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Manifestations dermatologiques

des maladies d’organes


Dermatologie et médecine, vol. 4
Springer
Paris
Berlin
Heidelberg
New York
Hong Kong
Londres
Milan
Tokyo
Didier Bessis

Manifestations dermatologiques
des maladies d’organes
Dermatologie et médecine, vol. 4

avec la collaboration de
Camille Francès, Bernard Guillot et Jean-Jacques Guilhou
Didier Bessis
Dermatologue
Praticien hospitalier
Centre hospitalier et universitaire
Hôpital Saint-Éloi
80, avenue Augustin-Fliche
34295 Montpellier cedex 5

Camille Francès
Professeur de dermatologie-vénérologie
Hôpital Tenon
4, rue de la Chine
75020 Paris

Bernard Guillot
Professeur de dermatologie-vénérologie
Chef du service de dermatologie
Centre hospitalier et universitaire
Hôpital Saint-Éloi
80, avenue Augustin-Fliche
34295 Montpellier cedex 5

Jean-Jacques Guilhou
Professeur de dermatologie-vénérologie
Centre hospitalier et universitaire
Hôpital Saint-Éloi
80, avenue Augustin-Fliche
34295 Montpellier cedex 5

ISBN 978-2-287-72072-7 Springer Paris Berlin Heidelberg New York

© Springer-Verlag France, Paris, 2012


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à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.

Couverture : Jean-François Montmarché


Mise en page : Gilles Pérez
Auteurs
Fabienne Ballanger Emmanuel Delaporte
Chef de clinique des Universités Professeur des Universités
Assistant des hôpitaux Praticien hospitalier
Service de Dermatologie Service de Dermatologie
Hôtel-Dieu Hôpital Claude-Huriez
Place Alexis-Ricordeau 1 place de Verdun
44093 Nantes CEDEX 1 59037 Lille CEDEX

Sébastien Barbarot
Praticien hospitalier Olivier Dereure
Service de Dermatologie Professeur des Universités
Hôtel-Dieu Praticien hospitalier
Place Alexis-Ricordeau Service de Dermatologie
44093 Nantes CEDEX 1 Hôpital Saint-Éloi
80 avenue Augustin-Fliche
Antoine Bennet 34295 Montpellier CEDEX 5
Praticien hospitalier
Service d’Endocrinologie
Hôpital Rangueil Valérie Doffoel-Hantz
1 avenue du Professeur-Jean-Poulhès Chef de clinique des Universités
31059 Toulouse CEDEX. Assistant des hôpitaux
Service de Dermatologie
Didier Bessis Hôpital Dupuytren
Praticien hospitalier 2 avenue Martin-Luther-King
Service de Dermatologie 87042 Limoges CEDEX
Hôpital Saint-Éloi
80 avenue Augustin-Fliche
34295 Montpellier CEDEX 5 Odile Enjolras
Praticien attaché
Claire Beylot Service de Neuroradiologie
Professeur des Universités et Angiographie thérapeutique
Praticien hospitalier Hôpital Lariboisière
Service de Dermatologie 2 rue Ambroise-Paré
Hôpital Haut-Lévêque 75010 Paris
33600 Pessac

Philippe Caron Camille Francès


Professeur des Universités Professeur des Universités
Praticien hospitalier Praticien hospitalier
Service d’Endocrinologie Service de Dermatologie
Hôpital Rangueil Hôpital Tenon
1 avenue du Professeur-Jean-Poulhès 4 rue de la Chine
31059 Toulouse CEDEX 75020 Paris
VI Auteurs

Céline Girard Gaëlle Quereux


Praticien hospitalier Praticien hospitalier
Service de Dermatologie Service de Dermatologie
Hôpital Saint-Éloi Hôtel-Dieu
80 avenue Augustin-Fliche Place Alexis-Ricordeau
34295 Montpellier CEDEX 5 44093 Nantes CEDEX 1

Madhulika A. Gupta Isabelle Raingeard


Docteur en médecine Praticien hospitalier
Department of Psychiatry Service d’Endocrinologie
University of Western Ontario Hôpital Lapeyronie
London, Ontario, Canada N6A 5W9 191 avenue du Doyen-Gaston-Giraud
34295 Montpellier CEDEX 5
Sophie Hakimi
Ancien interne des hôpitaux de Montpellier Yannis Scrivener
Service de Dermatologie Praticien hospitalier
Hôpital Saint-Éloi Service de Dermatologie
80 avenue Augustin-Fliche Hôpitaux universitaires de Strasbourg
34295 Montpellier CEDEX 5 1 place de l’Hôpital
67091 Strasbourg CEDEX
Nicolas Kluger
Ancien chef de clinique des Universités
Agnès Sparsa
Assistant des hôpitaux de Montpellier
Praticien hospitalier
Former Chief Resident
Service de Dermatologie
Department of Skin and Allergic Diseases
Hôpital Dupuytren
University of Helsinki and Helsinki University Hospital
2 avenue Martin-Luther-King
Meilahdentie 2
87042 Limoges CEDEX
P.O. Box 160, FI-00029 HUS, Finlande

Jean-Philippe Lacour
Professeur des Universités Laurence Valeyrie-Allanore
Praticien hospitalier Praticien hospitalier
Service de Dermatologie Service de Dermatologie
Hôpital de l’Archet Hôpital Henri-Mondor
151 route Saint-Antoine-de-Ginestière 51 avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny
06202 Nice CEDEX 3 94010 Créteil

Ludovic Martin Delphine Vezzosi


Professeur des Universités Praticien hospitalier
Praticien hospitalier Service d’Endocrinologie
Service de Dermatologie Hôpital Rangueil
Hôpital Larrey 1 avenue du Professeur-Jean-Poulhès
4 avenue Larrey 31059 Toulouse CEDEX
49933 Angers CEDEX 9

Charlotte Pernet Stéphane Vignes


Assistante des hôpitaux de Montpellier Praticien hospitalier
Service de Dermatologie Unité de Lymphologie
Hôpital Saint-Éloi Hôpital Cognacq-Jay
80 avenue Augustin-Fliche 15 rue Eugène-Million
34295 Montpellier CEDEX 5 75015 Paris

Frédéric Piette Pierre Wolkenstein


Professeur des Universités Professeur des Universités
Praticien hospitalier Praticien hospitalier
Service de Dermatologie Service de Dermatologie
Hôpital Claude-Huriez Hôpital Henri-Mondor
1 place de Verdun 51 avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny
59037 Lille CEDEX 94010 Créteil
Préface
e suis très heureux de préfacer cette série de 5 volumes intitulée Dermatologie
J et Médecine. Le titre m’a d’abord un peu surpris. En effet, un lecteur profane
ou superficiel pourrait à première vue croire que la « Dermatologie » n’est pas de la
« Médecine » et que, dans cette série publiée aux éditions Springer sous la direction
du docteur Bessis, les auteurs vont néanmoins s’évertuer à démontrer le contraire.
Que c’est comme si l’on voulait démontrer que l’astrologie est vraiment une science
en intitulant un ouvrage ou une série de publications « Astrologie et Sciences » !
Fort heureusement, il n’en est rien. La « Dermatologie » est une science médi-
cale, celle de la pathologie du plus vaste et du plus lourd des organes humains,
enveloppant le corps charnel, englobant les zones cutanéo-muqueuses transition-
nelles oculaires, bucco-labiales et ano-génitales. Elle fut certes autrefois, et elle
l’est encore des fois de nos jours, considérée par des confrères d’autres disciplines
comme une spécialité médicale à part, pas vraiment indispensable, pas vraiment
sérieuse, où il n’y a pas d’urgence, où les soins locaux salissants inspiraient une
certaine répugnance, où la bénignité relative des affections traitées n’engageait
pas la santé publique, malgré l’appropriation par les dermatologues des maladies
dites vénériennes, où les pratiques médicales faisaient volontiers traiter les der-
matologues de tanneurs ou de mégissiers.
On a même failli craindre que la dermatologie ne soit entièrement « soluble »
dans les autres disciplines médicales, surtout après la création, notamment en
France, de spécialités interdisciplinaires basées non sur la pathologie d’organe,
mais sur le substrat étiologique ou pathogénique présumé des affections censées
être prises en charge par ces nouveaux spécialistes « transversaux », les infectio-
logues, les immuno-allergologues, les généticiens, les cancérologues... Des pro-
phètes inquiets voyaient déjà les eczémas et le psoriasis en immunologie clinique,
les pyodermites et les mycoses en infectiologie, les acnés et les alopécies en endo-
crinologie, les nævus et les carcinomes cutanés dans les centres anticancéreux... Il
y eut de toute évidence quelques redistributions de rôles, notamment en matière
de MST, devenues des IST, davantage d’actes opératoires pris en charge par des
chirurgiens plasticiens non dermatologues, mais aussi des réorientations internes
dans notre spécialité même, avec davantage de dermatologues se tournant vers
la médecine esthétique et se familiarisant plus avec les lasers, les fillings et les
minigrafts qu’avec les médicaments immunomodulateurs et les biothérapies. Avec
cet argument imparable pour justifier cette orientation : « Il faut bien vivre de son
métier ! » L’augmentation des servitudes administratives et déontologiques est
souvent invoquée comme une des causes déterminantes de ce choix.
VIII Préface

Cette évolution n’a en fin de compte pas eu d’effets pervers sur le contenu et


sur la pratique de la spécialité. Elle a en revanche nettement fait apparaître que
l’abondance des lésions et des syndromes cutanés élémentaires et des entités
qu’elles expriment, leur reconnaissance facile par les spécialistes formés à cette
discipline, et leur accès direct à l’inspection et au prélèvement rendaient l’avis des
dermatologues indispensable dans les disciplines transversales dans lesquelles
on craignait de voir fondre la nôtre. Les dermatologues ont acquis avec cette
évolution, en quelques décennies, un état d’esprit de plus en plus « interniste »
et ont pu se convaincre et convaincre autrui que la grande majorité des maladies
cutanées, hormis quelques dermatoses exogènes ou mécanogènes, s’inscrivent
dans le contexte d’affections systémiques. Ils sont souvent aux avant-postes dans
la suspicion puis la reconnaissance diagnostique de ces affections, par la démarche
séméiologique et nosologique propre à la spécialité, qui n’a pas vieilli, mais s’est
au contraire enrichie par les contacts multidisciplinaires. N’était-il d’ailleurs pas
logique de prévoir que la pathologie de l’enveloppe du corps entier ne pouvait que
renforcer le concept et le besoin d’une pratique médicale dite de l’« homme global »,
qui reviennent sans cesse dans les propos de l’éthique médicale et dans les objectifs
d’enseignement et de formation professionnelle ?
L’ouvrage collectif coordonné par Didier Bessis avec la collaboration de Bernard
Guillot et de Jean-Jacques Guilhou, tous les trois de Montpellier, et de Camille
Francès de Paris, avec de très nombreux auteurs, une centaine au total, presque
tous français, est exemplaire de cette évolution de notre spécialité. Les nombreux
chapitres, plus de 120 répartis en 5 volumes, montrent qu’elle interfère sans arrêt
avec les autres spécialités pour l’identification et la prise en charge d’innombrables
maladies générales, depuis le lupus érythémateux jusqu’aux états psychotiques. La
« Dermatologie », c’est vraiment de la « Médecine » de l’homme global. La lecture
et la consultation fréquente de cette série d’ouvrages sauront vous en convaincre.

Professeur Édouard Grosshans


Strasbourg, France
Avant-propos
e quatrième volume de Dermatologie et Médecine est dédié aux manifestations
C cutanées et muqueuses des diverses maladies d’organes. Dans le même esprit
que les trois précédents volumes, cet ouvrage fait le pari d’être exhaustif, abon-
damment illustré et attrayant pour les dermatologues, les médecins internistes et
les spécialistes concernés.

L’ensemble de l’ouvrage a été segmenté de façon volontairement académique


suivant le type d’organe atteint : glandes endocrines (thyroïde, parathyroïdes, sur-
rénales, hypophyse, pancréas endocrine), section à laquelle a été rattaché le cha-
pitre consacré aux carences nutritionnelles ; appareil digestif (tube digestif, foie
et voies biliaires, pancréas) ; appareil cardiovasculaire et pulmonaire (cœur, pou-
mons, vaisseaux artériels, veineux et lymphatiques) ; rein ; et système nerveux
central et périphérique. Les chapitres consacrés aux maladies rares d’organes où
la présence de signes dermatologiques est pertinente et utile au diagnostic sont
volontairement détaillés et illustrés, afin de faciliter leur mémorisation.
Je me suis particulièrement impliqué dans la rédaction de cet ouvrage, d’essence
très interniste, en souvenir de ma formation initiale montpelliéraine en médecine
interne et dermatologique sous la direction respective des professeurs Albert-Jean
Ciurana et Jean-Jacques Guilhou, auxquels je renouvelle mon affection et mes
sentiments amicaux pour la confiance qu’ils m’ont témoignée au cours de toutes
ces années.
Je tiens à adresser de vifs remerciements aux auteurs, aux collaborateurs, ainsi
qu’à l’ensemble des collègues qui m’ont encouragé ou confié leur iconographie.

L’équipe de rédaction reste toujours enthousiaste et créative : Gilles Pérez


(www.octidi.fr) aux manettes de la typographie et de la mise en pages, Mapie,
graphiste aux idées multicolores, et Nathalie Huilleret (éditions Springer) pour sa
confiance et sa patience renouvelées.

Didier Bessis
Sommaire
GLANDES ENDOCRINES CŒUR, POUMONS ET VAISSEAUX
74 Thyroïde, surrénales, hypophyse 83 Affections cardiaques et pulmonaires
et parathyroïdes Agnès Sparsa, Valérie Doffoel-Hantz
Isabelle Raingeard, Didier Bessis 84 Ulcères vasculaires
75 Hormones sexuelles Olivier Dereure
Antoine Bennet, Delphine Vezzosi, 85 Affections veineuses
Philippe Caron
Didier Bessis
76 Diabète sucré
86 Lymphœdèmes des membres
Didier Bessis
Stéphane Vignes
77 Dermatoses carentielles
87 Dysplasies héréditaires du tissu
Yannis Scrivener, Didier Bessis conjonctif
78 Maladies rares endocrinologiques Ludovic Martin, Claire Beylot,
et cutanées Didier Bessis
Didier Bessis 88 Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés
Charlotte Pernet, Didier Bessis
APPAREIL DIGESTIF
89 Syndromes progéroïdes
79 Tube digestif Sophie Hakimi, Nicolas Kluger,
Emmanuel Delaporte, Frédéric Piette Didier Bessis
80 Foie et voies biliaires
Emmanuel Delaporte, Frédéric Piette REINS
81 Pancréas 90 Insuffisance rénale chronique et
Emmanuel Delaporte, Frédéric Piette dialyse
82 Maladies rares digestives et Didier Bessis, Camille Francès
dermatologiques 91 Maladies rares rénales et cutanées
Emmanuel Delaporte, Didier Bessis Didier Bessis
XII Sommaire

SYSTÈME NERVEUX
92 Système nerveux central et 96 Hypomélanose de Ito et mosaïcismes
périphérique pigmentaires
Céline Girard Jean-Philippe Lacour
93 Maladies psychiatriques 97 Maladies rares neurologiques et
Madhulika A. Gupta dermatologiques
94 Neurofibromatoses Odile Enjolras
Laurence Valeyrie-Allanore, Pierre
Wolkenstein, Didier Bessis
95 Sclérose tubéreuse de Bourneville
Fabienne Ballanger, Gaëlle Quereux,
Sébastien Barbarot
74
Thyroïde, surrénales, hypophyse
et parathyroïdes
Isabelle Raingeard, Didier Bessis

THYROÏDE 74-1 Phéochromocytome 74-12


Hyperthyroïdie 74-1
Manifestations dermatologiques 74-2 HYPOPHYSE 74-13
Manifestations extracutanées 74-5 Acromégalie 74-13
Explorations paracliniques 74-5 Manifestations dermatologiques 74-13
Traitement 74-5 Manifestations extracutanées 74-13
Hypothyroïdies acquises de l’adulte 74-5 Diagnostic biologique et morphologique 74-14
Manifestations dermatologiques 74-5 Traitement 74-14
Manifestations extracutanées 74-6 Hypopituitarisme 74-15
Explorations paracliniques 74-7 Manifestations dermatologiques 74-15
Traitement 74-7 Manifestations extracutanées 74-15
Affections dermatologiques associées à des maladies Diagnostic biologique et morphologique 74-15
thyroïdiennes 74-7 Traitement 74-16

SURRÉNALES 74-8 PARATHYROÏDES 74-16


Hypercorticismes 74-8 Hyperparathyroïdies 74-16
Manifestations dermatologiques 74-8 Manifestations dermatologiques 74-16
Manifestations extracutanées 74-10 Manifestations extracutanées 74-16
Diagnostic biologique 74-10 Diagnostic biologique et morphologique 74-16
Traitement 74-11 Traitement 74-17
Déficits en glucocorticoïdes 74-11 Hypoparathyroïdies 74-17
Manifestations dermatologiques 74-11 Manifestations dermatologiques 74-17
Manifestations extracutanées 74-12 Manifestations extracutanées 74-17
Diagnostic biologique 74-12 Diagnostic biologique 74-17
Traitement 74-12 Traitement 74-17
Références 74-17

Thyroïde et hypothyroïdies ainsi que les affections cutanées signifi-


cativement présentes au cours des maladies thyroïdiennes

L es manifestations dermatologiques des affections thy-


roïdiennes sont variées et témoignent de la multipli-
cité des interactions entre les hormones thyroïdiennes cir-
d’origine auto-immune (encadré 74.A).

culantes, L-thyroxine (T4) et surtout tri-iodothyronine Hyperthyroïdie


(T3), et la peau : augmentation de l’activité mitotique et
de l’épaisseur épidermique, action sur le métabolisme lipi- L’hyperthyroïdie désigne un fonctionnement thyroïdien
dique des kératinocytes, synthèse de protéoglycanes par excessif responsable d’une hyperproduction d’hormones
les fibroblastes, formation et croissance normale des che- thyroïdiennes circulantes dont la conséquence est la thy-
veux et fonctionnement des glandes sébacées. Leur connais- rotoxicose. Cette affection est fréquente, touchant 1 à 2 %
sance est particulièrement utile au dépistage des formes de la population, et prédomine chez la femme (8F/1H). La
frustes ou trompeuses d’hyper- ou d’hypothyroïdie, comme principale étiologie est la maladie de Basedow, thyroïdo-
par exemple le prurit au cours de l’hyperthyroïdie, les ano- pathie auto-immune liée à la présence d’anticorps antiré-
malies phanériennes au cours de l’hypothyroïdie, etc. Ce cepteurs de la TSH stimulant l’hormonosynthèse thyroï-
chapitre abordera les signes cutanéomuqueux des hyper- dienne.
74-2 Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes

Manifestations cutanées des maladies thyroïdiennes


Hyperthyroïdie
− Signes de thyrotoxicose
 Altérations de la texture cutanée
 Anomalies des phanères
 Hyperpigmentation
 Prurit
− Maladie de Basedow
 Myxœdème prétibial
 Acropathie thyroïdienne

Coll. Dr R. Baran, Cannes


Hypothyroïdie
− Altérations de la texture cutanée
− Anomalies des phanères
− Caroténodermie
− Myxœdème généralisé Fig. 74.1 Onycholyse distale et incurvation concave du bord distal des
Kystes du tractus thyréoglosse ongles (ongles de Plummer) au cours de l’hyperthyroïdie
Métastases cutanées des cancers thyroïdiens
Affections dermatologiques associées à des maladies du cortisol. Un prurit est fréquemment rapporté, classique-
thyroïdiennes (surtout auto-immunes) ment résistant aux antihistaminiques et amélioré lors de
− Pelade l’obtention de l’euthyroïdie. Il est parfois secondaire à une
− Vitiligo urticaire associée.
− Dermatite herpétiforme Maladie de Basedow Elle survient avec prédilection chez
− Urticaire la femme entre 20 et 50 ans et se caractérise par l’asso-
Complications cutanées des traitements des maladies ciation d’un goitre diffus et d’une ophtalmopathie œdé-
thyroïdiennes mateuse, cliniquement patente dans 25 % des cas. Cette
74.A ophtalmopathie résulte du dépôt de muccopolysaccharides,
plus spécifiquement d’acide hyaluronique, dans les muscles
Manifestations dermatologiques extra-oculaires et dans les tissus graisseux rétro-orbitaires.
Deux types de manifestations cutanées sont observés au Les symptômes ophtalmiques sont variés : xérophtalmie
cours de l’hyperthyroïdie : non spécifiques, pouvant s’obser- ou larmoiement excessif aggravé par l’air froid, le vent ou
ver au cours de tout excès d’hormones thyroïdiennes circu- l’exposition lumineuse brillante, sensation de gène ocu-
lantes (thyrotoxicose) quelle qu’en soit la cause, y compris laire, troubles visuels, diplopie ou baisse de l’acuité vi-
iatrogène ou factice, et spécifiques au cours de la maladie suelle. L’œdème associé rétro-orbitaire (fig. 74.2) et la ré-
de Basedow ¹,². traction de la paupière supérieure sont responsables d’un
Thyrotoxicose La peau est chaude, moite et douce. La aspect de fausse exophtalmie et confère au regard un as-
chaleur est liée à une augmentation du flux sanguin cutané pect « brillant et tragique ». Il peut s’accompagner dans
et à une vasodilatation périphérique pouvant également fa- les formes évoluées d’une hyperpigmentation palpébrale
voriser des épisodes de flush du visage et le développement constituant le classique mais rare signe de Jellinek (fig. 74.3).
d’un érythème palmaire. La moiteur résulte d’une augmen- Outre les signes cutanés communs à la thyrotoxicose, deux
tation de sécrétion des glandes sébacées et d’une hypersu- autres manifestations sont particulières à cette affection :
dation surtout marquée aux paumes et aux plantes, parfois le myxœdème localisé, surtout prétibial et l’acropathie thy-
généralisée, et secondaire à une hyperactivité sympathique. roïdienne.
Les cheveux sont typiquement fins et soyeux. Une alopé-
cie plus ou moins diffuse, non cicatricielle est observée
dans 20 à 40 % des cas. Les ongles sont brillants, fragiles,
amincis et cassants, de croissance accélérée. Des anomalies
unguéales non spécifiques sont rares (5 %), marquées par
une onycholyse distale, puis une incurvation concave du
bord distal de l’ongle (ongles de Plummer) (fig. 74.1). Ces
anomalies débutent et sont plus fréquentes aux quatrième
et cinquième doigts des mains. Une hyperpigmentation
cutanée est observée en moyenne dans 2 % des cas, le plus
Coll. D. Bessis

souvent localisée au visage (régions périorbitaires) et au


cou, parfois de type addisonienne en cas d’atteinte des plis
palmaires, des gencives et de la muqueuse buccale. Le mé-
canisme physiopathologique incriminé serait une augmen- Fig. 74.2 Œdème rétro-orbitaire et rétraction des paupières supérieures
tation du taux d’ACTH secondaire à un catabolisme accru responsable d’une fausse exophtalmie au cours d’une maladie de Basedow

 ACTH adrenocorticotropic hormone


Hyperthyroïdie 74-3

Coll. D. Bessis
Fig. 74.3 Œdème et hyperpigmentation des paupières supérieures et
inférieures (signe de Jellinek) au cours d’une maladie de Basedow

Le myxœdème localisé s’observe avec prédilection chez la


femme (ratio femme/homme de 4/1). Il constitue l’un des
signes tardifs de la maladie de Basedow, se développant
le plus souvent au cours de la deuxième année qui suit
le diagnostic ou le traitement de l’hyperthyroïdie. Il est
présent chez 1 à 5 % des patients atteints de maladie de
Basedow, jusqu’à 25 % en cas d’exophthalmie associée. Il
peut également être observé au cours de la thyroïdite d’Ha-

Coll. D. Bessis
shimoto sans thyrotoxicose, de l’hypothyroïdie dans les
suites du traitement de la maladie de Basedow et chez les
patients euthyroïdiens. Le myxœdème localisé se manifeste
par diverses formes cliniques : nodules ou plaques érythé- Fig. 74.5 Myxœdème localisé : placards papuleux et nodulaire
mateuses ou couleur de peau normale, parfois brunâtres ou brun-rouge, à surface lisse ou « peau d’orange » au cours d’une maladie
jaunâtres, cireuses et indurées, conférant un aspect peau de Basedow
d’orange (fig. 74.4). Les lésions touchent avec prédilection
les régions antérolatérales des jambes et des pieds (fig. 74.5). être engainé par les dépôts de mucine se compliquant d’un
Elles peuvent également débuter par un œdème diffus des steppage ou d’une gêne à la dorsiflexion. Du point de vue
mêmes régions, ne prenant pas le godet, et évoluer vers un histopathologique, le myxœdème localisé se caractérise par
état éléphantiasique (fig. 74.6). Le myxœdème localisé peut d’abondants dépôts de mucine situés dans le derme réti-
toucher plus rarement le visage, les épaules, les bras, la par- culaire, séparant les faisceaux collagènes et épaississant
tie inférieure de l’abdomen et les cicatrices ou réapparaître le derme (fig. 74.7). Une bande de derme superficiel (derme
après une greffe cutanée. Les plaques étendues sont sou- papillaire) est épargnée sous un épiderme fréquemment
vent douloureuses et prurigineuses. Une hypertrichose et hyperkératosique, papillomateux et acanthosique. Il existe
une hyperhidrose peuvent être présentes, classiquement également un infiltrat lymphocytaire périvasculaire et pé-
confinées en regard de la peau prétibiale myxœdémateuse. rifolliculaire associé à des mastocytes et des grands fibro-
La morbidité associée est minimale. Le nerf péronier peut blastes étoilés. Le nombre de fibres élastiques est réduit.
Le diagnostic différentiel se pose avec le lichen chronique
ou hypertrophique, le lymphœdème et un état éléphantia-
sique, mais ces dernières affections ne comportent pas de
dépôts de mucine et, classiquement, ne sont pas associées
à une maladie thyroïdienne.
Le traitement est décevant. Les lésions de petite taille sont
asymptomatiques et ne nécessitent pas de traitement. Les
localisations plus étendues peuvent être douloureuses. La
corticothérapie locale forte, sous occlusion ou par injec-
tion intralésionnelle (triamcinolone, 10 mg/ml, 1 fois par
mois), constitue une thérapeutique d’appoint décevante.
Coll. D. Bessis

Les greffes cutanées, lorsqu’elles sont efficaces, peuvent


être suivies de récidives. L’octréotide, un analogue de la
somatostatine, a été utilisé soit pour traiter le myxœdème,
Fig. 74.4 Myxœdème localisé : placard érythémateux à surface peau soit pour éviter les récidives après exérèse chirurgicale.
d’orange de la face antérieure de jambe au cours d’une maladie de Récemment, des cas de myxœdème prétibial en relation
Basedow avec un lymphœdème ou une stase ont été traités avec
74-4 Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier


Coll. D. Bessis

Fig. 74.7 Examen histopathologique d’un myxœdème localisé :


Fig. 74.6 Myxœdème localisé : placards œdémateux et érythémateux abondants dépôts de mucine dans le derme réticulaire séparée d’un
symétriques et bilatéraux des jambes au cours d’une maladie de Basedow épiderme hyperkératosique par une bande saine de derme papillaire
(coloration bleu alcian)
succès par contention élastique ou par compression pneu-
matique de la jambe. La plasmaphérèse donne des résultats l’acromégalie, l’acropathie leucémique et les périostoses
variables. Le traitement de la maladie thyroïdienne n’amé- secondaires aux maladies vasculaires. Son mécanisme phy-
liore pas les lésions, en général, mais des régressions spon- siopathogénique reste inconnu. Aucun traitement n’est né-
tanées de myxœdème localisé après 3 à 5 ans d’évolutivité cessaire le plus souvent, en raison du caractère asymptoma-
sont signalées. tique de l’affection. Des rémissions partielles ou complètes,
L’acropathie thyroïdienne est rare (0,1 à 1 % des cas, moins spontanées, sont parfois observées.
d’une centaine d’observations), le plus souvent associée à
l’exophtalmie et/ou au myxœdème prétibial. Elle se déve-
loppe dans 95 % des cas après le diagnostic et le traitement
de l’hyperthyroïdie, après une durée variable entre 18 mois
à 28 ans. Elle se caractérise par la triade : hippocratisme digi-
tal (doigts et/ou orteils) (fig. 74.8), épaississement et fibrose
des tissus cutanés profonds des mains et des pieds, et proli-
fération périostée diaphysaire avec néoformation osseuse
des extrémités distales ³,⁴. Elle prédomine aux premiers,
deuxièmes et cinquièmes métacarpes et phalanges proxi-
males des mains et aux premiers métatarses et phalanges
proximales des pieds. Occasionnellement, les os longs des
membres supérieurs et inférieurs peuvent être touchés. Les
Coll. Dr R. Baran, Cannes

lésions sont le plus souvent asymptomatiques ou respon-


sables d’arthralgies modérées. Les radiographies osseuses
montrent une réaction périostée de type lamellaire, paral-
lèle à la diaphyse, limitée le plus souvent aux mains et aux
poignets. Le diagnostic différentiel inclut la pachydermopé-
riostose, l’ostéo-arthropathie hypertrophiante pneumique, Fig. 74.8 Hippocratisme digital au cours d’une acropathie thyroïdienne
Hypothyroïdies acquises de l’adulte 74-5

Manifestations extracutanées vant toute anomalie palpatoire et le Doppler thyroïdien


Elles sont diverses et communes à toutes les causes d’hy- pourra remplacer la scintigraphie thyroïdienne.
perthyroïdie. La sémiologie clinique peut être complète
ou paucisymptomatique, voire monosymptomatique, pou- Traitement
vant faire errer le diagnostic. Les signes généraux se li- Il repose sur trois options : traitement médical par anti-
mitent le plus souvent à une perte de poids précoce et thyroïdiens de synthèse (maladie de Basedow, surcharge
rapide (quelques semaines), contrastant avec un appétit iodée), traitement radical par administration d’iode 131
conservé voire exarcerbé. Un état d’émaciation, surtout (nodule toxique, goitre multinodulaire toxique, maladie de
musculaire, est très net au niveau du visage. L’amyotro- Basedow), traitement radical par thyroïdectomie totale ou
phie est diffuse, d’autant plus intense que l’âge du patient lobectomie thyroïdienne selon l’étiologie. Le traitement
est avancé, et particulièrement prononcée au niveau des des thyroïdites subaiguës reste symptomatique : bêtablo-
cuisses. Les signes cardiovasculaires comportent une tachy- quants, sédatifs, anti-inflammatoires.
cardie sinusale, aggravée par l’effort. La pression systolique
seule est augmentée. Dans 10 % des cas, une fibrillation Hypothyroïdies acquises de l’adulte
auriculaire est observée, rarement avant 40 ans, réversible
avec la correction de l’hyperthyroïdie. L’insuffisance car- L’hypothyroïdie acquise de l’adulte est certainement l’une
diaque congestive est le stade le plus sévère, touchant sur- des affections thyroïdiennes les plus communes, touchant
tout les patients âgés ou ayant un antécédent de cardio- 1 % de la population féminine. Sa fréquence réelle est sous-
pathie. Les manifestations neuromusculaires sont domi- estimée en raison de la méconnaissance habituelle des
nées par un état d’instabilité et d’agitation, avec parfois formes frustes. La prépondérance féminine est particuliè-
des mouvements non contrôlés pseudochoréiques. L’équi- rement marquée au cours des formes auto-immunes (sex-
libre psychoaffectif est perturbé, avec une labilité extrême ratio 6/1). L’âge moyen de survenue est de 50-60 ans avec
de l’humeur et des troubles de l’attention. Au plan mus- une augmentation de fréquence avec l’âge (14 femmes sur
culaire, une fatigabilité prédominant aux quadriceps est 1 000 après 75 ans). Ses étiologies sont dominées par les
classique, pouvant confiner à divers tableaux cliniques de causes auto-immunes (thyroïdite d’Hashimoto) ou iatro-
myopathies. Au plan neurologique, sont décrites des neuro- gènes (iode, chirurgie).
pathies périphériques avec une polynévrite distale, des en-
céphalopathies thyrotoxiques (agitation extrême, état ma- Manifestations dermatologiques
niaque, hyperthermie, comitialité, voire décès) et des crises Signes cutanéomuqueux communs Ils se corrigent après
aiguës thyrotoxiques (fièvre, agitation, vomissements et traitement substitutif hormonal. La peau est froide, sèche
déshydratation). Les atteintes digestives sont dominées et pâle, surtout sur les surfaces d’extension. L’hypothermie
par la diarrhée ou une augmentation de la fréquence des résulte d’un état d’hypométabolisme et d’un réflexe cutané
selles (20 %). Sur le plan génital, une diminution de l’ac- de vasoconstriction. La xérose est fréquente, parfois sévère,
tivité sexuelle associée parfois à une infertilité peut être confinant à une ichtyose acquise. Elle est liée à une diminu-
observée dans les deux sexes. Une gynécomastie est pré- tion de la sécrétion sudorale, de la synthèse épidermique
sente chez 40 % des hommes hyperthyroïdiens. Chez la de stérols, de la sécrétion sébacée et sudorale. La pâleur
femme, spanioménorrhée, oligoménorrhée, voire aménor- de la peau résulte d’une rétention d’eau dans le derme et
rhée, sont fréquentes. d’une accumulation de mucopolysaccharides responsable
d’une modification de la réflexion de la lumière. Une caro-
Explorations paracliniques ténodermie avec coloration jaune orangé des paumes, des
La TSH est basse, associée à des concentrations circulantes plantes et des sillons nasogéniens peut être observée, en
de T4L et/ou de T3L élevées. La présence des anticorps an- rapport avec un défaut de conversion hépatique du bêta-
tirécepteurs de la TSH signe une maladie de Basedow. Les carotène en vitamine A. Les cheveux sont secs, fragiles et
anticorps antithyropéroxydases, prescrits en cas de négati- cassants. La croissance des cheveux et des poils est ralen-
vité des anticorps antirécepteurs de la TSH, orientent vers tie. Une alopécie partielle ou diffuse est fréquente, avec
le diagnostic de thyroïdite de Hashimoto en phase initiale augmentation de la proportion des cheveux télogènes. La
d’hyperthyroïdie. L’iodurie des 24 heures peut être évaluée chute du tiers externe de la queue des sourcils, des poils
en cas de suspicion de surcharge iodée. La scintigraphie axillaires et pubiens est classique (fig. 74.9). Les ongles de-
thyroïdienne est l’examen clé devant toute hyperthyroïdie. viennent cassants (90 %) avec une pousse ralentie et des
Elle permet, par l’étude de la fonctionnalité du parenchyme striations transversales et longitudinales. La cicatrisation
thyroïdien, de poser le diagnostic de maladie de Basedow cutanée est ralentie.
(hyperfixation bilatérale symétrique homogène), de nodule Myxœdème généralisé
toxique ou de goitre multinodulaire toxique (hyperfixation Il constitue le signe cutané le plus caractéristique au cours
localisée unique ou multiple et extinction du parenchyme de l’hypothyroïdie ¹,². Il se manifeste par un épaississe-
adjacent), de surcharge iodée, de thyroïdite iatrogène (li- ment œdémateux généralisé de la peau, ferme, ne prenant
thium, interféron), de thyroïdite subaiguë, de thyrotoxi- pas le godet. Le visage apparaît caractéristique, pâle, ci-
cose factice (scintigraphie blanche, thyroglobuline indo- reux avec des lèvres épaissies et cyanosées, un nez aplati
sable). L’échographie thyroïdienne sera systématique de- (fig. 74.10). Une chute de la paupière supérieure peut être as-
74-6 Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Fig. 74.11 Myxœdème généralisé : épaississement œdémateux des
Fig. 74.9 Dépilation du tiers externe du sourcil au cours d’une mains et doigts boudinés
hypothyroïdie acquise
l’état d’hypothyroïdie : purpura par fragilité capillaire, télan-
sociée, liée à une diminution de la stimulation sympathique giectasies des extrémités, ulcères de décubitus, candidose
des muscles palpébraux. L’atteinte des extrémités est res- cutanéomuqueuse chronique, eczéma craquelé et hyperké-
ponsable d’un épaississement des mains et des pieds avec ratose palmoplantaire.
des doigts boudinés, élargis, froids et cyanosés (fig. 74.11),
et se complique parfois d’un syndrome du canal carpien. Manifestations extracutanées
Au cours de formes généralisées, des épanchements des Les symptômes cliniques sont nombreux, conséquences de
séreuses (péricarde, plèvre, péritoine), une macroglossie l’ubiquité de l’action des hormones thyroïdiennes sur leurs
(fig. 74.12), des atteintes cardiaques, digestives, rhumatolo- récepteurs tissulaires. Le syndrome d’hypométabolisme
giques peuvent être notés. Le myxœdème est lié au dépôt traduit le ralentissement global d’activité des principales
dans le derme de mucopolysaccharides acides, en particu- fonctions vitales de l’organisme. Il regroupe une asthénie,
lier d’acide hyaluronique et de chrondroïtine sulfate, accom- à la fois physique, psychique et sexuelle, des troubles de
pagné d’une fuite extravasculaire d’albumine et secondai- l’attention et de la mémoire, une somnolence, une frilo-
rement d’eau et d’électrolytes. Une altération du drainage sité, une constipation et une prise de poids. Les signes car-
lymphatique pourrait jouer un rôle aggravant. diovasculaires sont évocateurs : bradycardie, péricardite,
Autres signes dermatologiques Ils ont été rapportés
ponctuellement sans preuve évidente d’un lien formel avec
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 74.10 Myxœdème généralisé : œdème pâle et cireux du visage


associé à des lèvres épaissies et cyanosées Fig. 74.12 Macroglossie au cours d’un myxœdème généralisé
Affections dermatologiques associées à des maladies thyroïdiennes 74-7

Affections dermatologiques et maladies thyroïdiennes la diminution de la T4 libre traduit l’importance de l’hypo-


Associations significatives thyroïdie. La recherche d’anticorps antithyropéroxydase
Pelade (7-24 %) en première intention est justifiée en raison de la grande
Vitiligo (7,5-43,4 %) fréquence des thyroïdites lymphocytaires chroniques auto-
Dermatite herpétiforme (4,3-14 %) immunes ou thyroïdite d’Hashimoto en cas de présence
Urticaire (12-14 %) d’un goitre. L’échographie thyroïdienne sera demandée de-
Associations classiques mais rares vant toute anomalie palpatoire. La scintigraphie thyroï-
Polyendocrinopathies auto-immunes dienne est inutile.
Maladies de système
− Dermatomyosite Traitement
− Sclérodermie systémique, connectivite mixte
− Syndrome de Sjögren Il consiste en l’administration d’hormones thyroïdiennes,
− Lupus érythémateux systémique le plus souvent de la LT4 (Lévothyrox, L-Thyroxine), per
− Lupus érythémateux discoïde os, en une prise le matin à jeun. Dans quelques cas, une
− Sarcoïdose supplémentation en T3L (Cynomel), ou une association
Associations ponctuelles (liste non exhaustive) T4L-T3L (Euthyral) peut s’avérer nécessaire.
Maladies bulleuses auto-immunes
− Pemphigus (foliacé, vulgaire)
− Pemphigoïde Affections dermatologiques associées
− Pemphigoïde gravidique à des maladies thyroïdiennes
Dermatoses neutrophiliques
− Syndrome de Sweet
− Pustulose sous-cornée de Sneddon De nombreux désordres thyroïdiens peuvent être associés
Autres à diverses maladies dermatologiques et/ou systémiques
− Pustulose palmoplantaire (encadré 74.B). Parmi ces associations significatives, il faut
− Mucinose érythémateuse réticulée noter : la pelade, l’urticaire, le vitiligo et la dermatite her-
− Amylose cutanée localisée pétiforme, dont la survenue peut justifier un bilan thyroï-
− Acanthosis nigricans dien fonctionnel ⁵. Par ailleurs, les affections thyroïdiennes
− Candidose cutanéomuqueuse chronique auto-immunes peuvent s’intégrer dans le cadre de syn-
− Granulome annulaire généralisé dromes auto-immuns polyglandulaires ou de syndromes
− Dermatite atopique auto-immuns multiples abordés en détail dans le chap. 78,
− Melasma
« Maladies rares endocrinologiques et cutanées ».
− Lichen scléreux
La prévalence des désordres thyroïdiens associés à la pelade
− Épidermolyse bulleuse prétibiale
− Hidradénomes éruptifs varie suivant les séries de 7 à 24 % ⁶. Il s’agit surtout des
− Trichorrexie noueuse
− Dysplasie ectodermique hypohidrotique
− Pseudoxanthome élastique
− Élastolyse du derme moyen
− Anétodermie
− Érythème annulaire centrifuge
− Réticulohistiocytose multicentrique
− Maladie de Cowden et syndrome de Bannayan-Riley-Ruvacalba
− Syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada
74.B

insuffisance coronaire silencieuse. Les manifestations neu-


romusculaires associent une fatigabilité anormale et des
crampes douloureuses. Une amyotrophie ou à l’inverse une
hypertrophie musculaire peuvent être présentes (bourre-
let pseudomyotonique). Le syndrome d’apnées du sommeil
décrit chez les hypothyroïdiens serait dû à une myopathie
du diaphragme et des muscles intercostaux. Au plan neu-
rologique, peuvent être notés des neuropathies périphé-
riques, un syndrome du canal carpien et des manifestations
cérébelleuses. Le coma myxœdémateux, rarissime de nos
jours, associe un coma profond avec hypothermie majeure
Coll. D. Bessis

et pauses respiratoires.

Explorations paracliniques
Le diagnostic repose sur une élévation de la TSH alors que Fig. 74.13 Pelade ophiasique au cours d’une maladie de Basedow
74-8 Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes

Coll. D. Bessis
Fig. 74.14 Vitiligo acral au cours d’une maladie de Basedow

hypothyroïdies ou de la maladie de Basedow (fig. 74.13). Une


atteinte thyroïdienne est décelée dans 7,5 à 43,4 % des cas
de vitiligo. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une thyroïdite
de Hashimoto, plus rarement d’une maladie de Basedow. La
topographie acrofaciale du vitiligo semble plus fréquente

Coll. D. Bessis
(fig. 74.14). Il peut précéder de plusieurs années les manifes-
tations cliniques thyroïdiennes et son évolution n’est pas in-
fluencée par le traitement des désordres thyroïdiens ⁷,⁸. La
prévalence d’anomalies thyroïdiennes cliniques associées à Fig. 74.15 Dermatite herpétiforme caractérisée par des papules et des
la dermatite herpétiforme varie de 4,3 à 14 % suivant les vésicules des faces antérieures des genoux et des cuisses
séries ⁹,¹⁰ (fig. 74.15). Il s’agit le plus souvent d’hypothyroï-
dies, parfois de maladie de Basedow ou de goitre multinodu- à l’excès ou aux déficiences des glucocorticoïdes, les signes
laire toxique. Une prédisposition génétique commune avec cutanés des hyperandrogénies faisant l’objet d’un chapitre
une présence des antigènes HLA-B8DRW3 pourrait rendre spécifique (chap. 75, « Hormones sexuelles »).
compte de cette association ¹¹. La fréquence des anomalies
thyroïdiennes au cours de l’urticaire chronique varie entre Hypercorticismes
12 à 14 % selon les séries. Le traitement de l’affection thyroï-
dienne semble n’avoir aucune influence sur l’évolution de Le syndrome de Cushing définit l’ensemble des manifesta-
l’urticaire en dehors d’observations ponctuelles (fig. 74.16). tions induites par une exposition chronique à un excès de
En revanche, de rares observations d’urticaire chronique as- glucocorticoïdes circulants. On distingue le syndrome de
socié à la présence d’anticorps antithyroïdiens, mais en état Cushing ACTH-indépendant au cours duquel la sécrétion
d’euthyroïdie et amélioré par l’administration d’hormones cortisolique est primitivement surrénalienne et autonome,
thyroïdiennes ont été rapportées ¹². Dans tous les cas, un en rapport avec une tumeur sécrétante le plus souvent uni-
examen de la thyroïde et la recherche de signes cliniques latérale et le syndrome de Cushing ACTH-dépendant qui
de dysthyroïdies sont souhaitables au cours de l’urticaire résulte d’une stimulation des surrénales par une sécrétion
chronique, éventuellement complétés par des explorations excessive d’ACTH. Les hypercorticismes endogènes sont
biologiques (dosage de la TSH, recherche d’anticorps anti- liés à la maladie de Cushing (70 % des cas) secondaire à la sé-
thyropéroxydase). crétion inappropriée de corticotrophine (ACTH) par un adé-
nome hypophysaire, plus rarement à la sécrétion ectopique
d’ACTH (5 à 10 % des cas), à un adénome bénin de la corti-
cosurrénale (10 à 15 % des cas) ou à un corticosurrénalome
Surrénales malin (5 à 10 % des cas). L’hyperplasie macronodulaire des
surrénales, l’hyperplasie micronodulaire pigmentée de la
corticosurrénale et le syndrome de McCune-Albright consti-
L es glandes surrénales sont formées de deux tissus em-
bryologiquement et fonctionnellement différents. La
corticosurrénale sécrète trois types d’hormones stéroïdes
tuent des étiologies exceptionnelles.

à partir du cholestérol : les glucocorticoïdes (cortisol), les Manifestations dermatologiques ¹³


minéralocorticoïdes (aldostérone) et les androgènes (testo- La répartition des graisses cutanées est modifiée, faciotron-
stérone) alors que la médullosurrénale produit les catécho- culaire, avec un dépôt excessif dans les creux susclavicu-
lamines (adrénaline et noradrénaline). laires, en regard des vertèbres cervicodorsales (« bosse de
Seules seront envisagées les manifestations cutanées liées bison », fig. 74.17) et de la ceinture pelvienne. Des nodules li-

 ACTH adrenocorticotropic hormone


Hypercorticismes 74-9

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Fig. 74.18 Purpura pigmenté et cicatrices pseudostellaires des
Fig. 74.16 Papules érythémateuses et œdémateuses de l’abdomen, avant-bras compliquant une fragilité cutanée ayant révélée une maladie
confluentes en carte de géographie, au cours d’une urticaire commune de Cushing

pomateux du tronc et de l’abdomen ou temporaux peuvent parence le tissu vasculaire dermique sous-jacent. L’épais-
être notés. Le visage est arrondi, lunaire. Cette répartition seur du derme est également diminuée, par baisse de syn-
anormale des graisses contraste avec des membres grêles, thèse du collagène, des fibres élastiques et des mucopolysac-
liés à l’atrophie graisseuse et musculaire proximale, et une charides, particulièrement au niveau des extrémités, pou-
prise de poids parfois sévère. Ces anomalies couplées à une vant être responsable d’une atrophie cutanée marquée des
fréquente diminution de la taille et à une cyphose, secon- pulpes digitales. Il existe une fragilité vasculaire avec ec-
daires à des tassements vertébraux favorisés par l’ostéopo- chymoses ou ulcérations, lentes à cicatriser (diminution
rose, confèrent un aspect clinique évocateur. du processus de cicatrisation liée à l’hypercorticisme), à
la suite de traumatismes minimes avec pétéchies, placards
La peau est atrophique : l’épiderme est fin, à surface purpuriques et pseudo-cicatrices stellaires spontanées iden-
brillante et finement squameuse, laissant voir par trans- tiques au purpura sénile de Bateman (fig. 74.18). Le visage est
érythrosique avec de nombreuses télangiectasies (fig. 74.19).
Un livedo des membres inférieurs par diminution du tonus
vasculaire est possible.
Des vergetures pourpres, horizontales, larges apparaissent
sur les zones convexes du tronc et à la racine des membres.
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 74.17 Dépôts excessifs de graisse dans les creux sus-claviculaires et


en regard des vertèbres cervico-dorsales (« bosse de bison ») au cours d’une Fig. 74.19 Érythrose télangiectasique du visage et du cou au cours
maladie de Cushing d’une maladie de Cushing
74-10 Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes

Coll. D. Bessis
Fig. 74.20 Vergetures pourpres et larges de l’abdomen au cours d’un

Coll. D. Bessis
syndrome de Cushing

Ces vergetures correspondent histologiquement à la frag-


mentation et à la désorganisation du tissu élastique. Elles Fig. 74.21 Hypertrichose du visage (lèvre supérieure, menton et joue)
diffèrent de celles observées couramment au cours de l’ado- au cours d’une maladie de Cushing
lescence, la grossesse ou l’obésité par leur profondeur, leur
largeur et l’intensité de leur couleur (fig. 74.20). Manifestations extracutanées
Les infections cutanées sont fréquentes, parfois diffuses, L’ostéopénie et l’ostéoporose sont classiques, atteignant
favorisées par la fragilité cutanée (augmentation du risque préférentiellement l’os trabéculaire et le rachis. L’hyper-
de pénétration percutanée d’agents infectieux) et la diminu- tension artérielle est fréquente et participe à la morbi-
tion des défenses immunitaires. Elles sont le plus souvent dité cardiovasculaire et à la surmortalité des syndromes
mycosiques à Pityrosporon (pityriasis versicolor), à Trichophy- de Cushing. Les troubles psychiatriques méritent une at-
ton rubrum (onychomycoses, dermatophytie inguinale ou tention particulière : irritabilité, troubles du sommeil, ten-
diffuse) ou à Alternaria. dance dépressive et troubles cognitifs sont fréquents. Plus
L’acné papuleuse et/ou pustuleuse, sans comédons, mono- rarement, il peut s’agir d’un véritable tableau hallucinatoire,
morphe, est habituelle au visage et au tronc, d’intensité avec risque suicidaire.
variable.
L’hypertrichose est en règle modérée, habituellement plus Diagnostic biologique
marquée sur le visage : lèvre supérieure, menton, joues Il repose sur l’augmentation significative du taux de corti-
(fig. 74.21). L’hirsutisme isolé ou associé à d’autres manifes- sol libre urinaire des 24 heures, étroitement lié à la quantité
tations de virilisation oriente vers une cause maligne de de cortisol bioactif ayant circulé durant le nycthémère. Il
tumeur surrénalienne. s’agit de l’exploration la plus performante pour le diagnos-
Une hyperpigmentation similaire à celle observée au cours tic de syndrome de Cushing (sensibilité de plus de 95 %).
de la maladie d’Addison doit faire rechercher une produc- Le cortisol salivaire présente des avantages pratiques évi-
tion d’ACTH accrue liée à une maladie de Cushing ou un dents : non invasif, non contraignant, et réalisé en ambula-
syndrome paranéoplasique. Cette hyperpigmentation peut toire à domicile. Son utilisation va se généraliser. Le test de
également être observée quelques années après une surré- freinage minute par la dexaméthasone comporte un dosage
nalectomie (syndrome de Nelson) ou rarement en cas de du cortisol matinal après la prise d’1 mg de dexaméthasone
sécrétion ectopique de MSH et/ou d’ACTH par une tumeur la veille à 23 heures. L’absence de freination (> 1,8 μg/dl)
extrasurrénalienne. atteste de la sécrétion autonome de cortisol et la nécessité
Les manifestations dermatologiques secondaires à l’admi- de poursuivre les investigations étiologiques. Le dosage de
nistration systémique de corticoïdes sont similaires à celles l’ACTH permet d’orienter la suite des explorations : un taux
du syndrome de Cushing mais sans les effets imputables bas d’ACTH est en faveur d’une étiologie surrénalienne
aux androgènes surrénaliens : hypertrichose modérée (face tandis qu’un taux élevé d’ACTH est en faveur d’une étio-
latérale des joues), acné chez les adultes jeunes (avec comé- logie hypophysaire ou d’une sécrétion ectopique d’ACTH.
dons fermés). Les conséquences du passage systémique Dans ces derniers cas, la réalisation de tests de stimulation
de la corticothérapie locale peuvent être similaires à celles (test au CRH, test au Minirin) et d’un test de freinage à la
d’une corticothérapie générale mais sont rares, notées en dexaméthasone fort (8 mg) permettent la différenciation
cas de facteurs favorisants : application sur de larges sur- entre une origine hypophysaire et une sécrétion ectopique
faces corporelles (en particulier chez l’enfant), altération d’ACTH. Malgré cela, dans certains cas, si le doute diagnos-
de la barrière cutanée, pansements occlusifs. tique persiste, un cathétérisme de sinus pétreux inférieurs
pourra être envisagé. Il s’agit d’un examen invasif, néces-

 ACTH adrenocorticotropic hormone · CRH corticotropin-releasing hormone · MSH melanocyte-stimulating hormone


Déficits en glucocorticoïdes 74-11

Coll. Pr Ph. Caron, Toulouse

Coll. Pr Ph. Caron, Toulouse


Fig. 74.22 Pigmentation diffuse du visage et des lèvres au cours d’une
maladie d’Addison
Fig. 74.23 Pigmentation d’une main avec renforcement de la
sitant un opérateur expérimenté, qui permet d’objectiver coloration brune en regard des articulations interphalangiennes et
un gradient centro-périphérique d’ACTH en cas de maladie métacarpophalangiennes au cours d’une maladie d’Addison
de Cushing, et une absence de gradient dans les sécrétions
ectopiques. Manifestations dermatologiques ¹⁴
L’hyperpigmentation cutanée est un signe précoce et spéci-
Traitement fique de l’insuffisance surrénale primitive, pouvant la ré-
Le traitement étiologique comporte la suppression de l’ano- véler dans 20 à 40 % des cas. Cette hyperpigmentation
malie causale : surrénalectomie unilatérale en cas de tu- de début insidieux est souvent non reconnue par le pa-
meur surrénalienne, chirurgie transsphénoïdale en cas de tient, interprétée comme la persistance d’un hâle solaire.
maladie de Cushing par adénome corticotrope, exérèse Elle est diffuse mais prédomine sur les parties découvertes
tumorale en cas de sécrétion ectopique d’ACTH. En cas (visage, cou, avant-bras), les zones normalement pigmen-
d’échec ou de contre-indication à la chirurgie, le traitement tées (mamelons et sphère génitale), ainsi que sur les cica-
repose sur des anticortisoliques de synthèse : Op’DDD, ké- trices, les zones de frottement (plis axillaires) ou sujettes
toconazole, métopirone, étomidate. Dans les rares cas où aux traumatismes (coudes, genoux, tubérosités ischiales)
l’hypercortisolisme peut engager le pronostic vital du pa- (fig. 74.22). Les plis palmaires et interdigitaux, les ongles
tient, une surrénalectomie uni- ou bilatérale peut être indi- (bandes longitudinales) et le dos des articulations interpha-
quée. langiennes sont atteints de façon spécifique (fig. 74.23). Il
existe fréquemment une augmentation de la pigmentation
des nævus préexistants ou l’apparition de nouveaux næ-
Déficits en glucocorticoïdes vus et les cheveux deviennent plus foncés. La muqueuse
buccale est le siège de taches brunes, gris bleu (ardoisées),
L’insuffisance surrénalienne est définie par un déficit de arrondies ou en nappes sur la face interne des joues, le pa-
sécrétion des hormones corticosurrénaliennes (glucocorti- lais, les gencives, les lèvres et parfois la langue (fig. 74.24).
coïdes, minéralocorticoïdes et androgènes surrénaliens). L’atteinte des muqueuses conjonctivale, génitale et anale
L’insuffisance surrénalienne primitive est liée à une at- est fréquente.
teinte directe des glandes surrénales ou secondaire à un Histologiquement, il existe une surcharge en mélanine de
déficit corticotrope (déficit en ACTH) acquis ou fonction- l’assise basale épidermique sans augmentation du nombre
nel. de mélanocytes. Cette hypermélanose est liée à une stimu-
La maladie d’Addison (ou insuffisance corticosurrénale lation directe de la synthèse de mélanine induite par la sé-
auto-immune) constitue la principale étiologie (65 %), crétion de β-MSH. Cette hormone dérive du clivage d’une
qu’elle soit isolée ou intégrée dans une polyendocrinopa- glycoprotéine : la pro-opiomélanocortine sécrétée par l’hy-
thie auto-immune (type 1 ou syndrome APECED, type 2 pophyse en réponse à l’insuffisance surrénale et secondaire
ou syndrome de Schmidt). La tuberculose rend compte de à l’absence de rétrocontrôle négatif du cortisol. Cette ori-
20 % des cas. Les autres causes sont rares : adrénomyélo- gine hormonale explique l’absence d’hyperpigmentation
neuropathie, infections mycotiques, métastases ou hémor- lors des insuffisances surrénales d’origine hypophysaire.
ragies bilatérales des surrénales, anticortisoliques de syn- D’autres signes cutanés sont inconstamment rapportés :
thèse ou postchirurgicales (surrénalectomie bilatérale). Les − une xérose cutanée, voire un état ichtyosiforme ;
insuffisances surrénaliennes secondaires peuvent être or- − une chute des poils axillaires et pubiens chez les
ganiques (pathologies tumorales de la région hypothalamo- femmes postpubères par diminution du taux d’andro-
hypophysaire) ou fonctionnelles (sevrage après une corti- gènes circulants ;
cothérapie prolongée). − l’association à un vitiligo (10 %), à une pelade ou à une

 ACTH adrenocorticotropic hormone · MSH melanocyte-stimulating hormone


74-12 Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes

ficit minéralocorticoïde (seulement en cas d’insuffisance


surrénalienne primitive). La substitution glucocorticoïde
comporte de l’hydrocortisone per os, à la dose journalière
de 20 à 30 mg, répartie en 2 ou 3 prises. La substitu-
tion minéralocorticoïde repose sur l’administration de 9α-
fludrocortisone à la dose de 50 à 200 mg/j en une seule prise.
Une éducation stricte du patient doit être réalisée : régime
normosodé, proscrire tout traitement par diurétiques et
laxatifs, doubler la posologie d’hydrocortisone en cas de

Coll. Dr J. Billet et Dr M.-H. Tessier, Nantes


fièvre, de stress aigu ou de grande chaleur.

Phéochromocytome
Le phéochromocytome est une tumeur développée aux
dépens des cellules chromaffines de la médullosurrénale
alors que les paragangliomes sont développés à partir de
résidus embryonnaires chromaffines extrasurrénaux, sé-
Fig. 74.24 Taches gris bleu, ardoisées de la face interne de la joue et du crétant des catécholamines (adrénaline, noradrénaline). Il
palais au cours d’une maladie d’Addison s’agit d’une tumeur rare, bilatérale chez 10 % des patients,
maligne dans 10 % des cas, potentiellement létale, qui re-
candidose cutanéomuqueuse, notamment dans le cadre présente 0,1 à 1 % des causes d’hypertension artérielle.
des polyendocrinopahies ; Son diagnostic clinique repose sur l’association d’une hy-
− des fibroses et des calcifications auriculaires et tendi- pertension artérielle permanente ou paroxystique et de la
neuses. triade céphalées, sueurs et palpitations. Il sera confirmé
biologiquement sur l’augmentation franche des catéchola-
Manifestations extracutanées mines et des dérivés méthoxylés (métanéphrines, norméta-
Certains signes sont communs à l’insuffisance surréna- néphrines), urinaires et sanguins. La localisation tumorale
lienne qu’elle soit primitive ou secondaire. L’asthénie est se fera sur la tomodensitométrie ou l’imagerie par réso-
le signe le plus précoce. Typiquement absente au réveil, nance magnétique nucléaire associée à une scintigraphie
elle s’aggrave au long de la journée pour être maximale au MIBG (I-méta-iodo-benzyl-guanidine) pour les localisa-
le soir et en cas d’effort physique. Il s’agit d’une asthénie tions extrasurrénaliennes ou multiples. Le traitement est
physique, psychique et sexuelle. L’hypotension artérielle, chirurgical après préparation médicale en milieu spécialisé.
conséquence de l’hypovolémie, est liée au déficit minéralo- Les manifestations dermatologiques du phéochromocy-
corticoïde. Les troubles digestifs se caractérisent par une tome sont rares, dominées par les crises sudorales (environ
tendance à la constipation et une anorexie. L’amaigrisse- deux tiers des cas), associées à une pâleur faciale (40 %)
ment est plurifactoriel : déplétion sodée du déficit minéralo- lors des accès paroxystiques d’hypertension artérielle ¹⁵.
corticoïde, anorexie, et carence en androgènes surrénaliens Les crises sudorales sont généralisées, profuses, survenant
générant une réduction de l’anabolisme musculaire. pendant ou immédiatement après un pic hypertensif, ac-
compagnées d’une sensation de chaleur. En revanche, la sur-
Diagnostic biologique venue de flushes du visage est rare et oriente vers d’autres
Une cortisolémie à 8 heures inférieure à 3 μg/dl permet étiologies (syndrome carcinoïde, mastocytose...). Le diag-
d’affirmer le diagnostic tandis qu’une valeur supérieure à nostic différentiel peut se poser de façon exceptionnelle
19 μg/dl exclut le diagnostic. En cas de valeur intermédiaire, lors d’intoxication au mercure (acrodynie).
il convient de réaliser un test de stimulation par le synac- Plus rarement surviennent des signes d’ischémie périphé-
thène ou un test à la métopirone ou à l’hypoglycémie insu- rique compliquée de nécroses cutanées distales (fig. 74.25).
linique. Ainsi une cortisolémie inférieure à 22 μg/dl sous Le mécanisme physiopathologique en cause serait un vaso-
stimulation fait le diagnostic d’insuffisance surrénalienne. spasme des vaisseaux cutanés avec baisse du débit sanguin
Un déficit minéralocorticoïde sera évoqué devant une hypo- cutané, due en partie à la norépinéphrine. Un mécanisme si-
natrémie associée à une hyperkaliémie et confirmé par une milaire est incriminé dans la survenue de manifestations is-
augmentation de la rénine alors que l’aldostéronémie est chémiques viscérales extracutanées (cardiaques, digestives,
basse. La valeur des concentrations d’ACTH confirmera le rénales, neurologiques). La dopamine, dont la sécrétion
diagnostic d’insuffisance surrénalienne primitive en cas est fréquemment augmentée au cours des phéochromocy-
d’ACTH élevée ou centrale en cas d’ACTH normale ou tomes, pourrait être aussi impliquée.
basse. D’autres manifestations cutanées inhabituelles ont été
rapportées ponctuellement : kératodermie palmoplantaire,
Traitement vasculite cutanée, livedo réticulaire, érythrocyanose des ex-
Il est substitutif et doit être poursuivi à vie, avec un double trémités avec nodules sous-cutanés et ulcérations suspen-
objectif : la correction du déficit glucocorticoïde et du dé- dues en regard des tendons d’Achille, macules hypochro-

 ACTH adrenocorticotropic hormone


Acromégalie 74-13

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 74.25 Nécrose digitale d’un orteil révélateur d’un Fig. 74.26 Rides profondes et épaisses et pores dilatés du front au cours
phéochromocytome (Bessis D, Dereure O, Le Quellec A et al. d’une acromégalie
[Pheochromocytoma manifesting as toe necrosis]. Ann Dermatol Venereol
1998 ; 125:185-187) souvent d’apparition insidieuse, non remarquées par le ma-
lade ou la famille. Elles prédominent au visage et aux extré-
miques des membres inférieurs, urticaire chronique et gra- mités :
nulosis rubra nasi. − au visage : les traits sont grossiers, élargis, avec saillie
L’association phéochromocytome et neurofibromatose de des arcades sourcilières et des pommettes, nez élargi,
type 1 reste rare mais classique, cette dernière affection prognatisme et écartement des dents avec gêne de l’arti-
étant notée dans 5 % des cas de phéochromocytome. Par culé dentaire, lèvres épaissies et protrusives, augmenta-
ailleurs, le phéochromocytome peut être observé au cours tion du volume de la langue associée à une hypertrophie
de la maladie de von Hippel-Lindau, la sclérose tubéreuse des cordes vocales (voix rocailleuse), augmentation du
de Bourneville, le syndrome de Sturge-Weber, ou s’intégrer volume crânien (signe du chapeau) avec un cuir chevelu
dans le cadre des syndromes des néoplasies endocriniennes épaissi parcouru de bourrelets et de sillons réalisant un
multiples de type IIa ou IIb. aspect de cutis verticis gyrata (fig. 74.27) ;
− aux extrémités : mains larges, épaisses, prenant un
aspect carré avec des doigts boudinés (signe de l’al-
liance), élargissement avec augmentation de l’épais-
Hypophyse seur de l’avant-pied (changement de pointure de chaus-
sure), ongles courts, plats et épaissis à croissance rapide
Acromégalie (fig. 74.28).
Les différentes modifications cutanées sont rapidement
L’acromégalie résulte d’une hypersécrétion d’hormone de réversibles après traitement tandis que les signes d’hyper-
croissance par un adénome de l’antéhypophyse dans plus trophie osseuse persistent.
de 95 % des cas. Sa prévalence est rare, estimée entre 40 et À l’examen histologique, l’épaississement cutané concerne
70 cas par million d’habitants et son diagnostic est tardif le derme et est lié à l’accumulation de tissu conjonctif de la
(délai diagnostique de 4 à 10 ans) en raison de la lenteur matrice et à un œdème interstitiel par dépôt de mucopoly-
évolutive des signes cliniques. L’âge moyen au diagnostic saccharides acides (acide hyaluronique). Ces modifications
est de 40-45 ans. L’étiologie principale est un adénome sont liées à une action directe de l’hormone de croissance
hypophysaire, le plus souvent supracentimétrique. Le diag- (GH) sur les récepteurs fibroblastiques.
nostic d’une acromégalie chez un sujet de moins de 35 ans Parmi les autres signes cutanés plus rarement rapportés
orientera vers une atteinte syndromique (néoplasie endocri- mais classiques, il faut noter : une sécrétion sébacée aug-
nienne multiple de type 1, mutation du gène AIP, syndrome mentée, une hypertrichose (50 %), une hyperpigmentation
de McCune-Albright). diffuse (40 %), des fibromes cutanés multiples (30 %), un
acanthosis nigricans, parfois révélateur de l’affection. Des
Manifestations dermatologiques observations ponctuelles de kératoses séborrhéiques pro-
La principale manifestation dermatologique de l’acroméga- fuses (fig. 74.29), d’acné, ainsi que des associations à une mas-
lie est un épaississement cutané, marqué par de grosses tocytose cutanée, un pyoderma gangrenosum et un psoriasis
rides, des pores dilatés et une sudation excessive fré- ont été décrits.
quente ¹⁶,¹⁷ (fig. 74.26). Il s’associe à une hypertrophie des os
et des cartilages responsable d’un syndrome dysmorphique Manifestations extracutanées
caractéristique. Ces anomalies morphologiques sont le plus Les signes fonctionnels et généraux sont dominés par une
74-14 Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes

Coll. D. Bessis
Fig. 74.28 Mains larges, épaisses et d’aspect carré au cours d’une
acromégalie

Coll. D. Bessis

Fig. 74.27 Bourrelets et sillons du scalp au cours d’un cutis verticis


gyrata associé à une acromégalie

asthénie, des sueurs, surtout nocturnes et malodorantes,


des céphalées, des paresthésies des mains, un syndrome de
Raynaud inconstant, des douleurs articulaires. Les princi-
pales complications sont dominées par l’atteinte cardiovas-
culaire (hypertension, insuffisance cardiaque), le syndrome
d’apnée du sommeil), le diabète et le risque de tumeurs as-
sociées (cancer colique).

Diagnostic biologique et morphologique


La confirmation diagnostique repose sur la mise en évi-
dence d’une augmentation de la concentration d’IGF-1,
d’une élévation des concentrations plasmatiques d’hor-
Coll. D. Bessis

mone de croissance (GH) et d’une absence de freination de


la GH lors d’une charge en glucose (hyperglycémie provo-
quée orale avec 75 g de glucose). Une concentration infé-
rieure à 0,4 ng/ml sur le cycle de GH ou inférieure à 1 ng/ml Fig. 74.29 Kératoses séborrhéiques profuses du tronc au cours d’une
lors de l’HGPO permet d’éliminer le diagnostic. La localisa- acromégalie
tion anatomique de l’adénome hypophysaire est apportée
par l’imagerie par résonance magnétique. succès chirurgical est de 90 %, diminuant à 50 % en cas de
macroadénome (> 1 cm). Les analogues de la somastosta-
Traitement tine (octréotide, lanréotide) sont indiqués, à la fois par leur
Le seul traitement curatif est l’exérèse de l’adénome par effet freinateur de la sécrétion somatotrope mais aussi par
voie rhinoseptale, dont le succès dépend du volume tumo- leur effet antitumoral : préparation à la chirurgie en cas de
ral. En cas de microadénome (< 1 cm), le pourcentage de macroadénome, ou de non-guérison chirurgicale. Depuis
Hypopituitarisme 74-15

2003, un antagoniste du récepteur de la GH, le pegviso-


mant (Somavert), a enrichi l’arsenal thérapeutique dans
l’acromégalie ; il reste réservé aux patients opérés, non gué-
ris et non contrôlés par les analogues de la somatostatine,
et son utilisation peut être marquée par l’apparition de
lipodystrophie au site d’injections ¹⁸. Les agonistes dopami-
nergiques et en particulier la cabergoline (Dostinex) sont in-
diqués en cas d’adénomes mixtes somato-lactotropes (GH-
Prolactine). La radiothérapie hypophysaire, autrefois lar-
gement utilisée, n’a aujourd’hui guère d’indication dans
l’acromégalie. À ce jour, grâce à ces différents outils théra-
peutiques, plus de 80 % des patients atteints d’acromégalie
ont un taux d’IGF-1 normalisé.

Hypopituitarisme
L’hypopituitarisme est lié à une insuffisance partielle ou
complète de sécrétion des hormones de l’antéhypophyse.
Il peut résulter :

Coll. Pr Ph. Caron, Toulouse


− soit d’une atteinte de l’hypophyse antérieure : tumo-
rale sécrétante ou non, vasculaire, en particulier lors
de nécrose du post-partum (syndrome de Sheehan), ou
iatrogène (radiothérapie, chirurgie) ;
− soit d’une atteinte hypothalamique : tumorale (cranio-
pharyngiome), inflammatoire ou infectieuse. Fig. 74.30 Hypopigmentation diffuse du tronc au cours d’un
hypopituarisme
Manifestations dermatologiques
La principale manifestation cutanée de l’hypopituitarisme général et d’une hyponatrémie par dilution fréquente chez
est une hypopigmentation ¹⁹. Celle-ci est diffuse, particu- la personne âgée. La présence d’un diabète insipide fera
lièrement marquée au niveau des aréoles mammaires et plutôt évoquer une maladie infiltrative de la région hypo-
des organes génitaux externes (fig. 74.30). Elle s’accompagne thalamique ou une complication de la chirurgie de cette
d’une coloration jaunâtre des sillons nasogéniens et des ré- région.
gions palmoplantaires (caroténodermie) semblable à celle Les signes en faveur d’un déficit gonadotrope associent
observée au cours de l’hypothyroïdie. Le mécanisme physio- une disparition de la libido et de la fonction érectile chez
pathogénique de cette hypopigmentation est plurifactoriel : l’homme, une aménorrhée sans bouffées de chaleur et
anémie, diminution du flux sanguin cutané, diminution de une atrophie des muqueuses vaginales et vulvaires respon-
la mélanine intraépidermique par déficit de sécrétion des sables de dyspareunie chez la femme en période d’activité
hormones régulant la pigmentation mélanocytaire (MSH, génitale. Les principaux signes en faveur d’un déficit corti-
β-lipotrophine). cotrope sont une asthénie, une hypotension, des manifes-
Les autres signes cutanés sont marqués par une peau fine, tations de type hypoglycémique, une anorexie et un amai-
froide, sèche, lisse et un peu infiltrée. Au visage, un œdème grissement. Les signes en faveur d’un déficit thyréotrope
modéré, l’absence de grosses rides avec petites rides périor- associent une dépilation, une asthénie, une frilosité et une
bitaires et périlabiales donnent un aspect à la fois juvénile tendance à la prise de poids. Les signes en faveur d’un défi-
et vieillot. cit somatotrope sont une fatigabilité musculaire, une asthé-
Les cheveux sont fins et secs, la pousse de la barbe est ra- nie à l’effort, une tendance à l’adiposité abdominale et une
lentie avec une fréquente dépilation axillaire et pubienne. diminution de la masse musculaire. En revanche, il n’y a pas
Les ongles sont fins, fragiles et opaques et leur pousse est de signe clinique de l’insuffisance lactotrope, à l’exception
ralentie. La sécrétion sébacée et sudorale est diminuée. d’une absence de montée de lait en post-partum.

Manifestations extracutanées Diagnostic biologique et morphologique


Les signes cliniques de l’insuffisance antéhypophysaire Les tests biologiques permettent le diagnostic des diffé-
sont souvent de début insidieux et dépendent de l’inten- rents déficits hormonaux :
sité et de la nature de la déficience hormonale (corticotrope, − corticotrope : les tests de référence sont l’hypoglycémie
thyréotrope, gonadotrope ou hormone de croissance). L’ex- insulinique, le test à la métopirone et le test au synac-
pression clinique varie avec l’âge : retard de croissance chez thène (voir « Déficits en glucocorticoïdes », p. 74-11) ;
l’enfant, retard pubertaire et statural chez l’adolescent, sou- − thyréotrope : les concentrations basses de T4L contras-
vent non diagnostiqué chez l’adulte en raison de son ca- tant avec une TSH le plus souvent normale ou basse
ractère insidieux, et responsable d’une altération de l’état mais inadaptée ;

 MSH melanocyte-stimulating hormone


74-16 Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes

− gonadotrope : chez la femme en période d’activité géni- Hyperparathyroïdies


tale, le diagnostic est clinique (aménorrhée sans bouf-
fées de chaleur). La biologie fait état d’un taux sérique Les hyperparathyroïdies peuvent être d’origine primitive,
d’œstradiol bas associé à un taux de gonadotrophines liées dans 90 % des cas à un adénome isolé, plus rarement
hypophysaires basses ou normales. Chez la femme à une hyperplasie diffuse, des adénomes multiples, un car-
ménopausée, le diagnostic se fait également sur un cinome, ou d’origine secondaire, liées à une insuffisance
taux normal ou bas de gonadotrophines hypophysaires. rénale chronique, une ostéomalacie ou une pseudohypo-
Chez l’homme, le diagnostic, orienté par la clinique, parathyroïdie. L’hyperparathyroïdie primitive représente
se fera sur des concentrations basses de testostéroné- en fréquence actuellement la troisième cause d’endocrino-
mie totale sans élévation des gonadotrophines hypo- pathie après le diabète et l’hypothyroïdie. Elle est asymp-
physaires ; tomatique dans 80 % des cas. Son diagnostic est basé sur
− somatotrope : il ne se recherche que lorsqu’un traite- l’association d’une hypercalcémie et d’une augmentation
ment substitutif par GH est indiqué. Deux tests de sti- de concentration de la parathormone (PTH).
mulation de la GH sont alors nécessaires : l’hypoglycé-
mie insulinique et le test au GHRH ; Manifestations dermatologiques ²⁰
− lactotrope : exceptionnel, il se manifeste par des taux Elles sont rares au cours de l’hyperparathyroïdisme et des
plasmatiques de prolactine effondrés. hypercalcémies en général, et sont le plus souvent secon-
L’IRM de la région hypothalamo-hypophysaire est indis- daires à une insuffisance rénale. Elles consistent en des
pensable devant tout hypopituitarisme, à la recherche de calcifications sous-cutanées (calcinose métastatique), ca-
lésions hypophysaires ou suprahypophysaires tumorales, ractérisées par des papules ou des nodules blancs, fermes,
adénomateuses, néoplasiques, kystiques, infectieuses ou de disposition linéaire ou sous la forme de plaques infil-
infiltratives. trées, parfois inflammatoires ou ulcérées, laissant sourdre
une substance crayeuse de coloration blanc jaunâtre. Leur
Traitement localisation se fait symétriquement autour des grosses arti-
Il repose sur la substitution des axes atteints (à l’exception culations, en regard des sites d’injection ou des lésions de
de l’axe lactotrope) : grattage. Un prurit plus ou moins sévère est classiquement
− axe corticotrope : hydrocortisone per os à la dose de 15 associé mais de mécanisme non univoque.
à 20 mg/jour en 2 à 3 prises ; Ces dépôts calciques s’observent lorsque le produit phos-
− axe thyréotrope : lévothyroxine per os à la dose de 1 à phocalcique est élevé, excédant une valeur seuil de 70. L’évo-
1,2 μg/kg/j en 1 prise ; lution peut être favorable après traitement par fixateur
− axe gonadotrope : chez la femme, traitement œstro- de phosphore (carbonate de calcium) et régime pauvre
progestatif ; chez l’homme, esters de testostérone par en phosphates. La parathyroïdectomie peut dans certains
voie injectable intramusculaire tous les 28 jours, gel cas permettre une disparition complète des lésions cuta-
percutané de testostérone naturelle en application quo- nées.
tidienne, patch transdermique de testostérone toutes
les 72 heures ; Manifestations extracutanées
− axe somatotrope : GH par voie sous-cutanée en injec- Elles sont essentiellement en rapport avec l’hypercalcémie
tion quotidienne. et associent des signes généraux (asthénie générale et mus-
culaire), rénaux (syndrome polyuro-polydipsique, lithiase
rénale), digestifs (anorexie, constipation, nausées, vomis-
sements), neuropsychiques (apathie, somnolence, confu-
sion, psychose, coma) et cardiovasculaires (hypertension,
raccourcissement QT à l’ECG). Certains signes cliniques
peuvent orienter vers le diagnostic d’hyperparathyroïdie :
Parathyroïdes douleurs osseuses calmées par le repos, tuméfactions os-
seuses voire fractures spontanées. Ils sont le reflet de l’hy-
a parathormone (PTH) est responsable de la régulation
L du flux de calcium entre les compartiments intracel-
lulaires et extracellulaires au niveau des tissus cibles (rein,
perrésorption due à l’augmentation de l’activité ostéoclas-
tique PTH dépendante.

os) et du métabolisme de la vitamine D. Le mode d’action Diagnostic biologique et morphologique


exact de la PTH et la localisation d’éventuels récepteurs La limite supérieure de la calcémie au-delà de laquelle on dé-
cutanés sur la peau restent cependant mal connus. Les ma- finit une hypercalcémie est de 105 mg/l (soit 2,63 mmol/l).
nifestations cutanéomuqueuses associées à des syndromes La calcémie ionisée est un meilleur reflet de l’hypercalcé-
rares avec hypoparathyroïdie, comme la polyendocrinopa- mie puisqu’elle est l’élément fondamental de la régulation
thie auto-immune de type 1 (syndrome APECED), ou pseu- de la sécrétion de parathormone. On parle d’hypercalcémie
dohypoparathyroïdie, comme l’ostéodystrophie héréditaire lorsque la calcémie ionisée dépasse 1,40 mmol/l. Devant
d’Albright, seront abordées dans le chap. 78, « Maladies rares toute hypercalcémie, le dosage de PTH est indiqué. La co-
endocrinologiques et cutanées ». existence d’une hypercalcémie, même mineure et d’une va-

 IRM imagerie par résonance magnétique · PTH parathormone


Références 74-17

leur élevée ou normale (mais inappropriée) de PTH, oriente la calcémie plutôt que la baisse de la PTH et se normalisent
vers le diagnostic d’hyperpathyroïdie primaire. La calciurie par des apports calciques.
est augmentée tandis que la phosphorémie est basse (50 %
des cas). L’échographie des parathyroïdes et la scintigraphie Manifestations extracutanées
au sestamibi sont les deux examens indiqués à la recherche La clinique dépend de la sévérité et de la durée de l’installa-
d’un adénome parathyroïdien. Le scanner ou l’IRM cervi- tion de l’hypocalcémie. Les signes cliniques sont :
comédiastinaux peuvent être indiqués à la recherche d’un − neuromusculaires : paresthésies distales et péribuc-
adénome parathyroïdien ectopique. Tous ces examens ne cales, signe de Chvostek et de Trousseau, voire crise
se justifient que si l’indication chirurgicale est posée. de tétanie ;
− dentaires : hypoplasie dentaire, altération de l’émail
Traitement dentaire et caries dentaires en cas de début dans l’en-
La chirurgie parathyroïdienne conventionnelle ou mini- fance de l’hypocalcémie ;
invasive sera réservée aux sujets de moins de 50 ans − oculaires : la cataracte est une manifestation évocatrice
et aux situations suivantes : hypercalcémies malignes et de topographie caractéristique, sous-capsulaire anté-
> 120 mg/l (3 mmol/l) ; lithiases rénales et hypercalciurie ; rieure et postérieure, épargnant le noyau central du cris-
HTA non contrôlée ; ostéoporose sévère ; troubles neuro- tallin. Elle concerne près d’un tiers des patients après
psychiatriques. Les traitements médicaux reposent sur les quatre ans d’hypocalcémie ;
biphosphonates, la calcitonine et plus récemment le trai- − neurologiques : calcifications des noyaux gris centraux
tement calcimimétique (cinacalcet, Mimpara) qui permet (syndrome de Fahr) et calcifications des tissus mous ;
une freination de la secrétion de PTH. − osseuses : déminéralisation osseuse diffuse avec risque
de fractures et de tassements vertébraux ;
Hypoparathyroïdies − neuropsychiques : agitation, insomnie, trouble dépres-
sif et crises comitiales possibles, surtout en cas de
Les étiologies des hypoparathyroïdies sont congénitales baisse brutale de la calcémie.
(agénésie des parathyroïdes), postchirurgicales (chirurgie
des parathyroïdes ou de la thyroïde) ou auto-immunes, iso- Diagnostic biologique
lées ou s’intégrant dans le cadre d’une polyendocrinopathie. Il est affirmé par l’association d’une hypocalcémie (calcémie
Leur diagnostic est évoqué devant l’association d’une calcé- ionisée inférieure à 47 mg/l [1,17 mmol/l]) à une PTH basse
mie basse et d’un taux de PTH normal ou bas. ou normale. La phosphorémie est élevée en rapport avec
l’hypocalcémie.
Manifestations dermatologiques ¹⁷
Les modifications cutanéophanériennes sont communes Traitement
à toutes les étiologies d’hypoparathyroïdie. La peau est L’hypocalcémie aiguë est une urgence médicale. Son trai-
sèche et squameuse. Les ongles sont opaques, striés, cas- tement repose sur l’administration de calcium par voie in-
sants avec des lignes transversales (lignes de Beau). Les traveineuse. Au cours de l’hypoparathyroïdie, l’utilisation
cheveux sont fins, raréfiés et une alopécie est parfois notée. des dérivés 1α hydroxylés de la vitamine D est préconisée :
Des observations isolées de dermatite eczématiforme ou hy- 1α(OH)D3 ou alfacalcidion (un alfa) et 1,25(OH)2D3 ou cal-
perkératosique, d’impétigo herpétiforme, d’érythrodermie citriol (Rocaltrol). Une supplémentation en calcium peut
desquamative, d’hyperpigmentation diffuse ont été rappor- s’avérer nécessaire à l’initiation du traitement par les déri-
tées. Ces anomalies semblent en rapport avec la baisse de vés de la vitamine D.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Raingeard I, Bessis D. Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine,
vol. 4 : Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 74.1-74.18.
75
Hormones sexuelles
Antoine Bennet, Delphine Vezzosi, Philippe Caron

Physiopathologie des hyperandrogénies 75-1 Au cours de la grossesse 75-10


Hyperandrogénies féminines 75-3 Chez l’enfant 75-10
Manifestations cliniques 75-3 Traitement 75-11
Étiologies 75-5 Alopécie androgénogénétique masculine 75-12
Démarche diagnostique 75-8 Peau et ménopause 75-12
Bilan paraclinique 75-8 Peau et contraception orale 75-12
Autres cas de manifestations d’hyperandrogénie 75-9 Pathologies cutanées et stéroïdes sexuels féminins
Cas particuliers d’hyperandrogénie 75-10 75-13
En période d’installation de la ménopause 75-10 Références 75-13
En cas de prise d’une contraception œstroprogestative
75-10

e chapitre est principalement consacré à la prise en


C charge diagnostique et thérapeutique des hyperandro-
génies. Seront également abordées les manifestations der-
la somme de la testostérone libre et de la testostérone liée
à l’albumine représentant la testostérone biodisponible.
Dans la plupart des organes cibles, la testostérone est méta-
matologiques associées à la ménopause, la prise d’œstro- bolisée en DHT via l’action de la 5-alpha-réductase (fig. 75.2).
progestatifs ainsi que les affections dermatologiques ayant Il existe deux isotypes de 5-alpha-réductase de propriétés
un lien direct avec les stéroïdes sexuels. biochimiques et de distributions tissulaires cutanées dis-
tinctes, codés par les gènes SRD5A1 (isotype 1) et SRD5A2
Physiopathologie des hyperandrogénies (isotype 2). L’isotype 1 prédomine au niveau des cellules
épithéliales des glandes sébacées (sébocytes) et des kéra-
La synthèse des androgènes féminins provient d’une part tinocytes de la gaine épithéliale du poil. L’isotype 2 est
des organes endocrines, plus spécifiquement des surré- préférentiellement distribué au niveau des fibroblastes
nales et des ovaires et d’autre part d’organes cibles variés, des papilles dermiques sous-jacentes à chaque follicule pi-
au premier plan le tissu cutané et graisseux. Cinq andro- leux ¹,². Le tissu cutané contient par ailleurs des enzymes
gènes sont synthétisés à partir des glandes endocrines permettant l’interconversion des molécules androgéniques
(fig. 75.1) : déhydroépiandrostérone-sulfate (SDHEA), déhy- entre elles ainsi que leur transformation en œstrogènes.
droépiandrostérone (DHEA), androstènedione, testosté- La DHT peut être produite au niveau cutané à partir des
rone et androstènediol. La testostérone et, de façon encore androgènes « faibles », DHEA et androstènedione, cette der-
plus marquée, son métabolite périphérique, la dihydrotes- nière étant convertie en 5-alpha-androstanedione par la 5-
tostérone (DHT), sont capables de stimuler le récepteur alpha réductase, puis transformée en DHT sous l’action de
des androgènes. Le SDHEA, la DHEA et l’androstènedione la 17-bêta-hydroxystéroïde deshydrogénase. Le rôle exact
constituent des précurseurs de la testostérone et de la DHT. de cette dernière voie hormonale en pathologie cutanée
Le rôle physiologique de l’androstènediol est mal connu. La reste mal connu. Il existe plusieurs sous-types de 17-bêta-
quasi-totalité du SDHEA, 80 % du DHEA et 50 % de l’an- hydroxystéroïde déshydrogénase, certains aboutissant à
drostènedione sont produits par les surrénales, le reste la production des androgènes actifs au niveau du récep-
étant synthétisé par les ovaires. Entre 50 à 75 % de la tes- teur (testostérone et DHT, avec fonction alcool en 17-bêta),
tostérone est produit par les ovaires tandis que le reste de d’autres ayant l’effet inverse (production de molécules à
la production se fait au niveau des glandes surrénales. fonction cétone en 17-bêta). L’affinité de la DHT pour le
Au niveau sanguin, la testostérone circule soit sous forme récepteur aux androgènes est environ cinq fois supérieure
libre (2 %), soit sous forme liée, principalement à la SHBG à celle de la testostérone. Les androgènes non réduits par la
(sex hormone-binding globulin) mais également à l’albumine, 5-alpha-réductase (dont la testostérone, mais non la DHT)

 DHEA déhydroépiandrostérone · DHT dihydrotestostérone · SDHEA déhydroépiandrostérone-sulfate · SHBG sex hormone-binding globulin
75-2 Hormones sexuelles

Bloc en 21-hydroxylase
Cholestérol
1. CYP11A

2. HSD3B2 4. CYP21 5, 6. CYP11B1


Pregnélonone Progestérone 11-désoxycorticostérone (DOC) CYP11B2 Aldostérone
3a. CYP17 3a. CYP17

2. HSD3B2 4. CYP21 5. CYP11B1


17-OH-pregnélonone 17-OH-progestérone 11-désoxycortisol (S) Cortisol
3b. CYP17 3b. CYP17

2. HSD3B2
Déhydroépiandrostérone Delta 4-androstènedione Testostérone

5-androstanediol Estrone Estradiol Dihydrotestostérone

Coll. D. Bessis
Fig. 75.1 Biosynthèse des stéroïdes

peuvent être métabolisés en œstrogènes par l’aromatase. rique des androgènes par :
Ils peuvent être conjugués sous forme de glucuronides, ou − augmentation de la conversion périphérique cuta-
de sulfates, principalement au niveau hépatique. née des androgènes par une activité intense de
Les manifestations dermatologiques liées aux hyperandro- la 5-alpha-réductase génétiquement déterminée
génies féminines relèvent schématiquement de trois méca- comme au cours de l’hirsutisme idiopathique ou
nismes : de l’alopécie androgénétique féminine,
− hyperproduction d’androgènes par les ovaires (tumeurs − activité fonctionnelle accrue des récepteurs aux an-
virilisantes ovariennes, syndrome des ovaires polykys- drogènes, déterminée génétiquement et pouvant,
tiques) ou par les surrénales (tumeurs virilisantes surré- selon certains auteurs, jouer un rôle dans l’hirsu-
naliennes, blocs enzymatiques en 21-hydroxylase, ma- tisme, l’acné et l’alopécie androgénétique ³,⁴. En re-
ladie de Cushing) ; vanche, il n’a pas été mis en évidence d’augmenta-
− majoration de la forme biodisponible de la testostérone tion quantitative des récepteurs cutanés aux andro-
plasmatique en raison d’une diminution de la princi- gènes ou d’anomalie de la capacité de liaison des
pale protéine porteuse, la SHBG ; androgènes au niveau cutané, qui pourrait rendre
− majoration de l’utilisation et/ou de l’action périphé- compte de manifestations d’hyperandrogénie ⁵.

PRODUCTION TRANSPORT UTILISATION / ACTION

ent sanguin
partim
Com
le cutanée
Cellu
3 ALPHA A-DIOL
3 ALPHA A-DIOL
3α-
5 α-
TESTOSTÉRONE RÉDUCTASE
RÉDUCTASE
LIBRE TESTOSTÉRONE DIHYDROTESTOSTÉRONE DIHYDROTESTOSTÉRONE
TESTOSTÉRONE LIBRE
50-75 % ovaires Noyau
25-50 % surrénales TESTOSTÉRONE LIÉE
Organes
(SHBG, albumine) RÉCEPTEUR
ANDROSTÈNEDIONE ANDROSTÈNEDIONE ANDROGÈNE
50 % ovaires
50 % surrénales
DÉHYDROÉPIANDROSTÉRONE DHEA ARN m
80 % surrénales 5 ALPHA-ANDROSTANE-DIONE
20 % ovaires
ARN m
ANDROSTÉRONE

PROTÉINE
ANDROSTÉRONE
Coll. D. Bessis

DHEA : déhydroépiandrostérone
SHBG : sex hormone-binding globulin
3 alpha A-diol : 3 alpha androstane-diol ou 3 alpha, 17 béta dihydroxy-5 alpha androstane ACTION BIOLOGIQUE

Fig. 75.2 Métabolisme périphérique des androgènes

 SHBG sex hormone-binding globulin


Hyperandrogénies féminines 75-3

Hyperandrogénies féminines lisière fronto-temporale, comme au cours de l’alopécie mas-


culine androgénique. Le processus s’accentue avec l’âge et
Manifestations cliniques après la ménopause et s’associe parfois à une hypersébor-
Les manifestations dermatologiques de l’hyperandrogénie rhée. Histologiquement, l’alopécie androgénique féminine
féminine sont représentées par l’hirsutisme (60 à 80 %), se caractérise par une miniaturisation progressive des folli-
l’acné (10 à 40 %) et l’alopécie féminine de type androgéné- cules terminaux avec une réduction de la profondeur et du
tique. diamètre de la tige pilaire aboutissant à la formation de du-
L’hirsutisme se définit comme une pilosité de type « termi- vets. La présence de tractus fibreux dermohypodermiques
nal » composée de poils épais et pigmentés, localisée chez et d’amas de tissus élastiques est notée en profondeur ¹¹.
la femme sur les zones dites « testoïdes », correspondant L’acné touche environ 80 % des adolescents ¹² et, dans la
aux aires de pilosité sélectivement présentes dans le sexe plupart des cas, n’est pas liée à une hyperandrogénie. L’acné
masculin : visage, poitrine, ligne ombilico-pubienne et face des hyperandrogénies peut survenir à tout âge, mais est
interne des cuisses (fig. 75.3 et fig. 75.4) ⁶,⁷. L’hypertrichose est évocatrice en cas de début précoce avant l’âge de 9 ans, ou
également liée à une augmentation de croissance des poils tardif et persistant en fin d’adolescence ou à l’âge adulte.
ou à la transformation de duvet en poils terminaux, mais Cliniquement, il s’agit d’une acné sévère de type inflamma-
s’oppose à l’hirsutisme par sa présence sur des aires non toire papulo-pustuleuse ou nodulaire, touchant avec prédi-
androgéno-dépendantes. L’hirsutisme a une prévalence es- lection le tronc, le cou et le menton (fig. 75.8). L’association à
timée à près de 5 % chez les femmes avant la ménopause. un hirsutisme, une spanioménorrhée persistante deux ans
Des scores permettent une définition objective et quantita- après l’apparition des premières règles, ou son caractère
tive de l’hirsutisme, comme le score de Ferriman et Gallwey rebelle au traitement ou récidivant sont également évoca-
à 11 sites ⁸ (fig. 75.5), où l’hirsutisme est défini par un score teurs d’une hyperandrogénie. La sévérité de l’acné peut
supérieur ou égal à 8. Des versions modifiées de ce score s’apprécier par diverses échelles d’évaluation permettant
peuvent également être utiles, plus spécifiques des zones un suivi clinique et thérapeutique des patients. En France,
androgéno-dépendantes comme une version à 9 sites ⁶, ex- l’Échelle de cotation des lésions d’acné (grille ECLA) permet
cluant les avant-bras et les jambes ou une version rajoutant de déterminer le type, la sévérité et l’extension de l’acné
à ces 9 sites les joues (favoris), le cou et la région périnéale ⁹. lors d’une première consultation et d’apprécier l’efficacité
L’alopécie de type androgénique féminine se caractérise
par une réduction progressive de la longueur, du volume
et de la densité des cheveux qui sont remplacés par des
cheveux intermédiaires puis par du duvet. Ces derniers res-
tent longtemps associés en proportion variable à des che-
veux terminaux conférant un aspect hétérogène à l’alopé-
cie, très évocateur du diagnostic (fig. 75.6). La zone du scalp
préférentiellement atteinte est la partie médiane du som-
met du crâne, dessinant une calotte, tandis qu’une bande
médiane frontale antérieure et les régions temporales et
occipitales sont respectées (fig. 75.7) ¹⁰. Elle peut également
toucher les golfes frontaux avec un recul en « M » de la
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 75.3 Hirsutisme : pilosité de type « terminal » composé de poils Fig. 75.4 Hirsutisme et alopécie de type androgénique au cours d’une
épais et pigmentés sur la joue, la lèvre supérieure et sous le menton hyperandrogénie féminine sévère
75-4 Hormones sexuelles

Lèvre supérieure
LÈVRE SUPÉRIEURE 1. Quelques poils aux commissures
2. Petite moustache vers les commissures
3. Moustache des commissures à mi-chemin de la ligne médiane
1 2 3 4 4. Moustache complète
MENTON
1. Quelques poils disséminés
2. Poils disséminés avec quelques zones de concentration
3 & 4. Barbe légère ou importante
1 2 3 4

POITRINE
1. Poils périaréolaires
2. Poils sur la ligne médiane en plus des précédents
3. Fusion de ces 2 zones avec trois quarts de poitrine couverts
4. Couverture complète
1 2 3 4

PARTIE SUPÉRIEURE DU DOS


1. Poils disséminés
2. Un peu plus, toujours disséminés
3 & 4. Toison légère ou épaisse

1 2 3 4
PARTIE INFÉRIEURE DU DOS
1. Touffe de poils sacrés
2. Avec une extension latérale
3. Couverte aux trois quarts
4. Complètement couverte
1 2 3 4
PARTIE SUPÉRIEURE DE L’ABDOMEN
1. Quelques poils sur la ligne médiane
2. Plus, toujours sur la ligne médiane
3 & 4. Demi-toison ou toison complète
1 2 3 4
PARTIE INFÉRIEURE DE L’ABDOMEN
1. Quelques poils sur la ligne médiane
2. Trainée de poils sur la ligne médiane
3. Bande de poils
1 2 3 4 4. Pilosité en forme de triangle inversé
BRAS
1. Poussée éparse n’atteignant pas plus d’un quart de la surface du membre
2. Poussée plus importante mais le membre n’est toujours pas couvert
3 & 4. Couverture complète légère ou dense
1 2 3 4

AVANT-BRAS Couverture complète de la face dorsale


1 et 2 : légers ; 3 et 4 : denses
CUISSE
1. Poussée éparse n’atteignant pas plus d’un quart de la surface du membre
2. Poussée plus importante mais le membre n’est toujours pas couvert
3 & 4. Couverture complète légère ou dense

1 2 3 4
Coll. D. Bessis

JAMBES Comme l’avant-bras

Fig. 75.5 Score de l’hirsutisme de Ferriman et Gallwey


Hyperandrogénies féminines 75-5

Coll. D. Bessis

Fig. 75.6 Association de cheveux terminaux épais et pigmentés et


de cheveux intermédiaires plus fins et plus clairs au cours d’une alopécie
androgénique féminine

du traitement prescrit par son utilisation lors des consul-

Coll. D. Bessis
tations de suivi ¹³. Le retentissement de l’acné sur la vie
des sujets atteints peut être également évalué par des ques-
tionnaires de qualité de vie prenant en compte les facteurs
psychologiques et environnementaux comme le question- Fig. 75.7 Alopécie de type androgénique féminine : atteinte de la partie
naire CADI, dont il existe une version française validée ¹⁴. médiane du scalp et respect d’une bande frontale antérieure et des régions
temporales
Étiologies
L’hyperandrogénie peut traduire un excès de production responsables d’une hyperandrogénie iatrogène, en dehors
des androgènes d’origine ovarienne ou surrénalienne ou des androgènes eux-mêmes :
une sensibilité excessive de la peau ou de certaines annexes − progestatifs androgéniques : lynestrenol, noréthisté-
à l’action des androgènes (tableau 75.1). La principale étiolo- rone, lévonorgestrel ;
gie des hyperandrogénies est représentée par le syndrome − anticomitiaux : phénytoïne, phénobarbital et valproate,
des ovaires polykystiques. Dans une étude évaluant la pré- ce dernier pouvant induire un syndrome des ovaires
valence des différentes étiologies d’hyperandrogénies chez polymicrokystiques ;
873 femmes vues consécutivement pour un trouble de ferti- − phénothiazines : les hirsutismes semblent toutefois
lité, le syndrome des ovaires polykystiques était mis en évi- plus fréquents en cas de pathologie psychiatrique chro-
dence dans 82 % des cas. Les autres étiologies étaient l’hir- nique qu’il y ait ou non usage de phénothiazines ¹⁶.
sutisme idiopathique (4,7 %), le syndrome métabolique Organiques Les étiologies organiques d’hyperandrogé-
d’insulinorésistance avec hyperandrogénie et l’acanthosis nies peuvent schématiquement se subdiviser en fonction
nigricans (3,1 %), l’hyperplasie surrénalienne par bloc en de la présence ou non de signes associés (tableau 75.1). Trois
21-hydroxylase de forme non classique (1,6 %) et de forme affections organiques peuvent être responsables de signes
classique (0,6 %) et les tumeurs virilisantes (0,2 %) ¹⁵. d’hyperandrogénie : le syndrome de Cushing, l’acromégalie
Iatrogènes Elles sont à rechercher systématiquement à et l’hyperprolactinémie. L’hypothyroïdie peut occasionnel-
l’interrogatoire. Il faut en particulier s’enquérir de la prise lement être responsable d’hirsutisme par diminution de la
de médications à effets androgéniques comme la consom- SHBG plasmatique.
mation de DHEA en postménopause. En cas de prise de Hyperandrogénies avec signes associés Le syndrome de
pilule œstroprogestative, il ne faut pas conclure trop hâ- Cushing entraîne typiquement une prise de poids facio-
tivement à la responsabilité du progestatif contenu dans tronculaire, un visage érythrosique et lunaire, un comble-
l’association, même s’il a un effet androgénique quand il est ment adipeux des creux sus-claviculaires et de la région
utilisé isolément. De nombreux médicaments peuvent être cervicodorsale en « bosse de bison », des vergetures larges,

 DHEA déhydroépiandrostérone · SHBG sex hormone-binding globulin


75-6 Hormones sexuelles

Tableau 75.1 Étiologies des hyperandrogénies


Iatrogènes Androgènes
Déhydroépiandrostérone (DHEA)
Progestatifs androgéniques
Antiépileptiques (phénytoïne,
phénobarbital, valproate)
Phénothiazines
Organiques avec signes Syndrome de Cushing
associés Acromégalie
Hyperprolactinémie
Hypothyroïdie
Organiques sans signes Tumeur virilisante ovarienne
associés Tumeur virilisante surrénalienne
(hyperandrogénie pure) Bloc en 21-hydroxylase
Bloc en 11-bêta-hydroxylase
Bloc en 3-bêta-hydroxy-stéroïde-
déshydrogénase
Syndrome de résistance aux
glucocorticoïdes
« Fonctionnelles » (ou Syndrome des ovaires polymicrokystiques
Coll. D. Bessis

« métaboliques ») (hyperandrogénie ovarienne fonctionnelle)


Hyperandrogénie surrénalienne
fonctionnelle
Fig. 75.8 Acné papuleuse, pustuleuse et nodulaire diffuse avec atteinte Hyperthécose ovarienne
des épaules et de la région dorsolombaire au cours d’une hyperandrogénie
masculine secondaire à une hyperplasie surrénalienne Idiopathiques Hirsutisme idiopathique
Alopécie androgéno-génétique féminine
pourpres et horizontales, une fragilité cutanée vasculaire isolée
avec ecchymoses faciles, une hypertension artérielle et par- Acné isolée
fois un diabète. Chez la femme, il n’est pas rare que les Grossesse Kystes lutéiniques
manifestations d’hyperandrogénie soient le motif initial Lutéome
de la consultation. Tumeurs solides ovariennes ou
L’acromégalie se caractérise par une dysmorphie lentement surrénaliennes
évolutive du visage et des extrémités (mains, pieds) liée à Déficit en aromatase placentaire
une hypertrophie osseuse et cartilagineuse. L’épaississe- (exceptionnel)
ment cutané et une hyperséborrhée constituent les princi-
paux signes cutanés de cette affection. Une symptomatolo-
gie d’hyperandrogénie peut révéler cette affection chez la à des signes de syndrome de Cushing ou d’hyperminéra-
femme. locorticisme comme l’hypertension artérielle et l’hypoka-
L’hyperprolactinémie est beaucoup moins rare que les deux liémie. Le développement rapide d’une alopécie androgé-
affections précédentes. Elle entraîne une galactorrhée et nique, plus évocatrice si, comme dans la forme masculine,
des troubles des cycles. Les manifestations d’hyperandrogé- elle intéresse les golfes frontaux, ou s’associe à d’autres
nie sont rarement au premier plan ou occasionnellement le signes de virilisation (hypertrophie clitoridienne, hyper-
motif initial de consultation. L’hyperprolactinémie stimule trophie musculaire, masculinisation de la voix, modifica-
la production d’androgènes surrénaliens et le traitement tions de la libido), ou un syndrome de déféminisation (amé-
des prolactinomes aboutit à une diminution du taux d’an- norrhée avec involution mammaire) est également évoca-
drogènes surrénaliens ¹⁷,¹⁸. teur ²⁰,²¹. Les tumeurs ovariennes virilisantes de l’adulte
Hyperandrogénies isolées (« pures ») En présence de signes sont généralement très petites et difficilement décelables
cliniques isolés d’hyperandrogénie, il est particulièrement par les examens morphologiques ¹⁹,²⁰. Citons l’arrhénoblas-
important d’en préciser le mode évolutif. tome (ou tumeur à cellules de Sertoli-Leydig) chez la femme
Devant une symptomatologie d’hyperandrogénie isolée et jeune et les tumeurs hilaires à cellules de Leydig, plus fré-
rapidement évolutive, comme un hirsutisme récent, même quentes en post-ménopause ²⁰. Les tumeurs virilisantes sur-
s’il est modéré, une étiologie organique d’hyperandrogé- rénaliennes sont généralement des cortico-surrénalomes
nie doit être envisagée, en particulier une tumeur viri- malins volumineux, de croissance rapide, bien visibles au
lisante ovarienne ou surrénalienne ¹⁹. Dans le cas de tu- scanner, voire parfois palpables ²².
meurs surrénaliennes, l’hyperandrogénie peut s’associer Devant une symptomatologie d’hyperandrogénie isolée et

 DHEA déhydroépiandrostérone
Hyperandrogénies féminines 75-7

chronique, évoluant ou constatée à l’adolescence, le dépis- mutation inactivatrice du récepteur aux glucocorticoïdes ²⁷,
tage d’un bloc enzymatique en 21 hydroxylase (fig. 75.1) dans entraînant une insensibilité partielle au cortisol. Le tableau
sa forme « de révélation tardive » (« forme non classique ») biologique hormonal est difficile à différencier d’une mala-
est nécessaire. Des antécédents de puberté précoce iso- die de Cushing, mais il n’existe aucun signe clinique d’hy-
sexuelle, de prémature pubarche, de pilosité ou d’acné d’ap- percortisolisme.
parition précoce (avant les premières règles, voire avant « Fonctionnelles » (ou « métaboliques ») Ce sont les étio-
9 ans), et la notion de grande taille dans l’enfance (préco- logies les plus fréquentes, à envisager après avoir éliminé
cité de la poussée de croissance parapubertaire) et de petite les étiologies organiques ou iatrogènes.
taille à l’âge adulte, par rapport à d’autres membres de la Syndrome des ovaires polymicrokystiques Le SOPMK est
famille, peuvent être présents. Parfois il existe un antécé- actuellement défini par les critères du consensus de Rot-
dent familial de mort en période néonatale par déshydrata- terdam ²⁸ : chez des patientes pour lesquelles une cause
tion (syndrome de perte de sel), d’ambiguïté sexuelle, ou organique d’hyperandrogénie (Cushing, acromégalie, adé-
de bloc en 21-hydroxylase déjà diagnostiqué. Ce dernier nome à prolactine, bloc en 21-hydroxylase) a été éliminée,
s’exprime souvent comme une hyperandrogénie isolée de la présence d’au moins deux des trois critères suivants est
l’adolescence, ou peut être quasi asymptomatique (forme nécessaire :
cryptique) ²³. − hyperandrogénie clinique et/ou biologique établie par
L’acné peut amener à déceler des blocs en 21-hydroxylase le dosage de testostérone ou du rapport testostérone/
de forme non classique également dans le sexe masculin, SHBG (sex hormone binding globulin) ;
et peut bénéficier d’un traitement de freinage surrénalien − troubles des cycles (moins de 8 cycles par an) ;
par glucocorticoïdes à faibles doses ²⁴. − aspect polymicrokystique des ovaires à l’échographie
L’appellation de formes « non classiques » oppose ces pelvienne, avec soit la présence de 12 follicules de
formes diagnostiquées à l’adolescence ou à l’âge adulte moins de 10 mm sur un ovaire, soit un volume ovarien
aux formes pédiatriques dites « classiques », réparties en (calculé par la formule : longueur × largeur × épaisseur
« formes virilisantes simples » et « formes virilisantes avec × 0,5) supérieur à 10 ml.
perte de sel ». Ces formes classiques sont exprimées pré- Le SOPMK est très fréquent et toucherait entre 6 à 10 %
cocement par la virilisation des fœtus féminins, avec à la des femmes en âge de procréer. Il est classiquement res-
naissance un possible syndrome de perte de sel dans les ponsable d’une spanioménorrhée souvent primaire, d’une
deux sexes. Le diagnostic de bloc en 21-hydroxylase dé- hyperandrogénie clinique d’évolution lente et souvent asso-
bouche sur une démarche spécialisée de prévention lors ciée à un excès pondéral. Il existe fréquemment un antécé-
de la mise en route d’une grossesse. La transmission se dent personnel et familial de pathologie métabolique avec
fait sur un mode autosomique récessif. En cas de forme un syndrome métabolique d’insulinorésistance et un pos-
non classique, la patiente peut être homozygote (même sible acanthosis nigricans. Ce dernier n’est pas spécifique de
mutation sur les deux allèles) pour une mutation « non sé- l’insulinorésistance du SOPMK et peut également être ob-
vère » sans risque de virilisation fœtale ou de syndrome servé en cas d’acromégalie ou de syndrome de Cushing. Le
de perte de sel pour la descendance. Elle peut également syndrome métabolique du SOPMK est défini par le consen-
être double hétérozygote composite, et être porteuse d’une sus de Rotterdam par la présence de trois des cinq critères
mutation non sévère et d’une mutation sévère. Dans le cas suivants :
d’un conjoint porteur hétérozygote asymptomatique d’une − tour de taille supérieur à 88 cm ;
mutation sévère, il existe un risque de virilisation fœtale − taux de triglycérides plasmatiques supérieur ou égal à
et/ou de syndrome de perte de sel pour la descendance. Ce 1,5 g/l ;
cas de figure, rare mais possible, souligne l’intérêt du dépis- − taux plasmatique de cholestérol-HDL inférieur à 0,5 g/l ;
tage des blocs en 21-hydroxylase de révélation tardive chez − pression sanguine artérielle systolique supérieure ou
les patientes qui envisagent une grossesse et, dans ce cas, égale à 130 mmHg ou pression sanguine artérielle dia-
l’intérêt d’une recherche de portage hétérozygote chez le tolique supérieure ou égale à 85 mmHg ;
conjoint ²³. Le traitement par dexaméthasone pendant la − glycémie à jeun de 1,1 à 1,26 g/l (ce qui correspond à la
grossesse pourra permettre alors d’éviter ou de réduire les définition de l’« hyperglycémie à jeun ») ou glycémie à
virilisations fœtales. 2 h après charge en glucose (75 g) de 1,4 à 1,99 g/l (des
Le bloc en 11 bêta-hydroxylase est responsable d’une hyper- valeurs supérieures définissant un diabète).
androgénie, d’un hyperminéralocorticisme avec hyperten- Le syndrome métabolique est à prendre en charge sur le
sion artérielle et hypokaliémie ²⁵, et d’une élévation du taux plan thérapeutique, pour prévenir les éventuelles compli-
de composé S plasmatique postsynacthène. Cependant cations vasculaires et traiter le SOPMK lui-même. En effet,
l’existence de formes de révélation tardive chez l’adulte pa- l’hyperandrogénie s’améliore avec la réduction de l’excès de
raît exceptionnelle et ne justifie pas sa recherche systéma- poids et la correction de l’insulinorésistance ²⁹,³⁰.
tique. Le bloc en 3 bêta-hydroxy-stéroïde-déshydrogénase Hyperandrogénie surrénalienne fonctionnelle Elle se définit
de révélation tardive chez l’adulte, auquel on attribuait au- par une élévation modérée de la concentration plasmatique
trefois les élévations non expliquées de sulfate de DHEA, de sulfate de DHEA, isolée ou associée au SOPMK, et gé-
est actuellement considéré comme quasi inexistant ²⁶. néralement aux mêmes facteurs métaboliques ³¹, avec en
Le syndrome de résistance aux glucocorticoïdes est lié à une particulier une augmentation de la masse grasse ³². Elle

 DHEA déhydroépiandrostérone · SHBG sex hormone-binding globulin · SOPMK syndrome des ovaires polymicrokystiques
75-8 Hormones sexuelles

bénéficie de mesures thérapeutiques identiques à celles pré- Bilan paraclinique


conisées au cours du SOPMK. Le syndrome de Cushing se dépiste sur le plan hormonal
Hyperthécose ovarienne Elle s’observe avec prédilection par un test à la dexaméthasone (Dectancyl) : dosage de
en post-ménopause ³³ et se distingue du SOPMK par une cortisol plasmatique à 8 h du matin après prise la veille à
sécrétion importante pseudotumorale d’androgènes, une 24 h de 1 mg de Dectancyl per os (2 comprimés à 0,5 mg).
insulinorésistance marquée et un aspect anatomopatho- Chez un sujet non atteint, le cortisol est freiné et ne dé-
logique particulier marqué par la présence d’ilôts de cel- passe pas 1,8 μg/dl ³⁸. Dans le cas contraire, la poursuite
lules thécales lutéinisées dans le stroma ovarien. Cet as- des investigations s’impose.
pect anatomopathologique s’oppose au SOPMK où il existe L’acromégalie se dépiste par un dosage plasmatique d’IGF-1
une hyperplasie thécale dans les follicules ovariens. Des et de GH. En cas d’élévation de ces valeurs, un test de frei-
images histologiques d’hyperthécose peuvent cependant nage de la GH par hyperglycémie provoquée per os devra
être observées dans certains SOPMK ³⁴ faisant considérer être effectué. Chez le sujet non atteint, la GH s’abaisse en
l’hyperthécose ovarienne comme une variante sévère du dessous de 0,3 ng/ml au cours de l’épreuve d’hyperglycé-
SOPMK ³³. Le diagnostic d’hyperthécose n’est le plus sou- mie ³⁹.
vent établi formellement que par l’examen anatomopatho- L’hyperprolactinémie est diagnostiquée par un dosage sé-
logique des ovaires après exérèse chez une patiente méno- rique de prolactine, de préférence sur une série de 3 prélè-
pausée présentant une hyperandrogénie ayant fait suspec- vements à 15 minutes d’intervalle, à partir de 10 heures
ter une tumeur ovarienne. du matin, ces précautions visant à réduire les risques de
fausse hyperprolactinémie par effet de stress sur le premier
Démarche diagnostique prélèvement ou par l’effet d’un horaire trop précoce (la pro-
L’interrogatoire doit éliminer les causes iatrogènes pos- lactinémie s’élève physiologiquement en fin de nuit). Une
sibles. La démarche est ensuite clinique, axée sur la pré- prolactinémie supérieure à la normale (donc supérieure
sence éventuelle de signes associés et le mode évolutif des à 20 ng/ml, avec de nombreuses techniques de dosage)
symptômes (fig. 75.9) : impose un bilan étiologique dominé par l’interrogatoire,
− les signes associés sont les seuls qui pourront orien- l’examen clinique et l’IRM hypophysaire.
ter vers des affections organiques responsables d’hy- Une tumeur virilisante est dépistée face à une importante
perandrogénie, mais non décelables par le dosage des augmentation des taux sériques de testostérone (tumeur
androgènes plasmatiques : syndrome de Cushing, acro- ovarienne ou surrénalienne) et de sulfate de DHEA (tu-
mégalie, hyperprolactinémie ; meur surrénalienne). Chez une femme adulte, non méno-
− le mode évolutif : le caractère récent ou récemment évo- pausée et ne prenant aucune médication interférant avec
lutif d’un hirsutisme sera souvent le seul argument per- les résultats (en particulier pas de contraception œstro-
mettant d’évoquer une tumeur virilisante. progestative), une tumeur virilisante ovarienne ou surré-
En cas de signes d’hyperandrogénie peu évolutifs, sans nalienne est vraisemblable pour un taux de testostérone
autre symptôme associé, l’existence de troubles des cycles plasmatique supérieur à 2,5 ng/ml et possible pour des
menstruels ou l’association de plusieurs signes dermato- valeurs supérieures 1,5 ng/ml. Une tumeur virilisante sur-
logiques d’hyperandrogénie entre eux (par exemple hirsu- rénalienne doit être recherchée si le taux sérique de sulfate
tisme associé à une acné ou à une alopécie de type andro- de DHEA est supérieur à 600 μg/dl. Ces concentrations plas-
génique) justifie une recherche hormonale d’hyperandrogé- matiques élevées de testostérone et/ou de sulfate de DHEA
nie. sont cependant absentes dans 10 % à 20 % des tumeurs
S’il n’existe qu’un symptôme isolé d’hyperandrogénie (hir- virilisantes surrénaliennes ou ovariennes ²⁰,²². La répéti-
sutisme ou alopécie ou acné) sans évolutivité récente, la né- tion des dosages hormonaux devant un hirsutisme évolutif
cessité d’un bilan est plus discutable. Toutefois, 50 à 75 % (caractère fluctuant de la sécrétion hormonale) ⁴⁰ et la re-
des patientes présentant un hirsutisme isolé auraient une cherche du caractère freinable des concentrations d’andro-
hyperandrogénie ³⁵. L’alopécie de type androgénogénétique gènes par un test à la dexaméthasone dans le cadre d’un hir-
féminine s’associe à une hyperandrogénie dans 40 % des sutisme récent et/ou récemment évolutif est souhaitable.
cas, mais ce pourcentage diminue à 15 % si on ne considère Selon Kaltsas et al. ⁴¹, en cas de tumeur virilisante, la testo-
que l’alopécie isolée, en excluant les cas où il existe un hirsu- stérone ne diminue pas de plus de 40 % au cours du test à
tisme ou des irrégularités des cycles menstruels ¹⁰,³⁶. L’acné la dexaméthasone (2 mg), ce critère ayant 100 % de sensibi-
isolée dans le sexe féminin pourrait être liée à une hyperan- lité et 88 % de spécificité. Toutefois, quelques observations
drogénie dans 52 à 86 % des cas ³⁷. Le bilan est justifié s’il ont montré que ce critère pouvait être pris en défaut, cer-
existe un désir de grossesse, des antécédents évocateurs de taines tumeurs s’étant avérées freinables par la dexamétha-
bloc en 21-hydroxylase, ou si le symptôme d’hyperandrogé- sone ⁴⁰,⁴²,⁴³. Des manifestations cliniques et des dosages
nie a des caractéristiques particulières : difficultés pour pré- hormonaux évocateurs de tumeur virilisante conduisent
ciser l’évolution, hirsutisme posant problème à la patiente à la réalisation d’une échographie pelvienne avec écho-
et justifiant une évaluation pour déterminer le meilleur Doppler couleur par voie endovaginale et d’un scanner sur-
traitement, alopécie intéressant les golfes frontaux chez rénalien (c’est cet examen scanner qui est effectué en pre-
une femme, acné rebelle ou ayant des caractéristiques plus mier si le taux sérique de sulfate de DHEA est très élevé). En
évocatrices d’acné d’hyperandrogénie. cas de bilan radiologique ovarien et surrénalien non contri-

 DHEA déhydroépiandrostérone · IRM imagerie par résonance magnétique · SOPMK syndrome des ovaires polymicrokystiques
Hyperandrogénies féminines 75-9

HIRSUTISME Tumeur virilisante


Testostérone
Non évolutif Peu évolutif Récent +/- Évolutif Ex. radiologiques+/-cath.

SOPMK
Trt (critères de Rotterdam :
clinique, bio, écho)
ou Testostérone
Isolé Bloc 21-hydroxylase
DHEA-sulfate 17-OH-prog > 2 ng/ml :
+ Acné 17-OH-progestérone Faire test synacthène
(4e jour du cycle) puis génétique CYP21
+ Alopécie
Hyperandrogénie surrénalienne
+TSH « fonctionnelle »
+ Ferritine DHEA-sulfate modérément augmenté,
et pas d’autre anomalie
+ Prise de poids Suspicion de syndrome de Cushing
+ Cortisol plasmatique/
facio-tronculaire Cortisol post-dexaméthasone > 1,8 μg/dl
dexaméthasone 1 mg
ou HTA ou vergetures Poursuivre explorations

+ Troubles des cycles Hyperprolactinémie


+ Prolactine Interrogatoire (médicaments),
ou galactorrhée + TSH IRM hypophyse
ou désir de grossesse
Hypothyroïdie
+ Modifications TSH élevée
des extrémités + IGF-1 Suspicion d’acromégalie
ou sueurs IGF-1 élevé

Coll. Pr Ph. Caron, Toulouse


Poursuivre explorations
Examen clinique normal
Hirsutisme idiopathique
Bilan normal

Fig. 75.9 Démarche diagnostique clinico-biologique en cas d’hirsutisme

butif, il est légitime de s’orienter chez une adulte vers une Autres cas de manifestations d’hyperandrogénie
tumeur virilisante de siège ovarien, les tumeurs virilisantes S’il s’agit d’une patiente non ménopausée, la règle est de
surrénaliennes étant aisément visualisées puisque générale- réaliser le bilan hormonal vers le quatrième jour d’un cycle
ment volumineuses. Chez une femme ménopausée, la mise menstruel spontané, ou après menstruations déclenchées
en évidence d’une hypertestostéronémie de type tumoral par administration pendant 10 jours de progestérone, sans
débouche sur une intervention d’ovariectomie bilatérale prise de médication pouvant interférer avec les résultats et
et d’hystérectomie en raison du risque de cancer de l’endo- en particulier sans prise de pilule œstroprogestative depuis
mètre in situ associé, du fait de l’imprégnation stéroïdienne. au moins deux cycles, ou de corticoïdes. L’essentiel du bi-
Chez une femme non ménopausée, on peut proposer un lan est représenté par les dosages sériques de testostérone
cathétérisme veineux sélectif à la recherche de l’origine de (utile dans toute hyperandrogénie), de sulfate de DHEA
la sécrétion (avec de possibles difficultés techniques pour (origine surrénalienne) et de 17-hydroxy-progestérone (dé-
cathétériser la veine ovarienne droite). Des explorations pistage du bloc en 21-hydroxylase).
peropératoires comme une échographie des ovaires avec Le bloc en 21-hydroxylase est dépisté par un dosage de 17-
écho-Doppler couleur, un dosage hormonal à partir de pré- hydroxy-progestérone le matin à 8 heures vers le quatrième
lèvements sanguins effectués directement dans les veines jour d’un cycle. Un taux supérieur à 2 ng/ml justifie la réali-
ovariennes, peuvent être indiqués ¹⁹. sation d’un test au Synacthène immédiat (250 μg IM ou IV)

 DHEA déhydroépiandrostérone · SOPMK syndrome des ovaires polymicrokystiques


75-10 Hormones sexuelles

avec évaluation de la 17-hydroxy-progestérone une heure valeurs normales diminuent avec l’âge : par exemple, une
après administration du Synacthène et si possible du 21- testostérone plasmatique supérieure à 1 ng/ml en post-
désoxy-cortisol postsynacthène, paramètre le plus fiable ⁴⁴. ménopause est suspecte de tumeur virilisante, même si elle
En cas de résultat de 17-hydroxy-progestérone postsynac- correspond plus souvent à une hyperthécose ovarienne ⁴⁷.
thène supérieur à 10 ng/ml et/ou de 21-désoxy-cortisol
postsynacthène supérieur à 4 ng/ml, il existe vraisemblable- En cas de prise d’une contraception œstroprogestative
ment une forme homozygote ou double hétérozygote com- S’il apparaît une hyperandrogénie clinique, il ne faut pas
posite de bloc en 21-hydroxylase. Une analyse génétique conclure hâtivement à la responsabilité du progestatif pris
du gène CYP21 est alors indiquée. À noter qu’un taux de en association aux œstrogènes ⁴⁸. L’idéal est d’interrompre
21-désoxy-cortisol postsynacthène supérieur à 0,5 ng/ml la contraception œstroprogestative pour réaliser l’évalua-
sert de critère de dépistage d’une forme simple hétérozy- tion biologique hormonale dans des conditions basales,
gote de bloc en 21-hydroxylase, à confirmer par l’analyse plus aisément interprétables. Sinon, il faut exiger d’utili-
génétique. ser des méthodes de dosage spécifiques, ne donnant pas
Le diagnostic de SOPMK ²⁸ peut être porté sur des critères de réactions croisées significatives avec les stéroïdes pré-
cliniques et/ou échographiques. Sur le plan biologique, la sents dans la pilule œstroprogestative, et obtenir des va-
testostérone est modérément élevée ou normale, mais avec leurs basses d’androgènes avec la prise d’œstroprogesta-
un rapport testostérone/SHBG (sex hormone binding globu- tifs (qui diminuent normalement la production ovarienne
lin) élevé. En principe, il existe également une élévation de d’androgènes) et/ou des valeurs freinables par dexamétha-
la delta-4-androstène-dione et du rapport LH/FSH, mais sone ⁴¹ avant d’éliminer la possibilité d’une cause organique
ces anomalies ne font pas partie des critères de diagnos- acquise. Les valeurs de 17-hydroxy-progestérone et de 21-
tic. On peut également mettre en évidence un syndrome désoxy-cortisol après test au Synacthène permettent le cas
métabolique. échéant de diagnostiquer un bloc en 21-hydroxylase.
L’hyperandrogénie surrénalienne fonctionnelle associée
au SOPMK ou isolée correspond à une élévation modérée Au cours de la grossesse
des androgènes plasmatiques comprenant (ou se limitant La testostérone plasmatique augmente physiologiquement
à) une élévation de la concentration plasmatique du sulfate de 1,5 à 3 fois pendant la grossesse avec une élévation
de DHEA (spécifiquement surrénalien), sans autre anoma- concomitante de la SHBG. Ainsi un taux de testostérone
lie. circulante à 2 ng/ml est considéré comme normal ⁴⁹. En cas
L’hyperthécose ovarienne réalise un tableau d’hypertesto- de valeurs supérieures aux normes de la grossesse et de
stéronémie sévère, avec des taux de testostérone proches développement de signes cliniques d’hyperandrogénie, la
des taux tumoraux et un état d’insulinorésistance sévère. réalisation d’une échographie abdomino-pelvienne est né-
Au cours des symptomatologies cliniques d’hyperandro- cessaire afin de mettre en évidence des lésions organiques
génie idiopathique, les paramètres hormonaux décrits spécifiques à la grossesse :
jusque-là sont normaux. Cependant, on peut mettre en − kystes lutéiniques (hyperreactio luteinalis) responsables
évidence une diminution de la SHBG ou un état d’hyperin- de lésions polykystiques bilatérales des ovaires secon-
sulinisme dans l’hirsutisme idiopathique, dans l’alopécie daires à une stimulation par hCG et devant faire recher-
androgénique, ou dans l’acné tardive, c’est-à-dire certains cher une grossesse gémellaire ou molaire ;
des éléments du SOPMK. Ces données sont en faveur d’un − lutéome, lésion de type solide, souvent bilatérale ;
certain continuum entre SOPMK mineur et manifestations − tumeur solide unilatérale ovarienne ou tumeur surré-
cutanées pures d’hyperandrogénie considérées comme idio- nalienne, cette dernière étant le plus souvent volumi-
pathiques. Le dosage du 3-alpha-androstane-diol, métabo- neuse ;
lite de la DHT, a été proposé dans les hirsutismes idiopa- − déficit en aromatase placentaire, exceptionnel, à évo-
thiques. Souvent élevé et témoignant alors de l’hyperutilisa- quer en l’absence d’anomalie ovarienne et surréna-
tion cutanée des androgènes, il n’a cependant pas d’intérêt lienne ⁵⁰.
pratique, puisque son origine n’est pas exclusivement cu- En dehors des kystes lutéiniques, toutes les autres causes
tanée et qu’il ne permet pas de prévoir les résultats d’un citées entraînent un risque de virilisation fœtale.
éventuel traitement ⁴⁵,⁴⁶.
Chez l’enfant
Cas particuliers d’hyperandrogénie La principale cause organique est représentée par le bloc en
21-hydroxylase. La forme non classique peut se manifester
En période d’installation de la ménopause par une acné précoce, un hirsutisme, et s’associe fréquem-
L’hyperandrogénie peut être liée au fait que la production ment à une puberté précoce isosexuelle vraie marquée par
des androgènes ovariens et surrénaliens ne diminue pas un âge osseux avancé, un développement mammaire as-
aussi brutalement que celle des œstrogènes ovariens. Ce- socié, un utérus en début de puberté et une sécrétion de
pendant, une hyperandrogénie organique acquise doit être gonadotrophines majorée. La puberté précoce isosexuelle
recherchée, en particulier une tumeur virilisante et un syn- est à différencier de la fausse puberté précoce des formes
drome de Cushing. L’interprétation des taux plasmatiques classiques par activation de la sécrétion d’androgènes sur-
d’androgènes circulants doit tenir compte du fait que les rénaliens. Les très rares syndromes de Cushing de l’enfant

 DHEA déhydroépiandrostérone · DHT dihydrotestostérone · SHBG sex hormone-binding globulin · SOPMK syndrome des ovaires polymicrokystiques
Cas particuliers d’hyperandrogénie 75-11

sont assez caractéristiques puisqu’ils entraînent une cas- ment être normale en phase folliculaire pour permettre la
sure de la courbe de croissance avec une prise de poids. Les fertilité féminine.
très rares tumeurs virilisantes (à suspecter devant des taux Le traitement des autres causes d’hyperandrogénie, en de-
de testostérone > 1,5 ng/dl) sont souvent suffisamment vo- hors d’un désir de grossesse, repose le plus souvent sur
lumineuses pour être détectées par l’échographie. Parmi les l’utilisation de l’acétate de cyprotérone en association à
autres causes, le SOPMK s’installe souvent à l’adolescence, des œstrogènes, soit une pilule œstroprogestative, soit de
surtout en cas de surpoids (parfois après une puberté pré- l’œstradiol oral, ou percutané en cas d’hyperlipidémie ⁵²,⁵³.
coce). Il pourrait en être de même de l’hyperandrogénie L’acétate de cyprotérone est un progestatif à effet antian-
surrénalienne fonctionnelle ³¹. drogène et à effet antigonadotrope, inhibant la sécrétion
Il existe des causes spécifiques de symptômes d’hyperandro- des gonadotrophines et donc la production des œstrogènes
génie chez l’enfant, comme les prématures pubarches idio- par les ovaires, ce qui justifie chez la femme non ménopau-
pathiques, avec apparition d’une pilosité pubienne et d’une sée de l’associer aux œstrogènes. Les autres progestatifs à
acné, chez une fille âgée de moins de 8 ans, avec taux nor- effet antiandrogène actuellement disponibles sur le mar-
maux d’androgènes et de 17-hydroxy-progestérone, sans ché sont :
avance significative de l’âge osseux ni de développement − le dienogest (associé à l’œstradiol oral dans un traite-
mammaire, et présence d’un utérus impubère à l’échogra- ment substitutif de la ménopause : Climodiène) ⁵⁴ ; à ce
phie. Ces prématures pubarches idiopathiques s’observent jour, des présentations comprenant du dienogest des-
plus souvent dans le pourtour méditerranéen. On a dé- tinées à la contraception orale sont déjà disponibles
crit la séquence retard de croissance intra-utérin — pré- dans plusieurs pays européens (association à l’éthinyl-
mature pubarche idiopathique dans l’enfance — SOPMK œstradiol : Valette ; ou association originale au valérate
de l’adolescence ⁵¹. Plus récemment, il a été montré qu’une d’œstradiol : Qlaira) ;
hyperandrogénie surrénalienne fonctionnelle, au lieu du − la drospirénone, molécule originale apparentée aux spi-
SOPMK, pourrait être le devenir de la séquence retard de ronolactones, associée à l’éthinyl-œstradiol dans des pi-
croissance intra-utérin — prémature pubarche ³¹, ce qui lules œstroprogestatives (Jasmine, et plus récemment
confirme l’existence de mécanismes communs entre hy- Jasminelle) qui a quelques effets antiacnéiques ⁵⁵.
perandrogénie surrénalienne fonctionnelle et SOPMK, ces Une prise en charge d’éventuelles anomalies métaboliques
deux entités étant souvent associées. Le syndrome de Tur- est également indiquée : diététique, biguanides en cas de
ner, avec un syndrome dysmorphique permettant le diag- diabète ou d’intolérance au glucose, etc. D’autres traite-
nostic dès l’enfance, s’associe souvent à une hypertrichose ments peuvent être proposés en cas de contre-indication
du dos, indépendante des androgènes, à différencier d’une (hépatique ou autre) à l’acétate de cyprotérone ou aux œs-
hyperandrogénie. Cette dernière, si elle survient dans le troprogestatifs, comme les spironolactones ⁵⁶ prescrites en
cadre d’un syndrome de Turner, doit conduire à réaliser une France hors AMM dans le cas des hyperandrogénies.
recherche de présence du gène SRY par PCR, la présence En cas de désir de grossesse, les seuls médicaments utili-
de SRY traduisant l’existence de tissu testiculaire méconnu sables pouvant avoir un effet sur les signes d’hyperandro-
et d’un risque de gonadoblastome. L’exceptionnel déficit génie sont, en dehors de la correction des problèmes mé-
en aromatase ⁵⁰ entraîne un déficit de la conversion des taboliques, les traitements de freinage glucocorticoïde, à
androgènes en œstrogènes, avec dans le sexe féminin une interrompre (sauf cas particulier de bloc en 21-hydroxylase
virilisation fœtale, une hyperandrogénie néonatale puis ré- avec risque de virilisation fœtale) durant les trois derniers
apparaissant à partir de l’adolescence, avec alors absence mois de grossesse, pour ne pas freiner l’axe corticotrope
de développement mammaire et de gros ovaires proches maternel avant l’accouchement, et pour éviter tout risque
de ceux d’un SOPMK, des anomalies hormonales : testosté- de freinage (observé surtout avec la dexaméthasone) de la
rone très élevée, œstradiol très bas, LH et FSH élevées. sécrétion de cortisol par les surrénales fœtales. Leur effica-
cité reste modeste et leur indication, en dehors des blocs
Traitement en 21-hydroxylase, reste controversée puisqu’ils peuvent
Il repose sur un traitement étiologique spécifique dans les (surtout la dexaméthasone) majorer l’insulinorésistance.
causes organiques acquises : syndrome de Cushing, acromé- En cas de manifestations cutanées d’hyperandrogénie idio-
galie, hyperprolactinémie, tumeur virilisante ovarienne ou pathiques, l’acétate de cyprotérone en association aux œs-
surrénalienne. trogènes peut être proposé dans l’hirsutisme ou dans l’acné
Dans le bloc en 21-hydroxylase de forme « non classique » (N. B. : en France l’AMM de l’acétate de cyprotérone n’est
chez la femme adulte, le traitement est spécialisé en cas que dans le cas de l’hirsutisme, pas celui de l’acné). Les
d’infertilité, comme en cas de grossesse chez une patiente traitements locaux comme l’épilation électrique, le laser
présentant un risque de virilisation d’un fœtus féminin. épilatoire, la décoloration pilaire ne doivent pas être né-
En dehors de ces cas, on préconise classiquement un traite- gligés. Dans le cas de l’alopécie androgéno-génétique de
ment de freinage glucocorticoïde par hydrocortisone (10 la femme, l’efficacité des antiandrogènes est souvent mo-
à 20 mg/jour) ou dexaméthasone (0,25 à 0,5 mg le soir), deste ⁵⁷. Il existe un effet favorable des œstrogènes à des
de manière à normaliser les concentrations de testosté- doses pharmacologiques ⁵⁸. En pratique, on peut proposer,
rone et de delta-4-androstène-dione ²³. La progestérone en l’absence de contre-indication, un traitement par acé-
(co-sécrétée avec la 17-hydroxy-progestérone) doit égale- tate de cyprotérone et éthinyl-œstradiol, mais il faut re-

 AMM autorisation de mise sur le marché · PCR polymerase chain reaction · SOPMK syndrome des ovaires polymicrokystiques
75-12 Hormones sexuelles

Coll. D. Bessis
Fig. 75.11 Télangiectasies nævoïdes unilatérales : multiples
télangiectasies punctiformes ou chevelues, parfois cernées d’un halo

Coll. D. Bessis
anémique, localisées homolatéralement sur le cou, le thorax et l’épaule

nopause et la prise d’un traitement hormonal substitutif


Fig. 75.10 Melasma : hyperpigmentation brunâtre de la joue réduirait ce risque. La DHEA, androgène faible, proposée
maintenant parfois en post-ménopause comme traitement
chercher les facteurs aggravants de l’alopécie que peuvent du vieillissement, se transforme partiellement en testo-
être l’hypothyroïdie et les carences en fer, et ne pas négli- stérone et en œstradiol, et exerce des effets favorables
ger l’apport de traitements adjuvants par oligoéléments et également sur la production de sébum et l’épaisseur cuta-
traitement local, en particulier par le minoxidil dans les cas née ⁶⁴. Cependant, à forte dose, elle peut être responsable
répondeurs ⁵⁹. d’acné.

Alopécie androgénogénétique masculine Peau et contraception orale


L’alopécie androgénétique masculine ⁵⁸ dépend d’un double Les contraceptifs oraux, comme la survenue d’une gros-
mécanisme androgénique (physiologique) et génétique, cer- sesse, peuvent entraîner chez certaines patientes l’appari-
tainement polygénique. C’est une miniaturisation conti- tion d’une pigmentation particulière du visage, le melasma,
nue des cheveux sensibles situés dans les aires frontales terme préféré à celui de chloasma. Il s’agit d’une hyperpig-
et le vertex. Certains considèrent une alopécie masculine mentation brunâtre faciale touchant avec prédilection les
relativement précoce comme un équivalent masculin du joues, le front et les tempes (fig. 75.10). Il existe trois pré-
SOPMK dans certaines formes familiales de SOPMK ⁶⁰. Le sentations cliniques selon la topographie : melasma centro-
traitement par inhibiteur de la 5-alpha-réductase de type 2, facial, le plus fréquent, melasma malaire, melasma man-
le finastéride, à 1 mg/j (Propecia) permet un certain de- dibulaire ⁶⁵. Le mécanisme physiopathologique reste mal
gré d’efficacité sans effet secondaire patent au niveau de connu, même si l’on admet un rôle des œstrogènes dans
la fertilité masculine, confirmant le rôle déterminant des l’hyperpigmentation par stimulation de l’activité tyrosi-
androgènes dans cette affection ⁶¹. nase des cellules mélanocytaires. D’autres facteurs inter-

Peau et ménopause
La ménopause s’associe à une atrophie cutanée, avec ré-
duction et modification qualitative du collagène cutané,
et à une sécheresse cutanée, avec diminution de la sécré-
tion de sébum ⁶². L’apparition des rides en post-ménopause
chez la femme paraît plus rapide que dans le sexe mascu-
lin. Dans tous ces effets, il faut faire la part du rôle du
vieillissement et de celui de la diminution des hormones
sexuelles. La réduction du collagène et de l’épaisseur cuta-
née est améliorée par le traitement substitutif par œstra-
Coll. D. Bessis

diol. La réduction de la sécrétion sébacée est également


améliorée par le traitement substitutif, vraisemblablement
par l’intermédiaire d’un effet du traitement progestatif as-
socié aux œstrogènes ⁶³. Le risque d’apparition de rides Fig. 75.12 Dermatite auto-immune à la progestérone : éruption
augmente avec le nombre d’années écoulées depuis la mé- maculeuse et papuleuse du cou et du thorax

 DHEA déhydroépiandrostérone · SOPMK syndrome des ovaires polymicrokystiques


Références 75-13

viennent avec au premier plan l’exposition solaire. Il existe taires, et en particulier le lupus érythémateux disséminé,
des melasmas idiopathiques, en dehors de la prise de contra- sont aggravées par les œstrogènes, qui restent classique-
ceptifs oraux, et même des melasmas masculins. En dehors ment contre-indiqués.
de la prescription d’un traitement local dépigmentant, il est La dermatite auto-immune à la progestérone ⁶⁶ et la der-
logique de conseiller l’interruption des œstroprogestatifs, matite auto-immune aux œstrogènes ⁶⁷ constituent des
si elle est possible, et une contraception par des progesta- entités rares, caractérisées par des exanthèmes de présen-
tifs seuls ou de type mécanique. tation variable, souvent prurigineux, qui ont en commun
D’autres manifestations dermatologiques sont favorisées leur développement en période prémenstruelle ou pendant
par les œstrogènes et les contraceptifs œstroprogestatifs les menstruations (fig. 75.12). Une immunité retardée pour
parmi lesquelles on peut citer les télangiectasies nævoïdes la progestérone ou pour les œstrogènes est incriminée,
unilatérales (fig. 75.11) et l’érythème noueux ⁴⁸. parfois mise en évidence par la positivité des intradermo-
réactions avec le stéroïde incriminé. Néanmoins, la démons-
tration de l’auto-immunisation doit être rigoureuse : posi-
Pathologies cutanées et stéroïdes sexuels tivité de l’IDR à plus de 24 heures, absence de positivité
féminins avec des contrôles réalisés avec l’excipient et d’autres sté-
roïdes préparés dans le même excipient. Les traitements
L’utilisation des œstrogènes en cas de mélanome malin reposent sur une inhibition de l’ovulation par les œstro-
a été un sujet controversé ⁴⁸, mais actuellement l’antécé- gènes (uniquement dans la dermatite à la progestérone),
dent de mélanome n’est plus retenu comme une contre- et un traitement par danazol ou tamoxifène, voire une ova-
indication aux œstroprogestatifs ou à un traitement sub- riectomie bilatérale, dans la dermatite à la progestérone et
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bennet A, Vezzosi D, Caron Ph. Hormones sexuelles. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations
dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 75.1-75.15.
76
Diabète sucré
Didier Bessis

Classification et prévalence des manifestations Dermatoses dont l’association au diabète est discutable
dermatologiques du diabète 76-2 76-8
Dermatoses significativement associées au diabète Prurit 76-8
76-2 Xanthomes éruptifs 76-8
Dermopathie diabétique 76-2 Érythrose faciale 76-8
Acanthosis nigricans 76-3 Granulome annulaire 76-8
Nécrobiose lipoïdique 76-4 Capillarites purpuriques et pigmentaires 76-9
Sclérose des extrémités avec enraidissement articulaire Xanthochromie 76-9
(cheiroarthropathie diabétique) 76-5 Complications dermatologiques des traitements
Papules de Huntley ou épaississement granité des doigts insuliniques 76-9
76-5 Réactions « allergiques » 76-9
Sclérœdème de Buschke 76-5 Réactions lipodystrophiques 76-9
Bulloses des diabétiques 76-6 Réactions secondaires à l’utilisation des pompes à insuline
Dermatoses perforantes acquises 76-6 76-10
Dermatoses infectieuses liées au diabète 76-6 Références 76-10
Infections mycosiques 76-7
Infections bactériennes 76-7

e diabète sucré (DS) touche 4 % de la population gé- résiduelle. Dans la grande majorité des cas (95 %), la
L nérale tous âges confondus et 7 % de la population de
sujets âgés de plus de 65 ans. Il se définit par une glycémie à
présence de marqueurs d’auto-immunité anti-cellules
d’îlot (anticorps anti-insuline, anti-GAD et anti-IA2)
jeun sur sang veineux supérieure à 1,26 g/l à deux reprises peut être mise en évidence lors du diagnostic permet-
ou par une glycémie à n’importe quel moment de la jour- tant de définir le diabète de type 1 « auto-immun ».
née supérieure à 2 g/l. En pratique, on ne recourt plus au − Type 2 : il touche en moyenne 80 % des sujets diabé-
test d’hyperglycémie orale provoquée. La classification du tiques, généralement chez un patient de plus de 40 ans,
diabète sucré a été révisée en 1997 et comprend plusieurs en surcharge pondérale (indice de masse corporelle
formes. (IMC)  25) ou obèse (IMC  30) ³. Dans 80 % des
− Type 1 : diabète insulinodépendant par destruction spé- cas, la présence d’une hypertension artérielle et/ou
cifique des cellules β des îlots de Langerhans condui- d’une dyslipidémie associée permet d’affirmer l’exis-
sant à une carence en insuline le plus souvent totale. Il tence d’un syndrome métabolique. La présence d’une
concerne 1 diabétique sur 5 ¹. Il touche principalement hérédité familiale de 1 er degré est notée dans un tiers
l’enfant et l’adulte jeune avant 35 ans (incidence maxi- des cas. En présence d’un tableau clinique évocateur, le
male entre 10 et 14 ans). Sa prévalence en France est es- dosage de l’insulinémie, du peptide C ou la recherche
timée à 200 000 sujets et son incidence annuelle entre d’anticorps anti-GAD ou anti-IA2 n’est pas nécessaire.
7,2 à 7,8 pour 100 000. Chez l’enfant ou l’adulte jeune, L’hyperglycémie résulte d’une réduction du captage pé-
sa révélation repose sur des symptômes apparaissant gé- riphérique du glucose et d’une augmentation de la pro-
néralement de façon aiguë : polyurie, amaigrissement, duction glucosée hépatique, liées à une diminution de
asthénie inhabituelle, douleurs abdominales ². L’acido- l’insulinosécrétion et de l’insulinosensibilité.
cétose est révélatrice dans 50 % des cas, établie par la re- − Autres diabètes spécifiques : pancréatiques (pancréa-
cherche de présence d’acétone dans les urines ou d’une tite, cancer du pancréas, mucoviscidose...), liés aux
élévation de la cétonémie sur sang capillaire. La mesure endocrinopathies (acromégalie, syndrome de Cushing,
du taux du peptide C (peptide de connexion de la proin- glucagonome...), médicamenteux ou toxiques, infec-
suline) permet une évaluation de l’insulinosécrétion tieux (rubéole congénitale, cytomégalovirus...), géné-

 DS diabète sucré · IMC index de masse corporelle


76-2 Diabète sucré

Tableau 76.1 Principales manifestations dermatologiques et prévalence Une seule étude prospective européenne récente permet
moyenne au cours du diabète sucré d’estimer la prévalence moyenne des complications cuta-
nées au cours du DS (infectieuses ou non et en dehors du
Dermatoses Dermopathie diabétique (15-25 %) pied diabétique) à 54 % des patients diabétiques insulino-
significativement associées Nécrobiose lipoïdique (1-2 %)
dépendants (DID) et 61 % des patients non insulinodépen-
au diabète Acanthosis nigricans (6-8 %, surtout
DNID) dants (DNID) ⁴. La prévalence des dermatoses non infec-
Sclérose des extrémités avec tieuses au cours du DS a été étudiée dans une étude prospec-
enraidissement articulaire (40 %) tive française récente et évaluée à 56 % des patients DID
Papules de Huntley (75 %) contre 70 % des patients DNID ⁵.
Sclérœdème de Buschke (rare, surtout
DNID)
Dermatose perforante (rare, surtout Dermatoses significativement associées au
DID) diabète
Bullose des diabétiques (rare)
Dermatoses infectieuses Infections bactériennes Dermopathie diabétique
liées au diabète Infections mycosiques La dermopathie diabétique (DD) constitue la manifesta-
Infections parasitaires tion cutanée la plus fréquente du DS et touche en moyenne
Dermatoses dont Xérose cutanée (6-40 %) 15 à 25 % des diabétiques. Elle est plus fréquemment obser-
l’association au diabète est Prurit sine materia (10 %) vée chez l’homme (sex-ratio de 2/1), âgé de plus de 50 ans
discutable Érythrose faciale (1-25 %) et souffrant d’un DS ancien. La prévalence de la dermo-
Xanthochromie (1,5-12 %) pathie diabétique augmente en cas de complications mi-
Capillarite purpurique et pigmentée croangiopathiques associées ⁶. À titre d’exemple, dans une
(0,5-20 %, surtout DNID) série de 173 patients atteints de DS, la prévalence de la
Granulome annulaire (0,5-1 %) DD était estimée à 52 % en présence d’une complication
Maladie de Dupuytren (2 %) microangiopathique et à 81 % en présence de 3 complica-
Vitiligo (0,4 à 9 %, surtout DID) tions microangiopathiques (néphropathie, neuropathie et
Pelade (0,9 à 2,7 %, surtout DID) rétinopathie) ⁷. Cependant, dans cette même série, aucune
Dermatite herpétiforme (rare) complication microangiopathique n’était mise en évidence
Xanthomes éruptifs (rare)
chez 21 % des patients avec DD. L’étiologie exacte de la DD
Syringomes à cellules claires (rare)
reste hypothétique, impliquant une atteinte microcircula-
Complications Éruptions liées aux antidiabétiques toire ischémique locale et/ou un trouble de la cicatrisation
cutanéomuqueuses des oraux cutanée révélé par un traumatisme minime. La DD débute
traitements antidiabétiques Réactions cutanées aux insulines par de petites macules ou papules rouges laissant la place
en quelques jours à des macules plus ou moins atrophiques
tiques (défauts de la fonction des cellules β des îlots et déprimées en superficie, brunes, bien délimitées, typique-
de Langerhans, de l’action de l’insuline) ou associés ment rondes et de moins d’1 cm de diamètre (fig. 76.1). Des
à d’autres syndromes génétiques (syndrome de Down, macules linéaires (jusqu’à 2,5 cm) peuvent également être
syndrome de Klinfelter...) et dysimmunitaires. présentes et sont évocatrices. Ces lésions sont asymptoma-
− Diabète gestationnel : il est défini comme une intolé- tiques, indolores et non prurigineuses. Elles touchent avec
rance au glucose de sévérité variable, apparue ou diag- prédilection les crêtes tibiales, de façon bilatérale et asymé-
nostiquée pour la première fois pendant la grossesse, trique, et sont facilement confondues avec des cicatrices
quelle que soit son évolution dans le post-partum. post-traumatiques. Plus rarement, elles peuvent être pré-
sentes sur les membres supérieurs, les cuisses, le tronc et
la partie inférieure de l’abdomen. La survenue de macules
atrophiques pigmentées prétibiales isolées et similaires à
Classification et prévalence des manifestations la DD peut s’observer chez le patient non diabétique, mais
dermatologiques du diabète la présence d’au moins 4 macules typiques de DD est consi-
dérée comme spécifique du DS. Le diagnostic différentiel
La classification des différentes manifestations dermatolo- peut se poser avec la capillarite purpurique et pigmentée
giques du DS doit rester clinique, en l’absence de connais- des jambes, fréquemment associée à la DD et de prévalence
sance précise actuelle de leurs mécanismes physiopatholo- augmentée au cours du DS ⁸. L’examen histologique n’a d’in-
giques et de leur possible intrication. On distingue 1o les térêt qu’en cas de doute diagnostique. Il révèle un épiderme
dermatoses significativement associées au DS ; 2o les atrophique, une hyperpigmentation de la basale, un derme
dermatoses infectieuses liées au DS ; 3o les dermatoses œdématié comportant des vaisseaux à parois épaissies (co-
dont l’association au DS est discutable ; 4o les complica- loration PAS positive), une extravasation d’érythrocytes
tions cutanéomuqueuses des traitements antidiabétiques et d’hémosidérine et un infiltrat lymphohistiocytaire pé-
(tableau 76.1). Le pied diabétique n’est pas abordé dans ce rivasculaire discret. Aucun traitement n’est nécessaire en
chapitre. dehors d’une protection contre les traumatismes.

 DD dermopathie diabétique · DID diabétiques insulinodépendants · DNID diabétiques non insulinodépendants · DS diabète sucré
Dermatoses significativement associées au diabète 76-3

Coll. D. Bessis
Fig. 76.1 Dermopathie diabétique : macules rouges et blanches
atrophiques de la face antérieure de jambe

Acanthosis nigricans
L’acanthosis nigricans (AN) se caractérise par des plaques
d’aspect gris sale ou noirâtre, à limites floues, atteignant
symétriquement les aisselles (fig. 76.2), la nuque, les faces
latérales du cou (fig. 76.3), les régions anogénitales, la face in-
terne des cuisses, les plis des coudes et des genoux, l’ombilic
ainsi que l’aréole des seins ⁹. Il s’y associe une exagération
des plis et des sillons conférant à la peau un aspect rugueux.
Au niveau de ces territoires, plus particulièrement sur le
bord libre des paupières, les aisselles et les cuisses, peuvent
se développer des papillomes pédiculés et des végétations
(acrochordons). Au niveau du dos des mains et des pieds,

Coll. D. Bessis
des formations verruqueuses parsemées de crêtes cornées
hyperkératosiques et jaunâtres sont classiques. Les paumes
et les plantes prennent parfois un aspect de pachydermato-
glyphie caractérisé par un épaississement cutané jaunâtre Fig. 76.2 Acanthosis nigricans au cours d’un syndrome HAIR-AN :
et une accentuation des plis des paumes. L’atteinte de la mu- pigmentation brun gris de l’aisselle, du pli sous-mammaire et du flanc
queuse buccale est fréquente (un tiers des cas), peu ou pas
pigmentée, située généralement sur les lèvres et la langue Le principal mécanisme physiopathogénique repose sur
et marquée par des proliférations papillomateuses et des une fixation de l’insuline circulante plasmatique en excès
fissures parfois profondes. L’histologie cutanée met en évi- sur les récepteurs cutanés kératinocytaires à l’IGF (insulin-
dence des anomalies non spécifiques papillomateuses, une like growth factor) entraînant la stimulation et la proliféra-
hyperkératose orthokératosique, une acanthose modérée tion des kératinocytes et une hyperkératose épidermique
et une pigmentation de la basale (fig. 76.4). secondaire.
La présence d’un AN au cours du DNID et/ou de l’obésité Le traitement de l’AN au cours du DNID repose sur une
témoigne généralement d’un hyperinsulinisme secondaire réduction de la surcharge pondérale (régime calorique, exer-
à une insulinorésistance acquise par diminution du nombre cices physiques). La diminution de l’hyperinsulinisme par
des récepteurs fonctionnels à l’insuline ⁹,¹⁰. L’AN constitue l’octréotide, analogue de synthèse de la somatostatine, la
également le marqueur de nombreuses endocrinopathies metformine, composé biguanide, ou la rosiglitazone, an-
ayant en commun une insulinorésistance : tidiabétique oral du groupe des thiazolidinediones, n’ap-
− type A, par défaut qualitatif ou quantitatif du récepteur portent pas de résultats significatifs. L’isotrétinoïne et
à l’insuline, comme au cours du syndrome HAIR-AN, as- l’acitrétine ont été créditées d’une efficacité suspensive,
sociant chez la femme jeune un hirsutisme avec signes mais leurs effets secondaires potentiels (tératogénicité, hy-
de virilisation et syndrome des ovaires polykystiques ; pertriglycéridémie) en limitent l’utilisation. L’intérêt du
− type B, par production d’auto-anticorps dirigés contre traitement topique par la trétinoïne (gel de trétinoïne à
le récepteur à l’insuline, comme au cours du lupus éry- 0,05 % ou 0,1 %) ou le calcipotriol a été ponctuellement
thémateux systémique, la sclérodermie, la dermatomyo- rapporté. L’utilisation avec succès du laser Alexandrite à
site ou la thyroïdite d’Hashimoto ; pulsations longues dans le traitement de l’AN axillaire
− type C, rare, cliniquement semblable au type A mais (10 séances au total, disparition à 95 % après 7 séances,
lié à un dérèglement de la transduction du signal de recul de 2 ans) a récemment été décrite dans une observa-
l’insuline en aval du récepteur. tion ¹¹.

