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Modalités et Temps
notions théoriques sont abordées via une étude de cas, permettant de trai-
ter de nombreuses questions autour des modalités déontique, de capacité
et épistémique, en interaction avec le temps. La discussion, qui articule
l’empirique et le formel, ne présuppose aucune connaissance formelle pré-
liminaire. Ce livre s’adresse ainsi aussi bien à un public étudiant, qu’aux
chercheurs en linguistique, en philosophie ou en sciences cognitives.
Des modèles aux données
Alda Mari
Alda Mari est Directrice de Recherche au CNRS, à l’Institut Jean Nicod. Hel-
léniste et sanskritiste, elle est arrivée à la sémantique formelle, par la sémantique
computationnelle. Sa première affiliation au CNRS a été Télécom Paris. Elle a Alda Mari
également été Visting Scholar à CUNY (New-York) et à l’Université de Chicago.
Ses recherches portent sur la modalité, le temps, la généricité et la pluralité.
Peter Lang
ISBN 978-3-0343-1383-4
Peter Lang
www.peterlang.com
109
L’interaction des notions modales et temporelles dans un cadre formel
constitue un champ difficile à aborder sans connaissance préliminaire des
outils manipulant les mondes possibles. Cet ouvrage comble ce manque, en
introduisant, pour la première fois en langue française, les systèmes formels
issus de la logique modale et utilisés en linguistique. Différents cadres théo-
riques sont présentés, et notamment l’approche Kratzerienne et la théorie
du temps branchant. La discussion des théories modales est menée à travers
le prisme du langage naturel et la notion, centrale dans cet ouvrage, de sens
vériconditionnel est mise à l’épreuve des données. Au fil des chapitres, les
Modalités et Temps
Modalités et Temps
notions théoriques sont abordées via une étude de cas, permettant de trai-
ter de nombreuses questions autour des modalités déontique, de capacité
et épistémique, en interaction avec le temps. La discussion, qui articule
l’empirique et le formel, ne présuppose aucune connaissance formelle pré-
liminaire. Ce livre s’adresse ainsi aussi bien à un public étudiant, qu’aux
chercheurs en linguistique, en philosophie ou en sciences cognitives.
Des modèles aux données
Alda Mari
Alda Mari est Directrice de Recherche au CNRS, à l’Institut Jean Nicod. Hel-
léniste et sanskritiste, elle est arrivée à la sémantique formelle, par la sémantique
computationnelle. Sa première affiliation au CNRS a été Télécom Paris. Elle a Alda Mari
également été Visting Scholar à CUNY (New-York) et à l’Université de Chicago.
Ses recherches portent sur la modalité, le temps, la généricité et la pluralité.
Peter Lang
Peter Lang
www.peterlang.com
Modalités et Temps
Sciences pour la communication
Vol. 109
Comité scientifique
Modalités et Temps
Des modèles aux données
PETER LANG
Bern • Berlin • Bruxelles • Frankfurt am Main • New York • Oxford • Wien
Information bibliographique publiée par «Die Deutsche Nationalbibliothek»
«Die Deutsche Nationalbibliothek» répertorie cette publication dans la «Deutsche National-
bibliografie»; les données bibliographiques détaillées sont disponibles
sur Internet sous ‹http://dnb.d-nb.de›.
Imprimé en Suisse
À mes enfants : Giacomo e Flavio
Remerciements
1. Introduction ..................................................................................... 1
1.1 Ambiguïté systématique des modalités ................................... 1
1.2 Modalité, temps et aspect : questions ..................................... 4
2. Logiques (temporo)-modales :
Modèles et problèmes linguistiques .............................................. 17
2.1 Préambule ............................................................................. 17
2.2 Notions de base de logique modale et extensions
au langage naturel .................................................................. 18
2.2.1 Cadres et modèles ..................................................... 18
2.2.2 Extension simple au langage naturel ......................... 24
2.2.3 Problèmes .................................................................. 26
2.3 La logique du système de Kratzer et son
application en sémantique ..................................................... 28
2.3.1 La logique du système de Kratzer ............................. 28
2.3.2 Le système kratzerien et faits de langue :
pistes et questions ..................................................... 36
2.3.3 Sens des modalités et leurs relations ......................... 36
2.4 Temps et mondes ................................................................... 44
2.4.1 Introduction de la dimension temporelle .................. 44
2.4.2 Sémantique bi-dimensionnelle .................................. 45
2.5 Conclusion ............................................................................ 48
3.2.2
L’emploi épistémique ................................................ 53
3.2.3
Conclusion : la relation entre emplois racine
et épistémique ........................................................... 54
3.3 Tous les modaux sont des opérateurs de phrase .................... 55
3.3.1 Arguments syntaxiques : les modaux sont des
verbes à montée ......................................................... 56
3.4 Théorie lexicale du contrôle ...................................................60
3.5 Quelques observations autour des interprétations
déontiques et abilitatives ....................................................... 63
3.5.1 Les déontiques sont des verbes à montée ................. 63
3.5.2 Pouvoir de capacité : une question ouverte ............... 64
7.4.1
La structure des possibilités .................................... 191
Interprétations de a pu/ha potuto,
7.4.2
verbe à montée ........................................................ 192
7.4.3 Interprétation de ha potuto, verbe à contrôle .......... 201
7.5 Conclusions : un système en mouvement ........................... 203
(2) a. Jean peut aller à l’école maternelle car il a trois ans (déontique)
b. Jean peut très bien être le coupable (épistémique)
c. Jean peut soulever 200kg (abilitatif)
2 Modalités et temps
(3) a. Jean doit aller à l’école maternelle car il a trois ans (déontique)
b. Jean doit être le coupable (épistémique)
L’interprétation épistémique est aussi dite ‹non-racine›. Les autres in-
terprétations (et entre autres, celles déontique et abilitative) sont dites
‹racine›.
Dans (2-a) et (3-a) pouvoir et devoir ont tous deux une interpréta-
tion dite déontique, c’est à dire qui est liée à des lois ou plus généra-
lement à des préférences. Pouvoir déontique se rapproche de la notion
d’autorisation ; devoir déontique exprime la notion d’obligation. Ainsi
(2-a) dit que Jean est autorisé à aller à l’école alors que (3-a) signifie
que Jean est obligé d’aller à l’école.
Pouvoir et devoir peuvent aussi avoir un sens dit épistémique
illustré en (2-b) et (3-b). Dans ce cas ils expriment une conjecture de la
part du locuteur. Ils diffèrent dans le degré de fiabilité que le locuteur
attribue à sa conjecture. Lorsqu’il choisit d’utiliser pouvoir et devoir
dans un sens épistémique, le locuteur possède généralement des indices
ou plus techniquement des preuves (‹evidence›) sur lesquelles il fait re-
poser sa conjecture. Plus le locuteur considère les preuves fiables, plus
il choisira d’employer devoir au lieu de pouvoir.
Enfin, parmi les interprétations que nous retenons ici, il y a le
sens ‹abilitatif›1 de pouvoir. Il n’existe pas d’interprétation abilitative
correspondante pour devoir. Cette interprétation est généralement pa-
raphrasée par ‹être capable de›. (2-c) dit ainsi que Jean est capable de
soulever 200Kg.
Cette étude explore les paramètres qui déterminent l’une ou l’autre
de ces interprétations, et plus spécifiquement, elle se concentre sur
l’ambiguïté des modalités en interaction avec le temps et l’aspect.
Il serait impossible dans l’espace d’un ouvrage de couvrir en
profondeur l’ensemble des thèmes ayant trait aux modalités et au
temps. Il existe des introductions à l’étude des modalités dans la langue
(voir notamment Portner, 2009). A notre connaissance, il n’existe pas
d’introduction pour linguistes traitant de la relation entre modalités
et temps, et cette étude est une première dans ce sens. Notre but ici
n’est pas de présenter une vision d’ensemble du domaine, mais plutôt
de suivre l’analyse d’un cas particulier pour approfondir certain
des aspects qui nous paraissent clé pour la compréhension de cette
interaction complexe. Nous avons donc choisi de creuser et discuter une
sélection de problèmes plutôt que de couvrir un domaine à notre sens
trop large pour un seul auteur. Nous ne prétendons pas apporter une
analyse définitive, mais plutôt un éclairage sur différents traitements
possibles des modalités en interaction avec le temps. Comme notre étude
le montrera, il n’existe pas de solution générale pour tous les modaux
et pour toute combinaison monde–temps. Il nous semble, et nous
essayerons de le montrer, que ce qu’une théorie générale de la relation
entre modalités et temps peut viser est de dégager des paramètres et
des coordonnées pour l’analyse, plutôt que fournir une systématisation
définitive des faits. L’étude qui suit vise alors à réunir un certain nombre
d’outils d’analyse et à montrer comment les interprétations émergent à
partir d’une interaction complexe entre plusieurs paramètres.
Cette étude poursuit quatre objectifs principaux.
Peu de domaines d’étude en sémantique ont été autant influen-
cés par la recherche en logique. La notion de modalité a en effet attiré
d’abord l’attention des philosophes et logiciens avant d’investir l’étude
des expressions linguistiques. C’est ainsi que l’étude des expressions
modales est amplement tributaire des modèles élaborés en logique.
Le premier but est alors de mettre les modèles à l’épreuve des don-
nées. Pour ce faire, après un rappel des approches standard inspirées de
la logique modale, nous nous intéressons à un cas complexe, celui de
pouvoir au passé composé en français et en italien.
Le deuxième objectif est celui de comprendre les sources de l’am-
biguïté des modaux, notamment en interaction avec le temps et l’aspect.
Pour cela nous discutons les principales approches syntaxiques et sé-
mantiques et proposons notre propre théorie.
Le troisième est de fournir une discussion des principaux pro-
blèmes dans le traitement des modalités dans la langue en interaction
avec le temps. Le cas de a pu est à cette fin particulièrement intéressant,
comme nous l’expliquons dans la section 1.2.
4 Modalités et temps
temps, divers choix doivent être faits. Le premier est celui de décrire
l’interaction entre les différents opérateurs via des structures syntaxiques
différentes ou non (plus spécifiquement, via une interface syntaxi-
co-sémantique qui a recours au mouvement des têtes fonctionnelles
ou qui les laisse en place). Le premier sera le choix de Hacquard (2006)
et Condoravdi (2002) que nous analyserons en détail.
Le deuxième est celui d’adopter un modèle classique à la Kratzer
(1981) pour les modalités, ou un modèle par temps branchant comme
celui de Thomason (1984). Nous passerons en revue ces deux types
de modélisation et expliquerons les prédictions très diverses qu’ils
permettent de tirer, eu égard aux interprétations des modalités en inte-
raction avec le temps.
Le troisième choix est celui de donner à toutes les interprétations
des modalités le même statut (soit en les codant toutes dans l’entrée
lexicale, soit en adoptant une représentation sous-spécifiée en les dé-
rivant par un mécanisme unique), ou alors d’en dériver certaines par
inférence à partir d’autres plus basiques. Ce choix dépendra strictement
de la modélisation et c’est pour cela que la prise en compte de modèles
différents est cruciale pour l’explication de l’ambiguïté des modalités.
