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DOSSIER SPECIAL
Les TMS en Europe

B T S
Normes européennes et évaluation

N E W S L E T T E R
des risques de TMS: un défi pour l'avenir

J. A. Ringelberg *


J U I N
Les débuts de la normalisation Les principaux thèmes sur lesquels nous devions
concernant les TMS harmoniser nos diverses approches afin de parvenir
à un consensus étaient les suivants :
En 1985, le CEN1 instaurait un Comité technique • l'ergonomie: adapter le poste de travail à l'utilisa-

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spécifique à l'ergonomie (CEN/TC122) avec l'appui teur ou l'utilisateur au poste de travail?;
du Comité technique 114 "Sécurité des machines". • le genre: suffit-il que dans ses exigences essen-


Le groupe de travail " Biomécanique " a tenu sa pre- tielles de sécurité, la Directive ne s'adresse qu'aux

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mière réunion à Nimègue (Pays-Bas), en 1988, au seuls travailleurs masculins, ou devrions-nous tenter
moment où la Directive européenne relative à la de traiter sur un même plan les utilisateurs mascu-
manutention manuelle de charges (90/269/CEE) était lins et féminins? Pourquoi ne pas combiner les exi-
en préparation. Il apparaissait alors que le processus gences masculines et féminines? Sommes-nous en
de normalisation représentait une bonne opportu- train de protéger les femmes ou de susciter une dis-
nité pour développer une méthode d'évaluation des crimination?;
risques relatifs à la manutention manuelle. Les Pays- • le statut légal des normes harmonisées: comment
Bas (NNI: Institut néerlandais de normalisation) prendre en compte les éventuelles différences dans
avaient offert d'en assurer le secrétariat et la coordi- le statut des normes en raison des disparités entre les
nation. En 1990, la DG III de la Commission euro- systèmes légaux nationaux;
péenne et le CEN/TC 122 décidaient de transformer • l'état de l'art: comment intégrer les différentes
le mandat du groupe de travail “Santé et sécurité au approches scientifiques et pratiques, telles que les
travail” en “Sécurité des machines” sous le couvert publications dans la littérature internationale ou
de la Directive 89/392/CEE2 concernant les l'utilisation directe des résultats des recherches dans
machines. En 1993, les trois premières parties du les guides et les normes.
projet de norme prEN 1005 (voir encadré p. 42)
étaient soumises à une première enquête publique. Bien que la tâche des experts du groupe de travail
Il en a résulté une demande de mettre davantage du CEN consiste à rédiger un document de consen-
l'accent sur la conception des machines en tenant sus reflétant l'état des connaissances scientifiques et
compte des normes de type “A” relatives aux pratiques, chacun des experts défend habituelle-
machines qui avaient été publiées entretemps. L'ap- ment la “position” de son propre comité national de
proche et les exigences de ces normes “A” sont à normalisation qui, bien souvent, sert à son tour de
présent intégrées dans les quatre parties du prEN groupe “miroir” pour la normalisation européenne.
1005 (les commentaires sur les trois premières par- Le développement de normes pour la “performance
ties ont été englobés dans la deuxième enquête physique humaine”, dans le cadre du programme de
publique de décembre 1998; la première enquête normalisation du CEN sur la sécurité des machines
sur la quatrième partie a démarré en novembre reste encore un défi. Il est encore nécessaire d'amé-
* J. A. Ringelberg, M. D., RCH assure 1998). liorer la communication et la compréhension entre
la coordination du groupe de travail ergonomistes et concepteurs sur la sécurité des
“Biomécanique” du CEN/TC 122 machines.
Les experts en ergonomie et TMS
1 CEN: Comité européen de normali-
sation, Rue de Stassart, 36, B-1050 Des experts de treize pays européens sont impli- La Directive Machines et les
Bruxelles qués dans l'élaboration des normes sur la manu- performances physiques humaines
2 89/392/CEE et sa dernière version tention manuelle, les limites de forces recomman-
contenant plusieurs amendements : dées, l'évaluation des postures de travail et la La Directive Machines stipule que la notion de sécu-
98/37/CE manutention répétée à des fréquences élevées. rité doit intervenir au niveau de la conception des
3 89/392/CEE, Annexe I, 1.1.2.d: Bien que possédant des formations scientifiques machines. Les fabricants de machines doivent
“Dans les conditions prévues d'utili- et des expériences pratiques différentes (écono- prendre en considération les capacités des opéra-
sation, la gêne, la fatigue et les con- mie, organisation industrielle, santé au travail, teurs et en intégrer à la fois les aspects physiques et
traintes psychiques (stress) de l'opéra- psychologie du travail, physiothérapie, bioméca- psychologiques. L'inconfort, la fatigue et le stress
teur doivent être réduites au nique, ingénierie mécanique appliquée, ciné- psychologique auxquels est confronté l'opérateur
minimum envisageable compte tenu tique, dessin industriel), tous sont des praticiens doivent être réduits au minimum envisageable,
des principes de l'ergonomie.” de l'ergonomie. compte tenu des principes de l'ergonomie3.

