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Additifs1 PDF
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1.1 INTRODUCTION
On entend par auxiliaire technologique (voire directive plus haut) : "toute substance non
consommée comme ingrédient alimentaire en soi, volontairement utilisée dans la transformation des matières
premières, des denrées alimentaires ou de leurs ingrédients, pour répondre à un certain objectif technologique
pendant le traitement ou la transformation ; pouvant avoir comme résultat la présence non intentionnelle de
résidus techniquement inévitables de cette substance ou de ses dérivés dans le produit fini, à condition que ces
résidus ne présentent pas de risque sanitaire et n'aient pas d'effets technologiques sur le produit fini"
Les différences fondamentales sont, par rapport à l'additif, les suivantes :
- 1°) L'auxiliaire est employé dans un but uniquement technologique, à
titre utilitaire dans un procédé de fabrication.
- 2°) Il exerce un rôle intermédiaire, non permanent.
- 3°) Il ne subsiste pas dans l'aliment, sauf traces.
Les concepts d'additifs et d'auxiliaires technologiques sont faciles à cerner : l'additif est
ce qui demeure, l'auxiliaire est transitoire. Aussi ténue qu'elle puisse paraître, cette distinction est importante
dans la mesure où elle figure sur l'étiquette informant le consommateur.
De nombreux atermoiements auront, au final, été nécessaires pour que soit mise en
place une classification commune aux états de l'Union Européenne. Ce n'est ainsi que le 11 Mars 1988 que
l'usage des édulcorants a été autorisé en France dans les boissons et certains aliments pour régime, alors que de
longue date, leur usage était possible dans d'autres pays de l'UE. De même, c'est la raison pour laquelle les
arômes, oligo-éléments et additifs nutritionnels n'ont pu, faute d'accords généraux, être englobés dans la directive
"additifs".
Il est pourtant fondamental de voir quel soin a été mis, depuis le début du 20ème siècle,
à définir clairement l'additif, ou l'auxiliaire, par rapport à l'aliment. C'est que le consommateur est sensible au
mythe du "pur", le pur étant le produit non modifié et donc, a priori, supposé idéal. Si l'on compromet cet idéal
par des produits d'intervention, il faut que ce soit dans le cadre d'une autorisation tranquillisante pour l'esprit...
1.5 ROLE ET INTERET DES ADDITIFS ALIMENTAIRES ET DES AUXILIAIRES DE
FABRICATION EN TECHNOLOGIE ALIMENTAIRE
Un trop grand nombre de nos contemporains s'imagine que les additifs sont une
"invention" récente. De fait, ce sont plutôt les concepts réglementaires qui sont nouveaux. La notion d'additif
alimentaire date du début des années 50, celle d'auxiliaire technologique des années 60. De fait, dès le début du
siècle (Loi de 1905), on a cherché à identifier et contrôler ce qu'on appelait alors les "produits chimiques",
termes alors adaptés puisqu'il s'agissait précisément de substances n'ayant aucune valeur nutritive : colorants de
synthèse ou conservateurs. Or, ces "produits chimiques" n'ont pas été créés de toutes pièces, mais sont souvent la
reproduction par synthèse ou l'extraction purifiée de substances antérieurement réputées pour leur activité.
En fait, cette attitude de méfiance résulte, pour l'essentiel, de deux phénomènes : tout
d'abord, l'aspect "terrifiant" de certaines étiquettes où les additifs figurent crûment sous leur dénomination
chimique, ou sous une numérotation incompréhensible ( l'affaire du E 330...), ensuite, le goût immodéré de la
presse et des médias à braquer les projecteurs sur les scandales, en oubliant l'objectivité...et le reste.
L'additif, ou l'auxiliaire, a plusieurs rôles, que nous allons rapidement tenter d'énumérer
:
- La conservation où l'additif est une version "modernisée" du soufrage, de la fumaison,
de la marinade...
- L'amélioration de l'aliment : l'exemple le plus ancien d'additif est le levain boulanger,
qui rend les préparations à base de farine plus facilement assimilables...
- L'amélioration de la présentation, qui n'est effectivement pas prioritaire.
- La diversification des préparations alimentaires : exemple des confitures, des sauces
émulsionnées...
Il est possible, schématiquement, de distinguer trois étapes à cette évolution, l'une allant
de la fin du XVIIIème siècle à 1950, la seconde de 1950 à nos jours, et enfin une troisième étape en prise avec
l'avenir de l'industrie alimentaire.
1.5.2.1. De l'empirisme à la législation
La fin du XVIII ème est importante à plus d'un titre, en ce sens qu'elle marque
l'avènement de la Chimie en tant que science expérimentale et le développement de la Physique. Pratiquement un
siècle après, ce sont les découvertes de la bactériologie qui, conjointement, permettront de mieux comprendre les
mécanismes d'action, notamment en ce qui concerne la conservation.
En ce qui concerne les auxiliaires technologiques, c'est vers la moitié du XIXème siècle
qu'a été réalisée la première préparation enzymatique à partir d'orge germée. Il a fallu par contre attendre une
époque récente pour que soient élucidés les mécanismes d'action des enzymes. On a, durant cette époque, appris
à produire ces variétés d'enzymes, soit par extraction de tissus animaux ou végétaux, soit de façon plus efficace
par culture de micro-organismes appropriés. On a ainsi pu assister au développement des glycosylhydrolases (α
et β amylases, pullulanases, isoamylase, amyloglucosidase...), des isomérases qui ont permis l'essor de l'industrie
des dérivés de l'amidon (glucose, fructose, maltose, maltodextrines, cyclodextrines...)
Devant ce rapide développement scientifique, les Pouvoirs Publics ont, en France, senti
le danger de laisser faire sans contrôle, et introduisent un principe majeur qui inverse totalement les habitudes
d'alors : "Tout ce qui n'est pas autorisé est interdit". La première application remonte à 1912 et concerne alors les
conservateurs et les colorants. Les listes positives seront ensuite étendues à l'ensemble des additifs.
Pour figurer sur ces listes, il faut déposer un dossier qui deviendra, au fur et à mesure
des années, de plus en plus lourd. Le poids moyen d'un dossier était, en 1982, de 30 kilogrammes, le coût des
opérations nécessaires à son dépôt d'environ 20 millions de francs à la même époque, le temps nécessaire à son
élaboration de 5 ans minimum. Quant aux démarches administratives nécessaires à son étude, elles duraient alors
en moyenne quatre ans (ceci pour un additif entièrement nouveau).
Si les progrès de la science ont amené à proposer des substances nouvelles, ils ont
également conduit à en supprimer. Citons par exemple :
- L'acide salicylique employé pour la préparation des confitures de ménage et dont
l'emploi a été déconseillé par les hygiénistes n'est aujourd'hui plus admis.
- Le sulfate de calcium, utilisé déjà par les Romains pour le traitement des vins, a
longtemps été autorisé en France. Il ne l'est plus, essentiellement à cause des impuretés apportées par le plâtre,
qui était la forme de CaSO4 utilisable.
- Certains colorants végétaux, comme l'orseille, autorisée en 1912, ou de synthèse, tel le
jaune solide, autorisé par une directive communautaire de 1962 ont été depuis supprimés de la liste des colorants.
Les raisons qui ont conduit à cette décision sont d'ailleurs plus liées à un manque de données toxicologiques
suffisantes qu'à un risque véritable pour le consommateur.
Il faut également mentionner que l'accent a été mis sur la qualité des additifs. Ceux-ci
sont autorisés à partir d'une préparation déterminée mise au point par un fabricant. D'autres producteurs peuvent
cependant commercialiser la même substance obtenue un peu différemment. On a pu relever des préparations
comportant des impuretés nuisibles dues :
- Aux matières premières : présence de métaux lourds apportés par les substances
minérales naturelles employées.
- A un procédé de fabrication différent de celui du produit expertisé : les impuretés ne
sont alors plus les mêmes.
- A des fabrications ne respectant pas les phases de purification nécessaires.
Ceci a conduit à publier, dans le Journal Officiel, des spécifications minimales. Des
règles d'étiquetage engagent le producteur d'additifs, mais c'est au fabricant de denrées alimentaires qu'il
appartient de s'assurer que les garanties nécessaires sont bien respectées.
Si par le passé, et jusqu'aux années 50, une partie notable de la population produisait ses
propres légumes, ses propres fruits, ses conserves de viande, n'achetant que le pain (et encore..), la charcuterie ou
la confiserie, la situation actuelle s'est bien modifiée, puisque désormais 75 % des boissons et produits
alimentaires sont d'origine industrielle.
De la même façon, lorsqu'on réalise un plat "chez soi, et pour soi", on admet que, d'une
fois sur l'autre, la plat puisse présenter des différences sensibles liées au cuisinier, et aux aliments mis en oeuvre,
tout autant que l'aspect du plat confectionné sera secondaire, puisque "l'on sait ce qu'il y a dedans". Il est par
contre évident que ces différences d'aspect, de saveur ou de composition sont intolérables pour l'industriel,
puisque intolérables pour le consommateur...