Au delà de la relation entre ces deux interprétations, chacune d’entre
elles, prise séparément, pose des questions importantes pour la compré-
hension de la sémantique des expressions a pu et ha potuto.
2.2. En relation avec l’interprétation abilitative, nous nous attarderons sur
ce que l’on appelle l’implicature d’actualité (‘actuality entailment’). Il a
en effet été noté (e.g. Hacquard, 2006) que, lorsque pouvoir est au passé
composé, nier l’existence de l’événement décrit par l’infinitif aboutit
à une contradiction, comme l’impossibilité de poursuivre la phrase en
(14) par ‘mais il ne l’a pas fait’, le montre.
(13) Jean a pu déplacer la table, #mais il ne l’a pas fait
La même observation vaut pour l’italien ha potuto.
(14) Gianni ha potuto spostare il tavolo, #ma non lo ha fatto
On a par ailleurs soutenu (e.g. Mari et Martin, 2007 ; Homer (2010a))
qu’il existe des cas où cette implicature peut être effacée. On a observé
pour le français que le discours en (38) est tout à fait acceptable.
8 Modalités et temps
(17) a. D’après ce que je sais, Jean peut très bien être en train de
prendre le train
b. D’après ce que je sais (maintenant), Jean peut (maintenant)
très bien être en train de prendre le train (maintenant)
2.1 Préambule
Notions de base
Le premier pas dans la construction d’un système en logique consiste à
spécifier son langage (1).
(1) Définition du langage
1. Phrases atomiques. Un nombre infini de variables p, q … sont
des phrases du langage.
2. Négation. Si α est une phrase du langage, ¬α est une phrase du
langage.
3. Conjonction, disjonction, implication. Si α et β sont des
phrases du langage, alors (α ∧ β), (α ∨ β), (α → β) sont aussi
des phrases du langage.
4. Nécessité et possibilité. Si α est une phrase du langage, alors
α et α sont aussi des phrases du langage.
Pour construire la sémantique de la logique modale nous commençons
par la définition d’un cadre F. Un cadre consiste en un ensemble non
vide W dont les membres sont des mondes possibles, et une relation
binaire R qui relie (ou pas) les mondes possibles dans W. R est une
relation d’accessibilité entre les mondes.
(2) Cadre. F = 〈W, R〉
Lorsque l’on spécifie la valeur de vérité des phrases atomiques dans
chaque monde on construit un modèle. Un modèle est ainsi un triplet
W, R, V où V est une fonction de valuation qui assigne à chaque phrase
atomique la valeur ‹vrai› ou la valeur ‹faux› dans un monde donné.
(3) Modèle. M = 〈W, R, V 〉
V (w, α) = 1 signifie que α est vraie en w. V (w, α) = 0 signifie
que α est fausse en w. On écrira aussi 9α=w,M = 1 pour V (w, α) = 1
et 9α=w,M = 0 pour V (w, α) = 0.
Logiques (temporo)-modales 19
Tous les axiomes ne sont pas valides dans tous les cadres (et donc tous
les systèmes).
Le tableau suivant résume les systèmes avec leur nom, les axiomes
valides dans chaque système, et le type de cadre qui les définit.
K K pas de condition
T K,T réflexivité
B K,T,B symétrie
D K,D sérialité
S4 K,T,4 transitivité
S5 K,T,E équivalence
(9)
Les cadres épistémique et déontique Nous n’irons pas plus loin avec
les approches basées sur les axiomes. Ce qui peut intéresser un linguiste
est de déterminer quel système est apte pour rendre compte des inter-
prétations possibles des modaux. Par exemple, devons nous adopter un
système T ou D lorsqu’il s’agit de modalité épistémique ? Devons nous
adopter T ou D lorsqu’il s’agit de modalité déontique ?
Faisons un pas en arrière et revenons à la notion de monde possible.
Qu’est-ce qu’un monde possible ?
Un monde possible est avant tout un monde au sens commun de ce
terme. Un monde comme le nôtre. Notre monde est un des agencements
possibles des faits à travers l’histoire. Les mondes possibles qui ne sont pas
le monde actuel divergent du monde actuel à divers degrés. Certains sont
proches (le seul détail qui change est que j’ai les cheveux courts), certains
sont très différents (ce sont par exemple les mondes où les chevaux volent).
La relation d’accessibilité entre les mondes, elle, varie. Deux cas
sont l’accessibilité épistémique et l’accessibilité déontique. On peut
alors définir un cadre épistémique et un cadre déontique.
Si on en revient alors aux axiomes, on voit aisément que les cadres épis-
témiques et déontiques diffèrent à l’égard des axiomes qu’ils autorisent.
Dans le cadre de la logique épistémique (Hintikka, 1962), est équivalent
à ‹savoir›. Un cadre épistémique autorise l’axiome T ( p → p). Si je
sais (i.e. ) p en w, alors p est vrai en w. Par exemple, si ‹je sais qu’il
pleut› est vrai en w, alors ‹il pleut› est aussi vrai en w.
On a soutenu qu’un cadre déontique n’est en revanche pas réflexif et
que l’axiome T n’est pas valide pour le déontique. L’idée centrale est qu’une
phrase comme ‹il ne faut pas voler› est vraie en w, mais il n’est pas vrai
qu’on ne vole pas en w. Cette idée est défendue en particulier par Ninan
(2005) et Portner (2009). Il suit, comme le soutiennent les auteurs, que les
déontiques ne sont pas compatibles avec les actions passées, car celles-ci
ont été forcément réalisées (ou non) en w. Ils soutiennent que (12) n’a pas
d’interprétation déontique, mais seulement épistémique, signifiant ‹d’après
ce que je sais, il est nécessaire qu’il ait acheté les billets›. Il nous semble que
cette conception de l’interprétation déontique ne soit pas tout à fait convain-
cante. (12) a une interprétation déontique comme (13) le montre.
(12) (#)Tu dois avoir acheté les billets (ok épistémique, #déontique,
d’après Ninan, 2005)
(13) Tu dois avoir acheté les billets pour rentrer au théâtre
Enfin, l’axiome S4 ( p → p) caractérise aussi les cadres
épistémiques. Cet axiome traduit la condition d’introspection positive :
si je sais p en w, alors je sais que je sais p en w. Tout cadre transitif satis-
fait cet axiome. La transitivité assure que, si un monde w′ est accessible
de w et que w′′ est accessible de w′, alors w′′ est aussi accessible de w.
24 Modalités et temps
Soulignons que ‹je sais› correspond à ici. Soient alors trois mondes,
w, w′, w′′ dans lesquels p est vrai. En w, p est vrai car p est vrai dans
tous les mondes accessibles à partir de w. p y est aussi vrai car
p est aussi vrai dans tous les mondes qui lui sont accessibles. Donc
p→ p est vrai en w.
Cela garantit par ailleurs que, dans tous les mondes compatibles
avec les croyances que le locuteur a en w, le locuteur a toutes les
croyances qu’il a en w. Voici un cas que cet axiome permet d’exclure.
Soit w′ accessible à partir de w, et un w′′ accessible de w′ mais non pas
de w (le cadre n’est donc pas transitif). Admettons que p soit vrai en w′
et ne soit pas vrai en w′′. Cela mène à la situation impossible que, dans
deux mondes accessibles (i.e. deux mondes qui sont compatibles avec
les mêmes connaissances), le locuteur a deux connaissances contradic-
toires : il sait p en w et ¬p en w′ (i.e. ¬p est vrai en w′′).
Nous venons de voir que know est traité comme . Lorsque l’on passe
du cadre logique à celui du langage naturel, on établit une correspon-
dance entre les expressions de l’un et de l’autre. C’est ainsi qu’on
considère que, en langue naturelle, et se traduisent comme devoir
et pouvoir. p correspond à l’expression du langage naturel ‹il doit p›
ou ‹il est nécessaire que p› et p correspond à l’expression du langage
naturel ‹il peut p› ou ‹il est possible que p›. Quelle est la nature de
‹p› dans ‹il peut / doit p› c’est une question très complexe sur laquelle
nous revenons longuement tout au long de cet ouvrage. Admettons pour
l’instant qu’il s’agit d’une proposition.
La logique modale fournit ainsi des outils pour analyser les modaux :
1. Force des modaux. Un modal M est classé comme opérateur de né-
cessité ou comme opérateur de possibilité.
Dans une langue comme le français, pouvoir est classé comme un
opérateur de possibilité, devoir de nécessité. Dans une langue comme
l’anglais ou l’allemand, il existe plusieurs expressions de la possibi-
lité et de la nécessité. Must, should, would, will sont classés comme
Logiques (temporo)-modales 25
2 Il existe une vaste littérature sur chacun de ces opérateurs et leur nature. La classifi-
cation proposée n’est qu’indicative et grossière. Nous suivons en particulier Portner,
2009.
3 Notons que cette différence existe entre devoir à l’indicatif et au conditionnel en
français.
26 Modalités et temps
2.2.3 Problèmes
ici brièvement trois questions, qui nous permettront d’introduire les déve-
loppements qui ont suivi dans la littérature en sémantique formelle.
(19) 9 β=w,c,M =1 ssi pour certains v tel que A(c)(w, v), 9β=v,c,M =1
L’idée qui fonde le système Kratzerien est que les modaux ne sont pas
ambigus, mais sous-spécifiés. Il n’existe pas d’après Kratzer une mul-
titude d’entrées pour le mot must (must déontique, must épistémique,
must circonstanciel etc …), mais une seule. Le sens des modaux est
partiellement déterminé par le contexte. En particulier, le contexte spé-
cifie la relation d’accessibilité. La relation d’accessibilité détermine
le domaine de quantification du modal, appelé aussi base modale.
En déterminant la base modale, le contexte spécifie donc le sens des
modaux. En effet, la nature de la base modale varie : elle contient
tantôt les mondes compatibles avec des préférences (interprétation
déontique), avec des désirs (interprétation boulétique), avec ce qui est
connu (interprétation épistémique), etc. …
30 Modalités et temps
La source d’ordre
Dans ses travaux de 1981, Kratzer revient sur les notions de nécessi-
té et de possibilité simple qu’elle a établies en 1977 pour expliquer
qu’elles ne sont pas à même de représenter une série de faits des lan-
gues naturelles.
En particulier, l’auteur montre qu’elles ne sont pas à même de
rendre compte des degrés de nécessité et de possibilité.
Suivons Kratzer avec le scénario du meurtre. Un touriste a été tué à
Paris. Il y a une bonne possibilité que le concierge de l’hôtel soit le meur-
trier. Il y a une infime possibilité que quelqu’un qui habite en Australie et
qui n’a jamais quitté l’Australie ait tué le touriste. Que révèlent les expres-
sions ‹il est bien possible que› et ‹il y a une infime possibilité que› ? Qu’il
existe des mondes qui sont plus ‹proches› que d’autres. Notons que, dans
les deux cas, la base modale est épistémique. Quels sont alors les mondes
les plus proches ? D’après Kratzer on mesure la ‹distance› des mondes
relativement au cours ‹normal› des événements. Il est en effet très peu
probable qu’une personne de l’autre bout du monde ait pu tuer un touriste
à Paris.
