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Armand Colin

Espaces périurbains : au-delà de la ville et de la campagne? (Problématique à partir


d'exemples pris dans le Centre-Ouest)
Author(s): Yves JEAN and Christian CALENGE
Source: Annales de Géographie, 106e Année, No. 596 (JUILLET-AOÛT 1997), pp. 389-413
Published by: Armand Colin
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23454978
Accessed: 12-12-2017 17:18 UTC

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Espaces périurbains :
au-delà de la ville
et de la campagne ?
(Problématique à partir d'exemples pris
dans le Centre-Ouest)

Yves JEAN
Maître de Conférences, Département de Géographie, Université François-Rabelais, To
Christian CALENGE
Professeur agrégé, Département de Géographie, Université François-Rabelais, T

Résumé. — Les espaces qualifiés de périurbains sont rarement abordés


tant que tels par les géographes ; les « ruralistes » y voient trop souvent
avancées conquérantes de la ville, dénaturant leur terrain d'études, et l
spécialistes des villes les délaissent, comme des formes trop peu accom
de l'urbanité. Ce caractère apparent d'interface explique sans doute en pa
les difficultés rencontrées pour définir cette notion et ces territoires.
phénomène de périurbanisation est pourtant généralisé à tous les types
villes et d'agglomérations, ce qui ne signifie pas qu'il soit identique et
uniforme dans tous les cas de figures. En partant des exemples de quelques
villes moyennes du Centre-Ouest, il est apparu utile de tenter de construire
une problématique interrogeant ces espaces, en dépassant l'habituelle et
manifestement inopérante dichotomie urbain/rural.
Il apparaît que ces espaces ne peuvent être abordés en eux-mêmes, car ils
forment avec les autres éléments des espaces urbains un système socio
spatial complexe. Ils résultent en effet tout à la fois des logiques animant
les infrastructures, notamment économiques, et des jeux de représentations,
tant de la part des résidents que des acteurs politiques, structurant la sphère
idéelle. Partie actuellement la plus dynamique des agglomérations, ces terri
toires localisent des enjeux essentiels, entre une ruralité évanescente et une
urbanité floue. Ces enjeux sont saisis et formalisés par différents acteurs,
pas seulement mais notamment politiques, de manière variable, et souvent
conflictuelle. Ils se révèlent par là-même significatifs des difficultés de gestion
de ces territoires périurbains, qui posent indéniablement la question de la

Ann. Géo., n" 596, 1997, pages 389-413, © Armand Colin

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390 ANNALES DE GEOGRAPHIE

cohérence et de la pertinence des espaces légiti


discordance avec les dynamiques spatiales.

Abstract. — The spaces described as « outer-urb


as such by geographers ; the « ruralists » too
urban spawl, « distorting » their field of stud
neglect them as a sort of extremely undeve
apparent characteristic of « interface » no doubt p
encountered in defming this notion and these
peripheral urbanisation is nevertheless general
agglomérations, wich does not imply that it w
in every illustrated case; starting with some ex
sized towns in the Centre-West, it appeared use
problem examining these spaces, avoiding the
fective urban / rural dichotomy.
It appears that these spaces cannot be treated
complex socio-spatial system with the other eleme
They resuit at the same time from the logic drivi
économies, and from a set of performances as
as from the political actors, structuring the i
part of the agglomérations, those areas concént
rurality and a spreading urbanity. The spoils ar
the varions actors, mainly political, in a very v
manner. They display the same signs of manage
urban areas, wich undeniably raises the question of the cohérence and
pertinence of the legitímate spaces, obviously in conflict with socio-spatial
dynamics.

Mots clés : périurbain, Centre-Ouest, campagne, ville, mobilité, représenta


tions, enjeux, politiques spatiales, échelle.

Key words: outer-urban, Centre-West, country, town, mobility, performances,


spoils, spatial politics, scale.

Introduction

Le phénomène dit de périurbanisation correspond surtout, par son


ampleur spatiale, à l'une des grandes évolutions géographiques enregis
trées en France depuis vingt ans. Les 10 400 communes périurbanisées
regroupent 9 millions d'habitants en 1990 contre 6 millions en 1982,

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sur un peu plus de 10% du teritoire na


de la croissance démographique nationa
fait majeur des nouvelles modalités de
l'évolution des modes de vie de la socié
Ces espaces sont par ailleurs peu abor
réflexions concernant les politiques d'amé
quelques travaux du Commissariat Gén
Lors de la grande consultation lancée p
n 'est guère question que de la crise de la
des campagnes.
D'une certaine façon les communes p
la fois par leur croissance et par la diff
que statistiquement. Les études et les p
prioritairement les espaces ressentis en
sont perçus comme n'étant pas en diffi
Cette très insuffisante prise en compt
que les élus sont confrontés quotidienn
le système urbain/périurbain, dont la
génère une multitude d'interrogations.
a été question en Touraine de la poursu
à l'Ouest de l'agglomération de Tours,
municipalité de Tours, de la relance d'u
etc. En Poitou, les acteurs locaux avaient à se déterminer sur les
transports intra-urbains, l'ouverture d'une troisième déchetterie, la dé
localisation des cinémas du centre-ville, les trente ans du District
Urbain et son agrandissement, etc. L'absence de problèmes, ou de
médiatisation de problèmes, ne signifie pas qu'il ne se passe rien dans
ces territoires, qu'il est encore bien difficile pourtant de cerner spatia
lement.
Il apparaît utile de définir cette situation à partir de quelques
exemples régionaux, puis d'aborder quelques-uns des enjeux, liés à
l'identité urbaine plus ou moins spécifique des communes périphériques
des agglomérations, notamment de taille moyenne, qui font de cette
question une problématique géographique.

I. Un espace particulier, difficile à définir: le périurbain

A. Une terminologie multiple, reflet d'une réalité complexe


L'imprécision de la notion constitue la première difficulté rencontrée,
et nuit tant à la lisibilité du phénomène qu'au diagnostic et aux
éventuelles prescriptions. Chaque auteur privilégie un aspect, ce qui
aboutit à une terminologie variable, reflet du flou spatial.

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Le concept est apparu dans la littérature a


années 40, pour décrire les espaces du commu
nécessaires par la dissociation des espaces de l
puis du commerce. Il a été introduit plus tar
assez spectaculairement avec le livre de G. Ba
La forme et le sens de cet espace périurbai
rentes des deux côtés de l'Atlantique. En Fra
notions, plus ou moins recouvrantes : fron
espace de desserrement de la ville, nouvelles
nisation de fonctions, dé-densification de la
des vocables tels que périurbanisation, rurba
nisation, redéversement urbain, frange urba
Dès 1963 J. Beaujeu-Garnier évoquait sans le
Dans « Les mots de la géographie », R. Brune
écrivent : «... le périurbain ... est tout ce qui
en réalité fait partie de la ville par les activit
habitants... ; (il) comprend tout l'espace d'ur
lotissements et constructions individuelles, m
le terme est souvent synonyme de banlieue, ... e
l'emploi de ses habitants étant fourni essentielle
urbaine ». Cette définition souligne trois caracté
— le caractère résidentiel et récent,
— la prégnance des migrations pendulaires,
— la qualité de sous-ensemble de la ville.
La définition de R. Chapuis insiste, quant
ruraux et sur la généralisation à l'ensemble
phénomène. Elle oppose la qualité paysagère rurale au mode de
fonctionnement urbain, quoique dans une forme peu dense.
Nous partageons le point de vue de C. Cabanne : «... espace situé
à la périphérie d'une ville et de sa banlieue et qui est le lieu de
transformations profondes sur les plans démographique, économique,
social, politique et culturel. Le déversement d'un nombre important de
citadins qui viennent habiter dans les communes rurales, tout en conti
nuant à travailler en ville, se traduit dans le paysage par une modification
au niveau de l'habitat, de la voierie, des équipements. (...) l'analyse de
l'espace périurbain est très complexe à mener dans la mesure où il se
situe aux franges de deux espaces eux-mêmes dynamiques et dans la
mesure où les formes de périurbanisation varient... »
Si l'on souhaite conduire une réflexion particulière sur ces espaces,
il convient de resserrer le concept, qui ne doit correspondre ni à la
banlieue ni aux communes rurales en croissance. Il faut s'interroger
pour savoir s'il est pertinent de penser qu'il existe un objet géographique
«périurbain », dont les caractères seraient différents et de l'urbain et
du rural.

