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Rapport sur la formation des managers et ingénieurs

en santé au travail
Douze propositions pour la développer

Par William Dab

Avec l’appui de la direction générale du travail et de l’Institut national de recherche et de sécurité

Remis à :

Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité

Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Mai 2008
Remerciements

Outre Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, les deux ministres qui m’ont honoré de leur confiance,
ainsi que Vannina Correa de Sampaio et Pierre-Louis-Fagniez, les membres de leur cabinet qui
m’ont apporté leur soutien sans faille, je tiens à remercier Jean-Denis Combrexelle et Bernard
Saint-Girons, respectivement directeur général du travail et directeur général de l’enseignement
supérieur, de même que Jean Gaereminck, délégué général à l’emploi et à la formation
professionnelle et Stéphane Seiller, directeur des risques professionnels de la CNAM-TS.

Françoise Weber, aujourd’hui directrice générale de l’Institut de veille sanitaire, a joué un rôle
important pour le lancement de cette mission.

Jean-Luc Marié et Félix Faucon, directeur général et adjoint au directeur général de l’INRS, ont
tenu à me faire bénéficier de la grande expérience de l’institut et je leur sais gré de m’avoir offert
leur appui.

Magali Villa, de la DGT, Catherine Montagnon et Laurent Theveny, de l’INRS, m’ont assisté de
façon amicale et efficace tout au long des auditions et je les remercie pour tous leurs efforts.

Au sein de la DGT, Mireille Jarry et Nathalie Vaysse m’ont beaucoup facilité le travail, de même
qu’au sein de la DGES, Dominique Deloche et Jean-Michel Hotyat.

Ma reconnaissance va aux personnes et aux organisations qui ont accepté de faire partie du
groupe de soutien à cette mission m’offrant ainsi une compétence et une expérience très
motivées.

Laurent Pitoun, responsable du Journal de l’Environnement, m’a offert la possibilité de rentrer en


contact avec de nombreux acteurs que je n’aurai pas pu rejoindre sans son concours et je rends
hommage à son sens de l’intérêt général.

Merci à tous que cette mission a motivé et qui y ont placé l’espoir que ce rapport servira à
améliorer concrètement la protection de la santé des travailleurs. J’espère avoir réussi à refléter
leurs attentes.

2
Table des matières
Sigles…………………………………………………………………………………………. .4
En forme de résumé……………………………………………………………………………5

I. Introduction............................................................................................................................. 7

II. Éléments de méthodes ........................................................................................................... 7

III. La santé au travail est malade .............................................................................................. 9

IV. Où sont les obstacles ? ....................................................................................................... 10

V. Les problèmes à résoudre .................................................................................................... 13

VI. Les moteurs du changement............................................................................................... 14

VII. Que peut faire la formation ? ............................................................................................ 15


VII.1. L’état des lieux .......................................................................................................... 16
VII.2. La position des acteurs............................................................................................... 17
VII.3. Consensus en formation initiale................................................................................. 19
VII.4. Consensus en formation permanente ......................................................................... 20
VII.5 Dissensus .................................................................................................................... 20

VIII. Propositions ..................................................................................................................... 21


Première proposition ............................................................................................................ 22
Deuxième proposition .......................................................................................................... 24
Troisième proposition .......................................................................................................... 27
Quatrième proposition.......................................................................................................... 27
Cinquième proposition ......................................................................................................... 27
Sixième proposition.............................................................................................................. 28
Septième proposition............................................................................................................ 28
Huitième proposition............................................................................................................ 29
Neuvième proposition .......................................................................................................... 30
Dixième proposition............................................................................................................. 30
Onzième proposition ............................................................................................................ 31
Douzième proposition .......................................................................................................... 31

IX. Calendrier de mise en oeuvre............................................................................................. 32

X. Conclusion........................................................................................................................... 33

ANNEXES……………………………………………………………………………………34

3
LISTE DES SIGLES

ACFCI Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie


AERES Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
AFSSET Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail
ANACT Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail
ARACT Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail
ANR Agence nationale de la recherche
AT-MP Accident du travail - Maladies professionnelles
BEP Brevet d’études professionnelles
BES&ST Bases essentielles en santé et sécurité au travail
BTS Brevet de technicien supérieur
CEP Certificat d’études professionnelles
CISME Centre inter services de santé et de médecine du travail en entreprise
CNAM Conservatoire national des arts et métiers
CNAM-TS Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés
CNCP Commission nationale de la certification professionnelle
CNES&ST Conseil national pour l’enseignement en santé et sécurité au travail
CRAM Caisse régionale d’assurance maladie
CRPRP Comité régionaux de la prévention des risques professionnels
CSPRP Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels
CTI Commission des titres d’ingénieurs
DARES Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques
ENSAM École nationale supérieure d’arts et métiers
DGES Direction générale de l’éducation nationale
DGT Direction générale du travail
HSE Hygiène, sécurité, environnement
HSQE Hygiène, sécurité, environnement, qualité
GEPI Groupe d’échange des préventeurs interentreprises
JDLE Journal de l’environnement
INRS Institut national de recherche et de sécurité
INSEE Institut national de la statistique et des études économiques
IUT Institut universitaire de technologie
MSA Mutualité sociale agricole
NIOSH National institute for occupational safety and health
PME Petites et moyennes entreprises
REACh Registration, evaluation, authorization and restrictions of chemicals
RNCP Répertoire national des certifications professionnelles
RNFST Réseau national de formation en santé au travail
SGAE Secrétariat général des affaires européennes
SST Santé et sécurité au travail
TES&ST Test national de certification en santé-sécurité au travail
TPE Très petites entreprises

4
En forme de résumé : quelques phrases fortes entendues au cours des auditions

Un constat sévère

On ne fait pas de la santé – sécurité quand on a fini de faire le reste ; la santé est plaquée dans la
vie quotidienne des entreprises.

On a loupé l’amiante, il ne faut pas louper le stress.

C’est quand l’entreprise rigidifie trop ses procédures qu’elle perd sa capacité d’adaptation et
que les travailleurs sont mal ; le stress, c’est une pathologie de l’adaptation.

Un changement de logique

Il est temps de réaliser que la santé au travail n’est pas qu’une question de texte réglementaire ni
qu’un problème de comportements individuels.

Il faut passer d’une logique d’obligation à une logique de conviction.

La difficulté, c’est qu’on manque de connaissances sur les relations entre l’organisation du
travail et la santé des travailleurs.

Avant de parler de santé au travail, il faudrait d’abord apprendre à comprendre le travail.

Il faut prendre en compte à la fois l’homme et l’organisation.

Le problème, c’est que le travailleur n’est plus au cœur du travail.

Toute la question, c’est comment sortir d’un système déresponsabilisant pour allier performance
et respect de l’homme.

Aujourd’hui, on gère les indicateurs économiques, pas les hommes.

On trouve aujourd’hui de jeunes cadres ignorant ce qu’est un syndicat.

Il a fallu la mort d’un cadre à la descente d’un avion pour que les dirigeants acceptent que la
fatigue doive être prise en compte.

C’est en réalisant qu’un collègue avait failli mourir que j’ai compris l’importance de la
prévention ; cela m’a marqué à vie.

Les organisations ont tendance à rejeter la faute sur les personnes, mais il faut une vision
systémique.

Les managers sont aussi des travailleurs ; les cadres souffrent aussi.

5
Le rôle de la formation

Pendant longtemps, la preuve de la compétence, c’est qu’on était odieux avec ses collaborateurs.

Sous prétexte qu’on est le meilleur pour résoudre les équations à 17 ans, on est censé ne plus
jamais faire d’erreur au cours de sa vie professionnelle.

Les étudiants sont aussi exposés à des dangers : en tient-on toujours compte ?

N’oublions pas que c’est lorsque l’on est jeune que l’on prend le plus de risques.

Il est difficile de demander aux jeunes de se préoccuper de la prise en charge des autres alors
qu’ils ont tant de mal à se prendre en charge eux-mêmes.

Les enseignants des classes préparatoires utilisent le stress comme mode d’apprentissage, créant
un modèle qui ne demande qu’à se reproduire.

Il faudrait emmener tous les étudiants une journée au tribunal correctionnel. Cela vaut tous les
cours théoriques sur la responsabilité.

Le référentiel, ce n’est pas l’essentiel : comment le fait-on vivre, comment se l’approprie-t-on ?

Si on ne fait qu’intégrer la santé au travail dans les autres matières, ce ne sera pas évaluable.

Pour un nouveau management

Pour un ingénieur, cesser d’être expert pour devenir quelqu’un qui fait faire, est une forme de
deuil. C’est là que la formation doit venir en appui.

Le service militaire était aussi une école de vie et d’ouverture aux autres. Il n’a pas été remplacé.

On raccourcit de plus en plus le temps entre la sortie de l’école et le rôle d’encadrement, donc il
faut préparer les jeunes à cette prise de responsabilité.

C’est le travail malade qui rend l’homme malade.

Il faut moins de gestion de la ressource humaine et plus de gestion humaine des ressources.

6
L’exemple n’est pas le meilleur moyen d’avoir une
action sur autrui : c’est le seul.
Docteur Albert Schweitzer

I. Introduction
En matière de protection de la santé de l’homme au travail, tout le monde a envie de bien faire,
tout le monde est en position difficile, mais personne n’en parle au sein des équipes de travail.
Tel est le premier constat que je retire du matériel rassemblé dans le cadre de cette mission. Et ce
constat est terrible pour ce qu’il révèle d’occasions gâchées, d’opportunités manquées et de vies
abîmées.

Pour un grand pays républicain comme le nôtre, qui croit en la vertu citoyenne de la formation
ouverte à tous, qui place les valeurs de solidarité, d’humanité, de responsabilité individuelle et
collective au cœur de son fonctionnement, qui a fait de la précaution une valeur constitutionnelle,
ce constat est choquant, car il révèle que nous sommes en matière de santé au travail sur un
registre de contre productivité. Force est de constater que peu de pays disposent d’un code du
travail aussi protecteur pour le travailleur que le nôtre et que peu de pays ont investi autant de
ressources dans la médecine du travail. Or, le secteur de la santé au travail est en crise et aucun
acteur consulté n’a défendu un point de vue inverse.

Si la croyance domine que le travail nuit à la santé, alors tous les discours fondés sur « la valeur
travail » ne peuvent que susciter la méfiance. Par conséquent, améliorer la santé des travailleurs
est bien sûr un objectif en soi, mais c’est aussi un enjeu global pour notre société.

C’est conscient de ce double enjeu que je livre ici les analyses et les propositions que suscite la
mission qui m’a été confiée par les deux ministres.

II. Éléments de méthodes


La lettre de mission signée des deux ministres est un des fruits de la conférence sur les conditions
de travail du 4 octobre 2007. Elle exprime une attente des partenaires sociaux vis-à-vis de la
formation des futurs managers et ingénieurs et demande l’élaboration d’un référentiel de
formation sur la santé-sécurité au travail et les conditions de travail.

Ma compréhension de cette mission est qu’elle s’adresse à tous ceux dont le travail les conduit à
organiser le travail d’autres personnes, à exercer des fonctions d’encadrement. Si les ingénieurs
reçoivent une formation spécifiquement technique qui leur permet de concevoir ou mettre en
œuvre des process de production de biens ou de services, ils sont concernés ici par leur rôle
d’organisateur. Dans ce rapport, je ferai donc référence de façon générique aux « managers »,
sans préjuger du contenu de leur formation initiale.

Pour répondre le mieux possible à cette préoccupation, un triple élargissement m’est apparu
nécessaire. D’abord, il m’a semblé que le cadrage attendu pour la formation devait s’exprimer en
termes de compétences plutôt que de connaissances traduites dans un programme de cours. En
effet, chaque établissement a sa propre conception des cursus et des modalités pédagogiques.

7
L’ensemble forme une situation diversifiée qu’on ne peut (ni ne doit) uniformiser. S’intéresser
aux compétences, plutôt qu’aux connaissances ou qu’aux programmes, équivaut à se mettre dans
une logique de résultats qui me semble plus prometteuse qu’une logique de moyens.

Ensuite, s’en tenir à la seule formation initiale impliquerait qu’on se satisferait pendant de
nombreuses années d’une situation dans laquelle les managers maîtrisent insuffisamment les
éléments permettant de protéger la santé de l’homme au travail. Si on admet qu’il y a un retard à
rattraper dans ce domaine, alors il faut d’emblée traiter la formation initiale et la formation
permanente.

Enfin, la lettre de mission désigne comme cible les grandes écoles. En réalité, les managers,
environ cinq millions de personnes, sont surtout formés par d’autres écoles ou formations
universitaires qu’il ne serait pas logique de laisser hors de ce mouvement de réforme.

Cette triple précision ne modifie en rien le sens de la mission. Pour l’accomplir, j’ai tenté dans le
temps qui m’a été imparti, d’associer le plus grand nombre possible de personnes et d’institutions
et pour cela, un triple dispositif a été mis en place.

Un groupe de soutien dont la composition figure en annexe a été constitué. Il s’agit de


représentants d’institutions impliquées dans la formation et les conditions de travail,
d’associations professionnelles oeuvrant dans le secteur de la prévention et d’association d’élèves
et d’étudiants. Le secrétariat de ce groupe a été assuré par l’INRS compte tenu de son
engagement ancien dans les activités de formation. Le rôle de ce groupe a d’abord été de valider
la démarche adoptée et de mettre au point le questionnaire pour structurer les auditions. Pendant
la phase de consultation, ce groupe a produit plusieurs contributions qui ont aidé à préciser la
problématique à traiter. Enfin, les constats et propositions ont été discutés dans cette instance.
Pour autant, si ce groupe de soutien a été d’un grand apport, et si de nombreux points discutés ont
fait l’objet d’un consensus en son sein, les préconisations que je présenterai engagent ma seule
responsabilité et ne lient en rien les institutions qui m’ont généreusement apporté leur concours.

Une cinquantaine de personnes ont été auditionnées, soit que je les ai sollicitées, soit qu’elles
aient demandé à l’être. J’ai dirigé ces auditions avec l’appui constant de la DGT et de l’INRS. Un
questionnaire guide a été adressé à ces personnes avant les entretiens pour les aider à se préparer
au mieux.

Enfin, le Journal de l’Environnement (JDLE) m’a gracieusement fourni son aide. Ce journal
électronique publie une lettre quotidienne gratuite à laquelle plus de 30 000 personnes sont
abonnées. Après avoir publié une entrevue dans laquelle j’ai présenté la mission, le JDLE a
ouvert sur son site Internet un espace (referentiel.santetravail@journaldelenvironnement.net) où
ses abonnés pouvaient apporter leur contribution écrite. Une dizaine de contributions ont ainsi été
collectées. Elles figurent en annexe. J’ai aussi utilisé le forum américain en médecine du travail et
de l’environnement (Occupational and Environmental Medicine, modéré par l’université Duke,
auquel je suis affilié) pour tenter de repérer des bonnes pratiques à l’étranger. Mais les
informations qui m’ont été adressées se sont révélées peu utiles pour ce rapport,
vraisemblablement parce que ce forum rassemble surtout des spécialistes médicaux.

8
Je tiens une nouvelle fois à souligner l’appui que l’INRS m’a fourni. En particulier, j’ai pu avoir
accès aux premiers résultats d’une importante étude sur l’état des lieux de la formation en santé
au travail dans les écoles d’ingénieurs ainsi qu’à une autre étude repérant les bonnes pratiques de
formation à l’étranger. Je m’appuierai sur leurs principaux enseignements pour étayer mes
constats et mes préconisations.

III. La santé au travail est malade


Que la performance de notre système de santé au travail ait besoin d’être améliorée est une
évidence largement partagée et qu’aucun de mes interlocuteurs n’a remise en cause. Plusieurs
rapports 1 se sont penchés sur cette question et il n’était pas dans ma mission de faire des
propositions générales pour accroître l’efficacité de la prévention des risques professionnels.

Développer la formation des managers est une pièce contributive qui mérite d’être étudiée, mais
il est clair que bien d’autres dispositions devront être prises pour atteindre ce but. En tout état de
cause, la formation ne pourra trouver son efficacité que si elle véhicule des contenus adaptés aux
problèmes à résoudre. Il m’a donc semblé que je ne pouvais pas faire l’économie d’un diagnostic
sur les forces et les faiblesses de notre système de santé au travail.

Je le fais ici brièvement ainsi que dans les deux chapitres qui suivent, sans avoir l’ambition d’être
exhaustif, mais en mettant l’accent sur les principales caractéristiques qui ont été soulignées par
mes interlocuteurs. Sans vouloir être excessivement pessimiste, il est évident que l’épidémie des
maladies liées à l’amiante est venue révéler une situation d’inadéquation entre les besoins et les
réponses. Ce dossier est à l’origine de la prise de conscience qui a motivé ce rapport et bien
d’autres. Il a conduit le Conseil d’État à condamner les pouvoirs publics et la Cour de cassation à
édicter une jurisprudence dite de « l’obligation de sécurité de résultat » sur laquelle s’appuient de
nombreux jugements de faute inexcusable de l’employeur. Nul doute qu’ils s’agissent de
décisions lourdes de sens.

Pourtant, il ne faut pas oublier que la santé au travail est un des grands progrès sociaux acquis
tout au long du XXe siècle et que si l’état de santé est bien meilleur en France que dans beaucoup
d’autres pays, la prévention y a contribué. La question n’est donc pas que ce secteur a été négligé.
Elle est plutôt que progressivement, son modèle de pratiques n’a pas évolué concomitamment
avec la nature des problèmes à prendre en charge.

Ce décalage est avant tout lié à la logique qui a été mise en œuvre. La réparation a prévalu sur la
prévention, la réactivité sur la proactivité, l’obligation réglementaire sur la conviction, les
moyens et les procédures sur les résultats concrets. Les risques professionnels ont parfois fait
l’objet de négociations, y compris salariales, là où des actions de protections collectives et
individuelles s’imposaient.

1
- Rapport pour le Ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, Aptitude et
inaptitude médicale au travail: diagnostic et perspectives. Hervé GOSSELIN, janvier 2007
- Rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail. Claire AUBIN, Françoise CONSO, Paul FRIMAT, Régis
PELISSIER, Pierre de SAINTIGNON, Jacques VEYRET, octobre 2007
- L'avenir de la médecine du travail, Avis du Conseil économique et social présenté par Christian DELLACHERIE,
adopté le 27 février 2008

9
Une autre faiblesse est que les problèmes de santé au travail ont surtout été pensés au niveau des
personnes prises une par une, aux dépens d’une logique plus collective, plus populationnelle, plus
épidémiologique. Or, j’y reviendrai, au niveau des personnes, de nombreux risques restent
invisibles. Il est impossible de gérer rationnellement l’invisibilité. C’est d’ailleurs pour cela que
la sécurité a reçu plus d’attention que la santé avec globalement d’ailleurs de bons résultats. Car,
le manquement à la sécurité a une sanction immédiatement visible : l’accident, dont la survenue
provoque un sentiment de culpabilité et une mobilisation pour qu’il ne se reproduise pas. C’est
pour la même raison que l’attention se porte aujourd’hui sur les suicides. La santé, elle, est une
notion beaucoup plus complexe et moins appréhendable. C’est un idéal et ce qui l’altère est
multifactoriel. Il convient donc aujourd’hui d’appliquer à la santé dans toutes ses dimensions, la
même détermination qui a permis de réduire le risque accidentel.

Il faut bien voir que cette question n’est pas juste d’ordre conceptuel. Des conséquences peuvent
être invisibles au niveau individuel, mais importantes au plan populationnel. C’est ainsi que sur
un fond d’état de santé globalement très bon de notre population, lorsqu’on la compare à celui de
pays comparables, on note néanmoins que 2 :
- la surmortalité ouvrière par rapport à celle des cadres est plus importante en France que
dans les autres pays européens et produit une perte moyenne de près de dix années
d’espérance de vie ;
- la mortalité prématurée, celle qui survient avant l’âge de 65 ans, est plus importante en
France que chez nos voisins, à l’exception du Portugal ou de l’ancienne Allemagne de
l’Est. Les régions où cette surmortalité est la plus forte sont celles où l’emploi industriel
est le plus développé, ce qui n’est pas une preuve directe du rôle létal des expositions
professionnelles, mais ce qui mérite considération en l’absence d’explications alternatives
plausibles. Le cancer en est la première cause.
- A âge et sexe égal, les ouvriers ont un excès de risque de 13 % d’entrer en invalidité.

En fait, il n’existe aucun bilan global et documenté de l’impact (positif ou négatif) du travail sur
la santé dans notre pays, hormis quelques approches trop limitées pour être utiles, ce qui reflète la
faiblesse scientifique de ce secteur.

IV. Où sont les obstacles ?


Si l’on peut admettre que le but des employeurs n’est pas de rendre malades leurs employés et
que l’on souhaite éviter les explications manichéennes, alors il faut d’abord reconnaître qu’au
cours des cinquante dernières années et par glissements successifs, le sens de la relation entre le
travail et la santé s’est inversé. Cette évolution, peu d’acteurs en ont tiré les conséquences.

A la Libération, lorsque notre système de protection sociale a été mis en place, on attendait du
monde de la santé qu’il fournisse au pays une main-d'œuvre qui lui faisait défaut. Un travailleur
malade, c’était un problème de production. À cette époque et avec cette perspective, pour être
ayant droit des prestations maladies, il fallait être salarié. L’introduction de la médecine dans le
monde du travail allait de pair.

2
Ces constats ont été établis depuis plusieurs années par le Haut Comité de la Santé Publique ainsi que dans les
travaux préparatoires à loi relative à la politique de santé publique qui a été promulguée le 9 août 2004.

