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L'ART
DE LA CONVERSATION
1. Voir illustration, p. VIII, représentation d'un sociable, d'un confident et d'un indiscret,
siège à deux ou trois places favorisant les situations de conversation.
2. Sociable s'entend ici comme l'opposé du social, de la même manière que nous
n'avons pas mis sur le même registre communication et conversation. Si la conversation
exprime une figure sociable, la communication met en place des principes sociaux. Nous
verrons dans le chapitre I comment, à partir de l'étymologie du mot communication, se
définit l'opposition entre la communication-échange-social et la conversation-partage-sociable. E n réa-
lité, la confusion entre les notions de sociable et de social, confusion qui se retrouve
d'ailleurs dans les principes de sociabilité et de relation sociale, vient de la vulgarisation de
volonté de montrer que les vertus de la vie en groupe changent
selon qu'elles sont délimitées par la sociabilité ou la relation
sociale ?
Une promenade en sociable avec différentes étapes paraît
incontournable si l'on veut saisir toutes les nuances de ces
moments de conversation. Pour nous aider dans cette promenade,
arrêtons-nous un instant sur l'agencement topographique du mot
conversation :
Dialogue: négoce, tractation, pourparlers, discussion, marchan-
dage, débat, délibération, réunion, altercation, controverse, pro-
pos, boniment, dires, battage, baratin, palabre, verbosité, verbiage,
prolixité...
Interview: entrevue, audience, entretien, meeting, commentaire,
éclaircissement, instruction...
Conférence: causerie, discussion, discours, colloque, congrès,
allocution, échange de vue, débat, délibération, séance,
assemblée...
Rencontre: tête à tête, conciliabule, causerie, bavardage, tuyau,
dires, aparté, propos, parlote, palabre, visite, caquetage, jacasserie,
galimatias, caquet, causette, papotage...
Rumeur: médisance, potin, on-dit, cancan, racontars, commé-
rage, messes basses...
Cette topographie, établie à partir des principaux synonymes du
mot conversation, met à jour plusieurs orientations. La première, la
plus banale, traduit l'idée d'un dialogue reprenant les schémas
l'adjectif sociable que l'on définit trop rapidement comme le plaisir à être ensemble, à vivre
en société, le simple fait d'être aimable et à rechercher la compagnie d'autrui. Il est fréquent
de voir l'idée de sociable utilisée à la place de social : le sociable étant alors le principe qui
fait vivre les gens en société et la sociabilité l'aptitude à vivre en société. Dans le même
temps, le social et la relation sociale caractérisent tout aussi grossièrement ce qui appartient
à la vie en société (phénomènes et relations qui constituent la société, en somme le monde
de l'action sociale pour reprendre la catégorie de A. Schutz). Nous verrons dans le cha-
pitre I comment Simmel ajoute l'idée de principe formel (ou formai) pour spécifier la socia-
bilité, la sociabilité devenant une forme d'action réciproque et donc laforme ludique de la socialisa-
tion à condition toutefois que la notion de formel ne se définisse pas comme un principe
vide et extérieur mais comme l'expression d'une finalité sans fin telle que Kant la concep-
tualise dans sa Critique de lafaculté dejuger, c'est-à-dire sans intérêt particulier et singulier.
habituels de la communication. La conversation met alors en place
les protocoles formels de la communication par lesquels elle
devient négociation ou tractation (dialogue, discussion, entretien,
négociation, marchandage). La deuxième évoque l'idée d'une inte-
raction telle qu'elle est mise en scène dans les entretiens ou les
interviews. La conversation implique un registre méthodologique
intégrant les présupposés des techniques d'entretien (interview,
meeting...). La troisième suggère l'idée d'une transmission de
connaissances. Dans ce cas, la conversation correspond à la mise
en place d'une relation de savoir. Elle devient une causerie dans
laquelle l'assemblée délibère sur les protocoles de connaissance
(congrès, colloque, conférence, débat, délibération) ; l'espace cul-
turel est alors déterminant. Dans la quatrième orientation, la
conversation, et c'est là son intérêt, instaure l'idée d'un rapport
réciproque, urbain et convivial. Il s'agit de trouver, dans les
moments de conversation, les instances d'une sociabilité au sens
précédemment défini. La conversation devient ainsi le lieu d'un
rapprochement, d'une fête ou d'une loquacité (causerie, palabre,
parlote, causette). La cinquième orientation ouvre le champ de la
rumeur et de la diffusion de fausses informations. La conversation
se transforme alors en commérage ou médisance (cancan, on-dit,
ragot).
