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la science-fiction.

le futur comme
laboratoire

clotilde marnez
dnsep 2012 - esad-gv
introduction I

La science-fiction est un genre littéraire. Cependant, on ne


peut pas la limiter à cette seule définition. J’ai choisi de présenter
la culture de l’anticipation scientifique sous l’angle du design
graphique, d’analyser son iconographie étrange, grandiose,
parfois désuète et les objets graphiques utilisés pour mettre en
forme ses récits. J’analyserai aussi ses paradoxes qui en font un
genre complexe, aux enjeux omniprésents dans notre société de
l’hyper-modernité.

Je me demanderai quels enjeux il peut y avoir à investir la


science-fiction — et plus particulièrement le futur — pour un
designer graphique. Est-ce parce que la science-fiction permet
de s’extraire des contingences du réel et du présent ? Est-ce parce
qu’elle permet de trouver un lieu d’expérimentation neutre?
Ou au contraire la science-fiction parlerait-elle du présent ?
Apporterait-elle un regard critique sur notre monde ? En outre,
quel rapport ces fictions entretiennent-elles avec la réalité ? Sont-
elles véritablement aussi éloignées de nous?
i.
utopie du futur
utopie du futur 2

utopie
La dénomination science-fiction passe dans le langage courant
en 1929, suite à la publication d’un article de Hugo Gernsback,
paru dans le premier numéro de Pulp magazine. Mais l’apparition
de la science-fiction n’est pas un événement spontané du XXe
siècle, mais la rencontre de plusieurs questionnements et de
plusieurs procédés narratifs, présents depuis bien plus longtemps.
Jorges Luis Borges dans Kafka et ses prédécesseurs [1] nous dit que
c’est une fois l’appellation science-fiction établie, que des textes
antérieurs sont apparus comme précurseurs. Certains, comme
Jacques Baudou [2], font remonter les enjeux de la science-fiction
aux mythes antiques. Cette hypothèse, étonnante pour cet art
de la projection futuriste, paraît néanmoins assez évidente dans
sa volonté d’explorer les possibles et de répondre à des questions
ontologiques, telles que l’existence, la durée et le devenir. Rien ne
stimule plus l’imagination que l’inexploré et le mystérieux, qui
offrent un nombre presque illimité de possibles. Mais aussi
peut-être parce que l’inconnu est incertain et donc difficile
à supporter par l’esprit humain. Les voyages fantastiques de
l’Antiquité sont actualisés par les écrivains de science-fiction.
L’Odyssée d’Homère, est re-visitée par Dan Simmons, dans son
diptyque Ilium (2003) et Olympos (2005), par Catherine L. Moore
dans l’Aventurier de l’espace, et dans le dessin animé Ulysse 31.
Les frontières de l’humanité se sont étendues de la Méditerranée
au cosmos.

Dans Archéologie du futur, Fredric Jameson [3], parle des récits de


science-fiction comme d’utopies contemporaines. La particularité
de l’utopie est, pour lui, sa visée politique. Il est vrai que l’utopie
propose, traditionnellement, des modèles de sociétés idéales
(comme dans la République de Platon).
Cette visée politique est à l’origine du rapport particulier que

[1] Jorges Luis Borges, Kafka et ses [3] Fredric Jameson, Archéologues du futur,
prédécesseurs, Autres Inquisitions, Tome 1, Le Désir nommé utopie, Max Milo
1952. éditions, 2005.

[2] Jacques Baudou, la science-fiction,


Presse Universitaire, Que-sais-je,
de France, Paris, 2003.
utopie 3

l’utopie entretient avec la réalité. L’article «Le temps des révolutions


démocratiques » [1] enrichit cette idée. Tout en restant une projection
imaginaire, l’utopie est engagée. Son but est d’investir la réalité.
Elle se situe entre « littérature et politique, plus précisément entre
fiction et action ».
La science-fiction présente en réalité plus souvent des contre-
utopies — ou dystopies — que des utopies. La forme utopique
semble avoir prouvé ses limites. Le XXe siècle a été marqué par
des violences perpétrées au nom d’idéaux politiques et témoigne
du danger que constituent les glissements de l’utopie vers
des doctrines autoritaires.
Le nazisme — qui n’est pas une utopie politique à proprement
parler — a mis à jour le risque de la quête d’une société, ici,
racialement parfaite, idéale. Le communisme, quant à lui, est
devenu le symbole d’une utopie transformée en un cauchemar.
Le roman 1984 de George Orwell, publié en 1949, illustre la prise
de conscience du prix à payer pour réaliser une utopie politique.
Ce défiance vis-à-vis d’une société, soit disant, idéale apparaît
dans le film Zardoz [2]. Cette histoire raconte comment une élite in-
tellectuelle s’est isolée du reste du monde pour former une société,
à priori, idéale. Ses membres vivent en parfaite harmonie dans
un climat propice à la méditation et à la recherche. Mais plus
que tout, ils ont découvert le secret de l’immortalité. Cette quête
humaine ancestrale va néanmoins entraîner la chute de cette
civilisation dont les habitants sombrent peu à peu dans l’ennui
puis l’apathie totale, au point de désirer, plus que tout, une mort
devenue impossible.
Comme la contre-utopie le fait déjà en littérature, la science-
fiction aborde la chute de ces sociétés idéales. Cette lucidité est le
signe d’une prise de conscience, quelque peu pessimiste, de
l’impossibilité de l’utopie. La science-fiction contemporaine aura
donc plus tendance à se projeter dans des dystopies — ou
contre-utopies — qui ne proposent plus un modèle, mais une

[1] «Le temps des révolutions démocrati- [2] Zardoz, réalisé par John Boorman, 1974
ques », article sur le site de l’exposition
Utopie, la quête de la société idéale en
Occident, BNF, 2000.
http://expositions.bnf.fr/utopie/arret/d3/
index.htm
consulté le 11 novembre 2011
utopie du futur 4

critique de nos sociétés bien réelles. Les utopies et les contre-


utopies donnent à voir notre société sous un nouveau jour, par
analogie. Jameson utilise une très belle métaphore dans son texte
pour expliquer le fonctionnement de l’utopie : un peu comme des
touristes, nous sommes projetés dans des voyages extraordinaires,
des mondes dépaysants, que nous découvrons à travers des descrip-
tions souvent riches. L’étranger a une fonction narrative satirique
bien connue dans la littérature. Depuis, le conte philosophique,
genre littéraire dérivé de la tradition de l’utopie, apparu au siècle
des Lumières. Dans Les lettres persanes (1721), Montesquieu, utilise
cette figure pour poser un regard distant, méfiant et critique sur
nos sociétés et sur nous-mêmes. Ce procédé est repris dans
la science-fiction, comme dans la nouvelle les conquérants (1956)
de Jacques Sternberg. L’observation distanciée sur nos sociétés
humaines par des extraterrestres met en lumière leur aberration :

« Nulle part ailleurs, dans l’espace, on n’avait jamais songé


à travailler. Demeurée ou civilisée, larvaire ou souterraine,
aucune créature n’avait jamais ressenti le besoin saugrenu
d’amasser des biens, de se faire une situation ou de gagner
sa vie en acceptant de la perdre suivant un horaire judicieusement
prémédité selon tous les barèmes du sadisme mental. Les Terriens
seuls, s’affirmant comme une triomphale exception, pensaient et
agissaient ainsi. Inutile de préciser qu’ils avaient toujours transpor-
té avec eux, par gouffres et par cieux, leurs principes, et que, sans
se soucier des avis étrangers, ils imposaient partout leur façon
d’envisager les choses. Pour cette raison, pour d’autres encore et,
surtout, parce que vraiment ils étaient les plus forts, les Terriens
étaient aussi redoutés aux quatre coins de l’infini que n’importe
quel cataclysme, – D’autant plus redoutés que la chance ne pou-
vait jamais jouer aucun rôle en faveur des autres, ni la chance,
ni le hasard, Les Terriens arrivaient toujours à leurs fins, la victoire
ne pouvait jamais leur échapper.»
utopie 5