10
Aujourd’hui, on n’attend plus de la santé qu’elle créé du travail, on attend du travail qu’il créé de
la santé. L’assurance-maladie est devenue universelle. La santé n’est plus là pour accroître la
richesse économique. Nous sommes entrés dans une économie dont la finalité attendue est le
bien-être. Pour les entreprises, c’est une véritable révolution. Il faut les aider à en prendre la
mesure. C’est ce qu’il faut comprendre lorsque les ministres écrivent dans la lettre de mission :
« la qualité de vie au travail est le gage de la bonne santé et de la sécurité de nos concitoyens et
elle contribue aussi à la qualité du travail et à la compétitivité des entreprises ».

Derrière cette révolution silencieuse se cachent de nombreux oublis qui expliquent comment le
système de santé au travail est devenu dysfonctionnel. Pour caricaturer un peu, on peut dire que
le travail a été oublié, de même que la santé, que la relation entre le travail et la santé a été
oubliée, que les risques ont été négligés, que la recherche scientifique a été délaissée et que notre
système économique s’est déshumanisé.

Le travail a connu et va connaître une évolution considérable pour toute une série de raisons :
technologiques, économiques, sociologiques, écologiques et on n’en a pas suffisamment analysé
les implications sur la santé physique et l’équilibre psychologique. En particulier, le collectif de
travail qui joue un rôle important de soutien et de structuration s’est affaibli. Les gestionnaires
s’occupent de plus en plus des règles et du reporting formel et de moins en moins du contenu
proprement dit du travail. Or, comme le dit bien Christophe Dejours, « travailler suppose non
seulement d’user d’intelligence, mais la capacité de supporter affectivement l’échec que le réel
oppose à la volonté, au savoir-faire et à la maîtrise du procès technique. » 3 Le travail est un
élément essentiel du développement et de l’épanouissement de l’homme et de son identité. Si on
oublie cela, on créé les conditions d’une atteinte à la santé au plan physique, mental et social.

Or, l’idée s’est progressivement installée à tort, que cette atteinte concernait surtout les ouvriers
exposés à des travaux pénibles et polluants ou le monde agricole. Les employés de bureau, de
service, les cadres et les professions intellectuelles, moins sollicités physiquement, étaient censés
être à l’abri de ces « maux ouvriers ». Pour eux, l’intérêt même d’une médecine en milieu de
travail suscitait des doutes. De surcroît, ce n’est que récemment que la pluridisciplinarité a
émergé comme nouveau modèle de pratique préventive. Trop longtemps, l’idée a prévalu que les
problèmes de santé étaient l’affaire des médecins, ce qui dispensait les managers de s’investir.

Alors que toute l’histoire de la prévention est celle d’une lente maturation de la notion de risque,
de nombreux textes témoignent qu’en matière de santé-sécurité au travail, on fait trop souvent la
confusion entre le risque et le danger. Le risque, c’est la probabilité qu’un danger se réalise. La
prévention primaire est celle qui diminue le risque, la prévention secondaire est celle qui diminue
la gravité du danger. En oubliant la notion de risque et en ne se donnant pas les moyens de le
mesurer et de le surveiller, notre système de santé au travail est devenu unijambiste, il a
marginalisé la prévention primaire.

Lorsqu’on oublie le risque et qu’on ne le met pas au cœur des pratiques de prévention, six pièges
menacent : l’ignorance, la négation, l’indifférence, la fatalité, l’absence de préparation ou à
l’inverse l’amplification exagérée, tant il est vrai que l’incertain fait plus peur que le connu.
Pourtant, les méthodes d’évaluation des risques existent et de nombreux pays les mobilisent.

3
C. Dejours. Conjurer la violence. Payot, 2007.

11
Le fait que les maladies chroniques soient multifactorielles, impliquant les caractéristiques
biologiques et génétiques, les comportements, la qualité des milieux de vie, le travail et l’accès
aux soins, a souvent servi de prétexte pour imputer ces maladies à la sphère privée et pour nier le
rôle du travail. On le voit dans la définition même de ce qu’on appelle une maladie
professionnelle, définition qui est une absurdité scientifique. La réalité n’est pas binaire. Elle ne
peut pas être noire (la maladie est 100 % d’origine professionnelle) ou blanche (le travail n’est en
rien un contributeur à la maladie). Dans tous les domaines, le paradigme pasteurien (un facteur
entraîne une maladie) a fait son temps et sa seule survivance est dans la relation travail-santé.
Cela devrait faire partie de la culture de base de tout adulte.

Alors que notre pays est l’un de ceux qui ont formé le plus de médecins du travail, sa production
scientifique dans ce secteur arrive loin derrière des pays de petite taille, comme les pays
scandinaves. La recherche est le moteur de l’innovation et sa faiblesse est une des causes de
l’inadéquation de la santé au travail aux besoins des travailleurs. Si historiquement, la lutte pour
l’amélioration des conditions de travail a joué un rôle important dans la constitution du
mouvement hygiéniste, le monde de la protection de l’homme au travail s’est peu à peu détaché
de celui de la santé publique au point que la spécialité de médecine du travail a souhaité en 1986
se distinguer de celle de santé publique qui avait été créée en 1984, sous l’impulsion des
dispositifs européens. Ce faisant, elle s’est empêchée de constituer une masse critique lui
permettant d’exercer un réel leadership dans le monde de la santé.

Ajouté à cela, il faut constater la faiblesse globale des moyens mobilisables pour les actions de
prévention sur le terrain. On oublie trop que la guerre contre les risques se mène sur le terrain. Il
ne suffit de publier de bonnes analyses scientifiques pour qu’elles provoquent une réduction des
risques. Le principal réseau de prévention des risques professionnels dans notre pays est celui des
CRAM. Il rassemble 1 000 préventeurs au regard des 1,5 millions d’entreprises et 18 millions de
salariés.

Enfin, de nombreux acteurs, comme MM. Nasse et Légeron, dans leur récent rapport sur les
risques psychosociaux, soulignent que la dimension humaine du travail est menacée par la
financiarisation à outrance de l’économie, par la pression de la productivité et de la compétition.
Les dirigeants sont conduits à plus s’investir sur l’externe que vers l’interne. On note ainsi
l’affaiblissement de la fonction de gestion des ressources humaines dans les grandes entreprises.
Si le travailleur français est l’un des plus productifs, sans doute est-ce au prix de fortes tensions
interpersonnelles et de souffrance, voire de violence. Moins de travailleurs, moins de temps de
travail et plus de productivité : la solution de cette équation se fait aux dépens du temps
d’échange, de l’attention portée à l’autre, et au prix d’une densification des tâches et d’une
logique de flux tendus. 4 Le développement de la communication électronique a paradoxalement
induit un éloignement interindividuel.

Former en santé au travail, c’est avant tout réintroduire l’homme au cœur du travail.

4
Voir Alternatives Économiques. Hors série « L’état de l’emploi », article « Comment le travail change » pp 88-90,
janvier 2008.

12
V. Les problèmes à résoudre
Moderniser notre système de santé au travail est une nécessité qui va demander d’agir sur de
nombreux paramètres, incluant la formation. J’esquisse ici ce que pourraient être les éléments
clés du changement, de sorte que les formateurs aient une vision globale des enjeux et des
évolutions. Il y en a trois qui concerne les autorités publiques, les praticiens et les entreprises.

À l’instar de ce qu’a fait la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, il est
nécessaire de clarifier les responsabilités des nombreux intervenants dans le domaine de la santé
au travail : État, comité régional de prévention des risques professionnels, CNAM-TS et CRAM,
MSA, INRS, ANACT et ARACT, chambres de commerce et de métiers, services de santé au
travail, organismes spécialisés, agences de sécurité sanitaire. Ce n’est pas tant la multiplicité des
intervenants qui pose problème que l’absence de repères explicites sur les missions et les
responsabilités attribuées à chacun. La politique de santé au travail a certes ses spécificités, mais
il ne serait pas raisonnable qu’elle soit sans lien avec la politique de santé publique. Le Conseil
économique et social l’a récemment souligné, dans son avis du 26 février dernier sur l’avenir de
la médecine du travail.

On ne peut gérer que ce que l’on mesure et l’« on ne croit que ce qu’on voit ». En matière de
santé au travail, il faut donc mettre en place des dispositifs permettant d’objectiver les risques
invisibles et de relativiser les jugements de valeur et les opinions. Au sein des entreprises, il faut
donc organiser les systèmes d’information pour exploiter les gisements de données inutilisées
pour la définition des actions de prévention, alors qu’elles sont disponibles 5 . Plusieurs d’entre
elles se sont dotées d’observatoire de la santé au travail. Ce mouvement mérite d’être encouragé.
Les services de santé au travail devraient, eux, développer l’informatisation des données de santé,
ce qui permettrait notamment de résoudre la question de la traçabilité des expositions.

De la même manière que l’on attend aujourd’hui de la médecine une pratique fondée sur des
preuves scientifiques, avec une Haute autorité de santé chargée d’évaluer ces preuves, la
prévention des risques professionnels doit être fondée sur des preuves d’efficacité et non
seulement sur des opinions ou de la bonne volonté.

Dans les entreprises, l’enjeu de santé au travail ne peut exister que si les hauts dirigeants
s’impliquent, qu’ils adoptent une vision sur le moyen terme, qu’ils intègrent les paramètres
sanitaires dans leur cartographie des risques, qu’ils créent les conditions d’une collaboration
loyale entre médecins, managers et travailleurs et que des incitatifs internes et externes existent
pour que les bons résultats soient valorisés.

De façon générale, plusieurs études montrent que les Français diffèrent nettement de leurs voisins
étrangers. Ils sont plus pessimistes, font moins confiance aux autorités, sont plus insatisfaits de
leur travail. Améliorer la santé au travail s’inscrit aussi dans cet enjeu. 6

5
Voir à ce sujet le rapport de l’INRS « Dépister les risques psychosociaux », 2007.
6
Revue Courrier Cadre, décembre 2007, pp 82-84 et Centre d’analyse stratégique, « confiance et croissance »,
novembre 2007.

13
VI. Les moteurs du changement
J’ai demandé à tous mes interlocuteurs quels leviers il convenait de mobiliser pour moderniser
notre système de santé au travail et pour motiver le développement des formations. Neuf familles
de leviers ont ainsi été citées. C’est beaucoup et c’est un facteur d’optimisme.

1- Les crises forment le moteur le plus souvent mentionné. C’est certes regrettable, mais la santé
au travail n’est pas le seul secteur où il en est ainsi : le drame de l’amiante, la situation du
technocentre de Renault, le feuilleton des suicides directement ou indirectement liés au travail
sont autant de symptômes qui motivent le besoin ressenti qu’il faut impulser de nouvelles
pratiques de prévention.

2- La peur du juge, la fin de l’impunité quand la sécurité n’est pas correctement assurée en milieu
de travail, la sévérité de jugements récents condamnant des employeurs alors même que les
travailleurs n’étaient pas malades, mais exposés à des agents dangereux, peuvent permettre à
ceux qui sont en charge de ces questions dans les entreprises de se faire mieux écoutés de leur
hiérarchie.

3- La dimension économique est mobilisante sous un double aspect. D’une part, on prévoit des
difficultés pour disposer d’une main-d'œuvre en quantité suffisante pour soutenir le
développement économique. Dès lors, la protection de la santé n’est plus une contrainte imposée
de l’extérieur. C’est une condition de l’activité, d’autant plus forte qu’il va falloir travailler de
plus en plus vieux 7 . D’autre part, le fait que des entreprises développant de bonnes pratiques en
hygiène, santé, qualité et environnement (HSQE) aient une meilleure compétitivité et productivité
crée les conditions pour que la santé cesse d’être placée au rang des dépenses improductives 8 .

4- La dimension épidémiologique devient plus prégnante au fur et à mesure que sont connus les
résultats des travaux d’étude et de recherche. Ils permettent de mieux comprendre l’interaction
entre le travail, le vieillissement et les maladies chroniques. Ils objectivent l’importance
d’épidémies jusque-là passées inaperçues qu’il s’agisse des troubles musculo-squelettiques ou
des risques psychosociaux, les deux étant liés. Ils concrétisent l’enjeu des risques différés, en
particulier celui du cancer. Ils identifient de nouveaux enjeux comme celui des addictions dans
leurs relations avec les situations de travail.

5- La dimension éthique prend une place croissante dans la foulée des notions de responsabilité
sociale et de développement durable. Quand Internet permet d’entrevoir la constitution d’une
« opinion mondiale », selon le mot d’Ulrich Beck, le risque d’atteinte à l’image, de perte
d’attractivité de l’entreprise n’est plus seulement théorique. Elle conduit des dirigeants éclairés à
promulguer des chartes éthiques qui incluent le bien-être des travailleurs parmi les valeurs
identitaires de l’entreprise.

7
D’après J. Attali « L’avenir du travail », Fayard 2007, dès 2010, un actif sur quatre aura plus de 50 ans.
8
Voir l’étude de l’European Foundation for Quality Management et de la British Quality Foundation : impact de la
mise en place efficace des stratégies d’excellence organisationnelle en ce qui concerne les principaux résultats
d’exploitation. University of Leicester, 2005. Et : Goetzel. RZ et al. Promising practices in employer health and
productivity management efforts : findings from a benchmarking study. JOEM, 2007, 49, 111-130.

14
6- La dimension réglementaire reste importante avec de nouvelles exigences. Même si le
dispositif du « document unique » d’évaluation des risques n’est pas parfait, il a facilité une prise
de conscience des questions de risques dans les entreprises, créé une brèche pour une approche
proactive et facilité le dialogue pluridisciplinaire. Il en est de même du règlement REACh.

7- Le développement des certifications nationales et internationales est un autre moteur important


qui a bien fonctionné dans les domaines de la qualité et de l’environnement et qui commence à se
développer en santé au travail. Des systèmes de notation de la performance des entreprises dans
ce secteur devraient être prochainement proposés. 9

8- Les menaces pandémiques et le spectre de l’hyper terrorisme ont conduit à la réalisation de


plan de continuité d’activités dont la mise au point force à expliciter les facteurs de vulnérabilité
et de résilience, ce qui n’est pas sans effet sur la prise en compte de la santé des employés.

9- Enfin, plus rarement, la santé est présentée comme un outil de management moderne, qui
permet de créer des espaces de dialogues, de lien social, de développer les capacités d’écoute et
donc de confiance et de cohésion au sein des équipes.

VII. Que peut faire la formation ?


C’est dans ce contexte qu’il faut s’interroger sur le rôle de la formation pour améliorer la prise en
compte de la santé de l’homme au travail. Il n’a pas été possible de repérer une bonne pratique
qui pourrait servir de modèle généralisable. La première chose à dire est donc qu’il va falloir
empiriquement définir des formules pédagogiques et les évaluer rigoureusement.

Cependant, on ne partira pas de zéro. Des écoles d’ingénieurs et d’architectes, des écoles de
gestions, des formations universitaires, des universités technologiques, le Cnam, des initiatives
syndicales et patronales, des entreprises et des grandes collectivités ont pris des initiatives. Elles
sont le plus souvent modestes et reposent sur la bonne volonté d’une poignée de formateurs. Mais
cela forme un embryon d’expériences sur lesquelles on peut capitaliser du savoir-faire
pédagogique. 10

Une difficulté immédiatement signalée est qu’il s’agit d’un domaine transversal dont les contours
ne sont pas nets. Ce n’est pas spécifique à la santé au travail. Les formations à la santé publique,
au développement durable, à l’éthique se heurtent au même écueil. De même, l’apprentissage des
langues étrangères fait partie de ces matières « périphériques » qui forment la partie la moins
noble des écoles supérieures et des universités.

Si le secteur de la formation nourrit de fortes attentes sociales, il est important de souligner qu’il
offre certes des potentialités encore largement inexploitées, mais qu’il ne faut pas non plus en
attendre des miracles. Le développement des formations en santé au travail ne suffira pas à
améliorer la prise en compte effective des problèmes de santé liés au travail. Par conséquent, il
faut être modeste. La formation ne peut ni servir d’alibi, ni être surinvestie.

9
Le guide PME /PMI « Santé et sécurité au travail », octobre 2007, de l’ACFCI insiste sur ce point.
10
Voir le très intéressant numéro de Préventique, nº 95, sept-oct 2007, qui consacre son dossier à la formation.

15
Dans ce chapitre, je présente l’état des lieux, la position des acteurs et je définis les contours des
consensus sur lesquels on peut s’appuyer pour avancer en formation initiale et permanente.

VII.1. L’état des lieux

Deux études ont exploré l’état des pratiques de formation initiale en santé au travail.

L’AINF est une association pour la prévention des risques professionnels et la qualité de vie au
travail. Elle a mené une étude pour repérer l’existant dans la région du Nord Picardie. Elle montre
que dans cette région, les écoles d’ingénieurs sont les plus concernées par la question, les
formations universitaires sont velléitaires et les écoles de gestion généralement non concernées. 11

L’INRS a conduit une étude de grande ampleur sur la place des formations en santé et sécurité au
travail dans les écoles d’ingénieurs. Ses premiers résultats sur l29 réponses (sur 227 écoles
recensées) font ressortir les éléments suivants. L’enquête couvre 81% des élèves ingénieurs de
toutes les écoles françaises. Tous les profils d’écoles ont répondu des plus prestigieuses (Mines,
Télécom, Écoles Centrale, ENSAM, UTC Compiègne) jusqu’aux plus petites (Ecole de biologie
industrielle, école catholique des arts et métiers, école d’ingénieurs de Cherbourg). Treize écoles
déclarent former spécifiquement en santé au travail au niveau bac+5 dont neuf jusqu’au master.
Le nombre d’écoles déclarant faire référence aux bases essentielles définies par le CNES&ST
(que je présenterai plus loin) est encourageant : 30% le font systématiquement, 7% le font très
souvent et 24 % assez souvent. L’étude montre également qu’il faut une sensibilisation forte pour
qu’il y ait une véritable prise de conscience. En moyenne, les écoles consacrent 16 heures de
cours obligatoires en SST. Les enseignements obligatoires sont assez bien répartis sur les 3
années (1ère année : 40%, 2ème année : 33%, 3ème année : 27%). A l’inverse, les formations
optionnelles se font plutôt en 3ème année. On note aussi que 46% des écoles déclarent utiliser les
stages pour sensibiliser les étudiants en SST, à l’occasion des soutenances ou des préparations.
Au total, ce bilan révèle qu’il y a plus d’écoles qui font un enseignement en santé sécurité, même
au niveau de sensibilisation, que d’écoles ne « faisant rien ». Bien que l’on ne parte pas de zéro,
mais d’un terrain plutôt fertile, les écoles semblent satisfaites de l’existant et peu enclines à
prendre de nouvelles initiatives. Il faut donc réfléchir aux leviers d’entraînement.

En matière de formation permanente, on dispose des données de la DARES qui montrent que les
actions de formation ou d’information sur les risques professionnels sont lacunaires et qu’elles
dépendent de la taille des entreprises.

11
www.association-ainf.com

16
Enfin, l’INRS a fait réaliser une analyse comparative des formations d’ingénieurs et de leur
contenu en santé au travail. Il en ressort des pratiques relativement disparates et ponctuelles, sauf
au Royaume-Uni sous l’impulsion du Health Safety Executive et aux États-Unis sous l’égide de
l’Institut national pour la santé au travail (NIOSH). De façon générale, le thème de la santé au
travail apparaît comme un sous-produit de la thématique du développement durable.

L’expérience qui peut servir de référence est celle de la chaire en gestion de la santé et de la
sécurité du travail de l’université Laval de Québec. Dirigée par le Pr Jean-Pierre Brun, cette
chaire a développé des formations visant spécifiquement à intégrer la prévention dans l’ensemble
des fonctions de l’entreprise. 12

VII.2. La position des acteurs

À partir du matériel recueilli, j’ai tenté de positionner les acteurs sur deux axes. Le premier
concerne les compétences permettant de prendre en compte la santé de l’homme au travail. Le
second se rapporte aux modalités pédagogiques à mettre en œuvre. Le résultat de cette démarche
est schématisé sur la figure ci-dessous.

Sur le premier axe, on voit une nette distinction entre ceux qui privilégient des compétences
techniques et ceux qui préfèrent des compétences humanistes. Pour les premiers, il s’agit d’être
capables d’évaluer les risques et les situations de travail. Pour les seconds, la dimension
technique est accessoire, il s’agit avant tout d’une question d’état d’esprit, de valeurs, d’ouverture
à l’autre, de culture et d’éthique.

Entre les deux, on trouve ceux qui mettent l’accent sur le développement durable dans ses
différentes dimensions économiques, écologiques et sociales. Des compétences dans ce domaine

12
http://cgsst.com

17
impliquent nécessairement une prise en compte de la santé au travail. On trouve aussi ceux qui
considèrent que s’agissant de managers, l’essentiel est dans la « posture managériale », c’est-à-
dire la capacité à exercer correctement son autorité sans compromettre la santé de ses
collaborateurs.

Le second axe montre une opposition entre les « classiques » et les « modernes ». Les classiques
sont attachés aux cours magistraux, gage de respectabilité et de visibilité. Les modernes insistent
plutôt sur la valeur pédagogique des mises en situation et des stages.

Sur ce plan, les quatre grands acteurs qui nous concernent se distinguent nettement, mais je
demande aux lecteurs de garder à l’esprit qu’il s’agit d’un schéma qui n’a pas de valeur
scientifique et qui manque de finesse. Certains ne s’y reconnaîtront pas. Qu’ils me pardonnent,
mais nos ministres ont besoin de repères pour prendre leurs décisions.

Les centrales syndicales insistent plutôt sur la question des valeurs et du respect des personnes.
Ils demandent que le domaine de la santé au travail soit pris autant au sérieux que les autres
matières enseignées et par conséquent, qu’il fasse l’objet de véritables cours.

Les organisations patronales ne méconnaissent pas le rôle des valeurs, mais se méfient des
discours trop théoriques et plaident pour un contenu équilibré avec les outils techniques de la
prévention. Sans refuser par principe les cours magistraux, elles prônent une approche laissant
place aux enseignements dirigés et aux travaux pratiques.