Cette ‹distance› prend différentes couleurs. ‹Les lois›, ‹mes plans›, ‹mes
souhaits›, ‹ma conception de la vie› sont des sources d’ordonnancement
de mondes. En termes techniques, ces sources introduisent un deuxième
type de background conversationnel g, la source d’ordre. Les sources
d’ordre pourvoient aussi le monde ‹idéal› (idéal selon mes plans, ma
conception de la vie, les lois etc …).
34 Modalités et temps
(33) implique que ¬p est une nécessité dans les mondes idéaux.
1. La force quantificationnelle
2. La base modale
3. Une source d’ordre
Il est maintenant clair que, sur le plan linguistique, les modaux sont
traités comme des quantificateurs sur des mondes. Les mondes étant
considérés comme des ensembles de propositions, du point de vue de
l’interface syntaxe-sémantique, les modaux sont ainsi à considérer
comme des opérateurs phrastiques qui prennent une proposition dans
leur portée. (37-a) est ainsi interprété comme (37-b).
6 Voir Krifka et al. 1995 pour GEN et le traitement de Portner de GEN, dans Portner
(2009 : 213sqq.).
7 La modalité abilitative ne fait pas appel à GEN.
Logiques (temporo)-modales 39
en particulier les temporels. (48-b) est analysée comme «il est possible
que, dans le passé il soit arrivé»
(48) a. He might be at home
Il eput être à la maison
b. He might have arrived
Il peut être arrivé
Cette idée, selon laquelle le temps de l’évaluation épistémique est tou-
jours le présent a récemment été remise en cause par von Fintel et Gillies
(2007). Les auteurs insistent sur le fait que l’évaluation épistémique doit
coïncider avec la disponibilité des preuves. Ils construisent alors le scé-
nario suivant. Au présent le locuteur sait que les clés ne sont pas dans le
tiroir. Cependant il peut parfaitement asserter (49). On comprend alors,
qu’étant donné la connaissance que le locuteur avait dans le passé, il ait
été possible dans le passé que les clés aient été dans le tirroir.
(49) The keys might have been in the drawer
Les clés pouvaient être dans le tiroir.
von Fintel et Gillies soulèvent ainsi la question de la relation entre le
temps de la conjecture et le temps auquel les preuves sur lesquelles
la conjecture est basée sont disponibles. Les preuves étant disponibles
dans le passé, might en (49) est une modalité épistémique évaluée dans
le passé. D’après leur théorie, donc, l’évaluation épistémique doit coïn-
cider avec la disponibilité des preuves mais, comme celles-ci ne sont
pas nécessairement situées dans le présent du locuteur, l’évaluation
épistémique ne le sera pas non plus.
La question du temps de l’évaluation de la modalité épistémique
est aujourd’hui ouverte à débat. La manière de poser la question du
temps de l’évaluation épistémique dans un cadre syntaxique consiste à
se demander si la modalité prend portée large ou étroite par rapport aux
autres opérateurs de la phrase. Si elle prend portée large, elle échappe
au passé par exemple, et l’évaluation a lieu dans le présent. Si elle prend
portée étroite, elle est projetée dans un temps passé, et l’évaluation
épistémique a lieu dans le passé.
Dans notre étude de pouvoir au passé composé, cette question
sera au centre de l’analyse. La conclusion de notre étude montrera
42 Modalités et temps
L’imparfait et le passé composé (bien que les deux fassent appel à une
notion de passé9) ne se comportent pas de la même manière : la moda-
lité à l’imparfait est compatible avec un scénario où des preuves étaient
disponibles dans le passé. Elle exprime alors une conjecture qui était
émise dans le passé. La modalité au passé composé ne peut pas être
utilisée dans ce même contexte. Elle peut uniquement être utilisée dans
un cadre où les preuves sont disponibles au temps de l’énonciation.
Comment alors réconcilier cette discrépance entre le temps de la
modalité (qui est au passé) et le temps de l’évidence, sans postuler que
la modalité est interprétée sur les opérateurs temporels ?
L’effort mené dans notre étude de cas sera, entre autres, de com-
prendre l’emploi de la modalité au passé composé vis-à-vis de la ques-
tion des preuves. Pourquoi le passé composé n’est-il pas compatible
avec un scénario où les preuves sont disponibles au temps de l’énon-
ciation uniquement ? Nous répondons à ces questions au chapitre 7,
et comparons l’emploi de la modalité au passé composé avec celui de
la modalité à l’imparfait et au présent au chapitre 8. Avant cela, nous
ferons un long parcours à travers d’autres analyses, choix de modélisa-
tion, problèmes syntaxiques, sémantiques et philosophiques posés par
la notion et le traitement des modalités abilitative et épistémique. Nous
mettrons ensemble tout au long de ce parcours des outils et des argu-
ments empiriques qui nous permettront d’aborder cette question avec
une vision d’ensemble des paramètres et contraintes en jeu.
Nous commencerons cette discussion en prenant en compte les théo-
ries de Hacquard (2006) et Condoravdi (2002), qui sont à notre sens les
deux entreprises les plus abouties sur la question de la relation entre mo-
dalités et opérateurs temporels. Ces deux théories essaient de résoudre la
question du temps de l’évaluation épistémique à la lumière de la question
plus générale de la polysémie des modalités, en recherchant les principes
qui permettent de distinguer les interprétations épistémique et abilitative.
(56)
Dans le modèle suivant (60), les mondes forment les classes d’équiva-
lence données en (61).
(60)
(61) a. w1 ∼ t1 w2 ∼ t1 w3 ∼ t1 w4 ∼ t1 w5
b. w2 ∼ t2 w3 ∼ t2 w4
2.5 Conclusion
3.1 Préambule
Dans la section 3.3, nous nous pencherons sur des approches plus
strictement syntaxiques, qui fournissent un ensemble de tests visant à
montrer que tous les modaux sont à traiter comme des verbes à montée.
Enfin, dans la section 3.4 nous considérons de plus près les
théories du contrôle, qui abordent la question d’un point de vue
sémantico-pragmatique.
Dans la section 3.5, nous proposons de nouvelles observations et
parvenons à la conclusion que si modaux épistémiques et déontiques
doivent être traités comme des verbes dits à ‹montée›, la question reste
ouverte pour la modalité abilitative qui semble bien être prima facie une
modalité sui generis.
Du point de vue méthodologique, le but de ce chapitre est d’intro-
duire des problèmes, des outils d’analyse ainsi que quelques arguments
empiriques pour appuyer ou infirmer les théories en question. Nous
ne nous attardons pas particulièrement ici sur le cas de a pu que nous
considérerons en détail, eu égard à la distinction montée / contrôle, au
chapitre 6.
Nous considérons à leur tour les emplois racine (I) et non-racine (II).
Contrôle, montée et interprétations des modaux 51
Les paraphrases
Pouvoir.
Soit (1).
(1) Pierre peut faire ce travail
Les emplois racine peuvent être paraphrasés d’après Sueur de la ma-
nière suivante.
(2) a. X+ animé permet à Pierre de faire ce travail (pour Ia)
b. Xqualités inhérentes de Pierre permet à Pierre de faire ce travail (pour Ib)
c. Xnon restreint permet à Pierre de faire ce travail / que Pierre fasse ce
travail (pour Ic)
Devoir.
Soit la phrase (3).
(3) Pierre doit faire ce travail
1 Il existe des différences entre les deux. Notamment, pouvoir (II) prend portée sur
la négation, alors que devoir (II) ne le fait pas. Les raisons complexes de cette
différence ne sont pas discutées ici.
2 Cette position a été récemment revue dans la littérature sur le français, par
Roussarie, 2009.
54 Modalités et temps
Nous revenons sur cet argument dans la section 3.5, en montrant qu’il
n’est pas fondé.
3 Cela a amené à conclure que pouvoir épistémique ne fournit pas un contenu proposi-
tionnel et ne contribue pas ainsi aux conditions de vérité de la phrase (voir discussion
chez Papafragou, 2006 et Portner, 2009 pour une vision générale de la question).
Nous ne nous occupons pas ici de l’emploi performatif de la modalité épistémique.
Contrôle, montée et interprétations des modaux 55
(27) Je (Ag) veux PRO (Ag) manger du sucre / PRO (Pat) être amenée
au cinéma en voiture
(29) Contrôle
(32) a. ? ? Può esserci una festa purché non ci sia rumore (ok épisté
mique)
Il peut y avoir une fête pour autant qu’il n’y a pas de bruit
b. ? ? Deve esserci una soluzione a questo problema domani sul
mio tavolo (ok épistémique)
Il doit y avoir une solution à ce problème demain sur ma table !
Il est facile de remarquer qu’il n’existe pas de passif pour les verbes
modaux.
Ceci doit être mis en parallèle avec le fait que les verbes à montée ne
peuvent pas non plus être mis au passif (37-b), à la différence des verbes
à contrôle (37-a).
Ce contraste est expliqué par le fait que seuls les verbes qui ont un
argument extérieur peuvent être mis au passif, comme le montre l’im-
possibilité de mettre au passif les verbes unaccusatifs.
(38) *Es wurde angekommen
Il était arrivé-pass
*Il a été arrivé
L’impossibilité d’être mis au passif montre ainsi que les verbes modaux
ne projettent pas d’argument propre.
Une observation bien connue (Warner, 1993), relative à la mise à la
forme passive des modaux, concerne la possibilité de mettre au passif
le verbe à l’infinitif.
Comme on l’a vu, la motivation pour considérer que les verbes mo-
daux non-racine sont des verbes à contrôle, est qu’ils assignent un
rôle thématique au sujet. Or, nous venons de voir de nombreux cas,
où cela n’est pas vrai : les construction avec ‹there› explétif, les
contraintes de mise à la forme du passif de l’infinitif, et enfin le cas
de l’islandais. Nous avons aussi soulevé la question de savoir quelles
sont les interprétations racine visées, et s’il est possible d’étendre
les généralisations à tous les verbes modaux sous n’importe laquelle
des interprétations.
Dans une perspective sémantico-pragmatique, certains auteurs ont
récemment soutenu que, sous certaines interprétations, le sujet du mo-
dal semble bien être dans une relation thématique avec le modal.
Contrôle, montée et interprétations des modaux 61
Cette hypothèse pour les modaux s’appuie sur une théorie sémantique
du contrôle dont la portée dépasse le cadre strict des modaux. Ce cadre a
été élaboré par Jackendoff en 1972, et a été développé dans les théories de
Farkas (1988) et plus récemment Jackendoff et Culicover (2003).
(43) a. X α ABLE[αAC T ]
b. X α OBLI GED[αACT ]
Ici ABLE, OBLIGED, ACT dénotent les prédicats être capable de, être
obligé de et agir. X dénote l’entité qui est capable ou dans l’obligation
d’agir, et qui agit.