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ESPACES PÉRIURBAINS 393

B. Une délimitation difficile

Ces définitions très descriptives ne permetten


limites du phénomène, mouvant dans le temps et
successives de l'I.N.S.E.E., qui ont pour principal mérite d'exister,
n'opèrent guère plus que le temps d'un ou deux intervalles censitaires.
Ainsi, quand les Z.P.I.U. représentent 78 % des communes et 96 % de
la population, leur caractère discriminant s'écroule. L'Institut a en
conséquence travaillé sur une nouvelle critérisation, privilégiant les
migrations quotidiennes. En Bretagne par exemple l'I.N.S.E.E. distingue
un « périurbain chaud » d'un autre « tiède » en fonction non seulement
de la croissance démographique, mais encore de la structure par âge,
des navettes, des activités, des revenus...
Ces travaux ont débouché sur une nouvelle approche statistique,
exposée par T. Le Jeannic dans la revue « Économie et Statistiques ».
L'I.N.S.E.E. a travaillé à partir de quelques entrées problématiques
assez simples : il existe une certaine continuité de peuplement, du plus
urbain au plus rural ; ce sont les migrations pendulaires de travail qui
structurent le plus significativement les espaces ; les espaces urbains
sont donc des espaces polarisés par l'emploi dans l'unité urbaine
centrale ; le processus est itératif, c'est à dire que la première couronne
périurbaine peut en définir une seconde, par l'attractivité qu'elle exerce
à son tour sur l'emploi ; corrélativement des communes peuvent être
polarisées par deux ou trois aires urbaines voisines. C'est là un
renouvellement essentiel de l'appareillage statistique, constitué d'emboî
tements d'aires définies les unes par rapport aux autres, qui distingue
désormais 361 pôles urbains, peuplés de 34 millions de personnes, puis
les couronnes périurbaines, représentant 9 millions d'habitants. Les
communes de ces couronnes sont soit urbaines, soit rurales, mais
toutes contiguës. Il y a là un net resserrement du phénomène, claire
ment provoqué par le seuil retenu de 40 % de migrations polarisées
hors de la commune de résidence, et le refus a priori de la discontinuité
spatiale. Même ainsi restreint, l'espace périurbain, redéfini dans une
certaine complexité, a vu sa population croître de 50 % de 1982 à
1990, pour plus de la moitié par extension spatiale du phénomène,
et aussi par attractivité migratoire et croît naturel. Cela confirme, au
delà des remarques qui pourraient être faites sur ce nouvel appareillage
statistique (prise en compte d'un seul type de mobilité, constitution
d'aires contiguës, niveau des seuils, ...), la vivacité du dynamisme de
ces espaces qui se présentent comme conquérants, attractifs et jeunes
tout à la fois. Il est étonnant dès lors que le phénomène spatial majeur
du peuplement du territoire national ait suscité aussi peu d'intérêt,
dans l'opinion et chez les chercheurs, sauf quelques exceptions.
E. Renaud a travaillé sur Angoulême pour tenter de discerner des
« couronnes » en fonction notamment de l'histoire démographique des

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394 ANNALES DE GEOGRAPHIE

populations communales. Elle met en valeu


connus : perte au moins relative du poid
dégradation de l'évolution démographiqu
mération stricto sensu au profit des com
croissance périurbaine n'est uniforme ni
temps. Il existe tous les degrés entre la com
ment urbanisée et la commune encore rurale. A tout le moins l'évolution
périurbaine suit des axes privilégiés comme celui de la N. 10 en ce qui
concerne Angoulême, mais aussi les petits noyaux urbains.
J.F. Troin a noté un schéma très voisin en ce qui concerne Tours :
130 000 habitants pour la commune-centre, 140 000 pour la périphérie,
elle-même structurée en trois noyaux : « ... au Nord de la Loire une
extension ramifiée qui (...) passe rapidement au tissu pavillonnaire, puis
au mitage dans les communes périphériques... ». « Dans l'interfluve entre
Loire et Cher (...) une nette dissymétrie intervient : alors que la ville cesse
brutalement à l'Ouest, elle se prolonge à l'Est en un long appendice... ».
« Au Sud de la Loire une zone hétérogène comprend la commune de
Joué-les-Tours (...), les extensions sud de Tours, le pôle commercial de
Chambray-les-Tours et la commune résidentielle de Saint-Avertin ». L'évo
lution démographique entre 1982 et 1990 fait apparaître une forte
augmentation dans la deuxième couronne.
B. Kayser définit la première couronne comme en continuité avec
la ville-centre ; une seconde plus délicate à définir vers l'extérieur, car
variable dans le temps, en fonction du degré d'achèvement de l'urba
nisation ; enfin la troisième couronne — le périurbain — serait celle
de l'affrontement entre les formes urbaines et une société rurale encore
active. Elle serait discontinue, diffuse — et on peut en déduire, par
conséquent, sélective.
Une analyse multicritères est nécessaire pour définir cette « cou
ronne » périurbaine, surtout dans sa délimitation externe. Ainsi, parmi
les nombreux paramètres démographiques pouvant être utilisés, celui
du seul accroissement d'une commune rurale n'est pas pertinent ; les
soldes migratoires, les niveaux de densité relative, la structure socio
professionnelle, les mobilités, notamment d'actifs, mais encore le marché
foncier ou l'importance du bâti récent peuvent être pris en compte.
C'est cet aspect complexe que souligne M. Berger : « Entre une définition
par trop extensive et non opératoire, et une autre qui assimile la
périurbanisation à l'exode urbain, il est possible de retenir un cadre
d'études prenant en compte l'essentiel des processus liés aux nouvelles
modalités spatiales de la croissance urbaine, et de décrire l'apparition de
nouveaux clivages socio-spatiaux. Nous serions tentés de dire : peu
importe la limite adoptée, — elle est naturellement mobile —,
l'essentiel est de saisir où, comment et pourquoi certains espaces
changent en relation avec la proximité d'une ville ».