Je désigne par experts, des chercheurs et des enseignants spécialisés dans les différentes
disciplines concourant à la santé au travail (droit, ergonomie, psychologie, épidémiologie,
chimie, etc.). Assez naturellement, ceux-ci privilégient les compétences techniques enseignées de
façon plutôt traditionnelle.

Enfin, les hygiénistes 13 , c’est-à-dire les praticiens de la prévention dans les entreprises,
considèrent que l’acquisition d’une bonne posture managériale est l’élément clé et que pour
l’obtenir, il faut privilégier le travail sur le terrain.

13
Le GEPI représente bien cette mouvance et il m’a beaucoup aidé. Voir aussi en annexe l’avis des départements
HSE des IUT.

18
Schéma résumant les positions des acteurs sur les compétences et les modalités pédagogiques

Cours
Experts

Études de cas
Syndicats
Connaissances techniques sur Valeurs
les risques Éthique
Culture

Développement durable
Patronat
Évaluation des risques métiers Responsabilité sociale
Approche QSE

Compétences

Situations simulées
Projet tutoré
Analyse des situations de
travail

Hygiénistes

Posture managériale
Stages
Modalités

Dans mes propositions, je tenterai de définir un « centre de gravité » qui s’efforcera de


rassembler le consensus le plus large possible entre ces différentes positions.

VII.3. Consensus en formation initiale

En formation initiale, nous sommes dans une logique de certification avec un ordre de grandeur
de 100 000 diplômés par an (voir les détails en annexe). Enseigner la santé au travail est ressenti
comme une nécessité de façon unanime. Cela doit faire partie des compétences de base pour
protéger sa santé et celle de ses futurs collaborateurs. C’est désormais au moins aussi important
que de maîtriser la langue anglaise ou les outils informatiques.

Si le besoin est largement reconnu, beaucoup soulignent aussi que la tâche est ardue. Les jeunes
privilégient les matières qui leur donneront une forte valeur sur le marché du travail. Ce ne sont
pas leurs compétences en santé au travail qui feront la différence. Beaucoup font aussi remarquer
que notre système éducatif est fondé sur une compétition individuelle sévère qui ne favorise pas
l’ouverture à l’autre. L’étudiant s’intéresse exclusivement à sa note. La notion d’équipe n’existe
pas pour lui. Or, beaucoup signalent que le temps entre la sortie de l’école et la prise d’un rôle
d’encadrement a tendance à se raccourcir et que la suppression du service militaire a fait perdre
un apprentissage des relations hiérarchiques et de la vie collective. Enfin, la jeunesse a un rapport
au risque qui lui est propre, la prise de risque étant constitutive du passage de l’enfance à l’âge

19
adulte. L’appel à la raison, l’acceptation de contraintes immédiates pour un bénéfice lointain,
posent des problèmes difficiles que les spécialistes d’éducation à la santé connaissent bien. Ce
n’est pas entre 18 et 25 ans qu’on est le plus ouvert à l’action de prévention.

Ces éléments largement partagés doivent être gardés à l’esprit avant de concevoir et mettre en
œuvre des formations en santé au travail.

VII.4. Consensus en formation permanente

En formation tout au long de la vie, nous sommes dans une logique de qualification avec un ordre
de grandeur de 4 à 5 millions de managers.

Pour ceux qui ont une formation initiale d’ingénieur, prendre un poste de manager passe par un
deuil d’une position d’expert. Le rôle d’un manager n’est pas d’être un meilleur expert que ses
collaborateurs. Il est d’organiser efficacement leur travail, de le hiérarchiser, alors qu’on constate
une inflation des prescriptions et des demandes de reporting. Il doit passer d’une logique de
contenu technique à une logique de processus, moins prévisible dans un monde qui paraît plus
incertain, moins contrôlable, plus engageante en termes de personnalité.

Symétriquement, pour ceux dont la formation initiale s’est faite dans les écoles de commerce et
de gestion, la problématique est d’être capable de ne pas fuir les aspects techniques du travail.

S’il faut tenir compte de ces singularités, il existe néanmoins une zone ou ces deux types de
professionnels partagent les mêmes rôles dès lors qu’ils sont en situation de manager.
L’encadrement a un rôle de modèle, de formation et de conseiller. La question de la santé au
travail doit ici s’inscrire dans un état de vigilance permanente. Le rôle du manager est d’organiser
le travail de sorte que subsistent des « régulateurs non productifs », d’où une dimension culturelle
incontournable. Cela d’autant plus que les savoirs techniques sont de plus en plus rapidement
obsolètes et que l’important est donc d’apprendre à apprendre. Le manager est un organisateur du
temps. Il faut stimuler sa motivation à investir la relation travail – santé. Il doit favoriser une
culture de l’évaluation sérieuse et critique, faciliter le dialogue au sein des équipes, y compris
avec les médecins. Travailler, c’est vivre ensemble, ce n’est donc plus la note individuelle qui
compte, mais celle de l’équipe.

Au-delà d’une grande diversité des situations professionnelles qui empêchent de généraliser les
constats, il y a derrière ces acceptions de quoi construire une démarche pédagogique
d’acquisition des compétences souhaitées.

VII.5 Dissensus

Sur ce fond consensuel, il existe aussi des points de divergences qu’il faut signaler.

Le moment le plus propice pour enseigner la santé au travail donne lieu à toute la gamme des
opinions. Pour certains, c’est dès la première année qu’il faut sensibiliser les étudiants. Pour les
autres, c’est inutile, il faut être le plus proche possible de l’entrée sur le marché du travail. C’est
la même discussion que pour la formation en santé publique des étudiants en médecine. Faute

20
d’expériences évaluées de façon comparative, je ne suis pas en mesure de fournir une
recommandation fondée sur des preuves et chaque équipe pédagogique devra faire son choix.

Quelle place faut-il accorder aux risques métiers, aux risques généraux et aux risques
transversaux ? Pour certains, la prévention n’a de sens que si elle est globale. Pour d’autres, il n’y
a pas de raison que l’entreprise soit mise à contribution pour des buts qui relèvent de la politique
de santé publique.

Faut-il relier la santé au travail, la sécurité sanitaire et la santé environnementale ? Certains


insistent sur la proximité méthodologique qui unit ces trois secteurs et qui s’incarne par exemple
dans le travail de l’AFSSET. Plusieurs font remarquer aussi que les frontières des entreprises ne
sont plus étanches. Gérer les risques sanitaires, c’est se préoccuper simultanément des quatre
grands secteurs de la sécurité sanitaire que sont le travail, l’environnement, les produits et la
communauté. La menace de pandémie grippale illustre bien la nécessité de dépasser ces
frontières artificielles. Cependant, les centrales syndicales craignent tout particulièrement qu’en
faisant ainsi, on dilue l’attention apportée au travail proprement dit. Ce qui justifie effectivement
une vigilance certaine.

Faut-il un module autonome ou intégré dans les autres formations ? Si la formation est diluée, elle
ne sera pas évaluable. D’un autre côté, on conçoit bien l’intérêt de parler du risque chimique dans
un module sur le génie des procédés. Là encore, faute d’évaluation, il est difficile de proposer
autre chose qu’une opinion.

Quelle place doivent prendre les approches de quantification des risques ? Il existe une critique
radicale des approches quantitatives dans le domaine de la santé compte tenu de sa nature
essentiellement subjective. Mais il y a aussi ceux qui pensent que la distinction entre le subjectif
et l’objectif est peu fondée et que les problèmes de mesure ne sont pas si différents en biologie et
en psychologie. Et comment gérer ce que l’on ne mesure pas ? Il n’y a pas de compromis possible
entre ces deux courants de pensée.

À partir de quel volume, cela devient-il sérieux ? C’est la question de la visibilité des formations
et la tendance naturelle est d’être inflationniste ne serait-ce que pour accroître les moyens alloués
à la santé au travail. Certains ont affirmé qu’en dessous d’une centaine d’heures, on ne pouvait
rien faire de sérieux. Mais on a peut-être trop tendance à surcharger les étudiants en heures de
cours, aux dépens d’un travail plus personnel. Plusieurs écoles sont engagées dans une réduction
du volume des cours. Plusieurs nous ont dit que si nous faisions une proposition trop lourde, elle
serait inapplicable. Il faut donc trouver un compromis entre le souhaitable et le faisable.

VIII. Propositions
Auprès du ministre chargé du travail, je me permets d’insister sur l’importance à donner au
référentiel proposé ci-après comme un élément stable de sa politique de prévention.

J’appelle l’attention de la ministre chargée de l’enseignement supérieur sur le besoin impérieux


de favoriser la reconnaissance académique du champ de la gestion de la santé au travail.

21
Je prie les deux ministres d’unir leurs forces pour qu’un véritable centre national de ressource
pédagogique puisse être mis sur pied.

J’enjoins mes collègues enseignants-chercheurs à se mobiliser pour renforcer les bases


scientifiques des formations en santé au travail.

J’invite les responsables pédagogiques à montrer l’exemple en mettant en œuvre des plans de
prévention des risques pour la santé de leurs étudiants ainsi que le recommande le protocole de
Québec proposé en 2003 par l’Association internationale de la sécurité sociale, auquel la France a
adhéré.

Je souhaite que l’expertise des partenaires sociaux soit pleinement valorisée et que le MEDEF
comprenne bien que la santé des travailleurs et celle des entreprises sont liées.

À tous les acteurs, je rappelle l’importance d’évaluer rigoureusement les actions de formation et
de prévention.

Au-delà de ces généralités, mes propositions sont les suivantes.

Première proposition

Il est possible d’identifier un noyau minimal de compétences pouvant servir de socle


pédagogique

Ma première réponse aux termes de la lettre de mission qui m’a été adressée est qu’il est possible,
sinon de s’appuyer sur un consensus, du moins de proposer un socle minimum de compétences
pour permettre la prise en compte de la relation travail-santé en situation de management. Ce
référentiel de compétences est présenté ci-dessous. Il n’aura de valeur qu’à certaines conditions.

Le référentiel doit concerner toutes les personnes en situation d’encadrement (ceux qui ont dans
leurs tâches l’organisation du travail des autres). Il est important que ce référentiel soit unique
sinon la communication sera rendue difficile au sein des entreprises.

Ce socle doit servir de référence commune en formation initiale comme en formation tout au long
de la vie dans tous les secteurs économiques, pour les entreprises de toute taille ainsi que pour les
collectivités. 14 C’est la seule manière de prendre en compte la mobilité professionnelle
croissante. Le référentiel devrait être mis en œuvre au cours de la période précédant le plus
immédiatement l’entrée sur le marché du travail.

Ce socle devra être actualisé régulièrement pour tenir compte de l’émergence de nouveaux
dangers et des nouvelles formes d’organisation du travail (nomadisme, travail à distance, services
à la personne, etc.).

14
La Ville de Paris dispense plusieurs stages en SST, dont un intitulé « stratégie de management de la santé sécurité
au travail » qui répond bien au référentiel développé ci-dessous.

22
Ce socle ne doit pas être émietté, mais former un tout repérable et évaluable. Ce socle doit
pouvoir s’adapter aux situations particulières (monde agricole, travailleurs isolés, etc.).

Il ne faut pas chercher à en uniformiser les modalités pédagogiques.

A l’issue de cette mission, il me semble que le référentiel qui répondrait le mieux aux besoins du
monde du travail devrait posséder les caractéristiques suivantes au regard des deux axes que j’ai
présentés plus haut, à savoir l’axe des compétences et celui des modalités.

Sur le premier axe :


- L’accent doit être mis sur les compétences permettant d’assurer les rôles professionnels
d’un manager plutôt que sur les connaissances techniques relatives aux risques
professionnels
- Il s’agit avant tout de faciliter la prise de responsabilité et l’exercice de l’autorité au
travers de valeurs partagées. La compétence importante est celle du leadership.
- La posture managériale à promouvoir consiste à adapter les aptitudes des collaborateurs
aux tâches à réaliser. Le manager veille à développer l’adaptabilité de ses collaborateurs,
crée un contexte propice au dialogue, à l’écoute. Un travailleur qui rencontre un problème
ou qui commet une erreur doit pouvoir en parler sans crainte de sanction. Une équipe
performante est une équipe dans laquelle existe un lien relationnel serein et dans laquelle
chacun comprend le sens individuel et collectif de l’activité à accomplir. Les changements
nécessaires doivent être expliqués et leurs conséquences sur le travail doivent pouvoir être
discutées et partagées. Le manager doit savoir anticiper les conséquences de ses décisions
dans une approche systémique.
- En santé - sécurité, les objectifs doivent être pris en compte au même titre que l’efficacité
et la productivité. La première des compétences est ici la vigilance. Les indicateurs de
suivi des résultats en termes de santé devraient faire l’objet de débats au sein des équipes
et des instances représentatives du personnel. Il s’agit moins de magnifier les données
quantitatives que de disposer de repères simples et partagés. Les indicateurs de santé
n’ont de sens que s’ils servent à organiser la prévention proactive des risques.
- Un manager doit pouvoir communiquer avec des spécialistes (préventeurs, hygiénistes,
médecins) internes ou externes. Il connaît donc les principes d’une démarche rationnelle
d’évaluation des risques et d’élaboration de plans d’actions incluant une stratégie
d’intervention. Il sait animer une démarche collective et pluridisciplinaire et mener des
retours d’expérience permettant d’induire une logique d’amélioration continue. Il sait
repérer les alertes sanitaires et saisir les spécialistes concernés. Pour cela, il n’est pas
nécessaire qu’il soit lui-même un préventeur compétent, mais il doit connaître les notions
et le vocabulaire de base des disciplines clés que sont le droit, l’ergonomie, la psychologie
et l’épidémiologie. 15
- En matière de risques psychosociaux, tout manager doit savoir le rôle du contrôle
individuel et du support social (modèle de Karasek) et celui de la reconnaissance (modèle
de Siegrist). Il comprend l’importance de l’estime de soi et de la gestion des émotions. Il a
une culture du risque lui permettant de comprendre le sens des indicateurs de risque
individuels et collectifs et de les insérer dans une démarche de cartographie des risques.

15
Le récent rapport « La prévention durable des TMS » publié par la DGT illustre l’importance de cette culture
pluridisciplinaire.

23
- Enfin, mais ceci n’est pas particulier à la santé au travail, un manager connaît les acteurs
institutionnels impliqués en santé au travail et les processus de relations sociales à
respecter et à promouvoir.

Sur le second axe :


- En formation initiale, il vaut mieux privilégier l’appréhension des enjeux de santé au
travail au travers des stages et des mises en situation. Mais ceci suppose un encadrement
spécifique 16 . Cela est cohérent avec les choix proposés sur le premier axe, car on peut en
attendre une meilleure appropriation de la réalité sanitaire du travail, et faciliter les
processus d’identification et de projection des rôles managériaux à assurer.
- Il est recommandé d’offrir un minimum de cours pour faciliter l’appropriation par les
étudiants, donner des outils de cohérence et une vision d’ensemble du système de santé au
travail, mais sans nécessairement mobiliser un nombre d’heures important. La mise à
disposition d’un manuel de référence (dont je parle plus loin) peut permettre de réduire la
dimension cognitive pour privilégier le témoignage d’acteurs et de spécialistes. Le
module BES&T présenté en annexe est un bon modèle.
- Quelles que soient les modalités pédagogiques, la santé au travail doit figurer
explicitement dans tous les cursus concernés et faire l’objet d’une notation, soit par un
examen ad hoc soit par l’examen national de certification que je propose plus loin.
- En formation permanente, le socle de posture managérial est identique, mais il est mis en
œuvre en fonction des particularités de l’entreprise et des caractéristiques des emplois de
manager. Mais de façon générale, il vaut mieux là aussi privilégier une pédagogie de
mises en situation, surtout si un manuel de référence est disponible.

Deuxième proposition

Le référentiel élaboré par le Conseil national pour l’enseignement en santé et


sécurité au travail (CNES&ST) associant l’INRS, la CNAM-TS et l’éducation
nationale est une bonne base de travail

Ce référentiel est le fruit d’un travail pédagogique qui a commencé pour les formations du
secondaire (BEP, BTS, CEP, baccalauréat professionnel) et qui a été récemment étendu aux
formations de niveau bac + 5. Il fait l’objet d’un travail de validation en cours.

Au niveau du manager (le référentiel parle ici de cadre), les compétences à acquérir sont ainsi
définies. Être capable :
• de repérer dans l’entreprise les enjeux humains, sociaux, économiques et juridiques de la
santé et sécurité au travail ;
• d’intégrer la santé et sécurité au travail dans la gestion de ses activités et la conduite de ses
projets,
• de contribuer au management de la santé et sécurité au travail dans l’entreprise.

En termes de savoirs, les tableaux suivants sont proposés par le CNESST :

16
Les fiches d’étonnement de l’ENSAM sont un bon exemple du livrable pédagogique à obtenir.

24
Objectif général Compétences (objectifs opérationnels) Savoirs
Repérer dans Identifier, recueillir, analyser les données - Définitions des AT et MP
l’entreprise concernant la SST - Gestion du risque, tarification et
les enjeux humains, réparation
sociaux, - Coûts directs et indirects
économiques - Statistiques nationales et régionales de
et juridiques de la la profession
SST - Document unique
- Bilan social et compte-rendu de
CHSCT
- Sources d’information
- Plan de formation continue en SST
Se référer au cadre réglementaire et normatif qui - Directives, réglementation, normes,
s’applique dans l’entreprise bonnes pratiques
- Principes généraux de prévention et
principe de précaution
- Responsabilités civiles et pénales
- Délégation de pouvoir
Communiquer avec les acteurs de prévention - Rôles et missions des principaux
internes et externes acteurs en prévention

Objectif général Compétences (objectifs opérationnels) Savoirs


Intégrer la SST Identifier les dangers et les situations de - Connaissance des différents dangers et sources de
dans la gestion travail dangereuses existantes et futures dangers dans l’entreprise ainsi que des dommages
de ses activités pour la santé
et - Analyse du travail avec les opérateurs (écarts entre
la conduite de travail prescrit et réel)
ses - Analyse d’un accident ou d’un incident (notion de
projets multicausalité)
- Principes de conception
Évaluer les risques d’accident et - Connaissances des critères d’évaluation (fréquence,
d’atteinte à la santé gravité, exposition)
- Outils d’aide à la décision
Supprimer et réduire les risques - Principes généraux de prévention
- Choix, mise en œuvre et validation des mesures de
prévention

Objectif général Compétences (objectifs opérationnels) Savoirs


Contribuer Mettre en pratique une démarche de prévention des risques - Textes réglementaires et
au management de la professionnels en cohérence avec le management de l’entreprise normatifs
SST dans - Textes de référence
l’entreprise Participer à l’amélioration du système de management - Systèmes de
management de la sécurité
- Approche QSE
- Systèmes de
management intégré

À partir de ce schéma, un module de bases essentielles en Santé et Sécurité au Travail (BES&ST)


d’une durée de 18 heures a été développé dont le programme figure en annexe.

25
Les trois macro compétences (objectifs généraux) de ce référentiel répondent bien au cahier des
charges que j’ai présenté ci-dessus. Il ne m’a donc pas semblé utile d’en proposer une
reformulation. En revanche, en ce qui concerne les objectifs opérationnels, ils concernent plus la
dimension technique que la posture managériale et j’en propose la reformulation suivante.

Objectif général Compétences Savoirs


(objectifs opérationnels)
Repérer dans Participer à l’observation de la santé - Définitions des AT et MP
l’entreprise les dans l’entreprise - Gestion du risque, tarification et réparation
enjeux humains, - Coûts directs et indirects
sociaux, - Statistiques nationales et régionales de la profession
économiques - Observatoire de la santé au travail
et juridiques de la - Sources d’information
SST Appliquer le cadre réglementaire et - Directives, réglementation, normes, bonnes
normatif pratiques
- Principes généraux de prévention et principe de
précaution
- Responsabilités civiles et pénales
- Délégation de pouvoir
Communiquer avec les acteurs de - Rôles et missions des principaux acteurs en
prévention internes et externes prévention
- Travailler en pluridisciplinarité
Intégrer la SST Identifier les dangers et les situations - Connaissance des différents dangers et sources de
dans la gestion de travail dangereuses existantes et dangers dans l’entreprise ainsi que des dommages
de ses activités futures pour la santé
et la conduite de - Analyse du travail avec les opérateurs (écarts entre
ses projets travail prescrit et réel)
- Analyse d’un accident ou d’un incident (notion de
multicausalité)
Évaluer les risques d’accident et - Connaissances des critères d’évaluation (fréquence,
d’atteinte à la santé gravité, exposition)
- Cartographie des risques
- Analyse des alertes
- Connaissances des facteurs de risques
psychosociaux
Supprimer et réduire les risques - Principes généraux de prévention
- Choix, mise en œuvre et évaluation des mesures de
prévention y compris dès la conception
- Motivation de ses collaborateurs
- Analyse et maîtrise des expositions
Contribuer au Mettre en pratique une démarche de - Programmes de santé
management prévention des risques professionnels - Approches pluridisciplinaires
de la SST dans en cohérence avec le management - Définition des objectifs de prévention
l’entreprise de l’entreprise - Approches participatives
- Repérage des bonnes pratiques
Participer à l’amélioration du - Système de management de la sécurité
système de management - Gestion des crises
- Approche QSE
- Système de management intégré
- Accompagner les changements
- Anticiper les conséquences des décisions
- Plan de formation continue en SST

26
Ce référentiel peut servir en formation initiale et continue moyennant quelques adaptations de
formulation pour la formation initiale qui ne peut pas faire appel à l’expérience du travail. Par
exemple, au lieu d’écrire « appliquer le cadre réglementaire et normatif », on pourra demander en
formation initiale de « savoir se référer au cadre réglementaire et normatif ».