Encore plus évidente est la variabilité de la matière première, qui, dans le contexte de
l'utilisation familiale, est sans importance ("on fait avec") ; cependant qu'elle est un facteur capital à l'échelon
industriel.
On peut donc supposer que, dans les années à venir, le caractère impératif de l'emploi de
tel ou tel produit en tant qu'additif sera un élément déterminant de son autorisation d'emploi. Espérons que la
consultation plus étendue des consommateurs sera génératrice de meilleure compréhension entre producteurs et
acheteurs.
De fait, la presse, relayée par les associations consuméristes, s'est toujours largement
fait l'écho de tous les propos scientifiques négatifs concernant les additifs, ne fussent-ils, du reste, que des
élucubrations sans fondement objectif aucun. Or, si constatation négative il y a, encore faut-il la tempérer par la
connaissance de la dose à laquelle les symptômes négatifs apparaissent... Le chlorure de sodium, ainsi, entraîne
la mort par blocage rénal (mais seulement s'il est consommé à raison de 2500 g pour un adulte de 75 kg).
Informer, c'est bien, mais encore faut-il parfois donner tous les éléments d'information nécessaires.
Face à ces réactions, un certain nombre d'enseignements s'imposent :
Il est facile de résumer les critères auxquels devrait répondre un additif pour être
accepté sans problèmes par l'ensemble des consommateurs :
- Sécurité : l'additif ne doit pas présenter d'inconvénient pour la santé des
consommateurs : ceux-ci admettent le principe du "risque calculé", mais demandent à ce que tout soit entrepris
pour ne pas augmenter le risque.
- Tromperie : Un additif ne doit pas entraîner de tromperie en donnant aux aliments des
caractéristiques organoleptiques ou physiques qui créent des confusions ou masquent des baisses de qualité.
- Nécessité technologique : Un additif doit répondre à une nécessité technologique (à
l'exception de celle tendant à masquer la faible qualité d'un produit). N'admettre que les additifs vraiment
indispensables, c'est aussi limiter le risque global résultant de leur utilisation.
- Contrôle : L'emploi d'un additif doit pouvoir être contrôlé, ce qui implique l'existence
de méthodes d'analyse fiables et praticables par un nombre suffisant de laboratoires.
- Révision des autorisations : Il est souhaitable que le nombre des additifs autorisés soit
le plus faible possible, de manière à conduire les organismes législatifs à se demander, lors de l'autorisation d'un
nouvel additif, s'il n'est pas possible d'en supprimer un ou plusieurs autres équivalents quant à leur fonction.
- Etiquetage : L'emploi des additifs doit être signalé dans l'étiquetage. C'est certes
réalisé depuis les années 1970, mais çà n'est toujours pas parfaitement clair.
En France, la notion de "liste positive a été introduite par ROUX en 1909. Elle devait en
principe permettre l'emploi de substances ayant fait preuve de leur innocuité.
Ce décret a été amendé par celui du 12 Février 1973, encore en vigueur moyennant
quelques modifications.
Le décret du 7 Décembre 1984 a défini les règles d'étiquetage des denrées alimentaires
préemballées, tant pour les additifs et auxiliaires technologiques présentés à la vente que pour les produits
alimentaires contenant des additifs. Les mentions devant figurer obligatoirement sur l'emballage sont les
suivantes :
- 1°) Dénomination de vente
- 2°) Liste des ingrédients, précédée de la mention "ingrédients". En France, elle est
suivie de leur énumération dans l'ordre décroissant de leur importance au moment de leur mise en œuvre.
Chaque additif ou ingrédient figure avec :
- Le nom de la catégorie : colorants, conservateurs, émulsifiants, etc…
- Le nom spécifique ou le code CEE
- 3°) La quantité nette
- 4°) La date jusqu'à laquelle la denrée conserve ses qualités spécifiques ainsi que
l'indication des conditions particulières de conservation
- 5°) Le nom ou la raison sociale, l'adresse du fabricant ou du conditionneur, ou d'un
vendeur établi à l'intérieur de la Communauté Européenne.
Le 15 Mai 1985 a été arrêté un principe de numérotation conventionnelle : 100 pour les
colorants, 200 pour les conservateurs, 300 pour les antioxygènes, 400 pour les stabilisants, émulsifiants,
épaississants ou gélifiants.
C'est cette instance qui pèse aujourd'hui le plus lourdement sur la législation française
en matière d'additifs : une réglementation européenne fait en effet loi dans tous les états membres dès qu'elle est
adoptée. Une directive communautaire, bien que faisant loi, instruit les états membres de transcrire en droit
national les termes de la directive au cours d'une période généralement de 18 mois. En matière d'alimentation, la
directive est, en général, la règle.
Au sein de l'Union Européenne, la libre circulation des denrées alimentaires doit être
assurée, et les aliments soumis aux mêmes règles de définition, de composition et d'étiquetage. Cet effort se fait
par l'intermédiaire de directives et règlements décidés par le Conseil, sur proposition de la Commission et après
avis du Parlement Européen. La Commission de l'Union Européenne (DG III) a mis en place un comité d'experts
européens appelé CSAH (Comité Scientifique pour l'Alimentation humaine), ayant un rôle équivalent à celui du
JECFA (Joint Expert Committee on Food Additives) : détermination d'une DJA (Dose Journalière Admissible)
après examen du dossier toxicologique, estimation des niveaux de consommation.
Depuis 2000, la procédure d’homologation d’un nouvel additif ne passe plus que par un
seul organisme décideur, l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments). Cette agence intègre
en son sein les trois composantes antérieures : ANM, CSHPF et CTA. Un comité d’experts spécialisés « additifs,
arômes et auxiliaires technologiques » est donc seul responsable des nouvelles procédures d’autorisation.
J.O. de la
DGCCRF R.F.
AFSSA
NOEL
(No Observed Effect
Level)
Détermination de la
DJA
TRANSPOSITION DE LA
DIRECTIVE EN DROIT
NATIONAL
Dans les deux cas, l’état membre avertit la Commission et les autres états membres (en
motivant sa décision), et des mesures sont prises soit pour reprendre ces dispositions nationales au niveau
communautaire, soit pour les annuler (après avis du CSAH).
L'approche américaine est définie par le Département de la Santé, par le biais de la FDA
(Food and Drug Administration). Elle s'efforce d'allier à une grande rigueur scientifique une ouverture au grand
public par un débat contradictoire entre les parties intéressées. Le processus d'autorisation est défini dans le Red
Book, qui constitue une base de données très complète en matière d'exigences de dossiers de demande
d'autorisation. Selon la structure chimique, les niveaux de risque sont divisés en trois catégories : risques faibles,
risques probabales autres que mutagénèse et cancérogénèse, risques importants : mutagénicité, cancérogénicité,
etc…
Le statut GRAS (Generally Recognized as Safe) est, dans le principe, une liste d'additifs
autorisés en applications alimentaires. Cette liste, commencée en 1958, peut être augmentée ou modifiée à tout
moment.
Deux procédures s'y rattachent :
- Celle de self affirmation, pour laquelle l'industriel met le produit sur le marché sous
sa seule responsabilité ;
- La procédure de gras petition, de loin la plus fréquente, est la recherche officielle
de l'assentiment de la FDA pour un dossier. L'avantage du statut GRAS est que le
produit peut être mis immédiatement sur le marché après que le pétitionnaire a reçu
l'enregistrement de son dépôt officiel à la FDA. La contrepartie étant que la FDA se
réserve le droit de justifications complémentaires et peut même retirer l'agrément
initial.
- Si, après la constitution du dossier auprès de la FDA, celle-ci remette en cause le
statut GRAS, la demande est transformée en "Food additive Petition".
Les études in vivo sont, le plus souvent, effectuées sur les animaux suivants :
- souris, rat, porc pour les fonctions digestives ;
- lapin, cobaye pour les tests cutanés.
On distingue ici entre la toxicité à court terme (90 jours) et celle dite à long terme (18
mois à deux ans). Sa fonction est de mettre en évidence les altérations fonctionnelles ou anatomiques pouvant
résulter de l'administration de la substance sur une période couvrant l'intégralité de la vie de l'animal traité. Elle
concerne également l'étude des fonctions de reproduction, de mutagénèse et de cancerogénèse, de sensibilisation
et d'abaissement des barrières immunitaires.
S'y rattachent aussi les observations faites chez l'Homme, en matière d'allergies ou
d'intolérance, observations résultant fréquemment de l'évaluation des risques professionnels.
