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DISCERNEMENT
Dominique Bessire
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ISSN 1262-2788
ISBN 2711734188
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2002-2-page-5.htm
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Recherche ( critique ))
en contrôle de gestion :
exeîfcer s 0n d,is cernernent
Dominique BrssInE-
t în monagemenl
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Résuné Abstract Crîtical rosaarch
Les dernières decennies de recherche en ggo"gW:!*sût"ls_t_ss-tgisgle:
contrôle de gestion ont rru l'émergence dune During tbe |ast dccadet research in the feld of
multitude de perqpectives qui afichent leur oppo- rnanagement control has bem characterised by the
sition au structuro.fonctionnalisme ou au positi- ernergence ofa great uariery ofnends which chirn
visme et, pout c€tte raison, sont fiÉquemment th eir rej ea of structuro-functionnalism or ofp osi.
regroupées sous I'intitulé u courant critique >. lJne
tiaiçm and therefore are refrned to as < criti.cal >.
série de carts,:homologues foumit au chercheur
A series of homological maps prouidzs the schohr
les outils de discernement épistémologique
with toob wbirh can he/p him ts discriminzæ
susceptibles delui permeme doffrer ses choix en
among tbe diferent approarhes and to deuelop his
connaissance de muse, Ta carte qui synthétise les
e?istenological contcibusness, Tbe map utbich
r6ukats de I'andysg momre qu€ certaines pers-
sumrnarises the resub of tbe analysàs shows that
pectives de recherche ,, critiqtre D, tout en le
d&riant, ne font qrc tenforcer le paradigme natu- some pmpectiues, in sphe of wbat they ckim,
nliste, combimisn de matérialisme et de struc- tend n rànforce the nnturalistic paradigm which
turalisme. EIle révèle aussi la rareté de la référence comhines materia/isrn and stnr.cturalism. It also
au paradigme diamétralement opposé, le para- reaeals the paucity of the refermce to the Wrn*
digme cularraliste, qui croise humanisme et idea- tric paradîgm, cuburalism, uthich associates
lisme et qui, seul, accorde [a primauté à l'ête humanivn witlt idealism and is the only one to
humain etàsa soif de réalisation. insist orc tlte primacy of the harnan being.
Le corpus scientifique qui guide la recherche en contrôle de gestion s'inscrit à l'origine dans un
mouvement qui articule innovations instrumentales (calcul des coûts, contrôle budgétaire, tableau de
bord, etc.) et effort de conceptualisation, illustré de manière emblématique par les propositions
d'Anthony (1965). ks recherches se réfèrent alors principalement aux développements de la théorie
des organisations (école classique, école des relations humaines, approches contingentes, théorie
contracnrelle, etc.). Au-delà de la diversité des hypothèses qui les fondent, une finalité commune les
anime : donner aux entreprises les moyens d'accroître leur efficacité et leur efficience. Cet ensemble
de recherches forme ce que l'on a coutrune d'appeler le n courant orthodoxe >, qui est longtemps resté
non seulement le courant dominant, mais aussi le seul à êue considéré comme sciendfique.
À partir des années soixanteJ.ix, d'autres recherches, nourries par les apporrs de la sociologie et de
la philosophie, remeûent en cause cette orientatien. Fjlss constituent progressivement un ensemble de
plus en plus étoft, mais aussi de plus en plus hétérogène, aux contours assez flous. Ces recherches, en
effet, ne se rejoignent guère que dans leur colnmrure opposition au courant n orthodoxe )) et, pour cette
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raison, s'abritent volontiers sous des intinrl& vagues tels que courant n critique ) ou ( construcdvisme >.
Longtemps demeuré minoritaire, ce type de recherches asseoit peu à peu sa légitimité et connaît aujour-
d'hui un engouement croissant qui nous semble cependant reposer sur des bases mal assurées.
La prolifération des perspectives de recherche confronte en effet le chercheur à la quesdon du
choix d'un cadre théorique peftinent, sans qu il dispose des outils qui lui permettraient de prendre
une décision en connaissance de cause. Dans la jungle des théories, il erre sans boussole et peine à
trouver son chemin. Il arrive ainsi que la sélection d'une perspective théorique relève du hasard
(lecrures, rencontres, etc.), voire des efFets de mode. Le chercheur adopte alors une position relativiste
(toutes les théories se valent), mais sans en avoir nécessairement conscience. D'autres fois, le chercheur
adopte délibérément une posture n critique ) et se met en quête d'un référent théorique qui lui
permette d'accorder ses recherches à ses convictions ; armé de ses seuls bons sentiments, il peut cepen-
dant se fourvoyer et s'engager, à son insu, dans une voie à l'opposé de celle qriil croyait emprunter.
Dans les cas les plus extrêmes, la théorie ne semble avoir d'autre fonction que d'habiller, vaille que
vaille, les résultats de la recherche, potrr répondre aux impératifs supposés de la démarche scientifique.