Ce survol topographique, Matisse le met en scène dans sa toile
de 1908, Conversation (illustration, p. 176). Elle présente à elle seule
un parcours succinct mais complet des différentes figures et espa-
ces conversationnels. Son titre est singulier, ses personnages figés,
son décor presque absent, et pourtant tout converse en ce lieu.
Différentes formes de conversation, différentes formes de
silence ; l'ensemble justifiant plus la gravité que la légèreté. La
conversation peinte semble suffoquer de ses propres paroles.
Dans cette tension, les deux personnages résument par leurs pos-
tures autant le silence, sorte d'Annonciation, que les conversations
impossibles, toutes celles que l'on aurait souhaitées avoir. La toile
de Matisse invite à l'attente d'un moment hors du temps, moment
qui jouirait de toutes les possibilités, mais aussi de toutes les
impossibilités de relation. On ne sait jamais dans ce lieu si la
conversation a eu ou aura lieu, si elle est même possible, mais
c'est tout ce qui fait le charme de la conversation et de la toile, le
fait de présupposer qu'à chaque moment de la vie la conversation
est là, et simplement là. Elle retrouve en réalité sa finalité pre-
mière : ne jamais faire de telle sorte qu'elle l'emporte sur
l'individu ou qu'elle soit une fin en soi, mais montrer au contraire
que, dans la conversation, l'essentiel, tient à la légèreté de l' homme.
Matisse le peint dans un décor savamment composé, l'ouverture
de la fenêtre le mettant en relation avec le monde sociable de la
simple conversation.
Deux espaces s'opposent, celui de l'homme (M. Matisse) mar-
qué par la rectitude et la verticalité, et celui de la femme
(Mme Matisse) tout en courbe et en rondeur. A l'espace statique
de l'homme correspond la partie fermée de la toile (le premier
quart gauche de la composition) ; à l'espace dynamique de la
femme correspond la partie ouverte de la peinture, celle délimitée
par le bras droit de Mme Matisse assise. Son bras nous conduit à
la fenêtre ouverte qui, à son tour, délimite un autre espace de la
conversation. L'espace de Mme Matisse est dessiné dans sa
totalité, il est achevé (elle est représentée de la tête aux pieds),
alors que l'espace occupé par M. Matisse est inachevé (les jambes
du personnage sont tronquées). Matisse envisage, à sa manière,
plusieurs perspectives. La première concerne l'opposition habi-
tuelle entre les hommes et les femmes ; la deuxième, une réflexion
sur la nature de la conversation puisque les personnages se regar-
dent fixement sans donner l'impression de parler. Quant à la troi-
sième, elle invite le visiteur à se demander quel type d'espace la
1. La notion d'homme se comprend ici au sens de l'honnête homme tel qu'on l'employait au
XVI siècle, autrement dit l'individu curieux de tout, attentif aux autres, plein de bon sens et
surtout sans dogme. Cette lecture de l'humanité, Heidegger l'interprète selon la double
modalité du souci originel (la mort) et de l'angoisse (manifestation de son être libre). La
déreliction (prise de conscience de cet abandon) traduit cette quête d'authenticité (redécou-
verte de l'être pour soi) et de retour à l'existence vraie, seul moyen de lutter contre la tyrannie
sans tyran du on anonyme.
conversation annonce, celui d'un mutisme, d'une communication
froide et figée, ou celui d'une parole à venir ? A l'espace linéaire du
masculin correspond la rotondité d'un corps féminin, mais est-ce
là l'opposition entre la communication et la conversation ?
Sans prétendre offrir ici un éventail complet des différentes
variantes conversationnelles, la conversation reste le m o m e n t d'un
plaisir simple de la vie quotidienne, une sorte de pragmatique de la
vie, en somme. Dans ces conditions, je ne me suis pas intéressé au
dialogue philosophique ou littéraire, puisque ce terme présuppo-
sait des conduites d'écriture relevant de pratiques littéraires. J'ai
plutôt préféré décliner la notion de conversation sous ses cadres
éthiques et philosophiques, tous les moments en quelque sorte qui
traduisent des espaces de sociabilité.