Au-delà de ces quelques ajustements proposés, le problème est que très peu d’acteurs connaissent
ce référentiel, même ceux qui ont l’habitude d’utiliser les travaux de l’INRS. Pourtant, lorsque je
l’ai présentée à mes interlocuteurs, ils ont tous dit qu’il s’agissait d’une bonne base. Il faut donc
prévoir une action de communication de grande ampleur à son sujet.

Troisième proposition

Le référentiel doit progressivement devenir opposable.

Pour obtenir un changement rapide des pratiques de prévention sur le terrain, y compris pour
toucher les PME et les TPE, il faut envisager d’intégrer progressivement le référentiel dans
quasiment tous les titres et diplômes. En effet, si l’on s’en tient aux seules écoles d’ingénieur et
de management, on prend le risque de laisser sur le côté les plus petites entreprises, qui sont les
plus nombreuses.

Par conséquent, la DGES doit lancer un travail d’intégration du référentiel dans les maquettes de
la plupart des diplômes de niveau bac + 3 et +5. De même, le CNCP doit faire de même pour la
plupart des titres du RNCP.

L’INRS pourrait suivre la montée en charge du référentiel en actualisant son enquête tous les
deux ans.

Quatrième proposition

Le référentiel doit être porté par la France au niveau européen.

La Commission européenne a créé un Comité consultatif pour la sécurité, l’hygiène et la


protection de la santé qui comporte depuis novembre 2006 un groupe de travail « Éducation et
formation ». Ce groupe est chargé de rédiger des lignes directrices sur différents points,
notamment les connaissances et compétences nécessaires au personnel d’encadrement et de
direction en matière de santé et sécurité.

Il est sans nul doute important et justifié que ces compétences procèdent d’un référentiel
européen. La France devrait pouvoir être une force de proposition et un contact à haut niveau
avec le SGAE devrait être organisé pour que ce rapport soit présenté devant cette instance.

Cinquième proposition

La formation en santé au travail doit être entièrement éligible aux mécanismes de


financement de la formation professionnelle.

27
Il persiste des ambiguïtés sur la portée des actions de prévention qui peuvent être imputées au
financement de la formation professionnelle en application de la loi du 4 mai 2004. Si, selon les
termes de la circulaire de la DGEFP du 14 novembre 2006, les actions de prévention sont
éligibles, il y a matière à interprétation en ce qui concerne la notion de « publics indifférenciés »
qui s’oppose à cette prise en charge. Or, les compétences requises en santé au travail ne peuvent
pas s’acquérir poste par poste. Cela empêche de prendre en compte correctement des impacts
systémiques de l’organisation du travail. De même, certaines actions obligatoires ou visant de
nouveaux embauchés sont non imputables.

Si l’on considère que la prévention des risques professionnels est un enjeu pour les entreprises,
mais aussi un enjeu pour l’ensemble de la société, alors il convient d’obtenir une analyse
juridique complète (éventuellement en sollicitant le Conseil d’État) des actions de prévention qui
sont éligibles au financement de la formation professionnelle et, le cas échéant, lever les
obstacles législatifs ou réglementaires à leur prise en charge complète sur ces budgets, en prenant
comme base le référentiel de compétences présenté ci-dessus.

Sixième proposition

Des outils pédagogiques mutualisés doivent être mis à la disposition des formateurs.

Malgré les efforts du CNES&ST, dont la production est remarquable au regard des ressources qui
lui sont affectées, les formateurs n’ont pas à leur disposition des outils mutualisés. Il en résulte
une perte d’énergie, beaucoup d’opérateurs concevant isolément des outils qui requièrent un
lourd travail de validation si l’on souhaite qu’ils soient de bonne qualité.
Il convient donc de mettre en chantier :
• Un manuel de référence. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’existe pas de manuel
en langue française correspondant au référentiel de compétences proposé ci-dessus. Cette
anomalie peut être rapidement corrigée, car les compétences existent pour le rédiger.
• Une banque d’études de cas pratiques et une banque d’outils audiovisuels doivent être
mises en ligne sur la toile.
• Une banque de textes de référence et une banque de dossiers commentés doivent de même
être accessibles.

Les modalités de la mutualisation sont proposées dans ma dernière proposition.

Septième proposition

Les compétences minimales correspondant au référentiel de compétences doivent


être attestées par un dispositif de certification national.

Lorsqu’un établissement de formation ou un employeur souhaite s’assurer du niveau d’un


collaborateur en langue anglaise, il a recours à un examen de certification standardisé dont il
existe plusieurs modèles au niveau international (TOEFL, TOIC, BULAT, etc.).

Si l’on considère que la maîtrise des compétences de base en santé au travail est un enjeu global,
alors un test national de certification en santé-sécurité au travail (TES&ST) doit être mis au point.

28
Ce test doit répondre au cahier des charges suivant :
• Correspondre au référentiel de compétences présenté ci-dessus.
• Être simple, mais complet.
• Pouvoir être administré en 3 heures sur papier et par Internet.
• Associer des questions à choix multiples et des mises en situation donnant lieu à des
questions à réponses ouvertes et courtes.

La complexité des compétences à tester n’est pas un obstacle justifiant le refus de cette démarche.
De nombreux examens testent les compétences médicales de cette façon.

J’ai consulté sur ce point le président de l’AERES qui soutient l’idée et propose que son agence
aide à la mise au point de ce test.

Ce dispositif peut aussi servir aux entreprises en accompagnement à la mobilité interne, lorsqu’il
s’agit de promouvoir un collaborateur au rang de cadre.

Les modalités d’élaboration du TES&ST sont présentées dans ma douzième proposition.

Huitième proposition

Il faut impliquer un ensemble d’opérateurs pour aider les PME et les TPE,
notamment les services de santé au travail.

Plus la taille des entreprises diminue, plus la difficulté est grande de protéger efficacement la
santé de leurs employés. Il faut donc organiser une vaste mobilisation pour que les PME et les
TPE disposent des compétences nécessaires.

Les réseaux de l’INRS, des CRAM, des ARACT, de la MSA doivent être mobilisés après avoir
été eux-mêmes formés pour le référentiel de compétences. Mais cela ne suffira pas au regard des
1,5 millions d’entreprises du pays.

La plupart des TPE ne connaissent qu’une seule ressource en santé au travail : les services de
santé au travail interentreprises. Depuis 2002, ceux-ci sont dans un mouvement actif pour
compléter leurs compétences médicales en recrutant et formant des intervenants en prévention
des risques professionnels (IPRP). Ceux-ci doivent être formés de sorte qu’ils puissent porter le
référentiel de compétences auprès des responsables des entreprises adhérentes. Pour ce faire, ils
devront être certifiés par le TNCSST proposé ci-dessus et cela devrait être intégré dans leur
procédure d’habilitation. Cela implique que les services de santé au travail reçoivent
explicitement une mission de formation ainsi que le recommande le Conseil économique et social
et que le suggère le CISME 17 .

Pour compléter le dispositif, il faut envisager :


• Que dans tout CHSCT, au moins une personne soit certifiée par le TES&ST.

17
Association professionnelle qui regroupe la très grande majorité des services de santé interentreprises.

29
• Une action spécifique de formation vers les experts comptables qui jouent un rôle de
conseil très important auprès des TPE.
• Que toutes les chambres de métiers et toutes les chambres de commerce et d’industrie, au
moins une personne soit certifiée par le TES&ST.
• Que les prestataires de service en santé-sécurité au travail soient obligés de certifier par le
TES&ST leurs intervenants dans ce secteur.

Ces actions nécessitent de former des formateurs en nombre suffisant 18 , c’est-à-dire environ
10.000. Pour cela, les établissements volontaires doivent être repérés, organisés et soutenus dans
la phase de développement. 19 Je reviendrai sur ce point dans ma dernière proposition.

Neuvième proposition

Les comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP) doivent


pouvoir jouer un rôle dans le domaine des formations en santé-sécurité au travail.

Les CRPRP devraient en particulier tenir à jour des annuaires gratuitement accessibles des
formateurs certifiés par le TES&ST et des formations fondées sur le référentiel de compétences.
Ils pourraient aussi participer à la définition des plans régionaux de formation en santé au travail
au sein des plans régionaux de santé au travail, le Conseil supérieur de la prévention des risques
professionnels devant être le garant de la cohérence globale.

Ils pourraient labelliser les entreprises mettant en œuvre le référentiel de compétences de même
que les établissements d’enseignement l’intégrant dans leurs cursus.

Pour faciliter les relations entre les entreprises, les institutions impliquées en santé au travail et
l’enseignement supérieur, la composition des CRPRP, définie dans le Décret du 10 mai 2007,
devrait être complétée par un représentant désigné par le Recteur d’Académie.

Dixième proposition

La gestion de la santé au travail doit être développée en tant que telle au sein du
monde académique.

À l’instar de ce qui se fait au Québec, la gestion de la santé au travail doit être reconnue comme
une discipline académique à part entière. Il faut en promouvoir le développement et pour cela :
• La DGES devrait lancer un appel pour identifier les établissements volontaires et proposer
un financement incitatif pour le développement de projets pédagogiques fondés sur le
référentiel de compétences et évalués comme il se doit. La création de Master et de
formations doctorales doit faire partie de ce projet. Par conséquent, des bourses devront
pouvoir être accordées aux étudiants suivant cette filière.

18
Ceci serait facilité s’il existait des formations spécialisées non médicales en sécurité sanitaire. Mais la CTI s’y
oppose pour des raisons obscures.
19
L’école d’ingénieur du Cnam a d’ores et déjà décidé d’intégrer le référentiel de compétences en santé au travail
dans les formations transversales de toutes ses filières d’ingénieur et les centres régionaux associés au Cnam peuvent
contribuer à ces formations.

30
• L’ANR doit pendant au moins trois années de suite lancer un appel à propositions de
recherche dans le domaine du management des organisations sous l’angle de la santé au
travail.

Onzième proposition

Les entreprises adoptant le référentiel de compétences doivent bénéficier


d’avantages.

Outre la possibilité d’imputer les dépenses de formation afférentes au déploiement du référentiel


de compétences au chapitre de la formation professionnelle, les entreprises mettant en œuvre ce
référentiel devraient être encouragées :
• Financièrement, ce qui demande une discussion d’une part, avec la branche AT-MP de la
CNAM-TS et la MSA, d’autre part, avec les compagnies d’assurance.
• Symboliquement par un label « entreprises en santé » qui pourrait être décerné sous
l’égide des CRPRP et du CSPRP.

A terme, le développement de système de notation de la performance en santé au travail devrait


être encouragé et ce point devrait être inclus dans l’appel d’offre de l’ANR mentionné dans le
point précédent.

Douzième proposition

Pour mettre en œuvre l’ensemble de ces actions, il faut fédérer les compétences de
formation en santé au travail en créant un réseau national de formation en santé au
travail (RNFST).

Notre pays ne manque pas de compétences dans les différentes disciplines qui concourent à la
santé au travail, mais celles-ci sont fragmentées et isolées. De même, les préventeurs comme les
formateurs spécialisés forment un monde clos et peu valorisé.

Les propositions quatre à dix ne peuvent être mises en œuvre que si on constitue une masse
critique de compétences dans ce domaine.

Il ne me paraît pas justifié à ce stade de proposer la création d’une nouvelle institution. D’abord,
parce que cela prendra trop de temps. Ensuite, parce que l’on ne part pas de zéro grâce à
l’existence du CNES&ST. Enfin, parce que l’on peut faire plus vite et plus simple à certaines
conditions.

Il faudrait pouvoir s’appuyer sur un CNES&ST élargi, qui formerait le cœur du RNFST et pour
cela, réécrire l’arrêté interministériel qui l’a créé, en faisant rentrer comme membre la DGT et la
DGES, quatre représentants d’établissements impliqués dans les formations en santé au travail
(désignés par le ministère chargé de l’enseignement supérieur) et trois représentants
d’associations professionnelles impliquées dans ce secteur (désignés par le ministère chargé du
travail).

31
Un conseil scientifique validera les travaux du réseau et un conseil d’orientation permettra
d’associer les acteurs économiques et sociaux à son fonctionnement.

Ensuite, il faut pouvoir disposer d’une ligne budgétaire autorisant des recrutements pour
constituer une équipe permanente d’environ cinq personnes en ingénierie pédagogique pour
développer les outils mutualisés (proposition 6) et le TES&ST (proposition 7).

Enfin, le CNES&ST élargi doit être en mesure de passer convention avec des établissements
volontaires pour participer aux travaux de développement pédagogique. Il faut pour cela trouver
une institution publique gestionnaire des crédits.

L’ordre de grandeur du budget requis pour faire fonctionner le RNFST est de 500.000 € par an.

IX. Calendrier de mise en oeuvre


Certaines propositions concernent surtout le ministre chargé du travail, d’autres uniquement la
ministre chargée de l’enseignement supérieur, mais beaucoup supposent une collaboration étroite
entre les deux. Dans le tableau ci-dessous, je propose un calendrier de mise en œuvre ainsi que
des modalités. Au total, on peut définir vingt actions de mise en œuvre.

Propositions Modalités Ministère Calendrier


concerné
1 et 2. Le référentiel Le présenter aux partenaires sociaux T Mai 2008
Le communiquer aux acteurs économiques T Juin 2008
Le communiquer aux acteurs pédagogiques ES Juin 2008
3. Intégration dans les titres Démarche à prendre par la DGES ES Octobre 2008
et les diplômes Démarche à prendre par la CNCP Les 2 Octobre 2008
4. Niveau européen Définir une stratégie avec le SGAE Les 2 Juin 2008
5. Financement par la Analyse juridique avec le Conseil d’État T Juin 2008
formation professionnelle
6. Outils pédagogiques Lien avec le RNFST Les 2 Juin 2009
mutualisés Manuel de référence Les 2 Mai 2009
7. Certification nationale Lien avec le RNFST Les 2 Test en 2009
(TES&ST) Début en 2010
8. Formation et certification Lien avec le RNFST Les 2 Début en 2009
des opérateurs Redéfinir les missions des services de santé T Celui de la réforme de la
au travail médecine du travail
Dispositions pour les CHSCT, les IPRP, les T 2009
chambres consulaires et les prestataires
9. Dispositions CRPRP Décret Les 2 Octobre 2009
10. Développement Démarche à entreprendre par la DGES ES Octobre 2008
académique Démarche à entreprendre par l’ANR ES Octobre 2008
11. Incitatifs Démarche à entreprendre par la DGT T Octobre 2008
12 Création du RNFST Arrêté interministériel Les 2 Octobre 2008
Prévoir dotation budgétaire 2009 Les 2 été 2008
Mise en place des instances Les 2 Janvier 2009
T = travail ES = enseignement supérieur

32
X. Conclusion
Ce que la demande sociale en matière de santé au travail montre, c’est la nécessité de changer
d’attitude et de culture, de refuser la fatalité qui veut que le travail soit une menace pour la santé,
au lieu d’être une source d’épanouissement. Notre société a besoin d’une politique du bien-être
au travail.

Je suis convaincu que moyennant une volonté politique, quelques moyens dédiés (au demeurant
modestes au regard des enjeux), un peu de méthode et d’organisation rigoureuses, notre pays peut
sortir par le haut des difficultés actuelles qu’il rencontre en matière de protection de la santé de
l’homme au travail. Sans être une baguette magique, le secteur de la formation a un rôle propre à
jouer et un signal fort donné dans ce domaine peut avoir un rôle d’entraînement et de
mobilisation.

Parce que l’état de santé de la population est globalement bon, les faiblesses constatées dans le
secteur de la santé au travail deviennent choquantes. Quand on est capable du meilleur, la
moyenne est synonyme de médiocrité. Comme le disait Tocqueville, « plus on réduit le risque,
plus ce qu’il en reste, paraît insupportable à la population. ».

Les formateurs ont donc une responsabilité particulière, car s’ils délivrent des messages erronés
ou des outils inappropriés, ils aggraveront le problème au lieu de le résoudre. C’est dire
l’importance de soigneusement évaluer les initiatives qui seront prises.

C’est le souhait que je formule en conclusion, car finalement, à quoi peut servir le travail humain,
sinon à produire du bien-être individuel et collectif ?

33
ANNEXES

34
Lettre de mission

35
36
37
Composition du groupe de soutien à la mission

38
ORGANISME NOM PRENOM COORDONNEES MAIL
INRS Catherine MONTAGNON catherine.montagnon@inrs.fr
Chef du département Formation
DGT Mireille JARRY mireille.jarry@dgt.travail.gouv.fr
Sous directrice des conditions de travail, de la
santé et de la sécurité au travail
DGES Dominique DELOCHE dominique.deloche@education.gouv.fr
DGES Jean-Michel HOTYAT jean-michel.hotyat@education.gouv.fr
INRS Laurent THEVENY laurent.theveny@inrs.fr
Responsable programme Formation Initiale
DGEFP Excusée à la réunion
CNAMTS Pascal JACQUETIN pascal.jacquetin@cnamts.fr
Adjoint au directeur des risques professionnel
IGAENR François LOUIS francois.louis@education.gouv.fr
CNAM Martine COURTOIS martine.courtois@cnam.fr
Professeur à la Chaire Hygiène et Sécurité
ENSAM Marc LASSAGNE marc.lassagne@lille.ensam.fr
Maître de conférences en sciences de gestion,
ENSAM-Lille
BNEI Sébastien CLAVEAU vice-president@bnei.org
Vice-président du BNEI
CGE Pierre ALIPHAT, aliphat@esiea.fr
Directeur de l'ESIEA et président de la
commission Formation de la Conférence des
Grandes Écoles

Gérard VIENS viens@essec.fr


Professeur émérite de l'ESSEC
CNCP M George ASSERAF george.asseraf@cncp.travail.gouv.fr
CNEFDG M HELFER
CNES&ST François LOUIS francois.louis@education.gouv.fr
Président
CNFPTLV Dominique BALMARY
Président
CPU Pierre RICHARD pierre.richard@cpu.fr
CTI Alain JENEVEAU alain.jeneveau@epf.fr
ACFCI Excusé à la réunion
AFTIM Dr Ange MEZZADRI (suppléant de M ange.mezzadri@orange.fr
CRISTOFINI à la première reunion)
ANDRH Excusé à la réunion
GEPI Patrick BENJAMIN patrick.benjamin@areva.com

Jean-Louis PLEYNET jlpleynet@fr.ibm.com

Dominique VACHER dominique.vacher@edfgdf.fr


SOFHYT Guy BOURGEOISAT guy.bourgeoisat@orange.fr
Collège des enseignants de Pr Alain CANTINEAU alain.cantineau@chru-strasbourg.fr
médecine du travail

39
Liste des personnes et organisations auditionnées

40
Emmanuel ABORD de CHATILLON Maître de conférence à l’IUT d’Annecy

Ana ANDRADE Salariée à la BNP PARIBAS, syndiquée auprès de la Confédération


générale du travail (CGT)

Eric ALBERT Médecin, psychiatre


Président de l’Institut français d’action sur le stress (IFAS)

Guy AUBURTIN Médecin, épidémiologiste


Directeur de l’Institut d'hygiène industrielle et de l'environnement
(IHIE) au Conservatoire National des Arts et Métiers des Pays de la
Loire

Olivier BACHELARD Docteur en sciences de gestion, Enseignant chercheur,


Coordinateur du pôle ressources humaines à l’Ecole supérieure de
commerce de Saint-Étienne

Brigitte BANCEL-CABIAC Médecin ergonome, Directrice Prévention Santé et Sécurité au


Travail du groupe La Poste

Pierre BEROUX Directeur Contrôle des Risques Groupe, EDF

Marie-Noëlle BIESOK Attachée juridique chez EDF, Membre du Groupe d’échange des
préventeurs interentreprises (GEPI)

Jean-Marc BILQUEZ Secrétaire confédéral de la Confédération générale du travail Force


ouvrière (CGT-FO), secteur protection sociale

Jacques BOUVET Président de l’association interprofessionnelle de France pour la


prévention des risques et la promotion de la sécurité et de la santé
au travail (AINF)

Arnaud de BROCA Secrétaire général de la FNATH,


Association des accidentés de la vie

Jean-Pierre BRUN Enseignant-Chercheur à l’Université Laval du Québec, Canada


Professeur titulaire de la chaire en gestion de la santé et de la
sécurité du travail

Claude COCHONNEAU Vice-président de la Fédération nationale des syndicats


d’exploitants agricoles (FNSEA), Président de la Commission
nationale emploi de la FNSEA

Romain CRISTOFINI Directeur général et co-fondateur du cabinet conseil CAPITAL


SANTE

41
Ithier D’AVOUT Directeur des affaires sociales, de l’emploi et de la formation de
(UIC)
Christophe DEJOURS Psychanalyste et psychiatre, titulaire de la chaire Psychanalyse et
Santé au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM),
Directeur du laboratoire de psychologie du travail

Alain DELACROIX Professeur titulaire de la chaire de chimie industrielle et directeur


national des formations au Conservatoire National des Arts et
Métiers (CNAM)

Alexis D'ESCATHA Docteur en médecine, Maître de conférences des universités, unité


de pathologie professionnelle, de santé au travail et d'insertion,
CHU Poincaré AP-HP

François DESRIAUX Rédacteur en chef de la revue Santé et travail, Président de


l’Association nationale des victimes de l’amiante (ANDEVA)

Anne-Marie De VAIVRE Fondatrice et directrice associée de TITANE ITC WORLD


SOLUTIONS, association AINF

Jean-François DHAINAUT Président de l’Agence d'évaluation de la recherche et de


l'enseignement supérieur (AERES)

Antoine FLAHAUT Directeur de l’Ecole des hautes études en santé publique

Henri FOREST Secrétaire confédéral en charge des questions de santé au travail de


la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Jean GAEREMYNCK Directeur générale de l’emploi et de la formation professionnelle


(DGEFP)

Franck GAMBELLI Directeur du service sécurité, conditions de travail et environnement


de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM),
Président de la Commission des accidents du travail et des maladies
professionnelles de la CNAMTS

