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Pierre-Henri Imbert
Imbert Pierre-Henri. La France et les traités relatifs aux droits de l'Homme. In: Annuaire français de droit international, volume
26, 1980. pp. 31-43.
doi : 10.3406/afdi.1980.2379
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1980_num_26_1_2379
LA FRANCE ET LES TRAITES
Pierre-Henri IMBERT
Le 4 novembre 1980, la France a adhéré aux deux Pactes des Nations Unies
qui, avec la Déclaration universelle des droits de l'homme, constituent la « Charte
internationale des droits de l'homme » : le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques (1), adoptés tous deux par l'Assemblée générale des Nations
Unies le 16 décembre 1966 et entrés en vigueur en 1976, respectivement le
3 janvier et le 23 mars (2).
Il s'agit d'une décision importante, qui devrait permettre à la France de
tenir enfin la place qui aurait dû toujours être la sienne dans l'entreprise de
protection et de promotion des droits de l'homme au niveau international.
Notre satisfaction est toutefois fortement tempérée par les conditions dans
lesquelles cette adhésion s'est effectuée. Ce goût d'amertume est le même que
celui que beaucoup ont ressenti lorsque la France a ratifié la Convention européenne
des droits de l'homme. Nous pouvons d'ailleurs reprendre, pour les Pactes, le même
schéma qui avait été utilisé par plusieurs commentateurs à cette occasion :
l'adhésion de la France est à la fois tardive et limitée (3).
**
Intervenant quatorze ans après l'adoption des Pactes, l'adhésion française peut
être qualifiée de tardive, même si ce délai apparaît bien modeste, comparé à celui
qui fut nécessaire pour la Convention européenne (vingt-quatre ans...). Pourtant, la
participation de la France avait été envisagée dès 1969(4) et, lors du débat, en
(10) II s'agit des déclarations et réserves relatives aux articles 4, 9 et 14, 19, 21 et 22.
Pour les déclarations et réserves faites à la Convention européenne, voir les études indiquées
supra, note 3 et V. Coussirat-Coustère, * La réserve française à l'article 15 de la Convention
européenne des droits de l'homme », J.D.I. 1975, p. 269-293 ; M.-A. Eissïn, « La France et le
Protocole n° 2 à la Convention européenne des droits de l'homme » in « Studi in onore di
Giorgio BaUadore Pallieri », Milan, 1978, vol. 2, p. 249-279.
(11) Comme le débat sur la Convention européenne, l'examen par l'Assemblée nationale
du projet de loi autorisant l'adhésion de la France au Pacte relatif aux droits civils et poli
tiques, a donné l'occasion de préciser les prérogatives du Parlement à l'égard des réserves que
le Gouvernement entend formuler (Rapport de M. Chandernagor, p. 20, 21, 23 et 24; inter
ventions de M. J.P. Cot, p. 1185 et 1186, et de M. François-Poncet, p. 1188) . Devant maintenir
notre étude dans des limites strictes, nous ne traiterons pas de cette question mais signalerons
seulement que l'idée d'une obligation juridique, à la charge du Gouvernement, de présenter
au Parlement l'ensemble des éléments d'un engagement international semble avoir été
abandonnée. Un accord s'est établi sur la base d'un droit d'information du Parlement. La
lettre du 28 avril 1980, à laquelle nous avons déjà fait allusion, confirme bien que le
Gouvernement n'a pas l'intention de formuler des réserves nouvelles après un débat de
ratification. Voir sur ce sujet : J. Dhommeaux, « La conclusion des engagements internationaux
en droit français: dix-sept ans de pratique», A.F.D.I. 1975, p. 815-858; P.-H. Imbert, «Les
réserves aux traités multilatéraux », Paris, Pédone, 1979, p. 393-394; L. Saïdj, « Le parlement
et les traités », Paris, L.G.D.J., 1979 (spec. p. 14-24 et 101-130) ; C. Zanghi, c Le riserve italiane
al Patto sui diritti civili e politici délie N.U. », La Communità internazionale 1979, p. 358-382.
