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PARODIES

DES MEMES AUTEURS

Les complots de la liberté, 1832, Grasset, prix Alexandre


Dumas 1976

1848, roman historique, Grasset (à paraître)

© Editions Balland, 1977


MICHEL-ANTOINE BURNIER
PATRICK RAMBAUD

PARODIES
de Simone de Beauvoir,
Per Jakez Helias, Marguerite Duras,
Henry de Montherlant, Gilles Deleuze et
Félix Guattari, André Malraux,
Samuel Beckett, Emmanuelle Arsan, Aragon
Boris Vian, Françoise Mallet-Joris,
Philippe Sollers,
François Mitterrand, Roland Barthes,
André Breton, Françoise Sagan,
Maurice Clavel, Gérard de Villiers,
Charles de Gaulle

BALLAND
A Paul Reboux et Charles Muller
SIMONE DE BEAUVOIR

LA FARCE DES CHOSES

Mémoires
Le neuvième tome des Mémoires de Simone de
Beauvoir va bientôt paraître. Nous sommes fiers de
présenter à nos lecteurs le chapitre où l'auteur raconte
son voyage avec Jean-Paul Sartre en Avanie popu-
laire, quelque temps après la prise du pouvoir par les
partisans du président Hadji Oglu Pazardjik.

J'étais émue lorsqu'en compagnie de Sartre je


posai pour la première fois le pied sur le sol de l'Ava-
nie populaire : quelle ardeur, quel enthousiasme chez
ces gens qui prenaient en main leur propre destin !
Depuis deux ans, Sartre et moi nous avions sou-
tenu la lutte du peuple avanais : articles, meetings,
pétitions, conférences de presse, nous avions tant
expliqué ce qui se passait dans ce pays que nous avions
hâte de le connaître. La lutte courageuse du peuple
avanais — Sartre l'avait bien montré dans les entre-
tiens qu'il avait accordés au Spiegel —, ouvrait les
portes de l'avenir et définissait les voies d'une expé-
rience originale telle que nous l'avions toujours rêvée
depuis les déviations de la révolution cubaine. En un
mot : l'Avanie nous était ouverte et nous nous y
jetâmes.
L'aéroport me plaisait, avec ses hangars et ses
avions : quatre membres du B.G.P.K. (Parti Unique
Paysan Avanais) nous accueillirent, et nous devions
plus tard nous en faire des amis. Passeport, visas,
tampons, fouille des bagages : tout fut réglé grâce à
leur gentillesse en moins de douze heures. Un officier
me confisqua simplement ma brosse à dents et mon
foulard : ces objets, expliqua-t-il, n'étaient pas de mise
dans un pays en révolution et je risquais d'exciter des
convoitises inutiles ; je lui abandonnai gaîment ces
symboles bourgeois.
J'avais beaucoup travaillé cette année : le hui-
tième tome de mes mémoires, où je racontais ma vie
des trois derniers mois, m'avait donné tant de tracas !
Ce serait mon meilleur livre, disait Sartre, mais je
devais encore beaucoup travailler. L'écriture en était
désordonnée et les personnages manquaient de chair :
j'avais décidé de tout reprendre sur ces conseils.
J'avais en outre publié le récit de mes voyages en
Champagne, en Eure-et-Loir, dans les Ardennes, en
Bretagne, en Seine-et-Marne: j'en étais fourbue.
Quelle joie de communiquer à des milliers de lecteurs
ce sentiment d'épuisement qui me prenait à la fin de
chacune de mes promenades ! « Ça ne brille pas par
la qualité, mais au moins il y a la quantité », disait
Sartre : ce mot me toucha beaucoup et j'en fus heu-
reuse. Depuis plusieurs mois nous avions déserté
Montparnasse : nous prenions nos petits déjeuners au
« Bar de l'Escalope » où j'aimais travailler dans les
sifflements des percolateurs que couvrait le bruit des
demis à la pression. J'avais définitivement abandonné
la baguette beurrée pour la tranche de cake, et Sartre
me le reprochait gaîment : il gardait son éternelle
passion pour les œufs frits. Olga préférait les biscottes
et Bost grignotait des croissants, à la grande fureur de
Lanzmann. Nous prenions toujours le café chez moi :
nous nous querellions sur le nombre de sucres. Le
soir, nous continuions à voir beaucoup de films :
j'avais aimé Affreux, sales et méchants, l'Aile ou la
cuisse, La dernière folie, Lâche-moi les baskets, Un
mari c'est un mari. Dans ce dernier film, la bourgeoi-
sie retournait sa férocité contre elle-même : cette
étourderie me fascinait. Je lisais Marie Cardinal,
Annie Leclerc, Christian Coffinet, Salvat Etchard,
Yves Bonnefoy, Carlos Semprun-Maura, Demouzon,
André Gorz, Michel Bosquet, Gérard Horst, Jacques
Larcin, Christiane de La Bigne, le docteur Olievens-
tein, Jean-François Bizot, André Laude. Notre ami
Le Dantec avait publié Révoltes chez Gallimard, que
j'admirais passionnément et pour lequel Sartre avait
écrit une préface : « Un intellectuel qui se range sur
les positions du prolétariat ne devient pas prolétaire,
disait-il en substance : il est un intellectuel rangé aux
côtés du prolétariat. » Il trouvait là la synthèse qu'il
avait ailleurs manqué dans sa préface à Colères de