Alain GARRIGOU Maître de conférence en ergonomie au Département Hygiène


sécurité et environnement de l’IUT de l’Université de Bordeaux

Jean-Jacques GUILBAUD Secrétaire général du groupe TOTAL

Jean-Michel HOTYAT Chef du bureau de l’apprentissage, de la formation continue et de la


validation des acquis à la Direction générale de l’éducation
nationale (DGES), Membre du Conseil national pour
l’enseignement en santé et sécurité au travail (CNES&ST)

42
Pascal JACQUETIN Vice-président du Conseil national pour l’enseignement en santé et
sécurité au travail (CNES&ST), Adjoint au directeur des risques
professionnels de la Caisse nationale d’assurance maladie des
travailleurs salariés (CNAMTS)

Elodie JOLY Juriste, Service de protection social du Mouvement des entreprises


de France (MEDEF)

Dominique KERVADEC Directeur de l’École d'ingénieurs de Cherbourg (EIC Cherbourg)

Dominique LACROIX Consultant et directeur de l’agence GED Environnement Nord Ile


de France

Michel LE CHAPELLIER Enseignant-chercheur en santé et sécurité au travail à l'UTC de


Compiègne

Patrick LEGERON Médecin, psychiatre


Directeur général du cabinet Stimulus

Sylviane LEJEUNE Secrétaire et membre du bureau de l’UGICT - Union générale des


ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération générale du
travail (CGT)

France LERT Directrice de l’unité U687 Santé publique et épidémiologie des


déterminants professionnels et sociaux de la santé à l’Institut
national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Michel LESBATS Secrétaire de la CPN HSE, Professeur Agrégé à l’IUT de


l’Université de Bordeaux 1

Patrick LEVY Médecin conseil de l’Union des industries chimiques (UIC)

François LOUIS Président du Conseil national pour l’enseignement en santé et


sécurité au travail (CNES&ST), Inspecteur général de
l'administration de l'éducation nationale et de la recherche
(IGAENR)

Laurent MAHIEU Secrétaire national, Membre de l’Union confédérale des ingénieurs


et cadres de la Confédération française démocratique du travail
(CFDT)

Jean-Claude MAUCUIT Président de la Commission Pédagogique Nationale Hygiène


Sécurité Environnement (CPN HSE), Directeur du service QSE à
l’APAVE Parisienne

43
Catherine MONTAGNON Chef du département formation de l’Institut national de recherche et
de sécurité (INRS), Membre du Conseil national pour
l’enseignement en santé et sécurité au travail (CNES&ST)

Pierre-Yves MONTELEON Responsable santé au travail de la Confédération française des


travailleurs chrétiens (CFTC), Vice-président de l’INRS

Michèle NATAF Chef de service au Commissariat à l’énergie atomique, Membre du


Groupe d’échange des préventeurs interentreprises (GEPI)

Vincent NEVEU Représentant du personnel au titre de la Confédération générale du


travail (CGT) au Technocentre Renault Guyancourt

Yannick NURIS Manager chez Manpower France, Membre du Groupe d’échange


des préventeurs interentreprises (GEPI)

Gabriel PAILLEREAU Délégué général du Centre inter services de santé et de médecine du


travail en entreprise (CISME)

André PERON Président de l’ACD HSE, Professeur à l’IUT de l’Université de


Lorient Bretagne Sud

François PELLET Docteur en médecine, Conseiller médical au Mouvement des


entreprises de France (MEDEF)

Jean-Louis PLEYNET IBM France, Membre du Groupe d’échange des préventeurs


interentreprises (GEPI)

Mathieu POIROT Professeur à l’Ecole supérieure de commerce (ESC) Dijon


Bourgogne, Département Management des organisations et
entrepreneuriat

Jean-Frédéric POISSON Député, Membre de la commission des affaires culturelles,


familiales et sociales,
Président-Rapporteur de la mission pénibilité au travail

Bernard SAINT-GIRONS Directeur général de l’enseignement supérieur (DGES)

Bernard SALENGRO Secrétaire national de la Confédération française de l’encadrement –


Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Pôle Europe et
international, Médecin du travail

Stéphane SEILLER Directeur de la prévention et des risques professionnels de la Caisse


nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

44
Laurent THEVENY Secrétaire du Conseil national pour l’enseignement en santé et
sécurité au travail (CNES&ST), Délégué à l’enseignement à
l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS)

Pierre THILLAUD Docteur en médecine, Représentant de la CGPME au Conseil


supérieur des risques professionnels (CSPRP)

Jean-Luc THOMAS Professeur titulaire de la chaire d’électrotechnique du Conservatoire


National des Arts et Métiers (CNAM)

Georges TISSIE Président des affaires sociales de la Confédération générale du


patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)

Dominique VACHER Chef du Service de maîtrise des risques au travail chez EDF,
Membre du Groupe d’échange des préventeurs interentreprises
(GEPI)

Jean-François VEYSSET Vice-président chargé des affaires sociales de la Confédération


générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)

Michel YAHIEL Inspecteur général des affaires sociales


Directeur des ressources humaines de la Ville de Paris

45
Contributions reçues par le site Internet du Journal de
l’Environnement

46
En référence au rôle de l’encadrement par rapport aux conditions de travail, quels sont à votre avis les
grands enjeux et les problèmes non résolus?
L’encadrement de proximité est le principal lien entre les opérateurs et la direction, il connaît très bien son
activité, ses équipements, ses hommes, et est donc un maillon essentiel de la prévention des risques en
santé, sécurité et conditions de travail. Actuellement, ce maillon est malheureusement sous-utilisé dans
les entreprises pour la prévention des risques, car on assiste de mon point de vue à une parcellisation et
une hyperspécialisation du travail, les encadrants se concentrant sur leur mission principale (produire
dans les délais) et laissant au « spécialiste » de la sécurité dans l’entreprise le soin de s’occuper de sa
mission.
Dans une organisation du travail idéale, telle qu’elle est prévue d’ailleurs dans les Systèmes de
Management de la Sécurité, l’encadrement de proximité revêt un rôle majeur dans le sens où il est mis à
contribution à toutes les étapes de la démarche : l’identification et l’évaluation des risques, la
hiérarchisation des actions correctives, les enquêtes accident/incident, la communication des bonnes
pratiques auprès des opérateurs… Toutes les conditions ne sont pas actuellement réunies pour permettre
réellement l’application de ces grands principes, et ce pour les raisons suivantes :
- l’encadrement est pris, comme je l’ai dit plus haut, par sa mission principale et de son point de vue, ce
n’est pas son rôle de s’occuper de prévention des risques ou de conditions de travail
- la notion de sécurité et conditions de travail est souvent très vague pour l’encadrement, qui n’a souvent
jamais eu de formation à ce sujet dans son cursus
- les directions d’entreprises n’assignent pas encore suffisamment d’objectifs en matière de sécurité /
conditions de travail à leurs cadres
De plus, en corollaire du sujet principal, on remarque l’émergence des risques psycho-sociaux. Sur ces
risques liés plus particulièrement à un aspect « relations humaines », l’encadrement est appelé à jouer un
rôle primordial de détection, d’écoute, de gestion des conflits.
· Comment définir le rôle de l’encadrement non spécialisé en ce qui concerne la santé en lien avec les
conditions de travail? Quels objectifs faut-il lui assigner?
Quelles sont les compétences indispensables pour assurer ce rôle et atteindre ces objectifs? Quelles
devraient être les grandes lignes du référentiel de compétences? Quelle est la hiérarchie des approches à
privilégier: réglementaire, technique, économique, humaine, organisationnelle?
Rôle de l’encadrement non spécialisé :
Exemplarité : Il s’agit tout d’abord d’être exemplaire, en respectant à la lettre les consignes de sécurité
pour pouvoir les faire respecter.
Communication : être le relais du préventeur, lui transmettre l’ensemble des informations ayant trait au
HSCT, et également bien faire passer les messages de
prévention aux opérateurs
Écoute : savoir écouter et détecter les besoins et demandes du personnel en matière HSCT
Proposition : l’encadrement doit être force de proposition pour l’amélioration des conditions de travail
Objectifs : l’objectif général reste la diminution des maladies professionnelles et accidents du travail,
mais cet objectif est déjà souvent suivi au niveau de l’entreprise, il faut donc le décliner en sous-objectifs,
et définir les indicateurs adaptés. Ces sous-objectifs permettant de montrer d’une part l’implication de
l’encadrement dans la démarche de prévention de l’entreprise, et d’autre part son efficacité.
On peut ainsi imaginer les couples objectifs /indicateurs suivants :
- Participer aux enquêtes accidents : taux de participation / nbe d’accident
- Baisse de l’absentéisme : taux d’absentéisme par service
- Baisse du turnover : taux de turnover par service
- Baisse des accidents du travail : TF et TG déclinés par service
- Proposer des actions de prévention : nbe d’actions proposées / nbe total
d’actions engagées sur le service
Compétences : Pour assurer pleinement son rôle l’encadrement doit disposer d’un
socle de compétences varié :
- juridique : droit du travail, accident du travail, maladie professionnelle, cadre institutionnel de la
prévention des risques, sources d’information
- technique : analyse de risque, arbre des causes
- humain : psychologie du travail, ergonomie
· Faut-il un référentiel commun de compétences en santé et sécurité au travail pour les ingénieurs et les
managers et comment faciliter une telle démarche dans le monde des très petites entreprises (TPE)?

47
Il serait intéressant de mettre en place dans les formations initiales de futurs cadres (surtout cadres
techniques) un socle commun de compétences en HSCT. Cela semble relativement simple à mettre en
place dans les écoles d’ingénieurs, il faudrait par exemple que ce socle commun, une fois défini son
contenu, soit intégré dans les exigences de la commission des Titres d’ingénieurs pour la reconnaissance
du diplôme.
Pour les masters pro cela semble plus complexe à mettre en oeuvre, mais l’intégration des compétences
HSCT dans les programmes doit se faire petit à petit. La difficulté sera d’uniformiser le niveau d’exigences
selon les universités. Pour faciliter la visibilité des formations incluant une dose de HSCT vis-à-vis des
recruteurs, mais aussi des étudiants, pourquoi ne pas imaginer un système d’agrément (comme pour les
organismes de formation professionnelle) qui pourrait être délivré par les CRAM par exemple. On pourrait
ainsi se retrouver avec des masters biochimie « agréés CRAM » et d’autres non-agréés.
En ce qui concerne les TPE, l’intégration des dirigeants dans la démarche passe aussi par la formation
initiale. De nombreux dirigeants de TPE sont titulaires de diplômes professionnels (CAP/BEP/Bac Pro), il
faut donc mettre du HSCT au programme de ces formations et c’est à l’éducation nationale de mettre en
œuvre cette démarche.
Mais la formation initiale n’a d’intérêt que pour les futurs dirigeants de TPE. La difficulté consiste à intégrer
les TPE actuelles dans la démarche. Pour cela on pourrait s’appuyer sur une pratique très courante dans
ces entreprises : l’apprentissage. En effet les patrons de TPE sont souvent en recherche d’apprentis, ce
qui leur permet d’avoir une main d’oeuvre supplémentaire à bas coût. En contrepartie, ils assurent la
formation de l’apprenti à leur métier. L’organisme relais entre le patron et l’apprenti est le CFA ou
éventuellement la Chambre des métiers :
on pourrait s’appuyer sur ces organismes pour mettre en place des sessions de formation aux
compétences requises en HSCT adressées aux patrons de TPE. Ces formations pourraient être animées
par les IPRP (donc pas de surcoût pour les entreprises) et seraient obligatoires pour avoir le droit de
prendre un apprenti.
Olivier Gallard

48
Bonjour,
Étant membre de CHSCT, j’estime que le rôle de cet IRP doit aussi être mis en avant sur la prévention
des risques psychosociaux qui est en lien avec la réalité des situations vécues par les salariés. Il faudrait
une obligation de créer un contrôle social sur les questions de santé pour les entreprises qui ne sont pas
soumises à cette obligation. Pour les entreprises ayant plusieurs Comités d’Entreprise et donc plusieurs
CHSCT, de créer obligatoirement une coordination régionale et/ou nationale ayant les mêmes
prérogatives que le CHSCT sans se substituer à ce dernier. Dans le même temps, afin que les membres
puissent avoir une connaissance beaucoup plus accrue sur ces questions, qui sont tout de même assez
complexes, je préconise que le nombre de jours de formation attribué par mandat soit au moins doublé.
En effet, depuis plusieurs années la réglementation sur les questions de santé au travail, de prévention
des risques a considérablement augmenté avec une évolution constante de la jurisprudence sur les
responsabilités de chacun.
Le temps attribué, tant sur la formation que celui en dehors des réunions plénières pour les membres de
CHSCT n’a pas pour autant suivi cette évolution. Ce constat, je pense, ne favorise pas le développement
de la prise en compte dans l’activité travail au quotidien (managements comme salariés), ni pour
contribuer à faire évoluer les consciences.
Merci pour la prise en compte de ma contribution à la réflexion sur les difficultés vécues par beaucoup de
Représentants du Personnel.
Cordialement
Alain DELAUNAY

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Bonjour
Il y a bien entendu lieu de distinguer les formations de la filière prévention HSCT et celle de l’ensemble
des salariés et notamment des managers. Pour la partie filière Prévention : il faut nous apprendre à
communiquer, convaincre en réunion ou en entretien des managers, travailler en coopération avec les
différents services de la production, piloter des projets ou être un contributeur actif.
Les préventeurs sont souvent des experts, des techniciens, parfois issus du rang et passionnés par le
domaine HSCT mais rarement ils détiennent des compétences « de communiquant » et ce même s’ils
sont passés par une activité de formation au risques professionnels. Pour les managers, les dirigeants, il y
a plusieurs aspects : (il n’y a pas d’idée de hiérarchie dans la liste ci-dessous)
Objectif n°1 : arriver à faire en sorte qu’ils changent leur point de vue sur l’intégration de la sécurité
comme une logique d’approche de tout changement, de tout projet. On leur apprend la logique de
production, la maîtrise des coûts, mais pas à avoir une approche systémique qui à un moment donné de
la réflexion met le salarié, le collectif au centre de la réflexion et par exemple, consiste à anticiper les
risques professionnels crées par le changement ou un projet.
Objectif n°2 : savoir gérer le stress de son équipe doit être la première qualité du manager . Par exemple,
le standard britannique health safety executive d’un mangement de qualité prévoit d’expliquer aux
managers les styles de management à proscrire. Ceci afin de prévenir les risques professionnels psycho-
sociaux (stress, TMS, …) et de leurs impacts (absentéisme, inaptitude, perte d’efficacité). Il faut faire
changer le point de vue des managers et leur définir ce qu’est le management : gestion de l’activité, mais
à travers la gestion des compétences, la gestion des flux d’activité, la mise en place de plans d’action, le
travail de feed back, de suivi , d’accompagnement, le style de management, le choix des objectifs, du
système de rémunération, la gestion des congés annuels, etc. et aussi le contrôle de l’activité). Dans de
nombreuses situations, malheureusement, le management se cantonne à fixer des objectifs à un moment
T1 et ceci sans donner les moyens de les atteindre, et contrôler à un moment T2 les résultats de l’activité.
J’ai obtenu un DESS en psycho du travail en 1995 et dans le cadre de mes études j’ai abordé nombre de
travaux sur les styles de management, lorsque j’ai eu mon premier poste en tant que manager
opérationnel je me suis appuyée sur ses connaissances sur le management (je n’ai pas eu de formation
interne à ce sujet alors que j’entrais en tant que cadre dans l’entreprise !!!). Je sais par le feed back de
mes collaborateurs que je n’ai pas un style de management stressant et qu’au contraire on me reconnaît
un rôle de modérateur de stress et pourtant nous avons été confrontés à de lourdes charges de travail, de
nombreuses réorganisations et des déménagements. Lorsque je regarde les personnes de ma génération
qui ont fait des formations d’ingénieurs, des commerciaux, des gestionnaires d’entreprises ou autre …
c’est atterrant de voir ce qu’on leur a appris. Parfois c’est de la PNL ! parfois ils n’ont pas bien compris
(pas assez d’heures de formation, pas de simulation ni de mise en pratique) et ils ne l’utilisent pas ,
parfois cela a été détourné et l’approche du management est pervertie et cela relève plus de la
manipulation .

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Évidemment et heureusement, de nombreuses personnes ont des qualités relationnelles et
professionnelles qui leur permettent d’être efficaces, mais je crois qu’une formation de base de
manager doit comprendre une approche des risques psycho sociaux en corrélation avec le style de
management et une remise en question avec des jeux de rôles (vous jouez le chef, vous jouez le
collaborateur, le chef face à une équipe, le chef face à son propre chef, etc.) encadrés par une
personne compétente. Il y a des personnes qui vont très vite se rendre compte qu’ils ont des difficultés
à manager soit concrètement soit sereinement
Voilà ma petite pierre … merci de l’avoir lu
Evelyne Therme / Coordinatrice Prévention
J'approuve totalement ce projet.
Il est important de continuer à y parler prévention d'accident de la circulation, car la santé existante est
fragile et disparaît rapidement lors d'un tel accident.
Il est important d'expliquer comment les accidents surviennent et comment ils auraient pu être évités.
Cette différence n'est pas suffisamment prise en compte et c'est la raison pour laquelle ils diminuent si
lentement...
En travaillant sur les accidents piétons et cyclistes particulièrement en agglomération, on abolirait des
tabous bien ancrés qui gênent à la conservation de la santé.
Il est étonnant de constater que l'on manque de bon sens naturel en France !
Je suis disponible pour plus amples explications, étant sur ce sujet depuis presque 25 ans...
Colette OLIVERO

52
Bonjour, (je suis un médecin du travail, plus toute jeune, mais avec double formation de Médecine du
travail et de Santé publique)
1° Je pense qu'il faudrait des cours (en tout cas un renforcement de ce qui peut se faire actuellement)
d'initiation ou de perfectionnement à la Santé au Travail dans les écoles d'ingénieurs, et écoles de
management, futurs cadres, concernant en particulier:
- risques médicaux (pas seulement Amiante...) -csq de non-prise en compte des risques , au niveau
de leur future entreprise et de leurs futurs salariés , mais aussi au niveau global Santé publique -
données générales de Santé publique: importance de l'âge des salariés, du sexe, etc. Ce que peut
apporter l'épidémiologie, etc.
-données " d'ergonomie (ce qui est faisable, et ce qui ne l'est pas, rappeler les limites du corps
humain) -l'importance du bien-être au travail (notions sur le stress, l'importance de l'organisation du
travail) -l'accidentabilité : conditions, théories actuelles en cours, etc.
-bref, l'articulation entre Santé Publique générale, et leur rôle futur. Cette liste est bien sûr non
exhaustive. Cet enseignement de base pourrait permettre par après de mieux articuler les actions des
spécialistes en matière de Santé - Environnement avec les entreprises.
2° Pour ce qui est de l'enseignement actuel de la Santé au travail,par exemple à des médecins:
-connaissances en épidémiologie solides, permettant une certaine autonomie dans le lancement et la
conduite d'enquêtes, et pas seulement dans le recueil de données -enseignement renforcé de Santé
publique; de l'articulation avec la Santé au travail; enseignement de notions de Médecine
environnementale autre
- intérêt de la connaissance de ce qui se fait dans d'autres pays , leurs réussites, leurs difficultés dans
les mêmes domaines -étude renforcée des théories en cours sur l'accidentabilité, l'observance des
règles , la compliance aux recommandations, etc.
-étude renforcée des théories de management en cours, et "à la mode" dans le passé récent -plus que
de simples notions de psychologie: théories en cours, théories importantes du passé; applications
pratiques.
Médecin Spécialiste en Santé au Travail
Pour faciliter, dans les T P E, une démarche de compétence de l'encadrement non spécialisé en
matière de Santé en lien avec les conditions de travail, on peut passer, entre autres, -par leurs
syndicats professionnels d'entreprise, déclinaison régionale ou locale -par les" branches
professionnelles"
-par les corporations locales, quand existent -par les cabinets qui les conseillent le plus souvent :
cabinets de comptabilité par exemple (liste non exhaustive, mais déjà connue ; par contre, des actions
nationales avec moyens "publicitaires" importants).
Bien à vous,
Michèle REUTER

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Nous sommes un organisme de conseil et de formation appartenant au pôle formation du groupe ELS
(Éditions Lefèvre Sarrut qui comprennent Francis Lefèvre Formation, Les Éditions Législatives, Les
Éditions Francis Lefèvre, ..). Nous intervenons depuis bientôt 40 ans auprès des entreprises dans de
nombreux domaines. Quelques chiffres qui vous permettront de mieux nous connaître : 10M€
d’honoraires par an, 100 consultants formateurs, près de 20000 clients actifs. Nos interventions en
formation de managers constituent notre pilier historique et notre domaine phare aujourd’hui encore.
1. Formation des managers
Les managers que nous formons sont majoritairement ce qu’il est commun d’appeler des managers
intermédiaires et de proximité. Depuis longtemps, nous les formons à l’anticipation et à la gestion des
situations sensibles avec leurs collaborateurs ainsi qu’à la gestion du stress. Il apparaît que la
responsabilité et les compétences de ces managers dans ces situations sont au coeur de leurs
préoccupations. Ils sont donc souvent démunis face à ces situations. Les difficultés qu’ils rencontrent
sont de plusieurs ordres ;
- Identifier les situations à risque ; savoir différencier stress, dépression, anxiété, épuisement
professionnel, regarder l’absentéisme, le présentéisme ou les conflits comme des indicateurs de ces
situations,
- Agir de manière appropriée, en respectant les limites entre sphères professionnelle et privée,
- Mettre en place les conditions d’un travail où le bien-être est un critère aussi important que le
respect des règles, l’atteinte des objectifs ou l’organisation,
- Être en conscience de leur influence dans ce processus, en terme d’attitudes et de
comportements.
Les rôles et missions des managers aujourd’hui peuvent être déclinés en un certain nombre de
fonctions prioritaires ; organiser, décliner des objectifs, contrôler, former, informer, évaluer,
décider, animer. Ces fonctions, sur lesquelles les managers sont eux-mêmes évalués, si elles sont
appliquées sans discernement, peuvent devenir des actes entraînant mal-être, blessures ou tensions
des personnes sous leur responsabilité. Pour éviter ces dérives, l’une des pistes est de croiser ces
fonctions avec des valeurs éthiques de responsabilité, de respect, d’équité, de courage et de
pondération. Le produit de ce croisement entre valeurs et fonctions du manager devient alors
un référentiel de compétences qui peut être mis en place, communiqué, évalué et constituer ainsi
une base d’orientation de plans de formation appropriés et adaptés au contexte et à l’environnement
de l’entreprise. (1)
Il s’avère, par ailleurs, indispensable à notre sens de former les managers à l’identification des
signes qui permettent d’identifier les différentes formes de détresses mentales ; stress,
dépression, anxiété, bipolarité, burn-out., et ce, pour deux raisons ;
- briser le tabou que ces questions constituent dans le monde de l’entreprise
- instaurer un devoir d’alerte comme il existe dans les normes de sécurité au travail.
2. Agir avec les directions d’entreprise et les employés
Le choix stratégique de formation des managers à la santé mentale au travail est un axe nécessaire,
mais certainement pas suffisant. De nombreux travaux (2) montrent que la principale limite à ces
actions de formation du management est constituée par les employés eux-mêmes, dans la perception
qu’ils ont de la santé mentale au travail. Là encore, le tabou doit être brisé par la connaissance de ce
qu’est la santé mentale. Une étude canadienne (3) montre que 10% des personnes qui se disent
stressées ne le sont pas en réalité. En revanche, on sait que 22% des employés européens se disent
stressés et que plus de la moitié des jours perdus est liée au stress, pour un coût économique de 20
M€ pour l’Europe des 15.
Jukka Takala, Directeur de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA)
explique (31/01/08 http://osha.europa.eu)
La vie professionnelle en Europe connaît des changements de plus en plus rapides. La précarité de
l’emploi, le cumul de plusieurs emplois ou l'intensification du travail peuvent générer un stress
professionnel et mettre en péril la santé des travailleurs. Un contrôle constant et une amélioration des
environnements de travail psychosociaux sont nécessaires à la création d’emplois de qualité et au
maintien des travailleurs dans de bonnes conditions.
Le stress professionnel est l’un des principaux défis en matière de sécurité et de santé au travail
(SST) auquel est confrontée l’Europe: le nombre de personnes souffrant de troubles liés au stress dû
au travail ou aggravé par le travail va probablement augmenter. Le stress est le deuxième problème
de santé lié au travail le plus souvent invoqué, il concerne 22 % des travailleurs dans l’UE (en 2005).
Plusieurs études suggèrent qu’entre 50 % et 60 % du nombre total de jours de travail perdus y sont
liés. En 2002, le coût économique du stress professionnel dans l’UE à 15 était estimé à 20 000
millions EUR.