Les mondes science-fictionnels sont donc à considérer comme


des représentations symboliques de notre réalité.
Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift (1721), présente un
voyage merveilleux et satirique. Ce texte fut écrit après le krach
économique de 1720, provoqué par la spéculation des actions
de la Compagnie des mers du Sud, et qui provoqua la ruine de
l’économie britannique et de l’auteur. Les changements de taille
du héros sont des métaphores des fluctuations de fortunes connues
par l’auteur. Ils traduisent aussi les travers d’une société qui ne
lui permettra jamais que d’être tout petit au milieu des géants.
Hervé Lagoguey, dans son texte pour la revue Alliage [1],
souligne les possibilités reflectives de cette méthode critique.
Qui peut s’appliquer à des questions très philosophiques comme
«Qu’est-ce que le réel, et qu’est-ce que l’humain ?» Il donne en
exemple l’œuvre de Phillip K. Dick, dont le travail est marqué par
la « quête de l’humain authentique ».

Selon Darko Suvin : la science-fiction est « la littérature de


la connaissance distanciée » [2]. Elle n’est pas si éloignée de nous
mais plus un miroir grossissant et critique de nos cultures.
Mais les récits de science-fiction, à la différence de l’utopie,
ne nous présentent plus des voyages dans des espaces inconnus
et lointains mais dans le temps. D’Alambert dans l’Encyclopédie
considère le temps comme la quatrième dimension. Pourquoi
donc ne pas explorer cette nouvelle épaisseur de la réalité ?
Qu’apporte le voyage dans le futur que n’apporte pas le voyage
dans l’espace ?

[1] Hervé Lagoguey, « Etres naturels et artifi- [2] Darko Suvin cité par Peter Fitting :
ciels dans l’univers de Philip K. Dick : une la science-fiction est la «littérature de
(r)évolution aux frontières de l’humain », la connaissance distanciée», dans « Uto-
revue Alliage n°60. pies/Dystopie/science-fiction : l’interaction
de la fiction et du réel », Alliage n°60.
utopie du futur 6

futur
L’anticipation est un processus narratif qui consiste à projeter
dans un futur possible un fait, le plus souvent scientifique, afin
de l’extrapoler dans le temps. Mais c’est surtout un genre
littéraire qui prospère en Europe de la fin du XIXe siècle à
la Première Guerre Mondiale. Cette période est marquée par
la révolution industrielle. Le progrès est majoritairement perçu
comme un heureux processus inéluctable dont la clef se trouve
dans les sciences — dont les sciences sociales en pleine essor.
Le terme anticipation est empreint de cette volonté de percevoir
le futur en avance, de le prévoir. Jules Verne (Le Voyage de la terre
à la lune (1865)) et H.G. Wells (L’Homme invisible (1897), La Guerre
des mondes (1898), Les Premiers Hommes dans la lune (1900)), sont
les figures de proue de ce mouvement.
Les principaux thèmes de la science-fiction sont déjà là :
le voyage dans le cosmos et le temps,
les robots, les extraterrestres…
et d’autres moins utilisés aujourd’hui,
mais toujours aussi célèbres, comme
le «savant-fou». On retrouve ces
leitmotivs, épisodiquement, plus tôt
dans l’histoire.
En 1740, Louis-Sébastien Mercier
écrit L’An 2440, rêve s’il en fut jamais,
Le canard Digérateur (1738), de
premier roman reposant sur un procédé
Jacques de Vaucanson, pose déjà la
question du robot comme remplaçant d’anticipation. Le Voyage dans la Lune &
infaillible du naturel. Il peut « digérer »
sans fin n’importe quel aliment.
Histoire comique des états et empires du Soleil
(1655) de Cyrano de Bergerac ou dans
le roman gothique Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818), de
Mary Shelley, ne sont pas des récits d’anticipation à proprement
parler, mais on y apprécie déjà la dualité du rapport à la science,
toujours d’actualité dans la science-fiction moderne : un rapport
futur 7

émerveillé et néanmoins méfiant. Mais peut-être aussi que ces


récits annoncent la prise de conscience par les intellectuels, de
leur responsabilité dans l’évolution des sociétés, qui marquera
le XIXe siècle. Les auteurs de l’anticipation rêvent les évolutions
des sociétés mais ils tentent aussi de prévenir, et donc d’éviter,
les dérives néfastes. H. G. Wells voit dans l’anticipation un moyen
d’éveiller la vigilance de la population sur les dérives possibles
des sciences lorsqu’elles tombent entre de mauvaises mains.
Le savant qui, par sa connaissance, acquiert un grand pouvoir
porte cette responsabilité morale (l’Île du docteur Moreau, 1896).
Une partie des intellectuels de l’époque n’approuvent pas les
trop rapides mutations économiques, sociales et environnementa-
les qu’a provoqué la révolution industrielle. Ils jugent les retom-
bées sur l’individu désastreuses. La pensée socialiste naît de cette
préoccupation. Karl Marx et Friedrich Engels publient en 1848
le Manifeste du Parti communiste [1] où ils prévoient les dérives du
capitalisme et proposent un nouveaux modèle social.
William Morris est un artiste qui investit de
nombreux domaines (littérature, arts décoratifs,
dessin) mais il est aussi un activiste politique
qui joua un rôle décisif dans l’émergence du
socialisme anglais. Il est à l’origine de la création
du mouvement Arts and crafts. Ce dernier est
une objection à la pensée scientiste du XIXe siècle.
Les partisans du Arts and crafts, aspirent à une vie
saine et décente, à un retour à la campagne et
à la nature, dans un contexte culturel riche. Ils News from Nowhere

plaident pour un retour à une fabrication artisanale,


plus épanouissante pour l’individu. Cette pensée s’oppose donc à
la production industrielle. En 1890 William Morris écrit News from
Nowhere (Nouvelles de nulle part), rencontre entre l’utopie socialiste
et le roman d’anticipation, une proposition d’un nouveau modèle
politique et une fiction symbolique.

[1] Karl Marx et Friedrich Engels,


Manifeste du Parti communiste,1847,
Editions Mille et une nuits, Paris, 1994.
utopie du futur 8

L’anticipation est donc l’une des formes dans laquelle


un nouveau rapport à l’histoire apparaît. Sans la conscience de
la responsabilité du présent sur le devenir, il n’y aurait certainement
pas d’anticipation.