Du moins en ce qui concerne les déontiques, cette analyse fait écho
à une approche plus récente (Ninan, 2005) qui a soutenu que les déon-
tiques ne prennent que des actions dans leur portée. Ils seraient ainsi
incapables de prendre des états ou des actions passées. D’après Ninan
(ibid.) (44) ne peut avoir qu’une interprétation épistémique.
Ceci montre bien qu’il n’y a pas d’action à contrôler, et que le traite-
ment proposé n’est pas approprié dans ce cas.
64 Modalités et temps
Il en va de même pour les actions passées. (44) peut tout à fait re-
cevoir une interprétation déontique comme (48) le montre :
(48) Pour rentrer dans le cinéma tu dois avoir acheté les billets
Nous concluons avec Sueur (ibid.) et Wumbrandt (ibid.) que les déon-
tiques sont des verbes à montée et non pas des verbes à contrôle.
Rappelons à ce propos que Sueur avait aussi noté que la modalité abi-
litative ne peut pas porter sur un état. Pour (53) la paraphrase en (54-a)
n’est pas satisfaisante.
Tous les arguments ne sont pas concordants pour traiter pouvoir abilita-
tif comme un verbe à contrôle, bien que, prima facie, cela semble être
la conclusion la plus plausible.
Nous revenons sur cette question épineuse au chapitre 6, après
avoir considéré de plus près la notion de capacité au chapitre 5.
Préalablement, au chapitre 4, nous commençons notre étude de a pu et
plus généralement nous nous penchons sur les analyses courantes des
modalités en interaction avec les opérateurs temporels.
4.1 Préambule
1 Nous ne nous occupons pas ici des modalités au futur comme pourra, ni au condi-
tionnel, comme pourrait.
68 Modalités et temps
cette notion, alors que devoir ne semble pas à même d’exprimer cette
interprétation.
(1) Jean peut soulever 50 kilos d’une seule main
Nous avons aussi vu au chapitre précédent que pouvoir abilitatif n’est
probablement pas un opérateur phrastique.
Nous nous focalisons ici sur une troisième particularité découverte
récemment par Bhatt (1999) et qui a trait à celle qu’on appelle l’impli-
cation d’actualité.
Bhatt (ibid.) a noté, pour le hindi, que les phrases avec une moda-
lité abilitative au parfait impliquent la vérité de leur complément (2-b)
(Bhatt, 1999 ; ex. 321). La négation du complément, en effet, résulte en
une contradiction. Cet effet n’est pas obtenu lorsque la modalité est à
l’imparfait (2-a).
(2) a. Yusuf havaii-jahaaz uraa sak-taa hai / thaa (lekin
Yusuf avion voler peut-impf être.pres / être.past (mais
vo havaii-jahaaz nahii uraa-taa hai / thaaa)
lui avion neg voler-impf être.pres / être.past)
Yusuf était capable de conduire un avion (mais il n’en a pas
conduit)
b. Yusuf havaii-jahaaz uraa sak-aa (lakin us-ne havaii-jahaaz
Yusuf avion voler pouvoir-pfv (mais lui avion
nahii uraa-yaa) neg voler-impf être.pres / être.past)
Yusuf était capable de conduire un avion (#mais il n’en a pas
conduit)
On a montré que cette corrélation entre le comportement implicatif et
l’aspect grammatical est à l’oeuvre en français et en italien également
(Hacquard, 2006). Dans leurs emplois abilitatifs, pouvoir et potere au
passé composé (pc) (3-a)-(4-a) sont associés à une implication d’ac-
tualité. Ils forcent la proposition exprimée par leur complément à être
vraie dans le monde actuel. Lorsque pouvoir et potere sont à l’imparfait
(impf) (3-b)(4-b), ils n’entraînent pas cet effet.
(3) a. Gianni a puPC déplacer la table (#mais il ne l’a pas fait)
b. Gianni pouvaitIMPF déplacer la table (mais il ne l’a pas fait)
70 Modalités et temps
commence par noter que l’implication d’actualité surgit avec tous les
emplois dits ‹racine› de pouvoir (et devoir). Cela est par exemple le cas
de l’emploi téléologique (11)-(12) et de l’emploi déontique (13)-(14).
(Nous exposons pour l’instant les arguments de Hacquard, sans noter
les faiblesses de la description sur lesquelles nous revenons au chapitre
5 et 6).
(15) a. Bigley peut bien avoir aimé Jane, comme il peut bien ne pas
l’avoir aimé
b. Bigley a bien pu aimer Jane, comme il a bien pu ne pas l’aimer
c. Bigley pouvait bien aimer Jane, comme il pouvait ne pas
l’aimer
Sens et structure : vers une nouvelle proposition Hacquard épouse
le modèle Kratzerien pour les modalités, dont les composantes
Interaction entre opérateurs modaux et temporels 73
Notons que (16-b) donne lieu à une analyse bi-phrastique, car la mo-
dalité prend une proposition dans sa portée. (16-a) génère une analyse
monophrastique car la modalité prend une propriété d’événements dans
sa portée.
Pour parvenir à expliquer les données, l’argumentation de Hac-
quard procède en deux temps : d’une part l’auteur montre que l’im-
plication d’actualité surgit dans une certaine configuration de portée ;
de l’autre il montre que quand les modaux ont portée large ils ont une
interprétation épistémique, alors que lorsqu’ils ont une portée étroite ils
ont une lecture circonstancielle.
Nous abordons ces questions dans les sections 4.3.2 et 4.3.3 res-
pectivement.
Temps et aspect
De manière tout à fait standard, Hacquard part de l’hypothèse que tout
verbe fournit un prédicat d’événements.
Quant au passé composé, l’auteur propose de le considérer comme
un ‹perfective›, à l’instar du passé simple (Borillo et al., 2004), c’est
à dire comme un aoriste. Le rôle du perfectif est double : d’une part il
apporte une quantification sur les événements et d’autre part il pourvoit
une localisation pour le temps de l’événement relativement au temps
de l’évaluation. Pour symboliser le temps de l’événement, Hacquard
utilise la trace temporelle τ(e) introduite par Krifka (1992). En suivant
Kratzer (1998), Hacquard adopte l’entrée lexicale suivante (17) :
(22)
Mod
∃w′ T
PAST Asp GV
∃e in w′ e
Avant de considérer comment la lecture circonstancielle est obtenue,
il faut souligner une conséquence immédiate de cette analyse. En
considérant que la modalité est interprétée au dessus des autres opéra-
teurs temporels, Hacquard prédit que (23-a) et (23-b) sont synonymes.
L’analyse proposée ordonne ainsi les opérateurs : ‹présent–modaité–
parfait–proposition›. En langue naturelle, cette suite est traduite comme
‹ peut avoir p ›. Nous revenons longuement sur ce point au chapitre 6, où
nous montrons que cette conclusion est erronée.
(23) a. Jeanne peut avoir pris l’avion
b. Jeann e a pu prendre l’avion
Lecture circonstancielle Lorsque le modal prend portée étroite, sous
l’aspect, l’interprétation obtenue pour pouvoir est circonstancielle.
(24) a. Jane a pu courir (abilitatif )
b. [GT passé[GAspperf[GModcan[GV Jane courir]]]]
Rappelons que, dans ce cas, le modal prend une propriété d’événements.
(25) VcancircBw,B,ø,c = λP<sϵt>.λe<ϵ>∃w′ compatible avec les circonstances
en w tel que P (w′)(e) (= (16-a))
78 Modalités et temps
(27) V[Mod can [GV Jane run]] Bw,B,ø,c = Vcan Bw,B,ø,c (λw′ VJane run Bw′,B,ø,c) =
λe.∃w′ compatible avec les circonstances en w tel que run(e, J, w′)
(29)
Interaction entre opérateurs modaux et temporels 79
(37) Jane a pris le train, mais elle aurait pu faire le voyage en voiture
(Hacquard, 2009 : 299, ex. 39)
(38) Bill a à tort pensé que le mariage de Mary était des funérailles
Des études récentes sur le Grec ont par ailleurs montré que la présence /
absence de l’implicature d’actualité ne coïncide pas toujours avec une
distinction aspectuelle et reviennent ainsi sur la découverte qui a motivé
les études de Bhatt (1999) et Hacquard (2006). En particulier, Gianna-
kidou et Staraki (à paraître) montrent que, aussi bien pour pouvoir à
l’imparfait qu’au passé composé, un élément paratactique ‹et› est res-
ponsable de l’introduction de l’implicature d’actualité. L’exemple (42)
montre que, grâce à cet élément, l’implicature d’actualité surgit avec
l’imparfait également.
(42) O Janis bori ke pini 10 bires kathe vradi (#ala den (tis) pini)
John pouvait et buvait 10 bières par nuit (# mais il ne les
buvait pas)
Les modalités pour le passé ont tantôt une perspective présente, tantôt une
perspective passée. Selon la perspective adoptée, (44) reçoit deux interpré-
tations différentes. Si la perspective est présente l’interprétation est épis-
témique. Le locuteur émet ainsi la conjecture qu’il a gagné dans le passé.
Si la perspective est passée, cette phrase de l’anglais a une lec-
ture contrefactuelle. Dans le passé, il était possible (encore) qu’il gagne
(mais on sait qu’il n’a pas gagné).
Afin d’obtenir ces deux interprétations (et les paraphrases que nous en
avons données), il est nécessaire de prendre en compte un deuxième pa-
ramètre, à savoir l’orientation du modal. L’orientation du modal donne
la localisation temporelle de l’événement décrit dans l’infinitive sous
le modal relativement au temps de la perspective modale. On a appelé
l’orientation du modal, le ‹temps de l’événement›.
L’orientation du modal peut être présente, future, ou passée.
Avec les modalités pour le présent, elle est future en (45-a) : l’éven-
tualité4 ‹gagner le match› est future par rapport à la perspective modale.
Notons que dans ce cas, l’éventualité est de type éventif (non-statif ).
L’orientation du modal est présente en (45-b) : l’éventualité ‹être ma-
lade› coïncide avec la perspective modale.
4 Nous employons le terme ‹éventualité› dans le sens de Bach (1988), comme sub-
sumant les événements et les états.
88 Modalités et temps
(49) AT(t,w,P) =
a. ∃e[P (w)(e) ∧ τ (e, w) ⊆ t] si la propriété est une propriété
d’événements
b. ∃e[P (w)(e) ∧ τ (e, w) 8 t] si la propriété est une propriété
d’états
c. ∃eP (w)(t) si la propriété est une propriété de temps
Comme nous l’avons mentionné plus haut, les modaux sont aussi des
opérateurs temporels. En particulier, ce sont des fonctions qui
prennent des propriétés d’éventualités ou des propriétés de temps et
renvoient des propriétés de temps. Cependant, ils ne décalent pas le
temps d’évaluation. En revanche ils étendent le temps d’évaluation
en avant.