La bonne élaboration de ce dossier est également indispensable. Elle doit définir le nom
et la nature chimique de la substance, sa formule brute, sa formule développée, sa nomenclature, les
caractéristiques physico-chimiques ayant permis d'identifier sa structure par des techniques classiques (point de
fusion et/ou d'ébullition, pouvoir rotatoire, caractéristiques spectrales UV, IR, Raman, RMN, spectrométrie de
masse, analyse élémentaire, etc..) Ces données permettent de déterminer le degré de pureté.
Le degré de pureté et les critères d'identité ont fait l'objet de directives européennes
portant sur les grands classes d'additifs.
Sont interdits, dans l'UE, les produits pour lesquels les mentions nécessaires ne figurent
pas dans une langue facilement comprise par le consommateur. L'Etat de commercialisation pourra rendre
obligatoire l'étiquetage dans une plusieurs langues parmi celles de l'UE.
Les additifs à finalité nutritionnelle sont avant tout des nutriments et doivent être
considérés et utilisés comme tels. Il s'agit pour l'essentiel de vitamines, de minéraux, de protéines, d'acides
aminés essentiels. A la limite, on peut classer dans cette catégorie les fibres alimentaires, ou même certains
lipides permettant un enrichissement en acides gras essentiels. Dans tous les cas, leur incorporation doit
contribuer à satisfaire un besoin nutritionnel ou à rééquilibrer un régime alimentaire déficient.
Selon la définition plus ou moins restrictive qui en est donnée, la liste des additifs
alimentaires peut ne pas inclure les additifs nutritionnels, alors considérés à part : c'est le cas de la France. Aux
USA, ces substances sont au contraire référencées en tant qu'additifs, et pour la quasi-totalité d'entre elles, non
toxiques, sur une liste particulière dite liste GRAS (Generally Recognized As Safe). Dans tous les cas, les
substances utilisées doivent obéir à un cahier des charges sévère quant à la justification de leur utilisation, leur
pureté, et leur efficacité reconnue. Parfois, ce sont certains additifs d'intérêt technologique qui présentent
fortuitement un intérêt nutritionnel : exemple des sels minéraux tels les phosphates ou les sels de calcium, des
tocophérols, de l'acide ascorbique, qui ne sont pas reconnus comme nutriments par la législation française.
Si l'on désire préciser un peu, on peut dégager quelques traits essentiels concernant les
différentes vitamines :
- Acide ascorbique (Vitamine C) : C'est la plus fragile des vitamines. L'oxydation ,
négligeable à pH acide devient d'autant plus rapide que le pH est alcalin ; elle est catalysée par des traces
métalliques (fer, cuivre), voire par des enzymes telles l'ascorbate-oxydase, ou d'autres enzymes oxydantes. A
noter que la destruction de vitamine C en furfural est catalysée par la présence de saccharose et de fructose.
- Thiamine (Vitamine B1) : Elle est très hydrosoluble, et très thermosensible sous
certaines conditions. Elle est plutôt stable à pH acide (< 5), mais détruite à température ordinaire en milieu
neutre ou alcalin. Néanmoins, certains traitements thermiques, notamment parce qu'ils inhibent les thiaminases,
peuvent avoir une influence positive sur la teneur en thiamine.
- Riboflavine (Vitamine B2) : D'une bonne stabilité à la chaleur et à l'oxygène en milieu
acide ou neutre, cette vitamine est en revanche décomposée par la lumière et les pH alcalins en lumiflavine, sans
activité vitaminique, et qui de plus, conduit à la dégradation de la vitamine C.
- Pyridoxine (Vitamine B6) : Stable à la chaleur en milieu acide ou alcalin, plutôt
photosensible en milieu neutre ou alcalin. Très bonne conservation dans les produits secs. Réagit avec les acides
aminés en perdant son activité vitaminique.
- Cobalamine (Vitamine B12) : Assez résistante, quoique photosensible. Détruite par la
vitamine C, la thiamine, les sels ferreux, les groupements sulfhydriles (par les réducteurs énergiques...).
- Niacine (Vitamine PP) : En pratique, la plus stable des vitamines. Souvent peu
disponible nutritionnellement car complexée à des polysaccharides de type cellulose ou hémicelluloses, libérable
par cuisson alcaline.
- Acide folique, folates : Solubles dans l'eau, sensibles à la chaleur. Les traitements
thermiques peuvent libérer l'acide folique, plus stable. Oxydables et photosensibles, par irradiation de la
riboflavine (photosensibilité indirecte).
- Acide pantothénique : Stable à température ambiante à pH neutre ou alcalin. Résiste à
la chaleur en milieu neutre. Ni oxydable, ni photosensible.
- Vitamine A : Oxydable et photosensible. On n'observe cependant de forte oxydation
que par chauffage prolongé. La stabilité de la vitamine est variable d'un aliment à l'autre en fonction de effet
protecteur des lipides ou des antioxydants naturels.
- Vitamine D : Stable, en général. Décomposition lente à la lumière.
- Tocophérols (Vitamine E) : Antioxydants, dégradés lentement par l'oxygène et la
lumière.
- Vitamine K : Photosensible.
Les pertes ici, ont deux origines principales : pertes intentionnelles résultant du pelage
des fruits, du parage des légumes, du blutage des céréales, de l'élimination du lactosérum ; ou pertes par
solubilisation et diffusion dans l'eau. La cuisson à la vapeur permet de diminuer largement ces pertes par
diffusion/solubilisation.
En dehors de ces pertes, les minéraux peuvent être considérés comme des espèces
particulièrement stables. Seule leur disponibilité peut être modifiée, soit par formation de complexes insolubles
ou inassimilables, soit par oxydation : les sels ferriques sont, par exemple, moins aisément assimilables que les
sels ferreux. Le problème posé est donc ici très mince.
Pour l'essentiel, il est possible de classer les phénomènes de perte d'acides aminés par la
réaction conduisant à leur disparition, selon des mécanismes d'oxydation, d'isomérisation, ou de réaction rendant
les acides aminés indisponibles.
Dans ce paragraphe, on abordera brièvement le cas des aliments dits "diététiques", c'est-
à-dire administrés à des consommateurs en bonne santé, mais offrant des garanties nutritionnelles particulières
sur le plan de l'équilibre alimentaire. On entre donc de plain-pied dans le cadre des produits dits "à teneur
garantie"; des produits de régime, apportant leur ration de vitamines et de sels minéraux sans apporter les
calories "d'accompagnement" indésirables ; des aliments du nourrisson et de l'enfant.
Les grandes carences, telles que l'humanité toute entière les a connues, ont aujourd'hui à
peu près disparu des pays européens et du continent nord-américain. Seules subsistent des anémies
nutritionnelles dues à des carences en fer et/ou en folates, chez la femme ou le vieillard, carences aux
mécanismes complexes et relevant d'une thérapeutique appropriée. Sans qu'il soit question de malnutrition, les
carences en vitamine D demeurent fréquentes durant les périodes de croissance rapide, notamment jusqu'à l'âge
de vingt mois, et nécessitent alors une politique de prévention contre le rachitisme. Aux USA, la
supplémentation du lait est systématique en vitamine D, attitude diamétralement opposée à celle de la France où
la vitamine D (non sans raisons toxicologiques, du reste) est classée parmi les substances médicamenteuses
réglementées et est interdite en tant qu'additif nutritionnel.
Dans nos pays industrialisés, le goître a définitivement disparu (sauf cas pathologiques)
depuis que l'addition d'iode est devenue systématique au sel de cuisine, aussi sans doute depuis que la
diversification de l'alimentation est devenue une réalité.
La situation n'est pas, hélas, aussi enviable dans les régions les plus pauvres du globe,
notamment par carence en vitamines liposolubles. Les politiques sanitaires et nutritionnelles doivent en tenir
compte et recourir à des supplémentations régulières, en vitamines d'une part, en minéraux - au premier rang
desquels on trouvera le fer - d'autre part. L'état trop souvent constaté de malnutrition protéino-calorique justifie
également des mesures d'enrichissement en protéines ou en acides aminés essentiels.
Les enquêtes nutritionnelles tendent à démontrer que les carences en certains nutriments
sont, de manière insidieuse, plus fréquentes que l'on ne croit généralement. Au chapitre des besoins les plus mal
couverts, il s'avère, en France, que les apports sont souvent nettement insuffisants en vitamine E, en vitamine D,
en acide folique, et, dans une moindre mesure, en fer, en vitamines B1 et B6 , en niacine et en acide
pantothénique. Les carences vont préférentiellement toucher les enfants, notamment en période de croissance
rapide, les milieux socio-économiques défavorisés, les femmes enceintes, les personnes âgées.