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Les prévisions des experts ont analysé les risques psychosociaux émergents, qui sont présentés dans
un nouveau rapport, le premier d’une série sur les risques nouveaux et émergents, publié par
l’Observatoire européen des risques (OER) qui fait partie intégrante de l’EU-OSHA.
Cette problématique reste donc bien réelle et constitue un enjeu majeur pour les entreprises et pour
notre société. Agir avec les managers pour les aider à être des acteurs clés dans ces problématiques
est indispensable. Nous ne pourrons pas, en revanche espérer de résultats rapides et pérennes, si
nous n’agissons pas aussi avec les employés et les directions des entreprises ;
- avec les directions d’entreprise, pour étudier avec eux les conditions de mise en place d’un système
où la santé mentale au travail est au coeur de l’organisation ; diagnostic, études, observatoires,
affichage de valeurs traduites en comportements attendus, indicateurs. L’exemple de nos amis anglo-
saxons (UK, USA, Canada, Australie) est parlant. Depuis plusieurs dizaines d’années, des
programmes d’aide aux employés (PAE) appelés EAP (Employees Assistance Program) sont mis en
place avec l’aide d’entreprises extérieures. Celles-ci mettent à la disposition des employés de
l’information, mais aussi et surtout du personnel médical ou para médical en face à face ou au
téléphone ; ces « écoutants » sont là pour accueillir et pour orienter les personnes en détresse, et ce
de manière anonyme, vers les services compétents.
- avec les employés, également, afin de briser là aussi le tabou de la santé mentale au travail, faire
que par la connaissance des symptômes, ils soient en mesure de reconnaître le plus tôt possible ces
signes et en capacité d’agir. Ces ateliers permettent aussi au-delà de la libération de la parole, de
développer une solidarité face à ces problèmes et de construire une conscience, comme c’est le cas
avec les comportements Sécurité, du devoir d’alerte de chacun (4).
(1)www.socratesonline.comJean-JacquesNilles
http://management.journaldunet.com/0404/040432_ethique.shtml
(2) Armstrong K, Life After Rover, The Work Foundation, 2006 - Bevan S and Mahdon M, Work,
Health and Absence in the UK Public Sector: Current Patterns and Future trends, The Benenden
Healthcare Society, 2006.- Bevan S and Mahdon M, The Wellness Management Index, The Work
Foundation, 2007 - Blaug R, Kenton, A and Lekhi, R, Stress at Work, The Work Foundation, 2007
(forthcoming).
(3) http://www.douglasrecherche.qc.ca/groups/stress/index.asp?l=f Sonia Lupien Directrice du centre
d’études sur le stress humain
(4) Ingrid Ozols Directrice de Mental Health @ Work, Melbourne, Australie, www.mh@work.com
Yann COIRAULT
Pilote du comité Innovation de CSP Formation, en charge du dossier Santé mentale au travail

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Bonjour Monsieur Dab,
Avant de commencer à vous répondre, je souhaiterais me présenter :
- consultante en management de la sécurité et de l’environnement (et aussi de la qualité) en
entreprise depuis 10 ans
- j’interviens dans tous domaines d’activité agricole et industrielle (de l’agro alimentaire à la
micro électronique en passant par la métallurgie et la papeterie, etc.)
- mon champ d’action va du document unique (aise à la réalisation) à la mise en place de systèmes de
management certifiés OHSAS 18001
- je suis également enseignante en licence pro, master 1 et master 2 à l’IG2E (université Claude
Bernard – Lyon)
Bref, à tort ou à raison, j’ai l’impression de connaître le sujet, c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité
répondre à vos 3 interrogations.
En référence au rôle de l’encadrement par rapport aux conditions de travail, quels sont à votre
avis les grands enjeux et les problèmes non résolus?
1/ Sans aucun doute : la notion de RESPONSABILITE.
Quand vous dites à un futur cadre qu’il a des devoirs vis-à-vis de ses subordonnés (le devoir de les
faire travailler en respectant leur intégrité physique et morale) supérieurs à ceux vis-à-vis de son
patron (produire, mener à bien une mission, etc.) : ils ne COMPRENNENT pas. Ce n’est à mon avis
pas le cas dans le monde anglo-saxon (en particulier en Angleterre où la jurisprudence fait q’un
manager peut facilement se retrouver au tribunal s’il y a une atteinte à un de ses subordonnés).
En règle générale, la notion de responsabilité de ses actes vis-à-vis d’autrui n’est pas enseignée au-
delà de la maternelle (là par contre, c’est assez bien fait au cours de l’établissement des règles de vie
commune). Et à partir du secondaire, les profs sont même parfois des contre-exemples (non-port des
lunettes pendant les TP, etc.), non surveillance de certains travaux pratiques, préparation aléatoire
des sorties de classe ; etc.
2/ Du fait comme personne ne se sent responsable de quoi que ce soit, la notion d’EVALUATION
DES RISQUES n’est pas familière. A-t-on déjà vu les professeurs (de chimie, physique, gym, etc.) ou
enseignants de travaux pratiques prendre heure sur leur cours pour faire une évaluation des risques
et expliquer la raison d’être des mesures préventives (EPI, échauffements, préparation, etc.).
C’est d’ailleurs à mon sens une des raisons pour lesquelles toute préoccupation environnementale ou
sécuritaire en France tourne au pugilat et à la crise. Comme personne n’est familier à cette
gymnastique de l’évaluation des risques, toute mesure de protection est considérée comme une
restriction de liberté (exemple l’interdiction de fumer sur les lieux de travail) ou comme la manifestation
d’un intégrisme antiprogressiste (REACH par exemple). De même, en entreprise dès que vous
soulevez un risque, vous êtes accusé d’être un « porteur de poisse » comme si le fait d’avoir NOMME
le risque au grand jour, lui donnait plus de chance de se réaliser !!!
Comment définir le rôle de l’encadrement non spécialisé en ce qui concerne la santé en lien
avec les conditions de travail? Quels objectifs faut-il lui assigner? Quelles sont les
compétences indispensables pour assurer ce rôle et atteindre ces objectifs? Quelles devraient
être les grandes lignes du référentiel de compétences? Quelle est la hiérarchie des approches
à privilégier: réglementaire, technique, économique, humaine, organisationnelle?
Le rôle : chacun est responsable de la protection de l’intégrité physique et morale des autres
d’où
- obligation d’analyser les risques avant toute décision / ordre / changement
- obligation d’information
- obligation de prévention / protection
- droit de retrait ou de refus de mission
(En gros rien de bien nouveau par rapport au Code du Travail !!!! qui serait bien fait s’il n’était si mal
écrit !!!)
Objectifs
- 0 Accident / incident /atteinte dans son équipe ou entourage
- Bien-être au travail
- Respect des règles réglementaires
Compétences
Savoir-être : se sentir responsable / responsabilisé
Avoir le réflexe d’analyser les causes d’incidents / accidents au lieu de tout attribuer à la fatalité
Avoir le courage de reconnaître ses erreurs
Savoir-faire : analyse des risques
analyse des causes après un accident

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(Dans ces 2 cas peu importe la méthode : Tree, 5M, Ishikawa, AMDEC, etc. : l’important c’est de se
poser la question), un peu de communication
Savoirs : un minimum de réglementation
Les principaux facteurs de risques dans le secteur d’activité concerné : cela peut être plus ou moins
important selon les cas. Exemple : risques électriques, de circulation, TMS, chimiques, psycho-
sociaux (à ne surtout pas passer sous silence), bruit, blessures, coupures, etc.
Grandes lignes du référentiel de compétences
Comme vous l’avez constaté, je mets les « savoir-être » au début de la liste des compétences
nécessaires. Je pense donc profondément qu’au-delà de ce qui est enseigné, il faut diffuser une sorte
de « morale » de la responsabilité. Et cela doit commencer le plus tôt possible : dès le collège. On
pourrait par exemple imaginer des analyses de risques avant chaque cours non magistral : que peut-il
arriver pendant un TP, quelles sont les mesures préventives. Que peut-il arriver pendant une sortie. Je
pense également que cela responsabiliserait les élèves et rendrai plus facile la tache de celui qui est
en charge de faire respecter les règles. Évidemment pour y arriver, il faudrait d’abord former les profs
et les chercheurs qui sont parfois de bien vilains petits canards en matière de sécurité.
Ceci étant dit, une fois les notions de responsabilité acceptées, il faut également des savoirs et savoir-
faire pour concrétiser (voir ci-dessus).
Hiérarchie des approches à privilégier: réglementaire, technique, économique, humaine,
organisationnelle
Humaine tout d’abord puisqu’il faut faire changer les comportements, le regard sur l’autre.
Organisationnelle ensuite La technique n’est qu’un moyen Le réglementaire : il est déjà plutôt complet
en France, mais mal appliqué, car non connu, non enseigné, très hermétique (car très très très mal
écrit) et toujours considéré en France comme un empêcheur de « bosser en rond »
L’économique : on l’a vu pour les handicapés les sanctions ne marchent pas vraiment où alors il faut
qu’elles soient lourdes et cela va encore pénaliser les PME qui n’ont pas toujours les moyens de «
contourner » leurs obligations. Ceci étant les taux de cotisation en cas d’accident mériteraient d’être
encore un peu plus élevés. Je connais encore des chefs d’entreprises qui ignorent que leurs
cotisations AT/MP augmentent en fonction de leurs accidents !!!
Faut-il un référentiel commun de compétences en santé et sécurité au travail pour les
ingénieurs et les managers et comment faciliter une telle démarche dans le monde des très
petites entreprises (TPE)?
Je ne suis pas persuadée qu’il faut rentrer dans quelque chose de très compliqué. Effectivement
pourquoi pas un « permis hygiène – santé - sécurité » qui serait optionnel par exemple au niveau du
bac (principaux risques du monde du travail – existence du Code du travail – analyse de risques). Un
peu comme l’attestation de sécurité routière. Cela devrait être obligatoire pour les bacs PRO.
Et éventuellement un deuxième volet au niveau des bac + 5 plus complet selon les spécialités.
Exemple, moi à l’Agro, on ne m’a jamais expliqué qu’un tracteur peut se retourner et qu’une
emballeuse peut couper des doigts. Quant aux risques des phytosanitaires : inexistants ! Par contre
pour les PME : artisans, professions libérales. Il me semble me souvenir que pour s’installer ces
personnes ont besoin d’une formation obligatoire (2 ou 3 jours) de base en comptabilité/ gestion.
Pourquoi pas la même en hygiène – santé - sécurité (les risques, l’analyse des risques, le Code du
travail, leurs obligations, les pénalités, etc.) ?. Financée bien sûr par les cotisations MP /AT !!
Ceci étant plus on diffusera les notions de responsabilité et d’analyse des risques tôt dans
l’enseignement, plus vite on aura des résultats sans véritables moyens coûteux.
J’espère avec ces quelques lignes avoir apporté ma contribution à votre réflexion. Il s’agit bien
entendu de conclusions qui peuvent paraître péremptoires et « sorties du chapeau » mais sachez que
c’est un sujet sur lequel je réfléchis depuis longtemps et je reste à votre disposition pour vous
expliquer comment je suis arrivée à ces conclusions.
Avec mes plus sincères salutations et tous mes souhaits de réussite dans la poursuite de votre travail.
Marie-France Lafon

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Quelle formation en hygiène et sécurité pour demain?
Bonjour,
Nous sommes auditeurs du CNAMIHIE (Conservatoire National des Arts et Métiers Institut
de Hygiène Industrielle et de l’Environnement), sous l’égide de la chaire HyTEn (Hygiène du Travail et
de l’Environnement) dont le titulaire est William Dab.
Dans le cadre de travaux de réflexion, en collaboration avec Dominique Lacroix (Ingénieur conseil en
risques industriels, directeur de l’agence NordIle de France AEDIA Conseil management
environnemental et risques industriels), nous avons réfléchi sur la problématique des leviers/outils
actuellement utilisés pour développer/déployer la culture de prévention à tous les niveaux de
l’entreprise.
Ceci nous a amené lorsque nous avons vu les interrogations publiées sur le journal de
l'environnement dans le cadre du travail de réflexion que mène actuellement William Dab a tenté
d'apporter des réponses à partir des recherches que nous avions menées.
Vous trouverez ci-après les réflexions de quatre membres de notre groupe de travail, livrées in
extenso
afin de garder intacte la sensibilité de chaque témoignage.
✔ En référence au rôle de l’encadrement par rapport aux conditions de travail, quels
sont à votre avis les grands enjeux et problèmes non résolus ?
Les deux principaux enjeux, dans les années à venir, vont être la responsabilité de l’encadrement par
rapport aux conditions de travail, et la nécessité d’acquérir des compétences de plus en plus
techniques dans divers domaines liés à la santé, aux conditions de travail.
Actuellement, on assiste de plus en plus à une délégation de pouvoir de la direction aux personnels
de l’encadrement. Hors il ne me semble pas judicieux de donner un rôle hiérarchique aux
professionnels de la santé qui doivent avoir un rôle de prévention et non de répression comme
objectif.
✔ Comment définir le rôle de l’encadrement non spécialisé en ce qui concerne la santé en lien
avec les conditions de travail ?
Non, un référentiel commun de compétences en santé sécurité au travail pour les ingénieurs et les
managers n'est pas une solution. Par contre, il est indispensable qu’ils reçoivent une formation en
santé sécurité. Les ingénieurs doivent être formés à la prévention des risques techniques (ventilation,
bruit, ergonomie,…) et les managers doivent être formés à la prévention des risques humains
(psychosociaux, maladies professionnelles,…) .
Dans le monde des très petites entreprises, le moteur de la prévention doit être le médecin du travail
qui doit manager les actions de préventions lorsque celles-ci n’existent pas.
En référence au rôle de l’encadrement par rapport aux conditions de travail, quels sont à votre
avis les grands enjeux et les problèmes non résolus?
1.L'encadrement +1 (type "chef d'équipe"), de proximité immédiate avec les opérateurs, est souvent
un exopérateur "promu" sans réelle formation de management (donc à la sécurité). Il va gérer
l'équipe, mais ne sera pas forcément apte à reprendre un ancien collègue sur sa façon de travailler
(qui était la sienne il y a peu…). De là à dire qu'il faudrait que l'encadrement n'ait aucun lien passif
avec les opérateurs, je ne pense pas, car leur connaissance du site et des différences "tâche
réelle/tâche prescrite" est précieuse.
2.Quand l'encadrement de terrain reçoit comme directive "la sécurité prime", il faut qu'il ait l'audace, le
droit, la reconnaissance de mettre ce principe en oeuvre de temps en temps.
Comment définir le rôle de l’encadrement non spécialisé en ce qui concerne la santé en lien
avec les conditions de travail?
Le rôle de l'encadrement nonspécialisé peut adapter au mieux l'organisation du travail et des postes,
exemples :
✔ne pas mettre une petite personne sur un poste de travail nécessitant une hauteur de prise
✔ne pas mettre une personne corpulente sur un poste exigu ou essoufflant
Formation requise :
✔sensibilisation à la psychologie
✔TMS
Faut-il un référentiel commun de compétences en santé et sécurité au travail pour les
ingénieurs et les managers et comment faciliter une telle démarche dans le monde des très
petites entreprises (TPE)?
Référentiel commun : OUI !

58
En référence au rôle de l’encadrement par rapport aux conditions de travail, quels sont à votre
avis les grands enjeux et les problèmes non résolus?
Au sens large des conditions de travail et de la notion d’encadrement (ou de management),l’un des
plus grands enjeux correspond aux nouveaux modes de travail associés à la notion de hiérarchie. Les
schémas anciens ont toujours donné un promontoire fort au « Chef », par qui doit venir la « lumière
divine », lui même illuminé par son propre chef, etc.
Ces schémas sont remis en question depuis 50 ans par des modèles industriels venus notamment du
Japon ou de théories comme celles de Deming. Mais ces systèmes ont eu (et ont encore) beaucoup
de mal à s’implanter en France. Sans développer les différents principes sur lesquels ils sont basés (ni
quels ont été les freins), il me paraît important de revoir aujourd’hui le rôle fondamental de la
hiérarchie, qui ne doit pas se cantonner à un rôle de contrôle (et donc rapidement de sanction), mais
de leadership, c'est-à-dire à la fois d’exemple et de conseil par rapport aux valeurs éthiques du travail
et aux méthodes qui correspondant à « la bonne ou à la meilleure façon de faire ». Ce rôle de leader
doit à mon sens s’envisager comme celui d’un chef d’orchestre, chargé de donner la mesure, éviter
les couacs, arbitrer de par sa vue d’ensemble et surtout faire en sorte que chacun puisse exprimer le
meilleur de lui même tout au long de sa carrière. Il doit notamment laisser le plus souvent et le plus
efficacement possible l’espace à ses collaborateurs d’exprimer leurs questions, leurs problèmes , les
solutions…afin de les impliquer directement dans le système de travail (qui tient compte à la fois de la
qualité (avec la productivité), des gains de gestion , le respect de l’environnement et de la sécurité des
salariés). De même, les mentalités des collaborateurs des managers doivent changer. Car il est
toujours plus facile de se plaindre dans son coin ou entre ses collègues plutôt que de prendre le
problème à bras le corps et de prendre chacun ses responsabilités. Ces remarques, qui ne constituent
qu’un seul axe, ne doivent pas se limiter au seul domaine de la santé / sécurité au travail. Car la
sécurité n’est pas uniquement et directement le fait d’une analyse des risques ou de moyens de
prévention efficace, mais surtout d’une logique intégrée « d’excellence au travail » qui induit en même
temps et sur le même plan : qualité, gain de gestion, respect de l’environnement et protection de la
santé des salariés. Et c’est bien cette logique intégrée qui assurera indirectement le succès des
démarches de prévention. Pour moi l'enjeu fondamental est là : comment diffuser à l’ensemble de la
pyramide d’une société cette notion d’excellence au travail tout en mettant en avant cette notion de
confiance qui est un moteur puissant pour un groupe (en tout cas, la méfiance est le plus gros frein…)
Pour illustrer ce point de vue, j’ai en tête un schéma que j’ai souvent vu sur mon site. Elle représente
un perchoir en forme de pyramide avec des oiseaux en train de « chier » sur leurs congénères situés
en dessous. Ceci avec une légende du genre « lorsque ceux qui sont en haut de la pyramide
regardent en bas, ils ne voient que de la merde. Quand les autres regardent en haut, ils ne voient que
des trous du cul ». Sans plus de commentaire…
Mais ces idées sont bien séduisantes, mais pour l’instant ce ne sont que des mots (donc pas grand
chose concrètement). Le principal problème sera donc de déployer cette culture de l’excellence au
travail. Ce problème a plusieurs aspects. Le plus direct concerne l’échelon des entreprises. Il me
paraît inconcevable de concevoir de nouveaux règlements afin de les obliger à aller dans telle ou telle
direction. D’autant plus que cette notion d’excellence au travail aura une géométrie variable d’une
société ou d’un secteur à un autre. Je pense plutôt à une démarche de soutien et de conseil aux
entreprises motivées (par qui ?, par quoi ?), qui seront naturellement récompensées de leurs efforts,
créant alors une émulation en direction de leurs concurrents.
Le deuxième verrou est représenté par les personnes qui font partie de ces entreprises. Comment les
intégrer à cette démarche de changement étant donné les résistances naturelles (aux motivations
diverses). La solution serait de proposer aux entreprises des terrains de discussions ou des chantiers
divers, sur des sujets qui constituent des verrous internes à la communication et donc à la confiance.
Vient ensuite le rôle fondamental de la formation. Il me semble indispensable (voire même vital) que le
monde de l’entreprise et de l’enseignement se rapproche. Ceci pour deux raisons. Une première, pour
que les formations correspondent de près aux besoins réels des entreprises (et donc à l’excellence au
travail). Une deuxième pour faciliter le retour des actifs en formation (de manière naturelle) soit pour
augmenter la compétitivité de l’entreprise (innovation = formation et inversement), soit pour dynamiser
leur carrière («mon secteur d’activité n’est pas au plus fort », ou « je n’ai plus de motivation dans mon
travail »). De plus la collaboration entre entreprises et universités / grandes écoles, pourrait constituer
un bon terrain pour l’innovation (intérêts réciproques).
Encore une fois, ce point de vue paraît assez général par rapport à la question de la santé / sécurité
au travail. Mais à mon avis on ne peut instituer durablement et efficacement un message de
prévention des risques professionnels si en même temps on laisse dériver les autres secteurs de
l’entreprise comme l’innovation, la performance, la formation continue, la réforme des relations
interpersonnelles…

