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Politiques et management public

Les administrations municipales et la gestion des déchets urbains :


la tentation du privé
Jean-François Léonard, Jacques Leveillée

Résumé
A partir d'une analyse des avantages-inconvénients du recours au privé dans la gestion des déchets domestiques, ce texte
resitue les enjeux des conceptions « idéaliste » et « réaliste » de la gestion privée des déchets à partir des questions suivantes :
Quelle est l'ampleur du recours au privé dans la gestion des déchets urbains solides ? Pourquoi telle administration municipale
décide-t-elle de confier la gestion des déchets domestiques de son territoire à l'entreprise privée, en tout ou en partie, alors que
l'autre effectue les mêmes tâches en régie ? Quels sont les avantages et les inconvénients, managerial et économiques, du
recours au privé ? Enfin, lorsqu'il y a recours au privé, à quel modèle organisationnel fait-on confiance pour maximiser les
rendements du service ?

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Léonard Jean-François, Leveillée Jacques. Les administrations municipales et la gestion des déchets urbains : la tentation du
privé. In: Politiques et management public, vol. 7, n° 1, 1989. Quel projet pour les administrations et les entreprises publiques
? Actes du Troisième Colloque International - Québec - 3-4 novembre 1988 - (Première partie) pp. 79-94;

doi : https://doi.org/10.3406/pomap.1989.2868

https://www.persee.fr/doc/pomap_0758-1726_1989_num_7_1_2868

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LES ADMINISTRATIONS MUNICIPALES ET LA GESTION DES 79
DÉCHETS URBAINS : LA TENTATION DU PRIVÉ

Jean-François LÉONARD*
Jacques LÉVEILLÉE*

Résumé A partir d'une analyse des avantages-inconvénients du recours au privé dans la


gestion des déchets domestiques, ce texte resitue les enjeux des conceptions
« idéaliste » et « réaliste » de la gestion privée des déchets à partir des questions
suivantes : Quelle est l'ampleur du recours au privé dans la gestion des déchets
urbains solides ? Pourquoi telle administration municipale décide-t-elle de confier
la gestion des déchets domestiques de son territoire à l'entreprise privée, en tout
ou en partie, alors que l'autre effectue les mêmes tâches en régie ? Quels sont les
avantages et les inconvénients, managerial et économiques, du recours au privé ?
Enfin, lorsqu'il y a recours au privé, à quel modèle organisationnel fait-on
confiance pour maximiser les rendements du service ?

Groupe de recherche et d'analyse interdisciplinaire en gestion de l'environnement (Graige)


Université du Québec à Montréal
80 Jean-François LEONARD - Jacques LÊVEILLÊE

A l'occasion d'une brève synthèse historique sur la gestion des déchets solides
en milieu urbain, Savas (1981) écrit qu'un bon nombre de villes américaines se
retrouvent aujourd'hui dans la position qui était la leur au XVI Ile et au XIXe
siècles, soit celle de confier à l'entreprise privée le soin de collecter, de transporter
et de disposer de leur déchets. Dans la majorité des cas, toutefois, les
administrations publiques urbaines conservent, sur la gestion du service, la responsabilité
qu'elles ont enlevée à l'entreprise privée au cours de la première moitié du 20e
siècle.

Quelle est l'ampleur du recours au privé dans la gestion des déchets urbains
solides ? Pourquoi telle administration municipale décide-t-elle de confier la
gestion des déchets domestiques de son territoire à l'entreprise privée, en tout ou
en partie, alors que l'autre effectue les même tâches en régie ? Quels sont les
avantages et les inconvénients, managerial et économiques, du recours au privé,
à quel modèle organisationnel fait-on confiance pour maximiser les rendements
du service ? Voilà les quelques questions qui sont à l'origine de notre texte et
qui introduisent aux différentes sections de celui-ci.

Ampleur du recours Les discussions actuelles sur la privatisation et le fa ire-fa ire dans la gestion des
au privé dans la services municipaux ont incité certains auteurs à dénombrer les catégories
gestion des déchets d'administrations publiques locales et métropolitaines ayant recours, en tout ou en partie,
urbains solides à l'entreprise privée pour gérer la collecte, le transport et la disposition des déchets
urbains solides. Ces compilations ne sont malheureusement pas systématiques,
eu égard à l'analyse comparative internationale ou même nationale. Elles
signalent, par contre, des tendances qu'il importe de noter parce qu'elles alimentent
les craintes et les espoirs des intervenants municipaux impliqués dans la gestion
des déchets urbains.

Il existe, au Québec et ailleurs, trois formules institutionnelles pour gérer la


collecte, le transport, le traitement et l'élimination des déchets : la régie, la
privatisation « pure », le faire-faire. Lorsque le service est fourni par les employés
municipaux, on dira qu'il est exécuté en régie. C'est une formule encore très
répandue au Canada, et aux États-Unis. Lorsque le service est entièrement pris en
charge par l'entreprise privée, nous sommes en présence d'une véritable
privatisation :

« Privatiser un service jusque-là municipal, c'est, pour la municipalité, décider


de dégager sa responsabilité à l'égard de ce service, et donc cesser d'en faire un
Les administrations municipales et la gestion des 81
déchets urbains : la tentation du privé

service public... Dans le cas de la privatisation, les forces du marché décideront


si le service sera fourni ou pas, et en quelle quantité il sera fourni » (1 ).