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ESPACES PÉRIURBAIIMS 395

II. Un processus spatial diversifié

Dans les régions françaises les plus rurales (C


celles du Grand Ouest (Poitou-Charentes, Breta
ainsi qu'en Bourgogne, la population vivant en
est plus nombreuse que dans les régions plus u
en Bretagne avec 18,5% de la population régionale ou en Poitou
Charentes avec 16,9 %.
L'analyse descriptive des agglomérations du Centre-Ouest permet
une série de constatations :
1. Le phénomène périurbain, actif surtout depuis une trentaine
d'années, se développe selon des caractéristiques à peu près communes
à toutes les villes : solde migratoire positif, importance du bâti récent
et bien équipé, de préférence en maison individuelle, nouvelle popula
tion de jeunes couples avec enfants, migrations alternantes et plus
globalement forte mobilité...
Mais il y a toutefois une grande diversité de situations commu
nales, liée aux rythmes, à l'intensité, aux composantes du phéno
mène et aux politiques locales. C'est donc un processus général,
mais d'ampleur et d'intensité variables.
2. L'évolution de la population totale de l'agglomération se carac
térise par une baisse du nombre des habitants de la commune centre,
ou du noyau central, une stagnation ou une légère progression dans
les banlieues contiguës — lre et éventuellement 2e couronne —, et une
progression sensible à forte au-delà.
Le plus souvent, et surtout depuis le dernier recensement (1990),
la population de la ville-centre est moins nombreuse que la population
périphérique. Ce renversement démographique indique clairement
que les acteurs locaux doivent prendre conscience de la nécessité
de raisonner sur l'ensemble ville/agglomération/périurbain.
3. L'espace périurbain est en effet en relation forte avec l'agglo
mération et la ville-centre de celle-ci, et cela du fait de l'histoire, des
caractéristiques sociales et économiques, des rythmes des évolutions.
Ainsi, en Poitou-Charentes, la carte migratoire de 1975 témoignait
elle de l'éclatement du maillage urbain et de la mutiplicité des pôles
attractifs, ainsi que d'un développement sensible de la périurbanisation
résidentielle et, à un moindre degré, de celle des emplois. Les travaux
de J. Soumagne montrent que les bassins migratoires de 1990 sont en
relation avec l'accroissement de la mobilité : les actifs travaillant hors
de leur commune de résidence sont passés du tiers à la moitié du
total de l'ensemble régional.

L'étude des agglomérations de la région Poitou-Charentes reflète


des configurations spatiales différentes (/ig. 1)
L'agglomération angoumoisine se caractérise par la concentration
de 50 000 emplois et le plus fort taux d'actifs hors agglomération, en

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396 ANNALES DE GÉOGRAPHIE

Espace urbain
de Bressulre

Cj.
Espace urbain de
Poitiers-Chitdlerault

XuTS
Espace urbain de
Saintes-Cognac

Hi Communes du pole urbain


Communes piriurbalnes
A A T
I t Communes multipolaris6es
1 lAutres communes 19961014-1- OUACV-REG-PC-POL

Fig. 1 - L'espace à dominante urbaine en Poitou-Charentes.


Urban space in Poitou-Charentes.

particulier dans les communes périurbaines (cf. flg. 1). Elle s'est struc
turée à partir des infrastructures routières, à savoir la R.N. 10 pour La
Couronne, Saint-Michel et Le Gond-Pontouvre, la R.N. 141 pour L'île
d'Espagnac et Ruelle-sur-Touvre, et la R.N. 139 pour Soyaux. La Cou
ronne et Ruelle sont les communes les plus « autarciques » avec 47 %
des actifs qui résident dans la commune où ils travaillent ; les migra
tions alternantes y sont multipolaires.
Concernant les principaux flux domicile-travail, six quartiers ou
communes attirent les actifs :
— le quartier d'Angoulême-Plateau-Glacis est attractif pour tous les
autres quartiers de la ville, excepté celui de Madeleine-Bel Air-Grand
Font, plus les communes de Saint-Yriex, L'île d'Espagnac et Puymoyen ;
— le quartier Victor Hugo-Bussatte-Saint Roch reçoit la plus forte
part des actifs venant de la commune de Soyaux et des quartiers de

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ESPACES PERIURBAINS 397

Madeleine-Bel Air, Grand Font, Platea


Pontouvre.
Ces deux quartiers centraux de la ville d'Angoulême regroupent les
services non marchands, en particulier la fonction publique territoriale
et les principales administrations, les services financiers, avec en
majorité des banques, les services marchands aux particuliers (cli
niques...) et de petits établissements de commerce ;
— le quartier de la Grande Garenne-Basseau draine les actifs des
communes de Fléac, Linars et La Couronne ;
— la commune de Ruelle est attractive pour les travailleurs de
Mornac et Magnac-sur-Touvre ;
— la commune de La Couronne attire les actifs de Nersac et Saint
Michel ;
— L'île d'Espagnac ceux de Ruelle.
La Grande Garenne, Ruelle, La Couronne et L'île d'Espagnac sont
les quartiers ou communes les plus industrialisés, l'agglomération ayant
la spécificité d'avoir le taux la plus élevé d'actifs dans l'industrie des
quatre agglomérations de la région, avec 30,7 %, pour 12,8 % à Niort.
Angoulême se caractérise par des établissements travaillant les papiers
et cartons, les matériaux en céramique, la chimie de base, les biens
d'équipement, les industries textiles, parachimiques, etc. Sont également
représentés le B.T.P., les transports, alors que les services marchands
sont localisés à L'île d'Espagnac et La Couronne.
Ces flux migratoires confirment le caractère multipolaire de
l'agglomération. S'ajoutent à ces flux intra-urbains les mouvements
provenant des communes périurbaines situées hors de l'agglomération
statistique, avec, par exemple, des flux significatifs vers Champniers,
où se rencontrent des industries mécaniques, notamment Leroy-Somer
et La Télémécanique, et disposant d'une importante activité de
commerces et de services.
La prédominance de l'industrie dans l'emploi explique que la caté
gorie des ouvriers soit la plus importante, en particulier les ouvrier
qualifiés : ils effectuent moins de migrations que d'autres, même si le
taux reste élevé, à 83 %.
Sans développer de façon aussi précise le cas des autres agglomé
rations de la région, précisons que la particularité de La Rochelle,
avec ses 48 000 actifs dont les trois quarts résident dans l'agglomération,
est liée à la concentration des emplois dans le centre-ville, qui regroup
près d'un tiers des actifs.
L'agglomération de Niort, avec 41 000 emplois dont 56 % se
localisent sur les trois quartiers centraux et la commune de Chauray
avec les services non marchands. Le commerce domine à Chauray avec
la C.A.M.I.F. Les services financiers sont le second secteur d'emploi de
la commune, avec les assurances. L'étude des migrations alternantes
souligne l'ampleur des chassés-croisés au sein de l'agglomération.

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398 ANNALES DE GEOGRAPHIE

Avec 61 000 emplois, Poitiers représente


semble des quatre agglomérations. Sa caracté
tance qu'y revêtent les emplois de services, qu
du total. La répartition par catégories socio-
ponibles statistiquement) montre de plus une fo
et de professions « intellectuelles supérieure
ployés » est la plus nombreuse toutefois ; la mo
dans la fonction publique.
A Poitiers, trois actifs sur quatre changent
travailler, et la répartition des emplois est p
cas précédents. Six communes totalisent 90
Migné-Auxances, Chasseneuil-du-Poitou, Biar
Benoît.
L'espace périphérique, dans tous ces cas, dépend de l'agglomération
à la fois pour les emplois, mais aussi pour les biens et services. Le
grand commerce et les établissements productifs ont viabilisé certaines
communes périurbaines. Ce système spatial fonctionne sur — au moins
— deux modes : les services et les relations humaines en centre ville,
les relations plus fonctionnelles en périphérie.
Il n'y a pas lieu par ailleurs de développer ici une critique sur la
pertinence ou la non-pertinence des statistiques utilisées ; ce débat s'est
toutefois renouvelé avec les travaux de F. Damette et de nombreux
autres chercheurs, surtout en ce qui concerne l'analyse des structur
de l'emploi et des systèmes économiques. Quoi-qu'il en soit les tendan
sont incontestables et autorisent à conclure que nous sommes en
présence d'un système spatial polycentrique et multicommunal,
d'une ville « éparpillée », alors que les schémas de pensée sont souvent
restés axés sur la conception de la ville compacte fortement structurée
par un centre puissant.

