 Amélioration 622
Sol 570
570 Agrumes. 623
Climat
Préparation du sol 571 Origine, systématique et description
Multiplication 571 botanique 623
Entretien et taille. 575 Sol 626
Cycle végétatif. 575 Climat 626
Récolte. 576 Préparation du sol 627
Séchage. 577 Multiplication 627
Production 578 Taille. Entretien. Irrigation 629
Composition des écorces 579 Cycle végétatif. 630
Amélioration 580 Récolte. Production. Exportation 630
581 Amélioration 630
Pyrèthre
Origine et description botanique 581
Sol et climat. 581
581 CULTURES POTAGERES
Culture 582
Cycle végétatif.
Récolte. Séchage. Production 582 ET PLANTES CONDIMENT AIRES
Derris .,. 583
Origine et description botanique 583 Généralités 633
Sol et climat. 583
583 Influence du climat sur le développement
Culture - - - des légumes. 634
Récolte. Rendement. Séchage 584 634
585 Pays d'origme des légumes
Teneurs Buts divers des cultures potagères 63?
Plantes diverses.,. 585 Emplacement 636
Espèces chaulmoogriques 585 Superficie du jardin. 637
Mise en valeur du potager 637
X. — Plantes à caoutchouc
CHAPITRE 586 Clôture 638
Hévéa • • • 589 Assolementet rotation des cultures 638
Origine et description botanique 589 Engrais 638
Sol 593 Abris temporaires. 639
Climat. 593 Abris permanents 639
Préparation du sol 594 Préparation du sol. 639
Techniques spéciales d'hévéaculture 594 Outillage 640
Multiplication. 595 Irrigation. 640
Semis. 595 Semis 640
Couverture et cultures intercalaires 600 Blanchiment 640
Entretien et taille. 600 Tuteurage 641
Prophylaxie et lutte contre les Ennemis des légumes 641
maladies des racines 601 Productionet récolte des graines potagères. 641
Eclaircies sélectives. 602
Cycle végétatif. 602 Cultures spéciales 642
Notions d'anatomie et de physiologie
concernant la saignée 603 Légumes pouvant s'utiliser en salades ou
Facteurs influençant la production 606 comme garniture de salades 642
Exécution de la saignée 607 Tomate 642
Production. Exportation 609 Pourpier.
609 643
613
Amélioration Claytoneperfoliée , 64J
610 Baselle blanche
CHAPITREXI. — Plantes à parfum Laitue. , 643
611 Endives 644
Géranium-rosat. 644
Culture. - 611 Chicorée Witloof.
612 Betterave à salade. 644
Traitement et rendement
TAntE DES MATIÈRES 721

Pages. Pages.
Moutarde de Chine 645 Galanga 659
Céleri 645 Poivre de Cayenne. 659
Concombre 645 Poivre noir.., 659
Piment doux d'Espagne 646 Vanille. 659
Cresson. 646
Cœur d'ananas. 647 2° D'origine extratropicale 660
Chou-palmiste, 647 Aneth 660
Epinards et succédanés. , 647 Angélique 660
647 Anis 660
Epinard Basilic 661
Colocase 647 Bourrache officinale.