Ainsi définie, la privatisation n'est plus une formule utilisée dans la gestion des
déchets urbains solides, du moins en Amérique du Nord. Par contre, des variantes
plus ou moins « pures » existent, en particulier aux États-Unis et au Canada.
Me David et Schick (1987, p. 473) en identifient trois formes : la franchise, la
compétition directe et la « contractuelle ». La première réfère aux systèmes de
franchises en vigueur depuis le début du XXe siècle : la municipalité reconnaft
alors telle corporation ou entreprise apte à faire la collecte des déchets pour
une zone particulière. C'est un système qui est peu répandu actuellement. La
seconde élimine les barrières géographiques et laisse à l'entreprise privée le champ
libre pour établir un prix de service sur tout le territoire. Sur une même rue,
trois compagnies différentes peuvent recueillir les déchets résidentiels, chaque
individu « contractant » avec la compagnie de son choix. Ce système est largement
répandu pour la collecte des déchets commerciaux, industriels et institutionnels
aux U.S.A. et au Canada. Ainsi, à New- York, il y a plus de deux cents compagnies
différentes qui s'occupent de ce type de marché. Cependant, il n'est à peu près
pas en vigueur pour ce qui est des déchets résidentiels. C'est ce qui se rapproche
le plus de la privatisation à l'état pur tel que définie supra.

La dernière, la formule « contractuelle », est une forme mitigée de privatisation.


Connue sous le nom anglais de « contracting out », ou de faire-faire en français,
elle constitue la principale forme de privatisation dans le domaine de la collecte
des déchets. Située à mi-chemin entre le faire et le laisser-faire, elle laisse le
contrôle et la supervision des opérations au secteur public, tout en autorisant le
secteur privé à exécuter les travaux. Il s'agit essentiellement de donner des contrats
de collecte à l'entreprise privée, suite à un appel d'offres pour une zone de
col ecte et pour une durée déterminées ; toute entreprise peut déposer une soumission,
la plus basse étant généralement retenue. Montréal fonctionne ainsi depuis 1955.
Durant les années 1970, plusieurs villes américaines se sont ralliées à ce mode de
gestion. Il s'agit d'une formule qui attire aujourd'hui l'attention des analystes et
des praticiens de l'administration publique locale à travers le monde.

Dans le tableau 1, Savas pour les États-Unis et McDavid pour le Canada (à


l'exclusion du Québec) établissent à 42 % et 59 % la popularité de la formule du
faire-faire auprès des gouvernements locaux américains et canadiens. Les deux
auteurs soulignent également qu'elle connaft une progression constante depuis

(1) Union des municipalités du Québec, Rapport de la Commission d'Étude sur les Municipalités,
Montréal, 1987, p. 240.
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une quinzaine d'années. Elle coexiste d'ailleurs souvent, du moins au Canada,


avec la gestion en régie. Elle forme alors un système de compétition
institutionnelle à l'intérieur d'une même administration. Nous aurons l'occasion d'y revenir
après avoir passé en revue les justifications, les avantages et les inconvénients du
recours au privé.

TABLEAU 1
FORMULE INSTITUTIONNELLE DE COLLECTE
DES DÉCHETS RÉSIDENTIELS (1)

Villes canadiennes Villes américaines

Formule N % &

Régie 20.6 37
53(2) 42.1
26/ov
Faire-faire 59
47 37.3 4<3)
Mixte

126 100.0 100.0

(1) Les données canadiennes ont été recueillies auprès des villes de 10.000 habitants et plus en 1981-
1982 : réponse de 126 municipalités sur une possibilité de 205. Les résultats américains proviennent
d'une compilation des données du 1976 Municipal Year Book et concernent les municipalités des
zones métropolitaines.
(2) Comprend quelques privatisations « pures ».
(3) Pour parvenir à 100 %, il faut probablement estimer que 4 % des villes américaines expérimentent
un système de compétition : « There are few cities today which consciously foster such direct
competition between the public and the private sectors » (Savas 1977, p. 718).
Les administrations municipales et la gestion des 83
déchets urbains : la tentation du privé

Les justifications, Pour les administrateurs municipaux, la privatisation des services urbains est donc
les avantages et les à nouveau à l'ordre du jour. A nouveau, parce que, historiquement, à peu près
inconvénients du tout ce qui s'appelle aujourd'hui « services municipaux » était, d'une façon ou
recours au privé de l'autre, privatisé au XIXe siècle : que ce soit la distribution de l'eau, de la glace,
la collecte des déchets, l'entretien des parcs, l'assistance sociale, l'éducation, le
transport, etc.

