« Je m’appelle Sonya et je suis née le 15 Janvier 2417. J’habite à Tristan da
Cunha, une île perdue au milieu de l’océan Atlantique Sud. Avec ma famille, nous avons toujours aimé vivre en recul. Nous étions donc heureux de vivre dans ce territoire isolé et aux paysages magnifiques. « Heureux » est le mot qui désigne complètement l’état d’esprit de notre vie. Bien évidemment, on n’était pas tout le temps joyeux, il y a bien sûr quelque aléa dans la vie qui nous font changer d’humeur. Mais nous n’étions vraiment pas à plaindre : bonne situation financière, en bonne santé, jamais malade, inépuisable etc. C’est comme si nous pouvions vivre jusqu’à 200 ans voir plus. Et c’était pareil pour tout le village ! Nous étions tous graciés des maladies et autres problèmes liés au corps humain. Je me suis toujours demandée si dans les autres pays c’était identique… Mais cela ne m’empêcha pas de profiter pleinement de la vie. Aujourd’hui je ne regrette pas du tout d’avoir profité mais je me dis que j’aurai dû m’attarder plus longtemps sur certains détails mystérieux. Occasionnellement, des personnes disparaissaient et ne revenaient jamais. Je me souviens de mon professeur de maths au lycée qui avait soudainement disparu sans laisser de trace. La pauvre femme était toute excitée à l’idée de fêter son centième anniversaire ! 100 ans ! Alors qu’en apparence, elle faisait 25 ! Après une semaine sans nouvelle, elle a été remplacée définitivement. Quand ça arrive aux autres, on fronce les sourcils, on se pose une ou deux questions puis on reprend sa vie normalement. Mais lorsque cela nous arrive, on s’interroge beaucoup plus. Mes parents ont aussi mystérieusement disparu. La veille de leur anniversaire (eh oui, mes parents sont nés le même jour et la même année, si ce n’est pas beau le hasard des fois) nous étions tout les trois en train de préparer leur fête. Ils allaient avoir 100 ans ! Et tout comme mon professeur, ils paraissaient bien plus jeunes. Après avoir fini la décoration et préparé le repas, je leur ai fait un gros bisou et je suis partie retrouver ma famille. Le lendemain, leur maison était vide. Il y avait toujours leurs vêtements, leurs clés de voiture et celle de la maison. J’ai immédiatement contacté la police. Les deux hommes sont rapidement venus, n’ont pas fait d’inspection et m’ont juste dit de ne pas s’inquiéter et qu’ils allaient s’en charger. Ils ont également ajouté qu’en l’absence de mes parents, tous leurs biens m’appartenaient et je pouvais en faire ce que je voulais. Et la minute d’après, ils étaient partis ! J’avais été outrée de voir la police inactive sur la disparition de mes parents. Et j’imaginais que c’était la même pour tous ! Je me posais des questions : pourquoi le nombre 100 ? Pourquoi on nous demande de continuer de vivre normalement ? Au fond de moi, ce nombre devait être la clé à mes réponses… Vais-je disparaître à mon tour ? Mes craintes se sont réalisées le jour de mes 100 ans. Dans la nuit du 14 Janvier au 15 Janvier 2517, à minuit pile, trois personnes ont frappé à la porte de ma maison. Vêtus en uniforme de police et cagoulés, ils me demandèrent de les suivre immédiatement sans poser de questions. Exigeant des explications, je fis de la résistance. Alors une des personnes m’immobilisa pendant que l’un me menotta et l’autre me mit un masque sur le visage. La dernière image que j’ai vue était mon mari qui sortait de notre chambre pour venir voir ce qu’il se passait. Puis le noir total. Je me suis réveillée dans un hélicoptère avec un autre homme. J’essayai alors de crier pour demander de l’aide, mais aucun son ne sortait de ma bouche. Je me suis mise à pleurer lorsque l’homme me prit la main pour me consoler. Lui aussi avait perdu la parole. Il me fit signe de regarder par la fenêtre. Nous nous dirigions vers l’île Inaccessible, l’île voisine à la nôtre. Elle porte bien son nom : difficile d’accès et surtout interdite au public. Une fois arrivée, on nous plaça dans une cellule. Enfin, elle ressemble plus à une salle d’attente : il y a des canapés, des tables et des chaises, un distributeur d’eau, quelques encas salés et sucrés, des fenêtres avec une vue imprenable, des livres, du papier et des stylos. Il est clair qu’on souhaite nous « mettre à l’aise » … Une personne vêtue de noir et blanc et toujours à visage