Un certain nombre de groupes "à risques" vont même présenter des carences
spécifiques, explicitées plus bas :
Alcoolisme Contraceptifs oraux Médicaments Tabagisme
Vitamine B1 Magnésium Vitamine A Vitamine A
Niacine Vitamine A Niacine Vitamine C
Folates Vitamine B6 Folates
Vitamine C Folates
Zinc
Vitamine A
Même si ces carences sont bien cernées et analysées, on conçoit sans peine qu'il soit
difficile d'y pallier de manière généralisée, dans la mesure où elles ne concernent pas la totalité de la population.
Aussi semble-t'il plus judicieux de lutter à titre préventif contre les risques d'aggravation du statut vitaminique et
minéral des groupes vulnérables.
Sans qu'il soit utile de développer à outrance, on admettra que les enquêtes alimentaires
tendent à établir la corrélation entre l'alimentation d'une époque et l'apparition de maladies nutritionnelles
associées. Nombre d'atteintes gastro-intestinales, de maladies cardio-vasculaires sont les témoins de notre
évolution alimentaire. Les additifs nutritionnels peuvent apporter une réponse appropriée, pour peu que l'on
considère comme tels les fibres alimentaires, voire les acides gras poly-insaturés.
Dans le cas d'un enrichissement ayant pour but la santé publique, on retiendra surtout
deux caractéristiques :
- L'aliment vecteur doit être largement consommé, sa consommation doit présenter une
faible variabilité d'un jour sur l'autre.
- L'aliment supplémenté doit être acceptable sur le plan organoleptique, et avoir un
coût modeste.
En fait, le choix se porte assez souvent sur les aliments de base, assez souvent de type
céréalier. En effet, un choix moins universel peut manquer sa cible, parce que les consommateurs habituels
risqueront alors l'excès, cependant qu'on laissera de côté les consommateurs occasionnels. C'est ainsi que l'on est
parfois amené à supplémenter en nutriment un aliment ne le contenant pas à l'origine (exemple de la
supplémentation du thé en vitamine A, en Inde).
Le dernier point concerne les aspects technologiques. Un aliment supplémenté doit être
un aliment de fabrication industrielle, ou au moins de fabrication artisanale contrôlée. La supplémentation
domestique n'existe pas.
2.3.2.2. Applications
Nous allons ici tenter d'énoncer quelques exemples d'application, gardant à l'esprit que
la structure de l'aliment-vecteur et celle du nutriment sont, bien sûr, étroitement liées. On trouvera ainsi des
supplémentations en vitamines liposolubles dans les graisses, des apport d'acides aminés dans des aliments à
dominante protéique...
- Produits céréaliers : Vecteurs de choix, car type d'aliment très largement consommé.
L'apport de nutriment peut se faire au niveau du moulin, ou, plus en aval dans la chaîne de transformation, au
niveau de la préparation de la pâte. Le riz nécessite, par sa structure granulée, une technique particulière,
reposant sur l'imprégnation. Les suppléments peuvent être de nature variée : vitamines, sels minéraux, voire
acides aminés.
- Matières grasses : Seules les vitamines liposolubles peuvent constituer ici un apport
valable. La margarine est ainsi, par analogie avec le beurre, souvent enrichie en vitamine A, plus rarement en
vitamines D et E.
- Racines, tubercules : Aliments énergétiques, pauvres en protéines, leur
supplémentation n'a d'intérêt que dans les régions très fortes consommatrices. Pour l'essentiel, les zones
tropicales sont, avec l'igname et le manioc, plutôt concernées. On supplémente en général les préparations de ces
aliments sous forme de purées, flocons, farines, semoules, par addition de vitamines, sels minéraux ou protéines.
- Produits laitiers : Le lait et ses dérivés sont des véhicules intéressants pour la
supplémentation, essentiellement sur la poudre de lait après transformation. En effet, la stérilisation du lait altère
les vitamines hydrosolubles, cependant que les vitamines hydrosolubles sont éliminées par l'écrémage.
- Sucre, sel, assaisonnements : Le sucre est souvent utilisé comme support à la vitamine
A. L'impact est assuré sur les populations enfantines, avec la restriction que l'introduction dans la confiserie peut
être génératrice d'excès.
Les assaisonnements et le sel sont des vecteurs astucieux, car hors des problèmes
organoleptiques de part leurs saveurs marquées.
- Boissons : Les jus de fruits sont fréquemment supplémentés en vitamine C, mais c'est
surtout l'image commerciale du produit "dynamique" qui est visée. La tendance actuelle est à la supplémentation
des laits végétaux (coco, soja), en protéines (caséines, lactosérum...).
- Aliments de l'enfance : C'est de loin le vecteur le plus utilisé, et ce de manière quasi-
planétaire.
On peut observer que l'approche réalisée par deux pays extrêmement semblables dans
leur mode de vie et leur pratique alimentaire est sensiblement différente. Ainsi, sur la base de la consommation
de 100 g/jour de ces produits enrichis, la couverture en magnésium est de 50 % au Canada, contre < 20 % aux
USA.
Aux fins de comparaison plus globale, voici les valeurs les plus courantes de taux
d'enrichissement de produits céréaliers ou de margarine :
Les valeurs les plus basses correspondent dans ce tableau à l'objectif fixé par les
standards américains, à savoir la couverture de 30 à 50 % des besoins pour 100 g consommés. Les valeurs hautes
s'appliquent aux pays africains, dans l'optique d'une alimentation enfantine (biscuits vitaminés en l'occurrence).
Acide aminé Besoins nourrisson Besoins adolescent Besoins adulte Protéine de réf.
Isoleucine 35 37 18 40
Leucine 80 56 25 70
Lysine 52 75 22 55
Met + Cystéine 29 34 24 35
PhéAla + Tyrosine 63 34 25 60
Thréonine 44 44 13 40
Tryptophane 8,5 4,6 6,5 10
Valine 47 41 18 50
Source : FAO, OMS, 1973 - Unités : mg/g de protéine.
Le problème peut être aisément systématisé si l’on connaît la composition en acides aminés d’une protéine, en
calculant l’indice chimique comme suit :
IC = ((mg d’acide aminé par g de protéine)/ mg d’acide aminé par g de la combinaison-type))*100
On retient l’indice chimique le plus faible, correspondant à celui des acides aminés
essentiels le plus limitant par rapport à la protéine de référence. Cet indice est bien sûr dénué de sens si l’on ne
mentionne pas l’acide aminé essentiel limitant, le plus souvent la lysine ou les acides aminés soufrés. Thréonine
et tryptophane sont souvent des facteurs limitants secondaire. Si l’on considère quelques protéines usuelles, voici
les résultats :
Les méthodes utilisées pour la supplémentation sont de deux natures : le rajout d'acides
aminés de synthèse, ou la complémentation entre protéines (ou encore la combinaison de ces deux techniques).
Dans le premier cas, le taux de supplémentation est calculé par différence entre les teneurs de la protéine à
supplémenter et la combinaison-type. Dans le second cas, on se fixe un indice chimique objectif de 100. Dans la
plupart des cas, cela nécessite systématiquement le recours à des protéines animales, les protéines végétales étant
par essence inadéquates. Si l'on considère quelques protéines usuelles, voici les valeurs de quelques indices
chimiques :
2.3.4.2. Vitamines
Une voie d'avenir dans ce domaine est la voie enzymatique consistant à préparer des
plastéines, ou les acides aminés sont combinés entre eux par des liaisons peptidiques. Le ciblage devient alors
plus précis qu'avec des concentrés protéiques, cependant que les inconvénients des acides aminés libres ne sont
pas retrouvés.
2.4 CONCLUSION
Toute denrée alimentaire, quelle qu'elle soit, passe nécessairement par un stade
d'entreposage, qu'il s'agisse d'une matière première ou d'un produit fini. Il est évidemment souhaitable d'éviter
toute altération du produit pour lui conserver les principales qualités.
Or, la préservation de la qualité d'un aliment ne saurait être une opération miraculeuse,
ni gratuite, ni éternelle. Sans le recours aux additifs alimentaires, ce serait une tâche impossible. L'utilisation
d'additifs chimiques remonte, dans ce domaine, à la nuit des temps, ainsi qu'en témoigne l'utilisation du sel, ou
du vinaigre.
C'est l'aptitude du produit à bien nourrir l'homme, ou l'animal, c'est-à-dire lui fournir,
dans des conditions de sécurité complètes, les nutriments nécessaires à son métabolisme. Cette qualité présente
deux aspects : l'un hygiénique, l'autre nutritionnel.
- Qualité hygiénique, c'est-à-dire non-toxicité de l'aliment. La liste des éléments
toxiques serait trop longue à détailler, mais l'on peut résumer en disant que ces éléments peuvent être ajoutés ou
mélangés accidentellement, ou bien accumulés de manière discrète le long d'une chaîne alimentaire (métaux
lourds...), ou encore générés dans l'aliment lui-même, soit par le process de fabrication, soit par altération au
cours du stockage (cas des toxines bactériennes ou fongiques...).