 AN acanthosis nigricans · DNID diabétiques non insulinodépendants


76-4 Diabète sucré

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier


Coll. D. Bessis

Fig. 76.3 Acanthosis nigricans : pigmentation brun gris de la face


latérale du cou
Fig. 76.4 Acanthosis nigricans : hyperkératose orthokératosique,
Nécrobiose lipoïdique acanthose et pigmentation de l’assise basale
La nécrobiose lipoïdique (NL) est une dermatose granulo-
mateuse rare, classiquement considérée comme un mar- matoire histiocytaire, composée de cellules géantes multi-
queur du DS, plus particulièrement de type 1. Elle touche nuclées et de cellules épithélioïdes, et organisée en palis-
0,3 à 2 % de la population diabétique ¹². La prévalence du sade autour de foyers d’altération du tissu conjonctif ¹³. Le
DS parmi les patients ayant une NL reste controversée, caractère extensif et profond des lésions granulomateuses
entre 11 à 65 % suivant les séries. La NL du DS atteint jusqu’à l’hypoderme, le respect du derme superficiel, l’exis-
électivement l’adulte au cours des 3 e et 4 e décennies, avec tence d’une fibrose, d’altérations vasculaires et de dépôts
une prédominance féminine (sex-ratio 3F/1H). Les lésions lipidiques extracellulaires caractérisent la NL dont les as-
initiales sont constituées de papules ou de plaques rouges, pects histologiques sont proches du granulome annulaire.
rondes ou ovales s’étendant de façon centrifuge et coales- La physiopathogénie de la NL reste controversée. La pré-
cente par une bordure surélevée, infiltrée, polycyclique, sence de dépôts d’immunoglobuline M, de C3 et de fibrine
bien délimitée, rouge violacée, tandis que le centre devient au niveau de la paroi des vaisseaux et, dans quelques cas au
atrophique, jaune orangé, lisse et télangiectasique (fig. 76.5). niveau de la jonction dermoépidermique, mise en évidence
La NL touche de façon bilatérale et symétrique les membres par immunofluorescence directe, suggère une atteinte ini-
inférieurs dans près de 90 % des cas, particulièrement les tiale de vasculite à complexes immuns circulants. Le rôle
aires tibiales antérieures. Dans environ 15 % des cas, des de la microangiopathie diabétique est également évoqué, la
localisations à distance comme le cuir chevelu, le visage, le présence d’une rétinopathie et/ou d’une protéinurie étant
tronc, les avant-bras et le pénis sont notées et considérées significativement plus fréquente chez les patients diabé-
comme plus rarement associées au DS. Les lésions sont in- tiques atteints de NL que chez les patients sans NL.
dolentes, de progression lente, marquée par des périodes Aucun traitement n’a démontré d’efficacité établie en l’ab-
de quiescence voire de régression spontanée dans environ sence d’étude contrôlée. L’équilibre diabétique semble sans
1 cas sur 5, après 6 à 12 ans d’évolution. Le risque d’ulcé- effet. Les dermocorticoïdes d’activité forte sous occlusion
ration, post-traumatique ou non, constitue la principale sont généralement utilisés en première intention sur les
complication, présente dans environ un quart des cas. Le lésions récentes, ou sur leur périphérie « active », de fa-
développement d’un carcinome épidermoïde sur NL est ex- çon à éviter une majoration du risque atrophique et peut-
ceptionnel. L’examen histologique varie suivant le stade être une évolution vers une ulcération. De multiples traite-
évolutif des lésions. La lésion histologique élémentaire est ments rapportés comme efficaces au cours de la NL, com-
un granulome de type palissadique avec une réaction inflam- pliquée ou non d’ulcération, ne le sont qu’à travers des ob-

 DS diabète sucré · NL nécrobiose lipoïdique


Dermatoses significativement associées au diabète 76-5

Coll. D. Bessis
Fig. 76.6 Sclérose et épaississement des doigts au cours d’une
cheiroarthropathie diabétique

Papules de Huntley ou épaississement granité des doigts


Les papules de Huntley (finger pebbles) sont constituées
de micropapules asymptomatiques principalement sur les
faces dorsales des mains, en regard des articulations inter-
Coll. D. Bessis
phalangiennes et métacarpophalangiennes, parfois sur la
région péri-unguéale et tout le long des doigts. Leur pré-
valence est estimée en moyenne à 75 % des patients dia-
Fig. 76.5 Nécrobiose lipoïdique : plaques rouge orangé atrophiques, bétiques versus 12 à 21 % de sujets contrôles non diabé-
lisses et télangiectasiques des faces antérieures de jambes tiques ¹⁴,¹⁵.

servations anecdotiques de faible niveau de preuve : tacro- Sclérœdème de Buschke (SB)


limus topique, corticoïdes intralésionnels, corticothérapie Cette affection se caractérise par une induration progres-
générale, chloroquine, ticlopidine, aspirine à faible dose, sive et parfois pigmentée, de la partie supérieure du tronc
pentoxifylline, thalidomide, infliximab, etanercept, niaci- (en pèlerine) et de la racine des membres (fig. 76.7), du vi-
namide, ciclosporine orale, mycophénolate mofétil, clofazi- sage et du cou, mais épargnant les extrémités des membres.
mine, pioglitazone, laser vasculaire, photothérapie de type L’atteinte du visage est marquée par un effacement des
PUVA et photothérapie dynamique. rides d’expression accompagné de difficultés de plissement
du front, du sourire et de l’ouverture buccale. La langue
Sclérose des extrémités avec enraidissement articulaire et le pharynx peuvent également être touchés, à l’origine
de troubles de la déglutition. Trois formes cliniques de SB
(cheiroarthropathie diabétique)
sont identifiées :
Elle touche électivement les diabétiques de type 1 et sur- − le type I débute brutalement dans les suites d’une infec-
vient au décours de la première décennie de la maladie. Elle tion des voies aériennes respiratoires, généralement
associe une infiltration scléreuse, un épaississement de la streptococcique. Il touche électivement les femmes
peau plus marqué sur le dos des mains et des doigts et d’âge moyen, parfois les enfants. Son pronostic est
une limitation indolore des mouvements. Ces signes dé-
butent généralement sur les articulations métacarpopha-
langiennes et interphalangiennes proximales, initialement
sur les 5 es doigts, puis s’étendent progressivement aux
autres doigts, de façon bilatérale et symétrique. Les grosses
articulations (poignets, coudes, colonne vertébrale) sont
rarement touchées. La limitation des mouvements d’exten-
sion, d’abord active puis passive, puis de flexion est objec-
tivée par l’impossibilité de poser la main à plat (signe de
la prière) (fig. 76.6). L’intégrité osseuse des articulations en
regard de la sclérose est conservée, mais une participation
tendineuse péri-articulaire semble indiscutable. Des simi-
Coll. D. Bessis

litudes cliniques existent avec la sclérodermie systémique,


mais l’absence de tous les autres signes, en particulier du
syndrome de Raynaud, écarte ce diagnostic. La reconnais-
sance de cet état revêt un intérêt pronostique comme indi- Fig. 76.7 Œdème induré et érythémateux de la partie haute du dos et
cateur de complications microangiopathiques. du cou au cours du sclérœdème de Buschke

 SB sclérœdème de Buschke
76-6 Diabète sucré

excellent et la résolution des symptômes survient en


quelques mois ;
− le type II est associé à un DNID mal contrôlé (scleredema
diabeticorum) et s’observe surtout chez les hommes
obèses. Son début est insidieux et sa durée prolongée,
sans modification en cas d’équilibre satisfaisant du dia-
bète ;
− le type III est caractérisé par l’absence d’étiologie infec-
tieuse ou diabétique et une évolution chronique. C’est
dans ce groupe que sont intégrées les formes de SB as-
sociées à une gammapathie monoclonale.

Coll. D. Bessis
Les manifestations systémiques peuvent être présentes
dans toutes les formes de SB : épanchement pleural ou pé-
ricardique, atteintes osseuse, oculaire, parotidienne ou car-
diaque. L’examen histologique met en évidence un épaissis- Fig. 76.8 Bullose des diabétiques : éruption bulleuse récidivante de
sement du derme par des fibres collagènes œdémateuses, jambe constituée de bulles tendues à liquide clair
séparées par des dépôts de mucine parfois discrets. Cette at-
teinte œdémateuse dermique peut s’étendre à l’hypoderme de dermatoses rares, caractérisées par des papules ou des
remplacé progressivement par des fibres collagènes. Une at- nodules hyperkératosiques avec, sur le plan histologique,
teinte histologique similaire peut être observée en cas d’at- une élimination transépidermique de kératine, de colla-
teinte cardiaque ou musculaire striée. La cause exacte du SB gène ou de fibres élastiques ¹⁸. Elles sont le plus souvent
au cours du DS est inconnue. Aucun traitement spécifique associées à un diabète sucré (50 %) et/ou à une insuffisance
n’est rapporté efficace. Les corticoïdes systémiques ou intra- rénale chronique terminale (70 %). Le diabète est le plus
lésionnels, le méthotrexate à faibles doses, la ciclosporine, souvent insulinodépendant, presque constamment ancien
la photothérapie de type PUVA ou UVA1 longs, la photophé- (15 ans d’évolution en moyenne) et compliqué (néphropa-
rèse extracorporelle et l’électronthérapie sont d’efficacité thie, rétinopathie, neuropathie). L’âge moyen au diagnostic
inconstante. Les immunoglobulines intra-veineuses ont est de 48 ans (29-74 ans). Il n’existe aucun antécédent fami-
été rapportées efficaces dans une récente observation ¹⁶. lial. La lésion élémentaire est une papule kératosique om-
biliquée de 1 à 10 mm de diamètre avec un bouchon corné
Bulloses des diabétiques central adhérent (fig. 76.9). Les lésions sont prurigineuses
Rares, elles consistent en des éruptions bulleuses surve- dans 70 % des cas et rarement douloureuses. Un phéno-
nant en dehors d’un contexte infectieux ou traumatique. mène de Koebner est observé dans 30 % des cas, notam-
Leur physiopathologie reste inconnue, peut-être liée à ment lors de grattage intempestif. Le nombre des lésions
une fragilité cutanée favorisée par une microangiopathie ¹⁷. est variable d’un individu à l’autre. Les membres inférieurs
Trois formes cliniques sont classiquement individualisées : sont le plus fréquemment atteints, suivis des membres su-
− éruption en peau saine de bulles, tendues au début, périeurs, du tronc et du visage. L’atteinte du cuir chevelu
de quelques millimètres jusqu’à 10 centimètres de dia- ou des muqueuses (conjonctivale, buccale) est anecdotique.
mètre, à liquide clair, stérile. L’éruption est non doulou- L’aspect histologique est proche de l’ensemble des autres
reuse, localisée sur les pieds, les orteils et les jambes, dermatoses perforantes (maladie de Kyrle, collagénose per-
parfois sur les avant-bras et les mains (fig. 76.8). L’évolu- forante réactionnelle, folliculite perforante) : invagination
tion est favorable en 2 à 6 semaines mais les récidives de l’épiderme, expulsion de matériel nécrotique basophile
sont fréquentes. À l’examen histologique, il peut être ob- du derme à travers une dépression cupuliforme de l’épi-
servé un décollement intraépidermique sans acantho- derme et réaction inflammatoire au site de perforation. En
lyse. L’immunofluorescence directe est négative. Cette cas de prurit chronique, l’aspect est proche d’un prurigo
forme clinique est la plus commune et touche avec prédi- nodulaire. L’évolution des dermatoses perforantes acquises
lection le sujet âgé de sexe masculin (sex-ratio : 2M/1F) est chronique, chaque lésion régressant en quelques mois
souffrant d’un DID compliqué de neuropathie ; sans cicatrice majeure. Il n’existe aucun traitement spéci-
− éruption bulleuse hémorragique compliquée d’un risque fique. Divers traitements locaux sont proposés : crèmes
cicatriciel atrophique. Histologiquement, le décolle- émollientes, corticostéroïdes (topiques ou intralésionnels),
ment bulleux se situerait sous la jonction dermoépi- capsaïcine, trétinoïne. La photothérapie UVB ou la PUVA,
dermique avec destruction des fibres d’ancrage ; l’isotrétinoïne, la rifampicine, l’allopurinol ont également
− éruption bulleuse photodistribuée et douloureuse, où été proposés avec des résultats variables.
le décollement se situerait au niveau de la lamina lucida.
Le traitement est symptomatique et repose sur les soins Dermatoses infectieuses liées au diabète
locaux.
Les infections cutanées au cours du DS sont fréquentes,
Dermatoses perforantes acquises non spécifiques et généralement étroitement liées à l’équi-
Les dermatoses perforantes acquises constituent un groupe libre glycémique des patients. Leur prévalence moyenne

 DID diabétiques insulinodépendants · DNID diabétiques non insulinodépendants · DS diabète sucré · SB sclérœdème de Buschke
Dermatoses infectieuses liées au diabète 76-7

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 76.9 Dermatose perforante au cours du diabète sucré compliqué
d’insuffisance rénale : papules érythémateuses surmontées d’un bouchon
central kératosique. La lésion linéaire correspond à un phénomène de
Koebner secondaire au grattage Fig. 76.10 Glossite dépapillée et pseudomembraneuse associée à une
perlèche au cours d’une candidose orale chronique du diabète sucré
est estimée entre 20 et 30 % ¹⁹. Un lien significatif est établi
entre le DS, équilibré ou non, et les candidoses cutanéomu- La mucormycose (zygomycose ou phycomycose) touche
queuses, les mucormycoses et les infections bactériennes surtout le patient diabétique mal équilibré et acidocéto-
à corynébactéries. En revanche, l’augmentation de préva- sique ²²,²³. Elle est à l’origine d’atteintes rhinocérébrales
lence des autres infections cutanées ne semble pas plus et pulmonaires. Les moisissures très ubiquitaires (Rhizo-
fréquente chez le patient diabétique équilibré comparé à la pus arrhizus, Absidia corymbifera, Rhizomucor pusillus...)
population générale. De nombreux facteurs pathogéniques sont inhalées ou contaminent parfois une brèche cutanée,
peuvent contribuer à l’augmentation du risque infectieux une brûlure, favorisées par la macération sous un panse-
au cours du DS : ralentissement de la microcirculation, al- ment occlusif. Elles entraînent des lésions locorégionales,
tération de l’immunité surtout à médiation cellulaire, di- érosives, nécrotiques, ulcéreuses de la peau et des mu-
minution du chimiotactisme des polynucléaires et de la queuses oropharyngées. Dans les formes disséminées, le
phagocytose. caractère angio-invasif est responsable de lésions escarro-
tiques, de cellulites gangréneuses, très délabrantes, d’ul-
Infections mycosiques cères rebelles. Le diagnostic histologique est évoqué devant
Les infections candidosiques cutanéomuqueuses sont fré- l’aspect d’hyphes larges, rubannés non septés souvent au
quentes au cours du DS, parfois révélatrices (fig. 76.10). La sein d’une vasculite nécrosante. Le traitement est souvent
localisation oropharyngée est significativement associée chirurgical : débridement, exérèse avec greffe associés à
au diabète de type 1, indépendamment de l’équilibre gly- l’amphotéricine B, le posaconazole semblant prometteur.
cémique. Les autres localisations (génitale, unguéale et Le pronostic est souvent léthal notamment dans les formes
péri-unguéale, plis de flexion) témoignent généralement rhinocérébrales.
d’un diabète non traité ou déséquilibré. La prévalence des
onychomycoses est significativement plus élevée chez les Infections bactériennes
patients diabétiques (entre 26 à 35 %) que dans la popu- Malgré un portage asymptomatique du staphylocoque doré
lation générale (risque relatif d’environ 1,5) ²⁰. Ces ony- plus fréquent chez les diabétiques que dans la population
chomycoses s’associent à un risque majoré d’intertrigos générale, l’augmentation du risque d’infection cutanée su-
mycosiques interorteils (risque relatif 2,1). Les germes in- perficielle n’est pas clairement démontrée ²². Il est cepen-
criminés sont les dermatophytes usuels (Trichophyton ru- dant classique et probablement de bonne pratique clinique
brum, Trichophyton mentagrophytes, Epidermophyton flocco- de rechercher ou d’équilibrer un diabète sucré en cas de
sum), plus rarement les moisissures et le Candida albicans. pyodermites superficielles : impétigo, folliculites, furoncle-
Ces infections mycosiques contribuent au développement furonculose et anthrax.
d’infections bactériennes sévères (érysipèle, cellulite, os- Les corynébactéries sont des bactéries saprophytes des
téomyélite) en constituant une porte d’entrée potentielle plis cutanés. Elles peuvent cependant devenir pathogènes
à partir de minimes abrasions ou d’ulcérations ²¹,²². Le trai- en cas de macération, particulièrement chez les diabé-
tement des infections mycosiques du patient diabétique tiques ou les personnes en surcharge pondérale. L’éry-
est le même que chez le sujet non diabétique, mais doit thrasma correspond à un intertrigo peu symptomatique,
être systématique et rigoureusement suivi. Il repose sur rouge bistre, squameux, habituellement sans vésicules. L’en-
les imidazolés locaux pour les mycoses cutanées limitées semble des plis peut être atteint avec une prédilection pour
de la peau glabre. Le fluconazole et la terbinafine sont les les plis péri-anaux, cruraux, axillaires et sous-mammaires
traitements de référence respectivement des candidoses (fig. 76.11). L’examen en lumière de Wood met en évidence
orales et des onychomycoses évoluées. une fluorescence « corail » permettant d’évoquer le diagnos-

 DS diabète sucré
76-8 Diabète sucré

Coll. D. Bessis
Fig. 76.12 Xanthomes éruptifs : papules profuses jaune brun cernées
d’un halo rouge des fesses au cours d’une hypertriglycéridémie majeure
ayant révélé un diabète sucré

Dermatoses dont l’association au diabète est


discutable
Prurit
Longtemps considéré comme un signe de DS, le prurit gé-
néralisé chronique n’apparaît pas significativement associé
à cette affection. En revanche, un prurit localisé à la région
anogénitale est fréquent au cours du DS et témoigne le plus
souvent d’une candidose.
Coll. D. Bessis

Xanthomes éruptifs
Ils sont constitués de papules jaune brun cernées d’un halo
rouge, parfois douloureuses ou prurigineuses, d’apparition
Fig. 76.11 Placard rouge bistre mal limité du creux axillaire au cours brutale et se situent le plus souvent sur les fesses et les
d’un érythrasma faces d’extension des coudes et des genoux (fig. 76.12). Ils té-
moignent presque toujours d’une dyslipoprotéinémie avec
tic d’infection à C. minutissimum. Le traitement consiste hypertriglycéridémie associée au DS. La correction des ano-
en des conseils d’hygiène, un traitement local par imida- malies métaboliques permet la régression des lésions, par-
zolés pendant au moins 15 jours. Une antibiothérapie par fois au prix d’une hyperpigmentation transitoire.
voie générale est utilisée dans les formes extensives pos-
sibles chez le diabétique. Le choix se porte sur l’érythro- Érythrose faciale
mycine ou une tétracycline per os, la durée du traitement Fréquemment mentionnée dans les études prospectives et
variant de 5 à 21 jours en fonction de la localisation des de prévalence variable, ses critères de distinction avec une
lésions. rosacée restent obscurs. Les mécanismes physiopathogé-
Pseudomonas aeruginosa est un bacille à Gram négatif pré- niques incriminés seraient une diminution du tonus vascu-
sent dans l’environnement et commensal du tube diges- laire ou une microangiopathie favorisant une dilatation et
tif de l’homme. Il est surtout impliqué dans les infec- une stase veinulaire. Ces anomalies pourraient également
tions hospitalières : infections urinaires, pneumopathies rendre compte d’érythème palmoplantaire et de télangiec-
notamment sous ventilation mécanique et de bactérié- tasies péri-unguéales parfois observées au cours du DS ⁸.
mies. Au niveau cutané, P. aeruginosa peut être respon-
sable d’infections superficielles des ongles réalisant le Granulome annulaire
« syndrome de l’ongle vert », des régions interdigitales Le granulome annulaire est une dermatose granuloma-
plantaires et des conduits auditifs externes. Dans ce der- teuse palissadique commune constituée par des petites
nier cas, il peut être responsable d’otite maligne externe, papules, érythémateuses ou couleur peau normale, à dispo-
en particulier chez des personnes âgées ou des diabé- sition annulaire, d’évolution chronique et lentement cen-
tiques. trifuge. Les lésions siègent avec prédilection sur les faces
d’extension des membres, plus particulièrement le dos des
mains et des pieds. L’association du granulome annulaire
avec le diabète, en particulier le DID, reste controversée.

 DID diabétiques insulinodépendants · DS diabète sucré


Complications dermatologiques des traitements insuliniques 76-9

Coll. D. Bessis
Fig. 76.14 Lipohypertrophie de la face externe de cuisse droite
secondaire à des injections répétées d’insuline recombinante humaine

Complications dermatologiques des traitements


Coll. D. Bessis

insuliniques
Réactions « allergiques »
Fig. 76.13 Granulomes annulaires disséminés : multiples plaques Depuis l’utilisation d’insuline purifiée ou recombinée hu-
constituées de papules érythémateuses à disposition annulaire ou maine, la prévalence des réactions allergiques à l’insuline
polycyclique sur la face externe d’une cuisse est faible, estimée entre 5 à 15 % ²⁶,²⁷. Parmi ces patients,
le risque de réaction systémique associé est faible, évalué
Il est cependant classique de rechercher un DS au cours à moins de 1 %. Les réactions allergiques sont le plus sou-
d’un granulome annulaire généralisé, nodulaire localisé ou vent localisées sur le site d’injection et se développent en
d’évolution prolongée (fig. 76.13). moyenne une semaine après l’instauration du traitement.
Elles se caractérisent par une macule, une papule voire un
Capillarites purpuriques et pigmentaires nodule prurigineux survenant 24 à 48 heures après l’in-
Les capillarites purpuriques et pigmentaires sont caracté- jection et rapidement résolutif en quelques heures, par-
risées par des lésions purpuriques d’évolution chronique fois quelques jours. Ces réactions tendent à s’amender en
et histologiquement par la présence d’un infiltrat inflam- quelques semaines sans modification du type d’insuline.
matoire mononucléé périvasculaire du derme superficiel Leur persistance au-delà de 2 à 4 semaines doit conduire à
et l’extravasation des hématies. Leur présentation clinique un changement d’insuline en choisissant une insuline plus
est variable composée de macules brunes ou rouges, coa- purifiée. Des réactions systémiques à type d’urticaire ou
lescentes, situées sur les jambes, parfois les chevilles et le d’érythème généralisé, voire d’anaphylaxie restent excep-
dos des pieds. La présence d’une capillarite purpurique et tionnelles.
pigmentaire au cours du DS est rapportée avec une préva-
lence de 20 % au cours d’une récente étude française. Elle Réactions lipodystrophiques
s’observe plus fréquemment au cours du DNID, et de DS Les réactions lipoatrophiques après injection d’insuline re-
compliqué de macroangiopathie (26 % versus 14 %) et de combinante humaine sont actuellement exceptionnelles.
neuropathie (35 % versus 17 %) ⁵,⁸. Une association signifi- En revanche, la possibilité de réactions lipohypertrophiques
cative avec la DD était également notée. reste d’actualité, particulièrement chez le jeune diabétique,
de faible index de masse corporelle, aux sites d’injection
Xanthochromie abdominal, sans rotation suffisante des sites d’injection ²⁸.
Sa prévalence est estimée entre 0,3 à 12 % des patients Il s’agit de nodules cutanés fermes, couleur peau normale,
diabétiques. Il s’agit d’une coloration jaunâtre des paumes se développant au site d’injection, conséquence d’une hy-
et des plantes et/ou des tablettes unguéales. Son origine pertrophie graisseuse locale par effet de lipogenèse de l’in-
reste mal connue : hypercaroténémie, glycosylation non suline (fig. 76.14). Une régression spontanée des lésions par
enzymatique du collagène dermique. rotation des sites d’injection ou mise sous pompe à insu-

 DD dermopathie diabétique · DNID diabétiques non insulinodépendants · DS diabète sucré


76-10 Diabète sucré

line est possible. Un traitement par liposuccion chirurgicale Réactions secondaires à l’utilisation des pompes à insuline
peut également être envisagé. Il s’agit principalement de complications infectieuses à
De nombreuses autres réactions cutanées exceptionnelles type d’abcès ou de cellulite bactériens secondaires à une
sont rapportées sur le site des injections d’insuline : ché- infection à Staphylococcus spp., Streptococcus spp., voire Rhi-
loïdes, pigmentation de type acanthosis nigricans, dépôts zomucor spp. et s’observent dans un contexte d’hygiène
amyloïdes. insuffisante ²⁷.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D. Diabète sucré. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations dermatologiques des
maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 76.1-76.10.
77
Dermatoses carentielles
Yannis Scrivener, Didier Bessis

Carences alimentaires globales 77-1 Vitamine B5 (acide panthoténique) 77-10


Malabsorption intestinale 77-1 Vitamine B6 (pyridoxine) 77-10
Pénuries alimentaires chroniques 77-1 Vitamine B8 (biotine) 77-10
Alcoolisme 77-2 Vitamine B9 (folates) 77-11
Dénutrition des personnes âgées 77-2 Vitamine B12 (cobalamine) 77-11
Anorexie mentale 77-3 Vitamine K 77-12
Carences sélectives vitaminiques 77-3 Carences en oligoéléments 77-13
Vitamine C (acide ascorbique) 77-3 Zinc 77-13
Vitamine A 77-5 Acides gras essentiels 77-15
Vitamine D 77-7 Fer 77-16
Vitamine B1 (thiamine) 77-7 Sélénium 77-17
Vitamine B2 (riboflavine) 77-8 Références 77-17
Vitamine B3 (niacine) 77-8

e manque en nutriments peut résulter d’un apport herpétiforme, une ichtyose acquise ⁵ ou un aspect de pel-
L alimentaire insuffisant, d’une malabsorption intesti-
nale ou de pertes excessives (vomissements ou diarrhées
lagre ⁶ constituent parfois les symptômes cutanés de la ma-
ladie cœliaque. Enfin, la maladie de Cronkhite-Canada qui
chroniques). Dans les pays occidentaux, les états de mal- associe malabsorption protéique et polypose intestinale
nutrition s’observent essentiellement chez les alcooliques peut s’accompagner d’une alopécie, d’une onychodystro-
chroniques, les malades souffrant d’un cancer en phase phie (ongles fins ou au contraire hypertrophiques) et d’une
terminale ou chez les vieillards socialement isolés. Les ta- lentiginose faciale et des extrémités ⁷,⁸.
bleaux cliniques qui résultent des déficits nutritionnels
ne sont pas stéréotypés et résultent le plus souvent de ca- Pénuries alimentaires chroniques
rences multiples, associées de manière variable. Les pénuries alimentaires chroniques touchaient en 2000
environ 792 millions de personnes dans le monde, soit
Carences alimentaires globales 20 % de la population des pays en développement. La mal-
nutrition touche une personne sur trois, éclipsant la plu-
Malabsorption intestinale part des autres maladies à l’échelle mondiale. Elles abou-
Les différentes carences protéiques, vitaminiques et mi- tissent à deux grands syndromes carentiels, le marasme et
nérales aboutissent en général à une expression clinique le kwashiorkor.
polymorphe : xérose cutanée, eczéma sec, atrophie cuta- Marasme C’est un déficit calorique global qui résulte d’un
née, hyperpigmentation par hypersécrétion de MSH hypo- jeûne complet. Il s’observe dans les pays les plus pauvres
physaire et alopécie diffuse. Au cours de la mucoviscidose, et en phase terminale de certaines maladies chroniques.
peuvent s’observer des symptômes d’acrodermatite enté- Les personnes qui sont atteintes de marasme ont une peau
ropathique (AE) ¹, du purpura, des œdèmes, un eczéma flasque, ridée et sèche, qui apparaît trop large par rapport
sec ou des papules érythémateuses et squameuses ² des à la surface corporelle (fig. 77.1). La perte du pannicule adi-
extrémités, du périnée et des régions péri-orificielles. Ces peux du visage confère aux enfants un faciès « de singe ».
dernières confluent en plaques annulaires et constituent Plus rarement, on peut voir un lanugo du visage ou de la
parfois l’un des premiers symptômes de la maladie ³. Une nuque. Le premier signe est un arrêt de la croissance statu-
hyperpigmentation des zones photo-exposées et des cica- ropondérale des enfants. Progressivement, un état d’amai-
trices, des nodules et un érythème noueux peuvent s’obser- grissement avec fonte musculaire, associé à des troubles
ver dans la maladie de Whipple ⁴ ; tandis qu’une dermatite digestifs et à des troubles de l’humeur.

 AE acrodermatite entéropathique
77-2 Dermatoses carentielles

lanugo de la nuque et des cheveux fins, clairsemés et cas-


sants. Lors des carences nutritionnelles intermittentes, les
cheveux sont alternativement sombres et clairs (signe du
drapeau). Les œdèmes par hypoalbuminémie sont souvent
au premier plan et touchent en premier lieu les parties dé-
clives. L’abdomen est ballonné par de l’ascite. Il y a souvent
une irritabilité, une apathie, des diarrhées et une parotidite
bilatérale. Le déficit immun entraîne une susceptibilité ac-
crue aux infections comme la tuberculose, le paludisme et
les diarrhées infectieuses.

Alcoolisme

Coll. D. Bessis
L’alcoolisme chronique est une cause primaire de dénutri-
tion. Les carences résultent de la combinaison de troubles
du régime alimentaire, d’une malabsorption par insuffi-
Fig. 77.1 Marasme : peau flasque et fripée qui apparaît trop large par sance pancréatique et de troubles du stockage hépatique.
rapport à la surface corporelle, en particulier aux membres Enfin, l’alcool accélère la vitesse de vidange gastrique et la
mobilité intestinale. On peut observer l’intrication de ta-
Kwashiorkor Le kwashiorkor résulte d’une carence pro- bleaux de pellagre et d’AE chez les alcooliques chroniques.
téique, alors même que l’apport calorique global est correct.
Il touche les enfants entre 6 mois et 3 ans. Le terme pro- Dénutrition des personnes âgées
vient d’un dialecte ghanéen et signifie « maladie de l’enfant Les carences nutritionnelles résultent de la combinaison
sevré quand son cadet vient de naître ». En effet, tant que d’un syndrome dépressif, de maladies chroniques, d’un iso-
l’enfant est alimenté par le lait maternel apportant une lement social, de difficultés à la marche, de troubles mné-
alimentation équilibrée, il n’y a pas déséquilibre protéique. siques ou d’un mauvais appareillage dentaire. Des cas de
Après le sevrage, l’enfant adopte la nourriture carencée scorbut ont ainsi été décrits chez des personnes âgées ne se
en protéines des adultes et développe la maladie. Le kwa- nourrissant que d’aliments en conserve. Les carences pro-
shiorkor touche principalement les populations d’Afrique
tropicale et équatoriale dont l’alimentation est basée sur
les féculents. Dans les pays développés, la plupart des cas
sont le fait de malades ayant une malabsorption et notam-
ment une mucoviscidose. Toutefois, des cas secondaires
à un régime alimentaire volontairement déséquilibré ont
été récemment rapportés aux États-Unis. Il s’agissait d’en-
fants atopiques à qui un régime d’exclusion était prescrit,
d’enfants suspects d’allergie au lait, ou d’enfants issus de
familles végétariennes ⁹.
Les signes cutanés sont marqués par une fréquente dépig-
mentation cutanée qui débute le plus souvent dans la ré-
gion péri-orale et sur la face antérieure des jambes. Elle
est secondaire à la perte de pigment mélanique et à l’atro-
phie cutanée. On peut également noter des plaques vio-
lines bien limitées, légèrement surélevées, d’aspect cireux,
siégeant sur le site de traumatismes préalables et dans les
zones de macération telle que la région fessière. Ces plaques
évoluent progressivement vers la desquamation ¹⁰. L’alter-
nance de zones de peau claire et pigmentée forme ainsi
une mosaïque qui ressemble à un semis de tâches de pein-
ture écaillée désigné par l’expression « enamel paint spots »
chez les Anglo-Saxons ¹⁰. La peau est sèche, craquelée et
de larges érosions cutanées sont visibles dans les cas les
Coll. Dr A. Mahé, Colmar

plus graves (fig. 77.2). Une chéilite et une perlèche peuvent


s’observer. Chez les malades ayant une peau claire, il peut y
avoir un érythème diffus. Les diagnostics différentiels pos-
sibles sont une dermatite atopique, une staphylococcie cu-
tanée, une épidermolyse bulleuse acquise ou un exanthème
viral. Les érosions cutanées peuvent évoquer des brûlures. Fig. 77.2 Troubles pigmentaires et desquamatifs au cours d’un
On peut également observer des ongles fins et fragiles, un kwashiorkor

 AE acrodermatite entéropathique
Carences sélectives vitaminiques 77-3

téiques induisent des retards de cicatrisation qui peuvent Carences sélectives vitaminiques
retarder la guérison d’ulcères de jambe. Enfin, certains pru-
rits chroniques et certains eczémas secs dont souffrent Les modifications dermatologiques des carences sélectives
certaines personnes âgées pourraient résulter de carences en vitamines sont très variées. Celles liées à un déficit en vi-
en fer ou en acides gras essentiels. tamines A (phrynodermie), PP (pellagre), C (scorbut), sont
parfois au premier plan et suffisamment caractéristiques
Anorexie mentale pour faire évoquer le diagnostic (tableau 77.1). En revanche
L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimen- les carences en vitamine B aboutissent à des modifications
taire, le plus souvent volontaire, dont la psychopathogénie cutanées le plus souvent non spécifiques, associant à des de-
est très proche de celle de la pathomimie. Les carences mul- grés divers un aspect de dermite séborrhéique, des troubles
tiples, souvent combinées, aboutissent à des tableaux der- pigmentaires, une alopécie, une glossite et une chéilite
matologiques divers. Les principaux symptômes sont la co- (tableau 77.2).
loration orangée des zones grasses de la peau (caroténoder-
mie), l’hirsutisme, la xérose cutanée, le purpura, les héma- Vitamine C (acide ascorbique)
tomes spontanés et les œdèmes déclives. S’y ajoutent, les La vitamine C ou acide ascorbique est une vitamine hy-
symptômes cutanés liés aux gestes effectués pour se faire drosoluble, cofacteur d’un grand nombre d’enzymes et no-
vomir : callosités du dos des mains, érosion de l’émail den- tamment de la lysine hydroxylase et de la proline hydroxy-
taire, gingivite, purpura cervicofacial par hyperpression, lase impliquées dans la synthèse du collagène de « répara-
parotidomégalie. tion ». La vitamine C joue également un rôle important

Tableau 77.1 Vitamines : sources alimentaires et manifestations dermatologiques de leurs carences


Vitamine Sources alimentaires Manifestations dermatologiques de la carence
vitaminique
Vitamine C Légumes, fruits Scorbut : purpura et hyperkératose périfolliculaire ;
(acide ascorbique) Foie hémorragies cutanées, gingivite hémorragique
Vitamine A Rétinol : foie, lait, beurre, fromages, œufs et poissons Phrynodermie : papules kératosiques folliculaires des coudes,
Caroténoïdes : carottes, épinards, choux, courges, abricots, genoux, parfois diffuses (épaules, fesses, membres), xérose
oranges et melons cutanée, hyperpigmentation
Vitamine B1 Levures de bière, graines de céréales (riz, blé), pain complet, Signes cutanés du béribéri (second plan) : œdèmes des
(thiamine) soja, viandes de porc, foie, œufs, lait et poissons membres inférieurs, dermite séborrhéique, pigmentation brun
vert de la muqueuse juguale, kératodermie palmoplantaire
fissuraire, hémorragies unguéales
Vitamine B2 Levure, abats, lait, blanc d’œuf, poisson, viande et légumes à Érythème facial type « dermite séborrhéique », chéilite
(riboflavine) feuilles vertes fissuraire, glossite, perlèche, érythème des organes génitaux
externes, blépharoconjonctivite
Vitamine B3 Levure, viandes, poissons, céréales Signes cutanés de la pellagre : érythème douloureux des
(niacine ou PP) Synthèse endogène à partir du tryptophane zones photo-exposées, rouge puis brun « cannelle », collier de
Casal, atteinte muqueuse inconstante (chéilite, glossite,
perlèche, érosions orales et péri-anales)
Vitamine B5 La plupart des aliments : œufs, viande, lait, poissons, Alopécie avec canitie
(acide panthoténique) légumes, fruits
Vitamine B6 Foie, farine de blé, maïs, viandes, poissons, fruits, légumes, Dermite séborrhéique, glossite, érythème pellagroïde
(pyridoxine) œufs et lait
Vitamine B8 Levure de bière, légumes, chocolat, foie, rognons, jaune Eczéma péri-orificiel, alopécie, glossite atrophique
(biotine ou H) d’œuf, produits laitiers, viandes Xérose cutanée, desquamation fine des extrémités
Vitamine B9 Légumes verts, levure, lait, foie, viandes, œufs Pigmentation brun gris, réticulée des zones corporelles
(acide folique) photo-exposées ; glossite, chéilite
Vitamine B12 Foie, rognons, jaune d’œuf, viandes, poissons, fromage, lait Hyperpigmentation acrale, parfois diffuse ; grisonnement
(cobalamine) prématuré et réversible des cheveux (rare)
Glossite atrophique (Hunter)
Vitamine K Végétaux verts (épinards, choux), foie, viandes Maladie hémorragique du nouveau-né
Flore intestinale après la période néonatale Purpura pétéchial ou ecchymotique
77-4 Dermatoses carentielles

Tableau 77.2 Principaux signes cutanéomuqueux au cours des déficits


nutritionnels
Signes cutanéomuqueux Déficit vitaminique ou en
oligoélément
Lésions de type dermite B2,B6, B1, B3 (PP), B8 (H), zinc,
séborrhéique acides gras essentiels
Lésions de type acrodermatite Zinc, B2, B3, B8, acides gras
entéropathique essentiels, sélénium
Intertrigo B6, B8
Éruption ichtyosiforme, A, B2, E, acides gras essentiels
hyperkératose folliculaire
Hyperpigmentation B12, B9, B3, C
Œdème B1, C
Hyperkératose folliculaire avec C
purpura
Glossite, chéilite B2, B6, B12, B8, B3, A, fer, zinc
Stomatite B2, B6
Dermite photodistribuée B3, B2, B6, zinc, acides gras
essentiels
Purpura ecchymotique C, K

Coll. D. Bessis
dans l’absorption intestinale du fer et sa répartition dans
l’organisme. Elle est présente en abondante quantité dans
les légumes, les fruits et les organes animaux comme le foie.
Son absorption se fait dans les deux tiers proximaux de l’in- Fig. 77.3 Scorbut : hyperkératose folliculaire et purpura périfolliculaire
testin et son élimination est essentiellement urinaire. localisés sur les faces d’extension des jambes. Gros plan sur les lésions
En France, le risque de carence en vitamine C chez l’adulte cutanées d’hyperkératose folliculaire et de purpura périfolliculaire au cours
est estimé entre 3 à 5 p. 100 des femmes et 8 à 12 p. 100 du scorbut
des hommes et jusqu’à 25 p. 100 des hommes de plus de
65 ans ¹¹. Dans les pays occidentaux, les personnes à risque chronique et des dépôts d’hémosidérine (fig. 77.4). Des hé-
carentiel en vitamine C sont les hommes célibataires, vi- morragies cutanées spontanées qui vont des pétéchies aux
vant seuls et qui, pour des raisons budgétaires, de maladie hématomes profonds sont également classiques ¹⁵ (fig. 77.5).
mentale ou de consommation alcoolique, ont un régime Les ecchymoses sont multiples, d’âge différent et siègent
alimentaire inadéquat. De même, les adolescents se nour- principalement aux zones de pression comme les fesses ou
rissant exclusivement dans les fast-foods et dont le régime la face postérieure des cuisses. Elles peuvent parfois être
alimentaire est totalement dépourvu de crudités, ainsi que isolées, sans purpura périfolliculaire associé. Elles peuvent
les individus adeptes d’un régime « macrobiotique » unique- également se produire dans les zones sous-périostées à
ment à base de riz peuvent également être atteints ¹². Enfin, l’origine de douleurs musculosquelettiques, ainsi que dans
des observations ont été rapportées chez des patients dialy- les régions sous-unguéales ou conjonctivales palpébrales
sés (hémodialyse ou dialyse péritonéale) ¹³, transplantés hé- ou bulbaires. Les poils ont une forme de tire-bouchon, en
patiques ou au cours de cancers compliqués d’une cachexie raison d’une réduction du nombre de ponts disulfure indis-
ou d’une malnutrition secondaire aux chimiothérapies an- pensables à la cohésion de la kératine. Il existe également
ticancéreuses. Les besoins journaliers d’acide ascorbique un retard à la cicatrisation des plaies. Ainsi, l’expression
sont accrus chez les fumeurs et les femmes enceintes. Dans clinique d’une carence en vitamine C chez certaines per-
les pays les plus pauvres de la planète, le scorbut peut tou- sonnes âgées peut se limiter à un tableau clinique trom-
cher jusqu’à 25 % de la population. peur d’ulcères superficiels et hémorragiques des jambes
Les signes cutanés du scorbut associent une hyperkératose ou de purpura ecchymotique ressemblant au purpura de
folliculaire et un purpura périfolliculaire localisés avec pré- Batemann ¹⁶.
dilection sur les faces d’extension des membres (fig. 77.3) Les altérations muqueuses sont fréquentes associant une
et sur l’abdomen ¹⁴. Ces lésions se traduisent histologique- hypertrophie gingivale rouge, lisse, prédominant à la gen-
ment par des hémorragies périvasculaires et périfollicu- cive marginale et aux papilles interdentaires (fig. 77.6), des
laires, parfois associées à une inflammation périfolliculaire érosions hémorragiques et des déchaussements dentaires.
Carences sélectives vitaminiques 77-5

port d’acide ascorbique à la dose de 1 g/j pendant 15 jours


constitue un test thérapeutique. Il permet de faire dispa-
raître le saignement spontané en moins de 24 heures tandis
que les anomalies gingivales se corrigent en 2 à 3 jours, les
ecchymoses en 10-12 jours et l’anémie en 3 semaines. La
prévention est basée sur une nourriture riche en fruits et
légumes.

Vitamine A
Il s’agit d’une vitamine liposoluble constituée de trois prin-

Coll. Dr L. Durand, Montpellier


cipales formes actives dans l’organisme : le rétinol (trans)
nécessaire à la différenciation des tissus épithéliaux, la
croissance et la reproduction ; l’acide rétinoïque (trans) et
son isomère 13-cis intervenant dans la différenciation des
tissus épithéliaux et la croissance ; le rétinal précurseur de
la rhodopsine, pigment photosensible présent dans les bâ-
Fig. 77.4 Examen histologique d’une lésion cutanée de scorbut : tonnets de la rétine et support de la vision. La vitamine A
hyperkératose folliculaire et dépôts hémosidérine périfolliculaire est impliquée dans les processus de cicatrisation au cours
desquels elle permet une activation des macrophages, une
Chez les malades édentés, ces signes sont en revanche le augmentation de la synthèse de collagène et de la produc-
plus souvent absents. Les dents sont fragilisées et sujettes tion de facteurs de croissance épidermique ¹⁷. Elle est ap-
aux caries et aux infections pulpaires. Un syndrome sec portée à partir de l’alimentation sous la forme de rétinol
muqueux peut être noté : xérostomie, xérophtalmie, hyper- par le foie, le lait, le beurre, les fromages, les œufs et les
trophie des glandes salivaires, kératoconjonctivite. poissons et sous la forme de caroténoïdes (précurseur) par
Les manifestations extracutanées sont nombreuses : asthé- les carottes, les épinards, les choux, les courges, les abri-
nie, anorexie, perte de poids, syndrome dépressif, arthral- cots, les oranges et les melons. Elle est absorbée dans le
gies avec œdème des membres inférieurs, épistaxis et infec- tube digestif (rétinol ou bêta-carotène), passe dans la circu-
tions récidivantes. On peut observer des anomalies radiolo- lation sanguine où elle est se lie à la RBP (Retinol Binding
giques osseuses, telle qu’une bande métaphysaire sombre Protein) puis est stockée dans le foie d’où elle pourra être
et des côtes en « bouchon de champagne ». À la longue, une redistribuée en fonction des besoins.
hypotension artérielle fatale peut survenir, en raison d’une Les carences surviennent principalement dans les pays du
réduction du tonus basal des artères et d’une contractilité tiers-monde. Dans les pays occidentaux, elles sont principa-
vasculaire amoindrie lors des stimuli adrénergiques. lement induites par des malabsorptions intestinales (ma-
Le diagnostic biologique de scorbut est affirmé par le do- ladies digestives chroniques, parasitoses intestinales) ¹⁸,¹⁹
sage plasmatique de la vitamine C, reflet du régime récent ou des maladies hépatiques (diminution du stockage hépa-
et généralement effondré au cours du scorbut. Le dosage tique), au premier rang desquelles la cirrhose alcoolique.
de la vitamine C intraleucocytaire est un meilleur reflet du Les traitements corticoïdes empêchent en partie la trans-
statut tissulaire vitaminique, mais il n’est pas disponible formation du bêta-carotène en rétinol et diminuent le sto-
en pratique courante. Une anémie peut être associée, secon- ckage hépatique. Une carence en zinc peut révéler une hy-
daire aux saignements répétés, à une carence martiale et en povitaminose A par action sur la RBP indispensable pour
folates. Les marqueurs de l’inflammation (vitesse de sédi- la mobilisation des réserves hépatiques de la vitamine A.
mentation, CRP) peuvent être légèrement augmentés. L’ap-
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 77.6 Hypertrophie gingivale rouge et lisse d’une papille


Fig. 77.5 Purpura pétéchial et ecchymotique au cours du scorbut interdentaire au cours du scorbut
77-6 Dermatoses carentielles

Coll. Dr S. Barbarot, Nantes


Fig. 77.8 Papules kératosiques et spiculés des fesses et des faces
postérieures des cuisses en regard de plaques hyperpigmentées au cours
du déficit en vitamine A

un enfant trisomique 21 ²⁷. Sur le plan muqueux, on peut


observer une langue dépapillée, une chéilite angulaire et
une inflammation de la muqueuse jugale.
Les signes extracutanés sont essentiellement oculaires.
L’absence ou la diminution de synthèse de la rhodopsine
oculaire est responsable d’une inaptitude à la vision en cas
de lumière intense (héméralopie) et en obscurité (nyctalo-
pie). Par la suite peuvent se développer une xérophtalmie et
Coll. Dr S. Barbarot, Nantes

des plaques de kératinisation de l’épithélium conjonctival


(taches de Bitot). L’avitaminose A peut également induire

Fig. 77.7 Papules kératosiques folliculaires du coude au cours d’une


carence en vitamine A

La carence en vitamine A induit la phrynodermie ou « peau


de crapaud », Ce terme a été utilisé par Nicholls en 1933 ²⁰
pour décrire les modifications cutanées d’ouvriers indiens
carencés. La phrynodermie n’est pas spécifique d’une ca-
rence en vitamine A et a également été attribuée à des ca-
rences en acides gras essentiels, en vitamine B2, et E ²¹,²².
Il s’agit de papules kératosiques folliculaires, distribuées
de manière symétrique sur les coudes et les genoux ²³,²⁴
(fig. 77.7). Les épaules, les fesses, les faces dorsale et latérale
des avant-bras, les cuisses et les jambes peuvent également
être touchées (fig. 77.8), tandis que les plis sont épargnés.
Une atteinte papuleuse faciale des joues, pseudoacnéique,
est rare. Chaque papule comporte un bouchon kératosique
central, filiforme ou conique, centré ou non par un poil
coupé (fig. 77.9). Une squame ferme l’ostium folliculaire. Ces
lésions donnent à la peau un toucher râpeux. Les lésions
Coll. Dr L. Durand, Montpellier

peuvent parfois être plus grandes, formant des cratères


mesurant entre 2 et 6 mm et remplis de kératine ou inver-
sement de type filiforme formant des spicules hyperkéra-
tosiques (fig. 77.10) ²⁵. D’autres anomalies cutanées peuvent
être observées telles qu’une hyperpigmentation diffuse ou
une xérose qui est en partie liée à l’atrophie des glandes
sudorales et sébacées ²⁶. Une observation fait état d’une Fig. 77.9 Examen histologique d’une lésion cutanée hyperkératosique
élastose serpigineuse aggravée par une avitaminose A chez au cours du déficit en vitamine A : bouchon kératosique folliculaire
Carences sélectives vitaminiques 77-7

tion à certaines maladies auto-immunes (polyarthrite rhu-


matoïde, sclérose en plaques) ; prédisposition à certains
cancers (sein, côlon, prostate). Le rôle d’une carence en
vitamine D sur le développement de carcinomes cutanés
est controversé, et non formellement démontré. Au cours
du rachitisme de type II, par mutation du récepteur nu-
cléaire à la vitamine D, on peut avoir des alopécies, non
réversibles ³⁰.

Coll. Dr S. Barbarot, Nantes


Vitamine B1 (thiamine)
La vitamine B1 ou thiamine est hydrosoluble et joue un rôle
dans de nombreux métabolismes cellulaires, notamment
en tant que coenzyme d’importantes conversions métabo-
liques comme la décarboxylation oxydative du pyruvate, de
Fig. 77.10 Gros plan sur des lésions papuleuses centrées par un l’α-cétoglutarate et des α-céto-acides. Les sources alimen-
bouchon kératosique conique au cours d’un déficit en vitamine A taires de vitamine B1 sont diversifiées : levures de bière,
graines de céréales (riz, blé) et surtout la cuticule, pain
des troubles de la croissance osseuse et de la spermatoge- complet, soja, viandes de porc, foie, œufs, lait et poissons.
nèse, des paralysies des nerfs craniaux et une augmenta- Elle est absorbée dans la partie haute de l’intestin (grêle
tion de la pression du liquide céphalorachidien. Le statut proximal et duodénum) puis phosphorylée dans le foie sous
nutritionnel en vitamine A est évalué en routine par le do- sa forme biologiquement active, le pyrophosphate de thia-
sage plasmatique du RBP et du rétinol plasmatique. Le trai- mine. Elle diffuse dans la circulation générale sous forme
tement curatif repose sur la prise orale de palmitate de vi- libre ou phosphorylée, puis est dégradée en divers métabo-
tamine A sous forme huileuse à la dose 5 000 à 10 000 UI/j lites éliminés par voie urinaire. La carence en vitamine B1
chez l’adulte (ou 50 000 UI/10 j) et 2 000 à 5 000 UI/j chez est responsable du béribéri. Elle est exceptionnelle dans les
l’enfant de moins de 8 ans ²⁸. Il permet une rapide correc- pays industrialisés, observée chez les personnes consom-
tion des symptômes visuels en quelques jours tandis que les mant exclusivement et de façon prolongée du riz raffiné (ou
signes cutanés s’amendent progressivement en quelques riz poli) et dépourvu de son enveloppe, qui seule contient
semaines à quelques mois. En cas de vomissements ou de de la vitamine B1. Dans les pays occidentaux, les carences
malabsorption, la supplémentation repose sur l’administra- sont essentiellement alimentaires, notamment au cours
tion de vitamine A hydrosoluble par voie intramusculaire. de l’alcoolisme chronique, ou liées à des malabsorptions
intestinales. Des déficits en thiamine peuvent également
Vitamine D être observés au cours de nutritions parentérales exclusives
L’exposition aux ultraviolets (290-315 nm) est à l’origine de non supplémentées, du diabète sucré (augmentation de la
90 % et plus de la production de vitamine D. La première clairance rénale en thiamine) et de la grossesse (vomisse-
étape de production de la vitamine consiste en effet en ments gravidiques incoercibles). Les signes généraux sont
la transformation, dans la peau, du 7-déhydrocholestérol au premier plan, caractérisés par une asthénie, une ano-
en provitamine D3, qui elle-même va progressivement rexie, une perte de poids, des vomissements, une constipa-
se transformer par une isomérisation progressive en vita- tion et une faiblesse des membres inférieurs. Par la suite
mine D3. Celle-ci va passer dans le sang, être hydroxylée peuvent se développer une forme sèche de béribéri avec une
par le foie en 25 OH vitamine D3, et par le rein, en 1-25 OH atteinte nerveuse périphérique (amyotrophie, polynévrite
vitamine D3, forme active de la vitamine D. Une petite par- symétrique progressive), un béribéri cérébral associant des
tie seulement de la vitamine D est d’origine alimentaire. troubles psychiques (dépression, irritabilité, troubles de
Elle est néanmoins d’autant plus importante que le lieu mémoire...) et neurologiques (troubles de l’équilibre céré-
de vie est peu ensoleillé. La vitamine D est présente dans belleux, ophtalmoplégie, aréflexie...) comme au cours de
les poissons gras et les œufs. De nombreux produits lai- l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke, et une forme humide
tiers industriels sont actuellement enrichis en vitamine D. de béribéri marquée par une insuffisance cardiaque par myo-
Les besoins quotidiens sont de l’ordre de 200 UI. Ils sont cardite. Les signes cutanés sont généralement au second
doublés chez la femme enceinte, et l’enfant, triplés chez le plan et souvent intriqués avec ceux liés à d’autres carences
vieillard, d’autant qu’il sort peu de chez lui. L’utilisation ré- nutritionnelles, vitaminiques ou non ³¹,³² : œdème mou
gulière d’écrans solaires de fort indice peut, théoriquement, des membres inférieurs, dermite séborrhéique, perlèche,
diminuer la synthèse cutanée de vitamine D, bien qu’il n’y chéilite, pigmentation brun vert de la muqueuse juguale,
ait, en pratique, pas de risque carentiel, dans les conditions kératodermie palmoplantaire fissuraire, hémorragies un-
normales d’utilisation ²⁹. guéales. Le diagnostic biologique repose sur le dosage de la
La carence en vitamine D n’a pas de traduction clinique en thiamine diphosphate et la mesure de l’activité de la transcé-
dermatologie, mais a des conséquences multiples ; osseuses tolase érythrocytaire. L’apport de thiamine, 100 à 250 mg
(ostéoporose, ostéomalacie, accroissement du risque frac- par jour par voie intraveineuse, constitue un test thérapeu-
turaire) ; endocriniennes (insulinorésistance) ; prédisposi- tique confirmant le diagnostic.
77-8 Dermatoses carentielles

Vitamine B2 (riboflavine) ciale, mimant une dermite séborrhéique prédominante


La vitamine B2 ou riboflavine, hydrosoluble, est le pré- sur les ailes du nez ou éventuellement sur les lobules des
curseur de deux coenzymes, la flavine adénine dinucléo- oreilles ou la queue des sourcils ³³ (fig. 77.11). Le scrotum est
tide (FAD) et la flavine mononucléotide (FMN), qui inter- parfois rouge, squameux, avec des croûtes et un aspect de
viennent dans de nombreuses voies métaboliques d’oxyda- lichénification (fig. 77.12). Les lèvres sont érythémateuses,
tion et de phosphorylation, dans le cycle de Krebs, le méta- brillantes et sèches, parfois fissuraires associées à une per-
bolisme purinique et la synthèse des acides gras à longue lèche. La langue apparaît rouge violacée et lisse avec une
chaîne. Son apport alimentaire provient de la levure, des atrophie des papilles linguales. Une atteinte conjonctivale
abats, du lait, du blanc d’œuf, du poisson, de la viande et des avec photophobie et larmoiement et une hyperpigmenta-
légumes à feuilles vertes. La vitamine B2 est phosphorylée tion scrotale ou vulvaire sont également rapportées. Le syn-
avant d’être absorbée à la partie haute du tractus gastroin- drome oro-oculo-génital qui associe les trois localisations
testinal puis principalement transportée sous la forme de muqueuses a été décrit chez des prisonniers américains
FAD et FMN. Son élimination est rénale. Les principales durant la seconde guerre mondiale.
causes de carence en vitamine B2 (ou ariboflavinose) dans Les signes extracutanés peuvent être marqués par un retard
les pays développés sont l’alcoolisme et la cirrhose. Une mental et des modifications de l’électro-encéphalogramme
carence en vitamine B2 peut également être secondaire à ont pu être démontrées chez les enfants carencés en vi-
un régime alimentaire déséquilibré, comportant essentiel- tamine B2. Une anémie normocytaire, normochrome par
lement des lipides et des sucres au détriment des protéines, diminution de l’érythropoïèse est possible. La mesure de
lors d’ingestion massive accidentelle d’acide borique ou de l’activité glutathion réductase érythrocytaire et le dosage
photothérapie néonatale. Elle a été également décrite chez plasmatique de la riboflavine libre constituent un bon indi-
les personnes souffrant d’achlorhydrie, de malabsorption cateur du statut nutritionnel en vitamine B2. Le traitement
intestinale, d’hypothyroïdie ou traitées par chlopromazine. repose sur l’administration orale de riboflavine à la dose de
L’apparition des signes cliniques peut survenir après 3 à 10 à 40 mg/j chez l’adulte et de 10 à 20 mg/j chez l’enfant,
5 mois d’un régime alimentaire inadapté. jusqu’à l’obtention d’une réponse clinique puis sa poursuite
Les manifestations cutanées comportent une atteinte fa- à demi-dose jusqu’à la guérison.

Vitamine B3 (niacine)
La vitamine B3 ou PP est constituée de deux coenzymes,
l’acide nicotinique (niacine) et le nicotinamide qui est la
forme physiologiquement active. Son activation conduit à
la synthèse du nicotinamide adénine dinucléotide (NAD) et
du nicotinamide adénide dinucléotide phosphate (NADP),
impliqués dans toutes les réactions d’oxydoréduction cellu-
laires mitochondriale et cytoplasmique ³⁴. Les principales
sources de vitamine PP dans l’organisme sont pour un tiers
exogènes (levures, céréales, farine de blé, viandes, pois-
sons) et pour deux tiers par biosynthèse à partir de la voie
du tryptophane (acide aminé essentiel). L’absorption se
fait au niveau intestinal et l’élimination est urinaire.
Le déficit en niacine est responsable de la pellagre. Cette
affection reste endémique en Afrique, en Asie et en Inde
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 77.11 Dermatose érythématosquameuse mimant une dermite


séborrhéique et glossite lisse et dépapillée au cours d’un déficit combiné en Fig. 77.12 Érythème périnéal au cours d’un déficit combiné en
vitamine B2, vitamine B6 et zinc secondaire à une cirrhose hépatique vitamine B2, vitamine B6 et zinc secondaire à une cirrhose hépatique
Carences sélectives vitaminiques 77-9

le métabolisme du tryptophane, mais également lors des


déficits en oligoéléments comme le zinc et les acides gras
essentiels.
Les signes cutanés initiaux de la pellagre sont marqués par
des plaques érythémateuses d’un rouge brillant et doulou-
reuses des zones photo-exposées, proches d’un érythème
solaire et pouvant être le siège d’œdèmes intenses et cui-
sants, de vésicules et de bulles ³⁶ (fig. 77.13). Le dos des mains
est presque constamment atteint. L’éruption touche éga-

Coll. Dr Y. Scrivener, Strasbourg


lement de manière bilatérale et symétrique le visage, le
cou, les avant-bras, le dos des pieds et les faces antérieures
des jambes chez la femme. Sur le visage, les plaques se dis-
posent en « ailes de papillon » pseudolupiques. L’atteinte
de la partie centrale du cou et du thorax forme le « collier
de Casal » (fig. 77.14). L’érythème initial évolue progressive-
Fig. 77.13 Plaques rouge brillant des zones photo-exposées au cours ment vers une pigmentation cannelle tandis que la peau
d’une pellagre devient sèche, squameuse et hyperkératosique, prenant un
aspect parcheminé (fig. 77.15). Une atteinte muqueuse est
où l’alimentation est basée sur le maïs ou le millet. Le maïs associée dans un tiers des cas : chéilite, glossite, perlèche,
contient de la niacine sous une forme instable, que seule érosions orales et péri-anales ³⁶.
l’hydrolyse alcaline peut stabiliser ³⁵. Ainsi, au Mexique, Les signes extracutanés initiaux comportent initialement
le lavage du maïs avec de la chaux conduit à cette stabi- une lassitude, une somnolence, une anorexie, des troubles
lisation, permettant à ces populations d’être exemptes de digestifs et neuropsychiques mineurs (anxiété, irritabilité,
pellagre. Dans les pays occidentaux, cette affection est dépression). Une diarrhée chronique, conséquence d’une
rare. Des cas sporadiques sont rapportés chez les végéta- malabsorption intestinale, est observée dans plus de la
riens stricts et les alcooliques chroniques. Des observa- moitié des cas et constitue un signe plus tardif et un mar-
tions ponctuelles sont également décrites en cas de diar- queur de gravité. Les troubles neuropsychiatriques sévères
rhée chronique, d’anorexie mentale, de malabsorption di- sont tardifs et peuvent évoluer vers une encéphalopathie
gestive (maladie de Crohn, gastrectomie, maladie cœliaque, caractérisée par des troubles de mémoire, un syndrome
jéjuno-iléite), de cirrhose hépatique, de tumeur carcinoïde confusionnel et une démence.
ou de syndrome d’Hartnup (maladie héréditaire métabo- Le diagnostic de pellagre reste essentiellement clinique.
lique du tryptophane) ³⁵. Divers traitements peuvent éga- Le dosage des métabolites urinaires de la niacine, le
lement être impliqués en raison d’une interférence dans méthylnicotinamide (1-MN), le 1-méthyl-2-pyridone-5-
la voie de synthèse de la niacine à partir du tryptophane : carboxamide (2-PYR) et éventuellement le 1-méthyl-4-
isionazide, 6-mercaptopurine, 5-fluoro-uracile, hydantoïne, pyridone-5-carboxamide, constitue un bon indicateur du
phénobarbital, azathioprine, éthionamide, chloramphéni-
col, pyrazinamide. L’acronyme DDD (dermatose, diarrhées,
démence) désigne les trois groupes de symptômes provo-
qués par la carence en vitamine PP. Les signes cutanés de
la pellagre peuvent également être observés au cours des
déficits en vitamine B2, B6, ces dernières intervenant dans
Coll. Dr Y. Scrivener, Strasbourg
Coll. Pr J.-F. Stalder, Nantes

Fig. 77.14 Pigmentation cannelle du visage, du cou et de la partie Fig. 77.15 Peau hyperpigmentée et squameuse d’aspect parcheminée
haute du thorax (« collier de Casal ») au cours d’une pellagre au cours d’une pellagre chronique
77-10 Dermatoses carentielles

statut nutritionnel en vitamine PP. En revanche, les do- érythème diffus de la muqueuse buccale, une perlèche, une
sages plasmatiques du nicotinamide libre, du NAD ou du chéilite et une conjonctivite peuvent également être pré-
NADP ont peu de valeur diagnostique. Le traitement re- sentes.
pose sur l’éviction autant que possible du ou des facteurs Les signes extracutanés associent une altération des fonc-
étiologiques identifiés et une supplémentation en vita- tions supérieures, avec somnolence et confusion, une ano-
mine PP. Les doses recommandées sont de 300 à 600 mg/j rexie, des nausées ou des vomissements et des anomalies
chez l’adulte dans les formes mineures, 3 à 4 g/j (initia- du système nerveux périphérique de degré variable : hyper-
lement par voie parentérale) dans les formes sévères (dé- esthésie, paresthésies ascendantes, altération de la palles-
mence, cachexie) jusqu’à la disparition des signes cliniques, thésie et de la kinesthésie, abolition du réflexe achiléen.
suivies d’une demi-dose dans les 2 à 3 semaines suivantes. Sur le plan biologique, une anémie normochrome normo-
Une alimentation riche en viandes et poissons et l’apport cytaire, associée à une lymphopénie ou à une éosinophilie
de vitamines du groupe B, de zinc et de magnésium doivent peut être observée. Le diagnostic biologique repose sur le
être systématiquement associés. dosage plasmatique du pyridoxal 5-phosphate éventuelle-
ment sensibilisé par des épreuves dynamiques de charge
Vitamine B5 (acide panthoténique) en tryptophane ou de mesure de l’activité des transami-
La vitamine B5 ou acide panthoténique est très largement nases érythrocytaires. La supplémentation en pyridoxine
répandue dans la plupart des aliments. Elle est précurseur (250 à 1 000 mg/j par voie orale chez l’adulte) permet une
du coenzyme A et est impliquée dans le métabolisme du cho- régression des différents symptômes cutanés en quelques
lestérol, de certains acides gras, des glucides et des acides semaines. En revanche, les symptômes neurologiques sont
aminés. Sa carence chez l’homme n’est jamais isolée et l’ex- plus longs à disparaître et des troubles neurosensitifs des
pression clinique d’un déficit isolé en acide panthoténique jambes peuvent persister pendant plusieurs mois.
reste mal connue, reposant sur des observations expéri-
mentales de régimes dépourvues de cette seule vitamine : Vitamine B8 (biotine)
alopécie, canitie et ulcérations cutanées des extrémités. Un La vitamine B8 (vitamine H) ou biotine est une vitamine
syndrome dépressif et des paresthésies peuvent être asso- hydrosoluble, coenzyme de carboxylases impliquées dans
ciés. les carboxylations de l’acide pyruvique (néoglucogenèse),
de l’acétyl CoA (lipogenèse), du propionyl CoA et du méthyl-
Vitamine B6 (pyridoxine) crotonyl CoA (catabolisme des acides aminés ramifiés). Son
La vitamine B6 ou pyridoxine joue un rôle dans de nom- apport est exclusivement exogène, essentiellement à partir
breuses phases du métabolisme des acides aminés (notam- de l’alimentation (levure de bière, légumes, chocolat, foie,
ment du tryptophane), des glucides, des acides gras, des rognons, jaune d’œuf, produits laitiers, viandes) et pour
transaminases et de l’hémoglobine. La vitamine B6 est for- une faible proportion à partir des bactéries saprophytes du
tement hydrosoluble. Elle existe sous trois formes actives tube digestif. Une carence d’apport en biotine peut être ob-
et de structure proche : la pyridoxine, le pyridoxal et la servée lors d’une consommation excessive de blanc d’œuf
pyridoxamine. Elle est largement répandue dans l’alimenta- cru, très riche en avidine (glycoprotéine chélatrice de la
tion : foie, farine de blé, maïs, viandes, poissons, fruits et biotine) ³⁷ ou lors d’une nutrition parentérale exclusive ou
légumes, œufs et lait. Elle est absorbée dans le jéjunum et entérale artificielle. La biotine alimentaire, toujours liée à
principalement transformée en pyridoxal 5-phosphate qui des protéines (animales ou végétales) doit être clivée par
constitue la forme active. Son élimination est urinaire. La une enzyme d’origine pancréatique, la biotinidase, avant
consommation d’aliments riches en protéines augmente de pouvoir être absorbée par l’intestin. Elle circule dans le
les besoins en vitamine B6 et peut favoriser une carence. plasma sous une forme libre (20 %) ou liée aux protéines
Un déficit peut être observé au cours de la cirrhose hé- (albumine, globuline) et est présente dans presque tous les
patique en raison d’un stockage hépatique déficient. L’al- tissus de l’organisme en particulier dans le foie. Les déficits
cool, les médicaments comme l’isoniazide, l’hydralazine, en biotine relève de deux groupes étiologiques : les rares
la phénelzine, la cyclosérine, les contraceptifs oraux et la déficits acquis lors de nutrition artificielle prolongée sans
D-pénicillamine interagissent avec le métabolisme de la supplémentation vitaminique et les maladies héréditaires
vitamine B6 et favorisent sa carence. du métabolisme biotine-dépendant : déficit en biotinidase
Les lésions cutanées du déficit en vitamine B6 sont proches et en holocarboxylases. Le déficit en biotinidase est le plus
de celles observées au cours de l’ariboflavinose. Il s’agit fréquent et est responsable de manifestations néonatales
d’une atteinte érythématosquameuse faciale proche d’une tardives (premières semaines) et chroniques au cours des
dermite séborrhéique mais pouvant s’étendre aux coudes, formes complètes. Les formes incomplètes (hétérozygotie)
aux cuisses et au périnée et s’associer à un intertrigo des sont fréquemment asymptomatiques avec des manifesta-
grands plis. Plus rarement, l’éruption peut être de type tions cliniques latentes se révélant lors du jeûne ou d’un
pellagroïde, avec une photosensibilité et une hyperpigmen- régime riche en protides. Les déficits en holocarboxylases
tation de la face dorsale des bras, des jambes et du décol- sont de révélation néonatale aiguë et sévère, en particulier
leté. En effet, la vitamine B6 intervient dans la synthèse sur le plan neurologique.
de la vitamine PP, et joue un rôle dans le métabolisme du Les manifestations cliniques associent des signes dermato-
tryptophane. Une glossite avec sensations de brûlures, un logiques, neurologiques, digestifs et oculaires. Les signes
Carences sélectives vitaminiques 77-11

cutanéomuqueux sont marqués par une alopécie, une ra- folates a également été incriminée dans la genèse de cer-
réfaction des cils et des sourcils, un intertrigo des grands tains vitiligos ⁴⁰. Sur le plan muqueux, on peut observer
plis et une dermite érythématosquameuse vernissée péri- une chéilite, une glossite ou des érosions buccales.
orificielle, fréquemment compliquée d’une surinfection can- Les atteintes extracutanées sont hématopoïétiques avec
didosique cutanéomuqueuse. Ce tableau dermatologique constitution d’une anémie macrocytaire arégénérative et
de type « acrodermatite entéropathique » est proche de ce- neurologiques (neuropathie périphérique, syndrome céré-
lui observé au cours des déficits en zinc et en acides gras belleux, troubles psychiques). Le diagnostic biologique re-
essentiels ³⁸. pose sur le dosage plasmatique et érythrocytaire des folates.
Les signes extracutanés sont neurologiques (hypotonie, Le traitement nécessite la prise orale de folates à la dose
ataxie, retard psychomoteur, convulsions, troubles de la de 5 à 15 mg/j chez l’adulte et 5 à 10 mg/j chez l’enfant.
conscience confinant au coma et parfois au décès), diges-
tifs (nausées, vomissements, stagnation pondérale) et ocu- Vitamine B12 (cobalamine)
laires (photophobie, kératoconjonctivite avec risque d’atro- La cobalamine est une vitamine hydrosoluble intervenant
phie optique). Les anomalies biologiques sont constantes avec l’acide folique dans le métabolisme des bases puriques
quelle que soit l’étiologie : acidose métabolique avec cé- (adénine et guanosine) et pyrimidiques (cytosine et thy-
tose, hyperlactacidémie, hyperammoniémie et acidurie or- midine). Son absorption se fait en milieu acide, au niveau
ganique anormale. Lors du déficit en biotinidase ou lors de l’iléon terminal et de manière conjointe avec le facteur
d’une carence d’apport en biotine, le taux plasmatique de intrinsèque sécrété par les cellules pariétales gastriques.
biotine (biotinémie) à jeun est bas. Lors du déficit en ho- Dans le sang, elle circule liée à trois protéines, les trans-
locarboxylase synthétase, la biotinémie plasmatique est cobalamines I, II et III, de structure proche. L’élimination
normale voire augmentée. Le dosage de l’activité biotini- se fait dans les selles. La principale source alimentaire est
dase plasmatique est abaissé lors des déficits en biotinidase. d’origine animale : foie, rognons, œuf, viandes, poissons,
La preuve directe du déficit en holocarboxylase synthétase fromage et lait.
n’est possible que par un dosage de cette activité enzyma- Des carences primaires en vitamine B12 ont été décrites
tique au niveau des fibroblastes ou des lymphocytes et est chez les alcooliques, les végétariens stricts et les enfants
rarement réalisée en pratique. Le traitement repose sur de mère végétarienne et allaités ⁴¹. Les principales carences
un apport de biotine par voie orale ou intraveineuse (10 secondaires surviennent lors d’une malabsorption intesti-
à 20 mg/j) permettant une amélioration clinique et des nale par synthèse amoindrie de facteur intrinsèque néces-
anomalies métaboliques de façon spectaculaire (test théra- saire à l’absorption iléale de la vitamine B12 (anémie de
peutique). Biermer), d’achlorhydries et d’infestations microbiennes
du tube digestif. Des carences congénitales en transcoba-
Vitamine B9 (folates) lamines ont également été identifiées. Les réserves en co-
Les folates ou acides foliques ont un rôle dans le métabo- balamine (surtout hépatiques) sont abondantes en compa-
lisme des acides aminés et dans la synthèse des bases pu- raison avec les besoins journaliers et rendent compte d’un
riques et pyrimidiques indispensables à la formation de délai de latence de 3 à 6 mois entre le début d’une carence
l’ADN et dans la production de globules rouges. Ils sont alimentaire et l’apparition des signes cliniques.
largement répandus dans l’alimentation : légumes verts, le- La carence en vitamine B12 induit une hyperpigmenta-
vure, lait, foie, viandes, œufs. Ils sont absorbés au niveau de tion cutanée brun foncé ou brun noir, localisée avec pré-
l’intestin grêle puis transformés en acide folinique, forme dilection sur le dos des mains et des pieds, particulière-
biologiquement active avec l’aide de vitamine C. Leur élimi- ment en regard des articulations interphalangiennes, des
nation est digestive. pulpes des doigts et des plis palmaires ⁴². La pigmentation
Dans les pays occidentaux, la première cause de carence en peut également toucher les ongles (pigmentation diffuse
folates est l’alcoolisme. Les malabsorptions intestinales et de la tablette, stries pigmentées longitudinales) ⁴³ et la mu-
les médicaments comme le méthotrexate, la sulfadiazine, queuse orale (fig. 77.16). Des atteintes des cuisses, des bras
certains antituberculeux et anticonvulsivants peuvent éga- et des aisselles mouchetées ou réticulées ou diffuses de
lement induire des carences patentes. Chez les nourrissons, type pseudo-addisonienne sont également décrites chez
des carences en folates peuvent s’observer en cas d’alimenta- les « Caucasiens ». Sur le plan histologique, la pigmenta-
tion exclusive d’aliments longuement bouillis. La grossesse, tion est due à la présence de mélanophages dans le derme
l’hémodialyse, la prématurité, la desquamation diffuse aug- et à une augmentation de la quantité de mélanine dans
mentent les besoins quotidiens en folates. Les syndromes la couche basale de l’épiderme. Un grisonnement préma-
myéloprolifératifs, les anémies hémolytiques chroniques turé des cheveux réversible après supplémentation en vi-
entraînent une consommation accrue en folate. tamine B12 est également décrit. Une glossite (Hunter)
Les symptômes cutanés sont rarement au premier plan est présente dans plus d’un quart des cas et constitue un
et sont très proches de ceux que l’on peut voir dans les signe précoce précédant le développement de l’anémie ma-
carences en vitamine B12, caractérisés par une pigmen- crocytaire. Elle débute par des plaques rouges et vernissées,
tation brun gris et réticulée des zones corporelles photo- parfois siège d’ulcérations et évolue vers une atrophie dé-
exposées ³⁹, pouvant également toucher les muqueuses. La butant à la pointe de la langue et s’étendant au V lingual,
pigmentation est plus rarement diffuse. Une carence en touchant plus de la moitié de la langue ⁴⁴. Le caractère in-
77-12 Dermatoses carentielles

Coll. Dr F. Truchetet, Thionville


Fig. 77.17 Glossite atrophique et plaque érythémateuse vernissée
linéaire du palais au cours d’une carence en vitamine B12 (glossite de
Hunter)

5 à 10 mg de vitamine B12 par voie intramusculaire, deux à


quatre fois par semaine jusqu’à la correction des anomalies
hématologiques. Un délai de 2 à 3 mois est souvent néces-
saire avant de pouvoir observer la régression des troubles
pigmentaires.

Vitamine K
La vitamine K est liposoluble et présente sous deux formes
naturelles (K1 et K2). Elle participe à l’activation de plu-
sieurs facteurs de la coagulation (dits « vitamine K dé-
pendants ») : prothrombine (II), proconvertine (VII), fac-
teur antihémophilique B (IX), facteur Stuart (X), et des
protéines C et S. Son absorption se fait principalement
Coll. Dr Y. Scrivener, Strasbourg

dans la portion proximale de l’intestin grêle, et dans sa


partie distale pour une moindre part. Les sources alimen-
taires proviennent essentiellement des légumes frais (no-
tamment chou et épinards), du foie et des viandes et ne
constituent que 50 % des apports, la part restant étant
produite de manière endogène par la flore microbienne
Fig. 77.16 Hyperpigmentation brun gris linguale prédominant sur intestinale. Les déficits en vitamine K sont le plus sou-
les faces latérales de la langue et hyperpigmentation brun noir de la face vent endogènes. On peut ainsi les voir chez les patients
interne de joue au cours d’un déficit en vitamine B12 en période postopératoire, recevant une nutrition inadé-
quate et prenant des antibiotiques à large spectre. Une
flammatoire et linéaire de l’érythème constituerait un signe malabsorption digestive des graisses, comme au cours de
précoce et évocateur (fig. 77.17) ⁴⁵. Les autres atteintes mu- la maladie cœliaque peut également aboutir à un déficit
queuses buccales sont plus rares : glossodynie, stomatody- de vitamine K. Les syndromes hémorragiques du nouveau-
nie, dysgueusie, perlèche, chéilite, stomatite, sécheresse né résultent de l’absence de passage placentaire des vita-
buccale, érosions buccales. mines liposolubles et de la stérilité de l’intestin. Le dé-
Les signes cliniques extracutanés sont en rapport avec le ficit en vitamine K du nouveau-né persiste plusieurs se-
syndrome anémique (pâleur, subictère, dyspnée, vertiges) maines et touche particulièrement les prématurés. Sa pré-
et le syndrome neurologique (paresthésies des extrémités, vention en France est systématique par l’administration
hypotonie, ataxie, troubles de la coordination, troubles psy- de vitamine K1 dès la naissance. Le déficit en vitamine K
chotiques). La confirmation diagnostique du déficit en vi- est à l’origine de syndromes hémorragiques gastriques,
tamine B12 est apportée par le dosage de la vitamine B12 intestinaux et génito-urinaires. Le purpura pétéchial ou
plasmatique, de l’acide méthylmalonique et de l’homocys- ecchymotique en constitue la seule manifestation cuta-
téine plasmatique. Le traitement consiste en l’injection de née.
Carences en oligoéléments 77-13

Carences en oligoéléments Étiologies des éruptions à type d’AE


Zinc Acrodermatite entéropathique (déficit héréditaire en zinc)
Déficits acquis en zinc
Le zinc est un élément minéral indispensable au fonction- Nutrition parentérale exclusive
nement normal de toute cellule intervenant dans le méta- Malabsorption intestinale
bolisme protidique, glucidique et de la vitamine A. Il agit Prématurité
comme cofacteur de nombreuses métallo-enzymes essen- Déficit sécrétoire mammaire (lactogenic acrodermatitis enteropathica)
tielles que sont les phosphatases alcalines, l’alcool déshy- Femmes enceintes
drogénase, l’ARN polymérase et la plupart des enzymes Alcoolisme
digestives ⁴⁶. Il intervient également comme élément régu- Régime alimentaire inadapté (riche en phytates et calcium)
lateur de l’immunité, de la cicatrisation et de la multipli- Kwashiorkor
cation cellulaire. Les principales sources de zinc sont les Déficit en vitamines B3 (niacine)
aliments d’origine animale, le lait maternel et les sécrétions Déficit en acides gras essentiels
pancréatiques. L’absorption concerne entre 20 et 30 % du Glucagonome
zinc ingéré et se fait principalement dans l’intestin grêle Maladies métaboliques (acrodermatitis dysmetabolica)
(duodénum, jéjunum). Certains phytates contenus dans les Acidémies organiques (acidémie méthylmalonique, acidémie propio-
graines de céréales peuvent inhiber cette absorption. Les nique, leucinose)
aliments riches en fibre ont aussi tendance à diminuer la Acidurie glutarique de type 1
biodisponibilité du zinc. Déficit en ornithine transcarbamylase
Il existe des zones endémiques de déficits acquis en zinc Citrullinémie
au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Turquie, en rai- Phénylcétonurie
son d’une alimentation basée essentiellement sur du pain Dysplasie muco-épithéliale héréditaire
complet, à fort contenu en phytates et en fibres. Les ca- 77.A
rences protéiques s’accompagnent souvent d’une carence
en zinc. Dans les pays occidentaux, ces déficits peuvent lica) comme les acidémies organiques (acidémie méthylma-
s’observer chez les nourrissons ayant un régime alimen- lonique, acidémie propionique, leucinose), l’acidurie gluta-
taire inadapté, les prématurés, les femmes enceintes, les rique de type 1, le déficit en ornithine transcarbamylase,
alcooliques, les malades souffrant d’une malabsorption ou la citrullinémie mais également au cours des déficits en
supplémentés par une nutrition parentérale exclusive ⁴⁷. acides gras essentiels, vitaminiques B et du glucagonome ⁴⁹
Des agents chélateurs comme les diurétiques, le valproate (encadré 77.A).
de sodium peuvent également induire des carences en zinc. Les manifestations cliniques du déficit en zinc acquis et
L’alcool, en intervenant directement sur le tubule rénal, en- de l’acrodermatite entéropathique sont identiques et carac-
traîne une augmentation de l’excrétion urinaire de zinc. térisées par la triade clinique : dermatose péri-orificielle,
L’AE est le terme réservé au déficit héréditaire en zinc. Il alopécie et diarrhée. Cette triade est complète chez 20 %
s’agit d’une affection autosomique récessive liée à des muta- des patients atteints d’AE ⁵⁰. Les lésions cutanées sont
tions du gène SLC39A4 (8q24.3) se traduisant par un déficit de sévérité variable et débutent par une éruption sy-
congénital partiel ou total de la protéine transporteuse du métrique érythémato-squameuse eczématiforme, parfois
zinc ZIP4 permettant l’absorption entérocytaire du zinc ⁴⁶. vésiculo-bulleuse ou pustuleuse touchant les extrémités
Son incidence est estimée à 1/500 000 enfants, sans pré- des membres et les zones péri-orale (fig. 77.18) et anogénitale
dilection de sexe ou de race. Les symptômes débutent au (fig. 77.19). Une perlèche et une inflammation paronychiale
cours des premiers mois de la vie, habituellement peu de sont classiquement associées (fig. 77.20). Sans traitement,
temps après le sevrage de l’allaitement maternel qui ap- l’atteinte cutanée prend un caractère érosif et s’étend aux
porte le ligand défectueux, protégeant ainsi le nourrisson autres zones péri-orificielles du visage (yeux, nez, oreilles),
contre le déficit. Ils s’améliorent spontanément avec l’âge au cou, à la partie inférieure de l’abdomen, au dos, aux plis
la plupart du temps. inguinaux et aux cuisses (fig. 77.21). Histologiquement, les lé-
Des déficits acquis et transitoires responsables d’éruptions sions associent une acanthose psoriasiforme avec un aspect
à type d’acrodermatite entéropathique (acrodermatitis ente- pâle caractéristique en bande de la partie superficielle de
ropathica like) peuvent s’observer chez le nourrisson, sou- l’épiderme par vacuolisation cytoplasmique, des nécroses
vent avec antécédent de prématurité, et nourris exclusive- kératinocytaires focales ou confluentes de la partie superfi-
ment au lait maternel. Ils témoignent de besoins accrus cielle de l’épiderme parfois responsable d’un décollement
en zinc, le transfert du zinc de la mère à l’enfant se faisant sous-corné et une parakératose plus ou moins confluente
essentiellement durant les dix dernières semaines de gros- (fig. 77.22). Ces aspects sont indistinguables de ceux obser-
sesse, et d’un possible déficit sécrétoire mammaire en zinc vées au cours de la pellagre et de l’érythème nécrolytique
par insuffisance de transfert du zinc du plasma vers le lait migrateur du glucagonome. Une surinfection bactérienne
maternel (lactogenic acrodermatitis enteropathica) ⁴⁸. Des (bactéries Gram-positifs ou parfois Gram-négatifs) ou can-
tableaux cliniques d’acrodermatite entéropathique sans didosique (Candida albicans) peut modifier la symptomato-
déficit en zinc sont également observés au cours de di- logie et retarder le diagnostic. Les autres signes cutanéo-
verses affections métaboliques (acrodermatitis dysmetabo- muqueux sont une alopécie diffuse avec présence de che-

 AE acrodermatite entéropathique
77-14 Dermatoses carentielles

Coll. D. Bessis
A B
Fig. 77.18 A. Éruption érythémateuse, vésiculeuse et pustuleuse périorale et périoculaire au cours d’un déficit en zinc acquis chez un prématuré.
B. Éruption faciale diffuse érythémateuse, vésiculeuse et croûteuse au cours d’un déficit en zinc acquis après nutrition parentale au cours d’une maladie
de Crohn

veux fins et perte des cils et des sourcils, une glossite, une
gingivite et une stomatite. Les symptômes généraux sont
fréquemment au premier plan chez l’enfant avec une diar-
rhée aqueuse et des troubles neuropsychiques (irritabilité,
léthargie, dépression), une anorexie, une cassure de la crois-
sance staturopondérale et des atteintes ophtalmologiques
(photophobie, blépharite, conjonctivite).
Chez les malades ayant une carence chronique en zinc, les
lésions cutanées se disposent aux zones de friction, de trau-
matisme et de pression répétée, comme les genoux, les
coudes, les chevilles et les malléoles. Il s’agit de plaques
bien limitées, de couleur brune, pouvant ressembler à une
lichénification, peu desquamatives, ce qui les distingue du
psoriasis. On peut également observer l’existence d’une der-
matose faciale ressemblant à une dermite séborrhéique et
des poussées d’acné. Une éruption réticulée du tronc a été
décrite chez des alcooliques chroniques ⁵¹. La vitesse de cica-
trisation est ralentie. La chevelure est clairsemée, avec pré-
Coll. D. Bessis

sence de cheveux fourchus et cassés et de possibles troubles


pigmentaires (alternance de bandes sombres et brillantes
en microscopie optique à lumière polarisée). Lorsque le dé-
ficit est profond, la présence de lignes de Beau unguéales Fig. 77.19 Plaques érythémato-croûteuses et érosives du siège et du
peut être observée, traduisant l’arrêt brutal de la croissance scrotum au cours d’un déficit en zinc acquis chez un prématuré
unguéale. Sur le plan général, les malades souffrent parfois
d’un état dépressif ou d’un syndrome schizoïde. Diverses phobie) et immunologiques (splénomégalie, altération de
manifestations peuvent également être présentes : neuro- l’immunité avec risque infectieux).
logiques (ataxie, tremblements), digestives (diarrhées, hé- Le diagnostic biologique en routine est basé sur l’abaisse-
patomégalie), oculaires (blépharite, conjonctivite, photo- ment du taux de zinc plasmatique. Des valeurs abaissées
Carences en oligoéléments 77-15

Coll. D. Bessis
Fig. 77.21 Plaques érythémato-croûteuses et érosives du dos au cours
d’un déficit en zinc acquis

A Coll. D. Bessis

B
Fig. 77.20 A. Inflammation paronychiale au cours d’un déficit en

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier


zinc acquis du nouveau-né. B. Inflammation paronychiale et intertrigo
interdigitale au cours d’un déficit en zinc acquis de l’adulte

de zinc peuvent cependant être détectées au cours d’hy-


poalbuminémies profondes ou d’états inflammatoires. Le
taux sérique de phosphatases alcalines (zinc dépendant)
est également diminué. La mesure des taux de zinc dans les Fig. 77.22 Examen histologique d’une lésion cutanée d’acrodermatite
urines, les cheveux et le lait maternel peut également être entéropathique ou de déficit acquis en zinc : aspect pâle en bande de
utile mais se heurte à l’absence de normes standardisées. la partie superficielle de l’épiderme par vacuolisation cytoplasmique et
Le traitement repose sur une supplémentation par des sels nécroses kératinocytaires associées
de zinc généralement administrés par voie orale sous forme
de sulfate ou de gluconate. En France, la forme la plus uti- Acides gras essentiels
lisée est le gluconate de zinc (Rubozinc), sous la forme de Les acides gras essentiels jouent un rôle primordial dans la
gélules dosées à 100 mg de gluconate de zinc, soit 15 mg constitution et la fluidité des membranes cellulaires et dans
de zinc élément. Chez les nourrissons et les enfants en bas la régulation de nombreux phénomènes immunitaires et
âge, les gélules doivent être déconditionnées et dissoutes inflammatoires. Au niveau épidermique, l’acide linoléique
dans l’eau. Les doses initiales recommandées de zinc élé- est indispensable à la formation des granules lamellaires ⁵².
ment varient de 1 mg/kg/j (déficit d’apport) à 3 mg/kg/j Les acides gras essentiels sont des acides gras polyinsaturés,
(AE), relayées par une dose d’entretien comprise entre 0,5 à dont la chaîne de carbone est longue de 18, 20 ou 22 élé-
2 mg/kg/j. La réponse clinique est rapide en 24 à 48 heures ments. Ils se définissent par le nombre et la position de la
et la cicatrisation des lésions cutanées est obtenue en 2 à première de leurs doubles liaisons. Trois séries (ω3, ω6, ω9)
4 semaines. d’acides gras essentiels existent, utilisant un système en-

 AE acrodermatite entéropathique
77-16 Dermatoses carentielles

zymatique commun, mais les acides gras ω6 sont ceux qui Les modifications non cutanées incluent des retards de
ont l’activité biologique la plus importante ⁵³. Les acides croissance chez les enfants, une stéatose hépatique, une
gras ω9, issus de l’acide oléique n’interviennent qu’en cas anémie, une thrombopénie, une diminution de la vitesse
de carence en acides gras ω3. Leur métabolisme aboutit à de cicatrisation des plaies et une augmentation de la sus-
la formation d’acide eicosatrionique. La série ω3 est issue ceptibilité aux infections. Le dosage pondéral des acides
de l’acide alphalinoléique et aboutit aux acides eicosapenta- gras essentiels sériques est possible, par une technique de
noïques puis à la prostaglandine E3 et aux leucotriènes B5 chromatographie en phase gazeuse. Il y a carence en acides
(LTB5). La série ω6 est issue de l’acide linoléique et abou- gras essentiels lorsque le rapport entre l’acide eicosatrié-
tit à l’acide arachidonique puis aux leucotriènes B4 et aux noïque et l’acide arachidonique dépasse 0,4 ⁵⁷ ou lorsque le
prostaglandines E1 (PGE1) et E2 (PGE2) (fig. 77.23). Le mé- rapport acide linoléique/acide arachidonique est inférieur
tabolisme de ces chaînes d’acides gras essentiels se fait au à 2,3.
niveau hépatique. L’application transcutanée d’huiles riches en acides gras
Les acides gras essentiels ne peuvent être obtenus que par essentiels, initialement considérée comme efficace en rai-
apport alimentaire. Les acides gras de la série n-3 sont sur- son d’une absorption accrue dans les zones de peau lésée,
tout présents dans les huiles de poisson, ceux de la série doit être abandonnée, car la pénétration est fortement va-
n-6 sont contenus dans les huiles végétales. Les besoins riable ⁵⁸. On préférera donc une substitution orale. Les spé-
en acides gras essentiels sont de 7 à 10 g d’acide linoléique cialités à bases d’huile de bourrache, ou d’huile d’onagre
par jour, soit plus de 4 % de l’apport calorique total. Les (Bionagrol) permettent de combler les déficits en acides
besoins sont plus élevés chez les femmes enceintes. gras ω6, les huiles de poissons (Maxepa) en acides gras ω3.
Les carences isolées en acides gras essentiels sont excep-
tionnelles. Elles surviennent chez des adultes sous alimen- Fer
tation parentérale exclusive et chez des enfants souffrant Le fer est un oligoélément indispensable dans de nom-
de malabsorption. Les signes dermatologiques consistent breuses fonctions cellulaires et moléculaires : transport de
en une alopécie, avec des cheveux fins, secs et décolorés, l’oxygène par l’hémoglobine, activité coenzymatique de la
des érosions des plis, une perte d’élasticité de la peau, ribonucléotide réductase intervenant dans la synthèse de
une xérose cutanée diffuse et une éruption érythémato- l’ADN, activité d’oxydoréduction de nombreuses enzymes
squameuse peu spécifique, parfois proche de la dermite mitochondriales. La quantité totale de fer chez un adulte
séborrhéique ⁵⁴. La vitesse de renouvellement épidermique est de 4 à 5 grammes, dont 70 % sont incorporés dans l’hé-
est en effet multipliée par trois et la perte d’eau transépider- moglobine. La majeure partie du fer de l’organisme pro-
mique est accrue ⁵⁵. Une carence en acides gras essentiels vient de son recyclage à partir de la lyse des globules rouges
pourrait intervenir dans la pathogénie du prurit des hémo- sénescents. Une faible partie est apportée par l’alimenta-
dialysés ⁵⁶. tion et compense les pertes quotidiennes faibles essentiel-
lement digestives et celles liées aux menstruations ⁵⁹. L’ap-
Famille n-3 (oméga 3) port alimentaire se fait sous la forme de fer héminique
Famille n-6 (oméga 6)
contenu dans les viandes, la volaille, le poisson et les abats,
Acide linoléique Zinc Glucagon Acide -linolénique
bien absorbé par l’organisme (5-35 %) au niveau du duo-
C18 : 2n-6 C18 : 3n-3 dénum et de la partie proximale du jéjunum, et non hémi-
nique (céréales, fruits, légumes secs, légumes et produits
laitiers) de plus faible biodisponibilité (1-5 %).
Δ6-Désaturase (foie)
Les manifestations dermatologiques s’observent majori-
Acide -linolénique Acide stéaridonique tairement au cours des carences martiales anciennes et
C18 : 3n-6 C18 : 4n-3 profondes. Elles consistent en un prurit généralisé, une
alopécie, une glossite avec atrophie des papilles linguales
Élongase (peau) (fig. 77.24), une perlèche, des ongles fragiles, mous, minces
et cassants, une koïlonychie (surtout des deuxièmes et
Acide dihomo--linolénique Acide éicosatétraénoïque troisièmes doigts) et une coloration bleutée des scléro-
C20 : 3n-6 C20 : 4n-3 tiques ⁶⁰ (fig. 77.25). Les signes extracutanés comportent
Biotine
des troubles de la mémoire, une diminution des perfor-
Δ5-Désaturase (foie) mances intellectuelles et les symptômes éventuels d’une
anémie associée : asthénie, pâleur cutanée et conjonctivale,
Acide arachidonique Acide éicosapentanénoïque tachycardie, baisse de la pression artérielle. Le diagnostic
C20 : 4n-6 C20 : 5n-3 de carence martiale repose sur la mise en évidence d’un
Lipo-oxygénases
abaissement du taux de la ferritine et du fer sérique et
une élévation du taux de la transferrine sérique. Le traite-
Cyclo-oxygénases
Coll. D. Bessis

ment curatif en cas d’anémie repose sur la prescription


PGE2 et LTB4 PGE3 et LTB5 d’un sel de fer per os à la posologie de 2 à 3 mg de fer
métal/kg/jour, et ce pendant une durée minimale de 4 à
Fig. 77.23 Métabolisme des acides gras essentiels 6 mois.
Références 77-17

Coll. clinique de Dermatologie, CHRU Lille

Coll. D. Bessis
Fig. 77.24 Glossite avec atrophie des papilles linguales, perlèche et Fig. 77.25 Sclérotique bleutée au cours d’une carence martiale
pâleur cutanée au cours d’une carence martiale chronique

Sélénium carence en sélénium est rare, la supplémentation de cet


Le sélénium est un oligoélément essentiel incorporé dans oligoélément étant actuellement systématique au cours
certaines enzymes (sélénoprotéines) comme les glutathion- des nutritions parentérales. Les signes extracutanés sont
peroxydases, enzymes antioxydantes qui éliminent le per- dominés par le risque de cardiomyopathie (maladie de Ke-
oxyde d’hydrogène et les hydroperoxydes de lipides et phos- shan) et d’importante fatigabilité musculaire. Les signes
pholipides et permettent le maintien de l’intégrité cellu- dermatologiques d’une carence en sélénium sont peu dé-
laire et tissulaire ⁶¹. Son apport alimentaire se fait essen- crits, se résumant à une dépigmentation de la peau et des
tiellement sous forme organique associée aux protéines cheveux (pseudo-albinisme), des leuconychies des doigts
(L-sélénométhionine et sélénocystéine) et pour une faible et un tableau clinique proche du déficit en zinc associant
part sous forme minérale (sélénate de sodium). Les princi- un érythème des joues, du périnée, des plis inguinaux et
pales sources alimentaires sont les poissons, les coquillages poplités ⁶². L’ensemble de ces manifestations est réversible
et les crustacés, les produits laitiers, les viandes tandis que après supplémentation orale en sélénium à la dose initiale
les fruits et les légumes sont des sources très pauvres. La moyenne de 200 μg/j.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Scrivener Y, Bessis D. Dermatoses carentielles. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations
dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 77.1-77.18.
78
Maladies rares endocrinologiques et cutanées
Didier Bessis

Néoplasies endocriniennes multiples 78-1 Ossification avec trouble du métabolisme


Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 78-1 phosphocalcique : syndrome d’Albright (ostéodystrophie
Néoplasies endocriniennes multiples de type 2 78-2 héréditaire d’Albright) 78-8
Complexe de Carney 78-3 Syndrome POEMS 78-8
Syndromes polyendocrinopathiques auto-immuns 78-6 Syndrome de McCune-Albright 78-11
Polyendocrinopathie auto-immune de type 1 78-6 Références 78-11
Polyendocrinopathie auto-immune de type 2 78-7
Syndrome IPEX 78-7

ongtemps considérée comme d’intérêt mineur, la pancréatique, adénome hypophysaire. Le caractère familial
L connaissance des signes cutanés au cours de maladies
rares endocrinologiques et cutanées (tableau 78.1) telles que
est suspecté en cas d’atteinte du cas index selon ces critères
diagnostiques et en présence d’un parent du premier degré
les néoplasies endocriniennes multiples (NEM) a connu ayant au moins l’une des 3 atteintes principales. La NEM-1
un considérable regain d’intérêt depuis la localisation des est transmise sur un mode autosomique dominant, d’une
gènes impliqués et la possibilité de traitement précoce voire pénétrance élevée, supérieure à 90 % après 50 ans. Le gène
préventif de certaines de ces affections (en particulier le responsable MEN1 localisé en 11q13 est un gène suppres-
carcinome médullaire de la thyroïde). seur de tumeur qui code pour la ménine, protéine ayant
un rôle clé dans la régulation de la mitose, du cycle cellu-
Néoplasies endocriniennes multiples laire et de l’apoptose. En l’absence d’antécédent familial, le
diagnostic de NEM-1 est établi le plus souvent au cours
Les NEM constituent un ensemble d’affections caractéri- de la 3 e ou 4 e décennie lors des premières manifestations
sées par plusieurs atteintes endocrinologiques de surve- cliniques, en présence d’une symptomatologie d’hypersé-
nue simultanée ou successive chez un même patient. Elles crétion hormonale du tissu affecté : signes généraux et os-
peuvent être familiales ou de survenue sporadique. En seux de l’hypercalcémie en cas d’atteinte parathyroïdienne,
France, le Groupe des tumeurs endocrines (GTE ; www.en- ulcères gastroduodénaux en cas de gastrinome, etc.
docrino.net/GTE), créé en 2002, représente un réseau na- Les manifestations cutanées de la NEM-1 se rapprochent
tional de cliniciens, pathologistes, chirurgiens et généti- de celles observées au cours de la sclérose tubéreuse de
ciens permettant un recensement des familles, le dévelop- Bourneville (STB) ²,³ :
pement des analyses génétiques prédictives et la définition − angiofibromes du visage : leur prévalence varie entre 60
des protocoles de surveillance ¹. et 90 % selon leur recherche dermatologique dans les
diverses séries. Ils sont le plus souvent multiples (plus
Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 de 3 ou 4) (fig. 78.1). Leur augmentation en nombre avec
La néoplasie endocrinienne de type 1 (NEM-1) ou syn- l’âge est controversée. Leur localisation préférentielle
drome de Wermer est une affection rare (1 001 cas colli- sur la lèvre supérieure, classiquement absente au cours
gés en France en 2007) d’une prévalence estimée entre de la STB, est mentionnée ;
1/20 000 et 1/40 000. Elle associe des atteintes hyperpla- − collagénomes (63-72 %) : le plus souvent multiples,
siques et/ou tumorales des glandes parathyroïdes, pancréa- plus de 4 dans près de 9 cas sur 10, et de petite taille
tiques endocrines, antéhypophysaires, surrénaliennes et (< 3 mm), ils se localisent sur le haut du tronc, les
de l’ensemble des tissus neuro-endocrines de l’organisme épaules et le cou. Leur augmentation en nombre avec
(encadré 78.A). Par définition, le diagnostic de NEM-1 est re- l’âge est également controversée ;
tenu en présence d’au moins 2 des 3 principales atteintes : − taches café au lait (38 %), en petit nombre (< 3), de
hyperparathyroïdie primaire, tumeur endocrine duodéno- taille variable (0,5 cm à plus), et taches hypochromes

 NEM néoplasie endocrinienne multiple · STB sclérose tubéreuse de Bourneville


78-2 Maladies rares endocrinologiques et cutanées

Tableau 78.1 Maladies rares endocriniennes et dermatologiques


Principales
Affections
Gène manifestations
polyendocriniennes
cutanées
Néoplasies endocriniennes multiples (NEM)
NEM-1 (syndrome de MEN1 (11q13) Angiofibromes
Wermer) Collagénomes
Lipomes multiples
NEM-2A (syndrome de RET (10q11.2) Amylose cutanée du
Gorlin) dos
NEM-2B (syndrome de RET (10q11.2) Neuromes
Sipple) cutanéomuqueux
Complexe de Carney PRKAR1A (17q22-24) Lentigines
Nævus bleus
Myxomes cutanés
Polyendocrinopathies auto-immunes (PEAI)
PEAI type 1 (syndrome AIRE (21q22.3) Candidose
APECED) cutanéomuqueuse
Vitiligo, pelade
PEAI type 2 ? Vitiligo, pelade
Coll. Pr P. Vabres, Dijon

Syndrome IPEX FOX3 (Xp11.23-q13.3) Dermatite atopique


sévère
Syndrome d’Albright GNAS1 (20q13.3) Ostéomes cutanés
Fig. 78.1 Angiofibromes multiples du visage au cours d’une néoplasie Syndrome POEMS Hyperpigmentation
endocrinienne multiple de type 1 État sclérodermiforme
Hypertrichose
non spécifiques ; Lipoatrophie faciale
− lipomes (17-34 %), le plus souvent isolés et de faible Angiomes cutanés
valeur diagnostique ;
− papules gingivales de petite taille et cliniquement si- Principales tumeurs associées à la NEM-1
milaires à celles rapportées au cours de la maladie de Hyperparathyroïdie primaire (90 à 100 % à 40 ans)
Cowden. Tumeurs duodénopancréatiques endocrines (30 à 75 %)
Une augmentation du risque de mélanome par implication
Gastrinome (65 %)
directe du gène MEN1 dans la tumorigenèse mélanique est
Insulinome (25 %)
possible, mais n’a pas été prouvée sur le plan épidémiolo-
gique ⁴. Autres (2 %) ; glucagonomes, VIPomes, PPomes et somatostinomes
Le dépistage précoce de la maladie est possible au stade Adénomes corticosurrénaliens (40 %)
asymptomatique par la recherche d’anomalies biologiques Adénomes antéhypophysaires (15 à 65 %)
(bilan phosphocalcique, dosages hormonaux de PTH, de Tumeurs neuro-endocrines : thymiques ou bronchiques (5 à 10 %)
gastrine, d’insuline, de GH, de prolactine, de cortisol, etc.) Tumeurs rares : tumeurs papillaires thyroïdiennes, thymomes, tu-
et la recherche de mutations germinales du gène MEN1. Le meurs gliales, mélanome, rhabdomyosarcome, angiofibrosarcome
traitement est symptomatique en cas d’anomalies endocri- Manifestations cutanées
niennes présentes : parathyroïdectomie subtotale en cas Angiofibromes (87 %)
d’hyperparathyroïdie primaire, traitement chirurgical des
Collagénomes (72 %)
tumeurs malignes du tube digestif...
Lipomes multiples (34 %)
Néoplasies endocriniennes multiples de type 2 Papules gingivales
Les NEM de type 2 associent un carcinome médullaire de Mélanome ?
la thyroïde à des manifestations cliniques essentiellement 78.A
secondaires à des endocrinopathies (encadré 78.B). Elles re-
groupent la NEM-2A (60 %) ou syndrome de Sipple, la NEM- de ces affections revêt une importance considérable car ils
2B (5 %) ou syndrome de Gorlin et la forme familiale isolée sont précoces et précèdent le plus souvent la survenue du
de carcinome médullaire de la thyroïde. La reconnaissance carcinome médullaire de la thyroïde. La mise en évidence
des signes cutanés présents en fréquence variable au cours de mutations du gène responsable RET (locus 10q11.2) au-

 NEM néoplasie endocrinienne multiple · PEAI polyendocrinopathie auto-immune · PTH parathormone


Complexe de Carney 78-3
Principales anomalies cliniques associées aux NEM-2
NEM-2A (syndrome de Sipple)
Carcinome médullaire de la thyroïde (90 à 100 %)
Phéochromocytome (50 %)
Hyperparathyroïdie primitive (5 à 20 %)
Amylose cutanée (30 %)
NEM-2B (syndrome de Gorlin)
Carcinome médullaire de la thyroïde (95 à 100 %)
Neuromes cutanéomuqueux (100 %)
Syndrome dysmorphique marfanoïde (85-95 %)
Phéochromocytome (50 %)
78.B

torise un dépistage familial précoce des formes familiales


dans 25 % des cas et un traitement préventif par thyroïdec-
tomie préventive.
Les lésions cutanées de la NEM-2A sont marquées par des
lésions d’amylose cutanée uni- ou bilatérale du haut du
dos (dermatomes T2-T6) ⁵,⁶. De description anecdotique,
leur incidence exacte est inconnue, estimée en moyenne
à un tiers des cas dans une série de 25 patients touchés
au sein de trois familles ⁵. Ces lésions sont intensément
prurigineuses et constituées de macules ou de papules hy-

Coll. D. Bessis
perpigmentées brunes, confluentes en une large plaque
mal limitée, située entre la colonne vertébrale (4 premières
vertèbres thoraciques) et les épaules (fig. 78.2). Le prurit est
amélioré par l’exposition solaire et aggravé par le stress. Fig. 78.2 Plaque hyperpigmentée brune unilatérale paravertébrale
Son évolution n’est cependant pas corrélée à l’évolutivité thoracique au cours d’une amylose cutanée secondaire à une néoplasie
clinique de l’affection. Son traitement repose sur la capsaï- endocrininienne multiple de type 2A
cine topique, cependant d’efficacité inconstante. L’intérêt
de son dépistage réside dans sa précocité, avec le dévelop- anomalies étaient précédemment décrites sous les acro-
pement du prurit au cours de l’enfance, le plus souvent nymes de syndrome NAME (nævi, atrial myxoma [myxome
antérieur au carcinome thyroïdien. Sa cause exacte reste de l’oreillette], mucinose cutanée, hyperactivité endocrine)
inconnue et n’est pas liée à un conflit disco-radiculaire verté- et de syndrome LAMB (lentigines, atrial myxoma, myxome
bral comme supposé au cours de la notalgie paresthésique muco-cutané, nævus bleu). Le complexe de Carney est une
classique de présentation clinique proche. affection rare (environ 500 patients répertoriés en 2004),
La NEM-2B est exceptionnelle. Un syndrome marfanoïde sans prédisposition ethnique et de sex-ratio équilibré ⁷,⁸.
est associé dans près de 90 % des cas avec des anomalies Il se transmet sur un mode autosomique dominant avec
musculosquelettiques des membres et du tronc mais sans une expressivité variable et une pénétrance presque com-
anomalie aortique, contrairement au syndrome de Mar- plète. Près de 70 % des cas rapportés sont familiaux. Il est
fan. Les neuromes muqueux sont pathognomoniques et lié à une mutation du gène tumeur-suppresseur PRKAR1A
constamment observés (fig. 78.3). De survenue congénitale (protein kinase A type 1-a regulatory subunit) localisé sur le
ou peu après la naissance, ils se manifestent par un épais- chromosome 17q22-24 et qui code pour la protéine R1-
sissement diffus ou nodulaire, douloureux, des lèvres, de la a, sous-unité régulatrice de protéine kinase AMP-cyclique
langue, de la cavité orale (face interne des joues, palais, gen- dépendante. La majorité des mutations entraîne des co-
cives). L’atteinte des conjonctives, de la cornée, du pharynx dons stop prématurés et intéressent les exons 2, 4 et 6. Un
et du larynx est également possible. En revanche, la pré- autre locus impliqué au cours du complexe de Carney est
sence de neuromes cutanés est rarement observée. Il s’agit situé sur le chromosome 2 (2p16) ⁹. Le diagnostic clinique
de papules en dôme ou pédiculées de quelques millimètres (encadré 78.C) est le plus souvent établi vers l’âge de 20 ans,
à 1 cm de diamètre, de couleur peau normale, touchant exceptionnellement dès la naissance.
surtout le visage, parfois le tronc. Les lésions cutanées sont observées en moyenne dans 80 %
des cas et sont principalement constituées par les lenti-
Complexe de Carney gines (75 %), les nævus bleus (43 %), les myxomes cutanés
(30 à 35 %) et les taches café au lait multiples (30 %) ¹⁰.
En 1985, Carney individualise un syndrome associant des Les lentigines constituent le plus souvent la première ma-
myxomes cardiaques à des troubles de la pigmentation, nifestation et sont présentes dès les premières années de
des anomalies endocriniennes et des schwannomes. Ces la vie, parfois dès la naissance. Elles sont de couleur brun

 NEM néoplasie endocrinienne multiple


78-4 Maladies rares endocrinologiques et cutanées

Critères diagnostiques du complexe de Carney


Critères diagnostiques
Lésions pigmentaires cutanées de distribution typique (lèvres, conjonc-
tive et canthus interne ou externe, muqueuses vaginale et pénienne)
Myxomes cutanés et muqueux
Myxome cardiaque
Fibro-adénome mammaire myxoïde ou imagerie IRM avec suppression
du signal de la graisse suggérant ce diagnostic
Maladie pigmentaire nodulaire de la glande corticosurrénale ou éléva-
tion paradoxale du cortisol libre urinaire après administration de dexa-
méthasone durant le test de freinage de Liddle
Acromégalie par adénome hypophysaire à GH
Tumeur testiculaire de Sertoli à larges cellules calcifiantes ou calcifica-
tion caractéristique à l’échographie testiculaire
Carcinome thyroïdien ou multiples nodules hypoéchogènes à l’écho-
graphie thyroïdienne, chez un jeune patient
Schwannomes mélanotiques psammomateux (avec confirmation his-
tologique)
Nævus bleu, nævus bleu épithélioïde (multiple)
Coll. Drs Albert David et Sébastien Barbarot, Nantes
Adénome mammaire ductal (multiple)
Ostéochondromyxome (avec confirmation histologique)
Critères supplémentaires
Atteinte des parents du premier degré
Mutation inactivatrice du gène PRKAR1A

Le diagnostic de complexe de Carney est établi en présence de deux


critères diagnostiques ou d’un critère diagnostique associé à un critère
supplémentaire.
Fig. 78.3 Neuromes muqueux au cours de la néoplasie endocrinienne 78.C
multiple de type 2B : tuméfactions nodulaires de la lèvre supérieure, de la
pointe et des bords latéraux de la langue melons. Ils peuvent également être présents dans l’oropha-
rynx, sur le tractus génital féminin et le pelvis. La surve-
noir, en nombre variable, de quelques éléments à une my- nue de myxomes cutanés multiples isolés pourrait consti-
riade, parfois confluentes. Leur distribution caractéristique tuer une forme incomplète de ce syndrome. Leur traite-
est le plus souvent complète vers la puberté. Elles se loca- ment se limite le plus souvent à une simple excision chi-
lisent par ordre de fréquence décroissante sur le visage, sur- rurgicale, mais la récidive est fréquente. D’autres tumeurs
tout de topographie péri-orale (fig. 78.4) et péri-oculaire (pau- cutanées bénignes sont également rapportées : trichofolli-
pières, oreilles, lèvres), mais aussi sur le tronc, le cou, les culoépithéliomes des conduits auditifs externes, lipomes,
conjonctives et la sclérotique (fig. 78.5), la vulve, les membres collagénomes, angiomes. La présence de sinus pilonidaux
inférieurs et le dos des mains. Les muqueuses buccales, rapportée chez 4 membres d’une famille affectée du com-
génitales ou anales peuvent être plus rarement touchées. plexe de Carney pourrait constituer une anomalie cutanée
Les nævus bleus sont fréquemment multiples et caracté- non fortuite.
ristiques histologiquement. La présence simultanée des Les myxomes cardiaques constituent l’atteinte extracuta-
deux troubles pigmentaires (lentigines et nævus bleu) est née la plus fréquente. Ils sont présents dans plus de deux
notée dans 10 % des cas. D’autres anomalies pigmentaires tiers des cas, détectés entre 6 et 57 ans (âge moyen de
peuvent être rencontrées : éphélides, taches café-au-lait, 24 ans). À la différence du myxome cardiaque d’origine spo-
nævus jonctionnel, nævus bleu atypique. Les myxomes radique, ils sont fréquemment multiples (un cas sur deux)
cutanés sont présents chez un tiers des malades, sous la et de topographie intracardiaque ubiquitaire, sans prédi-
forme de papules ou de nodules sous-cutanés, pédiculés, lection de sexe ou d’âge. En revanche, aucun caractère his-
asymptomatiques, de petite taille (< 1 cm), couleur peau tologique ne permet de différencier le myxome cardiaque
normale (fig. 78.6). Leur âge d’apparition est variable, de la d’origine sporadique de celui observé au cours du complexe
naissance à 40 ans. Les lésions sont multiples dans 75 % de Carney. Ces myxomes sont à l’origine d’anomalies aus-
des cas. Leur distribution est ubiquitaire en dehors des ré- cultatoires, de complications cardiaques, emboliques ou
gions palmoplantaires, avec une prédominance pour les systémiques, potentiellement léthales. Leur risque de ré-
paupières, les canaux auditifs externes, les seins et les ma- cidive sur le site initial ou à distance est particulièrement

 IRM imagerie par résonance magnétique


Complexe de Carney 78-5

Coll. D. Bessis
Fig. 78.5 Lentigines multiples du bord libre de la paupière inférieure et
Coll. D. Bessis
du canthus interne au cours d’un complexe de Carney

Fig. 78.4 Lentigines multiples du visage et nævus bleu au cours d’un


complexe de Carney

élevé, et ce, même en cas d’exérèse chirurgicale complète.


Les autres tumeurs sont électivement endocriniennes :
− maladie pigmentaire nodulaire de la glande corticosur-
rénale à l’origine d’un syndrome de Cushing de sévérité
variable ;

Coll. Pr N. Dupin, Paris


− tumeurs testiculaires à cellules de Sertoli, bilatérales et
multinodulaires, le plus souvent bénignes et précoces
(au cours des dix premières années de vie, parfois dès
l’âge de 2 ans) avec un risque de gynécomastie et de pu-
berté précoce, tumeurs à cellules de Leydig, inclusions Fig. 78.6 Myxome cutané au cours d’un complexe de Carney
surrénaliennes intratesticulaires ;
− adénomes hypophysaires somatotropes parfois compli- à la recherche des diverses atteintes possibles :
qués d’acromégalie ; − cardiaque : examen clinique et échographie cardiaque
− adénomes thyroïdiens précoces, sans risque augmenté transthoracique annuelle ;
d’hypo- ou d’hyperthyroïdie, et carcinomes non médul- − gynécologique : examen gynécologique complété d’une
laires thyroïdiens (papillaires ou folliculaires). échographie mammaire et pelvienne annuelle dès la
La survenue de schwannomes mélanotiques psammoma- puberté ;
teux, tumeurs bénignes rares du système nerveux péri- − testiculaire : palpation testiculaire annuelle, suivi strict
phérique, est très évocatrice du complexe de Carney. Ils de la croissance et du statut pubertaire, complété an-
touchent plus particulièrement le tractus gastro-intestinal nuellement d’une échographie testiculaire ;
et la chaîne sympathique paraspinale. Ils surviennent chez − endocrinien : dosage du cortisol urinaire et du taux de
près de 10 % des patients et sont marqués par le risque de l’IGF-1 (Immunogrowth factor type 1) complété d’une
dégénérescence maligne et de décès par métastases pulmo- IRM hypophysaire et d’une tomodensitométrie surré-
naires, hépatiques ou cérébrales. La survenue d’adénome nalienne si nécessaire ; palpation et échographie thyroï-
ductal et d’ostéochondromyxome mammaire, de kystes et dienne annuelle ;
de rares carcinomes de l’ovaire est également décrite. − neurosympathique par une éventuelle IRM cervicale.
Le dépistage des tumeurs chez les patients atteints de com- Une enquête familiale est indispensable avec réalisation
plexe de Carney ou porteurs de mutations délétères du d’un test génétique chez les parents du premier degré. Ce
gène PRKAR1A devra être systématique et précoce, annuel, diagnostic génétique devra rester cependant non formel, la

 IRM imagerie par résonance magnétique


78-6 Maladies rares endocrinologiques et cutanées

Classification des polyendocrinopathies auto-immunes


Manifestations cliniques de la PEAI type 1
PEAI type 1 : Candidose chronique, hypoparathyroïdie auto-immune
Principales manifestations
chronique, maladie d’Addison (au moins 2 présents)
Candidose cutanéomuqueuse chronique (72-100 %)
PEAI type 2 : Maladie d’Addison (toujours présente) et maladies thy-
Hypoparathyroïdie (76-93 %)
roïdiennes auto-immunes et/ou diabète sucré de type 1
Maladie d’Addison (73-100 %)
PEAI type 3 : Maladies thyroïdiennes auto-immunes associées à d’autres
Autres atteintes endocriniennes
maladies auto-immunes (à l’exception de la maladie d’Addison et/ou
Insuffisance gonadique (17-69 %)
de l’hypoparathyroïdie)
Maladie thyroïdienne auto-immune (4-31 %)
PEAI type 4 : Combinaisons non incluses dans les 3 groupes précé-
Diabète sucré type 1 (0-33 %)
dents
Insuffisance hypophysaire (7 %)
78.D Autres atteintes cutanées
Alopécie (29-40 %)
présence de mutations délétères du gène PRKAR1A n’étant
mise en évidence que pour environ deux tiers des patients Vitiligo (8-31 %)
atteints de complexe de Carney. Urticaire fébrile récidivant (10 %)
Autres
Syndromes polyendocrinopathiques auto-immuns Maladie de Biermer (13-31 %)
Hépatite chronique active (5-31 %)
La survenue de déficiences multiples d’organes endocrines Syndromes de malabsorption (10-22 %)
dans un contexte de maladie auto-immune a conduit à l’in- Dysplasie ectodermique
dividualisation des polyendocrinopathies auto-immunes — Dystrophies unguéales (10-52 %)
(PEAI) par Neufeld et Blizzard en 1980 (encadré 78.D).
— Hypoplasie de l’émail dentaire (40-77 %)
Polyendocrinopathie auto-immune de type 1 — Calcification de la membrane tympanique (33 %)
La PEAI type 1 ou syndrome APECED (autoimmune poly- Kératoconjonctivite (2-35 %)
endocrinopathy-candidiasis-ectoderma dystrophy) reste une Hypo/asplénie (15-40 %)
affection rare (256 observations colligées en 2003), de sex- 78.E
ratio proche de 1, rattachée aux déficits immunitaires pri-
mitifs (déficit de la régulation immunitaire) ¹¹,¹². De trans- ont été décrites. Le traitement repose sur les antifungiques
mission autosomique récessive, elle est liée à des mutations locaux et systémiques (amphotéricine B, itraconazole) et
du gène AIRE (autoimmune regulator) qui code pour un fac- des soins d’hygiène dentaire et buccale rigoureux.
teur de transcription exprimé par les cellules épithéliales L’hypoparathyroïdisme chronique (75 à 95 %) se développe
médullaires thymiques. Ce facteur a la capacité de réguler en moyenne vers l’âge de 7 ans (pic de fréquence entre 2
l’expression thymique de multiples antigènes tissulaires et 11 ans). Les signes cliniques d’appel associent à des de-
ectopiques (insuline, thyroglobuline, antigènes rétiniens, grés variables des paresthésies, une hyperexcitabilité neu-
protéine basique de la myéline). La présence de multiples romusculaire, plus rarement une hypotension artérielle ou
auto-anticorps dirigés contre les différents tissus atteints une épilepsie. Le diagnostic repose sur la détection d’un
est classique au cours de cette affection. Plus récemment, taux sérique abaissé de parathormone (PTH), une hypo-
la détection d’anticorps anti-interferons a été mise en évi- calcémie et l’association d’une hyperphosphorémie, d’une
dence et pourrait constituer un marqueur précoce, spéci-
fique et persistant de cette affection ¹².
La PEAI type 1 se caractérise cliniquement par l’association
d’une candidose chronique cutanée et muqueuse, d’une hy-
poparathyroïdie chronique auto-immune et d’une maladie
d’Addison. Cependant, seule la moitié des patients déve-
lopperont ces trois critères et la présence de deux critères
majeurs est suffisante pour poser le diagnostic (encadré 78.E).
La candidose chronique débute en moyenne vers 2 ans,
Coll. Pr J-J. Guilhou, Montpellier

mais peut être observée dès les premiers mois de vie. Sa


fréquence est estimée entre 73 à 100 %. Elle affecte les
ongles (fig. 78.7), la peau et les muqueuses orale (fig. 78.8) et
vaginale. Elle est liée à un défaut sélectif de l’immunité
cellulaire dirigée contre le Candida albicans. Une atteinte ex-
tensive candidosique œsophagienne est rare, marquée par
des douleurs rétrosternales et une dysphagie par sténose Fig. 78.7 Ulcérations chroniques des lits unguéaux secondaire à une
œsophagienne. De rares observations de carcinomes épider- candidose chronique des ongles au cours d’une polyendocrinopathie
moïdes des muqueuses atteintes de candidose chronique auto-immune de type 1

 PEAI polyendocrinopathie auto-immune · PTH parathormone


Syndrome IPEX 78-7

Manifestations cliniques de la PEAI type 2


Atteinte endocrinienne
Maladie d’Addison (100 %)
Maladie thyroïdienne (70 %)
Diabète sucré insulinodépendant (50 %)
Insuffisance gonadique (3 %)
Diabète insipide (rare)
Atteinte cutanée
Vitiligo (4,5 %)
Alopécie (rare)
Autres atteintes
Maladie de Biermer
Myasthénie
Purpura thrombopénique
Syndrome de Sjögren
Maladie cœliaque
Polyarthrite rhumatoïde
78.F

Syndrome IPEX
Le syndrome IPEX (Immune dysregulation, polyendocrino-
Coll. Pr F. Cambazard, Saint-Étienne

pathy, enteropathy and X linked inheritance), à transmission


autosomique récessive, est lié à des mutations du gène
FOXP3 (Forkhead box P3 ; Xp11.23-q13.3) ¹³. Ce gène code
pour un répresseur transcriptionnel particulièrement ex-
primé dans une sous-population de lymphocytes T régu-
lateurs (CD 4+, CD 25+). Le tableau clinique associe des
signes d’auto-immunité (entéropathie, diabète de type 1,
Fig. 78.8 Glossite et chéilite chronique au cours d’une candidose thyroïdite et cytopénies auto-immunes) associés à des auto-
cutanéo-muqueuse chronique anticorps et des infections (pneumopathies, arthrites, hé-
patites). Les symptômes apparaissent séquentiellement
hypomagnésémie et d’un faible taux de calciurie. Son trai- plutôt que simultanément. L’entéropathie est sévère avec
tement repose sur l’apport prolongé de calcium et de vita- des diarrhées et une symptomatologie proche de celle d’une
mine D. maladie cœliaque. Le syndrome de malabsorption avec ca-
La maladie d’Addison (72 à 100 %) se développe en moyenne chexie et cassure de la courbe de poids nécessite une nu-
vers l’âge de 13 ans. Les signes cliniques sont secondaires trition parentérale et est souvent à l’origine du décès. Le
à un déficit sécrétoire en glucocorticoïdes, minéralocor- diabète de type 1 est lié à l’absence congénitale d’îlots de
ticoïdes et androgènes. Ils sont constitués d’une fatigue, Langerhans. Une atteinte rénale est possible dans ce syn-
d’une somnolence, de malaise, d’apathie, d’une perte de drome, et il peut s’agir d’une protéinurie, d’une néphropa-
poids, d’une anorexie et de signes digestifs (nausées, vo- thie tubulo-interstitielle ou de glomérulopathies membra-
missements, douleurs abdominales, diarrhée, alternance neuses aboutissant parfois à une insuffisance rénale. On
diarrhée-constipation). note parfois une hyperéosinophilie transitoire avec une
Hormis la candidose cutanéomuqueuse, les autres signes hyperIgE.
cutanés classiquement notés sont le vitiligo (8-31 %), la Les manifestations dermatologiques sont caractérisées par
pelade (13 à 72 %) et une éruption urticarienne fébrile réci- une dermatite atopique diffuse et sévère, débutant entre
divante de l’enfant (10 %). la naissance et l’âge de 4 mois (moyenne : 1 mois et demi).
Les lésions cutanées sont constituées par des plaques éry-
Polyendocrinopathie auto-immune de type 2 thémateuses exsudatives parfois lichénifiées ou psoriasi-
La PEAI de type 2 se caractérise par la triade clinique : mala- formes touchant les membres inférieurs, le tronc et le vi-
die d’Addison (100 %), maladie thyroïdienne auto-immune sage. L’évolution vers un état érythrodermique est parfois
(70-90 %) et diabète de type 1 (20-50 %) (encadré 78.F). Elle notée ¹⁴. Il a été également décrit des eczémas parfois num-
touche avec prédilection la femme adulte (sex-ratio 3F/1H ; mulaires et des lésions bulleuses avec des clivages sous-
16-40 ans). Comme au cours de la PEAI de type 1, le viti- épidermiques associés à des dépôts de C3 et d’IgG sur la
ligo (4,5-11 %) et la pelade (1-4 %) sont significativement jonction dermo-épidermique, mimant cliniquement une
associés. pemphigoïde ou un prurigo nodulaire. Une chéilite, des

 PEAI polyendocrinopathie auto-immune


78-8 Maladies rares endocrinologiques et cutanées

alopécies, des urticaires (allergie alimentaire) et des tra-


chyonychies sont également rapportées. Des infections
répétitives à sarcoptes scabeii et des formes de gale nor-
végienne peuvent parfois révéler ce syndrome. Les gar-
çons, en l’absence de greffe, décèdent au cours de la pre-
mière année de vie d’entéropathie avec syndrome de ma-
labsorption, d’infections ou de complications du diabète.

Ossification avec trouble du métabolisme


phosphocalcique : syndrome d’Albright
(ostéodystrophie héréditaire d’Albright)

Les signes cutanés de cette maladie sont représentés par


les ostéomes multiples congénitaux ou apparaissant dès
la plus jeune enfance ¹⁵. Ils sont souvent mieux palpés que
visibles et leur dureté est caractéristique. On les trouve aux
zones exposées aux traumatismes (fig. 78.9), au cuir chevelu
et aux extrémités. Certains s’ulcèrent et des fragments os-
seux s’éliminent à travers la peau. Ils sont présents dans
près de la moitié des cas de syndrome d’Albright. Les autres
anomalies caractéristiques de cette maladie sont la petite
taille et le visage arrondi, le cou court, une bradymétacar-
pie touchant le 4 e métacarpien, une bradymétatarsie et
d’autres anomalies squelettiques. Il existe fréquemment
un retard mental, un hypogonadisme, une hypothyroïdie
et une cataracte.
Dans cette situation longtemps mal comprise, les progrès
de la génétique ont permis de tracer plusieurs grands
cadres. La maladie résulte de mutations du gène GNAS1
codant la protéine GNAS1. Les mutations de l’allèle mater-
nel entraînent un phénotype de maladie d’Albright, avec

Coll. Dr A. David et Dr S. Barbarot, Nantes


résistance à la parathormone, aboutissant à un tableau
de pseudohypoparathyroïdie (type Ia), avec hypocalcémie
et hyperphosphorémie, associées à un taux élevé de para-
thormone en raison d’une résistance périphérique à cette
hormone. On a alors une inactivation de la sous-unité
alpha de la protéine G, nécessaire à la stimulation de
l’adényl cyclase. Cette résistance à la parathormone s’ac-
compagne de résistance à la TSH, à la FSH et LH, à la
GHRH et au glucagon, expliquant les nombreuses anoma- Fig. 78.9 Volumineuses calcifications d’un genou au cours d’une
lies endocriniennes de ces patients. Au contraire, les muta- ostéodystrophie héréditaire d’Albright
tions des allèles paternels entraînent aussi une autre ma-
ladie, l’hétéroplasie osseuse héréditaire, qui comprend de Syndrome POEMS
nombreux ostéomes, mais sans les caractères associés de
la maladie d’Albright (retard mental et troubles endocri- Le syndrome POEMS (syndrome de Crow-Fukase, syn-
niens). Dans les mutations d’origine paternelle de GNAS1, drome de Takatsuki) est une affection multiviscérale corres-
il existe une pseudo-pseudohypoparathyroïdie, où le bilan pondant à l’acronyme anglo-saxon : polyneuropathy, organo-
hormonal et phosphocalcique est normal et ne s’accom- megaly, endocrinopathy, monoclonal protein, skin changes. Sa
pagne pas de résitance hormonale. Enfin, il existe des ta- description clinique se heurte au caractère rétrospectif des
bleaux de pseudomaladie d’Albright (Albright hereditary trois grandes séries publiées ¹⁷-¹⁹. Cette affection est plus
osteodystrophy-like phenotype) où le niveau d’activité de la fréquente chez l’homme (sex-ratio homme/femme égal à
protéine Gs alpha est normal ¹⁶. Dans la soixantaine de cas 2), d’âge moyen 45 à 50 ans. Son diagnostic repose sur
recensés, une délétion du chromosome 2 a été observée l’association d’une polyneuropathie et d’une gammapathie
(2q37). monoclonale (encadré 78.G). La présence de lésions osseuses
Syndrome POEMS 78-9

Critères diagnostiques du syndrome POEMS


Critères majeurs
Polyneuropathie
Gammapathie monoclonale
Critères mineurs
Lésions osseuses ostéocondensantes
Maladie de Castelman
Organomégalie (splénomégalie, hépatomégalie, ou lymphadénopa-
thie)
— Œdème (œdème, épanchement pleural, ou ascite)

Coll. D. Bessis
— Endocrinopathie (surrénales, thyroïde, hypophyse, gonades, para-
thyroïdes, pancréas)
Signes cutanés (hyperpigmentation, hypertrichose, angiomes, leuco-
nychies) Fig. 78.10 Macule hyperpigmentée de la cuisse au cours d’un syndrome
POEMS
Œdème papillaire

Le diagnostic de syndrome POEMS est retenu si deux critères majeurs


et au moins un critère mineur sont réunis
78.G

ostéocondensantes dans le cadre d’un myélome ou d’une


maladie de Castelman est quasi constante. La polyneuropa-
thie est inaugurale dans la majeure partie des cas. Initiale-

Coll. Dr Hadet Riegert, La Roche-sur-Yon


ment sensitive, elle débute aux pieds par des picotements,
des paresthésies et des sensations de froid. Elle se complète
par une atteinte nerveuse motrice distale, symétrique, d’ag-
gravation progressive et ascendante.
L’organomégalie consiste le plus souvent en une hépatomé-
galie (25-78 %), une splénomégalie (22-52 %) et des adéno-
pathies (26-61 %) ²⁰. Entre 11 à 24 % des malades atteints
de syndrome POEMS ont une maladie de Castleman (hy-
perplasie angiofolliculaire) documentée. Les anomalies en- Fig. 78.11 Syndrome sclérodermiforme des mains au cours d’un
docriniennes sont diverses et rarement symptomatiques : syndrome POEMS
troubles de la glycorégulation avec diabète sucré (3-36 %),
hypothyroïdie (17-36 %), plus rarement hypotestostéro- gangrène, accident vasculaire cérébral...), insuffisance ré-
némie, hyperestrogénémie, hyperprolactinémie, hypopa- nale, hypertension artérielle pulmonaire et syndrome diar-
rathyroïdie ou insuffisance surrénalienne. La dysglobuliné- rhéique.
mie monoclonale est le plus souvent de type IgG ou IgA Les manifestations cutanées, disparates et souvent asso-
et exprime de manière quasi constante une chaîne légère ciées entre elles, touchent 50 à 90 % des malades. Leur pré-
lambda. Son taux est faible et elle n’est détectée que par im- valence réelle est difficile à apprécier car elles résultent de
munofixation dans un tiers des cas. Elle est associée à des compilation de données hétéroclites de la littérature et va-
lésions ostéocondensantes dans 54 à 97 % des cas, uniques rie en fonction de leur recherche systématique ou non ²¹,²².
ou multiples, en règle asymptomatiques et prédominantes − L’hyperpigmentation (45-93 %) est le plus souvent dif-
sur le rachis, le bassin et le grill costal, permettant de por- fuse touchant les extrémités (fig. 78.10), le visage et le
ter le diagnostic de myélome ostéocondensant. Celui-ci est tronc, sans prédominance sur les zones photodistri-
le plus souvent associé à un faible taux de plasmocytes d’ori- buées. Elle épargne les muqueuses et ne témoigne pas
gine médullaire (5 % ou moins) et rarement compliqué d’in- d’une insuffisance surrénalienne associée.
suffisance rénale ou d’hypercalcémie. Ces caractéristiques − Un état sclérodermiforme est décrit dans 56 à 77 %
ainsi qu’une médiane de survie nettement supérieure dif- des cas de syndrome POEMS, marqué par une infiltra-
férencie le syndrome POEMS du myélome multiple. Un tion et un épaississement cutané le plus souvent distal
syndrome œdémateux (œdème des membres inférieurs, as- (fig. 78.11) et parfois associé à un syndrome de Raynaud.
cite, épanchement pleural) est présent dans près de 40 % Il peut rarement être inaugural de l’affection ou asso-
des cas. Les autres signes sont rapportés à des fréquences cié à un syndrome restrictif pulmonaire et prêter alors
variables : œdème papillaire (près d’1 cas sur 2), thrombo- confusion avec une sclérodermie systémique. Cepen-
cytose (54-88 %), polyglobulie (12-19 %), hippocratisme dant le bilan d’auto-immunité et la capillaroscopie au
digital (5-49 %), complications thrombotiques (infarctus, cours du syndrome POEMS sont normaux.
78-10 Maladies rares endocrinologiques et cutanées

Coll. D. Bessis
Fig. 78.13 Angiomes cutanés tubéreux multiples en regard d’une large
macule hyperpigmentée d’une cuisse au cours d’un syndrome POEMS

− Les autres manifestations cutanées sont plus anecdo-


tiques : hyperhidrose, xérose cutanée ou aspect ichtyosi-
forme, kératoses séborrhéiques, hippocratisme digital,
alopécie, nécroses cutanées multiples, livedo réticulé,
acrocyanose, vasculite nécrosante.
Le mécanisme pathogénique du syndrome POEMS reste
inconnu. Le rôle direct des chaînes légères d’immunoglo-
bulines semble exclu. L’augmentation des taux sériques de
cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-1β, le TNF-α, le
TGF-β, l’IL-6 et du facteur angiogénique VEGF semble impli-
Coll. D. Bessis

quée. Le VEGF induit une augmentation de la perméabilité


vasculaire et de l’angiogenèse. Il est normalement exprimé
par les ostéoblastes et peut constituer un important fac-
Fig. 78.12 Lipoatrophie faciale au cours d’un syndrome POEMS teur de régulation de la différenciation ostéoblastique. Sa
sécrétion accrue pourrait entraîner une augmentation de la
− L’hypertrichose (50-81 % des cas) peut être générali- perméabilité vasculaire, de l’angiogenèse et de la migration
sée ou localisée au tronc et au visage (sourcils, cils, che- des cellules de la lignée monocytes-macrophages et être
veux). ainsi à l’origine d’une oblitération artérielle réactionnelle.
− La lipoatrophie faciale (près d’1 cas sur 2) est marquée Une action combinée de cytokines pro-inflammatoires et
par une fonte des boules de Bichat (fig. 78.12). Elle peut du VEGF pourrait également rendre compte de l’organo-
être associée à une lipoatrophie des membres supé- mégalie et de l’état cachectique (TNF-α, IL-1β), de l’œdème
rieurs et du tronc. Elle s’observe dans le contexte d’une (IL-6, VEGF), de l’hyperpigmentation (IL-1β), du syndrome
cachexie progressive contrastant avec un syndrome tu- sclérodermiforme (TGF-β), des angiomes gloméruloïdes
moral au second plan. (VEGF) mais également de la polyneuropathie par le biais
− Les angiomes cutanés (30 %) sont d’apparition brutale, de microthromboses vasculaires (VEGF) et d’un œdème
le plus souvent de type tubéreux, de petite taille (moins neuronal.
d’1 cm) et localisés sur le tronc et la racine des membres Le traitement repose sur la chirurgie et/ou la radiothérapie
(fig. 78.13). Histologiquement, ils sont de type gloméru- localisée en cas de plasmocytome isolé. Les immunoglobu-
loïde dans près d’un tiers des cas, constitués par des lines intraveineuses et les plasmaphérèses sont inefficaces.
ectasies vasculaires dermiques remplis d’agrégats ca- Les corticostéroïdes oraux ou intraveineux seuls sont ef-
pillaires évoquant une structure ressemblant au glo- ficaces sur la composante œdémateuse et la polyneuropa-
mérule rénal ²³. Ils constituent une manifestation très thie. Les agents immunosuppresseurs alkylants donnent
évocatrice du POEMS syndrome, mais non pathogno- des résultats inconstants. Le bortezomib a été crédité de
monique. Ils peuvent s’associer à des télangiectasies succès thérapeutique à partir de quelques observations ²⁴.
lenticulaires ou des angiomes « rubis » qui constituent La chimiothérapie intensive suivie d’autogreffe médullaire
probablement le stade initial de cette prolifération vas- ou de cellules souches périphériques est réservée au sujet
culaire réactionnelle. jeune ayant une prolifération plasmocytaire maligne dis-
− Les leuconychies constituent un signe peu spécifique séminée. L’expérience minime des autres agents incluant
bien que rapporté dès la description des premières ob- le thalidomide, le tamoxifène, l’acide tout transrétinoïque,
servations de syndrome POEMS. l’interféron-α, la ciclosporine ne permet pas de conclure à
leur éventuel intérêt.

 IL interleukine · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor · VEGF vascular endothelial growth factor
Références 78-11

Coll. D. Bessis
Fig. 78.15 Taches café-au-lait lombaires au cours du syndrome de
Coll. D. Bessis
McCune-Albright

(fig. 78.14) et linéaire sur les membres. Ces taches café-au-lait


sont généralement restreintes à un hémicorps et du même
côté que l’atteinte osseuse. Elles se situent avec prédilec-
Fig. 78.14 Large tache café-au-lait du dos paravertébrale droite et tion sur l’extrémité céphalique, le cou, la région sacrée et
de l’omoplate droite, à contours déchiquétés, au cours du syndrome de les fesses (fig. 78.15).
McCune-Albright La dysplasie fibreuse osseuse se développe typiquement
au cours des deux premières décennies. Elle est unique ou
Syndrome de McCune-Albright touche plusieurs segments osseux, généralement sur les
os longs (fémur, tibia, humérus, os de l’avant-bras) et la
Le syndrome de McCune-Albright se définit dans sa forme région craniofaciale. Elle est liée au remplacement progres-
complète par l’association de dysplasie fibreuse osseuse, sif de l’architecture médullaire normale par du tissu anor-
de taches café-au-lait et de manifestations endocriniennes malement fibreux. Elle peut être asymptomatique ou se
secondaires à une hyperactivité endocrine, en particulier révéler par des fractures pathologiques, des déformations
gonadique, thyroïdienne, surrénalienne et hypophysaire. Il osseuses, des douleurs et des compressions nerveuses. La
s’agit d’une affection rare dont la prévalence exacte reste puberté précoce constitue la manifestation endocrinienne
inconnue, estimée entre 1/100 000 et 1/1 000 000. Le syn- la plus fréquente du syndrome de McCune-Albright, par-
drome de McCune-Albright est lié à une mutation post- ticulièrement chez la fille. Elle est secondaire à une acti-
zygotique du gène GNAS1 qui code pour la sous-unité alpha vation des récepteurs gonadotrophiniques sans stimula-
de la protéine G aboutissant à une activation constitutive tion par les gonadotrophines. Elle survient en moyenne
de la protéine G responsable des anomalies cliniques et entre 1 et 6 ans, mais peut être très précoce avant l’âge de
biologiques observées en fonction des tissus atteints ²⁵,²⁶. 1 an ²⁶. Elle est généralement marquée par des métrorra-
Les manifestations cutanées se résument à la présence de gies précédant les signes de maturation sexuelle comme
taches café-au-lait (95 % des cas), congénitales mais sou- le développement mammaire et contrastant avec l’absence
vent remarquées tardivement au cours de l’enfance. Leur de pilosité pubienne. Les examens biologiques mettent en
forme est évocatrice, avec des bords irréguliers (en « côte évidence une élévation du taux d’œstradiol plasmatique et
du Maine ») contrastant avec celles observées au cours de la des taux de LH et FSH bas à l’état basal et après test de
neurofibromatose de type 1 dont les bords sont plus lisses stimulation par LH-RH. De nombreuses autres atteintes
(en « côte de la Californie »). Elles sont évocatrices d’un endocriniennes ont été décrites au cours du syndrome de
mosaïcisme pigmentaire par leur distribution suivant les McCune-Albright : hyperthyroïdie (20 %), syndrome de
lignes embryonnaires de Blaschko, s’arrêtant sur la ligne Cushing, acromégalie, hyperprolactinémie, hyperparathy-
médiane, en forme de « S » sur le thorax, de « V » sur le dos roïdisme.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D. Maladies rares endocrinologiques et cutanées. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 :
Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 78.1-78.12.
79
Tube digestif
Emmanuel Delaporte, Frédéric Piette

Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin 79-1 Infections à Helicobacter pylori 79-11


Dermatoses réactionnelles 79-2 Syndrome de malabsorption 79-12
Lésions granulomateuses spécifiques 79-7 Déficit en zinc 79-12
Manifestations carentielles 79-9 Déficit en acides gras essentiels 79-12
Autres manifestations 79-10 Dermatite herpétiforme 79-12
Infections bactériennes du tube digestif 79-11 Références 79-13
Yersinioses et salmonelloses 79-11
Maladie de Whipple 79-11

histologiques. Dans la mesure où la tendance n’est plus


Maladies inflammatoires chroniques de d’attendre que la MICI soit cliniquement active pour trai-
l’intestin ter, dans l’optique d’anticiper les destructions tissulaires,
l’exploration digestive doit être faite au moindre doute, sur-
Les maladies inflammatoires chroniques et cryptogéniques tout chez un sujet jeune et fumeur. Cette notion est parti-
de l’intestin (MICI) sont des affections évoluant par pous- culièrement importante pour le dermatologiste qui est sus-
sées et touchant avec prédilection les adolescents et les ceptible d’être confronté à des manifestations précessives
adultes jeunes. Les formes pédiatriques représentent tou- (tableau 79.2). L’utilisation des anti-TNF-alpha a transformé
tefois 10 à 15 % des cas, le plus souvent au-delà de 10 ans. le pronostic des formes sévères ².
Elles touchent plus d’un sujet sur 1 000 dans les pays oc- De nombreuses manifestations cutanéomuqueuses peuvent
cidentaux et leur fréquence augmente rapidement dans s’observer au cours des MICI, plus souvent au cours de la
les pays relativement épargnés jusqu’à maintenant. Elles MCr. On considère qu’environ 50 % des malades en présen-
résultent d’une anomalie de la réponse immunitaire de teront au moins une au cours de l’évolution de leur affec-
l’intestin vis-à-vis de composants de la flore bactérienne tion ³. Elles précèdent parfois les manifestations digestives,
survenant chez des sujets génétiquement prédisposés ¹. permettant soit de faire le diagnostic d’une MICI latente,
Elles comprennent deux entités bien individualisées, la soit d’attirer l’attention sur la nécessité d’une surveillance
rectocolite hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn clinique dans l’hypothèse d’une révélation différée. Elles
(MCr) (tableau 79.1). Dans certaines formes atypiques limi- peuvent être classées comme suit :
tées au côlon et où l’histologie est peu évocatrice, la distinc- − les manifestations les plus fréquentes sont dites réac-
tion entre les deux peut être impossible ; on parle alors tionnelles bien qu’elles n’évoluent pas toujours parallè-
de colites inclassées. Le bilan diagnostique minimum à lement aux poussées digestives et qu’elles ne soient pas
réaliser en cas de suspicion de MICI est le suivant : hémo- toujours sensibles aux traitements de la MICI ;
gramme, VS, CRP (une augmentation doit attirer l’atten- − les lésions granulomateuses spécifiques de la MCr
tion), anticorps anti-saccharomyces cerevisiae (ASCA), anti- sont définies par la présence de granulomes giganto-
corps anti-cytoplasme des neutrophiles (ANCA), fibrosco- cellulaires à l’examen histopathologique. Elles sont ra-
pie œso-gastro-duodénale et iléocoloscopie avec biopsies rement corrélées à l’activité de la maladie digestive ;
systématiques. En cas d’explorations endoscopiques néga- − certaines manifestations, plus rares au cours des RCH,
tives malgré l’association d’arguments clinicobiologiques, sont liées aux diverses carences en rapport avec le syn-
une exploration poussée de l’intestin grêle doit être de- drome de malabsorption ;
mandée (entéroscanner qui tend à remplacer le transit du − et enfin, des dermatoses inflammatoires évoluent in-
grêle, et vidéocapsule). Il est important de noter qu’il existe dépendamment des poussées digestives, dont l’associa-
fréquemment une dissociation clinico-anatomique avec re- tion à la MICI est sous-tendue par un déterminisme
tard des signes cliniques sur les signes endoscopiques et auto-immun et/ou une origine génétique commune.

 MCr maladie de Crohn · MICI maladies inflammatoires cryptogéniques de l’intestin · RCH rectocolite hémorragique · TNF tumor necrosis factor
79-2 Tube digestif

Tableau 79.1 Signes distinctifs de la rectocolite hémorragique (RCH) et de la maladie de Crohn (MCr) ³,³⁶
RCH MC
Épidémiologie Prévalence 1/2 000 1/2 000
Incidence 3,5/100 000 hab. (diminution significative dans le 6,4/100 000 hab. (augmentation significative dans le
Nord de la France ces dix dernières années) Nord de la France ces dix dernières années)
Âge de survenue Premier pic : 15-25 ans Tout âge
Second pic : 45 ans Entre 15 et 30 ans ++
Cas familiaux 10 % 15 %
Rôle du tabac Protecteur Aggravant (risque de rechute × 2)
Gènes Non identifiés NOD 2 / IBD 1 / CARD 15 (chrom. 16)
Muté dans 30 % des cas → risque relatif × 40
Physiopathologie Réponse anormale de l’hôte (génétiquement déterminée) à des composants ubiquitaires de la flore intestinale
Localisation Rectum et côlon Tout le tube digestif
Lésions – rectum seul : 30 % (proctite) – grêle seul : 30 %
– rectum + côlon gauche (colite gauche) – côlon seul : 20 %
– rectum + tout le côlon : 10 % (pancolite) – grêle + côlon : 50 %
Morphologie
a. macroscopique Lésions continues, superficielles, circonférentielles Lésions discontinues, profondes, asymétriques
Pas d’intervalle de muqueuse saine Intervalles de muqueuse saine
Muqueuse granuleuse, fragile Ulcérations aphtoïdes ou longitudinales, serpigineuses
Pétéchies, saignement Nodules (cobblestone)
Ulcérations larges (formes sévères) Ulcérations profondes
Ulcérations superficielles Granulome (30 %), fissures
b. microscopique Hypocrinie, abcès cryptiques Inflammation transmurale, fibrose
Inflammation limitée à la muqueuse Sténose, fistule, abcès
Complications Colectasie, perforation Perforation
Sténose, cancer (après dix ans d’évolution)

Dermatoses réactionnelles Érythème noueux (EN) Sa prédominance féminine est


Aphtose buccale Sa prévalence au cours des MICI est nette. Depuis l’utilisation de critères plus précis de diagnos-
considérée par certains comme peu différente de celle notée tic différentiel entre les deux MICI, l’EN est une manifes-
dans la population générale, soit 5 %. Dans notre étude tation considérée comme plus fréquente au cours des MC.
prospective, l’existence d’aphtes était notée dans plus de L’incidence est cependant très variable d’une série à l’autre,
30 % des cas. Une prévalence aux environs de 20 %, comme allant de 2 à 15 % pour les MCr et de 0,5 à 9 % pour les
déjà rapportée dans certaines séries de la littérature, nous RCH. Parfois récidivant avec un intervalle entre les pous-
semble plus correspondre à la réalité. Sur le plan clinique, sées variant de quelques semaines à quelques années, l’EN
il s’agit le plus souvent d’aphtes communs (fig. 79.1). Parfois, survient souvent pendant la première année d’évolution
dans les MCr, on observe une aphtose miliaire, des aphtes d’une MICI déjà diagnostiquée. Il est le plus souvent ty-
à tendance extensive, ou des aphtes bipolaires. pique mais il peut aussi présenter quelques particularités,
La relation avec l’évolutivité de la MICI est loin d’être surtout au cours des MCr : peu d’éléments, atteinte unila-
constante (ce parallélisme n’était noté que chez 10 % des térale, localisation à la face postérieure des jambes et aux
malades de notre étude). Les aphtes peuvent également membres supérieurs (fig. 79.2). Non corrélé à la sévérité de
précéder les manifestations digestives aussi doit-on véri- la MICI mais parfois à la topographie colique pour la MCr,
fier devant toute aphtose récidivante l’absence de tendance il survient généralement en période d’activité de la maladie.
diarrhéique, de lésion péri-anale, de déficit en acide folique, Il s’agit parfois d’une poussée inaugurale et l’existence de
fer ou vitamine B12 en rapport avec une malabsorption manifestations digestives au cours d’un EN doit amener à
et pratiquer au moindre doute une exploration digestive, chercher systématiquement une MICI dès lors qu’une infec-
surtout s’il existe une notion d’antécédent familial de MICI. tion intestinale (yersiniose, salmonellose, shigellose, infec-
Les lésions aphtoïdes chroniques doivent faire évoquer la tion à Campylobacter...) aura été éliminée. Plus rarement,
possibilité de lésions spécifiques (cf. infra). Les aphtes de l’EN peut évoluer indépendamment des signes digestifs et
grande taille, douloureux peuvent être traités par colchi- même les précéder. Cependant, en l’absence de signes d’ap-
cine (généralement bien tolérée malgré la MICI), dapsone pel, l’exploration intestinale systématique n’est pas recom-
ou thalidomide. La pentoxyfilline peut parfois être utile mandée dans la mesure où les MICI ne représentent qu’un
dans cette indication. faible pourcentage des étiologies des EN. Lorsque la MICI

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Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin 79-3

Tableau 79.2 Quand faut-il chercher une MICI ?


