Pratique quotidienne · formation complémentaire

Le MTA (Mineral Trioxide

Agregate) est un matériau
qui a été introduit en méde-

Une revue des cine il y a quelques années

seulement. Il est utilisé pour
la fermeture des perforations
latérales ou dans les furca-

domaines d’indi- tions, en tant que matériau

pour les obturations endo-
dontiques rétrogrades après
des résections apicales ou

cation du MTA pour les obturations ortho-

grades en cas d’apex large-
ment ouverts, ainsi que pour
les coiffages pulpaires di-
rects. La première partie de
1re partie: propriétés chimiques la présente revue de la litté-
rature a comme objectif
physiques et biologiques du MTA d’évoquer les propriétés
physiques, chimiques et bio-
logiques du MTA. Plusieurs
Kathrin Schönenberger Göhring1, 2, Birgit Lehnert1, études ont démontré que le
Matthias Zehnder1 MTA se caractérise par un
1 Station d’endodontie, Cliniques de médecine dentaire pouvoir plus élevé de créa-
préventive, de parodontologie et de cariologie, Centre de tion d’obturations étanches
médecine dentaire de l’Université de Zurich en comparaison avec les ma-
2 Cabinet privé spécialisé en endodontologie, Zurich tériaux utilisés jusqu’à pré-
sent, tels que l’IRM(r), l’amal-
Mots clés: étanchéité, cytotoxicité, biocompatibilité game et parfois le ciment
Super-EBA(r). Le MTA pré-
Adresse pour la correspondance: sente non seulement une
Dr Kathrin Schönenberger Göhring faible cytotoxicité mais aussi
Praxis für Endodontologie une bonne biocompatibilité.
Färberstrasse 35 En outre, des études in vivo
CH-8008 Zurich ont permis de démontrer
E-mail: kathrin.schoenenberger@zzmk.unizh.ch que le MTA favorise et sti-
mule la régénération des tis-
Traduction française de Thomas Vauthier sus, tant pulpo-dentaires que
parodontaux. Bien que des
études prospectives clini-
ques comparatives fassent
encore défaut, il convient de
(Illustrations et bibliographie voir texte allemand, page 143) conclure, sur la base de la
littérature publiée à ce jour,
que le MTA peut être consi-
Introduction déré comme étant un maté-
L’exposition de la pulpe par rapport à la cavité buccale entraîne riau très intéressant pour
des pathologies pulpaires et péri-apicales. Des expériences sur l’obturation étanche des tis-
des animaux ont permis d’observer que, dans des conditions sus dentaires durs en regard
stériles, de telles lésions n’apparaissent pas (KAKEHASHI et coll. du parodonte. Il semblerait
1965; MÖLLER et coll. 1981). Chez l’être humain également, l’im- en outre que le MTA con-
portance de l’inflammation pulpaire est en relation directe avec vienne extrêmement bien
la profondeur de pénétration des micro-organismes dans les lé- pour les coiffages pulpaires
sions carieuses (REEVES & STANLEY 1966). Des modifications pé- directs.