- Qualité nutritionnelle, c'est-à-dire l'aptitude de l'aliment à bien nourrir. L'aspect peut
être quantitatif (teneur suffisamment élevée en nutriments), ou qualitatif (adéquation de l'aliment par rapport aux
besoins du consommateur). Le stockage peut bien sûr affecter gravement cette qualité, surtout dans le cas des
matières premières.
Cette qualité est bien sûr très importante, mais subjective et variable dans le temps.
Industriellement, la qualité est bonne si elle satisfait le plus grand nombre. C'est un facteur extrêmement sensible
aux conditions de conservation (rancissement, goûts désagréables, durcissement, liquéfaction...).
3.1.2.3. La qualité technologique
Elle intéresse surtout les matières premières et concerne donc l'industriel et non le
client. Ce peut être, par exemple, la qualité boulangère d'une farine, le pouvoir aromatique d'une plante,
etc...C'est une qualité évidemment très sensible à la conservation.
Cinq facteurs vont être fondamentaux quant à la régulation de l'influence du milieu sur
l'aliment :
- Le facteur temps, dans la mesure où les mécanismes d'altération sont régis par les
classiques lois de la cinétique.
- Le facteur thermique, ou énergétique, dans la mesure où l'accroissement de
température est un facteur d'accélération des réactions chimiques (Arrhénius). L'influence biologique mérite déjà
discussion plus fine, sauf dans la gamme des températures faibles ou ambiantes où les lois d'évolution sont
assimilables aux lois chimiques.
- Le facteur hydratation, sans doute le plus important de tous, puisqu'il régule tous les
mécanismes d'altération, par le biais de la valeur de l'activité de l'eau aw.
- Le facteur pH qui influence considérablement les activités enzymatiques et
microbiennes. D'une manière générale, un pH bas garantit le plus souvent une bonne conservation.
- Le facteur teneur en oxygène et CO2 qui va intervenir sur la nature du métabolisme
(aérobie ou anaérobie) des micro-organismes et entités vivantes, ainsi que sur l'intensité des phénomènes
d'oxydation (enzymatiques ou chimiques).
Les propriétés physiques du produit vont influer directement sur l'activité des causes
d'altération. Citons les plus importantes de ces propriétés :
- Les structures macroscopiques et microscopiques
- Les caractères rhéologiques
- Les propriétés thermiques: conductivité et capacité
- La diffusion de la vapeur d'eau (coefficient de diffusivité).
Même si l'influence de ces propriétés sur la stabilité du produit n'apparaît pas
nécessairement comme évidente au premier examen, elle est tout à fait réelle et ne saurait en aucun cas être
passée sous silence.
Notons, de plus qu'un certain nombre d'additifs présentent des effets doubles ; d'une part
favoriser la conservation, d'autre part améliorer le goût (cas du sel, du sucre..), la structure (glycérol, sorbitol), ou
encore avoir un effet doublement conservateur, comme antiseptique et antioxydant (anhydride sulfureux, phénols
substitués..).
En conclusion, nous dirons que le rôle des additifs conservateurs est indissociable de
l'objectif de qualité lié à la notion d'alimentation humaine. On le verra, les substances chimiques utilisées ne sont
pas toutes, loin s'en faut, dépourvues de toxicité. Leur maintien et leur usage courant, sous contrôle sévère de la
législation, sont les meilleures preuves de leur utilité.
Les conservateurs ont pour mission d'assurer l'innocuité de l'aliment, en inhibant les
microbes pathogènes initialement présents (salmonelles, clostridiæ, staphylocoques, moisissures diverses)
lesquels sont potentiellement producteurs de toxines. Dans une autre mesure, leur rôle sera d'assurer également la
stabilité organoleptique de l'aliment, en inhibant les micro-organismes non pathogènes responsables d'altération.
Aux doses employées, très faibles, les conservateurs exercent essentiellement un rôle de
bactériostatique et non de bactéricide. Ils ne peuvent donc pas rendre sain un produit douteux.
Dans les pays où la production alimentaire est insuffisante, et où, par suite du climat et
de l'insuffisance de moyens physiques de conservation, les micro-organismes occasionnent des pertes
considérables, les agents conservateurs peuvent, à coût réduit, assurer un accroissement appréciable de la masse
d'aliments disponible.
Dans les pays industrialisés, ils constituent un moyen énergétiquement favorable d'aider
à la conservation des produits, tant il est vrai que l'utilisation du thermique (positif ou négatif) est grande
consommatrice de kilojoules. Néanmoins, l'image du conservateur chimique est très défavorable, de par
l'existence à leur endroit d'un préjugé de toxicité. Les risques corrélés à leur utilisation sont pourtant déjà très
faibles, mais sans doute faut-il, par une réglementation largement diffusée d'une part, par une recherche active de
principes plus inoffensifs d'autre part, les abaisser encore de manière à rehausser l'image de marque de ces
molécules pourtant indispensables.
Le chlorure de sodium NaCl est sans doute, si l'on excepte la fumée, le premier
conservateur chimique à avoir été utilisé. Son utilisation est si traditionnelle en tant que produit à connotation
hédonique qu'il n'est pas considéré comme un additif.
C'est cependant un agent antimicrobien efficace, essentiellement par son rôle dépresseur
de l'activité de l'eau.
Dans les produits alimentaires, sous l'action de diverses bactéries (notamment les
microcoques), les nitrates sont réduits en nitrites, qui sont en fait la forme active de ces composés. L'utilisation
de ces additifs est omniprésente en charcuterie-salaison où leur fonction est multiple :
- En se combinant à la myoglobine du muscle, les nitrites donnent naissance à la
nitrosomyoglobine, de couleur rose stable, responsable de l'aspect des produits de charcuterie.
- Ils contribuent étroitement à l'élaboration de la saveur particulière des produits.
- Au cours de la cuisson, ils donnent naissance à des inhibiteurs très efficaces de la
croissance du Clostridium botulinum, bactérie anaérobie sporulée qui produit une neurotoxine extrêmement
active et très souvent mortelle.
Il est aujourd'hui à peu près évident que le C. botulinum a, par le passé, provoqué un
nombre impressionnant d'hécatombes "familiales", par ingestion de produits mal conservés. L'utilisation
généralisée des nitrates / nitrites a sans nul doute réduit le phénomène au niveau de l'accident rare.
Notons que l'activité des nitrites ne se limite pas au seul C. botulinum, mais qu'elle
s'exerce aussi sur d'autres formes de clostridiæ, notamment le C. tyrobutyricum, certes moins toxique, mais à
l'origine d'accidents de fabrication en fromagerie extrêmement coûteux. On pourrait penser que leur utilisation se
justifierait dans la fabrication des poissons fumés, notamment, soumis au même risque botulique que les produits
de charcuterie. Certains pays autorisent ces usages annexes, mais ce n'est pas le cas de la France qui limite
l'usage des nitrites / nitrates à la seule industrie de la salaison.
Le mode d'action des nitrites a longtemps été discuté. Ils n'empêchent pas la
germination des spores, mais empêchent la multiplication qui leur fait suite. Leur concentration est un facteur
déterminant de leur efficacité. Elle est malheureusement difficile à maîtriser car elle évolue sensiblement dans le
temps.
Ces nitrites, du reste, semblent avoir une activité marquée sur d'autres bactéries tel
Staphylococcus aureus. Le mécanisme d'inhibition est mal connu, mais l'on présume qu'il s'agit d'actions
diverses sur les mécanismes de transport, les oxydoréductions et les réactions enzymatiques.
Les pouvoirs publics ont légiféré sur les teneurs maximales de nitrosamine dans les
aliments et boissons. La teneur moyenne en nitrosodiméthylamine (CH3)2N-N=O de la bière a ainsi décru de 2 à
10 µg/kg en 1978 à moins de 0,3 µg/kg en 1982, pour l’essentiel en évitant le chauffage direct lors du touraillage
du malt, et en réglant les brûleurs de manière à limiter leur production de NOx. Si le cas des nitrosamines
volatiles semble facile à analyser, il n’en est pas de même au niveau des nitrosamines non volatiles qui, en dépit
des progrès des techniques analytiques, semblent toujours représenter un cas difficile.
Il faut tempérer l'image toxique des nitrites pris comme additifs par l'observation
suivante : les nitrosamines sont présentes de manière absolument naturelle dans de nombreux produits (tabac,
boissons, divers...), et il est donc certain que la part de nitrosamines imputable directement à la consommation de
produits charcutiers est, en fait, assez minime. Cette observation ne doit toutefois pas diminuer l’attention des
toxicologues quant aux risques liés à l’addition de nitrites aux produits alimentaires.