Aujourd’hui, notre rapport au temps est bien différent. Il est


l’aboutissement du processus d’abandon du passé, mené au
XXe siècle. Ce processus se cristallise particulièrement dans les arts.
Ainsi, le Manifeste futuriste de Marinetti, par exemple, est une ode
à la vitesse et à la machine. Pour l’auteur, le passé est un ennemi de
la création moderne qu’il faut vaincre. Nous vivons aussi la
conséquence de l’abandon des « récits du devenir » [1]. L’effondre-
ment du communisme, symbolisé par la chute du mur de Berlin en
1989, marque la fin d’un système de croyance et le passage dans
l’ère de l’hyper-modernité. Le temps est désormais perçu comme
une suite de présents fuyants, volatils. Mais la science-fiction
n’en est pas moins nécessaire. Annick Lantenois, ajoute que
l’hyper-modernité n’entrave pas la quête du nouveau et la volonté
de se projeter, propre à l’homme. De plus la technique est plus que
jamais présente dans nos sociétés et nos vies. La Maison d’ailleurs ,
musée de la science-fiction, de l’utopie et du voyage extraordinaire,
défend l’idée que la science-fiction n’a jamais eu une telle actualité.
Elle a désormais rejoint la réalité : « La science-fiction est tout sauf
marginale. Elle prend une part grandissante à la culture contempo-
raine, imprègne notre quotidien, influence nos goûts, notre vision
du monde.» [2] La science est du domaine de la réalité plus que du
mythe. Il est donc nécessaire de porter un regard critique sur
la technologie et les sciences qui nous accompagnent de notre
naissance à notre mort. La science-fiction, en tant que récits
sur les technologies, de leurs évolutions, semble donc rester
d’une utilité essentielle.

[1] Annick lantenois, Le vertige du funambule. en Suisse, se définit comme « une fondation
Le design graphique entre économie et à but non lucratif qui poursuit une double
morale, Cité du design et Editions B42, Paris, vocation de musée grand public et de centre
2010, p.26. de recherche spécialisé.»
http://www.ailleurs.ch/index.
[2] La Maison d’ailleurs, Musée de la scien- php?s=fr&m=3
ce-fiction, de l’utopie et des voyages consulté le 20 février 2012
extraordinaires, située à Yverdon-les-Bains,
ii.
le futur comme
laboratoire
le futur comme laboratoire 10

laboratoire
Le passage de l’anticipation à la science-fiction atteste d’une
évolution vers une réflexion plus « mature » mais marque aussi
le passage à l’ère étasunienne de la projection scientifique. L’Europe,
traumatisée par la Première Guerre mondiale, doit se reconstruire,
alors que les États-Unis dominent désormais le monde économi-
quement et technologiquement. Ils sont devenus le pays de l’avenir.
Mais ce passage est marqué par le changement du statut des
techniques dans le récit. Bien que l’on ressente déjà les préoccu-
pations pour les sciences et leurs évolutions possibles, dans certains
romans d’anticipation, elles ne restent souvent que « solide vernis
de véracité » [1], une excuse au merveilleux, nous dit Raphaël Colson
et André-François Ruaud. La science-fiction n’a pas oublié d’exploiter
cette capacité qu’ont les anticipations scientifiques à créer des
situations grandioses et étranges mais dans un véritable souci de
vraisemblance. Les sciences sont pensées dans ses évolutions
exponentielles possibles et donc extrapolées.
Sylvie Allouche dans son texte pour la revue Alliage n°60 [2],
cite le philosophe Paul Ricœur. D’après lui, la science-fiction est
un laboratoire de recherches des sciences et de leurs usages. La
fiction sert de gigantesque laboratoire de recherche scientifique :

« […] c’est dans la fiction littéraire que la jointure


entre l’action et son agent se laisse le mieux appréhender,
et que la littérature s’avère un vaste laboratoire pour
des expériences de pensée où cette jonction est soumise
à des variations imaginatives sans nombre. »

Elle permet aussi, selon lui, de questionner la déontologie et


les retombées d’une science. Ce que n’apporte pas le laboratoire
scientifique réel. Les sciences et leurs nouveaux usages sont rêvées
dans une logique proche de la sérendipité, très connue en science.

[1] Raphaël Colson et André-François Ruaud, [2] Sylvie Allouche, « Identité, ipséité et corps
La Science-fiction les frontières de la mo- propre en science-fiction, une discussion à
dernité, Editions Mnemos, Paris, 2008. partir de Paul Ricœur, Derek Parfit et Greg
Egan », revue Alliage n°60.
laboratoire 11

Cette démarche consiste à provoquer l’heureux accident et à pousser


le hasard de l’expérimentation jusqu’au bout. La science-fiction
répond donc à la même logique expérimentale que la science mais
sous un angle plus conceptuel. Le futur offre un lieu de recherche
et de réflexion neutre, où une hypothèse scientifique peut-être
pensée en se libérant des contingences de la faisabilité technique
de son époque. Cette démarche est assez proche de celle de
l’expérience de pensée, que pratiquaient Galilée et Einstein, et qui
consiste à formuler des hypothèses en se fiant à son imagination.
Paradoxalement une telle démarche ne peut se faire en abstrac-
tion des sciences mais demande, au contraire, une très grande
connaissance des sciences et de ce qui est vraisemblable. Une
grande grande connaissance de l’Histoire est aussi nécessaire.
Jameson nous dit que l’anticipation dépend de « l’exploration
de toutes les contraintes posées par l’histoire » [1].

C’est de ces contraintes que les récits de science-fiction tirent


leur vraisemblance. Cette démarche est basée sur un présupposé
imaginaire, sur la spéculation : «que se passerait-il si... ?». À partir
des années 60/70, certains auteurs, explorent l’aspect spéculatif
que permet la projection, davantage que le futur lui-même. Cela
donne naissance à un sous-genre : le Steampunk — ou rétro-
fantastique. Dans ces œuvres les artistes revisitent l’Histoire, créent
des sortes d’anachronismes et étudient les retombées sociologiques
et psychologiques de pratiques scientifiques futuristes dans le passé.
Le film sorti en 2011 Cowboys & envahisseurs [2] place son action
dans les États-Unis de la fin du XIXe siècle. Le présupposé est le
suivant : s’il existe effectivement des aliens dans l’Ouest améri-
cain au XXe siècle alors il devait y en avoir déjà avant. Il adopte
ici une position que l’on appelle rétro-futuriste. Le réalisateur,
Jon Favreau, tire parti de ce paradoxe et du contraste visuel que
crée la rencontre de ces deux univers : l’univers futuriste des aliens
côtoie l’univers traditionnel du western.

[1] Frédéric Jameson, Archéologues du futur, [2] Cowboys & envahisseurs réalisé par
Tome 1, Le Désir nommé utopie, Max Milo Jon Favreau, sorti le 29 juillet 2011.
éditions, 2005.
le futur comme laboratoire 12

Le film Auprès de moi toujours (Never let me go) [1], raconte l’histoire
de trois jeunes gens, issus du clonage humain, élevés dans le but de
donner leurs organes, une fois arrivés à l’âge adulte. À en juger par les
tenues et les décors, l’action semble se dérouler dans les années 1970.
Le choix de cette époque est particulièrement intéressant puisqu’il
témoigne d’une certaine vraisemblance. En effet, dans les années
1960, la science du clonage a déjà atteint une certaine maturité.
Le premier clone, celui d’une carpe, est réalisé en 1963. L’auteur nous
montre ce qu’aurait été notre société si la déontologie n’avait pas
empêché une telle pratique. Le parallèle avec le monde réel est
rendu plus évident.
L’action du film à petit budget, Another Earth [2], se déroule dans
le présent. Le film tire son caractère spectaculaire de la banalité de
ses décors et de ses paysages, surplombés par une anti-terre.
L’anti-terre est une théorie émise pour la première fois par Pythagore,
selon laquelle il pourrait exister un astre similaire à notre planète
mais invisible car, diamétralement opposé à la terre par rapport au
soleil. L’impossibilité de cette théorie a été prouvée mais perpétue
le rêve de la rencontre, semblable, d’un autre dans l’univers.

