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11/9/2019 Une éthique au bord du volcan - Nonfiction.

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Philosophie

Une éthique au bord du volcan


PAR Philippe DE LARA
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Date de publication • 24 février 2009


Temps de lecture estimé • 27 minutes

Théorie de la folie des masses


Hermann Broch
L'Eclat
525 pages

<p>Un livre laboratoire sur les transformations politiques du


si&egrave;cle dernier, marqu&eacute; tant par l'essor de la
d&eacute;mocratie que par l'intrusion des r&eacute;gimes
totalitaires.</p>

Il faut beaucoup d’amour pour les romans de Broch et beaucoup de


confiance dans le jugement éditorial, une fois de plus très sûr, de Michel
Valensi pour entrer dans cette Théorie de la folie des masses et ne pas
s’y noyer. Amour et confiance bien récompensés, car ce gros livre est un
document important pour comprendre le siècle dernier, comprendre
pourquoi il est si difficile à comprendre, pourquoi la double expérience
des révolutions totalitaires et de l’invention de la démocratie libérale à
l’ombre de l’État providence est en fait une énigme.

Le sujet de ce livre, c’est la "folie des masses" ou folie collective,


entendue à la fois comme ce qui est arrivé à l’Allemagne avec la
révolution nazie, et comme une possibilité permanente pour l’humanité,
possibilité à laquelle la modernité nous rend de surcroît particulièrement
vulnérables, en raison de "l’ambivalence de ce monde". De sorte que
l’angoisse dans laquelle Broch écrit les premiers textes réunis dans ce
livre posthume (publié en 1979) commencé au milieu des années trente,
n’est pas moindre dans les pages écrites après 1945 : la défaite de Hitler
n’a pas éteint les périls qu’il incarnait, et qu’il s’agit toujours de
combattre. "Le but ultime de cette guerre est l’établissement d’un
nouveau système de valeurs central." . L’entreprise de Broch n’est en
effet pas purement intellectuelle, il s’agit de produire "une espèce de
conversion sécularisée à la propreté morale", écrit-il dans une lettre en
1949.

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Hermann Broch, Juif autrichien né à Vienne en 1886, parvient à émigrer


aux États-Unis, notamment grâce à Joyce, après avoir été emprisonné
lors de l’Anschluss en 1938. Moins populaire que Proust ou Musil, Broch
est un des très grands romanciers du début du XXe siècle. Tout d’abord
ingénieur dans l’entreprise familiale, Broch tourne le dos à l’héritage
industriel pour entreprendre, à quarante ans, des études de
mathématiques et de philosophie. Il est proche un temps du positivisme
logique du Cercle de Vienne, avant — nouvelle rupture — de passer à la
littérature pour palier l’insuffisance éthique, selon lui, de la philosophie.
On pourrait rapprocher Broch d’un autre écrivain viennois de la même
génération, Robert Musil, mais c’est un Musil malheureux. Comme Musil
en effet, comme Proust, Broch est un écrivain philosophe chez qui la
grandeur romanesque est inséparable d’une pensée dans le roman mais,
chez lui, l’union du roman et de la philosophie est malheureuse parce
qu’elle est déchirée entre primauté de la littérature et primauté de la
philosophie. On pourrait dire que cette Théorie de la folie des masses
n’est que le brouillon du Tentateur ou une annexe aux Somnambules
(son premier roman, en 1931) mais aussi, inversement, que ces romans,
tentatives de "littérature éthique", ne sont que l’approche imparfaite
d’une morale de la modernité qui ne pouvait être pleinement articulée
que dans une écriture philosophique. L’œuvre de Broch, comme sa vie,
est une répudiation de la philosophie au profit de la littérature,
contredite par un mouvement inverse, comme un remords. Broch, "poète
et philosophe" selon son épitaphe, est mort à Yale en 1951, sans avoir pu
donner une forme définitive ni au Tentateur ni à cette Folie des masses.