Bien que l'on ait souvent, sous des pressions diverses, cherché à le faire, les nitrites
n'ont jamais été interdits car ils sont considérés comme des additifs anti-botuliques irremplaçables. L'importance
du risque botulique est telle que son palliatif "peut se permettre" d'être toxicologiquement discutable... Cela dit,
la législation relative à l'emploi des nitrites est très contraignante, et oblige à les employer en mélange avec du
chlorure de sodium (sel nitrité à 0,6 % de nitrite de sodium). La concentration tolérée dans les produits est
limitée, et l'on a beaucoup cherché à la réduire, avec des fortunes diverses. On trouvera plus bas les doses
d’incorporation et les doses résiduelles des nitrites et nitrates :
Ces additifs sont parmi les plus anciens utilisés, puisque les Egyptiens et les Romains
utilisaient déjà le SO2 provenant de la combustion du soufre pour désinfecter le matériel de vinification. Le
procédé est encore utilisé, mais on fait aujourd'hui également appel aux sels dans les produits alimentaires,
lesquels libèrent le dioxyde de soufre au contact de l'eau.
Leur utilisation principale est la vinification, aussi bien aux fins de désinfection qu'à
celles de contrôle de la fermentation, du fait que SO2 dosé à 50 - 100 ppm est bien plus toxique pour les
bactéries et les moisissures que pour les levures. Ils servent également pour la conservation des produits
végétaux, essentiellement les fruits et préparations à base de fruits où leur rôle protecteur s'exerce également à
l'égard du brunissement enzymatique. Plus rarement, on les a vu utilisés dans la conservation des produits
animaux (crevettes, viandes) où leur rôle serait pour l'essentiel anti-botulique. Anecdotiquement, ils furent
également les premiers antioxygènes utilisés dans les vins et les bières (jusqu’en 1934). SO2 et ses dérivés sont
en effet capables d’inhiber le brunissement non enzymatique (réaction de Maillard) en bloquant les fonctions
aldéhydes des sucres. Les sulfites sont aussi des inhibiteurs des polyphénols oxydases, responsables du
brunissement enzymatique.
SO2 présent dans les aliments peut être sous forme libre (gazeuse, ou saline), mais aussi
sous forme combinée par des liaisons covalentes le plus souvent à différents constituants : sucres, acides aminés,
polyphénols, acides nucléiques, thiamine, riboflavine,acide folique, etc.. Ces capacités de fixation font que l’on
est souvent amené à des dosages plus élevés que nécessaire pour atteindre le seuil effectif de présence souhaité.
Le mode d'action du SO2 ne vient certainement pas de son pouvoir acidifiant, très
modéré. On l'explique plutôt par la réduction des ponts disulfures (-S - S-) dans les protéines enzymatiques et la
combinaison avec les fonctions aldéhydes des sucres qui freinerait leur dégradation.
aux sulfites, toujours plus nombreux, déclenche des intolérances chez les asthmatiques. Les symptômes sont le
plus souvent : une rhini
Le dossier toxicologique des sulfites a été ouvert en 1886, et n’a jamais été refermé
depuis. On sait que les aliments traités te paroxystique, voire un sifflement respiratoire, de l’asthme, de
l’urticaire, de l’eczéma, de la diarrhée, de l’hypotension avec éventuelle perte de connaissance. On a parfois
accusé le SO2 des vins d'être à l'origine de céphalées.
Quantités maximales en SO2 dans les denrées alimentaires (Directive 95/2/CE, annexe III, B)
Denrées alimentaires Quantités maximales de SO2, en mg/l
ou en mg/kg
Produits à base de pommes de terre
Granules de pomme de terre déshydratés 400
Amuse-gueule à base de céréales et de pommes de terre 50
Pommes de terre pelées 50
Pommes de terre transformées (y compris congelées et surgelées) 100
Pâte de pommes de terre 100
Champignons séchés 100
Fruits séchés
Abricots, pêches, raisins, prunes et figues 2000
Bananes 1000
Pommes et poires 600
Autres (y compris fruits à coque) 500
Noix de coco séchées 50
Fruits, légumes, angélique et écorces d’agrumes confits, cristallisés 100
ou glacés
Boissons
Jus de fruits
Orange, pamplemousse, pomme et ananas destinés à la vente en vrac 50
dans la restauration
Jus de limette et de citron 350
Concentrés à base de jus de fruits contenant au minimum 2,5 % 350
d’orge (« Barley water »)
Autres concentrés à base de jus de fruits ou de fruits broyés 250
Boissons aromatisées sans alcool contenant du jus de fruits (à partir 20
de concentrés uniquement)
Boissons aromatisées sans alcool contenant au minimum 235 g/l de 50
sirop de glucose
Bière, y compris la bière à faible teneur en alcool et la bière sans 20
alcool
Bière subissant une seconde fermentation dans le fût 50
Vins sans alcool 200
Made wine 260
Cidre, poiré, vins de fruits, vins de fruits pétillants (avec ou sans 200
alcool)
Sirop de glucose, déshydraté ou non 20
Mélasses 70
Autres sucres 40
Hydromel 200
Vinaigre de fermentation 170
Moutarde, sauf de Dijon 250
Moutarde de Dijon 500
Gélatine 50
Succédanés de viande, de poisson et de crustacés à base de protéines 200
végétales ou de céréales
3.2.2.4. L'anhydride carbonique
CO2 (E 290).
L'intérêt de CO2 en tant que conservateur a été révélé par l'étude de la conservation sous
vide, et a d'abord été mis au crédit de la privation d'oxygène. Une étude plus attentive à montré la faiblesse de
cette explication, puisque la conservation sous vide laissait en général une pression partielle d'oxygène suffisante
pour assurer la survie et la croissance des micro-organismes. CO2 joue donc un rôle réel sur l'inhibition de la
croissance des micro-organismes.
CO2 n'est pas, de manière évidente, un additif, puisque existant de façon plus
qu'importante à l'état naturel dans les préparations alimentaires. Cependant, son introduction dans un aliment
entraîne sa dissolution et son incorporation, et il n'a donc pas, à ce titre, à être exclu de l'étude.
CO2 se montre, en général, plus actif sur les bactéries aérobies que sur les anaérobies,
ce qui le rend efficace contre les bactéries responsables d'altération, mais pas, par exemple, sur la flore lactique.
On a également pu constater qu'il était très actif contre les moisissures, mais pas contre les levures. Par contre,
son efficacité est médiocre vis-à-vis des bactéries pathogènes. Son action est plus efficace à basse température,
sa dissolution étant plus élevée.
Son champ d'utilisation s'étend : viande fraîche réfrigérée, mais aussi oeufs, lait,
poisson, crustacés... Sur les produits végétaux, son rôle sur l'évolution du végétal est intéressant.
Le mode d'action est mal connu, mais résulterait de l'inhibition des décarboxylases.
Au final, le CO2 est un additif intéressant, notamment sur le plan sanitaire, puisque sa
toxicité est nulle.
Ces acides sont généralement utilisés sous forme de sels de sodium, potassium, calcium.
Les molécules les plus utilisées sont :
- L'acide formique HCOOH et les formiates (E 236, 237, 238)
- L'acide acétique CH3COOH et les acétates et diacétates (E 260, 261, 262, 263)
- L'acide propionique C2H5COOH et les propionates ( E 280, 281, 282, 283)
- L'acide caprylique CH3 - (CH2)6 - COOH (E 470 générique)
L'acide acétique, sous forme de vinaigre, est utilisé depuis longtemps pour conserver les
cornichons, oignons, ainsi que diverses sauces (mayonnaise, ketchup). Il est également très utilisé dans les
marinades pour poisson. Dans la plupart de ces produits, l'effet conservateur de l'acide acétique n'est qu'une
composante d'un ensemble destiné à assurer la conservation. L'effet de l'acide acétique est plus marqué sur les
bactéries et les levures que sur les moisissures.
L'acide propionique est un produit naturel, rencontré notamment dans les fromages à
pâte cuite à des doses de l'ordre de 1 %. Cet acide et ses sels se montrent particulièrement actifs contre les
moisissures, et ont un rôle anti-rassissant particulièrement marqué. Ceci rend leur incorporation fréquente aux
produits de la panification. L'acide propionique et ses dérivés semblent utilisables pour conserver beaucoup
d'autres produits, parmi lesquels les fruits et légumes et les aliments pour le bétail.
Beaucoup d'acides gras à chaîne plus longue, et les glycérides correspondants semblent
avoir des propriétés intéressantes. La mono-laurine, ester glycérique de l'acide laurique (C 12:0) est reconnu
comme un anti-microbien efficace. On pense que l'inhibition de l'absorption par altération de la perméabilité
membranaire y joue un rôle majeur.
Aux doses utilisées (le plus souvent quantum satis), l'effet de ces additifs reste modeste,
et ne dispense pas du recours à des moyens physiques plus sûrs, notamment le froid. Leur addition constitue un
bon moyen d'allonger la durée de vie des produits.