En ce qui concerne les déchets résidentiels, la prise en charge graduelle de leur


collecte par le secteur public à partir de la fin du XIX siècle résultait
essentiellement des déficiences des systèmes de collecte privée (Savas 81). L'inversion de
cette tendance depuis quelques décennies s'explique tant par des facteurs
historiques que par des conjonctures économico-sociales dont a déjà fait état une
littérature plutôt abondante. Nous voudrions faire ressortir brièvement les
principaux éléments qui rendent la privatisation si attrayante pour les
administrations publiques.

Deux raisons principales sont invoquées pour expliquer la réapparition du


secteur privé dans la collecte des déchets, en particulier aux États-Unis (Savas, 1981,
p. 47) : les nombreuses annexions effectuées par les villes centrales et la
généralisation de la collecte mixte. Dans le premier cas, on explique que, très souvent,
les petits territoires annexés par les villes centrales étaient déjà desservis par
l'entreprise privée. Il semblait plus pratique et peut-être plus économique de
conserver les choses en état. D'où la coexistence de deux systèmes de gestion au
sein de l'administration d'un même service.

Un peu comme dans le cas des annexions, la généralisation de la collecte mixte a


permis au privé de renforcer sa position dans le système de la collecte des déchets.
Auparavant, on séparait à la source les matières putrescibles des matières non
putrescibles. Les premières étaient habituellement ramassées par le secteur public.
Les secondes relevaient de la responsabilité des citoyens : ils pouvaient les porter
à des dépôts, les brûler ou évidemment les faire ramasser par des collecteurs
privés, dont certains à Montréal exerçaient l'honorable profession de « guenil-
loux », espèce de recycleurs éco-systémiques avant le temps. La généralisation
de la collecte mixte a évidemment mis fin au régime de collecte séparée sans pour
autant éliminer l'expertise du privé dans ce secteur.

Par delà ces réalités historiques, la raison la plus couramment avancée comme
justification pour la privatisation, c'est la croyance que le privé est plus efficace,
qu'il peut, mieux que le secteur public, atteindre des objectifs fixés dans les délais
prévus. Cette croyance repose sur un certain nombre d'analyses économiques
qui montrent la performance comparative des secteurs privé et public en termes
de coûts et de productivité avant et après la privatisation de la collecte des déchets
(Me David, 1985, p. 606 ; McDavid-Shick, 1987, p. 484).
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A cela, il faut ajouter les fortes pressions qui existent pour réduire, ou à tout le
moins stabiliser, les dépenses publiques et pour augmenter la productivité des
services municipaux. Ces pressions sont fortement liées au mouvement de déséta-
tisation qui a cours depuis les années 1970 et, dans le cas des villes et des
collectivités locales, aux contraintes fiscales qui limitent fortement leur capacité à
assurer de la même façon qu'auparavant la distribution des services urbains. Ainsi, le
recours à l'une ou l'autre forme de privatisation apparaft comme une alternative
attrayante au monopole public.

La principale justification d'efficacité de l'entreprise privée trouve donc sa source


première dans les économies de coûts qui valent tant pour les grandes villes que
pour les petites villes (Savas, 1977, Ferris-Graddy, 1986). En recourant au privé
ces dernières disent réaliser des économies d'échelle puisqu'elles n'ont à effectuer
ni investissements de départ (immobilisation de capital), ni investissements
d'entretien. Du côté des grandes villes, les avantages sont d'abord vus dans la
compétition qui peut exister entre les fournisseurs de services : plus il y en a qui
soumissionnent, plus les économies réalisées sont importantes. On pense donc garder
les taxes foncières à leur niveau actuel, tout en encourageant la constitution
d'entreprises locales de sous-traitance qui pourront, demain, exporter leur savoir-
faire à l'extérieur de la ville et créer des emplois dans la ville.

Outre ces avantages différenciés applicables à des villes de tailles variées, une
analyse globale tend à montrer que le secteur privé spécialisé dans la collecte des
déchets a une organisation du travail non seulement différente mais aussi plus
souple et moins coûteuse (Ecodata, 1984 ; Ferris-Graddy, 1986) : les employés
du secteur privé travaillent plus que ceux du secteur public puisque, pour le même
salaire, ils ont moins de congés et de vacances ; le secteur privé utilise du personnel
moins qualifié pour faire chaque tâche et il utilise des travailleurs à temps partiel
au besoin ; en outre, il décentralise plus et coordonne mieux les ressources
d'encadrement puisqu'il donne aux contremaftres la responsabilité de l'équipement et
de la main-d'œuvre, particulièrement le droit d'engager et de congédier. Ces
différents éléments jouent en faveur de la plus grande efficacité du secteur privé
puisqu'il semble utiliser moins de main-d'œuvre pour donner le même service.