Dans aucun des cas, la cohérence méthodologique n'est assurée.
la première ambidon de notre étude est donc de fournir au chercheur les outils de discernement
qui lui font aujourd'hui défaut et qui seuls lui permettraient d'exercer un choix en toute conscience. la
première panie de l'article pr&ente en conséquence un ensemble d'outils suscepdbles de satisfaire à cet
objectif, une c:rrte épistémologique générale et ses dédinaisons, dans le champ des logiques explicatives
de I'organisation d'une part et dans le des conceptions du contrôle de gesdon d'autre pan (1.).
"h*p
l,a seconde panie de I'article illustre I'usage qui peut être fait de ces cartes. Le choix du terrain
d'application, le courant de recherche n critique u, est dicté par plusieurs considérations. La première
est l'extrême confusion qui règne aujourd'hui, nous semble-t-il, au sein de ce courant ; le besoin de
repères Êables s'y manifeste avec d'autant plus d'acuité. Nous proposons donc au lecteur un premier
pârcours guidé dans ce champ foisonnant. La deuxième est notre volonté de restaurer le sens du mot
n critique o dans sa pleine acception. Ce qudificatif, sauf à en affaiblir inconsidérément le sens, ne
devrait en effet s'appliquer qu à des perspectives de recherche capables d'expliciter leurs fondements,
de manière à permettre au chercheur d'exercer son discernement ; le rejet affiché du paradigme
n onhodoxe ,> ne peut raisonnablement à lui seul tenir lieu de critèrel. [,a dernière raison réside dans
la finalité ultime de cette étude. Le repérage épistémologique ne consdnre en effet que la première
CoMpT BIurrE - Coll.rRôr-E - Auorr / Tome 8 - Volume 2 -novembre 2O02 (p. 5 à, 28)
Dominique Brsslnr
RECHERCHE. CRITQUE " EN CONTRÔLE DE GESTON:
EXERCER SON DISCERNEMENT 7
étape d'une entreprise plus vaste, à savoir I'identification de perspectives de recherche qui permettent
de renouveler notre conception du contrôle de gestion en le fondant sur des valeurs explicitées et en
le mettant au service de I'accomplissement simultané de la vocation des êtres humains et des organi-
sations dans lesquelles ils exercent leur activité. Comme nous le verrons, c'est au sein du courant
n critique > que ces pistes de recherche alternatives peuvent être identifiées (2.).
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peuvent être matérialisées sur des cartes susceptibles d'être déclinées, selon un principe d'homologie,
en autant de versions qu il y a de champs d'étude considérés (1.2). Hopper et Powell (1985) ont mis
en æuvre une démarche qui s'apparente à la nôtre ; il nous a donc semblé utile de comparer nos
approches respectives ( 1.3).
spécifiques et des cartes générales. Les premières permettent d'analyser un objet particulier : une
entreprise, un concept (la qualité, la culture, etc.), un processus (l'aménagemenr du territoire, la
construction européenne, etc.). Les secondes se rangent en trois catégories : carres phénoménolo-
giques qui permettent de scruter des pratiques, cartes téléologiques qui aident à comprendre les
logiques à l'æuvre dans les processus de changement et enfin cartes épistémologiques qui sont spéci-
fiquement conçues pour analyser des théories et des logiques explicatives. C'est cette dernière carégo-
rie de cartes que nous utiliserons ici.
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lisme et humanismea (figure 1).
Figure 1
idéalisme
CONSTRUCTIVISME
culturalisme
numantsme structuralisme
naturalisme
POSITIVISME
ET RÉALI5ME
matérialisme
Lopposition entre mathialisme et idéalisme concrétise un débat qui parcourt la philosophie depuis
ses origines. Dans une perspective matérialiste, les choses sont ce qu elles sont et la fatalité règne en
maître ; la subjectivité5 est occultée et l'accent est mis sur les n fairs ,. Lidéalisme, tres présent dans la
philosophie allemande de la fin du XVIII. siècle (Kant, Fichte, etc.) jusqu à nos jours (Habermas),
renvoie en revanche à I'autonomie absolue du sujet et à son libre arbitre comme principes fondateurs.
En d'autres mots, tandis que le matérialisme voit en l'homme un être aliéné par des forces qui le
dépassent (ses instincts, les n lois , de la naû.lre, etc.), I'idéalisme souligne sa vocarion à s'émanciper.
l,a première orientation s'accorde à I'hypothese ontologique tandis que la seconde renvoie à I'hypo-
these téléologique (L,e Moigne, 1995, p.66-88).
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tivistes au-dessus de cette diagonale.
Les deux axes génèrenr quarre paradigmes types : rationalisme idéaliste, naturalisme' animalisme
et culturalisme.
Le rationalisme idy'aliste esr, pour I'essentiel, un héritage de la pensée des Lumières. S'il fait de la
raison le principe explicarif du monde et la source de toute connaissance, il la met au service de
l'émancipation de I'humanité. C'esr donc en se conformant de plus en plus étroitement à ses lois que
se râlisera I'idâl de progres assigné à la société humaine.