Signalons enfin que ces composés sont métabolisés normalement par les cellules
animales, et qu'ils n'ont donc pas d'effets toxiques, du moins aux doses couramment utilisées.
Il a été fréquemment observé que la présence de doubles liaisons dans les acides gras
accroît leur activité anti-microbienne, et que les poly-insaturés sont particulièrement efficaces en tant que
fungistatiques.
L'acide sorbique est, dans cette série de composés, le plus prometteur. Il est, soit
incorporé dans les produits, soit utilisé en traitement de surface (trempage ou pulvérisation), soit présent dans
l'emballage. Il inhibe surtout les moisissures, mais aussi, à un degré moindre, les levures et bactéries.
Son champ d'utilisation est vaste : émulsions grasses, fromages, fruits séchés, laits
fermentés, yaourts, mayonnaise,pruneaux, fruits confits, pains et gâteaux. Cette dernière application pose
problème, car l'acide sorbique empêche la levée de la pâte. On y remédie en incorporant du palmitate de
sorboyle, inactif à température ambiante, mais libérant l'acide sorbique à la cuisson (Brevet HOECHST). L'acide
sorbique est également utilisable en pulvérisation après cuisson.
Dans le cas des viandes, il semble bien que l'acide sorbique puisse trouver quelques
applications. Le trempage des blancs de poulet dans une solution de sorbate de potassium réduit la flore totale,
ainsi que le nombre de salmonelles après 7 jours de stockage à 10°C. La multiplication des bactéries
psychrotrophes est freinée dans les produits cuits à base de volaille, et la durée de vie du produit s'en trouve
largement augmentée.
Enfin, un des derniers "moteurs" de la vogue de l'acide sorbique est son aptitude à
remplacer, au moins partiellement, les nitres dans leur rôle anti-botulique.
Le mode d'action de l'acide sorbique et de ses dérivés n'est pas nettement explicité. Il ne
sont efficaces que pour des contaminations par les moisissures relativement faibles, et l'on suppose que l'action
est en fait un rôle inhibiteur sur les enzymes et les déshydrogénases. L'action anti-botulique est encore plus mal
expliquée : on suppose qu'aux premiers stades de la germination, l'acide sorbique entrerait en compétition avec
les inducteurs de la germination.
L'acide benzoïque étant peu soluble dans l'eau, ce sont plus souvent les benzoates
alcalins ou alcalino-terreux qui sont utilisés. Ces produits se montrent actifs à bas pH, en dessous de pH 4, car
c'est la forme non ionisée de l'acide benzoïque qui est active. A ces pH, les bactéries sont déjà inhibées, et le
produit intervient surtout contre les levures et les moisissures.
COOR
L'acide benzoïque et ses dérivés sont utilisés à des doses de l'ordre de 0,1 % pour
conserver les préparations à base de poisson, notamment les oeufs (caviar...), les jus de fruits, compotes et
préparations similaires. Le bas pH de ces produits renforce, bien sûr, l'efficacité de l'additif. L’Académie de
Médecine a émis en 1988 un avis s’opposant à l’assouplissement des conditions d’emploi de l’acide benzoïque et
des benzoates dans les BRSA (Boissons Rafraîchissantes Sans Alcool). Celles-ci sont en effet surtout
consommées par des enfants et des adolescents. Le processus de détoxification de l’acide benzoïque passant par
une conjugaison avec le glycocolle pourrait exiger des besoins indispensables en cet acide aminé non essentiel.
L’utilisation reste donc autorisée dans les BRSA à pH inférieur ou égal à 3,5 et dont la teneur en gaz carbonique
est supérieure à 4,7 g/l, la dose maximale étant de 150 mg/l.
Les parabens ont été testés en tant qu'agents anti-botuliniques et semblent présenter à ce
titre un certain intérêt.
Le mécanisme d'action de ces composés est inconnu. Leur innocuité est loin d'être
parfaite. Ils semblent notamment susceptibles de provoquer des allergies chez les personnes sensibles (asthme ou
urticaire récurrent). Leur toxicité est réelle à dose élevée et ne les rend utilisables que pour des aliments
consommés en petite quantité.
Mentionnons ici rapidement les acides citrique (E 330), ascorbique (E 300), tartrique (E
334), lactique (E 270), en général utilisés à d'autres fins primaires que l'inhibition microbienne. Il en difficile,
dans leur cas, de faire la part de l'abaissement du pH par rapport à un rôle bactériostatique particulier.
L'acide lactique est très fréquemment rencontré, puisque formé naturellement par
fermentation (produits laitiers, choucroute, saucisson sec...).
3.2.3.5. Autres conservateurs
Dans cette catégorie se rangent les dérivés du benzène, surtout utilisés pour le traitement de surface des agrumes
(E 231 est utilisé en imprégnation des papiers d'emballage). Ces dérivés sont réputés déclencher des phénomènes
d'irritation, des nausées et vomissements chez les personnes les manipulant. D'autres produits, à usage plus
limité, font l'objet d'une utilisation restreinte, résumée ci-après :
Dérivés du benzène
E 230 Biphényle
E 231 Orthophénylphénol
E 232 Orthophénylphénate de sodium
E 233 Thiabendazole (Benzimidazole)
Autres Usage
E 239 Hexaméthylènetétramine Fromage "Provolone"
E 242 Dicarbonate de méthyle Boissons aromatisées sans alcool,
vins sans alcools, concentré liquide
de thé
E 284 Acide borique Oeufs d'esturgeon (caviar)
E 285 Tétraborate de sodium (borax) Idem
Ces agents sont étudiés dans un autre chapitre, car leurs propriétés fondamentales ne
sont pas celles de conservateurs. Toutefois, leur activité antimicrobienne, notamment en ce qui concerne le
butylhydroxytoluène (BHT), le butylhydroxyanisol (BHA), la tertiobutylhydroquinone (TBHQ) est loin d'être
négligeable. Le fait n'est pas surprenant, sachant que ces molécules sont des phénols, et que le plus simple de
ceux-ci - le phénol lui-même - a toujours été réputé pour son activité bactéricide.
Toutefois, leur action n'est guère sélective, puisqu'ils s'avèrent plus efficaces sur les
bactéries lactiques que sur les Pseudomonas, par exemple ; ce qui va résolument à l'encontre du but recherché...
Ces composés sont évidemment d'une efficacité redoutable contre les micro-organismes
indésirables. Toutefois, ils présentent deux inconvénients réellement majeurs :
- Un risque élevé d'effets indésirables chez le consommateur
- La possibilité de génération de souches résistantes.
La natamycine (E 235) est parfois autorisée aux fins d'inhibition de la moisissure sur la
croûte des fromages ou à la surface de certains produits carnés. C'est un antibiotique parmi les moins actifs, au
même titre que la nisine (E 235), dont le rôle essentiel est l'inhibition du C. tyrobutyricum dans les fromages à
pâte cuite. Il semblerait par ailleurs que la nisine présente un certain intérêt en tant qu'anti-botulinique.
Il est donc louable que l'incorporation de ces additifs se fasse à des doses aussi réduites
que possible. Des efforts ont été également faits pour tenter de minimiser le rôle de ces substances, en leur
substituant des méthodes plus traditionnelles.
Mais, ce faisant, on se heurte à d'amusants paradoxes : remplacer la salaison par la
fumaison, c'est abandonner un additif potentiellement cancérigène (nitrite), pour un qui l'est à coup sûr
(benzopyrène), qui altère sérieusement le goût, et qui, de plus, présente le risque d'être inefficace face au bacille
botulique. Face aux risques que présenterait l'abandon brutal des conservateurs, notamment du nitrite, on
travaille beaucoup à l'heure actuelle sur les effets synergiques que présente parfois l'association de deux additifs,
permettant du même coup de minorer le dosage du plus toxique d'entre eux. De la même façon, la recherche de
molécules polyvalentes, ayant des effets autres que ceux de la conservation, est largement en vogue.
La protection contre l'oxydation des graisses, huiles et produits alimentaires "gras" est
souvent nécessaire, car la dégradation oxydative des lipides présente des inconvénients organoleptiques,
nutritionnels et hygiéniques. Cette dégradation oxydative, appelée "rancissement", a des conséquences
économiques considérables, puisqu'elle va conduire à la production de denrées alimentaires inconsommables.
Là ne s'arrêtent pas les effets négatifs. L'oxydation des lipides va entraîner une baisse de
la qualité des denrées en raison de la destruction des vitamines A et E qu'elles renferment. De plus, l'oxydation
va d'autant plus toucher un corps gras qu'il est insaturé, c'est à dire que ce sont les acides gras essentiels qui vont
souffrir le plus de cette réaction. Leur perte est grave puisque, faut-il le rappeler, ils ne peuvent pas être
synthétisés par les organismes animaux.
