Vous êtes sur la page 1sur 7

TRADUIRE C’EST ERRER

Un exemple : le Livre de Centhini


ELISABETH INANDIAK

Untuk kegiatan “Pelatihan dan Pernerbitan untuk Meningkatkan Reputasi Lulusan Program Studi
Sastra Prancis” UGM- Falkultas Ilmu Budaya – 23 Agustus 2017

Traduire ce n’est pas juste passer d’une langue à l’autre. Traduire c’est errer, vagabonder d’un
registre de sons à un autre, d’une structure mentale à une autre, d’un corps rituel à un autre, d’une
symphonie sensuelle à une autre. Et comme tout grand voyage, avant d’arriver à l’autre, on traverse
des contrées étrangères à la langue de départ et à celle d’arrivée. Dans ces contrées, on s’arrête pour
se désaltérer, si bien que la bouche épouse des eaux d’une toute autre saveur. Dans ces contrées on
va sur les marchés faire des provisions de route, acheter un manteau de laine ou des sandales en
plastique pour franchir un col de montagne ou un torrent à gué. Le corps absorbe d’autres
amplitudes climatiques, d’autres codes gestuels, d’autres rites de passages. Et lorsqu’on arrive enfin
au pays de la langue de l’autre, on déballe ses malles, et ces trésors glanés en chemin habitent notre
nouvelle demeure d’une présence irréductible comme les mânes aimantes de mondes nomades qui
déambulent en nous pour nous rappeler que traduire exige une métamorphose de tous les sens et
non pas juste du langage.
Pour éclairer ces propos, je prendrai l’exemple du Livre de Centhini (Serat Centhini), la grande
épopée de Java rédigée au début du 19ème siècle au palais de Surakarta et que j’ai recomposée à neuf
en français.
Une fois la version française publiée sous le titre : Les chants de l’île à dormir debout – Le Livre de
Centini, j’ai travaillé avec Laddy Lesmana à sa traduction en indonésien, un travail à quatre mains
riches d’allers et de retours et de somptueux détours.

Prenons l’exemple du chant 643 qui introduit le chapitre que j’ai intitulé : Ballade du
nuage au devant du soleil et que nous avons traduit en indonésien par : Dendang awan
mencari matahari.

Dans l’oeuvre originale de Serat Centhini en javanais, publiée en caractères latin par Kamajaya
(Yayasan Centhini Yogyakarta), ce chant se trouve dans le livre 11 (l’œuvre comporte 12 livres). Le
chant (pupuh) est composé sur le mode (sekar) Asmaradana.
Voici comment sonnent les versets 35 à 37 en javanais :

35. Dene Karsongong Cênthini, milanipun tilar wisma, taki-taki lampahingong, supayane
katabêtan, wuwulange kang swarga, niskara rasaning ngelmu, lan ingsun salin paparab

36. Ni rubiyah Selabranti, payo pangkat anglalana, adan mangkat sirêp ing wong, dennya mingkis
majar wulan, tanggal ping kawanwelas, dina Senen kesahipun, kalawan palunganira

37. Kang nama wadon Cênthini, lampahe awirandhungan, datan wistara lampahe, anyangking
kasku lan jungkat, Cênthini aneng wuntat, samarga-marga pitutur

1
Voici comment ces versets ont été traduits littéralement du javanais en indonésien par
Ibu Sunaryati Sutanto:

35. « Adapun maksudku Centhini, mengapa aku pergi meninggalkan rumah, karena
pengembaraanku juga saya anggapsebagai pertapaanku, agar supaya membekas, semua
wejangannya almarhum dahulu, seluruh inti ilmu, dan saya akan berganti nama,

36. Ni Rubiyah Selabranti. Marilah berangkat memgembara, segera berangkat pada waktu tengah
malam », berangkatnya hanya dengan penerangan dari cahaya bulan saja, tanggal ke empat belas,
hari Senin perginya, bersama-sama

37. dengan yang bernama Centhini, jalannya sesekali berhenti, sesekali menoleh agar tidak
menimbulkan kecurigaan, membawa pundi-pundi dan sisir, Centhini membuntutinya, dan selama
dalam perjalanan selalu memberi nasehat-nasehat yang baik.

Et voici comment je les ai traduits littéralement de l’indonésien en français lors de ma première


étape de travail :

35. Si tu veux savoir, Centhini, pour quelle raison je quitte la maison, c’est parce que je considère
mon errance comme une méditation, afin que tous les enseignements de mon regretté mari
cicatrisent (s’inscrivent) en moi, tout le cœur de sa science, et à cet effet je vais changer de nom
pour

36. Ni Rubiyah Selabranti. Allez, entrons dans l’errance, mettons-nous tout de suite en route alors
que la nuit est profonde. » Elle se mit en route avec pour seule lueur la clarté de la lune, elle partit
un lundi, le 14 du mois, avec

37. la dénommée Centhini, elle marcha s’arrêtant ici et là, en se retournant parfois pour voir si elle
n’éveillait pas la méfiance, en emportant avec elle une bourse et un peigne, Centhini la suivait et
tout au long de la route elle lui donnait constamment de bons conseils.