[1] Auprès de moi toujours (Never let me go), [2] Another Earth, réalisé par Mike Cahill,
réalisé par Mark Romanek, sorti en 2010. sorti en 2011.
D’après le livre de Kazuo Ishiguro du même
titre (2005). [3] Jean-Michel Salanskis, « Fiction
des mondes », Alliage n°60.
laboratoire 13

Je trouve que ce type de fiction a un impact particulier sur le specta-


teur car il montre des situations extrêmement choquantes et pour-
tant très proches de nous. Les dérives scientifiques, mises en éviden-
ce dans ces récits, semblent aux portes de la réalité. Les auteurs ont
donc laissé l’aspect spectaculaire pour plus de réalisme.

Dans son article Fiction des mondes [3], Jean-Michel Salanskis


parle de « mondes parallèles » pour évoquer ces futurs dépassés,
de ses impasses temporelles. Cette appellation n’est pas de lui mais
de Saul Kripke et paraît parfaitement appropriée au thème de la
science-fiction. En effet, ces films démentent la théorie comme
quoi ces récits de science-fiction prennent toujours place dans
le futur. La science-fiction serait davantage définie par une spécula-
tion scientifique dans un contexte fictionnel, imaginaire.
le futur comme laboratoire 14

inspiration ?
La science-fiction rêve donc les sciences de demain et les retombées
sociologiques qui en découleront. Elle tente de prédire nos futurs
usages avec une telle justesse que ces récits ont parfois des échos
dans la réalité.
Les année 1980, marquent l’entrée dans un âge d’or de la science-
fiction. La réflexion scientifique de ces récits a atteint une grande
maturité et une grande vraisemblance. C’est à cette époque
qu’apparaît le courant de science-fiction Cyberpunk.
Ses récits questionnent les évolutions possibles des technologies
numériques, des mass media, de la robotique et des métavers —
univers virtuels (questionnés dans des films comme ExistenZ ou
Matrix). Ces anticipations sont rarement réjouissantes, et les happy
end rares! Comme l’indique leur slogan: No Future ! Ces récits sont
pourtant réputés pour être d’une grande vraisemblance et connais-
sent souvent des échos dans le réel. Les récits de Cyberpunk présen-
taient, par exemple, des interfaces virtuelles que nous pouvons
aujourd’hui identifier comme la version encore imaginaire des
réalités virtuelles. Mais est-ce une analyse fine et juste des dérives
latentes des technologies qui aurait permis au Cyberpunk de connaî-
tre ces échos dans la réalité ? Ou ces récits influenceraient-ils
l’avenir en servant de sources d’inspiration et de réflexion?

La Maison d’ailleurs a travaillé avec L ’Agence Spatiale Européenne


(ESA), de 2000 à 2001 sur le Projet ITSF [1]. Ce projet consiste à
relever des inventions présentes dans les œuvres de science-fiction
concernant le domaine de la conquête spatiale. La gigantesque base
de données obtenue sert maintenant de source d’inspiration aux
ingénieurs de l’aérospatiale. Il serait intéressant de réaliser une telle
étude sur les outils de communication, numériques et imprimés
dans les films de science-fiction. Dans un article publié dans son
blog Archives, Etienne Mineur montre, avec humour, des échos

[1] Article en ligne sur le site de La Maison


d’ailleurs
http://www.ailleurs.ch/index.
php?s=fr&m=15
ou ce site entièrement consacré au projet
http://www.itsf.org/
inspiration ? 15

entre des interactions avec la machine rêvée dans les films de


science-fiction, et des technologies réelles [1]. Il évoque Skype, dans le
film Barbarella, Photoshop dans le film Blade Runner, etc. Au delà de
l’humour de son propos, on peut se demander s’il y a un réel intérêt
à étudier les objets de design graphique dans les récits de science-
fiction. Y aurait-il de nouveaux usages ou de nouveaux modes d’inter-
activité à imaginer ?
Il arrive donc que les réalisations présentes dans les films de
science-fiction aient des retombées dans le réel, comme si les
chercheurs y avaient trouvé leurs idées. Ces lois ont pour but de
permettre une bonne cohabitation hommes/robots et prévenir
d’éventuelles retournements de la machine contre l’homme.
1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain,
ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit
exposé au danger.
2. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne
un être humain, sauf si de tels ordres entrent
en conflit avec la première loi.
3. Un robot doit protéger son existence tant que
cette protection n’entre pas en conflit avec
la première ou la deuxième loi.
Elles forment aujourd’hui une sorte de directive pour les chercheurs
en robotique du COMETS (comité d’éthique du CNRS). Plus surpre-
nant, le ministre de l’économie, du commerce et de l’industrie japo-
nais souhaite imposer les lois d’Asimov à des fins sécuritaires.
Il serait intéressant de recenser tous les objets présents dans
le récit (diégétique) liés au design graphique pour confirmer s’il
existe un lien et dans ce cas, pour comprendre lequel.

André-Claude Potvin défend dans sa thèse [2] l’idée que les récits
de Cyberpunk ont influencé la construction des espaces de réalité vir-
tuelle. Il appuie sa théorie par l’étude de plusieurs œuvres Cyberpunk
dont Duel aérien de William Gibson, chef de file de ce mouvement.

[1] Etienne Mineur, « Interfaces homme ma- [2] André-Claude Potvin, L’apport des récits
chine dans les films de science-fiction », cyberpunk à la construction sociale
sur le blog Archives de l’auteur. des technologies du virtuel, 2002.
http://www.my-os.net/blog/index. http://www3.sympatico.ca/acpotvin/
php?2011/08/03/1597-interfaces-hom- maitrise.html
me-machine-video
le futur comme laboratoire 16

Les récits de science-fiction apparaissent comme la phase de maquet-


tage de ce projet, donnant une ligne directrice à sa construction.

Les récits de Cyberpunk présentent également des réflexions


unique sur le design graphique, les outils de communication
et les outils numériques ainsi que les rêves et les peurs qui s’y
trouvent rattachés.
La nouvelle Engooglé de Cory Doctorow [1], publiée en 2007
dans la revue Radar, raconte comment Google a atteint un pouvoir
politique effrayant et absolu, en parvenant à surveiller tous les
individus jusque dans leur intimité. Le design graphique a une
portée symbolique double dans les récits de science-fiction. Les
affiches sont souvent les symboles du pouvoir politique et économi-
que comme dans Blade runner (1982). La même publicité y est
diffusée en boucle sur des écrans démesurés. Dans la scène du
métro du film Minority report (2002) : le héros est littéralement
harcelé par de nombreuses affiches commerciales animées qui
l’interpellent. Dans le film Invasion Los Angeles de John Carpenter,
réalisé en 1988, les individus sont contrôlés par les aliens via des
messages subliminaux cachés dans les affiches de publicité. Au
delà de cette lecture littérale, il faut voir dans ce film le symbole
d’une société contrôlée, non pas par des extra-terrestres, mais par
une élite bien réelle: les Yuppies (Young Urban Professional), classe
dirigeante aux Etats-Unis. Le titre original (We sleep) vient d’ailleurs
d’un graffiti politique marqué sur un mur: They live, we sleep (Ils
vivent, nous dormons).
Mais les outils de communication apparaissent aussi comme
un moyen de libération incarné par la figure du pirate ou hacker,
héros révolutionnaire, dont les capacités en informatique lui
confèrent une liberté absolue (film Hackers (1995), Cybertraque
(2002)). C’est aussi un moyen d’accès à la culture, à la sagesse et
à la vérité, comme dans le film Zardoz réalisé par John Boorman
en 1974. Grâce aux livres le héros, Zed découvre que le Dieu auquel

[1] Cory Doctorow, Engooglé, publiée dans la


revue Rada, 2007.
inspiration ? 17

ils obéissent n’est en fait qu’un personnage de conte pour enfant :


ZARDOZ pour wiZARD of OZ.
D’autre films ignorent totalement le design graphique comme si
celui-ci n’existait plus dans le futur. Dans le film Bienvenue à Gattaca
(1997), le design graphique est quasiment inexistant, à part sous
formes d’interfaces de simulation de vol dans l’espace.