De plus, comme généralement admis, les modaux instancient P
dans des mondes possibles. M B est une fonction fixée par le contexte de
paires mondetemps à des mondes (il s’agit de la relation d’accessibilité
Interaction entre opérateurs modaux et temporels 91
Soulignons ici trois points. 1. Le modal fait glisser vers le futur la trace
temporelle de l’événement. 2. La relation entre la trace temporelle de
l’événement et l’intervalle établi par le modal est déterminée par le type
d’événement. 3. Le parfait établit le temps de référence comme passé.
En particulier il agit à deux niveaux. D’une part il fait glisser l’évalua-
tion modale dans le passé en établissant l’accessibilité à un temps passé
t ′ (i.e. ∃ w ′(w ′ ∈ M B(w, t ′))), et d’autre part il situe la trace temporelle
de l’événement dans un l’intervalle (celui établi par le modal) commen-
çant à un temps passé t ′.
Notons qu’il n’est pas requis que l’éventualité ‹gagner le jeu› se
produise avant le temps de l’assertion.
Il nous faut maintenant savoir comment les interprétations épisté-
miques, métaphysiques et contrefactuelles sont obtenues. Pour cela, il
est nécessaire de considérer la théorie des modèles adoptée par Condo-
ravdi, et en particulier la structure des possibilités. Nous nous tournons
vers cette question dans la section qui suit.
(62) ‹Settledness›
Pour tout w ′, w ′′ ∈ cg tels que w ′ .t0 w ′′ :
AT (t0, w ′, P) ssi AT (t0, w ′′, P)
Lorsque P est instanciée en t0 ou un temps t′ passé par rapport à t0,
l’éventualité est considérée comme établie. D’autre part, P n’est pas
établi dans le futur de t0 (à moins que l’on ne signale autrement6).
Condoravdi explique que, si la phrase est évaluée relativement
à un common ground qui satisfait la condition (62), une assertion
avec un modal de possibilité construit avec une base modale méta-
physique est équivalente à une assertion sans modalité. En d’autres
termes, un contexte avec un common ground qui satisfait ‹settled-
ness› pour une propriété P à laquelle le modal s’applique, ne fixe
pas la base modale comme métaphysique. C’est donc pour éviter
une équivalence entre assertion avec et sans modalité que le contexte
associe une modalité avec une base modale métaphysique seulement
si le common ground pour ce contexte ne satisfait pas (62). Pour que
le common ground ne satisfasse pas (62), la condition suivante (63)
doit être satisfaite :
6 Cela est le cas dans l’exemple suivant : «It has been decided who he will meet, but I do
not know who? He may see the dean». Il a été décidé qui il va rencontrer, mais je ne
sais pas qui. Cela peut être le doyen. Bien que l’éventualité soit localisée dans le futur,
la question a été établie et la modalité reçoit ainsi une interprétation épistémique.
Interaction entre opérateurs modaux et temporels 97
«… est utilisé pour communiquer que nous pouvons maintenant être dans un
monde dont le passé inclut l’événement de sa victoire du match. La possibilité
Interaction entre opérateurs modaux et temporels 99
existe en vertu de l’état épistémique du locuteur : le fait qu’il ait gagné le match
est cohérent avec l’information dont le locuteur dispose …»
(66) p→p
(67) a. Ce kiwi doit être bon, mais je ne l’ai pas encore goûté. Peut-être
qu’il sera mauvais.
b. Ce kiwi est bon, #mais je ne l’ai pas encore goûté. Peut-être
qu’il sera mauvais.
Il existe diverses explications à cette ‹faiblesse›. Les unes, prag-
matiques, la localisent dans la force de l’assertion (e.g. Kartunnen
ibid.), les autres, sémantiques, situent la faiblesse de à un niveau
vériconditionnel (e.g. en incluant dans la base modale des mondes
dans lesquels p est fausse, comme Condoravdi (ibid.) ; voir von
Fintel and Gillies (2010) pour une discussion des théories plus
anciennes).
Dans la théorie la plus récente, von Fintel and Gillies (2010) re-
viennent sur la notion de ‹faiblesse› et expliquent que le modal épisté-
mique n’a rien de ‹faible›, mais qu’il s’agit simplement d’un évidentiel,
marquant que la source sur laquelle l’assertion est basée est indirecte (et
il s’agit essentiellement d’une inférence).
Ce faisant, les auteurs remettent par là même en cause l’idée que la
base modale contient des ¬p-mondes (i.e. des mondes dans lesquels p
est fausse). Ils observent par exemple la bizarrerie des phrases en (68),
inattendue si la base modale satisfaisait une condition de diversité à
la Condoravdi9. Peut-être partitionne en effet une base modale de telle
sorte que p et ¬p sont vrais, tout comme on l’attendrait si must était
‹faible›.
(70) Où est Pierre ? Je ne sais pas. Il peut être dans sa chambre, il peut
être dans le jardin, ou alors, il est dans la cave (Tasmowski et
Dendale ibid. : 46)
D’un point de vue formel, cela revient à reconnaître que, dans la base mo-
dale, il existe bien des possibilités (des mondes) dans lesquels l’hypothèse
énoncée est fausse. La condition de diversité est donc bien à l’oeuvre pour
pouvoir épistémique : la base modale contient des p-mondes (i.e. dans
lesquels p est vrai) et des ¬p-mondes10.
En termes logiques, cela revient à noter trivialement que l’axiome
(71) n’est pas valide pour la modalité avec force quantificationnelle exis-
tentielle et donc que p est plus faible que p (p implique en effet p).
(71) # p → p
… et lectures racine
Condoravdi semble souscrire à la condition de diversité pour l’en-
semble des expressions modales. Il nous semble cependant que cette
10 Comme pour von Fintel et Gillies, cette condition ne semble pas être en oeuvre
pour devoir dans la théorie de Tasmowski et Dendale.
Interaction entre opérateurs modaux et temporels 103
(75) Jean va à l’école. C’est normal, il doit y aller car l’école est obli-
gatoire à partir de 6 ans.
En deuxième lieu, il n’est pas tout à fait correct de limiter l’emploi des
modalités non-épistémiques au cas de la sous-catégorisation de prédi-
cats verbaux dénotant des événements. Comme nous l’avons déjà si-
gnalé au chapitre 3, dans les conditionnels anakastiques, la modalité
déontique peut être suivie d’un verbe étatique.
Enfin, la modalité déontique est tout à fait compatible avec des actions
passées. Dans ce cas, à nouveau, la condition de diversité n’est pas sa-
tisfaite, sans que l’usage de la modalité ne devienne illicite.
(77) Pour conduire cette voiture, tu dois avoir passé un permis de type B
porte pas toujours sur une proposition. Nous étudierons en détails les
distributions.
Avant d’en venir à ces questions, nous dédions le chapitre suivant
à des approches dites ‹ontologiques› de la relation entre modalité et
temps en français. Ces approches ne souscrivent pas à l’option du mou-
vement syntaxique et pourvoient un premier amendement à la descrip-
tion donnée par Hacquard (ibid.).
4.5 Conclusion
5.1 Préambule
A nouveau, il semble que, dans certains cas, cette condition ne soit pas
non plus nécessaire1.
1 Notons cependant qu’avec un sujet rigide, la coercion a lieu (Corblin, p.c.) Jean peut
connaître jusqu’à un millier de signes. Pour une explication de ce phénomène, voir
Mari, Beyssade et Del Prete (à paraître).
112 Modalités et temps
Approches conditionnelles
Analyse conditionnelle standard et ses amendements Il existe deux
versions de la théorie conditionnelle : la ‹would›-conditionnelle, dans
laquelle on a une quantification universelle sur tous les mondes acces-
sibles et la ‹might›-conditionnelle, dans laquelle on a une quantification
existentielle. Chacune présente des inconvénients majeurs.
(7) Would-conditionnelle : S a la capacité de A si et seulement si S
ferait A dans tous les mondes où S essaierait A
Le premier contre-exemple à cette analyse est dû à Wolf (1990). Soit
un joueur de golf très doué. Ce joueur de golf rate un coup très facile.
Etant donné que ce joueur de golf a essayé un coup facile et qu’il n’est
pas parvenu à le réussir, il découle de la définition (7) qu’il n’a pas la
capacité de mettre en oeuvre ce coup facile. Cependant, puisqu’il est un
joueur de golf doué, il a probablement la capacité de parvenir à faire ce
coup facile.
Un deuxième contre-exemple que nous empruntons à Thomason
(2005) est illustré par le cas suivant.
« … Suppose that I am offered a bowl of candies and in the bowl are small round
red sugar balls. I do not choose to take one of the red sugar balls because I have
a pathological aversion to such candy. (Perhaps they remind me of drops of blood
and …) It is logically consistent to suppose that if I had chosen to take the red
sugar ball, I would have taken one, but, not so choosing, I am utterly unable to
touch one …»
« … Suppose que l’on m’offre un bol avec des bonbons et que dans le bol il y ait
des petit bonbons rouges et ronds. Je choisis de ne pas prendre l’un des bonbons
rouges et ronds parce que j’ai une aversion psychologique à ce type de bonbons
(peut-être qu’il me rappellent des gouttes de sangs et …) Il est logiquement con-
sistant de supposer que, si j’avais choisi un bonbon rouge j’en aurais pris un, mais,
en ne le choisissant pas, je suis complètement incapable d’un toucher un …»
2 Voir Fara, 2008 pour une discussion plus exhaustive. Les questions étant d’ordre
philosophique essentiellement, nous ne poussons pas ici la discussion plus loin.
La notion de capacité : analyses et données 115
(13) (CD) x est disposé à se casser quand il est cogné si et seulement si,
s’il était cogné, il se casserait.
Possibilité restreinte
Solution dans un cadre Kratzerien Comme nous l’avons vu au cha-
pitre 2, dans un cadre Kratzerien, la notion de capacité est traitée comme
un type de possibilité.
On note tout d’abord que pour que S ait la possibilité de A il est né-
cessaire (mais pas suffisant) qu’il soit possible que S mette en oeuvre
A. Il est cependant également important de choisir une base modale
appropriée. Comme Kratzer même le note, la capacité est une possi-
bilité relative à un ensemble spécifique de conditions. Dans les termes
que nous avons introduits au chapitre 2, S a la capacité de mettre en
oeuvre A, s’il existe un monde accessible où S met en oeuvre A. La
tâche à accomplir sera alors de déterminer quelle est la relation d’ac-
cessibilité ou, en d’autres termes, quelle est la restriction qui pèse sur
la base modale.
(15) p → ◊p
«… A hopeless darts player may, once in a lifetime, hit the bull, but be unable to
repeat the performance because he does not have the ability to hit the bull …»
«… un mauvais joueur de fléchettes, peut, une fois dans sa vie, mettre dans le
mille, mais être incapable de répéter cette performance car il n’a pas la capacité
de mettre dans le mille …»
«… Il y en a qui, comme les mégariens, disent que quelque chose est ‹capable›
seulement lorsqu’elle agit, et que, lorsqu’elle n’agit pas, elle n’est pas capable.
