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Suicidant
N. Dantchev
Le suicide, responsable d’environ 13 000 décès en France chaque année, avec près de 200 000 tentatives
de suicide recensées, constitue un problème de santé publique majeur. Le risque de décès par suicide est
plus important chez les hommes que chez les femmes, et chez les sujets âgés comparativement aux
sujets jeunes. La présence d’une comorbidité psychiatrique ou somatique augmente le risque de récidive
suicidaire. Plus de 80 % des suicidants passent par un service d’urgence. Seul un quart d’entre eux seront
hospitalisés dans un service de psychiatrie. La prise en charge des suicidants aux urgences hospitalières
s’effectue de manière pluridisciplinaire. La participation d’infirmiers spécifiquement formés à la psychiatrie
améliore la qualité de la prise en charge. L’examen psychiatrique ne doit pas être réalisé trop précoce-
ment après la tentative de suicide. Du fait de l’amnésie consécutive aux intoxications médicamenteuses
volontaires, les suicidants qui ne sont pas hospitalisés en service de psychiatrie devraient pouvoir rester
un temps suffisamment long aux urgences, afin de planifier la suite de la prise en charge. On considère
que 10 % des sujets qui ont fait une tentative de suicide finissent par décéder de suicide dans les 10 ans
qui suivent cette tentative. Une approche préventive s’avère donc indispensable lorsqu’une personne a
réalisé une tentative de suicide. La problématique des tentatives de suicide constitue un paradigme de
choix pour une réflexion sur la mission de prévention des services d’urgences.
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Mots clés : Suicide ; Tentative de suicide ; Crise suicidaire ; Urgences ; Dépression ; Prévention
EMC - Urgences 1
Volume 7 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1241-8234(12)61628-9
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Quels sont, d’après les données des études épidémiologiques, suicidaire se définit comme une crise psychique dont le risque
les principaux facteurs de risque de suicide chez les suicidants ? majeur est le suicide. Comme toute crise, elle constitue un
• Il existe tout d’abord une nette surmortalité chez les hommes. moment de rupture où la personne présente un état d’insuffisance
Le suicide représente 3 % de l’ensemble des décès masculins et de ses moyens de défense, la mettant en situation de vulnérabi-
1 % des décès féminins, l’incidence étant de 26,6 pour 100 000 lité. Elle peut être représentée comme une trajectoire qui va du
hommes et de 9,5 pour 100 000 femmes. sentiment péjoratif d’être en situation d’échec, à l’impossibilité
• C’est pour la classe d’âge des 25-34 ans que l’importance rela- d’échapper à cette impasse, avec élaboration d’idées suicidaires
tive des décès par suicide est la plus élevée, avec 21 % en 2002, de plus en plus prégnantes et envahissantes, jusqu’à l’éventuel
soit 1 343 décès. Ils représentent la deuxième cause de décès passage à l’acte. La tentative de suicide ne représente qu’une
après les accidents. Si l’on parle davantage du suicide des adoles- des sorties possibles de la crise, mais lui confère toute sa
cents pour lesquels il s’agit effectivement de l’une des premières gravité [5] .
causes de décès à un âge où l’on meurt peu de maladies, les Le repérage de la crise suicidaire s’appuie sur trois types de
personnes âgées sont en fait, en proportion, nettement plus signes :
concernées par le suicide. • l’expression d’idées et d’intentions suicidaires : la personne en
• L’âge constitue en effet l’un des principaux facteurs de risque crise exprime certains messages directs ou indirects liés au sui-
de mortalité par suicide. Le taux de mortalité par suicide aug- cide, qui doivent être pris en compte ;
mente fortement avec l’âge, mais de manière différente selon • des manifestations de crise psychique : on retrouve des symp-
le sexe. Chez l’homme, le taux augmente nettement à partir tômes divers, tels que fatigue, anxiété, tristesse, irritabilité et
de l’âge de 64 ans, atteignant 60 pour 100 000 hommes de 75 agressivité, troubles du sommeil, perte d’intérêts, sentiment
à 84 ans et 124 pour ceux de 85 ans ou plus. Le taux de décès d’échec et d’inutilité, mauvaise image de soi, sentiment de déva-
par suicide des hommes est ainsi dix fois plus élevé après 84 ans lorisation, etc. ;
qu’entre 15 et 24 ans. Chez les femmes, l’augmentation avec • un contexte de vulnérabilité qui peut être ancien (antécédents
l’âge est plus modérée (21 pour 100 000 femmes de 85 ans ou psychiatriques, impulsivité, facteurs de personnalité, alcoo-
plus). lisme, etc.) ou être lié à des événements de vie récents qui
• Concernant le statut marital, les taux de suicide les plus élevés peuvent avoir précipité la crise suicidaire.