La science-fiction permet un regard distancié et critique sur nos


sociétés, nos sciences mais aussi sur le design graphique, traité ici
plus que dans n’importe quelle autre littérature et plus particuliè-
rement dans les récits Cyberpunk.
le futur comme laboratoire 18

genre populaire
Les auteurs de science-fiction peuvent traiter de questions
scientifiques complexes, mais leur but est avant tout de divertir. Ce
genre semble donc attaquer sur deux front, a priori incompatibles :
le traitement de notions scientifiques pointues et le divertissement
populaire. Il est intéressant de constater que, bien que très éloi-
gnées, fiction et sciences font bon ménage et même s’enrichissent
dans la science-fiction. La fiction permet de contextualiser la science,
la rendant ainsi plus compréhensible.
Dans une interview, l’écrivain Jean-Marc Ligny explique qu’il n’a
pas peur de traiter des notions très complexes dans ces livres de
science-fiction, même lorsqu’ils sont destinés au jeune public et
que ce genre littéraire permet de sensibiliser les lecteurs à des
notions aussi complexes que le paradoxe de Langevin ou la théorie
de la relativité et cela sans aucun problème [1] . Cette volonté de
vulgarisation des sciences se ressent dans le choix des supports
investis par la science-fiction. L’anticipation semble déjà guidée
par une véritable volonté, de la part des auteurs du genre, de
sensibiliser le plus grand nombre aux sciences et à ses enjeux.
H. G. Wells et Isaac Asimov écrivaient d’ailleurs des livres de vulgari-
sation scientifique en parallèle de leur pratique de romancier.

L’industrialisation de la presse, au XIXe siècle, amène la démo-


cratisation de l’édition et le développement des journaux. L’antici-
pation s’empare alors de ce support périodique, qui accompagne
et ponctue l’histoire des sociétés et dont le bas prix fait la notoriété.
La pratique de l’illustration dans les journaux se radicalise.
Certains illustrateurs adoptent une démarche prospective, vision-
naire et souvent critique, aussi intéressante que celle des écrivains
d’anticipation. Ces artistes explorent la capacité de la science-fic-
tion à créer des images étranges et spectaculaires.

[1] Interview de Jean Marc Ligny sur le site


du Centre national de documentation
pédagogique
http://www.cndp.fr/savoirscdi/index.
php?id=733
genre populaire 19

Un quartier embrouillé (1883)


Albert Robida (1848-1926).
le futur comme laboratoire 20

Cette démarche se radicalisera avec les pulps, magazines américains


populaires. L’esthétique « criarde et racoleuse » [1] qui « oscille toujours
entre le pôle de l’hyper-réalisme et le pôle hyper-graphique »[2] de la
science-fiction telle qu’on la connaît, se construit à l’époque.

Quelques Pulps : Amazing Stories (E.U.A),


Astounding science-fiction (E.U.A) et Pulp magazine (E.U.A).

Dans les années 1930, le commandement militaire américain,


soucieux du moral de ses troupes, décide de fournir à ses soldats
de petits livres, qu’ils pourront garder avec eux. La mise en page est
grossière et le papier de mauvaise qualité. Mais le principe du livre
de poche est inventé. Les avantages financiers de ce format — en
comparaison du hardcover (« couverture dure » ) — et sa praticité en
font, à partir des années cinquante, un nouveau format éditorial
populaire. La science-fiction investit rapidement ce nouveau support
au détriment des pulps.
Pour régler le problème de la réédition des nouvelles parues
dans les pulps, trop courtes pour être publiées seules, l’éditeur
américain Donald A. Wollheim (membre des Futurians, commu-
nauté d’écrivains et d’éditeurs de Science-fiction auquel appartient
aussi Asimov) lancera le ACE double : recueil de nouvelles de
science-fiction (ou novellas) publiées deux par deux, tête-bêche.

[1] Raphael Colson et André-François Ruaud, [2] Raphael Colson et André-François Ruaud,
science-fiction, les frontière de science-fiction, les frontière de
la modernité, les Editions Mnemos, la modernité, les Editions Mnemos,
Paris, 2008, p.199 Paris, 2008, p.200
genre populaire 21

La science-fiction accompagne les évolutions des sociétés


dans de nombreux domaines, comme ici l’édition. Elle se réinvente
à chaque parution et investit des supports toujours plus proches
de ses contemporains. La science-fiction au delà du genre littéraire
est une manière d’appréhender son époque et d’explorer tout les
progrès qu’apportent la modernité.
Après la Seconde Guerre mondiale, la popularité de la science-
fiction est telle qu’elle dépasse les frontières étasuniennes et s’étend
sur le monde entier. Elle transcende aussi les frontières des domaines
de création pour s’étendre à la mode, le design, etc. Raphaël Colson
et André-Francois Ruaud parlent d’« esthétique globale » [1].

[1] Raphael Colson et André-François Ruaud,


science-fiction, les frontière de
la modernité, les Editions Mnemos,
Paris, 2008, p.234
le futur comme laboratoire 22

Couverture de Richard M. Powers pour


Catseye d’Andre Norton (1961).
genre populaire 23

Couverture de Ed Emshwiller pour le livre


Key out of Time (1963). L’influence
de M. Powers se fait nettement
ressentir dans son œuvre.
le futur comme laboratoire 24

expérimentation

Le voyage dans la Lune

Le Voyage dans la Lune (1902) est un film de Georges Méliès, inspiré


des romans d’anticipation de Jules Verne — De la terre à la lune —
et de H. G. Wells — Les premiers hommes dans la lune. Le reportage
Le voyage extraordinaire [1] raconte comment Méliès, avec Le voyage
dans la Lune (1902), a su investir et explorer les possibilités qu’offrait
le cinéma émergent. A l’origine homme de spectacle et magicien,
Méliès voulait faire vivre à son public de nouvelles expériences.
Il voyait aussi dans les films, le moyen de créer des illusions.
Escamotage d’une dame au théâtre Robert Houdin (1896), est le premier
film utilisant les effets spéciaux. Il y fait disparaître et réapparaître
une femme grâce à un jeu de coupe : il arrête la caméra et remplace
la femme vivante par un squelette et relance la caméra. Méliès
invente aussi les premiers films narratifs, ouvrant ainsi les portes
du cinéma tel que nous le connaissons aujourd’hui. Le voyage dans
la Lune (1902) de Georges Méliès a été reconnu premier film mais
aussi premier film de science-fiction par l’UNESCO. On pourrait ajouter
que Méliès a également créé les premiers studios de cinéma et la
première société de production. En 1923 Méliès, criblé de dettes, doit
vendre ses studios de Montreuil. Fou d’amertume, il brûle une
grande partie de son œuvre, jamais retrouvée depuis. Or, en 1993,

