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KANT

.~ ESSAI POUR INTRODUIRE


EN PHILOSOPHIE
LI3: CONCEPT DE
GRANDEUR NÉGATIVE

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1~~~3 LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN
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BIBLIOTHÈQUE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES
Fondateur: Henri GOUHIER
Directeur: Jean-François COURTINE

Emmanuel KANT

ESSAI
POUR INTRODUIRE EN PHILOSOPHIE
LE CONCEPT DE
GRANDEUR NÉGATIVE

Traduction et notes par


R. KEMPF

Préface de G. Canguilhem

Seconde édition
Troisième tirage

Paris
LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN
6, Place de la Sorbonne, Ve

1991
PRÉFACE

Lorsque, pour la premlere fois en 1949, a été


publiée par M. Roger Kempf sa traduction de l'Essai
pour introduire en philosophie le concept de gran-
deur négative, j'avais accepté, à la demande de
Jean Hyppolite, dont M. Kempf avait été l'étudiant,
en même temps que de moi-même, à la Faculté des
Lettres de Strasbourg, de présenter sommairement
cette traduction, précédée d'une étude qui avait été
élaborée comme mémoire pour le diplôme d'études
supérieures.
Depuis 1949, la multiplication des études kan-
tiennes en France et la traduction de nombreux
traités ou opuscules kantiens, dont la Librairie
Joseph Vrin a assuré la publication pour le profit
certain des études philosophiques en France, font
La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article que ne s'impose pas la même obligation qu'autre-
41, d'une part, que « les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage
privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» et, d'autre part, que
fois d'introduire le texte de Kant par une étude dont
les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute l'intérêt, signalé dans ma préface à la première
représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement édition, n'est pas diminué par la nécessité qu'il y
de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa 1" de
l'article 40).
aurait aujourd'hui de la reprendre sur certains
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti- points.
tuerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code
Pénal.
C'est la raison pour laquelle l'auteur et l'éditeur
ont convenu de publier, dans une nouvelle édition,
© Librairie Philosophique J. VRIN, 1991
. le texte de Kant comme se suffisant à lui-même.
Printed in France
ISBN 2-7116-0419-5 Georges CANGUILHEM.
INTRODUCTION

il JFA.X-PA.TTL ARON

L'Essai pour introduire en philosophie le concept


de grandeur négative, dont nous donnons ici la tra-
duction, parut en 1763 ". Il appartient, ainsi que
l'Unique fondement possible d'une démonstration de
Dieu (1763) et la Recherche sur l'évidence des prin-
cipes de la théologie naturelle et de la morale (1763) 2,
à la deuxième moitié de la période pré-critique.
Il importe peu de connaître dans quel ordre ont été
composés ces trois ouvrages; V. Delbos estime qu'ils
datent de la même époque, et qu'il serait assez arbi-
traire de supposer que chacun d'eux marque un
moment particulier et distinct dans le développement
de la pensée de Kant. Nous inclinons cependant il
situer l'Essai entre la Recherche sur l'évidence ... et
l'Unique fondement... (telle est la classification admise
par H. Cohen) :;. L'Essai sur les grandeurs négatives
est assurément le plus remarquable des ouvrages de
la période pré-critique. Les plus constantes préoccu-
pations de Kant s'y précisent déjà. A la lumière de la

1. Chez J. Kanter, à Kônigsberg.


Les Actes de la Faculté de Philosophie de Kônigsberg men-
tionnent, à la date du 3 jui-n 1763, l'Essai d'E. Kant pour intro-
duire en philosophie le concept de grandeur négative, avec un
supplément sur l'Hydrodynamique. (On n'a jamais trouvé trace
du supplément susdit.)
J. TrssoT avait déjà donné, en 1862 (dans sès Mélanges de
Logique) une traduction de l'Essai ...
2. Untersùchung über die Deullichkeit der Grundsatze der
natürlichen Theologie und der Moral.
3. Kuno FISCHER adopte l'ordre suivant : Essai, Unique Fon-
dement, Recherche sur l'évidence ..., et ERDMANN-AmcIŒs : Unique
Fondement, Recherche Sllr l'évidence ... , Essai.
10 INTRODUCTION

physique dc Newton, déplorant la stérili[(' oc ln


méthode cartésio-wolfienllc, il signifie aux fondateurs
d'une ontologie que les concepts les plus subtils n'abo-
lissent ou n'engendrent jamai.s un existant, et que
depuis Newton l'espace, le temps, le mouvement, ne
peuvent plus être ce qu'ils étaient pour Descartes,
savoir « des notions pleines qui fournissent immédia-
tement au monde leur contenu» (Brunschvicg). Hares
sont, parmi les philosophes, ceux qui ont lu ou appré-
cité l'Essai. Delbos, Brunschvicg, Mouy, Gilson, Gué-
rouit, Jankélévitch en France, ont été les plus perspi-
caces, malgré ce phénomène trop français que J. Beau- ESSAI
fret baptise : le retard à la traduction.
POUH
Nous userons pour plus de commodité dans notre commen-
taire des abréviations suivantes :
Essai pour introduire en philosophie ... : Essai. INTRODUIRE EN PHILOSOPHIE
Unique fondement possible d'une démonstration de l'existpnce
de Dieu (traduction de Paul Festugière) : U. F.
Recherche sur l'évidence des principes de la théologie natu- LE CONCEPT
relle et de la morale : Recherche sur l'évidence ...
Critique de la' Raison Pure (traduction de A. Tremesaygues
et B. Pacaud) : C. R. Pure.
DE GRANDEUR NÉGATIVE
Critique de la Raison Pratique (traduction de F. Picavet) :
C. R. Pratique.
AVANT-PROPOS

L'utilisalion que l'on peut faire ùes mathéma-


tiques en philosophie consiste soit dans l'imitation
de leurs méthodes, soit dans l'application réelle de
leurs propositions aux objets de la philosophie.
Quelque grand avantage que l'on se soit promis
d'aboI·d d'en tirer, il ne paraît pas que la première
manière d'en user ait été jusqu'ici de quelque
utilité; la philosophie, jalouse de la géométrie,
décora ses propositions de titres pompeux et pro-
metteurs, mais qui peu à peu s'écroulèrent, car l'on
se rendit modestement compte qu'il ne convient pas
de se comporter avec morgue dans des circonstances
ordinaires et que le fâcheux « non liquet » ne
voulait point céder à tout cet apparat (1).
Par contre, la seconde manière d'en user a été
d'autant plus féconde pour les parties de la philo-
sophie qu'elle a atteintes que. en retournant à leur
profit les leçons des mathématiques, elles se sont
élevées à une hauteur à laquelle sans cela elles
n'auraient pu prétendre (2). Mais si ces vues ne
regardent que la physique, l'on devrait donc ratta-
cher à la philosophie la logique des événements
fortuits. Pour ce qui est de la métaphysique, au
lieu de profiter de certains des concepts ou des
théories des mathématiques, cette science s'est au
contraire, et le plus souvent, armée contre elles, et
où elle eût pu peut-être emprunter de sûrs fonde-
ments pour y asseoir ses réflexions, on la voit
14 ESSAI ESSAI 15

s'efforcer de n'utiliser les concepts du mathéma- semble plus commode que d'entrer en relations
ticien que pour la fabrication de subtiles fictions avec une science qui ne participe qu'à des vues
qui en dehors de son champ sont d'une mince vérité. intelligibles et évidentes.
II est facile de deviner de quel côté sera l'avantage Le concept de l'infiniment petit, sur lequel les
dans le conflit de deux sciences dont l'une l'emporte mathématiques reviennent si souvent, est audacieu-
sur toutes à la fois en certitude et en clarté et dont sement rejeté comme un pur produit de l'imagi-
l'autre s'efforce d'abord d'y atteindre. La métaphy- nation; mieux vaudrait présumer que l'on n'en a
. sique cherche, par exemple, à trouver la nature de pas encore une connaissance suffisante pour y
l'espace et la raison souveraine qui permet d'en porter un jugement (5). La nature elle-même
comprendre la possibilité. Hien assurément ne cependant semble nous donner des preuves point
pourrait être plus profitable à cet effet que d'em- obscures de la vérité de ce concept. Car s'il est vrai
prunter à une discipline quelconque des données qu'il existe des forces qui agissent durant un certain
sûrement démontrées, afin de les prendre pour temps pour engendrer des mouvements, telle est
fondement de notre étude. La géométrie' en livre suivant toute apparence la pesanteur, alors la force
certaines qui concernent les propriétés les plus que celle-ci exerce dans l'instant initial de mouve-
générales de l'espace (3) : par exemple, l'espace ment ou au repos doit être infiniment petite au
n'est pas du tout composé de parties simples; mais regard de l'énergie qu'elle communique pendant
on n'en tient pas compte et l'on se fie uniquement un certain temps. II est difficile, j'en conviens, de
à la conscience ambiguë de ce concept en le pénétrer la nature de ce concept; cette difficulté
pensant d'une manière tout ù fait abstraite. Dès peut tout au plus légitimer la prudence dans
lors que la spéculation ainsi conduite ne veut pas l'incertitude, mais non pas justifier l'affirmation
s'accorder avec les propositions des mathématiques, d'lHle impossibilité.
on cherche à sauver son concept artificiel par le Je me propose d'examiner maintenant un concept
blâme que l'on adresse à cette science, comme si suffisamment connu en mathématiques, mais très
les concepts qu'elle prend pour fondement n'étaient étranger encore à la philosophie, dans son rapport
pas déduits de la nature véritable de l'espace, mais à cette dernière. Ces considérations ne sont que de
arbitrairement inventés. L'étude mathématique du menus commencements comme il arrive d'ordinaire
mouv~ment, .liée à la connaissance de l'espace, quand on veut ouvrir de nouveaux horizons. Ce-
fourmt pareIllement de nombreuses données qui pendant elles seules peuvent peut-être engendrer
permettent de maintenir dans la voie de la vérité d'importantes conséquences. Par suite de la négli-
l'étude métaphysique du. temps. Le célèbre Euler (4) gence du concept de grandeur négative, une
en a donné le prétexte (a), mais, s'attarder sur quantité de fautes ou de fausses interprétations de
des abstractions obscures et diHiciles à examiner la pensée d'autrui sont apparues dans la philoso-
phie. Si, par exemple, l'illustre D. Crusius (6) avait
(q) Histoire de l'Académie Royale des scieuces et ht·!I.,s
bien voulu prendre connaissance de la signification
lettres, l'année 1748. mathématique de ce concep.t, il n'eût assurément
16 ESSAI ESSAI 17

pas trouvé fausse jusqu'à S't'Il étonner (u), 11'1 prétendue perspicacité de maints penseurs ù l'égard
comparaison de Newton entre la force attractive d'un concept vrai et utilisable, dont les mathéma-
qui, lorsque la distance augmente, sans cependant tiques ont déj à assuré la justesse, afin d'en établir
quitter le voisinage des corps, se dégrade peu à peu philosophiquement la nature. La fausse métaphy-
en force répulsive, et le~ séries dans lesquelles les sique se soustrait volontiers à cette épreuve, parce
grandeurs négatives commencent où les positives qu'un savant non-sens ne peut donner ici aussi
finissent. Car les grandeurs négatives ne sont pas aisément qu'ailleurs l'illusion de la solidité. Entre-
des négations de grandeurs, comme le lui a laissé prenant de gagner il la philosophie un concept
supposer l'analogie de l'expression, mais au con- encore inemployé, quoique absolument nécessaire,
traire quelque chose de vraiment positif en soi, qui je me souhaite pour juges des esprits aussi péné-
est simplement opposé à l'autre grandeur positive. trants que celui qui inspira cet essai. Car, en ce
De sorte que l'attraction négative n'est pas, comme qui concerne les intelligences métaphysiques d'une
il le pense, le repos, mais la véritable répulsion (7). pénétration accomplie, il faudrait être bien inexpé-
J'en viens enfin à la dissertation elle-même où rimenté pour s'imaginer qu'on pût ajouter quelque
j'ai dessein de montrer quelle peut être en philo- chose à leur sagesse ou retirer quelque chose de
sophie l'application de ce concept. leur présomption.
Le concept de grandeur négative, depuis long-
temps en usage dans les mathématiques, s'y est
révélé d'une extrême importance. Toutefois la
représentation que s'en sont fait la plupart, et
l'explication qu'ils en donnaient, est étrange et
contradictoire, bien qu'aucune inexactitude n'en
ait rej ailli sur l'application, car les règles particu-
lières ont pris la place de la définition et en ont
assuré l'usage. Personne n'a peut-être montré avec
plus de clairvoyance et de certitude ce qu'il con-
vient d'entendre par grandeurs négatives, que le
fameux professeur Kastner (b), qui sait l'art de
tout rendre précis, intelligible, agréable (8). Quand
ù cette occasion, il reproche il un philosophe
foncièrement abstrait sa manie de diviser, cela cst
heaucoup plus général qu'il ne paraît et on pourrait
l'interpréter comme une invitation il éprouver la

(a) CnusIUS, Naturl. 2 Teil., ~ 295.