ATCD familial Signes fonctionnels Lésions péri-anales Lésions chroniques Absence de
de MICI digestifs (fissures, de la muqueuse signe clinique
pseudomarisques) buccale (ulcérations et biologique
aphtoïdes,
macrochéilite...)
Aphtose chronique + + + −
Érythème noueux + + Après élimination + + + Si absence
infection intestinale d’infection
streptococcique
et de sarcoïdose
Pyoderma + + + + + Si pas d’étiologie
gangrenosum hémato/rhumatologique
+ si récidives
Syndrome de Sweet + + Après élimination + + −
infection intestinale
Syndrome + + + + +
arthrocutané
Pyostomatite Recherche systématique
végétante
Vasculite − + Si persistance + + −
leucocytoclasique des signes digestifs
Ulcérations linéaires Rechercher une MCr même en l’absence de granulome à l’examen histologique de la lésion cutanée
ano-génitales « en
coup de couteau »
Macrochéilite + + + −
Épidermolyse Recherche systématique (maladie de Crohn ++)
bulleuse acquise

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 79.2 Érythème noueux au cours d’une maladie de Crohn : peu de


nouures, atteinte unilatérale et postérieure de jambe
Fig. 79.1 Aphte commun de la lèvre
histologique (infiltrat neutrophilique aseptique dermique
est traitée par azathioprine, des lésions d’EN s’accompa- mais pouvant également être épidermique ou hypoder-
gnant d’une fièvre élevée et d’une importante neutrophilie mique), une sensibilité aux thérapeutiques anti-inflamma-
peuvent révéler un syndrome d’hypersensibilité ⁴. toires agissant sur les neutrophiles (corticoïdes, dapsone,
Le repos associé au traitement de la poussée digestive en- colchicine) et l’association fréquente à des maladies sys-
traîne souvent la régression des lésions cutanées mais il témiques. La notion de spectre continu anatomoclinique
est parfois nécessaire de recourir à la colchicine. de ces DN est basée sur l’observation d’associations, de
Dermatoses neutrophiliques (DN) Il s’agit d’un groupe chevauchements et de formes de passage entre les diffé-
d’affections non infectieuses ayant en commun une image rentes entités du groupe. C’est particulièrement vrai au

 DN dermatose neutrophilique · EN érythème noueux · MCr maladie de Crohn · MICI maladies inflammatoires cryptogéniques de l’intestin
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cours des MICI, où il est parfois impossible de mettre une complètes et 40 % de réponses partielles. Les immuno-
étiquette précise sur des lésions qui empruntent clinique- suppresseurs, et surtout les anti-TNF-alpha, représentent
ment et histologiquement à deux voire trois entités. Cela a les alternatives thérapeutiques possibles. Les anti-TNF-
conduit à définir le concept de « maladie neutrophilique » alpha sont actuellement recommandés en première ligne
qui sous-entend l’association de manifestations non spéci- en cas d’association à la MCr, y compris pour les PG péri-
fiques (signes généraux, arthralgies...) et de localisations ex- stomiaux ⁵. Pour les associations à la RCH, le faible nombre
tracutanées spécifiques (pulmonaires, hépatiques...) dont de cas traités ne permet pas de conclure à la supériorité de
la fréquence est probablement sous-estimée, surtout au ces molécules par rapport à la corticothérapie.
cours du pyoderma gangrenosum (PG) et du syndrome de Syndrome de Sweet (SyS) L’association à la RCH est connue
Sweet (SyS). depuis la description de cette dermatose neutrophilique.
Pyoderma gangrenosum Il complique 2 à 3 % des MICI, L’association à la MC est de connaissance plus récente et de-
plus fréquemment une MCr dont l’atteinte est plutôt co- puis quelques années, plusieurs cas ont été rapportés. Sans
lique ou iléocolique ³. À l’inverse, les MICI représentent la tendance à la récidive, l’éruption cutanée est habituelle-
première étiologie de PG (20 à 30 % des cas). Les lésions ment typique tant sur le plan de la topographie des lésions
sont uniques ou multiples (fig. 79.3), récidivent dans un tiers que de leur aspect : celles-ci sont volontiers pustuleuses et
des cas et sont parfois accompagnées d’ulcérations aph- il n’y a pas de forme bulleuse ou nécrotique comme dans
toïdes endobuccales assimilées à un PG muqueux. Le PG les SyS associés aux hémopathies (fig. 79.4). Lorsque le SyS
apparaît habituellement après une dizaine d’années d’évo- apparaît, la MICI n’est pas toujours connue mais elle est le
lution de la MICI, le plus souvent mais non constamment plus souvent en poussée, incitant comme pour l’EN à réali-
au cours d’une de ses poussées. Il peut cependant précéder ser une exploration digestive systématique dès lors qu’une
la symptomatologie intestinale, ce qui justifie en l’absence cause infectieuse (yersiniose, salmonellose en particulier)
d’étiologie hématologique ou rhumatologique l’exploration a été éliminée. Plusieurs observations de SyS révélateurs
endoscopique systématique s’il s’agit d’une forme récidi- de MICI ont ainsi été rapportées ⁶.
vante, s’il existe des signes d’appels digestifs, et a fortiori Dans les formes sévères, la corticothérapie générale est le
en cas d’antécédent familial de MICI. traitement de choix. Les AINS (indométacine) après avis
La localisation péristomiale est rare. Il s’agit essentielle- du gastro-entérologue et la colchicine peuvent également
ment de malades atteints de MCr avec iléostomie. Ce type être utilisés.
de PG, favorisé par les diverses agressions auxquelles est Syndrome arthrocutané associé aux MICI C’est au cours
soumise la peau péristomiale, apparaît en moyenne deux des années 1970 que l’attention a été attirée sur les pos-
mois après la réalisation de la stomie mais des périodes
plus longues, allant jusqu’à trois ans, ont été observées.
Les produits iodés doivent être évités du fait d’un phéno-
mène de pathergie à l’iode (activation des polynucléaires
neutrophiles).
Le PG ne répond pas toujours au traitement de la MICI. Les
corticoïdes sont souvent nécessaires. Leur utilisation en in-
tralésionnel permet d’obtenir environ 40 % de réponses
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Fig. 79.3 Pyoderma gangrenosum d’une jambe au cours d’une maladie


de Crohn : ulcération superficielle mucopurulente à bords décollés Fig. 79.4 Syndrome de Sweet du dos au cours d’une rectocolite
érythémateux et œdémateux, « minés » sur leur versant interne par une ulcéro-hémorragique : papules érythémateuses et œdémateuses centrées
collerette pustuleuse en leur sommet par une croûte post-pustuleuse

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · EN érythème noueux · MC molluscum contagiosum · MCr maladie de Crohn · MICI maladies inflammatoires cryptogéniques de l’intestin ·
PG pyoderma gangrenosum · RCH rectocolite hémorragique · SyS syndrome de Sweet · TNF tumor necrosis factor
Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin 79-5

tations systémiques : fièvre, myalgies, polyarthralgies, ar-


thrites périphériques, conjonctivite. L’examen histologique
associe des signes de pustulose sous-cornée et de SyS sans
nécrose fibrinoïde vasculaire. Le diagnostic différentiel se
pose avec les manifestations cutanées des septicémies, la
maladie de Behçet du fait de l’aspect de pseudofolliculite,
le SyS et le PG vis-à-vis desquels le problème est surtout
nosologique. En effet, chez certains malades coexistent des
lésions pustuleuses et des éléments de plus grande taille,
évocateurs de l’une ou l’autre de ces deux dermatoses, ce qui
conforte la notion de maladie neutrophilique avec formes
de passage et chevauchements ⁷. Le traitement est bien sûr
celui de la MICI et repose plus souvent, en phase aiguë, sur
la corticothérapie générale que sur la sulfasalazine ou la
mésalazine. Les antibiotiques (quinolones ou métronida-

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zole), actifs sur la pullulation bactérienne intestinale, sont
souvent associés en début de traitement.
Pyostomatite-pyodermite végétante (PPV) La PPV est une
Fig. 79.5 Gros plan sur une lésion pustuleuse d’un syndrome affection rare (une cinquantaine d’observations rappor-
arthrocutané tées) dont la particularité est d’être associée dans 75 %
des cas à une MICI qu’elle peut révéler ⁸. La RCH est plus
sibles complications cutanées et articulaires des dériva- fréquemment trouvée que la MCr. Sa description initiale
tions jéjuno-iléales qui constituaient alors le traitement par Hallopeau en 1989, ainsi que la positivité de l’immuno-
chirurgical de l’obésité. En relation avec la pullulation bac- fluorescence directe (IFD) mentionnée dans quelques cas
térienne dans l’anse borgne et la formation de complexes
immuns circulants, ce bowel-bypass syndrome a été par la
suite décrit chez des patients gastrectomisés, mais aussi en
l’absence de toute chirurgie, en association avec les MICI.
Ce syndrome rare mais non exceptionnel est, classique-
ment, plutôt observé au cours de la RCH et a été individua-
lisé dans la littérature sous d’autres appellations : éruption
vésiculeuse de la RCH, vasculite pustuleuse.
L’éruption est constituée de pustules non folliculaires, re-
posant sur une base érythémateuse (fig. 79.5). Elle est par-
fois révélatrice et peut évoluer parallèlement à l’affection
digestive, D’une taille variant entre 2 à 8 millimètres de
diamètre, elles siègent principalement sur la face externe
des membres supérieurs, la face d’extension des membres
inférieurs, mais aussi le tronc, voire le cuir chevelu (fig. 79.6 et
79.7). Des éléments à type d’érythème noueux peuvent être
associés. Cette éruption s’accompagne toujours de manifes-
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Fig. 79.7 Syndrome arthrocutané au cours d’une rectocolite


ulcéro-hémorragique : multiples pustules de 2 à 3 mm reposant sur une
Fig. 79.6 Syndrome arthrocutané au cours d’une rectocolite base érythémateuse du visage et ulcérations aphtoïdes de la pointe de la
ulcéro-hémorragique : multiples pustules du membre inférieur langue

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RCH rectocolite hémorragique · SyS syndrome de Sweet
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Fig. 79.8 Pyostomatite-pyodermite végétante : pustules des lèvres Fig. 79.10 Abcès aseptiques au cours d’une maladie de Crohn :
coalescentes et à disposition grossièrement linéaire en « traces d’escargots » multiples lésions nodulaires abcédées des faces postérieures des membres
inférieurs associées à des lésions papuleuses et pustuleuses de petite taille
expliquent la confusion souvent faite avec le pemphigus vé-
gétant du même auteur. Cliniquement, il s’agit de pustules blement à des pemphigus végétants. Dans les deux obser-
de la muqueuse buccale qui, par coalescence, donnent un vations dans lesquelles un immunotransfert a été réalisé,
aspect très caractéristique en « traces d’escargots ». Elles aucun anticorps circulant n’a été détecté. Certains auteurs
siègent principalement sur les gencives, la face interne des considèrent la PPV comme une forme clinique frustre de
joues, le palais et les lèvres (fig. 79.8). La langue et le plancher PG. Cette conception uniciste nous semble quelque peu abu-
buccal sont respectés. Ces lésions indolores se rompent fa- sive. En revanche, la PPV est une entité qui a parfaitement
cilement et font place à des érosions à tendance végétante. sa place dans le spectre des dermatoses neutrophiliques.
Les localisations aux muqueuses génitales sont possibles Deux observations familiales dans lesquelles la PPV est
mais exceptionnelles. Dans la moitié des cas, il existe des contemporaine d’un PG viennent renforcer cette idée.La
lésions pustuleuses et végétantes cutanées (fig. 79.9), loca- corticothérapie générale est le traitement de choix de la
lisées préférentiellement au scalp et aux grands plis, justi- PPV, mais n’est pas constamment efficace. La dapsone et
fiant l’appellation « pyostomatite-pyodermite végétante ». l’infliximab ⁹ constituent une alternative thérapeutique in-
Ces lésions apparaissent généralement en même temps téressante.
que les lésions muqueuses, voire secondairement, ce qui Abcès aseptiques De façon exceptionnelle, des abcès sous-
en facilite le diagnostic. cutanés aseptiques correspondant vraisemblablement à
Histologiquement, les pustules sont intra- et/ou sous- des formes profondes de SyS ont été rapportés au cours de
épithéliales, et contiennent de nombreux neutrophiles asso- MCr et de RCH. Il s’agit de nodules cutanés profonds, in-
ciés à quelques éosinophiles. L’acantholyse est inconstante flammatoires, pouvant se fistuliser avec drainage d’un pus
et, quand elle existe, elle est uniquement focale, dans les stérile (fig. 79.10). Par ailleurs, des abcès viscéraux peuvent
lésions cutanées comme dans celles des muqueuses. Une également s’observer au cours de MCr qu’ils peuvent révé-
faible positivité de l’IFD, non spécifique, peut s’observer ler voire précéder de plusieurs mois. Il s’agit préférentielle-
dans la PPV. Les cas dans lesquels l’IFD révèle un marquage ment d’abcès spléniques, hépatiques ou ganglionnaires. Les
intra-épidermique en mailles de filet correspondent proba- anti-TNF-alpha ont été utilisés avec succès chez quelques
malades cortico-résistants ou cortico-dépendants.
Autres dermatoses neutrophiliques La pustulose sous-
cornée de Sneddon-Wilkinson, l’erythema elevatum diuti-
num ou la pustulose à IgA intra-épidermique ont également
été observés au cours des deux types de MICI. Bien que le
parallélisme évolutif entre les manifestations cutanées et
digestives n’ait pas été toujours constaté, ces associations à
caractère exceptionnel ne sont certainement pas fortuites.
Vasculites Rares au cours des MICI, elles peuvent être
de plusieurs types. Les vasculites leucocytoclasiques su-
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perficielles avec ou sans IgA surviennent généralement


au cours des poussées de la maladie digestive, plutôt de
type RCH. Les vasculites granulomateuses profondes se
Fig. 79.9 Pyostomatite-pyodermite végétante au cours d’une rectocolite manifestent par des nodules cutanés profonds inflamma-
ulcéro-hémorragique : pustules des paupières inférieures et de la joue toires, des lésions purpuriques et livédoïdes avec myalgies,
droite, surmontant une base érythémateuse et à disposition arciforme arthralgies, neuropathie périphérique et sont rapportées

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· SyS syndrome de Sweet · TNF tumor necrosis factor
Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin 79-7

Lésions anopérinéales Ce sont les plus fréquentes des


manifestations cutanéomuqueuses de la MCr puisqu’obser-
vées dans 35 à 40 % des cas, surtout en cas d’atteinte co-
lique ³. Elles précèdent les signes digestifs dans 8 à 30 % des
cas, généralement de quelques mois, parfois de quelques
années. Les aspects cliniques sont très variés : fissures péri-
anales plus larges que les fissures banales, lésions végé-
tantes pseudotumorales à type de marisques œdémateuses
ou de condylomes, ulcérations linéaires et profondes en
coup de couteau, ulcérations creusantes pouvant entraîner

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une destruction du sphincter anal, abcès se compliquant
de fistules anales, périnéales ou rectovaginales (fig. 79.13 et
79.14). L’évolution de ces lésions est marquée par des suc-
Fig. 79.11 Vasculite au cours d’une maladie inflammatoire cessions de poussées et de rémissions, généralement indé-
cryptogénique de l’intestin : nodules inflammatoires profonds confluents pendantes de l’activité intestinale de la MCr. Du fait de la
des faces antérieures des jambes chronicité de ces lésions, il faut se méfier de la possible sur-
venue de carcinomes épidermoïdes, ce qui implique non
sous l’appellation périartérite noueuse cutanée. Survenant seulement une surveillance clinique régulière mais aussi
au cours de MICI anciennes, essentiellement des MCr, elles la réalisation de biopsies au moindre doute. Ces tableaux
évoluent indépendamment de l’atteinte digestive. Dans cer- de suppuration périnéofessière chez des patients atteints
tains cas, on peut également observer des tableaux d’hy- de MCr ne correspondent cependant pas toujours à des
podermite chronique ulcérée survenant au cours de MCr lésions spécifiques. Il peut s’agir d’authentiques maladies
indépendamment de l’atteinte digestive et pouvant même de Verneuil et plusieurs observations ont été rapportées
la précéder. Il s’agit de nodules inflammatoires profonds, dans la littérature. Le caractère superficiel des lésions, l’ab-
confluant parfois en placards et évoluant vers l’ulcération sence de communication avec le canal anal, l’atteinte des
(fig. 79.11). Ils siègent préférentiellement sur les faces anté-
rieures et/ou postérieures des jambes et sont d’évolution
chronique. L’histologie, non spécifique, doit être réalisée
pour éliminer une MCr « métastatique ». La corticothérapie
générale et la disulone sont les traitements les plus réguliè-
rement efficaces.

Lésions granulomateuses spécifiques


Celles-ci ne concernent que la MC et sont définies par un
aspect histologique identique à celui retrouvé au niveau in-
testinal. Il faut préciser que le granulome gigantocellulaire
très évocateur en l’absence de nécrose caséeuse n’est trouvé
que dans environ un tiers des cas dans les lésions cutanées
et digestives. Lorsque l’atteinte concerne la région anopéri-
néale, la sphère orofaciale ou l’orifice de stomie, il s’agit de
lésions par contiguïté (fig. 79.12). Lorsqu’elles surviennent à
distance du tube digestif, elles sont dites « métastatiques ».
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Fig. 79.12 Lésions cutanées granulomateuses péristomales « de Fig. 79.13 Lésions végétantes à type de marisques au cours d’une
contiguïté » au cours d’une maladie de Crohn maladie de Crohn

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Fig. 79.14 Ulcérations muqueuses profondes et linéaires anales et


périanales au cours d’une maladie de Crohn

aisselles, l’absence de récidive après traitement chirurgical


représentent des arguments solides pour admettre qu’il
s’agit bien de lésions d’hidrosadénite suppurative. L’asso- Fig. 79.15 Œdème vulvaire au cours d’une maladie de Crohn
ciation à la MCr ne paraît cependant pas fortuite comme
en témoigne l’existence de plusieurs cas d’hidrosadénite au début puis permanent (fig. 79.18). L’atteinte labiale est
chez des parents du premier degré de patients atteints de habituellement asymétrique, fissuraire et s’accompagne
MCr, laissant ainsi penser qu’il pourrait exister un facteur d’une perlèche. Les biopsies profondes avec réalisation de
génétique commun aux deux affections. nombreux plans de coupe sont nécessaires pour mettre en
Lésions génitales Elles s’observent en général chez des évidence les petits granulomes spécifiques. En l’absence
patients dont la MCr (en règle colique et/ou rectale) est d’argument pour une sarcoïdose, il faut réaliser un bilan
connue depuis plusieurs années. Pouvant dans certains digestif au moindre signe d’appel car cette chéilite granulo-
cas précéder les manifestations intestinales, ces atteintes mateuse est souvent précoce et peut précéder de plusieurs
génitales sont parfois isolées mais sont plus souvent in- années les manifestations intestinales ¹².
tégrées dans des atteintes anopérinéales. Chez la femme, Lésions cutanées Elles sont rares et extrêmement trom-
le diagnostic doit être évoqué en présence d’ulcérations peuses car d’un grand polymorphisme clinique. Des présen-
linéaires vulvaires en coup de couteau ou d’un œdème
labial induré douloureux, souvent asymétrique (fig. 79.15).
Des lésions identiques peuvent également être observées
chez l’enfant ¹⁰. Les localisations masculines sont exception-
nelles et se présentent sous la forme d’œdème scrotal et/ou
pénien ¹¹, de phimosis serré acquis, d’ulcérations chancri-
formes ou linéaires caractéristiques.
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Lésions orofaciales Plusieurs aspects cliniques peuvent


être rencontrés : des ulcérations linéaires à bords hyperpla-
siques des sillons gingivojugaux ; des ulcérations de présen-
tation trompeuse car prenant l’aspect d’aphtes ; des lésions
polypoïdes de la muqueuse vestibulaire ou jugale (fig. 79.16) ;
une hyperplasie œdémateuse et fissurée de la face interne
des joues, des lèvres, réalisant un aspect « en pavé » (cobbles-
tone), proche de celui observé sur la muqueuse intestinale
(fig. 79.17) ; une chéilite granulomateuse qui se manifeste Fig. 79.16 Lésions polypoïdes orales du sillon gingivo-labial au cours
par un œdème induré d’une ou deux lèvres, épisodique d’une maladie de Crohn

 MCr maladie de Crohn


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Fig. 79.18 Chéilite granulomateuse associée à une maladie de Crohn :
œdème induré et permanent de la lèvre supérieure
Fig. 79.17 Hyperplasie œdémateuse réalisant un aspect en « pavé »
(cobblestone) de la face interne d’une joue au cours d’une maladie de Crohn médicaments-nutriments. Les carences sont globales ou
sélectives (vitamines, folates, fer, protides, surtout acides
tations très inhabituelles à type d’érythème facial, de lé- gras essentiels et zinc...). Les manifestations cutanéomu-
sions acnéiformes, de pseudoérysipèle, d’intertrigo ont été queuses y sont fréquentes et variées, évocatrices dans cer-
rapportées. Des lésions nodulaires ou des plaques érythé- tains cas mais trompeuses ou non spécifiques dans d’autres.
mateuses indurées parfois ulcérées sont peut-être plus évo- Certaines, comme la glossite et la chéilite, sont communes
catrices chez ces patients dont la MCr est en règle connue à plusieurs déficits mais il existe assez souvent des manifes-
depuis de nombreuses années mais habituellement quies- tations dominantes qui permettent d’orienter le diagnostic
cente. Les localisations métastatiques inaugurales sont ex- (pour plus de détails, se reporter au chap. 77, « Dermatoses
ceptionnelles. Il ne faut donc pas hésiter à biopsier systé- carentielles ») :
matiquement toute manifestation dermatologique inhabi- − une éruption photodistribuée doit faire évoquer le
tuelle au cours d’une MCr. diagnostic de carence en vitamine B3 (ou PP ou nia-
Le traitement des lésions spécifiques de MCr est souvent cine), ce d’autant que les analogues puriques (azathio-
difficile et n’est pas codifié. Le rôle aggravant du tabac, bien prine, 6-mercaptopurine, 6-thioguanine) peuvent gé-
identifié pour l’atteinte digestive, n’a pas été évalué pour ce nérer cette carence. Le taux sanguin de vitamine PP
qui est des lésions cutanées. Il est cependant indispensable n’étant pas un bon reflet de l’état carentiel, le diagnos-
d’obtenir le sevrage tabagique s’agissant de lésions particu- tic repose sur le dosage urinaire de son principal méta-
lièrement résistantes aux traitements médicaux. Peuvent bolite, le méthylnicotinamide, mais surtout sur le test
être proposés : excision chirurgicale en cas de lésion unique thérapeutique par la prise de nicotinamide (Nicobion
de petite taille, en sachant qu’il existe un risque théorique 500 mg/jour per os) ;
de récidive, corticoïdes (intralésionnels, topiques ou per os), − une hyperkératose folliculaire doit inciter à rechercher
antibiotiques (métronidazole, cyclines, nouveaux macro- une carence en vitamine A (rétinol) ou en vitamine C.
lides), sulfasalazine, immunosuppresseurs (azathioprine, La carence en vitamine A se caractérise par une hyperké-
6-thioguanine, méthotrexate et ciclosporine), et anti-TNF- ratose folliculaire des faces d’extension des membres et
alpha. Ces derniers ont en effet été utilisés avec succès dans des extrémités ainsi qu’une xérose généralisée. Ces ma-
quelques observations dans lesquelles les lésions, de locali- nifestations sont toutefois moins spécifiques et moins
sations diverses, avaient résisté ou récidivé sous corticoïdes précoces que l’atteinte ophtalmologique (diminution de
associés aux immunosuppresseurs. Cependant, dans la plu- la vision crépusculaire). L’hyperkératose folliculaire du
part des cas, après une amélioration voire une cicatrisa- tronc et des membres associée à un purpura pétéchial
tion rapide, les lésions ont récidivé nécessitant l’adjonction périfolliculaire est très évocateur du scorbut. La gingi-
d’autres molécules ¹³. Les anti-TNF-alpha peuvent égale- vite hypertrophique hémorragique est en général plus
ment être efficaces sur les lésions de maladie de Verneuil tardive. Le dosage plasmatique de l’acide ascorbique
associées à la MCr. Enfin, du fait de son activité anti-TNF, ne reflétant que les apports récents, le diagnostic est
le thalidomide peut constituer une alternative thérapeu- confirmé par la réponse rapide à la supplémentation
tique. vitaminique (500 mg/jour pendant 15 jours per os) qu’il
faut mettre en route devant tout purpura inexpliqué
Manifestations carentielles survenant chez un sujet à risque ;
Rares au cours des RCH, elles sont secondaires à l’ano- − une ecchymose des zones de pression évoque un scor-
rexie, la malabsorption, les pertes excessives, l’augmenta- but ou une carence en vitamine K ;
tion des besoins protéino-énergétiques et les interactions − une glossite incite à rechercher une anémie macrocy-

 MCr maladie de Crohn · RCH rectocolite hémorragique · TNF tumor necrosis factor
79-10 Tube digestif

taire évocatrice de carences en vitamine B12 ou B9, ou est difficile car il s’agit d’une affection très souvent cortico-
une anémie microcytaire orientant vers une carence résistante pour laquelle de nombreuses molécules peuvent
martiale ; être proposées, témoignant de leur efficacité relative : ciclo-
− une dermite d’aspect séborrhéique et/ou une dermite sporine, azathioprine, sulfasalazine, colchicine, immuno-
eczématiforme avec atteinte péri-orificielle évoque un globulines...
déficit en vitamines du groupe B, ou une carence en Autres types de maladies bulleuses auto-immunes
zinc et/ou en acides gras essentiels. Les carences en vita- D’autres types de maladies bulleuses auto-immunes ont
mine B2 (riboflavine), B6 (pyridoxine) ou B8 (vitamine été observés au cours des MICI. Il s’agit principalement
H ou biotine) sont rares dans le cadre des MICI. Cela de RCH et ces associations représentent des arguments en
n’est pas le cas de la carence en zinc au cours des MCr faveur de l’origine auto-immune de cette affection ¹⁴. Les
évoluant depuis plusieurs années, même en période de pemphigus rapportés sont principalement de type vulgaire.
rémission. Une zincémie abaissée est notée dans 35 à La pemphigoïde pose en théorie un problème de diagnostic
45 % des cas mais n’est symptomatique que dans 10 % différentiel avec l’épidermolyse bulleuse acquise inflamma-
des cas environ. À côté du tableau classique mais de toire mais celle-ci n’est pas associée aux MICI. La dermatite
plus en plus rarement observé à type d’acrodermatite herpétiforme est favorisée par l’altération de la barrière di-
entéropathique, le diagnostic doit être évoqué devant gestive mais il est étonnant de constater que l’association à
un intertrigo de la région génitale, une vulvite œdéma- la MCr n’a jamais été rapportée. En revanche, la dermatose
teuse et suintante, un érythème douloureux scrotal, ou à IgA linéaire a été observée dans les deux types de MICI.
un eczéma craquelé. Il ne faut pas hésiter à prescrire Autres affections auto-immunes non bulleuses D’autres
un traitement d’épreuve, efficace en quelques jours, en affections auto-immunes non bulleuses ont été rapportées
doublant la dose usuelle (gluconate de zinc, 2 gélules de manière très ponctuelle : vitiligo, pelade, lupus érythé-
2 fois par jour à prendre impérativement à jeun) du fait mateux, sclérodermie, lichen, polychondrite, syndrome de
de la malabsorption ; Gougerot-Sjögren...
− un déficit en vitamine D est fréquent chez les sujets Hippocratisme digital L’hippocratisme digital apparaît
atteints de maladie de Crohn, avec les risques d’ostéo- fréquent au cours des MICI. Dans certaines séries, il était
porose majorés par les traitements stéroïdiens itératifs : rapporté dans 30 % des MCr et 5 à 10 % des RCH. Dans
carence constatée dans 8 % des cas et taux insuffisant notre étude prospective, nous n’avons approché ces chiffres
de vitamine D (25-OHD < 40 nmole/l) dans 22 % des que chez les malades atteints de MCr : 20 % d’entre eux
cas sur une série récente de 242 malades. étaient porteurs de cette anomalie unguéale.
Psoriasis Pour certains auteurs, sa prévalence est aug-
Autres manifestations mentée chez les malades atteints de MICI où elle peut
Il s’agit essentiellement de maladies auto-immunes qui atteindre 9 %, mais aussi chez leurs parents au premier
sont des entités bien individualisées, n’évoluant pas paral- degré ¹⁵. Il s’agit de psoriasis vulgaires qui n’évoluent pas
lèlement aux poussées digestives, deux raisons pour les- de façon parallèle aux poussées digestives. Dans certaines
quelles elles sont considérées comme associées et non réac- études, l’association est plutôt identifiée avec la MCr, dans
tionnelles. d’autres, elle concerne la MCr et la RCH à proportion équi-
Épidermolyse bulleuse acquise L’épidermolyse bulleuse valente. Néanmoins, autant le lien avec la MCr peut être
acquise est une dermatose bulleuse auto-immune caracté- argumenté d’un point de vue génétique, immunologique et
risée par la production d’auto-anticorps dirigée contre le
collagène VII, constituant des fibrilles d’ancrage du derme
superficiel. Il s’agit d’une maladie rare qui est associée à
une MICI dans 30 % des cas, principalement la MCr, ce qui
justifie la réalisation d’un bilan digestif chez tout malade at-
teint d’épidermolyse bulleuse acquise ³. La maladie bulleuse
précède la découverte de la MICI dans à peu près la moi-
tié des cas et leurs évolutions sont indépendantes l’une de
l’autre. Cliniquement, l’épidermolyse bulleuse acquise se ca-
ractérise par une fragilité cutanéomuqueuse qui se traduit
Coll. clinique de Dermatologie, CHRU Lille

par l’apparition de bulles des zones de frottement, souvent


provoquées par des traumatismes minimes (fig. 79.19). Les ci-
catrices sont atrophiques et s’accompagnent de nombreux
grains de milium ainsi que de dystrophie unguéale. Histo-
logiquement, il s’agit d’une bulle sous-épidermique avec
un infiltrat inflammatoire (neutrophiles et éosinophiles)
modéré. L’immunofluorescence directe révèle des dépôts
linéaires d’IgG et/ou de C3, qui sont situés sur le plancher
de la bulle sur peau clivée, par opposition à la pemphigoïde Fig. 79.19 Lésions cutanées érosives des faces postérieures des chevilles
où ces dépôts sont situés au toit de la bulle. Le traitement au cours d’une épidermolyse bulleuse acquise

 MCr maladie de Crohn · MICI maladies inflammatoires cryptogéniques de l’intestin · RCH rectocolite hémorragique
Infections bactériennes du tube digestif 79-11

environnemental, autant celui avec la RCH est plus difficile L’érythème noueux (EN) est rarement rapporté en associa-
à établir. En effet, à ce jour, 1o aucune colocalisation tion avec les salmonelloses mais s’observe dans 10 à 30 %
de locus de susceptibilité n’a été identifiée entre psoriasis des cas de yersinioses au cours desquelles il concerne princi-
et RCH ; 2o même si le concept dichotomique des mala- palement les femmes (3/1). Il s’observe plus rarement chez
dies Th1 et Th2 est remis en question avec la découverte les enfants. Il survient brutalement, précédé dans plus de
des Th17, les effecteurs immunologiques de la RCH sont la moitié des cas par une symptomatologie digestive. Le
préférentiellement Th2 à la différence de la MCr et du pso- tableau clinique est en règle typique mais quelques particu-
riasis ; 3o enfin, les effets du tabac, pour ne citer que larités sont parfois notées : nouures très inflammatoires,
ce cofacteur, sont radicalement opposés puisque celui-ci atteinte des quatre membres comme dans les MICI, asso-
serait plutôt protecteur pour la RCH alors qu’il aggrave le ciation à des lésions d’érythème polymorphe. En l’absence
psoriasis comme la maladie de Crohn. D’un point de vue d’argument en faveur des autres étiologies classiques d’EN,
génétique, au moins trois chromosomes (5, 6 et 16) ont le diagnostic repose sur l’isolement de la bactérie (hémocul-
été identifiés par des études de liaison génétique comme tures, coprocultures) et la sérologie.
ayant des zones au sein desquelles on constate la colocali- Le syndrome de Sweet (SyS) est associé dans 20 à 50 % des
sation de locus de susceptibilité ¹. Pour le chromosome 1, cas à une pathologie sous-jacente qu’elle peut révéler. Les in-
il ne s’agit pas de colocalisation, mais d’un gène, celui du fections du tube digestif ne représentent pas une étiologie
récepteur à l’IL-23 (IL-23R), dont les variants sont des fac- fréquente du SyS mais quelques observations ont été rap-
teurs de susceptibilité communs à plusieurs maladies dont portées avec Y. enterocolitica ¹⁷ et S. typhimurium. La sympto-
le psoriasis, la MC et la spondylarthrite ankylosante. matologie digestive précède ou accompagne les signes cuta-
Pour ce qui est de la physiopathogénie, il faut noter que pso- nés mais peut manquer. Concernant les cas de yersinioses,
riasis et MCr partagent de nombreux effecteurs cellulaires l’isolement de la bactérie dans les selles est inconstant mais
(lymphocytes Th1 et Th17, monocytes-macrophages, neu- le sérodiagnostic est toujours positif.
trophiles, cellules dendritiques) et médiateurs solubles de L’érythème polymorphe peut survenir en association avec
l’inflammation dont les principaux sont l’interféron alpha, de très nombreuses infections, parmi lesquelles yersinioses
le TNF-alpha, l’IL-6, l’IL-12, l’IL-17 et l’IL-23. et salmonelloses. Les observations sont cependant très
Enfin sur le plan thérapeutique, il existe d’importantes rares et la relation entre les deux affections n’est pas tou-
connexions. Même si les effets diffèrent, la règle « mêmes jours évidente.
causes (mêmes cytokines), mêmes traitements » se trouve En dehors de ces trois dermatoses réactionnelles, d’autres
confirmée par l’efficacité des anti-TNF-alpha et d’un an- manifestations cutanées peuvent également s’observer :
ticorps monoclonal dirigé contre la sous-unité p40 com- − dermohypodermite des membres inférieurs mimant un
mune à l’IL-12 et l’IL-23. À ce propos, il est très intéressant érysipèle ou une vasculite type PAN cutanée dans les
de noter que l’etanercept n’agit pas uniquement par son yersinioses ;
action anti-TNF-alpha mais aussi par une inhibition des − taches rosées lenticulaires souvent profuses à type de ro-
Th17 du fait de la réduction de la synthèse d’IL-23. D’autres séole dont la fréquence est estimée entre 15 et 30 %, qui
traitements biologiques actuellement en développement surviennent habituellement après une antibiothérapie
pourraient être prochainement proposés dans les deux af- instituée d’emblée à dose totale dans les salmonelloses.
fections (IL-10 et 11 dans l’optique d’effectuer un switch
immunologique Th1/Th2, anticorps anti-IL-12 (ABT-874), Maladie de Whipple
15, 17...). La maladie de Whipple est une maladie systémique d’étiolo-
L’induction paradoxale de psoriasis cutanés et unguéaux gie infectieuse bactérienne liée à Tropheryma whippelii, à dé-
et plus spécialement de pustuloses palmoplantaires par les terminisme intestinal et articulaire prédominant, dont le
anti-TNF-alpha, quelle que soit la molécule utilisée, chez ou les modes de contamination restent obscurs. Le polymor-
les malades traités pour MCr (mais également PR et spon- phisme des formes extradigestives (pleuro-pulmonaires,
dylarthrite ankylosante), a renforcé la notion d’association cardiovasculaires, neuropsychiatriques, hépatiques, ocu-
entre ces maladies ¹⁶. Il peut s’agir de l’exacerbation d’un laires et cutanées) explique les retards diagnostiques fré-
psoriasis connu mais, dans la plupart des cas, il s’agit d’une quents.
première poussée chez des malades qui n’ont pas nécessai- Il faut évoquer ce diagnostic devant une éruption liché-
rement d’antécédent personnel ou familial de psoriasis. La noïde récidivante ou un tableau d’érythrodermie dont l’his-
question de savoir s’il s’agit d’authentiques psoriasis ou de tologie peut en imposer pour une sarcoïdose ¹⁸, des nodules
toxidermies psoriasiformes est loin d’être tranchée. sous-cutanés spécifiques ou un érythème noueux. Une hy-
perpigmentation brun grisâtre des zones exposées et des
Infections bactériennes du tube digestif cicatrices, probablement d’étiologie carentielle par malab-
sorption, est notée dans près de la moitié des cas. L’antibio-
Yersinioses et salmonelloses thérapie prolongée par triméthoprime-sulfaméthoxasole
Ces deux infections ont en commun le fait de pouvoir don- ou cyclines est le traitement de la maladie de Whipple.
ner des manifestations cutanées réactionnelles qui peuvent
parfois être révélatrices : érythème noueux, syndrome de Infections à Helicobacter pylori
Sweet et érythème polymorphe. Cette bactérie dont le rôle pathogène dans l’ulcère duo-

 EN érythème noueux · IL interleukine · MCr maladie de Crohn · MICI maladies inflammatoires cryptogéniques de l’intestin · PAN périartérite noueuse · PR purpura rhumatoïde ·
RCH rectocolite hémorragique · SyS syndrome de Sweet · TNF tumor necrosis factor
79-12 Tube digestif

dénal, la gastrite chronique et peut-être aussi l’ulcère gas- être notés. Les atteintes péri-orificielles sont parfois consta-
trique est bien démontré, a été incriminée dans la survenue tées et soulèvent la question du diagnostic différentiel
de nombreuses manifestations cutanées : rosacée papulo- et/ou de l’association possible avec une carence en zinc. Le
pustuleuse, urticaire chronique, psoriasis, purpura rhuma- diagnostic repose sur le dosage des acides gras essentiels.
toïde, phénomène de Raynaud et syndrome de Sweet. Ce- Selon l’importance de la carence, le traitement consistera
pendant, au vu des publications, parfois contradictoires, il en des applications de topiques à base d’huile d’onagre ou
est impossible actuellement d’affirmer la relation entre ces de bourrache, en une supplémentation orale (Eltéans, Bio-
diverses dermatoses et H. pylori. nagrol, Maxepa...) ou intraveineuse (Intralipide).

Dermatite herpétiforme
Syndrome de malabsorption
Elle représente l’expression cutanée de l’entéropathie au
De causes variées, le syndrome de malabsorption associe gluten ou maladie cœliaque constamment associée mais
une diarrhée et un syndrome carentiel plus ou moins com- le plus souvent infraclinique. À l’inverse, la dermatite her-
plet (protides, vitamines, oligoéléments...), responsable de pétiforme ne s’observe que dans 3 à 5 % des cas de ma-
nombreux signes peu spécifiques : xérose, pigmentation, at- ladie cœliaque. La dermatite herpétiforme est une der-
teinte de la muqueuse buccale (stomatite, glossite, chéilite, matose inflammatoire chronique qui touche surtout les
aphtes), koïlonychie, chute des cheveux... adultes entre 20 et 40 ans. Elle est caractérisée par une
À côté de ces signes divers, des tableaux cliniques plus évo- éruption prurigineuse composée d’éléments papulovésicu-
cateurs d’une étiologie particulière peuvent être observés, leux souvent groupés en petits placards. L’éruption est
c’est le cas des carences en zinc et en acides gras essentiels symétrique et prédomine sur les faces d’extension des
et de la dermatite herpétiforme. membres et les fesses (fig. 79.20). Histologiquement, l’image
typique est celle de micro-abcès, composés de neutrophiles
Déficit en zinc et à un moindre titre d’éosinophiles, situés au sommet
Le déficit en zinc s’observe également au cours des pancréa- des papilles dermiques et responsables d’un clivage der-
tites chroniques et surtout des cirrhoses alcooliques. On moépidermique. L’immunofluorescence directe révèle des
constate des lésions érythémato-squameuses de siège pé- dépôts granulaires d’immunoglobulines caractéristiques
ribuccal, palpébral, périnarinaire, génital et péri-anal où (IgA le plus souvent) prédominant au sommet des papilles
l’évolution est souvent érosive avec extension à la face in- dermiques. On ne sait toujours pas si ces anticorps sont
terne des cuisses et à la région sacro-fessière. Des placards dirigés contre une structure antigénique de la jonction
eczématiformes ou psoriasiformes des membres sont par- dermoépidermique ou s’il s’agit de complexes immuns à
fois associés. Dans les formes sévères, on observe souvent IgA provenant de la muqueuse intestinale et captés dans
des lésions bulleuses ou nécrotiques superficielles d’évolu- la peau. La recherche d’anticorps « antipeau » circulants
tion centrifuge, réalisant des aspects serpigineux et circi- est négative. En revanche, des anticorps sériques anti-
nés comparables à ceux observés dans l’érythème nécroly- endomysium de type IgA ainsi que antigliadine de type
tique migrateur du syndrome du glucagonome. Les manifes- IgG et IgA sont souvent trouvés et sont, surtout pour
tations muqueuses (stomatite, glossite, perlèche, conjonc- les premiers, un bon reflet de la sévérité de l’atteinte in-
tivite parfois) sont très fréquentes et d’un grand intérêt testinale (atrophie villositaire). Dans la maladie cœliaque,
diagnostique dans les formes mineures que l’on observe au l’auto-antigène endomysial correspond à la transglutami-
cours de la MCr. nase tissulaire. Les malades présentant une dermatite her-
Le zinc plasmatique ne représentant que 1 % du pool zin- pétiforme ont des IgA anti-transglutaminase tissulaire qui
cique, la zincémie n’est indicative de carence que si elle est
nettement abaissée. Le seul critère formel de diagnostic
est la réponse spectaculaire au traitement spécifique admi-
nistré per os dans les formes mineures (Rubozinc) ou par
voie IV (zinc injectable Aguettant) en cas de déficit sévère.

Déficit en acides gras essentiels


Les carences en acides gras essentiels sont rarement isolées.
Le plus souvent, il s’agit de polycarences qui surviennent
dans un contexte de malnutrition (alcoolisme, cancer évo-
lué), de malabsorption sévère (résection intestinale) ou
au cours des alimentations parentérales déséquilibrées. Le
Coll. D. Bessis

tableau clinique est peu spécifique et évoque volontiers


une dermite microbienne ou séborrhéique avec des lésions
érythémato-squameuses des grands plis, du visage, du cuir
chevelu ou parfois généralisées. La peau est sèche, à ten- Fig. 79.20 Éruption érythémateuse et vésiculeuse, symétrique, des
dance atrophique et des aspects ichtyosiformes ou d’ec- faces d’extension des membres supérieurs et du dos au cours d’une
zéma craquelé, du purpura par fragilité capillaire peuvent dermatite herpétiforme

 MCr maladie de Crohn


Références 79-13

sont corrélés à la sévérité de l’entéropathie sous-jacente Celui-ci est en pratique quasi impossible à respecter stricte-
et disparaissent sous régime sans gluten. L’incidence fami- ment au long cours. Cependant, même suivi partiellement,
liale (jusque 10 %) illustre bien l’importance des facteurs il permet le contrôle biologique mais surtout clinique et
génétiques dans la DH dans laquelle on trouve comme dans histologique des manifestations cutanées et digestives, la
la maladie cœliaque une fréquence élevée de certains anti- diminution de la dose voire l’arrêt de la dapsone et enfin,
gènes HLA : B8, DR3, DQW2 et plus particulièrement les il prévient l’apparition des lymphomes intestinaux. Ces
allèles DQA1*0501 et B1*0201 ¹⁹. La physiopathologie de derniers ont été observés avec une fréquence de 1 à 3 %
la dermatite herpétiforme reste obscure mais la participa- dans des études rétrospectives chez des malades ne suivant
tion des éosinophiles à la constitution des lésions cutanées aucun régime ²⁰.
et digestives a été montrée. D’autres manifestations cutanées ont été exceptionnelle-
La dapsone (Disulone) permet le plus souvent d’obtenir ment décrites au cours de la maladie cœliaque. Il s’agit de
rapidement la disparition du prurit et l’amélioration des lé- purpura par vasculite, d’érythème nécrolytique migrateur
sions cutanées. Néanmoins, c’est le régime sans gluten qui (syndrome du pseudoglucagonome) et d’erythema elevatum
constitue la base du traitement et doit être institué à vie. diutinum ²¹.

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8 Delaporte E, Viget N, Pasturel-Michon U et The clustering of other chronic inflammatory 136:624-627.

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Delaporte E, Piette F. Tube digestif. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations dermatolo-
giques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 79.1-79.13.
80
Foie et voies biliaires
Emmanuel Delaporte, Frédéric Piette

Hépatites virales 80-1 Hémochromatose héréditaire 80-9


Hépatite B 80-1 Maladie de Wilson 80-9
Hépatite C 80-3 Cirrhose biliaire primitive 80-10
Insuffisance hépatique et cirrhoses 80-6 Références 80-10
Cirrhose éthylique 80-7

d’une maladie de Still de l’adulte a été rapporté chez un


Hépatites virales malade ayant une hépatite virale B chronique ⁶.
Syndrome de Gianotti-Crosti Le syndrome de Gianotti-
Les hépatites virales sont des affections fréquentes qui Crosti regroupe toutes les éruptions papuleuses à prédo-
constituent un réel problème de santé publique (tableau 80.1). minance acrale (fig. 80.1), d’évolution spontanément favo-
Les manifestations extrahépatiques qui leur sont associées, rable, essentiellement observées chez l’enfant (pic entre 2
cutanées et autres, sont désormais bien identifiées, particu- et 6 ans) et réactionnelles à divers agents infectieux, prin-
lièrement dans les infections liées au virus de l’hépatite C cipalement viraux. L’Epstein-Barr virus est désormais le
(VHC) ¹,². Urticaires aiguës, exanthèmes maculopapuleux plus fréquemment isolé, mais les virus des hépatites, sur-
et plus rarement purpuras vasculaires sont des manifesta- tout B et C doivent toujours être cherchés ⁷. L’hépatite, en
tions classiques mais rares, régulièrement citées dans les règle anictérique, peut être contemporaine de l’éruption
traités et les revues ³ en association aux hépatites virales A ou décalée de 1 à 2 semaines.
(HVA) mais pour lesquelles les dermatologistes ne sont que Périartérite noueuse (PAN) On estime qu’approximati-
très rarement sollicités. Elles ne seront donc pas détaillées. vement 4 pour mille malades infectés par le VHB vont déve-
Par ailleurs, on ne connaît pas de manifestations cutanées lopper une PAN. À l’inverse, selon les séries, 30 à 50 % des
associées aux hépatites D, E et G. malades présentant une PAN avaient un test positif pour
l’AgHBs ⁸. Ce chiffre doit néanmoins être revu à la baisse
Hépatite B du fait de la vaccination et actuellement la fréquence de l’as-
Urticaires Le plus souvent, il s’agit de manifestations à sociation serait aux environs de 7 % ⁹. Les relations patho-
type de vasculite urticarienne s’intégrant dans un tableau géniques qui unissent cette angéite nécrosante systémique
de « pseudomaladie sérique » qui s’observe en phase pré- touchant les artères de petit et moyen calibres et l’HVB ne
ictérique (environ 6 semaines) dans 15 à 20 % des cas. S’y sont pas totalement élucidées ; la médiation par les dépôts
associent alors fièvre, arthralgies, protéinurie et/ou héma- de complexes immuns circulants avec un rôle pathogène di-
turie et parfois angio-œdème (4 %). Histologiquement, il rect de l’antigène HBe est toujours évoquée. Les anticorps
existe une vasculite, lymphocytaire ou leucocytoclasique, anticytoplasme des neutrophiles (ANCA) sont en règle gé-
fonction de l’ancienneté de la lésion biopsiée. nérale négatifs et les PAN d’origine virale sont désormais
Bien que systématiquement mentionnées dans toutes les individualisées de la forme commune d’origine essentiel-
questions traitant du sujet, il est exceptionnel d’observer lement auto-immune ⁹. La PAN se révèle habituellement
une vasculite urticarienne, voire une urticaire commune dans les six mois qui suivent la contamination mais peut
chronique, au cours d’une infection chronique par le virus apparaître simultanément ¹⁰. Les PAN associées au VHB se
de l’hépatite B (VHB) ⁴. Les références relatant ces associa- caractérisent par la fréquence des signes abdominaux, de
tions sont d’ailleurs peu nombreuses et toutes anciennes. l’insuffisance rénale, de l’hypertension artérielle maligne
Dans une étude publiée en 1992 portant sur 72 cas de vascu- et de l’orchite. Les signes cutanés comprenant purpura vas-
lite urticarienne, les auteurs ne trouvent aucun cas d’hépa- culaire plus ou moins nécrotique et ulcéré, livedo ramifié
tite virale B ⁵. Un cas d’urticaire neutrophilique révélateur (fig. 80.2) et nodules sous-cutanés douloureux ne sont pré-

 ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · HVA hépatites virales A · HVB hépatites virales B · PAN périartérite noueuse · VHB virus de l’hépatite B ·
VHC virus de l’hépatite C
80-2 Foie et voies biliaires

Tableau 80.1 Principales caractéristiques des hépatites virales A, B et C


A B C
Type de virus Parvovirus à ARN Hepadnavirus à ADN Togavirus à ARN
Hétérogénéité génétique ++
Mode(s) de contamination Orofécal Parentéral Parentéral
Sexuel Nosocomial
Maternofœtal Sexuel (risque très faible)
Maternofœtal 3 % (risque augmenté
si co-infection par VIH : 15-20 %)
Populations exposées Sujets jeunes — Tous pays Toxicomanes Toxicomanes ++, piercing et
Transfusés (risque quasi nul depuis tatouages
1988) Transfusés (risque résiduel en 2000,
Personnels de santé 1/860 000 dons, risque quasi maîtrisé
depuis 2001)
Personnels de santé
Examens endoscopiques et
interventions chirurgicales
Durée d’incubation 2 à 6 semaines 1 à 6 mois 2 à 8 semaines
Diagnostic sérologique en phase Ac anti-HA (IgM) Ag HBS — Ac anti-HBC (IgM) Ac anti-HCV (tardif)
aiguë Prévalence séropositivité :
pays européens : 1,1 %
population mondiale : 3 %
(gradient Nord-Sud)
Marqueurs de guérison Ac anti HA (IgG) Ac anti HBS — séroconversion E Négativation de la PCR
avec ADN viral négatif (efficacité du
traitement)
Risque d’infection chronique Non Oui Oui
Modes évolutifs Bénigne ++ Chronicité 5 à 10 % Chronicité 50-70 %
Hépatite fulminante 1/100 000 Cirrhose 20-30 % Cirrhose 30 %
Hépatocarcinome Hépatocarcinome
(incidence annuelle 3 %) (incidence annuelle 10 à 20 %)
Vaccination Oui Oui Non
Traitement de l’hépatite aiguë Non Non Oui — Interféron à fortes doses
Traitement de l’hépatite Pas d’HA chronique Analogues nucléosidiques Interféron pégylé + ribavirine
chronique 2 produits avec l’AMM (lamivudine,
adéfovir)
Interféron pendant 4 - 6 mois
Manifestations cutanées Rares ?? 15-20 %

sents que dans 10 à 20 % des cas. Il n’y a pas de corrélation lions de Français ont bénéficié de la vaccination anti-HVB.
entre la sévérité de la PAN et celle de l’HVB qui est souvent Celle-ci a fait couler beaucoup d’encre, non pas tant en rai-
peu évolutive. son des effets secondaires cutanés peu nombreux, que sur-
L’association secondaire d’un traitement antiviral, après tout du risque éventuel de déclenchement d’une sclérose
contrôle de la maladie par les corticoïdes et les immunosup- en plaques dont on sait désormais qu’il ne diffère pas de
presseurs, doit être systématique et permet d’obtenir une celui d’une population témoin ¹³.
séroconversion dans plus de 50 % des cas. Certains auteurs D’un point de vue dermatologique, si l’on fait abstrac-
recommandent même l’abandon des corticoïdes et des im- tion des réactions locales transitoires à type d’érythème,
munosuppresseurs au profit de la combinaison traitement d’induration voire de nodules, et des réactions immuno-
antiviral-plasmaphérèses ⁹. allergiques communes à l’ensemble des vaccins ¹⁴,¹⁵, di-
La forme cutanée de la PAN est très rarement rapportée verses manifestations cutanées ont été rapportées de fa-
en association avec le VHB ¹¹ : aucun cas trouvé sur les 79 çon anecdotique : il s’agit d’érythème polymorphe, d’éry-
étudiés par Daoud et al. en 1997, qui mentionnaient en thème noueux, de purpura thrombopénique, de lupus systé-
revanche 1 cas d’HVC ¹². miques ou cutanés ¹⁶, de vasculites systémiques dont deux
Manifestations postvaccinales On estime que 28 mil- cas de PAN cutanées ¹⁷, de morphées ¹⁸, d’un cas de mastocy-

 HVB hépatites virales B · HVC hépatites virales C · PAN périartérite noueuse · VHB virus de l’hépatite B
Hépatites virales 80-3

Coll. D. Bessis
Fig. 80.2 Livedo ramifié inflammatoire du genou au cours d’une
périartérite noueuse

Hépatite C
En France, la prévalence de sujets ayant des anticorps anti-
VHC est voisine de 1 %. Cependant les chiffres varient
énormément selon les populations étudiées : 25 % chez
les sujets infectés par le VIH, 25 % chez les détenus et 60 %
chez les toxicomanes. À ce jour, 200 000 sujets sont dépis-
tés ce qui représente moins de la moitié des porteurs du
VHC si l’on considère qu’en France ils sont entre 500 000
et 600 000. Seuls 30 000 à 40 000 d’entre eux sont traités
et le nombre des traitements nouvellement institués n’est
que de 10 000 à 15 000 par an.
De nombreuses revues générales traitant des manifesta-
tions extrahépatiques ²⁶ et notamment cutanées ont été
publiées ²,²⁷. Le plus souvent, aucune classification n’est
proposée et ces affections sont juste déclinées les unes à la
suite des autres en général par ordre de fréquence. Nous
avons ici adopté le plan de P. Cacoub, expert de la confé-
rence de consensus sur l’HVC qui s’est tenue en 2002 ²⁸.
Coll. D. Bessis

Manifestations liées avec certitude à l’infection par le


VHC
Cryoglobulinémies mixtes (CM) Les cryoglobulines sont
Fig. 80.1 Syndrome de Gianotti-Crosti : éruption papuleuse des immunoglobulines (Ig) qui précipitent lorsque la tem-
monomorphe des membres épargnant le tronc pérature est inférieure à 37 ◦ C. Il en existe trois types : les
cryoglobulines de type I sont constituées d’une Ig monoclo-
tome apparu sur le site vaccinal ¹⁹, d’un cas de pemphigoïde nale unique alors que les cryoglobulines mixtes sont consti-
de l’enfant ²⁰ et d’un cas de syndrome de Gianotti-Crosti ²¹. tuées d’Ig polyclonales associées (type II) ou non (type III)
Dans toutes ces observations, la relation de cause à effet à une Ig monoclonale. Le VHC est la cause des CM dans 80
est cependant impossible à affirmer. Il en va de même pour à 90 % des cas ²⁵.
le lichen plan survenant notamment chez l’enfant, le plus Il s’agit de la plus fréquente des manifestations extrahé-
souvent après la deuxième ou la troisième injection dans un patiques puisqu’elle s’observe chez 40 à 80 % des malades,
délai variant de quelques jours à trois mois. Une trentaine le risque de développer une CM étant plus élevé chez la
d’observations ont ainsi été rapportées ²². femme et en cas de consommation d’alcool supérieure à
Autres associations L’association à un lichen plan ²³, une 50 g/j ²⁹, et augmentant avec la durée d’évolution de l’HVC.
porphyrie cutanée tardive (PCT) ou une cryoglobulinémie À l’exception de l’Italie, où l’on observe une prévalence éle-
mixte (CM) est beaucoup plus rare qu’avec l’HVC (cf. infra). vée du génotype 2, les liens entre CM et génotype viral
Concernant la PCT, l’implication du VHB ne peut être sus- sont discutés. Cependant, Cacoub et al., dans leur étude
pectée qu’après recherche du VHC (co-infection fréquente prospective chez 1 614 malades, notent une plus grande
chez les malades espagnols) et du VIH. Le portage chro- fréquence des génotypes 2 et 3 ²⁹. L’implication du VHC
nique du VHB est très faible au cours de la PCT variant dans la survenue des CM repose sur plusieurs arguments :
selon les études entre 0 et 18 % ²⁴. La prévalence des CM 1o la prévalence très élevée des CM chez les malades avec
au cours de l’HVB chronique est comprise entre 10 et 15 %, HVC chronique (56 à 95 %), 2o la présence d’ARN du
mais l’HVB ne représente que 2 % des causes de CM ²⁵. VHC dans le cryoprécipité ainsi que dans les cellules endo-

 CM cryoglobulinémies mixtes · HVB hépatites virales B · HVC hépatites virales C · PCT porphyrie cutanée tardive · VHB virus de l’hépatite B · VHC virus de l’hépatite C ·
VIH virus de l’immunodéficience humaine
80-4 Foie et voies biliaires

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 80.3 Purpura nécrotique et livedo d’un membre inférieur au cours Fig. 80.4 Érosions, bulles et grains de milium du dos des mains au cours
d’une cryoglobulinémie mixte compliquant une hépatite virale C chronique d’une porphyrie cutanée tardive

théliales des vaisseaux des organes lésés dont la peau ³⁰, et également été utilisées dans quelques cas d’inefficacité ou
3o l’effet de l’interféron. de contre-indication des antiviraux, avec des résultats aléa-
Les mécanismes physiopathogéniques de l’expansion poly- toires pour l’infliximab ³⁴, mais peut-être plus prometteurs
clonale des lymphocytes B induite par l’infection virale com- pour le rituximab (anticorps monoclonal anti-CD20) ³⁵.
mencent à être décryptés ³¹,³². Une des premières étapes En revanche, très peu d’études ont été effectuées pour ap-
est la fixation de la protéine E 2 de l’enveloppe virale au précier la prévalence des CM-VHC positives au cours des
CD81 des cellules B, molécule qui forme un complexe avec vasculites leucocytoclasiques. Les résultats d’une petite
le CR2, le CD19 et le CMH de classe II. L’activation de ce étude contrôlée (2 sur 25) plaident en faveur de la recherche
complexe abaisse le seuil de stimulation antigénique des du VHC et d’une CM en présence d’une vasculite d’origine
cellules B et augmente leur durée de vie via l’activation du indéterminée ³⁶.
proto-oncogène bcl-2 ³¹. Par ailleurs, chez les malades pré- Porphyrie cutanée tardive (PCT) Caractérisée par un dé-
sentant une CM symptomatique, le taux des cellules T im- ficit en uroporphyrinogène décarboxylase, cette porphy-
munorégulatrices CD4+ CD25+ impliquées dans le contrôle rie peut être familiale à transmission autosomique domi-
de l’auto-immunité, était significativement abaissé compa- nante, ou sporadique. Dans cette dernière forme, plus fré-
rativement aux malades sans CM ou avec CM asymptoma- quente, le déficit hépatocytaire ne devient symptomatique
tique ³². que sous l’effet de divers facteurs déclenchants dont les
Le tableau clinique, qui ne s’observe que chez 20 à 30 % des infections virales et en particulier l’HVC. Cliniquement, il
sujets présentant une CM, comprend purpura nécrotique, existe une fragilité cutanée (fig. 80.4) prédominant en zones
ulcère, livedo (fig. 80.3), syndrome de Raynaud, arthralgies et photo-exposées, une hypertrichose associée à une hyperpig-
asthénie, diversement associés à une atteinte rénale voire mentation des zones temporomalaires et, dans les formes
du système nerveux périphérique ou central. Dans plus évoluées, un état sclérodermiforme de la tête et du cou
de la moitié des cas, l’évolution clinique est bénigne ²⁵, l’at- chez 30 % des malades. Les études de prévalence font état
teinte multiviscérale ne s’observant que chez 2 à 3 % des d’un gradient Nord-Sud avec des chiffres compris entre 8
malades ²⁹. et 18 % pour les pays du Nord de l’Europe et allant jusqu’à
Le traitement est celui de l’hépatopathie avec une nette 95 % pour les pays du Sud de l’Europe ²⁸. À l’inverse, au sein
supériorité de l’association interféron-ribavirine, par rap- d’une population infectée par le VHC, la prévalence de la
port à l’interféron seul, tant sur les signes cutanés (60 à PCT est de 3 à 5 %. Le rôle physiopathogénique du VHC
100 % de réponse) que rénaux (35 à 60 %) et neurologiques dans la survenue de la PCT n’est pas connu. Des anomalies
(25 à 80 %), pour peu que le malade soit répondeur viro- du métabolisme du fer ainsi que l’action d’autres cofacteurs
logique ²⁸. De même, il existe une relation nette entre les tels que l’alcool et certains médicaments sont incriminées.
réponses biologique et virologique puisque la CM disparaît À ce propos, l’augmentation de fréquence des mutations gé-
chez 60 % des répondeurs contre 30 % des non-répondeurs. nétiques de l’hémochromatose chez les malades PCT-VHC
En revanche, il n’existe pas de corrélation systématique positifs mérite d’être soulignée. En effet, ces mutations
entre les réponses clinique et biologique puisque l’on peut (C282Y et H63D) du gène HFE sont des facteurs précipi-
observer la disparition du purpura malgré la persistance tants et aggravants chez ces malades ³⁷.
de la CM. À l’arrêt du traitement, le risque de récidive de Outre la suppression des facteurs déclenchants et la pho-
la CM et des symptômes qui s’y rapportent est lié à la réap- toprotection, le traitement de première intention est la dé-
parition de la virémie. L’association à une corticothérapie plétion ferrique par saignées répétitives ³⁸. Le traitement
générale ou à des plasmaphérèses n’apporte rien. Il faut antiviral ne sera discuté qu’en seconde intention, ce d’au-
signaler l’observation de l’aggravation d’une vasculite sys- tant qu’il peut aggraver la PCT ³⁹ mais surtout parce que la
témique (atteinte cutanée, rénale et neurologique) liée à PCT semble être un facteur de mauvaise réponse à l’inter-
une CM, par l’interféron pégylé ³³. D’autres molécules ont féron ⁴⁰.

 CM cryoglobulinémies mixtes · HVC hépatites virales C · PCT porphyrie cutanée tardive · VHC virus de l’hépatite C
Hépatites virales 80-5

Syndrome sec La grande hétérogénéité des critères cli-


niques et histologiques retenus selon les auteurs explique
l’extrême variabilité des chiffres que l’on trouve dans la
littérature ⁴¹. Ainsi, selon la provenance des études, l’asso-
ciation varie de 0 à 57 % et va de la simple atteinte histo-
logique asymptomatique à type de sialadénite lymphocy-
taire, au véritable syndrome de Gougerot-Sjögren ⁴². De
l’ensemble de ces publications, il ressort que 1o un syn-
drome sec clinique, plus souvent buccal qu’oculaire, est ob-
servé chez 10 à 20 % des malades VHC positifs ¹, 2o la sia-
ladénite lymphocytaire associée au VHC est péricapillaire
et sans destruction des canaux glandulaires contrairement
au syndrome de Gougerot-Sjögren dans lequel elle est pé-
ricanalaire et destructrice, 3o le syndrome de Gougerot-
Sjögren est exceptionnellement associé à l’infection par
le VHC, et 4o le syndrome sec ne s’améliore pas sous
traitement antiviral.
Manifestations peut-être liées à l’infection par le VHC

Coll. D. Bessis
Lymphomes non hodgkiniens (LNH) Tout comme pour le
syndrome sec et le lichen plan (cf. infra), il existe une grande
discordance de résultats selon les études, le lien épidémiolo-
gique entre LNH et VHC ayant principalement été avancé Fig. 80.5 Papules excoriées du tronc et des membres supérieurs
par les auteurs italiens ²⁵. Cela n’est pas confirmé en France témoignant de lésions de grattage compliquant un prurit sévère au cours
puisque la prévalence des anticorps anti-VHC chez les ma- d’une hépatite virale C
lades ayant un LNH est de 2 à 4 % et donc non significati-
vement différente par rapport aux groupes témoins ⁴³. Il que certaines PAN cutanées puissent être une expression
s’agit de proliférations lymphocytaires B qui pourraient d’une CM associée au VHC.
être une conséquence de l’expansion clonale B décrite au Vasculite urticarienne D’authentiques vasculites urtica-
cours des cryoglobulinémies mixtes ³¹. Les localisations ex- riennes parfois hypocomplémentémiques ont été décrites
traganglionnaires (foie, parotide, estomac, cerveau, rate) en association à l’HVC ³. Elles peuvent être révélatrices de
sont fréquentes tandis que l’atteinte cutanée est beaucoup l’infection ⁴⁷.
plus rare ⁴⁴. Prurit Outre le fait qu’il puisse être révélateur de l’HVC ⁴⁸,
Vasculites systémiques Dans l’étude prospective de Cacoub le prurit peut constituer la principale manifestation de l’hé-
portant sur 1 614 malades, les vasculites non cryoglobuli- patopathie. Il s’observe dans approximativement 15 % des
némiques étaient trouvées dans 1 % des cas ²⁹. cas d’HVC chronique et n’est corrélé ni à une cholestase bio-
PAN systémique et cutanée La prévalence des anticorps logique ni au traitement antiviral ²⁸. Dans 70 % des obser-
anti-VHC chez les malades ayant une PAN varie de 5 à vations, on note des lésions peu spécifiques associées à un
12 % ²⁸. En présence d’une vasculite systémique, les cri- type de lésions eczématiformes, de xérose ou de prurigo ⁴⁹
tères suivants permettent de distinguer une vasculite par (fig. 80.5). Il s’agit d’un symptôme qui requiert toute notre
CM d’une PAN associée au VHC ⁴⁵ : franche altération de attention car il peut être très invalidant et entraîner un syn-
l’état général avec fièvre et amaigrissement, mononeuropa- drome dépressif réactionnel ⁵⁰. En dehors des soins locaux
thie sensitivomotrice multifocale sévère, HTA maligne, an- (émollients) qui doivent toujours être proposés ainsi que
géite cérébrale, douleurs abdominales ischémiques, micro- des chélateurs des sels biliaires et des antihistaminiques
anévrysmes hépatiques ou rénaux, syndrome inflamma- très souvent prescrits sans grande efficacité, on peut avoir
toire et insuffisance rénale. L’atteinte histologique est éga- recours à la photothérapie UVB ⁵¹, voire à des systèmes
lement différente puisqu’il s’agit, dans la PAN, d’une vas- d’épuration extrahépatique dans les cas les plus sévères ⁵⁰.
culite nécrosante des artères de moyen calibre et non des Lichen Contrairement à Cacoub qui classe le lichen dans
petits vaisseaux (veinules, capillaires et artérioles). les manifestations dont l’association à l’infection par le
Dans l’étude de Cacoub, une rémission complète a été obte- VHC paraît fortuite (cf. infra), nous pensons qu’en dépit
nue dans 68 % des cas avec une bithérapie antivirale (IFN- des incertitudes qui pèsent encore sur le sujet, le lichen a
ribavirine) prolongée (18 à 24 mois), précédée d’une cortico- peut-être plus sa place dans ce sous-chapitre.
thérapie (1 mois) associée à des échanges plasmatiques ⁴⁵. La fréquence accrue des hépatopathies chroniques chez les
La PAN cutanée paraît plus fréquemment associée à l’HVC ⁴⁶ malades ayant un lichen est débattue depuis le début des
qu’à l’HVB ¹². Dans une étude rétrospective, Soufir et al. années 1980 ⁴¹. Les très nombreuses publications contra-
trouvent 5 malades VHC positifs sur 16 présentant une dictoires concernant l’association lichen-HVC publiées de-
PAN cutanée ⁴⁶. Dans tous les cas, la contamination par puis 1992 n’ont fait qu’alimenter la controverse. Dans une
le VHC a précédé la survenue de la PAN. Trois cas sur 5 revue très complète, Carrozzo et Gandolfo colligent ainsi
avaient une CM et les auteurs concluaient sur la possibilité pas moins de 33 études émanant de 11 pays et totalisant

 CM cryoglobulinémies mixtes · HTA hypertension artérielle · HVB hépatites virales B · HVC hépatites virales C · IFN interféron · LNH lymphomes non hodgkiniens · PAN périartérite noueuse
· VHC virus de l’hépatite C
80-6 Foie et voies biliaires

2 177 malades. Trois autres études totalisant 144 malades Manifestations liées ou associées au traitement antivi-
méritent également d’être répertoriées ⁵²-⁵⁴. ral Dans pratiquement toutes les observations, c’est l’in-
La prévalence des anticorps anti-VHC chez les sujets pré- terféron (IFN), seul ou en association à la ribavirine, qui
sentant un lichen est extrêmement variable en fonction est impliqué. La ribavirine seule a cependant été incrimi-
des pays et d’une étude à l’autre pour un même pays : 0 à née dans la survenue d’éruption maculopapuleuse ⁵⁸ et de
55 % aux États-Unis, 0 pour la Grande-Bretagne, les Pays- réaction photoallergique ⁵⁹.
Bas et le Népal ⁵², 3,8 % dans l’Est de la France (2,6 % pour Sarcoïdose Depuis 1987, date à laquelle a été rapportée
le groupe contrôle), 9 à 44 % en Espagne ⁵⁴, 9 à 35 % en la première observation de sarcoïdose survenue après trai-
Italie, 16 % au Nigeria ⁵³, 21 % en Égypte et jusque 62 % au tement par IFN, une cinquantaine d’observations ont été
Japon. On retrouve ici le gradient Nord-Sud de prévalence publiées dont une quarantaine dans le cadre du traitement
de l’HVC et l’on peut conclure de ces études que l’associa- d’une HVC chronique ⁶⁰,⁶¹. L’atteinte cutanée, souvent à
tion lichen-HVC est dépendante de l’origine géographique l’origine du diagnostic, est notée dans la moitié des cas,
des malades et qu’elle doit être systématiquement cherchée isolée ou associée à des manifestations systémiques. Le dé-
dans les pays d’Europe du Sud, en Afrique et au Japon, sur- lai d’apparition varie de 15 jours à 30 mois (3 à 4 mois
tout s’il s’agit d’un lichen buccal érosif (fig. 80.6) ⁴¹,⁵⁴. Cette en moyenne) et la régression spontanée des lésions en
hétérogénéité géographique pourrait s’expliquer en partie quelques mois est observée dans la plupart des cas, sans
du fait de différences génétiques des populations étudiées. que l’IFN soit nécessairement arrêté ou diminué.
L’allèle HLA-DR6 est ainsi significativement trouvé chez Divers Mises à part les réactions locales aux points d’in-
les malades italiens présentant l’association lichen buccal- jection à type d’inflammation ⁶², de réactions bulleuses ou
HVC ⁴¹. L’analyse des données expérimentales fait suggérer de vasculite, diverses manifestations ont été décrites : ré-
que le VHC est impliqué dans la pathogénie du lichen via actions eczématiformes à prédominance acrale ⁶² ou num-
l’induction locale d’une réponse immune spécifique ⁴¹. La mulaires ⁶³, hyperpigmentation cutanéomuqueuse ⁶⁴, éry-
détection du génome viral dans les lésions qui constitue- thème facial, hypertrichose ⁶⁵, modifications des cheveux ⁶⁶,
rait un argument de poids en faveur de l’association n’a aggravation ou déclenchement de psoriasis, de lichen, de vi-
néanmoins jamais été rapportée. tiligo ou de lupus érythémateux ⁶⁷, et aggravation d’une vas-
Manifestations dont l’association à l’infection par le li- culite systémique liée à une CM par l’interféron pégylé ³³.
chen paraît fortuite Ce sous-chapitre concerne toute Ces effets secondaires peuvent entraîner l’arrêt du traite-
une série de manifestations qui n’ont été décrites que sous ment, comme cela a été le cas pour la moitié des malades
forme de cas cliniques isolés et dont le caractère anecdo- de la série de Dereure ⁶², mais sont en général résolutifs en
tique n’est pas discuté. Nous ne ferons donc que les citer et quelques mois à l’arrêt du traitement.
n’en référencerons que quelques-unes. Pour les autres, nous
renvoyons les lecteurs aux revues générales ²,³,²⁶,²⁷ : urti-
caire chronique ⁵⁵, syndrome des doigts rouges ⁵⁶, malako- Insuffisance hépatique et cirrhoses
plakie, érythème polymorphe, érythème noueux, maladie
de Behçet, pyoderma gangrenosum, syndrome de Sweet ⁵⁷, Les manifestations cutanées pouvant être observées en
érythème nécrolytique acral (syndrome du pseudoglucago- cas d’insuffisance hépatique, quelle que soit son étiologie,
nome), maladie de Still, panniculite lobulaire... sont bien connues et particulièrement fréquentes dans la
cirrhose éthylique ⁶⁸ :
− les angiomes stellaires et les télangiectasies sont fré-
quents et prédominent sur le visage et la partie supé-
rieure du tronc (fig. 80.7) ;
− l’érythème palmaire (fig. 80.8) ;
− les modifications d’origine endocrinienne liées à une
hyperœstrogénie relative avec atrophie testiculaire : la
peau est fine et dépilée et une gynécomastie peut appa-
raître ;
− la circulation veineuse collatérale abdominale due à l’hy-
pertension portale (fig. 80.9) ;
− le prurit et l’ictère en rapport avec la présence de sels
biliaires dans la peau du fait de la cholestase intra- ou ex-
trahépatique. Le prurit, noté dans 40 à 50 % des cas est
d’intensité variable selon les étiologies (cf. infra). Il n’est
pas corrélé aux taux plasmatiques des sels biliaires ;
Coll. D. Bessis

− l’hyperpigmentation, diffuse ou localisée, n’est pas de


mécanisme univoque. Hypermélaninose et/ou hyper-
sidérémie sont diversement associées en fonction des
Fig. 80.6 Lichen érosif de la face interne de joue au cours d’une hépatite étiologies ;
virale C chronique active − l’hippocratisme digital et la leuconychie totale ou signe

 CM cryoglobulinémies mixtes · HVC hépatites virales C · IFN interféron · VHC virus de l’hépatite C
Insuffisance hépatique et cirrhoses 80-7

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 80.9 Circulation collatérale veineuse abdominale au cours d’une


Fig. 80.7 Angiomes stellaires du cou et du thorax au cours d’une hypertension portale compliquant une cirrhose éthylique
cirrhose éthylique
le déficit en alpha-1-antitrypsine est traité dans le chapitre
des ongles blancs de Terry (fig. 80.10) due à un épaissis- des affections pancréatiques).
sement des tissus du lit unguéal.
En dehors de ces signes communs qui ne sont pas toujours Cirrhose éthylique
présents, certaines manifestations s’observent plus parti- La liste des signes cliniques en relation avec l’éthylisme
culièrement selon qu’il s’agit d’une cirrhose éthylique (prin- chronique est impressionnante ⁶⁸ et nous n’en détaillerons
cipale cause en France), biliaire (cirrhose biliaire primitive) que quelques-uns.
ou métabolique (hémochromatose et maladie de Wilson — Syndromes carentiels Les multiples carences (vitamines,
protéines, acides gras essentiels, oligoéléments...) sélec-
tives ou plus souvent combinées sont fréquentes chez l’éthy-
lique chronique. Les manifestations cutanéomuqueuses
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 80.8 Érythème palmaire prédominant sur les éminences thénar et Fig. 80.10 Leuconychie totale (ongles blancs de Terry) au cours d’une
hypothénar au cours d’une cirrhose éthylique cirrhose éthylique
80-8 Foie et voies biliaires

sont très variées, évocatrices dans certains cas mais par-


fois trompeuses. La glossite et la chéilite sont communes
à plusieurs déficits mais il existe en général une manifesta-
tion dominante qui permet d’orienter le diagnostic :
− éruption photodistribuée dans la pellagre (déficit en vi-
tamine PP) dont le tableau peut se compléter de signes

Coll. clinique de Dermatologie, CHRU Lille


digestifs (diarrhée, épigastralgies) et de façon plus tar-
dive de manifestations psychiques (apathie, démence) ;
− hyperkératose folliculaire dans les déficits en vita-
mines A et C. Dans la carence en rétinol, l’hyperkératose
folliculaire des faces d’extension des membres et des
extrémités, ainsi que la xérose généralisée sont évoca-
trices mais moins spécifiques et précoces que l’atteinte
ophtalmologique (baisse de la vision crépusculaire et
xérophtalmie). Dans le scorbut, l’hyperkératose folli- Fig. 80.11 Érythème eczématiforme de l’épaule et du bras au cours d’un
culaire du tronc, des fesses et des membres s’associe érythème nécrolytique migrateur associé à un déficit en zinc
à un purpura pétéchial périfolliculaire avec poils en
« tire-bouchon » ⁶⁹. L’existence d’une gingivite hypertro- fantes ») et la partie supérieure du tronc. Des localisations
phique hémorragique est également un signe très évo- linguales ont également été décrites. Le préjudice esthé-
cateur. Les complications hémorragiques, avec en par- tique ainsi que la gêne vestimentaire sont souvent majeurs.
ticulier les placards ecchymotiques, surviennent plus Il faut également mentionner la possibilité de complica-
tardivement dans un contexte d’asthénie, d’arthralgies tions à type de compressions cervicales, médiastinales ou
et de myalgies ; rachidiennes, et de syndrome d’apnée du sommeil. Le trai-
− dermite d’aspect séborrhéique et/ou dermite eczéma- tement repose sur les liposuccions ou l’exérèse chirurgicale
tiforme avec atteinte périorificielle dans les carences chez un patient sevré et sans trouble de la coagulation car le
en vitamines du groupe B, en zinc et/ou en acides gras risque de complications vasculaires est important surtout
essentiels. Dans les déficits en zinc, on observe des lé- avec les liposuccions.
sions érythématosquameuses péribuccales, palpébrales, Psoriasis Bien qu’il n’y ait pas vraiment de consensus
périnarinaires, génitales et péri-anales où l’évolution sur la question, de nombreuses études font état d’une plus
est souvent érosive avec extension à la face interne grande prévalence de buveurs excessifs d’alcool chez les
des cuisses et à la région sacrofessière. Des placards malades psoriasiques ⁷¹, ce qui est très largement confirmé
eczématiformes ou psoriasiformes des membres sont par notre expérience à Lille. Cela se traduit par une aggrava-
parfois associés. Dans les formes sévères, un tableau tion et une pérennisation du psoriasis, ainsi qu’une nette
d’érythème nécrolytique migrateur (syndrome du pseu- résistance aux traitements locaux bien conduits (dans le
doglucagonome, cf. infra) peut être noté (fig. 80.11) ⁷⁰. cadre d’une hospitalisation). À l’inverse, des améliorations
Les manifestations muqueuses (stomatite, glossite, per- franches s’observent en période d’abstinence, en l’absence
lèche, conjonctivite parfois) sont très fréquentes et de tout traitement. Le rôle de l’alcool et celui du tabac dont
d’un grand intérêt diagnostique dans les formes mi- la consommation importante est souvent associée, ne sont
neures où les lésions sont plus discrètes à type d’eczéma pas connus ⁷².
craquelé (fig. 80.12) ou d’intertrigo des régions génitales.
Les carences en acides gras essentiels sont rarement
isolées. Le tableau clinique est peu spécifique et évoque
volontiers une dermite microbienne ou séborrhéique
avec des lésions érythématosquameuses des grands plis,
du visage, du cuir chevelu, voire généralisées. La peau
est sèche, atrophique et des aspects ichtyosiformes ou
d’eczéma craquelé, du purpura par fragilité capillaire
peuvent être notés. Les atteintes péri-orificielles sont
Coll. clinique de Dermatologie, CHRU Lille

parfois présentes et soulèvent la question du diagnos-


tic différentiel et/ou de l’association possible avec une
carence en zinc.
Lipomatose de Launois-Bensaude Bien que le rôle de l’al-
cool ne soit pas exclusif et demeure mal compris, cette lipo-
matose multiple symétrique est très fréquemment associée
à l’intoxication alcoolique. Il s’agit de volumineuses masses
adipeuses siégeant préférentiellement dans la région cer-
vicale postérieure (bosse de bison) (fig. 80.13), les creux sus- Fig. 80.12 Lésions d’eczéma craquelé de la face antérieure du tronc au
claviculaires, la racine des bras (aspect en « manches bouf- cours d’un déficit acquis en zinc
Insuffisance hépatique et cirrhoses 80-9

« cirrhose bronzée avec diabète » ne s’observe plus que dans


moins de 10 % des cas au moment du diagnostic, en rai-
son des dépistages systématiques des parents des malades.
Peuvent s’observer de façon très diversement associée du
fait d’une faible expressivité : asthénie (70 %), cirrhose, ar-
thropathies multiples (chondrocalcinose ou arthropathie
sous-chondrale), diabète insulinodépendant, insuffisance
gonadohypophysaire, cardiomyopathie non obstructive et
mélanodermie. Cette dernière est observée tardivement
mais son aspect gris verdâtre avec accentuation sur les
zones photo-exposées, les cicatrices, les organes génitaux
et les muqueuses est très évocateur. Elle résulte d’une sti-
mulation de la mélanogenèse par l’hémosidérine. À ce stade,
les signes cutanés d’insuffisance hépatocellulaire sont éga-
lement observés et il existe parfois une koïlonychie.
L’augmentation du coefficient de saturation de la trans-
ferrine supérieur à 45 % est le test biologique le plus sen-
sible car il reflète l’hyperabsorption digestive. Il n’est tou-
tefois pas spécifique car il est élevé dans d’autres causes
de surcharge en fer comme la cirrhose alcoolique, l’HVC
chronique et la PCT au cours de laquelle la fréquence des
mutations du gène HFE est élevée ⁷⁶.
Le traitement repose sur la déplétion ferrique par saignées
itératives et poursuivies à vie de façon à maintenir la ferriti-
némie en dessous de 50 mg/ml ⁷³, et bien sûr, l’éviction de
l’alcool ⁷⁴. L’avenir est probablement à l’utilisation de nou-
velles molécules chélatrices ou de transporteurs spécifiques
du fer comme la ferroportine ⁷⁷. Le risque de carcinome hé-
patique justifie une surveillance régulière ⁷⁸.
Coll. D. Bessis

Maladie de Wilson
La maladie de Wilson ou dégénérescence hépatolenticulaire
est une maladie génétique autosomique récessive provo-
Fig. 80.13 Lipomatose de Launois-Bensaude au cours d’une intoxication quée par une accumulation de cuivre dans l’organisme résul-
alcoolique chronique : volumineuses masses adipeuses de la région tant d’une anomalie des protéines transporteuses, ATP7A
cervicale postérieure et de la partie supérieure du tronc et ATP7B. Les mutations des gènes codant ces deux AT-
Pases de type P ont été identifiées ⁷⁹.
Hémochromatose héréditaire S’il était classiquement admis qu’il fallait évoquer la mala-
Il s’agit d’une maladie autosomique récessive dont la préva- die de Wilson chez des sujets de moins de 30 ans, on sait
lence en France est de 1/300 ce qui en fait la plus fréquente désormais qu’elle peut se révéler tardivement, chez des su-
des maladies génétiques. Elle résulte d’une hyperabsorp- jets de plus de 60 ans. Les principaux signes cliniques sont
tion du fer alimentaire qui entraîne une surcharge ferrique neurologiques et hépatiques ⁸⁰. Les signes d’insuffisance
des organes : foie, pancréas, cœur, glandes endocrines, ar- hépatocellulaire peuvent être révélateurs ⁸¹. Les troubles
ticulations et peau ⁷³. La découverte en 1996 du gène HFE de la pigmentation peuvent être marqués mais sont tardifs
(H pour hémochromatose et FE pour fer), situé sur le bras et ne s’observent plus guère : hyperpigmentation brunâtre
court du chromosome 6 et de sa mutation C282Y trou- prédominant à la face antérieure des jambes liée à un dé-
vée à l’état homozygote chez 80 à 96 % des malades nord- pôt de mélanine le long de la jonction dermo-épidermique,
européens ⁷⁴, a transformé la prise en charge diagnostique coloration bleutée des lunules par dépôt de cuivre dans les
de l’hémochromatose héréditaire qui reposait initialement ongles. L’anneau vert péricornéen de Kayser-Fleischer, pa-
sur des critères phénotypiques clinico-bio-histologiques thognomonique mais inconstant (80 % des cas), est révélé
parfois pris en défaut. À côté de la forme HFE 1 corres- par l’examen à lampe à fente. Les marqueurs biologiques
pondant à la mutation C282Y, cinq autres entités ont été sont la baisse de céruloplasminémie < 0,2 g/l et l’augmen-
individualisées ⁷⁵ et l’on parle désormais des « hémochro- tation de la cuprurie, présentes respectivement dans 80 %
matoses génétiques ». et 85 %. Il faut noter que dans 10 % des cas manquent l’an-
L’affection s’exprime généralement entre 30 et 40 ans chez neau de Kayser-Fleischer et ces deux stigmates biologiques.
l’homme et plus tardivement chez la femme, relativement La D-pénicillinamine, chélateur du cuivre et traitement his-
protégée par la déplétion ferrique due aux règles et aux torique de la maladie de Wilson, est progressivement rem-
grossesses. La maladie évoluée qui était décrite comme une placée par le zinc, la trientine et le tétrathiomolybdate ⁷⁷.

 HVC hépatites virales C · PCT porphyrie cutanée tardive


80-10 Foie et voies biliaires

deux symptômes qui doivent faire évoquer le diagnostic


chez une femme entre quarante et cinquante ans ⁸²,⁸³. Ils
précèdent parfois de plusieurs mois l’ictère par cholestase
intrahépatique. Les autres signes cutanés sont la méla-
nodermie (fig. 80.14) qui prédomine sur les zones photo-
exposées et les xanthomes plans ou tubéreux et/ou xan-
thélasma liés à l’hypercholestérolémie secondaire à la cho-

Coll. Pr J. Chevrant-Breton, Rennes


lestase ⁸⁴.
La présence d’anticorps antimitochondries dans 90 % des
cas et particulièrement des anti-M2 considérés comme les
plus spécifiques, ainsi que l’association fréquente à d’autres
maladies auto-immunes (sclérodermie, vitiligo, lichen plan,
pemphigoïde, syndrome de Gougerot-Sjögren...) sont au-
tant d’arguments en faveur de l’origine auto-immune de
Fig. 80.14 Pigmentation des mains au cours d’une hémochromatose la cirrhose biliaire primitive ⁸⁴,⁸⁵. Le pronostic est condi-
tionné par l’évolution inexorable vers la cirrhose mais aussi
Cirrhose biliaire primitive les maladies associées, notamment la sclérodermie ⁸⁵,⁸⁶. La
Cette maladie est due à la destruction progressive des ca- cholestyramine et l’acide ursodésoxycholique, chélateurs
naux biliaires portaux de petit et moyen calibre par un des sels biliaires, sont les principaux traitements du prurit.
processus inflammatoire chronique. La puvathérapie, la rifampicine ⁸³ et les plasmaphérèses
L’asthénie et le prurit, important et permanent, sont les ont également été proposées.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Delaporte E, Piette F. Foie et voies biliaires. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations
dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 80.1-80.12.
81
Pancréas
Emmanuel Delaporte, Frédéric Piette

Pancréatites 81-1 Érythème nécrolytique migrateur, syndromes du glucagonome


Panniculite pancréatique 81-1 et du pseudoglucagonome 81-4
Hémorragies sous-cutanées 81-2 Syndrome carcinoïde 81-8
Livedo réticulaire 81-3 Syndrome de Cushing 81-8
Carcinomes pancréatiques 81-3 Métastases cutanées 81-8
Panniculite pancréatique 81-3 Manifestations non spécifiques 81-8
Syndromes paranéoplasiques 81-3 Références 81-8
Métastases cutanées 81-4
Tumeurs pancréatiques endocrines 81-4

Pancréatites 2 à 8 semaines et laissent une cicatrice pigmentée parfois


déprimée (fig. 81.1) ².
Panniculite pancréatique Les poussées de panniculite qui surviennent dans un
Encore appelée cytostéatonécrose d’origine pancréatique contexte d’altération de l’état général s’accompagnent sou-
ou adiponécrose cutanée nodulaire (le terme « maladie de vent de fièvre et d’arthralgies (mono-, oligo- ou polyar-
Weber-Christian d’origine pancréatique » doit être aban- thrite). Des atteintes osseuses (cytostéatonécrose médul-
donné ¹), cette panniculite décrite en 1883 par Chiari est laire en particulier des os des doigts, du carpe ou des pieds
due à la libération dans la circulation d’enzymes pancréa- entraînant d’importantes douleurs, nécroses aseptiques
tiques, en particulier de lipase, qui détruisent le tissu grais- des têtes fémorales), des nécroses adipeuses de la sous-
seux. La trypsine a également une part de responsabilité muqueuse intestinale, des thromboses vasculaires, des
en altérant la perméabilité des vaisseaux cutanés, ce qui épanchements séreux sont également possibles.
pourrait expliquer la localisation préférentielle des lésions Examens paracliniques Le bilan biologique permet de
dans les zones de pression et de stase. La rareté de l’affec- suspecter l’origine pancréatique de cette panniculite. Il
tion dans les pancréatites aiguës sévères, sa survenue lors existe un syndrome inflammatoire lors des poussées, une
d’affections pancréatiques à lipasémie normale montrent
cependant que le mécanisme exact de l’atteinte cutanée
n’est pas totalement élucidé ¹.
Manifestations cliniques La panniculite pancréatique
touche avec prédilection l’homme entre 50 et 70 ans et n’est
constatée que chez 2 à 3 % des malades atteints d’affection
pancréatique. Les lésions cutanées sont des nodules éry-
thémateux profondément enchâssés dans la peau, de 1 à
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3 cm de diamètre, siégeant le plus souvent sur les membres


inférieurs et plus particulièrement dans les régions péri-
articulaires. Des atteintes disséminées touchant parfois
le visage sont possibles. On peut observer également des
plaques inflammatoires localisées aux extrémités ou aux
points de pression, en particulier les fesses. Ces éléments
qui dans 40 % des cas précèdent les manifestations pan-
créatiques de quelques semaines ou mois sont habituelle-
ment très douloureux et peuvent se fistuliser avec émis- Fig. 81.1 Nodules érythémateux profonds et fistulisés mammaires au
sion d’un liquide brun jaunâtre huileux. Ils évoluent sur cours d’une panniculite pancréatique
81-2 Pancréas

hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et de fa- niculite au cours de laquelle c’est un cancer hépatique pri-
çon inconstante une éosinophilie. Celle-ci est considérée mitif qui a été diagnostiqué ⁶. L’hypothèse d’un processus
comme très évocatrice. Dans 90 % des cas, les taux sanguins inflammatoire réactionnel et/ou d’une compression pan-
de lipase et/ou d’amylase sont élevés (de manière souvent créatique ayant entraîné une libération massive d’enzymes
dissociée) et leur excrétion urinaire (lipasurie et amylasu- a été avancée.
rie) est augmentée. Le dosage de l’alpha-1-antitrypsine est Diagnostic différentiel Le principal diagnostic différen-
normal. tiel de la panniculite pancréatique est la panniculite par
Faite au bistouri, la biopsie large et profonde d’une lésion déficit en alpha-1-antitrypsine ⁷. C’est l’un des déficits hé-
nodulaire récente montre des foyers de nécrose des cellules réditaires les plus fréquents. La symptomatologie clinique
graisseuses dont il persiste des fragments de membrane est variable selon les phénotypes homozygotes et hétéro-
épaissie avec parfois des microcalcifications précoces. C’est zygotes qui ont été décrits dans cette affection. Dans les
l’image caractéristique des cellules « fantômes ». En bordure formes sévères de phénotype homozygote Pi (protease inhi-
des foyers de nécrose graisseuse, l’infiltrat inflammatoire bitor) ZZ ⁸, ce sont les atteintes pulmonaires, avec un em-
neutrophilique initial devient secondairement granuloma- physème panlobulaire débutant précocement et aggravé
teux avec lipophagie et évolution finale vers la fibrose. par le tabac, et hépatiques avec hépatopathie chronique
Étiologies et pronostic L’atteinte pancréatique associée évoluant vers la cirrhose, qui dominent le tableau. C’est
est variable. Dans près de deux tiers des cas, il s’agit d’une également dans ces formes que s’observent la plupart des
pancréatite aiguë ou chronique dont les étiologies sont mul- panniculites dont l’intérêt est qu’elles peuvent être révéla-
tiples : lithiase biliaire, traumatisme abdominal, ischémie, trices du déficit ⁹.
médicaments ³, pancréas divisum, tumeur intracanalaire Les lésions siègent préférentiellement sur le tronc et les
papillaire et mucineuse ⁴, primo-infection par le VIH avec parties proximales des membres. L’association à une fièvre
syndrome hémophagocytaire mais surtout éthylisme chro- et à des douleurs articulaires n’est pas rare et les nodules
nique noté chez plus de 60 % des malades. Au cours de inflammatoires évoluent classiquement vers l’ulcération.
ces pancréatites qui peuvent évoluer sans douleurs abdo- L’image histologique est celle d’une panniculite lobulaire
minales et se compliquer de pseudokystes et/ou de fistules aiguë avec infiltration massive de neutrophiles, évoluant
(habituellement pancréatico-portales ⁵ et plus rarement vers la nécrose.
pancréatico-pleurales), les nodules de cytostéatonécrose Le diagnostic repose sur le dosage du taux sérique d’alpha-1-
sont en règle peu nombreux, généralement moins d’une antitrypsine qui peut toutefois être normal dans les déficits
dizaine ². L’existence d’une panniculite au cours d’une pan- qualitatifs qui requièrent alors l’identification de la muta-
créatite est considérée comme un facteur de mauvais pro- tion du gène SERPINA1 codant par l’alpha-1-antitrypsine.
nostic et la mortalité survient dans plus de 40 % des cas. La disulone constitue le traitement de première intention
Lorsqu’un traitement chirurgical étiologique est possible, à la dose de 100 mg/jour pendant 1 à 3 mois. Les cyclines
une guérison cutanée est souvent constatée. Sur le plan à raison de 200 mg/jour peuvent également être efficaces.
symptomatique, on peut proposer des AINS. Néanmoins, les formes sévères peuvent justifier la prescrip-
Dans 30 % des cas de panniculite, l’affection pancréatique tion d’alpha-1-antitrypsine purifié d’origine humaine ⁹ ou
associée est un cancer. De façon beaucoup plus rare, la pa- recombinante.
thologie pancréatique associée peut être un pseudokyste
post-traumatique. Enfin, dans certains cas, aucune patho- Hémorragies sous-cutanées
logie pancréatique n’est découverte. Cette situation est ce- Elles s’observent dans 1 à 3 % des pancréatites aiguës et
pendant exceptionnelle tout comme celle rapportée de pan- sont la traduction de la diffusion selon des trajets anato-
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Fig. 81.2 Signe de Grey Turner : placard ecchymotique du flanc au cours Fig. 81.3 Signe de Cullen : placard ecchymotique péri- et sous-ombilical
d’une pancréatite aiguë au cours d’une pancréatite aiguë

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens


Carcinomes pancréatiques 81-3

miques de l’hémorragie par nécrose du pancréas ¹⁰. La dif- ratum repens, signe de Leser-Trélat. Pour chacune de ces
fusion à partir de l’espace rétropéritonéal vers les muscles dermatoses, même s’il y a des associations préférentielles,
de la paroi abdominale latérale se manifeste par une ec- les néoplasies sous-jacentes sont très diversifiées et la pro-
chymose des flancs appelée signe de Grey Turner (fig. 81.2). babilité qu’il puisse s’agir d’une tumeur pancréatique est
L’ecchymose peut être également péri-ombilicale (signe de extrêmement faible. À l’inverse, deux autres syndromes pa-
Cullen) lorsque la diffusion s’est faite le long du ligament ranéoplasiques imposent la recherche d’une néoplasie du
rond vers l’ombilic (fig. 81.3). Ces deux signes sont parfois as- pancréas : les thrombophlébites superficielles migratrices
sociés chez un même malade. Ils sont exceptionnellement et le syndrome « fasciite palmaire-polyarthralgies ». Il faut
inauguraux et apparaissent après 2 à 3 jours d’évolution de signaler également la nécessité de chercher ce type de néo-
la pancréatite. Ils sont considérés comme un marqueur de plasme profond dans certaines familles atteintes de syn-
gravité avec une mortalité de l’ordre de 40 %. drome du nævus atypique et présentant une mutation du
Il est à signaler que le signe de Cullen n’est pas spécifique. gène CDKN2A ¹⁴.
Il a été décrit initialement au cours d’une rupture de gros- Thrombophlébites superficielles migratrices De phy-
sesse extra-utérine. Depuis, on l’a rapporté dans de nom- siopathologie multifactorielle (l’une des hypothèses avan-
breuses circonstances : carcinome hépatique, abcès hépa- cées est celle d’une relation possible entre l’état d’hyper-
tique, après biopsie hépatique, rupture d’anévrisme aor- coagulabilité et l’hypoxie tumorale ¹⁵), elles intéressent
tique, perforation d’ulcère duodénal... un court segment de veine superficielle, le plus souvent
des membres inférieurs, sans pathologie variqueuse asso-
Livedo réticulaire ciée. La localisation au dos du pied est caractéristique. Les
L’existence d’un livedo réticulaire asymptomatique latéro- membres supérieurs peuvent être intéressés ainsi que plus
thoracique et/ou de l’abdomen et des cuisses associé à une exceptionnellement la nuque et les parois thoracique et ab-
pancréatite aiguë est un fait exceptionnellement rapporté. dominale. L’atteinte unique ou d’emblée multiple est à type
Désigné sous le terme de « signe de Walzel », ce livedo qui est de nodules cutanés inflammatoires cylindriques centrés
parfois unilatéral a été également remarqué dans les 24 à sur la veine ou de cordon induré douloureux de quelques
48 heures précédant des poussées de pancréatite chronique centimètres de longueur. La régression spontanée s’effec-
éthylique ¹¹. tue en 2 à 3 semaines. Très rarement associée à une phlébite
profonde, l’affection qui est accompagnée de pics fébriles
Carcinomes pancréatiques évolue par poussées et peut être révélatrice ou le prélude
d’un trouble de l’hémostase, d’une maladie de système (ma-
Panniculite pancréatique ladie de Behçet ou de Buerger) ou surtout d’une néopla-
Les carcinomes pancréatiques peuvent se compliquer d’une sie ¹⁶. Ces thrombophlébites superficielles migratrices et
panniculite. La tumeur est un adénocarcinome canalaire ou paranéoplasiques, désignées sous le terme de syndrome de
beaucoup plus souvent un carcinome à cellules acineuses. Trousseau, sont avant tout en relation avec un carcinome
Bien que ce dernier type tumoral ne représente que 10 % pancréatique (30 % des cas), gastrique ou pulmonaire, plus
de l’ensemble des carcinomes pancréatiques, il est en effet rarement colique ou génital et peuvent précéder l’appari-
en cause dans plus de 80 % des cas de panniculite asso- tion de la tumeur de plusieurs mois ou années. Cela jus-
ciée au cancer. Celle-ci peut être révélatrice et son expres- tifie le suivi régulier des thrombophlébites superficielles
sion est souvent diffuse, extensive, volontiers à évolution dites idiopathiques en particulier chez les sujets de plus de
fistulisante. Les manifestations articulaires et à un degré 40 ans.
moindre osseuses y sont fréquentes. Sur le plan biologique, Syndrome « fasciite palmaire-polyarthralgies » Il touche
on relève habituellement une forte élévation de la lipasé- de façon symétrique les paumes et les doigts où après
mie alors que les taux d’amylase sont normaux. La tumeur une phase érythémato-œdémateuse douloureuse s’installe
parfois difficilement repérable à l’examen tomodensitomé- une rétraction de l’aponévrose palmaire conduisant à une
trique du fait de sa petite taille est déjà souvent métasta- flexion irréductible des doigts en griffe (fig. 81.4). Une fas-
sée au moment de l’apparition des signes cutanés ¹². De ce ciite plantaire est également possible. Une cyanose, une hy-
fait, le pronostic est constamment péjoratif avec une sur- persudation peuvent être notées mais il n’y a jamais de phé-
vie moyenne de six mois. Outre les adénocarcinomes et les nomène de Raynaud. Sur le plan histologique, il existe une
carcinomes à cellules acineuses, il existe dans la littérature prolifération fibroblastique du derme et du fascia associée
quelques observations de panniculite associée à un carci- à un infiltrat inflammatoire périvasculaire modéré ¹⁷. Les
nome neuro-endocrine pancréatique non fonctionnel ¹³ ou arthrites atteignent surtout les métacarpophalangiennes
de type insulinome, dans tous les cas au stade métastatique et les genoux et une capsulite rétractile de l’épaule bilaté-
lors du diagnostic. rale est souvent inaugurale. Dans près de 50 % des cas, ce
syndrome révèle un carcinome ovarien généralement au
Syndromes paranéoplasiques stade métastatique. Parmi les autres néoplasies possibles,
Dermatoses paranéoplasiques exceptionnellement asso- les carcinomes pancréatiques et pulmonaires paraissent les
ciées Les carcinomes pancréatiques peuvent être respon- plus fréquents et doivent être cherchés en priorité. Notons
sables de dermatoses paranéoplasiques variées : acanthosis enfin qu’un autre type d’atteinte des mains a été rapporté
nigricans, hypertrichose lanugineuse acquise, erythema gy- en association à un carcinome pancréatique. Il s’agit d’un
81-4 Pancréas

tableau d’œdème induré touchant initialement la paume Tumeurs pancréatiques endocrines


et le dos d’une seule main. Il a été considéré comme une
variante de l’exceptionnel syndrome « fasciite-panniculite Érythème nécrolytique migrateur, syndromes du glucagonome et
associée au cancer » ¹⁸.
du pseudoglucagonome
Métastases cutanées Tumeur endocrine le plus souvent maligne du pancréas dé-
Les métastases des carcinomes pancréatiques sont habi- veloppée aux dépens des îlots alpha de Langerhans, le gluca-
tuellement ganglionnaires, hépatiques, péritonéales mais gonome se manifeste sur le plan cutanéomuqueux par une
rarement cutanées et, sur le plan histologique, la tumeur éruption très caractéristique que Wilkinson en 1973 a pro-
primitive est un adénocarcinome. Ainsi, dans l’étude ré- posé d’appeler « érythème nécrolytique migrateur » (ENM).
trospective portant sur plus de 4 000 patients atteints de Trente ans auparavant, Becker et al., dans une revue sur les
carcinome au stade métastatique, 107 d’entre eux avaient manifestations cutanées des néoplasies internes, avaient
une tumeur pancréatique ¹⁹ et dans 2 cas seulement, elle déjà décrit l’association d’un carcinome pancréatique et
était à l’origine de lésions secondaires cutanées (1,9 %). Une d’une dermatose prurigineuse, érythémateuse, papulovési-
revue de la littérature portant sur 11 observations de mé- culeuse, à disposition annulaire. Ce n’est qu’ultérieurement,
tastases cutanées de carcinome pancréatique mentionne en 1966, que Mc Gavran et al. établissent la relation entre
que pour 7 malades, la lésion était unique et chez 6 d’entre cette éruption particulière et une tumeur pancréatique sé-
eux de localisation ombilicale ²⁰, réalisant le classique « no- crétrice de glucagon.
dule de sœur Marie-Joseph ». L’ombilic est une topographie L’ensemble des signes cliniques et biologiques imputables à
de prédilection pour les métastases des néoplasies intra- cette prolifération tumorale est en 1974 appelé par Mallin-
abdominales. Celles-ci sont avant tout gastro-intestinales, son et al. « syndrome du glucagonome ». La même année ce-
à l’origine de 55 % des nodules chez l’homme, et gynécolo- pendant, Thivolet et al. remettent en cause la spécificité du
giques dans 45 % des cas féminins ²¹. Le pancréas est égale- tableau cutané en décrivant le premier cas d’érythème né-
ment un site primitif de cancer assez souvent en cause, à crolytique migrateur sans glucagonome mais associé à une
l’origine de 18 % des nodules chez l’homme et de 8 % chez pancréatite chronique. Depuis, d’autres types d’association
la femme. Le caractère révélateur de la métastase ombili- ont été rapportés. Le diagnostic de pseudoglucagonome ne
cale est variable selon les séries (14 à 45 % des cas) mais il doit cependant être envisagé qu’après avoir recherché et
existe une unanimité pour considérer qu’il s’agit d’un fac- éliminé une tumeur pancréatique sécrétante.
teur de très mauvais pronostic avec une survie qui excède Érythème nécrolytique migrateur Cette dermatose évo-
rarement 10 mois. lue par poussées et rémissions spontanées. Elle est compo-
En dehors de l’ombilic, les métastases cutanées de cancer sée de macules érythémateuses au centre desquelles ap-
pancréatique, uniques ou multiples, peuvent être consta- paraissent rapidement des bulles flaccides, très fragiles,
tées dans des topographies à distance de la tumeur pri- qui après rupture vont laisser place à des érosions et des
mitive : scalp, visage, région axillaire, membre supérieur, croûtes (fig. 81.5). Les lésions ont une évolution centrifuge
fesse ²², gros orteil. Elles peuvent également siéger sur le avec processus de cicatrisation initialement central, ce qui
site d’implantation percutané d’un cathétérisme biliaire ²³. leur donne un aspect annulaire arciforme parfois serpigi-
neux (fig. 81.6). L’ensemble de ce processus évolutif qui laisse
une pigmentation résiduelle dure de 8 à 15 jours mais l’évo-
lution de l’ensemble des lésions n’est pas synchrone, ce qui

Coll. clinique de Dermatologie, CHRU Lille


Coll. Pr J.-L. Schmutz, Nancy

Fig. 81.5 Érythème nécrolytique migrateur au cours du glucagonome :


Fig. 81.4 Sclérose palmaire irréductible au cours d’un syndrome plaque érythémateuse érosive et croûteuse du thorax, des épaules et du
« fasciite palmaire-polyarthralgies » cou à évolution centrifuge avec processus de cicatrisation centrale

 ENM érythème nécrolytique migrateur


Tumeurs pancréatiques endocrines 81-5

Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes

Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes


Fig. 81.6 Érythème nécrolytique migrateur au cours du glucagonome :
plaques érythémateuses érosives et croûteuses à disposition annulaire ou
arciforme du flanc

confère à la dermatose un aspect polymorphe. Elle est éga- Fig. 81.7 Érythème nécrolytique migrateur au cours du glucagonome :
lement remarquable par sa topographie qui intéresse les plaques érythémateuses érosives et croûteuses du visage et glossite
régions péri-orificielles (visage, périnée), les plis où les lé-
sions sont parfois très érosives et douloureuses ²⁴, la partie meur extrêmement rare (incidence estimée à 1 cas pour
basse de l’abdomen, les fesses, les cuisses, les extrémités 20 millions par an) qui touche des sujets dont l’âge moyen
des membres. Le prurit est très fréquent et souvent intense, se situe entre 50 et 60 ans mais des cas ont été décrits dès
mais il peut être remplacé par une sensation de cuisson au la vingtième année ²⁷. L’atteinte préférentielle des femmes
niveau des zones évolutives. (60 % des malades) notée dans les séries anciennes paraît
Dans certains cas, l’éruption peut prendre un aspect d’ec- en réalité très inconstante ²⁸.
zéma craquelé ²⁵ ou de dermite psoriasiforme étendue ²⁶. La Signe majeur, l’ENM est présent chez la quasi-totalité des
présence d’une kératodermie palmoplantaire a également malades à un moment de l’évolution et inaugural dans près
été rapportée. Des manifestations muqueuses sont en gé- de 70 % des cas ²⁸. L’atteinte cutanée est parfois le seul
néral associées à l’atteinte cutanée ²⁵ : stomatite, glossite signe d’appel et lorsque sa présentation est atypique, pso-
atrophique douloureuse (fig. 81.7), chéilite angulaire, anite, riasiforme par exemple, le diagnostic de glucagonome peut
balanite ou vulvite. Des altérations unguéales non spéci- n’être évoqué qu’après plusieurs années ²⁴,²⁵,²⁸,²⁹.
fiques à type de fragilité, de striations longitudinales ou L’altération de l’état général est très fréquente avec amai-
d’hyperpigmentation, une finesse des cheveux voire une grissement chez 70 % des malades lors du diagnostic, le
alopécie sont parfois également notées. plus souvent sans anorexie. D’autres manifestations sont
L’examen histologique est hautement évocateur pourvu inconstamment associées : diarrhée dans 15 à 30 % des
que la biopsie soit effectuée sur une lésion récente. Sous cas, douleurs abdominales plus rarement, troubles psychia-
une parakératose, on observe un processus de nécrose du triques (syndrome dépressif ou confusionnel) dans 20 %
tiers supérieur de l’épiderme avec dégénérescence vacuo- des cas, baisse de l’acuité visuelle et surtout thromboses
laire et pycnose alors que les assises épidermiques infé- veineuses profondes avec risque d’embolie pulmonaire. Ces
rieures sont respectées ou parfois le siège d’une discrète manifestations thrombo-emboliques sont notées d’emblée
spongiose. C’est la très classique image de « tranche napoli- chez 11 à 14 % des malades et jusqu’à 30 % d’entre eux au
taine ». Le décollement bulleux qui apparaît est donc très cours de l’évolution de leur tumeur. Elles sont par ailleurs
superficiel, sans acantholyse, et l’immunofluorescence di- une cause fréquente de décès ³⁰.
recte est négative. Les manifestations biologiques font partie des critères diag-
Syndrome du glucagonome Le glucagonome est une tu- nostiques. Le diabète (ou parfois l’hyperglycémie modérée

 ENM érythème nécrolytique migrateur


81-6 Pancréas

à jeun) est présent dans 90 % des cas et inaugural dans malignité n’est pas toujours aisé à établir, plusieurs carac-
près de 40 % des cas, pouvant précéder de plusieurs années téristiques histologiques des processus néoplasiques étant
l’ENM chez les patients développant ces deux manifesta- souvent manquantes. Aussi, pour certains, seule la mise
tions ²⁸. Il est classiquement considéré comme modéré mais en évidence de métastases est un critère de certitude. Il
la nécessité d’un recours à l’insuline a été soulignée dans plu- existe donc dans la littérature une certaine disparité avec
sieurs séries ²⁸. L’apparition d’un trouble glycorégulateur des pourcentages de malignité qui varient de 60 à presque
sur un terrain inhabituel, à savoir chez un patient amai- 100 et de métastases lors du diagnostic initial comprises
gri, âgé, sans antécédents familiaux, en association à des entre 52 et 90 ²⁷,³². Ces données statistiques plaident en
signes cutanés et/ou de la diarrhée doit attirer l’attention faveur de la malignité ou du potentiel malin de tous les glu-
et faire penser à la possibilité d’une tumeur pancréatique cagonomes et de leur risque métastatique majeur mais non
sous-jacente. L’absence de diabète après plusieurs années obligatoire. Si ces lésions secondaires apparaissent, elles
d’évolution d’un ENM est rarement rapportée et de physio- sont avant tout hépatiques et ganglionnaires, le plus sou-
pathologie toujours très discutée ²⁴. vent cœliaques. D’autres localisations sont également pos-
Il existe fréquemment une anémie modérée typiquement sibles : osseuses, surrénaliennes, rénales, pulmonaires.
normochrome normocytaire, proportionnelle à la sévérité La tumeur pancréatique dont la plupart des cellules sont
du syndrome, ainsi qu’un syndrome inflammatoire. L’hypo- marquées avec l’anticorps dirigé contre le glucagon peut
amino-acidémie est quasiment toujours présente. Une hy- parfois exprimer d’autres peptides. Dans ces tumeurs en-
poprotidémie avec hypoalbuminémie, une hypocholestéro- docrines mixtes ²⁴, les contingents cellulaires secrétant ces
lémie sont souvent notées. En revanche, la zincémie est autres peptides sont cependant le plus souvent silencieux
habituellement ²⁷ mais inconstamment normale ²⁴,²⁵,²⁹. sur le plan clinique et biologique. L’insuline est la sécré-
Le dosage du glucagon plasmatique permet d’établir le diag- tion la plus fréquemment associée à celle du glucagon puis
nostic. Son taux est généralement supérieur à 1 000 pg/ml ²⁸ vient ensuite la gastrine qui peut entraîner l’apparition
(valeurs normales comprises entre 50 et 150 pg/ml) et peut d’ulcères multiples et récidivants, habituellement du duo-
même dans certains cas dépasser les 50 000 pg/ml. La glu- dénum (syndrome de Zollinger-Ellison). Ce syndrome a
cagonémie peut être légèrement augmentée mais toujours été trouvé dans 10 % des cas de certaines séries de gluca-
inférieure à 500 pg/ml dans certaines situations : jeûne pro- gonomes ²⁷ et doit être recherché systématiquement. De
longé, pancréatite, cirrhose, insuffisance rénale, diabète façon plus exceptionnelle, la tumeur pancréatique peut ex-
décompensé, hyperglucagonémie familiale... ²⁷. À l’inverse, primer d’autres hormones ³⁰ comme l’ACTH, la somatosta-
dans d’authentiques syndromes du glucagonome, le taux tine, le VIP (vasoactive intestinal peptide)...
de glucagon peut être normal ou très légèrement élevé. Il Le glucagonome peut enfin s’intégrer dans une néoplasie
est alors nécessaire de renouveler le dosage car la glucago- endocrinienne multiple de type 1 (NEM1 ou syndrome
némie peut être variable d’un prélèvement à un autre. On de Wermer). Ce syndrome héréditaire a souvent une ex-
peut également demander un dosage des précurseurs mais pression cutanée avec présence d’angiofibromes, de colla-
il ne s’agit pas encore d’un examen de routine. Enfin, les génomes et plus rarement de macules dyschromiques ou
taux plasmatiques d’autres sécrétions hormonales peuvent de lipomes. Suite à la découverte d’un glucagonome, la re-
être augmentés ²⁸. cherche des différentes atteintes endocriniennes possibles
La tumeur pancréatique est le plus souvent unique, de de ce syndrome est cependant rarement nécessaire car si
grande taille (de 2 à plus de 5 cm au moment du diagnos- elles existent, elles sont en général diagnostiquées avant
tic) ²⁸,³¹ et localisée généralement dans la queue du pan- la tumeur pancréatique.
créas (47 à 75 % des cas) ²⁷,³². Pour la mettre en évidence, Le rôle du glucagon dans la physiopathologie des lésions cu-
on réalisera en première intention un examen tomodensi- tanées est toujours discuté mais l’hypothèse la plus commu-
tométrique sans et avec produit de contraste. Cet examen nément admise incrimine son effet catabolique protidique,
permet également d’apprécier un éventuel envahissement ce qui induit une hypoaminoacidémie. Celle-ci entraîne
des structures adjacentes : adénopathies, métastases hépa- une déplétion protidique épidermique responsable des né-
tiques (celles-ci peuvent être également visualisées par une croses cellulaires. Deux constatations cliniques plaident
simple échographie transpariétale). Si la tumeur n’est pas en faveur de ce mécanisme : d’une part l’amélioration de
localisée grâce à la tomodensitométrie, on demandera en l’état cutané chez certains malades après perfusion d’acides
seconde intention une écho-endoscopie. Celle-ci remplace aminés ³⁴, et d’autre part la remontée des taux d’amino-
maintenant l’artériographie cœliaque sélective qui est pra- acides après traitement du glucagonome. Le glucagon fa-
tiquement abandonnée. Une imagerie par résonance ma- vorise également l’augmentation de l’acide arachidonique
gnétique pourra également être pratiquée. À ces investiga- épidermique qui pourrait, par activation des médiateurs
tions sera associée une scintigraphie à l’octréotide marqué de l’inflammation, entraîner des signes cutanés. Il n’est
qui permet une exploration fonctionnelle en visualisant pas exclu par ailleurs qu’il ait une part de responsabilité
l’hyperfixation de la tumeur et de ses lésions secondaires dans l’apparition des thromboses veineuses. Celles-ci, clas-
éventuelles. Dans l’avenir, la tomographie d’émission de po- siquement en rapport avec une possible sécrétion tumo-
sitons aura probablement une place notable dans la prise rale de facteur X ³⁰, ont en effet été constatées chez des
en charge de ce type de pathologie ³³. patients ayant développé un ENM après traitement d’hypo-
Comme la plupart des tumeurs endocrines, le diagnostic de glycémies paranéoplasiques par perfusions de glucagon ³⁵.

 ACTH adrenocorticotropic hormone · ENM érythème nécrolytique migrateur · NEM néoplasie endocrinienne multiple
Tumeurs pancréatiques endocrines 81-7

Il existe néanmoins des glucagonomes totalement asymp- fait, en raison de la lenteur de la croissance tumorale, plus
tomatiques, ce qui laisse penser que si le glucagon a une de la moitié des patients ont une espérance de vie qui dé-
responsabilité très probable, d’autres facteurs étiologiques passe les 5 ans et peut même atteindre 10 ans voire plus
doivent être incriminés comme les déficits en zinc et/ou malgré des interventions chirurgicales incomplètes. Des
en acides gras essentiels ²⁷. Ceux-ci sont considérés comme évolutions prolongées sont également possibles en cas de
des mécanismes majeurs de l’ENM sans tumeur pancréa- métastases hépatiques. Les décès sont avant tout dus aux
tique mais dans certains cas de glucagonome, la correction complications thrombo-emboliques et à un degré moindre
de ces éventuels déficits s’est révélée très efficace. aux infections et saignements digestifs ²⁷. Après traitement,
L’hyperglucagonémie est également responsable du dia- un suivi clinique régulier et prolongé est nécessaire, à la re-
bète. La sévérité du trouble glycorégulateur n’est cepen- cherche de récidives qui peuvent apparaître après plusieurs
dant pas corrélée à l’importance de la sécrétion hormonale années avec parfois une expression clinique très limitée et
tumorale. L’absence de diabète reste une particularité peu trompeuse ³⁶. Ce suivi comprendra également un contrôle
rapportée dans la littérature et de physiopathologie tou- annuel des taux plasmatiques des différentes hormones se-
jours obscure. L’hypothèse d’une production par la tumeur crétées par le pancréas endocrine (possibilité d’apparition
d’une forme immature de glucagon qui engendrerait un secondaire d’un syndrome de Zollinger-Ellison ou d’un VI-
hypercatabolisme sans induire d’hyperglycémie a été avan- Pome par exemple) ainsi qu’une recherche d’autres tumeurs
cée. Dans certains cas, la glycémie à jeun peut même être endocrines s’intégrant dans une NEM1 ²⁷.
basse et se révéler trompeuse. Cette situation paradoxale Syndrome du pseudoglucagonome Si l’ENM doit faire
doit conduire à la recherche d’une sécrétion insulinique ou rechercher un glucagonome, il n’est cependant pas pathog-
pro-insulinique associée à celle du glucagon ²⁴. nomonique et peut être constaté dans d’autres états patho-
L’exérèse chirurgicale complète de la tumeur pancréatique logiques, le plus souvent carentiels. Leur point commun
est l’unique traitement curatif. Plusieurs types d’interven- essentiel est un déficit en zinc ³⁷ auquel s’ajoute probable-
tion sont possibles : pancréatectomie gauche, splénopan- ment mais de façon plus marginale une carence en acides
créatectomie caudale, duodénopancréatectomie céphalique, gras essentiels ³⁸ (fig. 81.8).
pancréatectomie subtotale ou totale associée à une résec- Ces pseudoglucagonomes sont avant tout observés au
tion des métastases hépatiques si elle est techniquement cours des pancréatites chroniques, des syndromes de ma-
possible et/ou exploration peropératoire hépatique et des
chaînes ganglionnaires de voisinage avec curage si envahis-
sement.
L’amélioration cutanéomuqueuse est notée dès la quarante-
huitième heure après l’intervention. La résolution com-
plète de l’éruption est généralement obtenue en moins de
15 jours en même temps que se normalise la glucagonémie.
Le diabète en revanche disparaît de façon plus inconstante.
Dans les cas où la tumeur n’a pu être enlevée en totalité ou
s’il s’agit de lésions inopérables ou de récidives ou de méta-
stases, on propose une chimiothérapie par voie générale. La
streptozocine (Zanosar) est de moins en moins utilisée et le
traitement de première ligne à l’heure actuelle est la dacar-
bazine (Déticène) administrée toutes les quatre semaines
pour une durée pouvant atteindre parfois un ou deux ans.
Depuis de nombreuses années, on y associe de l’octréotide
(Sandostatine). Cet analogue de la somatostatine qui in-
hibe la synthèse de nombreuses hormones digestives ³¹ et
notamment du glucagon (mais qui n’inhibe cependant pas
la croissance tumorale) permet d’envisager des traitements
palliatifs de longue durée. L’octréotide peut être également
utilisé en préopératoire avec une efficacité rapide (dès le
deuxième jour) ²⁹ mais inconstante sur l’ENM. Les perfu-
sions d’acides aminés, la supplémentation orale en zinc
et en acides gras essentiels ³⁴, le régime hyperprotidique
représentent un traitement symptomatique d’appoint inté-
Coll. D. Bessis

ressant. Le contrôle du diabète et la prévention des throm-


boses veineuses périphériques seront également associés.
Bien que la plupart des cas soient diagnostiqués à un stade
avancé, le glucagonome a un pronostic variable dépendant Fig. 81.8 Érythème nécrolytique migrateur au cours d’un
de la réponse au traitement. La médiane de suivi après diag- déficit combiné en zinc et en acides gras essentiels : syndrome du
nostic est souvent donnée comprise entre 2 et 3 ans ³⁰. En pseudoglucagonome

 ENM érythème nécrolytique migrateur · NEM néoplasie endocrinienne multiple


81-8 Pancréas

labsorption (maladie cœliaque, maladie de Crohn) et sur- VIP). Dans ce syndrome, les possibilités de découvrir
tout des cirrhoses éthyliques ³⁷. Dans celles-ci, le déficit en la tumeur au niveau pancréatique sont cependant extrê-
zinc est bien connu ³⁹ et lié à la réduction des apports, la mement faibles (0,55 % dans l’analyse de plus de 8 000
majoration des pertes, la baisse de la sérumalbumine, le dé- cas de tumeur carcinoïde ⁴³) comparativement à la fré-
ficit de stockage hépatique ainsi qu’à la malabsorption. En quence des localisations gastro-intestinales (73,7 %) et
général cependant, cette carence est asymptomatique ou bronchopulmonaires (25,1 %). Lorsqu’elles sont sympto-
limitée à un eczéma craquelé et/ou une perlèche angulaire matiques, ces tumeurs carcinoïdes pancréatiques sont
et une glossite. Lorsque la carence devient sévère, le ta- au stade métastatique ou compressif et les signes d’ap-
bleau d’ENM s’installe rapidement et de façon diffuse avec pel sont avant tout des douleurs abdominales ou de la
atteinte des muqueuses buccales et anogénitales. La zincé- diarrhée. Les épisodes de flush sont inconstamment no-
mie plasmatique qui ne représente pourtant qu’1 % du pool tés ⁴⁴,⁴⁵.
zincique est effondrée alors que le zinc érythrocytaire peut
rester dans des valeurs normales (longue demi-vie des éry- Syndrome de Cushing
throcytes). La supplémentation zincique parentérale (zinc En rapport avec la sécrétion ectopique la plupart du
injectable Aguettant) se révèle spectaculairement efficace temps de pro-opiomélanocortine (précurseur de l’ACTH)
en quelques jours mais ne dispense pas d’une vérification et/ou beaucoup plus rarement de CRH (corticotrophin re-
de la normalité de la glucagonémie (rappelons cependant leasing hormone), le syndrome de Cushing paranéopla-
que dans ces causes principales de pseudoglucagonome, le sique survient le plus fréquemment au cours des carci-
glucagon peut être parfois légèrement augmenté). nomes bronchiques à petites cellules et des tumeurs car-
D’autres étiologies d’ENM sans glucagonome sont égale- cinoïdes bronchiques. Les tumeurs endocrines pancréa-
ment possibles ⁴⁰ : adénocarcinome jéjunal ou rectal, tu- tiques sont également souvent en cause. Dans la revue
meurs pancréatiques endocrines autres que le glucago- récente de 530 cas de syndrome de sécrétion ectopique
nome (insulinome, gastrinome), carcinomes hépatocellu- de pro-opiomélanocortine rapportés dans la littérature,
laires ou bronchiques, hémochromatose, pancréatite post- 16 % sont d’origine pancréatique contre 27 % pour les carci-
traumatique, toxicomanie à l’héroïne, perfusions de gluca- nomes bronchiques à petites cellules et 25 % pour les carci-
gon (traitement d’hypoglycémies paranéoplasiques...) ³⁵,⁴⁰. noïdes bronchiques ⁴⁶. L’expression clinique du syndrome
Signalons enfin que plusieurs cas d’érythème nécrolytique de Cushing paranéoplasique est généralement différente
ont été rapportés au cours d’hépatites C actives ⁴¹,⁴². Si sur de la maladie de Cushing avec une dysmorphie qui peut
le plan histologique, leur aspect est identique à celui de manquer mais en revanche la présence fréquente d’une mé-
l’ENM, sur le plan clinique, la présentation est différente lanodermie.
puisque la dermatose ne touche que les extrémités, en par-
ticulier le dos des pieds. Cet érythème nécrolytique acral Métastases cutanées
nous semble donc assez éloigné du tableau de pseudoglu- La majorité des métastases de carcinome pancréatique sont
cagonome et paraît davantage se rapprocher des lésions ombilicales et en rapport avec un adénocarcinome (cf. su-
érosives et localisées parfois constatées en cas de déficit pra). De façon rare, il peut s’agir également d’une tumeur
chronique en zinc chez les cirrhotiques éthyliques ³⁹. L’hy- endocrine, parfois de type carcinoïde ⁴⁷.
pothèse d’une forme limitée d’ENM n’est cependant pas
exclue, ce d’autant que chez ces patients atteints d’hépa- Manifestations non spécifiques
tite C, la zincémie paraît normale et que sous traitement Les tumeurs de type insulinome, gastrinome, VIPome, so-
supplétif, l’amélioration n’est que partielle. matostatinome n’ont pas d’expression cutanée directement
liée à leur sécrétion hormonale. Les atteintes dermato-
Syndrome carcinoïde logiques parfois constatées sont non spécifiques, en rap-
Il est lié à la sécrétion de peptides vaso-actifs (séroto- port avec les carences secondaires aux manifestations diar-
nine, histamine, prostaglandine, bradykinine, kallikréine, rhéiques.

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 ACTH adrenocorticotropic hormone · ENM érythème nécrolytique migrateur


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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Delaporte E, Piette F. Pancréas. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations dermatologiques
des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 81.1-81.9.
82
Maladies rares digestives et dermatologiques
Emmanuel Delaporte, Didier Bessis

Syndrome de Gardner 82-1 Syndrome de Howel-Evans 82-7


Syndrome de Peutz-Jeghers 82-2 Syndrome de Cronkhite-Canada 82-8
Maladie de Cowden et syndrome des hamartomes par Maladie de Degos 82-8
mutation du gène PTEN 82-4 Syndrome du blue rubber bleb naevus 82-8
Syndrome de Muir-Torre 82-6 Références 82-9

Syndrome de Gardner peu circonscrites qui touchent électivement le dos et la


région paravertébrale, plus rarement la tête, le cou et les
Le syndrome de Gardner est une affection héréditaire rare, extrémités.
dont l’incidence est évaluée à 1/10 ⁶ habitants aux États- Les ostéomes sont présents dans environ 1 cas sur 2. Le
Unis. Sa transmission est autosomique dominante, son ex- plus souvent multiples (entre 3 et 6 de grande taille en
pression variable et sa pénétrance complète. Il associe une moyenne), ils touchent électivement l’angle des mandi-
polypose digestive, des ostéomes multiples, des tumeurs bules, les maxillaires et l’os frontal (fig. 82.1). Les os longs,
mésenchymateuses cutanées profondes, des anomalies den- voire les phalanges, peuvent également être atteints. Le
taires et une hypertrophie congénitale de l’épithélium pig- développement des ostéomes précède d’une dizaine d’an-
mentaire rétinien ¹-⁴. Il est considéré comme une variante nées le diagnostic de polypose. Leur mise en évidence re-
phénotypique de la polypose adénomateuse familiale (en- pose sur les radiographies (panoramique dentaire). Leur
viron 10 % des cas), affection liée aux mutations du gène retentissement est le plus souvent esthétique en raison des
APC (adenomatous polyposis coli) situé en 5q21-q22. déformations osseuses occasionnées, mais également par-
Les manifestations cutanées se caractérisent par des no- fois fonctionnel : compression nerveuse ou oculaire, obs-
dules cutanés profonds correspondant le plus souvent à des truction des fosses nasales ou diminution de la mobilité
kystes épidermoïdes ou sébacés, des tumeurs desmoïdes,
plus rarement des fibromes, des pilomatricomes ou des li-
pomes. Les kystes épidermoïdes ou sébacés sont notés dans
deux tiers des cas. Asymptomatiques, ils sont situés avec
prédilection sur le scalp, le visage, le cou et les extrémités.
Ils ne sont pas spécifiques, mais leur précocité d’apparition,
à la puberté, et leur nombre élevé est évocateur du diagnos-
tic. Ils précèdent généralement d’une dizaine d’années le
développement des polypes digestifs.
Les tumeurs desmoïdes sont présentes en moyenne chez
10 à 20 % des patients et se développent le plus souvent
Coll. clinique de Dermatologie, CHRU Lille

au niveau intra-abdominal ou sur la paroi abdominale, par-


fois sur une cicatrice de laparotomie. Elles sont bénignes,
surviennent vers l’âge de 30 ans avec un fort potentiel inva-
sif local et un taux de récidives élevé (65 %). Les fibromes
de Gardner constituent un marqueur spécifique précoce
des tumeurs desmoïdes et sont observés dans 70 % des
cas. Ils surviennent précocement au cours de la première
décennie (en moyenne à l’âge de 5 ans). Cliniquement, il
s’agit de plaques de taille variable (en moyenne 4 cm) et Fig. 82.1 Ostéomes crâniens au cours d’un syndrome de Gardner
82-2 Maladies rares digestives et dermatologiques

maxillaire. Des anomalies dentaires sont fréquentes (70 %), La prise en charge des patients atteints de syndrome de
à type de dents surnuméraires incluses, odontomes com- Gardner, ou porteurs de mutation délétère du gène APC,
plexes, cémentomes et agénésies. L’extraction dentaire est repose sur la prévention, le dépistage et la prise en charge
souvent difficile en raison de la nature hyperdense de l’os des différentes tumeurs associées ³ :
alvéolaire et de l’absence d’espace péridentaire liée à l’hy- − cancers colorectaux : chez les enfants porteurs d’une
percémentose. mutation germinale du gène APC, des rectosigmoïdo-
L’hypertrophie de l’épithélium pigmentaire de la rétine est scopies annuelles dès l’âge de 11 ans, puis vers 15 ans
présente dans 90 % des cas. Elle débute peu après la nais- des coloscopies complètes annuelles à la recherche de
sance et apparaît au fond d’œil comme de multiples taches polypes colorectaux sont conseillées jusqu’à la décision
d’hyperpigmentation bien circonscrites, le plus souvent de colectomie totale, incontournable en cas de forme
bilatérales, et de coloration brun-noir avec un halo de dé- classique, et réalisée le plus souvent entre 20 et 30 ans.
pigmentation périphérique ou central. Le suivi ultérieur est variable en fonction du type d’ana-
Les manifestations gastro-intestinales du syndrome de stomose (iléo-anale ou iléorectale) ;
Gardner sont marquées par des polypes adénomateux (tu- − adénocarcinomes duodéno-jéjunaux : la surveillance
buleux, tubulo-villeux, villeux) rectocoliques, gastriques digestive haute comporte une fibroscopie œso-gastro-
et de l’intestin grêle (fig. 82.2). La formation des polypes duodénale tous les deux à trois ans à partir de l’âge
débute vers la puberté et la transformation maligne est de 20 ans. En cas de polypes duodénaux multiples, de
constante avant 40 ans. Le syndrome de Gardner est éga- grande taille ou dysplasiques, la surveillance sera plus
lement associé à un risque augmenté d’autres carcinomes, rapprochée, jusqu’à 2 fois par an ;
comme au cours de la polypose adénomateuse familiale : − tumeurs desmoïdes : dans sa forme intra-abdominale
carcinome thyroïdien papillaire, adénocarcinome duodénal en particulier, une surveillance simple est préconisée
péri-ampullaire, adénocarcinome pancréatique mais égale- en l’absence de complications aiguës ou de retentisse-
ment hépatoblastome et médulloblastome (syndrome de ment esthétique. Un traitement médical prolongé par
Turcot). sulindac (300 mg/j) peut être envisagé en cas d’augmen-
tation de taille sans complication aiguë. Une exérèse chi-
rurgicale ne sera proposée qu’en cas de retentissement
de la tumeur à type d’occlusion intestinale ou d’obstruc-
tion urétérale sans tenter une résection complète de
la tumeur. En cas de tumeur inextirpable chirurgicale-
ment et ne répondant pas au traitement médical, une
radiothérapie ou une chimiothérapie à base de doxoru-
bicine et de dacarbazine peut être efficace.
En revanche, les modalités de dépistage des autres cancers
ne font pas l’objet de consensus en raison de leur faible
prévalence. Le dépistage de médulloblastomes ou de car-
cinomes thyroïdiens est clinique. Le dépistage de l’hépa-
toblastome peut bénéficier d’un dosage de l’alpha-fœto-
protéine et d’une échographie abdominale tous les ans,
entre 0 et 6 ans.

Syndrome de Peutz-Jeghers
Cette affection rare, de prévalence estimée de 1/50 000
à 1/120 000 naissances, est transmise sur un mode au-
tosomique dominant, avec une forte pénétrance (plus
de 90 %) et une expressivité variable. Le gène impliqué
LKB1-STK11 a été localisé sur le bras court du chromo-
Coll. clinique de Dermatologie, CHRU Lille

some 9. Ce gène suppresseur de tumeur code une protéine


à activité thréonine-sérine kinase. Ses mutations (délé-
tions/insertions, substitution de base) aboutissent à une
protéine tronquée avec perte de son activité fonctionnelle.
Une hétérogénéité moléculaire est toutefois possible car
une mutation du gène LKB1-STK11 n’est identifiée que
dans 30 à 80 % des cas, et deux locus voisins 19p13.3 et
13.4 pourraient être en cause.
Fig. 82.2 Polypes adénomateux profus du tube digestif au cours d’un Le syndrome de Peutz-Jeghers est défini par l’association
syndrome de Gardner d’une polypose gastro-intestinale hamartomateuse, d’une
pigmentation mélanique cutanéomuqueuse et la présence
Syndrome de Peutz-Jeghers 82-3

d’un antécédent familial. L’absence de l’un de ces carac- tube digestif soit rare, le risque de développer précocement,
tères ne permet pas cependant une exclusion formelle du avant 40 ans, une tumeur maligne, en particulier de l’in-
diagnostic. Ainsi une pigmentation caractéristique sans testin grêle, est nettement plus élevé que dans la popula-
polypose digestive cliniquement décelable a pu être dé- tion générale. La cancérisation pourrait survenir sur des
crite chez des malades issus de familles de syndrome de foyers de métaplasie adénomateuse ou à partir d’une fi-
Peutz-Jeghers, témoignant d’une pénétrance incomplète liation directe hamartome-cancer. L’incidence de cancers
ou d’une atteinte digestive infraclinique. De même, l’ab- a été analysée sur une population de 419 patients satis-
sence d’antécédent familial est notée jusque dans 10 à 20 % faisant aux critères diagnostiques de syndrome de Peutz-
des cas, témoignant de possibles formes sporadiques. Jeghers (dont 297 avaient une mutation identifiée du gène
Les lentigines sont rarement présentes dès la naissance, STK11/LKB1). Les risques de développement d’un cancer
mais apparaissent le plus souvent au cours des premiers à l’âge de 20, 30, 40, 50, 60 et 70 ans étaient respective-
mois, le plus souvent avant l’âge de 2 ans. Elles touchent ment de 2 %, 5 %, 17 %, 31 %, 60 % et 85 %, surtout d’ori-
de façon quasi constante les lèvres et dans 80 % des cas gine gastro-intestinale (estomac-œsophage, intestin grêle,
la muqueuse buccale : face interne des lèvres et des joues, côlon-rectum et pancréas). Chez la femme, l’estimation du
gencives, palais alors que la langue est exceptionnellement risque de développer un cancer du sein était de 8 % et 31 %
atteinte (fig. 82.3). Le pourtour de la bouche est concerné à respectivement à l’âge de 40 et 60 ans. Il n’existait pas de
la différence de la maladie de Laugier et Hunziker mais corrélation entre le génotype et le phénotype.
les régions orbitaires, périnasales ainsi que les oreilles Un risque augmenté de cancers gynécologiques (ovaires,
peuvent être touchées. D’autres localisations sont pos- endomètre, col utérin), pulmonaires, thyroïdiens et testi-
sibles : paumes, plantes, face dorsale des doigts, région culaires est également classique ⁵. La survenue de tumeurs
anale. La pigmentation faciale tend à s’atténuer à partir ovariennes bénignes des cordons sexuels à tubules anne-
de l’adolescence, mais persiste au niveau de la muqueuse lés est fréquente, quasi constante au stade microscopique
orale, pouvant rendre compte de diagnostics tardifs. pour certains auteurs, le plus souvent bilatérales et multi-
La polypose digestive intéresse le jéjunum et l’iléon (70- focales, parfois responsables d’irrégularités menstruelles
90 %) mais aussi le côlon, le rectum (50 %) et l’estomac ou d’hypo-œstrogénie. Des tumeurs testiculaires bénignes
(25 %). Ces polypes sont des hamartomes, de taille variable à cellules de Sertoli, bilatérales, multinodulaires, de petite
de quelques millimètres à plusieurs centimètres, sessiles ou taille, pouvant être à l’origine d’une féminisation révéla-
pédiculés. Leur nombre est parfois supérieur à 100, mais trice (puberté précoce, gynécomastie) ont été rapportées
semble inférieur à celui observé au cours de la polypose adé- avec une faible fréquence.
nomateuse familiale. Lorsqu’elle est symptomatique, cette Le traitement repose sur un dépistage et une prise en
polypose se manifeste le plus souvent au cours de la pre- charge précoce de la polypose digestive, dès l’âge de 10 ans,
mière décennie par des douleurs abdominales récurrentes y compris chez les sujets asymptomatiques pour certains
avec parfois un véritable syndrome occlusif lié à une inva- auteurs, et ce par une gastroscopie et une coloscopie an-
gination. L’atteinte digestive peut également s’exprimer nuelle. Au cours de cet examen, l’endoscopiste devra enle-
sur un mode hémorragique occulte ou non : anémie hypo- ver tous les polypes accessibles. En l’absence de nouveau
chrome, méléna, rectorragies. La survenue de polypes de polype, cette surveillance sera espacée par la suite tous
localisation nasale (27 % des cas d’une série de 22 malades les 1 à 3 ans. La surveillance de l’intestin grêle devra être
atteints issus d’une même famille) mais aussi biliaire, uté- réalisée par des transits barytés tous les 2 ans, complétés
rine, du tractus respiratoire et urinaire a été rapportée. si possible d’entéroscopie poussée. Ces derniers examens
Bien que la transformation néoplasique des polypes du tendent progressivement à être supplantés par la vidéo-
capsule endoscopique pour le dépistage des polypes et par
l’entéroscopie double-ballon pour leur résection. En cas
de découverte d’un polype de l’intestin grêle d’une taille
supérieure à 1,5 cm, une laparotomie avec entéroscopie
peropératoire est préconisée.
La recherche de tumeurs extradigestives devra être systé-
matique et précoce :
− mammaire : examen clinique annuel et échographie
et/ou IRM mammaire tous les 1 à 2 ans, dès l’âge de
20 ans ;
− ovarienne et utérine : examen gynécologique complet
Coll. Dr M. Rybojab, Paris

avec frottis de l’endocol tous les ans, complété d’une


échographie pelvienne et ovarienne ;
− testiculaire : palpation testiculaire annuelle complé-
tée éventuellement d’une échographie testiculaire, dès
l’âge de 10 ans ;
Fig. 82.3 Lentiginose labiale et périorale au cours d’un syndrome de − pancréatique : échographie endoscopique ou abdomi-
Peutz-Jeghers nale tous les 1 à 2 ans dès l’âge de 30 ans.

 IRM imagerie par résonance magnétique


82-4 Maladies rares digestives et dermatologiques

Une enquête familiale est indispensable avec réalisation Critères diagnostiques de la maladie de Cowden
d’un test génétique chez les sujets à risque. Ce diagnostic Critères pathognomoniques
génétique devra cependant rester non formel, en l’absence Lésions cutanéomuqueuses :
de mutations constantes du gène LKB1/STK11 au cours de − Trichilemmomes du visage
cette affection : 60 % et 50 % respectivement au cours des − Kératoses acrales
formes familiales et sporadiques. Ces résultats reflètent la − Papules papillomateuses
possibilité d’une hétérogénéité du locus incriminé ou d’un − Lésions muqueuses
second gène encore non identifié. Critères majeurs
Cancer mammaire
Maladie de Cowden et syndrome des Cancer thyroïdien (non médullaire), en particulier de type folliculaire
Macrocéphalie ( 95 e percentile)
hamartomes par mutation du gène PTEN Maladie de Lhermitte-Duclos
Cancer de l’endomètre
La maladie de Cowden ou syndrome des hamartomes Critères mineurs
multiples est une affection rare dont l’incidence est éva- Autres lésions thyroïdiennes (adénome, goitre multinodulaire)
luée à 1/200 000 habitants. Elle est probablement sous- Retard mental (QI  75)
estimée en raison d’une expressivité variable et de la dis- Hamartomes gastro-intestinaux
crétion habituelle des signes cutanés. La plupart des obser- Maladie fibrokystique du sein
vations rapportées sont caucasiennes, avec une prédomi- Lipomes
nance féminine (4F/3H). La transmission est autosomique Fibromes
dominante, avec une pénétrance variable liée à l’âge. La Malformations ou tumeurs génito-urinaires (cancer, fibrome utérin)
quasi-totalité des patients développe des lésions cutanéo-
muqueuses à la fin de leur deuxième décennie. Cette af-
Critères diagnostiques individuels
fection est liée à la mutation germinale du gène tumeur-
1. Lésions cutanéomuqueuses seules si :
suppresseur PTEN (ou PTEN/MMAC1 pour phosphatase
a. Présence de 6 ou plus papules faciales, dont au moins trois
and tensin homolog/mutated in multiple advanced cancers 1) si-
sont des trichilemnomes, ou
tué en 10q23.3. Cette mutation est identifiée chez environ
b. Papules cutanées faciales et papillomatose orale muqueuse,
80 % des malades qui satisfont aux critères diagnostiques
ou
de l’International Cowden Consortium ⁶-⁸ (encadré 82.A).
Les signes cutanéomuqueux sont présents dans 99 à 100 % c. Papillomatose orale muqueuse et kératose acrale, ou
des cas, et se développent en moyenne au cours de la d. Kératoses palmo-plantaires (au moins 6 lésions)
deuxième et de la troisième décennie (âge de début variable ou
entre 4 et 75 ans). Les papules du visage sont les plus fré- 2. Deux critères majeurs dont au moins un comprend la macrocéphalie
quentes (près de 90 % des cas). Elles sont de petite taille ou la maladie de Lhermitte-Duclos ou
(jusqu’à 4 mm), asymptomatiques de couleur peau normale, 3. Un critère majeur et trois critères mineurs ou
localisées sur le pourtour des yeux et de la bouche, s’éten- 4. 4 critères mineurs
dant parfois dans les narines (fig. 82.4). Histologiquement,
elles peuvent correspondre 1o à des trichilemmomes Critères diagnostiques au sein d’une famille dont un membre
(ou tricholemmomes), tumeurs bénignes à différentiation est atteint de maladie de Cowden
pilaire développée aux dépens de la gaine trichilemmale ex- 1. Un critère pathognomonique ou
terne, pathognomoniques de cette affection ; 2o à des hy- 2. Un des critères majeurs avec ou sans critère mineur ou
perplasies de degré variable de l’infundibulum folliculaire, 3. Deux critères mineurs
parfois similaire à des tumeurs de l’infundibulum follicu- 82.A
laire ; 3o à des lésions kératosiques histologiquement
indistinguables de verrues vulgaires ; 4o à des kératoses à des fibromes bénins ou à une hyperplasie fibroépithéliale.
folliculaires inversées. Les lésions hyperkératosiques ver- Les neuromes cutanéomuqueux constituent une manifesta-
ruqueuses acrales (30 %) sont situées sur les faces d’exten- tion cutanée parfois précoce et présente dans 5 à 10 % des
sion des extrémités et sur les paumes et les plantes (fig. 82.5). cas ⁹,¹⁰. Ils siègent préférentiellement sur les extrémités,
Histologiquement, il s’agit des lésions constituées d’une à la différence des neuromes cutanéomuqueux observés
hyperkératose orthokératosique compacte, d’une hypergra- préférentiellement sur les zones péri-orificielles du visage
nulose et d’une acanthose, parfois avec une différenciation et des muqueuses au cours de la néoplasie endocrinienne
trichilemmale. L’atteinte de la muqueuse orale (80 %) est multiple de type 2B (NEM2B).
constituée par des papules papillomateuses, de localisation Les autres lésions cutanées observées comprennent les lym-
buccale et gingivale, parfois coalescentes à l’origine d’une phangiokératomes ¹¹, les xanthomes, les collagénomes de
disposition pavimenteuse caractéristique (40 %) (fig. 82.6). type storiforme ¹² (fig. 82.7), les taches café au lait, la langue
Une extension à l’oropharynx, la langue, le larynx, la mu- scrotale, les lentigines péri-orales et acrales, l’acanthosis
queuse nasale et anogénitale est possible. Histologique- nigricans et le vitiligo. Une prédisposition héréditaire aux
ment, les lésions muqueuses correspondent le plus souvent cancers cutanés n’est pas prouvée, même si des observa-

 NEM néoplasie endocrinienne multiple


Maladie de Cowden et syndrome des hamartomes par mutation du gène PTEN 82-5

Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes

Coll. D. Bessis
Fig. 82.4 Trichilemmomes du front au cours d’une maladie de Cowden :
papules verruqueuses couleur peau normale
Fig. 82.5 Lésions hyperkératosiques verruqueuses acrales au cours d’une
tions de carcinomes basocellulaires et épidermoïdes, de maladie de Cowden
mélanome, de carcinome de Merkel et de carcinome trichi-
lemmal sont décrites.
Les principales manifestations extracutanées du syndrome
de Cowden sont :
− gastro-intestinales (70 à 85 %), constituées par des po-
lypes, le plus souvent bénins, de taille variable (1 mm à
plusieurs centimètres) et localisés surtout au niveau co-
lique, plus rarement dans l’intestin grêle, l’œsophage ou

Coll. D. Bessis
l’estomac. Leur histologie est non spécifique, hamarto-
mateuse, lipomateuse, fibromateuse ou adénomateuse
et leur risque de transformation maligne exceptionnel ;
− mammaires, marquées par le risque de maladie fibro- Fig. 82.6 Papules papillomateuses coalescentes à disposition
kystique du sein chez 2/3 des femmes atteintes et un pavimenteuse de la gencive supérieure au cours de la maladie de Cowden
risque de carcinome mammaire estimé approximative-
ment à 20 %. Il s’agit préférentiellement d’adénocarci- La prise en charge de patients atteints de maladie de
nome canalaire, bilatéral dans deux tiers des cas et sur- Cowden/syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba ou de
venant une dizaine d’années plus précocement qu’au patients porteurs de mutation délétère du gène PTEN re-
cours des formes sporadiques. Des cancers mammaires pose sur le dépistage d’éventuelles tumeurs malignes. Un
chez l’homme sont également rapportés mais leur fré- examen physique annuel détaillé est proposé dès l’âge de
quence n’est pas connue ; 18 ans, ou 5 ans plus tôt que le cas de cancer le plus précoce
− thyroïdiennes, constituées par un risque de maladie diagnostiqué dans la famille. Il comprend un examen com-
thyroïdienne (goitre multinodulaire, adénomes folli- plet du tégument cutané et des muqueuses, une palpation
culaires, nodule thyroïdien) chez 2/3 des patients et thyroïdienne et mammaire (avec enseignement et encou-
un risque de carcinome thyroïdien (surtout adénocarci- ragement à l’autopalpation) et des examens paracliniques
nome folliculaire) estimé entre 7 et 10 % ; orientés :
− gynécologiques, marqué par l’augmentation du risque − mammaires : IRM mammaire annuelle à partir de l’âge
de cancer de l’endomètre estimé entre 5 et 10 % et le de 20-25 ans, ou 5 à 10 ans plus tôt que le cancer du
risque élevé de kystes ovariens (près d’1/4 des cas) ; sein le plus précoce connu dans la famille ;
− neurologiques (20 %) dont la maladie de Lhermitte- − thyroïdiens : échographie thyroïdienne à partir de l’âge
Duclos ou gangliocytome dysplasique cérébelleux ca- de 10 ans, répétée annuellement ;
ractérisé par une lésion hamartomateuse de la fosse − utérins : examen gynécologique complet avec frottis
postérieure, et qui constitue un des marqueurs de la tous les ans et biopsies endométriales à l’aveugle an-
maladie de Cowden. nuelles à partir de l’âge de 35-40 ans, ou 5 ans plus
De nombreux autres cancers non cutanés sont décrits de tôt que le cancer de l’endomètre le plus précoce connu
façon sporadique : adénocarcinome pulmonaire, carcinome dans la famille, complété d’une échographie pelvienne
ovarien, carcinome pancréatique, carcinome transitionnel annuelle post-ménopausique ;
vésical, leucémie aiguë myéloïde, lymphome non hodgki- − rénaux : cytologie urinaire annuelle (recherche d’héma-
nien, mélanome, liposarcome, carcinome à cellules claires turie) et échographie rénale en cas d’antécédent fami-
rénal, hépatocarcinome. lial de cancer du rein.

 IRM imagerie par résonance magnétique


82-6 Maladies rares digestives et dermatologiques

veloppent dans près de 60 % des cas après le diagnostic de


la première tumeur viscérale maligne, dans 6 % des cas de
façon concomitante et peuvent précéder le diagnostic de
cancer viscéral dans près de 20 % des cas.
L’adénome sébacé est la tumeur cutanée la plus commune.
Elle est histologiquement composée de lobules glandulaires
sébacés de taille variable et incomplètement différenciés,
contenant des cellules basaloïdes en périphérie et des élé-

Coll. Pr O. Dereure, Montpellier


ments sébacés matures (vacuoles cytoplasmiques carac-
téristiques) au centre (fig. 82.8). Ces tumeurs rares appa-
raissent généralement comme des papules ou des nodules
de couleur peau normale à jaune-rosée, de topographie ubi-
quitaire mais localisés avec prédilection sur le visage et le
scalp (fig. 82.9). L’épithélioma sébacé (sébacéome) est simi-
Fig. 82.7 Collagénome storiforme au cours d’une maladie de Cowden : laire au carcinome basocellulaire mais avec une différen-
nodule scléreux du dos ciation sébacée. Le carcinome sébacé est constitué d’une
prolifération épithéliale maligne intradermique non encap-
Le traitement des lésions cutanées faciales n’est pas codi- sulée, infiltrant volontiers les tissus cutanés profonds. Sa
fié et décevant. Le 5-fluorouracil en application locale, les localisation palpébrale, en particulier sur la paupière supé-
rétinoïdes oraux, la cryochirurgie, la dermabrasion et l’abra- rieure, est fréquente et développée généralement à partir
sion par laser sont le plus souvent d’efficacité incomplète des glandes de Meibomius, parfois à partir des glandes
et les récidives fréquentes. Le traitement chirurgical des lé- de Zeiss. Cliniquement, il s’agit d’un nodule ferme, jaune
sions muqueuses buccales s’accompagne majoritairement ayant tendance à s’ulcérer et à envahir le tissu adipeux orbi-
de récidives. taire. Au stade débutant, il peut être confondu avec un cha-
lazion ou révélé par une blépharo-conjonctivite chronique.
Syndrome de Muir-Torre Son évolution est imprévisible, marquée par un risque de

Le syndrome de Muir-Torre est une affection héréditaire


rare, caractérisée par le développement de tumeurs à diffé-
renciation sébacée ou de kératoacanthomes, associée de
façon simultanée ou séquentielle à une ou plusieurs tu-
meurs viscérales malignes, en particulier colorectale, en-
dométriale et génito-urinaire ¹³-¹⁶. Sa transmission est au-
tosomique dominante mais sa pénétrance et son expres-
sivité sont variables. Il est lié le plus souvent à une muta-
tion d’un des gènes MMR (pour mismatch repair) majori-
tairement hMSH2, plus rarement hMLH1. Ces gènes sont
impliqués dans le système de réparation des mésapparie-
ments de l’ADN et la présence d’une mutation germinale
allélique d’un de ces gènes est une cause reconnue de pré-
disposition au cancer colorectal héréditaire sans polypose
(HNPCC pour hereditary non polyposis colorectal cancer) ou
syndrome de Lynch. Le syndrome de Muir-Torre est actuel-
lement considéré comme une variante phénotypique du
syndrome HNPCC. La plupart des observations sont rap-
portées chez des patients à peau dite blanche, avec une
prédominance masculine (3H/2F). L’âge de survenue de la
première tumeur viscérale maligne varie entre 23 et 89 ans,
avec une moyenne de 53 ans.
Les manifestations cutanées se caractérisent par des tu-
Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

meurs à différenciation sébacée (adénome, épithélioma, tu-


meur kystique, carcinomes) de classification histologique
parfois difficile et des kératoacanthomes. La présence d’une
ou plusieurs tumeurs cutanées sébacées (restreintes aux
adénomes, épithéliomas et carcinomes) en association avec
au moins un cancer viscéral définit le syndrome de Muir- Fig. 82.8 Examen histologique d’un adénome sébacé : lobules
Torre. Les tumeurs cutanées varient en nombre, de la lésion glandulaires sébacés contenant des cellules basaloïdes en périphérie et
unique à une centaine de lésions disséminées. Elles se dé- des éléments sébacés matures (vacuoles cytoplasmiques) au centre
Syndrome de Howel-Evans 82-7

Les études moléculaires chez les patients atteints de syn-


drome de Muir-Torre ont mis en évidence une instabilité
des séquences microsatellites du génome dans les tumeurs
cutanées sébacées et les carcinomes colorectaux ¹⁷. Les mi-
crosatellites sont des séquences d’ADN constituées d’une
répétition de 1 à 4 bases, distribuées sur l’ensemble du gé-
nome. L’absence de réparation des erreurs de réplication de
l’ADN aboutit à l’instabilité de ces microsatellites et consti-
tue un marqueur de déficience des gènes MMR, en particu-
lier au cours des mutations des gènes hMLH1 et hMSH2.
Cette instabilité des microsatellites peut se rechercher direc-
tement au niveau tissulaire par test génétique moléculaire.
Elle peut indirectement être objectivée sur le plan immu-
nohistochimique par l’absence d’expression nucléaire des

Coll. Pr N. Dupin, Paris


protéines MSH2 et MSH6 (avec laquelle MSH2 forme nor-
malement un hétérodimère) dans les tumeurs cutanées et
coliques en comparaison avec le tissu sain adjacent.
La prise en charge de patients atteints de syndrome de
Fig. 82.9 Adénomes sébacés du visage au cours d’un syndrome de Muir-Torre ou de patients porteurs de mutation délétère
Muir-Torre des gènes hMSH2 ou hMLH1 repose sur la prévention, le dé-
pistage et la prise en charge des cancers colorectaux, de l’uté-
dissémination métastatique. Dans 30 % des cas, le carci- rus et des éventuels carcinomes sébacés. Elle comprend un
nome sébacé est associé au syndrome de Muir-Torre. Les tu- examen annuel complet du tégument cutané et des mu-
meurs kystiques sébacées constituent des marqueurs très queuses, une palpation mammaire et des examens paracli-
spécifiques, presque constamment associées au syndrome niques orientés :
de Muir-Torre. Cliniquement, il s’agit de nodules cutanés − une coloscopie tous les deux ans à partir de l’âge de
d’une taille variant entre 1 à 2 cm et localisés avec prédi- 20 ans ;
lection sur le tronc. Histologiquement, ils sont constitués − un examen gynécologique annuel avec une échographie
par des structures kystiques non connectées à l’épiderme +/– transvaginale utérine avec mesure de l’épaisseur
et ils regroupent un spectre de lésions histologiques allant utérine et +/– des biopsies endométriales dès l’âge de
de l’adénome sébacé kystique aux tumeurs prolifératives 30 ans.
kystiques sébacées, ces dernières correspondant peut-être En revanche les modalités de dépistage des autres cancers
à des carcinomes sébacés bien différenciés. Les autres tu- ne font pas l’objet de consensus en raison de leur faible pré-
meurs sébacées bénignes communes, comme l’hyperplasie valence. Une gastroscopie et une échographie de l’abdomen
sébacée ou le stéatocystome, ne sont pas associées préféren- et des voies génito-urinaires (ou une tomodensitométrie ab-
tiellement avec le syndrome de Muir-Torre. Les kératoacan- dominale et pelvienne) tous les un à deux ans doivent être
thomes au cours du syndrome de Muir-Torre ne peuvent envisagées en cas d’antécédent familial de cancer gastrique
être différenciés des formes sporadiques, mais la présence ou des voies génito-urinaires.
d’une différenciation histologique sébacée est évocatrice. Le traitement des tumeurs sébacées bénignes et des kéra-
De même la coexistence au sein d’une même lésion d’un adé- toacanthomes repose sur l’excision chirurgicale ou la cryo-
nome sébacé et d’un kératoacanthome (séboacanthome) thérapie. En cas de carcinome sébacé, une excision large
est très suggestive du syndrome de Muir-Torre. La possi- avec une marge de 5-6 mm est le traitement de première
bilité de kératoacanthomes sans tumeur à différenciation intention. Les rétinoïdes oraux, associés ou non à l’IFN α2a
sébacée au cours du syndrome de Muir-Torre a été rappor- ont été proposés avec succès dans le traitement préventif
tée. des lésions cutanées sébacées et des kératoacanthomes.
Le risque de cancer viscéral est particulièrement important
pour le carcinome colorectal (de l’ordre de 50 %) et le cancer Syndrome de Howel-Evans
de l’endomètre (de l’ordre de 40 %), le cancer des ovaires (de
l’ordre de 10 %) et les carcinomes des voies urinaires hautes Transmis sur un mode autosomique dominant avec un lo-
à cellules transitionnelles comprenant la vessie, les reins et cus morbide situé sur le chromosome 17q, ce syndrome
les uretères. Les autres cancers rapportés sont mammaires, exceptionnel se manifeste par une kératodermie palmoplan-
pulmonaires, gastriques, parotidiens, laryngés et des hé- taire à caractère focal ¹⁸. Les paumes peuvent être respec-
mopathies malignes. Les cancers sont multiples dans près tées ¹⁹. Deux types ont été identifiés ¹⁹,²⁰ : le type A dans
d’un cas sur deux (jusqu’à quatre cancers chez un même lequel la kératodermie apparaît tardivement, entre 5 et
individu dans 10 % des cas). Le cancer colique associé au 15 ans, et le type B qui est généralement diagnostiqué à la
syndrome de Muir-Torre débute en moyenne vers l’âge de naissance ou au cours des premières années de vie et dans le-
50 ans, soit 15 à 20 ans plus précocement que dans la po- quel les aires kératodermiques sont bien limitées et d’épais-
pulation générale. seur uniforme. La distinction est importante puisque l’as-

 IFN interféron
82-8 Maladies rares digestives et dermatologiques

sociation aux cancers n’est significative que pour le type A.


C’est le carcinome épidermoïde de l’œsophage qui a été rap-
porté dans les premières publications ²⁰ avec un risque très
élevé aux alentours de 90 %. Depuis, d’autres cancers, de
la peau, de l’estomac, du larynx et des bronches ¹⁹ ont été
décrits.