ri-apicales sur des dents traumatisées ne surviennent que s’il y
a une infection du tissu pulpaire nécrosé, alors que ce n’est pas
le cas lorsque ce dernier demeure exempt d’infection par des En application de l’un des principes suprêmes de la médecine,
germes (SUNDQVIST 1994). En l’état actuel des connaissances, il «primum nil nocere» (Hippocrate, 460–335 av. J.-C.), il convient
ne fait aucun doute que les micro-organismes et les produits en médecine dentaire également de s’efforcer de préserver au
métaboliques y relatifs constituent la cause principale des modi- maximum les tissus sains et de les protéger en regard des agents
fications pathologiques au niveau des tissus pulpaires et péri- pathogènes, en l’occurrence des micro-organismes de la flore
apicaux (KAKEHASHI et coll. 1965; MÖLLER et coll. 1981; SUNDQVIST bucco-dentaire. Lorsque survient une exposition pulpaire, que
1994). ce soit en raison d’un traumatisme ou d’une lésion carieuse, sur

Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 2/2004 149

Pratique quotidienne · formation complémentaire
des dents n’ayant pas terminé la croissance radiculaire, respec-
tivement leur apexicfication, et qu’il n’y a pas de signes d’une
pulpite irréversible, le clinicien devrait se limiter à fermer la
plaie d’exposition, du fait qu’il n’y a alors pas lieu de craindre la
présence d’un grand nombre de bactéries dans les tissus pul-
paires (LANGELAND 1987). Le traitement doit également être
destiné à prévenir la pénétration des bactéries s’il existe une
communication entre le système des canaux radiculaires et le
parodonte, la modalité thérapeutique consistant alors égale-
ment à la fermeture étanche par des matériaux de restauration
appropriés. Du fait que de tels matériaux sont en contact direct
avec des tissus vivants, il faut en tout état de cause qu’ils soient
biocompatibles et qu’ils rendent possible la régénération des
tissus environnants (SELTZER et coll. 1970). Les mêmes exigences
s’appliquent aux matériaux destinés à l’obturation rétrograde de
la région péri-apicale suite à des résections apicales.
Par le passé, un grand nombre de matériaux différents ont été
utilisés pour la fermeture des perforations et pour les obtura-
tions apicales à rétro. Parmi ceux-ci, on peut évoquer les amal-
games, les ciments à base de zinc-eugénol, tels que le Super-
EBA® (Harry J. Bosworth Co., Skokie. IL) et l’IRM® (Interme-
diate Restorative Material, L. D. Caulk Co., Milford, DE), le
Cavit® (ESPE, Seefeld, Allemagne), les composites, ainsi que les
ciments au verre ionomère. Les inconvénients essentiels de ces
matériaux sont d’une part le manque d’étanchéité (perméabilité
relative = leakage) et d’autre part leur toxicité et/ou leur sensibi-
lité en regard de l’humidité (TORABINEJAD et coll. 1993).
Le MTA (Mineral Trioxide Agregate) est un matériau dérivé du ci-
ment de Portland; il a été mis au point par un groupe de cher-
cheurs de l’Université de Loma Linda en Californie qui visait à
développer un nouveau matériau pour les obturations endo-
dontiques rétrogrades et les fermetures des perforations radicu-
laires. Depuis lors, le Mineral Trioxide Agregate est disponible sur
le marché sous le nom commercial de ProRoot® MTA Dental
Cement (Dentsply/Maillefer, Ballaigues, Suisse). A l’origine, le
MTA se présentait sous forme d’une poudre grise (fig. 1). De-
puis l’automne 2002, la couleur du MTA a été modifiée et le pro-
duit n’est désormais commercialisé que sous forme d’une
poudre blanche (fig. 2). A la base, celle-ci est composée de ci-
ment de Portland blanc et contient un pourcentage élevé d’oxy-
de de bismuth (20%). Du fait de cette modification, la littératu-
re ne fait état que d’un nombre restreint de publications scien-
tifiques portant sur le MTA de couleur blanche. Pour cette rai-
son, à l’exception des sources spécifiquement précisées dans le
texte, les études ayant fait l’objet de la revue de la littérature ci-
après ont été réalisées sur le matériau original de couleur grise.
Le MTA a été évoqué pour la première fois en 1993 dans la litté-
rature scientifique du domaine médico-dentaire (HONG et coll.
1993). Au début, seules des publications du groupe de cher-
cheurs autour de Mahmoud Torabinejad étaient disponibles. Par
la suite, les résultats de ces auteurs ont été corroborés en gran-
de partie par d’autres groupes de chercheurs.
Depuis lors, les indications pour l’utilisation du MTA ont sans
cesse été élargies, par exemple en tant que matériau destiné aux
coiffages pulpaires directs (EIDELMAN et coll. 2001). De ce fait, il
y a lieu de s’attendre à ce que le nombre d’utilisations de maté-
riau va aller en croissant, dans les cabinets privés également.