caché est venue nous voir tout à l’heure et nous a expliqué la situation : « Je suis ici pour vous dire la vérité. La vérité est donc qu’aujourd’hui vous allez mourir. Vous ne le savez pas, mais l’être humain est devenu immortel grâce à un remède administré et transmis depuis plusieurs générations. Aujourd’hui, tout le monde est immortel. La vieillesse et la maladie n’existent plus que dans les livres. Cependant, pour un souci de place, nous sommes obligés de faire mourir les gens. Vous imaginez bien que si personne ne meurt et si tout le monde procré, nous serions trop nombreux pour partager cette petite Terre. Ainsi, l’Organisation du Monde Uni a décidé de limiter la vie humaine à 100 ans comme à l’époque où le remède à été créé. Les représentants de votre pays ont décidé de ne pas vous communiquer cette information pour ne pas vous brutaliser et que vous profitiez de la vie normalement. À présent que vous êtes au courant, je vous laisse attendre votre heure ». Suite à cette révélation, je n’ai pas pu m’empêcher de m’énerver toute seule et sans voix. Mais pourquoi est-ce que ce remède a été inventé si c’est pour nous ôter la vie ? Depuis quand on force la mort ? J’aurais préféré mourir naturellement alors. À présent je me retrouve dans cette prison, en train d’écrire cette lettre, en attendant de mourir. » « Je m’appelle Jacek et je suis né le 19 septembre 2341. J’habite en Pologne d’Europe. Ma famille fait partie de la catégorie des « riches ». Je ne peux nier ce fait car durant toute ma jeunesse, moi et mes frères avions eu tout ce qu’on souhaitait. J’ai vraiment apprécié cette partie de ma vie. Nous étions joyeux, naïfs, nous riions aux éclats à la moindre niaiserie. On se rend compte ensuite qu’il faut vite grandir : chercher une voie professionnelle, construire son avenir et faire face aux problèmes de la vie. Je me souviens très bien du jour où nos parents nous ont annoncé notre immortalité et le sort qui nous attendait le jour de nos 100 ans. Ce fut le jour où mon frère ainé avait reçu son BAC et avait été accepté dans une école d’ingénieur. Comme il allait quitter le foyer familial, mes parents ont décidé de nous rassembler sur la terrasse et de nous raconter ce qu’ils savaient. J’avais 16 ans et je n’avais pas vraiment réagi à cette révélation. En revanche, mes frères ainés n’avaient pas apprécié la nouvelle et avaient du mal à continuer de vivre comme avant. Malgré cela, la vie suivait son cours. Mon ainé réussit son parcours et devint un ingénieur de l’environnement, mon autre frère entra dans une école d’enseignement et devint professeur des écoles et moi j’intégrai une académie de police et après plusieurs années de travail et plusieurs formations à travers le monde, je devins officier de police dans mon pays natal. Au début, mon travail consistait à pénaliser les infractions ou faire des patrouilles dans un secteur… Dans un monde où la guerre est finie, où l’OMU a signé un traité de paix avec un représentant de chaque pays du monde et où la maladie n’existe plus, on pense que les gens sont heureux et donc violer la loi n’est pas dans leur projet. Et pourtant, j’ai dû intervenir dans plusieurs manifestations… La dernière où j’ai dû agir, était une manifestation à Brussels, en Belgique d’Europe. Ils étaient plus de mille personnes. Ils protestaient contre l’immortalité et exigeaient un antidote. Nous avons dû immobiliser plusieurs personnes et en enfermer d’autres. En voyant mon sérieux et mon implication, j’ai rapidement été muté au service d’Enlèvement. Mais qu’est-ce que le service Enlèvement ? C’est tout simplement celui qui va chercher les personnes âgées de 100 ans et qui les amène vers leur mort. Je reçus alors une formation avant de commencer mon nouveau travail. « Il faut toujours être quatre par personne : un qui immobilise, un qui menotte, un qui met le masque à gaz et un qui surveille dehors et qui sert en cas de renfort. Il faut toujours se présenter visage caché pour éviter d’être reconnu par les centenaires ou par leur entourage. Il faut toujours se présenter à minuit pile, pour que personne ne bénéficie d’un traitement de faveur. Il ne faut pas les brutaliser, déjà qu’ils vont mourir, évitons la violence sauf cas vraiment exceptionnel. Il faut bien doser la quantité de gaz inhalé par le centenaire : en plus