(b) Anfangsgr. d. Arithm. ·S. M)-62.
PREMIÈRE SECTION

EXPLICATION DG CONCEPT
DE GRANDEUR NÉGATIVE
EN GÉNÉRAL

Deux choses sont opposées entre elles lorsque


le fait de poser l'une supprime l'autre. Cette
opposition est double: soit logique (par la contra-
diction), soit réelle (sans contradiction). On n'a
considéré jusqu'ici que la première opposition ou
opposition logique. Elle consiste à affirmer et à nier
quelque chose d'un même sujet. Cette connexion
logique est sans conséquence (nihil negativum
repraesentabile) , comme l'énonce le principe de
contradiction. Un corps en mouvement est quelque
chose, un corps qui n'est pas en mouvement est
aussi quelque chose (cogita bile) ; seul un corps qui
sous le même rapport serait à la fois en mouvement
et au repos n'est rien.
La deuxième opposition, l'opposition réelle, est
telle que deux prédicats d'un sujet sont opposés,
mais sans contradiction (9). Certes une chose
détruit également ce qui a étÉ' posé par une autre,
mais ici la consÉ'quence est quelque chose (cogita-
bile). La force motrice d'un corps tendant vers un
certain poÏIJt, et un pareil effort de ce corps pour
se mouvoir en direction opposée ne se contredisent
20 ESSAI ESSAI 21

pas et sont cu même temps possibles comme prédi- A = 100 florins serait fondée à recouvrer une
cats dans un même corps. La conséquence en est pareille somme. Mais supposez que la même per-
le repos qui est quelque chos.e (repraesmtabile). sonne ait aussi une dette passive B = 100 florins,
Mais nous avons affaire à une véritable opposition elle est tenue alors de débourser cette somme. Les
une tendance supprime l'effet réel de l'autre; les deux dettes réunies forment un capital de zéro; il
deux tendances son t de vrais prédicats d'un senl n'y a pas d'argent à donner et il n'yen a pas il
corps et s'y rapportent en même temps. La consé- recevoir (10).
quence en est également Rien, mais en un autre On se rend aisément compte que cc zéro est un
sens que dans la contradiction (nihil privativum, rien relatif, attendu que seule une certaine consé-
re praesentabile). Con venons d'appeler désormais quence n'est pas; ainsi, dans l'exemple précédent
ce Rien = 0 ; il a le sens de négation (negalio), de un certain capital, et dans le cas cité plus haut un
défaut, d'absence, mots fréquemment employés par certain mouvement; par contre il n'y a absolument
les philosophes, mais avec une détermination plus Rien dans la suppression par la contradiction. En
précise que nous rencontrerons plus bas. conséquence, le nihil negativum, qui n'enferme
Dans l'incompatibilité logique on ne considère aucune contradiction, ne peut pas être exprimé par
que le rapport par lequel les prédicats d'une chose zéro = O. Je comprends la non-existence d'un
ct leurs conséquences se suppriment réciproque- mouvement, mais qu'à la fois il soit et ne soit pas,
ment par la contradiction. Lequel des deux prédi- voilà qui est proprement inconcevable.
cats est véritablement affirmatif (realitas) et lequel Les mathématiciens utilisent ce concept de l'oppo-
véritablement négatif? On ne s'en soucie pas le sition réelle, et, pour indiquer leurs grandeurs, les
moins du monde. Par exemple, la confusion de marquent du signe + ou - . Vu la réciprocité de
l'obscur et du non-obscur est contradiction dans le cette opposition, on s'aperçoit aisément qu'une
même suj et. Le premier prédicat est logiquement grandeur supprime l'autre, soit entièrement soit en
affirmatif, le second logiquement négatif quoique partie, mais que cette suppression ne fait pas diffé-
cel'lÏ-là soit une négation au sens métaphysique. rer de celles précédées du signe + les grandeurs
L'incompatibilité réelle repose également sur le marquées du signe - . Un navire va du Portugal
rapport de deux prédicats opposés d'une même au Brésil. Marquons du signe + toutes les distances
chose, mais diffère essentiellement de l'opposition parcourues par vent d'est, et du signe - les trajets
logique. Ce qui est affirmé par un prédicat n'est que lui fait faire le vent d'ouest. Les nombres
pas nié par l'autre, car cela est impossible ; au indiqueront les milles. Ainsi, la route faite vers
contraire les prédicats A et B sont tous deux l'ouest durant sept jours est de : + 12 + 7 - 3 - 5
affirmatifs; mais comme les conséquences de cha-
cun d'eux pris en particulier seraient a et b, ni
+ 8 = 19 milles. Les grandeurs précédé"es du signe
- ne portent ce signe que pour marquer l'opposi-
l'un ni l'autre ne peuvent coexister dans un sujet, tion, en tant qu'elles doivent être prises en commun
dl' sorte que la cOllséquence cst zéro. Une personne avec celles qui sont précédées du signe + ; mais
qui aurait (,11\'ers une autre une delle activc si elles se trouvent réunies à celles qui sont égale-
22 ESSAI ESSAI 23
ment marquées du signe - , il n'y a plus lieu à science des grandeurs qu'à distinguer celles qui
aucune opposition, cette dernière étant un rapport sont opposées, à savoir celles qui, étant rassemblées,
réciproque qui ne se peut rencontrer qu'entre les se suppriment réciproquement, entièrement ou par-
signes + et - . Et comme la soustraction est une tiellement, afm premièrement que l'on reconnaisse
réduction qui se produit lorsque sont rassemblées par là le rapport d'opposition réciproque, et deuxiè-
des grandeurs opposées, il est évident que le signe mement que l'on puisse connaître, après avoir
- ne peut être essentiellement un signe de sous- soustrait l'une de l'autre, suivant le cas, à laquelle
traction, comme on se le représente d'ordinaire, des deux grandeurs appartient le résultat. Ainsi,
mais que la réunion des signes + et - indique tout dans l'exemple précédemment cité, nous aurions
d'abord une réduction; c'est pourquoi - 4 - 5 trouvé le même résultat si nous avions désigné par
= - 9 n'est pas une soustraction, mais une véri- -la marche du navire sous le vent d'est et par + sa
table augmentation et addition de grandeurs de marche sous le vent d'ouest ; mais le résultat eût
même espèce. Au contraire + 9 - 5 = 4 a le sens été précédé du signe -.
d'une réduction puisque les signes de l'opposition Voilà la source du concept mathématique de
indiquent qu'une grandeur absorbe l'équivalent de grandeur négative. Une grandeur est négative par
l'autre. De même, le signe + considéré en soi-même rapport à une autre grandeur en tant qu'elle ne
ne signifie une addition que pour autant que la peut lui être réunie que par une opposition, c'est-
grandeur qu'il précède doive être réunie à une à-dire, en tant que l'une fait disparaître dans
autre grandeur précédée du signe +, mais l'union l'autre une grandeur égale à elle-même. Nous avons
de cette dernière à une grandeur marquée du bien affaire à un rapport d'opposition, et des
signe - ne se peut faire que par l'entremise de grandeurs qui sont ainsi opposées se diminuent
l'opposition ; en ce cas, le signe +, aussi bien l'une l'autre d'une valeur égale, de sorte qu'aucune
que le signe -, annonce une soustraction, autre- grandeur ne peut .être qualifiée absolument de
ment dit signifie qu'une grandeur retranche négative ; il faut dire au contraire que + a et - a
d'une autre une partie égale à elle-même, d'u~le chose est la grandeur négative de l'autre ;
comme - 9 + 4 = - 5. C'est pourquoi, dans le cas malS, comme on peut toujours l'ajouter en esprit,
- 9 - 4 = -13, le signe - n'indique pas une sous- les mathématiciens ont convenu un jour d'appeler
traction, mais au contraire et tout aussi bien une négatives les grandeurs précédées du signe - ; à
addition, comme le signe + dans l'exemple propos de quoi il ne faut pas oublier que cette
+ 9 + 4 = + 13. Car, d'une façon générale, en dénomination n'indique pas une espèce particulière
supposant que les signes soient les mêmes, les d'objets quant à leur nature intrinsèque, mais ce
choses désignées doivent tout simplement être rapport d'opposition avec d'autres obj"ets détermi-
sommées; mais supposé que les signes soient diffé- nés, marqués du signe +, pour être assemblés dans
rents, elles ne peuvent être réunies que par une une opposition.
opposition, c'est-à-dire au moyen d'une soustrac- Pour tirer de ce concept ce qui est précisément
tion. Aussi ces deux signes ne servent-ils dans la l'objet de la philosophie, sans examiner particu-
24 ESSAI ESSAI 25

lièrement les grandeurs, nous remal'<lUOllS d'abord par exemple, la chute ne diffère pas simplement dt,
qu'il contient l'opposition que nous appelio~s réell~. l'ascension comme non-a de a, qu'elle est tout
Soit + 8 de capitaux, - 8 de dettes passIves : Il aussi positive que l'ascension, mais qu'en liaison
n'est pas contradictoire de dire que tous deux avec elle, elle renferme avant tout le principe d'une
appartiennent à une même personne. Cependant départ négatif, afin que l'expression manifeste que,
l'une détruit une partie égale à celle qui était posée comme tout ici revient au rapport d'opposition, je
par l'autre, et la conséquence est zéro. J'appellerai puis appeler la mort une naissance négative, et la
par conséquent les dettes des capitaux négatifs. naissance une mort négative ; de même, les capi-
Mais je ne signifierai pas par là qu'elles sont néga- taux sont tout aussi bien des dettes négatives, que
tions ou pure absence de capitaux, dans ce cas celles-ci des capitaux négatifs. Il est cependant
elles auraient le zéro pour signe, et le capital et préférable d'ajouter le nom de négatif à l'objet
les dettes réunis donneraient le montant de l'avoir, auquel on fait surtout attention, quand on veut
ce qui est faux ; j'entendrai au contraire que les indiquer son opposé réel. Par exemple, il est plus
dettes sont des raisons positives de la diminution pertinent d'appeler les dettes des capitaux négatifs
des capitaux. Comme toute cette dénomination ne que de les qualifier de dettes positives, bien que la
désigne jamais que le rapport de certaines choses différence ne réside pas dans le rapport d'oppo-
. entre elles, rapport essentiel à ce concept, il serait sition lui~même, mais dans la relation du résultat
absurde de s'imaginer une espèce particulière de ce rapport au but visé en définitive. Je rappelle
d'obj ets, et de les appeler négatifs, car l'expression enfin que je me servirai de temps à autre de
mathématique même de grandeurs négatives est l'e:xpression qu'une chose est la négative d'une
par trop imprécise. Les obj ets négatifs signifie- autre. En disant que la négative de la naissance
raient généralement des négations (negationes), or est la mort je ne veux pas faire entendre une néga-
ce n'est pas du tout le concept que nous désirons tion de l'autre, mais quelque chose qui se trouve en
établir. Il suffit au contraire que nous ayons opposition réelle avec l'autre.
expliqué déjà les rapports d'opposition qui le Dans cette opposition réelle, la proposition
composent et qui consistent dans l'opposition réelle. suivante doit être considérée comme une règle fon-
Cependant,pour faire voir en même temps dans les damentale : l'incompatibilité réelle ne se produit
expressions que l'un des opposés n'est pas le qu'en tant que, étant donné deux choses comme
contradictoire de l'autre, et que si celui-ci cst principes positifs, l'une détruit la conséquence de
quelque chose de positif, celui-là n'cn est pas Ulle l'autre. Admettons que la force motrice soit un
pure négation, mais lui est opposé comme quelque principe positif, un conflit réel ne peut avoir lien
chose d'affirmatif (ainsi que nous le verrons plus qu'autant qu'une autre force motrict! étant en
bas), nous dirons, suivant la méthode des mathé- rapport avec elle, clles détruisent réciproquement
matiques, que la mort est une naissance négative, leurs conséquences. Ce qui suit pourra servir de
la chute une ascension négative, le retour un preuve universelle :
départ négatif, afin que l'expression manifeste que 1) Les déterminations opposées les unes aux
26 ESS.\I ESSAI 27