118 Modalités et temps
Par exemple, quelqu’un qui n’est pas en train de faire une construction, n’est pas
capable de faire une construction, mais quelqu’un qui est en train de faire une
construction est capable lorsqu’il est en train de faire une construction ; et ainsi de
même dans d’autres cas. Il n’est pas difficile de voir les conséquences absurdes de
cela (Aristote Métaphysique : 1046b) …»
On admet qu’il s’agit là d’une vue erronée des capacités, car nous avons
maintes capacités que nous n’exerçons pas nécessairement.
Une question plus délicate est en revanche de savoir si l’exis-
tence d’une action est une condition suffisante pour l’attribution d’une
capacité.
La question a été soulevée par Aristote (qui y répond par l’affirma-
tive). Nous nous arrêtons sur cette question en ouvrant une parenthèse.
«… ‹Possible› est lui-même ambigu. Il est utilisé d’une part pour des faits et des
choses qui son actualisés ; il est possible pour quel- qu’un de marcher pour autant
qu’il marche et, de manière géné- rale, nous disons de quelque chose qu’elle est
possible du moment qu’elle est réalisée. D’autre part, ‹possible› est utilisé pour
une chose qui pourrait être réalisée maintenant ; il est possible pour quelqu’un de
marcher du moment qu’il le ferait dans certaines conditions …»
«… it follows merely from the premise that he does it, that he has the ability to do
it, according to ordinary English …»
way compels us to retract our assertion that he was able to hit three bull’s-eyes
in a row. He was able to do it, but without any regularity. Therefore he does not
have this sort of ability at target shooting. The story reveals the ambiguity of
expressions from the ‹being able› family. […] ‹Was able› sometimes means ‹had
the ability›, and sometimes means ‹did› (Thalberg, 1972 : 212). …»
La notion de capacité : analyses et données 121
«… Etant donné un paquet de cartes, j’ai la capacité d’en prendre une qui soit
rouge ou noire ; en revanche, je n’ai pas la capacité d’en prendre une rouge ou la
capacité d’en prendre une noire sur demande …»
Avant de nous pencher sur une des solutions, nous voudrions noter qu’il
est impossible de distribuer l’opérateur de nécessité sur une disjonction.
(17) n’est un axiome dans un aucun des systèmes que nous avons envi-
sagés au chapitre 2.
(17) □(p ∨ q) → □p ∨ □q
S’il est nécessaire que Anne ou Marie vienne à la fête, il n’est pas
pour autant nécessaire que Anne vienne à la fête ou que Marie vienne
à la fête. Notons que la distribution de l’opérateur modal ne vaut pas
non plus pour d’autres types de modalités, comme il est probable
que. S’il est probable que Marie ou Anne vienne à la fête, il ne suit
pas qu’il est probable que Anne vienne à la fête ou que Marie vienne
à la fête.
Cela induirait à penser que la modalité abilitative se rangerait du
côté de la modalité nécessaire. Nous avons en effet noté qu’il n’existe
pas de dual de nécessité de pouvoir abilitatif. Son analyse pourrait donc
demander que la notion de nécessité soit mobilisée à un certain moment
comme certains auteurs l’ont suggéré (voir e.g. Belnap, 1991).
Nous nous attardons ici sur la solution de Cross (1986), qui intègre
l’agent dans la relation d’accessibilité (voir aussi Hackl, 1998). Comme
nous l’avons vu au chapitre 2, Kratzer (1981) préconisait déjà que, pour
la possibilité abilitative, l’agent jouerait un rôle plus important que pour
les autres interprétations de la modalité existentielle.
(24) Jean peut ne pas cligner des yeux pendant une minute
La raison pour laquelle (24) semble tout à fait naturelle est que ‹ne
pas cligner des yeux› demande que l’agent contrôle l’action, alors que
‹cligner des yeux› ne requiert pas de contrôle. On notera que (25) est
quelque peu bizarre.
Ceci montre au moins deux choses. La première est qu’il est possible de
construire la représentation d’une action négative. ‹Ne pas cligner des
yeux› dénote une action particulière qui est celle de l’empêchement de
mettre en oeuvre le mouvement naturel des yeux.
En deuxième lieu, (25) montre que toute action que nous menons
n’a pas de capacité qui la sous-tend. Pour l’action ‹cligner des yeux› il
5 Une présentation exhaustive de son système est impossible, car l’article de Thomason
auquel nous faisons ici référence, est, pour cette partie, en cours de construction.
La notion de capacité : analyses et données 125
Une notion d’effort est cependant bien à l’oeuvre. En effet, (27), sachant
que je suis une locutrice native de l’italien est bizarre.
(27) Je peux comprendre l’italien
lorsque pouvoir est à l’imparfait. Ceci semble au premier abord être aussi
bien le cas en français qu’en italien. Les données sont rappelées en (28).
(28) a. Gianni a pu déplacer la table (#mais il ne l’a pas fait)
b. Gianni pouvait déplacer la table (mais il ne l’a pas fait)
(29) a. Gianni ha potuto spostare il tavolo (#ma non lo ha fatto)
b. Gianni poteva spostare il tavolo (#ma non lo ha fatto)
Pour expliquer les emplois au passé composé Bhatt (ibid.)–en utilisant
des données comparables en hindi–expliquait que pouvoir abilitatif est
un verbe implicatif comme réussir à. Il argumentait que l’implication
d’actualité, dérivée par un postulat de signification, est effacée à l’im-
parfait en vertu d’une composante modale de l’imparfait lui-même.
Nous avons vu que cette explication est problématique : d’une part
parce qu’elle suppose qu’il existe deux pouvoir l’un abilitatif, impli-
catif, et les autres (épistémique, déontique etc …), non implicatifs ;
d’autre part, parce que l’imparfait n’est pas à même d’effacer l’implica-
ture d’actualité des verbes implicatifs comme réussir.
Le rôle de l’aspect
L’hypothèse de M&M est que la distinction au plan ontologique se re-
flète dans la distinction au plan aspectuel. Etant donné que l’imparfait
La notion de capacité : analyses et données 131
5.3.4 Critique
α→β
(44) β
α
On infère que Sarah a tenu sur sa tête hier à midi. Pour expliquer cette
inférence on adopte la perspective de l’interlocuteur. On commence
par observer que plus une capacité est présentée comme située dans
un temps donné, plus elle sera susceptible d’être construite comme une
capacité simple. L’utilisation de l’adverbe hier à midi signale en effet
que Sarah ne pouvait pas tenir sur sa tête ni avant, ni après ‹hier à midi›.
Pour cette raison l’interlocuteur aura tendance à éliminer l’option selon
laquelle la phrase dénote une capacité générale.
Piñón considère alors l’attribution de la capacité simple et pose alors
la question de savoir ce qui explique son existence. Rappelons qu’une
capacité simple est une capacité en puissance. Une capacité simple pour
un agent x de mettre en oeuvre une action de type E ne garantit pas qu’il
y ait un événement dans lequel x mette en oeuvre cette action. Cependant
(et ceci est crucial), si un tel événement existe, à l’instant t immédiate-
ment avant e, x avait la capacité simple de mettre en oeuvre E. Donc, le
fait que x mette en oeuvre E est une explication pour l’existence de la ca-
pacité simple de mettre en oeuvre E à un moment immédiatement précé-
dant la réalisation e de E. Formellement, le raisonnement sera le suivant
α→β
(48) β
α
α (action) → β (capacité)
(50) α (action)
β (capacité)
5.5 Conclusion
6.1 Préambule
Dans le reste de cette étude nous nous concentrons sur le cas de a pu.
La discussion menée dans ce chapitre est essentiellement empi-
rique. Nous commençons par proposer une systématisation des faits
qui vont nous occuper dans la suite de ce travail en section 6.2. Nous
reprenons un certain nombre de cas que nous avons discutés dans les
chapitres précédents mais, d’emblée, présentons de nouveaux faits
que toute théorie doit prendre en compte (et qui ont été passés sous
silence par les approches que nous avons discutées auparavant). Nous
articulons la discussion autour de trois questions. (a) Nous considé-
rons d’abord celle des conditions d’usage de la modalité épistémique
en relation avec la disponibilité des preuves ; (b) nous revenons sur
la distinction entre modalités à contrôle et modalités à montée, et (c)
nous creusons davantage la question de la spécificité de l’interpréta-
tion abilitative. Pour chacune de ces questions, nous rappelons l’en-
jeu et présentons de nouveaux arguments empiriques nous permettant
d’infirmer les approches courantes et d’envisager de nouvelles pistes
de recherches.
Nous nous concentrons sur le cas de a pu, mais le champ d’étude
va vite s’élargir à une comparaison avec pouvait et peut en français,
et avec ha potuto en italien, dans une perspective comparative. Nous
nous occuperons principalement des interprétations épistémiques
et abilitative, mais nous les comparerons régulièrement à l’interpréta-
tion déontique.
Le but de cette étude sera de proposer un nouveau modèle pour
l’ambiguïté des modaux. Nous montrerons que, s’il est impossible
d’établir un modèle qui couvre tous les cas de manière systématique,
140 Modalités et temps
Les faits que notre théorie doit couvrir sont les suivants.
(8) Gianni ha potuto parlarle più volte, ma non ha mai avuto il corag-
gio di farlo
Jean a pu lui parler à maintes reprises, mais il n’a jamais eu le
courage de le faire
(9) ? ? Il robot ha potuto stirare le camicie a uno stadio ben preciso del
suo sviluppo, ma non lo ha mai fatto
Le robot a pu repasser les chemises à un stade bien précis de son
développement, mais il ne l’a jamais fait
(10) Jean a pu être malade et c’est pour cette raison qu’il n’est pas
venu à la fête
(11) Gianni ha potuto essere malato ed è per questo che non è venuto
alla festa
(12) Français :
La question
Nous avons vu que a pu pose un vrai défi à la théorie de l’interpréta-
tion épistémique (voir chapitre 2). Rappelons ici le problème. On a vu
que l’usage de la modalité épistémique mobilise les connaissances du
locuteur et que le domaine de quantification de la modalité est celui
des mondes compatibles avec ce que le locuteur sait dans le monde
actuel au moment de l’assertion. Nous avons vu plus spécifiquement
que l’emploi épistémique de la modalité requiert que les connaissances
du locuteur soient ‹indirectes›. En d’autres termes, le locuteur n’a pas
de source de connaissance lui permettant de statuer en w si p ou ¬p. p
est en revanche donné comme vrai dans des mondes compatibles avec
la connaissance indirecte que le locuteur a en w. Notons que le monde
‹base› est w.
Le cas de a pu (III) 145
2 Corblin c.p. remarque que la phrase est bizarre si on utilise une expression
référentielle en position sujet au lieu d’une expression attributive comme ‹roi› : ? ?
Louis XIV a pu être petit. La bizarrerie semble due à une question d’évidentialité:
l’usage du nom propre induit une notion de familiarité indiquant que le locuteur
dispose de preuves relativement certaines sur lesquelles appuyer sa conjecture
contrairement à ce qui est attendu par l’usage de la modalité épistémique.
Le cas de a pu (III) 147
Cela n’est cependant pas toujours le cas. (23-a) peut être par exemple
prononcée aujourd’hui à propos de Louis XIV, devant un lit exposé au
château de Versailles. Dans ce cas, la perspective modale semble être le
passé, alors que le temps de l’évidence est le présent.