Le naturalisme (ou rationalisme matérialiste) considère toute réalité comme un système (méca-
nique, biologique, économique, etc.) d'éléments abstraits (l'homme étant un de ces éléments parmi
d'autres), régi par des lois universelles, qui imposent à la n réalité , leurs diktats et qu il s'agit de décou-
vrir pour s'y adapter au mieux.
Dans le champ del'anirnalisme,le maître mot est possession. La valeur des hommes et des choses
se mesure à I'emprise qu'ils ont ou qu ils permettent d'avoir sur d'autres hommes ou d'autres choses.
Il faut avoir pour pouvoir et pouvoir pour avoir. La vie est une lutte incessante, conditionnée par les
insdncs et les affecs.
Le culturalisme inscnt I'homme dans un processus historique par lequel il apprend à se connaître
et à maîtriser la réalité. La culture est ici I'achèvement de la nature humaine et non son reniement.
C'est dans cette dernière perspective que s'inscrit notre réflexion.
Rationalisme idéaliste, naturalisme, animalisme, chacun de ces trois paradigmes types met en
valeur une ou plusieurs facenes de la râlité et en occulte d'autres : le rationdisme idéaliste privilégie
le plan des represenrations ; le naturalisme occulte la subjectivité et met l'accent sur le plan des opéra-
tions ; l'animalisme se concenrre sur les affects. Seul le culturalisme, de notre point de vue, est à même
de prendre l'ensemble des dimensions et plans de la réalité.
carte épistémologique générale dans le champ des sciences de gestion. Elles matérialisent la cohérence
qui unit, âu sein d'un même paradigme, conception de I'organisation et manières d'appréhender le
contrôle de gestion.
Figure 2
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Conceptions de l'organisation
un projet
rationalisme; idéaliste :
une architecture
une structure
fonctionnelle
conflictualisme : mecantcsme:
une arène une machine
une exploitation
Librement adapté de Nifle (1987, p. 28)
Dans une perspective matérialiste,l'entreprise est considérée comme une simple exploitatizn, une
entité qui se résume à sa foncdon de producdon (Desreumaux, 1998, p.75). Lindividu est lui-même
réduit au rôle de facteur de production ; il n'est qu'un simple exécuranr, mû par la seule recherche de
son intérêt propre.
Dans une vision idy'aliste,l'organisation e$ conçue comme un projet qur se réêre à une Ênalité supé-
rieure. Les individus s'engagent au service d'un intérêt supérieur qui transcende les intérêa particuliers.
Lhomme est pris en compte dans sa volonté d'achèvement personnel et sa capacité à s'émanciper.
Dans une perspective stntcturaliste,l'organisation est vue comme une entité abstraite, vne structure
fonctionnelle dont l'archétype est la forme bureaucratique décrite par'W'eber. Lindividu (du dirigeant
au simple salarié) doit se plier aux normes impersonnelles qui lui sont imposées.
Dans une vision humaniste, I'entreprise est considérée comme une colnmanauté humaine qui
rassemble les salaries, les clients, les fournisseurs, les représentants de la collectivité au niveau local ou
national, en bref une organisation sociale (Desreumaux, 1998, p.75), dans laquelle chacun est acreur
et a à tenir un rôle qui lui est propre.
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machine, sur les marchés financiers, etc.), recevant et transmeftant des impulsions par le biais de
systèmes d'information de plus en plus sophistiqués. Les maîtres mots sont adaptation,
optimisation. Cette vision, initiée ou tout au moins promue par le taylorisme, s'est par la suite expri-
mée dans les versions les plus caricaturales des approches contingentes et est au fondement aujour-
d'hui de courants scientiÊques tels que la théorie contraduelle des organisations ou l'écologie des
populations.
Alors que, dans le quadrant sud-est, l'organisation est le jeu de forces impersonnelles (la technolo-
gie, les lois du marché, etc.), dans le quadrant sud-ouest (conflictualisme), elle est considérée comme
une arène oùr s'affrontent des individus ou des groupes d'individus aux objectifs divergents
(Desreumaux, 1998, p.75). [a Êrme et I'individu en son sein ne valent que par I'emprise qu'ils exer-
cent sur les choses et les êtres. Le pouvoir détenu, recherché, par les individus joue un rôle central.
Cette vision trouve une de ses expressions possibles dans les travaux de Cyert et March (1963). C'est
aussi cette logique, nous semble-t-il, qui inspire les discours, mais aussi les comportements, de
certaines firmes à tendance monopolistique6.
Dans le quadranr nord-ouest (concourance) apparaît I'entreprise par excellence, c'est-à-dire une
communauté humaine engagée dans un proJet qui transcende les intérêts particuliers, mais permet
aussi à chacun d'accomplir sa vocation propre. Le maître mot est service. Mis à pan les travaux de
R Nifle, encore peu diffirsés, cette conception a rarement été théorisée dans un ensemble cohérent7.
Les propositions de \foot (1968), contenues dans son ouvrage Pour une d.octrine de I'enneprise,
représentent une des tentatives les plus achevées en ce sens ; elles sont malheureusement aujourd'hui
méconnues.