La privatisation comporte toutefois quelques inconvénients. Dans l'hypothèse


d'une privatisation « pure », il y a potentiellement une diminution du contrôle
de qualité par les administrations publiques. Celles-ci tentent de contourner cette
difficulté par la rédaction de clauses contractuelles ou de cahiers de charges
stricts. Mais il reste toujours à l'entreprise privée une marge de manœuvre et
d'interprétation plus ou moins grande selon la nature et la complexité du service
offert. A cette diminution du contrôle de qualité correspond inévitablement une
réduction ou une perte de la maftrise d'œuvre qui rend petit à petit les
administrations publiques dépendantes d'une expertise externe tant pour la préparation
des cahiers de charges que pour les objectifs de développement du service. Cela
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déchets urbains : la tentation du privé

s'applique plus particulièrement aux privatisations « pures » et au système de


compétition directe. Finalement, toute la question des coûts sociaux, qui n'est
pas prise en compte par le secteur privé, apparaft, dans certaines conjonctures,
comme l'une des carences importantes du « tout-au-privé ».

C'est pourquoi l'idéal, d'un point de vue politico-administratif, semble être le


système de compétition institutionnelle. Car la principale crainte des
administrations locales est celle du monopole : monopole syndical avec la judiciarisation
excessive des relations de travail, du moins en Amérique du Nord, l'absence de
souplesse des définitions de tâches, les pressions inévitables lors du
renouvellement des conventions collectives ; monopole privé avec ses collussions toujours
latentes pour « carte Iliser », le marché ou imposer ses conditions, ses non-respects
des normes ou des cahiers de charge, son peu de souci de l'environnement.

Le recours au privé, dans un système compétitif, permet de gérer sans à-coup


une large augmentation du volume de déchets collectés. C'est aussi vu comme un
moyen unique et fort efficace de mesurer la performance de l'un et l'autre secteur
et de faire pression sur l'un et l'autre selon le besoin. En constituant un secteur
témoin, les administrateurs publics se donnent le moyen de comparer le mode de
fonctionnement général de leur personnel avec celui du secteur privé en
compétition sur le même territoire. Dans certains cas, cette comparaison est utilisée
comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des employés municipaux et de leur
syndicat, en particulier au moment de négocier le renouvellement des conventions
collectives de travail (McDavid-Schick, 1987). Enfin l'existence d'un service de
collecte public partiel, fût-il de petite taille, permet aux administrations
municipales de conserver une maftrise d'œuvre par rapport au secteur privé, une
compréhension et une connaissance plus forte de l'offre de service. Par contre, ce faisant,
l'administrateur public court le risque d'être accusé de renoncer à l'exécution
de son mandat, en particulier pour ce qui touche à la définition et à la réalisation
d'objectifs de redistribution.

Modèle La revue des avantages et des inconvénients du recours au privé dans la gestion
d'aménagement du du service de collecte, de transport et de disposition des déchets laisse à entendre
recours au privé que la décision de faire appel, ou non, à l'entreprise privée, est toujours complexe.

Posons, pour les fins de notre analyse, que la décision a tout de même été prise
de recourir à l'entreprise privée. S'agira-t-il d'un abandon total des diverses étapes
du service à l'entreprise privée ? Si oui, souhaitera-t-on que la situation évolue
à l'avantage d'une gestion monopolistique ou d'une gestion compétitive entre les
entrepreneurs privés ? Est-ce que ces entreprises seront uniquement des entreprises
de type capitaliste ? Quelle part fera-t-on aux entreprises communautaires ? Enfin,
86 Jean-François LEON A RD - Jacques LÈVE IL LÊE

quelles seront les conséquences d'une telle option sur les dimensions « publiques »
de la gestion du service de collecte et de disposition des déchets ?

Toutes et chacune de ces questions exigeraient d'être clarifiées et analysées en


profondeur. Nous ne prendrons pas ce risque. Nous préférons plutôt nous
rapprocher de la situation montréalaise en faisant ressortir les enjeux théoriques et
pratiques d'un système dont l'objectif principal serait d'encourager la compétition
entre le secteur privé et le secteur public dans la gestion de ses déchets urbains
solides.

Quel secteur privé ? Cette interrogation ouvre la voie à un double questionnement : de type
philosophique et de type administratif ou managerial.

Sur le plan philosophique, l'interrogation soulève à nouveau le débat sur les


mérites respectifs des groupes constitués et des groupes associatifs dans la gestion
de certains services municipaux de base, et dans la promotion de certaines valeurs,
telle l'efficacité ou la responsabilisation, rattachées à cette gestion. D'un côté, les
« réalistes » soutiennent que certains services municipaux s'accommodent bien du
recours aux groupes communautaires alors que d'autres services, de nature plus
technique, comme la question des déchets, s'adaptent mal à une philosophie
de participation ou d'épanouissement démocratique (Ferris-Graddy, 1986,
DeHoog, 1988). De l'autre côté, les « idéalistes » affirment, au contraire, que la
production de déchets constitue un des gestes urbains qui, tout en étant très
individualisé, recèle un potentiel énorme de prise de conscience collective qu'il
importe d'exploiter. Aussi, toute solution qui favorise la manifestation
communautaire de cette responsabilisation doit être mise en œuvre (Hambleton, 1988).