III. Les facteurs de la périurbanisation

A. Les facteurs économiques


Les facteurs économiques du processus de périurbanisation sont
assez bien connus, et d'ordre très général. On peut évoquer :
— l'accroissement démographique jusqu'en 1964 et les besoins en
logements qui en découlaient ;
— la forte croissance économique des « Trente Glorieuses » et
l'élévation concomittante du niveau de vie qui a autorisé la réalisation
des désirs d'un meilleur logement, notamment par les classes moyennes,
par ailleurs tôt équipées d'une, voire deux automobiles. A partir de
1974, la forte inflation et l'augmentation des revenus, de l'ordre de 2 %

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ESPACES PÉRIURBAINS 399

par an, permettaient de rembourser les prêts obtenus pour faire


construire ;
— le poids des structures financières et celui des mesures étatiques,
tel que le prêt en accession à la propriété, l'exonération temporaire du
foncier bâti, ou encore le prêt conventionné, ont largement favorisé
l'expression d'une véritable « idéologie » pavillonnaire permise par la
production de masse des maisons et entretenue par le marketting des
notaires, agences et promoteurs immobiliers ;
— le développement du réseau routier a grandement facilité les
choix de localisation des habitations assez lointaines par rapport à
l'entreprise, en ouvrant le « champ des possibles », en démultipliant
l'espace accessible pour un temps inférieur ou égal. Cela forme système
avec l'équipement automobile, tout à la fois autorisant et justifiant de
tels choix, et s'est traduit par le développement de villages-rues le long
des routes nationales et surtout départementales, avec parfois l'éclate
ment de la commune.
Ces communes sont depuis une dizaine d'années confrontées à la
nécessité de transformer ces espaces de circulation en espaces de
fixation, ce qui se traduit par l'aménagement de bourgs, de places, où
l'on aurait envie de s'arrêter. Soulignons également que les habitants
qui avaient quarante ans et des enfants en 1970 se retrouvent aujour
d'hui seuls, vieillissant et relativement isolés le long des routes dépar
tementales. Les politiques de valorisation du patrimoine bâti et
d'urbanisme intègrent de plus en plus l'objectif de créer des lieux de
rencontre dans ces communes ;
— la vive compétition immobilière et économique sur le marché
urbain, surtout au centre, a vite écarté de nombreux ménages, amenés
ainsi à se tourner vers les espaces financièrement accessibles. A nouveau
cela forme système avec l'automobile et le réseau routier ;
— le prix décroissant du foncier quand on s'éloigne du centre :
F. Gofette-Nagot a montré qu'il existe un continuum de l'urbain au
rural tant en ce « qui concerne les densités et les prix du sol que les
caractéristiques des lieux et des logements (...) Les ménages qui travaillent
au centre d'emploi, choisissent leur localisation résidentielle (...) en
fonction de leur dépense de logement — à une superficie donnée —, de
leur coût de transport vers leur lieu de travail, de leur temps de transport
et de l'accès à une offre de logement particulière ainsi qu'à des biens
localisés ». Cette approche souligne donc le poids du prix du foncier
dans les choix des localisations résidentielles, prix qui décroît avec
l'éloignement du centre en fonction de sa valeur d'usage.
Les municipalités concernées par la pression de la demande foncière
ont souvent tardé à se doter de documents d'urbanisme pour régle
menter l'occupation de l'espace : elles se satisfaisaient souvent de
l'augmentation de la population comme indicateur de bonne santé de
la commune. Les P.O.S. (Plans d'Occupation des Sols) ne seront parfois
élaborés que lorsque la périurbanisation aura modifié de façon signi

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400 ANNALES DE GEOGRAPHIE

ficative les paysages. Les propriétaires foncier


municipaux étaient très souvent réticents
P.O.S. (sauf cas particuliers). Par ailleurs, l
ci, les choix municipaux concernant la sup
constituent un élément social discriminant, en réservant l'accès de la
commune à certaines catégories sociales. L'image de la commune
évoluera en partie en fonction de ces choix spatiaux ;
— l'installation hors de la ville permet en général de bénéficier
d'une fiscalité moins élevée ; nous assistons à une forte concurrence
sur la taxe d'habitation, entre les communes, comme si le « marché
des habitants » avait remplacé celui des entrepreneurs et la concurrence
sur la taxe professionnelle ; il est par ailleurs notoire que les ménages
périurbains sous-estiment souvent le coût et le temps des transports
dans leur budget, notamment parce qu'ils maintiennent sinon déve
loppent des modes de vie très liés à la structure urbaine, modes qui
deviennent rapidement essentiels dans les choix de localisation résiden
tielle : ainsi les déplacements pour se rendre au travail ne sont
plus aussi déterminants, ce qui s'accorde avec la diminution de la
durée du travail et les diverses recompositions de celui-ci : journée
continue, temps partiel, menaces de chômage et autres formes de
précarité, etc.
Ce « continuum » est par ailleurs ressenti visuellement, au niveau
des formes urbaines elles-mêmes, et cela est conforme avec l'étalement
spatial induit par l'allongement du rayon de l'agglomération (fig. 2
concernant l'agglomération de Poitiers).
Toutefois nous rentrons là dans le domaine des représentations,
car, en effet, outre les raisons économiques, bien d'autres facteurs, pas
toujours aussi rationalisables, influent sur les choix et interfèrent avec
les variables financières.

B. Les facteurs sociaux et les représentations de la « campagne »


et de la « ville »

Il semble bien que le poids des structures immatérielles, de la


superstructure idéelle pour reprendre la terminologie de G. Di Meo, soit
en effet déterminant. Elle est constituée notamment de tout l'ensemble
des représentations que se forment les ménages, les candidats potentiels
à l'installation sur des territoires périphériques, ou du moins, car ils
ne sont pas nécessairement pensés comme tels, plus ou moins extérieurs
à ce qui est ressenti et/ou vécu comme la ville.
Le retour du « rural »
L'ensemble de ces représentations s'ancre dans un renouvellemen
certain des structures de l'imaginaire, lui-même plus ou moins modif
par les effets de crise. C'est en effet vers les années 50-60 que le doub
discours sur la ville et la campagne, alors très favorable à la premièr

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ESPACES PERIURBAINS 401

WMSm Zone bltie en 1993

""""lTerritoire du District de Poitiers

Route & grande circulation Source: (c) IGN • BD Csto

Fig. 2 - Surfaces bâties du district de Poitiers


et de quelques communes périphériques.
Built up areas in the district of Poitiers and surounding municipalities.

et dévorable à la seconde, commence à s'infléchir de façon perceptible.