L’objectif de la présente revue de la littérature est de passer en
revue de manière plus précise les propriétés physico-chimiques
et biologiques du MTA (1re partie), de même que d’illustrer, à
l’aide d’un certain nombre d’exemples de cas, les applications
cliniques possibles de ce matériau dans le domaine de l’endo-
dontologie (2e partie, à paraître).
150 Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 2/2004
Composition et propriétés physiques du MTA
Le MTA est un matériau dérivé du ciment de Portland, en d’autres
termes d’un ciment utilisé dans le bâtiment; de ce fait, il se carac-
térise par un certain nombre de propriétés chimiques similaires à
ce dernier (MITCHELL et coll. 1999; TORABINEJAD et coll. 1995b). Les
composants principaux en sont du sel tricalcique de silice, du sel
tricalcique d’alumine, de l’oxyde de calcium et de l’oxyde de sili-
cium. Outre ces composants de base, le MTA contient un certain
nombre d’autres oxydes minéraux. Afin d’augmenter la radio-
opacité du produit, de l’oxyde de bismuth a été intégré à la com-
position du MTA. La radio-opacité du MTA correspond à celle
d’une plaque d’aluminium d’une épaisseur de 6,4 mm; de ce fait,
elle est supérieure à celle de la dentine (équivalente à 0,7 mm
d’aluminium), tout en étant inférieure à celle du ciment Super-
EBA® (équivalente à 9,9 mm d’aluminium), de l’IRM® (9,3 mm
d’Al), de la gutta percha (11,0 mm d’Al) ou de l’amalgame
(15,6 mm d’Al) (LAGHIOS et coll. 2000).
Le MTA, alias ProRoot®, se présente sous forme d’une poudre
conditionnée en sachets pré-dosés (fig. 3). Celle-ci est mélan-
gée à de l’eau distillée dans des proportions de 3:1 (soit 1 gram-
me de poudre de MTA + 0,35 grammes de H2O). La poudre se
compose de fines particules hydrophiles. L’absorption de l’eau
entraîne la formation d’un gel de type colloïde; ce dernier durcit
dans un laps de temps de 2,5 à 3 heures. Après la prise finale, le
matériau n’est plus du tout soluble (DEAL et coll. 2002; LEE et
coll. 1993; TORABINEJAD et coll. 1995b).
Après le mélange initial, le MTA possède un pH de 11. Durant
les trois premières heures après le mélange, ce dernier augmen-
te graduellement à 12,5, valeur qui demeure inchangée durant
au moins 22 heures (DEAL et coll. 2002; TORABINEJAD et coll.
1995b). Le facteur présumé de ce phénomène serait la présence
d’oxyde de calcium qui fait partie de la composition du MTA
(MINANA et coll. 2001); ce dernier réagit avec les fluides tissu-
laires, formant dès lors de l’hydroxyde de calcium. Le pH du
MTA correspond de ce fait à celui de l’hydroxyde de calcium.
(TRONSTAD et coll. 1980).
Jusqu’à présent, aucun essai n’a toutefois été réalisé pour éluci-
der la question de savoir si le MTA agit alors en tant que dépôt
à long terme libérant des radicaux libres hydroxylés, à l’instar
d’une pâte aqueuse d’hydroxyde de calcium.
Le temps de prise du MTA est en moyenne de 2 h 45 min (TO-
RABINEJAD et coll. 1995b). De ce fait, ce dernier est sensiblement
plus long que celui de l’amalgame et des ciments Super-EBA®
ou IRM®. Certains auteurs estiment que le délai de prise pro-
longé représente un inconvénient, en raison du fait qu’il existe-
rait dès lors un risque que le MTA soit alors dissous ou délavé
pouvant ainsi entraîner une irritation des tissus environnants
(ABDULLAH et coll. 2002). Il convient de noter qu’il est possible
de réduire le temps de prise du MTA par l’adjonction de chlo-
rure de calcium (CaCl2) lors du mélange. Des essais portant sur
une variété expérimentale du MTA, appelée «fast set» ont de-
puis lors permis d’observer des temps moyens de prise de 17 mi-
nutes seulement (DEAL et coll. 2002). Il serait toutefois possible
que la réduction du temps de prise comporterait un risque d’en-
traîner une augmentation de prise du matériau, un phénomène
qui serait dès lors susceptible d’influencer de manière défavo-
rable l’étanchéité des obturations. A l’heure actuelle, aucune
étude n’a été publiée à ce sujet.