Il convient de souligner que ces quatre quadrants ne font que décrire des idéaux types : les visions
de l'organisarion se déploient dans une infinité de directions et certaines approches ne sont pas
exemptes de contradictions. Néanmoins, il e$ presque toujours possible de repérer un rezr dominant.
Figure 3
Conceptions du contrôle de gestion
contrôle de
contrôle
d'opportunité
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o" JiJli,"iinn
Dans la ûrme perçue conune une simple enploitation, I'accent est mis sur le contrôle de productiaité;
la préoccupation majeure est le contrôle des débits ; le rôle du contrôleur s'y apparente à celui d'un comp
table spécialisé qui doit enregistrer les quantit6 t input et d'oatput et surveiller les ratios entre ces éléments.
À la firme vue comme un projet correspond le contrôle de légitimité (ou contrôle politique au sens
le plus noble du terme), qui se réêre à un idéal et à un qystème de valeurs.
Ces deux axes délimitent quatre champs.
L,a logique de rationalité idéaliste s'incarne dans le modèle du contrôle rationnel: le déploiement
spatial et temporel des objectifs de l'organisation constitue la préoccupation majeure. Le cadre
conceptuel élaboré par Anthony (1965) constitue I'expression exemplaire de ce type de contrôle. Le
découpage en centres de responsabilité est supposé garantir la cohérence spatiale tandis que la segmen-
tarion en trois niveaux (planification stratfuique, contrôle de gestion et contrôle opérationnel) doit
garantir la cohérence entre le long terme et le couft terme.
Le contrôle optimisateur (ou mécanique) met I'accent sur la recherche de I'efficience maximale
(Porter, 1996). Son développement peut être associé avec I'essor de la comptabilité de gestion, et
notamment avec la mise en æuvre des coûts standards. Ce rype de conmôle a profondément imprégné
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.=- . -- Comparaison arrec la démarche proposée par Hopper et Powell
Plusieurs auteurs ont, dans leurs travaux, proposé une analyse comparative et critique des différentes
perspectives de recherche n critique , (Chua, 1986 et 1988 ; Cooper, 1983 ; Hopper et Powell, 1985,
pour citer les principales). Létude menée par Hopper et Powell (1985) mérite ici une attention parri-
culière, car elle est plus spécifiquement centrée corrune la nôtre sur la qualiûcadon épistémologique
(n
fundnmental theoraical and philosophical assumptions >) des diftrentes tendances de recherche. Les
deux auteurs ûansposent à cet effet dans le domaine du contrôle de gestion la carte élaborée par
Burrell et Morgan (1979) pour analyser les paradigmes sociologiques (figure 4).
Figure 4
Accounting schools and sociological paradigms
Radical change
1
Radical
Subjectivism Objectivism
INTERPRETIVE FUNCTIONALISM
Pluralism
Social systems theory
Objectivism
Regulation
Source : Hopper eT Powell (1985, p. 432), adapté de Burrell et Morgan (1979, pp. 29-30)
Il convient d'abord de noter que lorsque nous avons conçu notre m&hodologie, nous ignorions
I'existence de la carte conçue par Burrell et Morgan (1979) pour analyser les paradigmes sociolo-
giques, et afortioril'usage que Hopper et Powell en avaient fait dans le champ du contrôle de gestion.
Cette convergence non préméditée nous semble être de nature à conforter la validité de la méthode de
travail adoptée : un même objectif - identifier les fondements épistémologiques des diffërents
courants de recherche en contrôle de gestion - nous a conduits à adopter une démarche comparable.
Cependant, notre analyse se distingue de la contribution d'Hopper et Powell sur plusieurs points,
notamment sur la nature des dimensions retenues, le rype de carte utilisée et la finalité ultimes.
Sur l'axe horizontal, Burrell et Morgan opposent subjectivisme et objectivisme ; sur I'axe vertical,
ils confrontent statu quo (regulztion) et changement radical. Ce choix nous paraît contestable. Tout
d'abord les dimensions subjective et objective de la rédité ne sont pas dans une relation d'opposition,
mais de complémentarité ; leur conjonction donne naissance à la dimension rationnelle (Bessire, 1999
ou 2001, voir aussi le schéma en annexe). Il est exact cependant que cenaines études (principdement
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les études d'inspiration inteqprétative) meûent davantage l'accent sur la dimension subjecrive et que
d'autres se concentrent sur Ia dimension objective.
En second lieu les deux axes n appartiennent pas, nous semble-t-il, au même univers. Pour prendre
une comparaison, iest un peu comme si on fournissait les coordonnées d'un lieu en indiquant sa lati-
tude et son altitude (au lieu de sa longitude) ; il est possible qu'en certaines zones il y ait des concor-
dances, mais elles ne sont pas suffisamment systématiques pour pouvoir s'orienter à coup sûr grâce
à une telle indication. Notre analyse est corroborée par I'examen de la carte de Hopper et Powell :
l'objectivisme et l'interprétativisme apparaissent chacun deux fois à detrx endroits diftrents.