Il y a dans ces pages tantôt l’urgence d’un livre de guerre — le but de


Broch est de gagner spirituellement la guerre contre les Nazis —, tantôt
l’abstraction spéculative d’un traité de "la mécanique de la panique et de
l’extase", c’est-à-dire d’une ambitieuse théorie de la psychologie
collective, elle-même intégrée dans une science unitaire des "valeurs". Il
ne peut y avoir, pour Broch, de véritable défaite du totalitarisme sans
une "victoire contre la victoire" : la guerre ne doit pas être
l’affrontement de deux variantes de la modernité technicienne, mais le
dépassement de cet affrontement par l’avènement d’une "sagesse
démocratique" qui, contre la pente spontanée des masses à la folie, devra
être atteinte par une "conversion", une entreprise aussi ambitieuse et
incertaine que peut l’être la fondation d’une religion. Qu’est-ce que cela
veut dire ?

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Commençons par prendre une vue synoptique de l’objet du livre : il s’agit


d’édifier une anthropologie générale qui dégage les mécanismes de base
de la psyché individuelle ainsi que ceux de la vie sociale. Selon une ligne
qui doit beaucoup à Freud et à Schopenhauer (mais peut-être à d’autres
sources moins indentifiables, puisque Broch ne cite pratiquement
personne), Broch conçoit l’homme comme espèce non viable à l’état
individuel, dépendant de la culture comme "vaste système d’atténuation
de l’angoisse". La culture elle-même (entendons les institutions de la
vie sociale) est un dispositif instable, car incapable de réduire
définitivement l’angoisse primitive, toujours susceptible de faire retour
sous la forme d’une folie collective. La religion a été pour les sociétés du
passé le remède à l’instabilité psychique et à "l’irruption de
l’irrationnel", mais le monde démocratique est marqué par le recul de la
religion, c’est pourquoi il est livré à une parodie de religion, la
"démagogie démoniaque" du totalitarisme, qui ne peut être contrée que
par une "conversion sécularisée". Cette analyse n’est en rien
restauratrice. Le propre de la situation présente, c’est "qu’aucun désir de
religion ne sert à rien tant qu’on n’a pas mesurée l’étendue et la portée
de la perte de religion" . Broch est un anti-moderne et non un
conservateur. Je crois que le meilleur moyen de saisir le sens de cette
anthropologie si déroutante, c’est de partir de sa vision
extraordinairement dynamique des cultures. En somme, l’histoire
humaine a transféré dans les civilisations l’instabilité structurelle de la
psyché individuelle, "le caractère monstrueux de la liberté humaine" . De
sorte qu’on pourrait dire, dans le langage de l’anthropologie sociale qui
n’est pas celui de Broch, qu’il n’existe pas tant des cultures que des
processus d’acculturation, que les cultures (les systèmes de valeurs), si
stables qu’elles paraissent, sont toujours travaillées par des mouvements
cycliques et des "conversions", qu’elles se font en se défaisant, dans une
perpétuelle confrontation entre elles, réglée par une "loi des cycles
psychiques". Le modèle de ces processus est pour Broch la façon dont le
christianisme a supplanté le paganisme en Occident. Hitler est une
parodie démoniaque de fondateur de religion. Mais il a su en capter la
force, et la démocratie doit à son tour s’élever au niveau de la fondation
religieuse. Le concept de conversion cristallise une autre idée centrale de
Broch, là encore inspirée de l’anthropologie freudienne, le mélange de
rationalité et d’irrationalité dans l’homme : la conversion est en effet un
mélange de dévalorisation consciente et rationnelle d’une culture rivale,
et d’illumination irrationnelle. La lutte contre la folie des masses ne peut
pas être une "éducation", "on ne combattra pas la folie des masses par
de simples mesures didactiques" . La modernité, le désenchantement du
monde, la société de la connaissance dirait-on aujourd’hui, sont loin
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d’engendrer une lucidité supérieure, un règne de la raison : "Loin de


permettre à l’homme d’accéder à une claire conscience (…), la
civilisation hyperrationnelle dominé par la grande ville industrialisée
intensifie à l’extrême l’état crépusculaire dans lequel il vit."

