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La plupart des décentralisations qui ont eu lieu dans la décennie passée ont été motivées par

des raisons politiques. En Amérique Latine par exemple, la décentralisation a été une partie
essentielle du processus de démocratisation, à l'heure où les régimes centraux autocratiques
discrédités sont remplacés par des gouvernements élus fonctionnant avec de nouvelles
constitutions. En Afrique, la propagation du pluralisme politique a crée une demande pour une
plus grande participation locale dans les prises de décision. Dans certains pays comme
l'Ethiopie , la décentralisation a eu lieu en réponse aux pressions exercées par des groupes
régionaux ou ethniques pour avoir davantage de contrôle ou de participation dans le processus
politique. A l'extrême, la décentralisation représente une tentative désespérée pour préserver
l'unité du pays, face à ce genre de pressions en accordant plus d'autonomie à toutes les régions
ou en forgeant des "fédérations asymétriques". Dans d'autres contextes la décentralisation a
été une conséquence de longues guerres civiles, comme au Mozambique et en Ouganda, où la
création de nouvelles possibilités politiques aux niveaux locaux a permis une plus grande
participation de toutes les factions en conflit dans l'administration du pays. Les économies en
transition des anciens Etats socialistes ont aussi procédé à des décentralisations massives au
moment où l'ancienne machine administrative centrale s'écroulait. Dans plusieurs pays, la
décentralisation a simplement eu lieu en l'absence d'autre structure d'administration efficace
pour fournir les services publics locaux. Dans certains cas, surtout en Asie de l'Est, la
décentralisation paraît être motivée par le besoin d'améliorer la fourniture des services à de
grandes populations et par la reconnaissance des limites à ce que peut faire l'administration
centrale.

Il y a une multitude de questions de conception sur les différents types de décentralisation


touchant l'efficacité, l'équité, et la stabilité macro-économique. A cet égard, il existe une
littérature grandissante qui examine la logique économique de la décentralisation.

Les économistes justifient la décentralisation parce qu'elle donne lieu à une redistribution plus
économique et efficace : les décisions relatives aux dépenses publiques, prises à un niveau
administratif plus sensible aux besoins des administrés et plus près d'eux, ont plus de chances
de refléter la demande des services locaux, que des décisions prises par un gouvernement
central lointain. Le deuxième avantage de la décentralisation est que les gens sont plus
disposés à payer pour des services qui, selon eux, répondent à leurs priorités, surtout s'ils ont
participé à la prise de décision concernant la fourniture de ces services. Une des justifications
de la décentralisation est qu'elle améliore la compétitivité des gouvernements et augmente
l'innovation, et en conséquence, la probabilité qu'ils agiront de manière à satisfaire les
aspirations des citoyens.

Un certain nombre de problèmes à la fois théoriques et pratiques viennent compliquer la


question de savoir si la décentralisation est une bonne ou une mauvaise stratégie économique.
Au niveau macro-économique, on craint que la décentralisation ne rende difficile l'exécution
des politiques de stabilisation et, ne pousse effectivement les dépenses et la dette publiques à
des niveaux déstabilisateurs. Une autre opinion sur ce point, cependant, est que les systèmes
décentralisés peuvent être conçus de manière à éviter les effets déstabilisateurs et assurer de
bonnes motivations. Une partie des décentralisations des années 80, par exemple, a consisté
en fait à décharger les déséquilibres financiers des administrations centrales sur les niveaux
inférieurs. Dans ces circonstances, il n'est pas surprenant que l'on constate l'existence d'un lien
étroit entre la décentralisation et les déséquilibres financiers aux niveaux inférieurs de
l'échelle gouvernementale. La décentralisation freine-t-elle la croissance économique? Les
opinions restent partagées là-dessus.
Les problèmes d'équité - entre collectivités et entre personnes - sont au centre des discussions
sur la décentralisation. Certaines collectivités territoriales sont mieux dotées de ressources que
d'autres, peut-être à cause de leur étendue ou de leur emplacement. En plus, des circonstances
historiques (par exemple, l'Apartheid) peuvent avoir crée des inégalités locales. Ainsi, un
programme de transfert inter administration peut être conçu pour allouer des ressources aux
régions désavantagées pour s'assurer que tous les citoyens jouissent d'un minimum de service,
où qu'ils vivent, ou bien, bénéficient d'une assistance accrue pour réduire les disparités.

