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43 à 58
Gilles Garel
Professeur des Universités
Université Paris Est, OEP Prism, Paris
(France)
Rodolphe Rosier
Algoé, Paris
(France)
Non-
consommateurs
Marché Non- « Refusants »
existant consommateurs
« Prêts à le Non
devenir » consommateurs
« inexplorés »
maîtrisent les leaders, pour des clients qui ne sont pas ou plus
satisfaits par les offres du marché. La stratégie disruptive, souvent
maladroitement traduite par « innovation de rupture », est bien une
stratégie de contournement des marchés établis via le ciblage de la
non-consommation. Jusque-là, le cadre théorique dominant de la
différenciation selon Porter ne faisait pas la distinction entre nouveaux
entrants, porteurs de technologies innovantes, et les autres acteurs, ni
ne concevait la différenciation comme une stratégie spécifique en
plusieurs coups. En revanche, la construction de la valeur via les
« tâches qui doivent être accomplies » est peu consistante.
Rétrospectivement, il est facile d’analyser le succès du premier
modèle de poste de radio portable lancé par Sony dans les années
1950 en expliquant que les adolescents étaient une cible de marché
idéal, cherchant à s’émanciper de leurs parents pour écouter leur
musique en dehors du foyer familial. Le modèle de Christensen
n’explique pas pourquoi Sony n’a pas ciblé d’autres catégories de
personnes, de surcroît solvables, cherchant elles-aussi à écouter la
radio en dehors d’un lieu fixe : les camionneurs, les VRP, les
randonneurs, ou les motards…. De même, le succès de la téléphonie
mobile se verrait expliqué rétrospectivement par l’existence de
besoins latents en communication… offrant ainsi une vision édulcorée
des étapes successives qui, pour le téléphone mobile, ont permis de
passer d’un concept de radiotéléphone utilisé dans les véhicules
d’urgences dans les années 1960 au premier prototype sorti par
Motorola en 1973, pesant 2 kg, puis, dans un second temps à un
téléphone pesant 800 gr. et coûtant 4000 dollars (en 1983), pour enfin
nous conduire aux téléphones que nous connaissons actuellement.
L’application des analyses de Christensen pour prédire les
innovations disruptives des prochaines années semble être limitée à
une analyse filière par filière. Le secteur médical, les transports
aériens ou l’enseignement supérieur sont ainsi étudiés (Christensen et
alii, 2005). Christensen ne donne aucune projection transversale à
plusieurs secteurs ou filières rendant, par là même, bien moins
féconde la notion de « valeur réseau ». On doute alors que son cadre
théorique de construction de la valeur soit applicable à des
technologies en quête d’usages pour des filières non encore
identifiées.
Unité d’action
Utilité pré-définie Utilité co-construite dans l’échange
(finalité)
Conclusion
La valeur d’une offre explorée n’est pas contenue dans les attributs
de la technologie comme chez Christensen ou Kim et Mauborgne,
mais se révèle à condition que les innovateurs fassent émerger des
transformations dans les activités des destinataires. La « valeur
amont » s’oppose à la « valeur client » (cf. Tableau 2).
Activité du client –
Unité de lieu Conditions d’activité transformées –
valeur centrée sur le
(contexte) nouveaux potentiels d’action
produit
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