La résistance à la compression du MTA après 24 heures s’élève
à 40 MPa; cette valeur est dès lors significativement inférieure à
celle de l’IRM® (52 MPa), de l’amalgame (313 MPa) ou du ci-
ment Super-EBA® (60 MPa) (TORABINEJAD et coll. 1995b). Après

21 jours, le MTA atteint des valeurs moyennes de résistance à la
compression de 67 MPa, valeurs qui se situent dès lors dans la
plage de celles qui sont connues pour les ciments à base de
zinc-eugénol (valeurs respectives pour le Super-EBA®: 78 MPa
et l’IRM®: 57 MPa). Pour cette raison, le MTA ne convient pas
aux obturations soumises aux forces occlusales. En revanche, du
fait que les matériaux utilisés pour la réalisation d’obturations à
rétro ou pour la fermeture des perforations latérales ou dans les
furcations ne sont en principe pas soumises à la sollicitation di-
recte de compression provoquée par les forces masticatrices, la
faible valeur de la résistance à la compression ne devrait pas être
à l’origine de répercussions défavorables dans ces indications
précises.
Dans un essai in vitro, les auteurs ont mesuré la force à la ruptu-
re, respectivement le délogement, d’obturations de perforations
réalisées à l’aide de MTA. Il s’est avéré que 72 heures après le
mélange initial, la force à appliquer était significativement plus
élevée, tant après un stockage dans un environnement humide
(6,3 lb) qu’après un entreposage dans un environnement sec
(9,7 lb), par rapport aux valeurs correspondantes enregistrées
24 heures après le mélange initial (stockage en milieu humide:
2,2 lb; stockage au sec: 2,6 lb). La réaction de prise ne serait de
ce fait pas complètement terminée 24 heures après le mélange
du MTA (SLUYK et coll. 1998).
Etanchéité et adaptation marginale in vitro
Les pouvoirs d’étanchéification de différents matériaux destinés
aux obturations endodontiques à rétro ont été étudiés d’une
part lors d’essais de pénétration à l’aide de colorants ou de ra-
dio-isotopes et d’autre part par des méthodes électrochimiques,
sous microscopie électronique à balayage, ainsi que par des tests
de percolation à l’aide de différents liquides. Concernant le
MTA, la première étude de ce type publiée dans la littérature
scientifique du domaine de la médecine dentaire avait porté sur
l’évaluation, à l’aide de tests de pénétration de bleu de méthylè-
ne, de l’étanchéité d’obturations de perforations réalisées par du
MTA, de l’IRM® et par de l’amalgame (LEE et coll. 1993). Il s’est
avéré que la profondeur linéaire de pénétration observée pour
les obturations au MTA était significativement inférieure à celle
qui a été mesurée pour les matériaux de comparaison. En outre,
les obturations au MTA en excès ou en retrait en regard de la
perforation n’influençaient que très peu le pouvoir d’étanchéifi-
cation. Par contre, dans un essai comparatif plus récent, réalisé à
l’aide d’une méthode de percolation par différents liquides, les
auteurs n’ont observé aucune différence significative concer-
nant l’étanchéité d’obturation de perforations réalisées soit par
du MTA, soit par du ciment Super-EBA® (WELDON et coll. 2002).
La première étude ayant porté sur le paramètre du «leakage»
(défaut d’étanchéité marginale) du MTA utilisé en tant que ma-
tériau destiné aux obturations endodontiques à rétro a été pu-
bliée en 1993 (TORABINEJAD et coll. 1993). Dans des essais com-
paratifs de pénétration d’un colorant, les auteurs ont démontré
que le MTA se caractérise par une meilleure qualité d’adapta-
tion marginale par rapport au ciment Super-EBA® et à l’amal-
game. Depuis lors, des études plus récentes ont confirmé le fait
que par rapport à l’amalgame, le MTA permet d’obtenir une
meilleure étanchéité marginale des obturations endodontiques
à rétro (WU et coll. 1998; YATSUSHIRO et coll. 1998), de même
que par rapport aux ciments Super-EBA® et IRM® (MARTELL &
CHANDLER 2002; TORABINEJAD et coll. 1995g).