Amarante oléracée 647 661
Arroche 647 Cerfeuil musqué. 661
648 Coriandre.,.. 661
Bette-poirée Estragon 661
Bette à carde. 648
Lavande. 661
Oseille et succédanés. 648 Livêche 662
Oseille d'Europe. 648 Marjolaine vivace ou Origan 662
Oseille d'Abyssinie 648 Mélisse ou Citronnelle 662
Oseille de Guinée ou Roselle 648 Menthes diverses 662
Arbres à oseille 649 Moutarde noire. 662
Raifort 662
Divers. 649 Ben ailé. 662
Aubergine 649 Romarin 663
Echalote 649 Sarriette 663
Oignon 649 Sauge officinale. 663
Ail 650 Thym 663
Arbres à ail 650
Choux 650 Plantes fruitières du potager 663
Asperge 651 Alkekenge ou Groseille du Cap 663
Artichaut 652 Ananas 664
Cardon 652 Fraisier 664
Carotte 652 Melon et Pastèque. 664
Panais 652 Roselle 664
Persil 653 Tomate en arbre. 665
Cerfeuil 653 Vigne. ,
Fenouil
- doux ou de Florence 653 665
Pois , 653 Arbres à épices. 665
Maïs sucré 654
Gombo 654 Muscadier. 665
Ambrévade ou Pois cajan 655 Giroflier 666
Haricot 655 Cannelier 666
Fève de marais 655 Aquiculture potagère. , 667
Poireau 655
Courges 656 Aquiculture proprement dite. 667
Chayote ou Chouchoute 656 Culture en subirrigation 667
Navet 656
Radis 656 Culture à niveau constant. 667
Arachide 657 Culture à liquide perdu. 668
Voandzou 657 Solution nutritive 668
Salsifis et Scorsonère. 657
Les Farineux.. , , 657
Pomme de terre. , , 657 INDUSTRIES
Patate douce. 657
Pomme de terre de Madagascar 657 AGRICOLES COLONIALES
Coleus Dazo 657
Igname 657 Huilerie 669
Arracacia 657
Canna comestible 658 Extraction de l'huile 669
Maranta arundinace 658 1. Extraction par fusion 669
Dolique bulbeux. 658 2. Extraction par expression 669
Ansérine quinoa ou Quinoa blanc 658 3. Extraction par essorage 672
4. Extraction par dissolvants volatils 672
PLANTES CONDIMENTAIRES
Raffinage des huiles. 672
o D'origine 1. Clarification.
tropicale. 658 672
2. Neutralisation. 673
Cardamome fi ça 3. Blanchiment. 673
Lurcuma - - 658 4. Désodorisation 673
Gingembre ] 659 5. Démargarination
673
722 TABLE DES MATIÈRES

Pages. Pages.
Extraction de l'huile de coton. 674 B. Par diffusion 693
1. Nettoyage des graines 674 C. Par le procédé mixte 694
2. Décorticage. 674 Vesou 694
3. Mouture 674 Epuration du vesou 694
4. Chauffage de la farine 675 Evaporation,cristallisationet turbinage 695
5. Moulage 675
6. Pression 675 Résidus. 697
7. Epuration de l'huile 675 1. La mélasse. 697
Rendementet destination des produits. 676 2. Bagasses 697
Extraction de l'huile de palme 676 Usinage du paddy. , , 698
Extraction indigène 676 Décorticage 698
Extraction industrielle 677 Blanchiment. 699
1. Stérilisation des régimes 677 Polissage et glaçage. 699
2. Egrappage 677
3. Malaxage des fruits 678 Riz étuvé 700
4. Chauffage. 679 Féculerie. Amidonnerie
5. Pression 679 701
6. Purification de l'huile 679 Féculerie 701
7. Traitement des tourteaux 680 1. Lavage et épierrage 701
Extraction de l'huile de palmistes 681 2. Râpage 701
3. Tamisage. 701
Extraction par pression 681 4. Epuration 702
Extraction par dissolvants 681 5. Purification de la fécule brute 702
Propriétés et usages. 681 6. Essorage 702
Extraction de l'huile de coco 681 7. Dessiccation 702
Préparation du coprah 681 Amidonnerie 702
Séchage 681 1. Extraction de l'amidon de maïs 702
Extraction de l'huile 682 2. Extraction de l'amidon de riz 703
Propriétés et usages 682
Extraction de la quinine. 703
Préparation du café. 682 Méthodes calcaires 703
Méthode sèche. 683 Méthodes acides. 703
Séchage 683 Méthodes à l'ammoniaque. 703
Décorticage 684 Traitement du latex d'hévéa 704
Triage 684
Extraction du caoutchouc sur place 704
Méthode hu.mide. 685 A. Coagulation par enfumage 704
1. Lavage-triage 685 B. Coagulationpar les agentschimiques 705
2. Dépulpage 686 Travail dans une plantation 705
3. Fermentation 686 Emballage 707
4. Lavage 687
5. Séchage 688 II. Conservationet expédition du latex 707
6. Décorticage.Triage et classification. 689 Concentration du latex. 707
7. Emballage 690 Expédition du latex 708
Préparation des fèves de cacao.. 690 Extraction des fibres. 708
1. Fermentation 690 Extraction des fibres de coton 708
2. Lavage 691
3. Séchage. 691 Egreneuse de coton à longues soies 708
4. Emballage. 691 Egreneusesdes cotonsà courtes soies 709
Pressage du coton 712
Extraction du sucre de canne. 692 Extraction des fibres d'agaves (sisal) 713
Compositionde la canne à sucre 692 Séchage. 713
Réception des cannes. 692 Extraction des fibres de jute. 714
Extraction du vesou. 692
A. Par laminage Extraction des fibres d'Urena lobata 714
ff
Des presses de Henri KlImp"

8 i-85, Rue Keyenveld


Ixelles - Bruxelles

Imprimé en Belgique
A.u~'t-j'!:)')-.;'~t.!