Syndrome de Cronkhite-Canada
Non héréditaire, ce syndrome exceptionnel d’étiologie in-

Coll. clinique de Dermatologie, CHRU Lille


connue qui apparaît chez des sujets d’âge moyen associe
une polypose gastro-intestinale diffuse avec tableau clinico-
biologique d’entéropathie exsudative et des manifestations
cutanéophanériennes de nature carentielle : pigmentation
diffuse de type addisonienne plus accentuée sur le visage,
le cou et les extrémités (dos des mains, face palmaire des
doigts, paumes et plantes) ; alopécie initialement en aires
et d’évolution rapide ; dystrophie de tous les ongles des
doigts et des orteils, signe le plus constant de la maladie ²¹. Fig. 82.10 Maladie de Degos : papules atrophiques porcelainées à
Des lésions bulleuses dont le mécanisme reste à préciser centre blanchâtre et cernées d’un fin liseré érythémateux
ont également déjà été observées. La régression de ces ma-
nifestations durant les phases d’amélioration digestive ou phique (fig. 82.10). Elles sont en nombre très variable et d’âge
après correction des anomalies biologiques est possible différent du fait de l’évolution par poussées. Elles siègent
mais en fait rarement constatée. essentiellement sur le tronc et les membres supérieurs.
Inaugurée habituellement par une diarrhée, des douleurs Les lésions digestives présentes dans près de 60 % des cas
abdominales, un amaigrissement et des œdèmes, l’affec- s’observent souvent dans les mois ou années qui suivent
tion dont l’évolution est lentement progressive peut par- l’apparition des signes cutanés. Elles se traduisent par des
fois être stabilisée par une corticothérapie et une assistance manifestations non spécifiques à type de diarrhée, vomisse-
nutritionnelle ²². Récemment, des auteurs japonais ont rap- ment, malabsorption, ou un tableau chirurgical par perfo-
porté la rémission des signes extradigestifs ainsi que de la ration intestinale qui peut être inaugurale ²⁷. Les infarctus
polypose après traitement à visée anti-Helicobacter pylori ²³. réalisant les mêmes lésions blanchâtres que sur la peau
Les anti-histaminiques à forte dose, associés à l’azathio- peuvent siéger sur tout le tractus digestif (surtout l’intes-
prine, peuvent également constituer une alternative thé- tin grêle) mais également les autres organes abdominaux.
rapeutique ²⁴. Le pronostic est néanmoins réservé avec un Les manifestations neurologiques sont à type d’infarctus
taux de mortalité chiffré à 55 % à 5 ans. Bien qu’inflamma- cérébraux multiples, de thromboses des sinus veineux et
toire et hamartomateuse, la polypose comporte un risque d’hématomes sous-duraux.
de dégénérescence estimé à 15 % ²⁵. Il existe des formes qui semblent uniquement cutanées
et qui de ce fait seraient de bon pronostic ²⁸. Il faut cepen-
Maladie de Degos dant savoir que le délai d’apparition des manifestations
systémiques peut être supérieur à 12 ans. Un bilan d’auto-
La maladie de Degos ou papulose atrophiante maligne immunité et de thrombophilie doit être systématique en
est une affection systémique très rare (moins de 200 cas présence de lésions cutanées évocatrices car il a été suggéré
décrits) de cause inconnue, touchant préférentiellement que la maladie de Degos ne serait pas une entité propre
l’adulte jeune, mais des cas pédiatriques ont été rappor- mais correspondrait à une forme clinique rare de maladie
tés ²⁶. Bien que quelques cas familiaux aient été décrits, la de système, lupus principalement, mais aussi dermatomyo-
plupart des observations sont sporadiques. Il n’existe pas site, sclérodermie, voire maladie de Crohn ²⁶. Des anticorps
de traitement et l’évolution est le plus souvent fatale, deux antiphospholipides ont été trouvés chez certains malades
tiers des malades décédant dans les deux ans qui suivent sans signification précise.
l’apparition de la maladie. Elle est caractérisée par une vas- Aucun des nombreux traitements essayés n’est efficace :
culite thrombosante des petits vaisseaux, responsable de anti-thrombotiques, fibrinolytiques, héparine, corticoïdes,
nombreux micro-infarctus de la peau, du tube digestif, du azathioprine, stanozolol, échanges plasmatiques et récem-
système nerveux central atteint dans 20 % des cas, et plus ment, immunoglobulines intraveineuses et infliximab ²⁹.
rarement d’autres organes. Les lésions cutanées, toujours
présentes et souvent révélatrices, sont caractéristiques. Il Syndrome du blue rubber bleb naevus
s’agit initialement de papules érythémateuses non prurigi-
neuses dont la surface devient rapidement atrophique et Plus souvent sporadique que transmis en dominance auto-
de teinte blanchâtre, porcelainée. Les lésions, cerclées par somique, ce syndrome isolé par Bean est une angiomatose
un fin liseré érythémateux, évoluent vers une cicatrice atro- veineuse cutanéodigestive rare : environ 200 cas rappor-
Références 82-9

tés dans la littérature anglo-saxone. Présentes dès la nais-


sance ³⁰ ou apparaissant dans l’enfance, les lésions cutanées
sont bleuâtres, saillantes, dépressibles et de consistance
élastique d’où leur comparaison à des tétines de caoutchouc
(fig. 82.11). Pouvant siéger en n’importe quel point du tégu-
ment ainsi que sur les muqueuses buccales ou génitales,
ces lésions mesurent de 0,5 à 3 cm de diamètre, sont en
nombre variable et ont tendance à se multiplier au cours
de la vie. Indolores ou sensibles spontanément ou à la pres-
sion, elles peuvent être associées à des nappes ou masses
de malformations capillaroveineuses ainsi qu’à des macules
bleutées qui traduisent la présence de lésions situées plus
profondément dans la peau.
La gravité de ce syndrome tient aux localisations diges-
tives quasi constantes qui peuvent siéger sur l’ensemble
du tractus. Souvent asymptomatique, sans aucune corréla-
tion avec le nombre de lésions cutanées, cette atteinte est
à rechercher systématiquement par endoscopie et vidéo-
capsule dont l’intérêt est évident compte tenu de la pré-
dominance des lésions dans l’intestin grêle ³¹. Elle peut
être responsable d’invaginations intestinales mais surtout
d’hémorragies aiguës ou occultes révélées par une anémie
ferriprive. La numération sanguine apparaît ainsi comme
un élément de surveillance essentiel. Le traitement de ces
lésions digestives est difficile et fait appel à la photocoa-

Coll. D. Bessis
gulation par laser, à la sclérothérapie ou à la chirurgie qui
pour certains auteurs ³² devrait être systématiquement en-
visagée au lieu d’être réservée au traitement d’urgence des
hémorragies. Les autres atteintes viscérales (hépatiques, Fig. 82.11 Papules et nodules bleuâtres saillants en tétine du thorax au
cérébrales, génito-urinaires) sont exceptionnelles. cours du syndrome du blue rubber bleb naevus

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Delaporte E, Bessis D. Maladies rares digestives et dermatologiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine,
vol. 4 : Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 82.1-82.10.
83
Affections cardiaques et pulmonaires
Agnès Sparsa, Valérie Doffoel-Hantz

Affections cardiaques 83-1 Syndrome des ongles jaunes 83-5


Coronaropathie 83-1 Hippocratisme digital et ostéoarthropathie hypertrophiante
Complications cutanées liées à la prise en charge des pneumique 83-6
coronaropathies 83-2 Références 83-9
Affections pulmonaires 83-5

Affections cardiaques
Coronaropathie
Pli diagonal du lobule de l’oreille Le pli diagonal du lo-
bule de l’oreille, ou signe de Frank, est un pli cutané situé
sur le trajet reliant le tragus au lobule postérieur de l’oreille
et s’étendant sur au moins un tiers de la distance (fig. 83.1).
Il barre ainsi diagonalement le lobe de l’oreille. L’examen
histologique met en évidence une rupture et une désorgani-
sation des fibres élastiques et un épaississement de l’intima
des artérioles. Il pourrait être le témoin d’un vieillissement
précoce du tissu conjonctif cutané et coronarien ¹.
La prévalence de ce signe augmente avec l’âge atteignant
42 % entre 30-39 ans et 75,8 % entre 60-69 ans ². Sa pré-
sence semble être un facteur prédictif de coronaropathie
et d’athérosclérose surtout en cas de bilatéralité et de sur-
venue précoce entre 40 et 60 ans ²,³. La valeur prédictive
positive du signe de Frank est de 80,3 % et varie selon le
sexe diminuant chez la femme à 50 % ³,⁴. À l’inverse, chez
les patients diabétiques, il ne représenterait pas un mar-
queur fiable indépendant des complications cardiovascu-
laires ⁵,⁶. Sa prévalence chez les diabétiques varie de 55 à
60 % et sa présence est associée à une maladie coronarienne
Coll. Dr N. Kluger, Montpellier

dans cette population de manière significative ⁶. Plus récem-


ment, ce signe est apparu comme un marqueur de maladies
cérébro-vasculaires et serait corrélé à l’épaississement de
l’intima et de la média de l’artère carotide ⁷,⁸.
L’association du signe de Frank à la présence du pli pré-
auriculaire augmente la valeur prédictive positive de mala-
die coronarienne à 90 % ⁹. Fig. 83.1 Pli diagonal du lobule de l’oreille (signe de Frank)
Xanthélasma Le xanthélasma est un xanthome situé sur
les paupières. Il correspond à des plaques jaunâtres légère- estérifié, dermiques et intracellulaires (fibroblastes, histio-
ment en relief situées près du canthus interne, symétriques, cytes, macrophages spumeux, parfois cellules géantes de
permanentes, multiples et coalescentes (fig. 83.2) ¹⁰. Histo- Touton multinuclées et remplies de gouttelettes lipidiques
logiquement, il s’agit de dépôts lipidiques de cholestérol intracytoplasmiques).
83-2 Affections cardiaques et pulmonaires

d’infarctus du myocarde chez l’homme : la calvitie, l’hy-


perpilosité thoracique et les cheveux gris, principalement
avant l’âge de 45 ans. L’association de plusieurs de ces
signes ne semble pas majorer ce risque ¹⁷.

Complications cutanées liées à la prise en charge


des coronaropathies
Radiodermites après cathétérismes cardiaques Les ex-

Coll. D. Bessis
plorations endovasculaires itératives à visée diagnostique
(coronarographie) et thérapeutique (angioplastie coronaire
percutanée, traitement par radiofréquence de troubles
Fig. 83.2 Xanthélasma des paupières du rythme ¹⁸) utilisant la cinéradiographie et la fluoro-
scopie exposent les patients à de fortes doses de radia-
Sa prévalence est plus élevée chez la femme et augmente tions ionisantes (0,2 à 0,8 Gy/min). Le temps d’exposi-
avec l’âge ¹¹. Le xanthélasma s’associe dans près de 50 % des tion et la dose cumulée d’irradiation semblent être des
cas à une dyslipidémie primitive, habituellement de type IIa paramètres impliqués dans l’apparition de radiodermites
selon la classification de Frederickson (fig. 83.3). Toutefois, post-interventionnelles ¹⁹,²⁰. Par conséquent, la prévalence
il peut se voir aussi dans les types IIb et III où il existe des radiodermites post-interventionnelles augmente lors
également une hypercholestérolémie. des angioplasties coronaires percutanées, procédure plus
La prévalence des maladies cardiovasculaires athéroma- longue qu’une scopie pour angioplastie simple et lorsque
teuses chez les patients avec xanthélasma varie entre 15 les patients ont subi plusieurs expositions ²¹,²². Les doses
et 69 % selon les séries ¹²,¹³. Les patients dyslipidémiques moyennes de rayons X délivrées au niveau cutané lors de
avec xanthélasma sont plus à risque de développer une ma- cathétérisme cardiaque avec ou sans angioplastie coronaire
ladie cardiovasculaire par rapport aux patients normolipidé- percutanée sont respectivement de 6,4 Gy et 2,5 Gy ²³. Des
miques avec xanthélasma. Le rôle prédictif d’athéromatose facteurs favorisants existent et semblent augmenter la ra-
en cas de présence de xanthélasma chez un patient normo- diosensibilité : le terrain (obésité, collagénose), la topogra-
lipidémique demeure obscur, mais une élévation du taux phie (haut du dos, zone radiosensible) et certains médica-
de cholestérol LDL et une diminution du cholestérol HDL ments (amiodarone, fibrates) ²⁴.
peuvent être observées, justifiant ¹⁴ la détermination des Les radiodermites après cathétérismes cardiaques touchent
taux de HDL, LDL, apolipoprotéines A1, B et E ¹⁵. Cepen- principalement le sexe masculin probablement parce que
dant, si la présence du xanthélasma peut s’associer à une la maladie coronarienne athéromateuse prédomine chez
dyslipidémie, il ne représenterait pas à lui seul un marqueur l’homme ²⁵. Les lésions siègent sur le ou les trajets du fais-
indépendant du risque cardiovasculaire athéromateux ¹⁷. ceau ionisant et peuvent être de topographie antérieure ou
Autres signes dermatologiques Plusieurs anomalies cu- postérieure, bilatérales avec une extension à distance sur
tanées peuvent s’associer significativement avec le risque les faces postérieures du bras. Elles peuvent se situer sur
le haut du dos, les régions axillaire, scapulaire droite (plus
qu’à gauche), mammaire ou sous-mammaire. Le délai d’ap-
CLASSIFICATION DE FREDERICKSON parition de la radiodermite varie de quelques semaines à
trois ans après la dernière exploration endovasculaire ²³,²⁶.
Type I : hypertriglycéridémie exogène Cliniquement, il s’agit le plus souvent d’une radiodermite
Chylomicrons. Sérum trouble, hypertriglycéridémie >10 g/l chronique associant une poïkilodermie (fig. 83.4) et un as-
pect fibreux. Parfois, ce sont des placards érythémato-
Type IIA : hypercholestérolémie pure
LDL. Sérum clair, hypercholestérolémie, LDL élevé, HDL bas
pigmentés se compliquant d’ulcérations ou de nécroses
et triglycéridémie normale extrêmement douloureuses avec une atteinte osseuse sous-
xanthélasma
Existence de

jacente possible s’installant en trois mois à trois ans (jus-


Type IIB : dyslipidémie mixte
qu’à 10 ans ²⁷) après l’exposition ²⁸. Des aspects des radio-
VLDL et LDL. Sérum clair ou trouble, hyperlipidémie mixte
Cholestérol total et triglycérides augmentés dermites aiguës, pouvant apparaître en quelques semaines,
ont été rapportés, marqués par des lésions érythémateuses
Type III : soudure VLDL-LDL ou IDL. Sérum trouble
Hyperlipidémie mixte. HDL et LDL Normaux.
avec des vésicules ou des bulles. Un érythème peut se dé-
Cholestérol total et triglycérides élevés velopper après une seule irradiation de 3 à 8 Gy dès la pre-
mière semaine. Entre 6 et 12 Gy, on observe une desquama-
Type IV : hypertriglycéridémie endogène tion sèche post-éruptive et une pigmentation séquellaire
VLDL Sérum trouble. Hypertriglycéridémie majeure durant quelques mois ou années. De 12 à 20 Gy, on note
Coll. D. Bessis

un œdème, des vésicules ou des bulles et des érosions. Des


Type V : hypertriglycéridémie endo/exogène
Type IV majoré avec chylomicrons
aspects de radiodermites s’observent au bout de plusieurs
mois ou années pour des doses allant de 10 à 20 Gy ²⁹.
Fig. 83.3 Classification de Frederickson L’histologie cutanée peut être une aide au diagnostic des ra-
Affections cardiaques 83-3

Coll. D. Bessis
Fig. 83.5 Dermohypodermite chronique de jambe en regard d’une
cicatrice de saphénectomie

des nécroses ont été rapportés ³².


La complication la plus fréquente semble être la dermo-
hypodermite bactérienne récidivante à streptocoques en
regard du site de prélèvement (fig. 83.5). Son incidence
est estimée à 6,2 % ³³ et plus récemment à 4 % ³⁴. Sa
physiopathologie est mal connue ³⁵ et multifactorielle :
charge bactérienne locale importante, hypersensibilité
aux toxines streptococciques, existence d’un intertrigo
interdigito-plantaire mycosique (50-100 % des cas) consti-
tuant la porte d’entrée ³⁶, désordre veino-lymphatique.
Elle survient en moyenne 8 mois après la saphénectomie
Coll. D. Bessis

(3 mois à 84 mois).
Des dermatoses eczématiformes ont été rapportées sur le
trajet de l’exérèse de la veine saphène. Le délai d’apparition
Fig. 83.4 Plaque poïkilodermique du dos témoignant d’une est retardé et varie de 1,5 à 9 mois. Elles répondent à un
radiodermite chronique après angioplasties coronaires percutanées répétées traitement par dermocorticoïdes mais récidivent souvent
à l’arrêt. Le mécanisme demeure mal expliqué (stase vei-
diodermites chroniques lorsqu’elle montre une dégénéres- neuse...) ³⁷. Récemment, une récurrence herpétique a été
cence épidermique, une sclérose du derme, des fibroblastes observée sur le site donneur de saphène ³⁸.
stellaires et des ectasies vasculaires ²³. L’examen anatomo- Vasculite cutanée leucocytoclasique après pontage coro-
pathologique des formes érythémato-pigmentées est d’in- narien Deux observations de vasculite leucocytoclasique
terprétation plus délicate en révélant des lésions plus lo- survenant 7 et 21 jours après un pontage coronarien as-
calisées dans le derme avec un épaississement collagène, sociée à un syndrome de post-péricardiotomie ont été rap-
un infiltrat lymphocytaire périvasculaire sans nécrose épi- portées sans que le mécanisme physiopathologique (pro-
dermique et sans dégénérescence dermique ²⁶. Un aspect duction de complexes immuns circulants, anticorps anti-
lichénoïde a été rapporté dans les formes précoces ³⁰. cœur...) ne soit clairement élucidé à ce jour ³⁹.
L’exérèse chirurgicale suivie d’une greffe de peau est le trai- Endocardites infectieuses Les principales manifesta-
tement de choix lorsqu’il est possible en raison du risque tions dermatologiques décrites au cours des endocardites
potentiel de transformation en carcinome épidermoïde. La infectieuses aiguës ou subaiguës regroupent les nodules
prophylaxie de ces radiodermites est donc nécessaire. L’exa- (nodosités) d’Osler, l’érythème de Janeway, le purpura
men dermatologique avant et après l’irradiation s’impose. pétéchial et les hémorragies sous-unguéales en « flam-
La surveillance dermatologique de la zone irradiée, qu’il mèche » ⁴⁰-⁴².
y ait eu ou non une radiodermite, est nécessaire afin de Les nodules d’Osler s’associent le plus souvent aux endo-
prévenir le risque de survenue de carcinome au long cours. cardites bactériennes infectieuses subaiguës avec une fré-
Complications cutanées après prélèvements de greffons quence évaluée entre 10 à 25 %. Il s’agit de nodules érythé-
saphènes La morbidité associée au prélèvement de la mateux à centre parfois blanchâtre, de taille variable (1 mm
veine saphène par incision continue de la jambe en vue de à plus d’1 cm), tendus, indurés, ronds ou ovalaires et dou-
pontage aorto-coronarien varie de 4 à 6 % selon les séries ³¹. loureux. Ils siègent avec prédilection sur les paumes et les
Des retards de cicatrisation à l’origine d’ulcère de jambe et plantes (fig. 83.6), plus particulièrement sur les pulpes, les
83-4 Affections cardiaques et pulmonaires

Coll. D. Bessis
Fig. 83.7 Érythème de Janeway au cours d’une endocardite infectieuse
aiguë : macules hémorragiques de la paume et de la pulpe des doigts

nodules d’Osler et l’érythème de Janeway constituent les


manifestations cliniques variables d’un même processus
embolique, le développement histologique d’une vasculite
n’étant en fait qu’une conséquence secondaire des micro-
abcès infectieux.
Les hémorragies sous-unguéales, longitudinales, « en flam-
mèche » (fig. 83.8), en particulier au troisième doigt et de
localisation proximale, constituent un signe d’appel clas-
sique au cours des endocardites infectieuses (10 à 25 %),
mais sont peu spécifiques.
D’autres manifestations dermatologiques ont été ponctuel-
Coll. D. Bessis

lement rapportées : livedo réticulé des membres inférieurs

Fig. 83.6 Nodules d’Osler plantaires au cours d’une endocardite


infectieuse aiguë : nodules érythémateux ronds et de petite taille

éminences thénar et hypothénar et les bords latéraux des


doigts ¹. Une atteinte du dos des pieds et des flancs est néan-
moins possible ². Leur évolution est fugace, de quelques
heures à quelques jours. Ils n’ont pas de signification pro-
nostique péjorative.
L’érythème de Janeway diffère des nodules d’Osler par son
caractère maculeux, hémorragique, de couleur rouge-brun
à contour irrégulier, angulaire, non tendu et indolore, mais
de même localisation palmoplantaire (fig. 83.7). L’associa-
tion se ferait préférentiellement avec les endocardites infec-
tieuses aiguës. Un purpura pétéchial associé est fréquent
au niveau muqueux (palais, conjonctives) et cutané (tronc,
extrémités, cou), parfois nécrotique et étendu.
La physiopathologie de ces différentes manifestations cu-
tanées relève schématiquement de deux mécanismes ⁴³-⁴⁵ :
− embols septiques en raison de la présence histologique
de microabcès à neutrophiles sans vasculite classique-
ment au cours de l’érythème de Janeway avec la mise en
évidence inconstante de l’agent infectieux par cultures
de peau (ou exceptionnellement à l’examen direct) ;
Coll. D. Bessis

− dépôts de complexes immuns circulants en raison de la


présence d’une vasculite leucocytoclasique au cours du
purpura et au sein des nodules d’Osler.
En fait, cette distinction physiopathologique et histolo- Fig. 83.8 Hémorragies sous-unguéales, longitudinales, en
gique est discutée et nombre d’auteurs postulent que les « flammèche », au cours d’une endocardite infectieuse aiguë
Affections pulmonaires 83-5

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Fig. 83.10 Syndrome des ongles jaunes : dyschromie de la totalité
des tablettes unguéales des mains qui apparaissent épaissies avec une
Fig. 83.9 Nécroses digitales et plantaire au cours d’une endocardite accentuation des courbures transversales et une coloration gris noir des
infectieuse aiguë bords latéraux des tablettes

au cours des endocardites infectieuses aiguës, purpura vas- Le tissu myxoïde peut migrer dans le tissu cutané profond
culaire pétéchial du tronc, du cou, de l’extrémité cépha- par dissémination métastatique sous la forme de multiples
lique, des conjonctives ou du palais, hippocratisme digi- nodules cutanés profonds du tronc ⁵⁵. L’histologie cutanée
tal au cours d’une forme prolongée d’endocardite ⁴⁶, livedo permet de mettre en évidence du tissu myxoïde.
avec ecthyma au cours de l’endocardite à Pseudomonas aeru- Des tableaux de vasculite (purpura vasculaire) et de pseudo-
ginosa ⁴⁷, nécroses distales des extrémités d’origine embo- périartérite noueuse associant des signes généraux (fièvre,
lique ⁴⁸,⁴⁹ (fig. 83.9). asthénie) et systémiques (articulaires et myalgies) mimant
Myxome cardiaque isolé Le myxome cardiaque est sou- une connectivite (positivité possible des auto-anticorps
vent dénommé myxome de l’oreillette car il se localise dans de type lupique) sont décrits ⁵⁶. Les examens biologiques
trois quarts des cas dans l’oreillette gauche ⁵⁰. Il s’agit de la mettent en évidence un syndrome inflammatoire, une ané-
tumeur primitive cardiaque la plus fréquente de l’adulte ⁵¹. mie de type inflammatoire voire une élévation des CPK.
Il prédomine chez la femme et peut survenir à tout âge Les signes systémiques pourraient être liés à la production
(maximum entre 30 et 60 ans). d’immuns complexes circulants et d’interleukine-6 par les
Le diagnostic est généralement évoqué devant l’existence : cellules myxomateuses ⁵⁷.
− de manifestations emboliques : accident vasculaire cé- Le traitement du myxome cardiaque repose sur l’exérèse
rébral ischémique, ischémie de membre inférieur, al- chirurgicale large et précoce de la tumeur.
tération de l’état général avec manifestations systé-
miques orientant vers une connectivite de type pseudo- Affections pulmonaires
périartérite noueuse ;
− de manifestations cardiaques : obstruction valvulaire Syndrome des ongles jaunes
simulant une maladie mitrale, syncope, infarctus du Le syndrome des ongles jaunes (syndrome xanthonychique,
myocarde, tableau pseudo-endocarditique. Ces signes yellow-nail syndrome) associe dans sa description initiale
ne sont pas toujours au premier plan. des altérations unguéales dystrophiques avec une colora-
Le diagnostic est confirmé par la réalisation d’une échogra- tion jaune de tous les ongles, des anomalies lymphatiques
phie cardiaque transthoracique ou transœsophagienne. (le plus souvent des membres inférieurs) et une atteinte
Les signes cutanés du myxome cardiaque sont variés et pleuropulmonaire ⁵⁸. Les trois signes ne sont pas toujours
peuvent révéler la tumeur. Ils peuvent schématiquement présents réalisant des tableaux cliniques incomplets dans
se diviser en trois types en fonction du mécanisme physio- 25 % des cas. Le mécanisme physiopathologique plaide en
pathologique. faveur d’anomalies du drainage lymphatique ⁵⁹. Plus récem-
Les manifestations cutanées emboliques liées aux embols ment, l’hypothèse d’une augmentation de la perméabilité
artériels miment un tableau clinique pseudo-endocardi- microvasculaire a été émise ⁶⁰. Ce syndrome touche sans
tique. On peut observer des macules et/ou des papules prédominance de sexe l’homme ou la femme d’âge moyen
érythémateuses douloureuses de la pulpe des doigts, de (50-60 ans), même si des cas pédiatriques sont exception-
la paume des mains et de la plante des pieds avec une exten- nellement rapportés ⁶¹.
sion de l’érythème en nappe sur les avant-bras, les jambes L’atteinte unguéale est un élément clé diagnostique et sa
et les cuisses. Il s’agit parfois aussi de lésions serpigineuses présence est quasi indispensable pour le retenir. La dyschro-
et annulaires tendues, violacées des pulpes distales des mie est de teinte jaune, plus ou moins foncée, parfois gris-
doigts. On peut noter un livedo réticulaire des mains et des noir sur les bords latéraux de tous les ongles des doigts et
avant-bras pouvant en cas d’atteinte neurologique simuler des orteils (fig. 83.10). Elle touche tout ou partie de la tablette.
un syndrome de Sneddon ⁵²,⁵³. Un syndrome de Raynaud Cette dernière est très dure et épaissie avec une accentua-
volontiers atypique peut précéder le reste du tableau ⁵⁴. tion des courbures transversales et/ou longitudinales. On
83-6 Affections cardiaques et pulmonaires

peut observer des anomalies du repli postérieur avec une


paronychie chronique et une disparition de la cuticule. Le
ralentissement de la pousse est très net et peut conduire à
un arrêt complet relevé à l’interrogatoire. On note parfois
une onycholyse latérale plus ou moins étendue pouvant
aboutir à une onychoptose.
Le diagnostic différentiel se pose avec les autres étiologies
de xanthonychie : toxiques (vernis à ongles et durcisseurs,
henné, agents chimiques, tabac...), médicamenteuses (cy-
clines, lithium, D-pénicillamine, bêta-carotène) ou liée à
certains états pathologiques (infection unguéale à pyocya-

Coll. D. Bessis
nique ou à Candida, diabète, ictère, porphyrie cutanée tar-
dive, séropositivité VIH, hypothyroïdie).
La découverte d’ongles xanthonychiques doit amener à re-
chercher les autres éléments du syndrome : anomalies lym- Fig. 83.11 Hippocratisme digital : aspect bombé et élargissement des
phatiques et/ou atteinte pulmonaire. extrémités digitales
Le lymphœdème (60 % des cas) touche les membres infé-
rieurs mais peut se limiter aux chevilles dans les formes Hippocratisme digital et ostéoarthropathie hypertrophiante
frustres ⁶². Il se situe parfois aux membres supérieurs ou
pneumique
exceptionnellement au visage ⁵⁹. Il s’agit d’œdèmes blancs,
mous, indolores évoluant par poussée initialement avant Hippocratisme digital (HD) L’HD correspond à une dé-
de devenir permanents. C’est un lymphœdème primitif formation des ongles en « verre de montre » avec un aspect
avec des anomalies lymphographiques présentes dans deux bombé ou convexe associé à un élargissement des extré-
tiers des cas sous la forme d’hypoplasie ou d’aplasie des mités digitales, une augmentation de la chaleur locale et
vaisseaux lymphatiques. une hypertrophie ferme et œdémateuse des tissus mous
L’atteinte pulmonaire est à type d’épanchement pleural de la pulpe des dernières phalanges (fig. 83.11) ⁷⁴. Tous les
uni- ou bilatéral, d’importance variable (du comblement du doigts sont atteints avec souvent une prédominance sur
cul-de-sac à l’atteinte massive) ⁶³. D’autres sérites ont été les trois premiers doigts. Les orteils peuvent également
rapportées : péricardite ⁶⁴, péritonite... ⁶⁵. Les ponctions ra- être affectés. La mesure de deux angles permet le diagnos-
mènent un liquide chyleux. D’autres manifestations pulmo- tic d’HD : angle de Lovibond (formé par la lame unguéale
naires ont été observées : bronchite chronique, dilatations et le repli sus-matriciel, > 180◦ dans les HD) et angle de
des bronches, infections respiratoires récidivantes... Curth (formé par l’axe de la 2 e et de la 3 e phalange,  160◦
Des manifestations ORL et ophtalmologiques sont aussi dans les HD) (fig. 83.12). Le signe de Schamroth recherché
rapportées en dehors de la sinusite ⁶² et justifient parfois
un avis spécialisé : oblitération du conduit auditif externe 180° 160°
par de la kératine ⁶⁶, atteintes conjonctivales ⁶⁷. Un certain
nombre d’affections associées ont été décrites : pathologies
dysimmunitaires (polyarthrite rhumatoïde ⁶⁸), tumeurs ma-
lignes solides, des hémopathies (dysglobulinémies, hypo-
gammaglobulinémies...), dysthyroïdies (nodule thyroïdien,
Doigt normal
thyrotoxicose, thyroïdite d’Hashimoto, hypothyroïdie...)
et pathologies rénales (syndrome néphrotique, glomérulo-
néphrite...). L’évolution de ce syndrome est chronique et
prolongée avec des rémissions spontanées dans 30 % des
cas. L’octréotide a été utilisé avec succès pour contrôler les 180°
épanchements pleuraux ⁶⁹. Des régressions du syndrome
sont également observées lors du traitement de la maladie 160°
associée ⁷⁰. Une étude récente semble montrer que la mé- ibond
de Lov
diane de survie est diminuée par rapport à la population Angle
générale ⁶¹. Des traitements systémiques ont été envisagés Angle de Curth
pour leur action anti-oxydante. La vitamine E est propo-
Coll. D. Bessis

sée avec des efficacités variables selon les auteurs. La dose Hippocratisme digital
préconisée d’alpha-tocophérol est de 600-1 200 UI/j (1 UI
= 1 mg) pendant 3 à 6 mois ⁷¹. Le zinc à la dose de 300 mg/j
a été utilisé avec succès dans un cas ⁷². Les traitements Fig. 83.12 Hippocratisme digital : l’angle de Curth formé par l’axe de la
locaux des ongles sont souvent décevants : injections intra- deuxième et de la troisième phalange est inférieur ou égal à 160◦ (normale
matricielles de corticoïdes, vitamine E topique à 5 % dans à 180◦ ), et l’angle de Lovibond formé par la lame unguéale et le repli
du diméthylsulfoxyde (DMSO) ⁷³. sus-matriciel est supérieur à 180◦ (normale à 160◦ )

 HD hippocratisme digital · VIH virus de l’immunodéficience humaine


Affections pulmonaires 83-7

Étiologies de l’hippocratisme digital nante. L’HD est isolé et indolore sans signe articulaire, os-
Causes pulmonaires seux ou cutané. L’installation est progressive à la puberté
Cancer primitif ou métastase parfois unilatérale au début. Une prédominance ethnique a
Dilatations de bronches été notée dans les populations d’Afrique noire et du Magh-
Infection chronique reb. Parmi les étiologies d’HD congénital, on peut citer trois
Tuberculose syndromes où l’HD s’associe à une kératodermie palmoplan-
Abcès taire. Le syndrome de Fischer associe hyperhidrose, anoma-
Empyème pleural lies squelettiques, onychogriffose, hypotrichose, anomalies
Mésothéliome thyroïdiennes. Le syndrome de Volavsek comprend une dys-
Emphysème trophie unguéale et une syringomyélie. Enfin, le syndrome
Fibrose pulmonaire de Bureau-Barrière-Thomas associe un élargissement des
Pneumopathie interstitielle chronique extrémités et une microcéphalie.
Sarcoïdose Les formes généralisées acquises sont d’apparition tardive,
Maladie de Hodgkin douloureuses et sans antécédents familiaux. Les étiologies
Causes cardiaques sont énumérées dans l’encadré 83.A.
Cardiopathie congénitale cyanogène La cause la plus fréquente est la néoplasie pulmonaire (can-
Endocardite infectieuse cer bronchique, de type adénocarcinome et cancer épider-
Insuffisance cardiaque gauche moïde, ou mésothéliome) ⁷⁶. L’HD précède en général le can-
cer de plusieurs mois et justifie la répétition des examens
Myxome de l’oreillette
en cas de négativité du bilan initial. L’apparition simulta-
Causes hépatiques
née ou la précession de la pathologie causale sur l’HD est
Cirrhose biliaire primitive
plus rare. La rapidité d’installation et le caractère doulou-
Hépatite chronique active
reux de l’HD doivent faire suspecter une étiologie maligne.
Carcinomes des voies bililaires et hépatiques
Viennent ensuite les causes infectieuses chroniques pulmo-
Cirrhoses éthylique et post-hépatitique
naires comme les infections au cours des dilatations des
Stéatose
bronches et la bronchite chronique. Les causes digestives
Rejet de greffe représentent 5 % des causes d’HD. Chez les patients VIH,
Causes digestives l’HD peut se rencontrer même en l’absence de pathologies
Maladies inflammatoires chroniques intestinales pulmonaire ou digestive. On a pu noter des HD au cours
Infection chronique (amibiase) des anorexies mentales et après abus de laxatifs ⁷⁷,⁷⁸.
Polypose colique Les mécanismes physiopathologiques ne sont pas élucidés.
Achalasie Plusieurs hypothèses sont évoquées : libération de PDGF
Prothèse endo-œsophagienne (platelet-derived growth factor) à l’origine d’une augmen-
Cancer de l’œsophage tation de la perméabilité capillaire ⁷⁹, rôle de l’hepatocyte
Causes diverses growth factor ⁸⁰, production d’un vasodilatateur (ferritine,
Cancer : nasopharynx, cavum, thyroïde sérotonine, bradykinine, PGE 2 ou hormone de croissance),
Thymome rôle du nerf vague ⁸¹,⁸², et du VEGF (vascular endothelial
Infection VIH growth factor) ⁸³.
Hyperthyroïdie Le traitement de l’HD est celui de la cause. Les signes dou-
83.A loureux et vasomoteurs régressent rapidement après le trai-
tement étiologique à l’inverse de la courbure unguéale et
à la base de l’ongle après accolement de deux doigts face de la périostose qui régressent plus lentement ou incomplè-
unguéale contre face unguéale est marqué par une oblité- tement.
ration de la fenêtre losangique en raison d’une disparition Ostéoarthropathie hypertrophiante L’ostéoarthropa-
de l’angle physiologique entre la lame unguéale et le repli thie hypertrophiante associe un hippocratisme digital à
sous-matriciel. Radiologiquement, on peut observer une une hypertrophie pseudo-acromégalique des extrémités
déminéralisation des phalanges atteintes et un épaississe- (mains, pieds, plus rarement de la face) (fig. 83.13), des dou-
ment irrégulier des corticales diaphysaires. leurs articulaires d’horaire inflammatoire (arthralgies, ar-
Les étiologies d’HD sont nombreuses et d’origine pleuro- thrites, synovites), symétriques touchant les grosses ar-
pulmonaire dans près de 90 % des cas. Les HD localisés ticulations (genoux, coudes, chevilles, poignets) avec un
sont toujours acquis. La cause la plus fréquente est une liquide articulaire mécanique, des altérations osseuses (ap-
infection de prothèse valvulaire (aortique, carrefour aorto- positions périostées) responsables de douleurs et enfin une
bifémorale) ⁷⁵. Parfois un seul membre supérieur peut être cyanose et des paresthésies des extrémités ⁷⁴. Les radio-
atteint : maladie de Takayashu ; anévrysmes de l’aorte as- graphies montrent des ossifications linéaires péridiaphy-
cendante, des artères sous-clavières ou axillaires ; fistules saires bilatérales séparées de la diaphyse par un liseré clair
artérioveineuses radiales ; varices ou hémiplégies. sur les membres inférieurs. On peut noter une déminéra-
Dans les HD généralisés congénitaux, il existe un antécé- lisation épiphysaire. La scintigraphie osseuse montre des
dent familial avec une transmission autosomique domi- signes plus précoces d’hyperfixation linéaire péridiaphy-

 HD hippocratisme digital · PDGF platelet-derived growth factor · VEGF vascular endothelial growth factor · VIH virus de l’immunodéficience humaine
83-8 Affections cardiaques et pulmonaires

macronodules) avec excavation possible ⁹³, atteintes inter-


stitielles et, plus exceptionnellement, adénopathies médias-
tinales.
Le traitement repose sur la corticothérapie générale parfois
associée au cyclophosphamide en cas d’atteinte viscérale.
Mucoviscidose Les manifestations dermatologiques ren-
contrées au cours de la mucoviscidose peuvent être primi-
tives ou secondaires à la maladie ⁹⁴.
Les rides aquagéniques « prématurées » des paumes et des
plantes seraient pour certains la conséquence directe de
la mutation du gène CFTR (cystic fibrosis transmembrane

Coll. D. Bessis
regulator) par l’augmentation de la concentration en sel de
la sueur associée à une dysrégulation des canaux Na+ Cl− .
Cette dermatose peut être aussi provoquée par des ano-
Fig. 83.13 Ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique associée malies fonctionnelles des glandes eccrines ⁹⁵. Les lésions
à un cancer pulmonaire : hippocratisme digital et hypertrophie apparaissent dans les 2 minutes suivant l’exposition à l’eau
pseudo-acromégalique des mains et disparaissent quelques heures après ⁹⁶ (fig. 83.14). Il s’y
associe des sensations de picotement ou de prurit. Parfois,
saire, juxta-articulaire, bilatérale et symétrique. L’ostéoar- on note une hyperhidrose associée ⁹⁶. L’histologie cutanée
thropathie hypertrophiante pourrait être un stade évolutif révèle une hyperkératose et une dilatation des ostia des
de l’HD ⁸⁴. canaux des glandes eccrines. Le traitement repose sur l’uti-
On distingue deux formes cliniques. L’ostéoarthropathie lisation de chlorure d’aluminium, d’antihistaminique ou la
hypertrophiante pneumique ou maladie de Pierre-Marie iontophorèse.
Bamberger est associée dans la grande majorité des cas à Les autres dermatoses sont liées pour la plupart à la mal-
une pathologie thoracique (dans 90 % des cas à un cancer nutrition. Elles peuvent être la conséquence de carence en
pulmonaire). Mais la maladie sous-jacente peut être hépa- nutriments, en acides gras essentiels ou donner les signes
tique, cardiovasculaire ou digestive et recoupe les mêmes de kwashiorkor.
étiologies que l’HD (encadré 83.A). La forme idiopathique ou L’acrodermatite entéropathique-like ou CFNND (cystic fibro-
pachydermopériostose débute à la puberté et s’associe à des sis nutrient deficiency dermatosis des Anglo-Saxons) peut pré-
modifications cutanées du visage (peau huileuse sillonnée céder l’atteinte pulmonaire et digestive de la mucoviscidose.
de rides) ⁸⁵. L’acrodermatite entéropathique-like peut débuter entre
Le traitement, comme pour l’HD, est celui de la cause. Les deux semaines et six mois de vie. Il s’agit de lésions éry-
douleurs nécessitent le recours aux AINS et à la colchi- thémateuses annulaires à disposition péri-orificielle (péri-
cine auxquels elles sont bien souvent réfractaires ⁸⁶. Elles orbitaires, péri-orales, péri-anales) puis acrale sur les extré-
peuvent être améliorées par l’octréotide ⁸⁷, ou les biphos- mités avec une desquamation ⁹⁷. Il existe simultanément
phonates ⁸⁸ voire la radiothérapie locale ⁸⁹. à ces signes, une altération de l’état général, une hépato-
Granulomatose lymphomatoïde La granulomatose lym- mégalie et des œdèmes péri-orbitaires et des extrémités ⁹⁸.
phomatoïde fait partie des pathologies lymphoproliféra- Les anomalies biologiques sont représentées par une ané-
tives au cours desquelles il existe des atteintes pulmo- mie, une hypoalbuminémie, une cytolyse, une cholestase
naires, cutanées et neurologiques ⁹⁰. Il s’agit d’un lym-
phome angiocentrique de type T ou B parfois associé
au virus d’Epstein-Barr. L’atteinte cutanée est fréquente
avec une prévalence variable de 10 à 45 % des cas ⁹¹.
Elle précède l’atteinte pulmonaire de plusieurs années
dans un tiers des cas. Il s’agit de papules ou de papulo-
nodules érythémateux (60 %), rouges violacés évoluant
vers une nécrose centrale ⁹². Ils siègent sur le tronc et les
membres en petit nombre (< 5 éléments). Ils peuvent être
parfois hypo-esthésiques ⁹¹. Parfois, on observe des ma-
cules, des maculo-papules annulaires ou des papules non
spécifiques (30 %) ou des ulcérations (7 %). Le diagnos-
tic est fait par l’histologie en révélant la présence d’un
Coll. Pr L. Misery, Brest

infiltrat lymphocytaire angiocentrique (infiltrant donc


la périphérie des vaisseaux) mais aussi angio-invasif et
angiodestructeur (infiltrant et détruisant la paroi des
vaisseaux artériels et veineux des vaisseaux de petits
et moyens calibres). Les atteintes pulmonaires sont va- Fig. 83.14 Kératodermie aquagénique : petites papules blanches de la
riées : nodules pulmonaires parenchymateux (micro- ou face palmaire des mains de survenue rapide après immersion dans l’eau

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · HD hippocratisme digital


Références 83-9

et une baisse des taux de zinc et de vitamine E. L’histologie multiples infections chroniques, de la prévalence élevée
cutanée montre une hyperplasie et une parakératose épi- d’atopie et des taux importants de complexes immuns cir-
dermique, une spongiose, un amincissement de la couche culants ¹⁰¹. Il s’agit le plus souvent de réactions avec les
granuleuse et un infiltrat périvasculaire de cellules mono- bêta-lactamines ¹⁰².
nuclées. Les suppléments nutritionnels et acides gras es- Des calcinoses sous-cutanées des jambes ont été récem-
sentiels et enzymatiques permettent la résolution de la ment décrites chez un patient atteint de mucoviscidose,
dermatose. peut-être liées à des anomalies des canaux calciques des
L’atopie apparaît plus fréquente chez les patients atteints glandes eccrines ¹⁰³. Des syndromes cutanéo-articulaires
de mucoviscidose que dans la population générale 46-76 % ont été observés sans que leurs mécanismes physiopatho-
versus 40 % ⁹⁹. La prévalence de la dermatite atopique est logiques soient élucidés. Ils peuvent associer des nodules
de 10 % dans une population d’enfants atteints de muco- péri-articulaires avec des arthralgies ¹⁰⁴, des éruptions éry-
viscidose ¹⁰⁰. thémateuses maculo-papuleuses. Des vasculites cutanées
Les toxidermies surviennent chez 30 % des patients et ré- par formation d’immuns complexes ont également été rap-
sultent de la prescription accrue d’antibiotiques pour de portées ¹⁰⁵.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Sparsa A, Doffoel-Hantz V. Affections cardiaques et pulmonaires. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 :
Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 83.1-83.11.
84
Ulcères vasculaires
Olivier Dereure

Ulcères macrovasculaires 84-1 Vasculite livédoïde de Winkelmann (vasculite hyalinisante


Ulcères d’origine veineuse 84-1 segmentaire) 84-10
Ulcères d’origine artérielle 84-3 Oxaliurie primitive et secondaire 84-11
Ulcères mixtes 84-5 Syndrome de Sneddon et autres syndromes ischémiques
Ulcères de causes microvasculaires 84-5 cutanéocérébraux 84-11
Angiodermite nécrotique (ou nécrosante) 84-5 Vasculites 84-11
Ulcères microvasculaires par occlusion primitive de la Références 84-12
lumière artériolaire 84-6
Ulcères microvasculaires par anomalie pariétale 84-10

es ulcérations cutanées liées à une affection vasculaire


L peuvent théoriquement atteindre n’importe quel terri-
toire cutané, notamment en ce qui concerne les affections
ciant de façon variable une composante inflammatoire et
une composante microthrombotique, entrant dans le vaste
cadre des maladies micro-occlusives.
artérielles, mais, en pratique, elles sont quasi exclusive- La présence d’un lymphœdème est un facteur favorisant
ment localisées sur les membres inférieurs et plus parti- important, très souvent associé à une origine macrovas-
culièrement en dessous du genou et elles se confondent culaire veineuse et on parle alors souvent d’une étiologie
donc, en pratique, avec les ulcères de jambe ou du pied. Ceci veinolymphatique.
est d’autant plus vrai que la plaie est d’origine majoritaire-
ment veineuse, les ulcères d’origine veineuse ne siégeant Ulcères macrovasculaires
pas sur les membres inférieurs étant en effet tout à fait ex-
ceptionnels. Par ailleurs, 90 à 95 % des ulcères chroniques Ulcères d’origine veineuse ¹
de jambe et du pied sont liés à des affections vasculaires, Il s’agit d’une maladie fréquente et récidivante dont la pré-
si on excepte les ulcérations neurotrophiques survenant valence augmente régulièrement avec l’âge, pouvant dans
notamment chez les diabétiques. certaines séries atteindre 5 à 10 % après 75 ans. Cette étio-
D’autre part, et comme dans toutes les plaies chroniques, logie, qu’elle soit pure ou dominante, est en cause dans
l’origine de ces ulcérations est rarement univoque et il faut 70 à 80 % des ulcères de jambe même si la présence d’une
donc être très systématique dans le diagnostic étiologique composante artérielle est de plus en plus reconnue (ulcères
qui associe le plus souvent une cause principale et des mixtes). Si on comptabilise les ulcères passés ou présents,
causes plus accessoires sous la forme d’une combinatoire la prévalence peut atteindre 1,5 à 2 % de la population géné-
variée de lésions macrovasculaires, microvasculaires et de rale et la prédominance féminine est nette avec un sex ratio
facteurs favorisants loco-régionaux ou généraux. Le clini- d’un homme pour 2 ou 3 femmes. Les facteurs favorisants
cien doit donc être très systématique dans l’examen d’un sont bien connus, notamment en ce qui concerne la mala-
ulcère des membres inférieurs afin de mettre en place le die variqueuse : terrain familial, prise d’œstroprogestatifs
traitement adapté qui sera avant tout étiologique avant au long cours, nombre de grossesses, station debout pro-
d’être celui de la plaie proprement dite. longée notamment de nature professionnelle, sédentarité,
Les ulcères d’origine vasculaire peuvent être répartis en surpoids, régime pauvre en fibres, etc.
deux grandes catégories : 1o les ulcères macrovascu- Les mécanismes physiopathologiques commencent à être
laires par atteinte veineuse (variqueuse « pure » ou post- mieux connus ²-⁴. L’ulcération est liée à un trouble de ci-
thrombotique), par atteinte des gros troncs artériels et catrisation après une plaie aiguë en général, traumatique
mixtes associant une composante veineuse et artérielle ou microtraumatique, retard lui-même secondaire à une is-
dont les poids respectifs devront être déterminés au cas chémie cutanée superficielle ou plus profonde directement
par cas ; 2o les ulcères d’origine microvasculaire asso- en rapport avec l’hyperpression veineuse, qu’elle soit su-
84-2 Ulcères vasculaires

perficielle (maladie variqueuse « pure ») ou profonde avec tout le tronc principal de la saphène interne (et/ou de
une éventuelle composante superficielle (syndromes post- ses branches, notamment postérieure ou veine de Léo-
thrombotiques). L’apparition de cette ischémie fait appel nard) par défaut de fonctionnement des valvules des
à des mécanismes variés, notamment un trouble de dif- perforantes, de la crosse terminale et étagées le long du
fusion de l’oxygène et des nutriments en raison de la fi- tronc principal. Les ulcérations siègent en regard de la
brose, de l’œdème et d’un manchon de fibrine et surtout zone où la pression veineuse superficielle est maximale,
de polynucléaires neutrophiles engainant des capillaires en général en regard des perforantes de Cockett situées
et limitant les échanges. Des phénomènes inflammatoires en arrière de la malléole interne (fig. 84.1). Beaucoup plus
cytotoxiques, des modifications rhéologiques et des micro- rarement, l’ulcère variqueux siège sur la face externe de
thromboses peuvent également être présents. La fibrose jambe en regard des perforantes inférieures de la veine
créée par l’ischémie chronique entraîne un épaississement saphène externe (fig. 84.2). L’ulcère variqueux de taille
cutané et un enraidissement de l’articulation de la cheville limitée est le plus souvent unique, superficiel, peu ou
qui lui-même gêne le fonctionnement de la pompe veineuse pas douloureux, d’ancienneté variable selon les cas, au
du mollet, ce qui aggrave la stase veineuse ; un cercle vicieux stade détersivo-inflammatoire ou déjà bourgeonnant.
peut ainsi se mettre en place avec une auto-aggravation pro- Il siège sur des téguments remaniés par l’hyperpression
gressive des lésions. veineuse superficielle chronique avec notamment capil-
Le diagnostic clinique est en général relativement simple, larite pigmentée et purpurique (dermite ocre), séche-
basé d’une part sur les caractéristiques de l’ulcère et d’autre resse voire parakératose, étoiles blanches atrophiques
part sur les éléments d’interrogatoire et d’examens liés aux liées à des micro-infarctus cutanés (atrophie blanche
altérations veineuses sous-jacentes ³. de Millian), inflammation cutanée chronique (eczéma
Deux grands cadres étiologiques peuvent ainsi être définis, variqueux d’origine variée, rapporté à l’hyperpression
qui se différencient par un certain nombre de caractéris- veineuse elle-même ou surtout à un eczéma de contact
tiques cliniques : lié aux topiques appliqués). Un certain degré de lipoder-
− ulcères veineux proprement variqueux, évoluant dans matosclérose, souvent beaucoup plus limité que dans
le cadre d’une maladie variqueuse diffuse et bien systé- les syndromes post-thrombotiques, peut être présent.
matisée, souvent familiale, liée à une incontinence de La maladie variqueuse est en général évidente sous la
forme de cordons variqueux dilatés et sinueux, asso-
ciée à des dilatations ampulaires plus importantes en
regard des perforantes incontinentes. La manœuvre du
flot est positive. Il s’y associe souvent une dilatation
des petites veines du bord interne de la plante du pied
(couronne phlébectasique) ;
− ulcères post-thrombotiques qui compliquent une ou
plusieurs thromboses veineuses profondes, en général
anciennes et souvent méconnues. Ils sont souvent mul-
tiples, de grande taille, plus douloureux que les ulcères
variqueux purs, peuvent se localiser sur la face interne,
postérieure ou externe de la jambe et sont parfois cir-

Coll. Pr O. Dereure, Montpellier


Coll. D. Bessis

Fig. 84.1 Ulcère veineux de jambe post-thrombotique : ulcérations


multiples à fond fibrineux de la face interne du tiers inférieur de jambe Fig. 84.2 Ulcères veineux de jambe : ulcérations multiples de face
associées à une guêtre sclérodermiforme, une capillarite purpurique et externe de jambe associées à une capillarite purpurique et pigmentée et
pigmentée et des étoiles blanches atrophiques une parakératose
Ulcères macrovasculaires 84-3

conférentiels (fig. 84.3). Leur évolution est souvent beau- Le pronostic des ulcères de jambe d’origine veineuse dé-
coup plus prolongée que celle des ulcères veineux vari- pend directement de leur étiologie. Ainsi, le pronostic est
queux purs car leur traitement étiologique est plus déli- bon pour les ulcères variqueux purs à condition que la mala-
cat. Il s’y associe des signes d’hyperpression veineuse die variqueuse puisse être efficacement traitée. Il est beau-
profonde chronique avec œdème chronique de la partie coup plus réservé dans les ulcères post-thrombotiques, où
supérieure de la jambe associé à des plaques de lipo- le seul traitement étiologique est représenté par la conten-
dermatosclérose souvent très significatives et pouvant tion élastique forte au long cours dont la compliance dimi-
prendre un aspect circonférentiel, engainant le tiers in- nue souvent avec le temps.
férieur de la jambe sous la forme d’une « guêtre » scléro- Le traitement est avant tout celui de l’étiologie et donc
dermiforme (aspect de la jambe en « gigot »). Les ulcères de l’hyperpression veineuse ⁵-¹⁰. Il faut s’acharner à dimi-
peuvent être bilatéraux. Ils s’accompagnent parfois de nuer cette pression par tous les moyens possibles en exer-
varices mal systématisées dont le niveau dépend de çant notamment une contre-pression externe (traitement
celui de la thrombose initiale. L’atrophie blanche est physique par contention et compression), en faisant dispa-
souvent très significative. raître les points de reflux et d’incontinence valvulaire, no-
Dans le cas d’ulcères veineux « purs », il n’existe pas de tamment sur les perforantes et les crosses. Pour répondre
signes d’artériopathie et les pouls sont notamment pré- à ce dernier point, la technique la plus radicale et la plus
sents. En revanche, un lymphœdème associé est fréquent. efficace consiste en l’ablation du segment de veine incon-
Si le diagnostic clinique est souvent facile, il doit néan- tinent par éveinage chirurgical ; on peut également faire
moins être confirmé par des explorations complémentaires disparaître la lumière veineuse en injectant un produit sclé-
qui permettront d’établir la présence et de préciser les dif- rosant. Cette technique ne peut toutefois être appliquée
férents facteurs étiologiques et notamment les points de qu’aux veines superficielles. L’incontinence des veines pro-
fuite et d’incontinence du réseau veineux superficiel et/ou fondes dans les situations de syndrome post-thrombotique
profond. La pratique d’une échographie-doppler veineuse est pour l’instant hors de portée des ressources chirurgi-
et artérielle en position couchée et debout par un opérateur cales de routine et seule la contention forte peut être propo-
entraîné est donc capitale car elle permettra d’orienter les sée à ces patients. Les mesures médicales n’ont qu’une por-
choix thérapeutiques. La pratique d’autres examens com- tée très limitée, dans le cadre d’un traitement symptoma-
plémentaires n’est pas systématique et doit être discutée au tique. Drainage lymphatique et correction des facteurs fa-
cas par cas ; en particulier, la réalisation d’un prélèvement vorisants de la maladie variqueuse ne doivent en revanche
bactériologique systématique doit être évitée. pas être négligés. Le traitement de la plaie proprement dite
Les complications des ulcères de jambe d’origine veineuse dépendra du stade évolutif dans le cadre de la dynamique
incluent infections bactériennes (apparition d’un aspect générale de la cicatrisation et fera appel aux pansements
très inflammatoire de la plaie et d’un écoulement puri- les plus adéquats.
forme, voire d’un authentique tableau d’érysipèle ou de
lymphangite, bactériémie), handicap moteur lié au blocage Ulcères d’origine artérielle
de la cheville, conséquences socioprofessionnelles avec iso- L’ulcère artériel est la conséquence ultime de l’hypoxie tis-
lement, perte d’emploi, syndrome dépressif en cas d’ul- sulaire liée à une artériopathie oblitérante des membres
cère prolongé, hémorragies par rupture de varices, dou- inférieurs, donc au stade de l’ischémie critique, ce qui l’op-
leurs chroniques, voire transformation en carcinome épi- pose à la situation d’ischémie aiguë de membre. Sur le plan
dermoïde notamment en cas d’évolution très prolongée, hémodynamique, cette ischémie critique se traduit par une
au-delà de 25 ans, des ulcères post-thrombotiques. pression de perfusion à la cheville inférieure à 50 mm de
mercure ou une pression digitale au gros orteil à moins de
30 mm de mercure, notamment chez des patients diabé-
tiques, et par une TcPO 2 (pression tissulaire en oxygène)
inférieure à 30 mm de mercure en distalité. L’ulcère arté-
riel est une véritable urgence thérapeutique qui doit faire
envisager avant toute chose un geste de revascularisation
qui permettra de sauver le membre. Il s’agit le plus souvent
de la manifestation cutanée visible d’une ischémie critique
de tout le membre et, de façon plus générale, de la mani-
Coll. Pr O. Dereure, Montpellier

festation d’une maladie artérielle beaucoup plus diffuse et


menaçante alors que l’ulcère veineux n’est que la traduction
d’une affection loco-régionale n’ayant pas de caractère de
gravité et n’engage pas le pronostic vital général.
Dans plus de 95 % des cas, les ulcères par atteinte macro-
artérielle sont liés à une athéromatose des membres in-
Fig. 84.3 Ulcère veineux de jambe post-phlébitique : ulcération de férieurs dont les facteurs étiologiques sont bien connus
grande taille de la face antérieure et externe de jambe reposant sur un (antécédents familiaux, tabagisme, hypertension artérielle,
socle scléreu x, purpurique et pigmenté hyperlipidémie et notamment hypercholestérolémie, dia-
84-4 Ulcères vasculaires

bète) ¹¹,¹². Sur le plan hémodynamique, l’apparition de l’ul- lés, amyotrophie, abolition des pouls voire souffle vascu-
cère est essentiellement corrélée à une chute de la pression laire, dystrophie unguéale, cyanose cutanée ou de façon
de perfusion d’aval et non à la baisse du débit sanguin distal, assez paradoxale érythrose correspondant à la vasodilata-
en particulier cutané. Cette chute de la pression de perfu- tion ischémique qui est en fait un élément de mauvais pro-
sion est liée à plusieurs phénomènes concomitants, notam- nostic. La prise de l’index de pression systolique est un
ment une hyperviscosité relative entraînant une baisse du geste très simple qui peut être effectué au lit du patient ;
débit de perfusion nutritionnelle locale, une activation de il s’agit du rapport entre la pression systolique de la che-
l’hémostase avec apparition de microthromboses en parti- ville rapportée à la pression systolique humérale, index qui
culier cutanées et musculaires, des anomalies vasomotrices est en principe inférieur à 0,5 ou 0,6 dans l’ischémie cri-
avec une redistribution des flux vers les capillaires de faible tique. Une médiacalcose fréquente chez le diabétique et
résistance. La vasoplégie permanente qui s’installe, liée l’insuffisant rénal peut être à l’origine de chiffres fausse-
au déficit nutritionnel tissulaire, augmente les surfaces ment élevés en raison d’une incompressibilité des artères
d’échange ce qui, en corrélation avec l’altération des parois calcifiées.
endothéliales, entraîne un œdème interstitiel péricapillaire Un certain nombre d’examens complémentaires doivent
qui aggrave la situation en écrasant les capillaires. être proposés à ces patients, d’une part pour objectiver
Sur le plan clinique, l’apparition d’un ulcère artériel signe et quantifier l’ischémie et évaluer les possibilités de revas-
le stade IV de la classification de Leriche et Fontaine de l’ar- cularisation, et d’autre part pour explorer les autres terri-
tériopathie chronique des membres inférieurs, marqué par toires artériels potentiellement concernés par la maladie
l’apparition de troubles trophiques. Sa survenue est donc athéromateuse qui, par essence, est une maladie diffuse
en principe précédée d’un stade de claudication intermit- menaçant le pronostic vital général. D’autres explorations
tente, voire de douleurs de décubitus mais ces stades préa- peuvent être proposées au cas par cas, notamment la re-
lables pourront être difficiles à identifier en cas de neuropa- cherche de complications d’un diabète, en particulier d’une
thies périphériques en particulier chez les diabétiques et neuropathie, des explorations osseuses, un prélèvement
chez des patients à mobilité réduite ¹³. L’interrogatoire iden- bactériologique, la recherche d’une dénutrition, etc. Là en-
tifie par ailleurs les autres facteurs de risque d’athérome core, une échographie-doppler artérielle et veineuse est in-
et des éléments en rapport avec d’autres localisations de la dispensable, associée à une mesure de la pression d’oxygène
maladie athéromateuse (coronarienne, cérébrale, oculaire, transcutanée (TcPO 2) par un capteur spécifique qui mesu-
rénale, digestive, etc.). L’ulcère artériel est d’apparition ré- rera l’oxygénation tissulaire étagée sur la jambe et le pied.
cente et souvent assez brutale, douloureux ou très doulou- Cet examen a un intérêt diagnostique, avec des chiffres infé-
reux, la douleur étant accentuée par le décubitus, souvent rieurs à 35 mm en cas d’ischémie critique, mais également
insomniante, en général mal calmée par les morphiniques. un intérêt pronostique avec un pourcentage plus important
L’ulcère siège dans des zones de vascularisation terminale de revascularisation efficace à un an chez les patients pour
(fig. 84.4) : dos du pied, suspendu sur la face antéro-interne lesquels la TcPO 2 en déclive est supérieure à 40 mm de mer-
ou antéro-externe de jambe, talon, tendon d’Achille, orteils cure. Il permet également d’apprécier au mieux le niveau
et est de taille variable en fonction de sa durée d’évolution d’amputation quand celle-ci se révèle nécessaire pour éviter
et de l’importance de l’ischémie sous-jacente. Il est souvent d’effectuer un geste sur une zone ischémique où le moignon
creusant, recouvert d’une zone nécrotique et peut dénuder ne pourra pas cicatriser dans de bonnes conditions. L’éva-
les tendons. Il s’y associe d’autres signes loco-régionaux luation des possibilités de revascularisation repose bien
liés à l’ischémie chronique : téguments froids, secs, dépi- sûr sur les données de l’échographie-doppler couleur, mais
aussi et surtout sur les différentes techniques d’artériogra-
phie soit « conventionnelles » soit par résonance magné-
tique. L’artériographie, examen invasif, ne se justifie que
si une revascularisation est possible notamment en fonc-
tion de l’état général du patient et des autres localisations
de l’artériopathie. En particulier, il peut être précédé du
traitement chirurgical d’une sténose carotidienne serrée.
L’échographie-doppler permet également d’apprécier les
résultats d’une revascularisation chirurgicale en vérifiant
son efficacité immédiate et à distance ou en dépistant les
complications du geste opératoire qui peut être un pontage
Coll. Pr O. Dereure, Montpellier

ou une angioplastie.
En effet, le seul traitement vraiment efficace, en dehors des
mesures symptomatiques notamment antalgiques ou plus
étiologiques telle une renutrition, reste la revascularisation
du membre atteint sans laquelle aucune cicatrisation ne
peut être attendue ¹⁴. Bien entendu, les facteurs de risque
Fig. 84.4 Ulcère artériel : ulcération creusante du dos du pied et nécrose d’athérome doivent être pris en charge individuellement,
de la pulpe du gros orteil de même que les autres localisations d’athérome qui seront
Ulcères de causes microvasculaires 84-5

l’objet d’investigations complémentaires, notamment mor- patient en mêlant des troubles de coagulation locaux ou
phologiques, adaptées. généraux et des altérations pariétales. La part relative de
ces deux grands facteurs étiologiques est probablement
Ulcères mixtes variable tandis que les facteurs déclenchants de cet orage
On désigne sous ce vocable des ulcérations chroniques des microthrombotique sont en général inconnus.
membres inférieurs d’origine macrovasculaire où des ano- Quoi qu’il en soit, le tableau clinique est assez particulier
malies veineuses et des altérations artérielles sont asso- et bien reconnaissable le plus souvent, autorisant un diag-
ciées. Le tableau clinique est alors intermédiaire entre ul- nostic clinique assez rapide quand l’entité est connue. Le
cères veineux et artériels « purs » et est donc très variable début est souvent brutal, post-traumatique dans la moitié
selon les cas. Il faut y penser systématiquement devant des cas, parfois plus progressif. Dans certains cas, en fait
un ulcère considéré comme veineux mais inhabituellement rares actuellement, l’angiodermite nécrotique survient lors
profond, douloureux, nécrotique et dont la cicatrisation se d’une poussée hypertensive et est alors souvent bilatérale.
révèle problématique et notamment quand il existe des fac- La lésion de base est un livedo d’évolution rapide qui débute
teurs de risque vasculaires. La palpation des pouls se révèle à l’union tiers moyen-tiers inférieur de la face externe de
difficile, voire impossible. L’importance grandissante de ces la jambe, livedo qui devient ensuite rapidement nécrosant,
ulcères mixtes (jusqu’à 30 à 40 % des ulcères de jambes se- mais de façon superficielle, sous la forme d’une plaque es-
lon certaines estimations) justifie la pratique systématique carrotique noirâtre, souvent relativement mince (fig. 84.5).
d’une échographie-doppler à la fois veineuse et artérielle Cette lésion est extrêmement douloureuse, entraînant des
et ce quel que soit le diagnostic étiologique établi sur des troubles de l’alimentation et du sommeil, voire un authen-
simples données cliniques. Ces situations d’ulcères mixtes tique syndrome dépressif aigu avec une altération rapide
sont en réalité de plus en plus fréquentes, notamment en de l’état général chez les patients âgés, notamment en rai-
raison de l’importance grandissante des facteurs de risque son d’une déshydratation. Il n’y a en principe pas de signes
artériels chez les femmes qui sont les plus atteintes par d’insuffisance veineuse, superficielle ou profonde, et les
les ulcères d’origine veineuse. Ces ulcères mixtes illustrent pouls sont perçus, même s’ils sont parfois amortis. L’index
parfaitement le caractère souvent multiple des étiologies de pression systolique est normal ou discrètement abaissé.
des plaies chroniques et l’importance d’être systématique Plus rarement, les lésions siègent sur la face postérieure
sur l’évaluation des facteurs étiologiques qui sont souvent de la jambe, la cheville ou le dos du pied et sont parfois
intriqués. circonférentielles. Elles peuvent être bilatérales dans 10 à
20 % des cas.
Ulcères de causes microvasculaires L’évolution spontanée se fait vers l’élimination de la né-
crose qui a tendance à se détacher progressivement par sa
Angiodermite nécrotique (ou nécrosante) périphérie, élimination qui découvre une ulcération super-
Cette forme particulière d’ulcération d’origine micro-angio- ficielle. L’extension est souvent rapide, centrifuge, pouvant
pathique s’individualise par son tableau clinique très parti- être mesurée jour après jour. La persistance du livedo en
culier et bien reconnaissable. Initialement décrit par Mar- périphérie de la plaque escarrotique signe la poursuite du
torell dans des contextes de poussées hypertensives, son processus microthrombotique. La taille finale de l’ulcère
spectre étiologique s’est ensuite élargi et cette forme par- est variable et parfois importante, mais l’ulcération reste
ticulière d’ulcère aigu serait responsable de 5 à 10 % des en général superficielle, sans atteinte des plans profonds.
troubles trophiques d’origine vasculaire des membres in-
férieurs vus en milieu hospitalier. La reconnaissance de
l’angiodermite nécrotique dont le diagnostic est purement
clinique est un enjeu crucial car son traitement est bien
particulier.
Le terrain de l’angiodermite nécrotique est assez particu-
lier puisqu’il s’agit le plus souvent de femmes, en général
de plus de 60 ans, diabétiques et/ou hypertendues, que
ces affections soient traitées ou non, équilibrées ou non.
D’autres facteurs peuvent être retrouvés comme une arté-
riopathie d’intensité modérée des membres inférieurs, une
Coll. Pr O. Dereure, Montpellier

artériolosclérose sénile ou encore une thrombophilie.


La physiopathologie de cette variété d’ulcère vasculaire est
en fait mal connue. Le mécanisme essentiel est probable-
ment une microthrombose aiguë des artérioles dermiques
superficielles dans un territoire de vascularisation termi-
nale situé à l’union tiers moyen-tiers inférieur de la face
externe de jambe. Toutefois, les facteurs étiologiques pro- Fig. 84.5 Angiodermite nécrotique : livedo nécrosant centré par une
prement dits de cette microthrombose ne sont pas connus ulcération post-escarrotique suspendue au tiers moyen de la face externe
avec précision et ils peuvent d’ailleurs varier de patient à de jambe
84-6 Ulcères vasculaires

Une cicatrisation complète est obtenue en général au bout botique est un enjeu important, mais aucun traitement n’a
de plusieurs semaines, mais l’évolution peut être traînante, vraiment fait la preuve de son efficacité dans cette pers-
sur plusieurs mois, émaillée de poussées, voire de réci- pective, qu’il s’agisse de traitements systémiques (antiagré-
dives homo- ou controlatérales. Cette évolution est généra- gants, corticoïdes, anticoagulants, échanges plasmatiques),
trice de coûts importants, notamment en termes d’hospi- ou locaux. L’utilisation de dermo-corticoïdes très puissants,
talisation (en général nécessaire) et de complications qui de classe IV, peut être proposée sur le livedo périnécrotique
peuvent menacer le pronostic vital. Le pronostic général afin de limiter son extension, mais cette modalité n’a pas
est lié au terrain sous-jacent, en particulier d’hypertension été validée par des études contrôlées ¹⁵. Après obtention
ou de diabète chez des patients âgés et fragiles. d’un arrêt évolutif, on peut proposer une détersion de la
Le diagnostic clinique est en général facile, à condition que zone nécrotique, soit chirurgicale en un temps, alors sou-
le profil clinique de l’entité soit connu, ce qui n’est pas tou- vent complétée par une greffe en filet ou en pastille dans le
jours le cas. Les diagnostics différentiels sont représentés même temps opératoire, ou autolytique, notamment par
par les autres causes de microangiopathie thrombotique, l’utilisation d’un hydrogel relayé par des pansements gras
en particulier les vasculites et les maladies micro-occlusives après disparition de la plaque escarrotique. La pratique pré-
par microthrombose primitive qui sont en fait peut-être coce d’une greffe a un double avantage : permettre une cou-
plus des formes étiologiques que d’authentiques diagnos- verture précoce de la perte de substance et surtout obtenir
tics différentiels. On peut citer en particulier les cryoglobuli- un meilleur contrôle de la douleur en raison de l’effet an-
némies dont le tableau clinique est parfois très proche de ce- talgique du greffon ¹⁶. Certains auteurs préconisent même
lui d’une authentique angiodermite nécrotique. Les vascu- l’utilisation de l’excision greffe alors même que la lésion
lites des petits vaisseaux entrant notamment dans le cadre est toujours en phase d’extension. L’emploi d’un facteur de
d’une polyarthrite rhumatoïde peuvent également être très croissance topique (PDGF recombinant) a fait l’objet d’une
proches cliniquement, mais l’affection auto-immune sous- étude randomisée et contrôlée récente dont les résultats
jacente est en général connue. La calciphylaxie est égale- n’ont pas encore été publiés.
ment une affection cliniquement très voisine qui entre
dans le même spectre anatomo-clinique des maladies micro- Ulcères microvasculaires par occlusion primitive de la lumière
occlusives mais qui s’individualise par le terrain d’insuffi-
artériolaire ¹²
sance rénale, la présence de calcifications vasculaires im-
portantes et d’une hyperparathyroïdie secondaire quasi Le mécanisme peut être soit microthrombotique in situ,
constante et importante. Un ulcère macro-artériel est faci- soit micro-embolique ou encore par précipitation endolu-
lement éliminé par la palpation des pouls, la mesure des minale de protéines anormales. Ces différents mécanismes
index de pression et les données de l’échographie-doppler. peuvent d’ailleurs s’associer entre eux, mais également à
Un certain nombre d’examens complémentaires sont re- des troubles vasomoteurs et à des anomalies pariétales qui
commandés dans cette affection : échographie-doppler afin peuvent en elles-mêmes favoriser une thrombose intralu-
d’écarter les ulcères de cause macrovasculaire, recherche minale. Dans ces situations, la biopsie cutanée peut être
de facteurs microthrombotiques généraux (numération for- contributive à condition qu’elle soit profonde, faite au bis-
mule sanguine, recherche d’anticorps antinucléaires, d’anti- touri à cheval sur la zone nécrotique et la peau adjacente
corps antiphospholipides, d’un déficit en protéines C et pro- qui est souvent livédoïde ou purpurique. Elle mettra en
téines S, recherche d’une cryoprotéine, électrophorèse des évidence dans les meilleurs cas le facteur étiologique de
protéines sériques) ; la pratique d’une biopsie cutanée peut l’occlusion, qu’il s’agisse d’une thrombose ou d’une micro-
se discuter, notamment pour écarter des diagnostics diffé- embolie, souvent associée à un discret infiltrat lymphocy-
rentiels très proches et tout particulièrement une vasculite taire périvasculaire réactionnel ne devant pas faire porter
inflammatoire ou une vasculite livédoïde de Winkelmann. à tort le diagnostic de vasculite.
En revanche, la présence de microthrombose des vaisseaux Micro-occlusions par troubles de coagulation Toutes
du derme superficiel et l’altération pariétale avec épaissis- les affections responsables d’une thrombophilie peuvent
sement intimal, fibrose et hyperplasie concentrique de la potentiellement se compliquer d’une occlusion microvas-
média ne sont pas très spécifiques et peuvent se rencontrer culaire :
dans d’autres maladies micro-occlusives. − déficits génétiques en inhibiteur de la coagulation (es-
Le traitement est effectué en général en milieu spécialisé et sentiellement mutations hétéro- et homozygotes du
une hospitalisation est souvent nécessaire, voire urgente gène codant pour la protéine C, plus rarement pour
chez des patients âgés et fragiles dont l’état général se dé- la protéine S, l’antithrombine III ou l’activateur du
grade rapidement, notamment en raison de la douleur. Le plasminogène). Ces déficits peuvent se révéler soit
traitement symptomatique est souvent primordial, en par- spontanément, soit surtout, notamment en ce qui
ticulier prise en charge de la douleur par des antalgiques concerne la protéine C, en présence d’un facteur dé-
(l’utilisation d’un pallier III de l’OMS est souvent néces- clenchant (intervention chirurgicale, infections, notam-
saire), réhydratation et renutrition. Les facteurs étiolo- ment septicémie à méningocoques avec purpura fulmi-
giques doivent être pris en compte, en particulier diabète nans, mais aussi brucellose, endocardite, infections à
et hypertension quand ils sont mal équilibrés, ce qui n’est mycoplasmes, à Coxiella burnetii ou encore mise en
en fait pas souvent le cas. L’arrêt du processus microthrom- place d’un traitement par antivitamine K en raison de

 PDGF platelet-derived growth factor


Ulcères de causes microvasculaires 84-7

− syndromes myéloprolifératifs quels qu’ils soient, no-


tamment maladie de Vaquez et surtout thrombocyté-
mie essentielle où un livedo des membres, souvent dis-
tal, douloureux et symétrique, peut s’associer à un acro-
syndrome a frigore et à des nécroses distales. On peut
en rapprocher les lésions observées dans le myélome
multiple avec activité de type cryoglobuline ou cryocris-
taglobuline de la protéine monoclonale ;
− afibrinogénémie ou dysfibrinogénémie congénitales,
souvent génératrices d’un livedo distal douloureux, évo-

Coll. D. Bessis
luant volontiers vers la nécrose (fig. 84.7).
En revanche, d’autres troubles de la coagulation, telle la
résistance à la protéine C activée (RPCA) liée à la présence
Fig. 84.6 Large ulcération post-nécrotique cernée d’un livedo d’un facteur V muté de type Leyden insensible à l’effet
inflammatoire d’une face externe de jambe au cours d’un syndrome des inhibiteur de la protéine C activée, la présence de l’allèle
anticorps antiphospholipides 20 212A de la thrombine ainsi qu’une élévation des fac-
teurs VIII, IX, XI ne semblent pas se compliquer particu-
l’asynchronisme du déficit induit en protéine C qui pré- lièrement d’ulcérations en dehors peut-être de la vasculite
cède l’impact sur les facteurs de coagulation vitamine K- livédoïde (cf. infra) en ce qui concerne la RPCA.
dépendants avec un risque microthrombotique sur 48 Micro-occlusions de mécanisme embolique
ou 72 heures ; Myxome de l’oreillette gauche À suspecter notamment en
− coagulation intravasculaire disséminée de causes très cas de syncope post-exercice et qui peut s’intégrer dans un
diverses, liée ou non à des anomalies préalables des complexe de Carney associant myxomes cardiaques et cuta-
inhibiteurs de coagulation ; nés, lentigines du visage, du tronc, neurofibromes, nævus
− microthromboses et thrombopénie lors d’un traite- bleu, tumeurs endocrines, notamment thyroïdienne, pa-
ment par héparine en raison de l’apparition de micro- rathyroïdienne et hypophysaire et où les lésions cutanées
thrombus multiples par agrégation plaquettaire induite de nature micro-occlusive (livedo, nécroses, ulcérations)
par l’héparine, notamment liés à la présence d’anti- peuvent s’associer à une éruption papuleuse acrale avec
corps anti-héparine et générateurs d’une thrombopé- claudication, à des lésions violacées serpigineuses et an-
nie de consommation ; nulaires des pulpes, à un érythème pétéchial des paumes
− homocystéinémie, surtout homozygote où les occlu- et des plantes, mais aussi à différentes manifestations qui
sions microvasculaires restent un signe rare ; peuvent en imposer pour une endocardite bactérienne avec
− syndrome des anticorps antiphospholipides de di- embolies systémiques et anévrysmes artériels de topogra-
vers types (anticardiolipine, anticoagulant circulant phie variable. La biopsie cutanée objective inconstamment
lupique à activité antiprothrombinase, antiphospholi- les embolies myxomateuses colorées au bleu alcian, mais
pides neutres, en particulier antiphosphatidyléthanola- parfois ne sont observées qu’une vasculite ou des micro-
mine). Ce syndrome peut être primaire ou secondaire, thromboses trompeuses.
notamment à une connectivite de type lupus érythé- Embolies fibrinocruoriques ou septiques D’origine cardiaque
mateux systémique et ces anticorps peuvent être res- dans les cardiopathies emboligènes, les endocardites bacté-
ponsables d’une maladie macro- ou micro-occlusive, ar- riennes notamment à Coxiella burnetii ou à Candida albicans
térielle ou veineuse, pouvant toucher potentiellement ou d’origine vasculaire (thrombose et/ou infection des pro-
tous les territoires vasculaires y compris la peau sous thèses vasculaires).
la forme d’un livedo souvent irrégulier, fixe, suspendu,
situé en priorité sur les membres, évoluant parfois vers
des nécroses en grandes plaques associées ou non à une
ischémie distale (fig. 84.6). La sévérité des lésions cuta-
nées est considérée comme un marqueur de risque vis-à-
vis de thromboses multisystémiques et notamment du
syndrome catastrophique des antiphospholipides, mais
également de manifestations de neurolupus, souvent
focales, en cas de syndrome des antiphospholipides se-
condaires au lupus érythémateux systémique. La pré-
Coll. D. Bessis

sence de ces anticorps peut être suspectée sur des anté-


cédents de fausse couche à répétition, de thrombopénie
et sur un allongement du TCA. Toutefois, ces éléments
ne sont pas toujours présents et un dosage spécifique Fig. 84.7 Ulcération de jambe cernée d’un purpura pigmenté et livedo
des anticorps doit être réalisé dans tous les cas où des du bord externe du pied au cours d’une afibrinogénémie associée à une
ulcères d’origine microvasculaire sont suspectés ; cryoglobulinémie mixte

 TCA temps de céphaline activée


84-8 Ulcères vasculaires

Occlusions par micro-emboles néoplasiques En particulier


dans les angiosarcomes aortiques, les néoplasies rénales et
mammaires et les leucémies aiguës lymphoblastiques.
Dermite livédoïde de Nicolaü Liée à une injection intra-
artérielle accidentelle de produits divers suivie de l’appari-
tion rapide d’un livedo très douloureux dans le territoire
artériel d’aval pouvant évoluer vers une nécrose subaiguë
souvent génératrice d’algies prolongées et de cicatrices dys-
trophiques (fig. 84.8).
Embolies de cholestérol Liées à des fragments libérés par
des plaques athéromateuses artérielles de topographie très
variée ; cette affection redoutable apparaît classiquement
chez des personnes à haut risque d’athérome (dyslipidémie,

Coll. D. Bessis
tabagisme, hypertension artérielle, diabète) dans les jours
ou semaines qui suivent un geste invasif (cathétérisme arté-
riel, chirurgie cardiovasculaire) ou encore la mise en route
d’un traitement anticoagulant ou fibrinolytique tel que Fig. 84.9 Purpura pétéchial plantaire et livedo prédominant sur les
l’urokinase. Toutefois, aucun facteur déclenchant n’est mis orteils au cours d’embolies de cholestérol

en évidence dans environ 30 % des cas. Ces embolies sur-


viennent souvent en « pluie » dans l’ensemble du lit artériel
d’aval avec des lésions variées en fonction de la topographie
de la plaque athéromateuse d’origine (cutanées, rénales,
digestives, musculaires, oculaires, neurologiques...). Les
lésions cutanées représentent un point d’appel essentiel
avec un purpura pétéchial distal, notamment des plantes
(fig. 84.9), parfois nécrotique, des troubles vasomoteurs avec
aspect érythrocyanotique d’un ou de plusieurs orteils (or-
teils pourpre ou bleu) et un livedo d’allure inflammatoire à
prédominance distale ou d’aspect suspendu qui est présent
dans au moins 50 % des cas (fig. 84.10). Il peut s’y associer
des nécroses et ulcérations distales d’évolution subaiguë
et des nodules sous-cutanés qui peuvent en imposer pour
une authentique périartérite noueuse (PAN) systémique ou
cutanée pure. Les lésions viscérales sont parfois très mena-
çantes et font tout le pronostic de l’affection avec un risque
d’ischémie et de perforation intestinale, d’altération défini-
tive de la fonction rénale et d’accident vasculaire cérébral.
Les emboles sont parfois visualisés au fond d’œil lorsque
les plaques emboligènes sont localisées sur les troncs supra-
aortiques. L’examen histologique peut mettre en évidence
dans les cas favorables les emboles de cholestérol dans les
artères sous-cutanées sous forme de cristaux denses lan-
céolée biréfringents dont il ne reste souvent que la cavité
correspondante et de même forme après fixation (fig. 84.11).
Il s’y associe souvent une réaction inflammatoire parfois
granulomateuse, peu spécifique ou d’authentiques aspects
de vasculite des artères de moyen calibre pouvant là encore
en imposer pour une PAN. L’examen histologique doit donc
être très précis avec des coupes multiples et un prélèvement
réalisé sur la jonction nécrose-peau périphérique. Le traite-
ment de cette redoutable affection repose essentiellement
Coll. D. Bessis

sur l’ablation chirurgicale du foyer emboligène tandis que


les statines ont démontré récemment leur intérêt à long
terme. L’intérêt du traitement par les dérivés des prostacy-
Fig. 84.8 Dermite livedoïde de Nicolaü : livedo plantaire à évolution clines dans les formes avec nécrose distale, l’effet bénéfique
nécrosante secondaire à une injection intra-artérielle locale de corticoïdes éventuel des corticoïdes dans les formes systémiques, le
retard maintien des anticoagulants quand ils sont indispensables,

 PAN périartérite noueuse


Ulcères de causes microvasculaires 84-9

l’intérêt des antiagrégants ont également été soulignés.


Micro-occlusions Par injection intra-artérielle de buprénor-
phine (Subutex) dans un contexte de toxicomanie, proche
d’une dermite livédoïde de Nicolaü (fig. 84.12).
Livedo nécrosant divers des embolies gazeuses (accident
de décompression, maladie des caissons) et de l’embolie
graisseuse (polytraumatisme avec fractures osseuses) qui
surviennent dans des contextes facilement identifiables.
Micro-occlusions par précipitation endoluminale d’une
protéine anormale
Cryoglobulinémie Notamment de type I, monoclonale
pure, qui se manifeste par un livedo distal des membres,

Coll. Dr L. Durand, Montpellier


souvent douloureux, parfois ecchymotique voire nécrosant
associé à des nécroses parcellaires étoilées à l’emporte-pièce
pouvant laisser des cicatrices de type atrophie blanche.
Ces anomalies cutanées précèdent ou accompagnent des
lésions viscérales, notamment rénales ou neurologiques
périphériques, parfois très menaçantes. Il peut s’y associer
d’autres manifestations a frigore comme une urticaire au Fig. 84.11 Examen histologique d’embols de cholestérol : cavité
froid et un phénomène de Raynaud. Le diagnostic biolo- lancéolées intravasculaires et infiltrat inflammatoire périvasculaire du
gique est souvent difficile et il faut savoir répéter les prélè- derme
vements qui seront au mieux effectués dans le laboratoire
qui effectue cette recherche. Les lésions sont souvent net- dans les vaisseaux de petite taille, mais sans activité cryo-
tement moins importantes pour les cryoglobulinémies de globuline obligatoire.
type II et de type III qui apparaissent notamment dans un Micro-occlusions de mécanisme plus discuté
contexte d’hépatite C. D’origine médicamenteuse Notamment liées aux interfé-
Autres cryoprotéines Agglutinines froides de type IgM, rons alpha et bêta avec apparition d’un livedo parfois nécro-
cryofibrinogène avec un tableau assez similaire à celui des sant souvent associé à un phénomène de Raynaud (fig. 84.13) ;
cryoglobulinémies. microangiopathie thrombotique liée à certains cytosta-
Protéine monoclonale À activité cristalglobulinémique, no- tiques, en particulier la gemcitabine.
tamment dans le cadre d’un myélome, qui peut cristalliser Maladies micro-occlusives De mécanismes très variés, as-
sociées à certaines maladies infectieuses, notamment bac-
tériennes (endocardites bactériennes, infection à myco-
plasmes, à Coxiella burnetii, brucellose...) ou virales (hé-
patite C en dehors de la présence de cryoglobulinémie,
VIH, etc.)
Angiodermites nécrotiques (Cf. supra.)
Maladie micro-occlusive Souvent diffuse associée à des néo-
plasies viscérales, liée ou non à la présence d’anticorps an-
tiphospholipides.
Livedo nécrosant des insuffisants rénaux, souvent dialysés,
plus connu sous le nom de calciphylaxie et qui peut s’asso- Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 84.12 Livedo nécrosant unilatéral de l’avant-bras et de la main


Fig. 84.10 Livedo distal, orteils pourpres et nécrose distale partielle du secondaire à des injections intraartérielles répétées de buprénorphine dans
cinquième orteil gauche au cours d’embolies de cholestérol l’artère humérale

 VIH virus de l’immunodéficience humaine


84-10 Ulcères vasculaires

à la fois de l’atteinte rénale et d’un livedo nécrosant soit


secondaire à l’insuffisance rénale chronique quelle que soit
son origine.

Ulcères microvasculaires par anomalie


pariétale
Il s’agit en général d’une inflammation et/ou de dépôts
anormaux dans les parois des artères dermiques et hypo-
dermiques, anomalies visibles sur des biopsies profondes

Coll. D. Bessis
effectuées si possible sur des lésions récentes.

Vasculite livédoïde de Winkelmann (vasculite hyalinisante


Fig. 84.13 Nécrose cutanée abdominale au site d’injection d’interféron
segmentaire)
alpha au cours du traitement d’une hépatite virale chronique C
Cette entité rare, décrite en 1967 par Winkelmann reste
cier à une panniculite calcifiante nécrosante et/ou à une contestée dans son individualisation par rapport à d’autres
acrocyanose très sévère à évolution distale parfois nécro- tableaux cliniques assez voisins. Typiquement, il s’agit d’un
sante. Le tableau clinique est très stéréotypé avec appari- livedo suspendu, évoluant par poussées très douloureuses
tion brutale d’un livedo, souvent inflammatoire à mailles atteignant essentiellement des femmes jeunes ou d’âge
ouvertes, débutant à l’extrémité distale des membres infé- moyen, souvent associé à des éléments purpuriques ou
rieurs, en particulier sur la face externe de jambe et pro- nécrotiques circonscrits laissant des cicatrices atrophiques
gressant rapidement vers la racine du membre, puis sur le et déprimées en cupule, de type atrophie blanche (fig. 84.15).
tronc. Ce livedo se complique très généralement de lésions Les facteurs déclenchant des poussées ne sont pas claire-
nécrotiques souvent impressionnantes et profondes et une ment identifiés dans la majorité des cas. Les lésions siègent
évolution fatale est rapportée dans plus de la moitié des surtout sur la face antéro-externe du tiers inférieur et du
cas publiés notamment par sepsis (fig. 84.14). L’histologie tiers moyen de la jambe. L’aspect histologique est assez par-
montre une micro-occlusion thrombotique des artérioles ticulier et a permis de proposer l’individualisation de cette
dermiques et hypodermiques accompagnée d’une calcifica- entité sous la forme d’une atteinte des petites artères der-
tion importante des parois de ces vaisseaux et parfois de miques, sièges d’une inflammation peu importante avec
dépôts calciques extravasculaires. Ces calcifications sont surtout une hyalinisation des parois pouvant se compli-
souvent visibles dès les clichés radiologiques standards quer d’une obstruction luminale par fibrose ou thrombose.
sous la forme d’un fin réseau calcifié s’étendant jusqu’à Il peut s’y associer, quoique rarement, des atteintes extracu-
la surface du membre. Malgré la dénomination de cette tanées de type maladie micro-occlusive. L’étiologie est en-
affection, le mécanisme de la micro-occlusion est discuté core très controversée et pourrait être liée à des anomalies
et est probablement multifactoriel : hyperparathyroïdie, diverses de la coagulation, notamment la présence d’anti-
d’autant plus qu’un tableau similaire peut être rencontré corps antiphospholipides, une résistance à la protéine C
dans l’hyperparathyroïdie primaire, lié à l’action vasocons- activée, un déficit en protéine C, etc. L’intensité de la dou-
trictive directe et prothrombotique de la parathormone ; leur est parfois expliquée par une neuropathie sensitive
troubles de coagulation avec déficit quantitatif et/ou fonc- induite par un même mécanisme thrombotique ou par une
tionnel en protéine C ou S en particulier dans la dialyse
péritonéale ; carence en vitamine K avec diminution des
protéines C et S ; anticorps antiphospholipides secondaires
à la néphropathie ou liés à la cause de cette dernière ; vascu-
lite à complexes immuns, etc. En revanche, le mécanisme de
précipitation aiguë du calcium invoqué par Selye paraît très
difficile à retenir dans la grande majorité des cas. L’hyper-
parathyroïdie est souvent ancienne et importante dans ces
situations. Le traitement est très discuté : parathyroïdec-
tomie subtotale, cinacalcet qui mime l’effet du calcium sur
la parathyroïde et qui ralentit donc la production de para-
thormone, mesures anti-infectieuses, traitement local des
Coll. D. Bessis

pertes de substance, contrôle de la calcémie en modifiant la


composition des bains d’hémodialyse, anticoagulation effi-
cace, antiagrégants plaquettaires, utilisation du thiosulfate
de sodium... Le principal diagnostic différentiel est repré- Fig. 84.14 Livedo nécrosant (calciphylaxie) d’une cuisse au cours d’une
senté par l’oxalose soit primitive qui est alors responsable insuffisance rénale chronique
Ulcères microvasculaires par anomalie pariétale 84-11

vasculite associée. Certaines formes sont probablement biopsie cutanée faite sur les mailles montre un dépôt de
secondaires à des connectivites et peuvent également s’as- cristaux biréfringents d’oxalate de calcium dans le derme
socier à un diabète, une athéromatose diffuse ou à une et notamment dans les médias vasculaires, mis en évidence
néoplasie viscérale. Le traitement de cette affection récidi- par la coloration de Von Kossa. Il s’y associe souvent une
vante est difficile et peut faire appel aux anticalciques, aux thrombose intraluminale.
antiagrégants plaquettaires, aux corticoïdes, à la puvathé-
rapie, à la prostacycline ou encore aux immunoglobulines Syndrome de Sneddon et autres syndromes ischémiques
intraveineuses.
cutanéocérébraux
Prototype du syndrome ischémique cutanéocérébral, Le
syndrome de Sneddon, décrit en 1965, se caractérise par
l’association d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques
à un livedo inflammatoire fait de lésions suspendues à
mailles souvent irrégulières, évoluant très rarement vers
la nécrose. Cette affection atteint en priorité les femmes
entre 20 et 40 ans, souvent hypertendues et/ou tabagiques.
Le livedo précède en général les accidents vasculaires céré-
braux qui peuvent toucher tous les territoires vasculaires
encéphaliques. L’atteinte artérielle intéresserait en fait l’en-
semble de l’organisme, mais avec une nette prédominance
Coll. D. Bessis
cutanée et cérébrale. La biopsie cutanée effectuée au centre
des mailles du livedo a une bonne valeur diagnostique à
condition de répéter les prélèvements (au moins 3 prélève-
Fig. 84.15 Vasculite livedoïde de Winkelmann : ulcères chroniques ments) puisqu’elle montre typiquement une inflammation
du pied associé à un purpura et des cicatrices blanches atrophiques des artères de moyen et petit calibre, suivie d’une occlusion
particulièrement visibles sur la face dorsale de l’avant-pied cellulo-fibrineuse, puis d’une prolifération de cellules mus-
culaires lisses avec obstruction artérielle définitive. Ces
Oxaliurie primitive et secondaire lésions sont également visibles sur les artériographies céré-
L’hyperoxaliurie ou oxalose primitive est une anomalie mé- brales avec sténoses segmentaires multiples à l’origine d’ac-
tabolique congénitale rare qui se transmet sur un mode cidents récidivants de topographie variée. Ces anomalies
autosomique récessif. Elle est liée à un déficit en alanine- aboutissent parfois à des aspects d’angiomatose cérébro-
glyoxylate aminotransférase (oxalose de type I la plus fré- méningée diffuse pouvant rappeler le syndrome de Divry-
quente) ou en D glycérate déshydrogénase (type II plus Van Bogaert dont les relations avec le syndrome de Sned-
rare) voire un trouble de l’absorption de l’oxalate (type III), don sont encore discutées tant sur le plan étiologique que
avec, dans tous les cas, accumulation de cristaux d’oxalate nosologique. L’étiopathogénie du syndrome de Sneddon est
dans les tissus et hyperoxaliurie. Elle se caractérise en ef- en effet encore relativement obscure puisque la responsabi-
fet par une précipitation de cristaux d’oxalate de calcium lité d’anticorps antiphospholipides ou d’anticorps anticel-
dans divers tissus, notamment dans les vaisseaux périphé- lules endothéliales est souvent évoquée bien que leur rôle
riques, le cœur, les reins, les voies urinaires, les yeux et la pathogène exact reste incertain (cause ou conséquence ?).
peau. Quelle que soit l’anomalie biochimique sous-jacente, Ainsi, le syndrome de Sneddon pourrait s’intégrer dans un
le tableau clinique et biologique est assez similaire avec syndrome des antiphospholipides un peu particulier et cer-
lithiases rénales précoces et dépôts de cristaux d’oxalate tains continuent à considérer le syndrome de Sneddon sans
de calcium dans le parenchyme rénal à l’origine d’une in- antiphospholipide comme une entité nosologique tempo-
suffisance rénale terminale, parfois avant l’âge de 20 ans. raire puisque tous les anticorps antiphospholipides n’ont
D’autres organes peuvent être touchés, notamment le cœur peut-être pas encore été identifiés. Toutefois, certains élé-
avec bloc auriculo-ventriculaire, les os, la moelle osseuse, ments cliniques et biologiques différencient les formes avec
la paroi des vaisseaux périphériques, ce qui se manifeste au et sans anticorps antiphospholipides, avec notamment des
niveau de la rétine et de la peau avec notamment un livedo mailles plus petites et un réseau plus fin, plus discret, et
réticulaire nécrosant ou des nécroses parcellaires distales une fréquence plus élevée de la thrombopénie, des crises
qui restent en fait relativement rares. Des formes modé- d’épilepsie et de l’insuffisance mitrale dans les cas associés
rées ont été décrites avec révélation à l’âge adulte. L’oxalose aux anticorps antiphospholipides tandis que les zones de li-
acquise ou secondaire peut être liée à l’insuffisance rénale, vedo sont plus importantes dans les syndromes de Sneddon
à un régime riche en oxalate, à une intoxication à l’éthylène « purs » sans anticorps antiphospholipides.
glycol ou encore à un déficit en pyridoxine. Le diagnostic
des formes primitives est évoqué sur une insuffisance ré- Vasculites
nale chronique précoce associée à une lithiase également Toutes les vasculites notamment leucocytoclasiques des
précoce et repose sur le dosage du taux d’oxalate urinaire petits vaisseaux, la maladie de Wegener, la maladie de
qui est élevé avant l’installation de l’insuffisance rénale. La Churg et Strauss, la maladie de Horton et la périartérite
84-12 Ulcères vasculaires

noueuse « microscopique » ou « classique » cutanée pure ou lement rester très longtemps isolés, notamment dans le
systémique qui touche en priorité des artères de moyen cadre débattu des périartérites noueuses cutanées pures.
calibre peuvent être responsables d’ulcérations cutanées Les nécroses cutanées apparaissant dans ce cadre sont sou-
par atteinte (micro)vasculaire et la symptomatologie asso- vent de mécanisme mixte associant inflammation parié-
cie le plus souvent divers types de lésions : livedo notam- tale et thromboses intraluminales qu’il y ait ou non des an-
ment infiltré, à mailles ouvertes, irrégulières, inflamma- ticorps antiphospholipides associés. Certaines vasculites
toires ; nécroses parcellaires ou confluentes ; nodules sous- sont plus fréquemment en cause telle les vasculites asso-
cutanés, etc. Ces signes cutanés peuvent être associés d’em- ciées au lupus érythémateux systémique, la dermatomyo-
blée ou non à des anomalies viscérales évocatrices, telles site ou la polyarthrite rhumatoïde. La biopsie permet le
une atteinte rénale avec ou sans hypertension artérielle, plus souvent un diagnostic de certitude, en général large-
une multinévrite, une atteinte digestive, mais peuvent éga- ment évoqué sur la situation clinique.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Dereure O. Ulcères vasculaires. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations dermatologiques
des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 84.1-84.12.
85
Affections veineuses
Didier Bessis

Thromboses veineuses superficielles 85-1 Maladie postphlébitique 85-4


Manifestations cliniques 85-1 Syndrome cave supérieur 85-4
Enquête étiologique 85-2 Références 85-4

Thromboses veineuses superficielles tions phlébologiques, en particulier l’écho-doppler veineux,


restent indispensables à la recherche d’une thrombose vei-
Les thromboses veineuses superficielles (TVS) compliquent neuse profonde associée, parfois occulte, qui peut être pré-
le plus souvent des varices des membres inférieurs (70 %). sente en moyenne dans un quart des cas (6 à 36 % des cas
Elles peuvent cependant se développer sur une veine saine selon les séries) ¹-⁴. Cette TVP peut schématiquement re-
et toucher n’importe quel territoire veineux comme au lever de deux mécanismes : une extension secondaire du
cours des TVS migratrices, nodulaires ou de la maladie de processus thrombotique du réseau superficiel au réseau
Mondor. À l’exception de cette dernière affection, le pro- profond par les crosses saphènes ou une perforante inconti-
blème de l’étiologie des TVS est identique à celui posé par nente avec risque de migration embolique pulmonaire ; un
les thromboses veineuses profondes. état d’hypercoagulabilité pouvant rendre compte d’une at-
teinte non contiguë de la thrombose profonde du membre
Manifestations cliniques par rapport à la TVS, par exemple sur le membre inférieur
Thrombophlébite sur varice Il s’agit d’un placard inflam- controlatéral ⁵-⁷.
matoire douloureux, parcouru d’un cordon veineux induré, Thrombophlébite sur veine saine
rouge, chaud et sensible. Il existe une nette prédominance Thrombophlébites superficielles migratrices Elles se tra-
féminine avec un pic de fréquence maximale de survenue au duisent par des épisodes de phlébites superficielles sur
cours de la cinquième décennie. La prédominance gauche veine saine, atteignant le plus souvent les membres infé-
est classique et la bilatéralité est notée dans 5 à 10 % des rieurs de façon segmentaire, migratrices et par poussées
cas ¹. Si tous les territoires veineux peuvent être touchés, la successives d’une durée de quelques jours à quelques mois.
veine saphène interne est la localisation la plus fréquente Leur diagnostic clinique repose sur la présence d’une part
(60-80 %), particulièrement au niveau du genou et de la
région inférieure de la cuisse (perforante de Hunter). Le
diagnostic en est aisé et seules les formes très inflamma-
toires peuvent éventuellement faire discuter un érysipèle,
une lymphangite voire une cellulite (fig. 85.1). L’atteinte de
la veine saphène externe, plus rare, est de diagnostic plus
délicat en raison de sa particularité anatomique, située
dans un dédoublement aponévrotique sur la moitié de son
trajet. En cas de thrombose de la veine saphène externe,
les signes inflammatoires superficiels sont absents ou mo-
dérés et s’accompagnent d’une douleur de l’ensemble du
mollet pouvant en imposer pour une thrombose veineuse
Coll. D. Bessis

profonde. Le diagnostic est confirmé par l’écho-doppler


veineux. D’autres segments veineux peuvent être touchés :
veine saphène antérieure, veine anastomotique de Giaco-
mini, autres veines après injections sclérosantes répétées. Fig. 85.1 Cordon inflammatoire veineux d’une face interne de cuisse au
Si le diagnostic de TVS est avant tout clinique, les explora- cours d’une thrombophlébite sur varice de la veine saphène interne

 TVS thromboses veineuses superficielles


85-2 Affections veineuses

Coll. D. Bessis

Fig. 85.2 Multiples cordons rouge violacé en « tuyau de pipe » des


membres inférieurs au cours de thrombophlébites superficielles migratrices

Coll. D. Bessis
de nodules érythémateux ou violacés, de disposition li-
néaire, sensibles à la palpation et, d’autre part, de cordons
en forme de « tuyau de pipe », infiltrés, rouge violacé et dou- Fig. 85.3 Maladie de Mondor : deux cordons linéaires en « fil de fer »
loureux (fig. 85.2). Dans de rares cas, ces lésions peuvent se li- (flèches) de la région épigastrique gauche
miter à une simple turgescence cutanée segmentaire ou dou-
loureuse ⁸. En l’absence de thrombose veineuse profonde traumatisme, effort physique, chirurgie thoracique, mam-
associée, il n’existe pas d’œdème du membre touché ou maire ou axillaire (après biopsie ou curage ganglionnaire) ⁹,
d’adénopathies loco-régionales. Leur topographie intéresse inflammations ou infections mammaires, carcinome mam-
les membres inférieurs mais parfois aussi les membres supé- maire, port de vêtements serrés, piqûre de méduse ¹⁰. L’évo-
rieurs et le tronc. Les lésions disparaissent après quelques lution est le plus souvent spontanément régressive en
semaines, suivies habituellement d’une pigmentation tran- quelques semaines. Un traitement anti-inflammatoire local
sitoire. Le diagnostic différentiel peut se poser avec la pé- ou systémique et une mise au repos d’un membre atteint,
riartérite noueuse (PAN). L’absence de signe histologique voire une brève anticoagulation, peuvent néanmoins être
de vasculite reste le critère diagnostique essentiel d’exclu- proposés en phase aiguë.
sion de la PAN. Les autres diagnostics différentiels com- Thrombophlébites nodulaires Elles correspondent clinique-
prennent les hypodermites chroniques ou subaiguës nodu- ment à des nodules arrondis ou ovalaires, enchâssés dans
laires (vasculite nodulaire, érythème noueux...), la maladie le derme, plus ou moins inflammatoires, faisant évoquer
de Kaposi, la sarcoïdose nodulaire. le diagnostic d’érythème noueux ¹¹ (fig. 85.4). C’est la seule
Maladie de Mondor La maladie de Mondor ou phlébite éventualité au cours de laquelle une biopsie cutanée pro-
en « cordon » ou en « fil de fer » désigne une thrombophlé- fonde (jusqu’à l’hypoderme) peut être utile au diagnostic de
bite superficielle qui touche classiquement les veines laté- TVS. Histologiquement, il existe un infiltrat inflammatoire
rothoraciques, thoraco-épigastriques et épigastriques supé- polymorphe autour d’une veinule thrombosée de l’hypo-
rieures. De caractère bénin, elle prédomine chez la femme derme. Dans certains cas, la différenciation histologique
où elle se définit par un cordon induré d’une dizaine de entre artériole et veinule peut être difficile si le caractère
centimètres, linéaire, indolore, unilatéral. Sa localisation large et ovale de la lumière du vaisseau veineux manque.
caractéristique est préthoracique, déterminant une dépres- L’absence de limitante élastique interne reste alors un bon
sion « en rigole » lors de l’élévation du bras (fig. 85.3). Une at- critère de diagnostic en faveur de son origine veineuse.
teinte des membres supérieurs et inférieurs, de l’abdomen,
des plis axillaires ou inguinaux ou du pénis est également Enquête étiologique
possible. Son étiologie exacte reste inconnue, mais de nom- Toutes les formes de TVS sur veine saine peuvent révéler
breux facteurs prédisposants peuvent être mis en évidence une pathologie générale ou en être le prélude, que ce soit un
lors de l’interrogatoire, l’examen clinique ou d’éventuelles trouble primaire de l’hémostase, une maladie de système
explorations complémentaires : états d’hypercoagulabilité, ou une néoplasie ¹²,¹³. En pratique, l’enquête étiologique

 PAN périartérite noueuse · TVS thromboses veineuses superficielles


Thromboses veineuses superficielles 85-3

Tableau 85.1 Étiologies des thromboses veineuses superficielles


Anomalies de l’hémostase
– constitutionnelles Résistance à la protéine C activée
Déficit en :
– antithrombine III
– protéine C
– protéine S
– facteur XII ?, héparine cofacteur II ?
– hyperhomocystéinémie
– anomalies du système fibrinolytique

Coll. D. Bessis
– acquises Syndrome des anticorps
antiphospholipides
Thrombocytémie
Fig. 85.4 Thrombophlébites nodulaires : nodules rouges inflammatoires
de la face antérieure de jambe de distinction clinique délicate avec un Affections malignes Néoplasies du pancréas, estomac
érythème noueux (syndrome de Trousseau)
Maladies systémiques Maladie de Buerger (50 %)
devra toujours être conduite de façon systématique : in- Maladie de Behçet (2-10 %)
terrogatoire rigoureux et examen clinique complet (sans Périartérite noueuse (rare)
omettre les touchers pelviens) constituent les étapes diag- Maladies infectieuses Iatrogéniques (cathéter à demeure,
nostiques essentielles. À l’issue de l’examen clinique, deux toxicomanie)
types de situation pourront être distingués : Infections à Rickettsies
− soit la TVS survient sur une varicose des membres infé- Syphilis secondaire
rieurs, de façon segmentaire et isolée ou dans le cadre Causes hormonales Grossesse
d’une maladie de Mondor et il semble logique de n’effec- Contraception hormonale
tuer aucune exploration étiologique complémentaire
en l’absence de récidive ; Autres causes Immobilisation, obésité, hyperuricémie
− soit la TVS survient sur une varicose étendue ou sur une Hernie hiatale
veine saine, a fortiori de façon répétitive ou migratrice Post-opératoires
et un bilan étiologique est indispensable (tableau 85.1).
Anomalies de l’hémostase ont été signalées : prostate, côlon, poumons, voies biliaires.
Constitutionnelles Elles devront être recherchées chez le Nombre de ces observations restent imprécises quant à la
malade de moins de 40 ans avec des antécédents throm- nature superficielle ou profonde de la thrombose et à son ca-
botiques personnels ou familiaux. Des tableaux particu- ractère isolé ou migrateur ²⁰. Plusieurs auteurs ont insisté
liers tels qu’une résistance à l’héparine, évocatrice d’un sur la possibilité de précession de plusieurs mois voire an-
déficit en antithrombine III, ou une notion de nécrose cuta- nées de la TVS par rapport à la survenue de la néoplasie,
née à l’induction d’un traitement anticoagulant oral feront et donc de l’intérêt d’un suivi prolongé, au moins les deux
suspecter un déficit en protéine C ou S ¹⁴,¹⁵. Ces anoma- années suivantes, et rigoureux des TVS dites idiopathiques,
lies constitutionnelles de l’hémostase pourront entraîner en particulier chez le sujet âgé ²¹. La physiopathologie reste
aussi bien des thromboses veineuses superficielles que pro- hypothétique et multifactorielle : hyperproduction de fac-
fondes. teurs de coagulation, activation plaquettaire, production
Acquises Le syndrome des anticorps antiphospholipides d’activateurs de la prothrombine par stimulation monocy-
est défini par l’association d’une manifestation clinique (au taire ou macrophagique ou par les cellules tumorales elles-
moins) de thrombose veineuse ou artérielle ou de pertes mêmes. Un rôle pathogénique des anticorps antiphospholi-
fœtales répétées (plus de deux) et une anomalie biologique pides a également été évoqué.
(au moins) à type de lupus anticoagulant ou d’anticorps an- Maladies systémiques Les TVS sont un signe classique d’en-
ticardiolipide confirmée sur deux déterminations séparées trée de la maladie de Behçet pouvant précéder les manifes-
d’au moins 8 semaines ¹⁶. La présence d’anticorps antiphos- tations d’uvéite ou d’aphtose. Elles posent habituellement
pholipides a été impliquée comme facteur déclenchant de peu de problème de reconnaissance en présence des autres
TVS au cours de la maladie de Behçet ¹⁷ et de la maladie de signes cliniques cardinaux associés mais en cas d’atteinte
Buerger ¹⁸. La thrombocytémie essentielle constitue égale- initiale ou isolée peuvent être confondues avec des lésions
ment une étiologie classique de TVS ¹⁹. nodulaires d’érythème noueux.
Affections malignes Les phlébites superficielles migratrices Causes infectieuses Les TVS résultent le plus souvent
paranéoplasiques ou syndrome de Trousseau restent clas- d’une agression directe d’un germe sur la paroi veineuse,
siques mais rares ²⁰. Les pathologies néoplasiques rappor- survenant avec prédilection sur les cathéters à demeure.
tées sont le plus souvent d’origine gastrique ou pancréa- Les phlébites septiques des toxicomanes sont facilement
tique mais de nombreuses autres localisations malignes reconnaissables, multiples ou associées à des hématomes,

 TVS thromboses veineuses superficielles


85-4 Affections veineuses

des lymphangites ou des abcès.


Causes hormonales La grossesse est une cause favorisante
nettement caractérisée de TVS. La fréquence de cette com-
plication est évaluée à 0,15 % des cas au cours de la gros-
sesse et à 1,18 % des cas au cours du post-partum. ²² Son
mécanisme physiopathologique est multifactoriel, faisant
intervenir une stase veineuse avec ou sans varices et un
état d’hypercoagulabilité.

Maladie postphlébitique

Coll. D. Bessis
Elle se définit comme l’ensemble des manifestations cli-
niques survenant à moyen ou à long terme après une throm-
bose veineuse profonde des membres inférieurs. Sa fré-
quence de survenue varie de 10 à 90 % dans les 5 à 10 ans Fig. 85.5 Circulation collatérale veineuse thoracique au cours d’un
qui suivent la thrombose mais reste difficile à apprécier syndrome cave supérieur compliquant un adénocarcinome bronchique
en raison du flou nosologique (assimilation fréquente à
l’insuffisance veineuse chronique), de la fréquente mécon- Le mécanisme physiopathologique repose sur l’association
naissance du diagnostic de thrombophlébite profonde et à des degrés variables d’un syndrome de suppléance (aggra-
du biais de recrutement dans les séries publiées. Les ma- vation de varices préexistantes ou développement de va-
nifestations cliniques sont d’intensité variable suivant le rices saphènes) et de reperméation (syndrome de dévalvu-
stade évolutif de la maladie postphlébitique, et sont carac- lation avec reflux, inversion des perforantes) faisant suite
térisées par ²³ : au syndrome obstructif lié à la thrombose veineuse.
− un œdème, initialement localisé à la cheville et réduc-
tible au repos, majoré par l’orthostatisme et cédant au Syndrome cave supérieur
décubitus ;
− une lourdeur et/ou des douleurs des membres infé- Le syndrome cave supérieur est lié dans environ 80 % des
rieurs, aggravées par la station debout et la marche, cas à une étiologie maligne, dominée par les néoplasies
parfois sévères (claudication veineuse) et soulagées par intrathoraciques, avec au premier plan les cancers broncho-
le repos et la surélévation des membres inférieurs ; pulmonaires. Les étiologies non néoplasiques (20 % des
− la présence inconstante de varices. cas) sont marquées par les médiastinites fibreuses chro-
Les signes cutanés sont marqués par la survenue ²³ : niques (infectieuses, post-radiques ou idiopathiques) et les
− de troubles trophiques divers, polymorphes, souvent thromboses, avec un nombre croissant d’observations liées
associés : hyperpigmentation de la dermite ocre (Favre à des dispositifs endoveineux ²⁴.
et Chaix) et/ou pigmentée et purpurique (Gougerot Les signes d’appel du syndrome cave supérieur sont d’appa-
et Blum), atrophie blanche, hypodermites aiguës, sub- rition progressive, avec un intervalle variable suivant l’étio-
aiguës ou chroniques. Ces troubles trophiques sont logie : 3 semaines en moyenne pour les causes malignes
parfois sévères, compliqués d’une sclérose cutanée pro- contre 42 semaines pour les causes bénignes. Ils se caracté-
fonde parfois étendue (guêtre de l’hypodermite scléro- risent par des céphalées avec une sensation de tête pleine,
dermiforme) pouvant se compliquer d’une ankylose de une dyspnée et une toux, ces symptômes étant majorés par
la cheville ; l’effort ou la position penchée en avant. S’y associent un
− d’ulcère de jambe : le plus souvent unique, de grande œdème et une cyanose du visage, du cou et des extrémités,
taille, peu douloureux et localisé dans la zone rétromal- une turgescence des veines jugulaires et une circulation col-
léolaire interne en cas de varices associées, parfois com- latérale thoracique supérieure ²⁵ (fig. 85.5). La survenue de
pliqué d’un eczéma de stase. bouffées vasomotrices faciales révélatrices d’un syndrome
Le diagnostic sera confirmé par les explorations ultraso- cave supérieur a également été rapportée ²⁶. Le diagnostic
nographiques (en particulier echographie-doppler) parfois est établi par la tomodensitométrie ou l’IRM. Le traitement
complétées de la pléthysmographie et de la mesure des reste étiologique et symptomatique (anticoagulants en cas
pressions veineuses. de thrombose, diurétiques, etc.).

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D. Affections veineuses. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations dermatologiques
des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 85.1-85.5.
86
Lymphœdèmes des membres
Stéphane Vignes

Lymphœdèmes primitifs 86-1 Peau et phanères 86-6


Définition 86-1 Appréciation du volume du lymphœdème 86-6
Facteurs déclenchants 86-2 Cas particulier des lymphœdèmes génitaux 86-7
Génétique et lymphœdèmes primitifs 86-2 Examens complémentaires 86-7
Lymphœdèmes secondaires du membre supérieur 86-3 Complications 86-7
Définition et épidémiologie 86-3 Complications infectieuses 86-7
Délai d’apparition 86-3 Complications psychologiques et qualité de vie 86-8
Facteurs de risque de développement d’un lymphœdème du Lymphangiosarcome 86-8
membre supérieur 86-4 Autres tumeurs malignes 86-9
Causes des lymphœdèmes secondaires du membre Principal diagnostic différentiel des lymphœdèmes des
inférieur 86-4 membres inférieurs : le lipœdème 86-9
Cancers gynécologiques 86-5 Définition 86-9
Filariose 86-5 Diagnostic 86-9
Maladie de Kaposi 86-5 Physiopathologie 86-9
Pathologies rhumatologiques 86-5 Traitement 86-10
Autres causes 86-6 Traitement des lymphœdèmes 86-10
Examen clinique 86-6 Physiothérapie décongestive complète 86-10
Topographie du lymphœdème 86-6 Autres mesures 86-13
Lourdeur, douleurs 86-6 Références 86-14

plications, leurs diagnostics différentiels et leurs traite-


L es lymphœdèmes des membres représentent les prin-
cipales pathologies lymphatiques. Le système lympha-
tique a pour fonction de réabsorber les liquides et les pro-
ments.

téines interstitiels à partir des capillaires lymphatiques ini- Lymphœdèmes primitifs


tiaux. La captation des protéines est d’autant plus impor-
tante que celles-ci sont volumineuses. Au cours des lym- Définition
phœdèmes, la pression dans les capillaires lymphatiques Les définitions des lymphœdèmes primitifs ne sont pas una-
augmente ¹, faisant apparaître une accumulation de pro- nimement identiques. En 1934, dans une série de 105 cas,
téines, de liquide interstitiel et de métabolites cellulaires Allen proposait le terme de lymphœdème primitif (« non
dans l’espace extracellulaire. Survient ensuite une augmen- inflammatoire ») pour définir les lymphœdèmes sans cause
tation de la pression osmotique avec comme conséquence précise identifiée. Dans cette première description, il exis-
un afflux hydrique responsable du lymphœdème. Secon- tait une nette prépondérance féminine (87 %) avec des
dairement, apparaissent un afflux de macrophages stimu- formes congénitales (familiales : maladie de Milroy ³) et des
lant la production de collagène par les fibroblastes, une formes apparaissant plus tard (formes dites précoces) ⁴ par-
activation des kératinocytes et des adipocytes. L’évolution fois familiales, alors appelées syndrome de Meige ⁵. Puis en
se fait donc vers un épaississement et une « fibrose » cu- 1957, Kinmonth et al. publiaient une autre étude composée
tanés ². Les lymphœdèmes peuvent être classés schéma- de 107 cas, où ils maintenaient le terme de lymphœdème
tiquement en lymphœdèmes primitifs, c’est-à-dire sans précoce pour les formes survenues avant 35 ans et dénom-
notion d’intervention sur les aires ganglionnaires, et en maient les lymphœdèmes apparus après 35 ans, lymphœ-
lymphœdèmes secondaires à des lésions des voies lym- dèmes tardifs (« lymphœdème tarda ») qui représentent
phatiques (chirurgies, radiothérapie, filariose, biopsies). environ 15 % des cas ⁶. Il retrouvaient toujours une nette
Nous retiendrons ces définitions pour détailler les lym- prédominance féminine (72 %). Le lymphœdème était sur-
phœdèmes primitifs et secondaires puis aborder leurs com- tout localisé à un (44 %) ou aux deux membres inférieurs
86-2 Lymphœdèmes des membres

dies sont très rares et le lymphœdème n’est qu’un élément


souvent mineur en comparaison des autres atteintes cli-
niques.

Facteurs déclenchants
Lors de l’apparition d’un lymphœdème primitif, il est clas-
sique de rechercher un facteur déclenchant. Il est tentant
d’attribuer une cause au lymphœdème alors qu’il serait pré-
férable de parler de facteur de décompensation, la ou les
anomalies lymphatiques étant préexistantes. Brunner les
retrouve ainsi 76 fois sur 285 avec par ordre de fréquence
décroissante : entorse de cheville, grossesse, effort sportif,
long voyage en voiture, piqûres d’insecte, sclérothérapie,
pontage artériel ou érysipèles ⁷. Toute agression même mi-
nime peut être considérée comme le facteur déclenchant.

Génétique et lymphœdèmes primitifs


Maladie de Milroy En 1998, l’équipe de Ferrell et al. met-
tait en évidence dans les formes familiales de lymphœdème
une liaison génétique située sur la région 5q34-q35 ¹⁰. En
1999, Evans et al. confirmaient ces données dans cinq fa-
milles avec un lymphœdème familial ¹¹. Le candidat po-
tentiel était le gène codant pour le récepteur du Vascular
Growth Factor C (VEGF-C), appelé VEGFR-3 et indispen-
sable à l’angiogenèse lymphatique ¹². Le séquençage du
Coll. D. Bessis

gène VEGFR-3 a permis de mettre en évidence des mu-


tations non-sens inactivant la région protéine kinase in-
dispensable à la phosphorylation intracellulaire du tyro-
Fig. 86.1 Lymphœdème primitif isolé des membres inférieurs syl. Il en résulte une absence de transmission au noyau
du signal induit par le ligand VEGFR-3 ¹³. Dans une étude
(41 %) (fig. 86.1), les autres atteintes touchant un membre plus récente comportant 71 patients ayant une maladie de
inférieur et la face, les membres supérieurs ou les organes Milroy, le sex-ratio était de 1 et la pénétrance de 90 % ¹⁴.
génitaux externes. Aux descriptions cliniques, Kinmonth Le lymphœdème était congénital dans 97 % des cas avec
et al. ajoutaient la lymphangiographie directe pour 87 pa- une atteinte sous-gonale exclusive dans 94 % et bilatérale
tients. Il retrouvait une aplasie des troncs lymphatiques dans 85 % ¹⁴. Levinson et al. suggéraient également que les
dans 14 %, une hypoplasie dans 55 % et une dilatation lymphœdèmes liés à une mutation du gène VEGFR-3 se-
dans 21 % des cas. Les formes familiales de lymphœdème raient présents dès la naissance ¹⁵. Cependant, l’anomalie
étaient retrouvées de 3 à 17 % selon les études ⁶,⁷. D’autre du gène VEGFR-3 n’explique pas à elle seule tous les lym-
part, de nombreuses maladies malformatives et/ou géné- phœdèmes familiaux et d’autres anomalies génétiques sont
tiques ou des anomalies caryotypiques (fig. 86.2) peuvent susceptibles d’être en cause ¹⁰,¹⁶.
s’accompagner de lymphœdème (tableau 86.1) ⁸,⁹. Ces mala- Syndrome distichiasis-lymphœdème Le distichiasis est
la présence d’une seconde rangée de cils surnuméraires au
niveau des orifices des glandes de Meibomius. Ce syndrome,
dont il existe des formes familiales et sporadiques ¹⁷, est
lié à des mutations du gène FOXC2 situé dans la région
16q24, qui intervient dans le développement de l’arc aor-
tique primitif, dans la mise en place du squelette et dans
la formation du segment antérieur de l’œil ¹⁸. Un modèle
de souris hétérozygote pour le gène FOXC2 reproduisait
des anomalies lymphatiques et ciliaires comparables au
syndrome distichiasis-lymphœdème humain ¹⁹. Par ailleurs,
les mutations du gène FOXC2 entraînent une grande hété-
rogénéité phénotypique puisqu’on peut les retrouver dans
Coll. D. Bessis

les familles de lymphœdème, qu’il existe ou non un dis-


tichiasis ²⁰. Pour Levinson et al., les lymphœdèmes liés à
une mutation du gène FOXC2 apparaîtraient plus tardive-
Fig. 86.2 Lymphœdème des pieds prédominant sur le pied gauche au ment (vers la puberté) que ceux liés aux mutations du gène
cours d’un syndrome de Turner VEGFR-3 ¹⁵.

 VEGF vascular endothelial growth factor


Lymphœdèmes secondaires du membre supérieur 86-3

Tableau 86.1 Maladies malformatives et/ou génétiques, anomalies chromosomiques pouvant s’accompagner de lymphœdème (d’après ⁸,⁹)
Anomalies chromosomiques Syndromes ou maladies malformatifs et/ou génétiques
Trisomie 13 Lymphœdèmes isolés :
Trisomie 18 – maladie de Milroy
Trisomie 21 – maladie de Meige
Duplication 11 Syndromes malformatifs complexes :
Syndrome 11q-, 13q- – syndrome de Noonan (petite taille, sténose pulmonaire, dysplasie des valves, cardiomyopathie ventriculaire
Syndrome de Turner gauche)
Syndrome de Klinefelter – syndrome lymphœdème - distichiasis
– maladie de Waldmann (lymphangiectasies intestinales primitives)
– syndrome des ongles jaunes (yellow nail syndrome)
– neurofibromatose de type I (maladie de Recklinghausen)
– syndrome lymphœdème - hypoparathyroïdie
– syndrome de Hennekam (lymphangiectasies intestinales, retard mental, anomalies de la face, syndactylie)
– syndrome d’Aagenaes (cholestase, hépatomégalie, atrésie des voies biliaires, hémangiomes cutanés)
– syndrome de Njolstad
– syndrome de Protée (croissance anormale des os, de la peau, du crâne, lipomes, malformations vasculaires)
– syndrome de Maffucci (enchondromes multiples, hémangiomes cutanés)
Syndromes malformatifs vasculaires :
– syndrome de Klippel-Trenaunay
– syndrome de Parkes Weber
Syndrome de Prader-Willi (hyperphagie, obésité, retard mental modéré, troubles du comportement, retard
statural et pubertaire, hypogonadisme)
Syndrome de Dahlberg (cataracte, ptosis, hypocalcémie, néphropathie, hypothyroïdie, anomalies de la peau et
des phanères)
Déficit en α-galactosidase : maladie de Fabry
Autres
Syndrome de Kasabach-Merritt (hémangiomes cutanés, thrombopénie par consommation)
Autres malformations associées : fente palatine, ptosis, nystagmus, surdité de perception, microcéphalie, craniosténose, rétinite pigmentaire,
cryptorchidie

Autres anomalies génétiques Le syndrome cholestase- à préciser notamment en raison de l’absence de définition
lymphœdème, appelé également syndrome d’Aagenaes, as- unique. En effet, le lymphœdème est défini, par rapport au
socie un lymphœdème, un ictère, une hépatomégalie et une membre controlatéral, soit par les sommes des différences
atrésie des voies biliaires intrahépatiques. La transmission périmétriques (6 mesures) de plus de 5 % ²⁴, soit par des dif-
est autosomique récessive. Le gène anormal est situé sur férences périmétriques supérieures à 2 ou 2,5 cm ²⁵ ou enfin
le bras long du chromosome 15 ²¹. D’autres facteurs sont par une différence de volume de 200 voire 250 ml ²⁶. Mal-
impliqués dans la lymphangiogenèse comme le système gré ces nuances, la fréquence du lymphœdème, comprise
Tie/angio-poïétine, la neuropilin-2, l’intégrine alpha-9 ou entre 10 et 56 % (avec des durées d’observation variant
le facteur Prox-1 et qui pourraient avoir une implication de 1 à 11 ans), est d’autant plus élevée dans les études an-
clinique dans les lymphœdèmes ²². Récemment, des anoma- ciennes et les traitements plus agressifs ²⁵,²⁷. La fréquence
lies du gène SOX18 ont été décrites au cours du très rare globale de lymphœdème était comprise entre 13,6 % et
syndrome hypotrichose-lymphœdème-télangiectasies ²³. 28 % ²⁸-³⁰. Cette fréquence est également retrouvée lors-
qu’on définit le lymphœdème par une augmentation de
volume du membre atteint de 10 % par rapport au membre
Lymphœdèmes secondaires du membre controlatéral ³¹.
supérieur
Délai d’apparition
Ils représentent la majorité des lymphœdèmes secondaires, Le lymphœdème peut apparaître en postopératoire immé-
membre supérieur et inférieur confondus, et sont essentiel- diat ou beaucoup plus tard, jusqu’à plus de 20 ans après le
lement secondaires aux traitements des cancers du sein. traitement du cancer ³². Pour Liljegren et al., la fréquence
du lymphœdème augmente dans le temps, passant de 1,4 %
Définition et épidémiologie à 1 an à 11,2 % à 3 ans ³³, ce qui explique le faible taux de
Le nombre de nouveaux cas de cancer du sein est estimé lymphœdème lorsque le suivi est court ³⁴. Dans la cohorte
en France à environ 42 000 par an. La fréquence des lym- de Guedes Neto, 73 % des 142 femmes avec un lymphœ-
phœdèmes après traitement du cancer du sein est difficile dème le développeront dans la première année ³⁵. Pour Wer-
86-4 Lymphœdèmes des membres

ner et al., sur 282 femmes, le lymphœdème survient avec sociation chimiothérapie-radiothérapie postopératoire ⁴⁸.
un délai moyen de 14 mois après le traitement, 97 % des D’autre part, comme l’ont montré Segerström et al. dans
femmes ayant un lymphœdème, le développement avant une étude comportant 136 femmes traitées par mammec-
la quatrième année ³⁶. Il est également admis que l’évolu- tomie et curage axillaire, le risque de lymphœdème est plus
tion spontanée du lymphœdème se fait vers l’aggravation important après radiothérapie sur les aires ganglionnaires
volumétrique avec augmentation de la composante tissu- axillaires qu’après irradiation sur le sein et les aires gan-
laire (fibrose, tissu adipeux) et diminution relative de la glionnaires sus-claviculaires et sous-claviculaires (59,6 %
composante liquidienne ³⁷. versus 16,7 %) ou qu’après chirurgie seule (20,9 %) ⁴⁹.
Surcharge pondérale Il s’agit d’un facteur de risque im-
Facteurs de risque de développement d’un lymphœdème du portant dans la survenue d’un lymphœdème secondaire
du membre supérieur. Dans une étude cas-témoins com-
membre supérieur
prenant 71 femmes dans chaque groupe, l’index de masse
Curage ganglionnaire axillaire Liljegren et al. avaient corporelle (IMC) lors du traitement du cancer était significa-
montré que le degré de dissection des ganglions axillaires tivement supérieur chez les femmes qui avaient un lymphœ-
influence la survenue d’une pathologie du membre supé- dème par rapport à celles qui n’en avaient pas ⁵⁰. La prise de
rieur, dont le lymphœdème, avec un risque relatif de 1,11 poids après le traitement du cancer du sein est aussi consi-
par ganglion enlevé ³³. D’autres auteurs ont confirmé ce dérée comme un facteur de risque de lymphœdème. Dans
facteur de risque ³⁸,³⁹. Herd-Smith et al. avaient estimé la l’étude prospective de Petrek et al., portant sur 263 femmes
fréquence du lymphœdème en fonction du nombre de gan- qui avaient eu une mammectomie totale avec curage axil-
glions enlevés : moins de 20, 14,5 %, de 20 à 30, 17,7 % et laire, la fréquence du lymphœdème était supérieure si la
plus de 30, 22,1 % ²⁴. La technique du ganglion sentinelle prise de poids était supérieure à 4,5 kg par rapport à celles
permet de ne prélever que le ou les premiers ganglions dont le poids était resté stable (60 % versus 39 %) ³². L’im-
relais axillaire du cancer du sein pour rechercher son en- portance du poids a été confirmée par l’étude de Clark et
vahissement et d’éviter ainsi un curage axillaire en cas de al. avec une fréquence du lymphœdème, trois ans après
négativité. Dans une première étude, Schrenk et al. ne re- le traitement du cancer du sein, de 28 % chez les femmes
trouvaient pas de lymphœdème après ablation du ganglion ayant un IMC supérieur ou égal à 26 versus 14 % chez les
sentinelle ⁴⁰. Plus récemment, des études ayant des suivis femmes avec un IMC inférieur à 26 ³⁰. L’IMC était corrélé
plus longs retrouvaient une fréquence de lymphœdème non seulement à la fréquence mais aussi la sévérité du lym-
de 3 à 7 % nettement inférieur à celui des femmes ayant phœdème. Ainsi, la fréquence du lymphœdème à 5 ans chez
eu un curage axillaire (17-27 %). Le risque semble encore les femmes ayant un IMC supérieur à 29,2 kg/m ² était de
accru pour les tumeurs du quadrant supéro-externe par 36 % et seulement de 12 % chez celles ayant un IMC infé-
rapport aux autres localisations ⁴¹-⁴⁵. Dans une population rieur. Il y avait 9,2 % de lymphœdème sévère (différence
de femmes âgées de 65 à 89 ans, un nombre de ganglions périmétrique > 4 cm) chez les obèses et seulement 2,3 %
axillaires enlevés supérieur à 5 était un facteur de risque de chez les autres ³⁶. Cette association entre l’IMC et le vo-
survenue de même que l’envahissement ganglionnaire ⁴⁶. lume du lymphœdème a été retrouvée dans une cohorte de
Le type d’intervention chirurgicale est aussi considéré 807 femmes avant physiothérapie décongestive ⁵¹.
comme un facteur influençant la survenue d’un lymphœ- Injection au niveau du membre supérieur Tout geste
dème. La mammectomie augmenterait le risque de lym- comprenant une « piqûre » de la peau du bras ou de la main
phœdème en comparaison avec la tumorectomie ³⁰. Dans ipsilatérale au cancer du sein (prélèvement sanguin, glycé-
l’étude de Shunemann et Willich, la mammectomie avec mie capillaire, perfusion sur cathéter) dans les jours sui-
curage axillaire entraînait un lymphœdème dans 19,1 % vant la chirurgie augmente le risque de lymphœdème du
et dans 28,9 % en cas d’association avec la radiothérapie membre supérieur ³⁰. Il n’a pas été prouvé qu’un geste in-
alors que la tumorectomie associée à un curage axillaire ne vasif sur le membre dans les mois ou les années suivant la
se compliquait que de 6,7 % de lymphœdème, et de 10,1 % chirurgie puisse aussi « déclencher » un lymphœdème mais
en association avec la radiothérapie. Les interventions de les conseils classiques de prévention recommandent de les
type Halstedt, qui ne sont plus pratiquées actuellement, éviter.
entraînaient encore davantage de lymphœdème ⁴⁷.
Radiothérapie Elle est presque systématiquement asso-
ciée à la chirurgie (tumorectomie ou mammectomie, curage Causes des lymphœdèmes secondaires du
ganglionnaire axillaire), et parfois à une chimiothérapie membre inférieur
en cas de facteurs pronostiques péjoratifs. Dans l’étude
de Ragaz et al., portant sur 318 femmes ayant été trai- Ils sont moins fréquents que ceux du membre supérieur et
tées pour cancer du sein par mammectomie et curage axil- les données de la littérature sont moins nombreuses. En
laire, la fréquence du lymphœdème était de 9,1 % après France, les cancers en sont les principales causes mais toute
chimiothérapie et radiothérapie adjuvantes contre 3,2 % biopsie ou exérèse ganglionnaire inguinale, à visée diagnos-
après chimiothérapie seule. Cependant, dans ce dernier tique ou thérapeutique, peut entraîner un lymphœdème
groupe, il y avait plus de récidive locale et une mortalité du membre inférieur : tuberculose, sarcoïdose, adénite in-
globale augmentée par rapport au groupe recevant l’as- fectieuse.

 IMC index de masse corporelle


Causes des lymphœdèmes secondaires du membre inférieur 86-5

Cancers gynécologiques
Ils sont responsables de lymphœdèmes des membres dont
la prévalence est difficile à préciser en raison de l’absence de
définition précise et de l’hétérogénéité des traitements. La
fréquence d’œdèmes des membres inférieurs (œdèmes sans
diagnostic précis et lymphœdèmes) était de 50 % après
cancers vulvaires (36 % de lymphœdème), de 25 % après
cancers du col utérin et de 20-22 % après cancers de l’endo-
mètre (8-10 % de lymphœdèmes) et de l’ovaire ⁵². Une autre
étude portant sur 694 femmes ayant un cancer gynécolo-
gique (ovaires, col utérin, endomètre) retrouvait une fré-
quence de lymphœdème comprise entre 21 à 30 % dans un
délai médian de 4 à 7 mois ⁵³. Ces lymphœdèmes peuvent
être uni- ou bilatéraux, avec une atteinte débutant habituel-
lement au niveau proximal (cuisse), puis descendant secon-
dairement au niveau du pied. Il s’y associe fréquemment un
lymphœdème du pubis, voire de l’abdomen et des organes
génitaux externes (grandes et petites lèvres). Pour le can-
cer du col utérin, le curage ganglionnaire est un facteur de
risque de lymphœdème et il existe aussi une relation entre
la sévérité du lymphœdème et l’importance de l’irradiation.
Ainsi, dans l’étude de Werngren-Elgström, l’association de
curiethérapie et de radiothérapie externe après chirurgie en-
traînait plus de lymphœdèmes sévères que la curiethérapie
seule ⁵⁴. Pour le cancer de l’endomètre, le curage ganglion-
naire et la surcharge pondérale sont des facteurs de risque
de lymphœdème ⁵². D’autres cancers peuvent aussi être
responsables de lymphœdèmes secondaires des membres
inférieurs après un traitement détruisant les chaînes gan-
glionnaires pelviennes et/ou inguinales : prostate, vessie,
testicule, verge, rectum, tumeur de Merkel, mélanome des

Coll. D. Bessis
membres inférieurs, sarcome du bassin. Les lymphomes de
Hodgkin ou non hodgkiniens peuvent aussi se compliquer
de lymphœdème soit après biopsies ganglionnaires ingui-
nales à visée diagnostique ou après irradiation sur les aires Fig. 86.3 Lymphœdème du membre inférieur droit au cours d’une
ganglionnaires régionales. filariose lymphatique

Filariose Maladie de Kaposi


Les filarioses de développement lymphatique représentent Elle est due au virus Herpes Human Virus (HHV8). Il existe
la première cause de lymphœdème secondaire des membres plusieurs formes de la maladie : classique sur le pourtour
inférieurs dans le monde mais les cas en France sont rares. méditerranéen, endémique en Afrique, liée au VIH ou à
En effet, on estime que plus de 100 millions d’humains d’autres causes d’immunodépression (après transplanta-
sont infectés et que le lymphœdème est la manifestation tion d’organe). Ce virus a un tropisme particulier pour les
clinique la plus fréquente. La majorité des patients infectés cellules endothéliales lymphatiques ⁵⁶. Le lymphœdème est
vit en Inde, Afrique et Asie du Sud. Dans certaines régions une complication habituelle de la maladie de Kaposi des
endémiques, en zones tropicales, plus de 10 % de la popu- membres inférieurs (fig. 86.4) mais peut aussi précéder de
lation a un lymphœdème d’origine filarienne. Les filaires plusieurs mois les manifestations cutanées comme l’ont
sont Wuchereria bancrofti (90 % des cas), Brugia malayi, ra- montré Barete et al. dans une série de 20 patients trans-
rement Brugia timori, et sont transmises par piqûres de plantés d’organes ⁵⁷.
moustiques. La filaire se développe dans les vaisseaux lym-
phatiques en produisant une inflammation lymphatique Pathologies rhumatologiques
et ganglionnaire, touchant le scrotum ou les membres (sur- Les cas de lymphœdème compliquant une polyarthrite rhu-
tout inférieurs) (fig. 86.3). Les surinfections bactériennes matoïde de l’adulte et de l’enfant sont rares ⁵⁸-⁶⁰. Le lym-
sont fréquentes. Le lymphœdème s’aggrave progressive- phœdème atteint surtout les membres supérieurs et a une
ment conduisant à un éléphantiasis des membres ou des évolution chronique sans corrélation avec la durée d’évolu-
organes génitaux externes. Le dosage des anticorps antifi- tion ou la sévérité de la polyarthrite. La diminution de la
lariens mais surtout la recherche de microfilaires dans le fonction lymphatique avait été confirmée par lymphoscin-
sang permettent de faire le diagnostic ⁵⁵. tigraphie ⁶¹. Les mécanismes physiopathologiques propo-

 HHV human herpes virus · VIH virus de l’immunodéficience humaine


86-6 Lymphœdèmes des membres

sés comprenaient : inflammation chronique endothéliale Examen clinique


et obstructions lymphatiques, fuite capillaire, blocage lym-
phatique par hypertrophie ganglionnaire ⁶². Les lymphœ- Topographie du lymphœdème
dèmes sont rarement observés au cours des spondylarthro- Au membre supérieur, le lymphœdème peut être global, ou
pathies ⁶³ ou du rhumatisme psoriasique et les mécanismes ne toucher que le bras, l’avant-bras, ou seulement la main
physiopathologiques ne sont pas clairement élucidés ⁶⁴. et les doigts. Au membre inférieur, là encore, le lymphœ-
dème peut être global, proximal (atteinte de la cuisse) ou
Autres causes distal (atteinte du mollet, de la cheville, du dos du pied).
Les fibroses rétropéritonéales sont idiopathiques, s’inté- Classiquement, les lymphœdèmes primitifs débutent sur
grant parfois dans le cadre des fibroses systémiques plus le cou-de-pied et la cheville et peuvent rester localisés ou
diffuses, ou secondaires (cancers, médicaments, infections, avoir une extension ascendante en touchant le mollet, le ge-
produits étrangers, traumatismes) ⁶⁵. Les signes cliniques nou et la cuisse. Ils sont unilatéraux mais parfois bilatéraux,
sont peu spécifiques : troubles digestifs, amaigrissement, le lymphœdème étant alors plutôt localisé en sous-gonal.
anorexie, douleurs abdominales liées ou non à une com- Dans les formes secondaires, notamment après cancer du
pression du tractus urinaire. Les œdèmes des membres col utérin, l’atteinte initiale est souvent proximale (cuisse)
inférieurs peuvent être révélateurs de la maladie. Les stric- et unilatérale et peut se bilatéraliser. Plus rarement, on
tions autoprovoquées (poignet, pied, mollet), dans le cadre peut voir des formes suspendues (face interne de la cuisse).
des pathomimies, sont évoquées par la découverte du sillon.
Ces œdèmes ont une composante lymphatique et veineuse. Lourdeur, douleurs
De même, la non-utilisation volontaire d’un membre en L’impression de lourdeurs est le symptôme le plus fré-
déclivité peut conduire à la formation d’œdèmes avec une quent, décrit parfois comme une sensation de pesanteur
participation lymphatique. du membre atteint par le lymphœdème ²⁷. La douleur est
beaucoup moins fréquente, et doit faire évoquer une plexo-
pathie associée soit post-radique soit par envahissement
tumoral au membre supérieur, éventuellement une throm-
bose veineuse profonde, une pathologie ostéo-articulaire
de l’épaule ou une autre cause associée (sciatique, radio-
ostéonécrose, neuropathie pour le membre inférieur) ⁶⁶.

Peau et phanères
La peau peut être souple ou au contraire tendue (non plis-
sable), prendre le godet, ou avoir un aspect éléphantiasique
(fig. 86.5). Ainsi, trois stades ont été définis par l’Internatio-
nal Society of Lymphology : stade I, diminution de l’œdème
en surélévation ; stade II, persistance de l’œdème même
après surélévation ; stade III, troubles trophiques (acan-
thosis, papillomatose), éléphantiasis ⁶⁶ (fig. 86.6). Les plis
de flexion sont accentués au niveau de la cheville et des or-
teils, alors qu’il existe un œdème élastique du dos du pied
(fig. 86.7). Le signe de Stemmer est presque pathognomo-
nique : il est impossible de plisser la peau de la face dorsale
du deuxième orteil. On observe parfois des anomalies un-
guéales avec décollement de la tablette, raccourcissement
de l’ongle qui a tendance à être verticalisé.

Appréciation du volume du lymphœdème


Il est indispensable de mesurer le volume du lymphœdème.
La technique de référence reste la volumétrie à eau qui per-
met d’apprécier le volume du membre en totalité mains
et pieds compris. Sa mise en œuvre n’est pas simple car
elle demande du matériel, du personnel, du temps et sur-
tout une standardisation (définition de la hauteur mesurée,
température constante de l’eau) ⁶⁷. Cette méthode, bien que
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considérée comme « idéale », est peu utilisée en pratique


courante au profit de mesures volumétriques estimées par
calcul. En effet, les mesures périmétriques prises à inter-
Fig. 86.4 Lymphœdème de la jambe gauche au cours d’une maladie de valles réguliers (tous les 5 ou 10 cm) permettent de cal-
Kaposi méditerranéenne culer un volume en ml par assimilation des segments de
Complications 86-7

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Fig. 86.5 Papillomatose cutanée du dos d’un pied au cours d’un Fig. 86.6 État d’éléphantiasis au cours d’un lymphœdème chronique du
lymphœdème chronique du membre inférieur gauche membre inférieur gauche

membres à des troncs de cônes selon la formule suivante :


h(C 2 + Cc + c2 )/12π où C est la grande circonférence du
cône, c la petite et h l’intervalle entre deux mesures. Cette
méthode est très fiable et reproductible aux membres supé-
rieurs ⁶⁸,⁶⁹ et inférieurs ⁷⁰.

Cas particulier des lymphœdèmes génitaux


Ils sont primitifs ou secondaires, le plus souvent associés
à un lymphœdème du ou des membres inférieurs et très
rarement isolés. L’augmentation de volume peut toucher,

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chez l’homme, le scrotum (avec éventuellement l’associa-
tion avec une hydrocèle) et/ou la verge, et chez la femme,
les grandes et/ou petites lèvres et le capuchon du clitoris
voire le pubis. En cas de volume important, il peut y avoir
une lourdeur, une gêne à la marche ou des douleurs dues Fig. 86.7 Lymphœdème primitif du membre inférieur droit : œdème et
aux frottements. Surtout, le principal problème est la sur- accentuation des plis de flexion des orteils
venue d’écoulement de lymphe, due à la rupture de vési-
cules, dont le volume peut nécessiter le port de protections daires car non discriminant) qui permet de confirmer le
absorbantes. Il existe aussi un risque d’érysipèles, très dou- diagnostic en particulier lorsque le lymphœdème est aty-
loureux, des organes génitaux externes ⁷¹. pique (formes suspendues) ou pour permettre de le différen-
cier des « lipœdèmes » (anomalie de répartition du tissu adi-
Examens complémentaires peux des hanches jusqu’aux chevilles) survenant exclusive-
ment chez des femmes obèses. Elle est également utile pour
Le diagnostic de lymphœdème est avant tout clinique. Les détecter des anomalies du système lymphatique contro-
examens complémentaires visent d’abord à éliminer une latéral et ainsi anticiper la survenue d’un éventuel lym-
récidive tumorale dans les formes secondaires (scanner, phœdème. D’autres techniques d’imagerie (scanner, IRM)
IRM, TEP-scan) ou un problème veineux associé (écho- peuvent être utilisées pour l’exploration du lymphœdème
Doppler) ⁷². L’exploration du système lymphatique repose et du système lymphatique mais restent du domaine de la
sur la lymphoscintigraphie qui a remplacé la lymphogra- recherche ⁷⁴,⁷⁵.
phie directe, douloureuse, techniquement difficile et pou-
vant majorer le lymphœdème. Le traceur radioactif (sul- Complications
focolloïdes de rhénium ou nanocolloïdes d’albumine) est
injecté au niveau du tissu interstitiel du premier espace Complications infectieuses
interdigital de chaque membre à étudier avec des images Le lymphœdème représente le principal facteur de risque
prises après 40 à 60 minutes (fig. 86.8). Cet examen, dont de survenue d’un érysipèle au membre inférieur ⁷⁶. Cette
les images sont beaucoup moins précises que la lympho- complication est plus mal connue mais néanmoins fré-
graphie directe, permet de faire une étude morphologique quente au membre supérieur. Au membre inférieur, la
(voies lymphatiques, ganglions inguinaux, rétrocruraux, porte d’entrée peut être un intertrigo interorteil, une hy-
lombo-aortiques, axillaires) et fonctionnelle (demi-vie, vi- perkératose fissuraire du talon, une piqûre d’insecte ou une
tesse, clairance du colloïde) ⁷³. C’est un examen essentiel plaie même minime. Au membre supérieur, les portes d’en-
de l’exploration des lymphœdèmes primitifs (et non secon- trée sont plus rarement retrouvées : griffures d’animaux,

 IRM imagerie par résonance magnétique


86-8 Lymphœdèmes des membres

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Fig. 86.8 Lymphoscintigraphie des membres inférieurs : lymphœdème Fig. 86.9 Lymphangiosarcome de Stewart Treves sur un lymphœdème
unilatéral gauche, hypofixation des ganglions inguinaux et rétrocruraux secondaire du membre supérieur gauche après traitement d’un cancer du
sein
brûlures, coupures, soins de manucure. L’érysipèle atteint
la zone du lymphœdème et peut s’étendre aux organes gé- supérieur par Stewart et Treves ⁸⁶. Elles sont très rares avec
nitaux externes, au membre inférieur et au sein à partir une fréquence estimée à 0,03 % dans une étude prospective
du membre supérieur. La fréquence des érysipèles est va- portant sur 7 620 patientes traitées pour cancer du sein
riable, allant d’un épisode unique à de multiples récidives et avec un suivi moyen de sept ans ⁸⁷. L’âge moyen des pa-
nécessitant alors une prophylaxie anti-infectieuse au long tientes était de 69 ans et le délai moyen d’apparition après
cours avec parfois une efficacité incomplète ⁷⁷,⁷⁸. Le déclen- traitement du cancer du sein était de 10 ans avec des ex-
chement d’un lymphœdème après de multiples érysipèles trêmes allant de 6 mois à 26 ans ⁸⁸. L’aspect clinique peut
a été peu étudié. De Godoy et al. avaient effectué chez 30 pa- comporter des macules et des nodules violacés (fig. 86.9),
tients ayant eu au moins deux érysipèles, une lymphoscin- des lésions phlycténulaires sérohématiques, des aspects
tigraphie des membres inférieurs. Ils avaient retrouvé des pseudo-ecchymotiques et des ulcérations (fig. 86.10) ⁸⁹. Les
anomalies lymphatiques (trajets lymphatiques anormaux, douleurs sont fréquemment associées. Le diagnostic est
diminution du nombre de ganglions inguinaux) chez 23 pa- confirmé par l’histologie qui montre une prolifération en-
tients (77 %) ⁷⁹. Dans les séries plus anciennes, 25 % des dothéliale anarchique mixte et aidé par l’histochimie pour
lymphœdèmes secondaires étaient attribués à des érysi- différencier les métastases du cancer du sein ou une éven-
pèles récidivants. L’existence de ces lymphœdèmes déclen- tuelle maladie de Kaposi ⁹⁰. Le pronostic reste très mauvais
chés par la répétition des érysipèles peut être discutée ⁸⁰. malgré les différents traitements proposés (amputation du
En effet, les érysipèles surviennent préférentiellement sur membre, radiothérapie externe, polychimiothérapie systé-
une insuffisance lymphatique sous-jacente, qui, après plu- mique) ⁹¹,⁹². Plus récemment, un traitement comprenant
sieurs récidives infectieuses, pourrait être décompensée et une perfusion sur membre isolé de melphalan et de tumor
entraîner un lymphœdème ⁸¹. necrosis factor (TNF) avait permis un taux de réponse de

Complications psychologiques et qualité de vie


Le retentissement psychologique et la qualité de vie ont été
bien étudiés pour les lymphœdèmes du membre supérieur
après cancer du sein. Les femmes présentent davantage de
signes d’anxiété, de syndromes dépressifs, de problèmes
sexuels et sociaux, ou d’aggravation de maladies psychia-
triques préexistantes. La qualité de vie des femmes opérées
de cancer du sein est d’autant moins bonne qu’il existe un
lymphœdème associé à d’autres problèmes du membre su-
périeur (douleurs, raideurs, limitation de la mobilité de
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l’épaule, engourdissements, faiblesse musculaire) ⁸².

Lymphangiosarcome
Ils compliquent essentiellement les lymphœdèmes secon-
daires, en particulier après cancer du sein, et exception- Fig. 86.10 Lymphangiosarcome de Stewart Treves sur un lymphœdème
nellement les lymphœdèmes primitifs ⁸³-⁸⁵. Ces tumeurs secondaire du membre supérieur gauche survenant 6 ans après le
malignes ont été décrites initialement en 1948 au membre traitement d’un cancer du sein

 TNF tumor necrosis factor


Principal diagnostic différentiel des lymphœdèmes des membres inférieurs : le lipœdème 86-9

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Fig. 86.11 Carcinome épidermoïde du dos du deuxième orteil droit
compliquant un lymphœdème chronique

87 %, un sauvetage du membre dans 80 % avec un recul


moyen d’environ trois ans ⁹³.