Ici se loge la tension essentielle du livre, qui est sans doute une clé de
son inachèvement. La critique de l’angélisme des Lumières (de la foi
dans la souveraineté de la raison), l’idée que les cultures, la vie normale
des communautés politiques sont un combat permanent contre la folie
des masses, débouchent sur une oscillation troublante entre deux
versions antithétiques de ce que Broch appelle "le nouveau type
démocratique" : celle de l’humaniste sceptique et celle de l’ingénieur
social. La première, tournée vers le Virgile des Bucoliques, vers la pursuit
of happiness de la Constitution américaine, célèbre l’autolimitation
démocratique, la "piété terre à terre" du paysan ("les pays ruraux ont
toujours ou presque toujours été les berceaux des démocraties", tandis
que "la grande ville dissout la communauté, mais pas au profit de la
personnalité individuelle : au profit du type amorphe" ), fondée sur
l’acceptation de la tradition (distincte de la docilité) et la modestie face
au savoir, bref ce qu’il appelle un "anti-prométhéisme mitigé", qu’il
place sous le triple patronage de Virgile, Rousseau et Tolstoï, "tous trois
des ‘révolutionnaires conservateurs’ comme on dirait aujourd’hui" .
L’individualisme authentique ne peut se développer sans le maintien de
cet élément de tradition et de modération.

Mais la seconde veine du livre tourne le dos à cette "sagesse" et propose


au contraire à la démocratie d’adopter les méthodes "prométhéennes" de
l’adversaire, de le combattre sur son propre terrain, afin de dépasser la
faiblesse intrinsèque de la démocratie, qui est pourtant sa grandeur, le
fait de ne pas être une religion. Broch appartient à cette famille
d’intellectuels fascinés par l’adversaire, parce qu’ils sentent que le
fascisme (comme le bolchevisme en Russie) n’est pas simplement une
audace de voyou mais répond à une sorte de nécessité historique face à la
crise du libéralisme, et cette intuition de la profondeur du danger ne va
pas sans une sorte de mimétisme, comme si l’antifascisme devait
prendre la voie d’un contre-fascisme voire, comme l’écrivit un jour
Bataille, un "surfascisme". Après une brillante critique du marxisme
comme lecture économique de l’histoire, Broch conclut : "Avoir montré
que la logique purement économique est dépassée, c’est le mérite de la
méthodologie des fascistes et de leur virtuosité à manier les tendances
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irrationnelles du psychisme des masses." Il concède même à un


moment que "la démocratie devra nécessairement reprendre quelques
composantes de l’organisation totalitaire" et va jusqu’à préconiser un
contre ministère de la Propagande.

Il y a cela dit plus de profondeur et de sérieux dans les contradictions de


Broch que dans le dandysme de Bataille et du Collège de sociologie. Parce
qu’il refuse à juste titre de se contenter de l’opposition de la gentille
raison et de la méchante tradition irrationnelle, parce qu’il est lucide sur
les défaillances du régime parlementaire, Broch est réellement déchiré
entre, d’un côté, une idée rédemptrice de la conversion qui attire la
démocratie dans les parages du totalitarisme et, de l’autre côté, l’idéal
tempéré de l’honnêteté, de la "victoire contre la victoire", c’est-à-dire
de l’autolimitation de l’hybris démocratique par la "réintronisation des
forces de la conscience morale" . Une contradiction qu’il crie plus qu’il
ne la résout quand il parle de la "tâche missionnaire" de la politique
sécularisée.