Terminons en rappelant que les produits de dégradation des acides gras par oxydation
sont, le plus souvent, des molécules toxiques.
La lutte contre l'oxydation des denrées alimentaires s'impose donc. Elle est menée de
très longue date, et l'a d'abord été de façon empirique. On maîtrise aujourd'hui beaucoup mieux les dosages
nécessaires au juste compromis efficacité/toxicité.
C'est cette fixation d'oxygène qui a permis l'identification de la réaction et ce dès 1795
(SCHERER), absorption démontrée par BERZELIUS, mesurée par MOUREU ET DUFRAISSE en 1922 qui ont
donné de l'autoxydation cette définition : "oxydation spontanée par l'oxygène libre, dans des conditions
ordinaires de température et de pression".
R2
H
R2
R° O O
R1
O2 R2
RH R°
ROO° = radical peroxyde
O OH
H3C
CH3
ROOH = hydroperoxyde
L'étape dite d'initiation de la réaction, générée par une captation d'énergie, par exemple
lumineuse forme un radical libre en α d'une double liaison carbone-carbone. Le radical libre formé R• est très
sensible à l'action de l'oxygène atmosphérique et tend alors à former un radical peroxyde libre ROO•. La phase
de propagation, mettant par exemple en oeuvre une nouvelle molécule d'acide gras RH conduit à la formation
d'hydroperoxydes.
Ceux-ci, peu stables, vont donner naissance, par scission, à des composés volatils et
souvent malodorants : hydrocarbures, aldéhydes, cétones, alcools, acides...Ils peuvent également conduire, sans
raccourcissement de chaîne à des acides oxydés monomères, éventuellement cycliques, voire à des polymères.
Ces réactions sont d'autant plus à craindre que la température est élevée. Donnons l'exemple de la dégradation de
l'acide oléique :
ACIDE OLEIQUE
|
PEROXYDE
évolue
Dégradation Produits oxydés Polymérisation
monomères
Volatils : Fixes : diacides Acides mono-, di- hydroxy-, Polymères (dimères) de constitution
aldéhydes, époxy- et cétostéarique mal connue
cétones
Rancidité, Acidité Acides oxydés, réversion à la ?
réversion saponification
- Le degré d'insaturation des acides gras : plus une graisse est insaturée, plus elle est
susceptible de s'oxyder.
- La pression d'oxygène : plus elle est faible, plus la vitesse d'oxydation sera réduite.
- La température : la chaleur accélère l'oxydation
- La lumière, surtout ultraviolette, et les radiations ionisantes accélèrent le processus
d'oxydation
- Les pigments et les enzymes : la chlorophylle, le cytochrome C, la myoglobine,
l'hémoglobine et l'hémine catalysent la réaction d'oxydation, de même que les lipases et
lipoxygénases animales ou végétales
- La présence de traces de métaux, en particulier le cuivre et le fer. a des
concentrations < 1 mg/kg, ils peuvent considérablement réduire la stabilité des
graisses. La présence d'acides gras libres est un facteur aggravant, puisqu'elle va
faciliter la solubilisation des traces métalliques.
les processus d'oxydation radicalaire peuvent trouver leur terminaison dans les
processus suivants :
R• + R• → R - R
ROO• + R• → ROOR
ROO• + ROO• → ROOR + O2
R• + AH → RH + A•
où A• désigne un radical stable qui ne permet pas la propagation de la réaction en chaîne.
Si la première voie apparaît comme la plus séduisante, c'est cependant la plus difficile à
réaliser, ce qui explique l'emploi très large des antioxygènes dans les industries agro-alimentaires.
Nous avons déjà vu que le rôle de l'antioxygène était celui d'un "catalyseur
négatif".Parmi les molécules susceptibles de jouer ce rôle, les phénols sont les plus utilisés. Observons le
mécanisme simplifié de leur action selon SHERWIN :
OH O
+ RH Acide gras
R° +
Radical acide gras Radicaux libres antioxygène
phénol
(hybrides de résonance
O O O stables)
CH HC
CH3
CH3
HO
H3C OH
CH3
COOR
OH
HO OH
CH3 OH
OH OC2H5 CH3
CH3
N
CH3
H
OH
Ethoxyquin
TBHQ (Tert-butyl hydroquinone) CH3 CH3
CH3
CH3 CH3
HO
H3C
COOH CH3
H3C O R1
CH3 R
CH3 R = OH, OCH3 ou alkyle
Trolox C
R1 = H ou alkyle
Poly AOTM.79
Antioxygènes d'origine naturelle (ou synthétisés à l'identique)
HO
O
O
HO
HO OH
R1
HO H3C H3C
H3C H
H
O CH3
R2
CH3
R3
Tocophérol
R1
HO H3C H3C
H3C
R2 O CH3
CH3
R3
Tocotriénol
Il est à noter que l'emploi de l'éthoxyquin en alimentation humaine est très limité, et ne
concerne que le traitement des pommes et poires contre l'échaudure (auxiliaire technologique).
Les synergiques vrais sont, en général, des acides ou leurs sels : lactate de sodium
(E 325), de potassium (E 326), de calcium (E 327), acide lactique (E 270), citrique (E 330), citrates (E 331, 332,
333), acide tartrique (E 334), tartrates (E 335, 336, 337), acide orthophosphorique (E 338), et orthophosphates (E
339, 340, 341). Mais l'acide ascorbique et les ascorbates et dérivés peuvent également jouer ce rôle, même si ce
sont eux même des antioxygènes (E 300 à 304 ; acide érythorbique et sels : E 315,316)
Les antioxygènes sont en général dilués dans le sorbitol (E 420), le glycérol (E 422), le
propylène-glycol.
En dehors de ces composés classiques, les recherches se sont portées, soit sur des
molécules de synthèse à structure proche des tocophérols, tels le trolox C, ou le poly AO™-29, dont les
propriétés toxiques semblent particulièrement faibles, soit sur des composés naturels, extraits de divers
végétaux. Parmi ceux-ci, citons les extraits de sauge et de romarin, de thym et d’origan, qui semblent
particulièrement efficaces. Le plus souvent, les antioxydants naturels sont incorporés par les épices qui les
contiennent. On a pu toutefois extraire et commercialiser l’acide carnosique, le carnosol et l’acide rosmarinique.
Les Etats-Unis ont autorisé l’utilisation d’extraits de romarin, très chargés en ces molécules, autorisation non
reprise dans la Directive 95/2/CE, ce qui fait que ces extraits demeurent interdits dans l’Union Européenne (non
sans raisons toxicologiques, l’usage du romarin restant de toutes les façons, autorisé). L'efficacité comparée de
molécules couramment utilisées via l’usage des épices a fourni une large bibliographie.
La digestibilité des lipides, en particulier des acides gras saturés, semble également
affectée. L'absorption intestinale de la vitamine K est très réduite chez l'animal, ce qui peut avoir de lourdes
conséquences.
L'ingestion à forte dose de BHT provoque des hémorragies internes mortelles chez le rat
de laboratoire. Il est manifeste que ce composé exerce une action anticoagulante majeure, par inhibition de
l'absorption intestinale de la vitamine K sans doute, puisque la supplémentation du régime en cette vitamine fait
disparaître les accidents mentionnés.
3.3.3.5. Carcinogenèse
OH
O OH
O O
OH OH CH3
CH3
Gingérol (gingembre)
Isoeugénol (muscade, girofle)
O O
CH2
H3C
O O O
OH OH CH3 OH CH3
OH CH3
O O
O O
OH CH3 OH CH3
O CH3 CH3
OH
OH
O
OH CH3 OH CH3
HO HO
O CH3 O CH3
O
CH3 O
OH
OH Acide carnosique
O Carnosol
O Acide rosmarinique
OH
(Romarin, sauge)
O
HO
OH
Quelques cas d'anophtalmie ont été observés chez des ratons issus de rats ayant ingéré
du BHT, mais il est vraisemblable que l'origine se trouve plutôt dans la faible teneur induite du régime en
vitamine A.
Il semblerait que les effets se limitent à un retard de croissance sur la descendance, plus
marqué avec le BHA qu'avec le BHT chez les rats de laboratoire.
De ce qui précède, il apparaît clairement que les antioxygènes constituent une famille
d'additifs particulièrement toxiques. Bien sûr, rien n'a été relaté chez l'homme, mais il est patent que certaines
observations, notamment chez les petits rongeurs, au niveau des poumons, sont très inquiétantes, parce que
survenues à des doses d'additifs faibles.
C'est pourquoi il apparaît raisonnable de réduire l'utilisation des composés les plus
suspects, tels le BHA, ou le BHT, au profit de molécules à l'innocuité démontrée telles les tocophérols, ou le
palmitate d'ascorbyle. Certains problèmes techniques restent encore à régler, mais on peut penser que cette
substitution sera généralisée très rapidement.
ADDITIFS ANTIOXYGENES