Autres tumeurs malignes


D’autres tumeurs cutanées peuvent compliquer les lym-
phœdèmes des membres en particulier des carcinomes épi-
dermoïdes (baso- ou spinocellulaires) (fig. 86.11) ou des mé-
lanomes ⁹⁴. De même, il est rapporté dans la littérature la
survenue de lymphomes non hodgkiniens sur un lymphœ-
dème, essentiellement de type B à grandes cellules, avec des

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délais d’apparition variant de 7 à 67 ans ⁹⁵. Il est très pro-
bable qu’il existe dans le membre lymphœdémateux une
« immunodépression » locale pouvant favoriser la survenue
de ces tumeurs malignes ⁹⁴.
Fig. 86.12 Lipœdème

Principal diagnostic différentiel les femmes (1 homme sur 119 cas dans la série de Wold)
des lymphœdèmes des membres inférieurs : obèses (85 %) et débute à partir de la puberté, mais la sur-
venue plus tardive n’exclut pas le diagnostic ⁹⁸,⁹⁹. L’augmen-
le lipœdème tation du tissu adipeux, allant du bassin aux chevilles, est
généralement symétrique avec un respect initial du pied,
Les causes d’œdèmes (cardiaques, rénales) doivent être éli- alors que la partie supérieure du corps est épargnée (ex-
minées avant de retenir le diagnostic de lymphœdème, en ceptionnellement, les bras sont atteints avec un respect
particulier aux membres inférieurs. des avant-bras) (fig. 86.12). L’augmentation de volume des
membres inférieurs peut être majeure et gêner la marche.
Définition Le pincement de la peau, qui reste souple, est douloureux
Le lipœdème, traduction du terme anglo-saxon lipedema, (« cellulalgies »). Ces douleurs superficielles semblent aug-
a été décrit initialement par Allen et Hines en 1940 chez menter nettement avec l’âge. Il n’y a pas d’œdème prenant
cinq femmes obèses ⁹⁶. Il est défini par une accumulation le godet après une période de repos. On peut aussi voir
de tissu adipeux réparti anormalement du bassin jusqu’aux des signes associés d’insuffisance veineuse favorisés par
chevilles. Le terme lipœdème n’est pas bien approprié puis- l’obésité ainsi que des hématomes ¹⁰⁰.
qu’il n’existe pas de véritable œdème, excepté après une
période d’orthostatisme prolongée. Ainsi, d’autres dénomi- Physiopathologie
nations ont également été utilisées dans la littérature pour Une composante génétique a été évoquée en raison de la fré-
décrire cette entité : lipodystrophy, painful fat syndrome, adi- quence du caractère familial, retrouvé de façon variable de
positas spongiosa, lipomatosis of the legs ⁹⁷. 15 à 50 % ⁹⁸,¹⁰⁰. Il existe des « altérations » du système lym-
phatique moins marquées qu’au cours du lymphœdème ⁹⁷.
Diagnostic Ainsi un ralentissement du flux lymphatique a été mis
Le diagnostic de lipœdème est clinique. Wold et al. ont pro- en évidence lors de lymphoscintigraphies des membres in-
posé en 1949 des critères diagnostiques qui sont résumés férieurs ¹⁰⁰,¹⁰¹ et des micro-anévrismes (dilatation du ca-
dans le tableau 86.2 ⁹⁸. Le lipœdème touche essentiellement pillaire lymphatique) découverts par microlymphangiogra-
86-10 Lymphœdèmes des membres

Tableau 86.2 Critères diagnostiques du lipœdème et du lymphœdème primitif des membres inférieurs (d’après ⁹⁸)
Caractéristiques cliniques Lipœdème Lymphœdème primitif
Sexe Femme Femme > Homme
Âge de début 60 % à la puberté Avant 35 ans
Antécédents familiaux identiques 15-50 % Très rare
Obésité Très fréquente Rare
Topographie Tout le membre inférieur Atteinte distale (pied) initiale puis ascendante
Symétrie Toujours bilatéral, parfois asymétrique Unilatéral  bilatéral
Atteinte du pied Absente (possible après une longue évolution) Constante
Épaisseur de la peau Normale Augmentée
Œdème Absent ou minime Présent
Douleurs au pincement Oui Non
Douleurs, lourdeurs Plus de 30 % Rares
Signe de Stemmer Absent Présent
Signes d’insuffisance veineuse Plus de 20 % Rare
Efficacité de l’élévation des membres inférieurs Non Au début de l’évolution
Effet de la perte de poids Aucun dans 90 % des cas Identique sur le tronc et les membres inférieurs

phie avec fluorescence dont le rôle physiopathologique est Physiothérapie décongestive complète
inconnu. Après une longue évolution du lipœdème, les alté- La physiothérapie décongestive complète parfois appelée
rations du système lymphatique peuvent entraîner ce que thérapie physique multimodale représente l’élément essen-
certains auteurs appellent un « lipo-lymphœdème » avec tiel du traitement des lymphœdèmes. Elle permet non
une atteinte du dos du pied et apparition de complications seulement de diminuer le volume du lymphœdème mais
(papillomatose, érysipèles) ¹⁰². entraîne également une amélioration de la qualité de vie ¹⁰⁷.
Elle se divise en deux phases. La première phase, dite « in-
Traitement tensive », destinée à réduire le volume du lymphœdème, est
Le traitement est difficile et mal défini actuellement bien composée de l’association de bandages peu élastiques mul-
qu’il existe une demande importante de la part des femmes, ticouches, de drainages lymphatiques manuels, d’exercices
en particulier jeunes, en raison du caractère inesthétique sous bandages et de soins de peau. Elle peut être effectuée
de l’aspect des membres inférieurs ⁹⁷. La perte de poids a en hospitalisation avec des bandages gardés 24 heures sur
peu d’effet sur la morphologie des membres inférieurs ⁹⁸. 24 et renouvelés tous les jours ou en ambulatoire avec des
Certains auteurs ont proposé le port de compressions élas- bandages renouvelés trois fois par semaine et gardés entre
tiques qui sont difficiles à enfiler (manque de souplesse) et à chaque changement. La deuxième phase, dite phase d’« en-
tolérer (blessure au niveau des plis cutanés et de flexion) ¹⁰³. tretien », vise d’une part à maintenir le volume réduit à
Le principal intérêt de la compression élastique est de lutter long terme ¹⁰⁸-¹¹⁰ voire à poursuivre la réduction volumé-
contre l’œdème survenant après orthostatisme. D’autres trique du lymphœdème d’autant plus que la compliance
auteurs ont proposé une stratégie chirurgicale avec liposuc- au traitement est bonne. Elle associe le port d’une com-
cions et exérèses cutanées limitées ¹⁰⁰,¹⁰⁴ qui facilitent en- pression élastique la journée, la réalisation de bandages
suite la mise en place des compressions élastiques. Il existe multicouches peu élastiques la nuit à une fréquence infé-
cependant un risque de destruction de vaisseaux lympha- rieure à celle du traitement intensif, que le patient peut
tiques, avec comme conséquence l’apparition d’un véritable réaliser lui-même après apprentissage, des exercices sous
lymphœdème ¹⁰³. L’indication chirurgicale doit être posée bandages, des soins de peau, et lorsque cela est nécessaire
après avoir fait une lymphoscintigraphie pour éliminer une des drainages lymphatiques manuels (tableau 86.3).
pathologie lymphatique sous-jacente ⁹⁷. D’autre part, les Bandages multicouches peu élastiques Les bandages
cicatrices peuvent être inesthétiques ¹⁰⁰. représentent l’élément essentiel et fondamental de la phy-
siothérapie décongestive complète, destiné à réduire le vo-
lume du lymphœdème ⁷²,¹⁰⁵,¹⁰⁶. Il s’agit de poser, sans les
Traitement des lymphœdèmes serrer, des bandes peu élastiques — c’est-à-dire à allonge-
ment court < 100 % ¹¹¹ — sur un capitonnage fait, soit de
Le lymphœdème est une pathologie chronique dont le trai- coton, soit de mousse ou des deux (fig. 86.13 et 86.14). L’étape
tement est symptomatique et a fait l’objet de plusieurs suivante est la pose de bandes peu élastiques (Somos, Com-
consensus ou recommandations ⁷²,¹⁰⁵,¹⁰⁶. prilan, Rosidal K) en partant des extrémités jusqu’à la ra-
Traitement des lymphœdèmes 86-11

Tableau 86.3 Phases de la physiothérapie décongestive complète dans le traitement des lymphœdèmes (d’après Cheville ¹⁰⁸)
Phase I : traitement intensif (réduction volumétrique) Phase II : traitement d’entretien (maintien du volume)
Bandages multicouches peu élastiques 24 h/24 Compression élastique la journée, du matin au soir, tous les jours
Drainages lymphatiques manuels Bandages multicouches peu élastiques la nuit (3 par semaine)
Exercices sous bandages Exercices sous bandages
Soins de peau Soins de peau
Drainages lymphatiques manuels si nécessaire

cine du membre. Ces bandages sont appelés multicouches ment intensif pour lymphœdème secondaire après cancer
(multilayer dans les articles de langue anglaise) car il y a su- du sein, de maintenir la réduction volumétrique du lym-
perposition de 2 à 4 épaisseurs du même type de bande. La phœdème à 6 et 12 mois ¹¹⁰,¹¹⁹. Parallèlement, cette prise
technique doit être irréprochable car ces bandages doivent en charge favorise l’autonomie et améliore la qualité de vie
pouvoir être maintenus 24 à 36 heures sans « glisser » des femmes ayant un lymphœdème du membre supérieur
et sans serrer. La pression exercée au repos est faible, ce après traitement d’un cancer du sein ¹²⁰.
qui permet de les supporter (à la différence des bandes Compression élastique Le terme de compression élas-
élastiques), mais augmente nettement lors de la contrac- tique est plus approprié que le terme de contention. En
tion musculaire puisqu’ils sont peu extensibles. Toutes les effet, la pression s’exerce en permanence sur le membre
études confirment l’intérêt de ces bandages avec des dimi- à traiter en raison de la présence des fibres élastiques et
nutions de volume comprises entre 25 et 73 %, avec des on devrait réserver le terme de contention aux seuls ban-
durées de traitement de 1 à 4 semaines ¹¹²-¹²¹. Ces bandages dages peu élastiques qui exercent une pression faible au
sont différents des bandages multicouches composés de l’as- repos mais élevée à l’effort. Après la réduction de volume
sociation de bandes ayant des allongements différents et du lymphœdème obtenue par les bandages peu élastiques,
comprenant une bande élastique de type Biflex utilisés en le port d’une compression élastique est indispensable. Il
pathologie vasculaire. Il n’existe cependant aucune étude faut parfois être convaincant pour la faire accepter et por-
de qualité suffisante pour évaluer l’efficacité en termes de ré-
duction volumétrique et de tolérance de ce type de bandage
dans le traitement du lymphœdème ¹¹⁸.
Apprentissage des auto-techniques de bandages Il est
indispensable d’apprendre les techniques d’auto-bandages
aux patients pour favoriser leur autonomie. Elles sont en-
seignées par un kinésithérapeute avec des techniques adap-
tées et simplifiées. L’aide de l’entourage est parfois néces-
saire. La pratique de ces auto-techniques, à une fréquence
d’au moins trois par semaine la nuit, associée au port d’une
compression élastique la journée, permet, après un traite-
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Fig. 86.13 Bandage peu élastique avec capitonnage de mousse NN puis


application de bandes peu élastiques de type Somos sur un lymphœdème Fig. 86.14 Bandage peu élastique complet pour lymphœdème primitif
secondaire du membre supérieur gauche du membre inférieur gauche
86-12 Lymphœdèmes des membres

ter quotidiennement par les patients. Il n’est généralement nésithérapeutes formés à ces techniques, être non doulou-
pas conseillé de la garder la nuit. Le type de compression reux, durer environ 30 minutes, et exercer une pression
doit être adapté au lymphœdème : manchon avec ou sans faible (< 40 mmHg), débuter par la racine du membre
mitaine attenante (couvrant la main) (fig. 86.15), gantelet atteint pour finir en distalité (main, pied) et alterner les
prenant les doigts pour les membres supérieurs, bas jarret manœuvres d’appel et de résorption. Les drainages lym-
(mi-bas), bas cuisse, collant, hémicollant ou panty pour les phatiques manuels ont un effet très modéré sur le volume
membres inférieurs. Les forces de pressions sont définies, du lymphœdème lorsque qu’ils sont utilisés seuls ¹²⁴. Lors-
en France, en classe I (10-15 mmHg), II (15-20 mmHg), qu’ils sont réalisés avant les bandages peu élastiques, ils
III (20-36 mmHg) et IV (> 36 mmHg). Au membre su- ont un petit effet synergique sur la réduction de volume du
périeur, les compressions de classe II, III ou IV peuvent lymphœdème ¹²⁵, en particulier sur les lymphœdèmes de
être proposées alors qu’au membre inférieur, il faut privi- petit volume ¹¹⁶. Ils ne sont cependant pas indispensables
légier une classe III ou IV (avec le recours fréquent à la dans la phase d’entretien en termes de maintien ou de réduc-
superposition de deux bas). Dans la plupart des cas, les tion volumétrique et, pour certains auteurs, peuvent être
compressions sont réalisées sur mesure et sont changées remplacés par les auto-drainages ¹⁰⁹,¹¹⁰,¹¹⁹. Ils peuvent par
tous les 3 à 4 mois en raison de leur perte d’efficacité. Les ailleurs apporter à certaines patientes un confort, un effet
compressions élastiques seules entraînent une diminution relaxant et une diminution de la tension cutanée, d’évalua-
modeste et lente du volume du lymphœdème mais surtout tion difficile. Les drainages lymphatiques manuels sont éga-
permettent de maintenir le résultat et d’éviter la reprise lement utiles dans les lymphœdèmes proximaux touchant
volumétrique après la phase intensive de réduction ¹¹¹,¹²². le sein, ou la paroi thoracique latérale, le pubis difficilement
En effet, Badger et al. avaient comparé, dans une étude ran- accessibles à la compression.
domisée comprenant 83 patients avec un lymphœdème du Exercices sous bandages Ils font partie à part entière de
membre supérieur ou inférieur, le traitement intensif par la physiothérapie décongestive et sont censés participer à la
bandages peu élastiques pendant 18 jours suivi du port réduction de volume du lymphœdème. En effet, la contrac-
d’une compression élastique, à la compression seule. Les tion musculaire permet d’augmenter le débit lymphatique
résultats étaient appréciés par volumétrie à la 24 e semaine. et la résorption des protéines par ouverture-fermeture
Le pourcentage de diminution d’excès de volume était de des collecteurs lymphatiques initiaux ¹²⁶. Il n’existe aucun
33 % dans le groupe bandages puis compression et de 20 % consensus sur le type d’exercice à pratiquer. Les exercices
dans le groupe compression seule ¹¹². Ces résultats confir- sont brefs mais répétés dans la journée sans jamais être fa-
maient ceux d’une étude ouverte précédente, portant sur tigants. Certains auteurs proposent un travail des muscles
120 femmes ayant un lymphœdème secondaire du membre proximaux et des territoires exempts de lymphœdème
supérieur, dans laquelle la diminution de volume était de avant les régions lymphœdémateuses et d’autres, des exer-
14,7 % à 6 mois avec le port quotidien d’une compression cices contre résistance ¹²⁷.
élastique ¹²¹. Soins de peau, préventions des érysipèles, pédicurie
Drainages lymphatiques manuels Différentes méthodes Les lymphœdèmes représentent le facteur de risque le plus
de drainages lymphatiques manuels ont été décrites, initia- important de survenue d’érysipèles des membres inférieurs
lement par Winiwarter en 1892 puis modifiées par Földi avec un risque relatif estimé à 71,2 ⁷⁶. La recherche et le
et Leduc ¹²³. Elles ont toutes les mêmes objectifs : stimu- traitement des intertrigos interorteils sont indispensables
ler le lymphangion, unité contractile lymphatique des vais- à la prise en charge. Toutes les autres portes d’entrée in-
seaux lymphatiques, dans une zone atteinte par le lym- fectieuse sont à traiter : ulcères, plaies traumatiques, brû-
phœdème et faire circuler la lymphe d’un territoire atteint lures, vésicules lymphatiques sur les orteils. Les soins de
par le lymphœdème vers un territoire sain en utilisant les pédicurie sont nécessaires pour l’entretien des ongles, sou-
voies de dérivation. Ils doivent être pratiqués par des ki- vent incarnés, ou pour la réduction des hyperkératoses res-
ponsables de fissures et dues à des troubles de la statique
du pied. En présence d’un lymphœdème du membre supé-
rieur, le port de gants est vivement recommandé dans les
situations à risque de blessures : jardinage, prise de plats
chauds. Les érysipèles peuvent être récidivants (plus de
trois épisodes) et augmenter le volume du lymphœdème.
Dans cette situation, il est parfois utile d’instaurer une an-
tibioprophylaxie, qu’il existe un lymphœdème du membre
inférieur ou supérieur ⁷⁷ dont les modalités ne sont pas
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clairement codifiées : pénicilline à la libération prolongée


comme l’Extencilline, à la dose de 1,2-2,4 MUI toutes les 2-
3 semaines ou par pénicilline V orale (1-2 MUI par jour) ¹²⁸.
La durée de la prophylaxie n’est pas définie mais une durée
prolongée (plus de 1-2 ans) semble nécessaire. L’effet de
Fig. 86.15 Manchon de compression élastique sur mesure avec mitaine cette prophylaxie est parfois incomplet avec une diminu-
attenante pour lymphœdème secondaire du membre supérieur gauche tion de la fréquence des érysipèles et est, de plus, considéré
Traitement des lymphœdèmes 86-13

comme suspensif avec un risque de rechute à l’arrêt du minuer l’activité physique après le traitement d’un cancer
traitement ⁷⁸. du sein mais de l’adapter à chaque patiente, ce d’autant que
certaines études ont montré qu’une activité physique mo-
Autres mesures dérée permet de diminuer les symptômes d’anxiété ou de
Conseils de prévention À ces mesures thérapeutiques dépression chez les femmes ayant eu un cancer du sein et
destinées à réduire le volume du lymphœdème, s’ajoutent améliore aussi la qualité de vie ¹³⁴. La plupart des auteurs
des mesures de prévention dont le rôle est d’éviter l’aggra- recommandent le port de compression élastique lors de ces
vation du lymphœdème et les complications infectieuses. exercices physiques ¹³⁵, mais parfois l’effort physique peut
Les mesures de prévention reposent le plus souvent sur être perçu comme plus difficile avec la compression ¹³⁶.
des données consensuelles mais empiriques et ne sont que Séances de repos Les séances de repos en position sur-
partiellement étayées par des études bibliographiques. Les élevée sont toujours proposées en complément des ban-
conseils les plus classiques sont d’éviter les activités répéti- dages peu élastiques. La surélévation entraîne une diminu-
tives (repassage, lavage de carreaux), la prise de la pression tion de l’impression de lourdeur du membre atteint. L’effet
artérielle, le port de charges lourdes, le port de vêtements sur le volume du lymphœdème est modéré, comme cela a
serrés sur le membre atteint, de sac en bandoulières ou été montré pour le lymphœdème secondaire du membre
à dos ou la position prolongée jambes fléchies ⁶⁶. L’exposi- supérieur ¹³⁷, excepté au début de l’évolution du lymphœ-
tion à la chaleur est également déconseillée (pays chauds, dème, alors que ce dernier est encore partiellement « réver-
saunas, bains chauds) en raison du risque d’augmentation sible » ¹³⁸. Malgré ces résultats peu concluants, les séances
de volume du lymphœdème. de repos sont conseillées et pratiquées de préférence, sous
Par ailleurs, il est nécessaire de prévenir que les voyages en bandages, à intervalle régulier, et en association avec les
avion peuvent déclencher ou aggraver un lymphœdème du autres éléments du traitement.
membre supérieur ou inférieur en raison de la diminution Pressothérapie pneumatique Il s’agit de la pressothéra-
de la pression et de la réduction de l’activité musculaire. Il pie pneumatique multichambre, car la pressothérapie au
est alors proposé de porter une compression élastique plus mercure n’est presque plus utilisée. Cette technique ins-
forte ou un bandage peu élastique ¹²⁹. trumentale reste controversée et ses indications sont diffi-
Suivi nutritionnel L’influence du poids a été particuliè- ciles à poser en raison des résultats discordants des diffé-
rement étudiée dans les lymphœdèmes secondaires du rentes études, qui sont toutes de qualité médiocre (durée
membre supérieur après cancer du sein. L’augmentation de suivi insuffisante, absence de randomisation) ¹³⁹. Pour
du poids est à la fois un facteur de risque de survenue de les membres inférieurs, aucune étude ne montre de béné-
lymphœdème mais aussi de sa sévérité ³⁶,⁵¹,¹³⁰. La prise en fice prolongé sur le volume du lymphœdème ¹⁴⁰. Une seule
charge nutritionnelle, nécessaire pour favoriser un amai- étude randomisée pour le lymphœdème du membre supé-
grissement, est donc fondamentale dans la stratégie de rieur après cancer du sein permettait de conclure à un ef-
traitement du lymphœdème ¹³¹. fet additif de la pressothérapie associée à la physiothéra-
Restriction d’activité Il est très souvent recommandé pie décongestive intensive. Cependant le bénéfice était de
aux patientes ayant un lymphœdème après cancer du sein courte durée ¹⁴¹. Par ailleurs, il est nécessaire de prendre
d’éviter les sports « violents » (squash, tennis) et/ou répé- en compte le risque d’extension du lymphœdème aux or-
titifs (step, rameur, aviron). Cependant, ces conseils sont ganes génitaux externes lors de la pressothérapie pour un
le plus souvent empiriques et certaines études apportent lymphœdème des membres inférieurs ¹⁴². Si la pressothé-
des éléments considérés comme « contradictoires ». Ainsi, rapie est utilisée, elle le sera avec des pressions inférieures
Harris et al. qui avaient suivi 20 femmes traitées pour un à 40 voire 30 mmHg, d’autant que les appareils tendent
cancer du sein (dont 13 avaient un lymphœdème ou une à afficher des pressions inférieures à celles effectivement
lourdeur du membre supérieur) pendant un entraînement reçues ¹⁴³.
intensif pour une compétition de « Dragon Boat » (sorte de Traitements chirurgicaux De nombreuses techniques
canoë de grande taille) montraient que seules deux femmes chirurgicales ont été proposées pour traiter les lymphœ-
avaient eu une augmentation modérée du lymphœdème dèmes : anastomoses lymphoveineuses ¹⁴⁴, greffe de ca-
sept mois après la compétition ¹³². L’étude cas-témoins de naux lymphatiques ¹⁴⁵, transfert ganglionnaire ¹⁴⁶, liposuc-
Johansson et al. comparant deux populations de femmes cion ¹⁴⁷. Les indications sont rares et difficiles à poser car
ayant subi le même traitement pour un cancer du sein, elles ne sont pas consensuelles et font l’objet de doute
l’une avec lymphœdème, la seconde sans lymphœdème quant à leur efficacité et innocuité ¹⁰⁶,¹⁴⁸. Cependant, il est
montrait ainsi que les patientes ayant un lymphœdème probable que les chirurgies d’exérèse cutanée sont utiles
étaient celles qui avaient significativement réduit leurs ac- dans les lymphœdèmes génitaux ⁷¹,¹⁴⁹ ou après physiothé-
tivités physiques (vélo, marche, gymnastique...) et leurs loi- rapie décongestive ¹⁵⁰. Dans les deux situations, l’objectif
sirs (jardinage, couture) après le traitement du cancer par est d’enlever l’excès de peau atteinte par le lymphœdème :
rapport au groupe témoin ⁵⁰. De plus, un article de synthèse exérèse-plastie du scrotum ou de la peau d’un membre, cir-
récent tend à montrer que les activités physiques incluant concision, plastie de la verge. Cette chirurgie, symptoma-
le membre lymphœdémateux apportent plus de bénéfices tique, est un outil supplémentaire dans la stratégie théra-
qu’elles n’entraînent de complications ou d’aggravation du peutique mais nécessite, le plus souvent, la poursuite des
lymphœdème ¹³³. Il semble donc souhaitable de ne pas di- traitements habituels (contention/compression).
86-14 Lymphœdèmes des membres

Traitements médicamenteux Les premiers produits uti- traitement du lymphœdème du membre supérieur après
lisés ont été les diurétiques mais leur utilisation est mainte- traitement radiochirurgical du cancer du sein en complé-
nant proscrite en raison de leur faible efficacité et de leurs ment des méthodes physiques et surtout de la compression
effets secondaires potentiels. Une revue Cochrane récente a élastique adaptée ou utilisée seule chez des patientes ne
analysé toutes les études utilisant les benzopyrones, repré- pouvant bénéficier du traitement physique qui est le traite-
sentant la principale classe de médicaments prescrits dans ment princeps du lymphœdème.
le traitement des lymphœdèmes. La plupart des études D’autres traitements ont aussi été proposés comme le sé-
sont de qualité insuffisante, notamment en raison de l’ab- lénium oral en complément de la physiothérapie décon-
sence de randomisation, et ne permettent pas d’apprécier gestive ¹⁵². La vitamine E (1 g par jour) et la pentoxifyl-
l’effet sur le volume du lymphœdème ou sur l’inconfort line (800 mg par jour), utilisées dans les fibroses post-
qu’il entraîne ¹⁵¹. En France, seul, l’Endotélon, composés radiques ¹⁵³, n’avaient pas permis de diminuer le volume
d’oligomères procyanidoliques de la famille des flavonoïdes, des lymphœdèmes du membre supérieur après traitement
a une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le du cancer du sein ¹⁵⁴.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Vignes S. Lymphœdèmes des membres. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations
dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 86.1-86.17.
87
Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif
Ludovic Martin, Claire Beylot, Didier Bessis

Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-2 Phénocopies du pseudoxanthome élastique 87-11
Syndrome de Williams-Beuren 87-2 Dysplasies héréditaires des fibres collagènes 87-12
Syndrome de Marfan 87-2 Syndromes d’Ehlers-Danlos 87-12
Syndromes marfanoïdes 87-7 Syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire 87-12
Cutis laxa 87-8 Références 87-16
Dystrophies héréditaires des fibres élastiques avec
atteintes cutanée et cardiovasculaire 87-9
Pseudoxanthome élastique 87-9

e tissu conjonctif est largement présent dans l’orga-


L nisme. Ce tissu de soutien protéiforme possède toute-
fois une certaine spécificité d’organe dans son organisation
des organes digestifs. La composition en acides aminés et
la structure en triple hélice font des collagènes des modèles
uniques de protéines fibreuses ¹. Les fibres collagènes der-
structurale et sa composition moléculaire. Ainsi, dans la miques assurent la résistance mécanique de la peau et n’ont
peau, le derme comprend une matrice extracellulaire asso- pas d’orientation précise. Les fibres élastiques sont respon-
ciant principalement des fibres de collagène et des fibres sables de l’élasticité cutanée ². Les fibres pré-élastiques du
élastiques baignant dans la substance fondamentale ¹. Les derme papillaire, oxytalanes et élaunines, sont essentielle-
fibres de collagène cutanées sont principalement compo- ment composées de glycoprotéines microfibrillaires, en par-
sées des collagènes I, III et V. Le type I y est le plus abondant. ticulier les fibrillines 1 et 2. Elles sont orientées perpendi-
Le type III est majoritaire dans le derme papillaire ; il est culairement à la surface épidermique. Les fibres élastiques
également présent dans les parois vasculaires et dans celles matures des dermes réticulaire et profond sont plus volu-

Fibres oxytalanes

Fibres élaunines

Fibres élastiques

Fibres collagènes
Coll. D. Bessis

Fig. 87.1 Répartition des fibres élastiques au sein du tissu conjonctif dermique
87-2 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif
Principaux signes du syndrome de Williams-Beuren
sation des réseaux pré-élastique et élastique du derme ⁴.
Atteinte cardiovasculaire (75 %) Ces anomalies contribuent peu au diagnostic, qui est en
– Sténose aortique supravalvulaire règle évoqué dès la petite enfance sur la dysmorphie fa-
– Sténose des branches de l’artère pulmonaire ciale et les diverses complications. Les anomalies cardio-
– Hypertension artérielle vasculaires sont présentes dans 75 % des cas. Les plus clas-
Hernie inguinale siques sont la sténose aortique supravalvulaire et les sté-
Dysmorphie faciale : racine du nez aplatie, grande bouche, lèvre inférieure noses des branches des artères pulmonaires. Les anoma-
éversée, épicanthus ; traits épais en vieillissant lies valvulaires et les défauts septaux sont possibles, mais
Strabisme plus rares. Les sténoses des artères à destinée cérébrale,
Hyperlordose lombaire, flessum des hanches et des genoux rénale, myocardique peuvent être responsables d’accidents
Retard cognitif modéré avec conservation du langage ischémiques précoces ou d’hypertension artérielle réno-
Hypersociabilité vasculaire ou essentielle. Les autres manifestations asso-
87.A cient une dysmorphie faciale évocatrice comprenant une ra-
cine du nez aplatie, une grande bouche, une lèvre inférieure
mineuses et grossièrement parallèles à la surface de la peau éversée, un épicanthus, des traits épais en vieillissant et
(fig. 87.1). Elles comprennent une partie centrale (le core) un strabisme ⁵. Diverses anomalies dentaires (anomalies
faite d’élastine et des microfibrilles périphériques compo- du nombre de dents, malocclusion dentaire, plaques gingi-
sées de diverses glycoprotéines, les fibrillines mais aussi vales) ont été décrites plus récemment. Les acquisitions mo-
les fibulines, l’émiline, etc. ². Chacune de ces protéines peut trices (position assise et marche) sont retardées. Les acquis
a priori faire l’objet d’un déficit héréditaire qualitatif ou psychologiques sont incomplets, mais le langage est bien
quantitatif. Un tissu conjonctif riche en fibres élastiques maîtrisé. La socialisation avec les autres enfants est difficile
existe aussi dans la paroi artérielle, dans le myocarde et et contraste avec un comportement amical instantané avec
diverses tuniques pariétales cardiaques ² et il n’est donc les adultes associant familiarité et logorrhée évocatrices.
pas surprenant que certaines affections génétiques asso- Le diagnostic évoqué cliniquement doit être confirmé par
cient une atteinte cutanée et des lésions cardiaques et/ou la recherche de la microdélétion 7q11.3 par hybridation
artérielles. fluorescente in situ (FISH). Une biopsie cutanée n’est pas
Une dysplasie définit le caractère anormal du développe- utile en routine. L’échographie cardiaque dépiste les anoma-
ment d’un tissu. La majorité des affections héréditaires lies valvulaires et supravalvulaires qui peuvent nécessiter
décrites dans ce chapitre et associant lésions cutanées et un traitement chirurgical. Les tests psychométriques ex-
cardiovasculaires sont des dysplasies. Le pseudoxanthome plorent le profil cognitif des enfants porteurs d’un SWB.
élastique (PXE) et ses phénocopies constituent des excep- Des anomalies orthopédiques peuvent nécessiter une prise
tions car les anomalies des fibres élastiques y sont acquises en charge spécifique. Le soutien au patient et à sa famille
et d’aggravation progressive. Les PXE ne constituent donc est important ; la prise en charge repose idéalement sur
pas des dysplasies primitives, mais plutôt des dystrophies une équipe multidisciplinaire ⁶. Peu de sujets porteurs d’un
acquises génétiquement déterminées. SWB sont autonomes à l’âge adulte.
Le tableau 87.1 récapitule les principales affections décrites
dans ce chapitre en listant brièvement les lésions cutanées, Syndrome de Marfan
les atteintes cardiaques et vasculaires, les éventuels symp- Le syndrome de Marfan (SM) est l’une des affections hérédi-
tômes associés significatifs, le mode de transmission, le taires du tissu conjonctif les plus fréquentes. Sa prévalence
ou les locus, le ou les gènes et leurs produits responsables est estimée à 2 à 3 pour 10 000 naissances ⁷. Une telle fré-
lorsqu’ils sont connus. quence impose à chaque praticien de connaître et de savoir
évoquer ce diagnostic. Le SM est une fibrillinopathie majo-
Dysplasies héréditaires des fibres élastiques ritairement en rapport avec des mutations du gène FBN1
situé en 15q21.1 et codant la fibrilline 1, plus rarement
Syndrome de Williams-Beuren du gène TGFBR2 situé en 3p24.1 et codant le récepteur
Le syndrome de Williams-Beuren (SWB) est une anomalie de type II du TGF-β. Sa transmission est autosomique do-
du développement dont la prévalence des formes caracté- minante, sa pénétrance presque complète et son expressi-
ristiques est évaluée à 1/20 000 naissances ³. Le SWB est vité variable au sein d’une même famille ⁸. Près d’un quart
habituellement sporadique. Il associe principalement une des patients ont une mutation de novo. Le pronostic vital
dysmorphie faciale, un retard psychomoteur de profondeur du SM est réservé du fait de la gravité potentielle de l’at-
variable associé à un comportement qualifié d’« hyperso- teinte cardiovasculaire. Le pronostic fonctionnel peut être
ciable » et des sténoses des artères quittant les ventricules compromis par les lésions ophtalmologiques et l’atteinte
cardiaques (encadré 87.A). Curieusement, les lésions cutanées ostéo-articulaire. Les lésions cutanées sont relativement
cliniques sont absentes alors que le SWB est associé à une modestes mais peuvent être des signes d’appel dans l’en-
microdélétion en 7q11.23 emportant, entre autres, le gène fance ou à l’adolescence. Le tableau 87.2 liste les critères diag-
de l’élastine. nostiques majeurs du SM (critères de Gand) ⁹.
Les lésions cutanées du SWB sont inapparentes clinique- Croissance excessive des os longs Elle confère à ces pa-
ment, mais évidentes en histologie avec une désorgani- tients un morphotype très particulier évocateur au premier

 FISH flurorescent in situ hybridization · PXE pseudoxanthome élastique · SM syndrome de Marfan · SWB syndrome de Williams-Beuren
Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-3

Tableau 87.1 Principales dysplasies héréditaires du tissu conjonctif avec atteinte dermatologique et cardiovasculaire
Atteintes cardiaques Autres atteintes
Affection Lésions cutanées Gène Locus Transmission Protéine
et vasculaires cliniques significatives
Dysplasies héréditaires des fibres élastiques et des fibrillines
Syndrome de Désorganisation Sténose aortique supravalvulaire Dysmorphie faciale Microdélétion Sporadique Élastine
Williams-Beuren histologique des Sténose des branches de l’artère Retard psychomoteur 7q11.23
réseaux pulmonaire
pré-élastique et Hypertension artérielle
élastique du derme
Maladie de Marfan Vergetures Dilatation de l’aorte ascendante Anomalies squelettiques FBN1 15q21.1 AD Fibrilline-1
Hernies récidivantes Dissection de l’aorte ascendante Anomalies oculaires TGFBR2 3p24.1 AD Récepteur type II du
Prolapsus valvulaire mitral Anomalies pulmonaires TGF-bêta
Syndrome de Hématomes Dilatation de l’aorte ascendante Anomalies squelettiques TGFBR1 9q22.2-31.2 AD Récepteurs type I
Loeys-Dietz type II spontanés, peau Dissection de l’aorte ascendante TGFBR2 3p24.1 et II du TGF-bêta
veloutée, douce et
translucide
Syndrome de – Prolapsus valvulaire mitral Arachnodactylie FBN2 5q23-q31 AD Fibrilline-2
Beals-Hecht Dilatation aorte ascendante Anomalies oreille externe
Contractures congénitales des
coudes, genoux et hanches
Syndrome des Peau douce et Élongation, tortuosités et Dysmorphie faciale SLC2A10 20q13.1 AR Transporteur de
tortuosités artérielles hyperextensible d’anévrismes des artères de large Arachnodactylie glucose GLUT10
et de moyen calibre Anomalies squelettiques
Sténoses focales des artères
pulmonaires et de l’aorte
Cutis laxa Cutis laxa néonatale Anévrisme ou rupture aortique Emphysème pulmonaire ELN 7q11.2 AD Élastine
Autosomique ou enfance (rare) Hernies digestives FBLN5 14q32.1 Lié à l’X Fibuline 5
dominant Cutis laxa Régurgitation valvulaire mitrale ou Prolapsus génitaux ATP7A Xq13.2-q13.3 AR ATP7A, protéine
Lié à l’X généralisée néonatal tricuspidienne Dysmorphie faciale et thoracique, FBLN4 11q13 transporteuse du
Autosomique récessif Cutis laxa néonatale Carotides sinueuses, sténoses exostoses, sténoses et diverticules FBLN5 14q32.1 cuivre
type I artérielles intracrâniennes du tractus urinaire, hyperlaxité Fibuline 4
Sténoses et ectasies artérielles articulaire Fibuline 5
Dysplasie fibromusculaire artérielle Petite taille, dysmorphie faciale,
déformations thoraciques et
rachidiennes, retard mental.
Atteintes pulmonaires (emphysème
précoce, pneumothorax)
Atteintes digestives et urologiques
(hernies, diverticules)
Dystrophies héréditaires des fibres élastiques
PXE Élastorrhexie des Artériosclérose des membres Stries angoïdes rétiniennes ABCC6 16p13.1 AR Transporteur ABCC6
faces du cou et des inférieurs Maculopathie
grands plis
PXE variant Élastorrhexie Artériosclérose des membres Stries angoïdes rétiniennes GGCX 2p12 A priori AR Gamma-glutamyl-
généralisée inférieurs Maculopathie carboxylase
Déficit en facteurs de coagulation
dépendant de la vitamine K
Dysplasies héréditaires des fibres collagènes
SED vasculaire Peau fine, Fragilité et rupture artérielle Visage caractéristique (nez pincé, COL3A1 2q24.3-q31 AD Chaîne pro-alpha du
translucide (visibilité (digestive, utérine) yeux proéminents, lèvres fines, petit collagène III
du réseau veineux Saignements profus menton, oreilles sans lobules)
sous-jacent, Varices précoces Acrogeria
décolleté, abdomen) Fistules artérioveineuses, fistule Hypermobilité des petites
carotidocaverneuse articulations
Luxation congénitale des hanches
Rupture musculaire et tendineuse
Pieds bots
AD : autosomique dominante ; AR : autosomique récessive ; R : récessive

 PXE pseudoxanthome élastique · SED syndrome d’Ehlers-Danlos


87-4 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

Tableau 87.2 Critères du diagnostic du syndrome de Marfan (critères de Gand révisés en 1996)
Organe atteint Critères majeurs Critères mineurs
Squelette Pectus carinatum (thorax en carène) ou excavatum Pectus excavatum modéré
(1 critère majeur = au moins 4 (thorax en entonnoir) nécessitant la chirurgie Hyperlaxité ligamentaire
des éléments constituant les Rapport segment supérieur corps/segment inférieur Palais ogival avec chevauchement dentaire
critères majeurs) bas ou envergure/taille > 1,05 Aspect facial : dolichocéphalie, hypoplasie malaire,
Atteinte du squelette Signe du poignet ou du pouce énophtalmie, rétrognathie, fentes palpébrales obliques
Au moins 2 éléments contribuant Scoliose > 20◦ ou spondylolisthésis vers le bas
aux critères majeurs Extension maximale des coudes < 170◦
ou Déplacement malléolaire → pied plat
1 élément de la liste des critères Protrusion acétabulaire
majeurs + 2 critères mineurs
Yeux Ectopie du cristallin Cornée anormalement plate
Atteinte oculaire Augmentation de longueur axiale du globe
Critère majeur ou au moins Iris hypoplasique ou hypoplasie du muscle ciliaire
2 critères mineurs
Système cardiovasculaire Dilatation de l’aorte ascendante, avec ou sans Prolapsus de la valve mitrale, avec ou sans
Atteinte cardiovasculaire régurgitation, atteignant les sinus de Valsalva régurgitation
1 seul critère mineur suffit Dissection de l’aorte ascendante Dilatation de l’artère en l’absence de sténose
valvulaire ou périphérique ou de toute autre cause à
moins de 40 ans
Calcification de l’anneau mitral avant 40 ans
Dilatation ou dissection aorte thoracique descendante
ou abdominale avant 50 ans
Poumons Pneumothorax spontané
Atteinte pulmonaire Bulles apicales
1 seul critère mineur suffit
Peau Vergetures sans prise de poids importante, grossesse
Atteinte cutanée ou stress répétés
1 seul critère mineur suffit Hernies récidivantes
Dure-mère Ectasie durale lombosacrée
Contexte familial Un parent, un enfant ou un frère ou sœur présentant
ces critères diagnostiques
Génétique Mutation du gène FBN1 responsable du syndrome de
Marfan
Haplotype FBN1 transmis par un membre de la
famille atteint du syndrome de Marfan
Pour dire qu’il y a atteinte d’un organe, le nombre de critères majeurs ou mineurs exigés est variable en fonction de
l’organe.
Pour poser le diagnostic de syndrome de Marfan, il faut :
− si l’histoire familiale et la génétique ne sont pas contributives, un critère majeur dans 2 ou plus organes
différents et l’atteinte d’un 3 e organe ;
− si la mutation responsable du syndrome de Marfan est identifiée dans la famille, un critère majeur au niveau
d’un organe et l’atteinte d’un 2 e organe.

coup d’œil. Souvent de haute stature, ils ont cependant un mensurations montrent que l’envergure est légèrement su-
aspect fragile avec des membres grêles et démesurément périeure à la taille (rapport de plus de 1,05) et que le rapport
longs (dolichosténomélie), des mains expressives et déchar- segment supérieur/segment inférieur du corps est dimi-
nées aux doigts arachnéens (arachnodactylie), des pieds nué. L’arachnodactylie est objectivée par le signe du pouce
tout en longueur, un thorax étroit, déformé en carène (pec- (signe de Steinberg) dont toute la phalange distale dépasse
tus carinatum) ou en entonnoir (pectus excavatum) (fig. 87.2), le bord cubital de la main quand le poing est fermé (fig. 87.3)
une scoliose souvent sévère, une hypoplasie et une hypo- et par le signe du poignet (signe de Walker-Murdoch) où
tonie musculaire. L’atteinte du squelette est un élément le pouce recouvre d’une phalange le 5 e doigt lorsqu’il en-
essentiel du diagnostic dont la confirmation repose sur la serre le poignet controlatéral. La protrusion acétabulaire,
recherche des critères précis listés dans le tableau 87.2. Les asymptomatique chez le sujet jeune, est recherchée par ra-
Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-5

Coll. D. Bessis
Fig. 87.3 Signe de Steinberg au cours du syndrome de Marfan : la
totalité de la phalange distale dépasse le bord cubital de la main lorsque le
ping est fermé

conférence de consensus de la Société canadienne de cardio-


logie de 2001 ¹¹ que, pour éviter la dissection et la rupture,
la chirurgie s’impose si le plus grand diamètre aortique
est supérieur à 55 mm ou 50 mm pour les patients ayant
des antécédents familiaux de dissection aortique. La rapi-
dité de progression de la dilatation est aussi un élément
décisif. Une large étude ¹² a montré sur 113 hommes et
108 femmes atteints de SM que l’augmentation était rapide
chez 15 % des hommes (1,5 mm par an) et 11 % des femmes
(1,8 mm par an). Le risque de dissection est beaucoup plus
Coll. D. Bessis

élevé chez ces sujets que si la dilatation est lente (25 %


versus 4 %). Les auteurs pensent qu’il faut tenir compte
aussi des différences du calibre aortique liées au sexe et
Fig. 87.2 Thorax étroit déformé en carène au cours d’un syndrome de prendre la décision chirurgicale chez la femme pour une
Marfan dilatation plus faible de 5 mm que chez l’homme, d’autant
que le risque de dissection est plus élevé chez elle (dissec-
diographie. Bien qu’une hypermobilité articulaire modérée tion chez 4 hommes et 9 femmes dans leur série). Un âge
soit habituelle, il existe fréquemment une réduction de l’ex- plus élevé, une hypertension artérielle, une régurgitation
tension des coudes et parfois même une contracture des aortique importante sont des éléments favorisant une di-
doigts (camptodactylie). latation aortique rapide au niveau des sinus de Valsalva ¹³.
Atteinte oculaire L’atteinte oculaire est caractérisée par Chez l’enfant avant 12 ans, les critères conduisant à la déci-
l’ectopie du cristallin. Cette ectopie, liée à une altération des sion opératoire sont moins bien définis et il faut rapporter
fibres zonulaires se fait habituellement vers le haut, plus la dilatation observée à l’âge, à la taille et au poids du su-
rarement vers le bas. Elle se rencontre dans 60 à 87 % des jet ⁷. La rupture et la dissection sont rares à cet âge, mais
cas ¹⁰ et peut se compliquer d’une subluxation antérieure peuvent s’observer en fin d’adolescence, après 18 ans. La
ou postérieure. D’autres anomalies oculaires (myopie sé- dissection aortique, marquée par des douleurs thoraciques
vère, décollement rétinien) sont fréquentes et peuvent éga- intenses, peut rester limitée à l’aorte ascendante, mais par-
lement compromettre la vision. fois se propage vers les carotides ou l’aorte descendante.
Anévrisme aortique L’anévrisme fait toute la gravité du La rupture se fait le plus souvent dans le sac péricardique
SM en raison du risque de dissection et de rupture. Il inté- et la mort survient par tamponnade. Elle est parfois plus
resse la partie ascendante de l’aorte, depuis la racine aor- progressive avec formation d’un double ou d’un triple che-
tique au niveau des sinus de Valsalva, où la dilatation est nal aortique. La dilatation de la racine aortique peut aussi
plus marquée. Il débute le plus souvent à l’adolescence, par- entraîner une incompétence valvulaire en général tardive.
fois dans l’enfance et dans les formes les plus graves, on Enfin, il n’est pas exceptionnel que l’anévrisme aortique au
peut même déjà constater une dilatation au niveau des cours du SM siège bien au-delà de la racine aortique sur
sinus de Valsalva in utero alors que, à l’opposé, certains l’aorte descendante ¹⁴ et un scanner thoracique et abdomi-
sujets atteints de SM authentique n’auront jamais une di- nal est nécessaire pour rechercher ces localisations. Sur le
latation suffisante pour justifier une intervention chirur- plan cardiaque, le prolapsus des valves mitrales et/ou tri-
gicale. Dans tous les cas, une surveillance échographique cuspides est très fréquent, avec un degré variable de régur-
est indispensable et chez l’adulte, on considère, après la gitation. Chez le jeune enfant, l’insuffisance mitrale peut

 SM syndrome de Marfan
87-6 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

tif, dû à l’activité délétère de la protéine mutante sur la


protéine codée par la copie normale du gène FBN1. Mais
certains faits suggèrent que la demi-production de la pro-
téine normale (haplo-insuffisance) plus que la production
de la protéine mutante serait l’élément critique pour dé-
terminer le seuil de la perte de fonction de la fibrilline 1
nécessaire à l’expression du SM. Il a été démontré récem-
ment que les mutations de la fibrilline 1 sont associées
à des effets délétères qui vont bien au-delà d’une simple
faiblesse structurelle des tissus et notamment des fibres
élastiques comme on le croyait auparavant. La fibrilline 1
mutée est en effet capable de déclencher une augmentation
de l’expression et de la production des métalloprotéinases
matricielles, facilitant la fragmentation des tissus. Cette
augmentation des protéases libère de plus des facteurs de
croissance matriciels tels que TGF-β ¹⁸. Le complexe TGF-β

Coll. D. Bessis
latent est associé à un peptide et à des protéines de liai-
sons et est séquestré dans la matrice extracellulaire. Or,
Fig. 87.4 Vergetures horizontales du dos au cours du syndrome de la fibrilline 1 a un important degré d’homologie avec les
Marfan protéines de liaison du TGF-β. Ces similitudes suggèrent
que les microfibrilles pourraient participer à la régulation
aboutir à une insuffisance cardiaque congestive, une hyper- de l’activation de cette cytokine. Une dysrégulation dans
tension pulmonaire qui sont la cause la moins rare de décès le sens de l’augmentation de l’activité de TGF-β pourrait ex-
lié au SM à cet âge. Enfin, une cardiomyopathie, non liée pliquer certains symptômes comme la croissance osseuse
à l’incompétence aortique, mais à la texture des parois car- excessive, la dysmorphie craniofaciale, les altérations myxo-
diaques elles-mêmes, peut se rencontrer même chez des mateuses de la valve mitrale. Certains patients ayant les
sujets jeunes et se manifeste par une dysfonction diasto- critères phénotypiques du SM, avec atteinte osseuse et car-
lique et systolique du ventricule gauche ¹⁵,¹⁶. diaque prédominante, ne sont pas porteurs de mutations
Atteinte cutanée Elle est fort discrète et l’hyperélasticité sur le gène de la fibrilline 1, mais ont des mutations di-
cutanée décrite classiquement n’est même plus mention- verses au niveau du gène TGFBR2 codant pour le récepteur
née dans les critères de la maladie car elle est souvent ab- de type II du TGF-β ¹⁹.
sente ou modérée. La peau est parfois un peu fine et il peut Prise en charge des patients Elle est pluridisciplinaire.
y avoir quelques cicatrices atrophiques. Plus particulières Pour les manifestations osseuses, le pédiatre, le généra-
et inconstantes, mais retenues dans les critères mineurs, liste, l’orthopédiste sont concernés. Il faut surveiller la
sont les larges vergetures thoraciques horizontales (fig. 87.4) croissance et essayer de freiner l’allongement excessif des
insolites chez des sujets jeunes, très minces, en dehors de membres. Un traitement par les hormones sexuelles (tes-
la grossesse ou de stress répétés et parfois même chez des tostérone, œstrogènes) ou les analogues de la somatosta-
enfants. Des élastomes perforants de Lutz-Miescher ont tine, commencé entre 11 et 13 ans et stoppé lors de la
été signalés, mais ils ne sont pas spécifiques et peuvent disparition des cartilages de conjugaison peut être indiqué,
se rencontrer également au cours d’autres maladies héré- notamment chez des filles dont la taille prédictive dépasse
ditaires du tissu conjonctif. Les hernies, fréquentes, sont 185 cm et les garçons dépassant 200 cm ²⁰-²². Le traitement
répertoriées dans l’atteinte cutanée, mais elles sont dues de la scoliose, si elle est sévère et rapidement progressive,
plutôt à la faiblesse de la paroi abdominale qu’à l’atteinte nécessite une stabilisation chirurgicale. Les déformations
cutanée. thoraciques sont opérées pour des raisons esthétiques plus
Physiopathologie et génétique La fibrilline-1 (FBN1) que fonctionnelles, car elles n’entraînent habituellement
est une glycoprotéine à large distribution tissulaire ayant pas de troubles cardiorespiratoires, bien qu’une restriction
un rôle clé dans la composition des microfibrilles du tissu respiratoire soit possible dans les formes sévères de pec-
conjonctif, en association avec de nombreuses autres pro- tus excavatum ²³. Sur le plan oculaire, une surveillance an-
téines comme MAGP-1, MAGP-2, les fibulines 2 et 5, l’élas- nuelle est nécessaire afin de prévenir une baisse de l’acuité
tine, le versican ou la LTBP-1 ¹⁷. Le gène codant la fibrilline- visuelle secondaire à une bascule du cristallin ou un décol-
1, FBN1, est très long (65 exons codants). Plus de 600 mu- lement de rétine. L’ectopie du cristallin n’est pas systémati-
tations sont décrites au cours du SM et la majeure partie quement opérée. Les diverses manifestations ophtalmolo-
est propre à un patient ou à sa famille (mutations privées) giques relèvent d’un traitement spécialisé. Le suivi cardio-
avec une expression phénotypique très variable pour les su- vasculaire repose sur une surveillance échocardiographique
jets atteints rendant prohibitive une analyse séquentielle annuelle pour rechercher et éventuellement traiter chirur-
de routine. La ségrégation de l’haplotype est plus facile gicalement un anévrisme aortique. Les bêtabloquants ou
et peut indiquer ceux qui, dans une famille atteinte, ont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ne peuvent éviter
hérité de la maladie. Il s’agirait d’un effet dominant néga- la dilatation aortique mais sont susceptibles de la ralentir

 SM syndrome de Marfan
Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-7

et leur prescription dès le jeune âge est conseillée. L’inter- récepteurs de l’angiotensine II ³⁰. Le traitement par losar-
vention chirurgicale selon la technique de Bentall et ses va- tan qui a une activité anti-TGF-β a déjà été effectué avec
riantes consiste à remplacer complètement par une greffe succès sur les anévrismes aortiques dans des modèles ani-
composite l’anévrisme de la racine de l’aorte, les sinus de maux laissant entrevoir un intérêt thérapeutique similaire
Valsalva, les valvules aortiques avec réimplantation des chez l’homme ³¹.
artères coronaires. La mortalité à 30 jours de telles inter-
ventions est devenue faible : sur une série multicentrique Syndromes marfanoïdes
de 655 patients ²⁴, elle est de 1,5 % chez les 455 patients Ils associent le morphotype « marfanoïde » (grande taille et
qui subissent une intervention programmée, 2,6 % chez les membres grêles) à d’autres manifestations viscérales qui en
117 patients qui sont opérés en semi-urgence 7 jours après font soit des formes mineures de SM (voire des variantes
consultation chirurgicale et 11,7 % chez les 103 qui doivent de la normalité), soit des affections distinctes, en règle plus
subir l’intervention en urgence dans les 24 heures, d’où l’in- graves et plus rares que le SM.
térêt de la surveillance échocardiographique pour ne pas se Syndrome de Loeys-Dietz Cette affection de description
trouver dans ces situations d’urgence. Des interventions récente, autosomique dominante, est liée à des mutations
plus limitées épargnant les valves aortiques semblent en- des gènes TGFBR1 ou TGFBR2 qui codent pour les récep-
courageantes, en particulier chez l’enfant ²⁵. La réimplanta- teurs de type I ou II du TGF-β ³². Deux formes cliniques
tion donne des résultats plus durables que les procédures sont décrites : le type I est proche du SM par l’association
de remodelage. L’intervention sur les valves mitrales par d’une dilatation de l’aorte ascendante, d’une arachnodac-
plastie valvulaire en cas de prolapsus mitral est rarement tylie, d’une dolichosténomélie, d’une déformation thora-
nécessaire. Les sports violents, les traumatismes sont à cique et d’une hyperlaxité articulaire mais s’en différencie
éviter en raison du risque déclenchant de dissection aiguë par la présence d’un hypertélorisme, d’une fente palatine
de l’aorte ²⁶. La mort subite d’athlètes chez qui un SM était et/ou d’une luette bifide, d’une craniosynostose, de tortuo-
méconnu a été rapportée. La grossesse entraîne classique- sités vasculaires généralisées et l’absence d’ectopie du cris-
ment un risque de progression de l’anévrisme aortique et tallin ; le type II est proche du syndrome d’Ehlers-Danlos
de dissection. Cependant, il semble que ce risque soit très (SED) de type vasculaire. L’atteinte vasculaire (risque d’ané-
dépendant du diamètre de l’aorte avant la grossesse et qu’il vrisme/dissection aortique) est plus sévère qu’au cours du
n’existerait pas s’il est inférieur à 40 mm en début de gros- SM et de fréquence estimée supérieure à 75 %. L’atteinte
sesse ²⁷. Les anticoagulants prescrits chez les patientes déjà cutanée s’observe essentiellement au cours du type II, mar-
opérées et ayant une prothèse valvulaire posent problème quée par des hématomes spontanés ou après traumatismes
et la solution ne fait pas l’unanimité parmi les cardiologues, minimes, et une peau veloutée, douce et translucide comme
l’héparine de bas poids moléculaire proposée par certains au cours du SED vasculaire.
en raison d’un moindre risque fœtal n’étant peut-être pas Syndrome MASS Le syndrome MASS, acronyme de mi-
suffisamment préventive des thromboses valvulaires. Chez tral (prolapsus de la valve mitrale), aortic (dilatation mo-
la femme en âge de procréer, les interventions de rempla- dérée et non progressive de la racine aortique), skin (ver-
cement aortique épargnant les valves seraient donc plus getures), skeletal manifestations (allongement osseux) est
appropriées. La rupture prématurée des membranes, l’in- d’individualisation discutable par rapport au SM puisque,
compétence cervicale s’accompagnent d’une mortalité fœ- dans certaines observations, il a été montré l’existence de
tale et néonatale de 7,1 % ²⁸. Dans tous les cas, une sur- mutations du gène FBN1. Il pourrait constituer une forme
veillance conjointe et très stricte de l’obstétricien et du car- incomplète ou bénigne de SM ⁷.
diologue, un traitement bêtabloqueur et un contrôle écho- Syndrome de Beals-Hecht De transmission autosomique
cardiographique initialement trimestriel, puis mensuel le dominante, il associe un morphotype marfanoïde à une
dernier trimestre sont conseillés ²⁹. L’ectasie durale est sou- arachnodactylie avec camptodactylie, un aspect « ratatiné »
vent asymptomatique et seul le scanner lombaire, qu’il faut de l’oreille externe, des contractures congénitales des
systématiquement pratiquer, permet de la déceler. Mais si coudes, genoux et hanches et une hypoplasie musculaire
elle s’accompagne de douleurs lombaires ou radiculaires modérée des mollets ³³. Une atteinte cardiaque avec pro-
significatives liées à la compression des racines nerveuses lapsus valvulaire mitral et plus rarement une dilatation de
dans le canal lombosacré, une réparation neurochirurgicale l’aorte ascendante peuvent également s’observer ³⁴. Dans
peut améliorer ces manifestations. Le conseil génétique la majeure partie des cas, cette affection est liée à des mu-
doit informer les futurs parents, si l’un d’eux est atteint tations du gène FBN2 codant pour la fibrilline-2.
de SM, du risque de transmission de 50 %, de la nature et Homocystinurie Les homocystinuries se caractérisent
des risques de la maladie et de la nécessité éventuelle de par une surcharge en homocystéine, acide aminé souffré, à
la chirurgie aortique. Le diagnostic prénatal est possible propriété thrombophile et athérogène. La plus fréquente
sur les villosités choriales. L’implication de TGF-β apporte (80 %) est l’homocystinurie classique, liée à un déficit enzy-
pour l’avenir l’espoir de pouvoir moduler l’activité de cette matique en cystathionine β-synthase, enzyme responsable
cytokine qui intervient probablement sur la plupart des de la conversion de la méthionine en cystéine (voie de la
manifestations cliniques du SM. Son dosage sérique pour- transsulfuration) dont le gène CBS est situé en 21q22.3. Les
rait constituer un marqueur diagnostique et pronostique autres formes sont liées à une anomalie de la conversion
après traitement bêtabloqueur et/ou par antagonistes des de l’homocystéine en méthionine. L’homocystinurie clas-

 SED syndrome d’Ehlers-Danlos · SM syndrome de Marfan


87-8 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

la reméthylation de l’homocystéine en méthionine.


Tableau 87.3 Classification des cutis laxa avec atteinte cardiovasculaire
Syndrome de tortuosité artérielle Il s’agit d’une affec-
Atteinte tion rare, autosomique récessive, liée à des mutations du
Type gène SLC2A10 qui code pour un transporteur du glucose
cardiovasculaire Gène Locus Protéine
de cutis laxa
significative GLUT10 ³⁸. La perte de fonction de ce transporteur serait
Autosomique ELN 7q11.2 Élastine responsable d’une diminution de la transcription de la dé-
++ corine, un inhibiteur connu de la voie de signalisation du
dominante FBLN5 14q32.1 Fibuline 5
TGF-β. Cette affection se caractérise par des anomalies des
ATP7A, protéine
Liée à l’X ++ ATP7A
Xq13.2-
transporteuse
artères de large et de moyen calibre à type d’élongation,
q13.3 de tortuosités et d’anévrismes. Des sténoses focales des ar-
du cuivre
tères pulmonaires et de l’aorte peuvent être associées. Des
Autosomique FBLN4 11q13 Fibuline 4 anomalies dysmorphiques faciales sont classiquement pré-
++
récessif type I FBLN5 14q32.1 Fibuline 5
sentes : visage allongé, fentes palpébrales rétrécies et incli-
Pyrroline-5- nées vers le bas, nez en bec, palais ogival et micrognathie ³⁹.
carboxylate Les autres manifestations associent une peau douce et hy-
Autosomique réductase 1 perextensible, des anomalies squelettiques (arachnodacty-
+ PYCR1 17q25.3
récessif type II (enzyme du lie, déformation en pectus, hyperlaxité articulaire, contrac-
métabolisme tures). Le risque vasculaire est marqué par un risque de
de la proline) formation d’anévrisme, de dissection et d’accident isché-
mique.
sique est plus fréquente en Irlande (1/60 000 naissances)
que dans le reste de l’Europe (1/200 000 naissances). Sa
transmission est autosomique récessive. Elle est à l’origine Cutis laxa
d’une élévation systémique des taux de méthionine et d’ho- Les cutis laxa (CLa) constituent un groupe d’affections hé-
mocystéine, accompagnée d’une diminution des taux de réditaires rares (près de 200 familles atteintes rapportées
cystéine et de cystine. en 2009) ⁴⁰ ayant en commun la présence d’une peau lâche,
Les signes cliniques associent des atteintes oculaires en par- ayant perdu son élasticité et spontanément redondante,
ticulier une ectopie cristallinienne précoce, un syndrome ainsi qu’un aspect de vieillissement prématuré. Les CLa
marfanoïde (scoliose, genus valgum, pieds plats), des mani- sont hétérogènes par la gravité de leurs atteintes viscérales
festations thrombo-emboliques précoces et un retard men- et leur mode de transmission (tableau 87.3). Trois groupes
tal inconstant et de sévérité variable ³⁵. Les thromboses ont été individualisés sur la base de la transmission géné-
vasculaires artérielles ou veineuses peuvent survenir pré- tique : autosomiques dominantes, récessives liées au chro-
cocement, dans n’importe quel territoire, notamment cé- mosome X et autosomiques récessives. Dans tous les cas,
rébral. Elles sont souvent déclenchées par des prises médi- les protéines mutantes ou absentes désorganisent l’archi-
camenteuses (contraceptif), le tabac, l’hypertension arté- tecture des fibres élastiques.
rielle, une angiographie ou une anesthésie générale. Des Les CLa autosomiques dominantes sont de pronostic rela-
phénotypes incomplets et des formes asymptomatiques tivement bénin et certains cas ont été associés à des muta-
sont désormais reconnus depuis la mise en place du do- tions du gène ELN codant pour l’élastine ou du gène FBLN5
sage plasmatique de l’homocystéine totale pour dépister codant pour la fibuline 5 ⁴⁰,⁴¹. Les CLa liées à l’X sont asso-
les hyperhomocystéinémies modérées en tant que facteur ciées à des mutations du gène ATP7A responsables d’ano-
de risque vasculaire ³⁵. Les signes cutanés sont marqués par malies du transport du cuivre ⁴². Les CLa autosomiques
des cheveux fins et blonds et des accès de rougeur vasomo- récessives sont très hétérogènes avec deux types caracté-
trice, notamment des pommettes. Un livedo des membres risés dits I et II, des formes variantes et syndromiques,
a également été décrit ³⁶. c’est-à-dire en association avec d’autres anomalies morpho-
Le diagnostic est suspecté sur le test au nitroprussiate- logiques ou de développement : syndrome de Costello (cf.
cyanure qui révèle l’excès de composés sulfhydriles uri- chap. 88, « Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés »), syndrome de
naires et confirmé par l’élévation du taux de la méthionine Cantu, syndrome de De Barsy ou autres ⁴³,⁴⁴. Le type I est
et de l’homocystéine libre plasmatique. Ce dernier dosage associé dans certains cas à des mutations des gènes FBLN4
est à interpréter avec prudence en cas d’augmentation mo- et FBLN5 codant respectivement pour la fibuline 4 et la
dérée ³⁷. Le déficit en cystathionine β-synthase peut être fibuline 5 ⁴⁵-⁴⁷. Le type II est fréquemment associé à des mu-
révélé à partir de cultures cellulaires du patient notamment tations du gène ATP6V0A2 qui code pour la sous-unité a2
en période prénatale sur des cellules amniotiques ou des du complexe V-ATPase impliqué dans la régulation du pH
villosités choriales. Les porteurs hétérozygotes sont dépis- des compartiments intracellulaires et s’associe à des ano-
tés par un test de charge en méthionine avec dosage de malies de la glycosylation des protéines matricielles ⁴⁸. Cer-
l’homocystéine libre plasmatique. Le traitement par la pyri- taines CLa autosomiques récessives de type II ont été asso-
doxine orale (25 à 500 mg/jour) est efficace dans la moitié ciées récemment à des mutations du gène PYCR1 codant
des cas. La bétaïne (4 à 6 g/jour) serait également utile pour l’enzyme pyrroline-5-carboxylate réductase 1 impli-
chez les patients résistants à la pyridoxine, en permettant quée dans le métabolisme de la proline ⁴⁹. Des anomalies de

 CLa cutis laxa


Dystrophies héréditaires des fibres élastiques avec atteintes cutanée et cardiovasculaire 87-9

la laminine bêta-1 ⁵⁰, de la lysyl oxydase ⁵¹ ont également celle de la population générale, même si des cas de ruptures
été décrites. aortiques précoces à l’âge adulte et d’emphysème pulmo-
Les CLa ont en commun, et par définition, une peau lâche naire sévère ont été rapportés ⁵⁴.
relativement superposable d’un type à l’autre. Cet aspect Cutis laxa liées à l’X Cette variété de CLa est identique
clinique est suffisamment caractéristique pour faire évo- à l’ancien syndrome d’Ehlers-Danlos de type IX et à une
quer le diagnostic. La peau est diffusément flasque et redon- variante de bon pronostic de la maladie de Menkes. Cet
dante, en particulier au niveau du visage qui prend dès la exemple illustre les difficultés nosologiques des affections
première enfance un aspect prématurément « âgé » et triste héréditaires du tissu conjonctif. La cutis laxa est généra-
du fait de l’affaissement des téguments (fig. 87.5). Toutefois, lisée et présente dès la naissance. Il existe en outre une
dans tous les cas, c’est la sévérité des atteintes viscérales dysmorphie faciale et thoracique, des exostoses, des caro-
qui conditionne le pronostic des CLa ⁵². L’atteinte cardio- tides sinueuses, des sténoses artérielles intracrâniennes,
vasculaire est classique ou particulièrement marquée au des sténoses et des diverticules du tractus urinaire, une
cours des CLa autosomiques dominantes, de forme liée à hyperlaxité articulaire. Le quotient intellectuel est bas.
l’X ou de forme autosomique récessive de type I. Cutis laxa autosomique récessive de type I Il s’agit vrai-
Cutis laxa autosomiques dominantes Leur fréquence semblablement de la forme la plus grave de CLa. L’atteinte
est inconnue. Les manifestations cutanées sont générale- cutanée est très précoce dans la vie, habituellement asso-
ment présentes dès la naissance ou au cours de la petite ciée à un retard de croissance intra-utérin puis à une pe-
enfance. L’atteinte viscérale est absente ou bénigne, et mar- tite taille, et éventuellement à une dysmorphie faciale, des
quée par des lésions pulmonaires (emphysème, bronchecta- déformations thoraciques et rachidiennes, ainsi qu’un re-
sies, sténose de l’artère pulmonaire), cardiaques (régurgita- tard mental. La gravité est liée aux atteintes pulmonaires
tions valvulaires mitrale ou tricuspidienne, hypertrophie (emphysème précoce, pneumothorax), digestives et uro-
ventriculaire droite, anévrisme aortique), des hernies diges- logiques (hernies, diverticules) ou vasculaires (artères si-
tives, des prolapsus génitaux ⁵³. L’espérance de vie de ces nueuses et ectasiques, dysplasie fibromusculaire artérielle).
patients est considérée comme grossièrement identique à Diagnostic et prise en charge Si le diagnostic est aisé à
suspecter, la confirmation de la CLa, surtout de son type
et donc de son pronostic, est difficile et doit être confiée
à une équipe multidisciplinaire connaissant bien ce type
de pathologie. La biopsie cutanée n’est pas indispensable
au diagnostic. Si elle est pratiquée, elle montre une élasto-
lyse dermique avec absence de fibres élastiques matures.
La microscopie électronique confirme au niveau des fibres
élastiques la raréfaction de l’élastine et seule la charpente
microfibrillaire est visible. Le diagnostic moléculaire est
du domaine de la recherche. Il n’est pas toujours réalisable,
mais peut, dans certaines familles informatives, permettre
un diagnostic anténatal. La recherche des complications
viscérales est systématique et régulière.
Principes du traitement Des corrections chirurgicales
itératives sont volontiers nécessaires pour limiter l’aspect
de vieillissement prématuré, en particulier au niveau du vi-
sage. Des injections de toxine botulique ont été pratiquées
dans quelques cas, avec des résultats positifs transitoires.
Les atteintes viscérales relèvent d’une prise en charge hau-
tement spécialisée et multidisciplinaire. Celle-ci est le plus
souvent symptomatique.

Dystrophies héréditaires des fibres élastiques


avec atteintes cutanée et cardiovasculaire
Pseudoxanthome élastique
Coll. Pr F. Boralevi, Bordeaux

Le pseudoxanthome élastique (PXE) est une affection au-


tosomique récessive du tissu conjonctif caractérisée histo-
logiquement par la fragmentation et la minéralisation des
fibres élastiques (élastorrhexie) ⁵⁵. Il associe :
− des lésions cutanées évocatrices, apparaissant le plus
Fig. 87.5 Cutis laxa : peau lâche et spontanément redondante et aspect souvent dès l’enfance, qui peuvent être responsables
de vieillissement prématuré d’un préjudice esthétique significatif ;

 CLa cutis laxa · PXE pseudoxanthome élastique


87-10 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

Critères diagnostiques du pseudoxanthome élastique 58


Critères majeurs
1. Atteinte cutanée caractéristique (papules jaunâtres des plis).
2. Atteinte histologique caractéristique en peau cliniquement atteinte
(colorations du tissu élastique et de la minéralisation).
3. Atteinte ophtalmologique caractéristique (stries angioïdes, peau
d’orange ou maculopathie) chez les sujets de plus de 20 ans.
Critères mineurs
1. Atteinte histologique caractéristique en peau cliniquement saine.
2. Histoire familiale de PXE chez les apparentés du premier degré.

Le PXE est considéré indiscutable devant l’association des trois critères


majeurs ; toutes les autres combinaisons font discuter le diagnostic.
87.B

− des lésions ophtalmologiques qui peuvent conduire à


une cécité centrale bilatérale ;
− et une artériosclérose précoce d’évolution lente et de
pronostic cardiovasculaire encore incertain. Certaines
atteintes cardiaques ou vasculaires peuvent entraîner
le décès, parfois dès les premiers mois de vie ⁵⁶, mais
le plus souvent les évènements cardiovasculaires sont
rares en dépit de calcifications artérielles pariétales pré-
coces et étendues.
Le gène responsable du PXE est ABCC6 qui code pour un
transporteur membranaire d’expression principalement hé-

Coll. D. Bessis
patocytaire. Le PXE est donc désormais considéré comme
une affection métabolique associant un défect primitive-
ment hépatique responsable de l’augmentation dans le sé-
rum d’une ou plusieurs molécules qui déterminent une Fig. 87.6 Pseudoxanthome élastique : papules jaunâtres confluentes en
élastorrhexie à distance dans les organes riches en fibres plaques sur la face latérale du cou
élastiques ⁵⁷. Le substrat du transporteur ABCC6 et l’effec-
teur sérique du PXE, molécules vraisemblablement diffé- cou, des granulomes élastophagiques ou des lésions per-
rentes, ne sont pas connus. La prévalence du PXE est es- forantes avec expulsion transépidermique de fibres élas-
timée à 1/25 000 ⁵⁵. L’encadré 87.B liste les critères diagnos- tiques dystrophiques. Des rides obliques des régions man-
tiques usuels du PXE ⁵⁸. Il est à noter que ceux-ci ont été dibulaires auraient une bonne sensibilité pour le diagnostic
élaborés avant la découverte de la responsabilité du gène clinique de PXE avant l’âge de 35 ans. Les lésions cutanées
ABCC6 dans le PXE et qu’ils mériteraient sans doute d’être doivent être biopsiées afin d’affirmer le diagnostic histo-
réévalués ou complétés pour rendre compte de certaines logique d’élastorrhexie à l’aide d’une coloration des fibres
observations clinico-biologiques telles que la présence de élastiques (par exemple l’orcéine) et d’une coloration de
phénotypes incomplets chez des porteurs de deux muta- la minéralisation (par exemple le von Kossa). L’atteinte
tions de ABCC6, de manifestations sévères chez des hétéro- cutanée clinique manque rarement au cours du PXE mais,
zygotes ⁵⁹ ou de l’existence de plusieurs phénocopies recon- même en l’absence de lésions visibles, la biopsie cutanée en
nues du PXE (cf. infra). zone bastion ou au niveau d’une cicatrice peut permettre
Les lésions élémentaires cutanées du PXE sont des papules de retrouver la dystrophie élastique caractéristique.
jaunâtres ou de couleur peau normale atteignant d’abord Les lésions cutanées de PXE sont en règle les premières à ap-
les faces latérales du cou (fig. 87.6) puis s’étendant à la nuque, paraître ⁶⁰. Elles doivent faire rechercher des lésions ophtal-
à la face antérieure du cou et à la peau des grands plis (axil- mologiques par un examen des fonds d’yeux à la recherche
laires, antécubitaux, inguinaux, poplités), à l’ombilic et à de stries angioïdes, correspondant anatomiquement à des
la face interne de la lèvre inférieure. Les papules tendent à déchirures de la membrane de Bruch à la face postérieure
confluer et peuvent être, au maximum mais très inconstam- de la rétine. Les stries angioïdes sont très souvent orien-
ment, responsables d’une perte d’élasticité cutanée avec tées vers la macula, la région paracentrale de la rétine res-
une peau apparaissant spontanément redondante (fig. 87.7). ponsable de la vision fine. Avant l’âge adulte, les stries an-
Une atteinte cutanée diffuse ou a contrario l’absence de lé- gioïdes peuvent manquer, mais il est possible d’observer
sions cutanées visibles sont possibles mais très rares. L’exa- d’autres remaniements rétiniens évocateurs de PXE : as-
men cutané retrouve parfois des papules acnéiformes du pect « peau d’orange » de la rétine, drusen papillaires, etc. ⁶¹.

 PXE pseudoxanthome élastique


Dystrophies héréditaires des fibres élastiques avec atteintes cutanée et cardiovasculaire 87-11

en inhibiteurs de la minéralisation et/ou en vitamine K ⁶²,


sont porteurs d’espoir pour l’avenir à moyen terme.
Les lésions cutanées peuvent bénéficier d’une exérèse chi-
rurgicale lorsque la peau est devenue « excédentaire » et
gênante. Les résultats esthétiques sont inconstants, en par-
ticulier en ce qui concerne la qualité de la cicatrisation. Les
complications néovasculaires rétiniennes sont traitées de-
puis plusieurs années par des injections intravitréennes
répétées d’anti-VEGF ⁶¹. La démonstration de l’efficacité
à moyen et surtout à long terme de ces traitements hors
AMM n’est pas faite et ils doivent être confiés à des équipes
entraînées. Mais l’expérience montre que ces traitements
paraissent être à ce jour ceux qui limitent le mieux la perte
d’acuité visuelle chez des patients pour qui la cécité était
quasi inéluctable quand les complications néovasculaires
avaient commencé. Si une cécité centrale bilatérale se dé-
veloppe, il convient de fournir aux patients les moyens
d’une rééducation de la vision périphérique. La prise en
charge des complications cardiovasculaires ischémiques ai-
guës n’est pas différente aujourd’hui chez les patients PXE
et dans la population générale. Le rapport bénéfice/risque
des anti-vitamine K au long cours est toutefois très incer-
tain.

Phénocopies du pseudoxanthome élastique


PXE acquis Un certain nombre de cas d’élastorrhexie sur-
viennent de façon retardée et a priori sans association à des
Coll. D. Bessis

mutations du gène ABCC6.


PXE d’origine toxique Très rares et décrits dans la littéra-
ture déjà ancienne, ils comprennent des lésions cutanées
Fig. 87.7 Pseudoxanthome élastique et peau redondante du cou (aspect observées chez des patients exposés au salpêtre ou à cer-
de cutis laxa) tains traitements (D-pénicillamine). Leur histoire naturelle
est très mal connue.
Les stries angioïdes sont habituellement asymptomatiques PXE péri-ombilical Il est principalement décrit chez la
per se mais peuvent être compliquées par la présence de femme noire américaine avec des facteurs de risque car-
néo-vaisseaux provenant de la choroïde sous-jacente. Ces diovasculaires incluant obésité, diabète, hypertension ar-
néo-vaisseaux, par leur simple présence ou à l’occasion de térielle, mais aussi multiparité. Les lésions cutanées sont
saignements répétés, peuvent être responsables d’un syn- habituellement limitées à la région péri-ombilicale et l’at-
drome maculaire : vision déformée voire scotome. La cé- teinte ophtalmologique absente.
cité du PXE n’est pas complète mais « limitée » à la partie PXE après transplantation d’organe Trois cas de PXE carac-
centrale du champ visuel occasionnant un handicap visuel téristiques, cutanés et ophtalmologiques, survenus chez
significatif (cécité légale). des jeunes femmes ayant subi une transplantation hépa-
L’atteinte artérielle du PXE n’est pas une athéromatose tique ont récemment été publiés ⁶³. Ces femmes n’avaient
mais une artériosclérose singulière des artères de moyen ni antécédents familiaux de PXE ni mutations de ABCC6. La
calibre avec calcifications des limitantes élastiques, princi- physiopathologie de ces PXE est en cours d’étude (organes
palement la limitante élastique interne. Les remaniements transplantés déficients en ABCC6 ? autre mécanisme ?).
endothéliaux sont inhabituels en l’absence d’autres fac- PXE et hémoglobinopathies bêta Des auteurs grecs et ita-
teurs de risque cardiovasculaire. Les symptômes d’« arté- liens rapportent depuis le début des années 1990 un phéno-
rite PXE » sont le plus souvent une claudication intermit- type PXE chez plus d’un tiers des patients thalassémiques
tente de membre. De façon remarquable pour une artério- bêta (ou plus rarement drépanocytaires). Ces PXE avec at-
pathie calcifiante, les index de pression systolique sont bas. teintes cutanée, ophtalmologique et cardiovasculaire sont
Contrairement à une idée reçue ayant la vie dure, il n’existe indépendants de mutations de ABCC6 et surviennent dans
pas de fragilité artérielle au cours du PXE : les gestes ar- la seconde moitié de la vie. Le mécanisme physiopatholo-
tériels diagnostiques ou thérapeutiques sont tout à fait gique n’est pas encore élucidé, mais il a été montré dans le
envisageables. modèle murin de la thalassémie bêta une diminution de la
Prise en charge Il n’existe pas à ce jour de traitement transcription de l’orthologue du gène ABCC6. Il pourrait
étiologique du PXE, mais les progrès physiopathologiques donc s’agir de PXE par déficit fonctionnel du transporteur.
récents, implication d’un facteur sérique circulant, ⁵⁷ déficit PXE génétique variant Ces formes exceptionnelles ont

 AMM autorisation de mise sur le marché · PXE pseudoxanthome élastique · VEGF vascular endothelial growth factor
87-12 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

été à l’origine de progrès physiopathologiques substantiels déficit quantitatif ou qualitatif au cours du SED vasculaire
pour la compréhension du PXE « classique ». rend compte des complications secondaires à la fragilité
PXE cutané sévère avec déficit en facteurs de coagulation dé- des vaisseaux et des tissus atteints ⁶⁶.
pendants de la vitamine K Cinq patients ont été décrits Deux formes cliniques sont individualisées : acrogérique
qui présentaient l’association d’un PXE cutané très sévère et ecchymotique (non acrogérique). Au cours de la forme
(avec élastorrhexie histologique), stries angioïdes non com- acrogérique, le visage a un aspect caractéristique confé-
pliquées, TP spontanément bas avec déficit en facteurs de rant un aspect sérieux et fragile : nez étroit et pincé, lèvres
coagulation dépendants de la vitamine K (et parfois des minces, peu ourlées et horizontales, joues creuses et pom-
saignements viscéraux graves) et absence de mutations re- mettes saillantes hautes, lobules des oreilles hypoplasiques
trouvées dans le gène ABCC6. Une étude du type « gène et yeux « proéminents », globuleux et enfoncés par atrophie
candidat » a permis d’associer ce phénotype à des muta- du tissu graisseux péri-orbitaire. La peau est fine, laissant
tions du gène GGCX qui code une carboxylase ⁶². Cette en- apercevoir le réseau veineux, en particulier au décolleté et
zyme active, en présence de vitamine K, des glycoprotéines sur l’abdomen (fig. 87.8). La flexion en avant du tronc laisse
telles que les facteurs de coagulation II, VII, IX et X (dans apparaître la circulation veineuse du dos ⁶⁷. Les mains et les
le foie) et des molécules inhibitrices de la minéralisation pieds ont un aspect prématurément vieilli (acrogéria), avec
(matrix gla protein, ostéocalcine, etc. dans les tissus péri- une peau très fine, sèche et flétrie, une disparition du tissu
phériques). Il a été démontré très récemment que c’est le adipeux, laissant les tendons et les veines anormalement
déficit de carboxylation des inhibiteurs de minéralisation, visibles (fig. 87.9). La fragilité cutanée (dermatorrhexie) se
par défaut enzymatique (dans le PXE variant) ou par dé- traduit par de nombreuses cicatrices dans les zones expo-
faut de vitamine K (dans le PXE classique) qui explique la sées aux traumatismes, genoux, face antérieure des jambes,
minéralisation pathologique dans ces deux affections très coudes, front. Ces cicatrices sont de mauvaise qualité, d’as-
proches ⁶⁴. pect fripé, très atrophiques comme du papier de cigarette
(fig. 87.10). La fragilité devient évidente dès l’acquisition de
Dysplasies héréditaires des fibres collagènes la marche. La peau se déchire largement, même pour un
choc minime, en particulier chez l’enfant au cours des jeux
Syndromes d’Ehlers-Danlos et du sport. Malgré des sutures soigneuses, les cicatrices
Ce groupe de maladies héréditaires du tissu conjonctif, hé- ont tendance à s’élargir secondairement. Des ecchymoses
térogène sur le plan phénotypique et génétique, est carac- multiples et parfois importantes sont fréquentes et sur-
térisé par une hyperélasticité cutanée, une hyperlaxité arti- viennent dans les suites de traumatismes minimes ou par-
culaire et une fragilité tissulaire dont le degré et le groupe- fois spontanément, en l’absence d’anomalie de l’hémostase.
ment sont très variables. Les syndromes d’Ehlers-Danlos Elles ne doivent pas faire porter à tort le diagnostic de sé-
(SED) sont liés à des mutations géniques entraînant des vices corporels à l’âge pédiatrique (fig. 87.11). Elles peuvent
anomalies du collagène. On individualise six types princi- être à l’origine de macules pigmentées cicatricielles par dé-
paux de SED ⁶⁵, les mutations géniques et le défaut molécu- pôts d’hémosidérine. Les signes d’hyperlaxité cutanée (à
laire qui en résultent étant identifiés pour la plupart d’entre rechercher sur la face antérieure de l’avant-bras) et arti-
eux (tableau 87.4). Les complications vasculaires graves au culaires communs aux formes classiques ou hypermobiles
cours des SED sont presque exclusivement l’apanage de la des SED, en particulier, sont généralement minimes ou ab-
forme vasculaire. sents. L’hyperlaxité articulaire est discrète et prédomine
sur les petites articulations, en particulier en extension
Syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire aux articulations métacarpophalangiennes des doigts. Des
Le SED vasculaire (ancien type IV) se distingue des autres entorses et/ou luxations à répétition des épaules, rotules
formes cliniques de SED par la sévérité des atteintes vas- et chevilles peuvent cependant être au premier plan. L’ab-
culaires, digestives et obstétricales, un morphotype acro- sence de frein labial inférieur ou lingual (fig. 87.12) est fré-
gérique inconstant et une hyperlaxité cutanée et articu- quente (65 % dans une série de 20 patients), mais est égale-
laire modérée. Il représente 4 à 10 % des SED et sa préva- ment notée au cours des formes classique et hypermobile
lence est estimée à 1/150 000 (prévalence globale des SED de SED (83-100 % suivant les séries) ⁶⁶,⁶⁸.
comprise entre 1/10 000 et 1/25 000). Toutefois, le diag- La fragilité et la rupture tissulaire constituent parfois le
nostic est particulièrement difficile à établir du fait d’une signe de découverte de la maladie, dans le cadre de l’urgence.
variabilité phénotypique importante, y compris entre su- Elles surviennent en moyenne au cours de la troisième
jets atteints d’une même famille et il est fréquent que les décennie, la première complication étant artérielle (près
enquêtes familiales et les tests génétiques révèlent la pré- d’1 cas sur 2), intestinale (perforation dans près de 20 %)
sence de patients paucisymptomatiques avec des manifes- ou par rupture d’organe plein (rein, foie ou rate) (5 %) ⁶⁶.
tations subcliniques, porteurs d’une mutation non ambi- Les complications artérielles chez un sujet jeune peuvent
guë ⁶⁶. Sa transmission est autosomique dominante et il est se révéler par un tableau d’hémorragie dans les cavités sé-
lié à des mutations du gène COL3A1 qui code pour la chaîne reuses, de fistule artérioveineuse, d’hémorragie rétropérito-
pro-α(1) du collagène de type III. Le collagène de type III néale. Ailleurs, on retrouve dans les antécédents la notion
est un constituant essentiel de la paroi des vaisseaux, de de rupture d’une artère de moyen calibre, dont témoignent
la peau, du tractus gastro-intestinal et de l’utérus, et son des cicatrices chirurgicales parfois multiples. La rupture

 PXE pseudoxanthome élastique · SED syndrome d’Ehlers-Danlos · TP taux de prothrombine


Dysplasies héréditaires des fibres collagènes 87-13

Tableau 87.4 Principales caractéristiques des syndromes d’Ehlers-Danlos


Mutation
Complications
Classification Transmission gène/Produit Critères diagnostiques majeurs Critères diagnostiques mineurs
biochimique cardiovasculaires
SED type AD COL5A1 Prolapsus valve Hyperextensibilité cutanée Hématomes faciles
classique (9q34.2-34) mitrale et/ou Cicatrices atrophiques Pseudotumeurs molluscoïdes
(anciens type I COL5A2 (2q31)/ tricuspide, dilatation Hyperlaxité ligamentaire Souris hypodermiques
gravis et type II Procollagène de la racine aortique Peau douce, velvétique Complications de l’hyperlaxité articulaire
mitis) type V Ruptures artérielles Hypotonie musculaire
rares Hématomes Complications chirurgicales
faciles Antécédent familial
AR TNX-B (6p21.3)/ Hématomes faciles Hyperextensibilité cutanée Peau douce et veloutée
Tenascine-X Hyperlaxité articulaire Complications de l’hyperlaxité articulaire
Absence de cicatrice atrophique ou de retard de
cicatrisation
SED type AD ? Hypotension, Hypermobilité articulaire Antécédents familiaux comparables, compatibles
hypermobile Haplo- tachycardie posturale Score Beighton > 5 avec transmission AD
(ancien type III insuffisance de orthostatique, Plus marquée chez l’enfant et la femme, Luxations et subluxations articulaires à répétition
hypermobile) la Tenascine-X dilatation de la racine diminuant avec l’âge Douleurs chroniques des articulations et des
dans quelques aortique (un quart Haplo-insuffisance de la Tenascine-X : membres
cas des cas) hypermobilité articulaire, peau douce, mais pas Ostéoarthrite, ostéoporose
Hématomes faciles d’hyperextensibilité cutanée ni d’hématomes Papules piézogéniques
Peau douce et veloutée avec hyperextensibilité Troubles fonctionnels digestifs (gastrite, colite)
modérée ou absente. Pas de fragilité cutanée, Palais haut et étroit, chevauchement dentaire,
peu ou pas de cicatrices atrophiques dysfonction temporomandibulaire
Rupture prématurée des membranes, délivrance
rapide, hyperlaxité articulaire et douleurs
majorées pendant la grossesse
SED type AD COL3A1 Fistule artérioveineuse Morphotype facial caractéristique Acrogeria
vasculaire (2q24.3-q31)/ carotidocaverneuse Peau fine, translucide Hyperlaxité des petites articulations
(ancien type IV) Procollagène Fragilité ou rupture Ecchymoses extensives Luxation congénitale de hanche
type III artérielle Fragilité ou rupture artérielle, digestive ou Rupture musculaire ou tendineuse
Ecchymoses extensives utérine Pied bot en varus équin
Varices précoces
Fistule artérioveineuse carotidocaverneuse
Pneumothorax ou pneumohémothorax
Rétraction gingivale
Histoire familiale évocatrice, mort subite
inexpliquée chez des parents proches
SED AR PLOD1 Hématomes faciles Hyperlaxité articulaire généralisée Peau hyperélastique
cyphoscoliotique (1p36.3-p36.2)/ Rupture artérielle Hypotonie musculaire (retard acquisition marche, Fragilité tissulaire, cicatrices atrophiques
(ancien type VI) Lysylhydroxylase menaçant la vie perte de la déambulation dans la 2 e ou 3 e Habitus marfanoïde
Prolapsus de la valve décade) Microcornée, myopie grave, glaucome et
mitrale Cyphoscoliose (présente à la naissance et décollement rétinien
Dilatation de la racine s’aggravant ensuite) Ostéoporose diffuse marquée
aortique Fragilité de la sclère et rupture du globe oculaire Histoire familiale avec d’autres cas dans la fratrie
(rare)
SED AD COL1A1 et Hématomes faciles Hypermobilité articulaire généralisée sévère Hématomes faciles
arthrochalasique COL1A2/ Subluxations et luxations récidivantes Hypotonie musculaire
(anciens Procollagène Luxation congénitale de hanche Cyphoscoliose
types VIIa et type I Hyperextensibilité cutanée Ostéoporose modérée
VIIb) Fragilité tissulaire, cicatrices atrophiques
SED type AR ADAMTS2/ Hématomes faciles Fragilité cutanée extrême Peau douce, pâteuse
dermatosparaxis Procollagène-N- Peau relâchée et redondante (ressemble à une Rupture précoce des membranes
(ancien type VII protéinase cutis laxa) Cicatrices en papier à cigarette
C) Hématomes faciles Hypermobilité articulaire généralisée progressive
Retard de croissance, pieds et mains courts Augmentation des plis palmaires
Hernies importantes (ombilicale, inguinale) Rupture vésicale
Retard de fermeture des fontanelles Rupture diaphragmatique
Autres types de SED
Ancien type V R liée à l’X ? Fragilité tissulaire
Scoliose
Histoire familiale
Ancien type VIII AD ? Mêmes signes que SED classique + friabilité
(autonomie périodontale
discutée) Chute des dents avant 30 ans
Ancien type X AR ? Déficit en Hypermobilité articulaire
fibronectine Cicatrisation difficile
Défaut de l’agrégation plaquettaire
AD : autosomique dominante ; AR : autosomique récessive ; R : récessive

aortique est mortelle en quelques minutes. Cet accident accident neurologique brutal peut évoquer aussi la rupture
dramatique est parfois retrouvé dans les antécédents fa- d’un anévrisme cérébral, ou une dissection des artères verté-
miliaux chez des adolescents ou des adultes jeunes. Un brales ou carotides. Les fistules carotido-caverneuses sont
87-14 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

Coll. Pr. A. Taïeb, Bordeaux


Fig. 87.9 Acrogéria avec visualisation anormale des tendons et
de la circulation veineuse du dos de la main au cours d’un syndrome
d’Ehlers-Danlos vasculaire

Coll. D. Bessis
Par rapport à l’hypoplasie du collagène, il peut exister une
augmentation relative des fibres élastiques normales ou ef-
filochées avec réapparition de la structure microfibrillaire.
La substance fondamentale est abondante. Mais surtout,
Fig. 87.8 Visualisation des veines sous-cutanées du dos lors de la les fibroblastes ont parfois un réticulum endoplasmique
flexion en avant du tronc au cours du syndrome d’Ehlers-Danlos très dilaté, témoignant d’un défaut de sécrétion du procolla-
gène III, cette rétention fibroblastique étant rencontrée sur-
responsables d’une symptomatologie moins aiguë avec cé- tout dans les SED vasculaires acrogériques. Elle peut aussi
phalées, exophtalmie pulsatile, thrill ⁶⁹. Rares chez l’enfant être mise en évidence en microscopie optique par immu-
avant 10 ans, ces ruptures artérielles surviennent dans nofluorescence ⁷¹. Dans les parois vasculaires, on retrouve
25 % des cas avant 20 ans et dans 80 % avant 40 ans. La aussi une raréfaction et une diminution impressionnante
médiane de durée de vie est de 48 ans ⁷⁰. Les varices d’appa- du calibre des fibrilles collagènes, expliquant la fragilité et
rition précoces sont également fréquentes. Il existe aussi les ruptures vasculaires ⁷².
une fragilité des parois abdominales avec souvent hernies L’étude du défaut biochimique précis en laboratoire haute-
inguinales ou ombilicales. Les parois du tube digestif sont ment spécialisé, compte tenu de la très haute technicité
fragiles, entraînant méga-œsophage, mégaduodénum, di- et des moyens nécessaires, est régulièrement citée en mé-
verticulose étendue. Mais il faut penser à la rupture diges- thode de référence pour le diagnostic ⁶⁶. Elle nécessite un
tive, du côlon et du sigmoïde surtout, devant un tableau prélèvement cutané pour disposer d’une culture de fibro-
abdominal aigu dramatique. Là encore, il peut exister un blastes et rechercher une anomalie quantitative de la sé-
antécédent similaire auquel le patient a survécu malgré la crétion du collagène III et, en l’absence de diminution, la
gravité de cet accident. Chez l’enfant de sexe masculin, il y
a parfois une diminution de la force du jet urinaire qui doit
faire rechercher un ou des diverticules géants de la vessie
pouvant entraîner par leur volume une compression uré-
trale. Au niveau pulmonaire, la fragilité tissulaire peut se
manifester par un pneumothorax ou un pneumomédiastin
parfois une trachéobronchomalacie responsable d’apnées
du sommeil ⁶⁶.
La biopsie cutanée est souvent peu démonstrative en micro-
scopie optique mais permet d’objectiver l’amincissement
du derme, avec hypoplasie du collagène dont les faisceaux
horizontalisés et grêles manquent de cohésion, et une
béance des vaisseaux. La microscopie électronique de la
Coll. D. Bessis

biopsie cutanée apporte de façon inconstante des résultats


plus précis, mais sa réalisation en France n’est pas faite
en routine. L’hypoplasie du collagène est manifeste avec
des fibrilles très raréfiées, de calibre diminué, mal assem- Fig. 87.10 Cicatrices fripées, atrophiques et larges des genoux au cours
blées au sein des faisceaux collagènes, d’aspect ébouriffé. d’un syndrome d’Ehlers-Danlos

 SED syndrome d’Ehlers-Danlos


Dysplasies héréditaires des fibres collagènes 87-15

Coll. D. Bessis
Fig. 87.12 Absence de frein lingual au cours d’un syndrome
d’Ehlers-Danlos de type classique

Une kinésithérapie adaptée pourrait, en développant les


muscles de l’épaule, éviter les récidives. Les interventions
orthopédiques sont possibles, mais la fragilité des tissus
favorise les récidives.
Les ruptures artérielles peuvent se produire sur n’importe
Coll. D. Bessis

quelle artère, sans que cela soit prévisible car ces déchi-
rures artérielles ne sont habituellement pas précédées
d’anévrisme, ni de dilatation de la racine aortique. Une
Fig. 87.11 Multiples plaies, cicactrices et hématomes cutanés au cours surveillance vasculaire a donc un intérêt discutable. Si on
d’un syndrome d’Ehlers-Danlos de type classique pouvant faire porter le souhaite la faire, il faut en tout cas qu’elle soit atrauma-
diagnostic de sévices corporels tique, en proscrivant les artériographies par ponction arté-
rielle, susceptibles d’occasionner des déchirures artérielles
recherche d’une anomalie qualitative de la migration élec- graves. L’angiographie veineuse par soustraction, le scan-
trophorétique des pro-chaînes. La recherche de mutations ner ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sans
géniques pathogènes non ambiguë du gène COL3A1 par injection, l’échographie doivent être préférées. Les traite-
analyse de l’ARN permet un diagnostic de certitude mais ments préventifs, en dehors de la réduction d’une hyper-
reste négative chez 40 % des patients présentant un profil tension artérielle qui pourrait favoriser ces ruptures, n’ont
anormal du collagène de type III sur l’électrophorèse. Un pas fait la preuve de leur efficacité. Les bêtabloquants sont
diagnostic prénatal est théoriquement possible pour les en cours d’évaluation sur la morbimortalité (céliprolol dans
familles dont la mutation est caractérisée. l’étude BBEST [Beta-blocker Ehlers-Danlos study]). Les rup-
Le bilan général comprend l’étude des portions distales tures artérielles et digestives sont des urgences vitales. Il
des artères des membres et des troncs supra-aortiques par est souhaitable que le sujet chez qui un SED vasculaire a
échographie Doppler, des valvules cardiaques par échogra- été diagnostiqué porte une carte le mentionnant car la chi-
phie et de l’aorte thoracoabdominale et de ses branches à rurgie est alors délicate et il importe que le chirurgien le
destinée viscérale par angiotomodensitométrie ⁶⁶. Il faut sache pour être le plus atraumatique possible. Les ruptures
s’abstenir de toute exploration invasive qui peut mener digestives sont volontiers récidivantes et certains sont al-
à des déchirures artérielles extensives. Les autres inves- lés jusqu’à préconiser une colectomie partielle ou même
tigations, notamment radiologiques, sont demandées en totale prophylactique.
fonction des signes d’appel cliniques. Conseil génétique C’est surtout chez l’adulte jeune en
Prise en charge des patients ⁶⁶ Les patients doivent bé- âge de procréer qu’il est sollicité et le patient doit être très
néficier de mesures préventives ou curatives des signes et bien informé des risques de sa maladie et du mode de trans-
des complications de leur maladie. Pour prévenir les com- mission de type autosomique dominant. Chez les femmes,
plications liées à la fragilité tissulaire, les traumatismes toute grossesse est contre-indiquée. Si la grossesse survient
sont à éviter (jeux et sports violents) ainsi que la plongée tout de même ou si l’anomalie génique a déjà été identi-
sous-marine en raison du risque de pneumothorax. Les fiée dans la famille, la sévérité des risques peut justifier
cicatrices inesthétiques peuvent être reprises chirurgicale- un diagnostic prénatal, sur les cellules fœtales obtenues
ment, avec une amélioration appréciable si les sutures sont par amniocentèse (à 15 à 18 semaines de gestation) ou vil-
très soigneuses. Elles doivent l’être aussi pour un trauma- losités choriales (10-12 semaines). L’amniocentèse n’est
tisme récent où toute plaie doit être suturée. Sur le plan cependant pas sans risque chez la femme enceinte atteinte
articulaire, les luxations se réduisent en général facilement. de SED vasculaire.

 IRM imagerie par résonance magnétique · SED syndrome d’Ehlers-Danlos


87-16 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Martin L, Beylot C, Bessis D. Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine,
vol. 4 : Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 87.1-87.17.
88
Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés
Charlotte Pernet, Didier Bessis

Voie RAS/MAPKinases 88-1 Syndrome de Watson 88-9


Syndrome LEOPARD 88-2 Syndrome neurofibromatose-Noonan 88-9
Syndrome de Noonan 88-5 Syndrome NF-1 avec microdélétion 88-9
Syndrome cardio-facio-cutané 88-6 Syndrome de Legius 88-9
Syndrome de Costello 88-7 Références 88-10
NF-1, syndrome de Watson, syndrome
neurofibromatose-Noonan et syndrome NF-1 avec
microdélétion 88-8

lui plus général des RASopathies sur la base du mécanisme


L e concept de syndromes neuro-cardio-facio-cutanés
(SNCFC) a été individualisé en 2006 afin de grouper
des affections héréditaires comportant de nombreux ca-
pathogénique biochimique commun d’atteinte de la voie
RAS/MAPKinases ³. Ainsi, les RASopathies intègrent ac-
ractères phénotypiques communs, à des degrés variables : tuellement, outre les SNCFC, la fibromatose gingivale héré-
1o dysmorphie cranio-faciale, 2o retard de croissance, ditaire de type 1 (gène SOS1), les malformations capillaires-
3o retard mental ou troubles de l’apprentissage, 4o mal- malformations artérioveineuses (gène RASA1 codant pour
formations cardiaques (le plus souvent sténose valvulaire la protéine p120-GAP), le syndrome lymphoprolifératif
pulmonaire et cardiomyopathie hypertrophique), 5o ano- avec auto-immunité (gène NRAS) (fig. 88.1). Le démembre-
malies cutanées et, pour certaines d’entre elles, une prédis- ment de nouvelles affections rattachées à cette voie bio-
position à certaines hémopathies et tumeurs solides ma- chimique RAS/MAPKinases n’est probablement pas ter-
lignes, liées sur un plan physiopathologique à une dérégula- miné comme en témoigne la récente caractérisation du
tion de la voie de signalisation cellulaire RAS-MAPKinase ¹. syndrome lié à la mutation du gène CBL qui prédispose au
Les SNCFC regroupent la neurofibromatose de type 1, le développement de leucémie myélomonocytaire juvénile ⁴.
syndrome de Legius, le syndrome LEOPARD, le syndrome
de Noonan, le syndrome de Costello et le syndrome cardio- Voie RAS/MAPKinases
facio-cutané (SCFC). Si la plupart de ces affections sont
aisément distinguables sur un plan clinique, avec ou sans La voie RAS/MAPKinases (MAP pour mitogen activated
critères diagnostiques, aucune ne comporte cependant de protein) constitue l’une des voies de signalisation cellu-
signe pathognomonique. Par ailleurs, de nombreuses ob- laire relayant des stimulis extracellulaires (facteurs de crois-
servations attestent de fortes homologies cliniques ou de sance, petites molécules) à l’intérieur de la cellule ⁵ par
formes de chevauchements entre ces différentes maladies. le biais de l’activation de récepteurs de surface cellulaire
Ces dernières années, la découverte des mutations germi- comme les récepteurs tyrosine kinase (RTK), les récepteurs
nales de ces différentes affections a renforcé ce concept cytokiniques, les récepteurs couplés aux protéines G et
unificateur clinique et biochimique de SNCFC. À titre les récepteurs de la matrice extracellulaire (fig. 88.1). RAS
d’exemple, un phénotype avec des anomalies morpholo- est un membre de la superfamille des petites protéines
giques « de type Noonan » peut s’observer au cours de GTPases monomériques et se compose de 4 protéines dis-
l’ensemble des SNCFC et être secondaire à des mutations tinctes, HRAS, NRAS, KRAS4A et KRAS4B (ces deux der-
germinales d’au moins 9 gènes différents (tableau 88.1). In- nières protéines étant issues de l’épissage alternatif du
versement, un même gène muté comme PTPN11, peut dernier exon de KRAS). Une mutation somatique du gène
rendre compte de phénotypes cliniques clairement dis- RAS représente l’un des principaux mécanismes de cancé-
tincts, en particulier sur un plan dermatologique, comme rogenèse (dérégulation de la croissance cellulaire, apoptose,
au cours du syndrome LEOPARD et du syndrome de Noo- néoangiogenèse), mise en évidence dans près de 20 à 30 %
nan ². Le concept des SNCFC a été récemment étendu à ce- des tumeurs. RAS intervient également dans divers pro-

 NF-1 neurofibromatose de type 1 · RTK récepteurs tyrosine kinase · SCFC syndrome cardio-facio-cutané · SNCFC syndrome neuro-cardio-facio-cutané
88-2 Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés

SYNDROME LIÉ NEUROFIBROMATOSE type 1


À LA MUTATION SYNDROME DE WATSON
DU GÈNE CBL SYNDROME NF1-NOONAN
Facteur SYNDROME NF1 AVEC MICRODÉLÉTION
de croissance

EXTRACELLULAIRE
COMPARTIMENT
INTRACELLULAIRE Neurofibromine p120 GAP
Récepteur SYNDROME DE
tyrosine
kinase RAS-GDP RAS-GTP COSTELLO
CBL GRB2
SOS1
P SHP2 NRAS HRAS
P KRAS
- SPRED 1 SYNDROME DE
SYNDROME DE P LEGIUS
RAF
NOONAN MAPKKK

RAF 1 ARAF BRAF

SYNDROME SYNDROME
LEOPARD P
MEK CARDIO-FACIO-CUTANÉ
MAPKK

MEK 1
MEK 2

AU
NOY P
Transcription ERK
MAPK
Régulation

Coll. D. Bessis
Prolifération ERK 1 ERK 2
Différenciation
Survie Voie MAPKinase

Fig. 88.1 Voie RAS/MAPKinases : son activation débute par la fixation d’un ligand (par exemple un facteur de croissance) sur un récepteur tyrosine kinase
composé de deux monomères, aboutissant à sa dimérisation puis à son autophosphorylation et son activation, et permettant un recrutement de protéines
intracellulaires comme SHP-2 et GRB2 qui recrutent au niveau de la membrane cellulaire la protéine SOS1 favorisant l’échange de guanosine diphosphate
(GDP) contre du guanosine triphosphate (GTP), et permettant ainsi le passage d’une forme inactive de RAS (RAS-GDP) à sa forme active RAS-GTP. Le retour
de RAS à l’état inactif est spontané, grâce à l’activité GTPasique intrinsèque de RAS. Cette activité GTPasique est accélérée par des protéines GAP (protéines
activatrices de GTPase), comme par exemple la neurofibromine ou la protéine p120GAP. RAS-GTP active directement la voie de signalisation MAPKinases se
traduisant par une cascade des activités de phosphorylation sur trois niveaux successifs : 1o les MAP Kinase Kinase Kinase (MAPKKK) comprenant RAF-1
(ou CRAF), BRAF et/ou ARAF, 2o les MAP Kinase Kinase (MAPKK) comprenant MEK-1 et/ou MEK-2, et 3o les MAP kinase (MAPK) comprenant ERK1
et/ou ERK2. Ces dernières protéines sont les ultimes effecteurs à activité cytosolique ou nucléaire. Transloquées dans le noyau cellulaire, elles phosphorylent
les facteurs de transcription permettant la transcription de l’ensemble des gènes responsables de fonctions cellulaires vitales comme la réplication de l’ADN,
la régulation du cycle cellulaire, la différenciation et le contrôle de la croissance cellulaire.

cessus neuronaux comme l’apprentissage, la mémoire et protéine p120GAP. RAS-GTP active directement la voie de
la plasticité synaptique. Son activation au sein de la voie signalisation MAPKinases se traduisant par une cascade
RAS/MAPKinases débute par la fixation d’un ligand (par des activités de phosphorylation sur trois niveaux succes-
exemple un facteur de croissance) sur un RTK composé sifs : (1) les MAP Kinase Kinase Kinase (MAPKKK) com-
de deux monomères, aboutissant à sa dimérisation puis prenant RAF-1 (ou ARAF), BRAF et/ou CRAF, (2) les MAP
à son autophosphorylation et son activation, et permet- Kinase Kinase (MAPKK) comprenant MEK-1 et/ou MEK-2,
tant un recrutement de protéines intracellulaires comme et (3) les MAP kinase comprenant ERK1 et/ou ERK2. Ces
SHC, SHP-2 et GRB2 qui se lient aux RTK par leurs do- dernières protéines sont les ultimes effecteurs à activité
maines SH2. Ces molécules recrutent au niveau de la mem- cytosolique ou nucléaire. Transloquées dans le noyau cel-
brane cellulaire la protéine SOS1, à activité GEF (pour GTP lulaire, elles phosphorylent les facteurs de transcription
Exchange Factors), activité favorisant l’échange de guano- permettant la transcription de l’ensemble des gènes respon-
sine diphosphate (GDP) contre du guanosine triphosphate sables de fonctions cellulaires vitales comme la réplication
(GTP), et permettant ainsi le passage d’une forme inactive de l’ADN, la régulation du cycle cellulaire, la différenciation
de RAS (RAS-GDP) à sa forme active RAS-GTP. Cette ac- et le contrôle de la croissance cellulaire.
tivation peut être inhibée par les protéines de la famille
Sprouty, comme par exemple la protéine SPRED1. Le re- Syndrome LEOPARD
tour de RAS à l’état inactif est spontané, grâce à l’activité
GTPasique intrinsèque de RAS. Cette activité GTPasique Le syndrome LEOPARD (SyL) ou syndrome des lentigines
est accélérée par des protéines GAP (protéines activatrices multiples est une affection génétique autosomique domi-
de GTPase), comme par exemple la neurofibromine ou la nante à forte pénétrance et d’expressivité variable. Dans

 RTK récepteurs tyrosine kinase · SyL syndrome LEOPARD


Syndrome LEOPARD 88-3

Tableau 88.1 Principales caractéristiques des syndromes neuro-cardio-facio-cutanés


Gène Retard Risque
Locus Protéine Cœur Peau Visage Autres
muté mental oncologique
Syndrome LEOPARD PTPN11 12q24.1 SHP2 Absent à Sténose valvulaire Lentigines multiples De type Noonan Inconnu Petite taille
(95 %) léger (dif- pulmonaire (40 %) Taches café au lait Rares cas de Surdité
BRAF (rare) 7q34 BRAF ficultés Cardiomyopathie Taches café noir leucémie aiguë neuro-sensorielle
RAF1 (rare) 3p25 RAF1 d’appren- hypertrophique myéloïde, leucémie Anomalies
tissage) (80 %) aiguë génito-urinaires
Anomalies électrocar- lymphoblastique, Anomalies
diographiques neuroblastome, squelettiques
(74 %) tumeurs à cellules
géantes
Syndrome de PTPN11 12q24.1 SHP2 Absent Sténose valvulaire Cheveux frisés Visage triangulaire, Syndromes Petite taille
Noonan (50 %) à léger pulmonaire Cheveux et sourcils hypertélorisme, myélodysplasiques Pectus
SOS1 2p22-p21 SOS1 (40-50 %) épars épicanthus, fentes type leucémie Cryptorchidie
(10-15%) Communication Nævus multiples palpébrales orientées myélo-monocytaire Retard pubertaire
KRAS (2 %) 12p12.1 KRAS interauriculaire Fetal pads en bas et en dehors, juvénile Surdité de perception
NRAS (1 %) 1p13.2 NRAS (15 %) Tendance aux nez court et large à Leucémie aiguë Anomalies
SHOC2 10q25 SHOC2 Cardiomyopathie hématomes racine déprimée, lymphoblastique, ophtalmologiques
(2 %) hypertrophique Lymphœdème oreilles bas leucémie aiguë Tendance au
MEK1 (1 %) 15q21 MEK1 (10 %) Cheveux anagènes implantées en myéloïde saignement
BRAF (rare) 7q34 BRAF Canal caduques (mutation rotation postérieure, Rhabdomyosarcome,
RAF1 (rare) 3p25 CRAF atrioventriculaire gène SHOC2) ptosis, cou court et neuroblastome,
Coarctation aortique palmé (pterygium tumeurs à cellules
Communication colli), iris bleu clair géantes de la
interventriculaire mâchoire
Syndrome BRAF 7q34 BRAF Modéré Sténose valvulaire Kératose pilaire De type Noonan Inconnu (rares cas Petite taille
cardio-facio-cutané (50-75 %) à sévère pulmonaire (45 %) rouge atrophiante mais visage plus de leucémie aiguë Macrocéphalie
KRAS 12p12.1 KRAS Cardiomyopathie des sourcils large, non lymphoblastique, Anomalies
(< 10 %) hypertrophique (ulérythème triangulaire, avec hépatoblastome) ophtalmologiques
MEK1 15q21 MEK1 (40 %) ophryogène) constriction (strabisme)
(15 % ?) Communication Kératose pilaire des bitemporale Difficultés
MEK2 19p13.3 MEK2 interauriculaire membres et du alimentaires
(10 % ?) (23 %) visage néonatales
Communication Cheveux épars, Anomalies
interventriculaire bouclés ou frisés, squelettiques
Canal fins et de croissance
atrioventriculaire lente, alopécie
temporale
Sourcils épars ou
absents
Nævi multiples
Hyperkératose des
membres
Syndrome de HRAS 11p15.5 HRAS Modéré Cardiomyopathie Excès de peau des Traits grossiers, front Rhabdomyosarcome Petite taille
Costello (100 %) à sévère hypertrophique mains et pieds large, nez court avec (10-30 %) Macrocéphalie
(34 %) Plis profonds racine déprimée, Neuroblastome Hydramnios
Troubles du rythme palmo-plantaires fentes palpébrales Carcinome vésical Difficultés
(33 %) Papillomatose anti-mongoloïdes, alimentaires
Sténose valvulaire périorale et nasale épicanthus, néonatales
pulmonaire (15 %) Cheveux frisés et strabisme, Anomalies
Communication épars implantation basse squelettiques
interauriculaire Hyperpigmentation des oreilles en
Communication rotation postérieure
interventriculaire et lobes charnus,
joues pleines,
macroglossie, lèvres
charnues, cou court
Neurofibromatose de NF1 17q11.2 Neurofi- Absent à Sténose valvulaire Taches café au lait Parfois de type Tumeur maligne des Macrocéphalie
type 1 (NF-1) bromine léger (dif- pulmonaire Lentigines bilatérales Noonan (syndrome gaines nerveuses Nodules de Lisch
ficultés (syndrome de des plis axillaires et neurofibromatose- (8-13 %)
d’appren- Watson, inguinaux Noonan et syndrome Rhabdomyosarcome
tissage) syndrome NF-1 avec Neurofibromes NF-1 avec Neuroblastome
microdélétion) Hyperpigmentation microdélétion) Leucémie
Hamartomes myélomonocytaire
anémiques juvénile
Xanthogranulomes
juvéniles (rares)
Syndrome de Legius SPRED1 15q13.2 SPRED1 Absent Inconnu Taches café au lait Parfois de type Inconnu Macrocéphalie
à léger Sténose valvulaire Lentigines des plis Noonan Rares cas de
pulmonaire dans axillaires et Macrocéphalie leucémie aiguë
1 cas inguinaux (uni- ou (inconstante) myéloblastique,
bilatérales) leucémie aiguë
Lipomes monoblastique

 NF-1 neurofibromatose de type 1


88-4 Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés

95 % des cas, il est lié à des mutations du gène PTPN11 ⁶,⁷, Manifestations cliniques du syndrome LEOPARD
également impliqué dans le syndrome de Noonan, et plus Lentigines (près de 100 %)
rarement à des mutations des gènes BRAF ⁸ et RAF1 ⁹. Le Anomalies cardiaques (80-90 %)
gène PTPN11 code pour la protéine SHP2 qui a une activité Cardiomyopathie hypertrophique (80%)
de type phosphatase sur les résidus tyrosines phosphorylés. Sténose valvulaire pulmonaire (40 %)
Toutes les mutations du gène PTPN11 identifiées au cours Anomalies électrocardiographiques :
du SyL sont localisées au niveau des exons 7, 12 et 13 et – Déviation de l’axe gauche (30 %)
portent sur le domaine catalytique protéine tyrosine phos- – Troubles de conduction ventriculaire
phatase (PTP) de SHP2. Elles sont responsables d’activités – Hypertrophie ventriculaire droite ou gauche
catalytiques déficientes par effet « dominant négatif » (di- Prolapsus valvulaire mitral, sténose aortique, arythmie, fibrose de l’en-
minution supplémentaire d’activité par rapport à la simple
docarde, myxome de l’oreillette
situation d’haplo-insuffisance) conduisant à une « activa-
Anomalies génito-urinaires (26 %)
tion aberrante » de la voie RAS ¹⁰.
Cryptorchidie bilatérale (50 %)
Près de 200 observations de syndrome LEOPARD ont été
Autres : hypospadias, absence ou hypoplasie ovarienne, malformations
rapportées. Cette fréquence est peut-être sous-évaluée en
urétérales, agénésie rénale
raison de formes paucisymptomatiques. L’acronyme LEO-
Retard de croissance (30 %)
PARD a été défini en 1969 par Gorlin ¹¹ pour regrouper les
Retard psychomoteur (30 %)
différentes anomalies observées : L pour multiple lentigines,
E pour electrocardiographic conduction abnormalities, O pour Difficultés minimes d’apprentissage
ocular hypertelorism, P pour pulmonary stenosis, A pour Retard mental rare
abnormalities of genitalia, R pour retardation of growth et Surdité neurosensorielle, baisse de l’audition (25 %)
D pour sensorineural deafness (surdité). Cet acronyme mné- Hypertélorisme (quasi constant)
motechnique est cependant restrictif puisque les 7 groupes Anomalies électro-encéphalographiques (15 %)
d’anomalies sont rarement réunis dans les différentes ob- Autres anomalies
servations et ne rendent pas compte de nombreuses autres Musculo-squelettiques : pectus excavatum ou carinum, cyphoscoliose
malformations fréquemment rencontrées, en particulier cé- (10 %), hyperlaxité articulaire, syndactylie, anomalies costales
rébrales et dysmorphiques. La définition du syndrome LEO- Endocriniennes : retard pubertaire, hypothyroïdie
PARD a été élargie par la suite dans une large revue clinique Cranio-faciales : de type Noonan, prognatisme, ptosis, dents surnu-
par Voron ¹² au syndrome des lentigines multiples. Ce der- méraires
nier se définit comme une lentiginose disséminée associée Cérébrales : malformation de Budd-Chiari, agénésie du corps calleux,
à deux des critères suivants : autres anomalies cutanées, nystagmus
anomalies cardiaques, anomalies électrocardiographiques, 88.A
anomalies endocriniennes, anomalies génito-urinaires, dé-
ficits neurologiques, dysmorphie craniofaciale parfois évo- Parmi les autres signes cutanés rapportés, les taches café
catrice d’un syndrome de Noonan, retard de croissance, ano- au lait sont fréquentes (jusqu’à 75 % des cas) et précoces,
malies squelettiques, antécédent familial compatible avec se développant durant les premiers mois de vie. Elles sont
une transmission autosomique dominante (encadré 88.A). En parfois associées à des éphélides axillaires ou inguinales
l’absence de lentigines, la présence d’au moins trois critères ou des neurofibromes. Elles peuvent alors faire discuter
et une atteinte familiale du premier degré avec le syndrome un syndrome de chevauchement avec la neurofibromatose
défini ci-dessus est nécessaire. de type 1 et sa variante allélique, le syndrome de Watson,
Les lentigines de couleur brune à noire sont généralement caractérisée par l’association de taches café au lait, d’une sté-
de petite taille (inférieure à 5 mm), parfois plus grandes nose valvulaire pulmonaire et d’une intelligence infranor-
(jusqu’à 5 cm) et décrites comme des taches « café noir » male. La survenue d’une hyperpigmentation diffuse, d’une
(fig. 88.2). Rarement congénitales, elles débutent au cours de hypopigmentation vitiligineuse, d’anomalies des dermato-
l’enfance, en moyenne vers l’âge de 4-5 ans, augmentant en glyphes, d’une hyperélasticité cutanée avec hyperlaxité ar-
nombre avec l’âge jusqu’à la puberté. Leur localisation se ticulaire, de palmures interdigitales, de tumeurs multiples
fait constamment à l’extrémité céphalique (fig. 88.3) et pré- d’Abrikossoff et de dystrophies unguéales a été ponctuelle-
férentiellement à la partie supérieure du tronc, du cou et ment décrite.
des membres supérieurs. Les paumes (fig. 88.4), les plantes Les anomalies cardiaques précèdent le plus souvent la surve-
et les organes génitaux externes sont fréquemment tou- nue des lentigines ¹⁷. Elles sont de trois types : 1o cardio-
chés, tandis que les muqueuses et le fundus de l’œil sont le myopathie hypertrophique (80 %) le plus souvent gauche
plus souvent épargnés ¹³-¹⁵. La présence des lentigines est et asymétrique, d’évolution progressive et constituant une
pratiquement constante au cours du SyL, mais des formes cause majeure de morbidité, parfois de décès ; 2o sténose
familiales incomplètes sans lentigines, probablement en valvulaire pulmonaire typiquement ou dysplasie de la valve
rapport avec une pénétrance incomplète de la maladie ont pulmonaire (40 %). Des cas de sténose pulmonaire infundi-
été rapportées, posant le problème du diagnostic différen- bulaire ou supravalvulaire, d’anomalies des valves aortique,
tiel avec le syndrome de Noonan dans les cas de formes mitrale et des artères coronaires ont également été rappor-
sporadiques ¹⁶. tées ; 3o anomalies électrocardiographiques (75 %) par

 SyL syndrome LEOPARD


Syndrome de Noonan 88-5

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 88.2 Lentigines et tache « café noir » au cours du syndrome
LEOPARD

déviation gauche de l’axe (un tiers des cas) et anomalies Fig. 88.3 Lentigines multiples au cours du syndrome LEOPARD
de la conduction en rapport avec un allongement de l’inter-
valle PR, un hémibloc antérieur ou postérieur gauche, un
bloc de branche ou un bloc auriculo-ventriculaire complet.
Chez la majorité des patients, ces anomalies électrocardio-
graphiques sont asymptomatiques, mais des cas de mort
subite ont été observés. Le traitement cardiologique du SyL
est préventif et commun à l’ensemble des SNCFC : suivi
cardiologique régulier annuel à la recherche d’anomalies
électrocardiographiques ou du développement d’une cardio-
myopathie obstructive ; réduction des exercices physiques
intensifs ; utilisation de bêtabloqueurs, d’inhibiteurs cal-
ciques, d’amiodarone préconisé symptomatiquement dans
Coll. D. Bessis

certains cas d’hypertrophie ventriculaire. Les sténoses val-


vulaires pulmonaires minimes sont de bon pronostic. Une
dysplasie valvulaire sévère de la valve pulmonaire peut
conduire à une valvulotomie ou une valvulectomie. Fig. 88.4 Lentigines palmaires au cours du syndrome LEOPARD
Le risque oncologique est inconnu, limité à de rares obser-
vations de SyL associé à des leucémies aiguës myéloïde ou estimée entre 1/1 000 et 1/2 500 naissances. Il est lié à des
lymphoblastique, de neuroblastome et de tumeurs à cel- mutations des gènes PTPN11 ¹⁸ (environ 50 %) ou SOS1 ¹⁹
lules géantes. (10-15 %), plus rarement des gènes KRAS ²⁰ (2 %), NRAS ²¹
(1 %), SHOC2 ²² (2 %), MEK1 ²³ (1 %), BRAF ⁸ et RAF1 ²⁴
Syndrome de Noonan (rares). La majorité des mutations des gènes PTPN11 et
SOS1 sont de type faux-sens et responsables d’un effet
Le syndrome de Noonan (SN) est une affection autoso- « gain de fonction » des protéines codées, respectivement
mique dominante à pénétrance quasi complète et expressi- SHP2 et SOS1. La présentation clinique est typiquement
vité variable, familiale dans 20 % des cas. Sa fréquence est marquée par une petite taille à début post-natal (50-60 %),

 SN syndrome de Noonan · SNCFC syndrome neuro-cardio-facio-cutané · SyL syndrome LEOPARD


88-6 Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés

des anomalies thoraciques avec déformation en pectus cari- justifiant une surveillance cardiaque au long cours. Elle est
natum supérieur et/ou pectus excavatum inférieur (70-95 %), plus fréquente en cas de mutation du gène RAF1 (90 %).
un espacement augmenté des mamelons, et diverses ano- Les signes dermatologiques du SN sont décrits de façon hé-
malies morphologiques évocatrices du visage et du cou ²⁵ : térogène dans la littérature. Le lymphœdème, secondaire
visage triangulaire ; anomalies des oreilles (44-90 %) bas à une hypoplasie ou une dysplasie lymphatique congéni-
implantées et en rotation postérieure ; anomalies oculaires tale, est rapporté dans 20 % des cas et atteint les membres
(95 %) : hypertélorisme, ptosis, fentes palpébrales orien- inférieurs (fig. 88.5) ou le scrotum ²⁵,²⁸. Une tendance aux
tées en bas et en dehors (antimongoloïdes), épicanthus ; hématomes est classiquement décrite (jusqu’à 41 % des
nez court avec racine déprimée et pointe nasale et ailes na- patients) ²⁹. La persistance de fetal pads, définis comme
rinaires élargies, micrognathie (22 %) ; philtrum profond des coussinets pulpaires des doigts et orteils, semble fré-
(95 %) ; et anomalies du cou (95 %) court et souvent palmé quente (jusqu’à 67 % des patients) ³⁰. Plusieurs observa-
(pterygium colli). Des retards du développement psychomo- tions mentionnent l’association du syndrome de Noonan
teur, généralement minimes, sont observés dans 15 à 35 % et de tumeurs à cellules granuleuses cutanées ³¹,³², de cu-
des cas. tis verticis gyrata ³³, de cheveux épars et/ou naturellement
Les anomalies cardiaques sont présentes dans 80 % des bouclés ou frisés, de sourcils épars, de taches café au lait ³⁴,
cas ²⁶,²⁷ : sténose valvulaire pulmonaire (40-50 %), commu- d’une hyperélasticité cutanée (fig. 88.6), de nævus multiples
nication interauriculaire (15 %), cardiomyopathie hyper- (fig. 88.7) ³⁵ et d’une tendance aux hématomes (fig. 88.8). Une
trophique (10 %), plus rarement canal atrioventriculaire, kératose pilaire rouge atrophiante avec atteinte des sour-
sténose des branches de l’artère pulmonaire, coarctation cils (ulérythème ophryogène), classiquement considérée
de l’aorte, insuffisance mitrale, tétralogie de Fallot, com- comme l’apanage du syndrome cardio-facio-cutané, peut
munication inter-ventriculaire, et persistance du canal ar- être également observée au cours du syndrome de Noo-
tériel ²,²⁵. La cardiomyopathie hypertrophique peut être nan, plus particulièrement lié à des mutations de SOS1 ³¹,³⁶.
présente dès la naissance ou se développer avec le temps, Enfin la présence de cheveux anagènes caduques a été dé-
crite chez vingt-cinq patients porteurs d’une forme particu-
lière de syndrome de Noonan liée à une mutation du gène
SHOC2 ²².
Le risque oncologique est marqué par le risque de dévelop-
pement d’un syndrome myéloprolifératif de type leucémie
myélomonocytaire juvénile, de leucémie aiguë lymphoblas-
tique et de leucémie aiguë myéloïde, plus rarement de rhab-
domyosarcome, de neuroblastome et de tumeurs à cellules
géantes de la mâchoire ³,³¹.

Syndrome cardio-facio-cutané
Le syndrome cardio-facio-cutané est une affection excep-
tionnelle (une soixantaine d’observations rapportées en
2006) liée à des mutations des gènes BRAF (50-75 %),
MEK1 (5-10 %) et MEK2 (5-10 %) et KRAS ³⁷. La plupart
des cas sont sporadiques. Ses traits phénotypiques sont
proches du SN : retard de croissance post-natal, hypotonie,
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 88.5 Lymphœdème congénital des membres inférieurs au cours Fig. 88.6 Excès de peau du dos de la main au cours d’un syndrome de
d’un syndrome de Noonan Noonan

 SN syndrome de Noonan
Syndrome de Costello 88-7

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 88.9 Kératose pilaire rouge du membre supérieur et pectus


Fig. 88.7 Pectus excavatum, espacement augmenté des mamelons et excavatum au cours d’un syndrome cardio-facio-cutané
multiples nævus au cours d’un syndrome de Noonan
sont classiquement décrites : xérose, ichtyose, kératoder-
retard de développement psychomoteur (souvent plus mar- mie palmoplantaire, taches café au lait, nævi multiples ³⁸,
qué qu’au cours du SN), macrocéphalie relative avec front hyperhidrose ⁸, anomalies unguéales ³⁷. Enfin, la présence
large proéminent et rétrécissement bitemporal, microgna- de taches café au lait ³⁸, d’un pli cutané phalangien distal ³⁹
tie, fentes palpébrales à orientation antimongoloïde, hyper- et d’une hyperlaxité cutanée des mains et des pieds ³⁵ a été
télorisme, ptosis, exophtalmie, nez court éversé, philtrum occasionnellement rapportée.
profond et marqué et oreilles en rotation postérieure ³⁷. Les atteintes cardiaques sont observées dans 75 % des
La distinction avec le SN repose sur la présence constante cas : sténose valvulaire pulmonaire (45 %), communication
d’anomalies cutanées, en particulier pilaires ³⁷. Certaines inter-auriculaire (23 %) et cardiomyopathie (40 %) surtout
anomalies cutanées sont fréquentes : cheveux épars, bou- hypertrophique. À la différence des autres SNCFC, le SCFC
clés ou frisés, fins et de croissance lente avec alopécie re- ne semble pas associé à un risque oncologique particu-
lative des zones temporales, mais également sourcils et lier, malgré trois observations rapportées d’association du
cils épars, hyperkératose folliculaire des membres supé- SCFC et de leucémies aiguës de type lymphoblastique.
rieurs (fig. 88.9) et inférieurs et du visage, kératose pilaire
rouge atrophiante avec atteinte des sourcils (ulérythème Syndrome de Costello
ophryogène) (fig. 88.10). D’autres manifestations cutanées
Le syndrome de Costello (SC) est une affection sporadique
exceptionnelle (près de 150 observations rapportées en
2007) liée à des mutations du gène HRAS (85-90 %) ⁴⁰. Il
s’agit constamment de mutations survenues de novo, de
type faux-sens affectant les acides aminés 12 ou 13. Il se
caractérise par un retard de croissance post-natal, un re-
tard mental de sévérité variable, des anomalies morpholo-
giques de l’extrémité céphalique marquées par un visage
aux traits grossiers, une macrocéphalie avec un front large,
un épicanthus, un nez court avec une racine déprimée, une
implantation basse des oreilles en rotation postérieure et
aux lobes épais, des joues pleines, des lèvres charnues, un
Coll. D. Bessis

cou court et une hyperextensibilité des doigts ⁴⁰.


Les manifestations cutanées constituent un apport diag-
nostique essentiel à la caractérisation de cette affection.
Fig. 88.8 Hématomes multiples survenant lors de traumatismes Elles sont plus ou moins spécifiques et de fréquence va-
minimes au cours d’un syndrome de Noonan riable : peau constamment laxe et redondante (cutis laxa)

 SC syndrome de Costello · SCFC syndrome cardio-facio-cutané · SN syndrome de Noonan · SNCFC syndrome neuro-cardio-facio-cutané
88-8 Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés

Coll. D. Bessis

B
Fig. 88.10 Syndrome cardio-facio-cutané. A. Cheveux frisés avec
alopécie des zones temporales et constriction bi-temporales. B. Kératose
pilaire rouge atrophiante des sourcils

sur le dos des mains et des pieds, plis palmaires et plan-


taires profonds (fig. 88.11), cheveux bouclés et/ou frisés, hy-
perkératoses focales des extrémités palmoplantaires, acan-
thosis nigricans, ongles « enfoncés » et hypoplasiques, pli

Coll. Dr C. Pernet, Montpellier


cutané phalangien distal ³⁹ et papillomes de la région péri-
nasale et périanale (environ 1 cas sur 2), parfois également
présents autour des yeux, de la bouche, sur les aisselles, les
genoux, les coudes et l’abdomen ⁴¹ (fig. 88.12).
Les atteintes cardiaques sont analogues à celles du SN et
présentes dans deux tiers des cas. La sténose valvulaire pul-
monaire est moins fréquente que dans le SN (15 %), tandis Fig. 88.11 Plis palmaires et plantaires profonds, peau redondate et
qu’une cardiomyopathie hypertrophique (un tiers des cas) hyperkératose des zones d’appui au cours d’un syndrome de Costello
et des troubles du rythme (un tiers des cas) sont plus fré-
quents ⁴². Le SC est marqué par un risque accru de cancers mique dominante fréquente, d’incidence estimée à 1 sur
(10-20 %) dominé par le rhabdomyosarcome (10-30 %), le 2 500 naissances, de pénétrance quasi complète à l’âge de
carcinome de la vessie et le neuroblastome ³,⁴⁰. 8 ans et d’expressivité variable. Elle est liée à diverses mu-
tations (non-sens, micro-délétion/micro-insertion, plus ra-
rement faux-sens ou grande délétion) du gène NF1, gène
NF-1, syndrome de Watson, syndrome suppresseur de tumeur qui code pour la neurofibromine.
neurofibromatose-Noonan et syndrome NF-1 La neurofibromine est une protéine cytoplasmique apparte-
nant à la famille des protéines GAP (à activité GTPasique),
avec microdélétion stimulant la conversion de la forme active de RAS (RAS-
GTP) en forme inactive RAS-GDP, et constituant un régu-
La neurofibromatose de type 1 est une affection autoso- lateur négatif de la voie de RAS/MAPKinases ⁴³. Les cri-

 NF-1 neurofibromatose de type 1 · SC syndrome de Costello · SN syndrome de Noonan


Syndrome de Legius 88-9

une petite taille et une sténose valvulaire pulmonaire ⁴⁶.


Par la suite, l’étude de deux des trois familles a pu mettre
en évidence d’autres signes caractéristiques de NF-1, neu-
rofibromes et nodules de Lisch, mais avec une fréquence
moindre que celle observée classiquement au cours de la
NF-1 ⁴⁷. La relation du syndrome de Watson avec le locus
du gène NF1 a pu être démontrée par étude de liaison, et
deux mutations du gène NF1 ont été mises en évidence
par la suite au sein de deux familles avec syndrome de Wat-
son : délétion de 80 kb et duplication en tandem de 42 pb

Coll. Dr C. Pernet, Montpellier


(exon 28) ⁴⁷. Le syndrome de Watson est actuellement consi-
déré comme une forme allélique de NF-1.

Syndrome neurofibromatose-Noonan
Le syndrome neurofibromatose-Noonan a été individualisé
à partir d’une cohorte de patients atteints de NF-1 et pré-
Fig. 88.12 Papillomes cutanés des membres inférieurs au cours d’un sentant un phénotype évocateur de syndrome de Noonan :
syndrome de Costello petite taille, dysmorphie faciale (hypertélorisme, ptosis,
oreilles bas implantées), cou court, anomalies thoraciques
tères diagnostiques de la neurofibromatose de type 1 pro- et anomalies cardiaques (en particulier sténose valvulaire
posés d’après la conférence de consensus sur les neurofi- pulmonaire). Longtemps discuté comme une possible en-
bromatoses (NIH — Bethesda, 1988) sont rappelés dans tité distincte de la NF-1, le syndrome neurofibromatose-
l’encadré 88.B. Noonan est en réalité une variante phénotypique de NF-1,
La fréquence des malformations cardiovasculaires au cours constamment liée à des mutations du gène NF1 (plutôt de
de la NF-1 (en excluant le syndrome de Watson, le syn- type faux sens ou petites délétions en phase) ⁴⁹-⁵⁰, à l’excep-
drome neurofibromatose-Noonan et le syndrome neurofi- tion d’une unique observation où une mutation conjointe
bromatose avec microdélétion) est faible, estimée à environ du gène PTPN11 était mise en évidence ⁵¹.
2 % ⁴⁴ et presque exclusivement à type de sténose valvulaire
pulmonaire. La NF-1 est marquée par le risque de tumeur Syndrome NF-1 avec microdélétion
maligne des gaines nerveuses (8-13 %), mais également Le syndrome NF-1 avec microdélétion est lié à une large
de rhabdomyosarcome, de neuroblastome et de leucémie délétion contenant l’ensemble du gène NF1. Il se traduit
myélomonocytaire juvénile ⁴⁵. par un phénotype particulier associant une dysmorphie
faciale (traits épais, asymétrie faciale, ptose, front proémi-
Syndrome de Watson nent, hypertélorisme, pointe du nez proéminente et large),
Le syndrome de Watson a été décrit à partir de 12 enfants is- des mains et des pieds larges, un nombre augmenté de
sus de 3 familles non apparentées, ségrégeant sur un mode neurofibromes d’apparition précoce, des troubles de l’ap-
autosomique dominant et associant de multiples taches prentissage et/ou un retard mental, un risque plus marqué
café au lait et des lentigines axillaires, un retard mental, de développer une tumeur maligne des gaines nerveuses
par rapport aux patients atteints de NF-1 en général ⁵²,⁵³ et
Critères diagnostiques de NF-1 peut être un risque augmenté de sténose valvulaire pulmo-
Au moins six taches café au lait de plus de 5 mm dans leur plus grand naire (deux observations sur une série de onze patients) ⁵⁴.
diamètre chez les individus pré-pubertaires et de plus de 15 mm chez
les individus pubères. Syndrome de Legius
Au moins deux neurofibromes quel que soit le type ou au moins un neu- Le syndrome de Legius a été récemment identifié à partir
rofibrome plexiforme. de plusieurs familles atteintes d’un syndrome proche de la
Lentigines axillaires ou inguinales. NF-1 (NF1-like) et présentant constamment de multiples
Gliome du nerf optique. taches café au lait (souvent en nombre > à 5), des lentigines
Au moins deux nodules de Lisch (hamartomes iriens). uni- ou bilatérales axillaires et/ou inguinales (moins d’1 cas
Une lésion osseuse caractéristique comme une dysplasie du sphénoïde, sur 2) (fig. 88.13), et de façon inconstante une macrocépha-
un amincissement du cortex des os longs, une pseudarthrose. lie, des traits du visage évoquant un syndrome de Noonan,
Un apparenté du premier degré atteint de neurofibromatose 1 suivant des difficultés d’apprentissage et la présence de lipomes ⁵⁵.
Malgré la présence de deux critères cardinaux de la NF-1
les critères précédents.
(plus de 5 taches café au lait et lentigines) théoriquement
suffisante pour poser le diagnostic de NF-1 (encadré 88.B),
Le diagnostic de NF-1 est posé si deux ou plus des critères ci-dessus sont ces patients s’en distinguaient par l’absence d’autres cri-
réunis. tères diagnostiques majeurs comme les neurofibromes, les
88.B nodules de Lisch ou la présence de tumeur cérébrale (en

 NF-1 neurofibromatose de type 1


88-10 Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés

particulier de gliome optique) ⁵⁶-⁵⁸. Cette nouvelle entité,


à transmission autosomique dominante, est liée à des mu-
tations du gène SPRED1 qui fait partie de la famille des
gènes SPRY(SPROUTY)/SPRED, mutations qui entraînent
une perte de fonction par haplo-insuffisance de la protéine
SPRED1. Le gène SPRED1 régule négativement la voie MAP-
Kinase en inhibant la phosphorylation de RAF. Le risque
cardiaque est inconnu, une seule observation de sténose
valvulaire pulmonaire étant mentionnée ⁵⁸. Le risque on-
cologique reste incertain, deux observations de leucémies
aiguës (monoblastique et myéloblastique de type 5) ayant
été rapportées, mais sans lien de causalité établi ⁵⁷,⁵⁹.

Les auteurs adressent leurs remerciements au Dr Lucile


Pinson, généticienne au CHU de Montpellier,
pour ses conseils et sa relecture du manuscrit.

Coll. D. Bessis

Fig. 88.13 Taches café au lait et lentigine axillaire au cours d’un


syndrome de Legius

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Pernet C, Bessis D. Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 :
Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 88.1-88.11.
89
Syndromes progéroïdes
Sophie Hakimi, Nicolas Kluger, Didier Bessis

Laminopathies 89-1 Mutations de LMNA et syndrome métabolique sans


Progéria d’Hutchinson-Gilford 89-1 lipodystrophie 89-4
Dermopathie restrictive 89-3 Syndrome de Werner 89-4
Dysplasies mandibulo-acrales 89-3 Références 89-7
Syndromes progéroïdes atypiques 89-4

L es syndromes progéroïdes, ou syndromes de sénes-


cence précoce, constituent un ensemble d’affections
cliniquement et génétiquement disparates, mais caracté-
Les lamines de type A sont exprimées dans les cellules dif-
férenciées ou en cours de différenciation (dont les cellules
souches de l’adulte), et ne sont pas essentielles au dévelop-
risées par un vieillissement semblant prématuré ou accé- pement et à la viabilité cellulaire. Les lamines de type B sont
léré, et constaté sur l’aspect physique et/ou sur l’atteinte exprimées de façon ubiquitaire, à chaque stade du dévelop-
systémique. L’atteinte cardiovasculaire est inconstante au pement, et sont essentielles à la viabilité cellulaire. Les la-
cours des syndromes progéroïdes et s’observe au cours des mines ont un rôle structural essentiel et sont responsables
laminopathies et du syndrome de Werner. Elle relève sché- de la taille, de la forme du noyau et du bon positionnement
matiquement de trois mécanismes, parfois intriqués : athé- des pores nucléaires. Leurs interactions permettent la dis-
rosclérose, malformations cardiovasculaires et athérome sociation de l’enveloppe nucléaire lors de la mitose et son
secondaire à des troubles métaboliques. Seules les affec- réassemblage. Elles interagissent également avec la chro-
tions progéroïdes avec atteinte cutanée et cardiovasculaire matine et régulent l’expression de certains gènes (fig. 89.1).
seront abordées au cours de ce chapitre (tableau 89.1). Plus de 1 400 mutations différentes du gène LMNA, co-
dant pour la lamine A, ont été rapportées et sont impli-
Laminopathies quées dans au moins 11 syndromes dégénératifs regroupés
sous le nom de laminopathies primaires. Les laminopathies
Les laminopathies constituent un groupe d’affections gé- secondaires correspondent à des mutations de gènes co-
nétiques hétérogènes, avec de nombreux chevauchements dant pour des enzymes de maturation de la lamine A/C,
phénotypiques, plutôt que de véritables entités distinctes. comme ZMPSTE24. Les laminopathies par mutations des
Elles s’expriment à des degrés divers par des symptômes gènes LMNB1 ou LMNB2 codant respectivement pour les
musculaires, métaboliques, neurologiques, cutanés et pro- lamines B1 et B2 sont de découverte encore plus récente.
géroïdes. Elles résultent d’altérations dans la structure et Malgré de nombreux chevauchements phénotypiques, on
le fonctionnement des lamines, protéines organisées en un peut classer les laminopathies de façon simplifiée, en fonc-
réseau formant la lamina, qui tapissent la paroi interne de tion des symptômes qui dominent le tableau : non progé-
l’enveloppe nucléaire. ¹,² Chez les vertébrés, on distingue roïdes, elles-mêmes classées selon le tissu principalement
7 lamines classées en deux types selon leur comportement affecté ; et laminopathies progéroïdes primaires et secon-
durant la mitose : daires. Ces classements sont cependant non consensuels et
− les lamines de type A, qui peuvent se dissocier de la influencés par la spécialité du médecin en charge de ces pa-
membrane nucléaire : lamine A, lamine C, lamina AΔ10 tients. Seules les laminopathies progéroïdes avec atteinte
(exprimée dans les cellules tumorales) et lamine C2 cutanée et cardiovasculaire seront abordées (tableau 89.1).
(exprimée dans les cellules germinales) ;
− les lamines de type B, qui restent associées à la mem- Progéria d’Hutchinson-Gilford
brane nucléaire : lamine B1 (exprimée dans toutes les
cellules), lamine B2 (exprimée dans toutes les cellules) La progéria d’Hutchinson-Gilford est une affection autoso-
et lamine B3 (exprimée dans les spermatocytes). mique dominante extrêmement rare (une centaine d’obser-
89-2 Syndromes progéroïdes

Tableau 89.1 Syndromes progéroïdes avec atteinte cutanée et cardiovasculaire


Dysmorphie
Syndromes
Transmission Gène Atteinte cutanée Atteinte cardiovasculaire Lipodystrophie
progéroïdes
Troubles métaboliques
Laminopathies
Progéria De novo LMNA Sclérose cutanée, troubles Athérosclérose Aspect progéroïde, nanisme,
d’Hutchinson-Gilford pigmentaires, anomalies des Troubles du rythme, Insuffisances pseudomacrocéphalie, oreilles
ongles, alopécie valvulaires décollées sans lobule, nez pincé,
Hypertension artérielle sillon mentonnier, cyanose
Cardiomyopathie péribuccale, contractures en
flexion
Lipodystrophie
Dysplasie AR LMNA Sclérose cutanée, troubles Athérome Aspect progéroïde, petite taille,
acro-mandibulaire ZMPSTE24 pigmentaires malpositions dentaires,
hypoplasie des clavicules et
mandibule, acrogéria,
acroostéolyse, contractures
articulaires
Lipodystrophie partielle ou
généralisée
Insulinorésistance
Dermopathie De novo ZMPSTE24 Sclérose cutanée extrême Dextroposition cardiaque Stiff skin syndrome, « poupée de
restrictive LMNA Anévrysme aorte porcelaine asiatique »
Syndromes de AD LMNA Sclérodermie, anomalies Athérosclérose Aspect progéroïde, acrogéria,
Werner atypiques pigmentaires, papules Cardiomyopathie acrométagéria
leucomélanodermiques Lipodystrophie
Insulinorésistance, diabète,
hypertriglycéridémie
Syndrome de AR WRN Grisonnement cheveux, alopécie, Athérosclérose Aspect progéroïde, cataracte
Werner sclérodermie, ulcérations bilatérale, nez en bec d’oiseau,
chroniques des membres diabète sucré type 2,
inférieurs ostéoporose, petite taille,
augmentation du risque de
cancer

vations rapportées en 2010), caractérisée par un vieillisse- rose. Des troubles pigmentaires sont également rapportés.
ment prématuré de début précoce post-natal. La plupart L’atteinte cardiovasculaire est responsable du décès pré-
des observations de progéria d’Hutchinson-Gilford sont coce, survenant le plus souvent au cours de la 2 e décennie,
sporadiques, touchant électivement le caucasien (97 %), après un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire
avec une prédominance masculine (1,5H/1F). La progéria cérébral. Elle est secondaire à un vieillissement cardiovas-
d’Hutchinson-Gilford est liée à une mutation hétérozygote culaire prématuré et accéléré, marquée par un processus
de novo du gène LMNA due à une substitution de novo d’une fibrotique chronique des parois vasculaires de l’aorte des-
seule paire de base c.1824C > T (GGC > GGT, p.Gly608Gly) cendante, des autres gros vaisseaux, des petites artères et
dans l’exon 11. Cette mutation provoque la création d’un des artérioles : perte des cellules musculaires lisses de la
site donneur d’épissage, aboutissant à la production d’une média remplacées par du matériel fibreux (protéoglycanes,
pré-lamine A mutée (ou progérine) à l’origine d’effets délé- collagène de type IV) s’étendant dans l’adventice et épais-
tères sur l’architecture nucléaire. La progéria débute durant sissant la membrane basale ; débris caséeux, calcifications
les deux premières années de vie et se caractérise par un et épaississement de l’intima ; dilacération des fibres élas-
retard de croissance sévère aboutissant à une petite taille tiques et, à un stade avancé, fibrose hyaline extensive et
avec dysmorphie faciale, un enraidissement des articula- surcharge lipidique des cellules musculaires lisses ¹,⁶.
tions en flexion, des dysplasies osseuses, une alopécie, une Diverses autres complications cardiovasculaires sont dé-
peau fine, une hypoplasie des ongles, une absence quasi crites : anomalies valvulaires (calcifications, sténoses, et
complète de graisse cutanée et une ostéolyse ³-⁵. Une at- fuites), hypertension artérielle progressive, cardiomyopa-
teinte sclérodermiforme cutanée très précoce du tronc et thie dilatée, fibrose myocardique (même en l’absence de
des membres est classique, mais il s’agit le plus souvent maladie coronarienne sévère), troubles du rythme (tachy-
d’une atrophie cutanée profonde et musculaire sans sclé- cardie, allongement du QT).
Dermopathie restrictive 89-3

Pore
nucléaire

MAN-1 Enveloppe nucléaire


LAP1α-γ Emerin
Récepteur lamine B LAP2 β-δ
Nespin
Facteur transcription

Chromatine
Nucléoplasme
ADN

Coll. D. Bessis
Fig. 89.1 Structure de la couche interne de l’enveloppe nucléaire. L’enveloppe nucléaire sépare le cytoplasme du nucléoplasme. C’est une double
membrane composée d’une couche externe, en continuité avec le réticulum endoplasmique, et d’une couche interne et percée de pores nucléaires qui
assurent le transport de macromolécules (ARN, ribosomes, protéines). La lamina, située à sa face interne est composée d’un tissage dense de protéines
fibrillaires de structure appelées lamines. De nombreuses autres protéines sont associées à la lamina, telles que LAP1α-γ et LAP2β-δ, l’Emerin, la
nesgrine, MAN-1, le récepteur de la lamine B ou LBR (lamin B binding receptor). Les lamines ont un rôle structural essentiel et sont responsables de la taille
et la forme du noyau (nucléosquelette), du bon positionnement des pores nucléaires. Leurs interactions permettent la dissociation de l’enveloppe nucléaire
lors de la mitose et son réassemblage par des mécanismes de phosphorylation/déphosphorylation. Elles interagissent également avec la chromatine et
réguleraient l’expression de certains gènes

Malgré l’évolution inéluctablement fatale de l’affection, une transférases et l’association statine/biphosphonate sont
prise en charge optimale est nécessaire, pour en retarder en cours.
les symptômes et surtout pour améliorer la qualité de vie
des patients et de leur famille. Elle requiert une prise en Dermopathie restrictive
charge multidisciplinaire spécialisée auprès de centres de
référence familiarisés avec ce type de pathologie. Chaque La dermopathie restrictive ou syndrome de restriction cu-
visite permet par un examen physique complet de faire le tanée est la forme la plus délétère des laminopathies pro-
point sur l’évolution, de proposer un traitement des com- géroïdes. Il s’agit d’une laminopathie secondaire, liée à des
plications ou retardant l’évolution, et surtout qui permette mutations de novo du gène ZMPSTE24, plus rarement du
une amélioration de la qualité de vie : anti-aggrégants, va- gène LMNA ⁸. Elle se traduit par un tableau clinique congéni-
sodilatateurs, dérivés nitrés, bêtabloquants, inhibiteurs tal associant un retard de croissance intra-utérin, une sclé-
calciques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, agents rose cutanée extrême du tégument avec érosions cutanées
insulino-sensibilisants comme la metformine et les glita- notamment en regard des structures osseuses, une visibi-
zones, les statines et les biphosphonates. Sur le plan car- lité anormale de la circulation veineuse superficielle, une
diovasculaire, des angioplasties et des pontages peuvent dysmorphie faciale en « poupée asiatique de porcelaine »
être envisagés permettant dans certains cas une améliora- (bouche en « O », nez retroussé, oreilles basses implantées,
tion majeure de la qualité de vie avec disparition de dou- visage inexpressif, absence de cils et sourcils), une hypopla-
leurs angineuses résistant parfois au traitement médica- sie pulmonaire et des contractures articulaires multiples.
menteux. Le risque de récidive de sténose reste cependant Le décès survient dans un délai court, généralement de
fréquent ⁷. La prise en charge nutritionnelle est importante, quelques semaines ⁸. Des cas de dextroposition cardiaque
des règles hygiéno-diététiques peuvent retarder les com- et d’anévrysmes aortiques ont été rapportés.
plications. Un régime pauvre en glucides rapides, hypoli-
pidique et hyposodé, comportant beaucoup de fruits et Dysplasies mandibulo-acrales
légumes, ainsi qu’une activité sportive modérée et adap-
tée au degré d’enraidissement articulaire, peuvent être pro- La dysplasie mandibulo-acrale de type A est une affection
posés. L’enfant et sa famille peuvent être mis en relation rare se traduisant par un phénotype progéroïde se consti-
avec des associations de malades, et une consultation de tuant dans la petite enfance ⁹,¹⁰. Elle se distingue de la
conseil génétique doit leur être proposée. Des essais thé- progéria d’Hutchinson-Gilford par des anomalies squelet-
rapeutiques prometteurs par des inhibiteurs de farnésyl- tiques caractéristiques avec des aplasies mandibulaire et
89-4 Syndromes progéroïdes

Coll. D. Bessis
Fig. 89.2 Lipoatrophie faciale au cours d’une dysplasie
mandibulo-acrale

claviculaire, une acrogéria et une lipodystrophie marquée


(fig. 89.2 et 89.3). Affection autosomique récessive, elle résulte
de mutations homozygotes ou hétérozygotes composites
du gène LMNA. La dysplasie mandibulo-acrale type B est
proche du type A, mais la lipoatrophie est sévère et généra-
lisée. Affection autosomique récessive, elle résulte de muta-
tions du gène ZMPSTE24. Le décès par atteinte cardiovas-
culaire secondaire aux troubles métaboliques (hypertrigly-
céridémie, insulinorésistance) est classique des dysplasies

Coll. D. Bessis
mandibulo-acrales, mais plus tardif que dans la progéria
de Hutchinson-Gilford.

Syndromes progéroïdes atypiques Fig. 89.3 Acrogeria, lipoatrophie et dystrophie osseuse des extrémités
au cours d’une dysplasie mandibulo-acrale
Le caractère atypique est défini par le début tardif et moins
prononcé du phénotype progéroïde ¹¹. Le tableau peut ainsi le prototype des syndromes progéroïdes avec instabilité
être confondu avec un syndrome de Werner ou une lami- chromosomique ¹⁴. Il s’agit d’une maladie rare dont l’inci-
nopathie avec lipodystrophie (fig. 89.4). Certains patients dence est estimée entre 1 et 22 cas/million d’habitants.
présentent une acrogéria/métagéria, c’est-à-dire un phéno- Le Japon est le pays avec la plus forte incidence : près de
type acrogérique associé à des anomalies systémiques et 1 cas /300 000 habitants et environ 80 p. 100 des 1 300
métaboliques ¹². Diverses mutations du gène LMNA ont cas publiés jusqu’à présent. Soixante-dix pour cent des pa-
été identifiées. L’atteinte cardiovasculaire par athérosclé- tients sont nés de mariages consanguins au premier degré
rose est classique, secondaire à un diabète, une dyslipidé- et des antécédents de SW sont retrouvés dans la fratrie
mie, une lipodystrophie, mais également par atteinte in- dans 50 p. 100 des cas. La transmission est autosomique
trinsèque du muscle cardiaque et des parois vasculaires, récessive, liée à une mutation du gène WRN codant pour
comme au cours de certaines laminopathies musculaires la protéine WRN de la famille des RecQ hélicases (RecQ3).
(dystrophie musculaire d’Emery-Dreifuss ou cardiomyopa- Dans la plupart des cas, il s’agit de mutations bialléliques
thie dilatée). entraînant un décalage du cadre de lecture ou l’apparition
d’un codon stop. La protéine WRN présente une activité hé-
licase et exonucléase et serait impliquée dans la réparation
Mutations de LMNA et syndrome métabolique des dommages structuraux de l’ADN liés au stress oxyda-
sans lipodystrophie tif (système d’excision-réparation) et dans le métabolisme
des télomères. Dans 20 à 35 p. 100 des cas cependant, au-
Il existe des laminopathies sans lipodystrophie, avec in- cune mutation du gène WRN n’est détectée, signe d’une
sulinorésistance, intolérance au glucose, acanthosis nigri- hétérogénéité génétique de la maladie.
cans et atteinte musculaire squelettique ou cardiaque, liées Le SW se manifeste rarement avant la puberté ou après
à des mutations hétérozygotes dominantes faux sens de 45 ans. Une petite taille (en moyenne 1,46 m pour les
LMNA ¹³. femmes et 1,57 m pour les hommes) et un faible poids
(respectivement 40 et 45 kg) sont les premières manifesta-
Syndrome de Werner tions cliniques. Le diagnostic est cependant évoqué le plus
souvent à partir de 20-25 ans devant l’apparition de signes
Le syndrome de Werner (SW) ou progéria de l’adulte est cutanés progéroïdes tel un grisonnement prématuré des

 SW syndrome de Werner
Syndrome de Werner 89-5

Coll. D. Bessis. Reproduit avec l’aimable autorisation du patient


B Fig. 89.5 Alopécie, grisonnement prématuré des cheveux et
poïkilodermie des joues et du menton, lèvres amincies et calcifications
auriculaires au cours d’un syndrome de Werner chez un homme de 45 ans

ment les régions cubitales. Ces ulcérations seraient liées


à la survenue de traumatismes sur une peau atrophique
et parfois fragilisée par une altération de la circulation lo-
cale (athérosclérose, diabète). La qualité médiocre de la
cicatrisation après une intervention chirurgicale, princi-
palement orthopédique, peut entraîner une amputation.
Le visage adulte a un aspect caractéristique en « tête d’oi-
Coll. D. Bessis

seau » (bird-like facies) en raison d’un nez fin et crochu en


« bec d’aigle », de lèvres amincies et ridées et des yeux protu-
C bérants par lipoatrophie péri-orbitaire responsable d’une
Fig. 89.4 A et B. État sclérodermiforme des mains avec induration pseudo-exophtalmie. L’ouverture buccale est rarement limi-
des tendons fléchisseurs (aspect de type Dupuytren) au cours d’une tée.
laminopathie avec mutation du gène LMNA. B. État sclérodermiforme Les signes de sénescence viscérale font toute la gravité de
du dos des pieds au cours d’une laminopathie avec mutation du gène LMNA cette maladie. L’atteinte cardiovasculaire est la principale
cause de décès chez les patients caucasiens. Elle est liée au
cheveux (canitie précoce) (fig. 89.5), une alopécie, une dépi- développement prématuré d’une athérosclérose diffuse et
lation diffuse (sourcils, cils, pilosité axillaire et pubienne) de calcifications atteignant les valves cardiaques, les coro-
(fig. 89.6), une sclérose cutanée et une sclérodactylie, une naires et les artères de gros calibres, responsables de valvu-
atrophie des tissus sous-cutanés et musculaires du visage lopathies (calcifications, insuffisance mitrale), de sténose
et des extrémités. Les autres signes cutanés comprennent : aortique, d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires
une pigmentation en mottes, des éphélides, des télangiec- cérébraux et d’artériopathie. L’artériopathie oblitérante des
tasies, des ulcères chroniques des membres inférieurs et membres est la manifestation la plus fréquente avec dimi-
des hyperkératoses ulcérées en regard des articulations nution ou abolition des pouls périphériques et palpation de
(fig. 89.7). et de la plante des pieds. Les ulcères chroniques sur- cordons artériels indurés. Une atteinte endocrinienne peut
viennent chez près de 50 % des patients, le plus souvent sur être observée : hyperlipidémie de type IIb ou IV fréquente,
les membres inférieurs (malléole, tendon d’Achille), mais hypogonadisme avec baisse de la libido (80 %), insulinoré-
peuvent parfois toucher les membres supérieurs, notam- sistance quasi constante pouvant se compliquer de diabète
89-6 Syndromes progéroïdes

Critères diagnostiques du syndrome de Werner


Signes et symptômes cardinaux (début après l’âge de 10 ans)
1. Cataracte (bilatérale).
2. Anomalies dermatologiques caractéristiques (peu fine atrophique,
anomalies de pigmentation, ulcération, hyperkératose, atrophie cuta-
née profonde régionale) et visage caractéristique (« faciès d’oiseau »).
3. Petite taille.
4. Consanguinité parentale ou atteinte de la fratrie.
5. Cheveux gris précoces et/ou épaississement du cuir chevelu.
6. Test d’acide hyaluronique urinaire de 24 heures positif (quand cela
est possible).
Autres signes et symptômes
1. Diabète sucré.
2. Hypogonadisme.
3. Ostéoporose.
4. Ostéosclérose des phalanges distales des doigts et/ou des orteils
(diagnostic radiologique).
5. Calcification tissulaire.
6. Évidence d’athérosclérose prématurée (exemple d’antécédent d’in-
farctus du myocarde).
7. Tumeurs mésenchymateuses, tumeurs rares ou multiples.
8. Changement de voix (aiguë, voix haut perchée).
9. Pieds plats.

Diagnostic défini : tous les signes cardinaux et deux autres signes.