Les difficultés patentes de l'adaptation des villes aux nouveaux modes
de production et de consommation, liées à l'arrivée massive de nouveaux
urbains, ne sont pas gérées de façon satisfaisante et à temps voulu, en
dépit des énormes efforts de logement et d'équipement. Malgré les
aspects très positifs, entre autres, des nouveaux logements majoritai
rement, voire presque exclusivement en collectif, et cela en comparaison
des immeubles très vétustés des centres-villes et des logements ruraux
inadaptés au confort ressenti comme nécessaire, un discours anti-urbain
apparaît rapidement, renouant avec une fort ancienne rhétorique qui,
au fil des âges et des auteurs, brode des variations sur la ville délétère,

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402 ANNALES DE GEOGRAPHIE

malsaine, imprévisible et incontrôlable. Cel


la pollution, le bruit, la saleté et, glissement d
repérable dans les métonymies du discours
ment non souhaité. Elle est la ville-béton, l'esp
boulot-dodo », et ces critiques sont terriblem
double mouvement d'opinion, qui s'affirm
plus ou moins de pertinence l'exaltation du
régionales et rurales (souvenons-nous : V
Gardarem lou Larzac...) et, un peu plus tar
le discours public et politique des concepts
l'écologie scientifique.
Rapidement, les sociétés rurales tradition
valeurs d'authenticité, d'équilibre avec la na
et non imposée... Si certains aspects de cet
idéologique sont peu durables, telle la vo
plus ou moins folkloriques ou, plus encore
l'utopie du « retour à la terre », cet ensemb
largement fantasmées mais extrêmement p
durer, en se renouvelant quelque peu, et ce
économique et sociale durablement installé
tructure idéelle produit alors un repliemen
cellule familiale, vécue dans un cadre contr
le groupe familial.

La valorisation de « l'environnement »
Bien entendu cette vague, dont l'intensité dans l'expression comm
le vécu est extrêmement variable, est largement utilisée par les pro
moteurs et la publicité en général. Les acteurs économiques et mêm
souvent sociaux promeuvent de la qualité de vie, du cadre de vie, de
l'environnement, et la vogue même de ce mot signifie bien que chac
entend sélectionner et choisir, et par là contrôler, ce qui fait son
univers quotidien, d'autant plus que les décisions politiques semblen
lui échapper. Le signe le plus tangible paraît bien être la mobilisati
citoyenne très forte autour de conflits généralement qualifiés d'environ
nementaux. Ce terme ne peut être accepté comme plus ou moins
synonyme d'écologique, mais pris comme qualifiant la construction
fortement subjective d'une territorialité locale, voire micro locale, ce
que les auteurs anglo-saxons appellent le syndrome « N.I.M.B.Y., not
in my backyard », le backyard étant ici moins une « arrière-cour » qu'un
espace plus ou moins consciemment choisi et construit sur des thèmes
identitaires, associés au territoire que l'on habite, cette identification
pouvant être d'autant plus forte que la résidence est récente. Cette
mythification est presque toujours associée à la ruralité (car celle qui
serait plus authentique, liée aux activités agricoles, n'est guère populaire,
pas plus que la « nouvelle » campagne que produisent des paysans

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ESPACES PERIURBAINS 403

devenus entrepreneurs), trouve un terr


la France est, relativement, un pays d
déployé jusqu'il y a peu de nombreuses soc
dans les imaginaires, à peine terminé l
toute substance. Il n'y a jamais autant e
la bonne vieille cuisine de grand'mère, des plats traditionnels des
campagnes, des recettes paysannes longuement mitonnées, que depuis
que l'essentiel de la nourriture est le produit du système agro-alimen
taire. La plupart des fromages commercialisés sont fabriqués à partir
de processus agro-industriels impensables dans un village il y a 50 ans ;
cependant ils sont vendus comme authentiques, comme enracinés dans
une longue tradition paysanne, issus de terroirs, de crûs, de savoir
faire ancestraux, typiques de telle ou telle région, faits de produits
authentiques, voire « crus ». Certes, il faut être bien naïf pour réellement
croire que le camembert est encore moulé à la louche. Mais chacun
fait semblant, car chacun aimerait tant que ce soit encore vrai.
Les lotissements, privés, communaux ou parapublics, sont promus
de la même façon, et le discours des néo-ruraux est tout à fait
conforme, à quelques nuances près, à l'air du temps, donc de l'espace :
nouveaux villages, vie authentique, plaisirs du terroir, architecture
régionale, convivialité, qui est un des grands mots inévitables, tant il
sous-entend le plaisir — retrouvé, donc perdu — des relations détendues
et confiantes avec des personnes choisies. Cela peut aller jusqu'à
personnifier la France d'un candidat aux présidentielles, en 1981 et,
depuis 20 ans, pas une évocation de l'aménagement du territoire n'omet
de mettre en avant le drame terrible de la « désertification » des
campagnes et la nécessité du retour à leur « équilibre », quand jam
autant de ménages ne se sont installés dans des pénates ruraux et q
sans les ressources des urbains, il n'y aurait guère de restauration
l'habitat dans les villages qui, pour le coup, seraient réellement aba
donnés.

La maison individuelle, sur son terrain plus ou moins soigneusement


clos et jardiné, réalise, simultanément, tous les travaux sociologiques
sont sur ce point formels, plusieurs souhaits : elle regroupe la famille ;
elle rassure, et s'oppose à l'insécurité, largement construite mais tout
aussi largement intégrée aux habitus, de la ville en général ; elle
autorise la maîtrise, plus ou moins assumée, de son environnement —
et ici il convient de souligner que celui-ci ne saurait être, pour la
majorité des Français et dans cette perspective, ramené à la seule
magnification de la nature ; elle prend pour certains une valeur patri
moniale, et en tout cas est en elle-même l'occasion de vivre autrement,
ce que les publicitaires ne manquent pas d'exploiter. La faible densité
est recherchée et l'isolement est en partie compensé par la multiplication
des déplacements, ce qui renforce la mobilité et la mise en réseau.
Tout ceci semble résulter d'un désir assez conscient de choisir sa
sociabilité : voisins, commerces, services, écoles, etc.