Bref, pour les « réalistes », la gestion du secteur des déchets revient


naturellement à l'entreprise privée, à condition toutefois qu'elle soit bien organisée sur le
plan technique. Pour les « idéalistes», les groupes communautaires constituent, à
ce niveau encore, les meilleurs agents de conscientisation et les plus fidèles
initiateurs d'un prise en charge collective de cette importante question urbaine.

La reformulation de cette opposition laisse entrevoir toute une série de questions


pratiques sur la voie de l'opérationnalisation de l'une ou l'autre des philosophies
de gestion. En simplifiant, nous dirions que les « réalistes » prônent volontiers
l'adoption de mécanismes bureaucratiques et centralisés de gestion, alors que les
« idéalistes » exigent plutôt des formules diversifiées et décentralisées de gestion
pour s'adapter à l'état d'esprit des divers quartiers de la ville.
Les administrations municipales et la gestion des 87
déchets urbains : la tentation du privé

Sur le plan administratif ou managerial plus immédiat, plusieurs mises au point


doivent être faites pour répondre à l'interrogation sur le secteur privé en tant
que co-gestionnaire du service des déchets. Une première mise au point concerne
le nombre d'entreprises qui seront intégrées dans le système. Dans la mesure où
les entreprises pouvant s'associer à l'offre du service sont disponibles sur le
marché, il faudra décider s'il est préférable que le système de compétition s'organise
à partir d'un petit nombre de grandes entreprises ou d'un grand nombre de petites
entreprises. Les deux choix ont évidemment été faits dans diverses villes nord-
américaines, parfois de façon très délibérée, parfois au terme d'une évolution des
forces « aveugles » du marché.

A Monterai, par exemple, le choix en faveur du recours à un grand nombre de


petites entreprises a été fait dès 1955 (Savas-Berenyi, 1979). Devant la menace
appréhendée de l'oligopole ou même du monopole, les autorités publiques
montréalaises ont réitéré, en 1985, par de nouvelles normes dans la soumission et dans
l'attribution de contrats, leur détermination à consolider un système de
concurrence public/privé dans lequel les entreprises privées sont de type « artisanal »,
par opposition à « monopolistique ». Ceci ne signifie toutefois pas que la ville
de Monterai veuille conserver la configuration actuelle dans la répartition des
tâches entre le secteur privé (90 %) et le secteur public (10 %). Depuis quelques
années, la discussion est engagée avec le syndicat des cols bleus sur les mécanismes
et modes de fonctionnement qu'il conviendrait d'adopter pour que
l'administration montréalaise consente à un partage égalitaire des contrats, ou routes de
cueillette, entre les employés de la ville et les entreprises privées.

L'évaluation des avantages et des inconvénients découlant de l'une ou l'autre des


options sur le nombre des participants privés et sur la part respective du secteur
public et du secteur privé dans le système de compétition n'est pas facile à faire.
Certaines attitudes semblent toutefois se généraliser. Parmi celles-ci, il y a la
crainte que se développe une situation de monopole ou, au contraire, que le grand
nombre d'entreprises participantes camoufle mal la présence d'artisans qui devront
abandonner la tâche en cours d'exécution. Dans les deux cas, il s'agit
essentiel ement, pour les administrateurs publics, de se protéger contre la constitution d'un
contexte décisionnel qui échapperait à leur contrôle et les rendrait vulnérables
devant les éventuelles questions des citoyens/clients quant à la qualité de leur
prévision sur ce point.

Quoiqu'il en soit de ces attitudes « prudentielles », il demeure que, dans un


secteur d'activité municipale aussi technique que la gestion des déchets, les
administrateurs publics disposent de divers mécanismes de normalisation. Ceux-ci
permettent de réduire de beaucoup les incertitudes quant à la régularité et quant à
la qualité du service fourni par les employés municipaux et par les entreprises
privées, peu importe leur nombre.
88 Jean-François LEONARD - Jacques LÊVEILLÊE

Une deuxième mise au point concerne le mode de compétition entre le secteur


public et le secteur privé. Au delà du nombre et des pourcentages relevant de l'un
et l'autre secteur, nous faisons ici référence à la philosophie qui inspire l'adoption
d'un mode compétitif de gestion du service. L'option retenue ayant été de trouver
une voie entre le « tout-au-public » et le « tout-au-privé », les questions qu'il
importe de soulever se rapportent désormais aux motifs du choix et aux attentes
quant aux potentialités et quant aux limites du système.

Comme nous l'avons déjà souligné, les motifs invoqués par les villes ayant adopté,
de façon consciente, un système compétitif de gestion des déchets sont à la fois
d'ordre économique (réduction des coûts) et d'ordre administratif (constitution
d'un secteur témoin).