Jacques Larcin. Bien sûr, nous continuions à nous
faire copieusement insulter : ce n'était pas un hasard
et nous n'en avions cure.
En Avanie, quel changement ! On nous écoutait,
on nous demandait notre avis, on nous promenait
partout. A l'hôtel, nos guides attentifs avaient défait
nos valises en notre absence : nos affaires étaient soi-
gneusement rangées dans l'armoire de l'étage. Mon
bloc de papier et mon stylo à bille avaient disparu :
peut-être les avais-je oubliés à Paris ? me dis-je
gaîment. Ma chambre me plaisait : il n'y avait pas de
rideaux, mais le couvre-feu obligatoire à partir de
neuf heures m'empêcherait d'être gênée par la lumière
du boulevard. Je partageais avec Sartre un lit de camp
et la lampe de chevet ne marchait pas : quelle impor-
tance !
Le lendemain nous visitâmes toute l'Avanie : on
nous montra de larges avenues désertes qui n'étaient
pas encombrées par des voitures. Nos quatre guides
du B.G.P.K. nous expliquèrent que les Avanais pré-
féraient aller à pied, sur les conseils du Parti, et je
trouvais admirable ce petit peuple qui marchait au
pas. A Gorgësand nous visitâmes l'usine Mastîk qui
fabriquait des imperméables pour les membres du
Parti : Sartre fut très intéressé par la façon dont on
ourlait les boutonnières. « Et les boutons ? » dis-je.
On m'expliqua que depuis la Révolution on avait
remplacé les boutons par des ficelles de couleur. Je
voulus en rapporter une pour l'imperméable de
Contât : le contremaître m'offrit gaîment un jeu de
ficelles marrons.
Nous déjeunâmes à l'hôtel Kontinental, un grand
restaurant qui servait autrefois aux orgies des capi-
talistes. Nous étions seuls avec nos hôtes : les
ouvriers avanais répugnaient, nous expliqua-t-on, à
pénétrer dans ce lieu pourtant nationalisé depuis la
Révolution de Janvier. Je m'étonnais du nombre de
serviteurs en vestes blanches : mes quatre guides me
répondirent qu'on les avait conservés afin de ne pas
alimenter le chômage, phénomène inconnu en Ava-
nie. Je trouvais cela judicieux. Nous mangeâmes du
sbrûdj, une sorte de bouillie de tapioca qui formait
l'ordinaire des paysans avant la Révolution, et que
l'on avait rationné depuis pour favoriser la construc-
tion du complexe fer-charbon de Türbin. C'était
délicieux et Sartre en reprit trois fois. Il eut, je ne
sais pourquoi, une éruption de boutons dans la
soirée.
Le mercredi, nous eûmes le privilège de ren-
contrer le camarade Pazardjik, dirigeant de la Répu-
blique Démocratique d'Avanie, l'ancien chef de
partisans désormais installé dans le palais impérial :
il détestait ce cadre, disait-il, mais les logements
étaient rares et il fallait bien occuper celui-ci. J'avais
déjà lu les œuvres complètes d'Hadji Oglu Pazardjik,
qui me plaisaient beaucoup. Comme nous n'avions
pas rencontré d'écrivains au cours de notre voyage,
nous lui posâmes de nombreuses questions sur la
littérature avanaise : Hadji Oglu Pazardjik nous
parla de ses livres. « Et les autres écrivains avanais ? »
insistais-je. « Ils étaient réactionnaires, répondit
Pazardjik. Nous les avons soumis à un stage de réédu-
cation populaire... » Avec Sartre, nous avions déjà
entendu ce genre de discours en Union Soviétique, et
la réalité nous avait rendu méfiants ; je décidai cette
fois d'aller au fond des choses : « Ils ont le droit
d'écrire ? » demandais-je. « Bien sûr, répondit Pazard-
jik. Pendant leurs stages, ils écrivent de nouveaux
livres pour se racheter. » La réponse nous satisfit
entièrement : Sartre promit de participer l'an prochain
à un colloque sur la littérature avanaise.
L'après-midi, nous ne pûmes pas visiter de larges
parties de la ville fermées par des chevaux de frise,
car on craignait des actions de l'ancienne aristocratie :
nos quatre guides nous rappelèrent qu'il était interdit
de sortir de l'hôtel sans une autorisation signée du
Ministère populaire de l'Intérieur. Nous restâmes
donc jusqu'au dîner dans le hall à feuilleter, Sartre
et moi, de belles revues avanaises consacrées aux
victoires industrielles du B.G.P.K. depuis la Révolu-
tion. Je fus surprise par un enfant en haillons qui vint
me demander l'aumône ; l'un de nos guides bondit ;
l'enfant disparut aussitôt entre deux miliciens. Qui
était cet enfant ? Que voulait-il ? On me rassura :
c'était un fils de bourgeois qui simulait la pauvreté
pour abuser les voyageurs.
Nous rentrâmes à Paris le vendredi. Sartre était
un peu fatigué par son voyage et j'en profitai pour
donner des interviews à plusieurs journaux qui vou-
laient connaître nos impressions sur la révolution en
Avanie. Bost fut enthousiasmé par mes récits : « Pour-
quoi n'écririez-vous pas tout ça dans un livre ? » me
dit-il. Je me mis aussitôt au travail.
PER JAKEZ HELIAS