Notre démarche se distingue encore sgr un autre point : nous ne nous sommes pas content& de
proposer une cztrte épistémologique unique, nous I'avons déclinée dans plusieurs champs des sciences
de gestion et en particulier dans le domaine du contrôle de gestion ; I'existence de ce jeu de cartes
accroît à notre avis le caractère opérationnel de la démarche, lui évite de rester à un niveau d'absrac-
tion trop élevé et facilite sa réutilisation eventuelle par d'autres chercheurs, dans le champ du contrôle
de gestion comme dans d'autres champs (marketing, ressources humaines, etc.).
Enfin, Hopper et Powell ont pour préoccupation principale la recherche d'une plus grande cohé-
rence méthodologique et adoptent implicitement une position relativiste - critiquée de façon argu-
mentée par Chua (1986) - qui n'est pas la nôtre. La ûnalité de notre travail dépasse la seule construc-
tion d'une typologie ; elle vise, comme nous l'avons déjà écrit en introduction, à permettre l'identifi-
cation de pistes de recherches alternatives, plaçant l'être humain au centre des préoccupations.
Plusieurs tendances peuvent coexister au sein d'un même courant de recherche ; nous nous sommes
aûachés à repérer la tendance dominante, au risque d'un cenain schématisme.
Nous n avons pas, par ailleurs, pour ambition de fournir une revue exhaustive des recherches dans
le champ du contrôle de gestion, frrt-elle restreinte au courant u critique n9. Nore démarche se veut
en effet surtout pédagogique : elle montre oir et comment rassembler les indices nécessaires à I'analyse
d'une perspecrive théorique quelconque et à la déterminadon de son positionnement épistémolo-
gique. C'est pourquoi elle réutilise de manière qFstématique les informations apportées par d'autres
aureurs. Précisons ici qu il ne s'agit pas d'analyser les théories philosophiques ou sociologiques pour
elles-mêmes, mais pour l'usage qu en font les chercheurs en contrôle de gestion.
Enfin, comme nous I'avons indiqué plus haut, notre propre option épistémologique rompt avec
toute forme de relativisme. Dans cette seconde partie, nous proposons donc au lecteur un parcours
orienté : après avoir passé en revue des perspectives de recherche qui, peu ou prou, adoptent une posi-
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tion relativiste (2.1), nous examinons celles qui affichent des positions radicales (2.2). C-ette seconde
parde ne livre donc pas seulement des points de repère à notre éventuel lecteur, elle I'invite à exercer
son discernement et à prendre position. Pour le guider dans ce travail, nous présentons cidessous la
cane (figure 5) qui résume nos analyses.
Figure 5
Typologie des courants de recherche a critique u
contrôle de
légitimité
humanisme
ndical
CULTURALISME RATIONALISME
IDÉALISTE
approches
interprétatives
ANIMALISME
contrôle de
productivité
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qui sont I'objet de l'étude. [...] Ella se focalisent sur les significations individuelles et les perceptions
des gens, [...] elles suggèrent [qu ils] créent de manière continue leur râlité sociale en interaction avec
les autres. Le but d'une approche inteqprétative est d'analyser ces réalités sociales et la manière dont
elles sont socialement construites et négociées , (Hopper et Powell, 1985, p. 446).
Po sitî o n êp ist&no Ia gQ ue
Ces approches prennent donc en compte explicitement I'hypothèse phénoménologique (sur la
gauche de l'axe horizontal des diftrentes caftes), mais ne prennent pas position quant à la dimension
téléologique (axe venical). C'est pourquoi, sur la carte épistémologique, nous les situons sur l'axe
horizontd, avec une nette orientation ltumaniste (au sens que nous avons donné à ce terme dans la
première partie). Ce point de vue est conforté par les analyses de Chua (1986) et de Roslender (1995).
vidus au sein des organisations de travail et, si oui, comment les individus les utilisent-ils pour voir,
décrire et expliquer I'ordre des choses ? , (Chua, 1988, p.73)
En mettant l'accenr sur les perceptions des individus et leurs inteqprétations et en s'interrogeant
sur le commenr des choses, le contrôle de gestion tend à se présenter ici essentiellement comme un
contrô/z dbpportunité, une option cohérente avec I'humanisme qui sous-tend la sociologie d'inspira-
tion interprétative.
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production, la reproduction, la régulation et le changement de I'ordre social. l,a strucnrre s'impose
aux individus lorsqu ils agissent et interagissent dans des arrangements spatiaux et temporels spéci-
fiques, mais résulte elle-même de ces actions et interacrions ,. Ce processus, connu sous le terme struc-
rurarion, témoigne de la dualité de la strucnrre et se déploie selon trois dimensions inextricablement
imbriquées : signification, domination et légitimation. Les strucrures de signification comprennent les
règles sémantiques imposées pour produire du sens ; les structures de domination correspondent aux
ressources utilisées pour produire du pouvoir ; les strucrures de légitimation sont constituées par les
normes et les valeurs impliquées dans la production d'une moralité.