~! .(.!.,/,j ');'1
))~))'r.
CHAPITRE PREMIER.
HISTOIRE DU CONGO

Pages.
I. Du Zaïre au
1. Le Royaume du jusqu'à l'aube du XIXe siècle
2. Les Premières Explorations (1798-1876)
II. Fondation de l'Etat Indépendant du
1. Brève esquisse d'une histoire coloniale de la , jusqu'en 1876
2. La Conférence géographique de (septembre 1876) et l'
3. Le Comité d'Etudes du Haut-Congo
4. L'
5. Reconnaissance de l' (A. I. C.)
6. Le Congrès de
III. Etat Indépendant du
1. Organisation de l'Etat
2. L'occupation
3. La Conférence Anti-esclavagiste; La Campagne Arabe et la Révolte des Batetela
4. Le Régime personnel
5. L'annexion
LA PREHISTOIRE AU CONGO BELGE
I. Historique
II. La Géologie et la Préhistoire congolaises
III. L'Ethnographie et la Préhistoire congolaises
IV. La Protohistoire et la Préhistoire congolaises
A. Légendes
Bassin du Sankuru
Urua
Environs du Lac Kivu
B. Objets protohistoriques
V. La Préhistoire congolaise
A. Le matériel archéologique
1. Pierres taillées
Industrie de la pierre taillée de l'Holocène
Industries du Pléistocène
Le Lupembien, sensu stricto
Le Sangoan du
L'Acheuléen
L'Abbevillien
Le Kafilien et le Kafuen
2. Pierres polies. Polissoirs
3. Pierres trouées
4. Gravures rupestres et Antiquités préhistoriques diverses
B. Interprétation du matériel archéologique
1. Considérations préliminaires
2. Cultures holocènes
3. Cultures pléistocènes
VI. La Préhistoire congolaise et la Préhistoire des contrées voisines
1. L'Afrique Equatoriale Française
2. L'
3.
4. Le Territoire du et le
5.
CHAPITRE II.
LES POPULATIONS AFRICAINES DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI
ORIGINES ET HISTOIRE
I. Origines et genèse des races africaines
II. Origine et genèse des langues africaines
III. Origines et genèse des sociétés et des cultures en Afrique Belge
IV. Les Pygmoïdes et les Pygmées africains
VISIONS, REPRESENTATIONS ET EXPLICATIONS DU MONDE ET DE LA VIE
I. Considérations générales
II. Naturalisme, Panthélisme, Animatisme, Préanimisme
III. Mânisme, Animisme, Mythologie, Religion
IV. Dynamisme et Magie
V. Sciences et Techniques
VI. Philosophie
VII. Présages, Divination, Epreuves et Ordalies
VIII. Médecine
IX. Cérémonies magico - religieuses, Serments, Bénédictions, Malédictions
X. Mentalité africaine
SOCIOLOGIE
I. Le mariage et la famille au sens biologique ou famille au sens strict
II. La famille au sens étendu, le groupe de familles ou sous-clan et le clan
III. Le rang social
IV. Associations
V. Les structures des sociétés
1. Structure des sociétés
2. Organisation politique des sociétés
3. Droits sur le sol et sur les eaux
4. Gouvernement et administration des groupements
5. Droit coutumier africain
6. Succession des gouvernants
7. Administration de la justice
8. Coexistence, à côté de liens du sang, de liens d'ordre territorial
9. Tributs et corvées
10. Insignes des gouvernants et honneurs devant leur être rendus
SYSTEMES DES SUCCESSIONS DES GOUVERNANTS
I. Succession dans les sociétés patriarcales
II. Succession dans les dynasties des seigneuries, des sultanats et des royaumes
STRUCTURES DES SOCIETES
I. Structure des sociétés patriarcales
II. Structure des seigneuries, sultanats et royaumes
III. Les groupes ethniques ou les ethnies
IV. L'Economie
LA CULTURE MATERIELLE
I. Alimentation, cueillette, chasse, pêche, agriculture, élevage
II. L'habitation et les villages
III. L'habillement
IV. Soins donnés au corps
V. Les artisans
VI. Jeux, danses et amusements
LA CULTURE INTELLECTUELLE
CHAPITRE III.