Une littérature abondante cherche à cerner les potentialités et les limites du


système compétitif de gestion des déchets. Si divers auteurs avancent que les coûts
seraient moins élevés et la productivité plus forte dans le secteur privé, certains
autres, moins nombreux, soutiennent le contraire. Ils proposent que si tous les
termes pertinents de la comparaison étaient effectivement pris en compte, les
coûts et la productivité de l'un et l'autre secteur seraient très semblables : parmi
les termes pertinents, il est fait état de la qualité des équipements, de la
topographie des routes de cueillette, de la distance entre les lieux de cueillette et la zone
d'enfouissement. Ces auteurs ajoutent qu'il importerait, pour procéder à une
comparaison systématique, de disposer des coûts sociaux qui sont rattachés à
la gestion des déchets, soit en retranchant l'internalisation de ces coûts de la
comptabilité du secteur public, soit en additionnant à la facture privée une valeur
représentant le coût social non considéré.

Savas (1981) rallie probablement ces deux courants d'analyse lorsqu'il constate
que les villes ayant adopté le système compétitif ne se sont pas, à ce jour, données
les moyens de tirer tous les avantages d'une comparaison « pédagogique » entre
les secteurs, pour le plus grand bien du service lui-même et des citoyens-usagers.

Une dernière remarque concerne la supervision exercée par le secteur public sur
le secteur privé. Dans toutes nos villes, il s'agit d'une supervision obligée puisque
la responsabilité des villes à l'égard de l'enlèvement, du transport et de la
disposition des déchets est inscrite dans les lois les régissant. La reconnaissance de cette
responsabilité ne préjuge cependant pas du type de supervision que les services
administratifs sont disposés à exercer. S'agira-t-il d'une supervision
bureaucratique tatillonne qui risque d'inhiber toute velléité d'innovation ? Cette supervision
s'accompagnera-t-elle d'une recherche pour adapter le service au futur ou pour le
maintenir conforme à un certain passé ? Est-ce que cette supervision saura inspirer
les comportements des employés de la base, aussi bien privés que publics ? De
telles questions nous incitent à une réflexion sur la partie « publique » du système
compétitif de gestion des déchets.
Les administrations municipales et la gestion des 89
déchets urbains : la tentation du privé

Quel secteur public ? Sous ce titre nous soulevons quelques interrogations sur les éléments du « public »
qui contribuent, ou pourraient contribuer, au système compétitif de gestion dont
nous cherchons à préciser les enjeux.

1 . Les autres paliers de gouvernement.

La recherche en administration publique et en sociologie politique urbaine met


constamment en relief l'influence des gouvernements dits « supérieurs » dans le
financement, le contrôle législatif et réglementaire, et même la gestion d'un
certain nombre de services municipaux. Sur un plan plus normatif, cette influence
est généralement jugée avec sévérité par les administrateurs locaux qui
considèrent qu'il y a manipulation dans les règles du jeu administratif et «
constitution el ». Traitant de ces mêmes réalités, les analystes parleront plutôt de perte
d'autonomie des gouvernements locaux, de transformation dans les rapports de force
entre le centre et la périphérie et, plus généralement, de rédéfinition des structures
et pratiques démocratiques dans nos sociétés bureaucratiques.

Ainsi, les paliers supérieurs de gouvernement constituent souvent des partenaires


inévitables dans le système compétitif de gestion que les villes se donnent. Mais
peuvent-ils être des partenaires invités plutôt qu'imposés ? Deux cas de figure
sont plausibles, quoique toujours problématiques.

Dans le premier cas, il s'agit du recours à une mise en commun intermunicipale,


métropolitaine ou régionale, suite à une prise de conscience de l'interdépendance
dans les problèmes et dans les solutions de gestion des déchets urbains. A
Montréal, cette question a été mise à l'agenda du gouvernement métropolitain en 1984-
1985, sans succès. La ville de Montréal n'est pas parvenue à s'entendre avec ses
partenaires au sein de la Communauté Urbaine. Dans d'autres milieux
métropolitains, canadiens et américains, certaines formules souvent laborieuses sont
expérimentées.

Dans le deuxième cas de figure, le partenariat avec d'autres instances


gouvernementales est dicté par les impératifs de continuité géographique et d'économie
immédiate. Cette situation se présente lorsque les administrations locales doivent
de toute nécessité harmoniser leurs pratiques de gestion pour ne pas prendre le
risque d'un débordement instantané des coûts et des jugements des électeurs.
Une telle interdépendance peut s'imposer à la faveur de l'utilisation d'un même
incinérateur, d'un même site d'enfouissement, des mêmes équipements ou des
mêmes entreprises de collecte, de transport et de disposition des déchets.
90 Jean-François LEONARD - Jacques LÈVE IL LÊE

2. Les services municipaux

La gestion du service des déchets, à l'instar de la majorité des autres services


municipaux, a historiquement été inscrite dans ce que la littérature nomme le
« fonctionnalisme municipal » et qui consiste à faire correspondre fonction ou
besoin à combler avec sa structure spécialisée de conception et d'exécution. Or
cette tendance est aujourd'hui remise en question par un grand nombre
d'intervenants, théoriciens et praticiens, du centre et de la périphérie gouvernementale.
En particulier dans des secteurs naturellement multidimensionnels comme
l'environnement et la qualité de vie.