autres doivent être rencontrées dans le même sujet. les lieux à la fois. Voilà autant de négations qui
Car, supposé qu'une détermination se trouve dans tiennent à son mouvement. Parmi toutes ces néga-
une chose, et une autre détermination, n'importe tions seul ce qui subsiste de positif, non seulement
laquelle, dans une autre chose, il n'en résulte dans' le mouvement vers l'est mais aussi dans celui
aucune opposition véritable (a). vers l'ouest, constitue l'opposition réelle dont la
2) Il est impossible qu'une des déterminations conséquence est zéro.
opposées dans une opposition réelle soit la contra- C'est ce que des signes généraux nous permettent
dictoire de l'autre ; en ce cas, le conflit serait d'expliquer de la manière suivante : Tc;mtes les
d'ordre logique et, comme nous l'avons montré, négations véritables qui, partant, sont pOSSIbles (car
impossible. la négation de ce qui est posé en même temps dans
3) Une détermination ne peut nier que ce qui a le sujet est impossible) peuvent être exprimées par
été posé par l'autre Oétermination ; car il n'y le signe zéro = 0, l'affirmation par tout signe positif,
réside aucune opposition. et la liaison dans le même suj et par + ou -. L'on
4) Elles ne peuvent pas, en tant qu'elles s'oppo- reconnaît ICI que les expressions A + 0 = A,
sent réciproquement, être négatives toutes deux, A-O =A, 0 + 0 =0,0-0 = 0 (a), ne constituent
car alors aucune ne poserait rien qui fût supprimé pas des oppositions, et que dans aucune d'elles
par l'autre. Par conséquent, dans toute opposition n'est supprimé ce qui a été posé. De même, A + A
réelle les prédicats doivent être tous deux positifs, n'est pas une suppression, et il ne reste que le cas
mais de manière que dans la liaison les consé- suivant : A - A = 0, c'est-à-dire, que de choses
quences se suppriment réciproquement dans le dont l'une est la négative de l'autre, toutes deux
même sujet. Ainsi, considérées en elles-mêmes, sont sont A, et partant véritablement positives, mais de
toutes deux positives des choses dont l'une est sorte que l'une supprime ce qui a été posé par
regardée comme la négative de l'autre ; mais leur l'autre.
réunion en un même suj et a zéro pour conséquence. Voici la deuxième règle, qui est proprement
La marche d'un navire vers l'Occident est un mou- l'inverse de la première : partout où il y a un
vement tout aussi positif que celle vers l'Orient ; principe positif et où la conséquence est zéro, il
seulement, si l'on a affaire au même navire, les y a une opposition réelle, autrement dit ce principe
distances parcourues se détruisent réciproquement, est lié à un autre principe positif qui en est la
totalement ou partiellement.
Par quoi je n'ai pas voulu dire que ces choses, (a) On pourrait penser que 0 - A est encore un cas qui a
réellement opposées entre elles, n'enferment pas au été omis ici. Ce cas est impossible dans le sens philosophique;
reste beaucoup de négations. Un vaisseau qui se car quelque chose de positif ne peut jamais l'tre retranché de
rien. Si, en mathématique, cette expression est pratiquement
trouve poussé vers l'ouest ne fait pas route vers exacte, cela vient de ce que le zéro ne modifie en rien l'augmen-
l'est ou le sud, etc ... , et n'est pas non plus dans tous tation ni la diminution par d'autres grandeurs : A + 0 - A
équivaut à A - A; le zéro est parfaitement inutile. L'idée
qu'on en a fait dériver suivant laquelle tics grandeurs ul·gatives
(a) Nous traiterons dans la suite d'une opposition potentielle. seraient moins qUe rien, est donc vaine et absurde.
28 ESSAI

négative. Si, en haute mer, un navire réellement


poussé par le vent d'est ne parvient pas à se
déplacer, proportionnellement du moins à la force
du vent, il faut bien qu'un courant marin l'en DEUXIÈME SECTION
empêche; ce que je puis exprimer généralement
de la manière suivante : la destruction de la consé-
quence d'un principe positif réclame toujours un EXEMPLES PHILOSOPHIQUES
principe positif. Soit un principe quelconque d'une
conséquence b, la conséquence ne peut être zéro DU CONCEPT DE GRANDEUR NÉGATIVE
qu'en tant qu'il existe un principe de - b, c'est-à-
dire de quelque chose de véritablement positif qui
est opposé au premier : b - b = O. Si la succession
d'une personne enferme un capital de 10.000 thalers, 1
la totalité de l'héritage ne peut égaler simplement
6.000 thalers, qu'à la condition que (10.000 - 4.000 =
6.000) 4.000 thalers en aient été prélevés, aux fins Tout corps s'oppose, par l'impénétrabilité, à
de remboursements ou d'autres dépenses. Mais cc l'irruption, dans l'espace qu'il occupe, de la force
qui suit suffira à l'explication de ces lois. motrice d'un autre corps. Mais comme il est, malgré
Je livre, en manière de conclusion, ces quelques la force motrice de l'autre, un principe de son repos,
remarques : j'appellerai privation (privatio) la il s'en suit que l'impénétrabilité suppose dans les
négation - conséquence - d'une - opposition parties du corps une force véritable qui leur fait
réelle ; toute négation ne découlant pas de cette occuper ensemble un espace, et cette force n'est
sorte d'incompatibilité doit portel' ici le nom de pas moindre que celle qui pousse un autre corps
défaut (defectus, absentia). La dernière ne réclame à s'emparer de cet espace.
pas de principe positif, mais simplement le défaut Imaginez deux ressorts qui tendent l'un vers
de principe positif ; quant à la première, elle l'autre. Des forces égales les tiennent sans doute en
possède un véritable principe de position et un repos. Introduisez entre eux un ressort d'une
principe égal qui lui est opposé. Le repos est, dans pareille élasticité; il rendra par son effort le même
un corps, soit simplement un défaut, c'est-à-dire effet et, suivant la règle de l'égalité de l'action et de
une négation du mouvement par l'absence de force la réaction, maintiendra les deux ressorts en repos.
motrice ; soit une privation, en tant qu'il existe Substituez à ce ressort n'importe quel corps solide.
une force motrice, mais que le mouvement consé- vo~s obtiendrez le même effet, son impénétrabilité
quent est détruit par une force opposée. mamtenant en repos les deux ressorts imaginés tout
Il l'heure. La cause de l'impénétrabilité est une
vraie force, puisque son action équivaut à celle
d'une force véritable. Donc, si vous appelez
30 ESSAI ESSAI 31

attraction une cause, quelle qu'elle l?uiss? être, plus aUaire ici au pur défaut du plaisir, mais à
en vertu de laquelle un corps en contramt d autr~s quelque chose qui est une cause véritable du senti-
à peser sur ~'e~pace ~u:il. occupe ou à se ~ouvo~r ment et que nous nommons déplaisir.
vers lui (mms Il suffIt ICI que cette attractIOn SOIt Les éclaircissements précédents témoignent que
simplement conçue), alors l'impénétra?ilité eS,t le déplaisir est bien un sentiment positif. Mais en
une attraction négatiup. Il est montre par la voici un exemple : On annonce à une mère spar-
qu'elle est une cause aussi positive que t?ute au~re tiate que son ms a héroïquement combattu pour sa
force motrice dans la nature, et, comme 1 attractIon patrie. L'agréable sentiment du plaisir s'empare de
négative est au fond une véritable répulsion, les son cœur. Mais on ajoute qu'il y a trouvé une mort
forces des éléments qui leur font occuper un espace, glorieuse. Cette nouvelle diminue considérablement
mais de sorte qu'eux mêmes le délimitent par le le plaisir premier, l'abaisse à un moindre degré ;
conflit de deux forces opposées entre elles, donnent appelez 4a le degré du plaisir occasionné d'abord,
lieu à de nombreuses explications dans lesquelles et mettez que le déplaisir soit simplement une
je crois être parvenu à une connaissdnce cla.ir,e et négation = 0 ; les deux choses réunies expriment
certaine, et que j'exposerai dans un autre traIte. la satisfaction : 4a + 0 = 4a ; par conséquent
l'annonce de la mort n'eût en rien diminué le plai-
II sir, ce qui est inexact. Admettons que le plaisir
éprouvé au récit de la hravoure == 4a, et que ce qui
en reste après la cause deuxième, qui entraîna le
La psychologie nous donnera un exemple. Il déplaisir, = 3a ; alors le déplaisir = a et il est la
s'agit de savoir si le déplai~ir .est seulem~nt .un négative du plaisir, c'est-à-dire - a ; le plaisir défi-
défaut de plaisir ou hien un pnnclpe de l~ I?nvatIo~ nitif est donc : 4a - a = 3a.
du plaisir, qui soit quelque chose. de . posItIf en .s,:)}, L'estimation de la valeur totale de tout le plaisir
ct non seulement l'objet contradIctOIre du plaISIr, dans un état mixte serait ahsurde si le déplaisir
mais qui lui soit opposé en un sens réel: et .s~, par était une simple négation et égalait zéro. Une per-
conséquent, nous pouvons appeler le deplmslt un sonne devient propriétaire d'un domaine qui lui
plaisir négatif. Le sentime~t in~é~'ieur nous app~end rapporte annuellement 2.000 thalers. Soit 2.000 le
immédiatement que le deplmslr est plus qu une degré du plaisir occasionné par cette recette. Mais
simple négation. Car, quelle. que soi~ la n~ture ~e tout ce que ce propriétaire doit en retrancher, et
ce plaisir, êtres fmis nous aspIrons touJour~ ~ certam dont il ne peut jouir, est un motif de déplaisir ;
plaisir possible. Celui qui absorhe un medlc~~en,t
A
mettons qu'il dépense chaque année :. rente fon-
ayant le goût de l'eau pure, a peut:etre J?laIsI:r: a cière : 200 thalers; gages des domestiques: 100 tha-
espérer la santé; du goût par contre Il ne h::e p~)l~t l~rs ; réparations : 150 thalers. Si le déplaisir était
de plaisir, et ce défaut n'est pas encore deplalslr. une pure négation = 0, alors, tout compte fait, le
Donnez-lui un médicament à l'absinthe, voilà qu'il plaisir que cette personlle retirerait de son achat,
éprouve une sensation très positive ; nous n'avons serait de 2.000 + 0 + 0 + 0 = 2.000, c'est-à-dire tout
32 ESSAI ESSAI 33