(24) Vu ce que je sais maintenant, il est possible que le roi était petit
Nouveaux arguments
Nous revenons dans cette section sur les arguments de Hacquard (2006),
et proposons des contre-arguments empiriques au fait que (27-a) et
(27-b) sont synonymes. D’autre part, nous revenons sur l’argument que
le passé composé détermine le temps de l’événement. Nous commençons
par ce deuxième argument.
Questions et réponses
Comme on l’a vu au chapitre 3, on a souvent soutenu qu’il est possible
de classer les modalités tantôt comme verbes à contrôle, tantôt comme
verbes à montée. Les modalités racine et non racine appartiendraient
alors à chacune de ces deux classes respectivement. Qu’est-ce que cela
signifie au plan sémantique ?
Selon Brennan (1993) qui adopte cette distinction, les modalités
sont de deux types différents, donnés respectivement en (34-a) et (34-b)4.
4 Notons que cette même analyse avait été adoptée en des termes non formels par
Sueur (1979).
Le cas de a pu (III) 153
Les modalités racine sont donc une fonction d’individus à des proposi-
tions, alors que les modalités non-racine sont uniquement une fonction
de mondes à des valeurs de vérités.
Nous avons vu que, d’après Wumbrandt (1999), cette distinction
est à remettre en cause, et que toutes les modalités sont à traiter comme
des verbes à montée. Au plan sémantique, elles devraient toutes être
traitées comme en (34-b).
En suivant cette idée, Hacquard (2006) propose alors, selon l’hy-
pothèse de Cinque (1999), de distinguer les modalités sur la base de la
hauteur d’interprétation dans l’arbre syntaxique. Les modalités épisté-
miques sont des opérateurs de phrase qui ont portée sur tous les autres
opérateurs phrastiques, alors que les modalités racine prennent des pro-
priétés d’événements et sont interprétées sous la portée des opérateurs
temporels, par exemple. Il est toutefois à noter que le sujet phrastique
est interprété sous la modalité. Comme le propose Wumbrandt, Hac-
quard admet que la modalité ne sélectionne pas son propre sujet (voir
l’analyse de Hacquard de l’interprétation abilitative de a pu au chapitre
3). Toutes les modalités sont ainsi revendiquées être de type 〈st 〉 par
Hacquard également.
Cette conclusion trouve des arguments contraires chez Thomason
(2005) qui propose de traiter, au moins la modalité abilitative, comme
un verbe sélectionnant un agent et une action. La modalité abilitative
est ainsi traitée comme sui generis et est considérée être du type donné
en (35). La modalité abilitative dénote selon Thomason une relation
entre un individu et une action (∈ est le type pour les événements).
5 Il est, couramment mais à tort, soutenu (e.g. Ninan, 2005) que devoir déontique est
compatible uniquement avec des prédicats éventifs qui ne sont pas sous la portée du
passé. Cette croyance s’inscrit dans une mauvaise conception de la modalité déon-
tique, qui l’assimile aux impératifs (voir aussi Portner, 2009). Or les impératifs ne sont
effectivement pas compatibles avec les actions passées (*Aies acheté les billets ! ),
mais comme (36-a) le montre, les déontiques le sont. De même, comme on le voit en
(38-a), les déontiques sont compatibles avec les états, alors que l’impératif ne l’est pas.
Sois un homme ! est acceptable seulement si le prédicat est coercé en une propriété
éventive. Pour une discussion des impératifs, voir Mari et Schweitzer, (2010).
Le cas de a pu (III) 155
Notons tout de même (et nous y reviendrons dans la section 6.3.3) que
parfois la modalité abilitative est compatible avec des états :
(39) Tu peux comprendre le français
On n’a donc pas de raisons de traiter de manière uniforme la modalité
déontique et abilitative : la première peut prendre portée large ou étroite,
alors que la deuxième peut prendre portée étroite uniquement. La première
est compatible aussi bien avec les verbes statifs et non statifs, alors que la
deuxième est compatible avec les prédicats non-statifs uniquement.
(40) Epistémique
a. Jean peut être malade
b. Jean a pu être malade
(41) Abilitatif
a. Jean peut monter à cheval
b. Jean a pu monter à cheval
156 Modalités et temps
1. Les impersonnelles. Alors qu’il ne fait pas de doute que, sous l’inter-
prétation épistémique, aussi bien peut que a pu sont des verbes à montée
(Tasmowski, 1980), peut et a pu semblent être des verbes à montée, dans
leur interprétation abilitative également. On remarque que, sous cette in-
terprétation, ils sont en effet compatibles avec les constructions imperson-
nelles (43).
(43) a. Il peut y avoir une fête pour autant qu’il n’y a pas de bruit
b. Il a pu y avoir une fête grâce à l’intervention de la mairie
(44) a. Les biscuits peuvent être mangés par Jean en une seule fois
b. Les biscuits ont pu être mangés par Jean en une seule fois
6 Soulignons qu’il s’agit ici d’une préférence et que la forme non-progressive est
acceptable aussi, comme dans le discours suivant. A : Que mange Jean ? B : Je ne
sais pas. Euh … Il peut manger un sandwich ou une tarte.
Le cas de a pu (III) 157
Montée Contrôle
Impersonnelles Pass. \\ Dislocation Opérateur
Infinitif non-phrastique
peut t t t t
a pu t t 8 t
ha potuto 8 8 t t
160 Modalités et temps
La question de l’agent
La troisième question est directement liée à la deuxième et concerne
plus spécifiquement le rôle de l’agent. On a vu que Kratzer (1981)
considérait déjà que l’agent devait rentrer en ligne de compte, du moins
dans la détermination de la base modale de la modalité abilitative (voir
Le cas de a pu (III) 161
Nous avons aussi vu que (80) est naturel seulement si Aude n’est
pas une locutrice de l’italien.
(80) Aude peut comprendre l’italien
Kratzer (1981) avait proposé le contraste suivant, qu’elle expliquait par
une notion de surprise.
(81) a. ? ? Ce couteau peut couper
b. Ce couteau peut couper de la pierre
Enfin, nous venons de voir que pouvoir abilitatif n’est pas compatible
avec tous les types d’états ni avec les actions passées.
6.4 Conclusion
7.1 Préambule
1 Pinkal (1985) utilise le terme de ‹précisification› que nous emploierons aussi dans
cette étude.
172 Modalités et temps
7.3.1 Décompositions
Le français a pu
Tout d’abord, notre analyse ne repose pas sur le mouvement. Nous par-
tons donc des décompositions en (1-b) et (2-b) pour (1-a) et (2-a) res-
pectivement, où tous les opérateurs restent en place.
L’italien ha potuto
Pour l’italien può / ha potuto, nous nous appuierons sur les décompo-
sitions suivantes :
(7) a. Gianni può aver preso il treno
Jean peut avoir pris le train
b. PRES(MOD(PERF(P)))
(8) a. Gianni ha potuto prendere il treno
Jean a pu prendre le train
b. PRES(MOD(PUÒ(P)))
Nous avons vu que ha potuto, suivi d’une éventualité non-stative, a par
défaut une interprétation abilitative et que, pour la plupart des cas, l’im-
plication d’actualité est obligatoire. Nous le considérerons donc uni-
quement comme un verbe à contrôle.
(13) Gianni ha potuto parlarle più volte, ma non ha mai avuto il corag-
gio di farlo (opportunité /–ia)
Jean a pu lui parler plusieurs fois, mais il n’a jamais eu le cou-
rage de le faire
2 Nous reviendrons sur cette question au chapitre 8 lorsque nous regarderons peut
de plus près.
Le cas de a pu (IV) 183
(24)
3 Pour les raisons qui induisent à cette conclusion, voir section suivante. Cette con-
trainte vaut aussi bien pour les prédicats d’événement que d’état.
Le cas de a pu (IV) 185
(26)
7.3.4 Analyse
A pu : verbe à montée
(27)
(28)
Le cas de a pu (IV) 187
(29)
(32)
(33)
Le cas de a pu (IV) 191
On voit ici que le parfait opère sur des propriété d’événements, et non
pas des propositions. En particulier, il opère sur un événement (qu’il
localise dans le passé par rapport au temps de référence). Il pourvoit
aussi un événement résultant, auquel le contexte assigne la description
Q (Schaden, 2009). Le présent est ensuite interprété, et l’événement
résultant est localisé au présent.
L’analyse résultante de la phrase est la suivante :
(34) λw∃t', t, e', e[now ⊆t ∧ t' ≺ t ∧ Q(e', w) ∧ t ⊆ τ(e', w)∧
∃w'[(R(w', w, t') ∧ act(e, x) ∧ r(e, w') ∧ t (e, w') ⊆ t')]]]
Paraphrase : Pour un monde donné w, il existe un temps t′, un
temps t un événement e′ tels que now est inclus dans t, t′ précède
t, e′ a la description Q dans le monde w et t est inclus dans la trace
temporelle de e′ en w. Il existe une événement qui a eu lieu en
w, en t′ (donc dans le passé), tel qu’il existe un monde w′ qui est
accessible à partir de w au temps t′ et tel que x est l’agent de e et
que e est un événement r en w′ et la trace temporelle de e en w′ est
incluse dans t′.
7.4 Interprétation
(35)
(36) Epistémique
a. Jean a pu prendre le traineventif
b. Jean a pu être maladestatif
(37) Abilitative
a. Jean a pu déplacer à la voiture, #mais il ne l’a pas fait
b. Le robot a même pu repasser les chemises à un stade précis de
son développement, mais il ne l’a pas fait
c. Jean a pu lui parler plusieurs fois, mais il n’a jamais eu le
courage de le faire
Le cas de a pu (IV) 193
expliquons dans la section qui suit, est tout d’abord une interprétation
contrefactuelle. x a fait l’action, mais il aurait pu ne pas la faire.
L’analyse que nous proposons peut être résumée ainsi : «il existe
un monde dans lequel, dans le passé, Jean a pris le train, et un monde
dans lequel le résultat d’avoir pris le train persiste. Sur la base des
preuves que j’ai maintenant, je ne peux pas exclure que ce monde soit
le monde actuel».
« … un état est toujours un état d’un objet … une autre considération est que la
description d’un état peut ne pas s’appliquer à un objet. Même s’il est vrai que je
4 Corblin c.p. note que cette conclusion est corroborée par l’usage de ‹mais›. En
admettant que ‹mais› enchaîne sur une implicature associée à la phrase principale,
on peut montrer que l’état est donné comme borné: Marie a pu être blonde, mais
elle ne l’est plus.
200 Modalités et temps
Cependant, les recherches récentes sur les états, et notamment les ré-
sultats obtenus par Maienborn (e.g. 2001,2004,2007) ont réduit la dis-
tance qui existe entre les deux. Maienborn explique que certains états
(ce qu’elle appelle les ‹statives›, comme par exemple connaître ) sont à
considérer comme des ‹Kimian states›. Un ‹Kimian state› (d’après Kim,
1976) est un objet abstrait qui exemplifie une propriété P pour un porteur
x de cette propriété x dans un temps t. Les ‹Kimian states› ne sont pas
localisés dans l’espace, mais ils peuvent être localisés dans le temps. Il
ne peuvent pas être observés et sont seulement accessibles à la cognition.