(12) République fédérale d'Allemagne, Autriche, Canada, Danemark, Finlande, Islande,
Italie, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède.
LA FRANCE ET LES TRAITÉS RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 35
moins qu'elle ne soit un prétexte masquant la raison véritable qu'a laissé entrevoir
M. Bernard -Reymond dans son intervention devant le Sénat (p. 2765) : « En ce
qui concerne les recours interétatiques, je dirai tout à fait franchement que,
jusqu'à présent, nous ne croyons pas qu'il soit particulièrement opportun de
donner à un comité des Nations Unies un droit d'intervention dans les différends
— du reste fort hypothétiques — que nous pourrions avoir avec ces Etats en
matière de droits de l'homme » (13).
La décision de ne pas adhérer au Protocole facultatif instituant un droit de
recours individuel des particuliers devant le Comité des droits de l'homme (14) n'a
pas nécessité autant d'explications. L'exposé des motifs se contente d'indiquer (p. 8)
que «la question ne sera éventuellement envisagée qu'après celle de l'acceptation
du droit de recours individuel dans le cadre de la Convention européenne des
droits de l'homme, pour lequel le Gouvernement a estimé nécessaire, comme le
sait le Parlement, de nous laisser un temps de réflexion permettant de mesurer
les implications de l'introduction de ce texte dans notre droit».
Cette réponse n'est logique qu'en apparence car les deux procédures de
contrôle sont totalement différentes et celle prévue par le Protocole est particu
lièrement respectueuse de la souveraineté des Etats. Il n'en reste pas moins, comme
l'a souligné le Rapporteur du Sénat (p. 26) , qu'elle « constitue assurément la
garantie la plus tangible de la protection et de l'essor des droits affirmés par le
Pacte ».
Ainsi, encore une fois, la France s'isole par un refus (15).
Pour compenser cette attitude particulièrement regrettable, le Gouvernement
affirme avec force qu'en adhérant au Pacte relatif aux droits civils et politiques,
la France « apporte son concours à l'immense et diiïicile entreprise internationale au
service des droits de l'homme », de même que l'adhésion à l'autre Pacte permet de
« marquer, sur le plan mondial, notre attachement à ces valeurs ». Ces actes
seraient d'autant plus méritoires que gratuits :
«Le Gouvernement considère que notre droit correspond très largement
aux obligations inscrites dans le Pacte sur les droits économiques, sociaux et
culturels. (...) Il ne pense pas que cet engagement soit indispensable pour
assurer aux citoyens français la pleine jouissance des droits économiques,
sociaux et culturels » (p. 5) .
«En tout état de cause, les garanties judiciaires qui existent dans notre
droit assurent de façon satisfaisante le respect des libertés inscrites dans le
Pacte (...). Le Pacte sur les droits civils et politiques ne doit pas apporter
de modification à notre droit, puisque celui-ci lui est déjà conforme» (p. 8).
#♦
Les pages qui précèdent évoquent irrésistiblement les débats qui ont eu lieu
devant le Parlement, en 1973, à l'occasion de la ratification de la Convention
(13) Quelques jours auparavant, le 11 juin 1980, un Etat ni européen ni « occidental »,
le Sri Lanka, avait reconnu la compétence du Comité des droits de l'homme en vertu de
l'article 41.
(14) Tout Etat partie au Protocole reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir
et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction qui
prétendent être victimes d'une violation, par cet Etat partie, de l'un quelconque des droits
énoncés dans le Pacte.
(15) Au 31 décembre 1980, les Etats suivants étaient parties au Protocole : Barbade,
Canada, Colombie, Costa Rica, Danemark, Equateur, Finlande, Islande, Italie, Jamaïque,
Madagascar, Maurice, Nicaragua, Norvège, Panama, Pays-Bas, Pérou, Rép. Dominicaine,
Sénégal, Suède, Suriname, Trinité-et- Tobago, Uruguay, Venezuela, Zaïre.
