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Baccouche Taïeb. La langue arabe dans le monde arabe. In: L'Information Grammaticale, N. 2, 1998. Numéro spécial Tunisie.
pp. 49-54.
doi : 10.3406/igram.1998.3700
http://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_1998_hos_2_1_3700
Taïeb BACCOUCHE
L'arabe est la langue des populations arabes qui firent leur tiques et serait de ce fait la langue vivante la plus proche
entrée dans l'histoire depuis 3 millénaires environ et qui du sémitique ancien.
occupaient les zones septentrionales de TArabie.
1-1-2- Les inscriptions arabes les plus anciennes
Cette langue connut un destin extraordinaire et même remontent au Ville siècle avant J.C. Mais l'arabe ancien
prodigieux avec l'avènement de l'Islam il y a 14 siècles. Elle proprement dit tel qu'on le connaît à travers certaines inscriptions
est actuellement la langue officielle de 22 pays arabes (le et surtout à travers la littérature préislamique de la "3ahi-
critère de leur arabicité étant l'appartenance à la ligue liyya" ne remonte pas à plus de trois siècles avant l'Islam
arabe), sans compter Malte, dont l'idiome est d'origine (lllè-Vlè s. J.C). Cette littérature est essentiellement orale
arabe, les communautés non musulmanes de langue (poèmes, chroniques, proverbes, etc.).
arabe et les pays musulmans qui utilisent l'arabe comme
langue de religion. 1-1-3- L'arabe ancien, considéré à travers cette littérature,
vu son degré d'élaboration remarquable, semble être le
Les populations dont l'arabe est la langue officielle fruit d'une longue tradition et d'une période de maturation
comptent aujourd'hui environ 250 millions et s'étendent sur une dont on ne connaît pas l'étendue exacte. Mais les contours
aire géographique immense allant du golfe arabo-persique de la langue qui véhicule cette littérature sont assez nets :
à l'Atlantique, donc essentiellement le Moyen-Orient et structures morpho-syntaxiques relativement bien
l'Afrique du Nord. délimitées et un vocabulaire particulièrement riche. Cette langue
semble par ailleurs plus proche du groupe ouest-arabique
Nous examinerons dans ce qui suit : que la tradition philologique arabe oppose au groupe est-
1- L'histoire de la langue arabe (avant et après arabique.
l'avènement de l'Islam)
2- Les structures de la langue arabe (classique et Il est cependant probable que cette langue représente un
moderne avec ses dialectes) niveau standard essentiellement littéraire, sorte de "Koinè"
3- La situation et le développement actuels de la langue dont l'élaboration aurait été favorisée par certains centres
arabe (statut socio-culturel, diglossie, bilinguisme, etc.). comme les cours royales ou la grande foire de " ?ukâd" à
l'occasion du pèlerinage à la Mecque. C'est dans cette
1 - Histoire de la langue arabe langue de synthèse dont le noyau serait le parler de
Quraych que le Coran fut révélé au début du Vllè s.-J.C.
1-1- Avant l'avènement de l'Islam au Prophète Muhammad, originaire de cette même tribu
hiSazienne de l'Ouest.
1-1-1- La langue arabe fait partie de la grande famille des
langues sémitiques, au même titre que l'akkadien, le 1-2- Après l'avènement de l'islam
phénicien, l'hébreu, etc. Mais elle se classe dans le sous-groupe
qu'on appelle le sémitique méridional dont l'espace 1-2-1- C'est de cet arabe ancien qu'est né après
géographique fut l'Arabie, nom tiré de celui des tribus arabes qui l'avènement de l'islam l'arabe classique dont les sources étaient
la peuplaient. L'arabe partageait cet espace avec le sud- considérablement enrichies grâce à l'immense apport
arabique dont notamment le sabéen hadramitique du coranique qui fut de surcroît un remarquable facteur de
Yémen. Occupant la zone septentrionale de l'Arabie, cohésion linguistique au niveau littéraire. La langue
l'arabe faisait le joint entre les langues du sémitique coranique devint ainsi la norme immuable à partir de laquelle
septentrional et celles du sémitique méridional qui lui étaient plus les philologues arabes ont élaboré leurs traités de
proches par un ensemble de caractéristiques dont : grammaire et leurs dictionnaires. On ne peut s'empêcher de
remarquer que les toutes premières uvres (la grammaire
- Un système phonologique proche du sémitique ancien de Sîbawayhi et le dictionnaire d'AI Xalîl) étaient de
avec un taux élevé de gutturales. véritables chefs-d'uvre et continuent d'être des sources
fondamentales.