aussi grand que si elle pouvait jouir du produit une beauté négative, le blârp.e un éloge négalif, etc ...
intégral. Il est clair maintenant qu'elle ne peut se On pourrait ne voir ici qu'un fatras de mots. Mais
réjouir de ces revenus que si après la déduction des ceux qui ont la plus petite connaissance des mathé-
redevances il lui reste quelque argent, et le degré matiques n'ignorent pas combien il est avantageux
de satisfaction est égal à : 2.000 - 200 - 100 - que les expressions indiquent en même temps la
150 = 1.550. En conséquence, le déplaisir n'est pas relation à des concepts déjà connus. L'erreur dans
simplement un défaut de plaisir, mais le motif laquelle cette négligence a précipité tant de philo-
positif de la suppression, totale ou partielle, du sophes, est manifeste. On s'aperçoit que le plus
plaisir qui découle d'un autre principe; c'est pour- souvent ils traitent les maux comme de simoles
quoi j'appelle le déplaisir un plaisir négatif. Le négations, bien qu'il ressorte 'évidemment de -nos
défaut du plaisir aussi bien que du déplaisir, en explications, qu'il existe des maux par défaut
tant qu'il dérive de l'absence de principes, s'appelle (mala defeclus) et des maux par privation (mala
indifférence (indifferentia). Le défaut du plaisir privalionis). Les premiers sont des négations, dont
aussi bien que du déplaisir, dans la mesure où il aucun principe ne fonde une position opposée, les
dépend comme une conséquence de l'opposition derniers supposent des raisons positives de suppri-
réelle de principes égaux se nomme équilibre mer le bien dont un autre principe est réel, et sont
(aequilibrium) : le zéro se produit dans les deux un bien négatif. Ce dernier est un mal plus consi-
cas, mais dans le premier cas nous avons tout sim- dérable que le premier. Ne pas donner est un mal
plement affaire à une négation, dans le second à par rapport au nécessiteux, mais prendre, extor-
une privation. La disposition de l'esprit dans quer, voler, est par rapport à lui un mal considé-
laquelle il reste quelque chose de l'opposition de rable encore : prendre est un donner négatif. On
deux sensations, le plaisir et le déplaisir, d'inégale pourrait indiquer quelque chose de semblable dans
force, est l'excédent de plaisir ou de déplaisir les rapports logiques. Les erreurs sont des vérités
(suprapondium voluptatis veZ taedii). M. de Mau- négatives (qu'on ne les confonde pas avec la vérit{~
pertuis, dans son Essai de philosophie morale (11), de propositions négatives), une réfutation est une
tâcha, d'après de semblables concepts, de mesurer preuve négative ; mais je crains de m'attarder trop
la somme de bonheur de la vie humaine ; mais ce longtemps sur ce point. - Je n'ai dessein que
problème est insoluble pour l'homme, parce que d'animer ces concepts, l'usage en éclairera l'utilité;
seuls peuvent être additionnés des sentiments enfin, j'en donnerai quelques aperçus dans la troi-
homogènes et que dans les complications de la vie sième partie de cet essai.
le sentiment diffère absolument suivant la diversité
des émotions. Ce savant f11t conduit par ses calculs
à un résultat négatif, eu quui je lit· puis pas lui
dunner mon aS:SCll timeTl t.
Pour ces rabons Oll peut appeler l'auersiua un
désir ll(;ljati{, la haillc un amOllr néfJati{, la laideur
34 ESSAl ESSAI 35

l'omission possible. Ce zéro est la eOl1sl~quence


III d'une opposition réelle. Certains hommes éprouvent
d'abord Un chagrin réel à ne pas faire le bien vers
quoi ils tendent naturellement ; l'habitude allège
La philosophie pratique de même, peut faire du tout et cette peine enfin passe presque inaperçue.
concept d'opposition réelle un usage fécond .. Le Par conséquent les péchés d'action ne différent pas
démérite (demeritum) n'est pas purement et SIm- moralement des péchés d'omission, mais seulement
plement une négation, mais une vertu négative quant à la grandeur. Physiquement, autrement dit
(merilum negalivum). Le démérite est fonction de d'après les conséquences extérieures, ils sont aussi
l'existence dans un être d'une loi intérieure (soit bien d'espèce différente. Celui qui ne reçoit rien
simplement la Conscience, soit la conscience d'une souffre d'un manque, et celui qui est volé d'une
loi positive) qu'il enfreint. Cette loi intérieure est privation. Mais en ce qui concerne l'état moral de
le principe positif d'une action bonne, et c'est celui qui pèche par omission, il suffit pour le péché
pourquoi la conséquence ne peut être que zéro, d'action d'un degré plùs élevé d'àction. De même
puisque celle qui résulterait seulement de la que l'équilibre du levier nécessite une véritable
conscience de la loi est supprimée. Nous avons donc force pour tenir simplement le fardeau en repos et
affaire ici à une privation, à une opposition réelle, qu'une minime augmentation de poids suffit à le
et non à un simple manque. Qu'on ne s'imagine pas mettre en mouvement du côté opposé ; de même
que ceci ne concerne que les faules d'action (deme- ce~ui qui ne I?aie pas ses ?ettes quand il le peut
rila commissionis), et ne vaut pas en même temps rmnera autrUI dans certaIlles circonstances . et
pour les faules d'omissiun (demerita omissionis). celui q~lÏ n.e I?aie pas ses dettes trompera un iour
Un animal privé de raison ne pratique aucune pour s ~nl'I.clllr. Amour et non-amOllr s'opposent
vertu ; mais cette omission ne constitue pas un contradlctOlrement. Le non-amour est une véritable
démérite (demeritum) , car il n'y a eu aucune négation, mais lorsque l'on a conscience d'une
infraction à une loi intérieure. L'animal n'a pas été obligatio~ d'aimer, cette négation est privation, qui
poussé à une action bonne par un sen timen t moral n'est possIble que par une opposition réelle. Et dans
intéritmr, et le zéro, ou l'omission, n'a pas été déter- un pareil cas ,il n'y a q.u'une différence de degré
miné comme conséquence d'une opposition à la loi entre ne pas, azmer e~ hazr. Toutes les omissions qui
morale ou de l'action d'un contrepoids. Elle n'est sont des defauts d une plus grande perfection
pas ici une privation, mais une négation par défaut morale et non des péchés par omission, ne sont que
de raison positive. Imaginez par contre un homme de pures négations d'une certaine yerÏJ.l, et ne sont
qui abandonne td autre, dont il voit la détresse, et PB;s privations ou démérite. Tels les défauts des
qu'il pourrait aisément secourir. Il entend dans son SaInts et les fautes de belles âmes. Il manque un
cœur la loi positi\'e de l'amour du prochain; ceUe plus grand degré de perfection et le défaut n'est pas
loi, ill'étoutre. ce (lui suppose une action intérieure une manifestation de l'opposition.
réelle engendrée par des mobiles qui rendent On pourrait étendre davantage encore l'applica-
.,.

36 ESSAI ESSAI 37

tion de ce concept aux obj ets de la philosophie rience et les principes de la raison s'accordent ù
pratique. Les défenses sont des commandements confirmer la pensée du célèbre Van Musschen-
négatifs, les punitions des récompenses négatives, broek (12) suivant laquelle la caléfaction ne consiste
etc ... J'aurai satisfait à mon projet si seulement pas dans l'ébranlement interne, mais dans le pas-
l'utilité de cette pensée est généralement comprise. sage réel du feu élémentaire d'une matière dans une
Je reconnais que les lecteurs éclairés se passeraient autre, bien que ce passage puisse probablement être
volontiers d'explication aussi détaillées ; mais il accompagné d'un ébranlement interne en même
existe encore une espèce indocile de censeurs qui, temps que l'excitation de cet ébranlement fait sortir
munis toute leur vie d'un seul livre, ne comprennent des corps le feu élémentaire. Par conséquent, si le
rien que ce qu'il contient, et vis à vis desquels les feu élémentaire est en équilibre parmi les corps
développements les plus considérables ne sont pas dans uri certain espace, alors, les uns par rapport
superflus. aux autres, ces corps ne sont ni froids ni chauds.
Mais si cet équilibre est rompu, la matière dans
IV laquelle passe le feu élémentaire est froide par
rapport au corps qui en est ainsi privé; celui-ci,par
contre,est dit chaud par rapport à celui dans lequel
Empruntons enfin un exemple à la physique. Il il fait passer cette matière de la chaleur. Dans ce
y a dans la nature beaucoup de privations résultant changement, l'état de l'un s'appelle caléfaction.
du conflit de deux causes agissantes, dont l'une l'état de l'autre refroidissement, jusqu'à ce que tout
supprime par opposition réelle la conséquence de retrouve son équilibre.
l'autre. Mais il est souvent difficile de savoir si ce On conçoit maintenant le plus naturellement du
n'est pas simplement la négation du défaut parce monde que les forces d'attraction de la matière
qu'il manque une cause positive, ou bien si c'est la meuvent ce fluide subtil et élastique, et en remplis-
conséquence de l'opposition de forces véritables : sent la masse des corps jusqu'à ce qu'il soit partout
on peut imputer le repos soit à l'absence de forces en équilibre, si tant est que les espaces, dans le
motrices,soit au conflit de deux forces motrices qui rapport des attractions qui y agissent, en soient
s'entre-empêchent. - Je m'arrête un instant sur ce remplis. Il est évident ici qu'une matière qui en
point. Le froid lui-même n'est sans doute qu'une refroidit une autre par contact, dérobe par une véri-
négation de la chaleur, mais il est facile de voir table force (d'attraction) le feu élémentaire qui
qu'il est également possible en soi, sans prinicipe emplissait la masse de l'autre corps, et que le froid
positif. On comprend tout aussi facilement qu'il de ce corps puisse être appelé chaleur négative,
pourrait provenir de quelque raison positive : voilà parce que est privation la négation qui" en résulte
la source véritable d'une certaine opinion sur l'ori- dans le corps plus chaud. Mais l'introduction de
gine de la chaleur. On ne connaît pas de froid cette dénomination ne servirait de rien ici et ne
absolu dans la nature, et si l'on en parle, on ne vaudrait guère mieux qu'un jeu de mots. Mon inten-
l'entend que d'une manière comparative. L'expé- tion ne concerne que ce qui suit.
38 ESSAI ESSAI 39