JE VOUDRAIS ETRE
AER VOULEZ

Poème breton
Je voudrais être un saucisson
Sous le couteau de la bouchère
Et dans la grande surenchère
Etre coupé en petits ronds
Ah si j'étais une andouillette
O frère mon porc de Pen Arpont
Mon désir d'être changé en cochonnaille
Quand le coutel s'use au fusil
A faire saigner son fils de glace
Sur l'artichaut braisé
Je voudrais être le sandwich
Plein de gruyère et de jambon
Et de moutarde ah que c'est bon
Et ça et là quelques pois-chiche
Si nul ne mange de ce pain là
C'est qu'il est amer comme le sable
Sur la plage de Panekoek
O vienne le beurre printanier
Qui s'étalera sur les blessures
De mon cœur panné
Aer voulez er andouillez
Ousk eou er bucher cuto
Esto koupez ein petiro
E zgwiz Kuik rein Konkarnez
Kouez rascal e saucizon
Per Arpez porc frero
Ma deseir trotskar coquillou
O aleur coutel a couptou
Kiravi islonk Kalvado
Artichou breizou
Sanwich tartin aer voulez
Vach kiri to plein jambo
Amora grei poupon o bo
E chich Kebab parla plantez
Pein Kaka pa mangez
Amer le sablou
Its nich Panekoek asprez
O mignoned astra
Kroissancho armor
Kott de vo alla creim freich
Regarde, frère, regarde
Au fond du beurrier
Ne vois-tu rien venir ?
Je voudrais être un caramel
Symbole aimant la poésie
Qui colle aux dents et rassasie
Comme une tendre béchamel
POURVU QUE LE KROKOU
OUVRE LA BOITE DE SARDINES !
Aspect, frero, aspect
La crim osa diez
Videm ?
Aer voulez e kara mel
Tou coulou da eiz papiez
Sakolo dan sakolo nez
O ma morning bech amel.
LAVNET KROKOU A ZIL GIGODVO !
L a f a r c e des choses d e S i m o n e de Beauvoir

A e r voulez d e P e r J a k e z Hélias

Mirot chinois mon a m o u r de Marguerite Duras

C o m m e u n vol d e p a v é s de Louis A r a g o n

Les culottes c o u r t e s d ' H e n r y de M o n t h e r l a n t

D e u x r o u e s et c y c l o v e r s a l i t é d e G. Deleuze et F. G u a t t a r i

Le c h i e n d e s limbes d ' A n d r é M a l r a u x

Le r e t o u r d e G o d o t de S a m u e l B e c k e t t

E m m a n u e l l e d a n s V a u t o r a i l d ' E m m a n u e l l e Arsan

M a d a m e B o v a r y d e B. Vian, F. Mallet-Joris, Ph. Sollers

Le t r o n c et l ' é c o r c e de F r a n ç o i s M i t t e r r a n d

Le n i v e a u z é r o d e R o l a n d Bartlies

R e t o u r à l'envoyeur d'André Breton

Un n a v i r e d a n s tes y e u x d e F r a n ç o i s e S a g a n

S a t a n est s a t a n , p a r s a t a n ! d e M a u r i c e Clavel

SAS, l a tigresse d e P é k i n d e G é r a r d de Villiers

Vers la c i m e d e C h a r l e s de Gaulle

Michel-Antoine B u r n i e r et P a t r i c k Rambaud, rédacteurs du


j o u r n a l Actuel ont collaboré à R i r e 1 et Rire 2, recueils de
parodies composées p a r ce journal. Michel-Antoine B u r n i e r
est également h a u t e u r d'une tragédie en cinq actes et en vers :
Les Voraces (en collaboration avec Frédéric Bon et B e r n a r d
Kouchner).
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