Dans Les chants de l’île à dormir debout, le chant 643 devient le chant 136 :

« Mes chers parents, je quitte la maison et entre dans l’errance comme on entre en
méditation, afin que tous les enseignements de mon feu époux s’inscrivent dans ma chair et mon
cœur à chacun de mes pas hasardeux. » Elle posa la lettre bien en
vue sur l’oreiller, aux côtés de son voile de prière.

Tambangraras se mit en route avec pour seule lueur la clarté de la lune, elle partit un lundi, le 14
du mois de Rajab, avec sa servante Centhini, n’emportant avec elle qu’une bourse et un peigne, et
ce chant sur ses lèvres:

« Je voudrais pour ton feu m’effacer sans bruit


Pour toi, je désire m’affranchir de la loi
Je voudrais que ton soleil tombe sur la pluie

2
Aussi vais-je, nuage, au-devant de toi. »

Et voici comment Laddy Lesmana et moi-même avons traduit ces versets des Chants de l’île à
dormir debout en indonésien:

« Ayah-Ibu tercinta, aku meninggalkan rumah dan masuk ke pengembaraan seperti


masuk ke tapa brata agar semua ajaran almarhum suamiku merasuk ke tubuh dan hatiku di setiap
langkahku nan penuh bahaya. » Ia meletakan surat itu di tempat terlihat di atas bantal, di samping
rukuhnya.

Tambangraras memulai perjalanannya hanya dengan diterangi sinar rembulan. Ia pergi pada Senin,
14 Rajab, bersama abdinya Centhini, dan hanya membawa kantong uang dan satu sisir, dan
tembang ini di bibir:

Air pasang dari hulu


Hujan lebat pulang menambak
Matahariku pergi dahulu
Kususul bagai awan tergerak.

Le court poème qui tombe des lèvres de Tambangraras ne figure pas dans l’oeuvre originale. Il
s’agit d’un poème que j’ai composé en m’inspirant des vers du grand poète persan, Djalâl-od-Dîn-
Rûmî, publié dans divan Rubâi’yât et traduit du persan en français par Eva de Vitray-Meyerovitch et
Djamchid Mortazavi (Albin Michel):

Je voudrais pour ton amour quitter mon âme


Pour toi, je désire quitter les deux mondes
Je voudrais que ton soleil tombe sur la pluie
C’est pourquoi je vais au-devant de toi, comme le nuage.

Pour traduire en indonésien ce poème de Rumi revisité par Les chants de l’île à dormir debout,
Laddy Lesmana a tout d’abord proposé deux tentatives :

Première tentative:

« Kumau hilang tanpa bunyi, untuk apimu


Kuingin merdeka dari hukum, untukmu
Kumau mataharimu jatuh ke hujan
Karena itu kupergi, awan; di depan. »

Deuxième tentative:

Kumau raib sunyi demi apimu


Demimu kuingin bebas dair hukum
Kumau mataharimu jatuh ke hujan
Maka kupergi, si awan, ke hadapanmu. »

3
Voyant que cela sonnait faux et que nous étions dans une impasse, j’ai pris la liberté, en tant
qu’auteur de l’œuvre que nous traduisions, d’aller puiser dans une tradition poétique malaise, les
Pantun Melayu (Yayasan Karyawan Kuala Lumpur) doit voici l’originale :

Air pasang dari hulu


Hujan lebat pulang menambak
Fikirkan badan elakkan dulu
Bila kuhampir jangan bergerak.

Pantun que nous avons transformé pour Centhini en:

Air pasang dari hulu


Hujan lebat pulang menambak
Matahariku pergi dahulu
Kususul bagai awan tergerak.

Et pour terminer en musique, voici comment nous nous sommes amusés à traduire en indonésien
une allitération que j’ai composée en français au chant 139 des Chants de l’île à dormir debout :

Ainsi se succédèrent cascades et cascatelles, rivières et rizières, vals et valons, bois et


sous-bois, monts et montagnes, jours et contre-jours.

Begitulah gerojok dan gerocok, sawah dan sawang, lembah dan lebak, alur dan alun, gunung dan
guruh, hari dan haru silih berganti.

Joyeuse errance! Selamat mengembara!

Elizabeth D. Inandiak
Les chants de l’île à dormir debout –Le Livre de Centhini (Le Seuil – Point Sagesse)
Centini - Kekasih Yang Tersembunyi (Gramedia)

4
KUTIPAN-KUTIPAN YANG TERPILIH
Untuk kegiatan “Pelatihan dan Pernerbitan untuk Meningkatkan Reputasi Lulusan Program
Studi Sastra Prancis” UGM- Falkultas Ilmu Budaya – 23 Agustus 2017

Sindhunata – Penyair dan romo dari Yogyakarta


Semar Mencari Raga (Basis- Yogyakarta, 1996)

1.Prolog : Semar Kembar


Mendung berangin, angin hitam para bidadari, sedih berhembus sepi di Desa Semar. Tanah
Klampis Ireng berubah hitam. Di bawah pohon-pohon pisang, cahaya bulan paro petang,
anak-anak menangis tersedu-sedu. Kiai Semar, ke mana pergimu? Semua orang mencari
kamu.