La France n'a pas non plus reconnu le droit de recours individuel prévu par l'article 14
de la Convention sur la discrimination raciale, un tel système pouvant être < le prétexte
d'immixtions abusives dans nos affaires intérieures» (Projet de loi, A.N.. n° 1617 (1970), p. 5).
36 LA FRANCE ET LES TRAITÉS RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME
**
Dans l'exposé des motifs du projet de loi autorisant la ratification de la
Convention européenne, le Gouvernement expliquait en ces termes pourquoi il
n'envisageait pas, « tout au moins dans un premier temps », de faire la déclaration
d'acceptation du droit de requête individuelle :
«Tout d'abord, en effet, il est préférable que, comme plusieurs de nos
partenaires — étant noté que tous n'ont pas encore fait cette déclaration — nous
puissions apprécier les implications de l'introduction de la Convention dans
notre droit avant de permettre aux individus de mettre en cause devant la
Commission l'application qu'en feront les institutions nationales, et notamment
nos tribunaux. Ensuite et surtout, la France est sans doute le pays d'Europe où
les libertés individuelles bénéficient des plus grandes garanties judiciaires, et
l'ouverture aux individus d'une possibilité de recours à des mécanismes inte
rnationaux ne paraît pas indispensable» (17).
Au cours des débats, M. Michel Jobert apportera certaines précisions - en
déclarant, au Sénat, que le Gouvernement «pense que notre droit interne est
suffisamment parfait pour que les individus puissent être défendus. Il pense aussi
que peut-être les tribunaux ont besoin d'un délai, que vous jugez inutile, mais que
nous jugeons nécessaire, pour s'adapter au droit de la Convention. Au fond, nous
vous demandons une période de réflexion (...) » (18). Devant l'Assemblée nationale
il soulignera, pour la première fois, les conséquences de l'introduction des disposi
tionsde la Convention dans le droit interne français : « après sa ratification et dès
sa publication, la Convention entrera directement dans notre droit où, en appli
cation de l'article 55 de la Constitution, elle aura une autorité supérieure à celle
des lois. Autrement dit, et contrairement à ce qui se passe chez certains de nos
partenaires, la Convention s'appliquera, en France, directement, dans toutes ses
dispositions, et tout citoyen pourra — cela est important — s'en prévaloir devant nos
juridictions » (19).
Il est aisé de relever le caractère contradictoire de la plupart de ces objections :
si vraiment le droit français est parfait et déjà conforme aux dispositions de la
Convention, pourquoi les tribunaux auraient-ils besoin d'un délai d'adaptation de
(16) Ce terme a été utilisé par M. M. Jobert, devant le Sénat : « Le Gouvernement est
simplement prudent... » (J.O., Débats, Sénat, 31 octobre 1973, p. 1547).
(17) Sénat, n° 2 (1973-1974) , p. 7-8.
(18) J.O., Débats, Sénat. 31 octobre 1973, p. 1547.
(19) J.O., Débats, A.N., 21 décembre 1973, p. 7278.
LA FRANCE ET LES TRAITES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 37
plusieurs Etats qui ont reconnu le droit de requête individuelle ont un régime
semblable à celui de la France, cette opposition entre deux systèmes juridiques
est moins absolue qu'il ne paraît. Tout dépend en effet de l'attitude des tribunaux.
Or, en France, s'il n'y a pas de difficulté pour admettre l'appréciation de validité
des actes administratifs par rapport aux traités, il n'en va pas de même lorsqu'il
s'agit d'une loi (27) . Nous connaissons la divergence qui existe sur ce point entre
la Cour de cassation et le Conseil d'Etat, dans les cas où la loi est postérieure au
traité : le juge judiciaire fait prévaloir le traité alors que le juge administratif adopte
la solution inverse (28) . Certes, si un amendement récemment adopté par l'Assem
blée nationale est définitivement retenu, cette divergence disparaîtra... mais au
profit de la thèse retenue par le Conseil d'Etat (29). Ce résultat serait d'autant plus
paradoxal qu'au Royaume-Uni une évolution est en cours qui pourrait bouleverser
la situation juridique actuelle. Nous pensons en particulier à la proposition d'établir
un Bill of Rights, catalogue de droits fondamentaux identiques à ceux découlant
de la Convention et ayant une force juridique liant même le Parlement, ainsi
qu'à diverses déclarations faites au cours d'audiences devant la Chambre des
Lords (30).