[1] Le Voyage extraordinaire (2011), film


documentaire français de Serge Bromberg
et Eric Lange sur l’œuvre de Méliès et
l’histoire de la restauration d’une bobine du
film Le voyage dans la lune de Méliès (1h05)
suivi de : Le Voyage dans la lune (1902), film
français de Georges Méliès. (15 min.)
expérimentation 25

une version du Voyage dans la Lune est découverte par la Filmoteca


de Barcelone. C’est la version la plus complète jamais retrouvée.
De plus, cette version est colorée, selon la technique qui consiste à
peindre la pellicule à la main ou au pochoir quand le budget le
permet. Ce procédé est à l’origine de films en couleur d’une très
grande beauté.
La mise en forme des récits de science-fiction semble donc offrir un
contexte particulièrement propice à l’expérimentation et à l’innova-
tion. Figurer des récits, des thèmes et des lieux aussi éloignés de
notre réalité relève, en effet, souvent de l’exploit et les réalisateurs de
science-fiction trouvent généralement les solutions dans des techni-
ques émergentes. Pour montrer un temps en suspens, le film Matrix
utilise la technique du Bullet time. Celle-ci consiste à obtenir, grâce à
une série d’appareils photo, un travelling synchrone. Même si elle
existait déjà avant Matrix, Michel Gondry l’utilise dans une publicité
pour Smirnoff. On peut dire que les réalisateurs de ce film ont su
réellement en tirer parti et la sublimer, en lui trouvant un usage nar-
ratif.
Le film A scanner darkly (2006) est inspiré de la nouvelle du même
titre du célèbre écrivain Philip K. Dick, très souvent adapté au cinéma
( Blade Runner, Minority Report, etc.). Dans cette nouvelle autobiogra-
phique, K. Dick s’inspire de sa propre expérience de la drogue pour
parler de ses effets psychologiques et physiologiques désastreux sur
l’homme. Pour montrer ce côté vibrant étrange et artificiel, le réalisa-
teur Robert Linklater, tourne les séquences avec une caméra numéri-
que, puis repeint grâce à un programme
d’animation spécialement conçu pour le
film. La technique de réalisation sert
parfaitement le message et l’ambiance
du film. Elle permet aussi de figurer les
costumes que les inspecteurs portent
dans leur travail : les « tenues
A Scanner darkly
le futur comme laboratoire 26

brouillées », sortes de masques constitués « d’environ un million et


demi d’images fragmentaires d’hommes, de femmes et d’enfants
dans toute les variantes possibles, ce qui fait du porteur de la tenue
brouillée le parfait Monsieur tout le monde » [1].
La science-fiction trouve dans l’animation le moyen de figurer
des situations imaginaires. Renaissance, un film en noir et blanc,
réalisé par Christian Volckman en 2009, utilise entièrement la
technique, à l’époque très novatrice, de la capture de mouvements.
Les gestes et expressions du visage des acteurs sont saisis grâce à
des capteurs pour être ensuite analysés et exploités virtuellement.
C’est un outil de modélisation, permettant de saisir un objet en 3D
pour le transformer en images animées 2D. Cette pratique permet
d’assembler la réalité et l’univers fictif et une esthétique nouvelle
et minimaliste correspondant particulièrement bien à un tel récit
futuriste. Cependant, rien ne semble réellement dans l’histoire
justifier cette pratique plutôt que d’autres effets spéciaux déjà
établis. Ces démarches sont marquées par quelque chose de révolu-
tionnaire, de novateur, par une envie d’explorer les outils que leurs
époques mettent à leurs dispositions, ainsi que de faire avancer
leur discipline, de la projeter en avant.

Dans Nouvelle méthode d’approche. Le design pour la vie [2],


L. Moholy-Nagy explique que tout bon designer doit repenser la forme
des objets qu’il crée, selon les moyens de production contemporains,
surtout adaptés à leurs réalisations. Le designer doit toujours remettre
en question les formes établies correspondant souvent à des moyens
de production artisanals et dépassés, mais aussi souvent à d’anciens
usages. En effet, le designer doit être à l’écoute des besoins de ses
contemporains et plus encore doit prévoir leurs nouvelles exigen-
ces. Il met en garde contre la dérive qui consiste
à appliquer les caractéristiques formelles d’une innovation dans
un domaine à un autre. Par exemple appliquer les formes aérody-
namiques de la recherche automobile à un cendrier. Ce parallèle

[1] Description extraite du film A Scanner [2] László Moholy-Nagy, « Nouvelle méthode
Darkly, réalisé par Richard Linklater, 2006, d’approche. Le design pour la vie », extrait
00:05:13min. de Peinture photographie film et autres
écrits sur la photographie, 1925.
expérimentation 27

Max Headroom (1988), est une série télévisée


américaine, créée par Peter Waag. L’histoire se
déroule dans un futur où les télévisions sont
distribuées et où il est interdit de les éteindre.
Un présentateur télé va denoncer ce système,
aidé de son double numérique.
le futur comme laboratoire 28

avec le texte sur le design de Moholy-Nagy met en lumière les


raisons qui ont amenées la science-fiction à devenir plus qu’un genre
littéraire : une manière d’appréhender sa discipline et ses outils. C’est
la culture de l’anticipation scientifique, guidée par une curiosité et
une envie d’expérimenter les outils contemporains et de leur trouver
de nouveaux usages. Mais peut-être aussi par quelque chose de
révolutionnaire, une envie non pas de rompre avec le passé, mais
plutôt de remettre en question la tradition, de projeter sa discipline
dans un futur anticipé et de construire son avenir. Ce serait une
erreur de renier l’histoire. Comme nous l’avons vu plus tôt, on ne
peut comprendre notre société sans connaître les évolutions qui
l’ont créée. Or le designer, d’après Moholy-Nagy, se doit de com-
prendre et de prévoir les besoins de ses contemporains. Ce qui
n’est pas chose aisée puisqu’on ne peut prévoir l’avenir. Trop de
facteurs imprévisibles entrent en ligne de compte.

« Y aurait-il une recette permettant de prévoir les nouvelles


tendance ? Tout nouvel objet, d’une certaine manière, bénéficie pour
sa réalisation technique des derniers acquis de la science, y compris
des progrès de la psychologie et de la sociologie. On pourrait donc
estimer que tout produit fabriqué à partir de ces données peut
atteindre une certaine forme de perfection. En vérité, il subsiste
toujours des impondérables difficiles à évaluer.»

Moholy-Nagy, Nouvelle méthode d’approche, le design pour la vie,


extrait de Peinture photographie film et autres écrits sur
la photographie, 1925, p.264/265

Le futur est un lieu d’expérimentation technique particulière-


ment intéressant pour toutes ces raisons. Il attire auteurs et artistes
en quête de progrès et de nouveautés. La science-fiction offre un
cadre déjà conceptualisé et plus restreint du futur. Elle met à
disposition des sociétés déjà dessinées aux réalisateurs, dessina-

[1] Exposition Galactic Hits, Musiques et [2] Tron 2, l’héritage, réalisé par Joseph
science-Fiction à La Maison d’ailleurs, Kosinski, 2011.
du 7 mars 2010 au 1er août 2010.
http://www.ailleurs.ch/index.
php?s=fr&m=11&pid=62
expérimentation 29

teurs et designers graphiques. C’est sûrement cette esthétique


expérimentale qui expliquerait l’aspect daté (et le charme) de la
science-fiction. Cette esthétique désuète est d’ailleurs détournée et
reprise comme symbole.
Le film Barbarella, avec ces sols fumants et ses inventions
farfelues (bateaux à voiles gonflables glissant sur la neige, ordina-
teur de bord avec pour clavier un piano, etc.), traite la science-fiction
avec beaucoup d’humour et explore toutes les situations absurdes
que le genre peut créer. C’est un des nombreux détournements des
codes de la science-fiction.
Le film Mars Attack! de Tim Burton (1996), est un autre exemple
de parodie de science-fiction. Elle est ici le symbole d’un âge d’or
américain et de valeurs révolues. Ce film est une satire de la société
étasunienne. L’auteur accentue sa critique en engageant toutes
les vedettes du cinéma hollywoodien des années 1990.
C’est la même critique qui est faite par Burton dans son autre film
culte de science-fiction Edward aux mains d’argent (1991). Il y reprend
le thème du savant-fou et sa créature.