d’endormir, il paralyse les cordes vocales pour éviter qu’il parle. Administré en trop grande quantité peut paralyser les poumons et ainsi entraîner une suffocation qui ferait souffrir le centenaire : ce qui est totalement contraire à notre politique ! Nous avons des équipements spécialement conçu pour faire mourir les gens sans souffrir. Enfin, il faut toujours être deux pour surveiller la salutation des centenaires. » Je n’ai jamais trouvé cela logique de mettre les personnes aux petits soins avant leur mort. Quelle personne au monde peut être détendue dans la salle d’attente de la mort ? Les premières années en tant que policier d’Enlèvement se sont assez bien passées. Aujourd’hui, cela fait 50 ans que j’exerce ce métier et je me rends compte comme l’humanité est tombée bien bas. Vous imaginez que je suis payé pour enlever les gens et les tuer ? Alors que d’autre essaient comme ils peuvent d’aider le monde en protégeant la nature ou en éduquant les nouvelles générations, moi je suis une marionnette de la mort. Je n’ai jamais tué personne dans ma vie et pourtant cela me hante comme si je l’avais fait. Vous ne le savez pas, mais les personnes sont tuées par des machines. Si un Homme avait tué un centenaire, il aurait commis un meurtre et aurait été condamné. Ainsi, ce sont des machines, conçues par des scientifiques après des années de recherche, qui sont programmées pour tirer sur un point très précis et tuer la personne immédiatement et sans douleur. Et nous dans tout cela ? Nous sommes payés à regarder les robots faire leur travail. Ma première salutation a été dure à supporter. Lors de mes premières formations en tant que policier, on nous apprenait à porter secours aux personnes. Si une personne était en danger, il fallait l’aider. C’est pour cela que j’ai choisi ce métier : aider les gens à vivre dans un meilleur monde et leur porter assistance si besoin. Ce jour là, j’ai vu la machine tirer, la femme s’écrouler et mourir. Personne ne bougeait. Personne n’avait le droit de bouger. Nous étions pourtant six à regarder le spectacle (deux policiers plus exceptionnellement trois scientifiques et le chef du site) mais au lieu d’aider la personne en danger, les trois chercheurs notèrent des commentaires sur leur bloc-notes et le chef se contenta de dire : « C’est bien, il n’y a pas de sang ni sur les murs, ni sur le sol ». Puis une sonnerie retentit et nous devions débarrasser le corps. Quel malaise… Je n’étais pas bien. Et pourtant j’ai continué à voir cette scène un millier de fois. C’est vraiment la pire chose qui a été inventé. Certes les maladies ont disparu mais le monde ne se porte pas mieux. Des émeutes éclatent un peu partout à cause de cet antidote. Les gens sont frustrés de connaître le jour de leur mort. Ils vivent dans l’angoisse et la peur. Physiquement, nous nous sommes jamais aussi bien portés mais psychologiquement, c’est le drame. Aujourd’hui j’écris cette lettre, et j’hésite à mettre fin à mes jours pour pouvoir enfin me libérer de ce fardeau et pour ne pas me retrouver dans le même site où j’ai vu mourir tout ces innocents. » « Je m’appelle Sandro et je suis né le 2 novembre 2222. J’habite au Canada d’Amérique du Nord. Je n’ai jamais eu une vie incroyable. Je suis né, j’ai grandi dans une merveilleuse famille puis j’ai appris que le jour de nos 100 ans, on nous enlève et on nous tue. Cela ne m’a pas motivé pour continuer à vivre. Autant s’ôter la vie immédiatement au lieu d’attendre qu’on vienne nous la voler. Mais finalement j’ai trouvé une raison de vivre : l’étude du gène qui nous permettait d’être immortels. C’était passionnant d’observer ce que nous procurait ce « remède miracle ». Afin d’échapper à la vieillesse, il produit de nouvelles cellules en continue. Les cellules sur le point de mourir sont parfois régénérées et vivent plus longtemps que prévu. Pour combattre la maladie, le gène emploi des milliers de petits soldats qui attaquent les mauvaises bactéries. Il sait faire la différence entre les bonnes et les mauvaises choses dans notre corps sans exception. Aussi, ce gène a un pouvoir de guérison. Il accélère la cicatrisation et permet de guérir en une journée des petites blessures telle que des brûlures ou des coupures. Il pourrait même guérir à lui seul un coup de couteau (bien évidemment avec beaucoup plus