Probable : les trois premiers signes cardinaux et deux autres signes.
Possible : cataracte ou altérations dermatologiques et 4 autres signes.
Exclusion : début des signes et symptômes avant l’adolescence (sauf la
Coll. D. Bessis

petite taille puisque les données sur la croissance avant l’adolescence


sont inadéquates).
Fig. 89.6 Hyperkératose et calcinose du coude au cours d’un syndrome
de Werner La confirmation du diagnostic nécessite une étude moléculaire géné-
tique
en cas d’altération de la sécrétion d’insuline. Soixante-dix 89.A
pourcent des patients à l’âge 36 ans présentent un diabète.
Parfois est notée une hypothyroïdie (15 % des cas) et plus prématurée, il semble également exister un état d’hyper-
rarement une insuffisance surrénale. Hormis ces facteurs coagulabilité chez ces patients.
de risque cardiovasculaire impliqués dans l’athérosclérose L’atteinte musculo-squelettique se caractérise par une
fonte musculaire, une ostéoporose (60 %) et des compli-
cations orthopédiques à l’origine de déformations articu-
laires (orteils, chevilles, doigts), d’hallux valgus, de fractures,
de calcifications ligamentaires, tendineuses et des tissus
mous ainsi que d’ostéomyélites des membres inférieurs.
Parmi les manifestations ophtalmologiques, la cataracte bi-
latérale précoce sous-capsulaire postérieure constitue une
des premières manifestations viscérales de la maladie. Elle
est rencontrée dans près de 92 % des cas. Son traitement
chirurgical est marqué par le risque de kératopathie bul-
leuse œdémateuse post-opératoire, en raison d’une dimi-
nution du potentiel de croissance des fibroblastes et de la
densité cellulaire de l’endothélium cornéen. Diverses mani-
festations ophtalmologiques ont également été rapportées :
Coll. D. Bessis

glaucome secondaire, sclérotiques bleues, rétinite pigmen-


taire, dégénérescence maculaire ou vitréenne, décollement
de rétine et rétinopathie diabétique. Enfin, une voix « haut
Fig. 89.7 Pieds plats et déformations articulaires compliquées de perchée » par atrophie des cordes vocales et une hypoacou-
troubles trophiques au cours du syndrome de Werner sie peuvent compléter le tableau. L’élévation de l’acide hya-
Références 89-7

luronique urinaire est un bon marqueur diagnostic biolo- sique complet de faire le point sur l’évolution, de proposer
gique du syndrome de Werner. Des critères du diagnostic un traitement des complications ou retardant leur évolu-
clinique de syndrome de Werner ont été établis (encadré 89.A). tion (chirurgie de cataracte, antidiabétiques oraux type
Le SW est associé à un risque élevé de cancer et représente proglitazone, arthrodèses...) et de dépister d’éventuelles
la première cause de décès chez les patients japonais souf- néoplasies. Des règles hygiéno-diététiques peuvent dimi-
frant de cette affection. Le risque de développer une tu- nuer le risque de complications. Ainsi, un régime hypoglu-
meur mésenchymateuse ou épithéliale est estimé à dix fois cidique, hypolipidique et hyposodé, comportant beaucoup
supérieur à celui de la population générale. Plus de 10 % des de fruits et légumes, ainsi qu’une activité sportive modé-
patients caucasiens et près de 20 % des patients japonais rée peuvent être proposés. L’exposition solaire doit être
développeraient ainsi un cancer. Les sarcomes des tissus modérée, alcool et tabac évités, ainsi que l’exposition à
mous, les ostéosarcomes, les hémopathies de la lignée myé- d’éventuels carcinogènes (radiations, médicaments et pro-
loïde et les méningiomes figurent parmi les tumeurs dont duits chimiques, goudrons...). Le conseil génétique doit
l’incidence est augmentée. Les carcinomes de la thyroïde être proposé à tout patient ainsi qu’à sa famille permet-
et les mélanomes surviennent en excès seulement dans tant d’expliquer la transmission de l’affection et le risque
la population japonaise. Des cas de cancers multiples syn- pour la descendance, l’hypofertilité et l’évolution naturelle
chrones, des carcinomes basocellulaires et épidermoïdes de la maladie. Plusieurs approches thérapeutiques spéci-
ont également été décrits. Le décès survient habituelle- fiques sont envisagées : « réparation » des conséquences
ment entre 40 et 50 ans et est secondaire aux complica- biochimiques de l’absence de protéine WRN par des in-
tions cardiovasculaires (accidents vasculaires coronariens hibiteurs de la protéine kinase MAPKp38 (mitogen acti-
ou cérébraux) ou au développement d’une tumeur maligne. vated protein kinase) comme le traitement SB 203580 ac-
La prise en charge est multidisciplinaire et repose un tuellement à l’essai (phase II) dans la polyarthrite rhuma-
suivi systématique spécialisé régulier endocrinologique, toïde ¹⁵ ; expériences de « forçage » de l’expression des télo-
cardiologique, ophtalmologique, rhumatologique et der- mérases ont également permis d’augmenter la longévité
matologique. Chaque visite permet par un examen phy- cellulaire ¹⁶.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Hakimi S, Kluger N, Bessis D. Syndromes progéroïdes. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 :
Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 89.1-89.7.
90
Insuffisance rénale chronique et dialyse
Didier Bessis, Camille Francès

Prurit 90-1 Dermatoses perforantes acquises 90-7


Dermopathie fibrosante néphrogénique, fibrose Maladies bulleuses 90-8
systémique néphrogénique 90-2 Dermatose bulleuse des hémodialysés (pseudoporphyrie
Terrain 90-2 cutanée tardive) 90-8
Aspects cliniques cutanés 90-2 Porphyrie cutanée tardive 90-8
Manifestations systémiques 90-2 Photosensibilisations médicamenteuses 90-8
Données biologiques 90-3 Amylose à bêta-2-microglobuline 90-8
Anatomopathologie 90-3 Troubles de la pigmentation 90-9
Pronostic et traitement 90-4 Troubles des phanères 90-9
Physiophathologie 90-4 Complications des fistules artérioveineuses pour
Mesures préventives 90-5 hémodialyse 90-9
Calcifications et nécroses cutanées 90-5 Complications vasculaires 90-9
Calcinose métastatique (metastatic calcinosis cutis) 90-5 Complications allergiques 90-9
Artériolopathie calcique 90-6 Autres complications cutanées associées à la dialyse 90-10
Panniculite calcifiante 90-7 Références 90-10

L a survenue de manifestations cutanées au cours de


l’insuffisance rénale chronique et de la dialyse est fré-
quente et dominée par le prurit « urémique ». Au cours de ce
dialysés suivis durant deux ans, un quart des patients souf-
fraient d’un prurit sévère (score  7 en échelle analogique
visuelle), le plus souvent compliqué de troubles du som-
chapitre ne seront pas abordées les complications cutanées meil ². Cliniquement, il s’agit de lésions non spécifiques de
liées aux traitements médicamenteux fréquemment utili- grattage plus ou moins diffuses : stries linéaires, prurigo, ex-
sés au cours de ces affections (drogues cardiovasculaires, coriations, lichénifications prédominantes sur les surfaces
hypo-uricémiants). d’extension des membres supérieurs et la région périnéale,
parfois compliquées de surinfections cutanées (fig. 90.1).
Prurit Les mécanismes physiopathogéniques incriminés restent
mal connus et plurifactoriels : hyperparathyroïdisme secon-
Il s’agit du symptôme cutané le plus fréquent, parfois ré- daire à l’insuffisance rénale avec troubles du métabolisme
vélateur et isolé. Il s’observe chez près d’un tiers des insuf- phosphocalcique et en particulier hyperphosphorémie, xé-
fisants rénaux chroniques avant dialyse et chez 50 à 90 % rose cutanée secondaire à une atrophie des glandes séba-
des patients dialysés, le plus fréquemment six mois après cées et/ou sudorales, hyposidérémie, hypermagnésémie,
le début de la dialyse ¹. Il est indépendant de la patholo- hyperalbuminémie, hyperhistaminémie par prolifération
gie rénale, de la durée de l’insuffisance rénale, du type de mastocytaire, hypervitaminose A, neuropathie (anomalie
dialyse (hémodialyse ou dialyse péritonéale) ou du traite- des récepteurs cutanés, prolifération de fibres nerveuses
ment médicamenteux concomitant. Un lien temporel est sensitives).
présent dans deux tiers des cas entre le prurit et les séances Le traitement est difficile et doit être polyfactoriel ¹ : appli-
d’épuration extrarénale : survenue exclusive à l’occasion cation régulière d’émollients et traitement des désordres
des séances (pendant ou immédiatement après) dans en- phosphocalciques éventuellement présents. L’efficacité de
viron un quart des cas. En revanche, il disparaît presque la photothérapie par ultraviolet B (UVB) est réelle mais va-
toujours après transplantation rénale. D’intensité variable, riable suivant les séries, jugée efficace dans 50 à 80 % des
il est le plus souvent diffus, d’évolution chronique, paroxys- cas. La durée de la rémission obtenue est en moyenne de
tique et sans exacerbation nocturne. Dans une étude pros- 6 mois (1 mois à 2 ans). La photothérapie par UVA, sans
pective récente portant sur 1 173 patients adultes hémo- psoralène, est d’efficacité moindre. La parathyroïdectomie
90-2 Insuffisance rénale chronique et dialyse

dence d’une atteinte systémique, notamment pulmonaire,


a conduit à abandonner le terme de dermopathie fibrosante
néphrogénique, remplacé par celui de fibrose systémique
néphrogénique (FSN), terme aujourd’hui retenu ⁴-⁹. Actuel-
lement, plus de 300 observations ont été rapportées avec
mise au point de modèles expérimentaux ⁷. Il s’agit d’une
maladie exceptionnelle en France comme l’atteste l’étude
rétrospective FINEST où aucun cas n’a été détecté parmi
308 insuffisants rénaux exposés au gadolinium ⁶.

Terrain
Le dénominateur commun de tous les cas est de survenir
exclusivement chez l’insuffisant rénal ⁷. L’insuffisance ré-
nale est le plus souvent chronique avec une clairance de la
créatinine inférieure à 30 ml/min dans la large majorité
des cas, et inférieure à 60 ml/min dans la totalité des cas ¹⁰.
Les malades à plus haut risque sont ceux avec une clairance
de la créatinine inférieure à 15 ml/min. Moins de 15 ob-
servations ont été seulement associées à une insuffisance
rénale aiguë alors qu’une majoration, fonctionnelle ou orga-
nique, récente de l’insuffisance rénale est fréquente. Il n’y
a pas de prédilection ethnique. Les deux sexes sont égale-
ment atteints. L’âge moyen des malades est de 48 ans avec
des cas pédiatriques ou gériatriques ⁷. Moins de la moitié
des malades ont eu une transplantation alors que plus des
3/4 sont dialysés. Les conditions de la dialyse ne semblent
pas intervenir : durée, type (hémodialyse ou dialyse péri-
Coll. D. Bessis

tonéale), lieux (centres hospitaliers ou domicile), matériel


utilisé. Les causes d’insuffisance rénale sont variées et pa-
raissent indépendantes de la survenue d’une FSN ⁴-⁹.
Fig. 90.1 Lésions de prurigo et excoriations de grattage secondaires à
un prurit chronique d’insuffisance rénale Aspects cliniques cutanés
Les lésions débutent fréquemment au niveau des membres
subtotale, lorsqu’elle est nécessaire, améliore fréquemment inférieurs, par des tuméfactions œdémateuses, progressi-
le prurit mais le plus souvent de façon transitoire. Les anti- vement résolutives, laissant place à des plaques ou des
histaminiques (anti-H1, anti-H2), le kétotifène sont rare- papules confluentes et indurées, brunâtres, en « peau
ment suffisants. d’orange » et parcourues de sillons profonds (fig. 90.2 et 90.3).
De nombreux autres traitements ont été proposés sur L’induration, plus ou moins profonde, peut s’étendre d’un
la base de publications ponctuelles, le plus souvent sans bloc jusqu’aux muscles. Une couleur jaunâtre a été signa-
études contrôlées pertinentes ou sur de petites séries ne lée à la vitropression ¹¹. Un prurit et une sensation de brû-
permettant pas de conclusion définitive. Ainsi, des amé- lure de la peau atteinte sont fréquents. Les lésions cuta-
liorations significatives ont été obtenues avec les anxioly- nées touchent constamment les membres inférieurs, puis
tiques, la nicergoline par voie orale (alphabloqueur), les s’étendent aux membres supérieurs (77 %), y compris aux
bêtabloqueurs, l’érythropoïétine, la cholestyramine, l’hépa- dos des mains et parfois au tronc (30 %) avec une évolution
rine, la lidocaïne intraveineuse, le charbon activé, la capsaï- ascendante ⁶-⁹. Le visage et le cou sont épargnés. L’aggra-
cine topique à 0,025 %, la cimétidine, l’appauvrissement vation progressive est habituelle sur 3 à 24 mois. Chez
du dialysat en magnésium, la ciclosporine, la gabapentine certains malades, néanmoins, survient spontanément une
et la thalidomide. amélioration de la sclérose. Il n’y a pas de syndrome de
Raynaud associé. La capillaroscopie est normale.
L’aspect clinique peut faire évoquer à la phase œdémateuse
Dermopathie fibrosante néphrogénique, une cellulite ou une thrombose et plus tard un scléromyxœ-
fibrose systémique néphrogénique dème qui comporte cependant souvent une atteinte du
visage ou un sclérœdème de Buschke dont les lésions pré-
Alors que les premiers cas ont été vus en 1997, la dermopa- dominent dans la moitié supérieure du corps.
thie fibrosante néphrogénique n’a été individualisée qu’en
2000 par Cowper et al. et considérée initialement comme Manifestations systémiques
une forme particulière de scléromyxœdème survenant chez Elles peuvent être immédiates, à type de douleurs abdo-
les patients hémodialysés ³. Rapidement la mise en évi- minales, d’érythème oculaire ou d’un tableau clinique évo-

 FSN fibrose systémique néphrogénique


Dermopathie fibrosante néphrogénique, fibrose systémique néphrogénique 90-3

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 90.2 État sclérodermiforme des jambes au cours d’une
dermopathie fibrosante néphrogénique-fibrose systémique néphrogénique Fig. 90.3 Aspect peau d’orange au niveau d’une face interne de jambe
au cours d’une dermopathie fibrosante néphrogénique-fibrose systémique
quant une pneumopathie aiguë sans documentation bac- néphrogénique
tériologique ⁹ ou plus souvent secondaire à l’atteinte cuta-
née ⁴, d’autant plus fréquentes que celle-ci est étendue ⁶. drome inflammatoire biologique non spécifique et incons-
L’atteinte musculaire se traduit par une induration des tant ⁵. Il n’a pas été mis en évidence de lien avec une éven-
muscles des jambes, des cuisses et des avant-bras, sans tuelle anomalie du bilan phosphocalcique, du bilan thyroï-
déficit musculaire patent. dien ou du bilan martial. Il n’y a pas d’association avec la
La limitation des mouvements articulaires voire la contrac- présence d’une immunoglobuline monoclonale ou d’auto-
ture en flexion des articulations peut être sévère, confinant anticorps ⁵-⁷.
le malade au fauteuil. L’impotence fonctionnelle est secon-
daire à l’épaississement des tendons et des tissus périarti- Anatomopathologie
culaires, sans synovite ou arthrite ⁶. Une polyneuropathie Le diagnostic de certitude repose sur l’examen anatomopa-
sensitivomotrice est parfois présente, favorisée par l’insuffi- thologique d’une biopsie cutanée qui montre dans les cas ty-
sance rénale terminale associée. Des lésions oculaires à type piques un épaississement de l’ensemble du derme composé
de plaques sclérales ont été signalées. Il existe quelques de gros faisceaux de collagène disposés en tous sens, sépa-
rares observations d’hypertension artérielle pulmonaire rés par de larges fentes optiquement vides et une hypercel-
dont la nature pré- ou post-capillaire n’était pas précisée. lularité importante (fig. 90.4) ¹¹,¹². L’infiltrat inflammatoire
Des atteintes fibrosantes du myocarde, du péricarde, de la est faible ou inexistant. La teneur en mucine est augmentée
plèvre, des poumons, de l’œsophage, des reins, des testi- (coloration bleu Alcian ou fer colloïdal). Il existe un nombre
cules, de la dure-mère ou du diaphragme ont été notées important de cellules fusiformes, secrétant du collagène de
dans des cas autopsiques ⁴-⁹. type I, CD34+, CD45RO similaires aux fibrocytes circulants
d’origine leucocytaire ¹¹,¹³. Des cellules multinucléées dis-
Données biologiques persées de petite taille, probablement dendritiques (CD68+
Les anomalies biologiques sont généralement en relation ou facteur XIIIa+) sont également présentes ¹². Des myofi-
avec l’insuffisance rénale et ses complications et non avec broblastes apparaissent après 3 à 4 semaines d’évolution et
la FSN. Au moment du diagnostic, peut exister un syn- disparaissent dans les lésions plus anciennes. Une proliféra-

 FSN fibrose systémique néphrogénique


90-4 Insuffisance rénale chronique et dialyse

sion toxique était suggéré par les similitudes histologiques


des lésions de FSN avec des lésions cicatricielles ¹⁹. La re-
cherche de l’agent toxique a permis de mettre en évidence
plusieurs facteurs favorisants. L’érythropoïétine en est pro-
bablement un, régulièrement utilisé chez l’insuffisant rénal
à partir des années 1990. Cette molécule est connue pour
augmenter la circulation sanguine des progéniteurs médul-
laires et le recrutement des fibrocytes circulants CD34+,

Coll. Pr D. Lipsker, Strasbourg


CD45RO vers les zones traumatisées. Les malades avec
FSN dans certains centres recevaient des doses d’EPO supé-
rieures aux autres ²⁰,²¹. Il est cependant difficile de savoir
si une dose plus élevée d’EPO n’était pas simplement le
témoin d’une atteinte rénale plus sévère ou d’un syndrome
inflammatoire entraînant une résistance à l’EPO. D’autres
Fig. 90.4 Examen histologique d’une atteinte cutanée au cours d’une facteurs favorisants ont été évoqués : agression endothé-
fibrose systémique néphrogénique : hypercellularité dermique composée de liale secondaire à une thrombose en rapport ou non avec
cellules fusiformes au sein de gros faisceaux de collagène disposés en tout une anomalie de la coagulation congénitale ou acquise ou
sens et séparés par de larges fentes optiquement vides secondaire à une chirurgie vasculaire, dépôts tissulaires
de cations secondaires à des perfusions intraveineuses de
tion capillaire est absente dans les stades précoces, parfois fer, aux anomalies du métabolisme phosphocalciques ou à
présente après deux semaines d’évolution, tout en restant une maladie hépatique chronique ¹⁰,²². La présence d’une
modérée. Les dépôts calciques sont inconstants. Une ex- acidose métabolique semblait fréquente mais inconstante
pression du TGF-bêta a été mise en évidence dans les tis- chez les malades avec FSN ¹⁹,²³.
sus pathologiques ¹⁴. Enfin, une fibrose du périmysium et La responsabilité directe des ions Gd+++ est actuellement
de l’endomysium est observée en cas d’atteinte musculaire, l’hypothèse qui paraît la plus probable sur plusieurs types
ainsi qu’une atrophie des muscles, sans infiltrat inflamma- d’arguments épidémiologiques, biochimiques et expérimen-
toire bien que quelques cellules CD-68+ soient retrouvées taux. Presque tous les malades avec FSN ont été exposés
dans les travées fibreuses ¹⁴. au gadolinium en raison d’un examen par résonance ma-
gnétique nucléaire (IRM), réalisé entre 2 jours et 3 mois
Pronostic et traitement avant l’apparition de la symptomatologie (médiane : 11-
Le pronostic dépend de l’extension et de la sévérité de l’at- 25 jours) ²³,²⁴. Les produits injectés étaient essentiellement
teinte fibrosante cutanéoviscérale. Il est sombre, compte le gadodiamide (Omniscan), mais aussi le gadopentétate
tenu du terrain fragile. Environ 20 à 30 % des patients dé- (Magnevist) et la gadoversétamide (OptiMARK), qui do-
cèdent et 40 % n’ont aucune amélioration de la symptoma- minent le marché américain et d’Europe du Nord, où la
tologie à 24 mois ⁴,⁹. Un petit pourcentage de rémission est majorité des cas ont été décrits ⁷,²⁴. Le risque d’apparition
observé, surtout après amélioration de la fonction rénale. d’une FSN, chez les insuffisants rénaux exposés au gadodia-
Dans une étude de cohorte, la mortalité à 24 mois était de mide, serait multiplié par 32,5 par rapport à celui des sujets
à 48 % chez les malades versus 20 % chez les hémodialysés non exposés (95 % IC 1,9-549,2) ²¹. L’incidence parmi les
sans FSN du même centre. Les maladies cardiovasculaires sujets insuffisants rénaux, exposés au gadodiamide, serait
associées étaient majoritairement causes du décès dans les entre 2,6 et 4,6 % selon les séries ¹⁰,²⁵,²⁶, beaucoup plus
deux groupes ¹⁵. élevée (18 à 36 %) pour les patients à haut risque, c’est-à-
Comme dans toutes les maladies fibrosantes, aucun trai- dire avec une clairance inférieure à 15 ml/min et exposés,
tement n’a fait la preuve de son efficacité. Certains traite- de façon récurrente au gadiodamide ⁴. En fait, les produits
ments se sont révélés bénéfiques dans des cas isolés ¹⁶-¹⁸ : considérés comme les plus à risque sont ceux de type non io-
plasmaphérèses, immunoglobulines intraveineuses, photo- niques, linéaires, les moins stables. En cas d’insuffisance ré-
thérapie, plus récemment photochimiothérapie extracor- nale, leur demi-vie augmente. La libération des ions Gd+++
porelle et imatinib (Glivec). Les corticoïdes ou les immuno- toxiques est expliquée par un mécanisme de transmétalla-
suppresseurs (méthotrexate, ciclosporine) sont inefficaces. tion avec des ions endogènes, facilité par l’acidose locale.
Des dépôts de gadolinium peuvent être mis en évidence et
Physiophathologie quantifiés par spectrophotométrie de masse dans la peau
L’apparition des premiers cas seulement à partir de 1997, ou d’autres tissus de patients atteints de FSN ²⁷-³⁰ Dans
sans prédominance ethnique ni de sexe, avec regroupe- une étude réalisée chez une femme avec FSN, les taux de
ment de plusieurs cas par centre alors que d’autres centres gadolinium dans le sang, les cheveux et les ongles étaient
étaient apparemment épargnés, étaient des arguments épi- 300 à 1 000 fois supérieurs que ceux des contrôles sains ³¹.
démiologiques en faveur d’une origine toxique. De plus, Les taux étaient également 6 à 20 fois supérieurs dans la
la symptomatologie clinique était voisine du syndrome peau lésée de 4 patients atteints que dans une kératose acti-
des huiles toxiques ou des intoxications au tryptophane. nique prélevée chez un autre patient atteint de FSN, suggé-
Un processus de réparation exubérant, secondaire à une lé- rant une relation de dose dépendance entre le gadolinium

 FSN fibrose systémique néphrogénique · IRM imagerie par résonance magnétique · TGF transforming growth factor
Calcifications et nécroses cutanées 90-5

et la fibrose ²⁹. Enfin, du gadolinium, complexé à du cal- sont linéaires avec une constante de dissociation élevée :
cium, du phosphate ou du sodium a été détecté sur 43 biop- gadiodamide (Omniscan) essentiellement mais aussi gado-
sies provenant de 20 malades présentant une FSN exposés pentétate (Magnevist) et gadoversétamide (OptiMARK) ;
au gadodiamide ³². Les dépôts phosphocalciques fréquents presque tous les cas de fibrose systémique néphrogénique
dans la peau en cas d’insuffisance rénale chronique avec ont été associés à leur administration. Les groupes à risque
hyperparathyroïdie secondaire, notamment dans les vais- moyen sont généralement aussi linéaires : acide gadoxé-
seaux, pourraient fournir les ions endogènes nécessaires tique disodique (Primovist), gadobénate (MultiHance), ga-
à la transmétallation comme la surcharge en fer constam- dofosveset trisodique (Vasovist) ; ceux à faible risque sont
ment retrouvée dans les analyses spectroscopiques des tis- macrocycliques avec une constante de dissociation élevée :
sus provenant de sujets atteints ou de contrôles insuffi- gadotérate (Dotarem), gadotéridol (ProHance) et gadobu-
sants rénaux. La concentration cutanée en gadolinium cu- trol (Gadovist). Il est nécessaire d’apprécier cliniquement
rieusement augmentait avec le temps lorsque les patients ou biologiquement, avant toute IRM, la fonction rénale et
avaient eu des biopsies séquentielles, diminuant unique- d’éviter l’administration de produit de contraste contenant
ment plusieurs années après la dernière IRM injectée ³². un gadolinium à haut risque chez les malades avec insuf-
Une des explications est que le gadolinium libre pourrait fisance rénale modérée (clairance de la créatinine entre
être stocké dans des tissus comme l’os ou le foie et progressi- 30 et 60 ml/min) ou sévère (clairance de la créatinine
vement libéré vers d’autres tissus comme la peau. Cela pour- < 30 ml/min), chez les transplantés hépatiques ou chez
rait expliquer également les intervalles longs observés chez les enfants de moins de 1 an (nouveau-nés et nourrissons
certains malades entre l’exposition au gadolinium et le dé- en raison de l’immaturité de leur fonction rénale). Si une
veloppement de la symptomatologie. En revanche, aucun IRM est nécessaire chez un insuffisant rénal, il faut, pour
dépôt de gadolinium n’était détecté chez un patient avec réduire le risque de FSN, utiliser une substance non asso-
une FSN sans exposition préalable au gadiodamide ³². Ex- ciée à la FSN (groupe à faible risque) et donner la dose la
périmentalement en culture in vitro, les fibroblastes issus plus faible possible (< 0,2 mmol/kg). La réalisation d’une
de patients présentant une FSN synthétisent de l’acide hya- hémodialyse prophylactique immédiatement après l’IRM
luronique et du collagène en excès ; le sérum des malades dans le but d’éliminer le gadolinium libre est recommandée
stimule la production de collagène et d’acide hyaluronique par les autorités américaines, mais non par les autorités
de fibroblastes sains. Le gadiodamide stimule de façon dose- européennes car elle ne protège pas du développement ulté-
dépendante la prolifération de fibroblastes sains, la syn- rieur d’une FSN ³⁴ malgré le fait que le gadolinium libre est
thèse de la matrice extracellulaire et leur différentiation éliminé à 73-78 % avec une première hémodialyse, à 93 %
en myofibroblastes ³³. L’exposition de différents produits avec une deuxième et 99 % au bout de la troisième. L’admi-
à base de gadolinium sur des peaux en culture a montré nistration de thiosulfate de sodium en intraveineux après
un effet sur la prolifération fibroblastique et sur l’équilibre chaque dialyse permet d’augmenter l’extraction du gadoli-
entre la métalloprotéinase-1 et son inhibiteur tissulaire ³⁴. nium par le dialysat mais n’a pas entraîné d’amélioration
Enfin, des lésions cutanées proches de celles de la FSN ont de la symptomatologie après 3 à 5 mois de traitement chez
pu être induites chez des rats injectés de façon répétée avec des patients présentant une FSN sévère évoluant depuis
du gadiodamide. L’adjonction de diverses doses de chéla- plus de 2 ans ³⁹.
teurs a permis de confirmer leur rôle protecteur. De fortes
concentrations de gadolinium étaient retrouvées dans la Calcifications et nécroses cutanées
peau des animaux atteints ³⁵. Depuis l’alerte de la FDA aux
États-Unis et des autorités sanitaires en Europe concer- Trois tableaux cliniques sont individualisés suivant le mé-
nant le gadodiamide, l’arrêt ou la diminution des IRM chez canisme physiopathologique et la présence ou non de né-
les insuffisants rénaux, et surtout le remplacement du ga- croses cutanées.
dodiamide par d’autres dérivés plus stables de gadolinium,
ont très nettement diminué le nombre de nouveaux cas Calcinose métastatique (metastatic calcinosis cutis)
de FSN ⁹. Si l’ensemble des faits sus-jacents plaide pour la Il s’agit d’une manifestation tardive de l’insuffisance rénale
responsabilité des ions Gd+++, d’autres facteurs toxiques chronique. Elle est secondaire à la formation de dépôts d’hy-
ne peuvent être exclus. droxyapatite, phosphate de calcium sous forme cristalline,
dans le derme et l’hypoderme. Les lésions cutanées se ma-
Mesures préventives nifestent par des papules, des nodules, des plaques ou des
Les recommandations de l’AFSSAPS en France et de l’EMEA tumeurs cutanées profondes, parfois inflammatoires ou
en Europe sont différentes des recommandations améri- ulcérées, laissant sourdre une substance crayeuse de colora-
caines car elles distinguent les différents gadoliniums en tion blanc jaunâtre (fig. 90.5). Des masses pseudotumorales
fonction de leur risque propre d’induction de FSN. Les re- (calcinose pseudotumorale), proches de celles observées
commandations européennes sont en cours d’actualisation. au cours de la calcinose tumorale de Teuschlander (ou cal-
Il est indispensable de rappeler que le risque global des cinose d’Inclan), ont été décrites ⁴¹. Les dépôts phospho-
IRM chez l’insuffisant rénal reste nettement inférieur à ce- calciques se localisent symétriquement autour des grosses
lui des techniques nécessitant des injections de produits articulations, en regard des sites d’injection ou de lésions
iodés. Les gadoliniums à fort risque de FSN sont ceux qui de grattage secondaires au prurit. L’atteinte de la peau reste

 AFSSAPS Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé · FSN fibrose systémique néphrogénique · IRM imagerie par résonance magnétique
90-6 Insuffisance rénale chronique et dialyse

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 90.5 Calcinose métastatique au cours de l’insuffisance rénale
chronique : multiples papules et nodules cutanés profonds de couleur blanc Fig. 90.6 Vaste ulcération profonde à bordure nécrotique de la face
crayeux sur la malléole externe de la cheville interne du genou au cours d’une artériolopathie calcique

plus rare que celle des autres tissus : système cardiovascu- coloration de van Kossa) mettent en évidence des calci-
laire, muqueuse gastrique, poumon ou rein. fications vasculaires, segmentaires ou circonférentielles,
Ces dépôts calciques sont le plus souvent consécutifs à un des petites et moyennes artères du derme profond et de
hyperparathyroïdisme secondaire avec produit phospho- l’hypoderme, situées au niveau de la région sous-intimale
calcique élevé, excédant une valeur seuil de 70. L’hyper- et des thrombus intravasculaires. Les radiographies des
phosphorémie résulte d’une diminution de filtration du tissus mous éventuellement complétées par une scintigra-
phosphore et s’associe à une hypocalcémie secondaire à phie osseuse au technétium peuvent objectiver de manière
un défaut d’1-hydroxylation de la vitamine D. Ces anoma- indirecte les calcifications des artérioles hypodermiques
lies phosphocalciques stimulent la production de parathor- (fig. 90.8).
mone (PTH) et déterminent une hyperparathyroïdie secon- La pathogénie de cette affection associe, le plus souvent, un
daire. Cependant, plusieurs observations de calcinose mé- hyperparathyroïdisme secondaire et le concept de calciphy-
tastatique ont été rapportées en l’absence d’hyperparathy- laxie décrit expérimentalement par Selye. La calciphylaxie
roïdie ou après parathyroïdectomie. L’évolution peut être désigne un dépôt tissulaire brutal de calcium, accompagné
favorable après équilibre du produit phosphocalcique : trai- d’une inflammation et/ou d’une nécrose tissulaire suivie
tement par fixateurs de phosphore (carbonate de calcium), d’une sclérose. Elle nécessite la conjonction d’un facteur
régime pauvre en phosphates, régime hypoprotidique et sensibilisant, tel que l’hyperphosphorémie, l’élévation de
bains de dialyse pauvres en calcium. En cas d’hyperpara- la parathormone, de la vitamine D, et d’un facteur déclen-
thyroïdie secondaire associée, la parathyroïdectomie peut chant (ou précipitant), tel que des traumatismes locaux
permettre une disparition complète des lésions cutanées. (injections sous-cutanées), des perfusions d’albumine, d’hé-
parinate de calcium, une corticothérapie générale ou des im-
Artériolopathie calcique munosuppresseurs. Un déficit fonctionnel de la protéine C,
Cette affection rare, anciennement dénommée calciphy- de la protéine S, un syndrome des antiphospholipides est
laxie ou artériolopathie urémique calcifiante, désigne une
atteinte artériolaire cutanée caractérisée histologiquement
par des dépôts calciques sous-intimaux et responsable
d’une nécrose cutanée en regard ⁴². Elle affecte avec pré-
dilection les patients en insuffisance rénale chronique ter-
minale et dialysés. Le délai de survenue après dialyse est en
moyenne de 30 mois (22 mois après transplantation rénale
et immunosuppresseurs). Elle débute par des marbrures
violacées, douloureuses, ressemblant à un livedo réticulaire,
et affecte les zones où le pannicule adipeux est plus épais :
cuisses (fig. 90.6), abdomen, mais peut toucher tout le tégu-
ment notamment le pénis (fig. 90.7). Ces marbrures évoluent
rapidement vers des ulcérations avec nécrose extensive, né-
cessitant un débridement chirurgical et/ou une amputa-
Coll. D. Bessis

tion. La présence de signes généraux à type de fièvre, hypo-


tension, myopathie, infarctus cérébraux, digestifs ou myo-
cardiques peut être observée et témoigne d’une atteinte
viscérale spécifique. Fig. 90.7 Ulcération nécrotique cernée d’un livedo inflammatoire du
Les biopsies cutanées (examen histologique standard et gland au cours d’une artériolopathie calcique

 PTH parathormone
Dermatoses perforantes acquises 90-7

Dermatoses perforantes acquises


Les dermatoses perforantes acquises constituent un groupe
de dermatoses rares, caractérisées par des papules ou des
nodules hyperkératosiques avec, sur le plan histologique,
une élimination transépidermique de kératine, de colla-
gène ou de fibres élastiques. Elles sont le plus souvent as-
sociées à un diabète sucré (50 %) et/ou à une insuffisance
rénale chronique terminale (70 %). La lésion élémentaire
est une papule kératosique ombiliquée de 1 à 10 mm de
diamètre avec un bouchon corné central adhérent (fig. 90.9).
Les lésions sont prurigineuses dans 70 % des cas et rare-

Coll. D. Bessis
ment douloureuses. En cas de prurit chronique, l’aspect
clinique est proche d’un prurigo nodulaire. Un phénomène
de Koebner est observé dans 30 % des cas, notamment
Fig. 90.8 Radiographie du bassin objectivant de multiples calcifications lors de grattage intempestif. Le nombre des lésions est
artériolaires au cours d’une artériolopathie calcique variable d’un individu à l’autre. Les membres inférieurs
sont les plus fréquemment atteints, suivis des membres
parfois associé. La survenue d’artériolopathie calcique sans supérieurs, du tronc et du visage. L’atteinte du cuir che-
insuffisance rénale chronique associée est exceptionnelle. velu ou des muqueuses (conjonctivale, buccale) est anecdo-
Le diagnostic différentiel se pose avec les différentes étiolo- tique. L’aspect histologique est proche de l’ensemble des
gies de livedo réticulaire avec nécrose cutanée. autres dermatoses perforantes (maladie de Kyrle, collagé-
Le pronostic est péjoratif, en particulier au cours des at- nose perforante réactionnelle, folliculite perforante) : inva-
teintes proximales, avec décès dans près de 50 % des cas. Le gination de l’épiderme, expulsion de matériel nécrotique
traitement local consiste en une détersion mécanique et chi- basophile du derme à travers une dépression cupuliforme
mique (hydrogels) des zones nécrotiques. En cas d’atteinte de l’épiderme et réaction inflammatoire au site de perfo-
étendue, il est réalisé de manière chirurgicale sous anes- ration. L’évolution des dermatoses perforantes acquises
thésie générale. L’oxygénothérapie hyperbare (séances de est chronique, chaque lésion régressant en quelques mois
90 minutes à 2,5 atm, cinq à six jours par semaine pendant sans cicatrice majeure. Il n’existe aucun traitement spéci-
4 à 8 semaines) pourrait constituer un traitement adjuvant fique. Divers traitements locaux sont proposés : crèmes
intéressant. Le traitement général consiste en une correc- émollientes, corticostéroïdes (topiques ou intralésionnels),
tion des troubles phosphocalciques ⁴²,⁴³ : augmentation de capsaïcine, trétinoïne. La photothérapie UVB ou la PUVA,
fréquence des dialyses avec appauvrissement du dialysat l’isotrétinoïne, la rifampicine, l’allopurinol ont également
en calcium, arrêt de la supplémentation en vitamine D et été proposés avec des résultats variables. L’affection évolue
chélateur du phosphore (sévélamer) et du calcium (thio- favorablement après transplantation rénale.
sulfate de sodium). Le cinacalcet (30 mg/j en moyenne),
calcimimétique inhibant la production de parathormone,
a été rapporté efficace dans plusieurs observations. En cas
d’échec de ces différentes mesures et d’un taux très élevé de
PTH, la parathyroïdectomie peut se justifier, permettant
parfois une guérison complète des signes cutanés et une
évolution générale favorable.

Panniculite calcifiante
Rare, cette affection de nette prédominance féminine se ca-
ractérise par des nodules ou des placards cutanés profonds
érythémateux puis rapidement cyaniques et purpuriques,
hyperalgiques, multiples, touchant les zones d’épaisseur
maximale du tissu adipeux : abdomen, face interne et ex-
terne des cuisses. Les lésions, souvent multiples, évoluent
vers des ulcérations profondes à bord nécrotiques avec alté-
Coll. D. Bessis

ration de l’état général et risque de surinfection mettant en


jeu le pronostic vital. L’hyperparathyroïdisme secondaire et
le mécanisme de calciphylaxie sont là aussi invoqués mais
la présence de calcifications artérielles est inconstante. Le Fig. 90.9 Papules kératosiques centrées par un bouchon corné central
traitement consiste en une correction des désordres méta- adhérent sur une face interne de jambe au cours d’une dermatose
boliques phosphocalciques et une excision chirurgicale des perforante acquise de l’insuffisance rénale chronique. Le caractère linéaire
lésions cutanées. de certaines lésions est secondaire à un phénomène de Koebner

 PTH parathormone
90-8 Insuffisance rénale chronique et dialyse

des mains, visage) associant des érosions, une fragilité cu-


tanée et, dans les cas d’évolution prolongée, des cicatrices
atrophiques et des grains de milium (fig. 90.10). Il n’existe
habituellement pas d’hypertrichose du visage ni de plaques
sclérodermiformes comme on le voit au cours de la porphy-
rie cutanée tardive.
La difficulté diagnostique tient au fait que le dosage des por-
phyrines urinaires n’est pas réalisable chez la plupart des
malades, rendant indispensable le dosage des porphyrines
sanguines et fécales. Ces taux sont normaux ou parfois mo-
dérément augmentés de façon non spécifique. Le dosage
de l’uroporphyrinogène décarboxylase érythrocytaire est
normal. La cause exacte est inconnue, mais plusieurs fac-
teurs favorisants ont été incriminés : l’hypersidérémie, l’hy-
droxyde d’aluminium contenu dans le liquide de dialyse, le
chlorure de polyvinyl utilisé dans les tubulures de plastique
pour la dialyse par libération de di-éthyl-phtalate, la prise
de diurétiques ou d’érythropoïétine. La dermatose bulleuse
des dialysés devra être distinguée 1o d’une authentique
porphyrie cutanée tardive jusqu’alors compensée et révélée
par la dialyse, fréquemment liée au virus de l’hépatite C
contracté en raison d’antécédent de transfusions multiples
et 2o d’une porphyrie cutanée tardive secondaire à l’in-
suffisance d’élimination des porphyrines sériques et des
uroporphyrines par l’hémodialyse. Le diagnostic différen-
A tiel se pose également avec les pseudoporphyries médica-
menteuses (diurétiques) ou photo-induites.
Le traitement repose sur la photoprotection. L’efficacité
du N-acétylcystéine a été rapportée dans quelques observa-
tions ⁴⁵.

Porphyrie cutanée tardive


Elle est rare, induite ou non par le virus de l’hépatite C. Son
traitement reste délicat en raison de l’anémie chronique
associée, liée à l’insuffisance rénale chronique, et de l’effica-
cité inconstante de la chloroquine à faible dose. Plusieurs
réponses thérapeutiques ont été notées avec l’érythropoïé-
tine, conjointement à de petites saignées répétées. La trans-
Coll. D. Bessis

plantation rénale peut induire des rémissions complètes.

B Photosensibilisations médicamenteuses
Fig. 90.10 Pseudoporphyrie cutanée tardive au cours d’une Elles peuvent être de présentation clinique proche de la
dermatose bulleuse des hémodialysés (pseudoporphyrie cutanée tardive). dermatose bulleuse des hémodialysés et induites par l’acide
A. Érosions multiples du sommet du crâne. B. Érosions et croûtes nalidixique, le furosémide, les cyclines...
multiples du dos des mains

Maladies bulleuses
Amylose à bêta-2-microglobuline
Dermatose bulleuse des hémodialysés (pseudoporphyrie cutanée
Elle survient le plus souvent après plusieurs années de trai-
tardive)
tement par épuration extrarénale. Les atteintes extracuta-
Elle affecte entre 1,2 à 18 % des insuffisants rénaux chro- nées sont articulaires, péri-articulaires (syndrome du canal
niques, surtout en hémodialyse ⁴⁴. Elle a également été dé- carpien, arthropathie, spondylarthropathie) et osseuses
crite au cours de l’insuffisance rénale chronique sans sup- (kystes, fractures), d’évolution destructrice. Ses manifesta-
pléance par la dialyse. Ses aspects cliniques, histologiques tions cutanées sont exceptionnelles et de trois types : hy-
et immunohistochimiques sont identiques à ceux de la por- perpigmentation, nodules cutanés profonds et bilatéraux
phyrie cutanée tardive. Cliniquement, il s’agit d’une érup- des fesses, papules lichénoïdes du tronc, des membres su-
tion bulleuse photosensible des régions découvertes (dos périeurs ⁴⁶-⁴⁸.
Complications des fistules artérioveineuses pour hémodialyse 90-9

Troubles de la pigmentation pécie chronique diffuse est classique favorisée par l’anémie.
Des blanchiments des cheveux (canities) réversibles sont
Une hyperpigmentation diffuse est classique au cours de parfois observés. Des blondissements progressifs des che-
l’insuffisance rénale chronique traitée par hémodialyse ou veux, des poils et de la peau, 10 mois à 8 ans après le début
dialyse péritonéale. Elle est d’apparition lente, généralisée l’hémodialyse, ont été rapportés chez plusieurs patients
et prédomine sur les zones photo-exposées. Elle varie d’une d’origine tunisienne ⁵¹.
teinte jaunâtre au marron clair. Trois facteurs étiologiques
peuvent être incriminés : anémie chronique, accumulation
de pigments (lipochromes, caroténoïdes) au niveau de l’épi- Complications des fistules artérioveineuses
derme et du tissu sous-cutané, élévation du taux de bêta- pour hémodialyse
MSH peu dialysable et responsable d’une augmentation de
la mélanogenèse. Une observation de majoration rapide de Complications vasculaires
la pigmentation a été rapportée, liée à une hémolyse aiguë Elles sont peu fréquentes et souvent mal connues des der-
durant l’hémodialyse ⁴⁹-⁵¹. matologues. Le syndrome de vol vasculaire (steal syndrome)
secondaire à la création d’une fistule est lié à un hémodé-
Troubles des phanères tournement par le shunt artérioveineux au détriment de
la partie distale du même membre ⁵²,⁵³. Il s’observe dans
L’ongle équisegmenté hyperazotémique (half-and-half nail 1 à 6 % des cas. Plusieurs facteurs de risque sont identi-
ou ongles de Lindsay) est présent chez 8 à 13 % des patients fiés : diabète (50 à 80 %), hypertension artérielle, athéro-
insuffisants rénaux chroniques (1 à 2 % dans la population sclérose, tabagisme. Les premiers signes apparaissent le
générale). Il se caractérise par une portion proximale blan- plus souvent immédiatement en postopératoire ou dans
châtre et une portion distale rouge ou brunâtre, séparées les semaines qui suivent la création de la fistule. Il s’agit de
par une ligne de démarcation nette (fig. 90.11). Un arc brun douleurs des doigts et de la main homolatérales à la fistule,
distal aurait la même signification. Ces différentes anoma- permanentes, aggravées lors des séances d’hémodialyse et
lies unguéales régressent deux à trois semaines après trans- soulagées par la compression manuelle de la fistule. Les
plantation. Aucune relation n’a pu être observée entre ces manifestations cutanées sont secondaires à l’ischémie dis-
diverses anomalies unguéales et le type ou la sévérité de la tale : cyanose, ulcération ou gangrène digitale nécessitant
maladie rénale sous-jacente. parfois une amputation. La réalisation d’un fistulogramme
D’autres anomalies unguéales sont également fréquentes : permet de confirmer le diagnostic en objectivant une di-
absence de lunule (jusqu’à un tiers des patients), amin- minution du flux artériel distal corrigé par la compression
cissement de la tablette, leuconychies, hémorragies en manuelle de la fistule ⁵³. Le traitement est chirurgical : pon-
flammèche sous-unguéales. Les lignes de Muercke (double tage artériel avec ligature de l’artère dominante distale en
bandes blanches parallèles à la lunule) sont classiquement aval de la fistule, ligature de l’artère en distalité de la fistule,
observées au cours du syndrome néphrotique en raison réduction ou ligature de la fistule.
de l’hypoalbuminémie associée. Les lignes de Mee (bandes Les autres complications vasculaires incluent des ané-
transverses leuconychiques multiples) peuvent être obser- vrismes, des infections, des thromboses, des hypertensions
vées au cours de l’insuffisance rénale aiguë. veineuses de la main. De rares observations de pseudosar-
Les cheveux et les poils sont fins, secs, cassants et une alo- comes de Kaposi ⁵⁴ et d’angiosarcomes en regard de la fis-
tule après transplantation rénale ⁵⁵ ont également été dé-
crites.

Complications allergiques
Environ un tiers des malades pris en charge en hémodialyse
ont des complications allergiques à type d’hypersensibilité
immédiate ou retardée ⁵⁶.
Hypersensibilité immédiate Les accidents d’hypersensi-
bilité immédiate surviennent le plus souvent dès le branche-
ment de la dialyse et se manifestent par un prurit isolé, une
urticaire, un œdème de Quincke. Ils peuvent être sévères et
entraîner le décès par bronchospasme, choc anaphylactique
ou arrêt cardiaque. La fréquence des manifestations ana-
Coll. D. Bessis

phylactiques est diversement appréciée suivant les auteurs,


variant de 5,8 à 15 %. Elles sont plus fréquentes chez les ma-
lades dialysant sur capillaires que chez les utilisateurs de
Fig. 90.11 Ongles équisegmentés hyperazotémiques (half-and-half plaques. Les agents incriminés sont l’oxyde d’éthylène, le
nails ou ongles de Lindsay) : tablettes unguéales comportant une portion formaldéhyde, les isocyanates et les membranes de dialyse.
proximale blanchâtre et une portion distale rouge-brun séparées par une Hypersensibilité retardée Les réactions d’hypersensibi-
nette ligne de démarcation lité retardée sont principalement liées à des eczémas locali-

 MSH melanocyte-stimulating hormone


90-10 Insuffisance rénale chronique et dialyse

sés sur le site de la fistule artérioveineuse. Ils peuvent être Autres complications cutanées associées à la dialyse
localisés sur le site de la fistule ou d’emblée être générali- Des observations ponctuelles d’hidradénite eccrine infec-
sés et surviennent alors volontiers sur terrain atopique. tieuse ⁵⁷, d’acné iatrogène après traitement par testosté-
Les principaux allergènes incriminés sont la lidocaïne- rone injectable pour stimulation de l’hématopoïèse ⁵⁸ ont
prilocaïne, la povidone iodée, le formaldéhyde, le thiuram été signalées.
et ses dérivés, le nickel et les résines d’époxy.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D, Francès C. Insuffisance rénale chronique et dialyse. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 :
Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 90.1-90.11.
91
Maladies rares rénales et cutanées
Didier Bessis

Syndrome de Birt-Hogg-Dubé 91-1 Syndrome branchio-oto-rénal 91-8


Léiomyomatoses familiales cutanées et utérines 91-3 Syndromes mammo-rénaux 91-9
Syndrome Nail-Patella 91-6 Hyperoxalurie primitive 91-9
Lipoatrophie partielle acquise Cystinose infantile 91-10
(syndrome de Barraquers-Simons) 91-7 Références 91-11

a connaissance des maladies rares rénales et cutanées a (mammalian target of rapamycin). La folliculine est large-
L connu un regain d’intérêt au cours de ces dernières an-
nées par la caractérisation génétique moléculaire de deux
ment exprimée dans l’organisme, notamment le poumon
(pneumocytes de type 1), le rein (néphron distal), la peau
génodermatoses à expression cutanée prédominante, la et ses annexes ¹. Les mutations sont majoritairement de
léiomyomatose héréditaire et le syndrome de Birt-Hogg- type insertion ou délétion, et situées dans plus d’un cas sur
Dubé, et la mise en évidence d’un risque significativement deux au niveau de l’exon 11 (« point chaud » mutationnel).
augmenté de cancers du rein au cours de ces affections. Elles sont à l’origine de la production d’une protéine tron-
De nombreuses autres maladies héréditaires rares à ex- quée. L’expression phénotypique ne semble pas corrélée
pression dermatologique et rénale peuvent être diagnos- au génotype d’après les études génétiques réalisées sur les
tiquées précocement. Elles peuvent comporter un risque différentes séries.
de tumeurs rénales (sclérose tubéreuse de Bourneville), Le syndrome BHD est caractérisé sur le plan dermatolo-
d’insuffisance rénale d’origine métabolique (maladie de Fa- gique par la survenue de fibrofolliculomes multiples, de
bry, cystinose infantile, lipodystrophie partielle acquise, trichodiscomes et de lésions de type acrochodons ²,³. Ces
fièvre méditerranéenne familiale) ou de malformations de dernières tumeurs sont actuellement considérées comme
l’arbre génito-urinaire avec ou sans insuffisance rénale (syn- des variantes cliniques et histologiques des fibrofollicu-
dromes mammo-rénaux familiaux, syndrome oto-branchio- lomes. Les fibrofolliculomes sont cliniquement caractéri-
rénal) (encadré 91.A). Ce chapitre abordera les principales ma- sés par de petites papules fermes, en dôme, de couleur
ladies génétiques et/ou métaboliques à expression rénale ivoire ou de couleur chair, à surface lisse, de quelques mil-
et cutanée prédominante. La fibrose systémique néphrogé- limètres de diamètre (fig. 91.1). Le plus souvent multiples,
nique est détaillée dans le chapitre précédent consacré à leur nombre varie chez un individu de quelques papules
l’insuffisance rénale et la dialyse. à plus de 100 éléments. Ils siègent avec prédilection sur
l’extrémité céphalique, en particulier le front, le nez, les
Syndrome de Birt-Hogg-Dubé joues, les pavillons auriculaires et les régions rétroauricu-
laires ainsi que les faces latérales du cou et le haut du tronc
Le syndrome de Birt-Hogg-Dubé (BHD) est une affection (fig. 91.2). Ils peuvent également être regroupés de façon
transmise sur le mode autosomique dominant associant coalescente en plaques selon une topographie segmentaire
des hamartomes cutanés (fibrofolliculomes), des tumeurs (fig. 91.3). Leur développement est le plus souvent noté au
rénales, des atteintes pulmonaires kystiques et des pneu- cours de la 3 e ou 4 e décade de la vie mais les premières
mothorax spontanés. Cette affection est liée à des muta- lésions, souvent discrètes, peuvent être présentes dès l’âge
tions germinales du gène BHD (locus 17p11.2). Considéré de 20 ans. Les fibrofolliculomes sont cliniquement indistin-
comme un gène tumeur suppresseur, il code pour la fol- guables des trichodiscomes. Les lésions de type acrochor-
liculine, protéine hautement conservée au cours de l’évo- dons se localisent avec prédilection au niveau des creux
lution et impliquée par le biais de sa protéine de liaison axillaires et sont le plus souvent associées à des papules
FNIP1 (folliculin interacting protein 1) dans les voies de signa- de fibrofolliculomes (fig. 91.4). Le diagnostic de syndrome
lisation AMPK (5 -AMP-activated protein kinase) et mTOR BHD est retenu cliniquement, si une personne est porteuse

 BHD Birt-Hogg-Dubé
91-2 Maladies rares rénales et cutanées

d’au moins 10 fibrofolliculomes, dont un confirmé par un Principales maladies à expression rénale et cutanée
examen anatomopathologique. Celui-ci atteste d’une tu- Génétiques ou métaboliques
meur folliculaire bénigne, non épithéliale, constituée par Syndrome de Birt-Hogg-Dubé
un follicule pileux central souvent déformé par un infun- Léiomyomatose héréditaire
dibulum élargi rempli de kératine lamellaire cerné d’une Sclérose tubéreuse de Bourneville
fibrose concentrique. De deux à quatre bandes d’épithélium Syndrome Nail-Patella
folliculaire, anastomosées entre elles, s’étendent dans ce Syndrome branchio-oto-rénal
stroma fibromucineux (fig. 91.5). Le traitement des fibrofolli- Lipoatrophie partielle de Barraquer-Simons
culomes et des trichodiscomes repose sur la dermabrasion, Maladie de Fabry
le laser de resurfaçage ou l’isotrétinoïne systémique. Fièvre méditerranéenne familiale
Goutte
Diabète sucré
Cystinose infantile
Hyperoxalurie primitive
Vasculites
Purpura rhumatoïde
Périartérite noueuse et polyangéite microscopique
Maladie de Wegener
Syndrome de Churg et Strauss
Angéites d’hypersensibilité
Connectivites
Lupus érythémateux systémique
Sclérodermie
Connectivites mixtes
Polyarthrite rhumatoïde
Polychondrite chronique atrophiante
Syndrome de Gougerot-Sjögren
Maladies hématologiques
Cryoglobulinémies
Coll. D. Bessis

Purpura thrombotique thrombocytopénique


Syndrome des antiphospholipides
Drépanocytose
Fig. 91.1 Fibrofolliculomes du visage au cours d’un syndrome de Autres
Birt-Hogg-Dubé : multiples papules blanchâtres lisses, en dôme des joues Embolies de cholestérol
et du sillon nasogénien Fibrose systémique néphrogénique
Sarcoïdose
L’atteinte orale est probablement sous-estimée et consti- Syndromes mammo-rénaux
tuée de petites papules fibromateuses, plus ou moins pé- Amylose
diculées, localisées préférentiellement sur les faces anté- 91.A
rieures des gencives et le versant muqueux des lèvres
(fig. 91.6). Parmi les autres tumeurs cutanées rapportées, cer rénal. Leur survenue est plus précoce qu’au cours des
les angiofibromes et les fibromes périfolliculaires peuvent formes sporadiques de cancers rénaux. Le plus souvent il
constituer l’unique expression cutanée au sein de familles s’agit de tumeurs bilatérales et multifocales où dominent
porteuses de la mutation du gène BHD. D’autres tumeurs deux formes histologiques parfois associées chez un même
sont décrites ponctuellement sans qu’un lien formel puisse patient au sein d’une même tumeur : tumeurs hybrides
actuellement être établi : lipomes multiples, collagénomes, chromophobes-oncocytomes (67 %), carcinomes chromo-
mélanomes, carcinomes basocellulaires et épidermoïdes, phobes (23 %), oncocytome (3 %). Les carcinomes rénaux à
hyperplasie sébacée, dermatofibrosarcome et léiomyosar- cellules claires, de type papillaire ou tubulo-papillaire sont
come. plus rarement observés et rendent compte des rares formes
Le syndrome BHD comporte un risque accru de carcinomes métastatiques observées ². Il n’existe actuellement aucun
rénaux ²,⁴. Dans une série portant sur 98 patients atteints consensus pour la prise en charge de ces patients en termes
de syndrome BHD, le risque de développer une tumeur ré- de prévention, et la fréquence de la surveillance clinique et
nale était multiplié par sept par rapport à la population morphologique reste mal codifiée.
générale (15 % des patients) ⁴. Ce risque carcinologique Les autres atteintes viscérales associées au cours du syn-
est cependant difficile à chiffrer avec précision, suivant les drome BHD sont essentiellement pulmonaires avec un
modalités de sélection des séries publiées. Il est estimé risque de pneumothorax 50 fois plus important que dans
entre 6 à 34 % des patients atteints du syndrome BHD la population générale, soit plus d’1/3 des patients atteints.
ou porteur de la mutation du gène BHD ². Il est significa- La présence de lésions kystiques pulmonaires est égale-
tivement plus élevé en cas d’antécédent familial de can- ment fréquente, estimée entre 80 à 90 % des patients, ca-

 BHD Birt-Hogg-Dubé
Léiomyomatoses familiales cutanées et utérines 91-3

Coll. D. Bessis
Fig. 91.3 Placard congénital associant des fibrofolliculomes coalescents
et des kystes épidermiques au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé

Coll. D. Bessis

Fig. 91.2 Fibrofolliculomes de l’oreille et du pli rétroauriculaire, une


localisation classique au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé

Coll. D. Bessis
ractérisée histologiquement par des dilatations kystiques
des espaces alvéolaires. Ces lésions kystiques sont précur-
seurs des pneumothorax multiples observés et considérés
à tort comme « spontanés ». Quelques observations d’onco- Fig. 91.4 Fibrofolliculomes du creux axillaire : papules en dôme et
cytomes parotidiens, de carcinomes et de polypes coliques pédiculées à type d’acrochordons
et de carcinomes thyroïdiens sont rapportées sans qu’un
lien formel avec cette affection soit établi. De nombreuses sant la transformation du fumarate en malate dans le cycle
autres observations isolées d’association sont notées : sar- de Krebs. Des mutations du gène FH sont identifiées dans
come mammaire, adénocarcinome prostatique, adénome 85 à 100 % des familles atteintes de LCUF/HLRCC. Ces mu-
parathyroïdien, méningiome, neurothécome, choriorétino- tations germinales de FH sont à l’origine d’une baisse de
pathie. l’activité enzymatique de la fumarate hydratase. Aucune
corrélation génotype/phénotype n’est actuellement démon-
trée pour ces affections. Au cours des LCUF/HLRCC, une
Léiomyomatoses familiales cutanées et perte d’hétérozygotie (perte de l’haplotype sauvage, conser-
utérines vation de l’allèle muté) est observée dans les tissus tumo-
raux. Ces anomalies génétiques somatiques sont corrélées
La léiomyomatose cutanée et utérine familiale (LCUF) ou à une baisse de l’activité enzymatique en tissu tumoral et
syndrome de Reed est une affection héréditaire rare asso- plaident en faveur d’un rôle suppresseur de tumeur de cette
ciant des tumeurs bénignes cutanées et utérines multiples, protéine.
dérivant de cellules musculaires lisses. Une variante cli- Les LCUF/HLRCC sont caractérisées sur le plan dermatolo-
nique, caractérisée par une prédisposition au développe- gique par la survenue de léiomyomes multiples ⁷. Il s’agit de
ment de carcinomes rénaux papillaires (HLRCC pour hered- petites papules ou de nodules de couleur chair à légèrement
itary leiomyomatosis and renal cell cancer), a été individuali- brunâtre ou rosée, de quelques millimètres à quelques cen-
sée en 2001 ⁵. Les LCUF/HLRCC sont des affections héré- timètres de diamètre, fermes, érectiles (fig. 91.7). Certains
ditaires transmises selon le mode autosomique dominant, sont douloureux : 90 % des malades rapportent une dou-
liées à des mutations germinales du gène FH (locus 1q42- leur sur un ou plusieurs léiomyomes à la pression, lors de
43), codant la protéine fumarate hydratase ⁶. Cette protéine l’exposition au froid ou plus rarement lors d’un trauma-
est une isoenzyme cytosolique et mitochondriale cataly- tisme ou de l’exposition à la chaleur. Ces tumeurs bénignes

 HLRCC hereditary leiomyomatosis and renal cell cancer · LCUF léiomyomatose cutanée et utérine familiale
91-4 Maladies rares rénales et cutanées

Coll. D. Bessis
Fig. 91.6 Papule fibreuse labiale inférieure au cours du syndrome de
Birt-Hogg-Dubé

multiples) des parties découvertes. Aucun traitement n’est


Coll. Dr V. Rigau, Montpellier
habituellement nécessaire ou sollicité par le patient.

Fig. 91.5 Histologie d’un fibrofolliculome

sont le plus souvent multiples et leur nombre varie chez un


individu de quelques papules à plus de 100 éléments. Elles
sont réparties de façon diffuse et symétrique et siègent, par
ordre décroissant de fréquence, sur le tronc, les membres,
où elles prédominent aux extrémités, la tête et le cou. Elles
peuvent aussi être regroupées en plaque selon une topogra-
phie segmentaire chez des patients présentant également
des léiomyomes cutanés diffus (fig. 91.8). Cette dernière ré-
partition suivant les lignes de Blaschko, fréquemment ob-
servée aux cours des LCUF, correspondrait à une manifes-
tation segmentaire de type 2 des affections autosomiques
dominantes (Happle). L’âge moyen de survenue des léio-
myomes cutanés est de 25 ans (valeurs extrêmes : 9-47 ans).
Le diagnostic de léiomyomatose cutanée est retenu clini-
quement, si une personne est porteuse d’au moins 10 léio-
myomes dont un confirmé par un examen anatomopatho-
Coll. D. Bessis

logique. Le léiomyome cutané est une prolifération de cel-


lules musculaires lisses dérivant des muscles pilo-érecteurs
dermiques (piloléiomyomes), les distinguant des angioléio-
myomes (solitaires) et des léiomyomes dartoïques (déri- Fig. 91.7 Léiomyomes cutanés au cours d’une léiomyomatose familiale
vant des muscles lisses génitaux). L’examen anatomopatho- cutanée et utérine
logique révèle une prolifération de fibres musculaires lisses
entrelacées, mal limitée, enserrées par des fibres collagènes Ces tumeurs cutanées bénignes sont associées chez la ma-
en quantité variable (fig. 91.9). La fréquence de l’atteinte cu- jorité des femmes (jusqu’à 100 % selon les séries) à des léio-
tanée au cours des LCUF/HLRCC est évaluée entre 76 % et myomes ou fibromes utérins multiples ⁷. Ces lésions gynéco-
87 % selon les séries, répartie entre les formes diffuses, seg- logiques sont diagnostiquées en moyenne à l’âge de 30 ans,
mentaires ou associant les deux topographies, respective- mais parfois à l’origine de symptômes plus précoces (règles
ment 39, 29 et 32 %. Les léiomyomes cutanés augmentent prolongées, métrorragies). Elles induisent aussi des dou-
en nombre avec l’âge, mais ne gênent en général pas les pa- leurs abdominales et/ou des troubles de la fertilité et des
tient(e)s, sauf dans les formes profuses (plaque ou lésions fausses couches spontanées. Ces fibromes utérins peuvent

 HLRCC hereditary leiomyomatosis and renal cell cancer · LCUF léiomyomatose cutanée et utérine familiale
Léiomyomatoses familiales cutanées et utérines 91-5

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier


B
Coll. D. Bessis

Fig. 91.9 Examen histologique d’un léiomyome cutané.


A. Prolifération de fibres musculaires lisses entrelacées, mal limitée,
enserrées par des fibres collagènes. B. Gros plan sur la prolifération
Fig. 91.8 Groupement segmentaire de léiomyomes cutanés sur la de fibres musculaires lisses
face externe d’un bras au cours d’une léiomyomatose familiale cutanée
et utérine servés. Dans les familles identifiées par les dermatologues,
les pourcentages de cancers observés varient : 1 cancer du
perturber sévèrement la qualité de vie. Leur caractère invali- rein dans une famille parmi 45 familles britanniques (2 %),
dant nécessite le recours fréquent (entre 59 et 91 % des cas) 2 familles nord-américaines parmi 32 des 35 familles étu-
à une hystérectomie parfois précédée d’une myomectomie, diées (6 %). Le risque de développer un cancer rénal pour
le plus souvent avant 40 ans. Cette intervention est parti- un patient porteur d’une mutation FH est estimé entre 2
culièrement précoce dans les séries américaines puisque 36 et 22 % selon les séries. Dans les premières descriptions, le
à 57 % des femmes y ont eu recours avant 30 ans. L’identi- type histologique le plus fréquent était l’adénocarcinome
fication des familles et des femmes à risque est susceptible papillaire de type II, variété rare de tumeur rénale, carac-
de permettre la détection et la prise en charge précoces térisée par une prolifération d’architecture papillaire de
des fibromes utérins, et à la fois d’améliorer leur qualité de cellules au cytoplasme amphophile et au large noyau avec
vie, et de les surveiller lorsqu’elles désirent des grossesses. nucléoles pseudo-éosinophiles. Des cancers des voies collec-
Sachant que les léiomyomes sont, en moyenne, identifiés trices et des formes indifférenciées ont également été ob-
cinq ans avant les fibromes utérins, les dermatologues ont servés en association aux HLRCC. Plus récemment, de mul-
un rôle potentiel dans le conseil d’une consultation de gyné- tiples formes atypiques associant des structures papillaires,
cologie et/ou la prescription d’une échographie pelvienne. tubulo-papillaires, kystiques, ainsi que des carcinomes à
Les LCUF comportent un risque carcinologique rénal. cellules claires, ont été rapportées au cours d’HLRCC. Ces tu-
Quelques cas de léiomyosarcomes utérins et d’autres tu- meurs ont en commun la présence de cellules à cytoplasme
meurs malignes et bénignes ont également été décrits. L’im- amphophile et au large noyau comportant des inclusions
portance exacte de ce risque carcinologique est difficile à nucléolaires pseudo-éosinophiles, caractéristiques initiale-
chiffrer avec précision, car les modalités de sélection des ment attribuées aux seuls adénocarcinomes papillaires de
séries publiées ont influencé les pourcentages de cancers ob- type II. Les tumeurs rénales associées aux HLRCC semblent

 HLRCC hereditary leiomyomatosis and renal cell cancer · LCUF léiomyomatose cutanée et utérine familiale
91-6 Maladies rares rénales et cutanées

ainsi constituer un spectre étendu encore mal défini par


les classifications histologiques habituelles. Les immuno-
marquages de FH sur ces tumeurs rénales inhabituelles
pourraient, dans l’avenir, constituer un outil diagnostique
pour identifier les formes associées aux HLRCC. Sur le plan
macroscopique, ces tumeurs sont le plus souvent solitaires
et unilatérales. Elles surviennent précocement (médiane
de 44 ans) et sont souvent découvertes à un stade évolué ou
métastatique. Peut-être de ce fait, une mortalité élevée est

Coll. Dr R. Baran, Cannes


associée aux carcinomes rénaux au cours de HLRCC. L’iso-
échogénicité de ces tumeurs rend difficile une surveillance
par simple échographie et leur dépistage doit reposer pré-
férentiellement sur l’uro-TDM ou l’IRM. Il n’existe actuel-
lement aucun consensus pour la prise en charge de ces pa-
tients en termes de prévention, et la fréquence de la sur- Fig. 91.10 Lunules triangulaires au cours d’un syndrome Nail-Patella
veillance clinique et morphologique reste mal codifiée. Il
est cependant espéré que l’identification de ces familles à les coudes avec dysplasie ou hypoplasie de la tête ra-
risque permettra une détection précoce des cancers rénaux diale respectivement dans 92 % et 61 % des cas, les ge-
et une amélioration du pronostic. noux marqués par une absence ou une hypoplasie des
Les LCUF/HLRCC sont d’autre part associées au risque de rotules (93 %) (fig. 91.12) et des protubérances osseuses
survenue d’un léiomyosarcome utérin. Ce cancer gynéco- triangulaires illiaques postérieures, ou cornes illiaques
logique rare (1 à 3 % des cancers utérins) est développé (70-80 %) ;
aux dépens des structures musculaires lisses et survient le − une atteinte rénale, responsable du pronostic de l’af-
plus souvent après la ménopause. Il apparaît précocement fection, et observée dans près de 1 cas sur 2. Sa sévé-
au cours des LCUF/HLRCC. Les principales observations rité est variable suivant les familles et au sein d’une
proviennent de Scandinavie où une étude finlandaise a ré- même famille. L’expression de l’atteinte glomérulaire
cemment rapporté la survenue de léiomyosarcomes chez rénale varie d’une simple protéinurie et/ou hématu-
5 patientes porteuses de mutation FH âgées de 29 à 37 ans rie bénigne chronique à une insuffisance rénale termi-
(correspondant à 15 % des patientes dans cette série). Au- nale (3 à 15 %) généralement d’évolution lentement
cun léiomyosarcome utérin n’a en revanche été rapporté progressive ⁹. Des anomalies ultrastructurales rénales
dans les séries nord-américaines, bien que des léiomyomes sont constamment présentes et caractéristiques, affec-
avec atypies aient été décrits. tant la membrane basale glomérulaire. Elles consistent
De récentes publications ont démontré l’existence d’un en un épaississement irrégulier de la lamina densa qui
risque accru par rapport à la population générale pour les prend un aspect « mité » en raison de l’alternance de
femmes porteuses de mutations germinales de FH de dé- zones denses et claires en microscopie électronique. Il
velopper un cancer du sein et pour les patients des deux s’y associe des dépôts de fibrilles de collagène dans les
sexes de développer un cancer de vessie ou certaines hémo- membranes basales glomérulaires et dans la matrice
pathies (lymphomes, myélome et leucémies) ⁷. mésangiale ;
− des atteintes oculaires variées : hypertension oculaire,
Syndrome Nail-Patella anomalies congénitales de la cornée, glaucome ouvert,
cataracte, pigmentation irienne (signe de Lester).
Le syndrome Nail-Patella (ostéo-onychodysplasie hérédi-
taire) est une affection héréditaire autosomique dominante
rare, à pénétrance complète et d’expressivité variable. Son
incidence à la naissance est estimée à 1 sur 50 000. Il est lié
à des mutations du gène LMX1B, qui régule l’expression du
collagène IV au cours du développement de la membrane
basale glomérulaire rénale et contribue à maintenir sa struc-
ture et sa fonction en période post-natale ⁸.
Les signes cliniques associent :
− des atteintes unguéales quasi constantes (95 %) pré-
Coll. Dr R. Baran, Cannes

sentes dès la naissance, bilatérales, symétriques et pré-


dominantes aux pouces et plus rarement observées aux
orteils (fig. 91.10) : lunules triangulaires (pathognomo-
nique), anonychie, hémi-anonychie, hypoplasie de la
tablette unguéale, lignes longitudinales, fissures des
tablettes (fig. 91.11) ; Fig. 91.11 Atrophie des tablettes unguéales au cours d’un syndrome
− des atteintes squelettiques touchant avec prédilection Nail-Patella

 HLRCC hereditary leiomyomatosis and renal cell cancer · IRM imagerie par résonance magnétique · LCUF léiomyomatose cutanée et utérine familiale · TDM tomodensitométrie
Lipoatrophie partielle acquise (syndrome de Barraquers-Simons) 91-7

Coll. Dr R. Baran, Cannes


A B
Fig. 91.12 A. Absence de rotule au cours d’un syndrome Nail-Patella. B. Radiologie d’un genou normal

Le traitement de cette affection reste symptomatique en sont mises en évidence : abaissement de la fraction C3
particulier sur le plan rénal : inhibiteurs de l’enzyme de du complément associé à la présence de C3NeF. Le C3NeF
conversion de l’angiotensine, ciclosporine, transplantation correspond à un auto-anticorps qui réagit et prolonge la
rénale. demi-vie de l’enzyme de conversion du C3 par la voie al-
terne (C3 convertase ou C3bBb) à l’origine d’une activation
et d’une consommation continue du C3. Cette baisse du
Lipoatrophie partielle acquise (syndrome de C3 peut être responsable d’infections bactériennes récidi-
Barraquers-Simons) vantes, parfois sévères, touchant avec prédilection les voies
aériennes supérieures, et s’associe parfois à des maladies
Il s’agit d’une affection sporadique acquise, rarement fami- auto-immunes (rôle du complément dans l’élimination des
liale, affectant avec prédilection le sexe féminin. Le rôle complexes immuns circulants de la circulation générale).
favorisant de mutations du gène de la lamine B2 (LMNB2) Les autres fractions du complément sont normales mais
a récemment été identifié chez quelques patients ¹⁰. Elle se une baisse conjointe de la fraction C5 a été rapportée. Une
caractérise par une perte progressive du tissu graisseux dé- hypertriglycéridémie avec insulinorésistance et un diabète
butant au visage puis s’étendant au tronc et aux membres sucré sont associés dans 20 % des cas. Quelques observa-
supérieurs. Les membres inférieurs sont classiquement tions de lipodystrophie partielle acquise avec baisse isolée
épargnés et même, dans certains cas, une hypertrophie de la fraction C4 du complément, associées préférentiel-
du tissu adipeux peut être notée (fig. 91.13). Dans de rares lement à une hépatite auto-immune, mais sans atteinte
cas, une généralisation de la lipodystrophie peut être obser- rénale, ont été identifiées ¹¹.
vée, associée à une insulino-résistance, une dyslipidémie et La survenue d’une glomérulopathie membranoproliféra-
un foie stéatosique. Le début de l’affection se fait au cours tive, mésangiocapillaire, semble pratiquement constante.
de l’enfance mais des formes plus tardives, jusqu’à 40 ans, Le début est le plus souvent retard par rapport à la lipoatro-
peuvent être observées. phie (parfois jusqu’à 20 ans) aboutissant progressivement
Dans la plupart des cas, des anomalies du complément en une dizaine d’années à une insuffisance rénale terminale
91-8 Maladies rares rénales et cutanées

Coll. D. Bessis
Fig. 91.14 Sinus préauriculaire au cours d’un syndrome
branchio-oto-rénal

nale. Aucun traitement, en particulier par les stéroïdes ou


l’azathioprine, n’a permis jusqu’à présent de ralentir l’évo-
lution rénale. La greffe rénale est le plus souvent suivie de
succès.

Syndrome branchio-oto-rénal
Le syndrome branchio-oto-rénal est une affection hérédi-
Coll. Dr S. Barbarot, Nantes

taire de transmission autosomique dominante, avec une


forte pénétrance et une expressivité variable et incomplète
d’une famille à l’autre et au sein d’une même famille. Sa
prévalence est estimée à 1/40 000 enfants. Ce syndrome
est mis en évidence chez 2 % des enfants souffrant de sur-
Fig. 91.13 Lipoatrophie partielle acquise (syndrome de dité profonde. Les principales manifestations cliniques as-
Barraquers-Simons) : lipoatrophie du tronc contrastant avec une socient ¹² : 1o une perte de l’audition plus ou moins com-
hypertrophie adipeuse des membres inférieurs et des fesses plète ou tardive (98 % des cas) ; 2o la présence de si-
nus préauriculaires (84 %) (fig. 91.14) ; 3o des anomalies
dans 40 à 50 % des cas. Cette atteinte rénale se caractérise des arcs branchiaux (fentes, fistules ou kystes branchiaux)
histologiquement par des dépôts homogènes et denses au (68 %) ; 4o des anomalies de l’oreille externe (un tiers
niveau de la lamina densa des membranes basales des glo- des cas) et 5o des malformations rénales (malformation
mérules, des tubules et des artérioles rénales. Le lien pa- de l’arbre urinaire, hypoplasie ou agénésie rénale, dysplasie
thogénique entre l’anomalie du complément et l’atteinte rénale, kystes rénaux) (deux tiers des cas). Le risque d’in-
rénale reste inconnu, et il n’existe pas de corrélation entre suffisance rénale terminale est estimé à 6 % des patients
les anomalies immunitaires et la sévérité de l’atteinte ré- atteints du syndrome branchio-oto-rénal ¹³. Le gène impli-
Hyperoxalurie primitive 91-9

Coll. D. Bessis
Fig. 91.15 Mamelon surnuméraire

qué, EYA1, est situé sur le locus 8q12-22. Des mutations


ponctuelles et des délétions ont été identifiées au niveau
de ce gène chez environ 40 % des patients atteints. Des
mutations ont également été identifiées dans le gène SIX1
(14q23), dont les produits interagissent avec EYA-1, les
complexes formés étant des facteurs de transcription.

Syndromes mammo-rénaux
Ils représentent un spectre clinique hétérogène associant :
− des anomalies congénitales des mamelons, intéressant
leur formation (aplasie ou hypoplasie), leur nombre (ab-
sence ou mamelon surnuméraire) et leur localisation
(ectopique ou non) (fig. 91.15) ;
− des anomalies morphologiques de l’arbre génito-urinaire :
polykystose rénale, sténose congénitale de la jonction
pyélo-urétérale, agénésie rénale, kyste rénal...

Coll. D. Bessis
La présence de mamelons surnuméraires (polythélie) consti-
tue une malformation congénitale fréquente (0,22 à 6 %
de la population) marquée par le développement uni- ou
bilatéral de mamelons additionnels (avec ou sans aréole Fig. 91.16 Ligne de développement potentiel de mamelon
ou tissu mammaire associé), habituellement situés le long surnuméraire
de la ligne lactée embryonnaire qui s’étend du creux axil-
laire au creux inguinal, parfois à distance (vulve, cou, dos Hyperoxalurie primitive
et cuisses) ¹⁴,¹⁵ (fig. 91.16). Elle survient habituellement de
façon sporadique mais peut être familiale dans environ L’hyperoxalurie primitive de type 1 ou oxalose est liée au
6 % des cas, de transmission héréditaire autosomique do- déficit d’une enzyme peroxysomale hépatique, l’alanine-
minante à pénétrance incomplète, plus rarement liée à glyoxylate-aminotransférase (AGT) dont le gène AGXT est
l’X. Une association significative entre polythélie et malfor- localisé en 2q37.3. L’hyperoxalurie de type 2, extrêmement
mations génito-urinaires (le plus souvent homolatérales) rare, est due à un déficit en glycérate déshydrogénase lié à
évaluée par échographie est rapportée avec une fréquence la mutation du gène GRHPR ¹⁷. Les premiers symptômes
variant entre 1,2 à 40 % ¹⁴,¹⁵. Elle est plus marquée en apparaissent avant l’âge de 5 ans (deux tiers des cas) et
cas de forme familiale de polythélie et n’est pas observée sont secondaires à des lithiases responsables d’infections
dans la population américaine à peau dite noire ¹⁶. La si- ou d’obstruction des voies urinaires. L’insuffisance rénale
gnification exacte de cette association reste cependant terminale survient avant l’âge de 15 ans dans près de la
discutée en raison de la fréquence non négligeable des moitié des cas. L’accumulation de cristaux d’oxalate dans
malformations mammaires ou du tractus urinaire (1 % les tissus est secondaire à l’insuffisance rénale et entraîne
par recherche échographique) dans la population générale. des troubles du rythme cardiaque, une hypertension arté-
Elle peut cependant justifier une exploration ultrasono- rielle, une artérite des membres, des fractures responsables
graphique abdominopelvienne en cas de polythélie fami- d’ankyloses douloureuses et un état grabataire. Les signes
liale. cutanés évocateurs, quoiqu’inconstants, peuvent être pré-
91-10 Maladies rares rénales et cutanées

Coll. Pr J.-C. Roujeau, Créteil


Fig. 91.17 Calcinoses digitales au cours d’une hyperoxalurie primitive

sents parfois dès l’enfance ou l’adolescence. Ils regroupent


un livedo et des nécroses cutanées distales secondaires à
l’atteinte vasculaire, pouvant mimer une calciphylaxie. Des
calcinoses diffuses, surtout des pulpes digitales (fig. 91.17),
constituent un point d’appel diagnostique confirmé par la
découverte, dans le produit d’écoulement ou à la biopsie cu-
tanée, de cristaux d’oxalate visibles en lumière polarisée ¹⁸.
Le diagnostic de cette affection très hétérogène nécessite
des dosages urinaires de glycolate (hyperglycolaturie), de

Coll. D. Bessis
glycérate et d’oxalate ainsi que de l’oxalémie plasmatique.
Le diagnostic anténatal est possible à partir d’une biopsie
de trophoblaste ou d’une biopsie hépatique du fœtus. Le
traitement associe des boissons abondantes, une alcalini- Fig. 91.18 Vieillissement prématuré du visage (patient âgé de 38 ans)
sation des urines et la pyridoxine à forte dose, associée à au cours d’une cystinose
l’orthophosphate qui inhibe la précipitation de l’oxalate de
calcium. La transplantation rénale seule ne corrige pas le musculaire et d’une atteinte cérébrale. L’atteinte oculaire,
trouble métabolique expliquant la récidive. La transplan- secondaire aux dépôts de cystine dans la cornée et la
tation hépatique, souvent associée à une transplantation conjonctive, entraîne un larmoiement et une photopho-
rénale, est la solution de choix, en particulier chez l’enfant. bie. La maladie évolue progressivement après l’âge de 6 ans
Dans tous les cas, la transplantation doit être réalisée avant vers l’insuffisance rénale terminale. Les manifestations cu-
ou rapidement après la mise en dialyse afin d’éviter les com- tanées rapportées associent un vieillissement cutané pré-
plications extra-rénales. maturé observé dès la deuxième décennie avec un aspect
« flétri » de la peau, une bouffissure du visage et une finesse
Cystinose infantile des cheveux (fig. 91.18). Ces anomalies cutanées seraient
liées à une élastopathie progressive du derme associée à
La cystinose est une maladie héréditaire à transmission des dépôts intracellulaires de cristaux de cystine, en parti-
autosomique récessive. Le gène en cause, CTNS, est situé culier au niveau des fibroblastes ¹⁹. Le diagnostic s’établit
sur le chromosome 17p13 et code pour une protéine de par la recherche de la surcharge histologique et ultrastruc-
membrane des lysosomes, la cystinosine. Cette affection turale en cristaux (de forme hexagonale ou rectangulaire)
est liée à un défaut de transport de cystine hors des ly- de cystine intralysosomiale et le dosage de la cystine libre
sosomes entraînant une accumulation lysosomiale de cet intraleucocytaire, très sensible, permettant de détecter les
acide aminé dans différents organes. La prévalence est esti- porteurs hétérozygotes. Le diagnostic prénatal est possible
mée à 1/200 000. Au cours de la forme infantile, la plus fré- à partir du prélèvement de villosité choriale ou de cellules
quente, les premiers signes apparaissent après trois mois, amniotiques. Le traitement comporte des suppléments hy-
marqués par un syndrome polyuro-polydipsique et un re- droélectrolytiques et vitaminiques, l’indométacine qui en-
tard de croissance staturopondéral important, secondaires traîne une amélioration de l’état général et de la croissance
à un syndrome tubulaire proximal généralisé avec pertur- staturale, et la cystéamine (10 à 50 mg/kg/j) qui diminue le
bations hydro-électrolytiques sévères. L’accumulation de taux de cystine leucocytaire, permettant de ralentir la pro-
cystine dans différents organes est responsable d’une hypo- gression vers l’insuffisance rénale et l’atteinte des autres
thyroïdie, d’un diabète insulinodépendant, d’une hépato- organes. La transplantation rénale n’est pas suivie de réci-
splénomégalie avec hypertension portale, d’une atteinte dive sur le greffon.
Références 91-11

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D. Maladies rares rénales et cutanées. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations
dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 91.1-91.11.
92
Système nerveux central et périphérique
Céline Girard

Système nerveux central 92-1 Prurit anogénital et scrotal neuropathique 92-8


Tumeurs cérébrales 92-1 Notalgie paresthésique 92-9
Maladie de Parkinson 92-2 Syndrome du canal carpien 92-9
Syndrome de section médullaire 92-2 Système nerveux autonome 92-9
Syringomyélie 92-3 Dystrophies sympathiques réflexes 92-10
Neurosyphilis 92-3 Syndrome de Claude Bernard-Horner 92-10
Syndrome neurotrophique trigéminal 92-3 Dysautonomie familiale 92-11
Système nerveux périphérique 92-4 Syndrome auriculo-temporal de Frey 92-11
Neuropathies sensitives et sensitivo-motrices congénitales ou Syndrome des oreilles rouges 92-12
acquises 92-4 Érythermalgie 92-12
Neuropathies périphériques accompagnées de troubles Syndrome douloureux paroxystique 92-13
trophiques 92-6 Références 92-13
Prurit brachioradial 92-7

lésions dermatologiques beaucoup plus importante qu’at-


L es différentes structures anatomiques du système ner-
veux peuvent être regroupées selon leur appartenance
au système nerveux central ou au système nerveux périphé-
tendue estimée à 31,2 % des patients. Le prurit est le symp-
tôme le plus fréquent ; il est non spécifique lorsqu’il est
rique. Le système nerveux central comprend l’encéphale généralisé, mais beaucoup plus évocateur d’une tumeur cé-
(cerveau, cervelet et tronc cérébral) ainsi que la moelle épi- rébrale infiltrant la base du quatrième ventricule lorsqu’il
nière. Le système nerveux périphérique est composé des siège au niveau des narines. Le prurit narinaire est décrit
nerfs crâniens et rachidiens. Ces nerfs constituent les voies comme féroce et entraîne un grattage incessant, y compris
afférentes aussi appelées voies sensitives qui acheminent nocturne. Divers troubles pigmentaires sont également rap-
les informations des récepteurs vers le système nerveux portés à type de vitiligo ou d’hyperpigmentation du visage
central et les voies efférentes ou motrices qui acheminent de type chloasma. Ces troubles pigmentaires dont le méca-
les réponses du système nerveux central vers les effecteurs. nisme physiopathologique reste imprécis sont inconstam-
Les voies efférentes se divisent en deux parties : les effé- ment régressifs après traitement de la tumeur cérébrale.
rences somatiques qui conduisent les influx nerveux vers Enfin des troubles de la kératinisation à type d’hyperkéra-
les muscles squelettiques et les efférences autonomes qui tose palmo-plantaire ou d’état icthyosiforme cutanée ont
dirigent les influx nerveux vers les muscles lisses, le muscle été décrits en association aux tumeurs cérébrales. Plus ré-
cardiaque et les glandes et qui se divisent elles-mêmes en ef- cemment, un lien entre tumeurs cérébrales et érythème pal-
férences sympathiques et en efférences parasympathiques. maire a été évoqué ². En effet, l’examen dermatologique sys-
tématique de 107 patients atteints de tumeurs cérébrales
Système nerveux central a mis en évidence la présence d’un érythème palmaire in-
tense, douloureux et de survenue récente chez 6,5 % d’entre
Tumeurs cérébrales eux contre 1 % dans le groupe contrôle, sans qu’aucune
Peu de publications sont consacrées aux manifestations der- autre étiologie d’érythème palmaire ne soit notée. Dans les
matologiques associées aux tumeurs cérébrales, peut-être formes diffuses, l’érythème est surtout accentué au niveau
en raison d’un manque de sensibilisation des neurochirur- des éminences hypothénar et thénar, la partie distale de
giens qui prennent en charge ces patients. La série la plus la paume adjacente aux phalanges et la face palmaire des
importante concerne 77 malades atteints de tumeurs céré- extrémités digitales (fig. 92.1). Les lésions s’étendent parfois
brales variées et systématiquement examinés sur le plan à la base des ongles. Les plantes des pieds sont souvent
dermatologique ¹, mettant en évidence une fréquence de atteintes, l’érythème prédominant au niveau des mêmes
92-2 Système nerveux central et périphérique

Syndrome de section médullaire


Une atteinte de la moelle épinière, le plus souvent trau-
matique mais parfois médicale, entraîne une paraplégie
(lésions dorsales, lombaires et sacrées) ou une tétraplégie
(lésions cervicales). Les symptômes qui découlent de l’at-
teinte de la moelle épinière sont nombreux, liés à sa phy-
siologie. Il s’agit de troubles moteurs, sensitifs, vésicaux et
intestinaux, des troubles neurovégétatifs, des douleurs, des
troubles génito-sexuels ou respiratoires. Les modifications
dermatologiques sont fréquentes dans les premiers mois
après un traumatisme médullaire, plus volontiers en cas de
traumatisme médullaire complet qu’incomplet, avec un dé-

Coll. D. Bessis
lai d’apparition moyen de 80,3 jours après le traumatisme
neurologique initial ¹³. Les infections fongiques cutanées
et unguéales représentent une des complications derma-
Fig. 92.1 Érythème palmaire acquis, une manifestation dermatologique tologiques les plus fréquentes, en général en dessous du
de tumeurs cérébrales à envisager niveau du traumatisme médullaire. Plusieurs modifications
physiologiques, immunologiques, locales et comportemen-
zones, mais de moindre intensité qu’au niveau des mains. tales secondaires au traumatisme favorisent le développe-
L’examen histologique des lésions palmaires met en évi- ment de ces infections. La susceptibilité aux infections fon-
dence une vasodilatation isolée. L’intensité de l’érythème giques est directement influencée par le taux d’humidité et
palmaire semble directement corrélée à l’importance de la de séborrhée de la peau. Or en dessous du niveau du trau-
vascularisation de la tumeur cérébrale, particulièrement en matisme médullaire, la sécrétion de sueur est diminuée ¹⁴
cas de glioblastomes et d’astrocytomes de haut grade, très avec une peau sèche ichtyosique tandis que le taux de sé-
vascularisés. La vasodilatation observée au cours de l’éry- crétion sébacée est, selon les études, soit augmenté soit
thème palmaire est probablement secondaire à la sécrétion diminué ¹⁵,¹⁶. Les perturbations du système immunitaire
de peptides angiogéniques par la tumeur cérébrale. L’éry- sont également un facteur de susceptibilité aux infections
thème palmaire n’est cependant pas spécifique des tumeurs fongiques locales. Une diminution globale des défenses im-
cérébrales et a été rapporté au cours d’autres pathologies munitaires apparaît précocement après un traumatisme
néoplasiques comme le carcinome bronchique ³, l’adénocar- médullaire et perdure dans le temps. Une diminution de la
cinome gastrique ⁴, les syndromes myéloprolifératifs ⁵ et la fonction des lymphocytes Natural-Killer, de la fonction et
maladie de Hodgkin ⁶. de l’activation des lymphocytes T, et de la fonction phago-
cytaire des macrophages est observée ¹⁸. Les patients ont
Maladie de Parkinson également une diminution du taux et de la fonction des
Elle se caractérise par la triade tremblements, rigidité et molécules cellulaires d’adhésion ¹⁷ ainsi qu’une diminution
akinésie, et s’accompagne également de troubles dysautono- des marqueurs de surface des lymphocytes et des granulo-
miques variés. Sur le plan dermatologique, une hypersébor- cytes ¹⁸. Les taux d’IL-2, d’IL-6 et des récepteurs à l’IL-2
rhée, une dermite séborrhéique et une hyperhidrose sont sont par ailleurs perturbés ¹⁷-¹⁹. Certaines de ces modifica-
fréquemment observées chez les patients parkinsoniens ⁷,⁸. tions du système immunitaire surviennent uniquement
Le mécanisme physiopathologique exact à l’origine de l’hy- chez les patients atteints d’un traumatisme cervical ²⁰ sug-
perséborrhée reste débattu ⁹. Elle est notée préférentiel- gérant une atteinte du système nerveux sympathique, im-
lement chez les hommes parkinsoniens, ce qui plaide en pliqué dans la modulation des fonctions immunitaires. Une
faveur d’un rôle essentiel des androgènes notamment de la forte incidence de dermite séborrhéique et d’acné faciale a
testostérone impliquée dans la prolifération et le renouvel- été rapportée au cours de la phase aiguë, jusqu’à 65 % chez
lement des cellules lipidiques. L’hyperséborrhée paraît éga- les patients tétraplégiques ²¹,²². Le mécanisme physiopatho-
lement directement corrélée à l’augmentation de la MSH logique évoqué est celui d’une accumulation de sébum et de
observée au cours de la maladie de Parkinson, celle-ci étant squames sur la peau, en raison d’une difficulté de lavage des
inductrice de la lipogenèse ¹⁰. Des troubles de la sudation à cheveux et du visage, du fait d’une période prolongée d’im-
type d’hyperhidrose sont fréquemment rapportés et sont mobilité après un traumatisme médullaire cervical. Une hy-
le reflet des troubles dysautonomiques. L’hyperhidrose pré- perhidrose peut être observée au cours d’un syndrome de
domine au niveau du tronc et de l’extrémité céphalique section médullaire. La prévalence de cette complication est
et est en général le reflet d’un stade avancé de la maladie mal connue mais évaluée à 43 % dans une étude portant sur
où elle est observée chez plus de la moitié des malades. 154 patients ²³. Le mécanisme physiopathologique à l’ori-
Cette hyperhidrose axiale serait un phénomène compensa- gine de cette complication est mal connu, probablement en
teur d’une diminution de l’activité des glandes sudoripares rapport avec une dysrégulation du système nerveux auto-
des paumes et des plantes par atteinte des fonctions sym- nome et de la thermorégulation ²⁴. L’hyperhidrose survient
pathiques distales ¹¹. Le traitement par lévodopa permet sur les régions du corps correspondant au niveau du trau-
souvent de réduire l’intensité de l’hyperhidrose ¹². matisme médullaire. Ainsi chez les patients tétraplégiques,

 IL interleukine · MSH melanocyte-stimulating hormone


Système nerveux central 92-3

l’hyperhidrose se développe au niveau de la tête et du cou conduisant à des mutilations réalise la maladie de Mor-
(innervés par le système sympathique T1-T4) et parfois van décrite en 1833 dans les syringomyélies évoluées. Le
au niveau des extrémités supérieures (T2-T8). Chez les pa- traitement des ulcérations neurotrophiques est décevant
tients paraplégiques, l’hyperhidrose prédomine au niveau puisqu’il n’est pas possible d’agir sur la neuropathie analgé-
du tronc (T4-L2) et des membres inférieurs (T10-L2) ²⁴. siante et consiste essentiellement à protéger la zone ulcérée
Le traitement de cette hyperhidrose fait appel essentiel- et surtout à éviter les microtraumatismes répétés qui sont
lement à des bloqueurs adrénergiques, des analgésiques un facteur d’entretien.
narcotiques et des anticholinergiques ²⁵,²⁶.
Au cours de la phase chronique suivant une section médul- Neurosyphilis
laire, des modifications cutanées sont également observées La neurosyphilis est devenue rare grâce au dépistage et au
avec une pachydermie et une pachyonychie des orteils, sur- traitement de la maladie dans sa phase initiale. Cependant,
venant plus volontiers en cas de traumatisme médullaire en raison de la recrudescence de la syphilis, particulière-
haut donc chez les patients tétraplégiques. Ces modifica- ment chez les hommes homosexuels, une augmentation
tions débutent dans les six mois après le traumatisme mé- de l’incidence des neurosyphilis peut s’envisager chez les
dullaire et augmentent progressivement jusqu’à atteindre patients mal traités. L’atteinte du système nerveux central
un plateau maximum environ cinq ans après celui-ci ²⁷. Les au cours de la syphilis peut survenir à différents stades
études histopathologiques cutanées des patients atteints de la maladie. La méningite syphilitique peut être contem-
de pachydermie révèlent un infiltrat inflammatoire périvas- poraine de l’éruption de la syphilis secondaire, l’atteinte
culaire de la peau et une fibrose dermique. L’épaississement cérébrovasculaire survient dans la décennie suivant l’infec-
cutané semble directement corrélé à la dysréflexie du sys- tion, tandis que la neurosyphilis parenchymateuse (tabes
tème nerveux autonome ²⁷. et parésie généralisée) survient plusieurs décennies après
la contamination et devient donc rare depuis l’ère de la péni-
Syringomyélie cilline. Le tabes dorsal se manifeste par des douleurs fulgu-
La syringomyélie est une affection d’étiologies diverses ca- rantes (75 à 90 % des patients) des extrémités inférieures
ractérisée par l’apparition d’une cavité intramédullaire le ou viscérales, des paresthésies (7 à 24 %) ou anesthésies,
plus souvent postérieure remplie de liquide cérébrospinal, des modifications pupillaires (pupille d’Argyll Robertson)
provoquée par une gêne à la circulation extramédullaire de et une aréflexie (76-78 %) le plus souvent au niveau des
celui-ci. La plupart des patients atteints de syringomyélie genoux et des tendons d’Achille ³². Au niveau dermatolo-
ont une malformation de Chiari de type I des amygdales cé- gique, des troubles trophiques à type d’ulcérations neuro-
rébelleuses ²⁸. La syringomyélie entraîne une myélopathie trophiques distales (maux perforants) ou des articulations
progressive responsable chez l’adulte jeune de douleurs du (hanches, genoux, chevilles) sont observées chez 2 à 10 %
cou, des bras, ou du thorax, une faiblesse et une atrophie des patients atteints de tabes dorsal ³².
de l’un ou des deux membres supérieurs, ou une ulcération
neurotrophique d’une extrémité supérieure. Une perte de Syndrome neurotrophique trigéminal
la sensibilité douloureuse et thermo-algique est souvent Le syndrome neurotrophique trigéminal est une compli-
présente, tandis que la sensibilité tactile, vibratoire et posi- cation rare d’une lésion périphérique ou centrale du nerf
tionnelle des membres est atteinte de manière inconstante. trijumeau (fig. 92.2), décrit initialement par Wallenberg, ca-
Les lésions cutanées de la syringomyélie siègent habituelle- ractérisé par une anesthésie et des paresthésies dans le ter-
ment au niveau des mains ²⁹ : ritoire du trijumeau avec une ulcération de l’aile narinaire.
− brûlures et excoriations du fait de l’insensibilité thermo- Son incidence exacte est inconnue, 75 % des cas survien-
algique, qui s’infectent facilement réalisant des panaris draient après alcoolisation ou rhizotomie du ganglion de
d’évolution torpide ; Gasser ³³,³⁴. Les autres facteurs étiologiques de syndrome
− ulcérations atones suintantes, d’évolution interminable neurotrophique trigéminal sont listés dans l’encadré 92.A.
au niveau des doigts ou dans la paume des mains où Le délai d’apparition après la lésion du trijumeau varie
elles peuvent prendre l’aspect d’un véritable mal perfo- entre quelques semaines à plusieurs décennies et le syn-
rant palmaire ; drome neurotrophique trigéminal est plus fréquent chez
− atrophie des muscles de la main ou parfois hypertro- les femmes et les personnes âgées ³⁵. L’ulcération cutanée
phie en masse de la main et des doigts (cheiromégalie), se développe le plus souvent au niveau de l’aile narinaire
souvent unilatérale. mais peut également survenir sur le scalp, le front, l’oreille,
Des ulcérations neurotrophiques sur les épaules, les coudes le palais et la mâchoire ³³. La pointe du nez est épargnée en
ou les poignets peuvent également être observées ³⁰,³¹. Au raison de son innervation par la branche médiane du nerf
cours de l’évolution, une atteinte osseuse est fréquente. Les ethmoïdal antérieur ³⁶. Il s’agit d’une ulcération chronique,
radiographies objectivent une ostéo-arthropathie avec os- souvent triangulaire, à fond bourgeonnant recouvert d’une
téolyse non inflammatoire centrale ou périphérique, des croûte, particulièrement sur la narine, avec amputation de
lésions cartilagineuses secondaires aux transformations pa- l’aile du nez non cartilagineuse et extension à la lèvre supé-
thologiques de l’os sous-chondral. L’association de troubles rieure (fig. 92.3 et 92.4). L’examen histopathologique élimine
trophiques à des arthropathies graves (des doigts, de la en particulier une néoplasie et met en évidence un infil-
main, des poignets) et à des lésions nécrotiques distales trat inflammatoire minime (en l’absence de surinfection
92-4 Système nerveux central et périphérique

Étiologies du syndrome neurotrophique trigéminal


Tableau 92.1 Diagnostics différentiels du syndrome neurotrophique
Rhizotomie du trijumeau trigéminal
Alcoolisation ou injection de glycérol dans ganglion de Gasser
Infarctus cérébral Maladie Aide au diagnostic
Insuffisance vertébrobasilaire Infection
Neurinome de l’acoustique
Astrocytome Herpès et zona Douleur, cytodiagnostic de Tzanck, culture
Méningome intracrânien Moisissure (mucormycose, Immunodéprimé, destruction os/sinus
Dégénérescence de moelle épinière aspergillose,
Névrite à Mycobacterium leprae Autres champignons Culture/biopsie
Zona ophtalmique (blastomycose,
Syringobulbie paracoccidiomycose)
Syndrome de Parkinson postencéphalitique
Traumatisme Anthrax cutané (Bacillus Biopsie/culture ; sérologie
Idiopathique anthracis)
92.A Exposition, escarre noire douloureuse
Biopsie/culture
secondaire) sans cellules géantes, ni granulomes ou vascu- Syphilis (T. pallidum) Sérologie, examen microscope fond noir
lite ³⁷. Le mécanisme physiopathologique des ulcérations
est essentiellement traumatique, lié à des automutilations Mycobacterium tuberculosis Exposition, granulome à nécrose caséeuse,
par grattage dues aux paresthésies ressenties sur la zone BAAR
atteinte. L’hypo-esthésie permettrait la constitution et la Névrite trigeminale Exposition, biopsie trijumeau
pérennisation des lésions. Dans certains cas, l’anesthésie lépreuse (M. leprae)
crée une sensation de congestion nasale et d’obstruction Leishmaniose cutanée Exposition, biopsie, PCR
narinaire, majorant les manipulations nasales. Le compor-
Néoplasie
tement d’automutilation peut devenir compulsif et nié par
les patients. Bien que les traumatismes auto-induits soient Carcinome basocellulaire, Biopsie, franchissement ligne médiane
la cause directe des ulcérations, des anomalies neurovégé- carcinome épidermoïde
tatives sont responsables des paresthésies rebelles et des Lymphome T/NK
difficultés de cicatrisation ³⁸. Les diagnostics différentiels angiocentrique
du syndrome neurotrophique trigéminal sont nombreux et Auto-immune
doivent exclure les autres causes d’ulcération nasale/faciale
Granulomatose Wegener Maladie sinusienne et pulmonaire, rénale
(tableau 92.1). Le traitement du syndrome neurotrophique
trigéminal est difficile et vise à prévenir les manipulations Granulome et vasculite (biopsie),
compulsives en réponse aux paresthésies faciales ³³. Des anticorps anticytoplasme des
pansements protecteurs pour couvrir la zone atteinte, le polynucléaires neutrophiles (ANCA)
coupage des ongles et le port de gants en coton peuvent Pyoderma gangrenosum Douleur, bordure violine, biopsie
être utiles ³⁵. Les antibiotiques topiques ou systémiques Psychiatrique
sont indiqués en cas d’infection secondaire. De nombreux
traitements médicamenteux visant à diminuer les pares- Traumatisme factice Lésions parfois bilatérales, absence de
thésies et les manipulations compulsives ont été proposés signes neurologiques
avec des succès anecdotiques tels que le pimozide ³⁹, la car-
bamazépine ⁴⁰, la chlorpromazine ⁴¹, l’amitriptyline et le distal associé parfois à une atteinte du système nerveux
diazépam ⁴², des suppléments en vitamine B ⁴³ et le clona- autonome. Les neuropathies périphériques sont classées
zépam ³⁷. Les autres traitements proposés incluent les sti- en trois groupes :
mulations électriques transcutanées, la ionophorèse, les − les mononeuropathies définies par l’atteinte d’un seul
radiations ionisantes et la symphatectomie homolatérale. tronc nerveux ;
Enfin des lambeaux de reconstruction chirurgicale ont été − les mononeuropathies multiples (ou multinévrites) ca-
effectués avec succès. ractérisées par une atteinte successive de plusieurs
troncs nerveux ;
Système nerveux périphérique − les polyneuropathies distales avec atteinte diffuse et
symétrique des quatre membres.
Neuropathies sensitives et sensitivo-motrices congénitales ou À l’inverse, les polyradiculoneuropathies se distinguent des
neuropathies distales par la présence d’un déficit moteur
acquises
proximal et distal par extension de l’atteinte nerveuse aux
Rappel sur les neuropathies périphériques Une at- racines.
teinte du système nerveux périphérique est souvent évo- Les circonstances et le mode d’installation de la neuropa-
quée devant un déficit sensitif et moteur, le plus souvent thie ainsi que l’examen clinique soigneux du patient sont
Système nerveux périphérique 92-5

Nerf
ophtalmique V1

Nerf
maxillaire V2

Nerf

Coll. Dr A. Debu, Montpellier


mandibulaire V3

Coll. D. Bessis

Fig. 92.3 Ulcération nasale et de la lèvre supérieure au cours d’un


syndrome neurotrophique trigéminal après infarctus cérébral

Fig. 92.2 Répartition faciale de l’innervation sensitive par le nerf


trijumeau

des étapes essentielles dans l’approche diagnostique des


neuropathies périphériques (tableau 92.2). L’examen électro-
neuromyographique permettra de préciser le type de la
neuropathie (mononeuropathie unique, mononeuropathie
multiple, polyneuropathie longueur dépendante ou non) ;
de déterminer la sévérité de la neuropathie et de classer
la neuropathie en fonction du mécanisme causal : axono-
pathies (la lésion principale intéresse l’axone), myélinopa-
thies (la lésion principale se situe au niveau de la gaine
de myéline), formes mixtes axonales et démyélinisantes
ou neuronopathies qu’elles soient motrices ou sensitives
(ganglionopathie) lorsque la lésion principale se situe au
niveau du corps cellulaire de la cellule nerveuse. L’examen
électroneuromyographique peut être normal ou peu altéré
en début d’évolution d’une neuropathie et il faut savoir
répéter l’étude électrophysiologique afin de poser un diag-
nostic correct. De même, cet examen étudie essentielle-
Coll. Dr A. Debu, Montpellier

ment les fibres myélinisées de grand diamètre et les neu-


ropathies à petites fibres échappent à l’examen électroneu-
romyographique. La biopsie cutanée a été utilisée depuis
quelques années dans l’exploration de ces neuropathies à
petites fibres en permettant d’étudier les fibres nerveuses
non myélinisées intraépidermiques, les fibres dermiques Fig. 92.4 Ulcération du front au cours d’un syndrome neurotrophique
myélinisées et les fibres du système nerveux autonome ⁴⁴. trigéminal après infarctus cérébral
Le recours à des méthodes électrophysiologiques plus so-
phistiquées telles que les potentiels évoqués nociceptifs des neuropathies reste néanmoins un véritable défi pour
peuvent également aider au diagnostic de ces neuropathies. le clinicien, les moyens de classification sont multiples et
Le diagnostic étiologique sera également orienté par une 25 à 40 % des polyneuropathies restent sans diagnostic
série d’examens paracliniques (encadré 92.B). Le diagnostic étiologique.
92-6 Système nerveux central et périphérique

Tableau 92.2 Signes cliniques en faveur d’une neuropathie


Symptômes moteurs – Amyotrophie
– Crampes
– Fasciculations
– Déficit moteur (entre 1 à 5)
Symptômes sensitifs – Anesthésie, hypo-esthésie tactile ou proprioceptive, ataxie (fibres myélinisées gros calibre)
– Hypoalgésie, anesthésie douloureuse, hypo-esthésie thermique (petites fibres de type Aδ et C)
– Paresthésies, dysesthésies, hyperpathie, hyperalgésie, allodynie
– Aréflexie ou hyporéflexie
Examen du système nerveux autonome – Fonction autonomique cardiaque : test d’hypotension orthostatique ou mesure de l’intervalle R-R
pendant et après une manœuvre de Valsava
– Fonction sudorimotrice : réflexe cutané sympathique
Autres symptômes possibles Syndrome des « jambes sans repos » (dialysés)
Tremblement des extrémités
– Déformations articulaires (pieds creux, orteils en griffe), scoliose
– Hypertrophie nerveuse
Données d’interrogatoire aidant Origine ethnique
au diagnostic – Âge
– Antécédents médicaux, affections métaboliques (diabète, hypothyroïdie, insuffisance rénale,
intoxication alcoolique)
– Traitements
– Profession
– Trouble de la marche dans l’enfance, retard d’acquisition motrice, difficultés en sport, autres
membres de la famille atteints (neuropathie héréditaire)
Examen des autres organes – Peau ++, phanères
– Atteinte oculaire
– Modifications pupillaires

Neuropathies périphériques accompagnées de troubles trophiques souvent diminués ou abolis. Les troubles moteurs sont ex-
Acropathies ulcéro-mutilantes Les acropathies ulcéro- ceptionnels. L’examen électroneuromyographique met en
mutilantes sont caractérisées par des troubles majeurs de évidence une neuropathie axonomyélinique sensitive aux
la sensibilité, associées à des ulcérations tégumentaires des deux membres inférieurs. L’acropathie ulcéro-mutilante est
extrémités des membres et à une atteinte ostéo-articulaire responsable de troubles de la microcirculation aboutissant
distale et progressive. Ces acropathies ulcéro-mutilantes à des destructions osseuses touchant le tarse et les pha-
sont soit secondaires à des neuropathies diverses (diabète, langes, à l’origine de déformations telles l’hallux valgus et
alcoolisme, médicaments, amylose, tabes, lèpre, syringo- l’orteil en griffe. Les lésions squelettiques débutent et pré-
myélie, neuropathie auto-immune), soit génétiquement dominent à l’avant-pied au niveau des phalanges distales
déterminées sous deux formes : puis s’étendent progressivement aux os du tarse. Ce pro-
− la forme familiale ou la maladie de Thévenard ; cessus peut aboutir à une résorption osseuse complète qui
− la forme sporadique ou le syndrome de Bureau et Bar- peut désolidariser les orteils du squelette du pied. Les com-
rière. plications infectieuses à type d’ostéomyélite et les fractures
Maladie de Thévenard (acropathie ulcéro-mutilante fami- pathologiques aggravent le pronostic.
liale) La maladie de Thévenard est une acropathie ulcéro- Le traitement de la maladie de Thévenard repose sur l’éduca-
mutilante familiale qui débute le plus souvent vers la pu- tion du patient concernant l’hygiène des pieds et sur l’utili-
berté par des paresthésies et des troubles vasomoteurs sation d’orthèses conçues pour diminuer les pressions aux
distaux précédant l’apparition de phlyctènes. Au niveau endroits où se développent habituellement les maux perfo-
des zones hyperkératosiques soumises aux pressions maxi- rants plantaires. Lorsque ceux-ci sont constitués, la mise
males lors de la marche, ces phlyctènes évoluent vers une en décharge s’impose associée aux soins locaux de la plaie,
ulcération puis un mal perforant plantaire unilatéral, es- notamment la détersion des tissus nécrotiques et la mise
sentiellement en regard de la tête du premier métatar- en route d’une antibiothérapie en cas de surinfection. L’im-
sien. D’autres troubles trophiques à type de dystrophies un- portance des troubles trophiques et des mutilations rend
guéales, de peau sèche et squameuse et d’hématomes sous- parfois les traitements conservateurs illusoires et impose
unguéaux sont volontiers observés. L’examen neurologique alors l’amputation.
met en évidence un déficit de la sensibilité thermo-algique Acropathie ulcéro-mutilante de Bureau et Barrière Cette
aux membres inférieurs tandis que la sensibilité proprio- neuroacropathie décrite en 1953, aussi appelée « maladie
ceptive est peu ou pas altérée. Les réflexes achiléens sont des vagabonds », survient en général sur un terrain débi-
Système nerveux périphérique 92-7

Examens paracliniques utiles au cours des neuropathies courci, tassé et cuboïde, avec un affaissement de la voûte
En première intention plantaire qui provoque une modification des points d’ap-
NFS (hémopathie, leucopénie) pui et une aggravation des lésions cutanées ⁴⁶. Les orteils
VS, CRP (syndrome inflammatoire) peuvent être épaissis ou hypotrophiques en voie de résorp-
Glycémie à jeun et postprandiale, hémoglobine glyquée, urée, créati- tion. Les troubles vasomoteurs sont constants et évoluent
nine, bilan thyroïdien par poussées, accompagnées d’un œdème et d’un aspect
Transaminases (cause toxique, infection, maladie de système) lisse, moite et violacé de la peau. L’atteinte sensitive est
Dosage de vitamines (B1, B2, folates) identique à celle que l’on peut rencontrer dans la maladie de
Sérologie hépatites B, C, VIH, Lyme Thévenard, à type d’hypo ou d’anesthésie en chaussette, bi-
Immunoélectrophorèse (voire immunofixation) des protéines (sang et latérale, sans topographie radiculaire. La sensibilité thermo-
urines) (gammapathie monoclonale, chaînes légères), cryoglobuliné- algique est souvent diminuée voire abolie. Le réflexe achil-
mie
léen est constamment aboli mais les réflexes cutanés plan-
Radiographie du thorax (adénopathies médiastinales, nodule suspect,
taires sont habituellement normaux. Biologiquement, les
syndrome interstitiel)
signes d’imprégnation alcoolique sont présents avec une
En seconde intention
élévation des IgA sériques et un taux de transferrine nor-
Dosage anticorps spécifiques (anticorps antinucléaires, anti-SSA, SSB, p
et c-ANCA pour lupus, Gougerot-Sjögren, Wegener ; anticorps antiglia- mal ou abaissé ⁴⁷. Radiologiquement, les lésions destruc-
dine pour maladie cœliaque ; anticorps anti-Hu, Yo, CV2 pour syndrome trices osseuses sont souvent plus évoluées que ne le laisse-
paranéoplasique) rait penser le seul examen clinique. Il s’agit d’une arthro-
Anticorps antiglycolipides (neuropathies sensitivomotrices démyélini- pathie des articulations distales de l’avant-pied, réalisant
santes associées à une gammapathie monoclonale de type IgM) l’aspect classique en « sucre d’orge », aboutissant parfois à
Analyse du LCR (hyperprotéinorachie des polyradiculoneuropathies, une destruction complète des pièces osseuses. L’étude élec-
neuropathies paranéoplasiques, diabète... hyperlymphocytose des lym- trique des vitesses de conduction nerveuse par l’examen
phomes, VIH, maladie de Lyme, maladie de système...) électroneuromyographique est capitale et met en évidence
Biopsie de glandes salivaires accessoires (Gougerot-Sjögren, sarcoï- une dégénérescence wallérienne avec atteinte axonale pré-
dose, amylose, vasculite) dominante ⁴⁸. La prise en charge thérapeutique est souvent
Biopsie ostéomédullaire (lymphome, gammapathies monoclonales, compliquée par une mauvaise compliance au traitement
POEMS syndrome) et par la poursuite fréquente de l’intoxication éthylique.
Scanner thoracoabdominal (carcinome pulmonaire, lymphome, mala- Elle consiste en l’immobilisation et la mise en décharge du
die de système...) membre où siègent les lésions, associée à des soins locaux
Biologie moléculaire (neuropathies héréditaires) durant plusieurs mois et parfois à une antibiothérapie par
Biopsie neuromusculaire (vasculites, sarcoïdose, amyloses acquises et voie générale. L’évolution est cependant souvent chronique
familiales, infiltrations tumorales, lèpre, formes atypiques de polyradi- et défavorable.
culonévrites inflammatoires chroniques, certaines neuropathies héré-
ditaires) Prurit brachioradial
92.B Le prurit antébrachial ou brachioradial est caractérisé par
un prurit sine materia uni- ou bilatéral siégeant sur les bras
lité, sur un fond d’alcoolisme et de conditions socioécono- et les épaules et s’étendant parfois à l’hémithorax et à l’en-
miques défavorables. Il s’agit de sujets de sexe masculin semble du membre supérieur (fig. 92.6). Il a initialement été
dont l’âge moyen est d’environ 50 ans. Cette pathologie est classé parmi les photodermatoses ⁴⁹,⁵⁰, en raison d’une sur-
actuellement rarement décrite, en raison principalement venue fréquente au décours de la période d’ensoleillement,
d’une amélioration des conditions socioéconomiques de la soit de septembre à décembre dans l’hémisphère nord et se-
population générale. Le tableau clinique complet ⁴⁵ associe rait l’expression de lésions cutanées infracliniques induites
un mal perforant plantaire, des anomalies radiologiques par les ultraviolets. L’hypothèse de troubles paresthésiques
osseuses pouvant aboutir à une déformation cuboïde de localisés liés à une compression nerveuse cervicale a été
l’avant-pied (aspect de pied d’éléphant) (fig. 92.5) et une at- évoquée secondairement ⁵¹ notamment en cas d’arthrose
teinte du système nerveux autonome et sensitif. L’ulcéra- cervicale ou de côte surnuméraire. En effet le prurit est
tion plantaire débute habituellement par une lésion bul- volontiers accompagné de dysesthésies à type de brûlures,
leuse, évoluant vers l’ulcération, indolente et parfois recou- de picotements, de cuisson douloureuse, soulagées par l’ap-
verte d’une croûte noirâtre qui peut masquer l’étendue des plication de packs de glace ⁵². La normalité de l’examen
lésions. Les ulcérations sont souvent bilatérales, parfois dermatologique (en dehors de lésions de prurigo) et la
multiples, mais prédominent sur le membre où les trauma- notion fréquente de douleur ou de traumatisme cervical
tismes locaux sont les plus marqués. Elles siègent électi- confortent l’origine neurogène des symptômes. Les études
vement aux points d’appui : l’avant-pied (tête du premier électrophysiologiques réalisées ont mis en évidence des
métatarsien), le talon, mais aussi au niveau des zones de signes de neuropathie cervicale dans un peu plus de la moi-
conflit pied-chaussure (bord externe du pied). Les déforma- tié des cas ⁵³. Conciliant les deux théories, une étude ana-
tions apparaissent de manière constante après plusieurs an- tomopathologique a montré l’existence de lésions photo-
nées d’évolution. Elles sont généralement bilatérales mais induites labiles des terminaisons nerveuses cutanées chez
avec une prédominance unilatérale. Le pied apparaît rac- les sujets atteints ⁵⁴. Les principales anomalies cervicales

 ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles


92-8 Système nerveux central et périphérique

Coll. Dr C. Girard, Montpellier


Fig. 92.6 Prurit brachioradial : topographie des zones atteintes sur les
membres supérieurs, la partie haute du tronc et le cou

Prurit anogénital et scrotal neuropathique


Le prurit anogénital est une entité caractérisée par un pru-
rit localisé à l’anus, aux zones péri-anales et à la peau des
organes génitaux externes (fig. 92.7). Ce prurit est le plus sou-
vent en rapport avec une dermatose sous-jacente (derma-
tite de contact, psoriasis, lichen plan, infection fongique...)
ou la manifestation d’une pathologie anorectale (fissure
péri-anale) ⁵⁸. Lorsqu’aucune étiologie n’est mise en évi-
dence, le prurit est dit « idiopathique ». Par analogie avec le
prurit brachioradial, l’hypothèse d’une radiculopathie lom-
bosacrée responsable du prurit anogénital a été évoquée ⁵⁹.
Tous les patients étudiés souffraient d’un prurit chronique
localisé à la peau de la région anogénitale, sans lésions cuta-
nées évidentes à l’examen clinique en dehors de signes de
lichénification liés au grattage. Les radiographies du rachis
lombaire et du sacrum mettaient en évidence des signes
Coll. Dr M. Marque, Nîmes

dégénératifs dans 80 % des cas associés à des signes de ra-


diculopathie lombosacrée (L4-S2) à l’EMG. Les patients
étaient traités par une injection paravertébrale en regard
de L5-S1 d’un mélange de triamcinolone acétonide et de
lidocaïne avec une bonne efficacité sur le prurit.
Fig. 92.5 Acropathie ulcéro-mutilante sporadique de Bureau et Barrière

détectées par l’imagerie chez les patients atteints de pru-


rit brachioradial sont des spondylosis, des foramen étroits,
des épines osseuses, des tassements discaux, des côtes cer-
vicales, mais aussi quelques cas de tumeur médullaire ⁵⁵,⁵⁶.
Devant un prurit brachioradial, une cause neurologique
doit donc être systématiquement évoquée et doit faire dis-
cuter la réalisation d’une imagerie cervicale. La prise en
charge thérapeutique du prurit brachioradial reste difficile ;
les applications de capsaïcine topique représentent le trai-
tement le plus utilisé. Les alternatives thérapeutiques pro-
posées sont la gabapentine ⁵⁷, la carbamazépine, les anti-
Coll. D. Bessis

dépresseurs (amitryptiline), les antiépileptiques (lamotri-


gine), les manipulations du rachis cervical et la physiothé-
rapie, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, la résection
chirurgicale d’une côte cervicale ou d’une tumeur médul- Fig. 92.7 Lichénification du scrotum secondaire à un prurit chronique
laire, ainsi que l’éviction solaire. sans dermatose sous-jacente. La recherche d’une radiculopathie
lombosacrée est utile
Système nerveux autonome 92-9

Notalgie paresthésique progressive et la forme aiguë reste rare. La percussion de


La notalgie paresthésique est caractérisée par un prurit uni- la face antérieure du carpe peut provoquer des fourmille-
latéral du dos en regard des dermatomes D2 à D6, parfois ac- ments (signe de Tinel), de même que l’hyperflexion du
compagné de sensations douloureuses locales, à type de brû- poignet (signe de Phalen). La fréquence des troubles va-
lures et de paresthésies ⁶⁰. L’examen clinique cutané peut somoteurs à type de syndrome de Raynaud au cours du
être normal ou mettre en évidence une macule brune plus syndrome du canal carpien y compris idiopathique est net-
ou moins lichénifiée (fig. 92.8). Des cas héréditaires ont été tement plus élevée que dans la population générale, éva-
rapportés, principalement chez les jeunes patients atteints luée jusqu’à 60 % dans certaines études ⁶⁴. L’irritation lo-
de néoplasie multiple endocrine de type 2A. Néanmoins cale du système nerveux autonome au niveau du canal
la plupart des cas sont sporadiques chez des patients plus carpien joue probablement un rôle dans la survenue du
âgés et semblent reliés à une neuropathie par compression syndrome de Raynaud mais le mécanisme physiopatho-
des racines nerveuses secondaire à une pathologie dégéné- logique exact est mal connu. En effet, les troubles vaso-
rative vertébrale, la présence de bandes fibreuses cervicales, moteurs sont toujours bilatéraux que l’atteinte du canal
de tumeurs ou de spasmes musculaires ⁶¹. Le traitement le carpien soit uni- ou bilatérale et le traitement chirurgi-
plus utilisé de la notalgie paresthésique reste l’application cal du syndrome du canal carpien n’entraîne en général
de capsaïcine topique avec des résultats le plus souvent pas d’amélioration du phénomène de Raynaud ⁶⁵. Les lé-
transitoires ⁶². Les alternatives thérapeutiques avec des ré- sions cutanées peuvent être beaucoup plus marquées au
sultats souvent partiels et transitoires comprennent les cor- cours de la forme ulcéro-mutilante du syndrome du ca-
ticoïdes topiques, les antihistaminiques, les infiltrations nal carpien, décrite pour la première fois par Bouvier en
paravertébrales avec des anesthésiques et des corticoïdes, 1969 ⁶⁶. Les manifestations cutanées traduisent une at-
l’oxcarbazépine, la stimulation nerveuse électrique trans- teinte sévère des fibres motrices, sensitives et surtout auto-
cutanée, la gabapentine, les injections de toxine botulique nomes du nerf médian. L’atteinte est volontiers unilatérale
de type A, la physiothérapie vertébrale et récemment la mais peut parfois être bilatérale (25 % des cas) ⁶⁷ et se ca-
photothérapie UVB à spectre étroit ⁶³. ractérise par un érythème, un œdème, des bulles et des
ulcérations indolentes des extrémités des doigts et sous-
unguéales, évoluant vers un aspect de sclérodactylie. Une
atteinte unguéale est généralement observée à type de dé-
coloration, d’onycholyse, ou d’autres dystrophies ⁶⁸. Une
gangrène peut survenir, avec amputation spontanée ou
chirurgicale ainsi qu’une ostéolyse acrale des phalanges dis-
tales. La décompression chirurgicale du nerf médian au
niveau du canal carpien entraîne une guérison des symp-
Coll. Dr N. Raison-Peyron, Montpellier

tômes cutanés dans environ 60 % des cas et constitue donc


le traitement de choix ⁶⁷.

Système nerveux autonome


Le système nerveux autonome est le volet du système ner-
veux périphérique qui régit les activités viscérales, endocri-
Fig. 92.8 Macule brune et lichénifiée paravertébrale au cours de la niennes et immunitaires afin de préserver l’homéostasie.
notalgie paresthésique Son fonctionnement s’effectue de manière autonome et
n’est pas perçu consciemment. Il est composé du système
Syndrome du canal carpien nerveux parasympathique et du système nerveux sympa-
Le syndrome du canal carpien est un ensemble de signes thique. Le rôle fonctionnel du système nerveux parasym-
fonctionnels et physiques lié à la souffrance du nerf médian pathique est le maintien des grandes fonctions physiolo-
au niveau du poignet par sa compression. Les symptômes giques de l’organisme tels le stockage et l’économie d’éner-
siègent sur la totalité ou sur une partie seulement du ter- gie. Sa stimulation permet la constriction des pupilles, la
ritoire anatomique du nerf médian. Ils prédominent sur sécrétion glandulaire, l’accroissement de la motilité gastro-
la face palmaire des trois premiers doigts et sont parfois intestinale et les mécanismes musculaires menant à l’élimi-
décrits par les malades comme atteignant toute la main. nation des matières fécales et de l’urine. Le rôle fonction-
Le syndrome du canal carpien est bilatéral dans plus de la nel du système nerveux sympathique est d’adapter le corps
moitié des cas. Le patient rapporte des acroparesthésies aux urgences et à l’activité musculaire intense. Sa stimula-
nocturnes ou déclenchées par certains mouvements, à type tion entraîne une dilatation des pupilles et des bronchioles,
de picotements, d’engourdissements, de fourmillements une augmentation de la fréquence cardiaque et respiratoire,
ou de décharges électriques dans les doigts, l’obligeant à l’élévation de la pression artérielle, l’augmentation du taux
mobiliser sa main. Il existe une faiblesse de la pince pouce- de glucose et de la transpiration, il détourne le sang de la
index, une amyotrophie de l’éminence thénar, une sensa- peau et du système digestif vers le cœur, l’encéphale et les
tion de doigts boudinés. L’apparition est habituellement muscles squelettiques.
92-10 Système nerveux central et périphérique

Dystrophies sympathiques réflexes viennent pas systématiquement chez un individu donné, le


La dystrophie sympathique réflexe ou algodystrophie ou tableau clinique est volontiers fluctuant d’un jour à l’autre
syndrome douloureux régional complexe de type I est un chez un même patient et peut être très polymorphe. Les ma-
syndrome douloureux régional articulaire et péri-articulaire nifestations cutanées de la dystrophie sympathique réflexe
caractérisé par des modifications trophiques tissulaires peuvent ainsi être très variables. La peau peut apparaître
locales, attribué à une hyperactivité réflexe du système rouge, cyanosée, pâle ou couperosique ; la température cuta-
sympathique ⁶⁹,⁷⁰. On lui oppose le syndrome douloureux née est élevée ou au contraire froide ; la sudation peut être
régional complexe de type II directement lié à un trau- excessive ou réduite voire absente. Un œdème ou une atro-
matisme nerveux périphérique. Toute « agression » locale phie ainsi qu’une hyperpigmentation cutanée sont obser-
ou régionale peut déclencher une réaction réflexe sympa- vés. La peau peut apparaître brillante avec une disparition
thique disproportionnée, à l’origine du syndrome. La dys- des plis cutanés. Des troubles des phanères peuvent égale-
trophie sympathique réflexe évolue classiquement en deux ment s’observer à type d’hypo- ou d’hyperpilosité, d’ongles
phases : phase chaude puis phase froide. La phase chaude striés, cassants, amincis, incurvés. Enfin la peau peut être
se caractérise par de vives douleurs spontanées, exacerbées épaissie ou au contraire atrophique. La prise en charge thé-
par la mobilisation ou l’appui, persistant anormalement rapeutique de la dystrophie sympathique réflexe est diffi-
longtemps par rapport au traumatisme initial, accompa- cile et mal codifiée ⁷¹,⁷². La physiothérapie vise à conserver
gnées d’un œdème diffus péri-articulaire avec augmenta- la mobilité du membre atteint. Plusieurs traitements vi-
tion de la chaleur locale, coloration rosée ou rouge, anoma- sant à bloquer le système nerveux sympathique ont été
lies sudorales et importante hyperesthésie cutanée (fig. 92.9). proposés avec des résultats controversés : blocs anesthé-
Cet aspect évoque un problème inflammatoire, mais la vi- siques, thermocoagulation du ganglion stellaire, ultrasons
tesse de sédimentation et la CRP sont normales. Au cours et opiacés appliqués au niveau du ganglion... Différents
de la phase froide, la température locale est diminuée, il traitements médicaux ont également été essayés avec des
existe des troubles vasomoteurs à type d’érythrocyanose, succès variables : opiacés, antidépresseurs tricycliques, in-
un épaississement de la peau et une raideur articulaire. hibiteurs calciques, calcitonine, agonistes des récepteurs
L’évolution se fait vers la guérison en un à deux ans. Des GABA... Enfin l’acupuncture, la stimulation nerveuse élec-
séquelles sont possibles à type de rétraction cutanée et trique transcutanée, la stimulation médullaire, la toxine
capsulo-ligamentaire (orteils en griffes, raideur articulaire). botulinique n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. La
Les difficultés diagnostiques de la dystrophie sympathique place exacte des biphosphonates reste discutée ⁷³.
réflexe résultent du fait que ces différentes phases ne sur-
Syndrome de Claude Bernard-Horner
Le syndrome de Claude Bernard-Horner est caractérisé par
l’association d’un ptosis, d’un myosis et d’une énophtalmie
(fig. 92.10). Il est consécutif à l’atteinte des fibres du système
nerveux sympathique innervant l’œil et/ou l’orbite à un
point quelconque de leur trajet. La lésion peut être centrale
(hypothalamus, tronc cérébral, moelle épinière, racines an-
térieures de C8 à D2) ou périphérique (sympathique cervi-
cal, ganglion cervical supérieur ou plexus sympathique qui
adhère aux artères carotide interne et externe). L’atteinte
du système nerveux sympathique au cours du syndrome de
Claude Bernard-Horner entraîne une anhidrose de l’hémi-
face homolatérale ⁷⁴. La topographie de l’anhidrose dépend
du site lésionnel sur le système sympathique. En cas de
lésion distale, survenant après la bifurcation de l’artère ca-
Coll. Pr A-J. Ciurana, Montpellier
Coll. D. Bessis

Fig. 92.9 Érythème cyanotique et hyperhidrose du pied gauche au cours Fig. 92.10 Syndrome de Claude Bernard-Horner : association d’un
de la phase chaude d’une dystrophie sympathique réflexe ptosis, d’un myosis et d’une enophtalmie
Système nerveux autonome 92-11

de la température corporelle comme lors d’un exercice phy-


sique, on peut ainsi observer chez les patients atteints d’un
syndrome de Claude Bernard-Horner, un flush facial asy-
métrique, absent sur l’hémiface atteinte, le plus souvent
en regard des mêmes zones que les zones anhydrotiques ⁷⁶.

Dysautonomie familiale
La dysautonomie familiale ou syndrome de Riley-Day en-
core appelée neuropathie héréditaire sensitive et autono-
mique de type III est une maladie autosomique récessive ca-
ractérisée par une altération sévère et progressive des fibres
sensitives de petit calibre et de l’activité du système ner-
veux autonome central et périphérique entraînant des dys-
fonctionnements multisystémiques ⁷⁷. La dysautonomie fa-
A miliale est due à des mutations du gène IKBKAP localisé sur
le bras long du chromosome 9 (9q31) ; elle affecte presque
exclusivement la population juive d’Europe de l’Est, sans
prédominance de sexe avec une incidence annuelle de 1 sur
3 600 naissances. En raison d’un phénotype très variable,
le diagnostic est basé sur la présence de plusieurs éléments
constants incluant une alacrymie, l’absence de papilles lin-
guales fongiformes, une diminution des réflexes rotuliens
et l’absence de réponse axonale à l’injection intradermique
d’histamine. La perception de la chaleur et de la douleur
est diminuée dans presque tous les cas, essentiellement au
niveau du tronc et des membres inférieurs. L’atteinte du sys-
tème nerveux central entraîne une labilité émotionnelle et
une ataxie. Les troubles dysautonomiques induisent princi-
palement une dysphagie, des épisodes prolongés de vomis-
sements appelés « crises dysautonomiques », une labilité
tensionnelle, mais également des troubles sudoraux. Au
repos, la sudation est normale ou diminuée mais en cas de
stress émotionnel, une sudation profuse est notée au ni-
veau de l’extrémité céphalique et du tronc mais épargnant
les mains et les pieds ⁷⁸. La sudation excessive survient
également durant les phases de sommeil initial chez de
nombreux patients. Certains patients développent égale-
ment une hypersudation gustative, en générale limitée à
l’arête nasale et au front. Une des hypothèses physiopatho-
géniques expliquant cette hypersudation paradoxale dans
le contexte d’une réduction des fibres nerveuses sympa-
thiques est celle d’une hypersensibilité chimique des fibres
sudomotrices ⁷⁸.

Syndrome auriculo-temporal de Frey


Le syndrome de Frey, encore appelé syndrome de l’auriculo-
Coll. D. Bessis

temporal ou syndrome de sudation gustative, survient des


mois, voire des années, après une lésion des fibres para-
B sympathiques qui innervent la parotide et surviendrait
Fig. 92.11 A. Syndrome des oreilles rouges : érythème et œdème dans 100 % des cas après une parotidectomie totale avec
bilatéraux des oreilles touchant le pavillon et le lobule. B. Le respect un retentissement clinique dans 50 % des cas parfois très
relatif de la conque et du tragus est classique au cours de ce syndrome sévère et invalidant ⁷⁹. D’autres causes entraînant cette hy-
perhidrose ectopique sont parfois rapportées (fractures
rotide primitive, l’anhidrose est limitée à l’hémi-front et mandibulaires, traumatisme obstétrical par forceps, neuro-
au bord du nez tandis qu’elle atteint toute l’hémiface en pathie diabétique, infection zoostérienne et maladies méta-
cas d’atteinte plus proximale. La vasodilatation thermique boliques ⁸⁰. Il correspond à une hyperhidrose localisée de la
de la plupart des régions faciales est régulée par les fibres joue survenant lors de la mastication. La physiopathologie
sympathiques vasodilatatrices ⁷⁵. Lors d’une augmentation est actuellement mieux comprise : la parotide est innervée
92-12 Système nerveux central et périphérique

/PZBVTFOTJUJG mandibulaires, occipitale et jugale et s’associent inconstam-


EVUSJKVNFBV
/FSG ment à des céphalées hémicrâniennes. Des facteurs déclen-
USJKVNFBV
chants comme la mobilisation cervicale, l’exposition à la
/FSG chaleur ou le simple toucher sont souvent rapportés. Les
BVSJDVMPUFNQPSBM $ÏQIBMBMHJFT pathologies rachidiennes cervicales (post-traumatiques, in-
BVUPOPNFT
EVUSJKVNFBV flammatoires ou dégénératives) et la dysfonction temporo-
3BNFBVY mandibulaire constituent les principales étiologies. Le mé-
BVSJDVMBJSFT
BOUÏSJFVST canisme pathogénique est un trouble neurovégétatif lié à
%ZTGPODUJPO
UFNQPSP une irritation des racines C2-C3 ou du nerf grand auricu-
"SUÒSF NBOEJCVMBJSF laire issu de ces branches (fig. 92.12). En raison de grandes
UFNQPSBMF
similitudes cliniques avec l’érythermalgie, il a été récem-
"SUÒSF $ ment suggéré que le syndrome des oreilles rouges pourrait
BVSJDVMBJSF $ constituer une variante à topographie exclusivement auri-
QPTUÏSJFVSF $POnJU
culaire de celle-ci ⁸³. Le traitement du syndrome des oreilles
$
$
$ SBEJDVMBJSF
DFSWJDBM
/FSG $
$
rouges est mal codifié. Les traitements médicaux comme

Coll. D. Bessis
HSBOEBVSJDVMBJSF
$ les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les bêtabloqueurs
$BSPUJEFFYUFSOF
et les dérivés de l’ergot de seigle ont une efficacité incons-
tante. La correction chirurgicale d’une éventuelle compres-
Fig. 92.12 Principales étiologies du syndrome des oreilles rouges : sion radiculaire cervicale ou d’une dysfonction temporo-
le conflit radiculaire cervical haut responsable d’une « irritation » des mandibulaire permet parfois une rémission complète. Les
racines C2-C3 ou du nerf grand auriculaire dont il est issu ; la dysfonction blocs anesthésiques locorégionaux ont le plus souvent une
temporo-mandibulaire pouvant atteindre les rameaux nerveux issus du nerf efficacité suspensive ⁸⁴.
grand auriculaire ; les céphalalgies du nerf trijumeau par atteinte du nerf
auriculo-temporal. Dans ce dernier cas, les signes cutanés s’accompagnent Érythermalgie
habituellement de céphalées L’érythermalgie est un acrosyndrome rare, caractérisé par
la triade érythème, augmentation de la chaleur locale et
par les fibres parasympathiques du nerf auriculo-temporal ; douleurs paroxystiques (fig. 92.13). Elle siège plus souvent
lorsque celles-ci sont lésées, elles se régénèrent de manière sur les extrémités des membres inférieurs que des membres
aberrante et viennent innerver les petits vaisseaux cutanés supérieurs ; les lobules des oreilles et les narines sont ra-
et les glandes sudoripares. Ainsi au lieu de stimuler la sécré- rement atteints. Les accès douloureux paroxystiques ré-
tion salivaire de la parotide lors des repas, elles stimulent sultent d’une vasodilatation intense et sont déclenchés
les glandes sudorales et les vaisseaux expliquant l’hyperhi- par l’exposition au chaud ou l’exercice, et calmés par le
drose, les œdèmes et les bouffées vasomotrices localisées à froid et le repos. On distingue les érythermalgies primi-
la région parotidienne. Différents traitements médicaux et tives, survenant dans l’enfance ou l’adolescence, en l’ab-
chirurgicaux ont été proposés avec une efficacité variable. sence de maladie sous-jacente, qu’elles soient sporadiques
Le traitement chirurgical le plus proposé consiste en l’in- ou plus rarement familiales (héréditaires), des érythermal-
terposition de barrières tissulaires variées telles une greffe gies secondaires à un syndrome myéloprolifératif, à une
dermique et le fascia temporopariétal entre la peau de la maladie auto-immune notamment le lupus systémique ou
joue et la glande parotide. Les topiques anticholinergiques à la prise d’un médicament vasodilatateur ⁸⁵,⁸⁶. L’éryther-
tels la scopolamine en solution et en crème ont parfois malgie primitive résulte d’altérations des canaux sodiques
été utilisés avec succès ⁸¹. Plus récemment, les injections induisant une neuropathie des fibres de petit calibre res-
intracutanées de toxine botulique A ont été proposées avec ponsable des troubles vasomoteurs. Elle peut être classée
succès chez la plupart des patients avec une bonne tolé- parmi les canalopathies, au même titre que certaines épi-
rance, une efficacité thérapeutique prolongée (> 6 mois) lepsies ou arythmies cardiaques. Il s’agit d’une maladie au-
et peuvent être répétées ⁸⁰. tosomique dominante. Les patients atteints d’érythermal-
gie primitive ont une mutation du gène SCN9A, situé sur
Syndrome des oreilles rouges le chromosome 2q ⁸⁷. Il code pour la sous-unité alpha du
Le syndrome des oreilles rouges (red ear syndrome) a été in- canal sodique (NaV.17). Ces canaux sodiques se trouvent
dividualisé en 1994 à partir d’une série de 12 patients par principalement dans le ganglion rachidien dorsal et dans
J. W. Lance, neurologue ⁸². Il se caractérise par une inflam- les neurones des ganglions sympathiques. Ils jouent un
mation paroxystique douloureuse, érythémateuse ou rouge- rôle dans la nociception et la régulation vasomotrice. Au
violacée, œdémateuse, chronique de l’oreille externe (pa- cours des crises paroxystiques, il y a également une libéra-
villon et lobule), le plus souvent unilatérale (fig. 92.11). L’at- tion de nombreux médiateurs et principalement de séro-
teinte du lobule des oreilles, la chronicité et l’évolution pa- tonine, substance vasoactive qui joue un rôle important
roxystique permettent d’éliminer une polychondrite chro- dans les douleurs neuropathiques. La prise en charge théra-
nique atrophiante ou les autres étiologies de chondrite ou peutique des érythermalgies reste difficile ⁸⁸-⁹¹. L’efficacité
de périchondrite. Au cours du syndrome des oreilles rouges, des différents traitements essayés est variable, traduisant
des douleurs, des dysesthésies peuvent toucher les régions sans doute la diversité des mécanismes étiopathogéniques
Références 92-13

Coll. D. Bessis
Fig. 92.13 Érythermalgie : érythème cyanique et œdème des pieds
prédominant sur les orteils

des formes secondaires : aspirine, gabapentine, inhibiteurs

Coll. Pr F. Boralevi, Bordeaux


de la recapture de sérotonine ⁹², amitriptyline, prostaglan-
dines et inhibiteurs calciques ont été proposés. Il existe
même des érythermalgies liées à une vasodilatation exces-
sive secondaire à un vasospasme, où les vasodilatateurs
peuvent être proposés, comme en cas d’association d’un
syndrome de Raynaud et d’une érythermalgie. En cas de
résistance aux traitements oraux, l’administration intra- Fig. 92.14 Phénomène Arlequin au cours d’un syndrome douloureux
veineuse de vasodilatateur (nitroprusside), d’anesthésique paroxystique : érythème néonatal caractéristique par son caractère
(lidocaïne) et de prostaglandine a été proposée ⁹¹. Enfin, strictement délimité à un hémicorps associé à une pâleur controlatérale
les traitements invasifs de l’érythermalgie comprennent
un bloc anesthésique épidural ⁹³ ou du ganglion sympa- végétatifs paroxystiques survenant lors des stimulations
thique, l’insertion d’un stimulateur médullaire ou un bloc douloureuses, typiquement mais non exclusivement rec-
du plexus brachial. tales ou des chocs émotionnels et se traduisant par des
crises spastiques pseudo-épileptiques, des flushes cutanés
Syndrome douloureux paroxystique et des troubles de la sudation. Un phénomène arlequin
Cette entité mal connue des dermatologues était initiale- est fréquemment présent. Il s’agit d’un érythème néona-
ment rapportée sous le terme de « syndrome douloureux tal, débutant généralement entre le 2 e et le 5 e jour post-
rectal familial ». Il s’agit d’une affection héréditaire de trans- natal, caractéristique par son caractère strictement déli-
mission autosomique dominante liée à des mutations du mité à un hémicorps, associé à une pâleur de l’hémicorps
gène SCN9A caractérisée à partir de 77 patients issus de controlatéral (fig. 92.14). Il survient lors des changements
15 familles collectées à travers le monde ⁹⁴. Elle se mani- de position, après des stimulations douloureuses minimes
feste dès la période néonatale ou l’enfance et persiste à et dure une trentaine de secondes à une trentaine de mi-
l’âge adulte. Elle est marquée par des phénomènes neuro- nutes ⁹⁵.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Girard C. Système nerveux central et périphérique. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations
dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 92.1-92.15.
93
Maladies psychiatriques
Madhulika A. Gupta

Stress psychologique et peau 93-1 Trichotillomanie 93-6


Stress et axe hypothalamo-hypophysaire 93-2 Manifestations dermatologiques
Circuit neuro-endocrine et immunitaire et affections des troubles psychiatriques 93-7
cutanées liées au stress 93-2 Schizophrénie 93-8
Stress psychologique, fonction barrière cutanée et Autres troubles psychotiques 93-11
cicatrisation 93-3 Troubles de l’humeur 93-11
Pathologies cutanées auto-induites 93-3 Troubles de l’anxiété 93-13
Pathomimie cutanée 93-3 Répercussions psychologiques des dermatoses 93-17
Excoriations névrotiques et acné excoriée 93-6 Références 93-18

L a peau est l’organe le plus étendu du corps humain et


constitue une interface active sociale, psychologique
et métabolique entre l’individu et son environnement. De
des protéines équivalentes aux phéromones. En tant qu’or-
gane de communication, la peau joue un rôle vital dans
les relations affectives débutant dès la naissance. Les expé-
récents travaux ¹,² ont établi que la peau jouait un rôle im- riences et les sensations corporelles, tant profondes que
portant de communication multidirectionnelle avec les dif- superficielles, participent grandement au développement
férentes glandes endocrines, le système immunitaire et le de l’enfant ³. La peau constitue un organe de communi-
système nerveux central, et également d’organe effecteur cation essentiel et peut réagir à des états émotionnels
par la production de signaux humoraux et neurologiques tels qu’une peur extrême, une anxiété ou une gêne par
agissant sur un plan local cutané et central neurologique. des réactions de pâleur, d’augmentation de la transpira-
La peau et ses annexes constituent les cibles de médiateurs tion, de flush ou d’érubescence. Par ailleurs, l’apparence
clés du stress comme la CRH (corticotropin-releasing hor- globale de la peau, même en cas d’imperfection minime,
mone), le cortisol, les catécholamines, la prolactine, la sub- peut profondément retentir sur l’image corporelle d’un in-
stance P et le facteur de croissance nerveuse (NGF). Ils sont dividu, en particulier chez l’adolescent, et être à l’origine
également producteurs de ces différents médiateurs à rôle de troubles de l’image corporelle, d’une réaction dépres-
immunomodulateur ¹,². Cette « connexion » entre la peau sive ou d’anomalie du comportement. En tant qu’organe
et le système nerveux central ¹,² constitue le paradigme de de communication, la peau continue à jouer un rôle im-
l’exacerbation par le stress psychologique d’un large éven- portant plus tardivement, lorsque son apparence renvoie
tail d’affections cutanées inflammatoires avec au premier socialement à des attributs essentiels comme l’âge ou le
plan la dermatite atopique et le psoriasis. statut social. L’idée que l’âge chronologique ne signale pas
La peau est le plus puissant organe de communication nécessairement le début du vieillissement est devenue de
présent depuis la naissance, tant au niveau social, que plus en plus prévalente et la tentative de corriger certains
psychologique et biologique. La peau et ses annexes sont signes du vieillissement corporel concerne fréquemment
innervées par un réseau dense de nerfs afférents sensi- la peau.
tifs et de nerfs efférents autonomes. Les branches ner-
veuses afférentes transmettent les sensations du toucher, Stress psychologique et peau
de la douleur, du prurit, de la température et d’autres
stimuli. Les nerfs efférents autonomes jouent un rôle Les comorbidités psychiatriques et le stress psychologique
dans le maintien de l’homéostasie cutanée en régulant sont présents chez un tiers des patients suivis en derma-
les fonctions vasomotrices et pilomotrices ainsi que l’ac- tologie ⁴-⁷. Les troubles psychiatriques et le stress psycho-
tivité des glandes sudorales apocrines et eccrines. Les logique coexistent fréquemment, ce dernier constituant
glandes sudorales apocrines deviennent fonctionnelles à un important facteur de risque de décompensation ou de
la puberté, répondent aux catécholamines et produisent pérennisation des troubles psychiatriques.

 CRH corticotropin-releasing hormone · NGF nerve growth factor


93-2 Maladies psychiatriques

STRESS STRESS
ENVIRONNEMENTAL PSYCHIQUE

Hypothalamus

CRH
Hypophyse

{
INHIBITION Épiderme
FONCTION BARRIÈRE IL-1
Derme

Annexes Kératinocyte
Mélanocyte
Mastocyte
{ CYTOKINES

UROCORTINE
CRH
ACTH
IL-6
TNF
α-MSH
POMC

ACTH
β-endorphines

Sébocyte
Surrénale

CORTISOL

FONCTIONS : – MÉTABOLIQUE

Coll. D. Bessis
– IMMUNOLOGIQUE
– HOMÉOSTATIQUE
Fig. 93.1 Stress et axe hypothalamo-hypophysaire : le stress psychique induit la production hypothalamique de CRH qui stimule la sécrétion
hypophysaire de différents peptides dérivés de la proopiomélanocortine (POMC) comme l’ACTH, l’α-MSH et les bêta-endorphines. L’ACTH stimule la
production et la sécrétion du cortisol par le cortex surrénalien responsable d’une inhibition de la fonction barrière cutanée et de modifications des fonctions
métaboliques, immunologiques et homéostatique. La peau, via ses différents constituants cellulaires (kératinocytes, mélanocytes, sébocytes, mastocytes),
agit également comme un système neuro-endocrine réactif au stress environnemental en produisant localement la CRH, l’urocortine-1 et les peptides
dérivés de la proopiomélanocortine comme l’ACTH, l’α-MSH et diverses cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNF-α)

Stress et axe hypothalamo-hypophysaire breuses pathologies psychiatriques, en particulier au cours


L’une des principales réponses d’adaptation au stress systé- du trouble dépressif majeur et d’affections associées
mique repose sur l’axe hypothalamo-hypophysaire (fig. 93.1). au stress extrême comme le syndrome de stress post-
Son activation centrale débute par la production hypotha- traumatique ¹⁰. Le trouble dépressif majeur est associé à un
lamique de CRH, qui active les récepteurs à la CRH de hyperfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire,
type 1 au niveau de l’antéhypophyse et induit la produc- non freiné de façon adéquate par des mécanismes internes
tion de différents peptides dérivés de la proopiomélanocor- de rétrocontrôle négatif et rend compte de taux élevés
tine comme l’ACTH (adrenocorticotropic hormone), l’alpha- de CRH dans le liquide céphalorachidien et de taux sé-
MSH (alpha-melanocyte stimulating hormone) et les bêta- riques augmentés d’ACTH et de cortisol. De façon simi-
endorphines. L’ACTH stimule la production et la sécrétion laire, des taux élevés de CRH sont notés dans le liquide
du cortisol chez l’homme (corticostérone chez les rongeurs) céphalorachidien de patients atteints de syndrome de
par le cortex surrénalien. La peau, via ses différents consti- stress post-traumatique. Cependant, au cours de cette der-
tuants cellulaires (kératinocytes, mélanocytes, fibroblastes, nière affection, plusieurs études suggèrent qu’à l’inverse du
sébocytes, mastocytes), agit également comme un système trouble dépressif majeur, le rétrocontrôle négatif de l’axe
neuro-endocrine réactif au stress en produisant localement hypothalamo-hypophysaire est augmenté et aboutit à une
la CRH, l’urocortine-1 (neuropeptide de type CRH identi- diminution du taux de cortisol plasmatique.
fié au niveau cérébral) et les peptides dérivés de la proo-
piomélanocortine comme l’ACTH, l’alpha-MSH et les bêta- Circuit neuro-endocrine et immunitaire et affections cutanées liées
endorphines ⁸,⁹. Les cellules cutanées expriment également
au stress ¹,²
les récepteurs fonctionnels activés par ces différents neuro-
peptides ⁸. La production de glucocorticoïdes secondaire au stress peut
L’axe hypothalamo-hypophysaire est affecté dans de nom- induire une baisse de l’immunité cellulaire Th1 et un dés-

 ACTH adrenocorticotropic hormone · CRH corticotropin-releasing hormone · IL interleukine · MSH melanocyte-stimulating hormone · TNF tumor necrosis factor
Pathologies cutanées auto-induites 93-3

équilibre de la balance Th1-Th2 au profit de l’immunité hu- couches superficielles de la peau (« tape stripping »), à l’in-
morale Th2. Les réponses neuro-hormonales au stress im- verse du stress psychologique chronique associé à une di-
pliquent également le système nerveux sympathique, son minution de réponse de l’axe hypothalamo-hypophysaire.
activation ayant pour conséquence une augmentation de Les glucocorticoïdes inhibent la prolifération des cellules
production des catécholamines. Le système nerveux sympa- de l’épiderme et la synthèse des lipides, diminuent la pro-
thique participe directement à l’inflammation cutanée. Les duction de cytokines et de lymphokines nécessaires à la
fibres nerveuses sympathiques et les nerfs sensitifs sont réparation des tissus et induisent une vasoconstriction mé-
responsables de l’innervation du derme et de l’épiderme où diée par le système nerveux sympathique à l’origine d’une
elles sécrètent de la norépinéphrine. Les catécholamines diminution du flux sanguin au niveau de la plaie.
ont un effet suppresseur sur les cellules de Langerhans qui
sont anatomiquement associées à ces fibres nerveuses. Les Pathologies cutanées auto-induites
cellules de Langerhans, dérivés de la moelle osseuse, parti-
cipent à la réaction immunitaire et migrent de la peau vers Les pathologies cutanées auto-induites relèvent de plu-
les ganglions lymphatiques. Elles possèdent des récepteurs sieurs cadres cliniques distincts. Schématiquement, on
de surface communs aux macrophages et jouent le rôle de peut distinguer 1o les dermatoses factices, dominées
cellules présentatrices d’antigènes. par la pathomimie cutanée ; 2o les dermatoses secon-
Les réponses cutanées au stress aigu comprennent une ac- daires ou aggravées par des attitudes compulsives et/ou
tivation des fonctions immunitaires cutanées tandis que des troubles dépressifs comme les excoriations névrotiques,
le stress chronique a un effet immunosuppresseur. Les l’acné excoriée, la trichotillomanie, l’onychophagie, l’ony-
lymphocytes expriment des récepteurs adrénergiques et chotillomanie, la pachydermatodactylie et la chéilite in-
répondent à une augmentation du taux de catécholamines duite par tic de léchage ; 3o les dermatoses secondaires
induites par le stress par une prolifération, des modifica- aux simulations dans un but de bénéfice social ou financier
tions de leur migration, circulation, prolifération et de leur (tableau 93.1).
production cytokinique. Un stress aigu survenant avant
l’exposition à un nouvel antigène augmente la formation Pathomimie cutanée
de lymphocytes T mémoires et un stress aigu vécu du- La pathomimie cutanée ou dermatose factice auto-induite
rant une réexposition à un antigène peut augmenter la s’intègre dans le large cadre des maladies factices qui
réponse immunitaire secondaire. À l’opposé, le stress chro- peuvent toucher tous les organes et intéresser l’ensemble
nique peut diminuer la réponse immunitaire aux vaccins, des spécialités (médecine interne, endocrinologie, ophtal-
ralentir la cicatrisation, et réactiver des infections virales mologie, otorhinolaryngologie, et chirugie entre autres).
latentes comme l’infection à Herpesvirus. Le stress aigu La peau en constitue une cible privilégiée en raison de sa
est également associé à une augmentation de l’activation visibilité, de son accessibilité et de son rôle clé dans le déve-
et de la dégranulation des cellules mastocytaires, facteurs loppement de l’image corporelle et comme expression sym-
intervenant au cours de l’urticaire ou des réactions ana- bolique des émotions et des sentiments. La pathomimie
phylactiques induites par le stress. Les cellules mastocy- se définit comme l’autoprovocation volontaire, consciente,
taires jouent un rôle clé dans la connection « peau-système dissimulée et apparemment irrationnelle de symptômes cli-
nerveux » et constituent un important facteur de régula- niques au niveau du revêtement cutané cutanéo-muqueux
tion de l’inflammation neurogénique durant la réponse au et/ou des phanères ¹³. Le caractère irrationnel de l’affec-
stress. Un large spectre de médiateurs du stress comme tion exclut la simulation, bien qu’une recherche de béné-
CRH, ACTH, certaines cytokines et la substance P sont des fices matériels soit secondairement possible. La production
déclencheurs de l’activation mastocytaire, qui à son tour en- inconsciente des symptômes diffère la pathomimie de la
traîne la synthèse et le relargage de médiateurs stockés et conversion. Le caractère dissimulé exclut les affections au-
conduisent à l’exacerbation d’un large spectre d’affections toprovoquées comme les automutilations, les excoriations
dermatologiques. Les mastocytes cutanés sont stimulés névrotiques et la trichotillomanie ¹⁴.
par les médiateurs classiques du stress comme l’ACTH et La pathomimie cutanée est rare, mais son incidence pré-
le CRH, mais sont également générateurs d’hormones du cise reste inconnue. Elle touche avec prédilection la femme,
stress comme le CRH. La cellule mastocytaire cutanée est avec un sex-ratio variant de 3F/1H à 20F/1H selon les
l’une des sources les plus riches en CRH. Les affections der- études (biais d’inclusion en relation avec les lieux d’étude et
matologiques où les mastocytes jouent un rôle important les populations de malades, caractère rétrospectif ou non)
comprennent la pelade, la dermatite atopique, le psoriasis, et les critères de définition utilisés (confusion parfois avec
l’urticaire chronique, l’eczéma de contact, l’acné vulgaire et les autres dermatoses autoprovoquées). Elle peut commen-
diverses formes de prurit. cer à tout âge, mais son incidence est maximale chez l’ado-
lescent ou le jeune adulte. Elle est le plus souvent précédée
Stress psychologique, fonction barrière cutanée et cicatrisation ¹¹,¹² par un important stress psychosocial. Dans la majeure par-
Plusieurs études récentes ont démontré que le stress psy- tie des cas, les patients ont un lien étroit direct ou indirect
chologique aigu, responsable d’une augmentation du taux avec le milieu médical. Un antécédent de sévices physiques
de glucocorticoïdes, altère la fonction de restauration de ou sexuels ou de carence affective prolongée au cours de
la barrière cutanée induite par l’arrachage successif des l’enfance (hospitalisation prolongée, abandon, longue sépa-

 ACTH adrenocorticotropic hormone · CRH corticotropin-releasing hormone


93-4 Maladies psychiatriques

Tableau 93.1 Principales pathologies cutanées auto-induites


Définition Comorbidités psychiatriques
Pathomimie Lésions cutanées exclusivement auto-induites, mais dont Syndromes dissociatifs parfois associés à des troubles du
la nature auto-induite est typiquement déniée par le stress post-traumatique
patient ; peuvent compliquer une affection Troubles sévères de la personnalité (« signal d’appel » des
dermatologique sous-jacente, par exemple dans les cas lésions)
d’acné excoriée sévère où le patient nie les Exclure les abus sexuels infantiles, une psychose, des
auto-excoriations répétées troubles obsessionnels-compulsifs, un syndrome de
Münchausen par procuration ou une simulation
Trichotillomanie Alopécie non cicatricielle résultant de l’auto-arrachage des Troubles dissociatifs
cheveux Troubles obsessionnels-compulsifs
Troubles du contrôle des impulsions non classés
Excoriations névrotiques Lésions secondaires à des auto-excoriations répétitives qui Troubles obsessionnels compulsifs
Acné excoriée peuvent être déclenchées par un prurit ou des Troubles dépressifs majeurs
dysesthésies cutanées, ou en raison de l’envie de corriger Troubles dysmorphiques corporels
une imperfection cutanée comme un « bouton d’acné » ou Troubles dissociatifs (occasionnellement)
une autre irrégularité de la peau

ration) est également fréquemment noté ¹⁵. sible et peut initialement égarer le diagnostic ;
Le diagnostic est difficile à affirmer en raison de la mul- − leur mode de survenue très caractéristique, marqué par
tiplicité des lésions cliniques élémentaires possibles sui- un début brutal, simultané et d’emblée évolué des lé-
vant la créativité des patients et le mécanisme traumatique sions, généralement en peau saine. Il peut également
utilisé : bulles, excoriations, érosions superficielles, ulcéra- s’agir de l’auto-entretien d’une dermatose caractérisée :
tions, abrasions, ecchymoses, purpura, érythème, œdème retard de cicatrisation d’ulcérations de jambe, pérenni-
ou autres signes de traumatisme ou de brûlures. Il est évo- sation d’un eczéma de contact (par exposition à l’agent
qué à partir de l’interrogatoire et d’un faisceau de signes de contact sensibilisant) ;
cliniques ¹³-¹⁷ : − l’association à des symptômes fonctionnels d’intensité
− la topographie des lésions cutanées, accessible manuel- inhabituelle ;
lement ou de façon instrumentale. Il s’agit le plus sou- − leur évolution bizarre, capricieuse, avec des lésions très
vent du visage, de la partie haute du tronc et des extré- rapidement résolutive ou inversement d’évolution très
mités (fig. 93.2) ; prolongée accompagnée de demandes fréquentes et in-
− la séméiologie de lésions aux formes bizarres, à bords sistantes d’hospitalisation ou de vagabondage médical ;
anguleux et géométriques, ou linéaires (révélant dans − une anamnèse creuse et des interrogatoires souvent
ce cas l’utilisation de liquides caustiques) et parfaite- flous, incohérents. L’ambiance de la consultation médi-
ment démarquées de la peau adjacente saine (fig. 93.3). cale peut également être évocatrice : le patient semble
La reproduction d’une authentique dermatose anté- détaché, son attitude décalée par rapport à des lésions
rieure ou présente chez un proche est également pos- cutanées affichantes et douloureuses, souriant inno-

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 93.3 Pathomimie cutanée : multiples lésions érosives, croûteuses et


Fig. 93.2 Pathomimie cutanée : ulcération cutanée circulaire du dos de cicatricielles marquées par leur forme géométrique, leur nette démarcation
la main par rapport à la peau saine et leur accessibilité
Pathologies cutanées auto-induites 93-5

Coll. Dr C. Girard, Montpellier


Fig. 93.4 Ulcération cutanée profonde de forme triangulaire de la joue
et cicatrices anciennes du visage au cours d’un syndrome de Münchausen

cemment (sourire de Mona Lisa) et apporte les résul-


tats des multiples investigations répétitives précédem-
ment réalisées et un sac de médications antérieurement
prescrites et considérées inefficaces, il est accompagné

Coll. Dr C. Girard, Montpellier


d’un entourage familial anxieux, impatient, exaspéré
et frustré, mettant en doute les compétences médicales
des médecins consultés.
L’examen histologique des lésions cutanées est générale-
ment peu contributif, les diverses anomalies notées (acan-
those, érosion de l’épiderme, infiltrat périvasculaire) étant
étroitement dépendantes du mode de réalisation du trau- Fig. 93.5 Ecchymoses multiples du membre supérieur au cours d’un
matisme cutané. Son intérêt essentiel réside dans l’exclu- syndrome de Gardner et Diamond
sion d’une étiologie spécifique tumorale, infectieuse, vascu-
laire ou inflammatoire (par exemple l’absence de vasculite lique ou immunologique, n’est mise en évidence. Considéré
ou d’infiltrat lymphocytaire) et dans la mise en évidence initialement comme un purpura par autosensibilisation éry-
d’éventuels corps étrangers (particulièrement en cas de sus- throcytaire, cette affection pourrait constituer une forme
picion d’injection cutanée). particulière de pathomimie cutanée ²¹.
Plusieurs entités psychodermatologiques peuvent être rap- Dans la plupart des cas, la pathomimie est étroitement liée
prochées du cadre des pathomimies. Le syndrome de Mün- à des troubles de la personnalité organisés sur un mode
chhausen touche avec prédilection les hommes et comporte, limite (borderline), les poussées s’observant au cours de
outre l’auto-agression dissimulée à dessein psychologique, phénomènes dissociatifs chez des patients souffrant de
une dimension d’affabulation, de mythomanie et d’errance troubles du stress post-traumatique ou de troubles de la
médicale ¹⁸-¹⁹. Le tableau clinique est généralement de pré- personnalité. Des formes transitoires ou minimes de patho-
sentation dramatique (fig. 93.4) et les patients demandeurs mimie, en particulier chez l’enfant ou le jeune adolescent,
d’hospitalisations répétées, volontiers agressifs et querel- peuvent être secondaires à une réponse inadaptée à un
leurs s’ils n’obtiennent pas l’attention médicale souhaitée. stress psychosocial.
Le syndrome de Münchhausen par procuration (syndrome La prise en charge de la pathomimie doit rester prudente
de Polle), rarement décrit en dermatologie, correspond à la et progressive, en essayant de maintenir un lien sécurisant
création d’une maladie produite ou simulée sur une autre avec le patient malgré les aléas du suivi ¹⁶. La confronta-
personne dont l’individu a la charge, généralement une tion directe avec le patient ou l’évocation directe du carac-
mère sur son enfant ²⁰. Le syndrome des ecchymoses dou- tère auto-induit des lésions doit être proscrite en raison du
loureuses (syndrome de Gardner et Diamond) affecte avec risque de perte de vue, de danger de surenchère, de décom-
prédilection les adolescentes ou les femmes jeunes. Il se pensation délirante, voire de suicide ¹⁴. La prise en charge
caractérise par l’apparition spontanée d’ecchymoses doulou- médicale dermatologique reste essentielle en raison du lien
reuses en « nappe », précédées d’une phase inflammatoire, affectif des patients vis-à-vis de leur peau et repose sur di-
siégeant préférentiellement sur les membres (fig. 93.5) plus vers soins locaux de cicatrisation (pansements, bandage,
rarement le tronc ou le visage et évoluant par poussées ²¹. application d’agents émollients et cicatrisants). L’utilisa-
Aucune anomalie biologique, en particulier thrombophi- tion d’antidépresseurs peut être proposée, un état dépres-
93-6 Maladies psychiatriques

ritairement secondaires à des attitudes compulsives : chéi-


lite factice liée des tics de léchage des lèvres, onychotillo-
manie, onychophagie, pachydermodactylie (fibromatose
superficielle des doigts). Le traitement de ces dermatoses
auto-induites repose sur une prise en charge médicale der-
matologique symptomatique des lésions cutanées, associé
à un traitement psychotrope par des antidépresseurs et/ou
une psychothérapie.