La spécificité des ‹Kimian states› est celle de ne pas pouvoir être
modifiés par un adverbe de manière.
(44) John was a Catholic with great passion in his youth (Jäger,
2001 : 101)
Jean était un catholique avec grande passion dans sa jeunesse
A l’objection de Parsons, Maienborn a répondu que la modifica-
tion adverbiale n’est possible que s’il y a une coercion d’un état à un
événement. Pour (44) on comprend par exemple que John exerçait sa foi
de catholique avec grande passion dans sa jeunesse.
Une classification comme celle de Maienborn (ibid.) induirait alors
à distinguer les objets abstraits des objets concrets. Comme l’explique
Asher (ibid.), les objets abstraits sont une construction qui sert à la
compréhension du langage naturel mais qui n’existe pas en dehors de la
Le cas de a pu (IV) 201
5 La notion de ‹container› est à comprendre dans le cadre d’une analyse basée sur
les distributions. Un ‹container› est un contexte permettant de départager des uni-
tés appartenant à des catégories distinctes.
202 Modalités et temps
8.1 Préambule
8.2.2 Analyse
Analyse semi-formelle
(4)
Le cas de a pu (V) 211
Analyse formelle
L’arborescence complète est présentée en (5). Elle est reprise et com-
mentée en deux temps en (6) et (7).
(5)
212 Modalités et temps
(6)
Le parfait a portée sur l’infinitif et non pas sur le modal. Il prend comme
argument la proposition fournie par le GV et rend une proposition
comme valeur. La proposition dans la portée du modal est donc ‹Jean
avoir fait / été P en t′›, avec t′ précédant un temps t de référence. Comme
toute proposition, celle-ci est en attente de la spécification d’un monde
et d’un temps pour être évaluée. Cette proposition est dans la portée du
modal, qui lui assigne un monde d’évaluation. C’est ce que montre la
deuxième partie de l’arbre.
Le cas de a pu (V) 213
(7)
Prédictions
L’analyse proposée rend bien compte de la différence entre l’interpréta-
tion de a pu et celle de peut.
Tout d’abord, nous pouvons prédire que l’adverbe temporel
‹demain› est compatible avec la modalité au présent, mais pas avec
celle au passé composé. Cela s’explique par le fait que la possibilité
est présentée comme ouverte par la première, mais comme fermée par
214 Modalités et temps
1. Lectures abilitatives.
1.1. Par défaut, pouvoir avec sens abilitatif n’est pas associé,
à l’imparfait, à une implicature d’actualité.
(12) Jean pouvait soulever 100 kilos, mais il ne l’a pas fait.
soit dans les parages. Il s’agira pour nous d’éclaircir la relation entre les
deux interprétations disponibles.
Le tableau qui suit récapitule les distributions des lectures épisté-
miques et contrefactuelle.
(19)
Dans notre analyse, nous avons en revanche soutenu que pouvoir n’est
pas associé à une implication d’actualité, sous aucune de ses lectures.
Lorsque pouvoir est au passé composé, l’implicature est dérivée par un
calcul précis prenant en compte la relation entre des événements, leurs
résultats et les mondes dans lesquels ces résultats sont localisés. Dans
notre cadre, la quantification universelle associée à l’imparfait n’est pas
responsable en premier lieu de l’absence d’implication d’actualité avec
l’imparfait. Dans l’analyse qui suit, nous montrons les mécanismes de
l’interprétation abilitative associée à l’imparfait, et dérivons autrement
l’absence d’implication d’actualité. Nous revenons également sur des
cas négligés par les théories actuelles, où cette implication semble exis-
ter même pour l’imparfait, comme (22) l’illustre. Nous soutenons que
l’effet est d’origine pragmatique et non sémantique.
(22) Hier il pouvait porter 100 kilos d’une main, aujourd’hui il est trop
fatigué
3 Comme pour le passé composé, certains auteurs ont soutenu que l’imparfait
contient une composante modale (e.g. Ippolito, 2004). Nous le considérons clas-
siquement ici comme un opérateur aspectuo-temporel plutôt que modal.
Le cas de a pu (V) 219
Eléments d’analyse
Notons tout d’abord que pouvait se comporte comme un verbe à mon-
tée, d’après les tests de Wumbrandt (1999) : il peut être employé dans
des impersonnelles, et l’infinitif peut être mis à la forme passive.
(23) a. Il pouvait y avoir une fête pour autant qu’il n’y aurait pas eu
de bruit
b. La fête pouvait être organisée par la mairie, mais finalement on
n’en a rien fait
4 On se souviendra tout de même que le test de la reprise par un clitique n’est pas entiè-
rement probant, du fait de l’inusité de la construction, considérée comme archaïque.
220 Modalités et temps
Analyse
Pour les éventualités éventives nous obtenons ainsi l’analyse suivante.
(26) Etant donné un monde w*, il existe un intervalle t qui inclut now
tel que, pour tous ses sous-intervalles t′, il existe un monde acces-
sible à partir de w tel qu’il existe un événement e qui est inclus
dans t′.
(27)
Pour les éventualités statives, l’analyse est la même, à ceci près que la
relation entre l’éventualité et t′ est celle de superposition. Cela induit
que l’état est étalé sur tous les intervalles d’un monde accessible.
(28) Etant donné un monde w*, il existe un intervalle t qui inclut now
tel que, pour tous ses sous intervalles t′, il existe un monde ac-
cessible à partir de w tel qu’il existe un événement e dont la trace
spatio-temporelle se superpose avec t′.
Le cas de a pu (V) 221
(29)
Pouvait + événements
temps de l’assertion. Etant donné que, par défaut, les capacités ne sont
pas nécessairement exercées et que l’on ne peut donc pas les observer,
pour pouvoir la borner, il est nécessaire d’avoir observé qu’elle était
exercée. L’inférence d’actualité surgit alors, et le locuteur / interlocuteur
conclut que dans le passé, la personne en question exerçait la capaci-
té. Enfin, le fait de borner une possibilité non-bornée n’exclut pas que
l’acteur possède encore la capacité de mettre en oeuvre l’action décrite.
Verbes implicatifs à l’imparfait et implicature d’actualité
Nous avons noté qu’à l’imparfait, les verbes implicatifs restent
comme tels.
(33) Il réussissait à soulever 100 kilos
Pour ces verbes, l’implication d’actualité prend la forme d’un postulat
de sens, que l’imparfait n’efface pas. Tout ce que réussissait signifie est
que l’état de réussite s’étale sur tous les sous-intervalles d’un intervalle
de référence.
Lecture contrefactuelle Pouvoir à l’imparfait a aussi une lecture
contrefactuelle. Dans le scénario construit pour (14), nous avons vu que
Susan, sachant que Walt est bloqué dans le trafic, peut asserter :
(34) Il pouvait prendre le train ! (= (14))
Comment cette lecture contrefactuelle est-elle obtenue ? Tout d’abord,
l’événement en question (en (34), ‹prendre le train›) est connu comme
pouvant avoir lieu à un moment précis seulement. L’analyse prédit
qu’une éventualité non-stative incluse dans un intervalle t′. L’imparfait
quantifie universellement sur l’intervalle t′. Il résulte ainsi que l’éven-
tualité ‹prendre le train› est représentée dans chaque t′ dans l’intervalle
de référence. Puisque l’événement ne peut pas se répéter dans le monde
actuel, la possibilité que cet événement continue de se réaliser est donc
uniquement envisageable dans un monde qui n’est pas le monde actuel,
d’où l’interprétation contrefactuelle.
Notons que cette analyse prédit la lecture contrefacteulle sans
prendre en compte la présupposition que Walt n’a pas pris le train, ce
qui révèle son pouvoir explicatif. Elle prend en revanche en compte la
Le cas de a pu (V) 225
Pouvait + états
Ici les preuves (i.e. un petit lit) sont disponibles au temps de l’assertion,
et l’évaluation épistémique a lieu à cet instant. Au vu de l’analyse don-
née, l’explication est la suivante. En 〈w, now〉, 〈w′, now〉 est accessible (en
226 Modalités et temps
Notons que cette lecture épistémique (dans le passé) est également dis-
ponible avec des états transitoires.
Elle est en revanche plus difficile avec des éventualités éventives. Bien
que non totalement exclue, on lui préfère la forme progressive. Avec les
événements, la lecture contrefactuelle surgit plus facilement, selon le
mécanisme que nous avons illustré ci-dessus.
(39)
L’analyse prédit qu’à partir de 〈w, now〉, il est possible d’accéder à une
paire 〈w′, t′〉 telle que le président était mort en 〈w′, t′〉 (la composante
modale rend w′ accessible, la composante imperfective rend t′ acces-
sible, i.e. le monde w′ est accessible à tout moment (en vertu de la quan-
tification universelle induite par l’imparfait)). On sait par ailleurs dans
le présent que le Président est en vie (d’où les pointillés dans la figure
(39)). Or, la possibilité non réalisée que quelqu’un soit mort dans le
passé est toujours disponible. Il semble donc tout à fait non-informatif
d’asserter ‹il pouvait être mort› en choisissant une base modale circons-
tancielle et une perspective présente. Comme dans le présent on sait
que le président n’est pas mort, on remonte le temps dans le monde w′
jusqu’à un moment où la possibilité circonstancielle est encore dispo-
nible. Dans le passé, le président avait été kidnappé, et on sait que cette
situation peut potentiellement conduire au meurtre de la personne kid-
nappée. Cette situation rendait possible, au temps où elle était réalisée,
l’inférence épistémique. Pour le locuteur, au vu des preuves qu’il avait
(la situation de kidnapping), la conjecture que le président pouvait mou-
rir à ce momentlà était envisageable. En d’autres termes, il ne pouvait
pas exclure qu’il se trouvât dans un monde où le président était mort.
Le même raisonnement est en oeuvre pour un cas comme (37). La
possibilité circonstancielle qu’un tigre soit dans les parages n’existe plus
au temps de l’assertion. La modalité à l’imparfait permet non seulement
de se déplacer sur un monde w′, mais aussi (grâce à la quantification
universelle sur les temps) de remonter le temps jusqu’au moment t′ où un
228 Modalités et temps
En revanche (38) n’est pas compatible avec une lecture épistémique avec
une perspective présente. La lecture épistémique avec perspective mo-
dale présente requerrait que l’éventualité soit accessible (i.e. persiste)
au temps de l’assertion, ce qui est impossible étant donnée sa nature
éventive. La lecture épistémique avec perspective modale présente est en
revanche possible si l’événement est à la forme progressive comme en
(41) (voir aussi (25-b)) (notons que (41) est acceptable avec évaluation
de la modalité passée et présente).
(41) Il pouvait être en train de prendre le métro
(43)
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L'expression de la répétition en français: analyse linguistique et formalisation, 2013.
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