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Drs Thomas Bourdrel, Thierry Reeb et Sophie Rabourdin

85 route du Polygone

67 100 Strasbourg

Collectif Strasbourgrespire Monsieur le Président de la République Française

Monsieur le Ministre de l’Ecologie

Madame la Ministre de la Santé

Madame la Ministre chargée des Transports

En 2015, nous étions plus de 120 médecins strasbourgeois à alerter sur la pollution de l’air qui
impacte fortement la santé de nos patients1. Nous alertions déjà sur le décalage entre les
nombreuses études épidémiologiques et toxicologiques démontrant les ravages sanitaires de la
pollution de l’air et l’absence de mesures politiques fortes.

Nous dénoncions l’absence de réactions politiques et sanitaires, en effet les médecins restent mal
informés et les ministères de la santé et ses représentants régionaux également. Les formations
continues pour les médecins sur ce sujet sont également quasiment inexistantes. Maladies
cardiovasculaires (infarctus et AVC en tête), respiratoires (asthme, cancers), neurologiques, impacts
sur le fœtus (retard de croissance, troubles développementaux, majoration des risques d’allergie et
d’asthme dans les premières années de vie), tel est le prix à payer de cette inertie politique. Ce
décalage s’illustre parfaitement lorsque l’on voit que la pollution de l’air est une cause majeure
d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) dans le monde, que selon l’OMS, les AVC représentent la
première cause de mortalité en lien avec la pollution de l’air et que cela reste pourtant absent des
manuels de formations médicales et des services de neurologie ou de cardiologie universitaires
français où cela n’est ni connu ni enseigné, à quelques exceptions près. Pire, le rôle de la pollution
de l’air, du diesel, dans la survenue de ces pathologies est souvent dénigré dans de nombreux CHU !
Il est temps que la santé environnementale soit une discipline à part entière comme c’est le cas dans
de nombreux pays, il est urgent également que la pollution de l’air figure – comme le tabac et l’alcool
– dans le champ d’action prioritaire du ministère de la santé et cesse d’être l’apanage des ministères
de l’écologie ou des transports, ce qui a abouti par le passé à de nombreuses incohérences telles que
la promotion des voitures diesels ou plus récemment à la promotion des incinérateurs dont nous
reparlons plus loin dans ce texte.

En 2018 nous sommes à nouveau plus de 70 médecins strasbourgeois à lancer un nouvel appel
dans lequel nous insistons sur :

1
https://www.lemonde.fr/pollution/article/2015/04/15/les-medecins-strasbourgeois-alertent-sur-les-effets-
de-la-pollution-de-l-air_4616538_1652666.html
Cibler les polluants les plus toxiques : Les particules fines et ultrafines issues de combustion (trafic,
chauffage) sont les plus nocives car recouvertes d’HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) et
de métaux. L’ANSES vient enfin de recommander le dosage et la réglementation de ces particules
ultrafines, qui rappelons le, représentent plus de 90% des particules émises par le trafic routier. Le
collectif Strasbourgrespire alerte régulièrement sur le fait que toutes les particules n’ont pas la
même toxicité, et que rien n’est plus toxique que les HAP présents à la surface des particules diesels
(et dans une moindre mesure essence), alors que ces HAP sont peu voire pas du tout émis par un
véhicule électrique ou au gaz naturel. Rappelons également que le diesel est le champion toute
catégorie des émissions urbaines de NO2, gaz toxique pour le poumon et le système
cardiovasculaire, et que les systèmes de dépollution des diesels ne sont pas efficaces en ville. Les
résultats des politiques anti diesel à Tokyo vont également dans le même sens avec une diminution
de 22% de la mortalité respiratoire et de 11% de la mortalité cardiovasculaire 7 ans à peine après
l’éviction du parc diesel. Sortir rapidement du diesel en ville est donc une urgence sanitaire

-Limiter les projets d’incinération de déchets :