Trichotillomanie

Coll. D. Bessis
La trichotillomanie constitue une cause fréquente d’alo-
pécie mais sa prévalence exacte reste inconnue, estimée
suivant diverses études à environ 1 % de la population gé-
Fig. 93.6 Cicatrices pigmentées linéaires des poignets et du dos des nérale. Sa définition d’après les critères du DSM-IV-TR de
mains secondaire à des excoriations névrotiques l’American Psychiatric Association est restrictive, mais utili-
sée dans la plupart des études ²⁴ : 1o arrachage récurrent
sif étant fréquemment associé et antérieur au trouble de la de ses propres cheveux à l’origine d’une perte de cheveux
conduite et constitue le traitement médical de référence du notable ; 2o perception d’une tension croissante précé-
syndrome de stress post-traumatique fréquemment causal dant immédiatement l’arrachage ou en cas de résistance au
de l’affection ¹⁶. La prise en charge psychiatrique doit être comportement d’arrachage ; 3o sensation de plaisir, de
considérée progressivement et prudemment, une fois une gratification ou de soulagement après l’arrachage ; 4o ab-
relation de confiance solidement établie entre le dermato- sence d’autre pathologie mentale pouvant rendre compte
logue et son patient, de façon à ce qu’elle ne soit pas perçue de l’arrachage ; 5o détresse et difficultés sociales ou pro-
comme un abandon du suivi médical dermatologique. Le fessionnelles dues à cette affection. Ces critères ont l’incon-
pronostic de cette affection reste mal connu et semble indé- vénient de méconnaître une forme clinique dite « automa-
pendant du type de pathologie psychiatrique sous-jacente, tique », fréquemment observée en pratique clinique, où l’ha-
ou de l’ancienneté, de la nature et de l’évolutivité des lé- bitude d’arrachage des cheveux n’est pas précédée par une
sions. tension ni suivie par une sensation de soulagement, et sur-
vient de façon automatique au cours de situations variées
Excoriations névrotiques et acné excoriée où l’attention doit être maintenue (par exemple regarder
Elles désignent les lésions cutanées secondaires au geste la télévision, être au téléphone, lire, etc.). Suivant l’âge de
compulsif de manipuler sa peau (gratter, piquer, frotter) début de la trichotillomanie, on distingue la forme infan-
dans le but d’en retirer la plus petite imperfection. Elles tile qui touche avec prédilection l’enfant entre 5 à 12 ans,
s’observent le plus souvent chez la femme, peuvent surve- sans prépondérance de sexe, généralement en rapport avec
nir à tout âge à partir de l’enfance ²². Les cas plus sévères un stress psychosocial familial, et de bon pronostic, rapi-
et récalcitrants débutent entre la troisième et la cinquième dement résolutif avec ou sans traitement ²⁴. Un comporte-
décennie. Les lésions peuvent être initiées par une irrégu- ment de manipulation des cheveux arrachés et une éven-
larité minime de la peau comme un comédon, une papule tuelle trichophagie, parfois à l’origine d’un trichobézoard,
post-piqûre d’insecte, une papule d’acné ou une folliculite.
Il s’agit d’excoriations de taille variable (quelques mm à plu-
sieurs cm), superficielles ou profondes, se traduisant par
des ulcérations circulaires ou linéaires profondes, cernées
d’une bordure hypertrophique et recouvertes d’une croûte
sanguinolente (fig. 93.6) ²³. Elles se distribuent préférentiel-
lement sur les surfaces d’extension des avant-bras, bras,
jambes, cuisses, partie haute du tronc et le visage. Dans la
plupart des cas, les excoriations névrotiques s’observent au
cours de troubles obsessionnels-compulsifs, avec une fré-
quente évolution en dents de scie favorisée par des stress
psychosociaux et/ou de troubles anxiodépressifs. Au cours
de l’acné excoriée, les lésions débutent essentiellement à
l’adolescence et sont situées sur les zones touchées par
l’acné, le visage essentiellement (fig. 93.7), parfois le cou et le
Coll. D. Bessis

torse. Cependant les lésions a priori initiales d’acné ne sont


pas toujours visibles et le contexte de TOC est également
fréquemment présent et doit être recherché à l’interroga-
toire. Diverses autres dermatoses auto-induites peuvent Fig. 93.7 Acné excoriée du visage : excoriations multiples, parfois
être rattachées au cadre des excoriations névrotiques, majo- linéaires, de la joue secondaires à des manipulations compulsives

 TOC troubles obsessionnels-compulsifs


Manifestations dermatologiques des troubles psychiatriques 93-7

Coll. D. Bessis

Fig. 93.8 Trichotillomanie : alopécie non cicatricielle, non squameuse et

Coll. D. Bessis
non inflammatoire linéaire du sommet du crâne

peuvent être associés. La forme de l’adulte touche électi-


vement la femme, avec un sex-ratio compris entre 3,5F à Fig. 93.9 Trichotillomanie : alopécie non cicatricielle, non squameuse et
7F/1H, est souvent chronique et de pronostic plus défa- non inflammatoire en aire circulaire touchant avec prédilection le sommet
vorable, plus fréquemment résistante aux traitements et du crâne et épargnant l’occiput et la lisière frontale
associée à des comorbidités psychiatriques. Cliniquement,
le scalp est électivement touché, mais des atteintes des sour- la détresse et généralement évolutif, l’acte d’arrachage des
cils, des cils et des poils corporels (pubis, tronc, extrémités) poils au cours de la trichotillomanie a pour but d’obtenir
peuvent s’observer. Il s’agit d’une alopécie non cicatricielle, une sensation de plaisir ou de gratification et n’évolue pas
non squameuse et non inflammatoire, en aires (linéaire vers d’autres rituels ²⁴. Des troubles de l’humeur associés à
ou circulaire) (fig. 93.8) ou diffuse, prédominant sur le côté type de dépression sont également fréquemment présents
dominant, touchant avec prédilection le vertex suivi des au cours de la trichotillomanie (près d’un cas sur deux) ²⁴.
régions temporales et frontales (fig. 93.9). La base du crâne La prise en charge de la trichotillomanie est variable sui-
et l’occiput sont classiquement épargnés. Les plaques d’alo- vant la gravité du symptôme et le type de personnalité
pécie sont recouvertes de cheveux cassés de taille variable, du patient. L’utilisation d’antidépresseurs antisérotoniner-
parfois en point d’exclamation et une bordure irrégulière giques peut être proposée en raison de leur action sur les
composée de cheveux de taille variable, les plus courts cor- symptômes obsessionnels compulsifs et d’un état dépressif
respondant à ceux récemment arrachés ²⁴,²⁵. Le diagnostic fréquemment associé. La prise en charge médicale dermato-
positif est en général facile à poser, en particulier chez l’en- logique et le rôle psychothérapique du dermatologue reste
fant où l’aveu spontané de l’acte d’arrachage est rapidement essentielle, en particulier en cas de trichotillomanie isolée
reconnu par l’enfant ou ses parents. En cas de doute, un exa- de l’enfant.
men anatomopathologique recherchera une trichomalacie
(aspect plicature, amorphe, tordu des bulbes), des dépôts
de mélanine dans les gaînes folliculaires, des hémorragies Manifestations dermatologiques des troubles
périfolliculaires, des fractures des tiges pilaires et l’absence psychiatriques
de signe histologique de pelade.
La trichotillomanie ne traduit pas une organisation particu- Les maladies psychiatriques abordées ci-dessous sont clas-
lière de la personnalité ¹⁶. Il peut s’agir d’états dissociatifs sées selon la quatrième édition du Manuel diagnostique
sévères, de troubles névrotiques organisés sur un mode et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR pour Diag-
obsessionnel-compulsif, l’arrachage des poils étant parfois nostic and Statistical Manual of Mental Disorders — Text
assimilé à un rituel compulsif. Cependant, à la différence du Revised) publiée en 2000 par l’American Psychiatric Asso-
rituel compulsif réalisé dans le but de réduire l’anxiété ou ciation ²⁶. Des manifestations dermatologiques peuvent
93-8 Maladies psychiatriques

s’observer au cours de nombreux troubles psychiatriques − anomalies environnementales, où des facteurs de risque
majeurs : schizophrénie et autres troubles psychotiques pré- ou péri-nataux affectent le développement céré-
comme les troubles délirants : troubles délirants de type bral ;
somatique (ou psychoses hypochondriaques monosympto- − anomalies neurodéveloppementales ;
matiques), trouble psychotique partagé (ou folie à deux) ; − dysfonctionnement des systèmes dopaminergiques,
troubles de l’humeur en particulier dans l’état dépressif glutaminergiques et gamma-amino-butyriques ;
majeur ; troubles anxieux comme les troubles obsession- − anomalies de l’intégrité des membranes neuronales, lar-
nels compulsifs, la phobie sociale, le trouble de stress post- gement composées de phospholipides.
traumatique ; troubles somatoformes comme les troubles Bizarreries et excentricités dermatologiques Un accou-
dysmorphiques corporels (ou dysmorphophobie) et la né- trement bizarre ou une apparence excentrique peuvent être
vrose de conversion ; troubles dissociatifs et troubles des observés comme des coupes de cheveux extrêmes ou bi-
conduites alimentaires comme l’anorexie mentale et la bou- zarres, un rasage complet ou un changement inhabituel
limie. Un trouble de la personnalité limite (« borderline »), de couleur capillaire ²⁹. L’automutilation, définie comme
narcissique, histrionique (anciennement « hystérique ») ou une mutilation ou une blessure corporelle délibérée et
de type obsessionnel compulsif peut également être pré- non suicidaire, ne constitue pas une caractéristique com-
sent chez certains groupes de patients en dermatologie. mune de la schizophrénie. Lorsqu’elle est présente, elle
Pour nombre d’entre eux, plusieurs troubles psychiatriques peut revêtir une présentation extrême et bizarre comme
peuvent coexister : par exemple, la dépression majeure une énucléation, une auto-amputation pénienne, une au-
est fréquemment associée à des troubles anxieux et des tocastration, des mutilations génitales chez la femme, et
troubles dysmorphiques corporels, et certains désordres ce conjointement à la présence de signes cliniques psychia-
anxieux, comme le trouble de stress post-traumatique, triques ³⁰. Plusieurs publications mentionnent également
peuvent être associés à des troubles dissociatifs. que les patients schizophrènes ont un seuil de sensibilité
Les principales manifestations dermatologiques des symp- à la douleur physique (par exemple secondaire à une mala-
tômes psychiatriques primaires sont résumées dans le die ou à un traumatisme) plus bas que chez le sujet sain ³¹.
tableau 93.2. Les idées délirantes et les hallucinations constituent les
signes cardinaux de la schizophrénie ²⁶. Les idées délirantes
Schizophrénie ²⁶,²⁸ paranoïdes peuvent représenter une des caractéristiques
La schizophrénie regroupe un ensemble d’affections psy- de la schizophrénie et, à la différence des troubles para-
chiatriques chroniques sévères, touchant en moyenne 1 % noïdes, sont typiquement bizarres, de mode incongru et
de la population mondiale adulte. Elle débute généralement de nature idiosyncrasique. Par exemple, le patient schizo-
à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Elle peut être phrénique peut se plaindre que des partenaires jaloux le
inaugurée par un épisode aigu durant deux à trois semaines, traquent en lui implantant un transmetteur sous la peau.
ou s’installer de façon plus insidieuse. Les critères diagnos- Les idées délirantes somatiques, caractérisées par des pré-
tiques de schizophrénie (DSM-IV-TR, American Psychiatric occupations sur des parties du corps considérées comme
Association, 2000) ²⁶ reposent sur la présence de deux ou malades ou fonctionnant mal, mais sans aucune évidence
plus des manifestations suivantes, chacune pendant une médicale objective, sont également typiquement bizarres.
partie significative du temps pendant une période d’un Par exemple, un patient schizophrène peut être convaincu
mois (ou moins en cas de réponse favorable au traitement) : que ses lésions cutanées constituent des messages de la
des symptômes positifs qui traduisent un excès ou une dis- part d’une autre personne, ou le signe qu’un ver s’est intro-
torsion des fonctions : 1o idées délirantes ; 2o halluci- duit dans son corps et envahit progressivement ses organes
nations ; 3o discours désorganisé ; 4o comportement internes. Les idées délirantes au cours de la schizophrénie
grossièrement désorganisé ou catatonique ; et/ou 5o des tendent à être plus extrêmes et bizarres que par exemple au
symptômes négatifs qui reflètent une diminution ou une cours des délires de parasitose. La schizophrénie peut être
perte de fonction (par exemple émoussement affectif, alo- responsable d’hallucinations somatiques tactiles ou cenes-
gie (perte de faculté de parler) ou perte de volonté. Certains thésiques, comme par exemple la sensation d’être touché
signes de la perturbation doivent persister au moins six par une autre personne ou de subir une altération de son
mois, et il existe un dysfonctionnement social ou dans les corps ³². Ces hallucinations somatiques sont typiquement
activités comme le travail, les relations interpersonnelles bizarres, et, par exemple, un patient peut se plaindre que
ou les soins personnels. Il existe une importante hétéro- des extra-terrestres lui infligent des décharges électriques
généité dans la présentation et la combinaison des symp- corporelles. Le sentiment de passivité, caractéristique de la
tômes de la schizophrénie. schizophrénie lorsque le patient perçoit qu’un agent exté-
La schizophrénie est un trouble complexe faisant interve- rieur a pris le contrôle de ses pensées, de ses sentiments et
nir de nombreux facteurs étiologiques : de ses actions (aussi dénommé automatisme mental), peut
− anomalies génétiques, où le déterminisme du trait est se manifester par diverses plaintes somatiques ³² : sensa-
complexe. Il fait intervenir la combinaison de nom- tions de brûlures, de chaleur intense de la région vulvaire
breux gènes et des facteurs non génétiques, par opposi- ou autres dysesthésies.
tion au trait mendélien ne faisant intervenir qu’un seul Anomalies des dermatoglyphes et anomalies morpho-
gène ; logiques mineures Des anomalies des empreintes digi-
Manifestations dermatologiques des troubles psychiatriques 93-9

Tableau 93.2 Principales manifestations dermatologiques des symptômes psychiatriques primaires ⁴,²⁶-²⁸
Symptômes Définition Manifestations dermatologiques Comorbidités psychiatriques
psychiatriques
Idées délirantes Fausse conviction, basée sur une Délires de parasitose ou de bromhidrose Troubles délirants de type somatique (ou
inférence incorrecte de la réalité externe, (sueurs malodorantes) psychose hypochondriaque
non corrélée à l’intelligence et la culture Délires de défiguration en lien avec la monosymptomatique)
du patient, et qui ne peut être corrigée peau Troubles psychotiques partagés (folie à
par le raisonnement deux)
Troubles dépressifs majeurs avec des
caractéristiques psychotiques
Schizophrénie débutante
Troubles cognitifs (par ex. délirium,
démence)
Hallucinations Fausse sensation sensorielle non liée à Hallucinations tactiles ou haptiques Schizophrénie avec délires somatiques
un réel stimulus externe, avec ou sans (plaintes sur une infestation cutanée) Démence chez les personnes âgées
perception délirante de l’expérience Privations sensorielles relatives
hallucinatoire Neuropathies périphériques
Intoxications par des substances
inductrices de troubles psychotiques
(sympathomimétiques)
Humeur dépressive Sentiment envahissant et éprouvant de Douleur cutanée inexpliquée Troubles dépressifs majeurs
tristesse ou de perte d’intérêt ou de Dysesthésies du scalp Troubles somatoformes (par ex. troubles
repli par rapport à des activités perçues Autres dysesthésies localisées : dysmorphiques corporels)
autrefois comme agréables vulvodynies, scrotodynies,
douleurs/dysesthésies orofaciales et
burning mouth syndrome
Attaques de panique Attaque intense, aiguë et épisodique Périodes de transpiration profuse Troubles de stress post-traumatique
d’anxiété associée à des troubles du inexpliquée, sueurs nocturnes et Troubles de panique
système nerveux autonome et des réactions de flushes
sentiments accablants de terreur
Flashback Expérience pénible et répétée de Sensations cutanées sensitives Troubles de stress post-traumatique
troubles de la perception où l’expérience inexpliquées Troubles dissociatifs
perçue peut représenter une reviviscence Urticaires généralisées
du passé Urticaires et/ou angio-œdèmes parfois
localisés sur des zones corporelles qui
ont été sujettes à des abus ou des
traumatismes
Douleurs ou prurit sur d’anciennes
cicatrices résultant d’abus physiques
antérieurs (flashback sensoriels)
Conversion (hystérie) Conversion : altération ou limitation Symptômes sensoriels cutanés Troubles de stress post-traumatique
et dissociation involontaire du fonctionnement inexpliqués ou déficitaires (par ex. perte Troubles somatoformes
physique, touchant habituellement les de la sensation du toucher et/ou de la Troubles dissociatifs
fonctions motrices ou sensitives douleur, engourdissement)
volontaires, et résultant d’un conflit ou Hématomes faciles ou inexpliqués (par
d’un besoin psychologique ex. purpura psychogénique du syndrome
Dissociation : perturbation touchant des de Gardner Diamond qui peuvent
fonctions normalement intégrées comme constituer une réaction de conversion)
la conscience, la mémoire, l’identité ou Prurit inexpliqué et lésions de grattage
la perception de l’environnement ; (peut constituer un des caractères des
représente un mécanisme de défense troubles dissociatifs)
contre le traumatisme psychologique Dermatoses auto-induites (par ex.
pathomimie, trichotillomanie et parfois
excoriations névrotiques)
Troubles de Plaintes dermatologiques liées à Plaintes sur des imperfections cutanées Troubles dysmorphiques corporels
perception de l’apparence et ne correspondant pas à imaginaires ou minimes Troubles des conduites alimentaires
l’image corporelle des constatations objectives Préoccupations concernant la forme, la (anorexie mentale, boulimie nerveuse)
liés à la peau taille ou d’autres aspects du visage Troubles dépressifs majeurs
Troubles obsessionnels compulsifs
Phobie sociale
Troubles de personnalité narcissique
93-10 Maladies psychiatriques

tales et des anomalies morphologiques mineures, le plus de symptômes plus négatifs (déficitaires), d’une atteinte
souvent du massif cranio-facial, peuvent constituer des psychiatrique plus sévère et de performances neuropsycho-
marqueurs précoces de troubles du développement neuro- logiques au travail plus altérées pouvant être liées à une
embryonnaire. En effet, le système nerveux central et l’épi- dysfonction frontale. Le mécanisme sous-tendant cette visi-
derme dérivent tous deux de l’ectoderme et la présence de bilité anormale des plexus veinulaires sous-papillaires reste
certains signes dermatologiques peut constituer un mar- inconnu mais pourrait reposer sur un amincissement cu-
queur indirect d’anomalies du développement cérébral sur- tané augmenté, conférant une transparence cutanée anor-
venues au cours de la période prénatale. Ainsi la morpholo- male ³⁵.
gie des dermatoglyphes ou la présence d’anomalies morpho- Cutis verticis gyrata Il se caractérise par un cuir chevelu
logiques mineures sont influencées par de nombreux fac- épaissi parcouru de bourrelets et de sillons (fig. 93.10). Ce
teurs environnementaux durant la période gestationnelle signe a été associé à des anomalies mentales comme le re-
allant de la fin du premier trimestre au début du deuxième tard intellectuel et la schizophrénie. Une étude chinoise ³⁷
trimestre, et demeurent fixées à vie. La forte prévalence rapporte une prévalence de 2 % de cutis verticis gyrata au
d’anomalies des dermatoglyphes (nombre réduit de lignes cours de la schizophrénie et du retard mental avec, dans
de crête ou de crêtes palmaires) au cours de la schizophrénie le cas de cette dernière affection, une association plus fré-
suggère des troubles de développement structurel ectoder- quente à des déficits neurologiques.
mique cérébral et cutané, d’origine génétique et/ou épigé-
nétique ³³. Les anomalies morphologiques mineures repré-
sentent de petites anomalies de la morphogenèse, condui-
sant à des altérations subtiles du développement morpho-
logique du visage, des yeux, des oreilles, de la bouche, des
mains et des pieds ³⁴. Elles sont le plus souvent secondaires
à des anomalies du développement survenant au cours du
premier et du second trimestre. Il existe un nombre aug-
menté d’anomalies morphologiques mineures au cours de
la schizophrénie en comparaison avec d’autres troubles psy-
chiatriques comme les troubles bipolaires. Une fréquence
notable de ces anomalies morphologiques mineures est éga-

Coll. D. Bessis
lement présente au cours d’affections variées comme les
troubles du spectre autistique ou le syndrome fœtal alcoo-
lique. Une étude ³⁴ comparant 40 patients schizophrènes,
leurs parents non schizophrènes et un groupe contrôle de Fig. 93.10 Cutis verticis gyrata : cuir chevelu épaissi et parcouru de
42 patients révélait que les anomalies morphologiques mi- bourrelets et de sillons
neures (mesurées à partir d’une échelle de référence Wal-
drop) comme les cheveux en tourbillon, les fentes palatines Flush induit par la niacine L’absence ou la diminution
ou l’asymétrie faciale étaient prédictives du statut de schi- de réaction physiologique de flush à la niacine (acide nico-
zophrène. D’autres anomalies dermatologiques reliées aux tinique) au cours de la schizophrénie ont historiquement
anomalies morphologiques mineures et plus fréquentes été observées lors d’essais thérapeutiques par la niacine à
dans le groupe des patients schizophrènes ³⁴ étaient pré- fortes doses (plus de 3 g par jour). Sa prévalence est évaluée
sentes : fusion des sourcils, pli palmaire anormal, petits à 50 à 90 % des patients schizophrènes, contre 8 à 23 %
ongles des doigts et ongles des orteils hyperconvexes. dans la population générale, que la niacine soit administrée
Visibilité des plexus veinulaires sous-papillaires péri- par voie orale ou locale (patch de nicotinate de méthyle).
unguéaux Une visibilité du réseau capillaire péri-unguéal En revanche, cette anomalie n’est pas observée au cours
est classique au cours de l’enfance, mais est peu observée d’autres troubles psychiatriques comme la dépression, les
après la puberté (3-7 % de la population générale) ³⁵. Une troubles bipolaires ou l’autisme ³⁸. Au cours de la schizo-
étude de capillaroscopie péri-unguéale portant sur 139 pa- phrénie, elle serait liée à une anomalie du métabolisme
tients schizophrènes, 66 patients atteints de troubles dé- phospholipidique et une diminution du taux d’acides gras
pressifs uni- ou bipolaires et 119 patients contrôle in- essentiels polyinsaturés, en particulier de l’acide arachido-
demnes d’affections psychiatriques, a mis en évidence une nique et de l’acide docosahexaénoïque ³⁹,⁴⁰. L’acide arachido-
visibilité anormale du plexus veineux péri-unguéal chez nique joue un rôle prépondérant comme second messager
près de 20 % des patients schizophrènes contre 8 % des du signal de transduction de plusieurs neurotransmetteurs
patients atteints de troubles uni- ou bipolaires ou apparte- (dopamine, glutamate...) et de certains facteurs trophiques
nant au groupe contrôle non psychiatrique ³⁵. Cette anoma- comme le fibroblast growth factor, le nerve growth factor ou
lie est présente aussi bien chez les patients souffrant de schi- neurotrophiques comme le brain-derived neurotrophic factor.
zophrénie, mais également chez les individus ayant un anté- La diminution de l’acide arachidonique au niveau des mem-
cédent familial de schizophrénie chez leurs parents au pre- branes cellulaires au cours de la schizophrénie pourrait être
mier ou au deuxième degré ³⁵,³⁶. Elle témoignerait chez les liée à une augmentation de l’activité de la phospholipase A2
patients atteints de schizophrénie chronique de la présence responsable d’une diminution de sa conversion en prosta-
Manifestations dermatologiques des troubles psychiatriques 93-11

glandine D2, ce dernier médiateur étant à l’origine de la 2o augmentation ou réduction de l’activité psychomotrice,
vasodilatation cutanée. 3o fatigue ou perte d’énergie, 4o idées de dévalorisa-
Cancers cutanés Plusieurs études épidémiologiques ont tion ou excès de culpabilité inappropriée, 5o difficul-
mis en évidence une diminution du risque de cancer cutané, tés de pensée, de concentration ou de prise de décision,
en particulier de mélanome, au cours de la schizophrénie 5o idées de mort récurrentes avec ou sans idées suicidaires.
par rapport à la population générale ⁴¹,⁴². De nombreux L’agitation psychomotrice de certains patients peut se tra-
facteurs causals sont évoqués : diminution de l’exposition duire par une anxiété dominante et ne doit pas être confon-
solaire, effet protecteur d’une augmentation du taux de due avec un trouble primaire anxieux. Les troubles végé-
dopamine ⁴²,⁴³. tatifs associés aux troubles dépressifs constituent une ca-
ractéristique de la dépression majeure. Ainsi, le trouble dé-
Autres troubles psychotiques pressif s’accompagne d’altérations mesurables du rythme
Ils se regroupent autour des troubles délirants : les idées circadien, par exemple de la sécrétion cortisolique ou des
délirantes de type somatique (ou psychoses hypochon- cycles sommeil-veille. Une caractéristique classique de ces
driaques monosymptomatiques), le trouble délirant par- troubles circadiens est une aggravation des troubles de l’hu-
tagé (ou folie à deux). Le délire est défini par l’attribu- meur et de l’activité psychomotrice en début de journée et
tion d’idées fausses, basées sur une perception anormale leur amélioration en cours de journée. Une autre anoma-
de la réalité, non cohérentes avec la culture ou l’intelli- lie du rythme biologique présente au cours des troubles
gence du patient, et qui ne peuvent être corrigées par le dépressifs est l’aggravation saisonnière des symptômes dé-
raisonnement. Les idées délirantes de type somatique ²⁶ pressifs chez certains patients (dépression chronosensible),
s’appliquent à des délires impliquant des fonctions ou des particulièrement aux mois d’automne ou d’hiver. Ainsi, les
sensations corporelles non bizarres, par exemple la convic- plaintes somatiques liées aux troubles dépressifs comme
tion d’être empoisonné, infecté ou d’avoir une maladie, et le prurit peuvent avoir un rythme diurne ou saisonnier.
ce pendant une durée de plus d’un mois. Le trouble dépressif majeur peut débuter à n’importe quel
Le délire d’infestation cutanée ou de parasitose s’intègre âge, l’âge moyen de début se situant vers le milieu de la
dans ce cadre d’affections. Il est caractérisé par la convic- deuxième décennie. La dépression est le plus souvent ré-
tion délirante d’être infesté par des parasites, conviction cidivante et 50 à 60 % des patients ayant développé un
persistante malgré la négativité de l’examen clinique et épisode de dépression majeure sont susceptibles d’une ré-
des prélèvements parasitologiques ⁴⁴,⁴⁵. D’autres thèmes cidive. Des affections médicales chroniques, comme les ma-
délirants comme des hallucinations tactiles ou olfactives ladies dermatologiques récidivantes, constituent des fac-
(odeur de chair brûlée) peuvent également s’intégrer dans teurs de pérennisation d’épisodes dépressifs.
les idées délirantes de type somatique. À la différence de Dysesthésies cutanéo-muqueuses et prurit Les troubles
la schizophrénie, et à l’exception de l’impact secondaire au dépressifs se rencontrent au cours 1o d’atteintes cuta-
délire et à ses ramifications, la vie du patient est peu altérée nées associées à des affections psychiatriques comme par
et son comportement n’est par ailleurs ni excentrique ni exemple les excoriations névrotiques ou certains cas de dé-
bizarre. Au cours du trouble délirant partagé (ou Folie à lire de parasitose où une dépression psychotique peut être
deux), la mise en place du délire se développe consécutive- présente ou lorsqu’il existe de façon marquée un intérêt
ment à une relation étroite avec une autre personne qui excessif pour son image corporelle cutanée en contradic-
a déjà un trouble psychotique et des idées délirantes pro- tion avec l’évaluation clinique dermatologique objective,
noncées. Le délire est alors partiellement ou complètement et au cours 2o d’affections dermatologiques comme le
partagé avec la personne atteinte du trouble psychotique. Il psoriasis, la dermatite atopique, l’urticaire chronique idio-
est important de noter que ces syndromes peuvent être pré- pathique, la pelade et l’acné qui sont aggravés tant par le
sents au cours d’affections non psychiatriques comme des stress psychosocial induit que par la comorbidité psychia-
atteintes organiques cérébrales secondaires à des maladies trique, avec un large spectre d’affections psychiatriques
endocriniennes, métaboliques, toxiques ou une démence. associées et tout particulièrement le trouble dépressif ma-
jeur. L’impact de la maladie dermatologique sur la qualité
Troubles de l’humeur de vie du patient, et en particulier les stigmates sociaux
Les troubles de l’humeur (ou troubles affectifs) incluent la d’anomalies cosmétiquement défigurantes, constituent un
dépression majeure et les troubles bipolaires. La dépression important facteur sous-tendant le trouble dépressif. Cepen-
majeure est l’affection dermatologique la plus communé- dant, les troubles dépressifs en dermatologie sont le plus
ment rencontrée au cours des maladies dermatologiques souvent d’origine multifactorielle, et au cours d’affection
primitives ⁴⁶. comme l’acné, la gravité de l’état dépressif n’est pas tou-
La dépression majeure est caractérisée par un ou plusieurs jours directement corrélée à la sévérité clinique du trouble
épisodes dépressifs majeurs, c’est-à-dire une humeur dé- dermatologique. Ainsi, une acné minime peut s’associer à
pressive ou une perte d’intérêt ou de plaisir dans la plupart une dépression sévère. Le patient dépressif peut également
des activités pendant au moins deux semaines, associée à négliger sa prise en charge et une hygiène corporelle insuf-
au moins quatre autres symptômes de dépression se tra- fisante ou un manque d’observance aux traitements der-
duisant par un changement de comportement : 1o di- matologiques prescrits accroissent le risque d’infections
minution ou augmentation du sommeil ou de l’appétit, cutanées.
93-12 Maladies psychiatriques

Les troubles dépressifs sont associés à un large spectre de ongles ou s’arracher les cheveux ²⁷. Ces symptômes peuvent
troubles cutanés dysesthésiques et douloureux sans ano- s’exacerber en cas de troubles du sommeil ²⁷.
malie clinique objective, troubles étiquetés dans la litté- Les troubles de la perception de l’image corporelle peuvent
rature ancienne ⁴,⁴⁷ comme des « équivalents dépressifs » avoir une composante dépressive significative, par exemple
ou « dépression masquée », dans la mesure où certains pa- dans le cas où une femme se plaint d’une perte de che-
tients manquent de finesse psychologique et peuvent dé- veux sans anomalie clinique objective ⁵³. Les troubles de
nier un trouble dépressif sous-jacent. La dépression peut perception de l’image corporelle du visage ont été asso-
constituer un facteur de comorbidité au cours des dysesthé- ciés à des dépressions cliniques et des idées suicidaires ⁵⁴,⁵⁵.
sies du scalp ⁴⁸, où les patients, typiquement des femmes, Des tableaux dépressifs plus sévères peuvent être présents
se plaignent de douleur, de prurit, de sensation de brû- au cours de troubles délirants avec troubles de l’humeur,
lures et/ou de picotements du scalp sans anomalie phy- comme par exemple les délires d’être défiguré, d’avoir une
sique objective. Ces symptômes sont typiquement exacer- maladie cutanée incurable ou d’avoir une peau qui pourrit
bés par le stress et répondent souvent à de petites doses ou émet une odeur nauséabonde.
d’antidépresseurs comme l’amitriptyline ou la doxépine. Suicide et comportement parasuicidaire La maladie dé-
D’autres formes de dysesthésies localisées où la dépression pressive est associée au suicide, défini comme une inten-
peut jouer un rôle incluent les vulvodynies, les scrotody- tion de s’auto-infliger la mort, et le comportement parasui-
nies ⁴⁹, les douleurs faciales atypiques, les dysesthésies oro- cidaire, défini comme des automutilations répétées. Près de
faciales et le « burning mouth syndrome » (ou glossody- la moitié des personnes qui commettent un suicide sont dé-
nies) ⁵⁰. Cette dernière affection s’observe le plus fréquem- pressives et, actuellement, les données épidémiologiques
ment chez la femme. La localisation la plus communément américaines indiquent que la plus rapide hausse des sui-
atteinte est la partie antérieure de la langue. En sus des cides se situe parmi les hommes âgés de 15 à 24 ans. Par
sensations de brûlures, les patients peuvent se plaindre conséquent, le comportement suicidaire chez le patient ado-
de picotements, d’impression de cuisson ou d’engourdis- lescent atteint d’affection dermatologique ne témoigne pas
sement de la bouche ou d’un goût persistant acide, amer uniquement de l’impact psychosocial de sa maladie derma-
ou métallique ⁵⁰. Les patients craignent souvent que ces tologique ou de possibles effets secondaires thérapeutiques
symptômes témoignent d’une tumeur maligne systémique comme l’emploi de l’isotrétinoïne au cours du traitement
ou orale. de l’acné. La relative forte prévalence des idées suicidaires
Le prurit est considéré comme le symptôme le plus pénible et des suicides chez l’adolescent ou le jeune adulte souffrant
parmi tous les troubles dermatologiques et a été associé d’acné reflète le plus souvent un pic d’incidence de l’acné
à des raptus suicidaires ⁵¹,⁵² (fig. 93.11). La dépression peut survenant à un âge de la vie associé à une forte incidence
modifier la perception du prurit en diminuant le seuil de du suicide. Certains patients suicidaires peuvent présenter
tolérance au cours des dermatoses prurigineuses ⁵¹,⁵². La des abrasions superficielles cutanées auto-infligées répé-
sévérité de la dépression est directement corrélée à l’inten- tées liées à des comportements parasuicidaires. Il est im-
sité du prurit au cours de dermatoses comme le psoriasis, la portant de reconnaître que de tels comportements peuvent
dermatite atopique et l’urticaire chronique idiopathique ⁵¹. aboutir ultérieurement à des automutilations plus sévères
De même, au cours du psoriasis, la réduction du prurit ou une mort par inadvertance. Par conséquent, leur prise
entraîne une diminution de la sévérité de la dépression ⁵². en charge doit être similaire à celles des risques suicidaires,
L’agitation psychomotrice témoignant d’une anxiété impor-
tante associée à certaines formes cliniques de dépressions
peut se traduire par un excès de grattage ou de friction cu-
tanée, le patient pouvant s’arracher la peau, se ronger les
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 93.11 Prurigo des épaules et des bras au cours de troubles Fig. 93.12 Excoriations névrotiques du visage au cours de troubles du
dépressifs spectre obsession-compulsion
Manifestations dermatologiques des troubles psychiatriques 93-13

même si une évidente recherche d’attention est présente. tégument cutané. Le patient peut rechercher une aide
À tout âge de la vie, la maladie dépressive est fréquemment auprès du dermatologue pour une préoccupation exces-
associée à des excoriations névrotiques ¹⁷,⁵⁶ (fig. 93.12) et une sive concernant la finesse de ses cheveux, des cicatrices
manipulation excessive d’éventuelles lésions d’acné (acné ou des imperfections minimes ou le vieillissement de
excoriée) ou autres ⁵⁷. D’autres dermatoses comme la pa- sa peau. Les comportements obsessionnels-compulsifs
thomimie et la trichotillomanie constituent des groupes et l’atteinte cutanée conséquente peuvent exacerber
d’affections plus hétérogènes (tableau 93.2) où le patient peut des affections cutanées comme le psoriasis et la derma-
souffrir d’un large éventail d’affections psychiatriques in- tite atopique ou aggraver des processus inflammatoires
cluant le trouble dépressif majeur. Des auto-excoriations comme l’acné.
secondaires à la dépression peuvent exacerber un psoriasis Phobies sociales et attaques de panique ²⁶,²⁸ La pho-
par un phénomène de Koebner ⁵². bie sociale est caractérisée par la peur persistante et in-
tense d’une ou plusieurs situations sociales ou bien de si-
Troubles de l’anxiété ²⁶,²⁸ tuations de performance durant lesquelles le sujet est en
Les troubles anxieux les plus communément associés contact avec des gens non familiers ou bien peut être ex-
à des manifestations dermatologiques sont les troubles posé à l’éventuelle observation attentive d’autrui ²⁶. La per-
obsessionnels-compulsifs, le stress post-traumatique, les sonne atteinte de phobie sociale craint que ses actions ne
phobies sociales et les attaques de panique. la placent dans une situation embarrassante ou humiliante.
Troubles obsessionnels-compulsifs (TOC) ²⁶,²⁸ Les TOC Par exemple, certains patients peuvent développer une hy-
constituent des obsessions récurrentes ou des compulsions, perhidrose affichante du front ou se sentir mal à l’aise pour
suffisamment sévères pour être chronophages, à l’origine serrer les mains en cas d’hyperhidrose palmaire. Certains
d’une détresse marquée ou d’une altération significative individus peuvent rougir de façon proéminente et aggra-
de l’état de santé. Les obsessions se définissent comme ver une rosacée sous-jacente. L’exposition à la situation
des idées, des pensées, des impulsions ou des images per- phobique provoque presque constamment une anxiété qui
sistantes, vécues comme intrusives et inappropriées, et à peut à l’extrême entraîner une attaque de panique, ce qui
l’origine d’une anxiété marquée ou d’une détresse. Les com- en retour aggrave les symptômes végétatifs cutanés. Les
pulsions se traduisent par des comportements répétitifs attaques de panique peuvent également survenir au cours
(par exemple de lavage de mains, ou encore toucher, frotter de la nuit, le patient se réveillant avec une transpiration
ou piquer sa peau, s’arracher les cheveux ou se rogner les abondante et ne se souvenant pas du rêve ayant déclenché
ongles) dans le but de prévenir ou de réduire l’anxiété ou l’attaque de panique. Les patients souffrant de phobie so-
la détresse, et non d’obtenir une sensation de plaisir ou ciale sont typiquement sous-diagnostiqués en raison de
de gratification. Les TOC débutent généralement au cours la nature de leur trouble les rendant peu enclins à consul-
de l’adolescence et chez le jeune adulte, et la majorité des ter en milieu médical où ils peuvent avoir à faire face à un
patients ont une évolution « en dents de scie » avec exacerba- nombre important de personnes non familières, objet de
tion des symptômes selon les événements de vie. Les TOC leur angoisse.
constituent souvent une comorbidité associée à d’autres Troubles de stress post-traumatique ²⁶,²⁸ Le stress psy-
désordres psychiatriques comme la dépression majeure ou chologique est associé à l’exacerbation d’un grand nombre
la dysmorphophobie. Certains troubles psychiatriques se d’affections dermatologiques. Le traumatisme psycholo-
chevauchent avec les TOC et constituent les troubles du gique représente la forme de stress la plus sévère où les
spectre obsession-compulsion ⁵⁸. capacités à faire face au stress sont dépassées et les mé-
En dermatologie, trois groupes majeurs d’affections der- canismes d’homéostasie ne sont plus fonctionnels ⁵⁹. Les
matologiques sont classés dans le cadre des troubles du violences familiales et les abus sur enfants font partie des
spectre obsession-compulsion : traumatismes qui conduisent couramment à des troubles
− les atteintes associées à une automutilation comme les de stress post-traumatique ; les autres facteurs causals com-
excoriations névrotiques, l’acné excoriée, la trichotillo- prennent les catastrophes naturelles, la guerre, la torture
manie et quelques cas de pathomimie, d’onychophagie, et le séjour en camp de concentration.
d’onychotillomanie et de tics de léchage des lèvres ; La composante essentielle des troubles de stress post-
− les troubles associés à des lavages et une hygiène ex- traumatique est le développement de symptômes caracté-
trême responsable de complications dermatologiques, ristiques survenant en situation où le patient a été anté-
comme par exemple le lavage compulsif des mains au rieurement exposé à un événement traumatique, qu’il ait
point de développer des abrasions cutanées, les bains été témoin ou confronté à un ou plusieurs événements
fréquents et le frottage compulsif de certaines parties avec risque de mort ou d’atteinte sévère de l’intégrité phy-
du corps comme les régions génitales. Ces troubles com- sique pour lui-même ou ses proches. La réaction immédiate
pulsifs de lavage et de frottage peuvent être infligés de la personne se traduit par une peur intense, un senti-
par une autre personne qui a la charge du patient, par ment d’impuissance ou un sentiment d’horreur. Les symp-
exemple à un enfant ; tômes cardinaux des troubles de stress post-traumatique
− certaines formes de chevauchement avec des syndromes associent 1o une reviviscence intrusionnelle du trauma-
dysmorphophobiques où le patient souffre de pensées tisme, pouvant se traduire de diverses manières, comme
intrusives sur un défaut minime ou imaginaire de son par des cauchemars, des flash-back ou des manifestations

 TOC troubles obsessionnels-compulsifs


93-14 Maladies psychiatriques

somatiques ; 2o un évitement permanent des situations abus précoce dans l’enfance. Certaines formes d’automuti-
où peuvent surgir des facteurs déclencheurs du trauma- lation cutanée sont réalisées dans le but de conjurer et de
tisme et un émoussement des émotions en général, qui réguler des états émotionnels intenses comme au cours d’ac-
peut dans certains cas se traduire par une réaction disso- tions compulsives de traumatismes cutanés tels que l’acné
ciée ; et 3o des symptômes persistants d’hyperexcitabi- excoriée, l’onychophagie, l’onychotillomanie, la trichotillo-
lité (réactions de sursaut) où le corps continue à réagir à manie et la pathomimie ⁴,¹⁷. Dans bon nombre de cas, le
des stimulus physiques ou émotionnels comme s’il existait patient peut également souffrir de symptômes dissocia-
une menace permanente d’anéantissement, et ce, même tifs et ne peut pas se remémorer les lésions auto-infligées.
en l’absence de danger. Ces trois symptômes peuvent se D’autres lésions auto-induites peuvent comporter des lacé-
manifester par des signes dermatologiques ⁵⁹. rations cutanées superficielles répétées des avant-bras ou
Reviviscence intrusionnelle du traumatisme La maltraitance des brûlures de cigarette auto-infligées (fig. 93.13 et fig. 93.14).
de l’enfant peut classiquement être conditionnée par l’as- Les troubles des conduites alimentaires comme l’anorexie
sociation de stimuli d’abus et d’émotions négatives. Plus mentale et/ou les conduites boulimiques peuvent égale-
tardivement, l’exposition à la réminiscence de ces stimuli ment traduire des mécanismes affectant la régulation affec-
et la mémoire peuvent engendrer des effets puissants et tive et coexister avec ces symptômes dermatologiques.
négatifs, qui, en l’absence de verbalisation du condition-
nement, ne sont pas compréhensibles par la victime, et
encore moins par le dermatologue. De tels traumatismes
mnésiques ne sont pas mémorisés en soi, mais plutôt évo-
qués face à des situations similaires aux abus antérieurs
originaux. Par exemple, le toucher du dermatologue, qui
peut être réminiscent d’un toucher perpétré alors que le pa-
tient était abusé sexuellement au cours de l’enfance, peut
déclencher de la part du patient une réaction de peur ou
d’impuissance qui semble inappropriée. Ces traumatismes
mnésiques peuvent également être revécus sur un plan sen-
soriel comme un flash-back sensoriel (mémoire du corps)
ou représenter une composante sensorielle de l’expérience
traumatique. Par exemple, une femme de 54 ans qui avait
été menacée, au cours de son enfance, d’être placée à l’in-
térieur d’un four, se plaignait initialement de « vagues de
chaleur » de l’ensemble de son corps et d’une sensation de
mains et d’avant-bras « chauds ». Ces symptômes sensoriels
ont pu être traités après un travail psychothérapique effec-
tué sur ces abus.
En plus de ce large spectre des symptômes sensoriels, « les
mémoires sensorielles » se manifestent souvent par une
urticaire ou un angio-œdème. Par exemple, une femme de
26 ans était largement explorée pour un angio-œdème ré-
current touchant la bouche et la langue. Cet angio-œdème
régressa une fois que la patiente se remémora les abus
sexuels oraux qu’elle avait subi de son beau-père, et effectua
un travail sur ses traumatismes infantiles sévères. Parfois,
l’effet physiologique du traumatisme mémoriel peut engen-
drer une réaction urticarienne généralisée. Par exemple,
Coll. D. Bessis

une femme de 45 ans négligée par sa mère et victime d’abus


sexuel par son père, était suivie pour une urticaire générali-
sée survenant de façon concomitante aux symptômes aigus
de troubles de stress post-traumatique. Fig. 93.13 Lacérations cutanées répétées de l’avant-bras au cours de
Émoussement des émotions et difficultés de régulation des émo- comportement parasuicidaire
tions internes Les automutilations corporelles sans inten-
tion suicidaire sont souvent associées à des antécédents Hyperexcitabilité Les états d’hyperexcitabilité au cours
d’abus sévères sexuels, physiques et/ou émotionnels au des troubles de stress post-traumatique sont typiquement
cours de l’enfance ⁶⁰-⁶³. Le tégument cutané est fréquem- associés à une hypervigilance, un état d’alerte exagéré
ment la cible de tension réduisant le comportement, non et une hyperexcitabilité neurovégétative. Certains de ces
seulement en raison de son accès facile mais également en symptômes cutanés peuvent se traduire par de fortes ré-
raison de son rôle primaire dans l’attachement précoce, et actions de flushes, des périodes de transpiration profuse
ce lien est typiquement rompu en cas de survenue d’un et de sueurs nocturnes sans base organique mise en évi-
Manifestations dermatologiques des troubles psychiatriques 93-15

sation (hystérie, syndrome de Briquet) constituent des


troubles polysymptomatiques qui débutent avant l’âge de
30 ans et se caractérisent par l’association de symptômes
douloureux, gastro-intestinaux, sexuels et pseudoneurolo-
giques. Un certain nombre de plaintes dermatologiques
comme des douleurs et des sensations de brûlure touchant
la peau et les muqueuses peuvent être associées ⁴⁷. Le pa-
tient peut également se plaindre d’allergies alimentaires
multiples et associer ces allergies à des symptômes gastro-
intestinaux et dermatologiques. Les symptômes pseudo-
neurologiques peuvent comprendre des engourdissements

Coll. D. Bessis
ou d’autres anomalies sensorielles telles que des douleurs
ou des sensations de fourmillement sous-cutanées. Des
symptômes persistants au niveau génital comme des vulvo-
Fig. 93.14 Brûlures répétées au cours de comportement parasuicidaire dynies peuvent également être présents dans ce trouble de
la personnalité.
dence, et des poussées de prurit. La peau réagit fortement Troubles dysmorphiques corporels ²⁶,²⁸ La caractéris-
et sûrement au stress, comme cela est mis en évidence tique principale des troubles dysmorphiques corporels (ou
dans l’abondante littérature sur le stress et les troubles dysmorphophobie) est une préoccupation concernant un
de conductance cutanée (activité électrique biologique en- défaut imaginaire de l’apparence physique ou, si une ano-
registrée à la surface de la peau). Au cours des troubles de malie physique minime est présente, cette préoccupation
stress post-traumatique, il existe une augmentation de la est manifestement démesurée. Elle est à l’origine d’une
conductance cutanée en réponse à des stimulus neutres détresse psychologique significative avec une altération im-
ou aversifs ⁶⁴. Cette hyperexcitabilité neurovégétative pour- portante de la vie sociale ou professionnelle ou d’autres
rait augmenter la vulnérabilité des patients à développer domaines importants relationnels. Les troubles dysmor-
des poussées de dermatoses réactives au stress comme le phiques corporels constituent souvent une comorbidité
psoriasis, la dermatite atopique ou l’urticaire. d’autres troubles psychiatriques, en particulier dans le
Troubles somatoformes ²⁶,²⁸ La somatisation constitue trouble dépressif majeur et dans les troubles anxieux. La
le processus central des troubles somatoformes. Il définit la prévalence des troubles dysmorphiques corporels dans la
situation au cours de laquelle le patient attribue des symp- population générale est difficile à évaluer, mais dans les ins-
tômes somatiques à des problèmes physiques alors que le tituts psychiatriques, les taux rapportés varient entre 5 à
problème est d’ordre psychiatrique et répond à des traite- 40% ²⁶. Les troubles dysmorphiques corporels débutent gé-
ments psychiatriques ; ou, en cas de cause médicale avérée, néralement au cours de l’adolescence, et de fait pour le der-
lorsque celle-ci ne rend compte que d’une partie des symp- matologue au cours de la période à risque de survenue de
tômes physiques ou d’incapacité. Comme cela a été abordé l’acné. Les patients atteints d’acné avec une préoccupation
plus haut sur les troubles de stress post-traumatique, en cas excessive de leur image corporelle peuvent ainsi souffrir
de traumatisme psychologique et/ou de manque de soins et développer ultérieurement des troubles dysmorphiques
au cours de l’enfance, les conséquences psychologiques corporels. ⁶⁷ Une étude portant sur 289 adultes et enfants
peuvent être accablantes pour le patient, et conduire à une atteints de troubles dysmorphiques corporels montrait que
dissociation ou à un déplacement des symptômes émotion- 76,4 % de ces patients sollicitaient des traitements médi-
nels vers des plaintes somatiques, souvent cutanées ⁴⁷. Des caux (non psychiatriques) et chirurgicaux et que 66 % des
symptômes médicaux inexpliqués peuvent rendre compte adultes recevaient de tels traitements ⁶⁸.
de 25 à 60 % des symptômes explorés dans une structure Les deux principaux symptômes dermatologiques ren-
de soins ⁶⁵ et être liés à des phénomènes dissociatifs ou de contrés au cours des troubles dysmorphiques corporels
conversion. La plupart de ces symptômes inexpliqués ren- sont ²⁶,⁶⁹ :
contrés en dermatologie sont de nature sensorielle : pru- − des plaintes dermatologiques portant sur des imperfec-
rit, la douleur et l’engourdissement cutané, la région la tions minimes ou imaginaires du visage ou de la tête,
plus fréquemment touchée étant le scalp ⁶⁶. Les symptômes comme des cheveux fins et/ou une calvitie imminente,
peuvent être associés à un large spectre de dysesthésies cu- des anomalies de la pousse ou de la texture des cheveux,
tanées (également décrit au cours du trouble dépressif ma- une acné, des anomalies de la couleur et/ou de la tex-
jeur) comme par exemple le prurit anal et vulvaire, les vul- ture de la peau, des lèvres sèches, une asymétrie faciale,
vodynies, les scrotodynies et diverses variantes du burning des rides, des cicatrices, des télangiectasies, des taches
mouth syndrome (ou glossodynies). Finalement, la peau est vasculaires, une pâleur ou une rougeur complexante,
l’organe le plus visible du corps, et pour certains patients une pilosité faciale croissante ou excessive. Le nez est
somatisant fortement, une lésion visible de la peau, bien la zone la plus concernée, avec une préoccupation por-
qu’auto-induite, peut constituer la seule forme de commu- tant sur la forme ou la taille mais également sur les
nication d’une détresse émotionnelle. comédons ou la texture cutanée ;
Troubles de somatisation ²⁶,²⁸ Les troubles de somati- − une toilette excessive marquée par des excès de pei-
93-16 Maladies psychiatriques

gnage, d’épilation, d’arrachage de poils, de maquillages que récente. Les pathomimies ou la trichotillomanie se
rituels ou exagérés, ou de manipulations consistant à développent fréquemment au cours d’états dissociatifs sé-
enlever des imperfections minimes de la peau. Dans vères présents dans les troubles de l’identité ⁴⁷. Les lésions
une étude portant sur 176 patients atteints de troubles de pathomimie ont des fonctions variées chez le patient
dysmorphiques corporels ⁷⁰, 44,9 % avaient un anté- atteint de troubles dissociatifs : par exemple communiquer
cédent de manipulation pathologique de la peau au une douleur émotionnelle et demander de l’aide, ou faire
cours d’une période de leur vie et 36,9 % souffraient de face à des sentiments de colère trop intenses pour être
troubles du comportement secondaires à leurs troubles supportés émotionnellement et projetés sur soi-même. La
dysmorphiques corporels. La plupart de ces symptômes trichotillomanie a une fonction de réduction et d’« amar-
liés aux troubles dysmorphiques corporels peuvent être rage » des tensions chez le patient dissocié et est souvent
présents au cours des TOC. Les patients atteints de observée, en particulier chez l’enfant, dans les situations
troubles dysmorphiques corporels expriment fréquem- associées à la douleur ou la privation. Certaines formes
ment des plaintes d’intégration sociale ou profession- d’automutilation cutanée, comme l’acné excoriée, l’onycho-
nelle et ont rarement recours à une prise en charge phagie et l’onychotillomanie sont moins fréquemment as-
psychologique. sociées à des troubles dissociatifs. Il est important de noter
Les troubles dysmorphiques corporels sont souvent étique- que la plupart des patients atteints de troubles dissociatifs
tés comme une « non-maladie dermatologique » ⁵⁵ dans la ne se souviennent pas s’être auto-infligés leurs lésions et
littérature dermatologique. En revanche, les patients sont peuvent être considérés par erreur comme des simulateurs.
pris en charge dans les services de dermatologie et de chirur- Troubles des conduites alimentaires ²⁶,²⁸ Les troubles
gie, avec une fréquence estimée entre 6 à 15 % des motifs de l’alimentation comme l’anorexie mentale et la boulimie
de consultation ²⁶. Les traitements les plus fréquemment sont caractérisés par des troubles des conduites alimen-
reçus sont médicaux dans 45,2 % des cas, puis chirurgi- taires et des perturbations de l’image corporelle. Les carac-
caux dans 23,2 %. Ces traitements améliorent rarement téristiques essentielles de l’anorexie mentale sont le refus
les symptômes de ces troubles dysmorphiques corporels. par le patient de maintenir un poids minimal normal, une
S’ils permettent une réduction des préoccupations corpo- peur intense de prendre du poids, et des troubles de per-
relles sur la partie traitée dans environ un quart des cas, ception de la forme ou de la taille du corps. Les caracté-
en revanche ces traitements ne permettent une améliora- ristiques essentielles de la boulimie se définissent par des
tion conjointe des préoccupations corporelles globales du excès alimentaires récurrents et l’utilisation de méthodes
patient que dans 7,3 % des cas. Les traitements dermato- compensatoires pour prévenir la prise de poids comme des
logiques les plus fréquemment prescrits sont les antibio- vomissements auto-induits, l’usage détourné d’émétisants,
tiques, le minoxidil pour la sensation de cheveux fins, l’iso- de laxatifs, de lavements, de pilule diététique et/ou de diu-
trétinoïne et la dermabrasion pour l’acné ⁶⁸. Dans une série rétiques. Les patients boulimiques ont typiquement un
de 200 patients atteints de troubles dysmorphiques cor- poids dans les normes. Les patients souffrant de troubles
porels, 25 % d’entre eux mentionnait une exposition aux des conduites alimentaires généralement minimisent ou
ultraviolets naturels ou artificiels motivée par un désir de cachent leur trouble, et en conséquence le dermatologue
correction de défauts d’apparence et 26 % de ces patients doit rester vigilant, car l’absence de diagnostic peut être
avaient effectué une tentative de suicide ⁷¹. associée à de sérieuses complications médicales ou psychia-
Troubles dissociatifs ²⁶,²⁸ La dissociation est définie par triques. La boulimie peut coexister avec l’anorexie men-
la survenue d’une perturbation touchant des fonctions tale. Ces troubles des conduites alimentaires constituent
normalement intégrées comme la conscience, la mémoire, souvent une comorbidité associée aux troubles dissocia-
l’identité ou la perception ²⁶. Elle est souvent un symp- tifs.
tôme méconnu en dermatologie. Les patients souffrant La perturbation de l’image corporelle au cours des troubles
de troubles dissociatifs graves se plaignent généralement des conduites alimentaires touche typiquement le poids
d’un engourdissement cutané, le plus souvent généralisé, corporel et la taille, et l’absence de satisfaction de son
parfois localisé. La dissociation est une caractéristique clas- image corporelle ⁷³,⁷⁴ est une caractéristique fréquente de
sique des troubles liés au stress comme les troubles de ces troubles. L’acné et les troubles des conduites alimen-
stress post-traumatique et un large spectre de troubles de la taires ont tous deux un pic d’incidence au cours de l’adoles-
somatisation. La peau et ses annexes sont fréquemment le cence. L’acné excoriée chronique est souvent associée à des
siège de tensions altérant le comportement des patients at- troubles des conduites alimentaires. Les cycles alternant
teints de troubles dissociatifs ⁷². La dissociation est la carac- restriction diététique sévère et excès alimentaires peuvent
téristique centrale des troubles dissociatifs de l’identité ²⁶ être associés à une augmentation du taux d’androgènes
où le patient présente deux ou plus identités distinctes et d’activité des glandes sébacées, ainsi qu’à des poussées
ou états de personnalités. Ces différents états de person- d’acné. Les poussées récurrentes d’acné peuvent ainsi être
nalité se développent typiquement dans un contexte de le signe de troubles des conduites alimentaires. Les signes
situations traumatisantes sévères de la vie où le patient dermatologiques des troubles des conduites alimentaires ⁷⁵
s’est senti piégé ou incapable de se défendre. Les patients peuvent résulter :
atteints de troubles dissociatifs ont fréquemment des trous − d’une privation de nourriture et d’une malnutrition,
de mémoire tant pour leur histoire personnelle ancienne par exemple une peau craquelée, un lanugo, des ongles

 TOC troubles obsessionnels-compulsifs


Manifestations dermatologiques des troubles psychiatriques 93-17

et des cheveux cassants, un prurit, une caroténoder-


mie ;
− de vomissements auto-induits, comme par exemple des
callosités des mains (signe de Russel), des érosions de
l’émail dentaire, des cavités dentaires, des dents ébré-
chées ou des chicots, une gingivite, un élargissement
des glandes parotides ou des poussées inexpliquées
d’acné ;
− de l’utilisation cachée de laxatifs, de diurétiques, de
lavements et de pilules diététiques et de leurs effets
secondaires dermatologiques, comme par exemple un
érythème pigmenté fixe à la phénolphtaléine contenu
dans les laxatifs ;
− des troubles de l’image corporelle. Dans une étude ⁷⁴
portant sur un groupe de 32 femmes souffrant de
troubles des conduites alimentaires comparé à un
groupe contrôle de 34 patientes appariées en âge et
en genre, toutes âgées de moins de 40 ans, 79 % des pa-
tientes atteintes de troubles des conduites alimentaires
versus 52 % dans le groupe contrôle, rapportaient une
absence de satisfaction de l’apparence de leur peau avec
certaines des plaintes communes comme la sécheresse
et la rugosité cutanée, des poches et une pigmentation
sous les yeux, des taches de rousseur, de fines rides et
une hyperpigmentation ;
− des signes cutanés d’autres comorbidités psychiatriques
comme le lavage compulsif des mains au cours des TOC
ou une trichotillomanie comme comorbité du troubles

Coll. D. Bessis
de stress post-traumatique. Une étude ⁷¹ portant sur
les manifestations dermatologiques de 24 patients at-
teints d’anorexie mentale à la fois de type restrictive
et boulimique notait que les plus fréquentes étaient Fig. 93.15 Acrocyanose au cours d’une anorexie mentale
la xérose cutanée (58,3 %), la perte de cheveux à type
d’effluvium (50 %), les anomalies unguéales (45,8 %), mentation et l’acné s’amélioraient avec la prise de poids
la chéilite (41,6 %), l’acné (41,6 %), la gingivite (33,3 %), des patients, ⁷⁶ tandis que l’effluvium et l’hypertrichose
l’acrocyanose (29 %) (fig. 93.15), l’hypertrichose diffuse persistaient inchangés malgré le gain de poids. Aucune
(25 %), la caroténodermie (20,8 %), le prurit généralisé corrélation clinique n’était notée entre les données des
(16,6 %), l’hyperpigmentation (12,5 %), les vergetures examens biologiques et les signes dermatologiques ⁷⁶.
(12,5 %), la dermite factice, la dermite séborrhéique
(8,3 %), la diminution de la cicatrisation, le mélasma Répercussions psychologiques des dermatoses
et le signe de Russell (4,1 %). Chez les patients atteints Les maladies dermatologiques compliquées de répercus-
d’anorexie mentale avec des symptômes boulimiques, sions psychologiques peuvent être subdivisées en trois
l’effluvium, l’acné, la gingivite, les anomalies unguéales grandes catégories, non mutuellement exclusives :
et le prurit généralisé étaient plus fréquents qu’au cours − les maladies dermatologiques influencées par des fac-
de l’anorexie mentale strictement restrictive. Le signe teurs psychosomatiques comme par exemple le psoria-
de Russell et la dermite séborrhéique étaient exclusive- sis, la dermatite atopique, l’urticaire et l’angio-œdème,
ment présents au cours de la forme boulimique de l’ano- le lichen plan, l’acné, la pelade ;
rexie mentale. L’hyperpigmentation, les vergetures, la − les signes cutanés d’une réponse physiologique accen-
dermite factuelle, la diminution de cicatrisation et le tuée, comme par exemple l’hyperhidrose et le flush pu-
mélasma n’étaient observés qu’au cours de la forme dique ;
restrictive de l’anorexie mentale. La chéilite, l’hypertri- − les affections dermatologiques qui engendrent une ré-
chose diffuse et la caroténodermie étaient plus fréquem- action émotionnelle principalement secondaire à des
ment notées au cours de la forme restrictive de l’ano- anomalies cosmétiques affichantes, des stigmates so-
rexie mentale. Deux hommes étaient présents dans ciaux ou des altérations de la qualité de vie.
cette série et avaient tous deux des vergetures. Deux La majorité de ces maladies dermatologiques avec compo-
patients avec la forme restrictive d’anorexie mentale sante psychosomatique ont été associées à la fois à des
étaient suivis sur une période de trois ans, et dans les facteurs psychiatriques, comme la maladie dépressive, les
deux cas, la xérose, la chéilite, l’acrocyanose, l’hyperpig- troubles anxieux, et un stress psychosocial, typiquement

 TOC troubles obsessionnels-compulsifs


93-18 Maladies psychiatriques

rapporté comme facteur exacerbant de ces affections. Ainsi la qualité de vie en raison du caractère affichant de la der-
le stress psychologique est associé aux poussées de psoria- matose ⁷⁷. Par conséquent, tant le stress aigu que le stress
sis, de dermatite atopique, d’urticaire chronique et d’acné chronique peuvent influencer l’évolutivité d’une affection
dans plus de 70 % des cas. En revanche, l’association entre dermatologique ¹,².
le stress et les poussées de pelade ou de lichen plan est
moins solidement établie. Plusieurs publications suggèrent
que le psoriasis est l’une des dermatoses les plus réactives Texte traduit de l’anglais (Canada) par
au stress, et l’une des composantes significatives du stress le docteur Didier Bessis et le docteur
psychosocial est liée à l’impact de l’atteinte cutanée sur Marie-Luce Andreu, psychiatre à Montpellier.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Gupta MA. Maladies psychiatriques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 : Manifestations dermato-
logiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 93.1-93.19.
94
Neurofibromatoses
Laurence Valeyrie-Allanore, Pierre Wolkenstein, Didier Bessis

Neurofibromatose de type 1 94-1 Neurofibromatose segmentaire 94-10


Bases épidémiologiques et génétiques 94-1 Neurofibromatose de type 2 94-10
Critères diagnostiques 94-1 Bases épidémiologiques et génétiques 94-10
Manifestations cutanées 94-2 Critères diagnostiques 94-11
Autres manifestations cutanées 94-4 Manifestations cliniques 94-11
Manifestations extracutanées 94-6 Pronostic et prise en charge 94-12
Évolution et complications 94-9 Schwannomatose 94-12
Tumeurs malignes des gaines nerveuses et autres cancers Bases épidémiologiques et génétiques 94-12
94-9 Manifestations cliniques 94-12
Corrélations génotypes-phénotypes 94-9 Pronostic et prise en charge 94-13
Prise en charge et suivi 94-9 Références 94-14

de signalisation mTOR. La neurofibromine intervient dans


L es neurofibromatoses désignent un ensemble de mala-
dies génétiques caractérisées par le développement de
tumeurs du système nerveux et plus particulièrement de la
le contrôle de la différenciation et de la prolifération cel-
lulaire. Les mutations germinales sont réparties sur l’en-
gaine nerveuse. Ces trois dernières décennies ont été mar- semble du gène et généralement spécifiques de chaque fa-
quées par un développement considérable de leurs connais- mille. Il s’agit de mutations de novo dans environ la moitié
sances cliniques, génétiques et physiopathologiques mo- des cas. L’expression phénotypique est variable même au
léculaires permettant leur démembrement en au moins sein d’une même famille, peut-être liée à la participation
trois entités différentes : la neurofibromatose de type 1 de gènes « modificateurs » actuellement non identifiés.
(historiquement maladie de von Recklinghausen), la neu-
rofibromatose de type 2 et la schwannomatose. Critères diagnostiques
Le diagnostic de NF-1 est posé chez un individu selon des
Neurofibromatose de type 1 critères diagnostiques définis par la conférence de consen-
sus du National Institute of Health (NIH) de Bethesda
Bases épidémiologiques et génétiques (États-Unis) en 1988 (encadré 94.A).
La neurofibromatose de type 1 (NF-1) représente 95 %
des neurofibromatoses et correspond à l’une des maladies Critères diagnostiques de NF-1 (NIH 1988)
autosomiques dominantes les plus fréquentes avec une Deux ou plus des critères suivants doivent être réunis chez un même
incidence d’1 naissance sur 3 000 à 3 500 ¹ et ce, indé- individu.
pendamment de l’ethnie, de la race ou du sexe. La péné- – Au moins six taches café au lait > 5 mm dans leur plus grand dia-
trance est virtuellement de 100 % à l’âge de 8 ans. Elle est mètre avant la puberté ou plus de 15 mm après la puberté.
liée à diverses mutations (non-sens, micro-délétion/micro- – Deux neurofibromes ou plus de n’importe quel type ou au moins un
insertion, plus rarement faux sens ou grande délétion) du neurofibrome plexiforme.
– Lentigines axillaires ou inguinales.
gène NF1, gène suppresseur de tumeur de grande taille – Gliome optique.
(350 kb-60 exons) localisé sur le bras long du chromo- – Deux ou plus nodules de Lisch (hamartomes iriens).
some 17 (17q11.2) qui code pour la neurofibromine ². Cette – Une lésion osseuse caractéristique comme une dysplasie sphénoïde,
protéine cytoplasmique appartient à la famille des pro- un amincissement de la corticale des os longs avec ou sans pseudar-
téines GAP à activité GTPasique. Elle stimule la conversion throse.
de la forme active de RAS (RAS-GTP) en forme inactive – Un apparenté du premier degré (parent, fratrie ou enfant) atteint de
RAS-GDP, et constitue un régulateur négatif de la voie de NF-1 suivant les critères précédents.
RAS/MAPKinases, cette dernière interagissant avec la voie 94.A

 NF-1 neurofibromatose de type 1


94-2 Neurofibromatoses

Manifestations cutanées drome cardio-facio-cutané et sclérose tubéreuse de Bour-


Taches café au lait Les taches café au lait (TCL) consti- neville. De plus, la prévalence des TCL dans la population
tuent le signe le plus fréquent et le plus précoce de la NF-1. générale varie de 3 % à 36 % suivant les ethnies (supérieure
Elles sont souvent congénitales ou apparaissent au cours chez les ethnies noires), et la présence de 1 à 3 TCL lors
de la première année de vie ³. Elles augmentent progressive- d’examens cliniques d’enfants de la population générale
ment en taille et en nombre durant l’enfance. Cependant ni n’est pas exceptionnelle ¹,³. Toutefois, un enfant porteur
leur nombre ni leur taille ne constitue un critère de sévérité de plus de six TCL doit être suivi comme un patient atteint
de la maladie. Il s’agit de macules de coloration homogène de NF-1 jusqu’à preuve du contraire.
plus ou moins foncée, parfois à la limite de la visibilité, aux Lentigines Les lentigines désignent des TCL de petite
contours bien limités et de répartition aléatoire. À l’ado- taille (1 à 3 mm de diamètre). Elles siègent avec prédilection
lescence, elles sont présentes dans plus de 90 % des cas et sur les plis axillaires où leur spécificité est la plus grande,
palissent voire disparaissent à partir de la cinquième dé- mais également sur les plis inguinaux, sous-mammaires ou
cennie. Le diamètre des TCL est variable, généralement de cervicaux (fig. 94.2). Elles peuvent parfois être présentes de
moins de 10 cm. Les anomalies histologiques se résument façon diffuse sur le tronc et autour des lèvres ¹. Rarement
à une forte hyperpigmentation en foyer de la membrane visibles avant l’âge de 2 ans, elles sont notées dans 80 %
basale. des cas dès l’âge de 6 ans.
Les TCL constituent l’un des meilleurs signes diagnostiques Neurofibromes Les neurofibromes sont des tumeurs bé-
de NF-1 : les TCL de taille supérieure à 0,5 cm dans l’en- nignes développées dans et le long des nerfs et des gaines
fance ou 1,5 cm après la puberté ont une valeur diagnos- nerveuses périphériques. Ils sont composés de cellules de
tique à condition d’être en nombre supérieur ou égal à 6 Schwann (jusqu’à 80 %), de fibroblastes, de cellules péri-
(fig. 94.1). Cependant, la présence de TCL multiples n’est neurales, de mastocytes et d’axones reposant au sein d’une
pas spécifique de la NF-1 et peut s’observer au cours de matrice extracellulaire riche en collagène (fig. 94.3). Malgré
diverses autres affections : syndrome de McCune-Albright, l’absence de classification standard validée, il est classique
syndrome LEOPARD, neurofibromatose de type 2, schwan- d’en distinguer trois types ² :
nomatose, syndrome de Noonan, syndrome de Legius, syn- − cutanés diffus ou focales : il s’agit de petites tumeurs
dermiques molles, mobiles avec la peau, sessiles ou pé-
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 94.1 Taches café au lait multiples du tronc au cours d’une Fig. 94.2 Lentigines axillaires au cours d’une neurofibromatose de
neurofibromatose de type 1 type 1

 NF-1 neurofibromatose de type 1 · TCL taches café au lait


Neurofibromatose de type 1 94-3

Coll. D. Bessis
Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

Fig. 94.4 Neurofibromes cutanés profus au cours de la


neurofibromatose de type 1 : multiples tumeurs rosées ou brunes, sessiles
ou pédiculées de la face antérieure du tronc
Fig. 94.3 Examen histologique d’un neurofibrome cutané : prolifération
dermique composée majoritairement de cellules de Schwann

diculées à type de molluscum pendulum, de taille et en


nombre variable (fig. 94.4). De couleur chair, rosée ou
violacée, leur consistance est élastique et dépressible.
Ils apparaissent à la puberté et sont quasi constants à
l’âge adulte. Ils se localisent surtout sur le tronc, mais

Coll. Dr. S. Barbarot, Nantes


toutes les parties du corps peuvent être atteintes. Ils
peuvent être prurigineux ou douloureux quand ils ont
une composante sous-cutanée. Leur nombre et leur
taille peuvent augmenter au décours de la grossesse.
Lorsqu’ils sont en nombre élevé, ils sont à l’origine
d’une altération sévère de la qualité de vie relative au Fig. 94.5 Neurofibromes sous-cutanés au cours de la neurofibromatose
retentissement esthétique. Ils n’ont pas de potentiel de de type 1 : multiples nodules cutanés profonds et bombants d’un membre
transformation maligne ;
− sous-cutanés ou nodulaires : ils apparaissent rarement au décours de l’adolescence. Ils touchent les tissus cu-
avant l’adolescence et touchent 20 % des malades à l’âge tanés superficiels et profonds mais peuvent également
adulte. Ils sont plus palpables que visibles, bombant s’étendre au niveau du fascia, du muscle, des os ou des
sous la peau, isolés ou en chapelet, fermes, toujours organes avoisinants et être à l’origine de douleurs. Ce
sensibles ou douloureux à la pression et peuvent provo- sont des tuméfactions molles et de texture irrégulière,
quer des paresthésies à distance sur le trajet nerveux de taille très variable de quelques centimètres à un seg-
(fig. 94.5). Ces lésions sont souvent responsables de dou- ment corporel. La peau en regard est toujours anor-
leurs, parfois invalidantes et justifiant une prise en male, hypertrophique et/ou pigmentée et/ou avec une
charge spécifique (chirurgie, antalgiques). La présence hypertrichose (fig. 94.6 et 94.7). Certains neurofibromes
de plus de deux neurofibromes sous-cutanés est cor- plexiformes peuvent avoir une disposition nodulaire su-
rélée à un risque plus important de masse tumorale perficielle ou profonde, regroupés en cordons étendus
interne et de développement de tumeur maligne des le long des troncs nerveux. Il existe un risque de com-
gaines nerveuses ⁴ ; pression sévère selon leur localisation, en particulier
− plexiformes : souvent congénitaux, ils sont générale- de compression médullaire en cas d’atteinte intradu-
ment visibles avant l’âge de 5 ans. Présents dans un rale. Ils peuvent également être à l’origine d’anomalies
tiers des cas, ils se développent plus particulièrement de croissance des os longs et d’une ostéolyse en cas
94-4 Neurofibromatoses

Coll. D. Bessis
Fig. 94.8 Neurofibrome plexiforme au cours de la neurofibromatose
Coll. D. Bessis

de type 1 : volumineuse tumeur pendulaire localisée sur l’hémitronc droit


surmontée d’une large macule pigmentée à contours émiettés

Fig. 94.6 Neurofibrome plexiforme au cours de la neurofibromatose Autres manifestations cutanées


de type 1 : voussure congénitale du flanc gauche surmontée d’une large Hamartome anémique L’hamartome anémique désigne
macule pigmentée à contours émiettés une macule blanche ou pâle, à bordure souvent polycyclique,
presque constamment associée à de petites macules satel-
de proximité des structures osseuses. Leur retentisse- lites disposées en grappes et en périphérie de la lésion ⁵. Sa
ment esthétique peut être considérable (fig. 94.8). Ces reconnaissance clinique est affirmée par une absence ou
lésions ont également un risque de transformation en une faible rougeur après friction mécanique (fig. 94.9), et une
tumeurs malignes des gaines nerveuses et justifient disparition de la différence de coloration entre peau saine
une surveillance clinique régulière. et peau atteinte après la vitropression des bords. L’hamar-
tome anémique est fréquemment présent au cours de la
NF-1 et pourrait constituer un excellent signe discriminant
de la NF-1 par rapport à d’autres affections génétiques avec
TCL multiples. ⁶ Dans une série portant sur 52 enfants et
adultes porteurs de NF-1, sa prévalence était notée à 54,5 %
chez l’enfant et 37 % chez l’adulte en cas de recherche systé-
matique (contre 1 % dans la population générale). L’hamar-
tome anémique n’était pas associé à un angiome plan et
siégeait majoritairement sur la région thoracique préster-
nale ⁶.
Xanthogranulomes juvéniles Les xanthogranulomes ju-
véniles font partie des histiocytoses de classe II cutanées
Coll. D. Bessis

et muqueuses. Ils sont constitués par des papules ou des


nodules lisses, fermes, en forme de dôme. Initialement
rouges, ils acquièrent progressivement une coloration ty-
Fig. 94.7 Neurofibrome plexiforme au cours de la neurofibromatose de pique, jaune-orangée (fig. 94.10). Leur taille varie de quelques
type 1 : voussure congénitale du dos et hypertrichose en regard millimètres à plusieurs centimètres et ils peuvent être iso-
lés ou multiples. L’association de xanthogranulomes juvé-

 NF-1 neurofibromatose de type 1 · TCL taches café au lait


Neurofibromatose de type 1 94-5

Coll. D. Bessis
Fig. 94.10 Xanthogranulomes juvéniles multiples du tronc au cours
de la neurofibromatose de type 1 : papules en dôme à surface lisse ou
A mamelonnée de couleur jaune orangé

est notée entre 1 à 18 % suivant les séries, généralement


au cours des trois premières années de vie ⁷. Cependant au-
cune particularité clinique ne permet la distinction entre
les xanthogranulomes juvéniles isolés et ceux survenant au
cours de la NF-1. L’association xanthogranulomes juvéniles-
NF-1 et leucémie myéloïde chronique juvénile est rarement
rapportée, mais la présence de xanthogranulomes juvéniles
au cours de la NF-1 pourrait constituer un marqueur de
risque de leucémie myéloïde chronique juvénile ⁸.
Hyperpigmentation généralisée Une hyperpigmenta-
tion diffuse peut être observée, en comparaison avec les
apparentés du premier degré non atteint (fig. 94.11). Elle est
également présente dans les formes segmentaires de NF-1,
bien délimitée par la peau non atteinte ⁹.
Prurit La présence d’un prurit généralisé ou localisé n’est
pas rare. Il peut prédominer en regard des neurofibromes,
peut être lié à une augmentation du nombre de mastocytes
au sein de ces tumeurs. La présence d’un prurit généra-
lisé peut exceptionnellement traduire une cholestase hé-
patique inexpliquée ou une obstruction de l’ampoule de
Vater par des neurofibromes. La survenue d’un prurit lo-
Coll. D. Bessis

calisé peut également être secondaire à des astrocytomes


médullaires ou cérébraux liés à la NF-1 ¹⁰.
B Macules rouges bleues et pseudo-atrophiques Les ma-
Fig. 94.9 Hamartome anémique au cours de la neurofibromatose de cules rouges bleues et pseudo-atrophiques ou tâches vio-
type 1. A. Macules pâles rondes ou polycycliques de l’hémithorax gauche lines correspondent à une forme particulière de neurofi-
(ellipse). Noter les taches violines associées (flèches). B. Après friction bromes et constituent un signe spécifique de la NF-1. Elles
mécanique, l’absence de rougeur des macules permet la reconnaissance de ont été observées dans 7,5 % des cas sur une cohorte por-
leur caractère « anémique » tant sur 583 patients, généralement après la puberté ¹¹.
Elles se caractérisent par des macules de couleur rosée, bleu-
niles et de TCL multiples constitue un excellent marqueur tée ou violacée, le plus souvent planes, fines au palper, non
de NF-1 au cours des premières années de vie. La surve- atrophiques et non scléreuses (fig. 94.9). Leur taille varie
nue de xanthogranulomes juvéniles au cours de la NF-1 entre 5 à 20 cm, leurs bords sont bien tracés, souvent ir-

 NF-1 neurofibromatose de type 1 · TCL taches café au lait


94-6 Neurofibromatoses

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 94.11 Hyperpigmentation généralisée du dos au cours de la
neurofibromatose de type 1 Fig. 94.12 Exemple de tumeur glomique : nodule rouge de la région
sous-unguéale proximale associé à un décollement longitudinal de la
réguliers, avec parfois une coalescence de plusieurs taches. tablette unguéal en regard
Elles se localisent avec prédilection sur le tronc. Histolo-
giquement, il s’agit de tissu neurofibromateux constitué Manifestations extracutanées
de plages de cellules neuroïdes dispersées dans le derme Nodules de Lisch Les nodules de Lisch sont des nodules
papillaire et réticulaire et engaînant des capillaires et des iriens dont la taille et le nombre augmentent avec l’âge. Ils
veinules à paroi fibreuse ¹¹. sont présents chez l’enfant de moins de 6 ans dans 15 à
Tumeurs glomiques Il s’agit de tumeurs bénignes déri- 20 % des cas, et sont quasi constants à l’âge adulte. Ils se
vées des corps glomiques, structures neurovasculaires ri- présentent comme des petits nodules jaune brun le plus
chement innervées jouant un rôle de thermorégulation souvent, parfois très pâles, en saillie sur la face antérieure
locale des extrémités et essentiellement présentes au ni- de l’iris (fig. 94.13). Ils prédominent sur la partie inférieure de
veau des doigts et des orteils. Le corps glomique est l’iris et sont quasiment pathognomoniques de cette affec-
composé d’une artériole afférente reliée à une veinule ef- tion. Ils sont recherchés par un examen à la lampe à fente
férente par un canal anastomotique vasculaire (Suquet- et n’ont aucun retentissement sur la vision. Leur nature
Hoyer), dont la média contient des cellules musculaires histologique neurofibromateuse a récemment été suspec-
lisses particulières de forme cuboïdale, les cellules glo- tée histologiquement, associant des contingents de cellules
miques. L’association entre tumeur glomique et NF-1 a pigmentées, de cellules de type fibroblastique et des masto-
été récemment soulignée à travers une étude anatomocli- cytes ¹³.
nique et génétique chez 11 patients (âge moyen 40 ans) D’autres manifestations ophtalmologiques sont parfois pré-
ayant une ou plusieurs tumeurs glomiques des extrémités sentes : hamartomes choroïdiens, ptose palpébrale congé-
digitales. Cliniquement, la tumeur se présentait comme nitale avec ou sans présence de neurofibromes, gros nerfs
une papule ou un nodule rouge bleu situé préférentielle- cornéens, et glaucome congénital.
ment au niveau de la région sous-unguéale (fig. 94.12) et Gliome des voies optiques Le gliome des voies optiques
très douloureux à la pression ou au froid. La présence (GVO) est la tumeur intracérébrale la plus fréquente de
d’une inactivation bi-allélique du gène NF1 au sein de l’enfant (2 à 5 % de l’ensemble des tumeurs cérébrales), et
la tumeur, similaire à celle observée au niveau des mé- s’associe dans 1 cas sur 2 à la NF-1. Il correspond histolo-
lanocytes des TCL ou des cellules de Schwann des neu- giquement à un astrocytome de grade I (plus rarement de
rofibromes, plaide en faveur d’une association non for- grade II) ou pilocytique et est similaire aux astrocytomes
tuite ¹². pilocytiques observés au niveau d’autres localisations céré-

 GVO gliome des voies optiques · NF-1 neurofibromatose de type 1 · TCL taches café au lait
Neurofibromatose de type 1 94-7

Coll. Dr A. Roubertie et Dr C. Langois, Montpellier


Coll. Pr. J.-J. Morand, Marseille
Fig. 94.14 A. Coupe frontale séquence T1 en saturation de la graisse
avec injection de gadolinium. Hypertrophie du nerf optique droit dans
Fig. 94.13 Nodules de Lisch au cours de la neurofibromatose de type 1 : sa portion préchiasmatique, rehaussé après injection de gadolinium.
petits nodules jaune brun en saillie sur la face antérieure et inférieure de B. Coupe axiale, séquence flair. Hyper-signal ovoïde du globus pallidus
l’iris interne et du globus pallidus externe gauche et de la partie postérieure du
thalamus gauche, correspondant à des OBNI
brales chez le patient non porteur de NF-1 ¹⁴. Au cours de
la NF-1, l’incidence du GVO est estimée entre 15 à 20 % tante la scolarité ¹⁶.
lors de la réalisation systématique d’imagerie cérébrale. La La présence à l’IRM cérébrale d’hypersignaux en T2 ou
majeure partie des GVO symptomatiques s’observe avant OBNI (pour « objets brillants non identifiés ») est notée
l’âge de 6 ans (pic de fréquence entre 3 à 6 ans) et le risque dans 50 à 70 % des cas. Ces lésions asymptomatiques sur-
évolutif semble limité à l’enfance. Le GVO touche surtout viennent le plus souvent chez l’enfant et tendent à ré-
les nerfs et/ou le chiasma optique, et peut s’étendre le long gresser à l’âge adulte. Elles correspondent à une gliose ou
des voies optiques (fig. 94.14). Il est symptomatique dans des anomalies de myélinisation. Leur association avec des
moins de 50 % des cas. Il peut se manifester avant l’âge troubles cognitifs reste controversée.
de 6 ans par une diminution de l’acuité visuelle, une prop- Les tumeurs du tronc cérébral ont une incidence évaluée à
tose, une anomalie de la fonction des pupilles ou un nys- 4 % et constituent la deuxième cause de tumeur cérébrale
tagmus. Une puberté précoce peut s’observer (2,4 %) pré- après le GVO. Il s’agit essentiellement de gliomes de pro-
férentiellement en cas d’atteinte du chiasma optique, et nostic moins sévère que dans la population générale. Les as-
ce, exclusivement après l’âge de 6 ans, justifiant une sur- trocytomes de bas grade souvent pilocytiques cérébelleux
veillance systématique et régulière de la courbe de crois- constituent la troisième cause de tumeur cérébrale. L’hy-
sance staturale ¹⁵. Aucun facteur prédictif d’évolutivité du drocéphalie par sténose de l’aqueduc de Sylvius est rare, de
GVO n’est clairement identifié à l’exception d’une atteinte même que l’épilepsie.
hypothalamo-chiasmatique ou des tractus optiques, ou une La neuropathie neurofibromateuse touche en moyenne 1
forme d’apparition tardive après 10 ans. Le dépistage sys- à 2 % des patients atteints de NF-1. Il s’agit d’une neuro-
tématique précoce du GVO repose sur un examen ophtal- pathie primitive distale et symétrique, le plus souvent sen-
mologique annuel avec mesure de l’acuité visuelle et, si sitive et indolente, fréquemment associée au développe-
possible, l’évaluation du champ visuel et de la vision des ment précoce de neurofibromes sous-cutanés. Elle doit être
couleurs. L’intérêt de l’imagerie cérébrale systématique et distinguée des compressions nerveuses périphériques in-
précoce pour le dépistage du GVO au cours de la NF-1 reste duites par les neurofibromes sous-cutanés au niveau spinal
controversé : aucune étude n’a apporté la preuve de son ou nerveux périphérique (radiculaire, plexique) ¹⁷,¹⁸.
intérêt dans la prévention de complications éventuelles Manifestations orthopédiques Certaines atteintes os-
comme une baisse de l’acuité visuelle ; l’identification de seuses ont une valeur diagnostique. Les dysplasies congéni-
GVO asymptomatiques et non évolutifs par la suite consti- tales des os longs sont fréquentes (14 %) et touchent préfé-
tue un facteur anxiogène pour les parents et est source rentiellement le tibia (déformation antéro-latérale). Elles
d’anesthésies générales répétées. sont parfois révélées par des fractures avec pseudarthroses
Manifestations neurologiques Des troubles neuropsy- secondaires. Les dysplasies cubitales sont plus rares et
chologiques avec difficultés d’apprentissage et troubles cog- de révélation plus tardive. Les dysplasies des ailes sphé-
nitifs sont présents dans 40 à 50 % des cas. Ils sont proches noïdes à type de fente sphénoïdale sont fréquemment as-
d’un syndrome de déficit de l’attention avec ou sans hyper- sociées à un neurofibrome plexiforme orbitaire, parfois
activité : troubles de l’attention, difficultés de coordination compliqué d’une exo- ou enophtalmie. Elles sont rares mais
motrice, déficit de la mémoire récente, troubles perceptifs quasi pathognomoniques de la NF-1 ². La cyphoscoliose est
responsables de difficultés pour écrire, lire, calculer et se fréquente (10-26 %), souvent discrète, peu évolutive, non
repérer dans l’espace. Ils peuvent entraver de façon impor- spécifique et sans dystrophie osseuse associée. Elle peut

 GVO gliome des voies optiques · IRM imagerie par résonance magnétique · NF-1 neurofibromatose de type 1
94-8 Neurofibromatoses

Tableau 94.1 Fréquence, âge de début et évolutivité des manifestations cliniques de la neurofibromatose de type 1
Âge de début Fréquence
Peau
Taches café au lait Naissance à 1 an > 99 %
Lentigines > 3 ans 85 %
Neurofibrome plexiforme Naissance 30 %
Neurofibromes cutanés > 7 ans > 99 %
Neurofibromes sous-cutanés > 7 ans 20 %
Macules pseudo-atrophiques Post-puberté 7,5 %
Hamartomes cutanés Naissance 55 % (enfant)
Xanthogranulome juvénile Naissance à 3 ans 1-18 %
Tumeur glomique Adulte Rare
Œil
Nodules de Lisch > 3 ans > 95 %
Gliome optique Naissance à 7 ans (rarement > 40 ans) 15-25 %
Système nerveux
Difficultés d’apprentissage Naissance 30-70 %
Troubles de l’attention avec hyperactivité Naissance 38 %
Épilepsie Tout au long de la vie 6-7 %
Gliome cérébral Tout au long de la vie 2-3 %
Sténose de l’aqueduc Tout au long de la vie 1-5 %
Neuropathie périphérique Adulte 1-2 %
Squelette
Scoliose Naissance à 18 ans 10 %
Scoliose nécessitant une chirurgie Naissance à 18 ans 5%
Pseudo-arthrose tibiale Naissance à 3 ans 2%
Dysplasie ailes du sphénoïde Naissance 1%
Macrocéphalie Naissance 45 %
Retard statural Naissance 30 %
Glandes endocrines
Puberté précoce > 6 ans 2-3 %
Phéochromocytome > 10 ans 2%
Cœur et vaisseaux
Sténose artère rénale Adulte 2%
Hypertension artérielle Adulte 6%
Sténose artère rénale Enfance, adolescence 1-2 %
Malformations cardiovasculaires Naissance 2%
Cancers
Tumeurs malignes des gaines nerveuses > 5 ans 2-5 %
Leucémie < 0,1 %
Tumeur carcinoïde 0,6-1,5 %

rarement (< 5 %) être majeure, secondaire à des dystro- à un risque augmenté d’ostéoporose ou de fracture os-
phies vertébrales plus ou moins étendues par accentuation seuse ²⁰.
de la concavité postérieure du corps vertébral (aspect de Manifestations cardiovasculaires Les malformations
scalopping). Elle peut alors s’associer à des méningocèles cardiaques sont rares (1-2 %) dominées par le risque de sté-
ou à des neurofibromes para- ou intravertébraux faisant nose valvulaire pulmonaire dans près d’un quart des cas ²¹.
risquer une compression médullaire ². Plusieurs critères L’hypertension artérielle est fréquente et est associée à
mineurs ont une prévalence augmentée chez l’enfant at- un risque de décès prématuré chez l’adulte. Elle peut être
teint de NF-1 en comparaison à un enfant indemne de essentielle ou secondaire à une sténose de l’artère rénale,
NF-1 de même sexe et de même âge ¹⁹ : petite taille (15- plus rarement à un phéochromocytome ou une coarctation
31 %), macrocéphalie (29-53 %) et anomalies thoraciques de l’aorte. Les vasculopathies associées à la NF-1 peuvent
à type de pectus excavatum ou carinatum (près d’un tiers se traduire par des sténoses, des anévrismes ou des mal-
des cas). Une diminution globale de densité minérale os- formations artérioveineuses. La sténose de l’artère rénale
seuse semble fréquente à l’âge adulte et prédisposerait constitue la manifestation la plus fréquente touchant 1 %

 NF-1 neurofibromatose de type 1


Neurofibromatose de type 1 94-9

des patients atteints de NF-1. Les lésions vasculaires se l’ensemble du gène NF1 et la région adjacente du génome.
caractérisent histologiquement par une dysplasie fibromus- Il se traduit par un phénotype particulier et sévère asso-
culaire associée à un épaississement de l’intima et une pro- ciant une dysmorphie faciale (traits épais, asymétrie fa-
lifération des cellules de Schwann sans athérosclérose ²¹. ciale, ptose, front proéminent, hypertélorisme, pointe du
nez proéminente et large), des mains et des pieds larges,
Évolution et complications un nombre augmenté et une apparition précoce de neuro-
Les manifestations et complications de la NF-1 sont va- fibromes, des troubles de l’apprentissage et/ou un retard
riables en fonction de l’âge (tableau 94.1) et doivent être sys- mental, un risque plus marqué de développer une tumeur
tématiquement recherchées par l’examen clinique. Parmi maligne des gaines nerveuses par rapport aux patients at-
ces complications, la transformation maligne d’un neurofi- teints de NF-1 en général et peut être un risque augmenté
brome en tumeur maligne des gaines nerveuses reste d’un de sténose valvulaire pulmonaire (2 observations sur une
pronostic redoutable. série de 11 patients) ²⁶-²⁸.
Un phénotype modéré de NF-1 associant des TCL et des
Tumeurs malignes des gaines nerveuses et autres cancers lentigines mais marqué par l’absence de neurofibromes cu-
La NF-1 est une affection évolutive et imprévisible. L’es- tanés ou plexiformes a été décrit chez 21 patients ayant
pérance de vie des malades atteints de NF-1 est amputée une mutation du gène NF1 à type de délétion en phase de
d’environ dix ans par rapport à la population générale. Les 3 paires de base sur l’exon 17 ²⁹.
tumeurs malignes des gaines nerveuses constituent la prin-
cipale complication de la NF-1 à partir de l’adolescence (2 Prise en charge et suivi
à 5 %) et leur risque de survenue tout au long de la vie Compte tenu de la diversité des atteintes et des pro-
est dix fois plus important que dans la population générale. blèmes rencontrés, le suivi multidisciplinaire au sein de
Les tumeurs malignes des gaines nerveuses se développent centres spécialisés, en relation étroite avec le médecin
à partir de neurofibromes plexiformes préexistants dans généraliste et/ou le pédiatre est souhaitable. Le Centre
deux tiers des cas ²² et se localisent principalement sur les neurofibromatoses-Île-de-France est labellisé comme centre
racines des membres, les extrémités et le rétropéritoine. de référence par le ministère de la Santé (coordinateur : pro-
Elles doivent être suspectées devant une augmentation ra- fesseur Pierre Wolkenstein, service de Dermatologie, hôpi-
pide de taille d’un neurofibrome ancien ou nouvellement tal Henri-Mondor, Créteil) ; NF-France, une filière de soins
apparu, des douleurs d’intensité croissante résistantes aux monothématique consacrée aux neurofibromatoses, a déve-
traitements, l’apparition ou la modification de signes neu- loppé une consultation multidisciplinaire spécialisée dans
rologiques préexistants (déficit moteur ou sensitif). Ces chaque région française.
signes doivent conduire à une consultation rapide pour pro- Ce suivi est particulièrement recommandé chez les malades
grammer une biopsie chirurgicale profonde sans délai ⁴-⁶. ayant un phénotype à risque de morbidité et de mortalité
L’intérêt de la tomoscintigraphie par émission de positons défini par l’existence de neurofibromes sous-cutanés mul-
au 18FDG (TEPSCAN) dans le dépistage des tumeurs ma- tiples. En pratique, les examens complémentaires ne sont
lignes des gaines nerveuses a été démontré dans plusieurs à effectuer que sur des arguments cliniques (tableau 94.2). Au-
séries. Dans une étude prospective portant sur 38 malades cun examen systématique n’est recommandé. La seule ex-
avec 49 tumeurs, sa sensibilité et sa valeur prédictive néga- ception toujours controversée est l’IRM des voies optiques
tive étaient de 100 %, et sa spécificité et sa valeur prédictive chez les enfants de moins de 6 ans pour la détection d’un
positive respectivement de 8 % et de 50 % ²³,²⁴. Le traite- gliome potentiellement agressif.
ment des tumeurs malignes des gaines nerveuses repose Il n’existe pas actuellement de traitement spécifique de la
sur une excision chirurgicale large complétée d’une radio- NF-1. Cependant de nouvelles avancées significatives dans
thérapie. L’intérêt des cytostatiques en seconde ligne reste la physiopathologie de la maladie ont permis de définir de
controversé. Le pronostic global est sombre en raison d’une futures cibles thérapeutiques, certaines en cours d’évalua-
fréquente résistance au traitement et d’un risque métasta- tion pour le traitement du neurofibrome plexiforme (liste
tique élevé. disponible sur www.clinicaltrials.gov) : rapamycine (inhibi-
Certains cancers sont rares au cours de la NF-1 mais ont tion de la voie mTor) ³⁰-³², imatimib mesylate (inhibition de
sans doute une prévalence accrue par rapport à la popula- l’activité du récepteur c-kit) ³³,³⁴, tipifarnib (inhibiteur de
tion générale : leucémies myéloïdes de l’enfant, rhabdomyo- farnésyl transférase bloquant Ras), sorafénib (inhibiteur
sarcome, mélanome malin ²⁵, adénocarcinome et tumeur de tyrosine kinase)...
carcinoïde du duodénum, phéochromocytome malin, ostéo- Le traitement des neurofibromes cutanés constitue la de-
sarcome. mande prioritaire des malades compte tenu du préjudice
esthétique et de leur impact en termes de qualité de vie. Ces
Corrélations génotypes-phénotypes neurofibromes seront détruits par laser CO 2 ou opérés en
Peu de relations entre les mutations du gène NF1 et le phé- informant le patient du risque cicatriciel. La résection pré-
notype sont décrites, la recherche de mutations n’étant pas coce de neurofibromes plexiformes superficiels et de petite
effectuée dans la majorité des cas. taille pourrait dans certains cas prévenir leurs complica-
Le syndrome NF-1 avec microdélétion (5-10 % ; plus de tions ultérieures à l’âge adulte. Elle est cependant difficile à
150 cas rapportés) est lié à une large délétion contenant envisager en raison de leur caractère infiltratif et du risque

 IRM imagerie par résonance magnétique · NF-1 neurofibromatose de type 1 · TCL taches café au lait
94-10 Neurofibromatoses

Tableau 94.2 Recommandations pour le suivi des patients NF-1


Enfant Adulte
Évaluation initiale Interrogatoire et examen de la famille Examen clinique tous les deux-trois ans
Arbre généalogique, recherche de sujets atteints Interrogatoire
Examen clinique complet Antécédents familiaux et enquête familiale (examen
Poids, taille, périmètre crânien, pression artérielle initial)
Examen neurologique (mouvements anormaux) Céphalées
Examen dermatologique : taches café au lait, éphélides, Gêne esthétique
neurofibromes sous-cutanés, neurofibromes plexiformes Douleurs
(nombre, taille, évolutivité) Examen clinique
Examen orthopédique : cyphoscoliose Recherche des critères diagnostiques de NF-1 (examen
Examen endocrinologique : anomalies pubertaires initial)
Examen abdominal Mesure de la pression artérielle
Examen ophtalmologique (acuité visuelle, lampe à fente, Existence de neurofibromes plexiformes (taille,
fond d’œil, champ visuel) évolutivité)
Évaluation des troubles de l’apprentissage Neurofibromes cutanés gênants esthétiquement
IRM cérébrale à discuter au cas par cas avant 6 ans Existence de neurofibromes sous-cutanés (douleurs, taille,
(dépistage du gliome optique) évolutivité)
Examens complémentaires si anomalie clinique Existence d’une masse évolutive (cutanée ou
intra-abdominale)
Informations de la famille sur le pronostic, le conseil Examen neurologique
génétique, l’éducation et les résultats des éventuels
examens complémentaires Dialogue
Explications répétées sur la maladie, notamment en cas
de prescription d’examens complémentaires
Suivi clinique systématique Examen annuel Réponses aux questions du patient et de sa famille
Examen clinique complet (cf. supra) Explications du résultat d’éventuels examens
Recherche de signes de complications selon l’âge du complémentaires
patient Conseil génétique
Examen ophtalmologique Visite annuelle conseillée chez le médecin traitant et
Évaluation des troubles de l’apprentissage visite régulière (tous les deux-trois ans) auprès d’une
structure multidisciplinaire spécialisée dans la maladie

de déficit neurologique post-chirurgical. Aucun traitement


n’a apporté la preuve d’une efficacité jusqu’à présent sur les
TCL, en particulier par laser, et un camouflage esthétique
est préconisé en cas de demande.

Neurofibromatose segmentaire
La neurofibromatose segmentaire (anciennement NF-5)
correspond à une mutation post-zygotique du gène NF1.
Sa prévalence est estimée à 0,002 % dans la population
générale. Elle est caractérisée par la présence de neurofi-
bromes, et/ou de troubles pigmentaires (taches café au lait,
Coll. D. Bessis

lentigines) sur un seul segment corporel (mosaïcisme lo-


calisé ou segmentaire), plus rarement sur un hémicorps
ou plusieurs segments bilatéraux (fig. 94.15) ³⁵. Des cas de
neurofibromes plexiformes isolés, sans autre stigmate de Fig. 94.15 Neurofibromatose segmentaire (anciennement
NF-1, ont été décrits et correspondent probablement à des neurofibromatose de type 5) : association d’une tache café au lait et de
mosaïcismes somatiques du gène NF1. L’atteinte oculaire neurofibromes limitée à une jambe
(nodules de Lisch, GVO) au cours de la NF-1 segmentaire
est exceptionnelle, y compris en cas d’atteinte cutanée fa- Neurofibromatose de type 2
ciale, et ne justifie pas d’explorations radiologiques complé-
mentaires ³⁶. Les cas de NF-1 hérités de parents ayant une Bases épidémiologiques et génétiques
neurofibromatose segmentaire sont exceptionnels, liés à La neurofibromatose de type 2 (NF-2) est une affection
un mosaïcisme non seulement somatique mais également beaucoup plus rare que la NF-1 avec une incidence de
germinal, et le conseil génétique doit en faire mention. 1/25 000 à 1/40 000 naissances et une prévalence de

 GVO gliome des voies optiques · IRM imagerie par résonance magnétique · NF-1 neurofibromatose de type 1 · NF-2 neurofibromatose de type 2 · TCL taches café au lait
Neurofibromatose de type 2 94-11

Critères diagnostiques de NF-2 (Manchester) Manifestations cliniques


Schwannome vestibulaire bilatéral L’âge moyen de début des symptômes est de 18 à 24 ans,
ou mais la NF-2 peut se révéler à tout âge de la vie. Les schwan-
Parent au premier degré ayant une NF-2 et un schwannome vestibu- nomes vestibulaires (ancienne dénomination de « neuri-
laire unilatéral ou deux des manifestations parmi les suivantes : mé- nomes de l’acoustique ») sont présents dans 95 % des cas.
ningiome, gliome, neurofibrome, schwannome, opacités lenticulaires Ils se manifestent progressivement par une baisse de l’audi-
subcapsulaires postérieures tion le plus souvent unilatérale au départ, parfois accompa-
ou gnée ou précédée d’acouphènes, de troubles de l’équilibre
Schwannome vestibulaire unilatéral et deux des manifestations parmi lors de changements brusques de position de la tête ou
les suivantes : méningiome, gliome, neurofibrome, schwannome, opa- de vertiges. Les principales autres tumeurs révélatrices de
cités lenticulaires subcapsulaires postérieures
ou NF-2 (20 à 30 %) comprennent :
Méningiomes multiples (deux ou plus) et un schwannome vestibulaire − des schwannomes intracrâniens (25-30 %) surtout du
unilatéral ou deux des manifestations parmi les suivantes : gliome, nerf trijumeau, spinaux ou périphériques ;
neurofibrome, schwannome, opacités lenticulaires subcapsulaires pos- − des méningiomes intracrâniens (40-60 %) souvent mul-
térieures tiples (1/3 des cas), incluant les méningiomes des voies
optiques (4-8 %) et pouvant se révéler par des cépha-
« Deux parmi » correspond à deux tumeurs ou deux cataractes. lées, des crises d’épilepsie partielle ou généralisée, un
94.B tableau d’hypertension intracrânienne ou un signe de
localisation par compression du parenchyme cérébral ;
1/60 000 ³⁷. Il s’agit d’une maladie de transmission autoso- − des méningiomes spinaux pouvant se traduire par des
mique dominante et de pénétrance quasi complète avant douleurs, une faiblesse musculaire ou des paresthésies ;
l’âge de 45 ans. Les mutations de novo représentent envi- − des épendymomes (2,5-6 %) et des astrocytomes (1,6-
ron 50 % des cas. La fréquence des mosaïques (mutations 4,1 %) de bas grade de malignité.
à un stade post-zygotique) a été estimée à 25 % des cas, se Chez l’enfant, la présentation clinique de la NF-2 peut
traduisant la plupart du temps par des formes modérées être trompeuse et les premiers signes cliniques sont secon-
de la maladie. La NF-2 se caractérise cliniquement par des daires dans plus d’un cas sur deux à une tumeur autre qu’un
schwannomes multiples et des méningiomes. Elle est liée schwannome vestibulaire comme un méningiome cérébral
à des mutations du gène NF2 (22q12.2), gène suppresseur ou une tumeur spinale, des schwannomes cutanés, une
de tumeur qui code pour la protéine Merlin/Schwannomin. amyotrophie focale, une mononeuropathie du nerf facial
Cette protéine est fortement exprimée dans les cellules de ou des manifestations oculaires (méningiome de la gaine
Schwann, les cellules méningées, les nerfs périphériques et du nerf optique, hamartomes rétiniens extensifs) ³⁹.
le cristallin. Elle fait partie de la famille des protéines dites Les manifestations cutanées sont plus subtiles qu’au cours
de bande 4.1 et présente des homologies avec les protéines de la NF-1, représentées par des tumeurs cutanées dans
de la famille ERM (Ezrin, Radixin, Moesin) qui lient le cy- 70 % des cas, presque toujours des schwannomes. Les
tosquelette d’actine à de nombreuses protéines associées à schwannomes périphériques cutanés se présentent typi-
la membrane cellulaire qui contrôlent le remodelage et la quement comme des papules ou des nodules en plaques
croissance cellulaire. peu surélevés, pigmentés et pileux (fig. 94.16) ou comme des
tumeurs sous-cutanées sensibles à la pression (fig. 94.17), im-
Critères diagnostiques possibles à distinguer cliniquement des neurofibromes no-
Les critères diagnostiques originaux de NF-2 reposaient dulaires sous-cutanés. La palpation du nerf atteint est pos-
sur la présence obligatoire d’un antécédent familial de NF-2 sible aux extrémités de la tumeur. Leur nombre se limite à
chez un parent au premier degré ou des schwannomes vesti- moins d’une dizaine de lésions dans plus de 90 % des cas ³⁹.
bulaires bilatéraux ³⁸. Ils ont depuis été élargis (encadré 94.B) Histologiquement, les schwannomes constituent des tu-
pour tenir compte : de l’absence d’antécédent familial dans meurs encapsulées uniquement constituées de cellules de
1 cas sur 2 ; du développement parfois précoce des schwan- Schwann fusiformes entourant le nerf porteur. Malgré la
nomes des nerfs périphériques, des tumeurs spinales, des classification de la NF-2 en tant que neurofibromatose, la
méningiomes crâniens et des anomalies oculaires, pouvant survenue de neurofibromes cutanés ou sous-cutanés est
précéder l’apparition des schwannomes vestibulaires ; de rare. Moins de 10 % des sujets atteints de NF-2 ont plus de
l’absence de schwannomes vestibulaires dans 15 % des deux taches café au lait et exceptionnellement plus de 5.
cas ¹⁶,³⁹. Les anomalies oculaires sont fréquentes. Une cataracte à
Le principal diagnostic différentiel de la NF-2 se pose avec début précoce, à la fois postérieure sous-capsulaire et corti-
la schwannomatose, affection caractérisée par le dévelop- cale est notée dans 60 à 80 % des cas. Elle est le plus souvent
pement de schwannomes multiples intracrâniens spinaux asymptomatique et son dépistage repose sur un examen
ou périphériques, mais sans schwannome vestibulaire. La systématique à la lampe à fente. Les hamartomes rétiniens
distinction entre une schwannomatose et une forme en sont beaucoup plus rarement détectés. Les méningiomes
mosaïque de NF-2 ne comportant initialement que des du nerf optique peuvent être responsables de baisse de la
schwannomes multiples non intracrâniens est parfois dé- vision précoce. En revanche, il n’existe pas d’augmentation
licate. du risque de gliome optique.

 NF-1 neurofibromatose de type 1 · NF-2 neurofibromatose de type 2


94-12 Neurofibromatoses

Tableau 94.3 Critères diagnostiques de schwannomatose

Absence de NF-2 suivant les critères diagnostiques (encadré 94.B) ou exclusion des critères suivants :
− schwannome vestibulaire à l’IRM ;
− mutation germinale du gène NF2 ;
− parent de premier degré atteint de NF-2.
Définie Possible Segmentaire
Âge > 30 ans et au moins 2 schwannomes Âge < 30 ans et au moins 2 schwannomes Schwannomatose définie ou possible mais
non intradermiques (dont au moins 1 avec non intradermiques (dont au moins 1 avec limitée à un membre ou 5 ou moins de
confirmation histologique) confirmation histologique) 5 segments de moelle contigus
Un schwannome avec confirmation histologique Âge > 45 ans et au moins 2 schwannomes
et un apparenté au 1 er degré répondant aux (dont au moins 1 avec confirmation
critères ci-dessus histologique)
Visualisation radiologique d’un schwannome non
vestibulaire et 1 apparenté au 1 er degré
répondant aux critères de schwannomatose
définie

Pronostic et prise en charge


Schwannomatose
Le pronostic de la NF-2 est sévère, lié à une diminution
notable de l’autonomie en raison du risque de surdité, de Bases épidémiologiques et génétiques
troubles visuels et de paralysie faciale et à une espérance de La schwannomatose (anciennement rapportée sous le
vie abaissée, avec une survie moyenne estimée à 62 ans ³⁹. terme de « neurilemmomatose », « neurilemmomes mul-
La sévérité pronostique apparaît corrélée à la précocité de tiples » ou encore « neurinomatose ») est une affection
survenue des premières manifestations cliniques (avant caractérisée par la survenue de schwannomes multiples,
20 ans), la présence de méningiomes intracrâniens et la périphériques, spinaux et éventuellement intracrâniens
présence de mutations non-sens ou décalant le cadre de lec- mais constamment sans atteinte vestibulaire (tableau 94.3) ⁴⁰.
ture du gène NF2 (synthèse d’une protéine tronquée). Le Elle est relativement rare (moins de 200 cas rapportés
traitement des schwannomes vestibulaires repose sur la chi- en 2009) avec une incidence estimée à 1/30 000 nais-
rurgie, la radiochirurgie ou la radiothérapie fractionnée. La sances. Les formes familiales sont peu fréquentes (< 25 %)
prise en charge est assurée au mieux par des centres spécia- de transmission autosomique dominante, de pénétrance
lisés pluridisciplinaires où oto-rhino-laryngologistes, neu- incomplète et d’expressivité variable. Elles sont majori-
rologues, neurochirurgiens, ophtalomologistes, dermato- tairement liées à des mutations du gène SMARCB1 (ou
logues et généticiens entraînés à ce type de pathologie asso- INI1), gène suppresseur de tumeur situé sur le chromo-
cient leur compétence ¹⁶. En cas d’atteinte symptomatique, some 22 (22q11.23) à courte distance du gène NF2, et qui
elle repose sur un suivi annuel clinique (neurologique, cu- code pour la protéine SMARCB1 ⁴¹. Cette protéine est un
tané), audiovestibulaire complet (audiométrie, potentiels membre du complexe multiprotéique SWI/SNF de remode-
évoqués auditifs, épreuves caloriques), ophtalmologique lage de la chromatine. Il est également impliqué dans le
(acuité visuelle, fond d’œil, examen à la lampe à fente) et développement des tumeurs rhabdoïdes malignes de l’en-
une IRM annuelle cérébrale et spinale ¹⁶,³⁹. fant.
En cas de suspicion de NF-2 chez un sujet asymptomatique,
un suivi annuel neurologique, ophtalmologique et dermato- Manifestations cliniques
logique est souhaitable dès l’enfance. Une IRM cérébrale et Elles débutent généralement au cours de la troisième dé-
médullaire est recommandée tous les deux ans à partir de cennie. Les schwannomes peuvent toucher tous les terri-
l’âge de 10-20 ans (en fonction de la sévérité de l’atteinte toires nerveux mais prédominent au niveau périphérique
familiale) puis tous les trois ans après l’âge de 40 ans où le sous-cutané (60-100 %), spinal (50-90 %), plus rarement
risque de NF-2 devient minime. Le diagnostic génétique intracrânien (20-40 %) ⁴²,⁴³. Le principal symptôme d’appel
présymptomatique doit être proposé aux patients d’une est une douleur isolée ou concomitante de la découverte
famille en cas de mise en évidence d’une mutation germi- d’une tumeur (fig. 94.18), plus rarement un déficit neurolo-
nale de NF2. Le conseil génétique peut être difficile en cas gique. Le nombre des schwannomes est variable (extrêmes
de mosaïque complexe touchant à la fois la lignée germi- de 2 à plusieurs dizaines) avec une moyenne de 4 à 5 tu-
nale et certaines lignées somatiques, car la transmission meurs par individu. Leur localisation est ubiquitaire, va-
d’un phénotype NF-2 typique et complet à la génération riable suivant les séries, surtout périphérique (60 à 100 %)
ultérieure est possible. et spinale (60-80 %) ⁴²,⁴³. Des formes segmentaires sont no-

 IRM imagerie par résonance magnétique · NF-2 neurofibromatose de type 2


Schwannomatose 94-13

Coll. D. Bessis
Fig. 94.17 Schwannome cutané : tuméfaction nodulaire cutanée
et hypertrichose en regard située sur l’hémifront droit au cours d’une
neurofibromatose de type 2

Pronostic et prise en charge


Le pronostic de la schwannomatose est lié à la possibi-
lité rare de transformation maligne des schwannomes en
schwannosarcome. La qualité de vie peut être altérée par
le développement régulier de schwannomes et de douleurs
A neurogènes invalidantes. Dans la plupart des cas, aucun
traitement des schwannomes n’est nécessaire en raison de
leur caractère bénin et de leur lente évolutivité ⁴²,⁴³. La chi-
rurgie est classiquement réservée aux schwannomes symp-
tomatiques douloureux, à risque de compression nerveuse
en particulier au niveau spinal, ou en cas de suspicion de
transformation maligne. Il n’existe pas de consensus actuel
sur les modalités de surveillance à l’exception d’un examen
clinique neurologique et dermatologique régulier.
Coll. D. Bessis

B
Fig. 94.16 A. Schwannome cutané : tuméfaction cutanée brune et
pileuse de l’abdomen au cours d’une neurofibromatose de type 2. B. Gros
plan de la lésion
Coll. D. Bessis

tées dans un tiers des cas. L’association schwannomatose


et méningiome a également été décrite dans plusieurs ob-
servations et semble non fortuite. La prévalence des taches
café au lait est augmentée mais leur nombre n’excède pas Fig. 94.18 Schwannomatose (anciennement neurilemnomatose) :
quatre. volumineuse tumeur nodulaire de la face latérale de l’avant-bras
94-14 Neurofibromatoses

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Valeyrie-Allanore L, Wolkenstein P, Bessis D. Neurofibromatoses. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 :
Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 94.1-94.14.
95
Sclérose tubéreuse de Bourneville
Fabienne Ballanger, Gaëlle Quereux, Sébastien Barbarot

Manifestations cliniques 95-1 Génétique 95-6


Manifestations cutanées 95-1 Fonction de TSC1 et TSC2 95-7
Manifestations neurologiques 95-3 Mécanisme tumoral 95-7
Manifestations rénales 95-5 Répartition des mutations et corrélation génotype-phénotype
Manifestations cardiaques 95-5 95-7
Manifestations ophtalmologiques 95-5 Conseil génétique 95-7
Manifestations pulmonaires 95-5 Conclusion 95-7
Critères diagnostiques et pronostiques 95-6 Références 95-7
Suivi clinique et paraclinique 95-6

a sclérose tubéreuse de Bourneville (STB) est une affec-


L tion caractérisée par la survenue de tumeurs bénignes
(hamartomes) dans divers tissus, secondaire à la mutation
macules hypopigmentées, mesurant de un à plusieurs cen-
timètres sont ovalaires ou polygonales, classiquement en
« feuille de sorbier », souvent asymétriques (fig. 95.2). Elles
de gènes suppresseurs de tumeurs TSC1 et TSC2. Les or- peuvent siéger sur tout le tégument avec une prédilection
ganes préférentiellement atteints sont la peau, le cerveau, pour le tronc et les fesses. L’examen en lumière de Wood
les reins, les yeux et le cœur. La première description est permet de mettre en évidence des lésions débutantes, dis-
attribuée à Bourneville en 1880, qui donna son nom à cette crètes qui peuvent passer inaperçues à l’examen clinique
maladie en se référant aux lésions tubéreuses (tubers cor- simple. Lorsqu’elles sont localisées au niveau du cuir che-
ticaux) au niveau cérébral. Mais c’est en 1908 que Vogt velu, les cheveux en regard peuvent être dépigmentés. Par-
présenta la classique triade : épilepsie, retard mental, adé- fois elles peuvent prendre l’aspect d’une myriade de ma-
nomes sébacés. cules blanches de très petite taille (1-3 mm) (hypopigmen-
Le mécanisme de transmission est autosomique domi- tation en « confettis ») (fig. 95.3). Histologiquement, il existe,
nant ¹. La pénétrance et l’expressivité sont variables, ce au niveau de ces macules hypopigmentées, un nombre nor-
qui explique l’extrême variabilité des tableaux cliniques. La mal de mélanocytes mais un nombre restreint de mélano-
prévalence de la STB est estimée à 1/10 000. L’incidence somes de petite taille.
est de 1 pour 6 000 naissances ¹,².
Pourcentage de patients atteints
100 % Tubers corticaux
Manifestations cliniques Nodules
sous-épendymaires
Angio bromes
Manifestations cutanées
Fibromes
Quatre-vingt pour cent des patients porteurs de STB ont périunguéaux
une atteinte cutanée ²,³. Les macules hypopigmentées sont
en général les manifestations les plus précoces, suivies des Tumeurs rénales
plaques fibreuses du front. Les angiofibromes faciaux et les
Coll. Dr S. Barbarot, Nantes

fibromes péri-unguéaux ne surviennent que plus tardive-


ment (fig. 95.1).
Macules hypopigmentées Elles sont détectées dans 90 Rhabdomyomes
0%
à 98 % des STB ³,⁴ mais ne sont pas spécifiques de la ma- cardiaques

ladie ⁵. Elles sont le plus souvent présentes à la naissance 0 10 20 30 40 50


Âge en années
ou peuvent survenir lors des premières années de vie, gé-
néralement avant 5 ans. On constate un pic de fréquence Fig. 95.1 Pourcentage de patients atteints par chacune des lésions de
à l’adolescence puis leur fréquence diminue avec l’âge. Ces sclérose tubéreuse de Bourneville en fonction du temps

 STB sclérose tubéreuse de Bourneville


95-2 Sclérose tubéreuse de Bourneville

paupières. Le nombre de lésions est variable : de quelques


papules à peine visibles (fig. 95.5) à de larges nodules. His-
tologiquement, il s’agit d’une prolifération vasculaire et
fibromateuse.
Ces lésions apparaissent le plus souvent après 5 ans. On
note une augmentation de taille lente et progressive de ces
angiofibromes avec l’âge, principalement au moment de la
puberté et des grossesses, puis une stabilisation.
Des cas d’angiofibromes faciaux unilatéraux ont été dé-
crits : il s’agirait d’une mutation postzygotique ⁶. Il existe
un type particulier d’angiofibrome facial : la plaque fibreuse

Coll. D. Bessis
du front (fig. 95.6) qui est retrouvée chez 20 % des patients.
Il s’agit d’une plaque brun jaunâtre, légèrement surélevée,
de consistance variable. Histologiquement, cette lésion est
Fig. 95.2 Macules hypopigmentées lancéolées du thorax au cours d’une similaire aux angiofibromes mais avec une composante vas-
sclérose tubéreuse de Bourneville culaire moins importante.
Plaque « peau de chagrin » Cette plaque apparaît en gé-
Angiofibromes Ils sont pathognomoniques de la STB. néral entre 2 et 5 ans. À l’examen, elle est retrouvée chez
Les angiofibromes papulonodulaires typiques sont retrou- environ 48 % des patients souffrant de STB ³,⁴. La lésion
vés dans près de 70 à 75 % des STB ³,⁴. Ils se présentent sous se présente comme une plaque unique, discrètement sur-
la forme d’élevures de couleur rose à rouge avec une surface élevée, de surface fripée, granitée. Elle siège préférentiel-
lisse et brillante, mesurant de 1 à 10 mm. Ils sont distri- lement dans la région lombosacrée. Sa taille varie de un à
bués de manière bilatérale et symétrique au niveau médio- dix centimètres de diamètre (fig. 95.7).
facial et principalement au niveau des sillons nasogéniens Fibromes péri-unguéaux Encore appelés « tumeurs de
(fig. 95.4). Ils peuvent s’étendre au niveau du front et des Koënen », ils sont caractéristiques de la STB. Ils appa-
raissent rarement avant 10 ans, plus souvent à l’adoles-
cence, ils sont alors souvent uniques. Ensuite, leur fré-
quence augmente avec l’âge (88 % chez les plus de 30 ans) ⁴.
Chez l’adulte, ils sont le plus souvent multiples. Ils sont loca-
lisés autour ou sous les ongles des doigts et des orteils, plus
fréquemment au niveau du premier orteil. Ils se présentent
sous forme de petites proliférations oblongues, charnues,
en « grain de blé », grises ou rosées, fermes. Ils se détachent

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 95.4 Angiofibromes du visage au cours d’une sclérose tubéreuse


Fig. 95.3 Macules blanches en confettis et lancéolées du dos et plaque de Bourneville : multiples petites élevures à surface lisse et brillante, de
« peau de chagrin » paradorsale gauche (flèches) au cours d’une sclérose couleur rose, rouge et brun, et prédominant sur le sillon nasogénien et le
tubéreuse de Bourneville menton

 STB sclérose tubéreuse de Bourneville


Manifestations cliniques 95-3

Coll. D. Bessis
Fig. 95.6 Plaque fibreuse du front droit au cours d’une sclérose
tubéreuse de Bourneville

culaires (colorant pulsé, argon) se sont révélés plus effi-


caces. Le laser à l’argon est utilisé pour traiter les petites
lésions avec un bon résultat cosmétique et des cicatrices
minimes ¹⁷. Le laser CO 2 provoque un phénomène de va-
porisation des tissus lié à un effet thermique et permet
donc de détruire de façon non spécifique des tumeurs su-
perficielles ¹⁸, mais il peut provoquer des dégâts non né-
Coll. D. Bessis

gligeables au niveau de la peau périlésionnelle. La forme


« flashscanner » permet de limiter ce phénomène grâce à
une meilleure maîtrise du faisceau ⁸. Certains conseillent
Fig. 95.5 Angiofibromes débutants au cours d’une sclérose tubéreuse l’association de différents types de lasers ⁹. Le traitement
de Bourneville : micropapules brunes et groupées d’une joue et de la lèvre précoce des angiofibromes permet de limiter les risques de
supérieure complications.
Concernant les fibromes péri-unguéaux, le traitement clas-
à la partie proximale du sillon péri-unguéal et poussent pa- sique repose sur l’exérèse chirurgicale. Le laser peut être
rallèlement à l’ongle, qu’ils dépriment parfois en gouttière une alternative intéressante.
longitudinale (fig. 95.8). Ils peuvent être la seule manifesta-
tion de la STB ⁷. Manifestations neurologiques
Molluscum pendulum Ces lésions pédiculées, souples, lo- Les anomalies neurologiques au cours de la STB consti-
calisées le plus souvent au niveau du cou, sont observées tuent la première cause de morbi-mortalité ¹⁰ et sont en
chez environ 1 patient sur 5.
Tâche café au lait Leur fréquence est variable en fonction
des études (de 15 à 28 %) mais ne semble pas plus élevée
que dans la population générale. Elles ne sont donc plus
considérées comme un critère diagnostique de la STB.
Lésions buccales Les gencives, le voile du palais, la
langue peuvent être le siège de petits éléments miliaires
en semis ou de nodules fibreux : les fibromes muqueux et
plus particulièrement gingivaux sont retrouvés dans 36 %
des cas et jusqu’à 69 % en fonction de l’âge des patients
puisqu’ils sont moins communs chez les enfants que chez
les adultes (fig. 95.9). Les dents de lait ou définitives peuvent
présenter des défauts de l’émail : « pits » dentaires.
Coll. D. Bessis

Traitements des manifestations cutanées Les angiofi-


bromes constituent souvent la principale gêne chez les pa-
tients et peuvent se compliquer de surinfection ou de sai-
gnement après traumatisme. La cryochirurgie et la derma- Fig. 95.7 Plaque « peau de chagrin », de couleur brune, à surface fripée
brasion, l’électrocautérisation et le curetage ont été essayés et granitée de la région lombaire au cours d’une sclérose tubéreuse de
avec des résultats variables. Plus récemment, les lasers vas- Bourneville

 STB sclérose tubéreuse de Bourneville


95-4 Sclérose tubéreuse de Bourneville

rapport avec la présence d’hamartomes cérébraux. Le sys-


tème nerveux central est le plus fréquemment atteint, le
cervelet n’est atteint que dans 15 % des cas et l’atteinte du
système nerveux périphérique est extrêmement rare. Les
hamartomes cérébraux sont de trois types ¹-¹¹.
Tubers corticaux Ils se développent pendant la vie fœ-
tale et sont présents chez 95 % des patients atteints de STB.
Ils correspondent à des régions de désorganisation corti-
cale avec perte de différentiation entre substance blanche
et substance grise. Histologiquement, ils sont caractérisés
par la présence de neurones dysmorphiques, d’astrocytes
de grande taille et de cellules géantes. Au cours de l’évolu-
tion, ils peuvent se calcifier ou avoir une dégénérescence
kystique.
Nodules sous-épendymaires Retrouvés chez 95 % des su-
jets atteints de STB, ces lésions sont situées à la surface des
ventricules latéraux, plus rarement au niveau de l’aqueduc
de Sylvius ou du 4 e ventricule. Ils augmentent en nombre
et en taille jusqu’à l’âge de 10 ans puis se stabilisent. Ils
peuvent être responsables d’une obstruction du système
ventriculaire entraînant une hypertension intracrânienne.
Une transformation maligne est possible.

Coll. D. Bessis
Astrocytomes à cellules géantes Ils sont présents chez 6
à 14 % des patients. Ils sont situés au niveau des parois des
ventricules latéraux, notamment en regard des trous de
Monroe, exposant au risque d’hydrocéphalie par obstruc- Fig. 95.8 Fibrome périunguéal au cours d’une sclérose tubéreuse de
tion de la sortie du 3 e ventricule. Ces lésions augmentent Bourneville : prolifération oblongue, charnue, de couleur rosée surmontant
progressivement de volume tout au long de la vie (contrai- une dépression en gouttière longitudinale de la tablette unguéale de l’orteil
rement aux deux autres lésions), mais sont accessibles au en regard
traitement neurochirurgical.
L’imagerie cérébrale permet d’explorer ces anomalies. Le
scanner cérébral est utile pour détecter les nodules sous-
épendymaires calcifiés, qui sont pathognomoniques. Mais
l’IRM cérébrale est plus adaptée pour préciser le nombre et
la localisation des lésions cérébrales hamartomateuses, qui
apparaissent sous forme d’hypersignaux, typiquement au
niveau cortical ou sous-cortical. Aucun signe d’imagerie ne
permet de différencier un astrocytome à cellules géantes
d’un nodule sous-épendymaire.
L’IRM et le scanner cérébral peuvent être normaux pendant

Coll. D. Bessis
l’enfance et les lésions peuvent apparaître secondairement.
L’imagerie cérébrale reste normale chez 5 % des adultes
atteints, même chez ceux qui présentent des crises d’épilep-
sie ¹³. Il apparaît nettement que les patients ayant un plus Fig. 95.9 Fibromes muqueux gingivaux au cours d’une sclérose
grand nombre de lésions corticales à l’IRM cérébrale ont tubéreuse de Bourneville : élevures rosées et lisses prédominant sur les
une atteinte neurologique plus sévère ¹⁴. papilles interdentaires
Épilepsie Elle survient dans 70 à 90 % des cas quel que
soit l’âge et peut être isolée ou associée à d’autres manifes- l’électro-encéphalogramme. Le pronostic est généralement
tations neurologiques. Il existe une relation significative sombre. Avec la maturation corticale et sous-corticale, les
entre le volume des tubers et la présence ou l’absence d’une spasmes se résolvent parfois spontanément mais sont sou-
épilepsie ¹⁵. Tous les types d’épilepsie sont rapportés. Le vent remplacés par d’autres crises convulsives partielles ou
type le plus précoce et le plus caractéristique est le syn- généralisées. Dans 60 % des cas, l’évolution se fait vers un
drome de West (spasmes infantiles), révélateur de la STB syndrome de Lennox-Gastaut : crises atoniques et toniques
dans 70 % des cas ¹¹,¹². En revanche, la STB n’est respon- débutant vers 4 ans et salves de pointes-ondes à 2 cycles
sable que de 15 % des syndromes de West. Ce syndrome de par seconde sur l’électro-encéphalogramme. La STB est res-
West est plus fréquent chez le garçon et débute le plus sou- ponsable de 2 % des syndromes de Lennox-Gastaut. Les
vent entre 3 et 12 mois. Il correspond à la triade : spasmes épilepsies sont le plus souvent réfractaires aux traitements,
en flexion, régression psychomotrice et hypsarythmie à nécessitant le recours à des associations de plusieurs traite-

 IRM imagerie par résonance magnétique · STB sclérose tubéreuse de Bourneville


Manifestations rénales 95-5

ments médicaux et parfois à un traitement chirurgical ¹⁶. symptomatiques ont un volume supérieur ou égal à 4 cm.
Retard mental Il est constaté chez 50 à 60 % des pa- Le diagnostic d’angiomyolipome est le plus souvent fait
tients atteints de STB mais est de profondeur variable. Il sur l’échographie abdominale. La combinaison de l’échogra-
est plus fréquemment présent chez les enfants ayant des phie et du scanner permet d’affirmer le diagnostic. Dans
spasmes infantiles persistants ou d’autres types de convul- le cas des petites tumeurs, la surveillance radiologique est
sions ¹,¹². Plusieurs études ont rapporté une association préconisée. Pour les tumeurs de grande taille (supérieure à
entre nombre de tubérosités corticales, risque d’épilepsie 3,5 cm), on peut proposer une embolisation artérielle pré-
et retard mental. En effet, la survenue d’un retard men- ventive par angiographie. Une néphrectomie est indiquée
tal semble associée au nombre de tubers corticaux (plus en cas d’hémorragie massive ou de lésions de plus de 4 cm.
de 5) et à leur localisation (dans les régions frontales et Kystes rénaux Il s’agit généralement de kystes simples
occipitales). des reins. Une minorité de patients (2 %) présente une po-
Autisme La fréquence de l’autisme dans la STB est éva- lykystose rénale vraie secondaire à une délétion contiguë
luée entre 17 à 68 % ¹⁷. Le retard mental et l’épilepsie consti- affectant à la fois TSC2 et PKD1 (gène de la polykystose
tuent des facteurs de risques pour développer cet autisme. rénale autosomique dominante) sur le chromosome 16.
Par ailleurs, il a été montré, chez les sujets ayant une STB Cancer du rein L’incidence globale de carcinome rénal
avec autisme et/ou retard mental, un nombre plus impor- chez les patients atteints de STB est identique à la popula-
tant de tubers corticaux par rapport aux sujets sans retard tion générale (2-3 %) mais de survenue plus précoce ¹. Ainsi,
mental et une localisation des tubers au niveau temporal. devant une lésion hypoéchogène atypique, une ponction
Difficultés d’apprentissage Ces difficultés ont été dé- biopsie rénale doit être réalisée pour éliminer un cancer.
crites chez les sujets ayant une STB, même chez les sujets Autres atteintes Il a été décrit des cas de glomérulosclé-
ayant une intelligence normale ¹⁸. Les tests psychomoteurs rose segmentaire, de fibrose interstitielle, de microlésions
permettent de mettre en évidence des faiblesses de mémo- hamartomateuses et de microlésions intraglomérulaires.
risation, un retard de langage, une dyscalculie, des difficul-
tés visuospatiales, une apraxie. Les antécédents d’épilepsie Manifestations cardiaques
sont prédictifs de ces difficultés d’apprentissage. Les rhabdomyomes intracardiaques sont la manifestation
Autres problèmes neuropsychiatriques Une hyperacti- hamartomateuse la plus précoce de la STB, détectable dès
vité a été notée chez 59 à 86 % des patients. Des troubles 22 semaines d’aménorrhée. La découverte d’un rhabdo-
du sommeil sont retrouvés chez 60 % des patients atteints myome est fortement évocatrice du diagnostic de STB (en
de STB. particulier quand ils sont multiples). En effet, environ 80 %
des enfants ayant un rhabdomyome sont atteints de la ma-
Manifestations rénales ladie ²²-²⁴. Ces tumeurs régressent le plus souvent sponta-
nément au cours du 3 e trimestre de grossesse.
Elles sont détectées chez 94 % des patients atteints de Les manifestations cliniques liées aux rhabdomyomes sont
STB ¹⁹-²¹. Elles constituent la deuxième cause de mortalité limitées en période néonatale. La plus fréquente est la ta-
après l’atteinte neurologique et conditionnent le pronostic chycardie supraventriculaire. Il existe 4 à 6 % de décès fœtal
de la maladie. lié aux rhabdomyomes.
L’atteinte peut se manifester sous trois formes : l’angiomyo-
lipome, les kystes rénaux et le cancer du rein. Les mani- Manifestations ophtalmologiques
festations cliniques sont variées. L’hématurie est la plus L’anomalie la plus fréquente est l’hamartome rétinien astro-
fréquente, souvent révélatrice d’un angiomyolipome. Les cytique, encore appelé « phacome rétinien ». Il est associé
autres symptômes peuvent être des douleurs abdominales, à la STB dans 50 % des cas ²⁵.
des lombalgies ou une masse palpable à l’examen clinique, Il peut prendre trois formes cliniques :
mais les lésions peuvent rester asymptomatiques. − la forme plane, molle, grise, translucide, non calcifiée :
Angiomyolipome C’est l’atteinte rénale la plus fréquente : la plus fréquente ;
75 à 80 % des lésions rénales ⁴¹ au cours de la STB. Il s’agit − la forme surélevée, opaque, multinodulaire, calcifiée,
d’une tumeur bénigne hamartomateuse non encapsulée, d’aspect muriforme, « en amas de grain de tapioca » ;
composée de cellules musculaires lisses, de tissu adipeux et − la forme intermédiaire, plus rare, ayant des caractéris-
de vaisseaux sanguins anormaux. On différencie la forme tiques des deux précédentes.
sporadique (80 % des cas, tumeur de petite taille, asympto- Ces lésions sont le plus souvent asymptomatiques. Le diag-
matique, le plus souvent chez la femme à partir de 40 ans) nostic se fait lors de l’examen ophtalmologique systéma-
et la forme associée à la STB (20 % des cas, généralement tique. Les hamartomes rétiniens ne sont pas évolutifs dans
multiples, bilatéraux, augmentant de taille avec l’âge). Dans le temps. Des lésions achromiques de l’épithélium pigmen-
la plupart des cas, ces tumeurs sont asymptomatiques et dé- taire rétinien ont été décrites chez les sujets atteints de
couvertes de façon fortuite. Ces lésions sont néanmoins ca- STB dans 39 % des cas.
ractérisées par leur risque hémorragique (5 à 25 % des cas),
responsable d’hématurie et de rupture spontanée dans le ré- Manifestations pulmonaires
tropéritoine. L’importance de la symptomatologie clinique L’atteinte pulmonaire est rare (1 % des STB). Les femmes
est corrélée au volume tumoral, en effet 90 % des tumeurs sont le plus souvent touchées, particulièrement en période

 STB sclérose tubéreuse de Bourneville


95-6 Sclérose tubéreuse de Bourneville

Critères diagnostiques de la STB Tableau 95.1 Surveillance clinique et paraclinique au cours de la


Critères majeurs sclérose tubéreuse de Bourneville
– Angiofibromes faciaux et plaque fibreuse du front. Bilan initial Suivi
– Fibromes péri-unguéaux ou unguéaux non traumatiques.
– Macules hypopigmentées (au moins trois). Examen clinique
Oui Oui
– Plaque « peau de chagrin ». dermatologique
– Multiples hamartomes nodulaires rétiniens. Examen ophtalmologique Si lésions au bilan initial
Oui
– Tuber cortical. ou symptômes cliniques
– Nodule sous-épendymaire. Échographie abdominale
– Astrocytome à cellules géantes. Oui Tous les 1 à 3 ans
et rénale
– Rhabdomyome cardiaque unique ou multiple.
– Lymphangiomyomatose (l’association lymphangiomyomatose et TDM cérébrale et/ou IRM
Oui Tous les 1 à 3 ans
angiomyolipome rénal n’est pas suffisante pour poser le diagnostic de cérébrale
STB, d’autres critères doivent être présents pour poser le diagnostic). Électro-encéphalogramme Si crises d’épilepsie Si épilepsie connue
– Angiomyolipome rénal. Électrocardiogramme Seulement si
Critères mineurs Oui
symptômes cliniques
– Pits dentaires multiples.
– Polypes rectaux hamartomateux (confirmation histologique). Échographie cardiaque Inutile si
Oui
– Kystes osseux (confirmation radiologique). asymptomatique
– Lignes de migration au niveau de la substance blanche cérébrale Évaluation Entrée scolaire puis
Oui
(confirmation radiologique). neurodéveloppementale fonction des symptômes
– Fibromes gingivaux.
– Hamartomes extrarénaux (confirmation histologique). années, à la recherche d’un astrocytome à cellules
– Lésion achromique rétinienne. géantes ;
– Hypopigmentation cutanée en « confettis ». − un électro-encéphalogramme, dans les cas de crises
– Kystes rénaux multiples (confirmation histologique). convulsives ;
− une échographie rénale ;
Une sclérose tubéreuse clairement identifiée est définie par l’existence − un électrocardiogramme à la recherche d’arythmie car-
de deux critères majeurs ou d’un critère majeur et deux critères mineurs. diaque ;
Unesclérosetubéreuseprobable se caractérise par l’existence d’un critère − une échographie cardiaque à la recherche de rhabdo-
majeur et d’un critère mineur. myomes ;
Une sclérose tubéreuse possible est définie par l’existence d’un seul − une évaluation neurodéveloppementale ;
critère majeur ou de deux critères mineurs. − un examen ophtalmologique complet avec fond d’œil
95.A et angiographie à la fluoresceïne ;
− un examen dermatologique.
d’activité génitale. Les manifestations pulmonaires de la Le suivi clinique a pour but de dépister les lésions pour
STB chez l’enfant et chez l’homme sont très rares ²⁶,²⁷. lesquelles un traitement peut être proposé. Il est conseillé
Les présentations cliniques sont variées. Il s’agit le plus fré- de réaliser :
quemment d’une dyspnée d’aggravation progressive, d’un − une imagerie cérébrale (scanner ou IRM) tous les 1 à
pneumothorax spontané, plus rarement d’une toux, d’une 3 ans. La fréquence est à adapter en fonction des symp-
douleur thoracique ou d’une hémoptysie. Histologique- tômes cliniques. Pour certains, une IRM cérébrale sys-
ment, deux aspects ont été décrits : une atteinte identique tématique à 2 ans permettrait de mettre en évidence
à celle de la lymphangioléiomyomatose et plus rarement des lésions absentes à la naissance ;
une hyperplasie alvéolaire multifocale. − une échographie abdominale et rénale tous les 1 à
3 ans ;
Critères diagnostiques et pronostiques − une radiographie pulmonaire chez les femmes à l’adoles-
cence et un TDM thoracique dans le cas de symptômes.
La conférence de consensus de juillet 1998 ²⁸-³⁰ a redéfini En revanche, il n’est pas nécessaire de répéter l’examen oph-
les critères diagnostiques de la STB : voir encadré 95.A talmologique, l’échographie cardiaque et la radiographie
pulmonaire si le patient est asymptomatique.
Suivi clinique et paraclinique
Génétique
Le tableau 95.1 résume la surveillance de la maladie.
Le bilan initial a pour but de confirmer le diagnostic de STB La STB présente une hétérogénéité génétique et clinique :
et d’évaluer les atteintes. Il est conseillé de réaliser ¹,²⁹ : deux gènes responsables de STB ont été décrits et, pour
− un scanner et une IRM cérébrale. Un scanner initial une même mutation, on observe un spectre clinique très
doit être systématiquement réalisé, dans les premières large.

 IRM imagerie par résonance magnétique · STB sclérose tubéreuse de Bourneville · TDM tomodensitométrie
Références 95-7

Fonction de TSC1 et TSC2 TSC1, il n’y a pas de délétion. Les mutations ponctuelles,
Le gène TSC2 code pour la tubérine, une protéine de responsables de protéines tronquées dans la plupart des
200 kDa qui comporte un domaine GTP-ase activating pro- cas, sont également réparties de façon homogène le long
teine (GAP). Ce gène localisé en 16p13.3 ³¹ est contigu de TSC1. Très peu sont récurrentes. Les mutations de TSC2
au gène PKD1 responsable de la polykystose rénale au- sont distribuées de façon homogène et tous les types sont
tosomique dominante. TSC1 code pour une protéine de représentés : délétions, insertions, duplications, non-sens,
130 kDa : l’hamartine ³². L’association de l’hamartine aux faux-sens ³⁵. De façon générale, il semble que les mutations
protéines de la famille ERM permet d’expliquer son rôle dans TSC2 soient associées à des formes plus sévères de la
déterminant dans l’adhésion et la migration cellulaire ³³. maladie.
L’hamartine et la tubérine interagissent ensemble pour
former un complexe protéique. Il a été démontré que le Conseil génétique
complexe hamartine-tubérine est un inhibiteur sélectif de Dans la STB, il se heurte à la très grande variabilité d’ex-
la kinase mTOR, protéine clef dans la cascade contrôlant la pression. Il existe trois cas de figure :
croissance cellulaire. La perte fonctionnelle de ce complexe − la forme familiale connue ou le risque de transmission
entraîne une activation permanente de cette voie de signa- est de 50 % ; dans ce cas, un diagnostic prénatal est
lisation, ce qui pourrait être à l’origine du développement possible par biologie moléculaire lorsque la mutation
des tumeurs hamartomateuses. La découverte de l’impor- est préalablement identifiée ;
tance de mTOR dans la physiopathologie de la STB ouvre − la forme sporadique qui doit être confirmée par un exa-
de nouvelles perspectives en recherche thérapeutique par men clinique et paraclinique complet (ou par étude gé-
l’utilisation de molécules inhibitrices de kinase comme la nétique) chez les parents. Les risques pour les parents
rapamycine ³⁴. d’avoir un enfant à nouveau atteint de STB sont estimés
à 2 % dus au risque de mosaïque germinal. Un diagnos-
Mécanisme tumoral tic prénatal est indiqué si la mutation a été identifiée ;
L’apparition des tumeurs hamartomateuses est liée à une − la découverte fortuite de rhabdomyomes à l’échogra-
perte d’hétérozygotie (LOH). C’est-à-dire qu’en plus de la phie anténatale du deuxième trimestre. La présence de
mutation d’un allèle de TSC1 ou TSC2 hérité d’un des deux rhabdomyomes multiples est quasi pathognomonique
parents, une seconde mutation (en général une délétion) de STB. Le suivi des cas dépistés en anténatal montre
survient de façon aléatoire sur le second allèle au cours de que près d’un tiers présenteront un retard d’acquisition
la vie du patient. La tumeur est donc secondaire à une ano- plus ou moins associé à une épilepsie.
malie récessive de TSC1 ou TSC2, mais le type de transmis-
sion observé est autosomique dominant. Ces observations Conclusion
tendent à prouver que TSC1 et TSC2 sont des gènes sup-
presseurs de tumeur. La LOH a été décrite dans une large L’accélération des découvertes sur la STB a conduit à pro-
variété d’hamartomes ou de tumeurs plus agressives. poser de nouveaux critères diagnostiques et une stratégie
de surveillance des patients, de manière à identifier pré-
Répartition des mutations et corrélation génotype-phénotype cocement les atteintes viscérales et à proposer un traite-
Les mutations de TSC1 sont plus fréquentes dans les ment efficace. Les avancées dans le domaine de la géné-
formes familiales alors que les mutations de TSC2 sont tique donnent la possibilité d’un diagnostic prénatal et du
plus fréquentes dans les formes sporadiques. Au niveau de conseil génétique malgré la diversité des mutations.

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95-8 Sclérose tubéreuse de Bourneville

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Ballanger F, Quereux G, Barbarot S. Sclérose tubéreuse de Bourneville. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine,
vol. 4 : Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 95.1-95.8.
96
Hypomélanose de Ito
et mosaïcismes pigmentaires
Jean-Philippe Lacour

Manifestations cutanées 96-1 Anomalies musculo-squelettiques 96-4


Aspects cliniques 96-1 Anomalies oculaires 96-4
Diagnostic différentiel 96-1 Autres 96-4
Aspects histopathologiques 96-2 Génétique 96-5
Manifestations extra-cutanées 96-2 Physiopathologie 96-5
Anomalies neurologiques 96-3 Références 96-6

’hypomélanose de Ito (HI) est une génodermatose


L caractérisée par des alternances de bandes cutanées
hypo- et normopigmentées, suivant les lignes de Blaschko,
l’originalité, avec une confluence de petites macules répar-
ties de façon linéaire sur les membres, en éclaboussures,
en tourbillon sur le tronc, suivant les lignes de Blaschko,
uni- ou bilatérales, apparaissant en général les premières avec arrêt net au niveau de la ligne médiane ⁵ (fig. 96.1 à 96.3).
années de vie. Son incidence est estimée entre 1/8 000 et L’examen en lumière de Wood (ou la saison estivale) per-
1/10 000. Le sex-ratio est variable selon les études, mais met de révéler ou de confirmer ces zones dépigmentées. Les
semble équilibré. Les lésions dermatologiques peuvent manifestations cutanées sont le plus souvent présentes à
être isolées ou associées, dans 75 % des cas environ, à la naissance (40 % des cas), ou apparaissent lors de la pre-
des manifestations neurologiques, oculaires et musculo- mière année de vie (30 % des cas), plus rarement entre 1
squelettiques. Les anomalies neurologiques sont les plus et 20 ans ⁶,⁷. Elles ne sont pas précédées de signes inflam-
fréquentes et sont en rapport avec des troubles de la migra- matoires ou de lésions verruqueuses, ce qui permet de les
tion neuronale. différencier de l’incontinentia pigmenti. Ces lésions peuvent
L’HI a été décrite en 1952 par Minor Ito, dermatologue régresser après de nombreuses années.
japonais, chez une femme qui présentait des macules hy- D’autres lésions cutanées associées sont retrouvées dans
popigmentées systématisées, bilatérales, sur le tronc et les 30 à 40 % des cas : taches café au lait, nævus de Ota, an-
extrémités. Cette dermatose a initialement été considérée giome plan, tache mongoloïde, trichorrhexie, hyper ou hy-
comme un nævus achromique systématisé, puis appelée à potrichose focales. On décrit également des troubles pig-
tort « incontinentia pigmenti achromians » avant d’être bapti- mentaires des cheveux qui pourraient être les témoins du
sée HI. La définition d’HI en tant qu’entité propre est dis- mosaïcisme (fig. 96.4).
cutée. Il s’agit en fait d’un groupe hétérogène d’affections,
dont le dénominateur commun est un mosaïcisme pigmen- Diagnostic différentiel
taire ¹. Ces anomalies cutanées sont dues à l’existence de L’incontinentia pigmenti a des critères bien distincts qui per-
deux clones cellulaires cutanés survenant à un stade em- mettent de la différencier de l’HI. La transmission géné-
bryonnaire précoce. La migration de ces deux clones, selon tique liée à l’X est létale chez l’individu de sexe masculin,
les voies de migration embryonnaire, détermine les alter- avec un sex-ratio de 1/37. Les lésions cutanées évoluent
nances de bandes de pigmentation différentes ²-⁴. selon différents stades successifs : stade I : inflammatoires
et vésiculeuses ; stade II : verruqueuses ; stade III : hyper-
Manifestations cutanées pigmentées ; stade IV : dépigmentées et cicatricielles.
L’hamartome achromique (ou nævus achromique) se carac-
Aspects cliniques térise par des macules hypopigmentées, bien limitées, à
Les lésions cutanées sont des macules hypopigmentées al- bordure irrégulière dentelée, stables dans le temps (fig. 96.5).
lant de l’achromie totale à une pigmentation légèrement L’hamartome achromique solitaire ou isolé est la forme
plus claire que la peau normale. Leur disposition en fait la plus commune mais il existe aussi des formes segmen-

 HI hypomélanose de Ito
96-2 Hypomélanose de Ito et mosaïcismes pigmentaires

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 96.1 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito : multiples macules
hypopigmentées réparties de façon linéaire sur les membres supérieurs

taires et systématisées en bandes ou « tourbillonnantes », Fig. 96.2 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito : multiples macules
moins fréquentes (fig. 96.6). Ce type de lésion n’est habituel- hypopigmentées réparties de façon linéaire sur les membres inférieurs
lement pas associé à des anomalies extra-cutanées. Les
limites avec l’HI sont floues dans les formes segmentaires Aspects histopathologiques
qui pourraient correspondre à une HI sans anomalies extra- Le nombre des mélanocytes est normal ou diminué ; leur
cutanées. taille est souvent plus petite ; il existe une diminution de
Les troubles pigmentaires segmentaires décrits par Metz- l’activité mélanogénique. Les granules de mélanine sont
ker se présentent comme des lésions hypo ou hyperpigmen- réduits en nombre au sein des kératinocytes basaux et
tées en bandes, dont la distribution suit les dermatomes, intermédiaires ⁹. Sur le plan ultrastructural, des anoma-
avec délimitation nette sur la ligne médiane ⁸. Ces lésions lies variées ont été rapportées, témoignant du caractère
cutanées semblent isolées puisque aucune association avec polymorphe de l’HI ¹⁰. Elles touchent principalement les
d’autres anomalies, en particulier neurologiques, n’a été mélanocytes : diminution du nombre des mélanosomes,
rapportée. La cause de ce trouble pigmentaire est inconnue. prédominance des types III et IV, parfois disposés en
Il pourrait aussi s’agir d’un mosaïcisme pigmentaire. agrégats ; signes dégénératifs mélanocytaires avec dimi-
L’hypermélanose nævoïde linéaire et tourbillonnante a une nution de leur taille, forme arrondie, dendrites courts,
distribution caractéristique selon les lignes de Blaschko, vacuoles autophagiques et inclusions lipidiques. Des ano-
mais se distingue de l’HI par une hyperpigmention en malies mélanosomiales ont aussi été décrites dans les ké-
bande ou en tourbillon. Cependant, dans certains cas, des ratinocytes. Un riche réseau nerveux constitué d’axones
difficultés diagnostiques se posent car dans l’HI, il n’est non myélinisés a parfois été observé dans le derme papil-
pas toujours facile de distinguer ce qui est hypo, normo ou laire.
hyperpigmenté.
Des difficultés diagnostiques peuvent aussi se poser avec Manifestations extra-cutanées
les macules hypopigmentées de la sclérose tubéreuse de
Bourneville et des lésions dépigmentées acquises post- Elles sont présentes dans 75 % des cas environ, touchant
inflammatoires, en particulier le lichen striatus au stade essentiellement le système nerveux central, le squelette et
d’hypopigmentation (fig. 96.7). les yeux.