sont le fait des veufs (58,8 pour 100 000), puis des personnes À un stade précoce, on peut repérer des signes de souffrance
divorcées (37,3 pour 100 000), les célibataires et les personnes psychique (tristesse, pleurs), de petits signes d’incohérence, un
mariées présentant les taux les plus faibles. changement de la relation avec l’entourage, une consomma-
• Géographiquement, les régions du quart Nord-Ouest de la tion abusive et cumulée (alcool, psychotropes, tabac, drogue), un
France ont des taux de suicide supérieurs à la moyenne natio- désinvestissement des activités habituelles, des prises de risque
nale. inconsidérées, un retrait par rapport aux marques d’affection et
Concernant le mode de suicide, la pendaison reste le princi- au contact physique, un isolement. À un stade plus avancé, la
pal mode de suicide en France (45 % des suicides), suivie par crise peut s’exprimer par des signes plus préoccupants : déses-
l’utilisation d’une arme à feu (16 %), puis l’intoxication (15 %). poir, souffrance psychique intense, réduction du sens des valeurs,
Au cours des dernières années, la part des suicides par pendai- cynisme ou recherche soudaine d’armes à feu. Une accalmie sus-
son a augmenté et celle des suicides par arme à feu a diminué. pecte ou un comportement de départ sont des signes de très haut
Il existe des différences selon le sexe. La pendaison reste le pre- risque.
mier mode de suicide chez les hommes. Au contraire, l’ingestion Pris isolément, les signes de la crise suicidaire ne sont ni
de substances toxiques est le premier mode de suicide chez les spécifiques ni exceptionnels. Ils peuvent être labiles. C’est leur
femmes entre 25 et 54 ans. regroupement, leur association ou leur survenue en rupture par
Les tentatives de suicides sont 15 à 20 fois plus nombreuses rapport au comportement habituel qui doivent alerter et conduire
que les décès par suicide. On estime qu’en France 8 % de la popu- à une investigation complémentaire.
lation a déjà réalisé une tentative de suicide, l’enquête réalisée L’évaluation du risque suicidaire repose sur l’appréciation des
entre 1999 et 2003 par le Centre Collaborateur de l’Organisation critères recensés par l’ANAES (Tableau 1) [5] . Six éléments per-
mondiale de la santé (CCOMS) et la Direction Recherche Étude mettent d’apprécier la dangerosité et l’urgence de la crise :
Évaluation en Santé (DRESS) a permis d’évaluer la fréquence • le niveau de souffrance : désarroi ou désespoir, repli sur
des tentatives de suicide. Ainsi, 9 % des femmes et 6 % des soi, isolement relationnel, sentiment de dévalorisation ou
hommes déclarent avoir fait au moins une tentative de suicide d’impuissance, sentiment de culpabilité ;
au cours de leur vie. L’enquête a également permis de repérer • le degré d’intentionnalité : idées envahissantes, ruminations,
l’intensité du risque suicidaire au sein de la population. Ainsi, recherche ou non d’aide, attitude par rapport à des propositions
environ 2 % de la population présenterait un risque suicidaire de soins, dispositions envisagées ou prises en vue d’un passage
élevé. à l’acte (plan, scénario) ;
On sait que dans environ 60 % des cas, les suicidants ont • les éléments d’impulsivité : tension psychique, instabilité com-
consulté leur médecin traitant dans le mois précédant le pas- portementale, agitation motrice, état de panique, antécédents
sage à l’acte, sans que la dimension dépressive n’ait réellement de passage à l’acte, de fugue ou d’actes violents ;
été identifiée [2] . De même, Gairin et al. [3] ont montré que • un éventuel élément précipitant : conflit, échec, rupture, perte,
69 % des personnes décédées de suicide avaient consulté dans etc. ;
un service d’urgences dans les semaines ou les mois précédant • la présence de moyens létaux à disposition : armes, médica-
leur mort et pour des raisons non psychiatriques la plupart du ments, etc. ;
temps. Claassen et Larkin [4] ont étudié la suicidalité occulte • la qualité du soutien de l’entourage proche : capacité de soutien
chez les usagers des services d’urgences. Dans 11,6 % des cas ou inversement renforcement du risque.
