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Jean-Clet Martin
ERES | « Chimères »
2010/2 N° 73 | pages 91 à 97
ISSN 0986-6035
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-chimeres-2010-2-page-91.htm
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JEAN-CLET
MARTIN
Philosophe
http://jeancletmartin.blog.fr
suivant la force vive d’un conatus, d’une vie articulée par des lois qui
ne sont pas celles du choc, ni du mouvement mécaniquement trans-
mis par des ressorts ou des impulsions, fussent-elles impétueuses.
Conatus ne signifie pas vraiment impetus. Ce sont là deux concepts
des physiciens du Moyen Âge pour animaliser la matière mais tout
autant matérialiser l’animal. Ce serait très beau de soutenir que la
pierre tombe et que son mouvement s’accélère par impétuosité,
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Il y a bien des mobiles. Un corps ne se meut pas sans passer par les
lois générales du mouvement ! C’est inévitable ! Mais Maine de Biran
objectera fort justement aux physiciens qu’il faut encore supposer de
l’effort ou de la motivation. Mobile et motif ne se distinguent pas
seulement selon la ligne d’une dualité morale. C’est à tort sans doute
que l’on considère le comportement animal comme une inclination
déployée selon la courbe d’un instinct, c’est-à-dire sans y être pour
quoi que ce soit, n’étant que réaction à des stimuli auxquels il serait
comme aveugle. L’idée d’un animal-machine est une contradiction
dans les termes, une surdité même vis-à-vis de l’âme qui s’exerce dans
l’animation animale conçue comme plan d’immanence.
Où et quand commence cette mobilité capable de s’affecter elle-
même, sur quelle frontière se tient l’auto-affection caractérisant
l’animal, c’est là un problème tellement difficile à résoudre que
Leibniz refusera l’idée d’atome si on n’inclut pas dans ce concept le
prédicat de spirituel parlant dès lors d’un atome spirituel. La matière
et l’esprit ne sont donc pas séparables, toute matière étant déjà ani-
malisée de l’intérieur comme une entité pour laquelle on cherchera
un nom nouveau, celui de monade. Le monde est peuplé de
monades, empli d’animaux eux-mêmes composés d’animaux dans
une espèce d’animisme universel dont aucun dualisme ne permet
d’instaurer une frontière, une limite de séparation. Le mot dualisme
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vont s’emparer des individus pour les ranger dans des agencements
supra-individuels comme dans l’art militaire dont les figures anima-
lisées serviront à nommer des dispositifs en crabe ou en tortue…
Sous l’injonction de cette composition étrange en laquelle se coulent
les individus naissent des formes aussi puissantes que les bancs formés
par les poissons, les essaims, les meutes dont on peut laisser voir la
turbulence collective. Rubens, en visualisant les mouvements de la
fête, n’est pas insensible à cette farandole des humains en laquelle ils
s’inscrivent pour devenir autre chose, des animaux secoués d’un
rythme surprenant, empruntant les pas de la tarentule ou de la taren-
telle : noms d’un animal comme d’une danse. L’étrange distinction
des animaux et des hommes reste donc finalement très ambiguë et
montre partout des porosités que l’artiste aime à suivre. La frontière,
la limite de séparation ne sont que le résultat d’une croyance, d’un
partage qui ne ressortissent pas même au Christianisme pour autant
que la vie chrétienne marque un étrange goût, une curieuse relation
aux animaux, non pas seulement sous la figure de François d’Assise
mais sous celle des martyres qui parfois y trouvèrent des alliés et des
complices, au point d’imposer le respect aux fauves ou au contraire
de se laisser dévorer dans l’extase.
L’animal n’a été exclu de l’horizon de notre humanité qu’au siècle de
la raison, un moment où il s’est agi d’expurger de la matière toute
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