Le manque de transparence ou le floue entourant les transferts mène parfois à des situations
où les régions riches reçoivent plus de ressources que les régions pauvres. Par conséquent,
l'allocation d'aide aux pauvres vers les niveaux inférieurs d'administration doit être analysée
en tenant compte du contexte particulier de chaque pays.

Généralement, on estime qu'en fin de compte les gouvernements centraux ont la


responsabilité d'assurer l'équité entre personnes, mais les administrations locales jouent aussi
des rôles très importants en exécutant des programmes de redistribution du niveau central et
en déterminant toute une série d'impôts, de dépenses et de systèmes de transferts entre
collectivités. La où les économies locales sont intrinsèquement ouvertes et où beaucoup de
ressources, spécialement les ressources humaines clés, sont mobiles, on s'attend à un succès
limité seulement des programmes de redistribution ciblant les collectivités.

Les services spécifiques à décentraliser et le type de décentralisation à appliquer dépendront


des économies d'échelle escomptées avec leurs effets sur l'efficacité technique et le niveau des
retombées au delà des frontières des collectivités. Ce sont autant de questions qu'il faut
prendre en ligne de compte dans l'élaboration d'un système de décentralisation. Dans la
pratique, tous les services n'ont pas besoin d'être décentralisés de la même manière ou au
même degré. Du point de vue économique c'est le marché qui est la forme ultime de
décentralisation en ce sens que le consommateur peut acquérir un produit sur mesure par son
choix des fournisseurs. Mais la nature de la plupart des services publics locaux limite cette
option pour le consommateur. L'expérience montre que les services sont fournis plus
efficacement là où il est possible de structurer la compétition soit dans la fourniture d'un
service, soit pour obtenir le droit de fournir le service. Quoique cela arrive rarement dans la
pratique, certaines administrations locales ont participé avec succès à des compétitions pour la
fourniture de certains services locaux. Dans un groupe de services publics d'un pays donné il
faut s'attendre à un mélange de solutions allant de la déconcentration à la compétition
réglementée/privatisation.

Quoique la politique soit la force motrice de la décentralisation dans la plupart des pays, la
décentralisation forte heureusement est peut-être l'un des exemples où le politique et
l'économique peuvent servir une même fin. Les objectifs politiques (l'accroissement de la
sensibilité des élus et la participation politique des citoyens au niveau local), peuvent
coïncider avec les objectifs économiques (de meilleures décisions concernant l'usage des
ressources publiques et une volonté accrue de payer pour les services fournis). Cinq
conditions au moins sont à remplir pour réaliser avec succès un projet de décentralisation:

Le cadre de la décentralisation doit lier l'autorité en matière de finances locales aux


responsabilités pour la fourniture des services et aux fonctions de l'administration locale afin
que les politiciens locaux aient à supporter les coûts de leurs décisions et à tenir leurs
promesses.
La communauté locale doit être informée du coût des services, des différentes méthodes de
leur fourniture, du montant et de l'origine des ressources, afin que les décisions qu'elle prend
soient motivées. Préparer le budget de manière participative comme à Porto Alegre au Brésil,
est l'un des moyens de créer ces conditions;

Il doit y avoir un mécanisme par lequel la communauté peut exprimer ses préférences d'une
manière qui oblige les politiciens à en tenir compte, afin de susciter chez les gens assez de
motivation à participer;

Il doit y avoir un système de responsabilisation qui repose sur une information publique et
transparente permettant à la communauté de suivre de près la performance de l'administration
locale et de réagir face à cette performance - afin d'inciter politiciens et administrateurs à être
sensibles à leurs préférences;

Les instruments de la décentralisation - le cadre juridique et institutionnel, la structure des


responsabilités de la fourniture des services et le régime des finances interadministrations sont
conçus pour soutenir les objectifs politiques.

Atteindre ces buts (ou du moins le fait que les administrations locales réalisent une meilleure
performance par rapport à celle du gouvernement central) est une tâche d'envergure mais
faisable.

Une décentralisation réussie est étroitement liée à l'observation des principes d'élaboration
de : finances, en suivant une attribution claire des fonctions; prise de décisions en toute
connaissance de cause; adhérence aux priorités locales; et responsabilisation. Cependant,
mettre ces principes en pratique n'est pas facile. Les circonstances des pays diffèrent, souvent
de manière complexe, par conséquent, la politique et les instruments institutionnels qui
établissent la décentralisation doivent être façonnés en tenant compte des conditions
spécifiques du pays concerné.

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