GEOLOGIE DU CONGO BELGE
APERÇU DE LA GEOLOGIE
I. Considérations générales préliminaires
II. Evolution géologique de l'Afrique
1° Considérations générales
2° Esquisse de la géologie du bassin congolais
3° Histoire géologique générale du continent africain
III. Le groupe des formations constituant le soubassement africain
A. Le soubassement ancien du continent africain
B. Le soubassement ancien du bassin congolais
IV. Les formations continentales reposant sur le soubassement ancien
A. Le système du Karroo et le système du Lualaba-Lubilash
B. Les formations du type du système du Kalahari
C. Les couches de la Busira et les dépôts fluvio-lacustres des Grabens
V. Les formations du liséré littoral
VI. La tectonique
1° Aperçu préliminaire
2° Les mouvements tectoniques pendant l'ère géologique ancienne propre à l'hémisphère Sud
3° La tectonique pendant l'ère plus récente. Les Grabens
4° Les volcans, les tremblements de terre et les sources thermales
5° Les plissements alpins de l'hémisphère Sud
6° Essai de parallélisation des périodes orogéniques observées au centre africain et des grandes périodes orogéniques de l'échelle stratigraphique mondiale
LE CLIMAT DU CONGO BELGE
LA CLIMATOLOGIE DE L'AFRIQUE ET DU BASSIN CONGOLAIS
A. Considérations générales
B. La climatologie africaine
1° La température
2° Les pressions
3° Les vents et les pluies
4° Les climats tropicaux en
C. La climatologie congolaise
a) Le climat équatorial
b) Le climat soudanien
c) L'indice d'aridité
d) L'évaporation
e) Insolation, Radiations et Lumière, Transparence de l'air
f) Bioclimatologie
D. La climatologie congolaise du point de vue de la colonisation européenne
LA PALEOCLIMATOLOGIE
PEDOLOGIE TROPICALE ET SOLS TROPICAUX
I. GENESE DES SOLS TROPICAUX
A. Altération des roches et des minéraux
1. Altération physique ou désagrégation
2. Altération chimique ou décomposition
3. Altération biologique
4. Facteurs d'altération des roches et des minéraux
B. Facteurs pédogéniques
1. Climat
2. Biosphère
3. La décomposition de la roche-mère
4. Le relief du pays
5. L'âge du profil
C. Mécanisme de la formation des sols
1. Généralités
2. Formation des sols tropicaux
II. TYPES DE SOLS TROPICAUX
1. Latérites
2. Sols latéritiques
a) Limons rouges
b) Limons jaunes
3. Sols tourbeux
4. Terres noires
III. CHOIX DES TERRAINS DE CULTURE SOUS LES TROPIQUES
1. Etude du sol sur place
a. Considérations morphologiques
b. Considérations physiques
c. Considérations chimiques
d. Considérations botaniques
e. Considérations géologiques
2. L'analyse chimique et physique du sol au laboratoire
IV. CONSERVATION DE LA FERTILITE DES TERRES TROPICALES
1. Considérations physiques
2. Considérations chimiques
CHAPITRE IV.