La conversation semble être la meilleure instance p o u r préser-
ver l'espace de nos actions réciproques, expression d'un partage,
d'une sociabilité ou d'une finalité sans fin et sans a r r i è r e - p e n s é e
L'art de la conversation doit être avant tout le moyen de se libérer de
la tutelle de la ritournelle communicationnelle. Cet A r t serait en
quelque sorte une impossibilité de communiquer. Si l'on veut en
effet arriver à sauvegarder cet A r t de table qu'est la conversation et
conserver l'espace conversationnel dans ce qu'il a de plus mon-
d a i n et sociable, une réflexion sur le style semble s'imposer.
Instance de moments privilégiés, le style permet à la conversation
de travailler la langue en vue d'atteindre ses zones intimes et fami-
lières mais aussi étrangères et lointaines. Converser, ce n'est pas
L ' é t a p e p r é c é d e n t e n o u s a m o n t r é l a v a c a n c e d u s u j e t e t la v o i e
s a n s i s s u e d e la c o n v e r s a t i o n m a l g r é la r i c h e s s e d e s n o u v e a u x d i s -
p o s i t i f s c o m m u n i c a t i o n n e l s . Si c e p a r c o u r s s u r l a c o n v e r s a t i o n s e
t e r m i n e p a r u n r e g a r d s u r le style, c ' e s t a u s s i p o u r m o n t r e r q u e le
style, d a n s s o n a c c e p t i o n p r e m i è r e , o f f r e à l'acte c o n v e r s a t i o n n e l
une solution. Universellement compréhensible, il se présente
c o m m e la g r a m m a i r e d e l a c o n v e r s a t i o n e t t e l e s t s o n e n j e u .
La finesse et l'intensité d e ces m o m e n t s d e style se r e t r o u v e n t
ainsi dans les c o n v e r s a t i o n s écrites, parlées ou silencieuses. A
c h a q u e o c c a s i o n , le s t y l e t r a n s p a r a î t d a n s c e s s é q u e n c e s c o n v e r s é e s
c o m m e une ossature qui d o n n e corps aux p r o p o s tenus. Les remar-
q u e s p r é l i m i n a i r e s m o n t r a i e n t q u e la c o n v e r s a t i o n n ' i m p l i q u a i t p a s
n é c e s s a i r e m e n t u n e c o n d u i t e c o m m u n i c a n t e . Il e n e s t d e m ê m e
a v e c les c o n d u i t e s s t y l i s t i q u e s . L e style d é v o i l e la s t r u c t u r e s o u s -
j a c e n t e d e la c o n v e r s a t i o n , m a i s g a r a n t i t s u r t o u t s o n e x i s t e n c e . I l
sauvegarde la c o n v e r s a t i o n dans son authenticité pour amener
l ' i n d i v i d u , le l e c t e u r o u l ' a u d i t e u r à l a d é c o u v e r t e d e c e s m o m e n t s
d e r é c i p r o c i t é s o c i a b l e o u m u e t t e q u e le p o è t e a p p e l l e z o n e i n d i -
c i b l e d e la p a r o l e , b l a n c h e u r d e s m o t s o u s o l i l o q u e m u e t . D e l e u z e ,
d a n s s o n o u v r a g e s u r P r o u s t p o s e la q u e s t i o n d e la m a n i è r e d o n t la
LA NATURE DU STYLE
1. M. Pro ust, A la recherche du Temps perdu. LI Prisonnière, Paris, Gallimard, 1977, p. 188.
sociale d'être communicatif pour recouvrer son état intense, celui
où s'exprime sa conversation. Il déjoue du même coup les ruses de
la communication et les formes sociales de sa syntaxe quotidienne.
Dorénavant en se parlant, l'homme prend l'autre comme prétexte
pour se rappeler à l'oreille sa propre musique. Comme les parti-
tions de Bela Bartòk ne se limitent pas à la simple récollection de
thèmes folkloriques, la langue propre n'apparaît plus comme un
recollement de formules creuses ou de lieux communs. Sans que
cela traduise pour autant une authenticité naïve, le langage-affect,
comme la variation folklorique, réinvestit un énoncé ou une parti-
tion. Il réactive la modulation des constances qui retranscrit, par
résonance, le retour à l'origine, c'est-à-dire l'oubli de la subjectivité
quotidienne. Avoir du style, ce serait ainsi retrouver sa langue. Ne
fussent que dans l'urgence de ces moments littéraires ou musicaux,
les lignes de tension que l'écriture provoque, simultanément inhéren-
tes et intérieures au langage, permettent d'expérimenter et
d'éprouver la conversation de l'homme à travers son style.