on a retrouvé une idéation suicidaire, et des plans précis de
suicide dans 2 % des cas. Sur les 31 patients qui avaient des
plans précis de suicide, ceux-ci n’avaient pas été suspectés par
l’examen médical standard dans 25 cas. En cas d’idéation suici- Comorbidité psychiatrique liée
daire, dans 97 % des cas on retrouvait une pathologie anxieuse ou
dépressive. aux conduites suicidaires
La problématique du suicide est centrale dans la dépression.
Il faut en effet rappeler que de 50 % à 80 % des tentatives
Crise suicidaire de suicide surviennent chez des patients souffrant de troubles
mentaux [6] , principalement de troubles dépressifs. La dépres-
Le concept de crise suicidaire, introduit ces dernières années, sion multiplie par 30 le risque de suicide, avec un taux annuel
est particulièrement fécond dans le cadre de l’urgence. La crise moyen de mortalité de 3 % dont un tiers est imputable au
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Tableau 1.
Degrés d’urgence dans la crise suicidaire (d’après ANAES [5] ).
Urgence faible Urgence moyenne Urgence élevée
Le patient en crise : Le patient en crise : Le patient en crise :
- est dans une relation de confiance établie avec - présente un équilibre émotionnel fragile - est décidé, a planifié le passage à l’acte prévu
un praticien - envisage le suicide, son intention est claire pour les jours qui viennent
- désire parler et est à la recherche de - a envisagé un scénario suicidaire mais dont - est coupé de ses émotions, rationalise sa
communication l’exécution est reportée décision ou est très émotif, agité, troublé
- cherche des solutions à ses problèmes - ne voit de recours autre que le suicide pour - est complètement immobilisé par la dépression
- pense au suicide mais n’a pas de scénario cesser de souffrir ou dans un état de grande agitation
suicidaire précis - a besoin d’aide et exprime directement ou - dont la douleur et la souffrance sont
- pense encore à des moyens et à des stratégies indirectement son désarroi omniprésentes ou complètement tues
pour faire face à la crise - est isolé - a un accès direct et immédiat à un moyen de se
- n’est pas anormalement troublé mais suicider
psychologiquement souffrant - a le sentiment d’avoir tout fait et tout essayé
- est très isolé
suicide, soit une prévalence annuelle du suicide chez les déprimés • l’existence d’une pathologie somatique associée : à intensité
de l’ordre de 1 %. Des études de cohortes prospectives de patients symptomatique comparable, le sujet ayant une pathologie
ont montré que 15 % des déprimés décèdent par suicide [7] . somatique associée est deux fois moins souvent considéré
Or, les déprimés recourent peu aux systèmes de soins. D’après comme déprimé ;
l’enquête Depression Research in European Society (DEPRES) [8] , • enfin, l’absence de comorbidité anxieuse et l’absence de
en France deux déprimés sur cinq n’ont pas eu recours au retentissement sur le fonctionnement socioprofessionnel : la
système de soins. Pour ceux qui ont recours au système de reconnaissance est diminuée si ces signes sont absents.