L'invocation de l'article 55 de la Constitution est beaucoup moins déterminante
qu'il pourrait sembler à première vue. A cela s'ajoute le fait qu'au fur et à
mesure que les années passent (bientôt sept ans...) et que les décisions par lesquelles
les tribunaux appliquent la Convention européenne deviennent plus nombreu-
(27) Dans des réponses à des questions écrites que nous examinerons plus loin, le
Gouvernement semble limiter les requêtes individuelles prévues par l'article 25 aux décisions
administratives (voir infra n. 33) .
(28) Voir la chronique, dans cet Annuaire, de J.F. Lachaume; H. Thierry, J. Combacau,
S. Sur, Ch. Vallée, « Droit international public », Paris, Montchrétien, 1979, p. 177-191;
Nguyen Quoc Dinh, P. Dailler, A. Pellet, « Droit international public », Paris, L.G.D.J.,
1980, p. 253-259; G.A. Bermakn, «French treaties and French Courts : two problems in
supremacy», I.C.L. Q. 1979, p. 458-490.
(29) M. M. Aurillac, rapporteur pour le projet de loi complétant le Code de l'Organi
sationjudiciaire, a proposé un amendement tendant à modifier l'article 10 de la loi des
16-24 août 1790 qui dispose : « Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirect
ement aucune part à l'exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution
des décrets du Corps législatif, sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture ». L'amendement
se lit ainsi : « Les juridictions ne pourront, directement ou indirectement, prendre part à
l'exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution des lois régulièrement
promulguées, pour quelque cause que ce soit. Le tout à peine de forfaiture ». Lors des débats,
il n'a été question que du Traité du Marché Commun et du droit communautaire dérivé
mais, par sa généralité, un tel texte empêcherait la Cour de cassation d'écarter l'application
d'une loi contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. Même si finalement
cet amendement n'est pas retenu, il est à la fois significatif et inquiétant qu'il ait été adopté
par l'Assemblée nationale sans qu'aucun député ait émis des objections de principe, bien
au contraire. Seuls ont pris la parole MM. R. Forni (Parti socialiste) et G. Ducoloné (Parti
communiste). Le premier aurait souhaité avoir la possibilité de revenir ultérieurement sur
ce sujet, tout en précisant qu'il aurait plutôt tendance à se rapprocher à la position du
Rapporteur; le second a déclaré que son parti voterait l'amendement. (Rapport n° 1948; J.O.,
Débats, A.N., 10 octobre 1980, p. 2636-2637 et 2643-2645) .
(30) Les plus récentes sont celles de Lord Fraser et de Lord Scarman dans l'affaire
Attorney General v B.B.C.; ce dernier a en particulier affirmé : "I do not doubt that, in
considering how far we should extend the application of contempt of court, we must bear
in mind the impact of whatever decision we may be minded to make on the international
obligations assumed by the United Kingdom under the European Convention. If the issue
should ultimately be, as I think in this case it is, a question of legal policy, we must have
regard to the country's international obligation to observe the European Convention as
interpreted by the European Court of Human Rights" ([1980] 3 All England Law Reports,
p. 178). Voir A. Drzemczewski, "The implementation of the United Kingdom's obligations
under the European Convention on Human Rights : recent developments", R.DM. 1979,
p. 95-133.