- Un système morphologique dérivationnel comprenant en
particulier des verbes affixes et des pluriels internes. Mais Cependant, malgré cette nouvelle norme, les particularités
l'arabe partageait avec les langue du Nord d'autres traits dialectales n'ont pas pour autant disparu ; certaines ont
comme la suffixation nasalisée du pluriel masculin, le même été conservées grâce à la tradition de lecture
passif interne, le diminutif, etc. coranique (Qirâ?ât) qui limitait les bonnes lectures à sept, se
référant ainsi à un "hadîe" du Prophète qui par ailleurs,
L'arabe semble ainsi faire la synthèse des langues exhortait ses fidèles à s'adresser aux gens dans la langue
qu'ils comprenaient.
C'est en particulier, l'arabe de la presse qui, subissant les \ P.A. labiales Intsrdentales Dentales Sifflantes Palato- Palatales Vélaires Pharyn- Laryngales
contraintes des informations à traduire instantanément arvéoWree gales
avec les moyens du bord, porte le plus nettement les Voisement + + + . + + + . + + +
marques de cette évolution rapide sous l'influence Occlusive* b t d k g q î
conjuguée du français et de l'anglais, tant sur le plan syntactico- » Fricatives r e S s z I 3 x y Il V h
ï Emphatiques i 1 i 1
morphologique que sur le plan lexico-sémantique. On y s Nasales m n
o Latérales
observe en effet un développement des constructions Vibrantes r
1
I scheme Raa R R > kâtib "celui qui écrit" - En phonologie(3), on note la disparition généralisée du
i
C'est pour ces raisons que nous ne voyons pas de 3-1-2-4- Un autre domaine important mérite d'être
contradiction dans le fait que deux langues typologiquement étudié sous cet angle ; il s'agit de la production littéraire et
- Le français a tellement marqué le pays qu'on y entend Le monde arabe qui la vénère, la considère comme le
souvent une sorte de "francarabe" conséquence de ce symbole de son unité et place la barre de son ambition à un
bilinguisme particulier^) qui ne profite en fin de compte ni niveau international.
au français ni à l'arabe, car il contribue à faire baisser le
(7) - Quelques aspects du bilinguisme en Tunisie, Cahiers (23) - V. MONTEIL, L'arabe moderne, Paris 1956.
de CERES, série linguistique 3, 1970.
(24) - C. PELLAT, Langue et Littérature Arabe, Paris 1952.
(8) - Souad JAMOUSSI, A case study in multilingual + Introduction à l'arabe moderne, Paris 1 960.
behavior = code switshing, among educated speekers in
Tunisia, Thèse inédite de 3e Cycle (DRA), Tunis, 1984. (25) - G.GRANDGUILLAUME, Arabisation et politique
linguistique au Maghreb, Maison neuve et Larose, Paris
(9) - T. BACCOUCHE, L'emprunt en arabe moderne, éd. 1983.
Beit El-Hikma, Carthage, et IBLV, Université de Tunis I,
1994,544p. (26)- Dalîl Buhûe Ta ^îm-l-Luôat-l- arabiyya w-l-dîn-l-
Çislâmiy fî l-watan-l- Srabiy, 1 880-1 9D0 (Recueil
(10)- Arab Journal of Education, Pub. Alecso, Vol. 7 n°1 - bibliographique en arabe, édité par l'Alecso, Tunis, 1 983, 264p.
Mars 1987- p. 131 et Suiv.
Taïeb BACCOUCHE