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404 ANNALES DE GEOGRAPHIE

La traduction spatiale
Cela concourt à produire des effets spatiau
de communication jouent un très grand rôl
moins contrainte financièrement, des lieu
n'en reste pas moins que l'idéal assez comm
les sites pittoresques, les terrains boisés, l
vallonnements, les vues et perspectives déga
paysagère par ailleurs lourdement présent
pas seulement publicitaire. Il y a même à ce propos une véritable
concurrence pour l'appropriation d'espaces dont beaucoup partagent
l'appréciation positive. Il y a donc reproduction, dans les terres périur
baines, de la ségrégation financière, qui peut certes être obviée par les
sacrifices plus ou moins grands consentis pour résider, sinon paraître,
mais qui est bien visible — et parfois invisible, tant la grande fortune
tend aujourd'hui à se cacher au fond des parcs. Nous retrouvons donc
ici le biais foncier, mais autrement signifié. Les acteurs locaux tentent
de maitriser ces jeux de représentations en fonction de ce qu'ils
construisent comme étant leurs intérêts. Us peuvent jouer sur les
équipements, l'accessibilité, le caractère agréable — la « qualité de
l'environnement », le « cadre de vie », la présence de services privés ou
publics. Tous les aspects supposés recherchés par les éventuels habitants
sont l'objet d'une politique. A contrario, certaines communes jouent sur
le refus de toute évolution, ou du moins de toute nouvelle population
trop rapidement acquise, ce qui s'accorde au mieux avec une sociabilité
sélective. Ces politiques ne sont pas sans effet sur l'évolution des
territoires du périurbain, autant par les instruments contraignants de
l'urbanisme que par les discours informels, les ouï-dire, les rumeurs,
sinon des publications locales à effet d'image clairement annoncé.
Ces représentations sont par ailleurs liées aux caractéristiques so
ciologiques de la population : le sexe, l'âge, l'éducation, les fréquenta
tions, les réseaux de relations y jouent un grand rôle. Le périurbain
est en partie associé à un moment du cycle de vie, et le vieillissement
des parents comme des enfants peut amener au déménagement. En
fait ces populations nouvelles pourraient bien s'avérer asez instables ;
le divorce, de plus en plus fréquent en France, ainsi que la cohabitation,
induisent une certaine mobilité résidentielle. Le départ des enfants, la
chute des revenus, les difficultés à entretenir un environnement jardiné
et un pavillon, les aléas de la vie professionnelle et bien d'autres
facteurs multiplient les occasions de remettre en cause sa résidence.
La « crise » n'est évidemment pas sans effets sur la réalisation et la
pérennisation des habitats périurbains. On comprend mieux, de ce fait,
la multiplication des conflits, bien vite qualifiés d'environnementaux,
dans les périphéries urbaines : c'est que toute modification de ce qui
constitue la qualité souhaitée du cadre de vie, souvent activement
recherché et patiemment construit, est vécue comme une agression,
une remise en cause, une régression ; le syndrome « N.I.M.B.Y. » (plus

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ESPACES PERIURBAINS 405

ou moins : « pas chez moi ») trouve ici


sens propre.
Cela introduit un questionnement autour de la formulation des
enjeux en cause dans les espaces périurbains, enjeux importants puisqu
l'intensité du renouvellement des populations et la concurrence sur
l'espace, notamment par l'exurbanisation de nombreuses formes d'o
cupation du sol, y exacerbent les affrontements. Nous sommes don
loin d'espaces sans problèmes.

IV. Quels enjeux pour les espaces périurbains ?

Il est sans doute impossible, et peut-être même non souhaitable,


d'enfermer ce qui est un processus social complexe et mouvant dans
des limites spatiales par trop définies. Il n'en demeure pas moins qu'i
se pose toute une série de situations peu ou prou spécifiques à
l'ensemble urbain, que l'on peut penser comme articulant le centre,
l'agglomération stricto-sensu et le périurbain.

A. Observer, connaître, informer


Le premier enjeu est indubitablement celui de la connaissance.
Nous avons affaire à un système spatial complexe, sans doute à un
géotype pour reprendre la terminologie de J. Levy, qui demeure large
ment méconnu. Il faudrait entre autres analyser le fonctionnement
global des composantes de ce système, élaborer des scénarios de
réflexion et/ou d'action, et partant d'informer et de sensibiliser l'en
semble des acteurs publics ou privés plus ou moins impliqués et impli
quants. La périurbanisation traduit une évolution lourde de la société,
elle ne peut être abordée que de façon plurielle, interdisciplinaire :
géographes, sociologues, économistes, aménageurs, architectes... ont
tous un discours à tenir à son sujet. Il est important entre autres de
préciser dans quelle mesure les formes et les sens de la périurbanisation
sont propres à la France, voire à telle ou telle région. Il y a tout lieu
de penser qu'elle n'est pas produite et vécue de manière uniforme. La
différence formelle avec les formes allemandes par exemple saute aux
yeux. A l'Ouest tout ou moins, l'espace plus mesuré, une autre histoire
de la ville et du rapport à la ville, une autre aproche des imaginaires
(par exemple la construction beaucoup plus prégnante d'une Naturphi
losophie), d'autres relations au monde rural, d'autres modes de gestion
des territoires (politique, urbanisme), d'autres formes de mobilité (le
poids des autoroutes), bref quasiment tout concourt à une construction
différente, même si, pourtant, le phénomène périurbain apparaît d'une
certaine façon comme semblable. C'est qu'il semble surdéterminé par

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406 ANNALES DE GEOGRAPHIE

des logiques spatiales urbaines qui affectent toutes les économies


développées, pour le moins. Cela n'empêche pas le mouvement général
de s'accrocher différentiellement au terrain. Il en est ainsi des formes
particulières que le péruirbain a prises aux Etats-Unis ; cela a été
admirablement analysé par Cynthia Ghorra-Gobin, qui construit son
modèle à partir des valeurs du féminisme, du transcendantalisme et
de la religion.
La connaissance plus précise, dans leurs infrastructures et leurs
superstructures, des territoires périurbains en France, s'avère donc
essentielle. Source de pouvoir et d'inégalités, la capacité à produire
et détenir des informations est un enjeu important, pour les élus et
les acteurs institutionnels, dans le but de favoriser la prise de cons
cience, spécialement en vue d'un aménagement des formes et d'une
meilleure compréhension des évolutions du système socio-spatial.

B. Espace social, espace légitime : quelles articulations ?


Chacun peut constater le décalage entre les espaces vécus, pratiqués,
fonctionnels, et les espaces institutionnels. Ce décalage prend en
France l'aspect d'une véritable crise de légitimité. Il faut insister
notamment sur le fait que les territoires de la représentation politique
coïncident très mal, deux siècles après leur création, avec les espaces
de vie, de mobilité, d'activité des populations. Par ailleurs, la nature
même des différents pouvoirs, communaux, départementaux, régionaux,
nationaux et européens, et leurs imbrications, rend très difficile leur
perception par les citoyens. Ceux-ci s'en tiennent pour l'essentiel au
niveau local. Ce constat n'est ni nouveau, ni original ; cela ne lui enlève
pas sa force.
Pourtant les expériences de développement local, de coopération ne
manquent pas. Les travaux de B. Jean par exemple permettent de
souligner quelques points :
— il n'y a pas de modèle unique du développement local,
— tout développement comporte une dimension territoriale, impli
quant des histoires singulières, des vécus, des pratiques, une sociabilité
plus ou moins affirmée,
— la pratique du développement local suppose une construction
endogène, donc la constitution d'un réseau spatialisé de concertation
entre différents acteurs,
— où une mutation culturelle, supposant une valorisation du ter
ritoire comme lieu de participation, notamment démocratique, et son
aménagement comme action commune.
L'ensemble de ces caractéristiques constitue une tâche complexe,
car impliquant par définition des jeux d'échelles et des logiques diffé
rentes selon les acteurs et la qualité locale des effets spatiaux recherchés.