LA FRANCE ET LES TRAITES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 39
(31) Voir les études indiquées supra, n. 26. Dans son rapport sur le Pacte relatif aux
droits civils et politiques, M. Palmero mentionne (p. 26) plusieurs arrêts de la Cour de
cassation et l'arrêt du Conseil d'Etat, Winter, du 15 février 1980, Rec. p. 87. (Nous pouvons
aussi citer l'arrêt Debout, du 27 octobre 1978, avec les conclusions très intéressantes de
M. Labetoulle, Rec, p. 395). Devant l'Assemblée nationale, M. François-Poncet a indiqué
(p. 1188) que « dans plus de la moitié des pourvois devant la chambre criminelle de la Cour
de cassation, (la) Convention est aujourd'hui invoquée ». Pour des exemples d'arrêts rendus
par des juridictions inférieures, voir la chronique précitée de J.F. Lachaume.
(32) Réponse à la question écrite de M. Le Pensec, n° 28778, J.O., A.N., 12 mai 1980,
p. 1905. En ce qui concerne la jurisprudence des organes de contrôle, nous rappelons que
la Commission européenne des droits de l'homme fonctionne depuis vingt-six ans et la
Cour depuis vingt-et-un ans.
40 LA FRANCE ET LES TRAITÉS RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME
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Ces affirmations du ministre des Affaires étrangères ne sont pas, à proprement
parler, une révélation. Mais c'est la première fois que le véritable motif de la
non-reconnaissance du droit de requête individuelle est indiqué officiellement par
une autorité gouvernementale (34) . C'est en fait le même motif qui a été la
cause du retard mis par la France à ratifier la Convention européenne et qui
explique le caractère incomplet de l'adhésion au Pacte des Nations Unies (35) : une
conception très rigoureuse de la souveraineté nationale qui engendre une méfiance
à l'égard de la moindre éventualité d'une intrusion dans les affaires françaises
d'une juridiction étrangère et qui s'efforce de sauvegarder le caractère traditionnell
ement interétatique du droit et des rapports internationaux (36) .
La situation est donc maintenant plus claire. Mais elle est peut-être aussi plus
inquiétante : il était assez aisé, nous l'avons vu, de contester les objections de
caractère technique avancées par le Gouvernement; par contre, à présent, on est
confronté à une position de principe qui laisse une large part à l'irrationnel,
comme c'est souvent le cas en France lorsqu'il est question des atteintes à la
souveraineté nationale et de la redoutable « supranationalité » (37) .
C'est la raison pour laquelle, personnellement, nous avons peu d'espoir de
voir la France faire, dans un avenir assez proche, la déclaration prévue par l'article
(33) Réponses aux questions écrites de MM. E. Hamel (n° 29618, J.O., A.N., 30 juin 1980,
p. 2685), G. Peronnet (n° 30765, id., p. 2688), Y. Tondon (n° 35634, J.O., A.N., 10 novembre
1980, p. 4734) . Voir aussi la réponse à la question orale posée par M. Jager devant le Sénat
(Débats, 11 octobre 1980, p. 3857). Il convient de noter que dans le texte retenu pour ces
réponses on a ajouté l'adjectif « administratives » après le mot « décisions », dans la
première phrase.
En ce qui concerne le deuxième paragraphe de la déclaration de M. François-Poncet,
nous osons espérer que le ministre ne pensait qu'au Comité des droits de l'homme et que
ses critiques sur la composition des organes de contrôle et les conditions de désignation
de leurs membres ne concernaient ni la Cour ni la Commission de Strasbourg.
(34) Un tel motif avait bien entendu déjà été avancé dans la plupart des études écrites
à l'occasion de la ratification par la France de la Convention européenne et au cours des
débats parlementaires. A ce sujet, il est intéressant de rappeler les justifications qui, aux
yeux du Rapporteur pour avis de l'Assemblée nationale, M. Rivierez, pouvaient expliquer
le refus de la France de faire la déclaration prévue par l'article 25 de la Convention : la
Commission et la Cour européenne des droits de l'homme pourraient contrôler — à la
différence du juge administratif français — les actes de Gouvernement; « les décisions de la
Cour de cassation et du Conseil d'Etat ont, aux yeux des Français, un caractère presque
sacré qui rend dans l'immédiat presque inadmissible l'idée que les décisions de ces
juridictions pourraient être remises en question par une autre instance »; « on peut craindre
que les lois françaises fassent l'objet de requêtes de la part des citoyens français » (Avis
n° 850 (1973-1974), p. 14).