soins, environ 80 % consultent un médecin généraliste, 10 % Enfin, lorsqu’elle est diagnostiquée, la dépression est insuf-
un psychiatre et 10 % un autre spécialiste. Alors que 40 % des fisamment traitée. La réponse thérapeutique habituelle des
patients ayant identifié leur trouble dépressif ont été consom- médecins généralistes quand ils dépistent un déprimé consiste
mateurs d’au moins un soin médical dans le mois précédant en une prescription médicamenteuse. Mais on a montré que
l’enquête, cette consommation concernait moins de 10 % des seulement un peu plus de la moitié des déprimés (56 %) reçoit
patients dont la dépression n’avait pas été identifiée et il des psychotropes [11] , un antidépresseur n’étant prescrit que dans
s’agissait le plus souvent de traitements non spécifiques de la 12,5 % à 50 % des cas. Au total, il n’y a que 10 % des sujets
dépression. déprimés diagnostiqués comme tels par leur généraliste qui
À quoi est lié le faible taux de prise en charge des patients reçoivent un antidépresseur à dose efficace pendant au moins
déprimés ? Tout d’abord, la plupart des déprimés n’ont pas vrai- 1 mois.
ment pris conscience de leurs troubles. Ils sont ainsi plus de 40 % En France, Saliou et al. [12] ont montré que parmi 500 patients
dans l’enquête DEPRES à ne pas avoir envisagé que les troubles consécutifs consultant dans un service d’urgences, 38 % pré-
dont ils souffraient pouvaient être en rapport avec un état dépres- sentaient au moins un trouble psychiatrique, ce qui est une
sif. La moitié des sujets n’ont même pas évoqué leurs problèmes prévalence considérable. Parmi ceux-ci, seuls 8 % avaient été
avec un proche. Les raisons avancées sont le sentiment qu’ont les adressés aux urgences pour un motif psychiatrique, alors que pour
sujets déprimés d’être assez forts pour surmonter leurs difficultés, les autres (30 % des consultants) le trouble psychiatrique n’a été
la crainte de ce que penserait l’entourage, la peur d’un traitement diagnostiqué qu’en réalisant une évaluation psychiatrique systé-
ou d’une hospitalisation, etc. matique. Le diagnostic le plus fréquent était la dépression (80 cas),
De plus, la dépression est sous-diagnostiquée par les méde- suivi par l’anxiété généralisée (34 cas), l’intoxication alcoolique
cins. L’Agency for Health Care Policy and Research estimait en (21 cas), la schizophrénie (16 cas), etc. La dépression est donc la
1993 que de 50 % à 70 % des déprimés n’étaient pas reconnus pathologie psychiatrique de loin la plus fréquente parmi les usa-
comme tels par leur médecin lors de la première consulta- gers des urgences en France. Elle concernerait 16 % des usagers des
tion, 10 % étant reconnus lors des consultations suivantes, urgences médicales tout-venant.
20 % s’améliorant spontanément et les autres pouvant rester Hustey a montré en 2005 que 17 % des personnes âgées de
déprimés durant plusieurs mois [9] . De multiples facteurs sont plus de 70 ans consultant dans un service d’urgences présentaient
associés à cette non-reconnaissance de la dépression par les les symptômes d’un trouble dépressif [13] . Si les médecins recon-
médecins [10] : naissent mieux les signes dépressifs chez les personnes âgées que
• le sexe, l’âge et le niveau d’études : la dépression est moins sou- chez les sujets plus jeunes, ils peuvent hésiter à les traiter, soit
vent reconnue chez l’homme que chez la femme, quand les parce qu’ils considèrent la dépression comme un signe normal
sujets sont jeunes, chez les sujets ayant fait des études supé- du vieillissement, soit parce qu’ils hésitent à rajouter un nou-
rieures ; veau traitement pharmacologique chez des patients souvent déjà
• l’intensité de la dépression : les dépressions sévères sont multitraités. Les sentiments de tristesse sont plus volontiers ratta-
plus souvent diagnostiquées que les dépressions d’intensité chés à la difficulté de vieillir ou à une souffrance somatique qu’à
moyenne ou faible ; une dépression, comme si la tristesse était un phénomène nor-
• l’absence de traitement antidépresseur antérieur : alors que la mal à cette période de la vie. Pourtant, chez la personne âgée, le
notion d’antécédents de troubles de l’humeur alerte le clinicien, traitement de la dépression est efficace et peut considérablement
ce n’est pas le cas quand il s’agit du premier épisode ; améliorer la qualité de vie. Le risque suicidaire est particulièrement
• l’existence d’une composante somatique : lorsque les plaintes important chez les personnes âgées.