IJopposition entre routine et situation de crise est également un élément clé de la théorie de la
strucruradon. Dans des situations de routine, les activités entreprises se répètent jour après jour, sans
que les individus aient besoin d'en prendre conscience. Des situations de crise se produisent lorsque
les routines établies de la vie sociale quotidienne sont secouées ou sapées de façon drastique. Dans de
telles situations, I'individu passe au premier plan et fréquemment remodèle I'ordre social existant.
Po sôtion,êpistêm o Io gi que
La théorie de la strucn-rration se présente comme une tentative pour relier detx positions épisté-
mologiques antagonistes, celle des sttwcturalistes qui considèrent la vie sociale comme le produit de
srrucrures sociales impersonnelles et objectives et celle des humanistes herméneutiques et interacdon-
nistes qui la voient comme le résultat d'une activité subjective et intersubjective. Nonobstant cette
prise de position, la théorie, comme l'indique le choix des concepts centraux (strucure, dualité de la
structure), concentre ses effons sur I'explication du strucnrrel. Par ailleurs, elle ne prend position ni
par rapport au matérialisme, ni par rappoft à I'idâlisme. Giddens lui-même a souligné l'extrême plas-
ticité de la théorie qu il a forçe. C'est pourquoi nous la positionnons au centre de la carte épistémob-
gique, à mi-chemin entre structuralisme et humanisme et enffe matérialisme et idéalisme.
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nent diverses notions empruntées aux sciences économiques et de gestion, aussi bien que des
concepts comptables centrar.D( tels que les revenus, les actifs, les coûts et les resultats. Cependant, les
systèmes de contrôle de gestion ne constituent pas seulement un moyen neutre et objectif de trans-
meûre aux décideurs des significations économiques. Ils donnent aussi légitimité aux acrions et
interactions des managers au sein d'une organisation en mettant en avant certaines valeurs et certains
idéatrx quant à ce qui devrait être compté, ce qui devrait arriver, ce qui est considéré comme juste et
équitable et ce qui semble important. Ils justifient les droits de certains à demander des comptes à
d'autres ; ils rendent légitime le recours à des sanctions et à des récompenses. EnÊn, les systèmes de
contrôle de gestion constituent une ressource d'autorité cruciale dans les mains des responsables, en
leur donnant à tous les niveaux le moyen de coordonner et de contrôler d'autres individus ; ils iouent
par conséquent un rôle vital dans la structure de domination. Cependant, les propriétés structurelles
du contrôle de gestion ne sont jamais ni entièrement explicitées, ni complètement figées ; elles
Peuvent évoluer dans la mesure précisément oir ce sont les acteurs organisationnels qui les imposent
et les reproduisent.
Sur ce socle commun, le recours à la théorie de la structuration dans le champ du contrôle de
gestion a donné naissance à des interprétations divergentes qu illusrre de manière enemplaire le débat
entre Macintosh et Scapens (1990 ; Scapens et Macintosh,7996) d'une part et Boland (1993 er 1996)
d'autre paft, les premiers semblant mettre au premier plan la dimension strxtcture,les seconds parais-
sant privilégier la dimension agency (Northcott, 1998). C'est pourquoi nous situons les recherches
issues de ce courant Au centre de Ia carte dans la mesure oùr elles peuvent finalement s'accommoder de
difftrentes conceptions du contrôle de gestion. Là réside sans doute une des raisons de la popularité
de la théorie forgée par Giddens.
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ses approches les
monde comme étant composé d'objets et de relations externes indépendantes de l'individu ; I'homme
est aliéné par des forces impersonnelles qui échappent à son atteinte. Sur la carte épistémologique, ce
courant nous semble correspondre à une vision natuïaliste du monde.
Concepts clls
Foucault s'est en particulier efforce de montrer comment les pratiques sociales depuis l'âge clas-
sique se sont accompagnées d'une expansion continue des dispositifs de surveillance et de discipline
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des coqps sociatx et des populations humaines (Knights et Collinson, 1987, p. 459).
Dans Surueiller et punir (1998), l'æuvre qui a sans doute eu la plus grande influence sur les études
en contrôle de gestion, Foucault distingue deux modes de domination dans I'histoire occidentale. Le
mode traditionnel se caractérise par des extrêmes de violence infligée aux corps, tandis que le mode
disciplinaire se singularise par des formes subtiles de correction et de dressage. Ce dernier mode de
domination a remplacé le précédent au cours du X\,Iile siècle, avec pour résulrat l'adoption par un
nombre croissant d'organisations - hôpitaux, usines, immeubles de logement, écoles, etc. - du mode
disciplinaire propre atrx prisons. Le Panopticon conçu par Bentham représente pour Foucault
I'archétype du mode disciplinaire : son architecture permet d'observer et de surveiller étroitement les
occupants, sans que ces derniers puissentetrx-mêmes voir leurs surveillants. Parallèlemenr à I'expan-
sion de ce nouveau mode de domination, une nouvelle fonction cruciale de normalisation, remplie
par des groupes professionnels spécifiques (par exemple les médecins pour la santé), a progressive-
ment émer#.