On sait depuis longtemps que les corps magnéti- relate dans certaine livraison du Magazine de Ham-
ques ont deux extrémités opposées entre elles, que bourg, que par les froids rigoureux qui affectent
l'on nomme pôles, dont l'une repousse le pôle de d'immenses pays, l'on découvre sur une longue
même nom vers le pôle opposé, et attire ce dernier. étendue de terre des endroits où le climat est tem-
Le célèbre Professeur Aepinus (13) a montré dans péré. Aepinus de même, trouva dans le tube dont
un traité sur la ressemblance de la force électrique j'ai parlé que les positions des électricités positives
avec la force magnétique, que des corps électrisés et négatives variaient depuis le pôle positif d'une
d'une certaine manière révèlent tout de même deux extrémité jusqu'au pôle négatif de l'autre (17). Il
pôles, dont il appelle l'tm positif, l'autre négatif, et semble que dans une quelconque région de l'air la
dont l'un attire ce que l'autre repousse. Il suffit, caléfaction ne puisse commencer sans occasionner
pour observer très distinctement ce phénomène, de en même temps l'action d'un pôle négatif. c'est-à-
tenir assez proche d'un corps électrique un tube, dire le froid ; ainsi, le froid augmentant brusque-
mais de manière que celui-ci n'en tire pas d'étin- ment en un lieu sert-il à augmenter la chaleur dans
celle. J'affirme à présent que dans les phénomènes une autre région, de même que si l'on refroidit
de caléfaction ou de refroidissement, dans toutes brusquement dans l'eau la pointe ardente d'une
les transformations du chaud ou du froid, particu- tige de métal, la chaleur de l'autre extrémité aug-
lièrement si elles sont soudaines et qu'elles se pro- mente (a): Par conséquent, la différence des pôles
duisent dans un milieu continu, on est sûr de de chaleur cesse aussitôt, à condition que la com-
rencontrer toujours comme deux pôles de la cha- munication ou la privation ait eu le temps nécessaire
leur, dont l'un est positif, l'autre négatif, c'est-à-dire à son expansion uniforme à travers toute la matière,
d'un moindre degré de chaleur, c'est-à-dire froid.
On sait qu'à l'intérieur de divers caveaux, le froid (a) Il me semble que les expériences, pour s'assurer des
augmente à mesure de l'échauffement par le soleil pôles opposés de la chaleur seraient faciles à réaliser. On utili-
serait un tube horizontal de fer blanc, long d'un pied, et dont
de l'air et de la terre extérieurs; Matthias Bel (14) les deux extrémités seraient verticalement recourbées de quel-
qui dépeint les monts Carpathes, remarque qlle c'est ques pouces. Si donc, après l'avoir empli d'esprit de vin, on
mettait le feu à une extrémité, tandis qu'à l'autre on plaçait
une habitude des paysans de la Transylvanie que un thermomètre, cette opposition négative ne tarderait pas à
de refroidir leur boisson en l'enfouissant dans la se manifester et à confirmer mes prévisions; on pourrait encore,
terre et en allumant par dessus un feu intense. Il pour observer l'effet produit sur une extrémité par le refroidis-
sement de l'autre, se servir d'un récipient d'eau salée dans un
apparait alors que la surface supérieure de la coin duquel on jetterait de la glace pilée. A ce propos je ferai
couche de terre ne pourrait s'échauffer positivement une dernière observation, que je souhaite qu'on utilise et qui
vraisemblablement porterait d'abondantes lumières sur l'expli-
sans devenir la négative de ce qui se produit à une cation du chaud et du froid artificiels dans la dissolution de
plus grande profondeur. Boerhave (15) rapporte certains mélanges. Je suis, pour moi, persuadé C!!ue différencier
ces phénomènes revient à savoir si après le mélange intégral
qu'à une certaine distance le feu des forges a pu les fluides mélangés prennent des volumes plus grands ou
produire du froid. La même opposition semble moindres que ceux qu'ils avaient, considérés ensemble avant le
rég~er en plein air, à la surface de la terre et parti- mélange. Je prétends que dans le premier cas le thermomètre
indiquera de la chaleur et dans le second du froid. Car si de ce
cuherement dans les changements subits. Jacobi (16) mélange il résulte un « medium » plus dense, non seulement
40 ESSAI

tout de même que le tube du Professeur Aepillus


n'indique qu'une seule espèce d'électricité dès qu'il
a fait jaillir l'étincelle. Peut-être aussi ne faut-il
pas attribuer seulement au défaut de moyens de TROISIEME SECTION
caléfaction, mais à une cause positive, le grand froid
de la stratosphère, c'est-à-dire que cette- dernière
devient négative comparativement à la chaleur, à
mesure de la positivité de l'air inférieur et du sol. DE QUELQUES CONSIDÉRATIONS
En général, la force magnétique, l'électricité et la
chaleur semblent se produire par une matière inter- POUVANT PRÉPARER A VAPPLICATION
mMiaire unique. Toutes ensemble peuvent être
provoquées par frottement et je présume qu'une DE CE CONCEPT AUX OBJETS
expérimentation habile permettrait d'observer tout
aussi bien dans les phénomènes de chaleur la dif- DE LA PHILOSOPHIE
férence des pôles et l'opposition de l'activité posi-
tive et négative. Le plan incliné de Galilée, le pen-
dule de Huygens, le tube de mercure de Torricelli,
la pompe pneumatique d'Otto Guericke et le prisme Je n'ai jeté jusqu'ici que quelques regards sur un
de verre de Newton nous ont dévoilé de grands objet d'une importance et d'une difficulté extrêmes.
mystères naturels. L'activité positive et négative des Quand, des exemples précédemment cités, on
matières, surtout en électricité, dissimulent, suivant s'élève à des propositions générales, il est juste de
toute apparence, des vues importantes; et j'espère craindre, sur une pente vierge, des faux pas dont
bien qu'une postérité plus heureuse connaîtra les peut-être on ne se rendra compte qu'ensuite. Je ne
lois générales de ce qui nOliS apparaît pour le donne donc ce que j'ai à ajouter sur ce sujet que
moment dans une confuse harmonie. pour un essai très imparfait, bien que j'attende
divers profits de l'attention que l'on voudra y porter.
la matière attractive attirc plus à soi l'élément du feu voisin, J'ai conscience que pareil aveu est une fort mau-
qu'elle ne le faisait tout à l'heure dans un espace égal, mais vaise introduction auprès de ceux dont on sollicite
on peut encore présumer que le pouvoir d'aLraction grandit
plus qu'à proportion de la densité; au contraire la force exp an- l'approbation, et qui, pour se laisser entraîner dans
~ive de l'éther condensé croh, comme dans l'air, avec la den- la direction qu'on veut leur voir prendre, réclament
lité, puisque, suivant Newton, les attractions qui ont lieu dans
le voisinage des corps sont beaucoup plus nombreuses que celles un ton dogmatique et hardi. Je ne m'attendris nul-
qui se produisent à de grandes distances. Ainsi, le mélange, lement sur le refus d'un assentiment de ce genre,
s'il est plus dense que, considérées ensemble avant le mélange, et pense qu'il est conforme à une connaissance aussi
les deux choses mélangeah1cs, exprime pal' rapport aux corps
avoisinants l'excédent de l'attraction envers le feu élémentaire épineuse que la métaphysique de soumettre d'abord
et le thermomètre indiquera du froid, ses réflexions à l'examen public sous la forme
d'essais incertains ; car de les publier aussitôt avec
42 ESSAI ESSAI 43

tout l'appareil d'une prétendue solidité et d'une aurait pu produire le mouvement perdu, ne lui soit
parfaite conviction a pour dIet ordinaire d'écarter opposée. De même l'expérience interne de la sup-
toute possibilité d'amélioration et de rendre irrémé· pression des représentations et des appétits, véri-
diables les défauts qui s'y peuvent rencontrer. tablement nés de l'activité de l'âme, s'accorde
parfaitement avec ce qui précède. On ressent mani-
festement que faire disparaître et détruire une
1 pensée pleine d'amertume exige une activité véri-
table, et souvent considérable. Qui veut reprendre
On comprend facilement pourquoi une chose n'est son sérieux n'effacera que laborieusement la repré-
pas, pour autant que la raison positive de son sentation qui excite au rire. Toute abstraction n'est
existence fait défaut, mais il est moins aisé de rien que la destruction de certaines représentations
comprendre comment ce qui existe cesse d'être. Par claires que l'on dispose d'ordinaire de manière que
exemple, la représentation du soleil, engendrée par ce qui reste soit représenté d'autant plus distincte-
la force de mon imagination, occupe en ce moment ment. Mais chacun sait quelle activité cela requiert,
mon esprit. L'instant suivant je cesse de penser ô ct l'on peut justement appeler l'abstraction une
cet objet. La représentation qui était mienne dispa- allention négative, c'est-à-dire un véritable « faire »,
raît de mon esprit et l'état le plus voisin du précé- une action véritable opposée à celle par quoi la
dent en est la négation. Si je me contentais de représentation s'éclaircit et qui, en se combinant
déclarer, en manière d'explication, que la pensée a avec elle, produit le zéro ou le défaut de la repré-
cessé d'être pour la raison que dans l'instant sui- sentation claire. Car, si elle était simplement une
vant j'avais cessé de la produire, la réponse ne négation ou un manque, la mise en œl'.vre d'une
différerait nullement de la question ; car il nous force serait aussi peu nécessaire qu'il ne faut de
importe précisément ici de connaître comment une force pour que j'ignore quelque chose dans le cas
action qui a réellement lieu peut être interrompue, où je n'ai jamais eu de raison de l'apprendre.
c'est-à-dire peut cesser d'être. La même nécessité d'un principe positif pour la
Je puis dire que toute mort est une naissance suppression d'un accident interne de l'âme, se mani-
négative, car la destruction d'un positif existant feste dans les triomphes remportés sur les passions,
aussi bien que sa production, quand il n'existe pas, à propos de quoi l'on peut utiliser les exemples cités
nécessitent une cause réelle et véritable. La raison plus haut. Mais il arrive que nous ne remarquions
en est contenue dans ce qui précède. Soit a ; alors pas distinctement en nous cette activité opposée,
seulement a - a = 0 ; autrement dit : a ne peut que nous n'en ayons pas conscience; nous n'avons
être supprimé qu'en tant qu'une cause réelle, égale alors aucune raison suffisante de la methe en doute.
mais opposée, est liée à la cause de a. La nature Je pense, par exemple, au tigre. Puis cette image
corporelle en offre de multiples exemples. Un mou- disparaît pour faire place à celle du chacal. On ne
vement ne cesse jamais, tout à fait ou partiellement, peut assurément saisir en soi, dans le changement
sans qu'ulle force motrice, élluivalente à celle qui des représentations, aucun effort particulier de
44 ESSAI ESSAI 45
l'âme, qui ait alors tendu à effacer une de ces Je remarque encore que ce concept serait bien
représentations. Mais songez à l'activité admirable illusoire si l'on s'imaginait avoir compris la sup~
que dissimulent les tréfonds de notre esprit; nous pression des conséquences positives de l'activité de
ne la remarquons pas dans son exercice, les opé- notre âme en les appelant omissions. Il est tout à
rations en sont multiples, mais chacune d'elles n'est fait remarquable qu'à mesure que nous approfon~
représentée que très confusément. Tout le monde dissons nos jugements les plus ordinaires et les plus
en connaît les signes, ne prenons pour exemple que assurés, nous découvrions de pareilles illusions,
les
, . étonnantes qui se produisent en nous,
actions lorsque nous nous satisfaisons de mots sans rien
a notre msu, quand nous lisons. On pourra consul- comprendre aux choses. Que je n'ai pas en ce
ter, entre autres ouvrages sur ce sujet, la Logique moment une certaine pensée. si aussi bien elle
de Reimarus (18). Il faut juger par là que le jeu n'existait pas tout à l'heure, voilà qui est suffisam-
des représentations et généralement de toutes les ment intelligible quand je dis: « Je cesse de penser
activités de notre âme, en tant que ses conséquences à cela », car ces mots signifient alors le défaut du
cessent après avoir réellement existé, suppose des principe, d'où l'on saisit le défaut de la conséquence.
actions opposées dont l'une est la négative de Mais la réponse précédente n'a aucune valeur s'il
l'autre, en vertu de certains principes que nous s'agit de connaître pourquoi la pensée n'est plus en
avons examinés, bien que l'expérience intérieure ne moi, qui il y a un instant s'y trouvait encore. Car
puisse pas touj ours nous en instruire. ce non-être est maintenant une privation ; l'omis-
Il suffit de porter son attention sur les rai- sion a désormais un tout autre sens (a) et manifeste
sons qui fondent cette règle pour se rendre compte la suppression d'une activité qui existait peu avant.
qu'en ce. qu.i co~cerne la supp'ression de quelque Voilà la question que je me pose et où je ne me paie
chose qUI eXIste, Il ne peut y aVOIr aucune différence pas si facilement d'un mot. Il est besoin d'une
entre les accidents de la nature Spirituelle et les grande circonspection dans l'application de la règle
conséquences des forces agissantes dans le moade donnée à divers cas de la nature, afin que, par
corporel, c'est-à~dire qu'elles ne peuvent jamais erreur, l'on ne tienne pas pour positif un négatif,
être détruites que par la véritable force motrice ce qui survient aisément. Le sens de la proposition
opposée d'un autre corps, et qu'un accident inté- que j'ai introduite ici concerne la naissance et la
rieur, une pensée de l'âme, ne peut cesser d'exister mort de quelque chose de positif. Par exemple,
sa~s une force véritablement agissante du même l'extinction d'une flamme, faute de matière combus-
sUjet pensant. Seules diffèrent les lois qui régissent tible, n'est pas une naissance négative; autrement
ces deux espèces d'êtres : l'état de la matière ne dit, elle ne se fonde pas sur une force motrice
peut être modifié que par des causes extérieures et véritable qui soit opposée à celle par laquelle nait
celui d'un esprit peut l'être également par une cette flamme. Car la continuation d'une flamme
cause intérièure ; la nécessité de l'opposition réelle n'est pas la durée d'un mouvement déjà existant,
reste .néanmoins toujours la même dans les deux
domames. (a) Ce sens lui-même ne convient pas proprement au mot.
46 ESSAi ESSAI 47
mais la génération continuelle de nouveaux mou- elles, les prillcipes supprimellt réellement des deux
vements d'autres émanations combustibles (a). côtés leurs conséquences, c'est-à-dire les mouve-
L'extinction de la flamme n'est pas, par conséquent, ments. Cette opposition je l'appellerai donc réelle,
la suppression d'un mouvement réel, mais le défaut (oppositio actualis). C'est à juste titre qu'on appelle
de nouveaux mouvements et d'autres dissociations, différemment les prédicats qui qualifient des choses
précisément parce que manque la cause, à savoir la distinctes et dont l'un est la négative de l'autre, mais
continuation de l'alimentation du feu en matières n'en détruit pas immédiatement la conséquence, en
combustibles, ce qui doit donc être regardé non pas tant que chacun d'eux est d'une telle nature qu'il
comme la suppression d'une chose existante, mais peut supprimer soit la conséquence de l'autre, soit
comme le défaut de la raison d'une position possible du moins ce qui est exactement déterminé comme
(la continuation du dégagement ou réaction chi- cette conséquence. Cette opposition là peut être dite
mique de combustion). Je n'écris ceci que pour possible (oppositio potentialis). Toutes deux sont
donner motif à une réflexion plus approfondie ; réelles, c'est-à-dire distinctes de l'opposition logi-
quant aux personnes absolument inexpérimentées que ; toutes deux sont en usage dans les mathéma-
en cette matière, elles seraient assurément fondées tiques et méritent de l'être également en philoso-
à réclamer un supplément d'explications. phie. Lorsque deux corps sont mis en mouvement
l'un contre l'autre et avec des forces égales, sur une
même ligne droite, ces forces, comme elles se com-
II muniquent aux deux corps à l'instant du choc, peu-
vent être appelées l'une la négative de l'autre, et à
Les propositions que je pense présenter dans ce vrai dire dans le premier sens, par opposition réelle.
paragraphe me paraissent capitales. Mais je dois Quand deux corps se déplacent en sens contraire
auparavant apporter au concept général de gran- sur la même ligne droite, de sorte qu'ils s'éloignent
deur négative une précision que plus haut j'ai l'un de l'autre avec des forces égales, l'une de ces
écartée à dessein, par crainte de divertir ou de sur- forces est la négative de l'autre ; mais comme en
charger l'attention. J'ai examiné jusqu'ici les fon- ce cas ils ne se communiquent pas leurs forces, ils
dements de l'opposition réelle en tant qu'ils posent ne sont opposés que potentiellement, parce que,s'ils
réellement, dans un seul et même objet, des déter- se heurtaient après avoir été mus l'un contre l'autre,
minations dont l'une est la négative de l'autre ; chacun d'eux détruirait la force qu'enferme l'autre.
dans l'exemple des forces motrices du même corps C'est ainsi que je l'entendrai ensuite de tous les
suivant des directions exactement opposées entre principes de l'opposition réelle dans le monde
et non pas seulement de ceux qui conviennent aux
(a) Tout corps dont les parties deviennent subitement vapeurs forces motrices. Mais pour donner un exemple des
et exercent conséquemment la répulsion, laquelle est oppo- autres, on pourrait dire que le plaisir qu'éprouve
sée à la cohésion, projette du feu ct brûle, parce que le feu un homme et que le déplaisir qui est le fait d'un
élémentaire qui était tout à l'heure en état de compression
se libère vivement ct se propage. autre, sont en opposition potentielle, comme si
48 ESSAI ESSAI 49