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ESPACES PERIURBAINS 407

Parmi ces logiques différenciées peuve


1. Les comportements des élus du pé
extérieure de l'agglomération, qui jouen
périphérique et d'une forme de concur
débouche sur des politiques d'affirmatio
un cadre strictement communal, soit a
construite souvent autour d'une solida
soit la nature. Elles peuvent très bien tran
Ces politiques jouent à la fois de la dif
central, souvent une grosse commune, e
le reste de la périphérie.
Pour autant, les communes-centres o
bain ou le considérer comme simple rés
en effet y avoir de véritable perception c
de l'ensemble des territoires périurbain
agglomération. La difficulté croissante
trales, ville éponyme de l'agglomératio
sensu, pousse fortement à une réflexio
d'action et de gestion, soit autour de pr
plus ou moins formelles et durables. De ce point de vue, les lois
servent de cadre plus que d'incitation, et les situations locales sont très
variables, beaucoup plus d'ailleurs en fonction des jeux d'acteurs et des
représentations que des structures juridiques. L'absence de vraie struc
ture, notamment politique, par exemple dans l'agglomération de Tours
quand cette ville était dirigée par Jean Royer, conduit à des situations
concurrentielles, jouant sur les équipements, les taxes professionnelles,
les réseaux...
L'existence depuis trente ans d'un District sur Poitiers a récemment
permis, a contrario, l'élaboration d'un projet d'agglomération, projet
qui, lui-même, au-delà de ses avatars, porte et justifie le District. Ce
projet a pu être élaboré car les acteurs locaux se côtoient depuis
longtemps, et ont décidé de réfléchir et d'agir en complémentarité, à
partir de l'identité construite de chaque commune, dans une perspective
plus globale. Après avoir dressé un état des lieux de l'agglomération,
les huit communes ont défini un projet intégrant l'économique, les
infrastructures, le culturel, l'Université..., tout en incluant dans la
réflexion les politiques de quartiers et du District.Ainsi, dans le domaine
du logement, face à la ségrégation sociale du centre-ville, les élus de
Poitiers avaient défini en 1977, trois objectifs : créer un patrimoine
social locatif en ville, créer un patrimoine locatif social en périphérie,
et faciliter l'accession sociale à la propriété. Après avoir réalisé quelques
opérations de logement social en centre-ville au début des années 80,
ils ont incité les élus de communes proches à créer des logements
sociaux dans les bourgs ; la première opération a eu lieu à Montamisé
en 1983, et le succès de cette opération a permis de convaincre les

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408 ANNALES DE GÉOGRAPHIE

autres maires du District d'installer sur leur territ


sociaux. Presque 20 ans plus tard, les élus du Distr
un parc immobilier qui permet aux ménages d'effec
le locatif ou l'accession à la propriété, soit dans le
proximité, avec peu de différence de coût. Cet exe
nécessaire volonté politique autour d'un projet, le r
par les élus de la ville-centre et l'obligation de pre
temps pour favoriser les évolutions des comportem
2. Les communes périurbaines sont très inégalem
d'autant plus que leurs réponses aux sollicitations
productifs ou commerciaux est variable, sans parle
publics. L'espace périurbain est rien moins qu'hom
de vue aussi. C'est une question complexe, qui ne p
la seule ressource fiscale. Les paysages nés de ces a
industrielles et commerciales, la cohérence des réseaux, la concurrence
entre secteurs commerciaux génèrent des problèmes. L'impact, sur les
structures et les représentations de l'espace, de formes de production
en plein renouvellement et des formes de distribution soumises à une
concurrence quasi sauvage ne peut encore être pleinement évalué.
3. Pour les ménages, la mobilité devient multiforme et crée une
véritable territorialisation multiple, dans laquelle se mêlent les lieux de
travail, de famille, de consommation, de loisirs, de scolarité, de socia
lisations diverses. Cela rend problématiques les politiques locales, et
crée en grande partie le décalage entre les échelles du vécu et les
échelles d'action. La population se présente et se comporte plus en
consommatrice qu'en citoyenne, y compris pour les services publics,
en particulier l'école.
Quoi qu'il en soit, tout projet à base territoriale doit nécessairement
s'inscrire dans une pratique de coopération entre institutions locales,
quelles que soient leurs échelles et leurs compétences réelles. C'est
aussi une rédéfinition des unités pertinentes du territoire qui est en
gestation, autour des sociabilités et des modes de vie et de production
qui se recomposent.

C. Les politiques spatiales : réseaux et paysages


Il a déjà été souligné que la mobilité comme mode de vie et de
production est au cœur du système urbain : elle le définit tout autant
qu'elle est définie par lui. Il est difficile, et sans doute de peu d'intérêt,
de savoir si la demande de déplacements crée les réseaux ou si ceux
ci, induisent des pratiques de plus en plus mobiles. Le fait est que la
moindre grève dans les transports, la moindre obstruction d'un élément
du réseau, crée des perturbations sans commune mesure avec les
causes originelles. Aujourd'hui, il est plus efficace pour une catégorie
sociale revendicative d'occuper un péage ou de bloquer des voies ferrées

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ESPACES PERIURBAINS 409

que de défiler en ville ou de faire grèv


conflits dans les transports deviennent
transformations sociales.
C'est que les enjeux sont d'extrême importance. Ils concernent :
— l'accès au centre qui, par définition, doit être accessible, puisque
la notion de centralité suppose la rencontre, l'échange, la concurrence
socio-spatiale. Le centre de Tours est le lieu de destination et/ou
d'origine de 57 % des déplacements quotidiens sur 6 % de la superficie
urbaine. A La Rochelle, 82 % des actifs se concentrent dans trois
quartiers ; à Niort, 90 % travaillent au centre-ville et à Chauray. Cela
est consubstantiel à la notion de centralité urbaine ;
— la mise en relation des différents espaces périphériques s'impose
d'autant plus que le contournement des centres-villes est une des
réponses à leur saturation. Ce n'est pas nouveau, mais il n'y a toujours
pas de solution satisfaisante à ce contournement. Les déplacements de
périphérie à périphérie se multiplient par ailleurs, en relation avec les
nouveaux modes de vie et les nouvelles localisations d'activités, qui se
justifient souvent par ... l'engorgement du centre. Le problème est, en
partie seulement, contourné par la spécialisation des communes péri
urbaines ;
— le système urbain est conduit à concevoir et gérer un système
de transports collectifs, alors même que la densité devient rapidement
trop faible quand on s'éloigne du centre et de quelques noyaux
périphériques. Il n'est donc pas étonnant si la question des transports
cristallise tous les débats d'agglomération, d'identité, de revendications.
On voit d'ailleurs aparaître de nombreuses lignes de bus, par exemple,
qui ne passent plus par le centre, mais forment des boucles dans les
divers espaces périphériques : il y a là un signe assez sûr d'éclatement
spatial, ici dans les banlieues plus que dans le périurbain lui-même. Il
faut ajouter que se pose la question de la cohérence entre les réseaux
locaux de transports et les réseaux nationaux et internationaux, ce qui
conduit à la question des gares, des points d'intermodalité, des échan
geurs, des rocades... dont la localisation est par ailleurs contrainte,
nous l'avons vu, par le syndrome « nimby ». L'exemple de l'installation
projetée de D.H.L. sur l'aéroport de Strasbourg, qui en aurait augmenté
fortement le trafic, est ici emblématique : l'entreprise, qui apportait des
emplois, a renoncé devant une mobilisation riveraine relayée par des
élus soucieux de légitimité locale. Le texte d'une des banderoles agitée
lors de la manifestation était sans doute largement métaphorique :
« Chut ! Ici on dort... ».
Cela nous amène à un autre volet essentiel des questions spatiales,
qui est la réponse apportée par le système politique — entendu au
sens très large — à l'ensemble des questions qualifiées de paysagères,
environnementales, sinon écologiques. Ces qualifications ont le double
mérite d'être en vogue et suffisamment floues pour autoriser des