Toute la gamme des organisations au sein de la société contemporaine apparaît ainsi comme un
champ de pouvoir unifié, n encapsulé, dans un appareil bureaucratique, militaire et administratif, La
prison n'est que la forme extrême d'un pouvoir qui convertit les corps et leurs potentialités en quelque
chose d'utile et de dôcile et qui ne réside pas dans les choses, mais dans un réseau de relations étroite-
ment imbriquées. Ce pouvoir n est pas maintenu par un appareil d'État visible, encore moins par des
systèmes de valeurs partages, mais est investi, transmis et reproduit par tous les êtres humains dans
leur existence au jour le jour.
Po s îtio n ép istêm o Io gî q uz
Foucault et, plus généralement, l'ensemble des post-modernes, ne s'intéressent pas aux individus
en tant qu'acteurs humains. Que ce soit dans la méthode archéologique ou dans la méthode génâlo-
gique (qui conespondent chacune à deux phases distinctes de la pensée du philosophe), le sujet est
u décentré ,. Dans la première période, I'autonomie du discours est poussée par Foucault à telle
enseigne que le sujet connaissant disparalt, pour être remplacé par le seul souci du discours. La ques-
tion n est pas de savoir qui tient le discours, mais quel discours est tenu et d'oir ce discours est tenu.
Dans la période suivante, les individus qui occupentle Pano?ticon et, au-delà, toutes les formes
possibles d'organisation, se réduisent à des silhouettes dans un théâtre d'ombres. Pour toures ces
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selon lui, il riexiste pas de stade plus avancé, pas de monde meilleur ou de choses telles que la maîtrise
de la nature ; I'approche de Foucault est donc ainsi délibérément anti-moderne. Enfin, l'investigation
génâlogique, en se concenûant sur le superficiel et I'inatendu, reflète le point de vue selon lequel la
réalité est telle qtielle apparaît. Tous ces éléments font converger le courant post-moderne vers une
même orientation, celle proposée par le matérialisme.
Combinaison de strucnrralisme et de matérialisme, I'approche de Foucault, telle qdelle se présente
dans Surueiller et ?anir, doit donc selon nous être positionnée dans le quadrant sud-est de la carte épis-
témologique ( natura Ii sme).
Le caractère disciplinaire du contrôle de gestion a été analysé par Miller et O'kary (1987). Loin
de constituer une pratique neutre, le contrôle de gestion fait en râlité parde d'un réseau de relations
de pouvoir-savoir qui se consûuit au sein de la vie sociale et organisationnelle. la comptabilité est un
élément essentiel dans le processus de normalisation socio-politique de la gestion, conçu pour rendre
visibles toutes les formes de I'activité individuelle dans la quête de l'efficience organisadonnelle. Si les
deux auteurs se sont concentrés sur l'essor, au cours de la période 1900-1930, de deux techniques
fondamentales de la comptabilité de gesdon, la budgétisation et les cotts standards, pour défendre
leur thèse, ils sont persuades que la construction de la personne organisationnellement utile se pour-
suit activement encore aujourd'hui, la comptabilité redéfinissant ses termes et ses objectifs en tant que
pratique socide pour améliorer sa contribution à une gestion socio-politique efûcace.
Le contrôle de gestion, dans cette double perspective, comme formation discursive et comme
modalité disciplinaire, façonne - et est simultanément façonné par - des forces anonymes, enracinées
dans des pratiques discursives ou des relations de pouvoir-savoir impersonnelles qui échappent à l'em-
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prise humaine ; il peut donc être considéré comme vn connôle de type mécanique.
la perspective la plus féconde pour la recherche en contrôle de gestion. Habermas utilise trois concepts
centraux qu il appelle o le monde vécu ,, n les systèmes ) et ( la colonisation intérieure ,. n Le "monde
vécu" est un type d'espace culturel qui donne son sens et sa nature à la vie sociétale. Bien que séparée
et distincte des "systèmes" (techniques) plus tangibles et plus visibles, c'est cette réalité sociale qui
donne aux différents systèmes leur sens et s'efforce de guider leur comportement ) (Laughlin, 1987,
p,486). La sphère technique (les systèmes) reste normalement enfermée au sein du n monde vécu ,,,
mais il peut arriver qu elle déborde le monde vécu et conduise à une u colonisation intérieure D poten-
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imponant sur le âcteur humain comme force active de changement, l'æuvre d'Habermas affiche
nettement une orientation idéaliste.
La perspective tracée par Habermas se présente ainsi comme une tentative pour échapper au natu-
ralisme et pour promouvoir le culturalisme, conjugaison d'idâlisme et d'humanisme. Cette analyse
reçoit une confirmation indirecte dans le débat tres vif qui oppose précisément les théoriciens se réfé-
rant à l'humanisme radical atrx philosophes post-modernes. Ces derniers, nous l'avons vu avec
Foucault au travers de Suraeiller et punir, adoptent fréquemment une position épistémologique natu-
raliste, à I'exact opposé du culturalisme.
ment. ( C'est parce que les discours comptables se sont limités jusqu à présenr à discuter des modali-
tes alternatives de mesure de concepts tels que les cofits ou les profim, ou de I'efficience plus ou moins
grande des systèmes d'évaluation (par exemple dans les décisions d'investissemenr), qu ils ont restreinr
notre compréhension de la conception des systèmes comptables. t...] il faut que nous changions le
processus linguistique et le vocabulaire que nous utilisons pour décrire la nature des systèmes comp-
tables et pour engager le processus nécessaire à I'accomplissement de véritables changements de ces
systèmes dans la pratique , (ibid.).