À la fois éponge et voyant, Broch fait feu de tout bois avec les idées de
son époque, mais sa recherche chaotique et inaboutie est pourtant
éclairante et attachante. Il donne une sorte de relief personnel à ce qu’on
pourrait appeler ses essais de valeur. Ainsi sa veine tolstoïenne n’est pas
une naïve idéalisation de la vie rurale mais une méditation sur l’hostilité
de la ville à l’épanouissement individuel. Ce n’est pas la vie rurale qui est
en soi source de sagesse, mais la possibilité qu’elle montre à l’homme
libre de prendre distance avec l’univers impersonnel et insatiable de la
technique. De façon prophétique, Broch montre que le prométhéisme,
c’est-à-dire l’artificialisme exacerbé des modernes, loin de libérer
l’homme de la nature, finit par l’asservir à un nouveau naturalisme : il
"se contente de déplacer ses liens, confiant à la non-nature les fonctions
de la nature", tandis que la "sagesse paysanne" a le mérite de ne pas
naturaliser l’institution sociale, de combiner tradition et connaissance.
On se souvient que le narrateur du Tentateur est un biologiste brillant
qui a préféré se retirer comme médecin de campagne, où il sera le
témoin de l’envoûtement du village par un démagogue démoniaque.

L’ambition démesurée et les tensions de ce livre peuvent dérouter,


d’autant qu’elles semblent éloigner sans cesse son objet immédiat,
urgent, le combat contre le nazisme, au profit de la multiplication de
thèmes anthropologiques généraux. Broch construit un système mais
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son écriture n’est pas celle du bâtisseur satisfait. Elle transpire au


contraire l’inachèvement constitutif, la répétition obsessionnelle, qui
n’est pas d’un prêcheur mais au contraire d’un esprit qui doute, qui
pense en repensant, s’attaquant à d’immenses questions non parce qu’il
croît les maîtriser mais parce que, qu’il les maîtrisent ou non, il doit les
poser. L’idée est que le totalitarisme, le nazisme en particulier, est un
phénomène de profondeur comparable à la christianisation de l’occident,
d’où la difficulté redoutable du combat, qui n’est pas seulement militaire
mais spirituel. La réponse de Broch, c’est en quelque sorte une oasis sur
un volcan : une morale de l’honnêteté, de la décence commune, de la
"piété terre à terre" comme contrepoids à la démesure de la civilisation
moderne. Mais cette oasis n’est pas une utopie conservatrice
consolatoire, car elle n’est que la domestication précaire des "facteurs
mystiques dans l’histoire". Moderne et antimoderne, libéral hanté par
l’échec du libéralisme, penseur des "lois historiques" mais aussi de
l’irruption des "conversions politiques", déchiré autrement dit entre la
raison et la déraison dans l’histoire, Broch forge un alliage vertigineux
des contraires mais — c’est si l’on peut dire son côté autrichien —, il ne
cède jamais à la tendance allemande à la réconciliation des opposés dans
l’unité supérieure d’un tout, et continue de camper au bord du volcan :
même si une sagesse des modernes est possible, c’est-à-dire un
accomplissement de la démocratie (un "rajeunissement" dit-il, d’une
formule ambiguë), cet accomplissement reste vulnérable à la folie des
masses, à cette puissance de fondation et de conversion inhérente au fait
social. On songe à cette formule de Marcel Mauss : "On ne sait jamais où
aboutit un phénomène social : une société pliera bagage et s’en ira tout
entière parce qu’elle a entendu parler d’un monde meilleur." Autrement
dit, et c’est la tension fondamentale qui commande la pensée de Broch,
le caractère social de la vie humaine fonde à la fois un traditionalisme
tempéré, à la Burke pour ainsi dire , et un sens inquiet de la disposition
des sociétés à la conversion et à la folie, comme si l’élément de stabilité,
d’héritage que nous attachons peu ou prou à la vie sociale, et qui fait que
tout vrai sociologue ou anthropologue est un peu conservateur, n’était
qu’un vernis fragile posé sur "le caractère monstrueux de la liberté
humaine".

