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La future loi sur l’audiovisuel ne doit pas oublier les femmes

23 septembre 2019

Alors que le Gouvernement et la société se mobilisent autour du Grenelle des violences


conjugales et dans la perspective du projet de loi sur l’audiovisuel qui devrait être connu
prochainement, le Haut Conseil à l’égalité souhaite rappeler que la place des femmes dans les
medias et le rôle qui leur est dévolu dans l’ensemble des programmes constituent un marqueur
fort de la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre le
sexisme et les violences sexuelles.

Les chiffres, en effet, ne sont guère encourageants : dans le rapport du CSA du 8 mars 2019,
concernant l’exercice 2018, on constate une légère baisse de la présence des femmes dans les
antennes (télévision et radios confondues), avec une contreperformance préoccupante pour la
moyenne des radios (37% soit un point de moins qu’en 2017). La sous-représentation des
femmes aux heures de forte audience perdure et si la proportion d’expertes continue à
progresser grâce à la télévision publique majoritairement (37% d’expertes soit 2 points de plus
qu’en 2017), les deux catégories dans lesquelles les femmes sont les plus élevées,
présentatrices (47%) et journalistes (38%), connaissent pour la première fois une baisse et la
proportion d’invitées politiques est en forte régression (27% soit 5 points de moins qu’en 2016),
alors qu’elle était déjà trop faible.

Or l’arsenal juridique a été enrichi par la loi du 4 aout 2014 pour l’égalité réelle entre les
femmes et les hommes, modifiant la loi du 30 septembre 1986, qui a permis de renforcer les
pouvoirs du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA), en demandant aux chaines de fournir
annuellement des indicateurs sur la représentation des femmes dans les programmes. L’enjeu
est de veiller « d’une part, à une juste représentation des femmes et des hommes dans les
programmes des services de communication audiovisuelle et, d’autre part, à l’image des
femmes qui apparait dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les
préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences
commises au sein du couple ». En 2017, le cadre juridique a été élargi en confiant au CSA de
nouvelles compétences relatives à l’image des femmes dans les publicités télévisées.

Au-delà d’une photographie de la présence des femmes, le HCE souhaite que l’évaluation
demandée au CSA repose sur des critères plus qualitatifs et plus précis. Jusqu’ici, les chiffres
fournis sont trop globaux et ne reflètent pas toute la réalité : les femmes disparaissent aux
heures de grande écoute ; les femmes sont trop souvent cantonnées à des rôles secondaires ou
à des sujets dits féminins ; les femmes sont encore complètement absentes de certains
plateaux. Il faut également que les chaines évaluent le degré de leurs stéréotypes dans les
programmes de fiction, d’animation et de divertissement (notamment la téléréalité), et le
fassent diminuer dans chacun d’eux.

Deux axes doivent être mieux pris en compte : veiller à ce que la loi impose désormais à chaque
éditeur de progresser annuellement, d’une part sur la présence des femmes à l’antenne
(journalistes, expertes etc.), d’autre part sur la diminution des stéréotypes dans leur programme
(fiction mais surtout divertissement, notamment la téléréalité).

L’ajout suivant pourrait donc être proposé : « En ce qui concerne la représentation des femmes,
celle-ci doit tendre progressivement vers la parité. En ce qui concerne l’image des femmes,
celle-ci doit être de moins en moins marquée par les stéréotypes. Sur ces deux aspects, des
progrès annuels doivent être constatés, dans tous les types de programme (publicité incluse).
Les mesures quantitatives, et les progrès obtenus, doivent être mesurés par tranche horaire, par
type d’émission et doivent renseigner sur le rôle occupé par les femmes et le type de sujet
qu’elles traitent. Les données qualitatives renseignent sur le degré de stéréotypes des
programmes, notamment les émissions de divertissement. »

Par ailleurs, dans la cadre de la transposition de la directive « service des médias audiovisuels, il
conviendrait d’inclure une mission de régulation sur la question de l’image des femmes dans les
nouveaux secteurs confiés aux régulateurs européens sur le numérique, pour l’instant prévue
seulement pour les propos haineux et la protection des mineurs. Certes, les poursuites qui
seraient déclenchées contre des plateformes pour image dégradante des femmes seraient
jugées dans le pays où est installée la plate-forme, You tube en Irlande par exemple alors que la
France n’abrite que DailyMotion, mais il est impératif de proposer cette prise en compte d’une
vigilance sur les images dégradantes des femmes dans ces medias.

Les membres de la commission « Stéréotypes sexués et rôles sociaux de sexe » du HCE, autour
de Sylvie Pierre-Brossolette, veulent ainsi apporter leur expertise pour enrichir la future loi sur
l’audiovisuel et restent vigilants sur ces sujets, afin d’améliorer les dispositifs existants, pour
une meilleure représentation des femmes dans les médias audiovisuels et numériques.

Brigitte GRESY, Présidente du HCE : « Il y a un décalage important entre la vie des femmes
aujourd’hui et leur place et leur image dans les médias. Les hommes sont présentés comme les
acteurs du monde et les femmes sont plutôt présentées comme des témoins, une situation où
les hommes font le monde et où les femmes regardent et subissent. »

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