Cette remise en question prend la forme d'un recours plus fréquent à la


globalisation dans les analyses et à la mixité sectorielle dans les projets de réforme
administrative. Les gouvernements dits supérieurs ont ouvert la marche sur ce
terrain. Les impacts environnementaux de certains de leurs méga-projets, les
pressions des groupes écologiques, et l'obligation morale qui est faite aux instances
politico-administratives nationales de planifier les interdépendances ont
évidemment contribué à cette ouverture. Les administrations municipales, trop souvent
cantonnées dans un rôle purement administratif, ont été plus lentes à s'adapter
aux nouvelles perspectives de gestion. Le temps semble toutefois arrivé pour
plusieurs gouvernements locaux de revoir leurs structures d'administration dans le
but de globaliser l'analyse et de contraindre à l'interdisciplinarité.

Il est sûrement trop tôt pour rendre compte des changements qui se sont opérés
dans les villes sur ce plan. Par contre, il semble bien que les départements ayant eu
la responsabilité quasi-exclusive sur tout le secteur de la gestion des déchets ne
seront plus jamais seuls à se prononcer sur la question. De nouveaux associés
administratifs, au sein des départements actuels, et plus probablement dans des
structures parallèles, feront leur apparition pour véhiculer une vision moins
sectorielle de la problématique des déchets. De l'ingénierie pure, il y aura peut-
être passage graduel vers l'ingénierie sociale et l'écologie sociale.

3. Les employés municipaux.

La question « quel secteur public ? » nous a permis d'introduire des interrogations


sur les instances gouvernementales et sur les services municipaux. A l'intérieur de
ces derniers, une catégorie d'acteurs symbolise tout particulièrement le « secteur
public », il s'agit des fonctionnaires de bureau et des employés manuels
municipaux. Comment, dans le mode de gestion compétitif des déchets, sont-ils et
peuvent-ils être considérés comme des partenaires privilégiés de gestion ?

Un premier aspect de cette question concerne le statut organisationnel de ceux


et celles qui ont partie liée à cette co-gestion. S'agit-il exclusivement des cadres
Les administrations municipales et la gestion des 91
déchets urbains : la tentation du privé

supérieurs et intermédiaires, soit ceux et celles qui sont les gardiens attitrés des
normes bureaucratiques ? Comment sont associés les fonctionnaires et employés
manuels de la base qui, de fait, sont les co-gestionnaires obligés du service de
collecte, de transport et de disposition des déchets au niveau de la rue (street-
level bureaucracy) ? La réponse à de telles questions exige que la réflexion porte
sur la philosophie qui sous-tend l'édifice du mode compétitif de gestion, ou de
tout autre mode. Nous en dirons quelques mots dans un instant.

Un deuxième aspect de la question se rapporte aux organisations syndicales et


soulève la problématique de leur insertion dans le mode de gestion des déchets.
La tendance, à ce propos, a été de considérer ces structures de représentation
au même titre que toutes les autres instances de représentation qui entrent en
contact avec les autorités publiques de la ville. Leur contribution, ainsi que celle
de leur membres, était régie par une convention collective de travail dûment
négociée par les deux parties en cause. Aussi, sans que les relations découlant de
cet exercice soient inévitablement conflictuelles, la structure même des rapports
entre les deux instances est de nature strictement contractuelle.

Il semble que, sur ce plan également, certains responsables syndicaux et certaines


autorités politiques et administratives soient désormais disposés à repenser la
manière traditionnelle de faire en vue de l'adapter à un mode plus ouvert de
participation des employés à titre de co-gestionnaires publics du service des déchets.
La crainte de la privatisation d'une part, et la volonté de s'engager dans une
philosophie plus intégrée de gestion des services publics d'autre part, sont à l'origine
de certains compromis qui découlent plus d'une attitude coopérative que d'un
réflexe contractuel pur et simple.

4. Des centres locaux de gestion des déchets ?

En plus des agents publics déjà pris en considération par notre interrogation sur
le contenu du secteur public, il importe de se demander quelle place occupent
les usagers et les contribuables des services municipaux, en particulier dans le
secteur de la gestion des déchets.