Le milieu musical reprend beaucoup les codes de la science-


fiction, particulièrement dans le milieu de la musique électronique.
L’exposition Galactic Hits [1], présentée en 2010 à la Maison d’ailleurs,
attire l’attention sur cette tendance. Le groupe Daft Punk est l’exemple
le plus représentatif de cette tendance. Leiji Matsumoto (dessinateur
du fameux Albator (1969)) réalise un court-métrage servant de
support visuel à l’album Discovery (2001). Les deux musiciens jouent
également dans le deuxième volet du film Tron sorti en 2011 [2] dont
ils réalisent la bande originale.
Cette iconographie est utilisée comme le symbole d’une époque
révolue, le symbole de notre enfance ou d’un âge d’or américain
dépassé. Mais certainement aussi comme le symbole d’un intérêt
pour la technologie et pour l’expérimentation.
le futur comme laboratoire 30

témoins
C’est dans le but de conserver ces symboles, ces « outils histori-
ques » que l’Agence Martienne [1] à Marseille et la Maison d’ailleurs
qui conserve plus de 70 000 objets et images relatives à la question
de la science-fiction. Ce fond documentaire apparaît passionnant
à étudier en tant qu’archéologie de nos rapports au futur et aux
sciences. Ils appartiennent à une histoire des futurs dépassés.
La science-fiction accompagne les évolutions des sciences et cristal-
lise les peurs et les espoirs qu’elles suscitent. Le voyage fantastique
est un film réalisé par Richard Fleischer en 1966, inspiré d’un
roman d’Isaac Asimov du même titre [2]. Il raconte comment
un groupe de scientifiques est réduit à la taille d’un microbe
afin de soigner un illustre chercheur d’une hémorragie cérébrale.
Comme le dit le texte d’introduction, avant le générique :
« Aux nombreux médecins, techniciens et chercheurs scientifi-
ques, dont le savoir et la perspicacité nous ont guidés pour ce
film ». Ce film a été inspiré par les progrès scientifiques, qui nourris-
sent la science-fiction et son imagerie. Celle-ci a été guidée par les
progrès de l’image endoscopique, popularisée à l’époque par les
magazines. Or, après plus de 40 ans d’usage médical courant de
cette pratique, elle n’a aujourd’hui plus grand chose de révolution-
naire ou de fascinant bien que restant très intéressante.

À l’inverse, les récits de science-fiction témoignent aussi des


craintes liées aux techniques et aux sciences. Durant la guerre
froide, les récits de science-fiction traitent énormément de la
menace nucléaire. Ils explorent un panel de mutations que le
nucléaire pourrait provoquer.

[1] Site internet de l’Agence Martienne [2] Le voyage fantastique, Isaac Asimov, 1966.
à Marseilles : http://www.agence-mar-
tienne.fr/
consulté le 23 novembre 2011
témoins 31

L’Homme qui rétrécit, réalisé par Les Kaijû («animal étrange»), monstres du
Jack Arnold (1957), raconte comment, cinéma japonais — auxquels appartient le
à la suite d’un contact avec un mystérieux célèbre Godzilla — symbolisent la menace
brouillard radioactif le héros, Scott Carey environnementale et nucléaire.
rétrécit. On le voit rapetisser jusqu’à atteindre
une taille si petite qu’une simple araignée re-
présente un danger mortel. Le film se termine
alors que résigné, il s’apprête à entrer dans
la dimension de l’infiniment petit.

Des monstres attaquent la ville, réalisé par The Toxic Avenger, par Lloyd Kaufman et
Gordon Douglas (1954). Une bombe nucléaire Michael Herz, 1985.
a provoqué des mutations de la taille des Le super-héros monstrueux est né
insectes. de l’exposition à une matière nucléaire.

Il parait difficile après les catastrophes nucléaires de Tchernobyl


et de Fukushima de considérer comme plausibles de telles mutations.
Certains enfants nés après la catastrophe de Tchernobyl sont
victimes d’handicaps moteurs profonds et souffrent de très graves
malformations. Mais derrière l’apparente naïveté de ces récits, il
convient de considérer ces personnages monstrueux comme des
incarnations de la menace latente à l’époque du film, des symboles
de la précarité du réel.
le futur comme laboratoire 32

japon
Si la science-fiction accompagne
les évolutions des sciences, elle
accompagne aussi celles des sociétés.
La science-fiction s’est donc étendue
sur le monde en accompagnant
l’émergence de nouvelles puissances
Albator (1969) économiques. Tout les pays y sont
sensibles. L’exemple le plus
remarquable reste le Japon.
L’iconographie contemporaine
de science-fiction est très marquée
par cette culture.
La Loi fondamentale pour la science
et la technologie, votée en 1995 par
Capitaine Flam (1979)
le gouvernement japonais, vise à
orienter toute l’économie vers le développement des sciences.
Dans un tel contexte, la société ne peut être que concernée par
les évolutions technologiques. Le Japon est un pays où le progrès
et la technologie sont toujours perçus comme des idéaux.

Le Château dans le ciel (1986) et Le Château ambulant (2004) de Hayao Miyazaki.


Ces îles volantes ne sont pas sans rappeler l’île flottante de Laputa de Jonathan Swift.
japon 33

Ghost in the Shell est un manga très violent de Masamune Shirow


publié en 1989, adapté en film d’animation en 1995 et en série
d’animation diffusée dès 2002.
Les Ghosts sont des esprits humains habitant des ordinateurs
et des machines, en général après la mort de leur corps. Le titre
Ghost in the shell (fantôme dans la coquille) fait référence à l’âme
humaine piégée dans une machine. Ce thème de la science-fiction
contemporaine a été popularisée dans Neuromancien par William
Gibson, dès 1984. La science-fiction étudie les retombées d’une telle
pratique, à savoir la redéfinition complète de la nature humaine
(de ses capacités proprement humaines, de son intégrité individuelle,
etc.) s’il était assimilé à une machine. Ce courant de pensé qui
théorise, le dépassement des capacités humaines grâce à des
techniques, encore chimériques, s’appelle le transhumanisme.
34
conclusion 35

La manière la plus juste de parler de la science-fiction fut, selon moi,


de l’étudier sous son aspect insaisissable et évolutif. C’est une culture
mouvante qui accompagne les progrès technologiques, scientifiques
et sociologiques. Les utopies et les nombreuses expérimentations
que permettent ces projections construisent le futur.
J’ai la certitude qu’il existe un véritable intérêt pour un designer
graphique à étudier et comprendre la démarche de la science-fiction.
On retrouve cette approche prospective dans le travail de certains
designers graphiques. Je l’ai découvert lors de mes recherches et cela
à amplifier mon intérêt pour cette étude. Théoriser cette démarche
m’a permis de confirmer son intérêt. Je pense qu’elle nourrira ma
démarche pour mon DNSEP mais aussi au delà.
annexe.
design graphique
et science-fiction
design graphique et science-fiction 38
utopie et manifeste 39

Back cover, hiver/printemps 2011.