de temps). Qui sait, peut-être qu’il peut reformer une main ou un bras ? Je n’ai jamais fait le test. Bon je dis tout cela, mais je n’ai jamais fait d’étude dans la médecine. J’ai fais toute mes expériences et mes recherches tout seul et avec ma tête. Sinon dans la vie j’étais musicien. J’étais trompettiste dans l’orchestre national du Canada. Ah, je viens de me souvenir que c’était une autre raison de vivre. J’ai travaillé dur pour entrer dans cet orchestre et j’ai eu une chance incroyable de pouvoir y avoir une place. J’ai vraiment aimé jouer de la musique en public. J’avais l’impression d’exprimer tout haut ce que pensait tout le monde tout bas. Enfin voilà, un jour je me suis réveillé, j’ai planché sur ma musique et ma médecine, je me suis couché et à minuit pile on est venu pour me chercher. Ils m’ont placé dans leur boite qui puait la mort et j’ai entendu des clics qui venaient des machines. J’étais très excité et en même temps j’avais très peur. Puis j’ai ressenti une énorme douleur dans la poitrine et je me suis évanoui. Si je vous raconte tout cela aujourd’hui c’est bien que je ne suis pas mort ce jour là et que j’ai survécu. Comment est-ce possible ? Laissez-moi réfléchir. Je vous ai raconté la fois où je devais mourir mais suite à une erreur robotique, j’ai énormément souffert mais je ne suis pas mort ? Eh oui, après je ne sais combien de temps, je me suis réveillé dans une tombe creusée au milieu de la forêt. J’étais paralysé, j’avais du mal à respirer et bien évidemment grâce à leur gaz, je ne pouvais plus parler et appeler de l’aide. Ils m’ont laissé pour mort ! Ils n’ont pas pris le temps de vérifier que je l’étais vraiment ! J’ai passé une nuit entière comme cela. Ce n’est que le lendemain matin, qu’une personne est venue enterrer les morts pour de bon. En me voyant bouger et suffoquer, elle appela directement les policiers qui m’amenèrent dans une salle de soin. Ils m’ont posé une perfusion puis je me suis endormi. À mon réveil, je pouvais respirer à nouveau. La douleur à la poitrine était encore présente mais elle ne me dérangait pas tant que ça. Pendant un instant j’ai cru que je renaissais. Puis je me suis souvenu de ce qu’il s’était passé. Je commençai à trembler. C’est alors qu’un policier entra accompagné d’un homme en cravate et d’un homme en blouse blanche. L’homme cravate commença à dire qu’il était désolée pour cet imprévu et que cela ne devait pas arriver etc. Ensuite l’homme blouson expliqua que les machines sont programmées à tirer sur un point précis du cœur afin de libérer des petites boules qui nous permettent de mourir immédiatement. Le jour de ma mort, la révision n’avait pas été faite correctement et le programme de tir avait été modifié de 2mm. Ils ont fini en m’offrant de reporter ma mort dans 2 jours. Je me suis seulement contenté de demander comment ils m’avaient guéri. Ils m’ont répondu qu’à part l’anesthésiant, ils ne m’ont rien injecté et que j’avais dormi pendant cinq jours. Ainsi je découvris que le gène pouvait guérir une balle dans la poitrine en un peu plus de six jours. J’étais stupéfait par ma découverte mais complètement pétrifié par la peur. Ils ont essayé de me tuer une fois et ça a raté. Qui me dit que la seconde fois sera la bonne ? J’ai envie d’en finir, j’attends ce moment depuis le jour où j’ai appris qu’on nous contrôlait mais après cet accident, quelque chose a changé… Du coup, grâce au deux jours supplémentaires qu’on m’a accordé, je me suis éloigné dans la forêt. C’est au milieu de la nature que j’écris cette lettre, en priant pour que personne ne me retrouve. Il faut que le temps s’arrête. Je tremble. J’ai peur. » Je m’appelle Klara et je suis née le 5 janvier 1995. J’habite en Nouvelle- Zélande d’Océanie. Des lettres comme celles-là, j’en reçois une dizaine par jour. Pourquoi est-ce qu’on me les envoie ? Surement parce que je suis le créateur du remède et qu’ils pensent que ça pourrait me servir à quelque chose… Je n’aurais préféré rien recevoir. Je suis bien dans les montagnes, en compagnie de mes animaux, coupée des êtres humains. Vous savez, de grands écrivains disaient du bien de nos animaux de compagnie, et je les rejoins. Plus je connais l’Homme, plus j’admire les animaux. Personnellement j’ai toujours eu peur de la mort. Même si dans les romans et dans les films, elle