l'un devait supprimer réellement la conséquence de quence, qui en est la négative (a). Car, étant donné
l'autre, en tant que dans ce conflit réel l'un anéantit que la conséquence de rien = 0, excepté en tant que
souvent ce que l'autre crée suivant son plaisir. Puis- le principe est posé, la somme de la position ne ren-
que j'examine en ce moment d'une manière toute ferme pas plus dans la conséquence que ce qui était
générale les deux sortes de principes qui sont réel- contenu dans l'état du monde pour autant qu'il en
lement opposés, qu'on ne me demande pas de tou- renfermait le principe. Mais cet état de la position
jours animer ct éclairer ces concepts par des qui se trouve dans la conséquence, enfermait le
exemples pris in concreto. Car, autant est immédia- zéro; autrement dit, l'état précédent n'enfermait pas
tement clair et intelligible tout ce qui participe des la position qui doit être rencontrée dans la consé-
mouvements, autant demeurent en nous complexes quence ; donc le changement qui en résulte dans le
et confus les principes réels non-mécaniques ; aussi tout de l'univers,d'après ses conséquences réelles ou
est-il bien malaisé de rendre compréhensibles leurs potentielles, ne peut aussi qu'être égal à zéro.
rapports à leurs conséquences dans l'opposition ou Comme, d'un côté, la conséquence est positive et
dans l'accord. Je me contenterai donc d'E_xposer en = A, mais que cependant tout l'état de l'univers
leur sens général les propositions suivantes doit êtr~ zéro = 0, comme auparavant par rapport
Première proposition : dans tous les changements au changement A, et que cela est impossible sauf
naturels survenant dans le monde, la somme du dans le cas où il faut additionner A - A, il en
positif n'est ni augmentée ni diminuée, en tant résulte qu'il ne survient jamais naturellement dans
qu'on l'évalue en additionnant des positions sem- le monde un changement positif dont la consé-
blables (non des positions opposées) et en sous- quence ne consiste en tout dans une opposition
trayant les unes des autres des positions réellement réelle ou potentielle qui se détruit. Mais cette
opposées. somme donne zéro = 0, et comme avant le chan-
Tout changement consiste soit dans la position gement elle était également = 0, elle n'en sort ni
d'un positif non-existant, soit dans la suppression augmentée ni diminuée.
d'un positif existant. Mais le changement est naturel Dans le deuxième cas (le changement consiste
en tant que son principe aussi bien que sa consé- dans la suppression de quelque chose de positif)
quence appartiennent au monde. C'est pourquoi, la conséquence est = O. D'après le précédent para-
dans le premier cas (position d'une chose qui n'exis- graphe, l'état de l'ensemble du principe n'était pas
tait pas) le changement est une naissance. L'état du simplement = A, mais A - A = O. Par conséquent,
monde avant ce changement est, par rapport à cette suivant la méthode d'évaluation que je suppose ici,
position, égal à zéro = 0, et, par cette naissance, la
conséquence réelle est = A. J'ajoute que si A naît, (a) Ainsi, quand un corps en heurte un autre, il cn résulte
- A doit naître également dans un changement en même temps la production d'un nouveau mouvement et la
naturel du monde; en bref, il ne peut exister aucun suppression d'un mouvement semblable qui existait auparavant;
principe naturel d'une conséquence réelle qui ne d'une barque on ne peut pousser un autre corps flottant dans
une certaine direction sans être poussé soi-même dans la direc-
soit en même temps le principe d'une autre consé- tion opposée.
50 ESSAI ESSAI 51

il n'y a eu dans le monde ni augmentation ni dimi- est le principe de son opposé réel, encore que cette
nution de la position. opposition ne soit que potentielle. De même, si nous
Je vais tenter d'éclaircir cette proposition qui me considérons les mouvements des corps qui sur une
semble capitale, et qui dans les changements du même ligne droite s'éI'oignent l'un de l'autre suivant
monde corporel est solidement établie comme une une direction opposée, quoique l'un d'eux ne tende
règle mécanique démontrée depuis longtemps. On pas à détruire le mouvement de l'autre, l'un de ces
l'exprime de la manière suivante: Quantitas motus, mouvements nous apparaît comme le négatif de
summando vires corporum in easdem partes et l'autre, parce qu'ils s'opposent potentiellement. C'est
subtrahendo eas quœ vergunt in contrarias, per ainsi qu'un certain degré d'aspiration à la gloire est
mutuam i/lorum actionem (confliclum, pressionem, accompagné d'un degré d'aversion qui lui est pro-
atlractionem) non mutuatur ... ; bien qu'en mécani- portioilnel et cette aversion demeure potentielle,
que pure l'on ne fasse pas dériver immédiatement tant que les circonstances ne s'opposent pas réelle-
cette règle du principe métaphysique dont nous ment au désir; le principe même du désir de gloire
avons déduit la proposition générale, sa justesse engendre dans l'âme le principe positif d'un pareil
repose quand même en fait sur ce princiiJc. Car la degré de déplaisir pour autant que les circonstances
loi de l'inertie qui a forme de fondement dans la extérieures défavoriseraient et contrarieraient ce
preuve habituelle tire simplement sa vérité de désir (a). Il en va tout autrement de l'être parfait :
l'argument cité, ainsi que je pourrais le montrer si le principe de son souverain plaisir exclut toute
j'en avais le loisir. possibilité de déplaisir.
L'explication de la règle dont nous nous occupons, Dans les opérations de l'entendement,nous trou-
dans le cas de changements non mécaniques, ceux vons même que les idées s'obscurcissent' à propor-
par exemple qui surviennent dans notre âme ou tion de la clarification d'une certaine idée, si bien
qui en dépendent, est naturellement difficile, et ces que le positif, qui devient réel dans un pareil chan-
effets aussi bien que leurs principes ne peuvent être gement, est lié à une opposition réelle et positive
exposés que d'une manière infiniment moins intel- qui, si l'on additionne le tout d'après la méthode
ligible et claire que ceux du monde corporel. Je d'évaluation mentionnée, n'augmente ni ne diminue
tâcherai néanmoins d'y jeter quelques lumières. par le changement le degré du positif.
L'aversion (= conséquence d'un déplaisir positif) Voici la deuxieme proposition,' tous les principes
est aussi positive que le désir (= conséquence d'un réels de l',univers, si l'on additionne ceux qui
plaisir). Le plaisir et le déplaisir, les désirs et les s'accordent el si l'oh en soustrait ceu:c qui sont
aversions que nous éprouvons à la fois et pour le
même obj et, sont en opposition réelle. Mais pour
.
opposés entre eux, donnent un résultat égal à zéro.

autant que le même principe est simultanément (a) Le sage Stoïcien devait anéantir toutes les inclinations
source de plaisir dans un objet et de déplaisir dans de ce" genre, parce qu'elles contiennent en même temps des
germes de profonde insatisfaction et d'ennui qui, suivant le
un autre, les principes des désirs sont en même jeu incertain du cours du monde, peuvent annuler le prix de
temps principes d'aversions; le principe d'un désir la jouissance première.
52 ESS.\1