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410 ANNALES DE GÉOGRAPHIE

recompositions d'action jusqu'ici plus ou moins cohére


tout d'abord que les changements parfois brutaux d'u
renouvellement rapide des populations, la hâte apport
tion des divers équipements privés ou publics, sont à
des perturbations graves, sinon catastrophiques, des sy
notamment du cycle des eaux, mais aussi de la stabilit
parler des pollutions diverses. L'utilisation des eaux est
vue la question la plus sensible, car la ressource, non
soumise à de fortes concurrences d'usage, au-delà de s
symbolique, doit être recyclée, ce qui génère des coûts
élevés. Tous les ans, par ailleurs, les fortes pluies d'aut
méditerranéen provoquent des inondations de tel ou t
souvent périurbain. Les fautes humaines de gestion so
L'évacuation des déchets, de toutes sortes, le nettoyage
entrés dans une même logique. Or ces problèmes sont
à gérer par la dispersion même des résidences et des différents
équipements. Dans le Midi, on peut ajouter à cette liste la question si
sensible de la lutte contre les incendies, qui devient problématique
dans des régions particulièrement touchées par une périurbanisation
extensive, la défense contre le feu d'une seule résidence pouvant
mobiliser des moyens disproportionnés.
Par ailleurs, toutes ces questions, nous l'avons vu ici ou là pour
certaines, touchent directement aux représentations qui ont guidé les
populations exurbanisées, et souvent les résidents plus anciens restés
sur place, dans leurs choix. Rendues beaucoup plus sensibles à une
problématique paysagère, elles multiplient, souvent en développant des
contradictions internes, les conflits d'usage, de fréquentation, d'urba
nisme. Une enquête toute récente de B. Maresca montre qu'il se crée
et disparaît chaque année en France plusieurs milliers d'associations
qualifiables de près ou de loin d'environnementales, et comptant rare
ment plus de quelques dizaines de membres. Elles ne concernent guère
que 2 à 3 % de la population totale, mais sont surtout formées par
des cadres et professions intermédiaires, vivant en zones périurbaines.
Leur « apolitisme » souvent affiché avec force est une façon de se poser
en interlocuteurs crédibles, et souligne un vide politique évident.
Pourtant, hors quelques lieux, il est difficile de généraliser une vision
négative des paysages périurbains. Le malaise ressenti est manifestement
plus ancré dans une crise de l'imaginaire et des représentations, elle
même associée à une crise sociale, que dans le système des objets lui
même. Toutefois, depuis un certain temps déjà, de nombreux acteurs
locaux, essentiellement municipaux, ont mené des politiques de cadre
de vie, trop variées pour être décrites ici, mais qui sont désormais l'un
des aspects, sinon 1 'aspect incontournable, du discours public dans la
plupart des agglomérations. C'est que le discours environnemental
rassemble en fait les actions que l'on se sent à même de mener à

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ESPACES PERIURBAINS 411

bien, dans un contexte de crise où les


liées à l'économie, au travail, aux difficultés du temps, semblent
échapper à toute politique. En cas de conflit entre des processus de
création de travail, sans doute pas totalement sans « nuisances », et la
préservation du « cadre de vie » (un cadre construit, presque comme
un rempart parfois...), ce n'est pas toujours, loin s'en faut, le travail et
l'emploi qui gagnent. Le « verdissement » des P.O.S., des Schémas
Directeurs et autres documents d'urbanisme et d'aménagement trouve
ici sa justification, souvent de façon bâclée ou démagogique.

D. L'échelle communale

Les problèmes rencontrés à l'échelon même de la commune sont


de plusieurs ordres :
— des ressources insuffisantes au regard des demandes liées à la
croissance de la population, dont les besoins ressentis sont importants
et de type urbain. Si ce potentiel fiscal est assez élevé, les dépenses
de fonctionnement peuvent l'être aussi (assainissement, voiries, etc.)
L'absence d'établissement générant une taxe professionnelle peut se
traduire par une concurrence, pour attirer des crédits, des financements,
des mesures réglementaires ;
— la gestion des sols a souvent pris du retard par rapport au début
du processus de périurbanisation, rarement perçu d'abord comme
nécessitant des mesures particulières. Les documents d'urbanisme sont
ceux de la ville ; les communes rurales ont dû faire un effort culturel
pour les admettre et les concevoir. Une fois la population densifiée,
l'urbanisme permet donc de gérer, par exemple, les équipements ou le
parc de logements, trop exclusivement en accession à la propriété et
par là source de déséquilibres. La concurrence pour l'usage du sol
s'active, et des choix doivent être faits ;
— les modes de vie et de consommation ont souvent provoqué la
fermeture de commerces de proximité et un équipement réduit. Ces
équipements, telles les écoles, les installations sportives, etc. ne servent
pas à toute la population, et risquent en une génération d'être surdi
mensionnés. Le vieillissement structurel de la population est perceptible
dans les communes les plus précocement touchées par la périubani
sation. Même si beaucoup cherchent à vendre le pavillon à un certain
âge, le renouvellement de la population est lent.
La réalité des communes périurbaines est ambiguë, en partie
déterminée par la ville proche, à laquelle elles ne veulent pourtant pas
s'assimiler, et en partie confrontée à une dynamique interne liée à une
sociologie particulière, à la coexistence de populations, d'usages du sol,
de besoins pas toujours par ailleurs bien perçus et pris en compte. Le
développement de la vie associative peut être une réponse, si les
associations sont à même de remplir un rôle de lien entre les diverses

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412 ANNALES DE GEOGRAPHIE

composantes de la population. L'intérêt de


évident. Mais il reste souvent difficile de concilier, à une échelle
politique d'action réduite et rarement pertinente, les aspirations qui ont
poussé les nouveaux habitants à s'exurbaniser, alors même que le poids
de l'agglomération se fait sentir tant dans les formes spatiales que dans
les formes sociales et les comportements. Il est difficile en fait de
vouloir l'urbanité sans vivre la ville.

Conclusion

L'espace périurbain est donc bien, peu ou prou, un espace d'interface


entre le rural et l'urbain. Paysages encore largement dominés par
l'agriculture et la verdure, densités très inférieures à celles des agglo
mérations, traces encore très visibles d'une ancienne sociabilité rurale,
pas toujours bien connue et comprise d'ailleurs ; mais aussi renouvel
lement important du bâti, consommation de biens et de services et
localisation du travail dans la ville proche, modes et styles de vie très
comparables à ceux de l'agglomération...
Le manque de lisibilité du processus, par sa nature même, rend sa
prise en compte délicate par le politique, quelle qu'en soit l'échelle
légitime. Le périurbain n'est pas encore constitué en un véritable
géotype. Par ailleurs cette évolution socio-spatiale est inégale et plus
ou mois discriminante, et n'autorise pas vraiment une approche
commune et une solidarité entre tous les acteurs concernés ; alors que
des caractères communs peuvent être mis en évidence.
Il s'agit là d'une forme sans doute en grande partie originale de
système socio-spatial, qui soulève bien des questions sur le fonction
nement urbain en général ; ainsi la dédensification et l'étalement
favorisent l'émergence de centralités secondaires au sein même des
agglomérations ; les difficultés simultanées des villes-centres, des ban
lieues et des territoires du périurbain invitent à penser globalement ces
évolutions et, partant, les modes d'action. Le jeu des échelles doit
trouver ici toute sa pertinence, du projet global d'agglomération — de
« ville-pays » pour reprendre le titre d'un livre de J. Beauchard — à la
commune dont le rôle ne peut plus guère se penser, par ailleurs, que
par l'intercommunalité.

U.P.R.E.S. « Villes, sociétés, Territoires »,


23, rue de la Loire, BP 0607 - 37206 Tours.

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ESPACES PERIURBAINS 413

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