59
Comment définir le rôle de l’encadrement non spécialisé en ce qui concerne la santé en lien
avec les conditions de travail?
Il faut tout d’abord envisager la formation de l’encadrement dans ce domaine (et dans d’autres
d’ailleurs, pour faire référence au paragraphe précédent) et surtout s’assurer de sa conviction. Son
rôle sera décliné selon le niveau hiérarchique. Non pas que l’importance de ce rôle soit moins
important d’un niveau hiérarchique à un autre, mais il doit être adapté selon les responsabilités.
L’encadrement situé en haut de la pyramide (comité de direction) aura un impact fondamental sur la
santé et la sécurité au travail, par la définition de la politique, le déploiement d’un système de
management de la sécurité, la préparation des budgets et des orientations de progrès, le pilotage de
l’innovation, les relations avec les partenaires sociaux… L’encadrement situé en bas de la pyramide
(contremaîtres, chef d’équipe) aura un rôle plus pragmatique, associé directement à l’analyse des
risques, au choix des moyens de prévention (aménagement des process, des postes et des conditions
de travail, choix des moyens de protection collective et individuelle), la formation des opérateurs (au
moins sur les risques spécifiques du poste), le contrôle (au sens conseil et amélioration continue et
surtout pas sanction)… Les niveaux hiérarchiques intermédiaires auront un rôle panaché entre les
deux extrêmes selon la place dans la pyramide (et donc le niveau de responsabilité).
Quels objectifs faut-il lui assigner?
Je pense qu’ils doivent être définis par l’entreprise elle-même c'est-à-dire par l’ensemble des salariés
(tout au moins entre la direction et les représentants du personnel). Je ne pense pas qu’il faille
s’arrêter à des notions banales comme la réduction des accidents de travail. Il me semble plus
judicieux de partir de l’évaluation des risques (donc du document unique, sous réserve qu’il soit
correctement réalisé et mis à jour). Il s’agit d’un point faible d’ailleurs de cette proposition, dans le
sens ou le DU est majoritairement vu par les entreprises comme une formalité administrative ou un
gadget. Une réflexion plus approfondie devrait permettre l’amélioration de ce type de démarche dans
toutes les entreprises quelle que soit leur taille.
Quelles sont les compétences indispensables pour assurer ce rôle et atteindre ces objectifs?
Ces compétences doivent être différentes selon le niveau hiérarchique, adaptées au rôle et aux
objectifs du poste. Il s’agit ici de compétences techniques obtenues par l’intermédiaire de formations
modulaires. Ces compétences techniques doivent permettre aux managers l’intégration de la notion
même de prévention à leur niveau de responsabilité et surtout de comprendre quels sont les enjeux
de leur implication. Bien qu’adapté par rapport au niveau hiérarchique, il reste des domaines
récurrents comme la réglementation, les principes généraux d’analyse des risques et des accidents, et
surtout les principes de management qui permettront la diffusion des messages de prévention.
Quelles devraient être les grandes lignes du référentiel de compétences?
Difficile étant donné l’éventail des responsabilités pour les différentes tailles d’entreprises. Peut-être,
définir pour chaque niveau transversal hiérarchique des notions comme l’évaluation des risques pour
la santé et la sécurité au travail, les principes de réduction des risques, les principes de management
dans un contexte de prévention. Le refus du fatalisme dans la manière d’aborder les accidents ou des
principes du style « la sécurité c’est pas compliqué, il suffit de faire attention » . Phrase déjà entendue,
sans commentaire.
Quelle est la hiérarchie des approches à privilégier: réglementaire, technique, économique,
humaine, organisationnelle?
En bon normand je répondrais qu’il n’est pas évident ou souhaitable de hiérarchiser ces approches.
Dans la mesure où il s’agit avant tout de management, j’aurais tendance à toutes les utiliser en même
temps au début. En multipliant les approches on augmente les possibilités les chances de toucher les
gens. A la suite on retiendra plutôt une approche qu’une autre pour un groupe ou une personne
donnée. A mon sens, en matière de management étant donné les différences de personnalité, il faut
plutôt envisager un faisceau d’approches pour privilégier la meilleure pas la suite, c'est-à-dire celle qui
reçoit le plus d’écho auprès des personnes concernées, en s’adaptant au sujet à traiter.
Fautil un référentiel commun de compétences en santé et sécurité au travail pour les
ingénieurs et les managers et comment faciliter une telle démarche dans le monde des très
petites entreprises (TPE)?
Un tel référentiel me paraît difficile à mettre en place étant donné les différentes approches des
spécialistes de la question dans le monde. D’autant plus que pour chaque secteur la réglementation et
les cultures sont différentes. Je pense aussi que c’est par la diversité et la confrontation (la
comparaison ?) que la prévention va progresser. À l’opposé si les managers sortent d’un même
moule, ils détecteront les mêmes risques et passeront à côté des mêmes.
Emilien CHERENCE
En référence au rôle de l’encadrement par rapport aux conditions de travail, quels sont à votre
avis les grands enjeux et les problèmes non résolus?

60
A mon avis les problèmes se situent à plusieurs niveaux :
✔le manque d'implication du management dans les démarches prévention par :
✔manque de culture,
✔manque de connaissance dans le domaine,
✔la facilité d'opposer prévention et efficacité,
✔la peur des coûts engendrés.
✔le manque de moyens humains :
✔en quantité ce qui fait ployer sous la charge de travail,
✔en qualité : trop peu de personnel formé.
L'enjeu est à mon avis une évolution majeure, qui doit permettre de faire accepter la prévention au
même titre que la production, la maintenance ou toutes les fonctions « nobles » de l'entreprise, et
ceci, pour permettre un gain de productivité des entreprises, remonter l'image de marque de la France
en lui donnant un rôle leader, redonner l'envie de travailler en améliorant les conditions de travail et
hissant le bienêtre au travail comme valeur primordiale.
Comment définir le rôle de l’encadrement non spécialisé en ce qui concerne la santé en lien
avec les conditions de travail? Quels objectifs faut-il lui assigner? Quelles sont les
compétences indispensables pour assurer ce rôle et atteindre ces objectifs? Quelles devraient
être les grandes lignes du référentiel de compétences? Quelle est la hiérarchie des approches
à privilégier: réglementaire, technique, économique, humaine, organisationnelle?
Le rôle de l'encadrement est primordial, car en fixant les objectifs, il doit s'impliquer dans les moyens
de mise en oeuvre, ce qui définit la santé (à tous les plans) que nous voulons pour nous et les autres
comme conséquence du bienêtre au travail qui peut être instauré par un management adéquat.
Pour cela, des compétences dans le domaine du management et pas seulement avec un objectif de
productivisme à tout prix, mais avec l'idée que 'augmentation de la productivité ne peut être que la
conséquence de meilleures conditions de travail. Des compétences sont requises pour mettre en
place des organisations techniques et humaines dans un esprit de développement durable en terme
environnemental et social bien sûr, mais aussi en cherchant à accroître la qualité de la main d'oeuvre
en formant, valorisant et impliquant l'ensemble du personnel, en lui offrant des perspectives de
progression. La prévention doit favoriser le développement de la personne dans son milieu
professionnel et pas seulement s'intéresser à sa sécurité. L'approche réglementaire a toujours
prévalue en France, elle ne permet pas de créer une réelle participation, notre culture nationale nous
entraînant plutôt à résister à tout ce qui nous contraint. Je pense que la bonne approche est plus
organisationnelle, tout en mettant au centre des préoccupations le développement humain avant toute
chose. Les moyens techniques avec les avancées actuelles doivent être des outils au service des
développements à mener. Enfin, l'aspect financier est lié à l'approche historique et réglementaire
française. Dès lors que la priorité sera le bien-être comme moteur de la réussite de
l'entreprise,l'aspect financier ne sera pas un problème, car l'entreprise sera bénéficiaire de cet état.
Faut-il un référentiel commun de compétences en santé et sécurité au travail pour les
ingénieurs et les managers et comment faciliter une telle démarche dans le monde des très
petites entreprises (TPE)?
Ce référentiel est à mon avis indispensable, car il permettra le dialogue. Il devra permettre de créer
des liens entre les différents acteurs que sont la direction, les cadres, le personnel d'exécution et le
monde de l'éducation ; sans langage commun, il ne peut pas y avoir de compréhension. Chaque
communauté ayant des objectifs différents et parfois divergents, la prévention peut être le
dénominateur commun permettant le dialogue social.
Si le référentiel existe, alors il permettra aux TPE d'avoir accès à la prévention. Un point important est,
il me semble, le rôle de l'état qui doit être moteur et non plus simplement législateur. Dans la fonction
publique, actuellement, la prévention est quasiment absente et très peu de ministères peuvent se
targuer d'avoir une structure prévention en place. L'état est le premier employeur de France en
nombre de personnel et très mal classé en matière de management, qualité ou prévention.
Thierry PARLANT

61
Bonjour,

Que ce soit pour des préventeurs, ou des managers de tous niveaux dans l'entreprise, une formation
en matière de prévention Santé et de Sécurité au Travail devrait à mon sens être orientée selon les
principaux axes suivants, de manière plus ou moins profonde selon le degré de maîtrise que la
formation dans laquelle pourrait être inséré le module S&ST voudrait atteindre en la matière :

- une initiation ou une formation à une vision "ergonomique" de l'activité de travail ou du travail réel,
particulièrement dans une perspective de conception plutôt que de correction (sans trop insister sur
une vision normative de l'ergonomie),
- une connaissance minimum des caractéristiques et mécaniques des divers risques
professionnels, des divers outils de leur évaluation et de leur prévention,
- une approche ou une connaissance plus ou moins approfondie de la réglementation S&ST,
- enfin une connaissance de l'approche "système" du management de la santé de la sécurité au
travail dans l'entreprise pour mobiliser utilement les méconnaissances précédentes.

Pour ce dernier point je privilégierais le référentiel ILO-OSH 2001 de l'OIT* de pour différentes
raisons (universalité, explicité, professionnalisme, source paritaire, choisi par l'AFNOR, etc.) mais
qu'en plus il est de diffusion gratuite donc facilement exploitable dans toute situation d'enseignement
et d'applications d'entreprise.

* Organisation Internationale du Travail, source du seul référentiel de SMS&ST qui soit vraiment
international, et dont les éventuelles normes nationales s'inspirent (GB, USA, Canada...).

Cordialement.

M. Henri

62
Bonjour,

Il me semble important de faire prendre conscience que Sécurité et Hygiène sont une des valeurs
essentielles: protection des personnes et des biens, prévention, identification et management des
risques, protection de l'environnement.
C'est aussi un excellent indicateur d'un certain savoir-faire: de solides performances dans ce domaine
signifient de solides performances en qualité, sécurité alimentaire, économie.

La formation ne doit pas seulement être théorique, elle doit être aussi très pratique, sur le terrain, au
regard des pratiques (les grandes catastrophes ne surviennent pas dans les bureaux, mais dans les
usines, même si quelquefois elles se préparent dans les bureaux!
Je mettrai aussi l'accent sur le cadre réglementaire: Eu, national, local.
La connaissance des référentiels iso et autres (ISRS par ex) existant est aussi à inclure, ainsi que des
stages en entreprise, sur le terrain et pourquoi pas dans des SAMU!

Salutations distinguées / Best Regards / Saludos / Med venlig hilsen Didier MOREL Danisco / T&S /
Gums & Systems / SHE officer

63
Questionnaire guide pour les auditions

64
Dans le cadre de la mission confiée au Pr William Dab par Xavier Bertrand et Valérie
Pécresse, les questions qui suivent sont destinées à structurer les apports des différents
acteurs. Elles ne sont pas exhaustives mais visent à identifier les principales positions pour
dégager les points majeurs de consensus et de dissensions.

¾ En référence au rôle de l’encadrement sur les conditions de travail, quels sont les grands
enjeux et les problèmes non résolus ?

¾ Quels liens faites-vous entre les conditions de travail, la santé au travail et la sécurité au
travail ?

¾ Comment définir le rôle de l’encadrement non spécialisé en HSE pour les conditions de
travail ? Quels objectifs faut-il lui assigner ? Ce rôle doit-il être identique à tous les niveaux ?
Doit-on privilégier l’encadrement de proximité ?

¾ Quelles sont les compétences indispensables pour assurer ce rôle et atteindre ces objectifs ?
Quelles devraient être les grandes lignes du référentiel de compétences ?

¾ Du point de vue de l’encadrement, quelle est la hiérarchie des approches à privilégier :


réglementaire, technique, économique, humaine, organisationnelle ?

¾ Faut-il un référentiel commun de compétences en santé et sécurité au travail pour les


ingénieurs et les managers ?

¾ Quelles sont les modalités pratiques à mettre en œuvre dans les cursus pour que les
objectifs essentiels soient atteints ?

¾ Avez-vous des suggestions pour faciliter une telle démarche dans le monde des TPE ?

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Module sur les bases essentielles en Santé et Sécurité au
Travail (BES&ST)

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Pour une attitude responsable de l’ingénieur débutant :
module sur les Bases Essentielles en Santé et Sécurité au Travail (BES&ST).
Enseignement pour une durée de cours de 18 heures
Public cible : tout élève ingénieur de deuxième année
1. Introduction de l’enseignement en santé et sécurité au travail
Durée : 1 h 30
Le champ de la S&ST, ses liens avec les risques technologiques majeurs et les atteintes à l’environnement.
Une discipline scientifique transversale qui aborde le domaine de la technique, mais aussi celui de l’humain et du
social.
Les points de vue et traits culturels qui déterminent le management des risques.
La place de la S&ST dans les métiers de l’ingénieur, le rôle que celui-ci doit assurer, les compétences à
développer.
Pratiques pédagogiques :
• Présentation d’une vidéo « Paroles d’ingénieurs » et débat ;
• Échanges sur des événements accidentels, sur des situations vécues en entreprises ;
• Commentaires sur des modèles utilisés en sciences du danger.
Objectifs pédagogiques « être capable de »:
• Décrire le champ de la S&ST ;
• Préciser la position de l’ingénieur.
2. les enjeux humains, sociaux, économiques et juridiques de la S&ST
Durée : 1 h 30
La définition d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle, les principaux indicateurs utilisés.
Présentation des statistiques technologiques et des tendances.
Les coûts directs et indirects et le principe de la tarification.
Le Code du travail, sa structure, l’origine de la réglementation. La responsabilité civile ou pénale, du chef
d’entreprise, du salarié.
Les principaux acteurs internes et externes de la prévention.
Pratiques pédagogiques :
• Présentations ppt et remise des supports ;
• Fourniture d’un dossier documentaire.
Objectifs pédagogiques « être capable de » :
• Énoncer les principaux enjeux de la S&ST ;
• Repérer les acteurs de la prévention.
3. les mécanismes à l’origine d’un accident du travail
Durée : 1 h 30
Présentation de la démarche d’analyse dite de l’arbre des causes, le recueil des faits, la mise en relation de ces
événements.
Les principes de positionnement de barrières pour supprimer ces enchaînements, supprimer ou réduire les
risques.
Mise en évidence de la multicausalité des accidents, de la complexité des phénomènes initiateurs et des
scénarios, des difficultés pour les appréhender.
Pratiques pédagogiques :
• Présentation ppt de la démarche d’analyse ;
• Utilisation d’une vidéo et exercices dirigés en groupes;
• Commentaires sur des arbres réalisés.
Objectifs pédagogiques « être capable de » :
• Décrire les étapes de l’analyse d’accident ;
• Contribuer à la mise en œuvre d’une analyse de risque a posteriori;
• Évaluer et commenter la qualité d’un arbre des causes.
4. les notions de base en santé et sécurité au travail
Durée: 1 h 30
Les notions de, danger, situation dangereuse, exposition, risque, dommage, application d’un modèle de danger.
Présentation des principaux phénomènes dangereux rencontrés en entreprise.
Présentation d’une grille GXP outil d’aide à l’estimation et à l’évaluation des risques.
Stratégie pour la prévention, les principes généraux, la sélection des mesures.
Pratiques pédagogiques
• Présentations ppt.
Objectifs pédagogiques « être capable de » :
• Manier les concepts de base ;

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• Repérer les qualités d’une démarche de prévention.
5. l’évaluation des risques en entreprise
Durée: 2 x 1 h 30
Il s’agit de présenter une démarche compète d’évaluation des risques en entreprises, depuis la fixation initiale
des objectifs et la mobilisation des moyens, jusqu’au suivi de l’efficacité des mesures mises en œuvre. L’accent
est mis sur les trois étapes clefs que sont l’identification des phénomènes dangereux et des situations
dangereuses qui en découlent, le classement puis l’évaluation des risques, l’inventaire des possibilités et le choix
des mesures de prévention.
Pratiques pédagogiques :
• Présentation ppt de la démarche et rappels sur le modèle de danger utilisé;
• Projection d’une vidéo, travaux dirigés en groupes structurés en 3 phases ;
• Restitutions intermédiaires, discussions et mise en perspectives des réflexions.
Objectifs pédagogiques « être capable de » :
• Conduire une démarche d’évaluation sur un système simple ;
• Contribuer à une démarche d’évaluation des risques dans une entreprise.
6. Repères sur l’analyse d’une situation de travail
Durée: 2 x 1 h 30
Il s’agit d’une initiation à l’approche ergonomique à travers la présentation des composantes du travail, le
repérage des notions de travail prescrit et de travail réel.
la description du modèle « déterminants / activité / effets » permet une approche sommaire du système de travail
et des éléments qui le constituent, des relations qu’il met en jeu.
Les concepts de diversité et variabilité des hommes et des situations sont présentés et illustrés.
L’observation des comportements des opérateurs et la conduite d’entretien avec eux, techniques de base
nécessaires pour mener l’analyse de l’activité, sont expliquées et commentées.
Pratiques pédagogiques :
• Présentation ppt de quelques concepts ou notions ;
• Projection d’une vidéo et travaux dirigés en groupes structurés en 2 phases distinctes avec
partages intermédiaires et discussions.
Objectifs pédagogiques « être capable de »:
• Voir l’intérêt de l’approche ergonomique pour la prévention et pour la performance d’un système
considéré ;
• Réaliser une analyse sommaire d’activité ;
• Adopter, dans sa fonction, un point de vue prenant en compte l’homme au travail.
Il est proposé aux élèves de réaliser à la suite de ce cours une application qui consiste à analyser des situations
réelles de travail. Des groupes d’élèves sont alors constitués pour traiter de cas diversifiés par nature et par
secteur d’entreprises. Le choix des modalités pratiques incombe à l’école selon le contexte et ses spécificités.
7. Restitution des travaux d’application d’analyse du travail
Durée : 1 h 30
Il s’agit pour les élèves lors de cette séquence de partager les résultats de ces travaux d’application.
Pour chaque cas abordé, le contexte spécifique est présenté en donnant un aperçu de la situation globale de
travail dans lequel il s’inscrit. Le choix de l’objet d’étude est expliqué et commenté en fonction des enjeux
concernés.
Le problème identifié est exposé en terme de travail réel, de résultats et effets constatés, de déterminants en
cause.
Des axes de progrès ou principes de solutions sont proposés à l’évaluation.
Pratiques pédagogiques :
• Présentations ppt par chaque groupe d’élèves ;
• Discussions et commentaires des intervenants avec les groupes et l’animateur.
Objectifs pédagogiques « être capable de » :
• D’exprimer des besoins ou exigences ergonomiques;
• De confronter ses points de vue avec ceux des experts.
8. le processus de conception et la S&ST
Durée : 2 x 1 h 30
Les pratiques actuelles en matière de conception, avec prise en compte partielle, voire tardive des enjeux en
santé et sécurité au travail, les limites quant à l’adaptation du travail à l’homme.
Le choix de l’objet de conception, qui doit comprendre certes l’équipement technique, mais aussi ses usages et
ses évolutions dans le temps, et l’intégration dans le ou les systèmes de travail visés.
Le processus de conception, les relations entre les acteurs, l’expression ou la traduction des exigences.
Pratiques pédagogiques :

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• Présentation ppt ;
• Discussion sur la base d’une étude de cas ;
• Commentaires sur les résultats des travaux d’application en entreprise.
Objectifs pédagogiques « être capable de » :
• Argumenter pour l’intégration de la S&ST lors de la phase de conception ;
• Considérer lors d’une démarche de conception tout objet technique comme élément d’un système
de travail ;
9. le management de l’entreprise et la S&ST
Durée : 1 h 30
La notion de management est mise en perspective avec celles de prise de décision, de choix d’objectifs ou de
finalités, de défense de valeurs ou de respect de règles.
Les étapes clefs de la démarche d’évaluation des risques sont discutées
Pour différents niveaux de management, des principes de réponses à quelques situations types sont commentés.
Les principaux systèmes de management objet de référentiels reconnus sont présentés avec leurs apports et leurs
limites. L’accent est mis sur les particularités du domaine de la santé et sécurité au travail.
Pratiques pédagogiques :
• Présentation ppt ;
• Discussion sur la base d’une étude de cas ;
Objectifs pédagogiques « être capable de » :
• Justifier le choix d’un style de management ;
• Repérer les principaux référentiels de systèmes ;
• Identifier les spécificités du management de la S&ST.