 HI hypomélanose de Ito
Manifestations extra-cutanées 96-3

Coll. D. Bessis
Fig. 96.4 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito du scalp : dépigmentation
des cheveux de couleur orangée sur une zone localisée occipitale
Coll. D. Bessis

Fig. 96.3 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito : multiples macules


hypopigmentées réparties de façon linéaire sur le dos. La distinction entre
peau dépigmentée et peau normale est parfois délicate comme dans ce cas

Anomalies neurologiques
Ce sont les plus fréquentes (70 % des cas), justifiant la clas-
sification de l’HI parmi les syndromes neurocutanés ¹¹. La
sévérité des atteintes neurologiques n’est pas corrélée à

Coll. D. Bessis
l’étendue de l’hypopigmentation, mais elle est liée à la pré-
cocité d’apparition des symptômes neurologiques.
Les manifestations cliniques sont variables ¹¹,¹² :
− 70 % des sujets atteints d’HI présentent un retard men- Fig. 96.5 Hamartome achromique solitaire : macule achromique
tal avec un QI < 70 ; 15 % sont à la limite du QI normal grossièrement rectangulaire, à bord dentelé du creux susclaviculaire
pour l’âge ;
− des convulsions surviennent dans 40 % des cas envi- la marche, surdité, anomalies cérébelleuses avec atro-
ron. Il s’agit le plus souvent de spasmes infantiles ou phie cérébelleuse et ataxie...
d’épilepsie myoclonique. Leur particularité est une sur- L’IRM cérébrale met souvent en évidence des lésions po-
venue précoce, généralement pendant la première an- lymorphes et asymétriques ¹³,¹⁴. Les plus fréquentes sont
née de vie, et une tendance à la résistance aux anti- l’hémimégalencéphalie, la lissencéphalie, la micropolygyrie,
convulsivants entraînant une difficulté de contrôle thé- des hétérotopies de la substance grise en foyers à l’intérieur
rapeutique ; de la substance blanche, une atrophie et/ou dilatation des
− des troubles neuro-psychiatriques sont possibles avec ventricules cérébraux, une porencéphalie, des anomalies
un comportement autistique dans 10 % des cas, une de la substance blanche avec mise en évidence de petits
hyperactivité et des troubles du langage ; foyers clairs sur les séquences en T2 qui correspondent à
− d’autres anomalies ont été décrites : hypotonie muscu- des groupes de cellules nerveuses géantes hétérotopiques,
laire, macro ou microcéphalie, hémiparésie, troubles de accompagnées de gliose et d’un défaut de myélinisation ¹⁵,

 HI hypomélanose de Ito · IRM imagerie par résonance magnétique


96-4 Hypomélanose de Ito et mosaïcismes pigmentaires

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 96.7 Lichen striatus au stade d’hypopigmentation


Fig. 96.6 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito : la différenciation avec post-inflammatoire : le caractère acquis et la persistence de lésions rosées
un hamartome achromique segmentaire isolé est parfois délicate « lichéniennes » permettent le diagnostic

une atrophie ou hypoplasie cérébelleuse ¹⁶, une atrophie du avec hypertrophie ou hypotrophie d’un membre, hypertro-
tiers postérieur du corps calleux... phie hémicorporelle, genu valgum)...
De rares études neuropathologiques ont montré une désor-
ganisation complète de la cytoarchitecture cérébrale tradui- Anomalies oculaires
sant une anomalie de la morphogenèse du cortex cérébral Les plus fréquentes sont l’exotropie, la myopie, les malfor-
avec coexistence de cellules nerveuses ayant eu une migra- mations du nerf optique et des troubles pigmentaires au
tion normale, de cellules nerveuses présentant un « arrêt fond d’œil ¹⁸. On peut également observer un strabisme, un
en route » et de cellules nerveuses caractérisées par une épicanthus, un hypertélorisme, une microphtalmie, une
absence totale de migration ¹⁷. Ces anomalies histopatho- hétérochromie irienne, des opacités cornéennes, une ca-
logiques orientent vers une perturbation de la migration taracte congénitale, une mélanose sclérale, une dacryosté-
des cellules nerveuses durant la maturation cérébrale, per- nose, un ptosis, un nystagmus, une exophtalmie. Certaines
turbant l’architecture du cortex cérébral et de la substance anomalies pigmentaires au fond d’œil suggèrent un mo-
blanche. saïcisme génétique des cellules épithéliales pigmentaires
rétiniennes ¹⁹.
Anomalies musculo-squelettiques
Les plus fréquentes sont la scoliose, les déformations du Autres
thorax (pectus carinum, pectus excavatum), les déformations Diverses anomalies dentaires sont décrites : dysplasies ou
des doigts (syndactylie, polydactylie, brachydactylie, clino- hypoplasies dentaires, anodontie partielle, agénésie des mo-
dactylie). D’autres anomalies musculo-squelettiques sont laires, anomalies d’implantation et d’espacement des dents,
plus rares : malformations du massif facial (hypertélorisme, anomalies de l’émail (rayures, cannelures), hamartomatous
palais ogival, asymétrie du visage, fente labiale ou palatine, dental cusps (excroissances en forme de griffe de la surface
oreilles malformées, macrocéphalie, retard de fermeture de palatine des couronnes dentaires, donnant l’aspect d’une
la fontanelle), des malformations des membres (asymétrie deuxième rangée de dents) ²⁰. Des anomalies des dermato-
Physiopathologie 96-5

chromosome 18. La plupart de ces altérations se présentent


sous forme de mosaïques avec aneuploïdie ou transloca-
tions chromosomiques déséquilibrées. Les plus fréquentes
sont : mosaïque trisomie 18, diploïdie/triploïdie, mosaïque
d’aneuploïdie pour les chromosomes sexuels ²⁶.
La tétrasomie 12p en mosaïque définit le syndrome de
Pallister-Killian qui associe, outre le mosaïcisme pigmen-
taire (fig. 96.8), une dysmorphie faciale caractéristique (front
haut proéminent, hypertélorisme, racine du nez large et
aplatie, fentes palpébrales légèrement obliques en haut et
en dehors, nez court et narines antéversées, philtrum long
et lèvre supérieure proéminente), de fréquentes malforma-
tions viscérales surtout cardiaques (communication inter-
ventriculaire) et abdominales (hernies diaphragmatiques)
et un retard mental profond avec épilepsie ²⁷.
La transmission de l’HI est presque constamment spora-
dique. Certains auteurs ont décrit des cas familiaux mais
ces observations sont insuffisamment documentées ²⁸.

Physiopathologie
Coll. D. Bessis
Les anomalies cytogénétiques constatées dans l’HI pour-
raient concerner des gènes intervenant dans la pigmenta-
Fig. 96.8 Syndrome de Pallister-Killian (tétrasomie 12p en mosaïque) : tion cutanée. Elles seraient donc responsables d’anomalies
macules hypochromes à disposition linéaires sur l’avant-bras et non mélanocytaires pouvant toucher la fonction de mélanogé-
systématisées sur le bras et la jambe nèse ou les capacités de migration, de différenciation, ou
de survie des mélanoblastes et des mélanocytes. Cepen-
glyphes, une puberté précoce, une cardiopathie congénitale dant, ces hypothèses n’ont jamais été vérifiées car, du fait
ou diverses malformations uro-génitales (duplication uré- des difficultés de culture mélanocytaire, le caryotype des
térale, acidose tubulaire rénale, micropénis, cryptorchidie) mélanocytes n’a encore jamais été réalisé. En effet, l’ana-
sont également rapportées de façon ponctuelle. lyse de l’ADN sur des cultures de mélanocytes provenant
de prélèvements de peau hypopigmentée et de peau nor-
Génétique male pourrait détecter le mosaïcisme génomique et établir
une corrélation entre la présence de la mutation génique
Plusieurs types d’anomalies cytogénétiques ont été rappor- dans les mélanocytes de la peau atteinte et l’absence de
tées au cours de l’HI. Le fait que de multiples anomalies cette mutation dans les mélanocytes de la peau normale.
chromosomiques puissent donner un même phénotype Dans ces conditions, les altérations génétiques pourraient
clinique va contre l’hypothèse d’une localisation monogé- alors être envisagées comme des facteurs étiologiques de
nique et a conduit à considérer l’HI comme un marqueur l’HI.
cutané non spécifique d’un mosaïcisme génétique, et non Cependant, si l’on considère les interactions étroites qui
comme une entité distincte. existent entre kératinocytes et mélanocytes au sein de
Les anomalies cytogénétiques peuvent être dépistées à par- l’unité épidermique de mélanisation, on ne peut éliminer
tir du caryotype lymphocytaire sanguin, mais parfois uni- la possibilité qu’une mutation touchant une fonction kéra-
quement à partir du caryotype fibroblastique et/ou kéra- tinocytaire de contrôle de la mélanisation soit responsable
tinocytaire. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un mosaï- des troubles pigmentaires observés. Dans ce cas l’anomalie
cisme concernant, soit les autosomes (mosaïcisme géno- serait primitivement kératinocytaire.
mique) ²¹, soit le chromosome X (mosaïcisme fonctionnel Il arrive que les caryotypes constitutionnels lymphocy-
selon la théorie de l’inactivation de l’X) ²². Dans les deux taires, fibroblastiques et kératinocytaires soient normaux.
cas, des anomalies cytogénétiques ont été caractérisées et Il est possible que le mosaïcisme ne puisse pas être dépisté
localisées sur les chromosomes en cause. Les chromosomes par les techniques cytogénétiques usuelles quand il s’agit
sexuels sont impliqués dans 58,8 % des cas, avec 53 % pour de petites délétions ou de mutations ponctuelles, parfois à
le chromosome X et 16,6 % pour le chromosome Y, les auto- l’échelon moléculaire. D’autre part, il est possible que l’ano-
somes dans 47 % des cas (chromosomes 2, 8, 9, 12, 13, 15, malie cytogénétique soit limitée à la lignée mélanocytaire.
14, 18 et 22) ²³-²⁵. Certaines régions chromosomiques sont Seule l’étude du caryotype mélanocytaire permettrait de
plus souvent touchées : bras court du X, bras court du 12, répondre à cette question.

 HI hypomélanose de Ito
96-6 Hypomélanose de Ito et mosaïcismes pigmentaires

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Lacour JP. Hypomélanose de Ito et mosaïcismes pigmentaires. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 :
Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 96.1-96.6.
97
Maladies rares neurologiques et
dermatologiques
Odile Enjolras

Télangiectasie héréditaire hémorragique (maladie de Nævomatose basocellulaire 97-10


Osler-Rendu-Weber) 97-1 Maladie de Menkès 97-11
Cavernomes cérébraux et malformations vasculaires Maladie de Hartnup 97-12
cutanées hyperkeratosiques et capillaroveineuses 97-5 Incontinentia pigmenti 97-12
CADASIL 97-6 Syndrome de Sjögren-Larsson 97-14
Ataxie télangiectasie ou syndrome de Louis Bar 97-6 Syndrome de Conradi-Hünermann-Happle ou
Syndrome malformations capillaires- malformations chondrodysplasie ponctuée dominante X2 97-14
artérioveineuses 97-6 Syndrome de Waardenburg 97-15
Maladie de Fabry ou d’Anderson-Fabry 97-7 Références 97-15

C e chapitre met l’accent sur les troubles neurocutanés


rares résultant de génodermatoses d’origine vascu-
laire ou non (tableau 97.1 et tableau 97.2), à l’exception des neuro-
jeure, nécessitant non seulement des cures répétées de fer
pour compenser l’anémie ferriprive microcytaire générée,
mais aussi des transfusions sanguines en cas de déglobu-
fibromatoses et de la sclérose tubéreuse de Bourneville abor- lisation brutale sévère. Les traitements par coagulations
dées dans le chap. 94, « Neurofibromatoses » et dans le chap. 95, répétées au fil des années, qu’elles soient chimique, par élec-
« Sclérose tubéreuse de Bourneville ». trodessication ou par laser, comportent un risque de perfo-
ration de la cloison nasale qui complique la situation locale,
d’autant plus que les télangiectasies viennent souvent s’im-
Télangiectasie héréditaire hémorragique planter sur ses bords. Les localisations digestives touchent
(maladie de Osler-Rendu-Weber) tous les segments de l’appareil digestif et sont sources aussi
bien d’hématémèse que de méléna. Elles concernent 15 %
Cette maladie de transmission autosomique dominante est des malades ¹ et causent également une anémie ferriprive.
fréquente et de gravité et expression très variables au sein Elles sont objectivées par les diverses endoscopies : fibro-
d’une même famille. Elle est définie par l’existence de té- scopie gastrique, coloscopie, entéroscopie haute et basse ;
langiectasies et par leurs conséquences hémorragiques. Il la capsule vidéoentéroscopique libre, d’introduction plus ré-
s’y associe d’autres manifestations systémiques. Ces dila- cente, permet de localiser une zone de saignement d’accès
tations touchent les veinules post-capillaires et à un stade difficile aux endoscopes.
avancé on observe une absence de réseau élastique pariétal Les manifestations systémiques sont de 2 types : 1o cer-
et des connections artériolaires directes. tains patients ont une hépatomégalie douloureuse, avec
Les télangiectasies se développent à partir de la fin de une cirrhose hépatique atypique associée, des troubles
la première décennie et se multiplient dès l’adolescence, marqués de la coagulation sanguine, et un risque de fi-
continuant à apparaître toute la vie. Elles sont de type brose hépatique, d’hypertension portale et d’encéphalo-
varié : points, étoiles, micronodules, de couleur rouge à pathie portocave ¹,³ ; 2o certains patients sont égale-
pourpre (fig. 97.1 à 97.3). Elles sont présentes sur la peau (vi- ment porteurs de fistules artérioveineuses et malforma-
sage, doigts) mais aussi sur les muqueuses (lèvres, langue, tions artérioveineuses, de siège pulmonaire (30 %), céré-
nez..) et au niveau viscéral (tube digestif surtout). Leur loca- bral (10 %), médullaire et hépatique (30 %) ¹. Les locali-
lisation muqueuse nasale, qui concerne 90 % des patients ¹ sations cérébrales peuvent devenir brutalement sympto-
est visualisée en vidéoscopie ; elle est plutôt de siège nasal matiques (crises convulsives, accidents ischémiques tran-
antérieur ². Elle est responsable d’epistaxis qui surviennent sitoires, hémorragie cérébrale..). Pour autant, il n’y a pas
au moindre trauma ou desséchement de la muqueuse et aux encore de consensus international concernant la nécessité
simples inspirations profondes. Leur gravité peut être ma- d’un bilan neuroradiologique systématique. Par contre, les
97-2 Maladies rares neurologiques et dermatologiques

Tableau 97.1 Génodermatoses vasculaires à expression neurologique

Syndrome Clinique Hérédité Gènes mutés Protéine


Télangiectasie héréditaire Télangiectasies AD THH1 : ENG (9q34.1) Endoglin et ALK1 = récepteurs
hémorragique (syndrome de Hémorragies THH2 : ALK1 (12q11-q14) TGF-β
Osler-Weber-Rendu) Anémie THH3 : (gène ?) (5q31.3-q32)
Fistules et malformations
artérioveineuses (cerveau, foie,
poumons)
Abcès cérébraux
Cirrhose
Cavernomes familiaux cérébraux Céphalées AD CCM1 : KRIT1 (7q21-22) KRIT-1
Convulsions Autres : Autres ?
Accident vasculaire cérébral CCM2 (7p15-p13)
Hémorragie cérébrale CCM3 (3q25.2-27)
Malformation capillaroveineuse
cutanée hyperkératosique
CADASIL (Cerebral arteriopathy, Migraines, troubles du AD NOTCH3 (19p13.2-p13.112) Accumulation de protéine
dominant autosomal, subcortical comportement, démence NOTCH-3 dans parois vasculaires
infarcts, leukoencephalopathy) Accidents ischémiques cérébraux cérébrales, muscles, nerfs et
sous-corticaux et peau
leucoencéphalopathie
Pas de signe cutané mais
possibilité de diagnostic sur
biopsie de peau (en microscopie
électronique dépôts granuleux
osmiophiles)
Ataxie Télangiectasie ou Télangiectasies AR ATM (11q22–23) ATM (protéine semblable à
syndrome de Louis Bar Ataxie cérébelleuse phosphatidylinositol-3 kinase)
Déficit immunitaire humoral et
cellulaire
Infections respiratoires
Anomalies endocrines
Malformation capillaire- Malformations artérioveineuses AD RASA1 (5q13.3) p120-Ras-GAP
Malformation artérioveineuse de sièges divers dont cérébral
Macules capillaires
Maladie de Fabry Angiokératomes corporels diffus RLX GAL A (chr. X) Déficit en enzyme α
Acroparesthésies galactosidase A
Atteintes rénale, cardiaque,
pulmonaire, neurologique
centrale, oculaire, osseuse
Syndrome d’Ehlers-Danlos Peau fine, vaisseaux AD COL3A15 (2q31) Chaîne α1 du collagène III : les
« vasculaire » (voir chap. 87, anormalement visibles mutations affectent sa sécrétion
« Dysplasies héréditaires du tissu Dysmorphie faciale et la formation de la triple
conjonctif ») Malformations artérioveineuses hélice, d’où une fibrillogenèse
Fistules arérioveineuses durales, altérée et la fragilité des tissus
Ruptures artérielles, utérine et
digestives
AD : autosomique dominant AR : autosomique récessif RLX : récessif lié à l’X

 THH télangiectasie héréditaire hémorragique


Télangiectasie héréditaire hémorragique (maladie de Osler-Rendu-Weber) 97-3

Tableau 97.2 Autres génodermatoses à expression neurologique (à l’exception de la NF et de la STB)


Syndrome Clinique Hérédité Gène muté Protéine, fonction
Nævomatose Nævi et carcinomes basocellulaires AD PTCH (9q22.3-31) Récepteur patched régulant négativement
basocellulaire Puits palmaires et plantaires l’effet Sonic Hedghog
(syndrome de Gorlin) Kératokystes odontogéniques
Anomalies squelettiques, dentaires, neurologiques
(calcification de la faux du cerveau, tumeurs du
système nerveux central), retard mental
Sensibilité aux ultra-violets et à la radiothérapie
Maladie de Cowden Trichilemmomes, papules faciales (fibromes scléreux), AD PTEN (10q23-31) Perte de fonction de la protéine, une
(syndrome des Papillomatose orale phosphatase
hamartomes multiples) : Acrokératose, kératoses palmoplantaires
voir « Maladie de Polypose intestinale
Cowden et syndrome des Atteinte neurosensorielle type maladie de
hamartomes par Lhermitte-Duclos (gangliocytome du cervelet)
mutation du gène Retard mental, épilepsie, méningiomes
PTEN », p. 82-4 Risque accru de tumeurs malignes (sein, endomètre,
thyroïde)
Syndrome de Macrocéphalie AD PTEN (10q23-31) Phosphatase
Bannayan-Riley- Retard psychomoteur
Ruvalcaba Pseudo-œdème papillaire
Lentiginose génitale
Polypose intestinale hamartomateuse
Anomalies orthopédiques, thyroïdiennes (goitre,
cancer), vasculaires
Maladie de Menkes Retard mental, convulsions, hypotonie RLX MNK (Xq13.q13) ATP7ase (une ATPase membranaire de
Peau pâle, cheveux rares et pâles, pili torti type P liant le Cu)
Dysmorphie
Décès dans l’enfance
Incontinentia pigmenti Lésions cutanées linéaires (4 stades : vésiculo-bulleux DLX NEMO (NF-kappaB Protéine impliquée dans l’activation du
(syndrome de néonatal, verruco-lichénoïde pigmentaire, tardif essential facteur de transcription NF-kappa B
Bloch-Sulzberger) atrophique et hypopigmenté) modulator/IKK
Anomalies dentaires, oculaires, osseuses, musculaires gamma)
et squelettiques, neurologiques (convulsions, retard (Xq28)
mental...)
Touche essentiellement les filles (létal chez le
garçon ?)
Syndrome de Érythrodermie ichtyosiforme et hyperkératose DLX EBP Enzyme 8-7 stérol-isomérase (voie
Conradi-Hünermann- folliculaire Blaschko-linéaires (emopamil-binding- biosynthèse du cholestérol)
Happle Épiphyses ponctuées protein)
Nanisme et scoliose, anomalies squelettiques diverses
Troubles pigmentaires
Anomalies auditive et oculaire
Dysmorphie faciale
Neuro-icthyose du Ichtyose, AR FALDH 3A2 Déshydrogénase microsomale d’alcools à
syndrome de Paraparésie spastique, (fatty aldehyde longues chaînes ; la mutation entraîne un
Sjögren-Larsson Retard mental dehydrogenase) déficit d’oxydoréduction des alcools gras
Fréquence en Suède
Syndrome de Achromie cheveux et peau (piébaldisme, zones de AD PAX3 (2q35) Facteur de survie des mélanocytes
Waardenburg type 1 poliose)
Surdité congénitale
Hétérochromie irienne
Dysmorphie faciale (large glabelle, dystopie canthale)
Syndrome de Hartnup Dermatose pellagroïde AR SLC6A19 (5p15.33) Transporteur Hartnup (homologue
Photosensibilité humain du B0AT1 murin), transport des
Ataxie cérébelleuse, tremblements acides aminés neutres ou à noyau
Hyperaminoacidurie aromatique à travers les membranes des
cellules de la muqueuse intestinale et du
tubule rénal proximal
AD : autosomique dominant AR : autosomique récessif RLX : récessif lié à l’X DLX : dominant lié à l’X
97-4 Maladies rares neurologiques et dermatologiques

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Fig. 97.2 Télangiectasies labiales au cours de la télangiectasie
héréditaire hémorragique

Fig. 97.1 Télangiectasies linguales au cours de la télangiectasie


héréditaire hémorragique

fistules et malformations artérioveineuses pulmonaires,


souvent multiples, doivent être systématiquement recher-
chées par scanner thoracique, et traitées ce qui est souvent
possible. Elles sont asymptomatiques, ou responsables de
dyspnée, d’hippocratisme digital, de polyglobulie, voire
d’hémorragie en cas de rupture de ces vaisseaux fragiles
dans une bronche (hémoptysie) ou en surface pleurale (hé-
mothorax). Surtout, leur présence, qui réalise un shunt
droit-gauche avec perte du filtre bactérien pulmonaire, crée

Coll. D. Bessis
un risque majeur d’abcès cérébral, par embolie septique,
avec son cortège symptomatique ⁴.
La THH est monogénique, autosomique dominante, d’ex-
pressivité variable. Les formes homozygotes, avec deux Fig. 97.3 Télangiectasies de la face palmaire des doigts au cours de la
parents atteints, seraient létales. Actuellement deux géno- télangiectasie héréditaire hémorragique
types sont identifiés et un troisième est en cours d’identifi-
cation. Le polymorphisme des manifestations vasculaires allèle-spécifique (PCR-SSP) permettent une approche ra-
n’est pas expliqué actuellement, malgré cette hétérogénéité pide du diagnostic moléculaire ; elles ont confirmé la bonne
génétique ⁵,⁶. Cependant il existe une corrélation entre gé- corrélation génotype-phénotype ¹². Il semble qu’il y ait près
notype et phénotype ⁷,⁸. THH1 (OMIM 187300) est liée de deux fois plus de risques de malformations artériovei-
à une mutation de l’endogline (ENG) et le gène muté est neuses pulmonaires et cérébrales au cours de THH1 ⁷,¹⁰,
localisé en 9q34.1. THH2 (OMIM 600376) est lié à une et que THH2 comporte un risque plus élevé de malforma-
mutation d’ALK-1 (ACVRL1), et le gène muté est localisé tions artérioveineuses hépatiques. Il semblerait aussi que
en 12q13 ⁹,¹⁰. ENG et ALK-1 participent au complexe ré- en cas de THH1 les femmes atteintes aient plus de risque
cepteur du TGF-β. Il a été rapporté des familles atteintes d’avoir des malformations artérioveineuses pulmonaires
de THH avec des fistules artérioveineuses pulmonaires, et que les hommes. Les anomalies hépatiques seraient plus
non liées à des mutations de ENG ou de ALK-1 ¹¹. Un troi- fréquentes en cas de THH2 mais existent aussi au cours de
sième locus (THH3) a récemment été identifié en 5q31.3- THH1 ⁸,¹⁴,¹⁵. Il existe un modèle murin de souris déficiente
32, et un quatrième (THH4) sur le chromosome 7 ¹². Un pour ENG marqué par le développement d’épistaxis et de
des intérêts du dépistage génétique précoce et des tests de télangiectasies ¹⁶.
biologie moléculaire est de déterminer ceux qui, au sein Le plus souvent les traitements sont purement symptoma-
d’une famille concernée, doivent être suivis et subir un dé- tiques ou préventifs. Les diverses télangiectasies peuvent
pistage de malformations artérioveineuses viscérales dont être photocoagulées à l’aide de différents lasers. Les télan-
certaines sont susceptibles de bénéficier d’un traitement ¹². giectasies nasales sont coagulées chimiquement ou par élec-
Ceci peut être réalisé même chez le nouveau-né ⁹. Il a en trocoagulation ou laser, et elles peuvent aussi très effica-
effet été rapporté 9 cas d’hémorragie cérébrale létale com- cement être sclérosées à l’aide de micro-injections in situ
pliquant une malformation artérioveineuse cérébrale non d’Ethibloc. Une récente avancée thérapeutique pourrait
dépistée chez des nourrissons et des enfants appartenant être liée à l’utilisation du thalidomide en raison de son
à des familles atteintes de THH ¹³. Les techniques de PCR rôle dans la maturation vasculaire, c’est-à-dire du recou-

 THH télangiectasie héréditaire hémorragique


Cavernomes cérébraux et malformations vasculaires cutanées hyperkeratosiques et capillaroveineuses 97-5

fois « caverneux » ou sinusoïdes, noyés dans une matrice


collagène et situés dans le parenchyme cérébral. L’affec-
tion est soit sporadique, soit, dans la moitié des cas, fa-
miliale à transmission autosomique dominante avec plu-
sieurs génotypes. Le risque neurologique va des céphalées
aux crises convulsives (les convulsions sont la première
manifestation chez 55 % des patients), et aux accidents
vasculaires cérébraux, déficits ischémiques focaux et hé-
morragies cérébrales (qui, elles, constituent 32 % des symp-
tômes initiaux) ¹⁸. L’âge de révélation est très variable (2
à 72 ans, en moyenne 29,7 ans) ¹⁸. Le nombre de lésions
est très variable (fig. 97.4) et il tend à beaucoup augmen-
ter avec les années ; certains sujets resteront asymptoma-
tiques ; quelques adultes porteurs de mutation de KRIT1
(5/202) examinés par Labauge et al. n’avaient aucune lésion
cérébrale ¹⁸. Trois locus ont été identifiés : en 7q, 7p et 3q.
CCM1 a été localisé en 7q11-22 et ce génotype correspond
à des mutations de KRIT1 ¹⁸,¹⁹. CCM2 localisé en 7p15-p13,
correspond à des mutations de MGC 4607 (malcavernine).

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CCM3 est localisé en 3q25.2-27 et est lié à des mutations
de PDCD10.
Dans certaines familles, les sujets atteints des lésions cé-
rébrales de CCM développent sur la peau une lésion vascu-
laire très particulière, souvent peu étendue (fig. 97.5, consti-
Fig. 97.4 Cavernomes cérébraux tuée d’ un épiderme hyperkératosique surmontant une
nappe capillaire pourpre que déborde une ombre bleutée de
vrement des vaisseaux sanguins par les cellules murales. malformation capillaroveineuse dermique profonde ²⁰. Ce
Une étude portant sur 7 patients atteints de maladie de syndrome (HCCVM /MIM 116860) constituant un phéno-
Rendu-Osler, âgés de 48 à 75 ans, a montré que l’utilisa- type particulier représentant le cas le plus fréquent (92 %
tion du thalidomide à la dose orale de 100 mg/j réduisait des patients) est lié à la mutation de CCM1/KRIT1 ²¹. Beau-
fortement la fréquence et la durée des saignements du nez coup plus rarement d’autres sujets ont des lésions nette-
et permettait d’éviter le nombre de transfusions sanguines ment nodulaires ou papuleuses bleutées à noirâtres, rap-
nécessaires pour pallier les anémies sur un suivi de 6 mois à pelant celles du syndrome cutanéo-digestif du blue rubber
5 ans ¹⁷. Une dermoplastie septale est parfois réalisée. Les bleb naevus de Bean, de type veineux prédominant : chez
fistules et malformations artérioveineuses, pulmonaires en ceux-ci les mutations retrouvées concernent aussi bien
particulier, relèvent le plus souvent de l’embolisation théra- CCM1, 2 ou 3 ²².
peutique, et parfois d’exérèse chirurgicale. Une prévention
primaire par antibiothérapie prophylactique est instaurée
dès lors qu’une lésion pulmonaire est dépistée, et ce d’au-
tant plus que sont envisagés des gestes thérapeutiques à
risque de diffusion bactérienne, comme des soins dentaires
ou ORL (amoxicilline ou macrolide le plus souvent), ou des
explorations endoscopiques digestives (amoxicilline ou gen-
tamycine le plus souvent). Les suppléments de fer sont la
règle chez tout patient qui saigne, et les transfusions san-
guines sont parfois inévitables en cas de déglobulisation
majeure.

Cavernomes cérébraux et malformations


vasculaires cutanées hyperkeratosiques et
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capillaroveineuses

Les cavernomes cérébraux (CCM pour cerebral cavernous


malformations) ne sont pas comme leur nom le fait par-
fois croire des anomalies veineuses. Il s’agit de conglomé- Fig. 97.5 Malformations vasculaires cutanées hyperkératosiques et
rats de vaisseaux de type capillaires mais très dilatés, par- capillaroveineuses au cours de cavernomes familiaux
97-6 Maladies rares neurologiques et dermatologiques

CADASIL
Cet acronyme correspond à la définition (cerebral autosomal
dominant arteriopathy with subcortical infarcts and leuco-
encephalopathy) d’un syndrome cérébro-vasculaire hérédi-
taire de transmission autosomique dominante ²³. Il se ma-
nifeste vers 30 à 50 ans par des accidents vasculaires céré-
braux ischémiques transitoires, des migraines avec aura,
une perte des acquis cognitifs, des troubles psychiques
aboutissant à la démence. Le décès survient en général 15
à 20 ans après le début de la maladie neurologique. En IRM
on observe des zones de lacunes sous-corticales, fronto-

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temporales surtout, séquelles d’infarctus cérébraux à répé-
tition, et des altérations de la substance blanche à type d’hy-
persignaux en séquences SE-T2, localisées surtout dans les
lobes temporaux. Fig. 97.6 Télangiectasies de la sclérotique au cours du syndrome ataxie
Le diagnostic est délicat, basé sur l’histoire familiale, les télangiectasie (ou syndrome de Louis Bar)
données de l’IRM, les biopsies, et l’étude moléculaire. Les
biopsies cérébrales montrent une accumulation dans la lymphomes, leucémies et cancers (sein notamment).
paroi des artérioles de granules denses osmiophiles. Les Le gène muté ATM a été localisé en 11q22.3. Il code pour
biopsies cutanées analysées en microscopie électronique une large protéine de la famille des protéines kinases
peuvent faciliter le diagnostic, car l’artériopathie est céré- comportant un domaine phosphatidylinositol 3-kinase
brale mais aussi généralisée à toutes les petites artérioles. (Pi3K) ²⁷. Les hétérozygotes sont eux aussi à risque accru
Des mutations du gène Notch3 sont en cause. Ce gène loca- de tumeurs malignes, mammaires notamment ²⁸. Ils repré-
lisé sur le chromosome 19 (19p13) intervient dans la matu- senteraient 1 % de la population. L’existence de mutations
ration et la différenciation des artérioles, non seulement au d’ATM à l’état hétérozygote sensibiliserait ces sujets à des
stade fœtal mais aussi chez l’adulte. Chez l’adulte, une dé- facteurs carcinogènes environnementaux ce qui justifie le
générescence des cellules musculaires lisses vasculaires est dépistage des porteurs dans la famille d’un patient, dans
observée et serait le primum movens des altérations artério- un but de prévention, en particulier pour le risque de can-
laires. Des souris transgéniques révèlent une accumulation cer mammaire ²⁹. La combinaison de mutation d’ATM et
de granules denses osmiophiles et de protéine NOTCH 3 de délétion du gène Brca-1 est un facteur de haut grade
dans les artérioles cérébrales et périphériques ²⁴. de malignité du cancer du sein ³⁰. Le conseil génétique aux
familles fait donc aussi partie de la prise en charge de cette
génodermatose invalidante de pronostic sombre.
Ataxie télangiectasie ou syndrome Le traitement compense les différentes manifestations sys-
de Louis Bar témiques de la maladie : antibiothérapie, immunoglobu-
lines polyvalentes par voie veineuse, traitement des endo-
Cette génodermatose rare est à hérédité autosomique réces- crinopathies, kinésithérapie en raison des complications
sive. Elle se manifeste dès l’enfance ²⁵,²⁶. Elle tire son nom neuromusculaires, photoprotection des zones découvertes.
de la présence de télangiectasies plutôt linéaires au dévelop- En cas de lésion maligne il faut prendre en compte le fait
pement progressif, en particulier sur les joues, les oreilles que ces sujets ont une sensibilité anormale à la radiothé-
et au niveau des conjonctives oculaires (fig. 97.6). Il s’y asso- rapie et à certaines chimiothérapies cytotoxiques. Les su-
cie un certain degré de photosensibilité qui augmente les jets homozygotes exposés à des radiothérapies font des
altérations cutanées. Le deuxième élément qui donne son nécroses extensives. Chez des femmes atteintes de cancer
nom au syndrome est d’ordre neurologique : l’ataxie céré- du sein le dépistage de mutations d’ATM à l’état hétérozy-
belleuse commence dans les premières années de vie et de- gote a pu aussi être corrélé avec une radio-sensibilité ac-
vient peu à peu très invalidante, se compliquant d’atrophie crue et un risque de réactions tardives post-radiothérapie,
musculaire. À l’adolescence le patient est souvent en fau- faisant même évoquer une contre-indication relative à ce
teuil roulant. En parallèle d’autres troubles se développent traitement ³⁰.
qui viennent altérer leur espérance de vie : bien des sujets
ne dépassent guère l’adolescence ou le début de l’âge adulte,
même s’il existe des formes atténuées de la maladie. Ils Syndrome malformations capillaires-
souffrent d’infections respiratoires sinusiennes et broncho- malformations artérioveineuses
pulmonaires répétées, liées à un déficit immunitaire congé-
nital à la fois humoral (déficit en IgA et IgG) et cellulaire Ce syndrome d’individualisation récente et dont les critères
(touchant les lymphocytes B et T). Enfin il existe des ano- cliniques se sont peu à peu affinés, comporte des taches
malies endocriniennes à des degrés variables. Le dernier cutanées multiples de malformation capillaire atypiques, ar-
point est la susceptibilité tumorale avec un risque accru de rondies ou irrégulières, rosées, de 1 à plusieurs centimètres,

 IRM imagerie par résonance magnétique


Maladie de Fabry ou d’Anderson-Fabry 97-7

Coll. D. Bessis
Fig. 97.8 Macules télangiectasiques du dos d’une main au cours du
syndrome malformations capillaires-malformations artérioveineuses

formations artérioveineuses : la THH et le syndrome ha-


martomateux PTEN.
Enfin quelques patients atteints de syndrome malforma-
tions capillaires-malformations artérioveineuses sont por-
teurs de tumeurs nerveuses semblables à celles de la neuro-
fibromatose de type 1 ou 2 ³³.
L’affection est reliée à des mutations de RASA1 (p120-
RASGAP), une RasGTPase. La pénétrance est forte.
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Maladie de Fabry ou d’Anderson-Fabry


Fig. 97.7 Macule télangiectasique temporojuguale droite au cours du La maladie de Fabry est une génodermatose monogénique
syndrome malformations capillaires-malformations artérioveineuses à transmission liée à l’X dont le pronostic sombre est au-
jourd’hui modifié par l’existence d’un traitement de substi-
souvent cernées d’un liseré pâle, éparpillées « au hasard » tution de l’enzyme lysosomale déficitaire ³⁴,³⁵. Les lésions
sur les téguments (fig. 97.7 et 97.8), et qui sont retrouvées cutanées sont des angiokératomes (AK) (fig. 97.10). Ce sont
chez de nombreux membres d’une même famille ³¹,³². Par de toutes petites papules rouges souvent regroupées en
ailleurs un patient, rarement plus dans une même famille, vastes nappes. Elles sont surmontées d’un épiderme hyper-
a une malformation artérioveineuse pouvant être cutanée kératosique, mais ce caractère peut être à peine perceptible
superficielle ou profonde, localisée ou diffuse à type de syn- cliniquement et n’apparaître que sur les biopsies (fig. 97.11).
drome de Parkes Weber (fig. 97.9) ³³. Parfois quelques AK s’agglutinent en petits placards noi-
Les phénotypes sont variés, déjà sur le plan cutané : ce mé- râtres et kératosiques. Les AK sont nombreux sur les fesses,
lange de taches « capillaires » particulières par leur couleur, les organes génitaux, où ils se disposent en « culotte » ou
et le fin liseré blanchâtre, ainsi que leur taille variable, vi- en « bermuda ». Ils touchent aussi les coudes, les mains et
sibles dès les premiers mois de vie, ne se multipliant guère les pieds, le nombril ³⁵ (fig. 97.12). L’ensemble du tégument
avec les années, est bien différent des télangiectasies de la et les muqueuses (fig. 97.13) peuvent être envahies dans les
THH. Si un tiers des patients ont révélé des malformations formes les plus luxuriantes ³⁶. Les hommes hémizygotes
artérioveineuses, celles ci sont soit de siège intra-crânien, ont en général une profusion de lésions (angiokeratoma cor-
malformation artérioveineuse classique ou anévrisme de poris diffusum). Les femmes hétérozygotes porteuses sont
la veine de Galien, soit de siège extra-crânien essentielle- en général asymptomatiques mais elles peuvent exprimer
ment céphalique ou des membres. Parmi ces dernières on une forme en principe, mais non constamment, moins sé-
trouve un nombre important de syndrome de Parkes Weber, vère de la maladie (fig. 97.14) ; 30 % d’entre elles ont des an-
affection monomélique avec gigantisme et fistules artério- giokératomes, en général de façon moins abondante que les
veineuses étagées le long du membre atteint, syndrome hommes. Les AK de la maladie de Fabry commencent à ap-
auparavant considéré comme sporadique. paraître entre 5 et 14 ans ³⁵,³⁶. Une hypohidrose semble fré-
Il convient de différencier les éléments du syndrome mal- quente chez les hommes hémizygotes et plus rare chez les
formations capillaires-malformations artérioveineuses de femmes hétérozygotes ³⁴. Des AK de même aspect peuvent
ceux des deux autres génodermatoses comportant des mal- se voir au cours d’autres enzymopathies lysosomales : fuco-

 AK angiokératome · THH télangiectasie héréditaire hémorragique


97-8 Maladies rares neurologiques et dermatologiques

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Fig. 97.9 Image scannographique d’une hémorragie cérébrale à


partir d’un cavernome cérébral au cours du syndrome malformations Fig. 97.11 Examen histologique d’un angiokératome
capillaires-malformations artérioveineuses
Les manifestations systémiques (neurologiques, rénales,
sidose, sialidose, maladie de Kankazi, GM1-gangliosidose, cardiaques, pulmonaires, osseuses) sont multiples car le dé-
bêta-mannosidose, etc., et il en existe des formes « idiopa- ficit en alpha-galactosidase A conduit à une accumulation
thiques » au bilan biologique normal. de globotriasocylcéramides dans de multiples cellules de
Les marqueurs oculaires de la maladie de Fabry sont, l’organisme. Les atteintes nerveuses périphériques sont re-
comme les AK, utiles au dépistage : la cornée verticillée, lativement précoces, commençant dès la petite enfance, et
marquée de tourbillons rubanés opalescents, est plus évo- sources d’acroparesthésies très particulières, avec des dou-
catrice du diagnostic que l’existence de vaisseaux dilatés leurs invalidantes survenant parfois dans un contexte psy-
sur la conjonctive bulbaire ou sur la rétine. Cette anomalie chiatrique dépressif qui peut faire errer le diagnostic, sur-
cornéenne est aussi présente chez les femmes porteuses ³⁴. tout chez les femmes hétérozygotes. Il s’y associe des crises
douloureuses fulgurantes décrites comme des coups de poi-
gnard ou des décharges électriques. L’atteinte concerne des
fibres nerveuses de petit calibre d’où la normalité des exa-
mens électroneuromyographiques ³⁶. On les observe aussi
chez les femmes porteuses. Les atteintes nerveuses plus tar-
dives sont de siège cochléaire et vestibulaire, et de rares mé-
ningites aseptiques peuvent survenir ; le système nerveux
autonome peut aussi être touché et être à l’origine d’hy-
potension orthostatique, de crampes digestives et de diar-
rhées post-prandiales ³⁶. Un quart des hommes adultes souf-
frant de maladie de Fabry développe une atteinte cérébro-
vasculaire source d’accidents vasculaires cérébraux isché-
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miques ; ceux-ci augmentent avec l’âge et prédominent, de


façon inexpliquée, sur la circulation vertébro-basilaire, et
sont traduits par des hypersignaux de la substance blanche
Fig. 97.10 Angiokératomes profus d’une cuisse au cours d’une maladie en IRM ³⁶,³⁷. L’atteinte rénale se manifeste au départ par
de Fabry une protéinurie et une micro-hématurie persistantes, une

 AK angiokératome · IRM imagerie par résonance magnétique


Maladie de Fabry ou d’Anderson-Fabry 97-9

Coll. D. Bessis
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Fig. 97.13 Angiokératomes et télangiectasies labiales au cours d’une
maladie de Fabry

Fig. 97.12 Angiokératomes palmaires au cours d’une maladie de Fabry

créatininémie croissante ; la tension artérielle est normale.


La protéinurie devient ensuite très abondante. Sans traite-
ment, une insuffisance rénale terminale est constituée vers
la quarantaine, avec des différences évolutives (entre 30 et
70 ans) conduisant à la dialyse rénale et à la transplanta-
tion rénale. Cette insuffisance rénale chronique est généra-
lement la cause du décès au cours de cette affection. Elle
résulte d’une ischémie rénale progressive avec glomérulo-

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sclérose, lésions en principe plus sévères chez les hommes
hémizygotes que chez les femmes hétérozygotes. Cepen-
dant les registres de dialyse indiquent que 12 % des dialysés
pour maladie de Fabry sont des femmes ³⁸. Les atteintes car-
diaques vont des troubles de conduction à une cardiomyo-
pathie hypertrophique, une atteinte coronarienne, et des Fig. 97.14 Angiokératomes chez une femme hétérozygote pour la
altérations valvulaires. D’autres atteintes systémiques sont maladie de Fabry
possibles. Les atteintes pulmonaires se traduisent par une
toux, une dyspnée et un syndrome d’obstruction broncho- lules endothéliales, et présence de corps zébrés intra-lyso-
alvéolaire ; 83 % des hommes hémizygotes sont atteints somaux en microscopie électronique (fig. 97.15). Les mêmes
de troubles respiratoires (34 % de façon importante) et particularités histologiques, correspondants aux dépôts
74 % des femmes hétérozygotes ont une symptomatolo- de glycosphingolipides, sont retrouvées dans les vacuoles
gie respiratoire (7 % de façon significative) ³⁹. L’atteinte os- cytoplasmiques des cellules spumeuses glomérulaires, sur-
seuse avec ostéopénie et ostéoporose est de connaissance tout dans les podocytes, et dans les cellules endothéliales
récente : sur un groupe de 23 hommes jeunes hémizygotes, et musculaires lisses des vaisseaux, sur biopsie rénale ⁴².
seuls 3 avaient une ostéodensitométrie normale ; pourtant On les retrouve également dans les cellules de l’épithélium
il n’est pas signalé de risque fracturaire important au cours bronchique recueillies par lavage brochoalvéolaire, et dans
de la maladie de Fabry ⁴⁰. les cellules musculaires lisses des bronches et des vaisseaux
Le gène de la maladie de Fabry est localisé en Xq22.1. sur biopsie ⁴². L’activité alpha-galactosidase A peut être me-
Les mutations de α-gal A (GLA) sont très nombreuses et surée dans le plasma, les leucocytes et les fibroblastes en
diverses. Il n’a pas été établi de corrélation génotype- culture ; elle donne des résultats fiables chez l’homme hémi-
phénotype. Les hommes hémizygotes atteints sont por- zygote mais elle a ses limites dans le dépistage des femmes
teurs d’expression très variée de la maladie. Les femmes hétérozygotes. Il en va de même pour le dosage urinaire des
hétérozygotes longtemps considérées comme porteuses GB3 (globotriaosylcéramides), élevé chez tous, mais chez
asymptomatiques révèlent en fait presque toujours cer- la femme le statut d’hétérozygote demande à être confirmé
tains symptômes, et elles ont parfois une expression cli- par la recherche de mutation du gène GLA. Le dépistage
nique et biologique de la maladie aussi sévère que les grâce aux tests de génétique moléculaire est toujours préfé-
hommes. Si la majorité des hommes atteints de maladie de rable pour un diagnostic de certitude de maladie de Fabry.
Fabry a des AK profus, il a été signalé l’existence de formes Les traitements anciens reposaient sur la dialyse et la trans-
cardiaques et rénales dépourvues d’AK ⁴¹. Le déficit enzy- plantation rénales. La prévention des accidents vasculaires
matique en alpha-galactosidase A entraîne l’accumulation cérébraux est basée sur la prescription d’anti-agrégants
de dépôts non dégradés de glycosphingolipides dans les plaquettaires ou d’anticoagulants ³⁷. Le traitement de sub-
cellules. La biopsie cutanée a longtemps aidé au diagnostic : stitution par rh-alfaGalA (alpha-galactosidase A humaine
présence en microscopie à polarisation de « croix de Malte » recombinante) a montré son efficacité et sa sécurité ⁴³-⁴⁵.
bi-réfringentes dans les inclusions glycolipidiques des cel- Le traitement substitutif précoce réduit les dépôts de globo-

 AK angiokératome
97-10 Maladies rares neurologiques et dermatologiques

de noter le retard fréquent au diagnostic, et donc à la mise


en route du traitement substitutif, dès l’enfance, portant
espoir d’une meilleure évolution.

Nævomatose basocellulaire
La nævomatose basocellulaire (NBC) ou syndrome des ha-
martomes basocellulaires (syndrome de Gorlin) est une
affection rare, de prévalence moyenne estimée à 1/60 000
et de sex-ratio équilibré. Elle est transmise sur un mode
autosomique dominant et son expressivité est variable. Ce-
pendant, près de 60 % des malades atteints n’ont pas d’anté-
cédent familial, et, parmi eux, 35 à 50 % ont des mutations
de novo. Le principal gène incriminé est le gène tumeur-
suppresseur PTCH1 (patched homolog 1), localisé en 9q22.3,

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homologue du gène patched de la drosophile. La protéine
patched est une glycoprotéine transmembranaire impliquée
dans la voie de signalisation Hedgehog, cette dernière orien-
tant le développement morphogénétique, en régulant la
prolifération, la survie, la migration, la différenciation et
Fig. 97.15 Corps zébrés intralysosomaux au sein des cellules la polarité cellulaires ⁴⁸. Près de 80 différentes mutations
endothéliales visibles en microscopie électronique au cours de la maladie du gène PTCH1 sont décrites, réparties de façon aléatoire,
de Fabry sans « point chaud » apparent ni corrélation entre le géno-
type et le phénotype. La plupart d’entre elles aboutissent
triasosylcéramides dans les cellules endothéliales et glomé- à la production d’une protéine patched tronquée. Une mu-
rulaires des reins ⁴²,⁴³. Il prévient et ralentit l’évolution de tation du gène PTCH2 a récemment été liée à une forme
l’atteinte rénale. Celle-ci, en l’absence de traitement, abou- familiale de NBC en Chine ⁴⁹. D’autres gènes dont les muta-
tit à l’insuffisance rénale terminale en moyenne vers 30 à tions ont été observées au cours de carcinomes basocellu-
40 ans ⁴²,⁴³. Le traitement enzymatique substitutif permet laires sporadiques et également impliqués dans la voie de
la disparition des dépôts intra-lysosomaux ; la réversibi- signalisation Hedgehog, comme SMO (smoothened) et SHH
lité des lésions glomérulaires est observée dans la moitié (sonic hedgehog) constituent de possibles gènes candidats.
des cas, alors que celles des podocytes ne régressent que Les principales manifestations cliniques de la NBC asso-
dans 20 % des cas ; si le traitement est trop tardif, la glo- cient des carcinomes basocellulaires multiples, des kystes
mérulosclérose et l’importante protéinurie qui en résulte odontogéniques et des anomalies squelettiques en particu-
ne sont pas influencées et le taux des complications n’est lier craniofaciales et thoraciques ⁵⁰,⁵¹. Leur fréquence de sur-
que partiellement réduit ⁴³,⁴⁶. Le dosage urinaire des GB3 venue est variable suivant les séries, l’origine géographique
(globotriaosylcéramides) permet de suivre l’effet de l’en- des patients et leur mode de recrutement (encadré 97.A). Les
zymothérapie : le taux baisse nettement chez les patients kystes odontogéniques maxillaires constituent habituel-
traités. Le traitement de tous les hommes atteints de mala- lement la première manifestation de la NBC et se déve-
die de Fabry et celui des femmes hétérozygotes qui ont des loppent au cours de la première décennie. Ils sont dépistés
manifestations significatives devrait commencer le plus tôt lors d’une radiographie, par exemple au cours d’un bilan
possible, et sa tolérance est globalement bonne ⁴⁴,⁴⁶. Cepen- orthodontique, ou peuvent se manifester cliniquement en
dant, le traitement substitutif améliorerait aussi les acro- cas de complications infectieuses ou tumorales associées
paresthésies ⁴⁶ mais ne réduirait pas le risque d’accidents is- (tuméfaction, neuropathie du trijumeau).
chémiques cérébraux, malgré l’amélioration des marqueurs Les carcinomes basocellulaires constituent les atteintes cu-
biologiques (réduction des dépôts de glycosphingolipides, tanées les plus fréquentes et touchent avec prédilection les
amélioration de la clearance de la créatinine, baisse du taux malades à peau dite blanche (80 %) plutôt que les malades
sérique des glycospingolipides) et radiologiques (améliora- à peau dite noire (35 %). Le rôle de l’exposition solaire, en
tion de la perfusion cérébrale). Un traitement substitutif particulier des ultraviolets de type B, est classique mais
par agalsidase bêta a aussi montré son efficacité sur les non indispensable comme en témoigne la fréquente locali-
manifestations rénales, cardiaques, les douleurs et la qua- sation de ces carcinomes sur des zones non photo-exposées
lité de vie, et également la nécessité de traiter le plus tôt comme le tronc. La radiothérapie constitue également un
possible dans l’histoire évolutive de la maladie ⁴⁵,⁴⁶. Pour facteur aggravant, avec notamment la survenue de mul-
les deux types de traitement de substitution il reste à prou- tiples carcinomes basocellulaires souvent superficiels en
ver l’efficacité sur le long terme ⁴⁶. Des recherches sont en zone irradiée. Les CBC se manifestent le plus souvent par
cours en termes de thérapie génique. Le Fabry Registry ⁴⁷ des lésions nodulaires ou superficielles (fig. 97.16), parfois
est une plate-forme qui donne un aperçu de la progression pédiculées comme des acrochordons (fig. 97.17). Des formes
de la maladie de Fabry, sans et avec traitement. Il permet ulcérées ou térébrantes sont parfois observées. Le nombre

 CBC carcinome basocellulaire cutané · NBC nævomatose basocellulaire


Maladie de Menkès 97-11

Critères diagnostiques de la nævomatose basocellulaire


Critères majeurs
Carcinomes basocellulaires multiples (> 2), ou un carcinome basocel-
lulaire avant l’âge de 20 ans
Kystes odontogéniques de la mâchoire histologiquement prouvés
Pits palmoplantaires  3
Côtes bifides, fusionnées ou particulièrement évasées
Atteinte d’un parent du premier degré
Critères mineurs
Macrocéphalie
Malformations congénitales orofaciales (une ou plusieurs) : fente la-
biale ou palatine, bosse frontale, visage grossier, hypertélorisme mo-
déré ou sévère
Autres anomalies squelettiques : malformation de Sprengel, pectus,
syndactylie
Anomalies radiologiques : selle turcique fermée, anomalies vertébrales :

Coll. D. Bessis
hémivertèbres, fusion ou allongement des corps vertébraux, défects
osseux des mains ou des pieds, petites lacunes osseuses en forme de
flammes des mains et des pieds Fig. 97.16 Carcinomes basocellulaires superficiels multiples du dos au
Fibrome ovarien cours de la nævomatose basocellulaire
Médulloblastome
Le diagnostic de nævomatose basocellulaire requiert la présence
de 2 critères majeurs, ou d’1 critère
majeur et de 2 critères mineurs
97.A

de CBC est variable, de quelques éléments jusqu’à plusieurs


centaines. Ils se localisent avec prédilection sur le thorax
et la région cervico-faciale (région périorbitaire, paupières,
nez, éminences malaires et lèvre supérieure). Leur dévelop-
pement s’observe entre la puberté et l’âge de 35 ans, et leur
diagnostic initial établi en moyenne vers l’âge de 20 ans. Au-
cune différence histologique n’est observée entre les CBC
liés à la nævomatose basocellulaire et les CBC sporadiques.
Les puits palmoplantaires sont spécifiques de la NBC et

Coll. D. Bessis
s’observent chez 80 % des malades. Leur mise en évidence
peut être améliorée après une immersion des mains dans
l’eau durant 10 à 15 minutes. Il s’agit de dépressions punc-
tiformes de 1 à 3 mm de profondeur et de 2 à 3 mm de Fig. 97.17 Carcinomes basocellulaires nodulaires et hamartomes
largeur, liée à une absence localisée, partielle ou complète, basaloïdes pendulaires (à type d’acrochordons) de la face latérale du cou
de kératine dense (fig. 97.18). Ils se développent au cours de au cours de la nævomatose basocellulaire
la deuxième décennie et augmentent en nombre avec l’âge
pour atteindre parfois plusieurs centaines d’éléments. Les Maladie de Menkès
kystes épidermiques multiples, en particulier de topogra-
phie acrale, ou les miliums du visage (fig. 97.19) constituent Il s’agit d’une affection rare (1/25 000 naissances), auto-
également des signes évocateurs et fréquents (en moyenne somique récessive liée à une mutation du gène ATP7A si-
50 %). La présence de lipomes ou d’autres tumeurs cuta- tué en Xq13.3, avec perte de fonction de ce gène qui code
nées bénignes (spiradénome eccrine, trichoépithéliome, pour une protéine du transport intracellulaire du cuivre,
pilomatricome, neurofibrome), plus rarement d’hypertri- la P-type ATPase nécessaire à l’absorption du cuivre et à
chose localisée en aires est également décrite ⁵². l’homéostasie. Les sujets affectés ont une absence de pig-
Le risque de médulloblastome est évalué à 5 % en moyenne ment mélanique cutané et pilaire, et une dégénérescence
au cours de la NBC, avec un âge moyen de début de 2 ans neurologique avec convulsions incontrôlables, hypotonie
(contre 6 ans en moyenne au cours des formes spora- majeure et mort dans l’enfance.
diques) ⁵⁰. Le défaut de transport du cuivre débute in utero, au niveau

 CBC carcinome basocellulaire cutané · NBC nævomatose basocellulaire


97-12 Maladies rares neurologiques et dermatologiques

Coll. D. Bessis
Fig. 97.19 Grains de milium, carcinomes basocellulaires nodulaires
et hamartomes basaloïdes des paupières au cours de la nævomatose
basocellulaire

Coll. D. Bessis
essentiel nécessaire à la production d’acide nicotinique. De
cette carence résulte un syndrome pellagroïde : lésions éry-
thémateuses squameuses voire bulleuses des zones décou-
Fig. 97.18 Pits palmaires au cours de la nævomatose basocellulaire vertes photo-exposées ou parfois de type hydroa vaccini-
forme ⁶⁵,⁶⁸. Ces signes cutanés sont inconstants et varient
placentaire, et entraîne un déficit cuprique général, surtout en fonction des besoins en tryptophane. Le tryptophane
cérébral. Le syndrome des cornes occipitales, de meilleur non absorbé au niveau intestinal est dégradé en indole,
pronostic, constitue la variante allélique de la maladie de acide pyruvique et ammoniaque par certaines bactéries
Menkès ⁶¹. Les principaux signes néonataux associent : un intestinales. La formation des dérivés indoliques est à l’ori-
tableau neurologique « encéphalopathique » composé d’une gine d’une diarrhée et d’une toxicité sur le système nerveux
hypotonie, de troubles cérébelleux, de convulsions, d’un central. Cette toxicité est responsable de signes neurolo-
retard mental et staturo-pondéral ; une hyperlaxité tissu- giques intermittents comme une ataxie cerébelleuse, un
laire conjonctive cutanée, viscérale, articulaire et vascu- nystagmus, une diplopie, des tremblements et des signes
laire ; une hypopigmentation cutanéo-phanérienne avec psychiatriques (troubles de l’humeur, psychose). L’aggra-
une pilitortose capillaire évocatrice, irrégulière et souvent vation des symptômes survient lors de besoins accrus en
incomplète au microscope en polarisation (fig. 97.20) ; une tryptophane comme au cours d’une fièvre, d’un stress, de
dysmorphie faciale ; une dysplasie osseuse métaphysaire ⁶². la prise de sulfamides ou d’une exposition solaire. Le diag-
Le diagnostic est confirmé par la chute du taux de cuivre nostic s’établit sur la présence d’une aminoacidurie neutre,
et de céruléoplasmine sérique, complété par la recherche absente dans le déficit en niacine de la pellagre carentielle
de la surcharge cuprique placentaire ou sur culture de fi- classique. Le traitement associe un régime riche en pro-
broblaste. L’évolution est péjorative, souvent fatale à court tides et une supplémentation en nicotinamide per os (50 à
terme en l’absence de traitement adéquat. Le traitement à 250 mg/j).
base d’histidine-cuivre par voie parentérale permet de retar-
der l’apparition des signes neurologiques et de prolonger la Incontinentia pigmenti
survie ⁶³. Cependant dans bien des cas cet apport de cuivre
est inefficace et l’espoir est mis dans un thérapie génique. L’incontinentia pigmenti (IP) réalise en période néonatale
Un modèle animal existe (le poisson zebrafih calamity) ⁶⁴. une éruption vésiculeuse, bulleuse ou pustuleuse chez un
nouveau-né de sexe féminin ⁶⁹. Elle débute dès les pre-
Maladie de Hartnup mières heures ou jours de vie. Les vésicules à base éry-

Cette affection (OMIM 234500) très rare (1/24 000 nais-


sances environ), à transmission autosomique récessive,
est secondaire à une mutation du gène SLC6A19 situé en
5p15 ⁶⁵. Elle est secondaire à une anomalie d’une protéine,
le transporteur Hartnup (homologue humain du B0AT1
murin), qui transporte les acides aminés neutres ou à noyau
aromatique à travers les membranes des cellules de la mu-
queuse intestinale et du tubule rénal proximal ⁶⁶. Il existe
une très grande hétérogénéité phénotypique probablement
liée à des facteurs polygéniques et environnementaux ⁶⁷. La
Coll. D. Bessis

plupart des cas sont asymptomatiques dans les pays déve-


loppés en raison de la richesse de l’alimentation en acides
aminés qui supplée la carence de l’absorption. Les symp-
tômes cliniques apparaissent tardivement, entre l’âge de 3 Fig. 97.20 Pilitortose capillaire en microscopie optique à lumière
à 9 ans, et sont liés à un déficit en tryptophane, acide aminé polarisée au cours d’une maladie de Menkes

 IP Incontinentia pigmenti
Incontinentia pigmenti 97-13

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 97.22 Hyperpigmentation circonvolutée du flanc au cours d’une


incontinentia pigmenti

Fig. 97.21 Lésions verrucolichénoïdes à disposition blaschkoïde d’un papuleux blaschkoïdes (chondrodysplasie ponctuée domi-
membre supérieur au cours d’une incontinentia pigmenti nante type Conradi-Hünermann-Happle, hypoplasie der-
mique en aires ou syndrome de Goltz).
thémateuse et œdémateuse ont une disposition linéaire Si on excepte les altérations dentaires, les atteintes extra-
suivant les lignes de Blaschko. Plus fréquente sur les cutanées de l’IP sont rares. L’atteinte neurologique, inflam-
membres, le dos, et le cuir chevelu, l’éruption évolue matoire et ischémique, source de zones d’infarctus céré-
par poussées et stades. Au stade vésiculeux succède un braux, entraîne une épilepsie néonatale parfois grave, pou-
stade verruco-lichénoïde, puis un stade pigmentaire (mo- vant persister. Elle semble de mauvais pronostic. Cepen-
saïcisme) (fig. 97.21 et 97.22). Les différents aspects peuvent dant, le risque de comitialité diminue avec le temps.
coexister passagèrement. Tardivement la pigmentation s’at- L’atteinte oculaire, également d’origine inflammatoire et
ténue et chez l’adulte peuvent ne persister que de très dis- ischémique, est complexe : elle touche la rétine d’où une
crètes macules blaschko-linéaires plutôt blanchâtres ou dis- atrophie ou une hypopigmentation rétinienne, une néo-
crètement atrophiques. vascularisation pré-rétinienne (analogue à la fibroplasie
Le diagnostic d’IP est fait en phase néonatale : le cytodiag- rétrolentale des prématurés), une atteinte de la macula, un
nostic sur frottis d’une vésicule montre de nombreux poly- décollement de rétine. D’autres tuniques peuvent être at-
nucléaires éosinophiles, mais ce phénomène n’est pas dif- teintes avec apparition d’uvéite, de cataracte, etc.
férentiel avec un érythème toxique du nouveau-né, qui Dans la plupart des cas, l’IP est une affection bénigne aux
peut être profus et trompeur. La biopsie cutanée reste séquelles cutanées et pilaires discrètes. La fréquence des
donc utile au diagnostic d’IP. Le diagnostic différentiel in- formes graves avec atteinte extra-cutanée est difficile à pré-
clue les autres dermatoses bulleuses ou vésiculeuses du ciser, mais elles sont rares. Les phases initiales régressent
nouveau-né (érythème toxique, épidermolyses bulleuses, spontanément. Des poussées inflammatoires tardives sont
herpès congénital, varicelle congénitale...) mais celles-ci cependant possibles, qui s’intriquent avec les stades sui-
ne suivent pas une topographie linéaire. Le zona peut vant le stade vésiculeux néonatal. La possibilité d’une at-
prêter à confusion du fait de sa disposition. Les derma- teinte neurologique évolutive impose une surveillance pro-
toses linéaires congénitales inflammatoires en plaques longée du développement psychomoteur et neurosensoriel.
qui suivent les lignes de Blaschko sont en général ai- Une surveillance ophtalmologique est aussi souhaitable vu
sément écartées (hamartome épidermique épidermoly- la complexité des anomalies possibles et l’étalement dans
tique, hamartome verruqueux inflammatoire et linéaire le temps de leur éventuelle survenue. Les anomalies den-
ou NEVIL) mais le diagnostic peut hésiter pour celles taires touchant les deux dentitions, il convient d’instaurer
qui comportent de petits éléments maculeux ou maculo- une prise en charge odontologique précoce et prolongée.

 IP Incontinentia pigmenti
97-14 Maladies rares neurologiques et dermatologiques

L’incontinentia pigmenti est une génodermatose dominante


liée à l’X, létale pour les fœtus masculins. Elle est due à des
mutations du gène NEMO (NFκB essential modulator), situé
en Xq28, qui joue un rôle majeur dans la régulation de l’acti-
vation de NFκB par la voie de signalisation des récepteurs
de la famille du récepteurs du TNF (tumor necrosis factor).
La mutation NEMO la plus fréquente [(délétion des exons
4 à 10 (Δ4-10)] n’est compatible avec la survie qu’à l’état
hétérozygote, c’est-à-dire chez les fœtus féminins qui ont
deux chromosomes X. Chez les fœtus masculins, hémizy-
gotes car porteurs d’un seul chromosome X, cette mutation
est incompatible avec le développement fœtal d’où la fré-
quence des fausses couches chez les mères vectrices. Bien
qu’une mutation NEMO chez le fœtus masculins soit ha-
bituellement létale, il existe d’authentiques cas d’IP chez
le garçon, soit par syndrome de Klinefelter associé (caryo-
type 47, XXY), soit par mutation NEMO post-zygotique

Coll. Dr O. Enjolras, Paris


(mosaïque).
Sur le plan génétique, devant un nouveau-né atteint d’IP,
il est important de déterminer s’il s’agit d’un cas spora-
dique ou d’une forme familiale. Ceci passe par la recherche
d’antécédents dermatologiques néonataux familiaux évo-
cateurs, et de la notion de fausses couches chez la mère. Fig. 97.23 Érythrodermie au cours d’une maladie d’un syndrome de
Un examen maternel soigneux aura pour but de dépister Sjögren Larsson
de possibles signes cutanés, dentaires ou pilaires, discrets
et peut-être ignorés, mais pourtant évocateurs d’IP. Une nol et octadécanol), des plasmalogènes érythrocytaires et
étude moléculaire, avec en particulier recherche de la dé- confirmé par le dosage enzymatique de la FALDH sur des
létion NEMO Δ4-10, présente dans trois quarts des cas, fibroblastes en culture. Le diagnostic prénatal est possible
permet de confirmer avec certitude le diagnostic, et d’envi- sur cultures cellulaires de villosités choriales ou à partir
sager, si les parents le souhaitent, un diagnostic prénatal d’une biopsie de peau fœtale. Le traitement est sympto-
lors de grossesses ultérieures ⁶⁹. matique : émollients, kératolytiques, calcipotriol, parfois
rétinoïdes en cures courtes et régime pauvre en graisses
Syndrome de Sjögren-Larsson avec supplémentation en acides gras à chaîne moyenne.
Un inhibiteur de la 5 lipo-oxygénase (Zileuton) peut être
Le syndrome de Sjögren-Larsson est une affection très rare actif sur le prurit. La thérapie génique est en développe-
en Europe (1/100 000 naissances), à transmission autoso- ment.
mique récessive, liée à des mutations du gène ALDH3A2
situé en 17q11.2. Il est secondaire à un déficit enzyma-
tique de la déshydrogénase microsomiale des aldéhydes Syndrome de Conradi-Hünermann-Happle ou
gras FALDH (fatty aldéhyde déshydrogenase) responsable chondrodysplasie ponctuée dominante X2
d’un déficit de l’oxydo-réduction cytoplasmique des alcools
gras en acides gras ⁷⁰. L’ichtyose est le signe clinique le plus Il est lié à un déficit en 3b-hydroxystéroïde-delta-8 et
précoce, souvent présent dès la naissance, parfois transitoi- delta-7 isomérase (enzyme de l’étape distale des stérols).
rement érythrodermique mais sans véritable membrane Le gène responsable EBP est situé en Xp11.22-23. Il est
collodionnée. Elle se développe complètement au cours de transmis sur le mode dominant lié à l’X ⁷¹. Les lésions cu-
la première année. Elle est généralisée et prédomine sur les tanées se caractérisent par une ichtyose « blaschkoïde » ou
faces latérales de l’abdomen, du cou et des plis de flexion parfois une érythodermie ichtyosiforme (fig. 97.24), souvent
en respectant le visage (fig. 97.23). Le prurit associé est très après un aspect de bébé collodion à la naissance et des lé-
évocateur car il est habituellement absent au cours des sions érythémato-squameuses associées à des kératoses
autres ichtyoses. Il s’associe une kératodermie palmoplan- folliculaires évoluant en quelques semaines vers une atro-
taire de couleur jaune à brun foncé. Les phanères (ongles, phodermie folliculaire alopéciante du scalp. Des lésions
cheveux) sont normaux ainsi que la sudation. L’atteinte unilatérales exclusives ou prédominantes témoignent d’un
neurologique apparaît entre 4 et 30 mois, marquée par une probable mosaïcisme fonctionnel ⁷². Les autres manifesta-
paraplégie spastique, un retard mental et des convulsions tions cliniques associent une dysmorphie faciale et une
(30-50 %). Les anomalies oculaires sont présentes dans polydactylie, une chondrodysplasie ponctuée avec calcifica-
un tiers des cas : photophobie, blépharite, conjonctivite, tions enchondrales, des dépôts calciques cornéens et laryn-
rétinopathie cristallinienne. Le diagnostic est évoqué sur gotrachéaux, une cataracte et des anomalies vasculaires et
l’élévation du taux des alcools gras plasmatiques (hexadéca- neurologiques. Le pronostic est très variable, souvent létal

 IP Incontinentia pigmenti · TNF tumor necrosis factor


Références 97-15

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Fig. 97.24 Syndrome de Conradi-Hünermann-Happle

chez le garçon et nécessite chez la fille un traitement de la Fig. 97.25 Large macule hypochrome du front au cours d’un syndrome
scoliose et de la cataracte. de Waardenburg

Syndrome de Waardenburg
Le syndrome de Waardenburg (SWa) comporte des aires
d’hypopigmentations, persistant toute la vie, liées à la dis-
parition des mélanocytes au sein de ces zones achromiques.
Le SWa est hétérogène (4 types), sans prédilection de sexe
ou d’ethnie, et il est de transmission autosomique domi-
nante ou autosomique récessive.
Les zones hypochromes touchent les cheveux (mèche
blanche frontale prolongeant un triangle médian de peau
blanche situé sur le front) (fig. 97.25), la peau (plaques
achromiques ressemblant à celles du piébaldisme et tran-

Coll. D. Bessis
chant nettement sur les zones de coloration cutanée nor-
male), l’iris (hétérochromie irienne souvent segmentaire)
(fig. 97.26) et le fond d’œil. Elles s’associent inconstamment à
un épicanthus (SWa type 1), une dysmorphose de la région Fig. 97.26 Hétérochromie irienne au cours d’un syndrome de
nasale, et une surdité congénitale neurosensorielle ⁷³. Deux Waardenburg
à 5 % des surdités congénitales seraient dues au syndrome
de Waardenburg. à un trouble de migration des cellules de la crête neurale
Le diagnostic différentiel se fait essentiellement avec le dans l’intestin terminal ⁷⁴. Elle est parfois associée au syn-
piébaldisme, de transmission autosomique dominante, les drome de Waardenburg (SWa type 4, autosomique réces-
aires blanches, parsemées de macules brunes, siègent es- sif, qui comporte des aires hypochromes très étendues)
sentiellement en face antérieure du corps, s’assortissent avec mutations de EDN (en 13q22) ou de ses récepteurs
de mèche blanche frontale, et sont visibles dès la naissance. (EDNRB), ou des mutations de SOX 10. Certains sujets por-
Mais il n’y a pas de dysmorphie faciale et pas de surdité teurs de mutations de S0X10 peuvent souffrir d’atteintes
congénitale. neurologiques variées : convulsions, ataxie, neuropathies
Sur le plan génétique, des mutations de PAX 3 (en 2q35) centrales.
sont observées dans le SWa de type 1 (avec épicanthus) et L’influence de deux systèmes de pilotage de la migration
le type 3 (sans épicanthus), et des mutations de MITF (en est démontrée, le couple EDN3-EDNRB au cours du syn-
3p12) dans le type 2, qui est sans épicanthus, mais qui peut drome de Waardenburg, et le couple SCF-C-Kit, dont l’alté-
comporter des anomalies musculaires et squelettiques. ration cause le piébaldisme. Il est à noter que 75 % des pa-
La maladie de Hirschsprung, comportant mégacolon congé- tients atteints de piébaldisme ont des mutations du proto-
nital et l’absence régionale de ganglions entériques, est due oncogène c-KIT.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Enjolras O. Maladies rares neurologiques et dermatologiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 4 :
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Figures
74.1 Onycholyse distale et incurvation concave du bord distal des ongles (ongles de Plummer) au cours de l’hyperthy-
roïdie 74-2
74.2 Œdème rétro-orbitaire et rétraction des paupières supérieures responsable d’une fausse exophtalmie au cours
d’une maladie de Basedow 74-2
74.3 Œdème et hyperpigmentation des paupières supérieures et inférieures (signe de Jellinek) au cours d’une maladie
de Basedow 74-3
74.4 Myxœdème localisé : placard érythémateux à surface peau d’orange de la face antérieure de jambe au cours d’une
maladie de Basedow 74-3
74.5 Myxœdème localisé : placards papuleux et nodulaire brun-rouge, à surface lisse ou « peau d’orange » au cours
d’une maladie de Basedow 74-3
74.6 Myxœdème localisé : placards œdémateux et érythémateux symétriques et bilatéraux des jambes au cours d’une
maladie de Basedow 74-4
74.7 Examen histopathologique d’un myxœdème localisé : abondants dépôts de mucine dans le derme réticulaire sé-
parée d’un épiderme hyperkératosique par une bande saine de derme papillaire (coloration bleu alcian) 74-4
74.8 Hippocratisme digital au cours d’une acropathie thyroïdienne 74-4
74.9 Dépilation du tiers externe du sourcil au cours d’une hypothyroïdie acquise 74-6
74.10 Myxœdème généralisé : œdème pâle et cireux du visage associé à des lèvres épaissies et cyanosées 74-6
74.11 Myxœdème généralisé : épaississement œdémateux des mains et doigts boudinés 74-6
74.12 Macroglossie au cours d’un myxœdème généralisé 74-6
74.13 Pelade ophiasique au cours d’une maladie de Basedow 74-7
74.14 Vitiligo acral au cours d’une maladie de Basedow 74-8
74.15 Dermatite herpétiforme caractérisée par des papules et des vésicules des faces antérieures des genoux et des
cuisses 74-8
74.16 Papules érythémateuses et œdémateuses de l’abdomen, confluentes en carte de géographie, au cours d’une urti-
caire commune 74-9
74.17 Dépôts excessifs de graisse dans les creux sus-claviculaires et en regard des vertèbres cervico-dorsales (« bosse
de bison ») au cours d’une maladie de Cushing 74-9
74.18 Purpura pigmenté et cicatrices pseudostellaires des avant-bras compliquant une fragilité cutanée ayant révélée
une maladie de Cushing 74-9
74.19 Érythrose télangiectasique du visage et du cou au cours d’une maladie de Cushing 74-9
74.20 Vergetures pourpres et larges de l’abdomen au cours d’un syndrome de Cushing 74-10
74.21 Hypertrichose du visage (lèvre supérieure, menton et joue) au cours d’une maladie de Cushing 74-10
74.22 Pigmentation diffuse du visage et des lèvres au cours d’une maladie d’Addison 74-11
74.23 Pigmentation d’une main avec renforcement de la coloration brune en regard des articulations interphalan-
giennes et métacarpophalangiennes au cours d’une maladie d’Addison 74-11
74.24 Taches gris bleu, ardoisées de la face interne de la joue et du palais au cours d’une maladie d’Addison 74-12
74.25 Nécrose digitale d’un orteil révélateur d’un phéochromocytome (Bessis D, Dereure O, Le Quellec A et al. [Pheo-
chromocytoma manifesting as toe necrosis] 74-13
74.26 Rides profondes et épaisses et pores dilatés du front au cours d’une acromégalie 74-13
74.27 Bourrelets et sillons du scalp au cours d’un cutis verticis gyrata associé à une acromégalie 74-14
74.28 Mains larges, épaisses et d’aspect carré au cours d’une acromégalie 74-14
74.29 Kératoses séborrhéiques profuses du tronc au cours d’une acromégalie 74-14
74.30 Hypopigmentation diffuse du tronc au cours d’un hypopituarisme 74-15
XVI Table des figures

75.1 Biosynthèse des stéroïdes 75-2


75.2 Métabolisme périphérique des androgènes 75-2
75.3 Hirsutisme : pilosité de type « terminal » composé de poils épais et pigmentés sur la joue, la lèvre supérieure et
sous le menton 75-3
75.4 Hirsutisme et alopécie de type androgénique au cours d’une hyperandrogénie féminine sévère 75-3
75.5 Score de l’hirsutisme de Ferriman et Gallwey 75-4
75.6 Association de cheveux terminaux épais et pigmentés et de cheveux intermédiaires plus fins et plus clairs au
cours d’une alopécie androgénique féminine 75-5
75.7 Alopécie de type androgénique féminine : atteinte de la partie médiane du scalp et respect d’une bande frontale
antérieure et des régions temporales 75-5
75.8 Acné papuleuse, pustuleuse et nodulaire diffuse avec atteinte des épaules et de la région dorsolombaire au cours
d’une hyperandrogénie masculine secondaire à une hyperplasie surrénalienne 75-6
75.9 Démarche diagnostique clinico-biologique en cas d’hirsutisme 75-9
75.10 Melasma : hyperpigmentation brunâtre de la joue 75-12
75.11 Télangiectasies nævoïdes unilatérales : multiples télangiectasies punctiformes ou chevelues, parfois cernées d’un
halo anémique, localisées homolatéralement sur le cou, le thorax et l’épaule 75-12
75.12 Dermatite auto-immune à la progestérone : éruption maculeuse et papuleuse du cou et du thorax 75-12

76.1 Dermopathie diabétique : macules rouges et blanches atrophiques de la face antérieure de jambe 76-3
76.2 Acanthosis nigricans au cours d’un syndrome HAIR-AN : pigmentation brun gris de l’aisselle, du pli sous-
mammaire et du flanc 76-3
76.3 Acanthosis nigricans : pigmentation brun gris de la face latérale du cou 76-4
76.4 Acanthosis nigricans : hyperkératose orthokératosique, acanthose et pigmentation de l’assise basale 76-4
76.5 Nécrobiose lipoïdique : plaques rouge orangé atrophiques, lisses et télangiectasiques des faces antérieures de
jambes 76-5
76.6 Sclérose et épaississement des doigts au cours d’une cheiroarthropathie diabétique 76-5
76.7 Œdème induré et érythémateux de la partie haute du dos et du cou au cours du sclérœdème de Buschke 76-5
76.8 Bullose des diabétiques : éruption bulleuse récidivante de jambe constituée de bulles tendues à liquide clair 76-6
76.9 Dermatose perforante au cours du diabète sucré compliqué d’insuffisance rénale : papules érythémateuses sur-
montées d’un bouchon central kératosique. La lésion linéaire correspond à un phénomène de Koebner secondaire
au grattage 76-7
76.10 Glossite dépapillée et pseudomembraneuse associée à une perlèche au cours d’une candidose orale chronique du
diabète sucré 76-7
76.11 Placard rouge bistre mal limité du creux axillaire au cours d’un érythrasma 76-8
76.12 Xanthomes éruptifs : papules profuses jaune brun cernées d’un halo rouge des fesses au cours d’une hypertrigly-
céridémie majeure ayant révélé un diabète sucré 76-8
76.13 Granulomes annulaires disséminés : multiples plaques constituées de papules érythémateuses à disposition an-
nulaire ou polycyclique sur la face externe d’une cuisse 76-9
76.14 Lipohypertrophie de la face externe de cuisse droite secondaire à des injections répétées d’insuline recombinante
humaine 76-9

77.1 Marasme : peau flasque et fripée qui apparaît trop large par rapport à la surface corporelle, en particulier aux
membres 77-2
77.2 Troubles pigmentaires et desquamatifs au cours d’un kwashiorkor 77-2
77.3 Scorbut : hyperkératose folliculaire et purpura périfolliculaire localisés sur les faces d’extension des jambes. Gros
plan sur les lésions cutanées d’hyperkératose folliculaire et de purpura périfolliculaire au cours du scorbut 77-4
77.4 Examen histologique d’une lésion cutanée de scorbut : hyperkératose folliculaire et dépôts hémosidérine péri-
folliculaire 77-5
77.5 Purpura pétéchial et ecchymotique au cours du scorbut 77-5
77.6 Hypertrophie gingivale rouge et lisse d’une papille interdentaire au cours du scorbut 77-5
77.7 Papules kératosiques folliculaires du coude au cours d’une carence en vitamine A 77-6
77.8 Papules kératosiques et spiculés des fesses et des faces postérieures des cuisses en regard de plaques hyperpig-
mentées au cours du déficit en vitamine A 77-6
77.9 Examen histologique d’une lésion cutanée hyperkératosique au cours du déficit en vitamine A : bouchon kérato-
sique folliculaire 77-6
77.10 Gros plan sur des lésions papuleuses centrées par un bouchon kératosique conique au cours d’un déficit en vita-
mine A 77-7
Table des figures XVII

77.11 Dermatose érythématosquameuse mimant une dermite séborrhéique et glossite lisse et dépapillée au cours d’un
déficit combiné en vitamine B2, vitamine B6 et zinc secondaire à une cirrhose hépatique 77-8
77.12 Érythème périnéal au cours d’un déficit combiné en vitamine B2, vitamine B6 et zinc secondaire à une cirrhose
hépatique 77-8
77.13 Plaques rouge brillant des zones photo-exposées au cours d’une pellagre 77-9
77.14 Pigmentation cannelle du visage, du cou et de la partie haute du thorax (« collier de Casal ») au cours d’une pellagre
77-9
77.15 Peau hyperpigmentée et squameuse d’aspect parcheminée au cours d’une pellagre chronique 77-9
77.16 Hyperpigmentation brun gris linguale prédominant sur les faces latérales de la langue et hyperpigmentation
brun noir de la face interne de joue au cours d’un déficit en vitamine B12 77-12
77.17 Glossite atrophique et plaque érythémateuse vernissée linéaire du palais au cours d’une carence en vitamine B12
(glossite de Hunter) 77-12
77.18 Éruption érythémateuse, vésiculeuse et pustuleuse périorale et périoculaire au cours d’un déficit en zinc acquis
chez un prématuré. Éruption faciale diffuse érythémateuse, vésiculeuse et croûteuse au cours d’un déficit en zinc
acquis après nutrition parentale au cours d’une maladie de Crohn 77-14
77.19 Plaques érythémato-croûteuses et érosives du siège et du scrotum au cours d’un déficit en zinc acquis chez un
prématuré 77-14
77.20 Inflammation paronychiale au cours d’un déficit en zinc acquis du nouveau-né. Inflammation paronychiale et
intertrigo interdigitale au cours d’un déficit en zinc acquis de l’adulte 77-15
77.21 Plaques érythémato-croûteuses et érosives du dos au cours d’un déficit en zinc acquis 77-15
77.22 Examen histologique d’une lésion cutanée d’acrodermatite entéropathique ou de déficit acquis en zinc : aspect
pâle en bande de la partie superficielle de l’épiderme par vacuolisation cytoplasmique et nécroses kératinocytaires
associées 77-15
77.23 Métabolisme des acides gras essentiels 77-16
77.24 Glossite avec atrophie des papilles linguales, perlèche et pâleur cutanée au cours d’une carence martiale 77-17
77.25 Sclérotique bleutée au cours d’une carence martiale chronique 77-17

78.1 Angiofibromes multiples du visage au cours d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 78-2
78.2 Plaque hyperpigmentée brune unilatérale paravertébrale thoracique au cours d’une amylose cutanée secondaire
à une néoplasie endocrininienne multiple de type 2A 78-3
78.3 Neuromes muqueux au cours de la néoplasie endocrinienne multiple de type 2B : tuméfactions nodulaires de la
lèvre supérieure, de la pointe et des bords latéraux de la langue 78-4
78.4 Lentigines multiples du visage et nævus bleu au cours d’un complexe de Carney 78-5
78.5 Lentigines multiples du bord libre de la paupière inférieure et du canthus interne au cours d’un complexe de
Carney 78-5
78.6 Myxome cutané au cours d’un complexe de Carney 78-5
78.7 Ulcérations chroniques des lits unguéaux secondaire à une candidose chronique des ongles au cours d’une poly-
endocrinopathie auto-immune de type 1 78-6
78.8 Glossite et chéilite chronique au cours d’une candidose cutanéo-muqueuse chronique 78-7
78.9 Volumineuses calcifications d’un genou au cours d’une ostéodystrophie héréditaire d’Albright 78-8
78.10 Macule hyperpigmentée de la cuisse au cours d’un syndrome POEMS 78-9
78.11 Syndrome sclérodermiforme des mains au cours d’un syndrome POEMS 78-9
78.12 Lipoatrophie faciale au cours d’un syndrome POEMS 78-10
78.13 Angiomes cutanés tubéreux multiples en regard d’une large macule hyperpigmentée d’une cuisse au cours d’un
syndrome POEMS 78-10
78.14 Large tache café-au-lait du dos paravertébrale droite et de l’omoplate droite, à contours déchiquétés, au cours du
syndrome de McCune-Albright 78-11
78.15 Taches café-au-lait lombaires au cours du syndrome de McCune-Albright 78-11

79.1 Aphte commun de la lèvre 79-3


79.2 Érythème noueux au cours d’une maladie de Crohn : peu de nouures, atteinte unilatérale et postérieure de jambe
79-3
79.3 Pyoderma gangrenosum d’une jambe au cours d’une maladie de Crohn : ulcération superficielle mucopurulente
à bords décollés érythémateux et œdémateux, « minés » sur leur versant interne par une collerette pustuleuse
79-4
79.4 Syndrome de Sweet du dos au cours d’une rectocolite ulcéro-hémorragique : papules érythémateuses et œdéma-
teuses centrées en leur sommet par une croûte post-pustuleuse 79-4
79.5 Gros plan sur une lésion pustuleuse d’un syndrome arthrocutané 79-5
XVIII Table des figures

79.6 Syndrome arthrocutané au cours d’une rectocolite ulcéro-hémorragique : multiples pustules du membre inférieur
79-5
79.7 Syndrome arthrocutané au cours d’une rectocolite ulcéro-hémorragique : multiples pustules de 2 à 3 mm repo-
sant sur une base érythémateuse du visage et ulcérations aphtoïdes de la pointe de la langue 79-5
79.8 Pyostomatite-pyodermite végétante : pustules des lèvres coalescentes et à disposition grossièrement linéaire en
« traces d’escargots » 79-6
79.9 Pyostomatite-pyodermite végétante au cours d’une rectocolite ulcéro-hémorragique : pustules des paupières in-
férieures et de la joue droite, surmontant une base érythémateuse et à disposition arciforme 79-6
79.10 Abcès aseptiques au cours d’une maladie de Crohn : multiples lésions nodulaires abcédées des faces postérieures
des membres inférieurs associées à des lésions papuleuses et pustuleuses de petite taille 79-6
79.11 Vasculite au cours d’une maladie inflammatoire cryptogénique de l’intestin : nodules inflammatoires profonds
confluents des faces antérieures des jambes 79-7
79.12 Lésions cutanées granulomateuses péristomales « de contiguïté » au cours d’une maladie de Crohn 79-7
79.13 Lésions végétantes à type de marisques au cours d’une maladie de Crohn 79-7
79.14 Ulcérations muqueuses profondes et linéaires anales et périanales au cours d’une maladie de Crohn 79-8
79.15 Œdème vulvaire au cours d’une maladie de Crohn 79-8
79.16 Lésions polypoïdes orales du sillon gingivo-labial au cours d’une maladie de Crohn 79-8
79.17 Hyperplasie œdémateuse réalisant un aspect en « pavé » (cobblestone) de la face interne d’une joue au cours d’une
maladie de Crohn 79-9
79.18 Chéilite granulomateuse associée à une maladie de Crohn : œdème induré et permanent de la lèvre supérieure
79-9
79.19 Lésions cutanées érosives des faces postérieures des chevilles au cours d’une épidermolyse bulleuse acquise
79-10
79.20 Éruption érythémateuse et vésiculeuse, symétrique, des faces d’extension des membres supérieurs et du dos au
cours d’une dermatite herpétiforme 79-12

80.1 Syndrome de Gianotti-Crosti : éruption papuleuse monomorphe des membres épargnant le tronc 80-3
80.2 Livedo ramifié inflammatoire du genou au cours d’une périartérite noueuse 80-3
80.3 Purpura nécrotique et livedo d’un membre inférieur au cours d’une cryoglobulinémie mixte compliquant une
hépatite virale C chronique 80-4
80.4 Érosions, bulles et grains de milium du dos des mains au cours d’une porphyrie cutanée tardive 80-4
80.5 Papules excoriées du tronc et des membres supérieurs témoignant de lésions de grattage compliquant un prurit
sévère au cours d’une hépatite virale C 80-5
80.6 Lichen érosif de la face interne de joue au cours d’une hépatite virale C chronique active 80-6
80.7 Angiomes stellaires du cou et du thorax au cours d’une cirrhose éthylique 80-7
80.8 Érythème palmaire prédominant sur les éminences thénar et hypothénar au cours d’une cirrhose éthylique 80-7
80.9 Circulation collatérale veineuse abdominale au cours d’une hypertension portale compliquant une cirrhose éthy-
lique 80-7
80.10 Leuconychie totale (ongles blancs de Terry) au cours d’une cirrhose éthylique 80-7
80.11 Érythème eczématiforme de l’épaule et du bras au cours d’un érythème nécrolytique migrateur associé à un déficit
en zinc 80-8
80.12 Lésions d’eczéma craquelé de la face antérieure du tronc au cours d’un déficit acquis en zinc 80-8
80.13 Lipomatose de Launois-Bensaude au cours d’une intoxication alcoolique chronique : volumineuses masses adi-
peuses de la région cervicale postérieure et de la partie supérieure du tronc 80-9
80.14 Pigmentation des mains au cours d’une hémochromatose 80-10

81.1 Nodules érythémateux profonds et fistulisés mammaires au cours d’une panniculite pancréatique 81-1
81.2 Signe de Grey Turner : placard ecchymotique du flanc au cours d’une pancréatite aiguë 81-2
81.3 Signe de Cullen : placard ecchymotique péri- et sous-ombilical au cours d’une pancréatite aiguë 81-2
81.4 Sclérose palmaire irréductible au cours d’un syndrome « fasciite palmaire-polyarthralgies » 81-4
81.5 Érythème nécrolytique migrateur au cours du glucagonome : plaque érythémateuse érosive et croûteuse du tho-
rax, des épaules et du cou à évolution centrifuge avec processus de cicatrisation centrale 81-4
81.6 Érythème nécrolytique migrateur au cours du glucagonome : plaques érythémateuses érosives et croûteuses à
disposition annulaire ou arciforme du flanc 81-5
81.7 Érythème nécrolytique migrateur au cours du glucagonome : plaques érythémateuses érosives et croûteuses du
visage et glossite 81-5
81.8 Érythème nécrolytique migrateur au cours d’un déficit combiné en zinc et en acides gras essentiels : syndrome
du pseudoglucagonome 81-7
Table des figures XIX

82.1 Ostéomes crâniens au cours d’un syndrome de Gardner 82-1


82.2 Polypes adénomateux profus du tube digestif au cours d’un syndrome de Gardner 82-2
82.3 Lentiginose labiale et périorale au cours d’un syndrome de Peutz-Jeghers 82-3
82.4 Trichilemmomes du front au cours d’une maladie de Cowden : papules verruqueuses couleur peau normale 82-5
82.5 Lésions hyperkératosiques verruqueuses acrales au cours d’une maladie de Cowden 82-5
82.6 Papules papillomateuses coalescentes à disposition pavimenteuse de la gencive supérieure au cours de la maladie
de Cowden 82-5
82.7 Collagénome storiforme au cours d’une maladie de Cowden : nodule scléreux du dos 82-6
82.8 Examen histologique d’un adénome sébacé : lobules glandulaires sébacés contenant des cellules basaloïdes en
périphérie et des éléments sébacés matures (vacuoles cytoplasmiques) au centre 82-6
82.9 Adénomes sébacés du visage au cours d’un syndrome de Muir-Torre 82-7
82.10 Maladie de Degos : papules atrophiques porcelainées à centre blanchâtre et cernées d’un fin liseré érythémateux
82-8
82.11 Papules et nodules bleuâtres saillants en tétine du thorax au cours du syndrome du blue rubber bleb naevus
82-9

83.1 Pli diagonal du lobule de l’oreille (signe de Frank) 83-1


83.2 Xanthélasma des paupières 83-2
83.3 Classification de Frederickson 83-2
83.4 Plaque poïkilodermique du dos témoignant d’une radiodermite chronique après angioplasties coronaires percu-
tanées répétées 83-3
83.5 Dermohypodermite chronique de jambe en regard d’une cicatrice de saphénectomie 83-3
83.6 Nodules d’Osler plantaires au cours d’une endocardite infectieuse aiguë : nodules érythémateux ronds et de petite
taille 83-4
83.7 Érythème de Janeway au cours d’une endocardite infectieuse aiguë : macules hémorragiques de la paume et de
la pulpe des doigts 83-4
83.8 Hémorragies sous-unguéales, longitudinales, en « flammèche », au cours d’une endocardite infectieuse aiguë
83-4
83.9 Nécroses digitales et plantaire au cours d’une endocardite infectieuse aiguë 83-5
83.10 Syndrome des ongles jaunes : dyschromie de la totalité des tablettes unguéales des mains qui apparaissent épais-
sies avec une accentuation des courbures transversales et une coloration gris noir des bords latéraux des tablettes
83-5
83.11 Hippocratisme digital : aspect bombé et élargissement des extrémités digitales 83-6
83.12 Hippocratisme digital : l’angle de Curth formé par l’axe de la deuxième et de la troisième phalange est inférieur
ou égal à 160◦ (normale à 180◦ ), et l’angle de Lovibond formé par la lame unguéale et le repli sus-matriciel est
supérieur à 180◦ (normale à 160◦ ) 83-6
83.13 Ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique associée à un cancer pulmonaire : hippocratisme digital et hy-
pertrophie pseudo-acromégalique des mains 83-8
83.14 Kératodermie aquagénique : petites papules blanches de la face palmaire des mains de survenue rapide après
immersion dans l’eau 83-8

84.1 Ulcère veineux de jambe post-thrombotique : ulcérations multiples à fond fibrineux de la face interne du tiers in-
férieur de jambe associées à une guêtre sclérodermiforme, une capillarite purpurique et pigmentée et des étoiles
blanches atrophiques 84-2
84.2 Ulcères veineux de jambe : ulcérations multiples de face externe de jambe associées à une capillarite purpurique
et pigmentée et une parakératose 84-2
84.3 Ulcère veineux de jambe post-phlébitique : ulcération de grande taille de la face antérieure et externe de jambe
reposant sur un socle scléreu x, purpurique et pigmenté 84-3
84.4 Ulcère artériel : ulcération creusante du dos du pied et nécrose de la pulpe du gros orteil 84-4
84.5 Angiodermite nécrotique : livedo nécrosant centré par une ulcération post-escarrotique suspendue au tiers moyen
de la face externe de jambe 84-5
84.6 Large ulcération post-nécrotique cernée d’un livedo inflammatoire d’une face externe de jambe au cours d’un
syndrome des anticorps antiphospholipides 84-7
84.7 Ulcération de jambe cernée d’un purpura pigmenté et livedo du bord externe du pied au cours d’une afibrinogé-
némie associée à une cryoglobulinémie mixte 84-7
84.8 Dermite livedoïde de Nicolaü : livedo plantaire à évolution nécrosante secondaire à une injection intra-artérielle
locale de corticoïdes retard 84-8
84.9 Purpura pétéchial plantaire et livedo prédominant sur les orteils au cours d’embolies de cholestérol 84-8
XX Table des figures

84.10 Livedo distal, orteils pourpres et nécrose distale partielle du cinquième orteil gauche au cours d’embolies de cho-
lestérol 84-9
84.11 Examen histologique d’embols de cholestérol : cavité lancéolées intravasculaires et infiltrat inflammatoire péri-
vasculaire du derme 84-9
84.12 Livedo nécrosant unilatéral de l’avant-bras et de la main secondaire à des injections intraartérielles répétées de
buprénorphine dans l’artère humérale 84-9
84.13 Nécrose cutanée abdominale au site d’injection d’interféron alpha au cours du traitement d’une hépatite virale
chronique C 84-10
84.14 Livedo nécrosant (calciphylaxie) d’une cuisse au cours d’une insuffisance rénale chronique 84-10
84.15 Vasculite livedoïde de Winkelmann : ulcères chroniques du pied associé à un purpura et des cicatrices blanches
atrophiques particulièrement visibles sur la face dorsale de l’avant-pied 84-11

85.1 Cordon inflammatoire veineux d’une face interne de cuisse au cours d’une thrombophlébite sur varice de la veine
saphène interne 85-1
85.2 Multiples cordons rouge violacé en « tuyau de pipe » des membres inférieurs au cours de thrombophlébites su-
perficielles migratrices 85-2
85.3 Maladie de Mondor : deux cordons linéaires en « fil de fer » (flèches) de la région épigastrique gauche 85-2
85.4 Thrombophlébites nodulaires : nodules rouges inflammatoires de la face antérieure de jambe de distinction cli-
nique délicate avec un érythème noueux 85-3
85.5 Circulation collatérale veineuse thoracique au cours d’un syndrome cave supérieur compliquant un adénocarci-
nome bronchique 85-4

86.1 Lymphœdème primitif isolé des membres inférieurs 86-2


86.2 Lymphœdème des pieds prédominant sur le pied gauche au cours d’un syndrome de Turner 86-2
86.3 Lymphœdème du membre inférieur droit au cours d’une filariose lymphatique 86-5
86.4 Lymphœdème de la jambe gauche au cours d’une maladie de Kaposi méditerranéenne 86-6
86.5 Papillomatose cutanée du dos d’un pied au cours d’un lymphœdème chronique du membre inférieur gauche 86-7
86.6 État d’éléphantiasis au cours d’un lymphœdème chronique du membre inférieur gauche 86-7
86.7 Lymphœdème primitif du membre inférieur droit : œdème et accentuation des plis de flexion des orteils 86-7
86.8 Lymphoscintigraphie des membres inférieurs : lymphœdème unilatéral gauche, hypofixation des ganglions in-
guinaux et rétrocruraux 86-8
86.9 Lymphangiosarcome de Stewart Treves sur un lymphœdème secondaire du membre supérieur gauche après trai-
tement d’un cancer du sein 86-8
86.10 Lymphangiosarcome de Stewart Treves sur un lymphœdème secondaire du membre supérieur gauche survenant
6 ans après le traitement d’un cancer du sein 86-8
86.11 Carcinome épidermoïde du dos du deuxième orteil droit compliquant un lymphœdème chronique 86-9
86.12 Lipœdème 86-9
86.13 Bandage peu élastique avec capitonnage de mousse NN puis application de bandes peu élastiques de type Somos
sur un lymphœdème secondaire du membre supérieur gauche 86-11
86.14 Bandage peu élastique complet pour lymphœdème primitif du membre inférieur gauche 86-11
86.15 Manchon de compression élastique sur mesure avec mitaine attenante pour lymphœdème secondaire du membre
supérieur gauche 86-12

87.1 Répartition des fibres élastiques au sein du tissu conjonctif dermique 87-1
87.2 Thorax étroit déformé en carène au cours d’un syndrome de Marfan 87-5
87.3 Signe de Steinberg au cours du syndrome de Marfan : la totalité de la phalange distale dépasse le bord cubital de
la main lorsque le ping est fermé 87-5
87.4 Vergetures horizontales du dos au cours du syndrome de Marfan 87-6
87.5 Cutis laxa : peau lâche et spontanément redondante et aspect de vieillissement prématuré 87-9
87.6 Pseudoxanthome élastique : papules jaunâtres confluentes en plaques sur la face latérale du cou 87-10
87.7 Pseudoxanthome élastique et peau redondante du cou (aspect de cutis laxa) 87-11
87.8 Visualisation des veines sous-cutanées du dos lors de la flexion en avant du tronc au cours du syndrome d’Ehlers-
Danlos 87-14
87.9 Acrogéria avec visualisation anormale des tendons et de la circulation veineuse du dos de la main au cours d’un
syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire 87-14
87.10 Cicatrices fripées, atrophiques et larges des genoux au cours d’un syndrome d’Ehlers-Danlos 87-14
87.11 Multiples plaies, cicactrices et hématomes cutanés au cours d’un syndrome d’Ehlers-Danlos de type classique
pouvant faire porter le diagnostic de sévices corporels 87-15
Table des figures XXI

87.12 Absence de frein lingual au cours d’un syndrome d’Ehlers-Danlos de type classique 87-15

88.1 Voie RAS/MAPKinases 88-2


88.2 Lentigines et tache « café noir » au cours du syndrome LEOPARD 88-5
88.3 Lentigines multiples au cours du syndrome LEOPARD 88-5
88.4 Lentigines palmaires au cours du syndrome LEOPARD 88-5
88.5 Lymphœdème congénital des membres inférieurs au cours d’un syndrome de Noonan 88-6
88.6 Excès de peau du dos de la main au cours d’un syndrome de Noonan 88-6
88.7 Pectus excavatum, espacement augmenté des mamelons et multiples nævus au cours d’un syndrome de Noonan
88-7
88.8 Hématomes multiples survenant lors de traumatismes minimes au cours d’un syndrome de Noonan 88-7
88.9 Kératose pilaire rouge du membre supérieur et pectus excavatum au cours d’un syndrome cardio-facio-cutané
88-7
88.10 Syndrome cardio-facio-cutané. Cheveux frisés avec alopécie des zones temporales et constriction bi-temporales.
Kératose pilaire rouge atrophiante des sourcils 88-8
88.11 Plis palmaires et plantaires profonds, peau redondate et hyperkératose des zones d’appui au cours d’un syndrome
de Costello 88-8
88.12 Papillomes cutanés des membres inférieurs au cours d’un syndrome de Costello 88-9
88.13 Taches café au lait et lentigine axillaire au cours d’un syndrome de Legius 88-10

89.1 Structure de la couche interne de l’enveloppe nucléaire 89-3


89.2 Lipoatrophie faciale au cours d’une dysplasie mandibulo-acrale 89-4
89.3 Acrogeria, lipoatrophie et dystrophie osseuse des extrémités au cours d’une dysplasie mandibulo-acrale 89-4
89.4 État sclérodermiforme des mains avec induration des tendons fléchisseurs (aspect de type Dupuytren) au cours
d’une laminopathie avec mutation du gène LMNA. État sclérodermiforme du dos des pieds au cours d’une
laminopathie avec mutation du gène LMNA 89-5
89.5 Alopécie, grisonnement prématuré des cheveux et poïkilodermie des joues et du menton, lèvres amincies et cal-
cifications auriculaires au cours d’un syndrome de Werner chez un homme de 45 ans 89-5
89.6 Hyperkératose et calcinose du coude au cours d’un syndrome de Werner 89-6
89.7 Pieds plats et déformations articulaires compliquées de troubles trophiques au cours du syndrome de Werner
89-6

90.1 Lésions de prurigo et excoriations de grattage secondaires à un prurit chronique d’insuffisance rénale 90-2
90.2 État sclérodermiforme des jambes au cours d’une dermopathie fibrosante néphrogénique-fibrose systémique
néphrogénique 90-3
90.3 Aspect peau d’orange au niveau d’une face interne de jambe au cours d’une dermopathie fibrosante néphrogénique-
fibrose systémique néphrogénique 90-3
90.4 Examen histologique d’une atteinte cutanée au cours d’une fibrose systémique néphrogénique : hypercellularité
dermique composée de cellules fusiformes au sein de gros faisceaux de collagène disposés en tout sens et séparés
par de larges fentes optiquement vides 90-4
90.5 Calcinose métastatique au cours de l’insuffisance rénale chronique : multiples papules et nodules cutanés pro-
fonds de couleur blanc crayeux sur la malléole externe de la cheville 90-6
90.6 Vaste ulcération profonde à bordure nécrotique de la face interne du genou au cours d’une artériolopathie calcique
90-6
90.7 Ulcération nécrotique cernée d’un livedo inflammatoire du gland au cours d’une artériolopathie calcique 90-6
90.8 Radiographie du bassin objectivant de multiples calcifications artériolaires au cours d’une artériolopathie cal-
cique 90-7
90.9 Papules kératosiques centrées par un bouchon corné central adhérent sur une face interne de jambe au cours
d’une dermatose perforante acquise de l’insuffisance rénale chronique. Le caractère linéaire de certaines lésions
est secondaire à un phénomène de Koebner 90-7
90.10 Pseudoporphyrie cutanée tardive au cours d’une dermatose bulleuse des hémodialysés (pseudoporphyrie cutanée
tardive) 90-8
90.11 Ongles équisegmentés hyperazotémiques (half-and-half nails ou ongles de Lindsay) : tablettes unguéales com-
portant une portion proximale blanchâtre et une portion distale rouge-brun séparées par une nette ligne de
démarcation 90-9

91.1 Fibrofolliculomes du visage au cours d’un syndrome de Birt-Hogg-Dubé : multiples papules blanchâtres lisses, en
dôme des joues et du sillon nasogénien 91-2
XXII Table des figures

91.2 Fibrofolliculomes de l’oreille et du pli rétroauriculaire, une localisation classique au cours du syndrome de Birt-
Hogg-Dubé 91-3
91.3 Placard congénital associant des fibrofolliculomes coalescents et des kystes épidermiques au cours du syndrome
de Birt-Hogg-Dubé 91-3
91.4 Fibrofolliculomes du creux axillaire : papules en dôme et pédiculées à type d’acrochordons 91-3
91.5 Histologie d’un fibrofolliculome 91-4
91.6 Papule fibreuse labiale inférieure au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé 91-4
91.7 Léiomyomes cutanés au cours d’une léiomyomatose familiale cutanée et utérine 91-4
91.8 Groupement segmentaire de léiomyomes cutanés sur la face externe d’un bras au cours d’une léiomyomatose
familiale cutanée et utérine 91-5
91.9 Examen histologique d’un léiomyome cutané 91-5
91.10 Lunules triangulaires au cours d’un syndrome Nail-Patella 91-6
91.11 Atrophie des tablettes unguéales au cours d’un syndrome Nail-Patella 91-6
91.12 Absence de rotule au cours d’un syndrome Nail-Patella. Radiologie d’un genou normal 91-7
91.13 Lipoatrophie partielle acquise (syndrome de Barraquers-Simons) : lipoatrophie du tronc contrastant avec une
hypertrophie adipeuse des membres inférieurs et des fesses 91-8
91.14 Sinus préauriculaire au cours d’un syndrome branchio-oto-rénal 91-8
91.15 Mamelon surnuméraire 91-9
91.16 Ligne de développement potentiel de mamelon surnuméraire 91-9
91.17 Calcinoses digitales au cours d’une hyperoxalurie primitive 91-10
91.18 Vieillissement prématuré du visage (patient âgé de 38 ans) au cours d’une cystinose 91-10

92.1 Érythème palmaire acquis, une manifestation dermatologique de tumeurs cérébrales à envisager 92-2
92.2 Répartition faciale de l’innervation sensitive par le nerf trijumeau 92-5
92.3 Ulcération nasale et de la lèvre supérieure au cours d’un syndrome neurotrophique trigéminal après infarctus
cérébral 92-5
92.4 Ulcération du front au cours d’un syndrome neurotrophique trigéminal après infarctus cérébral 92-5
92.5 Acropathie ulcéro-mutilante sporadique de Bureau et Barrière 92-8
92.6 Prurit brachioradial : topographie des zones atteintes sur les membres supérieurs, la partie haute du tronc et le
cou 92-8
92.7 Lichénification du scrotum secondaire à un prurit chronique sans dermatose sous-jacente. La recherche d’une
radiculopathie lombosacrée est utile 92-8
92.8 Macule brune et lichénifiée paravertébrale au cours de la notalgie paresthésique 92-9
92.9 Érythème cyanotique et hyperhidrose du pied gauche au cours de la phase chaude d’une dystrophie sympathique
réflexe 92-10
92.10 Syndrome de Claude Bernard-Horner : association d’un ptosis, d’un myosis et d’une enophtalmie 92-10
92.11 Syndrome des oreilles rouges : érythème et œdème bilatéraux des oreilles touchant le pavillon et le lobule. Le
respect relatif de la conque et du tragus est classique au cours de ce syndrome 92-11
92.12 Principales étiologies du syndrome des oreilles rouges : le conflit radiculaire cervical haut responsable d’une « irri-
tation » des racines C2-C3 ou du nerf grand auriculaire dont il est issu ; la dysfonction temporo-mandibulaire pou-
vant atteindre les rameaux nerveux issus du nerf grand auriculaire ; les céphalalgies du nerf trijumeau par atteinte
du nerf auriculo-temporal. Dans ce dernier cas, les signes cutanés s’accompagnent habituellement de céphalées
92-12
92.13 Érythermalgie : érythème cyanique et œdème des pieds prédominant sur les orteils 92-13
92.14 Phénomène Arlequin au cours d’un syndrome douloureux paroxystique : érythème néonatal caractéristique par
son caractère strictement délimité à un hémicorps associé à une pâleur controlatérale 92-13

93.1 Stress et axe hypothalamo-hypophysaire 93-2


93.2 Pathomimie cutanée : ulcération cutanée circulaire du dos de la main 93-4
93.3 Pathomimie cutanée : multiples lésions érosives, croûteuses et cicatricielles marquées par leur forme géomé-
trique, leur nette démarcation par rapport à la peau saine et leur accessibilité 93-4
93.4 Ulcération cutanée profonde de forme triangulaire de la joue et cicatrices anciennes du visage au cours d’un
syndrome de Münchausen 93-5
93.5 Ecchymoses multiples du membre supérieur au cours d’un syndrome de Gardner et Diamond 93-5
93.6 Cicatrices pigmentées linéaires des poignets et du dos des mains secondaire à des excoriations névrotiques 93-6
93.7 Acné excoriée du visage : excoriations multiples, parfois linéaires, de la joue secondaires à des manipulations
compulsives 93-6
Table des figures XXIII

93.8 Trichotillomanie : alopécie non cicatricielle, non squameuse et non inflammatoire linéaire du sommet du crâne
93-7
93.9 Trichotillomanie : alopécie non cicatricielle, non squameuse et non inflammatoire en aire circulaire touchant avec
prédilection le sommet du crâne et épargnant l’occiput et la lisière frontale 93-7
93.10 Cutis verticis gyrata : cuir chevelu épaissi et parcouru de bourrelets et de sillons 93-10
93.11 Prurigo des épaules et des bras au cours de troubles dépressifs 93-12
93.12 Excoriations névrotiques du visage au cours de troubles du spectre obsession-compulsion 93-12
93.13 Lacérations cutanées répétées de l’avant-bras au cours de comportement parasuicidaire 93-14
93.14 Brûlures répétées au cours de comportement parasuicidaire 93-15
93.15 Acrocyanose au cours d’une anorexie mentale 93-17

94.1 Taches café au lait multiples du tronc au cours d’une neurofibromatose de type 1 94-2
94.2 Lentigines axillaires au cours d’une neurofibromatose de type 1 94-2
94.3 Examen histologique d’un neurofibrome cutané : prolifération dermique composée majoritairement de cellules
de Schwann 94-3
94.4 Neurofibromes cutanés profus au cours de la neurofibromatose de type 1 : multiples tumeurs rosées ou brunes,
sessiles ou pédiculées de la face antérieure du tronc 94-3
94.5 Neurofibromes sous-cutanés au cours de la neurofibromatose de type 1 : multiples nodules cutanés profonds et
bombants d’un membre 94-3
94.6 Neurofibrome plexiforme au cours de la neurofibromatose de type 1 : voussure congénitale du flanc gauche sur-
montée d’une large macule pigmentée à contours émiettés 94-4
94.7 Neurofibrome plexiforme au cours de la neurofibromatose de type 1 : voussure congénitale du dos et hypertri-
chose en regard 94-4
94.8 Neurofibrome plexiforme au cours de la neurofibromatose de type 1 : volumineuse tumeur pendulaire localisée
sur l’hémitronc droit surmontée d’une large macule pigmentée à contours émiettés 94-4
94.9 Hamartome anémique au cours de la neurofibromatose de type 1. Macules pâles rondes ou polycycliques de l’hé-
mithorax gauche (ellipse). Noter les taches violines associées (flèches). Après friction mécanique, l’absence de
rougeur des macules permet la reconnaissance de leur caractère « anémique » 94-5
94.10 Xanthogranulomes juvéniles multiples du tronc au cours de la neurofibromatose de type 1 : papules en dôme à
surface lisse ou mamelonnée de couleur jaune orangé 94-5
94.11 Hyperpigmentation généralisée du dos au cours de la neurofibromatose de type 1 94-6
94.12 Exemple de tumeur glomique : nodule rouge de la région sous-unguéale proximale associé à un décollement lon-
gitudinal de la tablette unguéal en regard 94-6
94.13 Nodules de Lisch au cours de la neurofibromatose de type 1 : petits nodules jaune brun en saillie sur la face
antérieure et inférieure de l’iris 94-7
94.14 Coupe frontale séquence T1 en saturation de la graisse avec injection de gadolinium. Hypertrophie du nerf op-
tique droit dans sa portion préchiasmatique, rehaussé après injection de gadolinium. Coupe axiale, séquence
flair. Hyper-signal ovoïde du globus pallidus interne et du globus pallidus externe gauche et de la partie posté-
rieure du thalamus gauche, correspondant à des OBNI 94-7
94.15 Neurofibromatose segmentaire (anciennement neurofibromatose de type 5) : association d’une tache café au lait
et de neurofibromes limitée à une jambe 94-10
94.16 Schwannome cutané : tuméfaction cutanée brune et pileuse de l’abdomen au cours d’une neurofibromatose de
type 2. Gros plan de la lésion 94-13
94.17 Schwannome cutané : tuméfaction nodulaire cutanée et hypertrichose en regard située sur l’hémifront droit au
cours d’une neurofibromatose de type 2 94-13
94.18 Schwannomatose (anciennement neurilemnomatose) : volumineuse tumeur nodulaire de la face latérale de
l’avant-bras 94-13

95.1 Pourcentage de patients atteints par chacune des lésions de sclérose tubéreuse de Bourneville en fonction du
temps 95-1
95.2 Macules hypopigmentées lancéolées du thorax au cours d’une sclérose tubéreuse de Bourneville 95-2
95.3 Macules blanches en confettis et lancéolées du dos et plaque « peau de chagrin » paradorsale gauche (flèches) au
cours d’une sclérose tubéreuse de Bourneville 95-2
95.4 Angiofibromes du visage au cours d’une sclérose tubéreuse de Bourneville : multiples petites élevures à surface
lisse et brillante, de couleur rose, rouge et brun, et prédominant sur le sillon nasogénien et le menton 95-2
95.5 Angiofibromes débutants au cours d’une sclérose tubéreuse de Bourneville : micropapules brunes et groupées
d’une joue et de la lèvre supérieure 95-3
95.6 Plaque fibreuse du front droit au cours d’une sclérose tubéreuse de Bourneville 95-3
XXIV Table des figures

95.7 Plaque « peau de chagrin », de couleur brune, à surface fripée et granitée de la région lombaire au cours d’une
sclérose tubéreuse de Bourneville 95-3
95.8 Fibrome périunguéal au cours d’une sclérose tubéreuse de Bourneville : prolifération oblongue, charnue, de cou-
leur rosée surmontant une dépression en gouttière longitudinale de la tablette unguéale de l’orteil en regard
95-4
95.9 Fibromes muqueux gingivaux au cours d’une sclérose tubéreuse de Bourneville : élevures rosées et lisses prédo-
minant sur les papilles interdentaires 95-4

96.1 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito : multiples macules hypopigmentées réparties de façon linéaire sur les
membres supérieurs 96-2
96.2 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito : multiples macules hypopigmentées réparties de façon linéaire sur les
membres inférieurs 96-2
96.3 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito : multiples macules hypopigmentées réparties de façon linéaire sur le dos.
La distinction entre peau dépigmentée et peau normale est parfois délicate comme dans ce cas 96-3
96.4 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito du scalp : dépigmentation des cheveux de couleur orangée sur une zone
localisée occipitale 96-3
96.5 Hamartome achromique solitaire : macule achromique grossièrement rectangulaire, à bord dentelé du creux sus-
claviculaire 96-3
96.6 Mosaïcisme pigmentaire de type Ito : la différenciation avec un hamartome achromique segmentaire isolé est
parfois délicate 96-4
96.7 Lichen striatus au stade d’hypopigmentation post-inflammatoire : le caractère acquis et la persistence de lésions
rosées « lichéniennes » permettent le diagnostic 96-4
96.8 Syndrome de Pallister-Killian (tétrasomie 12p en mosaïque) : macules hypochromes à disposition linéaires sur
l’avant-bras et non systématisées sur le bras et la jambe 96-5

97.1 Télangiectasies linguales au cours de la télangiectasie héréditaire hémorragique 97-4


97.2 Télangiectasies labiales au cours de la télangiectasie héréditaire hémorragique 97-4
97.3 Télangiectasies de la face palmaire des doigts au cours de la télangiectasie héréditaire hémorragique 97-4
97.4 Cavernomes cérébraux 97-5
97.5 Malformations vasculaires cutanées hyperkératosiques et capillaroveineuses au cours de cavernomes familiaux
97-5
97.6 Télangiectasies de la sclérotique au cours du syndrome ataxie télangiectasie (ou syndrome de Louis Bar) 97-6
97.7 Macule télangiectasique temporojuguale droite au cours du syndrome malformations capillaires-malformations
artérioveineuses 97-7
97.8 Macules télangiectasiques du dos d’une main au cours du syndrome malformations capillaires-malformations
artérioveineuses 97-7
97.9 Image scannographique d’une hémorragie cérébrale à partir d’un cavernome cérébral au cours du syndrome mal-
formations capillaires-malformations artérioveineuses 97-8
97.10 Angiokératomes profus d’une cuisse au cours d’une maladie de Fabry 97-8
97.11 Examen histologique d’un angiokératome 97-8
97.12 Angiokératomes palmaires au cours d’une maladie de Fabry 97-9
97.13 Angiokératomes et télangiectasies labiales au cours d’une maladie de Fabry 97-9
97.14 Angiokératomes chez une femme hétérozygote pour la maladie de Fabry 97-9
97.15 Corps zébrés intralysosomaux au sein des cellules endothéliales visibles en microscopie électronique au cours de
la maladie de Fabry 97-10
97.16 Carcinomes basocellulaires superficiels multiples du dos au cours de la nævomatose basocellulaire 97-11
97.17 Carcinomes basocellulaires nodulaires et hamartomes basaloïdes pendulaires (à type d’acrochordons) de la face
latérale du cou au cours de la nævomatose basocellulaire 97-11
97.18 Pits palmaires au cours de la nævomatose basocellulaire 97-12
97.19 Grains de milium, carcinomes basocellulaires nodulaires et hamartomes basaloïdes des paupières au cours de la
nævomatose basocellulaire 97-12
97.20 Pilitortose capillaire en microscopie optique à lumière polarisée au cours d’une maladie de Menkes 97-12
97.21 Lésions verrucolichénoïdes à disposition blaschkoïde au cours d’une incontinentia pigmenti 97-13
97.22 Hyperpigmentation circonvolutée du flanc au cours d’une incontinentia pigmenti 97-13
97.23 Érythrodermie au cours d’une maladie d’un syndrome de Sjögren Larsson 97-14
97.24 Syndrome de Conradi-Hünermann-Happle 97-15
97.25 Large macule hypochrome du front au cours d’un syndrome de Waardenburg 97-15
97.26 Hétérochromie irienne au cours d’un syndrome de Waardenburg 97-15
Tableaux
75.1 Étiologies des hyperandrogénies 75-6

76.1 Principales manifestations dermatologiques et prévalence moyenne au cours du diabète sucré 76-2

77.1 Vitamines : sources alimentaires et manifestations dermatologiques de leurs carences 77-3


77.2 Principaux signes cutanéomuqueux au cours des déficits nutritionnels 77-4

78.1 Maladies rares endocriniennes et dermatologiques 78-2

79.1 Signes distinctifs de la rectocolite hémorragique et de la maladie de Crohn 79-2


79.2 Quand faut-il chercher une MICI ? 79-3

80.1 Principales caractéristiques des hépatites virales A, B et C 80-2

85.1 Étiologies des thromboses veineuses superficielles 85-3

86.1 Maladies malformatives et/ou génétiques, anomalies chromosomiques pouvant s’accompagner de lymphœdème
86-3
86.2 Critères diagnostiques du lipœdème et du lymphœdème primitif des membres inférieurs 86-10
86.3 Phases de la physiothérapie décongestive complète dans le traitement des lymphœdèmes 86-11

87.1 Principales dysplasies héréditaires du tissu conjonctif avec atteinte dermatologique et cardiovasculaire 87-3
87.2 Critères du diagnostic du syndrome de Marfan (critères de Gand révisés en 1996) 87-4
87.3 Classification des cutis laxa avec atteinte cardiovasculaire 87-8
87.4 Principales caractéristiques des syndromes d’Ehlers-Danlos 87-13

88.1 Principales caractéristiques des syndromes neuro-cardio-facio-cutanés 88-3

89.1 Syndromes progéroïdes avec atteinte cutanée et cardiovasculaire 89-2

92.1 Diagnostics différentiels du syndrome neurotrophique trigéminal 92-4


92.2 Signes cliniques en faveur d’une neuropathie 92-6

93.1 Principales pathologies cutanées auto-induites 93-4


93.2 Principales manifestations dermatologiques des symptômes psychiatriques primaires 93-9

94.1 Fréquence, âge de début et évolutivité des manifestations cliniques de la neurofibromatose de type 1 94-8
94.2 Recommandations pour le suivi des patients NF-1 94-10
94.3 Critères diagnostiques de schwannomatose 94-12

95.1 Surveillance clinique et paraclinique au cours de la sclérose tubéreuse de Bourneville 95-6

97.1 Génodermatoses vasculaires à expression neurologique 97-2


97.2 Autres génodermatoses à expression neurologique (à l’exception de la NF et de la STB) 97-3
Encadrés
74.A Manifestations cutanées des maladies thyroïdiennes 74-2
74.B Affections dermatologiques et maladies thyroïdiennes 74-7

77.A Étiologies des éruptions à type d’acrodermatite entéropathique 77-13

78.A Principales tumeurs associées à la NEM-1 78-2


78.B Principales anomalies cliniques associées aux NEM-2 78-3
78.C Critères diagnostiques du complexe de Carney 78-4
78.D Classification des polyendocrinopathies auto-immunes 78-6
78.E Manifestations cliniques de la PEAI type 1 78-6
78.F Manifestations cliniques de la PEAI type 2 78-7
78.G Critères diagnostiques du syndrome POEMS 78-9

82.A Critères diagnostiques de la maladie de Cowden (selon l’International Cowden Consortium, 2000) 82-4

83.A Étiologies de l’hippocratisme digital 83-7

87.A Principaux signes du syndrome de Williams-Beuren 87-2


87.B Critères diagnostiques du pseudoxanthome élastique 87-10

88.A Manifestations cliniques du syndrome LEOPARD 88-4


88.B Critères diagnostiques de NF-1 88-9

89.A Critères diagnostiques du syndrome de Werner 89-6

91.A Principales maladies à expression rénale et cutanée 91-2

92.A Étiologies du syndrome neurotrophique trigéminal 92-4


92.B Examens paracliniques utiles au cours des neuropathies 92-7

94.A Critères diagnostiques de NF-1 (NIH 1988) 94-1


94.B Critères diagnostiques de NF-2 (Manchester) 94-11

95.A Critères diagnostiques de la sclérose tubéreuse de Bourneville 95-6

97.A Critères diagnostiques de la nævomatose basocellulaire 97-11


Index
a Calcinose métastatique 90-5
Aagenaes (syndrome d’) 86-3 Calciphylaxie 90-6
Abcès aseptiques 79-6 Canal carpien (syndrome du) 92-9
Acanthosis nigricans 76-3 Capillarites purpuriques 76-9
Acides gras essentiels (carences en) 77-15 Carences
Acné 75-3 en acides gras essentiels 77-15
excoriée 93-6 en fer 77-16
Acrodermatite entéropathique 77-13 en sélénium 77-17
Acromégalie 74-13 en vitamines 77-3
Acropathie thryoïdienne 74-4 en zinc 77-13
Acropathie Carney (complexe de) 78-3
de Bureau et Barrière 92-6 Cavernomes cérébraux 97-5
familiale 92-6 Cheiroarthropathie diabétique 76-5
ulcéro-mutilante 92-6 Chondrodysplasie ponctuée dominante X2 97-14
Addison (maladie d’) 74-11 Cirrhose
Albright (syndrome d’) 78-8 biliaire primitive 80-10
Alcoolisme et carences alimentaires 77-2 éthylique 80-7
Algodystrophie 92-10 Claude Bernard-Horner (syndrome de) 92-10
Alopécie androgénique Complexe de Carney 78-3
féminine 75-3 Conradi-Hünermann-Happle (syndrome de) 97-14
masculine 75-12 Contraception orale 75-10, 75-12
Amylose à bêta-2-microglobuline 90-8 Costello (syndrome de) 88-7
Angiodermite nécrotique 84-5 Cowden (maladie de) 82-4
Anorexie mentale 77-3, 93-16 Crohn (maladie de) 79-1
APECED (syndrome) 78-6 Cronkhite-Canada (syndrome de) 82-8
Arlequin (phénomène) 92-13 Cullen (signe de) 81-3
Artériolopathie calcique 90-6 Cushing (syndrome de) 74-8
Ataxie télangiectasie 97-6 Cutis laxa 87-8
Cutis verticis gyrata 93-10
b Cystinose infantile 91-10
Barraquers-Simons (syndrome de) 91-7
Basedow (maladie de) 74-2 d
Beals-Hecht (syndrome de) 87-7 Degos (maladie de) 82-8
Birt-Hogg-Dubé (syndrome de) 91-1 Délire d’infestation cutanée 93-11
Blue rubber bleb naevus (syndrome du) 82-8 Dépression 93-11
Boulimie 93-16 Dermatite auto-immune
Bourneville (sclérose tubéreuse de) 95-1 aux œstrogènes 75-13
Bowel-bypass syndrome 79-5 à la progestérone 75-13
Bulloses des diabétiques 76-6 Dermatite herpétiforme 79-12
Bureau et Barrière (acropathie de) 92-6 Dermatose
Buschke (sclérœdème de) 76-5 bulleuse des hémodialysés 90-8
factice auto-induite 93-3
c perforante 76-6, 90-7
CADASIL 97-6 Dermite livédoïde de Nicolaü 84-9
XXX Index

Dermopathie Hirsutisme 75-3


diabétique 76-2 Homocystinurie 87-7
fibrosante néphrogénique 90-2 Hormones sexuelles 75-1
restrictive 89-3 et acné 75-3
Diabète sucré 76-1 et alopécie androgénique féminine 75-3
et acanthosis nigricans 76-3 et alopécie androgénogénétique masculine 75-12
et bulloses des diabétiques 76-6 et contraception orale 75-10, 75-12
et cheiroarthropathie 76-5 et grossesse 75-10
et dermatoses perforantes 76-6 et hirsutisme 75-3
et dermopathie diabétique 76-2 et hyperandrogénies féminines 75-1
et nécrobiose lipoïdique 76-4 et ménopause 75-10, 75-12
et papules de Huntley 76-5 Howel-Evans (syndrome de) 82-7
et sclérœdème de Buschke 76-5 Hunter (glossite de) 77-11
et syndrome HAIR-AN 76-3 Huntley (papules de) 76-5
Dialyse 90-1 Hutchinson-Gilford (progéria d’) 89-1
Dysautonomie familiale 92-11 Hyperandrogénies féminines 75-1
Dysmorphophobie 93-15 Hypercorticismes 74-8
Dysplasies mandibulo-acrales 89-3 Hyperoxalurie primitive 91-9
Dystrophie sympathique réflexe 92-10 Hyperparathyroïdies 74-16
Hyperthyroïdie 74-1
e Hypomélanose de Ito 96-1
Ehlers-Danlos (syndrome d’) 87-12 Hypophyse 74-13
Embolies de cholestérol 84-8 et acromégalie 74-13
Endocardites infectieuses 83-3 et hypopituitarisme 74-15
Épidermolyse bulleuse acquise 79-10 et insuffisance antéhypophysaire 74-15
Érythème Hypopituitarisme 74-15
de Janeway 83-4 Hypothyroïdies acquises 74-5
nécrolytique migrateur 81-4
Érythermalgie 92-12 i
Érythrose faciale 76-8 Incontinentia pigmenti 97-12
Insuffisance
f antéhypophysaire 74-15
Fabry (maladie de) 97-7 rénale chronique 90-1
Fasciite palmaire-polyarthralgies (syndrome) 81-3 surrénalienne 74-11
Fer (carences en) 77-16 IPEX (syndrome) 78-7
Fibrose systémique néphrogénique 90-2 Ito (hypomélanose de) 96-1
Filariose 86-5
Frank (signe de) 83-1 j
Frey (syndrome auriculo-temporal de) 92-11 Janeway (érythème de) 83-4
Jellinek (signe de) 74-2
g
Gardner (syndrome de) 82-1 k
Glossite de Hunter 77-11 Kwashiorkor 77-2
Gorlin [nævomatose basocellulaire] (syndrome de)
97-10 l
Gorlin [NEM-2B] (syndrome de) 78-2 LAMB (syndrome) 78-3
Granulomatose lymphomatoïde 83-8 Laminopathies 89-1
Granulome annulaire 76-8 Launois-Bensaude (lipomatose de) 80-8
Grey Turner (signe de) 81-3 Legius (syndrome de) 88-9
Grossesse 75-10, 75-12 Léiomyomatoses familiales 91-3
Lentigines multiples (syndrome des) 88-2
h Lipoatrophie partielle acquise 91-7
HAIR-AN (syndrome) 76-3 Lipœdème 86-9
Hartnup (maladie de) 97-12 Lipomatose de Launois-Bensaude 80-8
Helicobacter pylori 79-11 Loeys-Dietz (syndrome de) 87-7
Hémochromatose 80-9 Louis Bar (syndrome de) 97-6
Hépatites virales 80-1 Lymphangiosarcome 86-8
Hippocratisme digital 83-6 Lymphœdèmes 86-1
Index XXXI

m Osler (nodules d’) 83-3


Maladie Osler-Rendu-Weber (maladie de) 97-1
d’Addison 74-11 Ostéo-onychodysplasie héréditaire 91-6
de Basedow 74-2 Ostéoarthropathie hypertrophiante 83-7
de Cowden 82-4 Ostéodystrophie héréditaire d’Albright 78-8
de Crohn 79-1 Oxaliurie 84-11
de Degos 82-8
de Fabry 97-7 p
de Hartnup 97-12 Pallister-Killian (syndrome de) 96-5
de Menkès 97-11 Panniculite
de Milroy 86-2 calcifiante 90-7
de Mondor 85-2 par déficit en alpha-1-antitrypsine 81-2
de Osler-Rendu-Weber 97-1 pancréatique 81-1
de Parkinson 92-2 Papules de Huntley 76-5
de Pierre-Marie Bamberger 83-8 Papulose atrophiante maligne 82-8
de Thévenard 92-6 Parathyroïdes 74-16
de Whipple 79-11 et hyperparathyroïdies 74-16
de Wilson 80-9 Parkinson (maladie de) 92-2
Marasme 77-1 Pathomimie cutanée 93-3
Marfan (syndrome de) 87-2 Pellagre 77-8
MASS (syndrome) 87-7 Peutz-Jeghers (syndrome de) 82-2
McCune-Albright (syndrome de) 78-11 Phénomène arlequin 92-13
Menkès (maladie de) 97-11 Phéochromocytome 74-12
Ménopause 75-10, 75-12 Phobies 93-13
Milroy (maladie de) 86-2 Phrynodermie 77-6
Mondor (maladie de) 85-2 Pierre-Marie Bamberger (maladie de) 83-8
Mosaïcismes pigmentaires 96-1 Pli diagonal du lobule de l’oreille 83-1
Mucoviscidose 83-8 Plummer (ongles de) 74-2
Muir-Torre (syndrome de) 82-6 POEMS (syndrome) 78-8
Myxœdème Polyendocrinopathies auto-immunes 78-6
généralisé 74-5 Porphyrie cutanée tardive 80-3
localisé 74-3 Progéria
Myxome cardiaque 78-3, 83-5, 84-7 de l’adulte 89-4
d’Hutchinson-Gilford 89-1
n Prurit
Nævomatose basocellulaire 97-10 anogénital 92-8
Nail-Patella (syndrome) 91-6 antébrachial 92-7
NAME (syndrome) 78-3 brachioradial 92-7
Nécrobiose lipoïdique 76-4 scrotal 92-8
Néoplasies endocriniennes multiples Pseudoporphyrie cutanée tardive 90-8
de type 1 78-1 Pseudoxanthome élastique 87-9
de type 2 78-2 Pyostomatite-pyodermite végétante 79-5
Neurofibromatose
de type 1 88-8, 94-1 r
de type 2 94-10 Radiodermites et cathétérismes cardiaques 83-2
Neuropathie 92-4 Rectocolite hémorragique 79-1
héréditaire sensitive et autonomique de type III Riley-Day (syndrome de) 92-11
92-11
Neurosyphilis 92-3 s
Nicolaü (dermite livédoïde de) 84-9 Salmonelloses 79-11
Nodules d’Osler 83-3 Schizophrénie 93-8
Noonan (syndrome de) 88-5 Schwannomatose 94-12
Notalgie paresthésique 92-9 Sclérœdème de Buschke 76-5
Sclérose tubéreuse de Bourneville 95-1
o Scorbut 77-4
Ongles jaunes (syndrome des) 83-5 Sélénium (carences en) 77-17
Ongles de Plummer 74-2 Signe
Oreilles rouges (syndrome des) 92-12 de Cullen 81-3
XXXII Index

de Frank 83-1 de Loeys-Dietz 87-7


de Grey Turner 81-3 de Louis Bar 97-6
de Jellinek 74-2 malformations capillaires-malformations artériovei-
de Steinberg 87-4 neuses 97-6
de Walker-Murdoch 87-4 de Marfan 87-2
de Walzel 81-3 MASS 87-7
Sipple (syndrome de) 78-2 de McCune-Albright 78-11
Sjögren-Larsson (syndrome de) 97-14 de Muir-Torre 82-6
Sneddon (syndrome de) 84-11 Nail-Patella 91-6
Steal (syndrome) 90-9 NAME 78-3
Steinberg (signe de) 87-4 neurofibromatose-Noonan 88-9
Stress post-traumatique 93-13 neurofibromatose de type 1 avec microdélétion 88-9
Surrénales 74-8 neurotrophique trigéminal 92-3
et hypercorticismes 74-8 de Noonan 88-5
et insuffisance surrénalienne 74-11 des ongles jaunes 83-5
et maladie d’Addison 74-11 des oreilles rouges 92-12
et phéochromocytome 74-12 oro-oculo-génital 77-8
et syndrome de Cushing 74-8 de Pallister-Killian 96-5
Syndrome de Peutz-Jeghers 82-2
d’Aagenaes 86-3 POEMS 78-8
d’Albright 78-8 du pseudoglucagonome 81-4
APECED 78-6 de restriction cutanée 89-3
arthrocutané 79-4 de Riley-Day 92-11
auriculo-temporal de Frey 92-11 de section médullaire 92-2
de Barraquers-Simons 91-7 de Sipple 78-2
de Beals-Hecht 87-7 de Sjögren-Larsson 97-14
de Birt-Hogg-Dubé 91-1 de Sneddon 84-11
du blue rubber bleb naevus 82-8 steal 90-9
bowel-bypass 79-5 de vol vasculaire 90-9
branchio-oto-rénal 91-8 de Waardenburg 97-15
du canal carpien 92-9 de Wallenberg 92-3
carcinoïde 81-8 de Watson 88-9
cardio-facio-cutané 88-6 de Werner 89-4
cave supérieur 85-4 de Williams-Beuren 87-2
cholestase-lymphœdème 86-3 Syndromes
de Claude Bernard-Horner 92-10 mammo-rénaux 91-9
de Conradi-Hünermann-Happle 97-14 neuro-cardio-facio-cutanés 88-1
de Costello 88-7 polyendocrinopathiques auto-immuns 78-6
de Cronkhite-Canada 82-8 Syringomyélie 92-3
de Cushing 74-8 Système nerveux
distichiasis-lymphœdème 86-2 central 92-1
douloureux paroxystique 92-13 périphérique 92-1
douloureux régional complexe de type I 92-10
d’Ehlers-Danlos 87-12 t
fasciite palmaire-polyarthralgies 81-3 Télangiectasie héréditaire hémorragique 97-1
de Gardner 82-1 Thévenard (maladie de) 92-6
du glucagonome 81-4 Thrombophlébites
de Gorlin [nævomatose basocellulaire] 97-10 nodulaires 85-2
de Gorlin [NEM-2B] 78-2 superficielles migratrices 81-3, 85-1
HAIR-AN 76-3 Thyroïde 74-1
des hamartomes multiples 82-4 et acropathie 74-4
de Howel-Evans 82-7 et hyperthyroïdie 74-1
hypotrichose-lymphœdème-télangiectasies 86-3 et hypothyroïdies acquises 74-5
IPEX 78-7 et maladie de Basedow 74-2
LAMB 78-3 et maladies auto-immunes 74-7
de Legius 88-9 et myxœdème généralisé 74-5
des lentigines multiples 88-2 et myxœdème localisé 74-3
LEOPARD 88-2 et thyrotoxicose 74-2
Index XXXIII

TOC 93-13 Watson (syndrome de) 88-9


Trichotillomanie 93-6 Werner (syndrome de) 89-4
Troubles obsessionnels-compulsifs 93-13 Whipple (maladie de) 79-11
Williams-Beuren (syndrome de) 87-2
u Wilson (maladie de) 80-9
Ulcères vasculaires 84-1 Winkelmann (vasculite livédoïde de) 84-10

v x
Vasculite livédoïde de Winkelmann 84-10 Xanthélasma 83-1
Vitamines (carences en) 77-3 Xanthomes éruptifs 76-8
Vol vasculaire (syndrome de) 90-9
y
w Yersinioses 79-11
Waardenburg (syndrome de) 97-15
Walker-Murdoch (signe de) 87-4 z
Wallenberg (syndrome de) 92-3 Zinc (carences en) 77-13
Walzel (signe de) 81-3
Table des matières
Préface
Avant-propos

GLANDES ENDOCRINES
74 Thyroïde, surrénales, hypophyse et parathyroïdes
Isabelle Raingeard, Didier Bessis
THYROÏDE 74-1
Hyperthyroïdie 74-1
Manifestations dermatologiques 74-2
Manifestations extracutanées 74-5
Explorations paracliniques 74-5
Traitement 74-5
Hypothyroïdies acquises de l’adulte 74-5
Manifestations dermatologiques 74-5
Manifestations extracutanées 74-6
Explorations paracliniques 74-7
Traitement 74-7
Affections dermatologiques associées à des maladies thyroïdiennes 74-7

SURRÉNALES 74-8
Hypercorticismes 74-8
Manifestations dermatologiques 74-8
Manifestations extracutanées 74-10
Diagnostic biologique 74-10
Traitement 74-11
Déficits en glucocorticoïdes 74-11
Manifestations dermatologiques 74-11
Manifestations extracutanées 74-12
Diagnostic biologique 74-12
Traitement 74-12
Phéochromocytome 74-12

HYPOPHYSE 74-13
Acromégalie 74-13
Manifestations dermatologiques 74-13
Manifestations extracutanées 74-13
Diagnostic biologique et morphologique 74-14
Traitement 74-14
Hypopituitarisme 74-15
Manifestations dermatologiques 74-15
Manifestations extracutanées 74-15
XXXVI Table des matières

Diagnostic biologique et morphologique 74-15


Traitement 74-16

PARATHYROÏDES 74-16
Hyperparathyroïdies 74-16
Manifestations dermatologiques 74-16
Manifestations extracutanées 74-16
Diagnostic biologique et morphologique 74-16
Traitement 74-17
Hypoparathyroïdies 74-17
Manifestations dermatologiques 74-17
Manifestations extracutanées 74-17
Diagnostic biologique 74-17
Traitement 74-17
Références 74-17
75 Hormones sexuelles
Antoine Bennet, Delphine Vezzosi, Philippe Caron
Physiopathologie des hyperandrogénies 75-1
Hyperandrogénies féminines 75-3
Manifestations cliniques 75-3
Étiologies 75-5
Démarche diagnostique 75-8
Bilan paraclinique 75-8
Autres cas de manifestations d’hyperandrogénie 75-9
Cas particuliers d’hyperandrogénie 75-10
En période d’installation de la ménopause 75-10
En cas de prise d’une contraception œstroprogestative 75-10
Au cours de la grossesse 75-10
Chez l’enfant 75-10
Traitement 75-11
Alopécie androgénogénétique masculine 75-12
Peau et ménopause 75-12
Peau et contraception orale 75-12
Pathologies cutanées et stéroïdes sexuels féminins 75-13
Références 75-13
76 Diabète sucré
Didier Bessis
Classification et prévalence des manifestations dermatologiques du diabète 76-2
Dermatoses significativement associées au diabète 76-2
Dermopathie diabétique 76-2
Acanthosis nigricans 76-3
Nécrobiose lipoïdique 76-4
Sclérose des extrémités avec enraidissement articulaire (cheiroarthropathie diabétique) 76-5
Papules de Huntley ou épaississement granité des doigts 76-5
Sclérœdème de Buschke 76-5
Bulloses des diabétiques 76-6
Dermatoses perforantes acquises 76-6
Dermatoses infectieuses liées au diabète 76-6
Infections mycosiques 76-7
Infections bactériennes 76-7
Dermatoses dont l’association au diabète est discutable 76-8
Prurit 76-8
Xanthomes éruptifs 76-8
Érythrose faciale 76-8
Granulome annulaire 76-8
Capillarites purpuriques et pigmentaires 76-9
Xanthochromie 76-9
Table des matières XXXVII

Complications dermatologiques des traitements insuliniques 76-9


Réactions « allergiques » 76-9
Réactions lipodystrophiques 76-9
Réactions secondaires à l’utilisation des pompes à insuline 76-10
Références 76-10
77 Dermatoses carentielles
Yannis Scrivener, Didier Bessis
Carences alimentaires globales 77-1
Malabsorption intestinale 77-1
Pénuries alimentaires chroniques 77-1
Alcoolisme 77-2
Dénutrition des personnes âgées 77-2
Anorexie mentale 77-3
Carences sélectives vitaminiques 77-3
Vitamine C (acide ascorbique) 77-3
Vitamine A 77-5
Vitamine D 77-7
Vitamine B1 (thiamine) 77-7
Vitamine B2 (riboflavine) 77-8
Vitamine B3 (niacine) 77-8
Vitamine B5 (acide panthoténique) 77-10
Vitamine B6 (pyridoxine) 77-10
Vitamine B8 (biotine) 77-10
Vitamine B9 (folates) 77-11
Vitamine B12 (cobalamine) 77-11
Vitamine K 77-12
Carences en oligoéléments 77-13
Zinc 77-13
Acides gras essentiels 77-15
Fer 77-16
Sélénium 77-17
Références 77-17
78 Maladies rares endocrinologiques et cutanées
Didier Bessis
Néoplasies endocriniennes multiples 78-1
Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 78-1
Néoplasies endocriniennes multiples de type 2 78-2
Complexe de Carney 78-3
Syndromes polyendocrinopathiques auto-immuns 78-6
Polyendocrinopathie auto-immune de type 1 78-6
Polyendocrinopathie auto-immune de type 2 78-7
Syndrome IPEX 78-7
Ossification avec trouble du métabolisme phosphocalcique : syndrome d’Albright (ostéodystrophie
héréditaire d’Albright) 78-8
Syndrome POEMS 78-8
Syndrome de McCune-Albright 78-11
Références 78-11

APPAREIL DIGESTIF
79 Tube digestif
Emmanuel Delaporte, Frédéric Piette
Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin 79-1
Dermatoses réactionnelles 79-2
Lésions granulomateuses spécifiques 79-7
Manifestations carentielles 79-9
XXXVIII Table des matières

Autres manifestations 79-10


Infections bactériennes du tube digestif 79-11
Yersinioses et salmonelloses 79-11
Maladie de Whipple 79-11
Infections à Helicobacter pylori 79-11
Syndrome de malabsorption 79-12
Déficit en zinc 79-12
Déficit en acides gras essentiels 79-12
Dermatite herpétiforme 79-12
Références 79-13
80 Foie et voies biliaires
Emmanuel Delaporte, Frédéric Piette
Hépatites virales 80-1
Hépatite B 80-1
Hépatite C 80-3
Insuffisance hépatique et cirrhoses 80-6
Cirrhose éthylique 80-7
Hémochromatose héréditaire 80-9
Maladie de Wilson 80-9
Cirrhose biliaire primitive 80-10
Références 80-10
81 Pancréas
Emmanuel Delaporte, Frédéric Piette
Pancréatites 81-1
Panniculite pancréatique 81-1
Hémorragies sous-cutanées 81-2
Livedo réticulaire 81-3
Carcinomes pancréatiques 81-3
Panniculite pancréatique 81-3
Syndromes paranéoplasiques 81-3
Métastases cutanées 81-4
Tumeurs pancréatiques endocrines 81-4
Érythème nécrolytique migrateur, syndromes du glucagonome et du pseudoglucagonome 81-4
Syndrome carcinoïde 81-8
Syndrome de Cushing 81-8
Métastases cutanées 81-8
Manifestations non spécifiques 81-8
Références 81-8
82 Maladies rares digestives et dermatologiques
Emmanuel Delaporte, Didier Bessis
Syndrome de Gardner 82-1
Syndrome de Peutz-Jeghers 82-2
Maladie de Cowden et syndrome des hamartomes par mutation du gène PTEN 82-4
Syndrome de Muir-Torre 82-6
Syndrome de Howel-Evans 82-7
Syndrome de Cronkhite-Canada 82-8
Maladie de Degos 82-8
Syndrome du blue rubber bleb naevus 82-8
Références 82-9

CŒUR, POUMONS ET VAISSEAUX


83 Affections cardiaques et pulmonaires
Agnès Sparsa, Valérie Doffoel-Hantz
Affections cardiaques 83-1
Table des matières XXXIX

Coronaropathie 83-1
Complications cutanées liées à la prise en charge des coronaropathies 83-2
Affections pulmonaires 83-5
Syndrome des ongles jaunes 83-5
Hippocratisme digital et ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique 83-6
Références 83-9
84 Ulcères vasculaires
Olivier Dereure
Ulcères macrovasculaires 84-1
Ulcères d’origine veineuse 84-1
Ulcères d’origine artérielle 84-3
Ulcères mixtes 84-5
Ulcères de causes microvasculaires 84-5
Angiodermite nécrotique (ou nécrosante) 84-5
Ulcères microvasculaires par occlusion primitive de la lumière artériolaire 84-6
Ulcères microvasculaires par anomalie pariétale 84-10
Vasculite livédoïde de Winkelmann (vasculite hyalinisante segmentaire) 84-10
Oxaliurie primitive et secondaire 84-11
Syndrome de Sneddon et autres syndromes ischémiques cutanéocérébraux 84-11
Vasculites 84-11
Références 84-12
85 Affections veineuses
Didier Bessis
Thromboses veineuses superficielles 85-1
Manifestations cliniques 85-1
Enquête étiologique 85-2
Maladie postphlébitique 85-4
Syndrome cave supérieur 85-4
Références 85-4
86 Lymphœdèmes des membres
Stéphane Vignes
Lymphœdèmes primitifs 86-1
Définition 86-1
Facteurs déclenchants 86-2
Génétique et lymphœdèmes primitifs 86-2
Lymphœdèmes secondaires du membre supérieur 86-3
Définition et épidémiologie 86-3
Délai d’apparition 86-3
Facteurs de risque de développement d’un lymphœdème du membre supérieur 86-4
Causes des lymphœdèmes secondaires du membre inférieur 86-4
Cancers gynécologiques 86-5
Filariose 86-5
Maladie de Kaposi 86-5
Pathologies rhumatologiques 86-5
Autres causes 86-6
Examen clinique 86-6
Topographie du lymphœdème 86-6
Lourdeur, douleurs 86-6
Peau et phanères 86-6
Appréciation du volume du lymphœdème 86-6
Cas particulier des lymphœdèmes génitaux 86-7
Examens complémentaires 86-7
Complications 86-7
Complications infectieuses 86-7
Complications psychologiques et qualité de vie 86-8
Lymphangiosarcome 86-8
XL Table des matières

Autres tumeurs malignes 86-9


Principal diagnostic différentiel des lymphœdèmes des membres inférieurs : le lipœdème 86-9
Définition 86-9
Diagnostic 86-9
Physiopathologie 86-9
Traitement 86-10
Traitement des lymphœdèmes 86-10
Physiothérapie décongestive complète 86-10
Autres mesures 86-13
Références 86-14
87 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif
Ludovic Martin, Claire Beylot, Didier Bessis
Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-2
Syndrome de Williams-Beuren 87-2
Syndrome de Marfan 87-2
Syndromes marfanoïdes 87-7
Cutis laxa 87-8
Dystrophies héréditaires des fibres élastiques avec atteintes cutanée et cardiovasculaire 87-9
Pseudoxanthome élastique 87-9
Phénocopies du pseudoxanthome élastique 87-11
Dysplasies héréditaires des fibres collagènes 87-12
Syndromes d’Ehlers-Danlos 87-12
Syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire 87-12
Références 87-16
88 Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés
Charlotte Pernet, Didier Bessis
Voie RAS/MAPKinases 88-1
Syndrome LEOPARD 88-2
Syndrome de Noonan 88-5
Syndrome cardio-facio-cutané 88-6
Syndrome de Costello 88-7
NF-1, syndrome de Watson, syndrome neurofibromatose-Noonan et syndrome NF-1 avec microdélétion
88-8
Syndrome de Watson 88-9
Syndrome neurofibromatose-Noonan 88-9
Syndrome NF-1 avec microdélétion 88-9
Syndrome de Legius 88-9
Références 88-10
89 Syndromes progéroïdes
Sophie Hakimi, Nicolas Kluger, Didier Bessis
Laminopathies 89-1
Progéria d’Hutchinson-Gilford 89-1
Dermopathie restrictive 89-3
Dysplasies mandibulo-acrales 89-3
Syndromes progéroïdes atypiques 89-4
Mutations de LMNA et syndrome métabolique sans lipodystrophie 89-4
Syndrome de Werner 89-4
Références 89-7

REINS
90 Insuffisance rénale chronique et dialyse
Didier Bessis, Camille Francès
Prurit 90-1
Dermopathie fibrosante néphrogénique, fibrose systémique néphrogénique 90-2
Table des matières XLI

Terrain 90-2
Aspects cliniques cutanés 90-2
Manifestations systémiques 90-2
Données biologiques 90-3
Anatomopathologie 90-3
Pronostic et traitement 90-4
Physiophathologie 90-4
Mesures préventives 90-5
Calcifications et nécroses cutanées 90-5
Calcinose métastatique (metastatic calcinosis cutis) 90-5
Artériolopathie calcique 90-6
Panniculite calcifiante 90-7
Dermatoses perforantes acquises 90-7
Maladies bulleuses 90-8
Dermatose bulleuse des hémodialysés (pseudoporphyrie cutanée tardive) 90-8
Porphyrie cutanée tardive 90-8
Photosensibilisations médicamenteuses 90-8
Amylose à bêta-2-microglobuline 90-8
Troubles de la pigmentation 90-9
Troubles des phanères 90-9
Complications des fistules artérioveineuses pour hémodialyse 90-9
Complications vasculaires 90-9
Complications allergiques 90-9
Autres complications cutanées associées à la dialyse 90-10
Références 90-10
91 Maladies rares rénales et cutanées
Didier Bessis
Syndrome de Birt-Hogg-Dubé 91-1
Léiomyomatoses familiales cutanées et utérines 91-3
Syndrome Nail-Patella 91-6
Lipoatrophie partielle acquise (syndrome de Barraquers-Simons) 91-7
Syndrome branchio-oto-rénal 91-8
Syndromes mammo-rénaux 91-9
Hyperoxalurie primitive 91-9
Cystinose infantile 91-10
Références 91-11

SYSTÈME NERVEUX
92 Système nerveux central et périphérique
Céline Girard
Système nerveux central 92-1
Tumeurs cérébrales 92-1
Maladie de Parkinson 92-2
Syndrome de section médullaire 92-2
Syringomyélie 92-3
Neurosyphilis 92-3
Syndrome neurotrophique trigéminal 92-3
Système nerveux périphérique 92-4
Neuropathies sensitives et sensitivo-motrices congénitales ou acquises 92-4
Neuropathies périphériques accompagnées de troubles trophiques 92-6
Prurit brachioradial 92-7
Prurit anogénital et scrotal neuropathique 92-8
Notalgie paresthésique 92-9
Syndrome du canal carpien 92-9
Système nerveux autonome 92-9
XLII Table des matières

Dystrophies sympathiques réflexes 92-10


Syndrome de Claude Bernard-Horner 92-10
Dysautonomie familiale 92-11
Syndrome auriculo-temporal de Frey 92-11
Syndrome des oreilles rouges 92-12
Érythermalgie 92-12
Syndrome douloureux paroxystique 92-13
Références 92-13
93 Maladies psychiatriques
Madhulika A. Gupta
Stress psychologique et peau 93-1
Stress et axe hypothalamo-hypophysaire 93-2
Circuit neuro-endocrine et immunitaire et affections cutanées liées au stress 93-2
Stress psychologique, fonction barrière cutanée et cicatrisation 93-3
Pathologies cutanées auto-induites 93-3
Pathomimie cutanée 93-3
Excoriations névrotiques et acné excoriée 93-6
Trichotillomanie 93-6
Manifestations dermatologiques des troubles psychiatriques 93-7
Schizophrénie 93-8
Autres troubles psychotiques 93-11
Troubles de l’humeur 93-11
Troubles de l’anxiété 93-13
Répercussions psychologiques des dermatoses 93-17
Références 93-18
94 Neurofibromatoses
Laurence Valeyrie-Allanore, Pierre Wolkenstein, Didier Bessis
Neurofibromatose de type 1 94-1
Bases épidémiologiques et génétiques 94-1
Critères diagnostiques 94-1
Manifestations cutanées 94-2
Autres manifestations cutanées 94-4
Manifestations extracutanées 94-6
Évolution et complications 94-9
Tumeurs malignes des gaines nerveuses et autres cancers 94-9
Corrélations génotypes-phénotypes 94-9
Prise en charge et suivi 94-9
Neurofibromatose segmentaire 94-10
Neurofibromatose de type 2 94-10
Bases épidémiologiques et génétiques 94-10
Critères diagnostiques 94-11
Manifestations cliniques 94-11
Pronostic et prise en charge 94-12
Schwannomatose 94-12
Bases épidémiologiques et génétiques 94-12
Manifestations cliniques 94-12
Pronostic et prise en charge 94-13
Références 94-14
95 Sclérose tubéreuse de Bourneville
Fabienne Ballanger, Gaëlle Quereux, Sébastien Barbarot

Manifestations cliniques 95-1


Manifestations cutanées 95-1
Manifestations neurologiques 95-3
Manifestations rénales 95-5
Manifestations cardiaques 95-5
Manifestations ophtalmologiques 95-5
Manifestations pulmonaires 95-5
Critères diagnostiques et pronostiques 95-6
Suivi clinique et paraclinique 95-6
Génétique 95-6
Fonction de TSC1 et TSC2 95-7
Mécanisme tumoral 95-7
Répartition des mutations et corrélation génotype-phénotype 95-7
Conseil génétique 95-7
Conclusion 95-7
Références 95-7
96 Hypomélanose de Ito et mosaïcismes pigmentaires
Jean-Philippe Lacour
Manifestations cutanées 96-1
Aspects cliniques 96-1
Diagnostic différentiel 96-1
Aspects histopathologiques 96-2
Manifestations extra-cutanées 96-2
Anomalies neurologiques 96-3
Anomalies musculo-squelettiques 96-4
Anomalies oculaires 96-4
Autres 96-4
Génétique 96-5
Physiopathologie 96-5
Références 96-6
97 Maladies rares neurologiques et
dermatologiques
Odile Enjolras
Télangiectasie héréditaire hémorragique (maladie de Osler-Rendu-Weber) 97-1
Cavernomes cérébraux et malformations vasculaires cutanées hyperkeratosiques et capillaroveineuses 97-5
CADASIL 97-6
Ataxie télangiectasie ou syndrome de Louis Bar 97-6
Syndrome malformations capillaires- malformations artérioveineuses 97-6
Maladie de Fabry ou d’Anderson-Fabry 97-7
Nævomatose basocellulaire 97-10
Maladie de Menkès 97-11
Maladie de Hartnup 97-12
Incontinentia pigmenti 97-12
Syndrome de Sjögren-Larsson 97-14
Syndrome de Conradi-Hünermann-Happle ou chondrodysplasie ponctuée dominante X2 97-14
Syndrome de Waardenburg 97-15
Références 97-15

Table des figures


Liste des tableaux
Table des encadrés
Index

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