est embellie par de belles images et que cela nous donne envie de franchir le pas, je me suis toujours rétractée au bout d’un moment. J’ai déjà affronté la mort. Non seulement la mienne, mais celle des autres aussi. Et c’est la pire expérience que j’ai pu ressentir au cours de ma vie. La douleur est profonde et elle ne cicatrise jamais. C’est pour cela que j’ai cherché à supprimer la mort. J’ai cherché un moyen de rendre les gens immortels. Et je l’ai trouvé. Le 1er janvier 2017, j’ai trouvé un remède concluant. Enfin, il me restait seulement à le tester. Pour être sûre de ne blesser personne, je me suis vaccinée et j’ai attendu 100 ans pour voir le résultat. 1er janvier 2117, c’était une réussite totale. Je n’avais pas changé physiquement et j’étais toujours en pleine forme alors que j’avais 122 ans ! Cela m’a fait un bien fou ! Je me suis dit que si ça me faisait du bien, ça pourrait faire du bien aux autres. Ainsi, j’ai annoncé ma découverte à de grands chercheurs qui se sont emparés du projet et qui ont mis au point un vaccin pour toute la population mondiale. En 2130, tout le monde était vacciné. Un vent de béatitude parcourait le monde. Dans la même année, l’OMU (l’Organisation du Monde Uni) a été crée et a signé le traité de paix mondial. Tout semblait parfait. J’étais alors fière d’avoir créé le monde parfait. Chacun pouvait vivre comme il l’entendait. Mais cela ne pouvait pas durer. Au bout de cinquante ans, la population mondiale avait doublé. Elle est passée de sept milliard à quatorze milliard. On se rendit compte que si on continuait dans cette direction, on aurait plus assez de place sur Terre. Deux solutions s’offraient à nous : la conquête spatiale ou l’arrêt de la procréation. Comme nous n’avions pas de technologie adaptée, nous avons opté pour arrêter de procréer. Si j’ai crée ce remède, c’est pour supprimer la mort. Ça ne me posait aucun problème de supprimer également la naissance. Ce fût un échec total. Les populations étaient outrées de ne pas pouvoir créer une famille et élever des enfants. Du coup, tout le monde continuait de procréer malgré l’interdiction. Nous avons dû employer la manière forte, et éliminer tout les enfants de moins de 10 ans. C’était barbare, atroce. En vingt ans, nous avons tué plus d’enfants qu’en cent ans d’existence sans le remède. Avec l’OMU, nous avons donc décidé de réintroduire la mort dans la vie des gens. De reprendre la vie comme à l’époque où je n’avais pas mis au point l’immortalité. Le plus, c’est que les gens vivront sans maladies. Le moins, c’est qu’il va falloir faire mourir les gens. Malgré cette conclusion imparfaite, l’OMU décida en 2202, d’instaurer une loi qui limite la vie humaine à 100 ans. Cela fait plus de deux cents ans que ce système fonctionne et il semblerait que cela ait mis tout le monde d’accord. Cependant c’est un leurre. Je vois bien que le monde va mal. Je le vois à travers ces lettres qui répètent la même histoire : à la fin tout le monde meurt dans des conditions plus horribles qu’à l’époque. Et tout cela, c’est par ma faute. Aujourd’hui nous sommes le 5 janvier 2595. Je viens de fêter mes 600 ans. Pourquoi je ne suis pas encore morte ? L’OMU a voulu me remercier pour avoir découvert et partagé le secret de l’immortalité et m’a donc gracié de la mort pour toujours. Pour ne pas éveiller les soupçons, ils ont annoncé ma mort publiquement, puis ils m’ont fait disparaitre. Depuis tout ce temps, je suis caché dans ce pays, au milieu des montagnes. Normalement, je suis la seule dans le monde à avoir bénéficié de ce traitement de faveur. Mais qui sait, il y a peut-être d’autres personnes qui comme moi, sont immortels et se cachent dans le monde… Je ne suis pas au courant et franchement, je me fiche de l’être. J’ai honte aujourd’hui du monde que j’ai crée. Je me sens égoïste d’avoir réglé mon problème mais pas celui des autres. La meilleure chose que je fais à présent, c’est de m’occuper pleinement de mes chiens. Aujourd’hui j’ai prévu de faire une balade avec eux et avec les chevaux. Au milieu de la forêt, je leur dirai à quel point je les aime et je veux qu’ils soient heureux. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que mes animaux et la nature se portent bien. Après tout, ce n’est pas être égoïste, de penser d’abord à ceux qui en valent la peine. Non ?