69
Avis de la commission pédagogique nationale et de
l’assemblée des chefs des départements HSE des IUT

70
Participation à la mission sur la formation en Santé Sécurité du Travail des managers et ingénieurs
-Avis motivé de la CPN et de l’ACD HSE – MENESR-

PREAMBULE
Depuis leur création il y a maintenant près de 40 ans, les départements Hygiène Sécurité
Environnement s’efforcent de former au mieux des professionnels de la prévention en entreprise en
considérant les différents aspects des métiers de l’HSE : humains, organisationnels, réglementaires et
économiques.
Plusieurs milliers de diplômés de la Santé et de la Sécurité au travail ont ainsi été recrutés au sein
d’entreprises (de tous secteurs d’activité, de toutes tailles, relevant du secteur public ou privé), dans
les collectivités territoriales, des services de santé au travail, des sociétés d’assurances, des
organismes de contrôle … issus de cette filière universitaire professionnalisante. Ils ont acquis et
mettent quotidiennement en pratique:
- des connaissances scientifiques, permettant d’analyser les phénomènes de pollution et
d’effet, de nuisances pour l’homme et son environnement et les questions de santé et sécurité
au travail.
- Des connaissances juridiques et réglementaires, qui précisent comment la société définit,
réglementent et contrôle ces phénomènes,
- des connaissances en sciences humaines, pour comprendre comment l’homme, seul ou en
groupe, perçoit, réagit et comment on peut l’expliquer et convaincre.
Ces préventeurs, « spécialistes » du management de la prévention ne trouvent aucune difficulté pour
s’intégrer dans les entreprises industrielles…si ce n’est souvent l’organisation structurelle de
l’entreprise dans laquelle ils exercent et la méconnaissance parfois étonnante des problématiques
liées au domaine de la Santé et de la Sécurité au Travail, de la Sécurité des biens et de la Protection
de l’Environnement.
La position « fonctionnelle » de ce préventeur technique dans l’entreprise, qu’il soit issu d’un DUT
HSE ou d’une école d’ingénieurs spécialisée dans le domaine, n’apparaît pas de façon évidente. Il
peut être tour à tour rattaché à la direction, aux services techniques, au service QHSE, selon la
nécessité historique de la création de ces services ou de ces fonctions, qu’elles soient liées à des
revendications sociales, à la recherche d’une certification ou à des exigences réglementaires.
L’organisation et l’évolution des départements HSE des IUT Français et la formation des techniciens
supérieurs HSE est en grande partie confiée à deux organismes :
- l’Assemblée de Chefs de Départements (ACD), constituée de professeurs d’université, de
maîtres de conférence, d’agrégés ou certifiés, (personnels issus de diverses thématiques
universitaires et fortement impliqués dans l’ingénierie pédagogique de la Santé au Travail,
confrontés en ce sens aux milliers d’anciens étudiants, professionnels et acteurs de la
prévention dans le domaine HSE ou ayant évolué dans d’autres voies de l’entreprise,
- la Commission Pédagogique Nationale (CPN), qui possède en son sein, outre des
enseignants, des professionnels et experts de la prévention en entreprise, des syndicalistes,
des membres du patronat français, des managers et décideurs issus d’organismes de
contrôle ainsi que des Ministères concernés (MENESR, Ministères du Travail et de l’Intérieur,
MEEDDAT, Ministère de la Santé).
La dernière refonte du programme pédagogique national a donné à ces assemblées l’occasion de
réfléchir de façon approfondie sur les besoins des entreprises en matière de Santé et Sécurité au
Travail.
En outre, parmi les membres de ces deux Assemblées, de nombreux enseignants interviennent dans
les formations en HSE figurant dans le cursus d’ingénieurs et de managers dans le domaine de la
santé au travail, du fait d’une expertise reconnue dans ces domaines.
Il faut aussi signaler par ailleurs que l’attention portée aux réseaux d’anciens diplômés et les
collaborations développées avec les responsables d’entreprises lors des visites de stages et à
l’occasion des conférences à l’IUT permettent de déceler les évolutions des métiers et d’adapter en
conséquence le contenu des formations. Dans ce contexte, les retours d’expérience en provenance
des entreprises sont d’autant plus précieux, bénéfiques et constructifs que les responsables (cadres
de production, de direction, de recherche-développement,…) ont été sensibilisés aux différents
aspects de la prévention. D’où la nécessité pour ces interlocuteurs d’être formés et informés de leurs
responsabilités en matière de SST. A ce titre, les équipes pédagogiques des départements HSE
participent activement aux actions de formation permanente demandées par les entreprises pour leurs
salariés (opérateurs et cadres).

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État des lieux dressé par les départements HSE au regard du référentiel de
formation SST
Compte tenu des éléments précédents, l’Assemblée des Chefs de Département HSE et la
Commission Pédagogique Nationale ont exprimé leur surprise et leur étonnement de ne pas être
intégrées spontanément à ces travaux d’élaboration d’une formation spécifique en Santé et Sécurité
au Travail à destination des managers, ingénieurs et techniciens supérieurs confrontés à ces
problématiques… ils vous soumettent, dans ce document, une synthèse des réflexions menées par
une centaine de leurs collègues issus et consultés par ces institutions pédagogiques et entreprises
publiques et privées.
L’enjeu est important: lorsqu’un chef d’équipe, un responsable de production, un manager sera formé
à la Sécurité, il aura, en conséquence de la refonte du Code du Travail, une responsabilité en qualité
d’ « employeur ».
Pour y faire face, nous proposons donc un modèle basé sur 3 révolutions indispensables :
- une révolution pédagogique,
- une révolution culturelle,
- une révolution épistémologique.

Une révolution pédagogique

Lorsqu’on forme des ingénieurs aux problématiques de santé, il leur est présenté une vision de la
sécurité industrielle et de la santé au travail, quasiment exclusivement basée sur leur propre
champ de compétences. Il est indispensable de prendre le contre-pied de ces pratiques et
d’élargir la formation de nos cadres à une vision plus globale des enjeux industriels.
Combien d’heures d’enseignements un ingénieur centralien ou issu de l’ENSAM a-t-il reçu pour
acquérir une véritable formation à la sécurité durant son parcours universitaire ou à l’École ? Et si
cette formation a été prodiguée, lui a-t-on donné l’importance qu’elle mérite relativement aux
enseignements du « cœur de compétences » ?
Les écoles d’ingénieurs ne se sont jamais approprié la production de l’enseignement de la Santé
et de la Sécurité. Ces disciplines sont alors perçues par les étudiants comme un complément
« annexe » à leur formation, comme quelque chose de rajouté et d’ailleurs, la plupart du temps,
non enseigné par un professeur permanent de l’établissement. Chacun des formateurs de ces
établissements doit intégrer dans son propre enseignement la vision de la Santé et de la Sécurité
au Travail. Les enseignements de thermodynamique et de chimie n’intègrent pas de façon
évidente la réglementation sur l’explosion, les risques toxicologiques, l’incendie : ces trois aspects
sont intégrés dans des « patchs supplémentaires », rarement dans la formation initiale. De la
même façon, un enseignement sur la connaissance du milieu ouvrier, du milieu industriel doit
intégrer une partie traitant de la dimension humaine prise sous son aspect sécurité. Enfin, en
matière de contenu, le rapport Légeron-Nasse vient de montrer l’urgence d’aborder, dans la
formation des ingénieurs et décideurs les aspects psycho-sociologiques de la vie au travail. Le
stress, la fatigue, la dépression sont de véritables fléaux qui frappent à la fois les salariés, les
techniciens, les cadres et les managers de nos entreprises et collectivités nationales.
En outre, ces enseignements paraissent trop souvent en opposition avec la contrainte
économique: la notion de développement durable doit être au cœur de la formation des décideurs,
les trois pôles appuyant la décision ont égale d’importance: le facteur économique ne doit pas
primer sur les facteurs environnementaux ou sociaux.
Le Management, qu’il soit technique ou organisationnel, est avant tout celui de la Sécurité et de
l’Environnement : le seul rôle du manager est que « tout se passe bien ». Or on considère
actuellement que le responsable du service HSE est uniquement un « fonctionnel » et a peu ou
pas d’importance sur la partie opérationnelle. La peur de la responsabilité pénale vient encore
plus biaiser la politique de santé au travail, qui n’est alors plus une politique de collaboration,
d’incitation, mais une politique de sanction appuyée uniquement sur l’obligation et son risque
juridique.
Nos dirigeants et managers d’entreprises pensent encore trop souvent que la Sécurité est un frein
à la compétitivité économique. Lorsqu’une formation est proposée sur la sécurité en entreprise, le
public industriel n’est pas intéressé. Lorsque cette formation a trait à la responsabilité pénale, les
salles sont toujours remplies. L’évolution de la fonction d’ingénieur dans l’entreprise est claire,
avec de moins en moins de technique et de plus en plus d’organisation et de management et

72
l’acquisition des référentiels de management de la Sécurité ou de l’Environnement de l’entreprise
(nature et populations humaines à protéger) est essentielle.
Il faut intégrer à chaque module d’enseignement, la partie Sécurité et Santé au Travail, pour faire
admettre à un cadre que, quelle que soit la tâche qu’il est amené à effectuer, la santé et la
sécurité au travail de leurs subordonnés dont ils organisent l’activité, doivent y être intégrées.
Des pédagogies nouvelles doivent être employées : même s’il ne faut pas réduire la discipline
Sécurité à la mise en œuvre d’outils, on peut observer que les jeux de simulation en Économie
sont extrêmement répandus et qu’il en existe très peu dans le domaine de la sécurité (type
« serious games ») : la simulation de situations de Gestion de crises, encore moins celle des
accidents et presque accidents est encore trop peu répandue. Elle doit faire la synthèse sur un
même outil entre les aspects techniques, organisationnels et humains de la situation à gérer.
En matière de Sécurité et de Santé au Travail, les trois facettes du triptyque sont indissociables :
savoir, savoir faire, et aussi important que les deux premiers : savoir être. On pourrait même
ajouter une quatrième facette: savoir devenir.
Enfin, dans un cursus de formation quel qu’il soit, il faut amener la preuve que les capacités
minimales pour exercer ont été acquises. Il paraît donc nécessaire de créer un observatoire de
l’efficacité de ces formations, relativement aux compétences des décisionnaires en matière de
sécurité, comme on peut les évaluer en matière d’économie.
Des questionnaires adressés aux étudiants et ex-étudiants, à l’École et en poste, issus des
différentes formations concernées pourraient ainsi être réalisés pour obtenir un retour
d’expérience sur ces thématiques - Début de travail en cours dans le cadre du groupe « ARI »
avec les Ecoles des Mines, l’ENSAM et l’INRS.

Une révolution culturelle

La culture de l’outil doit laisser la place à la culture de l’homme. L’Homme doit ainsi être placé,
dans la formation de nos cadres, au centre des préoccupations, d’abord à son poste de travail,
puis dans l’entreprise et enfin dans son environnement global.
Cette sensibilisation à la sécurité commence d’abord au jardin d’enfants, dans la pratique de
l’écoute et de la politesse en maternelle et pourra aboutir en fonction de ces pré-requis, quelques
années plus tard, à une modification du processus décisionnel du manager de l’entreprise.
La différenciation n’a jamais été faite entre sensibilisation, éducation et formation. On ne peut
répondre aux questions posées que dans le cadre de cette conscience globale.
On définit encore trop souvent l’accident par les causes ou les conséquences qu’il a eues. Il faut
connaître les déterminants avant de faire de la prévention. L’accident n’a pas seulement pour
origine la « technique », mais ce qui compte avant tout c’est ses conséquences. Elles proviennent
aussi de la méconnaissance des phénomènes, des énergies, des comportements liés à une
activité donnée.
La sécurité et la santé sont des mots magiques… mais tellement dévoyés. On accepte
culturellement 5000 décès sur la route, essentiellement pour des raisons économiques, alors que
nombre de nos concitoyens roulent en voiture en manifestant des comportements déplorables : là
encore, une révolution culturelle est nécessaire. La vision française de la responsabilité et du coût
de la réparation est heureusement toujours d’actualité, mais certaines notions bloquent cette
révolution culturelle. On évalue encore trop les industriels sur les moyens qu’ils ont mis en œuvre
dans telle étude d’impact ou de dangers, dans telle autre évaluation des risques, et l’évaluation
sur les résultats obtenus n’est pas encore culturellement acquise: dans un pays de tradition judéo-
chrétienne, la mort n’a pas de prix… et on la quantifie difficilement. La simple « sécurité des
équipements ou des bâtiments » ne suffit plus et il faut privilégier l’aspect humain, oublié et parfois
pire, dévoyé.
La notion de dommage écologique vient également d’être reconnue : ce préjudice écologique
implique des acteurs qui ont, d’après la loi ou en fonction d’une responsabilité morale ou sociale,
le devoir de le gérer au niveau d’un territoire est un concept nouveau. Les collectivités et les
associations seront, sur ces sujets des acteurs de responsabilité et de décision qui vont
dorénavant compter et qui seront les interlocuteurs des décideurs et ingénieurs des entreprises
productrices d’aléas écologiques et d’enjeux à la fois humains et économiques.
Enfin, une véritable réflexion culturelle et pédagogique doit aussi être menée sur les notions
d’obligation et d’incitation. Enfin, parmi les notions qui doivent être développées dans la culture de
nos décideurs en matière de santé et de sécurité, il est indispensable de trouver une place à ce
que représentent une sanction acceptable et une sanction inacceptable : il n’y a pas d’activité
sans contrôle et pas de contrôle sans sanction : il n’y a donc pas de sécurité sans sanction. Dans

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une société de type anglo-saxonne, l’obligation n’est pas nécessaire pour fonctionner…ce qui
n’est pas vraiment le cas dans la mentalité française.

Une révolution épistémologique

Il n’est plus question d’aborder la santé au travail uniquement au travers d’une vision disciplinaire
par nature réductrice, mais aussi avec les yeux de l’Ergonome, du Développement Durable, de
l’ingénieur de production… Là encore, une présentation globale est nécessaire, pour éviter le
« saucissonnage des connaissances » dans les formations actuellesl.
Il y a maintenant plus de 50 ans s’est posée la question du manager en matière de gestion des
procédés industriels. Quel était le référentiel nécessaire pour concevoir et conduire un procédé
sur une usine de production. Un chimiste, un physicien, un mécanicien des fluides, aussi
compétents soient-ils dans leur matière de prédilection sont-ils aptes à construire et à faire tourner
une raffinerie, dans laquelle n’existent, a priori, que des phénomènes physiques ou chimiques.
C’est alors progressivement mise en place la discipline du Génie des Procédés, encore souvent
perçue par ces physiciens et chimistes comme empirique ou réductrice, mais indispensable au
milieu industriel, car répondant à des attentes concrètes et précises des entreprises de
production. Il s’agissait donc d’imposer cette discipline, afin que sa spécificité soit reconnue.
Tous les chefs de département HSE ont connu de façon récurrente la sempiternelle question de la
section universitaire à choisir pour recruter le meilleur profil enseignant, sans froisser la
commission de spécialistes en question.
Les dossiers retenus dans les appels d’offre de recherche sont pour leur plus grande part des
dossiers éminemment techniques et disciplinaires. Des efforts ont été réalisés pour intégrer la
Sécurité Globale, le Développement Durable, mais sans véritable référentiel correspondant.
Il n’existe pas de discipline reconnue de la Santé et Sécurité au Travail et tant que cela perdurera,
aucun enseignant exerçant dans une formation universitaire ou autres écoles d’ingénieurs ne
pourra se reconnaître de cette discipline et donc s’y impliquer et s’y intégrer totalement. Pour
mettre la santé au travail au cœur des préoccupations, il faut supprimer l’asservissement de cette
discipline à toute autre discipline universitaire et créer une véritable discipline, avec des
référentiels précis et reconnus : une section universitaire « Sécurité Globale » serait d’une grande
utilité. Chaque enseignant élabore ses supports de formation en fonction de ce qu’il sait faire: il
faut donc inciter au maximum les enseignants à connaître le domaine de la Santé Sécurité au
Travail, par la reconnaissance de cette discipline et favoriser ainsi leur implication dans ce
domaine.
Il ne peut y avoir crédibilité que s’il existe une véritable discipline, reconnue, différente de la
physique, chimie, droit ou biologie appliqués, mais les utilisant toutes de façon transversale. : une
Systémique, par essence coordonnatrice, est indispensable à cette discipline.

Conclusions

Il n’est pas question de confondre le manager de la prévention et le manager d’entreprise. Le rôle


du premier cité est clairement identifié et les connaissances qu’il doit acquérir au cours de son
cursus sont clairement connues : ce sont celles du DUT HSE ou de toute autre formation
pluridisciplinaire répondant au triptyque décrit plus haut.
Il s’agit ici de construire le cadre qui va permettre de gérer, de comprendre l’utilité et d’encadrer
ces « préventeurs techniques ». Les DUT HSE conduisent à l’exercice d’un métier. La formation
en HSE du manager ne doit pas conduire à un nouveau métier, elle doit permettre d’intégrer une
discipline à un métier existant. Certaines fonctions du manager paraissent évidentes, comme
celles de répondre à des besoins du client en terme de production, de bénéfices, de
certifications… D’autres nécessitent d’être affirmées, comme la responsabilité sociale liée au
respect de contraintes sur les problématiques de santé, sécurité ou environnement. Tous les
managers connaissent-ils actuellement leur responsabilité en matière de santé au travail ?
Le manager s’appuie sur les compétences qu’il a autour de lui. Il est supposé agir au sein
d’équipes de conception et de comités, à l’élaboration de projets. Il doit être sensibilisé à ce qui
existe en terme de Santé et de Sécurité au Travail dans l’entreprise et à ce qui l’attend s’il ne
répond pas aux contraintes liées à la santé au travail. On ne doit plus rencontrer de manager
responsable d’entreprise qui s’appuie sur un ergonome pour traiter un problème simple de
ventilation d’un atelier demandé par un CHSCT, alors qu’un chauffagiste de l’entreprise pourrait
traiter le problème plus simplement en prenant simple conseil auprès de l’ergonome ou du

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préventeur (qui disposeraient ainsi de plus de temps pour s’intéresser aux problèmes concrets de
prévention en entreprise).

Au vu des réflexions précédentes, l’Assemblée de Chefs de Département et la Commission


Pédagogique Nationale HSE proposent quelques pistes pour répondre aux questions qui sont posées
dans le cadre de cette mission:

- Nécessité d’un volet Sécurité et Santé au Travail dans l’ensemble des modules de formation
des techniciens supérieurs, ingénieurs et managers
- Articulation des formations autour de la notion de développement durable de l’entreprise, et ce
quelles que soient les disciplines enseignées.
- Reconnaissance d’une discipline traitant de façon globale de tous ces aspects par la création
d’une section universitaire « Sécurité Globale », pour éviter l’externalisation systématique des
enseignements de cette thématique, sensibiliser, faire connaître, permettre la transversalité et
le partage d’expériences…
- Prendre le « contre-pied pédagogique » à la formation de cœur de compétence, en parlant
« technique » à des étudiants en gestion et « social » à des élèves ingénieurs.
- Nécessité de définition d’indicateurs de suivi de formation tout au long de la vie des décideurs
et ingénieurs par la création d’un observatoire de la formation en Santé au Travail
(observation dans le temps de l’évolution des contenus, des temps de formation et
d’éducation de leurs efficacités et efficiences respectives…).

De nombreux organismes cités parmi les écoles d’ingénieurs, les écoles de commerce ou de gestion,
les universités et autres formateurs de cadres sauraient intégrer la Santé et la Sécurité au Travail
dans le cursus de formation s’ils s’en donnaient la peine ou s’ils en voyaient l’intérêt. Pour un
manager, tout doit apparaître comme Sécurité et Santé au Travail, au même niveau que l’Économie et
la Technologie. Il n’est pas forcément nécessaire d’intégrer des enseignements nouveaux par rapport
à ceux qui sont prodigués, mais de proposer des modifications de leurs didactiques de présentation
en fonction des objectifs souhaités.
Rappelons enfin que l’entreprise a une mission de formation et un rôle social : l’Homme doit être placé
au cœur de ce système, quels que soient les problèmes techniques et économiques qui sont
rencontrés, et de façon d’autant plus nécessaire lorsque les contraintes techniques et économiques
sont importantes. Cette dernière problématique pédagogique doit imprégner toute sensibilisation,
formation ou éducation des futurs cadres dirigeants et techniques des Entreprises et Collectivités
publiques françaises.

M MAUCUIT, Président de la CPN HSE,


M LESBATS, Secrétaire de la CPN HSE,
M MADEC, Vice-Président de l’ACD HSE.

75
Contribution du Bureau national des élèves ingénieurs
représenté par M. Mathieu Bach

76
77
Données sur les effectifs d’étudiants des écoles d’ingénieur
et de commerce

78
écoles % de femmes
nombre d'écoles élèves en flux de sortie
stock en 2004

ingénieurs 247 101.378 26.817 24,7

commerce 223 85.092 25.179 47,5

Source : RERS 2006-2007, ministère de l’Éducation nationale

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