Prise en soi, la totalité du monde n'est rien, en


dehors du fait qu'elle est quelque chose de par la
volonté d'un autre. Considérée en elle-même, la
somme de toute réalité existante, en tant qu'elle APPE~DICE AU PARAGRAPHE II
est fondée dans le monde, est égale à zéro = O. La
positivité de toute réalité possible dans son rapport
à la volonté divine n'entraîne pas la dissolution de
l'être d'un monde. Mais il résulte nécessairement de J'ai exposé ces deux propositions afin d'inviter
cet être que l'exIstence de ce qui est fondé dans le le lecteur à méditer cet objet. Pour. moi je confesse
monde est en soi et par soi égale à zéro. Conséquem- que je ne les saisis pas avec assez de clarté ni
ment, la somme de ce qui existe dans le monde est d'évidence dans leurs raisons. Je suis néanmoins
positive dans son rapport à ce principe qui lui est convaincu que des essais incomplets, problémati-
extérieur, mais égale à zéro en rapport au principe quement exposés sur le plan de la connaissance
réel intérieur. Vu l'impossibilité, dans le premier abstraite, peuvent être extrêmement profitables au
rapport, d'une opposition du principe réel du monde développement de la philosophie supérieure ; il
à la volonté divine, il n'y a à ce point de vue aucune advient souvent qu'un autre trouve plus facilement
destruction, et la somme est positive. Mais le résultat la clé d'un problème très obscur, que celui qui en
équivalent à zéro dans le deuxième rapport, il s'en fournit le prétexte et dont les efforts n'ont pèut-être
suit que les principes positifs doivent se trouver surmonté que la moitié des difficultés. Il me parait
dans une opposition telle, que considérés et addi- que le contenu de ces propositions mérite d'être
tionnés ils donnent zéro. précisément examiné ; mais il faut bien en saisir
le sens, ce qui n'est pas si aisé dans ce genre de
connaissance.
Du moins je veux tâcher de prévenir encore
quelques méprises. Ne me comprendrait absolu-
ment pas, qui s'imaginerait que j'eusse voulu dire
par la première proposition qu'en général la somme
de la réalité n'est ni augmentée ni diminuée par
les changements survenant dans le monGe. Ma
pensée n'est pas non plus que la règle mécanique
citée en exemple permet de concevoir exactement
le contraire. Car le choc des corps pfoduit tantôt
une augmentation, tantôt une réduction de la
somme des mouvements considérés en eux-mêmes.
Seul le résultat, estimé suivant le mode précédem-
ment exposé, demeure identique. En effet, lès opposi-
S4 ESSAI ESSAI ss
tions ne sont souvent que potentielles, lorsque les trabilité. Il Y a donc repos ici, HOIl parce que man-
forces motrices ne se détruisent pas réellement les quent des forces motrices, mais parce qu'elles
unes les autres et que par conséquent une augmen- agissent les unes contre les autres. On peut p~olon­
tation a lieu. Il faut toutefois, d'après l'estimation gel' l'application de ce concept fort aU-,dela ?es
normalement adoptée, que ces forces soient sous- limites du monde matériel. Il n'est pas necessalre,
traites les unes des autres. quand nous croyons être spirituellement inactifs,
De même, touchant l'application de cette propo- que la somme des causes réelles de la pensée et de
sition aux objets non mécaniques, on se mépren- l'appétition soit moindre que dans l'état où qu~lques
drait en s'imaginant que la perfection du monde Île degrés de cette activité apparaisse~lt ,à la con~~lence.
pût pas augmenter. Car cette proposition ne nie pas Demandez à l'homme le plus cultIve, dans l mstant
la possibilité d'un accroissement naturel de la réalité qu'il est désœuvré et en repos, ~e v.ous parler, de
en général. Au reste, c'est essentiellement dans ce vous conter ses pensées. Il ne Sait rIen, Il est sa~s
conflit des principes réels opposés que réside la réflexions déterminées ou sans jugements. MaIS
perfection du monde en général, tout de même que questionnez-le ou laissez-lui entendre vos propres
sa partie matérielle doit au conflit des forces la jugements, Journissez-Iui quelque p:éte~te .! . S,a
régularité de son cours. Enfm, il y a toujours un science se manifestera par une sene d achvltes
malentendu considérable à identifier la somme de dirigées de telle sorte qu'elles vous rendent possible,
la réalité et la grandeur de la perfection. Le déplai- à vous, à lui, la conscience de ses idées. Sans doute
sir aussi J:)ien que le plaisir est positif, mais qui eût-on pu déj à découvrir, en elle l,es 'pri?-cip~s ~ée~s
pourrait l'appeler une perfection ? (19). de ces idées, mais la consequence etaIt zero Vls-a-VlS
de la conscience. Ainsi, le tonnerre que l'art
III inventa pour détruire, repose dans l'arsenal d'un
prince et attend silencieusement une guerre future,
jusqu'à ce qu'une étincelle perfide le touche, et
Il est souvent malaisé, à propos de certaines néga- qu'il éclate, détruisant tous les lieux d'alentour. Les
tions de la nature, de reconnaître si elles sont de ressorts, continuellement prêts à se détendre, étaient
simples défauts, dus à l'absence d'un principe, ou retenus en lui par une puissante attraction et atten-
des privations résultant de l'opposition réelle de daient pour se libérer la première étincelle. Il y a
deux principes positifs. On en trouve des masses quelque chose de grand, et, à mon avis, de très juste
d'exemples dans le monde matériel. Les parties dans la pensée de M. de Leibnitz : L'âme, avec sa
cohérentes de chaque corps se pressent les unes puissance de représentation, est en contàct avec
contre les autres avec de véritables forces (d'attrac- tout l'univers,bien qu'une partie infime oe ces repré-
tion) et la conséquence de ces efforts serait la sentations soit claire. En fait, toutes les espèces de
réduction du volume si de véritables activités ne concepts doivent reposer sur l'activité interne de
leur résistaient au même degré par la répulsion des notre esprit, comme sùr leur principe. Certes des
éléments qui a pour effet le principe de l'impéné- objets extérieurs peuvent enfermer la condition
ESSAI 57
56 ESSAI

sous laquelle ils se présentent d'une mamere OU


d'une autre, mais non la force de les produire réel- IV
lement. La faculté de penser de l'âme doit contenir
les principes réels de toutes ses pensées, et les
phénomènes de connaissances qui apparaissent et Si l'on veut tenter d'appliquer ces concepts à. la
disparaissent doivent être attribués, suivant toute fragile connaissance qu'ont les hommes de lu dIVi-
apparence, à l'accord ou à l'opposition de toute nité infinie, quelles difficultés n'assuilleront pus ,nos
cette activité. Ces jugements sont des éclaircisse- plus grands efforts ! Comme nouS ne pouvons tIrer
ments de la deuxième proposition du numéro que de nous-mêmes les fondements de, ces conce.l?ts,
précédent. nous ne savons généralement que dune mamere
En Morale il ne faut pas toujours considérer le confuse s'il nous faut transporter cette idée direc-
zéro comme une négation du défaut, ni regarder tement ou par l'intermédiaire de quelque analogie,
une conséquence positive de plus de grandeur à l'objet inconcevable. Sim~nide (20) demeur,e.u n
comme la preuve d'une grande activité dépensée en sage, qui après plusieurs aJourn~ments et, hesIta-
vue de cette conséquence. Insufflez à un homme dix tians répondit à son prince : « DIeu? Il m'echappe
degrés d'une passion qui dans un certain cas à mesure que j'y rétléchis davantage ». Tel n'est
s'oppose aux règles du devoir, par exemple l'ava- pas le langage de la gent savante. Elle ~le sait r~e~,
rice ! Faites-le s'efforcer de douze degrés vers n'entend rien, mais parle de tout et s e~or~ueIllIt
l'amour du prochain. Il sera bienfaisant et secou- de ses palabres. Les principes de la pnvatwn ou
rable de deux degrés. Imaginez un autre individu, d'une opposition réelle ~ont étrangers à .l'Etr~
avare de trois degrés, capable d'un acte de sept suprême. En effet, tout etant. donne t;n lm e.t a
degrés conforme aux principes de l'obligation. Son travers lui, aucune destruction mterne n est pOSSIble
action envers autrui aura une valeur de quatre dans sa propre existence par l'entière pos~ession d.e
degrés. Il est cependant incontestable que, pour toutes les déterminations. c'est pourquOI le sentI-
autant que la passion supposée puisse être consi- ment du déplaisir n'est pas un prédicat qui con-
dérée comme naturelle et involontaire, la valeur vienne à la divinité. L'homme ne désire jamais un
morale de l'action du premier est supérieure à celle obj et sans détester son contraire effer!ivement,
du second ; leur estimation d'après la force vive c'est-à-dire qu'alors la visée de sa volonte est non
établirait toutefois que la consénuence de deux seulement l'opposé contradictoire. du désir ~ais son
degrés est moindre que celle de quatre degrés. Il opposé réel (l'aversion), à saVOIr la ~onseque~ce
est donc humainemcntimpossible de juger saine- d'un déplaisir positif. Le désir d:un ~~ltre de ~Ien
ment du degré des intentions vertueuses d'autrui éduquer son élève a pour ~ppose pos~hf <l:o~t resul-
d'après ses actions; celui-là seul est juge, qui voit tat non conforme à ce desIr et qUI deVIent par
au plus profond des cœurs. conséquent source de déplaisir. Les rapports des
objets à la volonté divine sont d'une nature toute
différente. Aucune chose extérieure n'est en Dieu
58 ESSAI

un principe de plaisir ou de déplaisir, car Il est


parfaitement indépendant ; et ce plaisir pur
n'h~bite P:'ls l'être heureux par lui-même, parce que
le bIen eXIste en dehors de lui, mais au contraire ce REMARQUE GÉNÉRALE
bien existe parce que l'éternelle représentation de
sa possibilité et le plaisir qui en dépend sont le
principe de l'accomplissement du désir. En com-
parant à cet état la représentation concrète de la
nature du désir de tout être créé, on imagine que Comme le nombre des philosophes « profonds»
la volonté de l'incréé lui soit en quelque sorte étran- (c'est le nom qu'ils se donnent) grossit chaque jour,
gère ; ce qui vaut également pour les autres déter- lesquels pénètrent si subtilement toutes choses que
minations ; il Y a certainement une infinie diffé- rien même de ce qu'ils n'ont pu éclaircir et com-
rence qualitative entre des choses qui ne sont rien prendre ne leur demeure caché, je présume que le
pa; elles-mêmes et celle, l'unique, par quoi tout concept de grandeur négative et le concept d'oppo-
eXIste. sition réelle que je lui ai assigné pour fonde-
me'fl.t au début de cette étude, leur paraîtront fra-
giles et superficiels. Pour moi qui ne me dissimule
aucunement la faiblesse de mes aperçus et qui
saisis péniblement ce que tous s'imaginent compre-
dre, je me flatte de mériter le secours de ces grands
esprits ; que leur haute sagesse condescende à
combler les lacunes dues à l'infirmité de mon
entendement.
J'entends fort bien comment une conséquence est
posée par un principe selon la règle de l'identité,
parce que l'analyse des concepts l'y trouve con-
tenue. C'est ainsi que la nécessité est un principe
de l'immutabilité, l'assemblage un principe de la
divisibilité, l'infinité un principe de l'omniscience,
etc ... , et je puis distinctement apercevoir cette liai-
son du principe et de la conséquence, parce que la
conséquence est réellement identique à wne partie
du concept de principe, et que, en tant qu'elle est
déjà comprise en lui, elle est posée par lui suivant
la règle de l'accord. 1\Iais comment quelque chose
découle de quelque autre chose, et non suivant la
60 ESSAI ESSAI 61