Les utilisateurs du service des déchets sont, aujourd'hui, fréquemment qualifiés


de partenaires dans la mesure où leur participation est jugée essentielle au succès
de tout programme de tri sélectif et de toute politique axée sur la récupération
et le recyclage des « matières usées ». Or, la réflexion quant à la forme de leur
insertion dans le mode compétitif de gestion n'est pas très avancée. Ceci tient
évidemment au fait qu'il n'est pas facile de cerner la nature du nouveau phénomène.
92 Jean-François LEONA RD - Jacques LÊVEILLÊE

Les groupes constitués et les groupes de type associatif engagés dans le secteur
de la gestion du déchet ne posent pas de problèmes quant à leur statut. Ils font
des pressions sur les autorités politiques et administratives, ou ils font des affaires.
Qu'en est-il, en contrepartie, de tous ceux et toutes celles qui, dans leurs
milieux de vie respectifs, sont de plus en plus interpellés, en tant qu'individus, pour
apporter une contribution à la gestion du service des déchets ? Ne formant ni une
circonscription électorale, ni un district scolaire, ni un territoire de Centre Local
de Services Communautaire (CLSC), sur quelle base est-il possible de concevoir
l'organisation minimale de leur association au mode de gestion compétitif des
déchets ? Que pourrait signifier le concept de « circonscription des besoins » en
matière de déchets ou de « Centres Locaux de Gestion des Déchets » dans une
ville de l'importance de Montréal ? Que pourrait-on retenir de la littérature
plus générale sur la « démocratie des usagers » ?

Quel modèle Les questions qui parsèment ce texte laissent entendre que la résolution de l'énig-
de gestion ? me sur le modèle de gestion ne sera pas de tout repos. Nous l'introduisons tout
de même pour réfléchir sur les interdépendances entre les divers éléments de
réflexion que nous avons avancés. Sur un continuum de
centralisation-décentralisation, nous imaginons à cette fin la configuration des agents privés et publics
comme faisant partie d'un mode compétitif de gestion des déchets, et laissons à
chacun le soin d'organiser les aménagements mitoyens.

La justification du recours à une philosophie centralisée de gestion est connue.


Elle s'appuie sur les impératifs environnementaux et économiques, aussi bien que
sur les exigences technologiques des équipements dans ce secteur d'intervention.
Sans parler de la qualité et de l'équité dans l'exécution du service. Bien comprises,
ces exigences techniques et normatives conduisent à l'adoption de normes et de
procédures bureaucratiques laissant peu de place à des solutions à la pièce. Selon
la même logique, la qualité, sinon le nombre, des intervenants privés susceptibles
d'être associés au mode de gestion se doit d'être uniformisée pour que les usagers
ne souffrent pas des écarts entre le service fourni par les uns et les autres. Enfin, la
structure de commandement bureaucratique ne devrait laisser aucun doute quant
aux responsabilités de conception, de contrôle, de sanction et d'exécution des
tâches de supervision.

Au point de départ, le recours à une philosophie décentralisatrice dans la gestion


du service des déchats apparaft comme un anachronisme. Le service est
effectivement devenu « public » pour contrer des pratiques décentralisées ayant entrafné
divers abus. Alors, pourquoi s'y référer ? Certains diront que la nature des
problèmes actuels ne laisse pas d'autres choix que de responsabiliser l'ensemble des
citoyens-usagers, sinon les prix du service et les conséquences diverses des négligences
Les administrations municipales et la gestion des 93
déchets urbains : la tentation du privé

à agir risquent de devenir rapidement incontrôlables. D'autres capitalisent sur


ces constatations en promouvant l'idée que la meilleure participation à une
tâche est encore celle qui est faite en toute connaissance de cause. Aussi, ils
soutiennent que la majorité des étapes de la gestion des déchets se prête à une prise
en charge décentralisée dans laquelle les agents privés sont diversifiés et pour
laquelle les agents publics, de haut en bas et de bas en haut, sont invités à innover
en s'associant aux usagers dans les quartiers et les milieux de travail.

Conclusion Ces dernières références indiquent bien que la gestion des déchets obéit de moins
en moins au stéréotype que l'on accole aux secteurs techniques de l'intervention
publique. Nous avons cherché à en rendre compte en soulevant plusieurs
interrogations. Il sera utile de revoir ces questions au terme de l'étude que nous menons
actuellement sur la gestion intégrée des déchets urbains solides à Montréal.

Globalement, la privatisation « pure » des services municipaux en matière de


collecte de déchets semble être à l'heure actuelle plus une tentation qu'une
solution en voie de se généraliser. Elle ouvre cependant un large débat sur la façon
dont les administrateurs publics doivent remplir leurs mandats de gestionnaires
sur les rapports privé/public, sur les responsabilités des uns et des autres à l'égard
des tâches de la Cité. La notion et la pratique de service public ont grandement
évolué depuis une dizaine d'années. La présence du privé dans la gestion du service
n'est plus repoussée avec empressement ni même avec dédain. Au contraire,
cette présence est diversifiée. Elle oblige à innover. Nous serions même tentés
d'avancer que la visibilité des initiatives privées provoque une remise en question
de la contribution « publique » dans la gestion des services municipaux. Les
adaptations sont peut-être plus lentes à se réaliser dans le secteur public. Elles
risquent toutefois d'avoir des incidences durables sur l'évolution future de nos
administrations locales.
94 Jean-François LEONARD - Jacques LÊVEILLÊE

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