somatiques sont au premier plan, les états dépressifs sont moins Le classique tableau de la mélancolie, associant une douleur
souvent diagnostiqués. Rappelons qu’en médecine générale morale à des idées de culpabilité ou d’indignité, voire des autoac-
26 % seulement des sujets déprimés ont pour motif de consulta- cusations délirantes, est bien connu. On considère depuis sa
tion une souffrance psychologique, les autres consultant pour description que ce tableau constitue un signe de gravité de la
un problème somatique ; dépression et signe l’imminence d’un passage à l’acte suicidaire.
• l’existence ou l’absence d’une détresse psychologique expri- Cela reste vrai même si on s’accorde maintenant pour considérer
mée : 78 % des patients de médecine générale présentant que le risque suicidaire n’est pas réservé à ces formes et qu’un pas-
une plainte d’ordre psychologique sont identifiés comme sage à l’acte peut survenir au cours de tout état dépressif d’une
déprimés ; certaine intensité, avec ou sans idées de culpabilité.
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Tableau 2.
Critères de la mélancolie selon le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders IV (DSM IV).
A. L’un des éléments suivants a été présent au cours de la période la plus 1/ Perte d’intérêt ou de plaisir pour toutes ou presque toutes les activités
grave de l’épisode actuel
2/ Absence de réactivité aux stimuli habituellement agréables (le sujet ne
se sent pas beaucoup mieux, même temporairement, lorsque quelque
chose d’agréable se produit)
B. Trois éléments (ou plus) parmi les suivants 1/ Qualité particulière de l’humeur dépressive (c’est-à-dire l’humeur
dépressive est ressentie comme qualitativement différente du sentiment
éprouvé après la mort d’un être cher)
2/ Dépression régulièrement plus marquée le matin
3/ Réveil matinal précoce (au moins 2 heures avant l’heure habituelle du
réveil)
4/ Agitation ou ralentissement psychomoteur marqué
5/ Anorexie ou perte de poids significative
6/ Culpabilité excessive ou inappropriée
Tableau 3.
“ Point fort des cas, ce passage par les urgences est suivi d’un transfert en ser-
vice de psychiatrie. Dans les trois quarts des cas, les patients ne
sont pas admis en psychiatrie (Fig. 1).
Facteurs de risque de suicide liés aux troubles men- À l’occasion de leur passage aux urgences, les suicidants ren-
contrent généralement un psychiatre. Ainsi, le premier contact
taux
avec la psychiatrie s’effectue actuellement pour la grande majo-
• Dépression : risque × 30
rité des patients par le biais des services d’urgences. On sait que
• Anorexie mentale : risque × 22 ce premier contact est déterminant pour la suite de la prise en
• Schizophrénie : risque × 8 charge.
• Trouble de la personnalité : risque × 7 Après une tentative de suicide, une hospitalisation aux urgences
ou dans une unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD)
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11 000 restent 91 000 sont adressés aux 71 000 arrivent 22 000 sont directement
au domicile urgences par un médecin directement aux urgences hospitalisés en médecine
“ Point essentiel tion, le passage aux urgences doit être l’occasion de planifier
la suite de la prise en charge. Si le patient bénéficie déjà d’un
suivi, on le réadresse à son référent habituel. Si le patient a autre-
fois été suivi mais a interrompu la prise en charge, on tente de
Dans les trois quarts des cas, après une tentative de sui-
comprendre les raisons de cette interruption et on réenvisage
cide, les suicidants ne sont pas hospitalisés en service de la reprise d’un suivi avec le même praticien ou avec un autre.
psychiatrie. Enfin, si le patient n’a jamais été suivi, il convient de déterminer
quelle est la prise en charge la plus adaptée à son contexte (dis-
pensaire, médecine libérale, etc.). Dans ce cas, il peut être utile
qu’une consultation de post-urgence (dans les jours qui suivent
de quelques heures à quelques jours est nécessaire. Le temps le passage aux urgences) soit disponible sur le site, ce qui per-
d’observation minimal se situe autour 24 heures (ANAES). Dans met de réexaminer à distance la question de l’orientation et offre
bien des cas, une durée supérieure serait nécessaire, ce qui davantage de chances qu’un suivi puisse être effectivement mis en
n’est pas toujours compatible avec le fonctionnement de ser- place.
vices hospitaliers. Une mise au calme avec des interlocuteurs
identiques contribue à une sécurisation immédiate du patient.