BOTANIQUE
I. LES GROUPEMENTS VEGETAUX
A. INTRODUCTION
B. METHODES DE TRAVAIL. CRITIQUES. CONCLUSIONS
Méthodes de travail
Les aspects de la végétation
Les associations végétales
Critiques des méthodes de travail
Les aspects de la végétation
Les associations végétales
Conclusions
C. LES ASSOCIATIONS VEGETALES
I. Végétation aquatique
II. Végétation pionnière des sables fluviaux périodiquement inondés-exondés
III. Végétation pionnière des chutes, des rapides et des rochers périodiquement inondés-exondés
IV. Végétation herbacée semi-aquatique
V. Végétation des sols exondés
VI. Végétation fontinale
VII. Végétation pionnière des sols temporairement mouilleux
VIII. Végétation pionnière des éboulis meubles
IX. Végétation pionnière des éboulis et des substrats arides
X. Végétation des savanes herbeuses de terre ferme parsemées d'arbres ou d'arbustes plus ou moins dissé. minés
XI. Végétation des savanes boisées et des bosquets xérophiles
XII. Végétation des forêts claires
XIII. Végétation arbustive ripicole
XIV. Végétation forestière riveraine
XV. Végétation forestière climatique
D. CONCLUSIONS
II. LA FLORE
A. CONNAISSANCES ACTUELLES
a) Les Spermatophytes
b) Les Ptéridophytes
c) Les Bryophytes
d) Les Thallophytes
B. FLORE GENERALE DU CONGO BELGE ET DU RUANDA-URUNDI
C. LES ELEMENTS PHYTOGEOGRAPHIQUES
I. Groupe des éléments indigènes
II. Groupe des éléments de liaison
III. Groupe des éléments étrangers
III. LA VEGETATION
A. FORMATIONS CLIMATIQUES
1. Pluviisilvae
2. Durisilvae
3. Ericilignosa
4. Hiemisilvae
5. Duriherbosa
6. Sempervirentiherbosa
B. FORMATIONS EDAPHIQUES
1. Pluviisilvae
2. Pluviifruticeta
3. Laurisilvae
4. Durilignosa
5. Duriherbosa
6. Emersiherbosa
7. Submersiherbosa
8. Sphagniherbosa
9. Mobilideserta,
10. Rupideserta
11. Saxideserta
C. FORMATIONS BIOTIQUES
1. Pluviisilvae
a) Les forêts ombrophiles équatoriales secondaires
b) Les forêts ombrophiles de montagne secondaires
2. Duriherbosa
3. Mobilideserta
IV. LES TERRITOIRES PHYTOGEOGRAPHIQUES
1. Province soudanaise
2. Province guinéenne
3. Province éthiopienne
4. Province orientale
5. Province zambézienne
I. District côtier
II. District du Mayumbe
III. District du Bas-Congo
IV. District du Kasai
V. District du Bas-Katanga
VI. District forestier central
VII. District de l'Ubangi-Uele
VIII. District du Lac Albert
IX. District des Lacs Edouard et Kivu
X. District du Ruanda-Urundi
XI. District du Haut-Katanga
LES CULTURES COLONIALES
CHAPITRE I. - Généralités
Défrichement
Travail du sol
Entretien et couverture du sol
Fumure
Ombrage
Conservation du sol. Lutte contre l'érosion.
Irrigation
Conservation des semences
CHAPITRE II. - Céréales
Le riz
Origine et description botanique
Diverses techniques de riziculture
Sol
Climat
Préparation du sol. Rotation
Multiplication
Entretien
Cycle végétatif
Récolte. Production
Amélioration
Culture du riz en Lebaks
Culture du riz flottant
Le maïs
Origine et description botanique
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Entretien
Cycle végétatif
Récolte. Rendement
Amélioration
Le sorgho
Origine et description botanique
Culture
Autres céréales
Millet à chandelles
Eleusine
Froment
CHAPITRE III. - Légumineuses alimentaires
L'arachide
Origine et description botanique
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Entretien
Cycle végétatif
Récolte. Rendement
Amélioration
Le soja
Origine et description botanique
Sol
Climat
Culture
Rendement
Autres légumineuses alimentaires
CHAPITRE IV. - Racines et tubercules
Le manioc
Origine et description botanique
Sol
Climat
Culture indigène au
Culture européenne
Préparation du sol
Multiplication
Entretien
Cycle végétatif
Récolte. Production. Exportation d'éléments nutritifs
Amélioration
La toxicité du manioc
Considérations sur la mosaïque
La patate douce
Origine et description botanique
Sol et climat
Préparation du sol
Multiplication
Entretien
Cycle végétatif
Récolte. Production. Conservation des tubercules
Amélioration
Les ignames
Origine et description botanique
Culture
Les taros
CHAPITRE V. - Plantes à sucre et plantes féculentes
La canne à sucre
Origine et description botanique
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Entretien. Irrigation. Fumure
Cycle végétatif
Récolte. Rendement. Exportation
Amélioration
CHAPITRE VI. - Plantes textiles et fibreuses
Le coton
Origine et description botanique.