En cas de contamination des préparations à rétro par du sang,
les obturations réalisées par les ciments Super-EBA® et IRM®
Une revue des domaines d’indication du MTA
présentaient jusqu’à 100% de défauts d’étanchéité (leakage),
alors que parmi les obturations rétrogrades effectuées par du
MTA, seul un quart environ des résultats présentaient des dé-
fauts d’étanchéité (TORABINEJAD et coll. 1994). Pour des échan-
tillons soumis dans un simulateur de la mastication à une solli-
citation correspondant à une persistance en bouche de cinq ans,
il s’est avéré que les obturations à rétro par du MTA se caracté-
risaient par une meilleure qualité d’adaptation marginale, par
rapport non seulement à celles qui ont été réalisées par de
l’amalgame mais également à celles par du ciment Super-EBA®
(PETERS & PETERS 2002). Il semblerait également que même des
valeurs élevées du pH, telles qu’elles sont mesurées dans la
dentine après des applications d’hydroxyde de calcium, n’in-
fluenceraient pas l’étanchéité des obturations au MTA (HACH-
MEISTER et coll. 2002). En cas de valeurs plus faibles du pH, il a
même été observé une augmentation du pouvoir d’étanchéifi-
cation du MTA (ROY et coll. 2001).
Lors de tests d’évaluation du risque de défauts d’étanchéité par
la méthode de la pénétration de micro-organismes, les résultats
obtenus par le MTA ont été supérieurs à ceux observés pour
les matériaux de comparaison (FISCHER et coll. 1998; NAKATA et
coll. 1998; TORABINEJAD et coll. 1995f). Outre l’excellente qualité
d’adaptation marginale du MTA, qui serait due à la légère ex-
pansion de prise, certains auteurs ont dès lors discuté l’hypo-
thèse d’un effet antibactérien du MTA (HONG et coll. 1993).
Il convient cependant de noter qu’il existe des études dans les-
quelles l’étanchéité des obturations réalisées par du MTA n’était
pas de qualité supérieure à celle obtenue par d’autres matériaux
de comparaison, tels que l’amalgame sans bonding dentinaire,
les composites avec bonding dentinaire, le ciment Super-EBA®
ou le Geristore® (ADAMO et coll. 1999; BATES et coll. 1996; SCHEE-
RER et coll. 2001). Une autre étude n’a pas permis de conclure à
des différences significatives entre les matériaux Super-EBA®,
Clearfil Liner Bond 2® et le MTA; par contre, dans la même
étude, des différences significatives ont été observées lors de la
comparaison du MTA par rapport à l’amalgame et l’IRM® (FOGEL
& PEIKOFF 2001).
En guise de conclusion de ce volet consacré aux essais d’évalua-
tion des défauts d’étanchéité marginale (tests de leakage), tels
qu’ils ont été publiés à ce jour, il convient de noter que les résul-
tats obtenus par le MTA ont dans la plupart des cas été d’une
qualité supérieure à celle des matériaux de comparaison; par
contre, celle-ci n’a en aucun cas été inférieure à celle observée
pour des obturations réalisées par d’autres matériaux testés.