Je n’ai donné qu’une pale idée du kaléidoscope de théories déployé par


Broch, sur le droit, les cycles historiques, l’économie psychique, etc.
J’aimerais mentionner l’étonnant passage sur le rêve . Il commence par
une théorie formelle des "équations du rêve" pour arriver à une
"économie émotionnelle des groupements sociaux humains" qui est une
véritable théorie onirique du social, modelé sur la "logique du rêve". Ces
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éclairages en tous sens laissent subsister cependant quelques zones


d’ombre. À une exception près , l’histoire si cruciale pour Broch de la
conversion du paganisme au christianisme semble oublier le judaïsme, et
hormis une page admirable qui évoque et écarte l’interprétation
religieuse de l’antisémitisme ("c’est là presque une pensée nazie (…) le
destin juif est cruel, mais sans solennité" , l’antisémitisme nazi reste au
second plan et se perd dans l’analyse de la "déformation magique des
faits" propre à l’idéologie totalitaire. Broch a surtout cherché à rendre
compte de l’universalité du démoniaque moderne, d’où la difficulté à
approfondir l’élément proprement allemand (et russe) de la catastrophe.
Un Thomas Mann ou un Sebastian Haffner auront un souci plus vif de la
question allemande, de la place singulière de l’Allemagne dans l’histoire
européenne, que Broch traverse pour ainsi dire sans s’y arrêter.

L’absence à peu près complète de toute référence ne facilite pas la tâche


du lecteur. Broch traverse des pans immenses de la culture
contemporaine sans marquer ses repères, et c’est au lecteur de
reconstituer ses discussions avec Freud, avec son ami Canetti, et bien
d’autres. On croisera pêle-mêle une critique individualiste à l’allemande
du monde moderne au nom de la personnalité authentique ("l’indigence
que cachait et recouvrait le soi-disant individualisme (…)
l’automystification et le travail incessant de typisation de la personnalité
individuelle" , mais aussi une critique de la sacralisation allemande de
l’État et de la communauté culturelle, qui est peut-être un dialogue avec
Thomas Mann . D’un côté, Broch semble aspirer à un réenchantement de
la démocratie par l’éthique (la conversion à l’honnêteté), mais de l’autre,
il développe une théorie sceptique de la démocratie qui "ne veut rien
avoir de commun avec l’autorité mystique", ce qui est peut-être un écho
de Hans Kelsen, qui fut proche lui aussi du Wienerkreis, et défendait une
démocratie radicale, débarrassée de la sacralisation de l’État et de
l’horizon d’une légitimité morale . Les concepts omniprésents de
"somnambulisme" et d’ "état crépusculaire" renvoient tantôt à une
critique de l’atomisation des valeurs et de la dépersonnalisation dans la
société moderne, donc à une pathologie, tantôt à une théorie positive du
"profond onirisme dans lequel la vie humaine sociale s’organise", du
"rêve organisé que représente (…) toute organisation humaine pourvue
de sens" .

À travers ses fulgurances et ses contradictions, cette Folie des masses est
une expérience pour rendre sensible aux grandes transformations des
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sociétés. L’originalité principale de cette fresque, c’est la mise au jour,


sous la lente mobilité des civilisations, du caractère dramatique des
phénomènes de conversion, et la vulnérabilité particulière de la société
des masses à ces phénomènes brutaux. L’imprécation amère est le
travers fréquent des antimodernes, Broch serait plutôt un pessimiste
bienveillant#nf#

Ouvrage publié avec l'aide du Centre national du livre.

#philosophie #essai #broch #democratie #XXe #totalitarisme #nazisme #culture #religion

PHILIPPE DE LARA

Philippe de Lara, ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, est maître de
conférences à l’université Paris-II (philosophie et sciences politiques).

Il a notamment édité avec Guy Laforest Charles Taylor et l’interprétation de l’identité moderne
(1998), et publié L’Expérience du langage, Wittgenstein philosophe de la subjectivité et Le Rite
et la raison, Wittgenstein anthropologue (2005).

Ses recherches en cours portent sur l’anthropologie du totalitarisme et la modernité.

L I R E P LU S D 'A R T I C L E S 

en partenariat avec

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