Caractères distinctifs des principales espèces
Culture
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Entretien
Cycle végétatif
Récolte. Production. Conservation de la récolte
Amélioration
Le sisal
Origine et description botanique
Culture
Le jute
Urena lobata
Description botanique
Culture
Autres plantes à fibres
Raphia. Kapokier. Musa sp.
CHAPITRE VII. - Plantes oléagineuses
Elaeïs ou palmier à huile
Origine et description botanique
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Cultures intercalaires
Entretien. Taille
Cycle végétatif
Récolte
Production. Exportation
Amélioration
Le cocotier
Le sésame
Origine et description botanique
Culture
Le ricin
Origine et description botanique
Culture
Les aleurites
Description botanique
Culture
Autres plantes oléagineuses
CHAPITRE VIII. - Plantes stimulantes et pseudo-alimentaires
Caféier
Origine et description botanique
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Ombrage
Couverture du sol et entretien
Taille
Fumure
Cycle végétatif
Récolte. Production. Exportation
Amélioration
Cacaoyer
Origine et description botanique
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Ombrage et couverture du sol
Entretien. Taille. Fumure
Cycle végétatif
Récolte. Production. Exportation
Amélioration
Théier
Origine et description botanique
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Ombrage et couverture du sol
Entretien. Taille. Fumure
Cycle végétatif
Récolte. Production. Exportation
Amélioration
Tabac
Origine et description botanique
Sol et climat
Culture
Récolte
Séchage. Manoquage. Fermentation
Amélioration
Kolatier
Chanvre
CHAPITRE IX. - Plantes médicinales et insecticides
Quinquina
Origine et description botanique
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Entretien et taille
Cycle végétatif
Récolte
Séchage
Production
Composition des écorces
Amélioration
Pyrèthre
Origine et description botanique
Sol et climat
Culture
Cycle végétatif
Récolte. Séchage. Production
Derris
Origine et description botanique
Sol et climat
Culture
Récolte. Rendement. Séchage
Teneurs
Plantes diverses
Espèces chaulmoogriques
CHAPITRE X. - Plantes à caoutchouc
Hévéa
Origine et description botanique.
Sol
Climat
Préparation du sol
Techniques spéciales d'hévéaculture
Multiplication
Semis
Couverture et cultures intercalaires
Entretien et taille
Prophylaxie et lutte contre les maladies des racines
Eclaircies sélectives
Cycle végétatif
Notions d'anatomie et de physiologie concernant la saignée
Facteurs influençant la production
Exécution de la saignée
Production. Exportation
Amélioration
CHAPITRE XI. - Plantes à parfum
Géranium-rosat
Culture
Traitement et rendement
CHAPITRE XII. - Plantes fruitières
Bananiers
Origine et description botanique
Description botanique des bananiers à fruit comestible
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Entretien
Fumure
Taille
Cycle végétatif
Récolte. Rendement. Exportation
Amélioration
Agrumes
Origine, systématique et description botanique
Sol
Climat
Préparation du sol
Multiplication
Taille. Entretien. Irrigation
Cycle végétatif
Récolte. Production. Exportation
Amélioration
CULTURES POTAGERES ET PLANTES CONDIMENTAIRES
Généralités
Influence du climat sur le développement des légumes
Pays d'origine des légumes
Buts divers des cultures potagères
Emplacement
Superficie du jardin
Mise en valeur du potager
Clôture
Assolement et rotation des cultures
Engrais
Abris temporaires
Abris permanents
Préparation du sol
Outillage
Irrigation
Semis
Blanchiment
Tuteurage
Ennemis des légumes
Production et récolte des graines potagères
Cultures spéciales
Légumes pouvant s'utiliser en salades ou comme garniture de salades
Tomate
Pourpier
Claytone perfoliée
Baselle blanche
Laitue
Endives
Chicorée Witloof
Betterave à salade
Moutarde de
Céleri
Concombre
Piment doux d'
Cresson