Propriétés anti-microbiennes
Dans des tests de diffusion sur agar-agar, les auteurs ont évalué
les capacités inhibitrices de différents matériaux sur des bacté-
ries anaérobies strictes ou facultatives; les matériaux testés ont
été les deux amalgames Dispersalloy® et Sybralloy®, le ciment
Super-EBA®, l’oxyde de zinc-eugénol et le MTA. Pour tous ces
matériaux, le pouvoir inhibiteur a été évalué directement après
le mélange initial et après la prise finale. Il s’est avéré que les
deux amalgames n’exercaient aucun effet anti-microbien sur les
bactéries testées, ni directement après le mélange initial, ni
après la prise finale. Cette observation est en contradiction avec
les résultats obtenus lors d’essais similaires effectués par
d’autres auteurs (GLASSMAN & MILLER 1984; ØRSTAVIK 1985;
SCHERRER et coll. 1989; TOBIAS et coll. 1988). Le MTA, tant à l’état
directement après le mélange initial qu’après la prise finale,
s’est caractérisé par un effet antibactérien sur un certain nombre
de germes anaérobies facultatifs, alors qu’il était exempt d’effet
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 2/2004 151
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inhibiteur sur les bactéries anaérobies strictes, telles qu’elles
sont prédominantes dans la flore présente dans les cas de paro-
dontite apicale (SUNDQVIST 1994). Tant pour l’oxyde de zinc-eu-
génol que pour le ciment Super-EBA®, une faible efficacité inhi-
bitrice a été observée pour les deux groupes de bactéries. Dans
l’ensemble, aucun des matériaux testés ne s’est toutefois carac-
térisé par un pouvoir élevé d’inhibition antibactérienne sous les
conditions d’essai (TORABINEJAD et coll. 1995d).
Mutagénicité et cytotoxicité
En principe, les matériaux mis en contact avec des tissus vivants
devraient être biocompatibles et exempts d’effets cytotoxiques
ou mutagènes (GARTNER & DORN 1992). Soumis à des tests
d’Ames (STANFORD 1980), aucun des ciments testés, à savoir
Super-EBA®, IRM® et MTA, n’a présenté de potentiel mutagène
(KETTERING & TORABINEJAD 1995e).
Dans des tests d’overlay sur agar-agar, l’amalgame à l’état direc-
tement après le mélange initial et après la prise finale s’est ca-
ractérisé par une toxicité significativement inférieure à celle ob-
servée pour le MTA, le Super-EBA® et l’IRM®. Par contre, dans
des essais de diffusion de chrome radioactif, la toxicité du MTA
a été significativement inférieure à celle de tous les autres maté-
riaux testés (TORABINEJAD 1995e).
Osorio et ses collaborateurs ont évalué la cytotoxicité de diffé-
rents ciments d’obturation endodontique, à savoir l’Endomet®,
le CRCS® et l’AH26®, ainsi que celle d’un certain nombre de
matériaux destinés aux obturations par voie rétrograde, parmi
lesquels l’amalgame, le Gallium GF2®, le Ketac Silver®, le MTA
et le Super-EBA®. Ces essais ont été réalisés sur des fibroblastes
de souris (L-929) et des fibroblastes gingivaux d’origine humai-
ne (OSORIO et coll. 1998). A l’exception du MTA, tous les autres
matériaux testés ont provoqué des effets cytotoxiques sur les
cellules étudiées. Dans cette étude, l’amalgame et le Super-
EBA® ont provoqué des réactions sensiblement plus impor-
tantes que celles qui avaient été observées dans une autre étude
par des tests d’overlay sur agar-agar qui avait étudié des cellules
rénales d’origine simienne (BRUCE et coll. 1993).
Dans une autre étude qui avait porté sur des cellules cultivées à
partir d’ostéosarcomes humains, les cellules ont adopté une for-
me arrondie et étaient plutôt clairsemées après avoir été en con-
tact avec de l’IRM® pour une période de un et de trois jours
(KOH et coll. 1998). Selon d’autres auteurs, ces phénomènes se-
raient dus à la cytotoxicité de l’eugénol contenu dans ce maté-
riau (HUME 1984). En revanche, les cellules cultivées en contact
avec du MTA étaient présentes en grand nombre et adhéraient
même au matériau, ce qui refléterait l’excellente biocompatibili-
té de ce matériau. Des recherches d’évaluation des effets cyto-
toxiques du MTA, du Super-EBA® et de l’amalgame, à diffé-
rentes concentrations, sur des fibroblastes parodontaux d’ori-
gine humaine ont permis de démontrer que la cytotoxicité du
MTA, indépendamment de la concentration considérée, était si-
gnificativement inférieure à celle du Super-EBA® (KEISER et coll.