Les membres de Metahaven, déclarent
dans l’article «Avant un manifeste» :
« Le manifeste est pour nous une forme
d’utopie ».
design graphique et science-fiction 40
utopie et manifeste 41
design graphique et science-fiction 42
utopie et manifeste 43
design graphique et science-fiction 44
utopie et manifeste 45
design graphique et science-fiction 46
fiction et reflexion 47

Not what if, what if not? est une œuvre


collaborative réalisée sous la direction
d’Alexandre Dearmond, une réflexion
sur l’avenir du design graphique.
design graphique et science-fiction 48
fiction et reflexion 49
design graphique et science-fiction 50
fiction et reflexion 51

Post internet survival guide 2010, est un projet


de Katja Novitskova. Ce livre souligne les retom-
bées qu’aurait la disparition du Web, tel qu’on le
connaît aujourd’hui. Selon Katja Novitskova, ce
support lutte en permanence pour sa survie sous
sa forme actuelle. Elle dresse par la même, une
liste des usages du Web.
design graphique et science-fiction 52
fiction et reflexion 53
54
design graphique et science-fiction
55
pinar & viola

Pinar & Viola sont passionnées par la perspec- Le manifeste : « Ecstatic surface design. Scans
tive du futur. Elles investissent les technologies of the contemporary visual culture » expose
les plus récentes et étudient les images qu’elles l’ensemble de leurs revendications.
créent. Elles s’intéressent aussi à l’imagerie
populaire qui découlent de ces nouveaux outils
et des nouveaux usages.
bibliographie
bibliographie 58

livres

Barjavel R., Marx K. et Engels F.,


Ravage (1943), les Éditions Denoël, Paris, 1984. Manifeste du parti communiste (1847),
Éditions Mille et une nuits, Paris, 1994.
Barthes R.,
Mythologies (1957), Éditions Points, Paris, 2007. de Mèredieu F.,
Arts et nouvelles technologies,
Baudou J., Éditions Larousse, Paris, 2011.
Que-sais-je - la science-fiction,
Presse Universitaire de France, Paris, 2003. McCarthy C.,
La route (2007),
Bozzetto R., Les Éditions Olivier, Paris, 2008.
La science-fiction, Éditions Armand Colin,
Paris, 2007. Moholy-Nagy L.,
« Nouvelle méthode d’approche. Le design pour
Burgess A., la vie », extrait de Peinture photographie film et
L’orange mécanique (1962), autres écrits sur la photographie, 1925.
Éditions Robert Laffont, Paris, 2003.
Novitskova N.,
Chion M., Post internet survival guide 2010,
Le cinéma de science-fiction, Revolver publishing, Berlin, 2011.
Éditions des cahiers du cinéma, Paris, 2009.
Orwell G.,
Colson R. et Ruaud A. F., 1984 (1949), Éditions Gallimard, 2002.
science-fiction, les frontières de la modernité,
Éditions Mnemos, Paris, 2008. Pourriol O.,
Cinéphilo, les plus belles questions de
Sous la direction de Dimos A., philosophie sur grand écran,
Back cover, Éditions B42, Éditions Hachette littérature, Paris, 2008.
Paris, hiver/printemps 2011.
Schaeffer J. M.,
Fauchereau S., Qu’est ce qu’un style littéraire? (1989)
Avant-Gardes du XXeme siècle - Art & littérature Collection poétique des Éditions du Seuil,
1905-1930, Flammarion, Paris, 2010. Paris, 2010.

Jameson F., Schaeffer J. M.,


Archéologies du futur, un désir nommé utopie, Pourquoi la fiction? (1999),
Max Milo Éditions, Paris, 2007. Collection poétique des Éditions du Seuil,
Paris, 2010.
Sous la direction de Juin H.,
Les 20 meilleurs récits de science-fiction, Sous la direction de Schneider S. J.,
Bibliothèque Marabout, 1964. 1001 films, Éditions Omnibus, Paris, 2004.

K. Dick P., Teschner F.,


Ubik (1966), Le secret des anneaux de saturne,
Éditions Robert Laffont, Paris, 1970. Éditions B42, Paris, 2011.

Lantenois A., Collectif,


Le vertige du funambule. Le design graphique Sciences et science-fiction, Universcience
entre économie et morale, Cité du design et Éditions et Les Editions de la Martinière, 2010.
Éditions B42, Paris, 2010.
Sous la direction de Dearmond A.,
Sous la direction de Lévy-Leblond J. M., Not what if, what if not?, Emmet Byrne,
Alliage n°60, juin 2007. Alex DeArmond, Jon Sueda, 2009.
bibliographie 59

sites internet

L’agence Martienne :
http://www.agence-martienne.fr/

Archives, Etienne Mineur :


http://www.my-os.net/blog

Le dernier Blog, Jean-Noël Lafargue :


http://hyperbate.fr/dernier

Le Droïde enchainé :
http://www.ledroideenchaine.com

Ecrans :
http://ecrans.fr

La Maison d’aileurs :
http://www.ailleurs.ch/

Mythe et science-fiction, Natacha Vas-Deyres :


http://ha32.org/spip/Mythe-et-science-Fiction

Pinar & Viola :


http://pinar-viola.com/

Catalogue en ligne de l’exposition Utopie,


la quête de la société idéale en Occident,
BNF, 2000 :
http://expositions.bnf.fr/utopie/index.htm
bibliographie 60

films et reportages

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(1974), Phase IV Kubrick S.
(1968), 2001, l’Odyssée de l’espace
Boorman J.
(1974), Zardoz Kubrick S.
(1971), Orange mécanique
Bromberg S. et Lange E.
(2011), Le Voyage extraordinaire Lisberger S.
(1982), Tron
Cahill M.
(2011), Another Earth Lucas G.
(1971), THX 1138
Cameron J.
(1980), Terminator Marker C.
(1962), La jetée
Cameron J.
(2009), Avatar McLeod Wilcox F.
(1956), Planète interdite
Carpenter J.
(1981), New-York 1997 Méliès G.
(1902), Le voyage dans la Lune
Carpenter J.
(1988), Invasion Los Angeles Niccol A.
(1997), Bienvenue à Gattaca
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(2000), Cybertraque Proyas A.
(2004), I-Robot
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(2008), Le Jour où la Terre s’arrêta Resnais A.
(1968), Je t’aime, je t’aime
F. Nolan W. et Johnson G. C.
(1977-1978), L’Âge de cristal Romanek M.
(2010), Auprès de moi toujours
Fleischer R.
(1966), Le Voyage fantastique Scott R.
(1979), Alien
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(1973), Soleil vert Scott R.
(1982), Blade Runner
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Studios Disney,
(2010), Tron: L’Héritage

Tarkovski A.
(1972), Solaris

Truffaut F.
(1953), Fahrenheit 451

Vadim R.
(1968), Barbarella

Verhoven P.
(1990), Total Recall

Verhoven P.
(1997), StarShip Troopers

Volckman C.
(2006), Renaissance

Warchowski A. et L.
(1999), Matrix

Wiederhorn K.
(1977), Shock waves

Wise R.
(1951), Le Jour où la Terre s’arrêta
Composé en :
FF Thesis

Impression sur :
ESAD GV, Valence

Merci à :
Alexis Chazard
David Poullard
Gilles Rouffineau
Annick Lantenois
Samuel Vermeil
Luc Dall’armellina
Anne Chenet
et le design ? 64
64

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