Zubaidah Djohar – Akitivis kemanusiaan, peneliti dan penyair dari Aceh


Memahat Perahu di Pulau Nirwana (17 Januari 2011 menatap Nanggroe di bawah
langit Canberra, 04.04 am.)

Kekasih? Kau lihat tubuh kapal terserak setelah tajam terbelah membentur karang? Kau lihat
semua penghuni terkepung di laut sesak tergulung terpisah digelap ombak yang menghadang?
Kau lihat, Kekasih? cinta terburai, tangis menghentak luap kehilangan begitu jelas tampak?
suara bergemuruh memanggil-Mu jiwa tersungkur menggapai tangan-Mu bibir gemetar, mata
nanar Namun, dekap pelampung cinta yang Kau siapkan kokohnya dayung sayap yang Kau
titipkan seluruh penghuni tertuntun ke sebuah pulau bernama nirwana Danau hangat
memanggil riang pohon tumbang menunggu sentuhan segerombolan anak kapal masih gagah
di depan air zamzam mengalir deras di jejak pencarian buah kurma, pemantik api, daunan
segar terhidang tersaji lengkap dengan tebal permadani bahkan, ranting rupiah menjalar di
mana-mana ah! nikmat mana lagi yang hendak didustakan? Tetapi, apa yang terjadi
Kekasih? tangan dingin masih lekang berhati dingin jemari hanya sibuk memungut ranting
bertulis angka menyimpannya di saku baju menggores saudara hingga waktu berjalan
sempurna sewindu sudah di pulau nirwana Arah menjadi lupa perahu terpahat tinggal nama
pulau meranggas menganga luka

Ahmad Tohari – Penulis dari Banyumas


Ronggeng Dukuh Paruk (Gramedia 2003)

“Oh, kasihan kawanku ini. Kau senang pada Srintil, tetapi nati malam ronggeng itu
dikangkangi orang. Wah…”
“Bangsat, engkau, Warta.”
“Bagaimana? Bukankah aku berkata tentang kebenaran?”
“Ya. Tetapi kau jangan menambah sakit hatiku.”

Ayu Utami – Penulis, wartawan dari Jakarta


Saman (Gramedia 1998)

5
Ia terbangun dan merasa dirinya sebesar kepala. Hanya kepala. Tanpa badan. Dia tidak eksis
di luar kepalanya. Tak ada jari-jari,, taka da jantung. Lindap. Warna malam ataukah aku
berada dalam rahim? Sebab hangat dan berair. Lalu ada cahaya sebuah bintang jatuh. Itulah
yang penglihatan awal yang ia dapat.

F Aziz Manna – Penyair dari Sidoarjo- Surabaya


Siti Surabaya (Garudhawaca 2014) – Puisi Epik

Siti dilahrikan pada tanah yang ditakdirkan membawa


tanda hitam
sehitam nasib siti di kemudian
(…)
Siti putuksan tak pakai kebaya lagi
Siti pakai rok mini, baju mini, sempak mini, kutang mini,
Hati mini, isi pikiran mini
Siti yang mini telah berubah jadi City

Elizabeth D. Inandiak – Penyair dari Prancis


Babad Ngalor-Ngidul (Gramedia 2016)

Asal mula buku ini sekadar kisah khayalan berjudul Pohon Gajah yang kutulis pada Juni
1991 untuk menyambut kelahiran anakku. Penulisannya berlangsung di alam istimewa ketika
malam tajam terang dan siang hari terkantuk, dengan waktu ibu meleleh dalam waktu si bayi.

Tan Lioe le – Penyair dan performer dari Bali


Ciam Si- Puisi-puisi Ramalan (Buku Arti 2015)

Mata pena menemukan kertas


Mata air memanjakan ikan
Mata hati bintang pemandu
Mata uang melunasi rindu

Ki Slamet Gundono (alm dalang dari Tegal)


Wayang Lindur (Jaring Pena – 2009)

Lima tahun yang lalu rasanya seperti sebuah nglindur atau mengigau dalam tidur. Bagaimana
tidak, duniaku sesungguhnya bukanlah penulis. Wayang suket, sebuah mandolin hijau dan
alunan nada-dana gamelan besi selalu mengisi bilik-bilik di kepalaku. Sebagai seorang dalang
yang ada hanyalah sebuah celoteh atau dongeng epik Mahabarata dan Ramayana atau nyocot
tentang kehidupan. Ya begitulah, dari dongeng-dongeng itu dengan bantuan mesin komputer
diubah menjadi cerita-cerita.

Nglindur adalah suatu wilayah keremangan, situasi tak menentu. Di mana waktu bergerak
terus. Dari beraturan menjadi berbelok ke kanan, ke kiri atau ke atas dan ke bawah. Bisa jadi

6
malah ekstrim balik ke belakang dan berpusing-pusing bak labirin. Dalam wayang tradisi
Jawa, dikenal Pathet Lindur, antara jam sebelas sampai jam dua belas malam.

Vous aimerez peut-être aussi