2000). Appliqués sur du composite et du MTA pour une durée
de 24 heures, des ostéoblastes d’origine humaine se caractéri-
saient par une adhésion sur le substrat, de même que par une
morphologie cellulaire et une activité de mitose normales. Par
contre, sur de l’amalgame ou de l’IRM®, la qualité d’adhésion
des ostéoblastes sur ces substrats était inférieure. Une partie des
cellules présentaient un aspect arrondi et une activité réduite de
mitose (ZHU et coll. 2000).
Dans une étude publiée récemment, les auteurs ont comparé les
effets cytotoxiques du MTA, du ciment de Portland et du ciment
152 Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 2/2004
de Portland à prise rapide (créée par l’adjonction de chlorure de
calcium), par rapport à ceux d’un ciment à base de verre iono-
mère. Il s’est avéré que le ciment à base de verre ionomère était
sensiblement moins bien toléré par les tissus que tous les autres
matériaux testés; à noter que parmi ces derniers, les auteurs n’ont
par ailleurs observé aucune différence significative (ABDULLAH et
coll. 2002). Il sera nécessaire de réaliser des études supplémen-
taires pour élucider la question de savoir s’il est possible de ré-
duire le temps de prise du MTA tout en préservant les autres pro-
priétés fort favorables de ce matériau.
Biocompatibilité: études histologiques
Après des implantations d’échantillons de MTA, d’amalgame,
de Super-EBA® et d’IRM® dans des tibias et des mandibules de
cobayes, le MTA a provoqué les réactions inflammatoires les
moins marquées (TORABINEJAD 1998). Dans 60% des cas d’une
autre étude ayant porté sur le MTA, aucun signe d’inflammation
n’a été observé sur le plan histologique (TORABINEJAD 1995c).
Dans ce contexte, il convient toutefois de relever le fait que dans
les expériences sur des cobayes , telles qu’elles ont été évoquées
plus haut, les résultats observés pour des échantillons de ciment
de Portland stérile étaient tout aussi favorables que ceux consta-
tés pour les échantillons de MTA (SAIDON et coll. 2003). De ce
fait, cette étude récemment publiée n’a pas manqué de soutenir
l’idée selon laquelle il serait possible d’utiliser du ciment de
Portland stérile en tant qu’alternative plus économique en lieu
et place du MTA.
Après des applications de MTA en tant que «bouchon apical»
dans des expériences réalisées sur des chiens présentant des lé-
sions de parodontite apicale, les auteurs ont observé des lésions
apicales de volumes moins importants que dans le groupe de
contrôle; ces résultats ont été vérifiés par des examens histolo-
giques et radiologiques après une durée d’observation de neuf
semaines. Pour les groupes de contrôle, ces expériences ont eu
recours à des dents qui avaient été obturées par des panse-
ments, soit à base d’hydroxyde de calcium, soit contenant des
facteurs de croissance (TGF-bêta, IGF-1, PDGF) (TITTLE et coll.
1996).
Dans une autre expérience sur des rats, les auteurs ont procédé
à l’implantation, dans le tissu conjonctif sous-cutané, de
disques créés par la section de racines obturées par du MTA de
couleur grise ou blanche; après des délais d’observation de sept
et de trente jours respectivement, les examens histologiques ont
permis d’observer la présence de tissus minéralisés en contact
direct entre le MTA et la dentine. Les auteurs en ont dès lors tiré
la conclusion que les résultats et le mode d’action du MTA de
couleur grise ou blanche seraient très similaires (HOLLAND et
coll. 2001; HOLLAND et coll. 2002).