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Les TMS en Europe

Les différentes parties du prEN 1005 comportent 3ème partie. La principale recommandation relative
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Principaux projets une série de méthodes devant permettre aux aux forces d'action est que l'opérateur puisse avoir
de normes européennes concepteurs de machines de procéder à une évalua- la maîtrise sur les séquences opérationnelles et la
couvrant les TMS dans tion des risques. Ces normes doivent contenir toutes cadence de la machine. Celle-ci doit également être
le cadre de la Directive les informations disponibles sur les performances conçue de telle sorte que les actions réclamant des
physiques humaines, non seulement pour les futurs efforts puissent se dérouler de façon optimale eu

Machines:
utilisateurs présumés, mais autant que possible pour égard à la posture du corps et des membres et de la
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tous les utilisateurs professionnels et privés. Il direction de l'application de la force. Les recom-
• prEN 1005-1:
incombe aux concepteurs et aux fabricants d'effec- mandations sont prodiguées afin d'agir sur les fac-
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Sécurité des machines


tuer l'évaluation des risques et de décider du seg- teurs affectant le risque, tels la posture de travail,
Performance physique humaine
ment de marché auquel est destiné leur produit. Les l'accélération et la précision des mouvements, les
Partie 1: termes et définitions
résultats de cette évaluation devront faire l'objet vibrations, l'interaction entre l'homme et la

• prEN 1005-2: d'une description précise. machine, les équipements de protection indivi-
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Partie 2: Manutention manuelle duelle et l'environnement extérieur (température,


de machines et d'éléments de éclairage).
machines Deuxième enquête pour les 1ère,
• prEN 1005-3: 2ème et 3ème parties du prEN 1005 L'évaluation des risques est fondée sur l'hypo-
Partie 3: Limites des forces thèse qu'une diminution de la fatigue pendant le
recommandées pour l'utilisation La 1ère partie de la norme présente la relation entre travail contribue à réduire les TMS. Un modèle
de machines les paramètres de performance physique (morpholo- d'évaluation des risques en trois phases y est
• prEN 1005-4: gie, postures et mouvements, force nécessaire) et les décrit. La première étape consiste à déterminer,
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Partie 4: Evaluation des postures différentes normes ergonomiques (EN 547: 1-2-3, EN pour des actions spécifiées, la force isométrique
de travail en relation avec les 894-3, EN 1005: 2-3-4). Elle précise les termes et les maximale compte-tenu de la population d'utilisa-
machines définitions (tels que: action, population active glo- teurs prévus (Phase A). Cette force est réduite
• prEN 1005-5: bale, prise d'un objet, manutention manuelle, opéra- selon les circonstances dans lesquelles elle est
Partie 5: Evaluation des risques teur, période de récupération, repos, estimation du engendrée (vitesse, fréquence et durée de l'ac-
lors de manutention répétée risque, poste, etc.) utilisés dans les autres parties. tion) par une série de multiplicateurs, jusqu'à ce
à fréquence élevée qu'elle puisse être produite sans fatigue impor-
La 2ème partie apporte aux fabricants de machines tante (Phase B). La limite maximale de force est
une approche pour l'évaluation des risques liés à la alors réduite à des valeurs associées aux diffé-
manutention manuelle. La première étape consiste à rentes zones de risques (recommandées, non
éliminer le danger en évitant la manutention manuelle recommandées, à éviter) au cours de l'utilisation
là où c'est possible. Lorsqu'il n'y a pas d'autre alterna- prévue de la machine (Phase C).
tive, il faut réaliser une évaluation des risques.
Le projet décrit les principaux facteurs de risques
pour la/les machine/objets (masse, taille, prise/poi- Première enquête publique
gnées, etc.), l'interface opérateur/machine (éloigne- pour la 4ème partie
ment du corps, fréquence des opérations, postures
de travail, etc.) et les risques liés à l'environnement Cette partie contient un organigramme conçu en
(vibrations, climat, conditions thermiques, etc.). Il cinq étapes (détermination de l'ensemble de la
donne des recommandations pour la conception population d'utilisateurs, réalisation d'une analyse
des machines qui permettent d'atteindre un faible des tâches, identification des données ergono-
niveau de risques lors de la manutention manuelle. miques requises, évaluation au niveau de la table à
S'il n'est pas satisfait à ces critères ergonomiques, il dessiner/de l'écran CAO, évaluation avec les utilisa-
convient de mener une évaluation des risques. Trois teurs). La norme présente des données chiffrées et
méthodes sont proposées, ayant toutes la même des tableaux, dans lesquels les postures et les mou-
base mais se distinguant par la complexité de leur vements de travail sont répartis en trois catégories
application. Chacune d'elles comporte trois phases : (acceptables, acceptables sous réserve et inaccep-
• détermination de la constante de masse en fonc- tables). L'évaluation des risques est basée "sur un
tion de la population d'utilisateurs prévue; modèle en forme de U", qui suggère que les risques
• appréciation des facteurs de risque; pour la santé augmentent lorsque la tâche s'ap-
• identification de l'action nécessaire. proche de l'une des extrémités de la courbe, c'est-à-
dire s'il y a peu ou pas de mouvement, ou si les fré-
Des instructions de travail sont incluses dans la quences des mouvements sont élevées (2 ou plus
norme pour faciliter l'application de la procédure. par minute).
Les méthodes d'évaluation des risques résultent
d'une compilation des méthodes NIOSH, des résul- Ces normes représentent l'état actuel des connais-
tats des recherches, de la littérature et des expé- sances dans certains domaines de l'ergonomie et de
riences propres aux experts. Elles sont destinées à la prévention des TMS et pourraient constituer des
être utilisées par les concepteurs et les experts, puis instruments déterminants pour l'amélioration de la
à être révisées pour y intégrer les informations sécurité des machines. La récolte de données sur les
découlant de leur utilisation. La mise en place d'un expériences pratiques quant à leur utilisation per-
système de suivi pourrait se révéler fort utile. mettra de les améliorer par la suite. ■

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