LA RHÉTORIQUE ET LE STYLE
1. Aristote, La Rhétorique, liv. II, 1355 b 25-26, Paris, Éd. des Belles Lettres, 1961 ; trad.
Dufour.
conforme à des situations concrètes, jugement ayant pour principal
objet la mise en rapport réciproque du langage et de la pensée. La
rhétorique n'a rien d'une simple mise en application externe de la
langue ; elle permet simplement au style de s'accomplir. Plus qu'un
exercice formel, elle rend possible l'accomplissement d'un style,
même si la plupart du temps, elle est perçue comme la mise en
scène d'effets de langage ou d'écriture. On retrouve ici toute la dis-
tinction entre le rhéteur qui apprécie à sa juste valeur la forme stylis-
tique, et le rhétoricien, sorte de Chevalier de la carafe, qui joue de
manière excessive avec l'effet de manche.
La figure de style mis en place dans la conversation rappelle le
thème de la Gaie rhétorique de Nietzsche. Le style n'est pas une
simple catégorie linguistique, exercice standard d'une série de pro-
tocoles et de mots d'ordre, la belle écriture par excellence ; le style
s'élabore au contraire dans le contexte de l' écart, de la rupture et de
la transgression, l'écrivain devenant un agent d'écart s'opposant ainsi
au linguiste « interprète de la statistique » Dans l'atmosphère de la
variation continuelle, du déséquilibre permanent et de l'exercice
vivace, le style réclame un état de complète hétérogénéité et refuse
l'agencement stéréotypé des mots. Mais pour mieux comprendre
la manière dont le style permet à la conversation de s'affirmer, il
faut revenir sur ce qui le véhicule, autrement dit le discours indi-
rect libre.
1. P. Valéry, « Lettre à Clédat », Revue de philologie française, n° 40, 1928, p. 509. Voir à ce
titre dans l'ouvrage cité plus haut, l'analyse faite par G. Passerone sur différents écrivains
comme Flaubert ou Proust.
survenue. Elle allait donc enfin posséder ces plaisirs d'amour... » le
« elle allait donc enfin posséder » est une formulation en style indi-
rect libre dans laquelle la voix du personnage se mélange à celle du
narrateur et de l'auteur. L'écrivain renonce ainsi « à être un écrivain-
narrateur, et plonge immédiatement dans son personnage, en nar-
rant tout à travers lui » Chaque personnage garde ainsi sa voix
alors que dans le discours direct ou indirect une seule voix
s'exprime, que ce soit celle du sujet parlant actuellement (discours
direct) ou celle qui prend en charge l'énoncé et la voix du premier
locuteur interdisant alors au deuxième de parler (discours indirect).
Quand le sujet affirme :je dis qu'il a fait ceci, en tant que locuteur il
soumet le deuxième en l'empêchant de parler ; son énoncé est
subordonné au sien qui le contient. En outre, le discours direct est
moins libre que les autres parce qu'il imagine encore un je parlant.
Au contraire, avec le discours indirect libre, il y a un mélange de
deux voix ou de deux énoncés, et une parfaite autonomie de
l'interlocuteur, du tu ou du il. Cette forme de discours reste le seul
recours de l'écrivain pour retrouver le flux de sa langue, sa mobi-
lité ou son hétérogénéité, moyen par lequel il pourra déséquilibrer
la langue quotidienne pour créer des lignes de tension dans son
œuvre. Le discours indirect libre devient ainsi le moyen d'échapper
à l'omnipotence du narrateur apparemment maître de son dis-
cours. Il est aussi un moyen de lutter contre l'enchâssement
d'énoncés directs ou indirects. En acceptant que le sujet perde la
maîtrise de son énoncé, la figure du style va pouvoir s'accomplir,
alors qu'avec le discours direct ou indirect l'écrivain pense qu'il est
encore possible de produire des énoncés singuliers mêlant, au gré
des circonstances, divers sujets d'énonciations. L'énonciation prise
dans un énoncé qui dépend lui-même d'une autre énonciation per-
met, dans le discours indirect libre, de réaliser une série d'agence-
ments et d'emboîtements dont la principale fonction est de préser-
ver la langue des artifices rhétoriques. Il ne s'agit ni d'écrire pour
LE MOULE INTÉRIEUR
1. Cf. L. Wolfson, Le schizo et les langues, Paris, Gallimard, 1970 et C. Bene, G. Deleuze.
Superpositions, Paris, Éd. de Minuit, 1979.