Lors de l’utilisation du MTA en tant que matériau d’obturations
à rétro, des essais réalisés in vivo ont permis de démontrer, sur le
plan histologique, des néoformations de cément qui recou-
vraient aussi bien la dentine de la racine réséquée que la couche
de MTA (PITT FORD et coll. 1995; TORABINEJAD et coll. 1995a). La
couche de cément néoformé se prolongeait sans aucune inter-
ruption en direction de la dentine réséquée. En outre, des lignes
d’incréments parallèles et des cellules ont été observées dans la
couche de cément; une partie des fibres du conjonctif s’insé-
raient dans la surface du cément. Dans un essai histomorpho-
métrique réalisé sur des chiens beagle, APAYDIN et coll. (2002)
ont comparé la fréquence de la néoformation et le volume du
cément néoformé sur des racines réséquées qui contenaient soit
du MTA fraîchement mélangé, soit ayant terminé la prise. Il s’est

avéré que la néoformation cémentaire au-dessus des racines ré-
séquées était moins importante lorsque celles-ci étaient obtu-
rées par du MTA ayant terminé sa prise au moment de la résec-
tion, que celle observée sur des racines dont l’obturation de la
préparation à rétro avait été effectuée par du MTA fraîchement
mélangé (APAYDIN et coll. 2002). Il semblerait dès lors que le
MTA fraîchement mélangé est doté d’un pouvoir inducteur plus
important de néoformation cémentaire par rapport à celui exer-
cé par du MTA ayant terminé sa prise. Toutefois, des néoforma-
tions de cément ont été observées dans 75% des cas correspon-
dant à cette deuxième situation.
La cémentogenèse par dessus le MTA représentent un phéno-
mène qui n’avait jamais été observé auparavant pour les autres
matériaux d’obturation à rétro. Outre l’incertitude concernant
l’origine de cette néoformation cémentaire, il subsiste égale-
ment la question de savoir pour quelle raison le cément se dé-
pose sur le MTA. Selon l’une des hypothèses, le MTA, du fait de
sa faible cytotoxicité, faciliterait simplement les dépôts de cé-
ment, alors que selon d’autres auteurs, le matériau induirait ac-
tivement la synthèse de cément. Pour l’instant, ni l’une ni l’autre
de ces hypothèses n’a été prouvée de manière satisfaisante. Le
bon pouvoir d’étanchéification, le degré élevé de biocompati-
bilité ou la valeur fortement basique du pH du MTA lors de la
réaction de prise seraient également susceptibles de jouer des
rôles à ce propos. Des études in vitro ont permis de démontrer
que le MTA est capable de stimuler la direction de cytokines en
direction des cellules osseuses (KOH et coll. 1997; MITCHELL et
coll. 1999). Ces observations semblent indiquer que le MTA est
à même d’induire de manière active la formation de tissus durs.
Toutefois, contrairement à ce qui a été observé pour l’hydroxyde
Une revue des domaines d’indication du MTA
de calcium, cette formation de tissus durs ne semble pas se dé-
rouler selon le mécanisme d’une induction via une nécrose de
coagulation (FARACO & HOLLAND 2001). Il est en principe pen-
sable que le MTA, à l’instar des verres bioactifs, favoriserait la
précipitation de phosphate de calcium par l’augmentation de la
concentration des ions de silicium dans l’environnement immé-
diat du matériau (KANGASNIEMI et coll. 1993).
Remarques finales
Il convient de tenir compte du fait que la pertinence au plan cli-
nique des études isolées réalisées in vitro, de même que celle
des expériences sur des animaux, doit être considérée comme
étant limitée. La majorité des études évoquées dans le texte qui
précède semblent soutenir la thèse selon laquelle le MTA repré-
sente un excellent matériau permettant de réaliser des obtura-
tions, des perforations et des préparations endodontiques à ré-
tro, de même que des coiffages pulpaires. En dépit de ce fait, il
ne sera pas possible de procéder à une évaluation finale de la
valeur clinique de ce matériau avant que des études cliniques
prospectives n’aient été publiées à ce sujet. Du fait que de telles
études en nombre suffisant font encore défaut à l’heure actuel-
le, nous sommes contraints pour l’instant de nous référer aux
seules présentations de cas et à des études cliniques d’enver-
gure relativement restreinte.
La deuxième partie de la présente contribution aura comme ob-
jectif d’illustrer les applications cliniques du MTA et d’en docu-
menter les utilisations à l’aide d’un certain nombre de cas cli-
niques.
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 2/2004 153