Coeur d'ananas
Chou-palmiste
Epinards et succédanés
Epinard
Colocase
Amarante oléracée
Arroche
Bette-poirée
Bette à carde
Oseille et succédanés
Oseille d'Europe
Oseille d'Abyssinie
Oseille de ou Roselle
Arbres à oseille
Divers
Aubergine
Echalote
Oignon
Ail
Arbres à ail
Choux
Asperge
Artichaut
Cardon
Carotte
Panais
Persil
Cerfeuil
Fenouil doux ou de Florence
Pois
Maïs sucré
Gombo
Ambrévade ou Pois cajan
Haricot
Fève de marais
Poireau
Courges
Chayote ou Chouchoute
Navet
Radis
Arachide
Voandzou
Salsifis et Scorsonère
Les Farineux
Pomme de terre
Patate douce
Pomme de terre de
Coleus Dazo
Igname
Arracacia
Canna comestible
Maranta arundinace
Dolique bulbeux
Ansérine quinoa ou Quinoa blanc
PLANTES CONDIMENTAIRES
1° D'origine tropicale
Cardamome
Curcuma
Gingembre
Galanga
Poivre de Cayenne
Poivre noir
Vanille
2° D'origine extratropicale
Aneth
Angélique
Anis
Basilic
Bourrache officinale
Cerfeuil musqué
Coriandre
Estragon
Lavande
Livêche
Marjolaine vivace ou Origan
Mélisse ou Citronnelle
Menthes diverses
Moutarde noire
Raifort
Ben ailé
Romarin
Sarriette
Sauge officinale
Thym
Plantes fruitières du potager
Alkekenge ou Groseille du Cap
Ananas
Fraisier
Melon et Pastèque
Roselle
Tomate en arbre
Vigne
Arbres à épices
Muscadier
Giroflier
Cannelier
Aquiculture potagère
Aquiculture proprement dite
Culture en subirrigation
Culture à niveau constant
Culture à liquide perdu
Solution nutritive
INDUSTRIES AGRICOLES COLONIALES
Huilerie
Extraction de l'huile
1. Extraction par fusion
2. Extraction par expression
3. Extraction par essorage
4. Extraction par dissolvants volatils
Raffinage des huiles
1. Clarification
2. Neutralisation
3. Blanchiment
4. Désodorisation
5. Démargarination
Extraction de l'huile de coton
1. Nettoyage des graines
2. Décorticage
3. Mouture
4. Chauffage de la farine
5. Moulage
6. Pression
7. Epuration de l'huile
Rendement et destination des produits
Extraction de l'huile de palme
Extraction indigène
Extraction industrielle
1. Stérilisation des régimes
2. Egrappage
3. Malaxage des fruits
4. Chauffage
5. Pression
6. Purification de l'huile
7. Traitement des tourteaux
Extraction de l'huile de palmistes
Extraction par pression
Extraction par dissolvants
Propriétés et usages
Extraction de l'huile de coco
Préparation du coprah
Séchage
Extraction de l'huile
Propriétés et usages
Préparation du café
Méthode sèche
Séchage
Décorticage
Triage
Méthode humide
1. Lavage-triage
2. Dépulpage
3. Fermentation
4. Lavage
5. Séchage
6. Décorticage. Triage et classification
7. Emballage
Préparation des fèves de cacao
1. Fermentation
2. Lavage
3. Séchage
4. Emballage
Extraction du sucre de canne
Composition de la canne à sucre
Réception des cannes
Extraction du vesou
A. Par laminage
B. Par diffusion
C. Par le procédé mixte
Vesou
Epuration du vesou
Evaporation, cristallisation et turbinage
Résidus
1. La mélasse
2. Bagasses
Usinage du paddy
Décorticage
Blanchiment
Polissage et glaçage
Riz étuvé
Féculerie. Amidonnerie
Féculerie
1. Lavage et épierrage
2. Râpage
3. Tamisage
4. Epuration
5. Purification de la fécule brute
6. Essorage
7. Dessiccation
Amidonnerie
1. Extraction de l'amidon de maïs
2. Extraction de l'amidon de riz.
Extraction de la quinine
Méthodes calcaires
Méthodes acides
Méthodes à l'ammoniaque
Traitement du latex d'hévéa
I. Extraction du caoutchouc sur place
A. Coagulation par enfumage
B. Coagulation par les agents chimiques
Travail dans une plantation
Emballage
II. Conservation et expédition du latex
Concentration du latex
Expédition du latex
Extraction des fibres
Extraction des fibres de coton
Egreneuse de coton à longues soies
Egreneuses des cotons à courtes soies
Pressage du coton
Extraction des fibres d'agaves (sisal)
Séchage
Extraction des fibres de jute
Extraction des fibres d'Urena lobata

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