L’hospitalisation doit permettre de réaliser une évaluation pluri-
disciplinaire (médicale dans un premier temps, l’examen médical
permettant d’apaiser et de rentrer en relation avec la personne)
“ Points essentiels
et approfondie, permettant d’évaluer le risque de récidive suici-
daire. Elle est également un moment permettant l’organisation Éléments qui doivent faire craindre une récidive
des soins immédiats et ultérieurs en s’appuyant sur le réseau de geste suicidaire chez un suicidant
soignant ambulatoire. Elle devrait pouvoir être réalisée idéa- • La gravité des moyens utilisés (pendaison, défenestra-
lement dans une unité de soins spécialisée dans la prise en tion, armes blanches ou armes à feu, toxiques violents).
charge des patients suicidants, mais dans la réalité la plupart • La réalisation de la tentative de suicide dans un lieu et à
des services de psychiatrie et de médecine remplissent cette un moment excluant toute possibilité de secours.
mission. • Des tentatives de suicide répétées à court terme.
L’évaluation clinique psychiatrique permet de proposer au • Un désir de mort sous-tendu par des idées délirantes
patient une prise en charge adéquate. Les critères d’évaluation
inaccessibles au raisonnement : c’est le cas des théma-
reposent entre autres sur l’existence d’une maladie mentale, sur
tiques mélancoliques ou des idées suicidaires évoquées
le niveau d’intentionnalité suicidaire, les antécédents suicidaires,
la qualité relationnelle de l’entourage et le désir du patient dans un contexte délirant (par exemple ordre hallucina-
d’intégrer une filière de soins. Ce sont cette évaluation spécialisée toire « Tue-toi »).
et l’alliance thérapeutique nouée avec le patient qui déterminent • L’existence d’un isolement social ou l’existence de rela-
le lieu et la filière de soins. tions interpersonnelles de mauvaise qualité.
À l’issue de cette période d’hospitalisation pour observation, • Les caractéristiques de la dépression : le risque est
une hospitalisation en psychiatrie est recommandée si la dange- majeur dans les dépressions mélancoliques, mais toute
rosité de la situation l’impose (Tableaux 1, 3). L’hospitalisation dépression comporte un risque suicidaire (15 % des dépri-
a pour but la protection de la personne, l’établissement d’une més meurent par suicide).
relation de confiance avec elle, la mise en mots de la souf-
france avec le souci constant de définir et de favoriser les soins
ultérieurs. Dans tous les cas, la protection d’un sujet suici-
daire passe par une obligation d’action faite aux soignants et
prévue par la loi. Cette obligation d’action se résume à une
obligation d’information, de surveillance et de mise en place
Prise en charge des suicidants
de soins, que le malade soit hospitalisé ou non. La question dans les services d’urgences
se pose surtout lorsque le patient déprimé refuse l’idée d’une
hospitalisation et parfois même d’une consultation en milieu La prise en charge des patients psychiatriques dans les services
spécialisé et l’hospitalisation sous contrainte peut alors s’avérer d’urgences nécessite une étroite collaboration entre les différents
nécessaire. intervenants : urgentistes, psychiatres, infirmiers et psychologues.
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Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé Prise en charge Pierce DW. The predictive validation of a suicide intent
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N. Dantchev (nicolas.dantchev@htd.aphp.fr).
Hôtel-Dieu, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Unité de psychiatrie, 1, place du parvis Notre-Dame, 75004 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dantchev N. Suicidant. EMC - Urgences 2012;7(3):1-8 [Article 24-153-B-20].
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Échelle d'intentionnalité suicidaire (SIS : suicide intent scale), d'après Beck et al. .
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Échelle H (hoplessness scale) ou échelle de désespoir de Beck .
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