Habermas ne s'intéresse en effet à la compréhension des phénomènes que dans le but de promou-
voir des changements durables et significatifs. Selon Laughlin (ibid.), ( cette éthique er cerre intendon
[...] devraient guider toute approche générale dans l'analyse des systèmes comptables mis à l'æuvre en
pratique ).
Pour ces raisons, les recherches sur le contrôle de gestion se réftrant à l'humanisme radical peuvent
être considérées comme une tentative pour échapper au modèle du contrôle mécanique, qui met
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I'accent sur la conformité et la productivité, afin de promouvoir un contrôle de type concourant, axé
sur l'oppornrnité et la légitimité.
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Dimension Dimension
objective Plan des opérations rationnelle
ou plan des faits
8. Notons aussi que l'étude de Hopper et Powell ne AmroNv RN. (1965), Pknning and Control Systems,
@uvre pas exactement le même champ. Elle englo- a Framework for Analysis, Harvard Universiry
be aussi bien le courant o onhodoxe > que le cou- Graduate School of Business Administration.
rant o critique o ; en revanche, elle ninclut pas cer- Division of Research, Boston, Massachusetts.
tains des développements les plus récents de ce der- BenruNpx J.M. (1984), o Changing interprecive
nier courant, et notamment le post-modernisme. schemes and organizational restructuring : the
9. liimporance donnée aux écrits anglophones tra- example of a religious order o, Administratiue
duit leur primauté historique et la sélection n" 29, pp. 355-372.
Science Quarterly,
bibliographique a privilégié un petit nombre de Brssnr D. (1998), " logiques d'entreprise et drsign
textes ( emblématiques o. Le courant critique ali- du contrôle de gestion : une comparaison entre le
mente auiourd'hui de nombreuses recherches commerce de détail integré et la banque cornmer-
francophones d'une grande richesse, qui ne sont ciale Finance-Connôle-Snatégie, volume l, no 4,
",
pas citées ici, faute de place. décembre, pp. 5-37.
Ce paragraphe s'appuie principalement sur les BessnsD. (1999), n Définir la performance n,
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10.
articles de Hopper et Powell (1985), de Roslender Comptabilité-Connôle-Audit, vol. 5, t. l, sep-
(199r, de Chua (1986 et 1988) et de Morgan tembre, pp. 127-150.
(1988). Bessnn D. (2001) n Gestion de I'immatériel : fonde-
11. [,a presentation de la théorie de la structuration ments d'une méthodologie générale d'evaluation
est adaptée de Macintosh (1996). et de contrôls,,, $ciences dz gestion, n" 28, prin-
temps, pp. 137-168 (avec le concours du C.RI.)
12. La présentation s'inspire essentiellement de
Bessnr, D. et MrusrcRJ. (2001), o Conceptions de
Hopper et Powell (1985), de Chua (1986) et de
(199r. la gouvernance, modèles d'entreprise et positions
Roslender
épistémologiques : une typologie
13. I.es recherches s'appuyant sur les ûavaux de ", in de Le
Bnusrenre H. et RerMsouRG P éd.. Finance dbn-
Braverman (1974) marquent la volonté de ûouver treprise, pers?ectiues tltéoriques et a?plications,
un meilleur équilibre entre humanisme et structu- Economica, pp. 185-21 l.
ralisme.
Bor-tNo RJ. (1993), n Accounting and the interpre-
14. La présenation de la pensée de Foucault est essen- tive act ", Accounting, Organizatioru and Sociery,
tiellement tirée de Burrelhl (1988) et de Roslender vol. 18, n" 2-3,pp.125-146.
(1995), la description des logiques organisation-
Bor"qNo RJ. (1996), n Vhyshared meanings have no
nelles correspondantes se réêre à Burrell (1988) et place in structurâtion theory : a reply to Scapens
les implications pour le conuôle de gestion emprun-
and Macintosh r, Accounting, Organizatioru and
tenr à Roslender (1995) et à Macintosh (1996). Sociery, voI. 21, n" 7-8, pp. 691-697.
l5.Cette présentation se réère principalement à BouqtnN H. (1997), La comptabilité dz gestion,
Hopper et Powell (1985), l^aughlin (1987 et universitaires de France, collection o Que
Presses
l99l), Roslender (1995) et Macintosh (1996).
", n" 3175.
sais-ie ?
16. Faute de ffouver un équivalent satisfaisant, nous BnnwnuaN H. (1974), Labor and Monopoly Capital:
avons renoncé à traduire cette expression. the Degradation ofVorh in the Twentieth Century,
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