règle de l'identité, voilà ce que j'aimerais qu'on ne me paie pas non plus de mots tels que cause et
m'éclaircît. J'appelle principe logique la première effet, force et action. Car, quand je regarde une
espèce de principe parce que la règle de l'identité certaine chose comme la cause d'une autre ou que
permet de regurder comme logique son rapport à je lui attribue le concept de force, j'ai déjà conçu
la conséquence ; mais j'appelle réel le principe de en elle le rapport du principe réel à la consé~
la deuxième espèce, parce que, bien que ce rapport quence ; il est facile ensuite d'apercevoir la position
appartienne à mes concepts vrais, sa nature même de la conséquence suivant la règle de l'identité. Par
ne se laisse réduire à aucune sorte de jugement (a). exemple, la volonté toute-puissante de Dieu permet
Touchant ce principe réel et son rapport à la de comprendre lumineusement l'existence du
consequence, voici, simplement présentée, ma ques- monde. La puissance signifie seulement ce quelque
tion : Comment dois-je comprendre que, parce que chose en Dieu, par quoi d'autres choses sont posées.
quelque chose est, quelque autre chose existe ? Une Mais ce mot désigne déjà le rapport d'un principe
conséquence logique n'est posée que parce qu'elle réel à la conséquence que j'aimerais qu'on m'expli-
est identique au principe. L'homme peut faillir ; il quât. Je remarque incidemment que je ne distingue
doit cette faillibilité à la finitude de sa nature; je pas, comme M. Crusius (21), de principe idéal et
découvre en effet par l'analyse du concept d'esprit de principe réel. Son principe idéal est en effet iden~
fini que la possibilité d'erreur y est incluse, tique au principe de connaissance ; il est aisé alors
autrement dit, qu'elle est identique au contenu du d'apercevoir que, du moment que je considère
concept d'esprit fini. Mais la volonté de Dieu quelque chose comme un principe, je puis en tirer
contient le principe positif de l'existence du monde. la conséquence. C'est pourquoi, d'après ses propo~
La volonté divine est quelque chose ; le monde sitions, le vent du soir est un principe réel de nuages
existant est une tout autre chose. Et cependant l'un pluvieux et en même temps un principe idéal,
pose l'autre. L'état où je me trouve en entendant le puisqu'il me permet de les reconnaître et d'en
nom du Stagirite est quelque chose par quoi une augurer. Au contraire, d'après nos concepts, le prin.
autre chose, à savoir la pensée que j'ai d'un phi- cipe réel n'est jamais un principe logique, et la
losophe. est posée. De deux corps situés sur une pluie n'est pas posée par le vent en vertu de la
même ligne droite, l'un. A, est en mouvement, règle de l'identité. La distinction que nous établis-
l'autre,B,en repos. Le mouvement de A est quelque sions plus haut entre l'opposition logique et l'oppo-
chose, celui de B quelque autre chose, et cependant sition réelle, est parallèle à celle que nous recon·
par l'un est posé l'autre. Analysez maintenant, naissons maintenant entre le principe logique et le
autant qu'il vous plaira, le concept de volonté principe réel. •
divine, vous n'y rencontrerez jamais un monde Le principe de contradiction me permet de saisir
existant, comme s'il y était contenu et posé par clairement la première, et je conçois comment, en
l'identité: il en est de même dans les autres cas. Je posant l'infinité de Dieu, je supprime le prédicat
de la mortalité, lequel contredit le premier. Mais
(a) Traduction Gilson (l'Eire et l'Essence, p. 189.) comment par le mouvement d'.un corps se trouve
62 ESSAI

détruit le mouvement d'un autre corps, ct sans que


ce dernier soit en contradiction avec le premier,
voilà qui est une autre question. Si je suppose
l'impénétrabilité qui se trouve en opposition réelle
avec toute force qui cherche à pénétrer dans NOTES
l'espace occupé par un corps, je puis déjà com-
prendre la destruction des mouvements; mais j'ai
alors réduit une opposition réelle à ~ne autre. Que
l'on tente à présent d'expliquer généralement et de 1) p. 13 : « De tout cela il s'ensuit qu'il ne convient pas à la
nature de la philosophie, surtont dans le champ de la
rendre intelligible l'opposition réelle : Comment raison pure, de prendre des airs dogmatiques et de se
parce qu'une chose existe, une autre chose se parer des titres et des insignes de la mathématique, puis-
trouve-t-elle détruite ? et que l'on tâche à en dire qu'elle n'apartient pas à l'ordre de cette science, bien
plus que je n'en ai dit, il savoir qu'elle est étrangère qu'à la vérité elle ait tout lieu d'espérer être avec elle
en union fraternelle ». (C. R. PURE, Théorie transcendan-
au. principe de contradiction ! - J'ai médité la tale de la méthode, chap. 1er , l'" Section).
nature de notre connaissance en considération de
nos jugements de principes et de conséquences, et 1.2) p. 13 : On peut confronter ce paragraphe avec la première
considération de la Recherche ...
je donnerai quelque jour un exposé détaillé du
résultat de ces réflexions. Enfin, le rapport d'un 1.3) p. 14 : « La géométrie me permet d'établir sûrement que
principe réel à quelque chose qui a été par là posé l'espace ne consiste pas en parties simples ... » (Recher-
che ... , Deuxième Considération, exemple ... ).
ou détruit ne peut absolument pas être exprimé par
un jugement, mais seulement par un concept, que 1-1) p. 14.: Le mémoire d'Euler est intitulé: « Réflexions sur
l'analyse permet de réduire à des concepts plus l'espace et le temps ».
simples de principes réels, et de manière qu'enfin Léonard EULER, né à Bâle en 1707, mort à Saint-
toute notre connaissance de ce rapport se résolve Pétersbourg en 1783, mathématicien, élève de Jean
en concepts simples et inanalysables de principes Ikrrlollili.

réels, dont on ne peut nullement éclaircir le rapport Principaux ouvrages:


à la conséquence. En attendant, les esprits d'une IlThéorie nouvelle de la lumière ,) (1746).
intelligence extraordinaire utiliseront les méthodes «Introduction à l'analyse des infinimcnls petils ,) (1748).
de leur philosophie aussi loin qu'elles pourront « Institutions du calcul différentiel et intégral,) (1755·1770).
avancer dans une pareille question. Il Lettres à une princesse d'Allemagne sur que1C!.ues sujets

de physique et de philosophie» (1768-1772).


(5) p. 15 : « Il ne semble pas que Kant ait jamais considéré
l'analyse infinitésimale il titre de discipline autonome.

* En 1763, dans l'Essai. il se contente de la rattacher à la


continuité du temps et du mouvement ... » (Brunschvicg,
(1 Etapes de la philosophie mathématiques », nO 153)
64 NOTES NOTES 65

(6) p. 15: Voici le titre exact de l'ouvrage de CRUSIUS : OU de la peine par la durée. » i « Essai de philosophie
« Einleitung, über natürliche Begebenheiten ordentlich morale », chap, 1.)
und vorsichtig nachzudenken ». Le chapitre Il du même essai est intitulé : « Que dans
Remarquons que le paragraphe 295 appartient à la la vic ordinaire la somme des maux snrpasse celle des
première et non à la deuxième partie de cet ouvrage. biens. »
Christian Auguste CRUSIUS (1715-1775), philosophe (12) p. 37 : Pierre van MUSSCHENBROEK (1692-1761), physicien
allemand, adversaire du panlogisme leibnizien et wolfien. hollandais. Professeur à l'Université de Leyde, il y décou-
vrit le phénomène de la commotion électrique, connu
(7) p. 16 : « Puisque dans les dissolutions métalliques les sous le nom d'expérience de Leyde.
menstrues n'attirent qu'en petit nombre les parties du
métal, leur force attractive ne peut s'étendre qu'à petite KANT se réfère au chapitre XXVI (De igne) de ses « Ele-
distance. Et comme en algèbre les quantités négatives menta physicae » (Traduction allemande de Gottsched,
commencent où les affirmatives finissent; de même en 1747).
mécanique, la force répulsive doit commencer d'agir où (13) p. 38 : Franz Ulrich AEPINUS, né à Rostock (1724), mort
la force attractive vient à cesser. » à Dorpat (1802), fut longtemps professeur de physique
NEWTON, « Optique », Question 31 (que nous citons à Pétersbourg.
dans la traduction de Marat, Paris, 1787). Son « Sermo Academicus de similitudine ... » parut en
(8) p. 16 : Abraham Gotthelf KAESTNER (1719-1800), poète et 1758; l'année suivante, le Magazine de Hambourg
mathématicien allemand; professeur à l'Université de cr. 22), en publia la traduction.
Gottingen. Il publia en 1758 «Anfangsgründe der Arith- Son ouvrage'« Tentamen theoriae electricitatis et
metik, Geometrie, ebenen und sphiirischen Trigonometrie, magnetismi » compte parmi les plus importants de l'his-
und der Perspektiv ». toire de l'électricité. Aepinus élabora également une théo-
En 1760 «Anfangsgründe <jer Analysis endlicher rie du condensateur .électrique et de l'électrophore.
Grossen »; « Anfangsgründe der Analysis des UnendIi- '14) p. 38 : Matthias BELL (1684-1749), théologien et historien
chen ». hongrois, devint historiographe de Charles VI.
En 1766 « Anfangsgründe der hoheren Mechanik ». n écrivit une histoire et 1me géographie de la Hongrie :
(9) p. 19 : Voir U. F., 3' Considération, 6. « Notitia 'Hungariae nova historico-geographica »,
Vienne, 1735-1742.
(10) p. 21 : Sur le nombre négatif, interprète comme deite par (15) p. 38 : Hermann BOERHAAVE (1668-1738), médecin et chi-
les Hindous, voir H. G. ZEUTHEN, « Geschichte der Mathe- miste hollandais. La traduction allemande de son mé-
matik im Altertum und Mittelalter » (Copenhague, 1896), moire « De Mercurio experimenta » (1733-1736), parut
p. 280 : en 1753 dans le Magazine de Hambourg.
« Die rechnenden Inder ... kümmerten sich nicht darum,
in wie weit cine Grosse auf der einen Zeite des Glei- (16) p. 38 : Johann Friedrich JACOBI (1712-1791), maître de
chheitzeichens wirklich positiv oder negativ war, und philosophie à l'Université de Gottingen. •
wenn eben die gesuchte Grosse negativ wurde, so haben KANT fait allusion à un article du Magazine de Ham-
sie allerdings oft eine solche Wurzel verworfen, oft aber bourg (T. 21).
auch verstanden sie dadurch mit ihr abzufinden da sie
sie ais Schuld bezeichneten. » (17) p. 39 : Voir sur ce point: J. PRIESTLEY « Geschichte und
gegenwiirtiger Zustand der Elektrizitiit, nebst eigentüm-
(11) p. 32 ,: « En général, l'estimation des moments heureux lichen Versuchen », Berlin 1772. (3' partie, 2' section :
ou malheureux est le produit de l'intensité du plaisir « Die Theorie der positiven und negativen Elektrizitiit »,)
66 NOTES

(18) p. 44 Reimarus, « Vernunftlehre ,(Hamburg ct Kiel,


1756), 35.
(19) p. 54 : En 1755 (dans l'Allgemeine Naturgeschichte
und Theorie des Himmels), et contre la thèse anthropo-
morphique qui prétend que la nature se règle sur des
désirs et des interventions humaines et en retire plus de TABLE DES MATI~RES
perfection, KANT rétorque que « la nature, bien qu'elle
soit essentiellement déterminée à la perfection et à l'or-
dre, comprend en elle dans l'étude de sa diversité, toutes
les modifications possibles et jusqu'aux défectuosités et
aux perturbations. C'est la même inépuisable fécondité
qui a produit les globes célestes et les funestes écueils,
PRÉFACE 7
les contrées inhabitables et les solitaires thébaïdes, les INTRODUCTION 9
vertus et les vices» (DELBOS, « La philosophie pratique
de Kant ». p. 76). AVANT-PROPOS 13
(20) p. 57 : Simonide de CÉos (556-467 avant Jésus-Christ), SECTI?N 1: - Expl~ca,uon du concept de grandeur
poète grec. negahve en general .................... . 19
(21) p. 61 : Metaphysik, § 34; Logik, § 140.
SECTIOl'O II. - Exemples philosophiques du
concept de grandeur négative ........... . 29
SECTION III. - De quelques considérations pou-
vant préparer à l'application de ce concept
aux ob jets de la philosophie ............. . 41

REMARQUE GÉNÉRALE........................ ~9

NOTES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6~~
CA. PHILONENKO, L' œuvre de Kant, t. l, p. 9)

(1724-1804), né à Kœnigsberg,
il y passa sa vie, toute entière
consacrée à la méditation et à
l'enseignement. Aucun événe-
UQAM - CENTRALE ment remarquable ne troubla cette
111111 111111 ~I I
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existence toute intellectuelle.

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