2. J.-J. Rousseau parle, dans sa quatrième promenade des Rêveries, de modèle intérieur
comme modulation du devenir de la matière. La modulation rousseauiste reprend la notion
de moule chez Buffon ou de forme chez Aristote. Principe téléologique, la modulation est
autant constituante que constituée, nature naturante que nature naturée, libre préservation
d'un contenu à l'égard d'une extériorité et intériorité. Il n'y a pas en réalité de moulage for-
mel et prédéterminé.
dans lequel la matière qui sert à son accroissement se modèle et
s'assimile au total... Il nous paraît donc certain que le corps de
l'animal ou du végétal est un moule intérieur qui a une forme cons-
tante mais dont la masse et le volume peuvent augmenter propor-
tionnellement, et que l'accroissement, ou si l'on veut le développe-
ment de l'animal ou du végétal, ne se fait que par l'extension de ce
moule dans toutes ses dimensions extérieures et intérieures ; que
cette extension se fait par l'intussusception d'une matière acces-
soire et étrangère qui pénètre dans l'intérieur et qui devient sem-
blable à la forme identique avec la matière du moule. » L'analyse
philosophique de Buffon sur le moule intérieur s'inscrit dans la pers-
pective aristotélicienne de l'acte téléologique (la recherche d'une fin
pour elle-même, science des causes finales) Il ne s'agit pas d'une
simple forme mais d'une modulation spécifique à la structure de
chaque individu. Le moule intérieur n'est pas pour Buffon une déli-
mitation externe des structures, une forme formalisante, un mou-
lage définitif et irréversible, mais plutôt une modulation qui agit sur
la structure interne des sujets, une forme qui s'actualise dans la
matière du langage. Le style conditionne l'œuvre par son unité ; il
met en quelque sorte de l'ordre et du mouvement dans la pensée.
Cette modulation rapportée au style permet à l'acte d'écriture de se
définir, non pas comme un exercice formel, ni comme une stratégie
de placement plus ou moins harmonieuse, ni même comme une
forme externe qui s'impose de l'extérieur à la matière. Il s'agit plutôt
de la véritable modulation de la matière même du langage. Quand
Buffon écrit sa fameuse formule : « Le style est de l'homme » il
sous-entend que chaque écrivain a un style au sens où personne ne
module de la même manière, chacun a sa langue comme chacun a sa
conversation. Ces agencements propres sont à l'image de ces varia-
LE TRAVAIL MALLARMÉEN
1. S. Mallarmé, Œuvres complètes, « Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx », Paris,
Gallimard, « La Pléiade», 1945, p. 68.
2. S. Mallarmé, op. cit., « Igitur, scolies », p. 451.
3. S. Mallarmé, op. cit., « Crise de vers », p. 363.
4. S. Mallarmé, op. cit., « Offices », p. 389.
5. F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Paris, Gallimard, 1971, p. 166.
6. M. Blanchot, La part du feu, « Le mythe de Mallarmé », Paris, Gallimard, 1949, p. 42.
7. S. Mallarmé, op. cit., « Crise de vers », p. 368.
8. S. Mallarmé, op. cit., « Un coup de dés n'abolira jamais le hasard », p. 455.
9. S. Mallarmé, op. cit., préface, « Un coup de dés n'abolira jamais le hasard », p. 455.
10. S. Mallarmé, op. cit., « Quant au livre », p. 375.
11. S. Mallarmé, op. cit., « Crise de vers », p. 367.
UN COUP DE DÉS N'ABOLIRA JAMAIS LE HASARD
1. S. Mallarmé, op. cit., préface, «Un coup de dés n'abolira jamais le hasard», p. 455.
2. S. Mallarmé, Le «Livre» édité par J. Scherer. Fragment 181 A, Paris, 1957.
3. S. Mallarmé, Œuvres complètes, préface, « Un coup de dés n'abolira jamais le hasard »
Paris, Gallimard, Pléiade, 1945, p. 455-456.