(35) Dans son rapport pour le Sénat, M. Palmero écrit, au sujet des deux procédures
facultatives ouvertes par le Pacte relatif aux droits civils et politiques : « conformément &
l'habitude prise en la matière, le Gouvernement n'a pas jugé bon, pour l'instant, d'accepter
de se voir engagé par les deux procédures » (p. 25) . Pour la Convention sur la discrimination
raciale, v. supra, n. 15.
(36) Lors du débat, à l'Assemblée nationale, sur l'adhésion au Pacte relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, M. François-Poncet a terminé son intervention par ces
mots, qui avaient d'autant plus de poids que, dans ce contexte, ils s'apparentaient à un
obiter dictum : « Les organisations internationales ne sont et ne peuvent être un tribunal.
Mais elles doivent être un carrefour et une tribune où s'élabore progressivement une morale
que chacun de leurs membres se sent tenu de respecter » (p. 1183) .
(37) R. Goy a bien montré le mélange, dans l'attitude française, entre un < complexe
de supériorité » et un « complexe d'infériorité » : d'une part, la France n'a rien à apprendre
en matière de droits de l'homme, d'autre part, elle serait menacée par la Convention
européenne (étude précitée (supra n. 3) , p. 37) .
LA FRANCE ET LES TRAITÉS RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 41
insister sur le véritable préjudice que cette attitude négative presque solitaire (43)
cause à la France. On attend d'elle un geste, un geste politique qui confirmera son
attachement à une Europe digne des idéaux qu'elle veut défendre (44).
**
*
H serait excessif de penser que la France est la seule à manquer d'enthousiasme
à l'égard des traités relatifs aux droits de l'homme. Comme le soulignait à juste
titre M. Palmero dans son rapport sur le Pacte relatif aux droits civils et politiques,
« si la volonté de promouvoir les droits de l'homme est une chose, la méfiance
profonde de la quasi totalité des Etats à l'égard de toute procédure juridique ou
politique qui pourrait, de près ou de loin, paraître entamer quelque peu leur libre
arbitre et leur souveraineté nationale est une autre réalité bien tangible » (p. 5) .
Ce n'est pas sans raison que les mécanismse de contrôle sont presque toujours
facultatifs.
Mais — peut-être par contraste avec son attitude passée — la France donne
de plus en plus l'impression d'avoir, en ce domaine, mauvaise conscience, d'oublier
que jusqu'à présent c'est elle qui prenait les initiatives. Si elle veut vraiment
apporter son concours « à l'immense et difficile entreprise internationale au service
des droits de l'homme » (45) , elle devra faire preuve de plus d'audace.
Annexe
(43) Sur vingt Etats parties à la Convention, seuls n'ont pas souscrit la déclaration
au titre de l'article 25 : Chypre, Espagne, France, Grèce, Malte et Turquie. Le gouvernement
espagnol a informé le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe qu'il souscrira cette
déclaration à partir du 1er juillet 1981 (l'Espagne est devenue membre du Conseil de
l'Europe le 24 novembre 1977) .
(44) La ratification de la Convention était déjà, comme l'a souligné M. M. Jobxbt,
c la manifestation d'une volonté politique » (voir A. Pellet, op. cit., p. 1344) .
(45) Exposé des motifs du projet de loi autorisant l'adhésion au Pacte relatif aux
droits civils et politiques, p. 8.
(46) Décrets portant publication des deux Pactes, J.O., 1" février 1981, p. 404 et 408.
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