Dans nos dernières tribunes2, nous rappelons qu’il est temps que les ministères de l’écologie, des
transports et de la santé travaillent ensemble et prennent des mesures cohérentes afin que cessent
ces contre sens liés à l’utilisation de mauvais indicateurs qui ont notamment conduit à la promotion
du diesel (sur base du CO2), et qui conduit actuellement l’Ademe et les agences sanitaires à soutenir
des projets polluants tels que des chaufferies biomasse et les incinérateurs. Rappelons que la France
a déjà l’un des premiers parcs d’incinérateur par habitant au monde et que les projets de
construction-rénovation d’incinérateur prolifèrent, au détriment de la santé des riverains, alors qu’il
est possible de réduire de 90% la quantité de déchets incinérés par un tri et un recyclage efficaces.
Les projets de production d’énergie par incinération de déchets se multiplient également alors
qu’ils sont polluants et figurent parmi les plus émetteurs de particules fines et ultrafines, de gaz
toxiques (NO2, HAP), de gaz à effet de serre et de perturbateurs endocriniens. Ces incinérateurs
sont l’objet d’un greenwashing efficace qui leur permet de bénéficier régulièrement du label
« énergie renouvelable » grâce au fait qu’il brûle des déchets. Ce greenwashing parvient à tromper
élus et riverains et conduit à polluer plus. En effet, quand une installation énergétique passe du gaz à
l’incinération de déchets, les émissions de polluants toxiques notamment de particules fines sont
au minimum doublées. Ces procédés d’incinération devraient donc être évités au maximum à
proximité de zones densément peuplées.

De façon plus globale, construire ou valoriser de nouveaux incinérateurs n’a pas de sens ni
économique ni encore moins sanitaire, de tels projets sont régulièrement contestés par scientifiques
et associations partout en France tout particulièrement à Strasbourg, dans la vallée de l’Arve ou
encore à Ivry3.

2
https://www.dna.fr/edition-de-strasbourg/2018/06/12/pour-des-solutions-efficaces-contre-la-pollution-de-l-
air
https://www.dna.fr/edition-de-strasbourg/2018/06/22/blue-paper-et-greenwashing
3
https://www.lemonde.fr/pollution/article/2018/06/27/la-reconstruction-de-l-incinerateur-de-dechets-d-ivry-
fait-polemique_5321986_1652666.html
-Etablir une taxe poids lourds et annuler le projet de contournement routier : Les médecins
signataires souhaitent également rappeler que l‘abandon du projet de l’écotaxe contribue à
fortement augmenter le trafic des poids lourds dans la plaine d’Alsace qui circulent
préférentiellement côté français en raison d’une taxe poids lourds appliquée par nos voisins
allemands. Nous rappelons également que construire un grand contournement (GCO) ne résoudra
pas le problème de la pollution de l’air de façon significative et augmentera même la pollution sur
certains axes. Ce dont nous aurions le plus besoin, c’est de projets courageux, exemplaires, des
projets tournés vers un avenir qui ne nuirait pas ni à notre santé ni à l’environnement. Ainsi, une
immense majorité d’alsaciens est favorable à la taxe poids lourds, à un développement massif des
transports en commun, au ferroutage des poids lourds - qui serait également facilement réalisable
car une voie ferroviaire européenne existe déjà à quelques encablures de Strasbourg. En ce sens, la
politique gouvernementale qui tourne le dos aux transports ferroviaires est un non-sens.

Par cette nouvelle mobilisation de médecins, nous vous demandons de prendre en compte en
premier lieu l’impact sanitaire dans tout projet, de reconsidérer votre position sur le GCO, de sortir
les véhicules polluants notamment diesel des villes- tout en aidant et accompagnant les ménages
modestes qui ne doivent pas avoir à subir les conséquences d’erreurs politiques - et enfin, de
stopper les projets de développement d’incinérateurs.

Dans l’attente d’actions concrètes et rapides,

Dr Thomas Bourdrel, Thierry Reeb et Sophie Rabourdin au nom de l’ensemble des médecins
signataires

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