II.

Des Histoires Vraies

Le problème de la vraisemblance, qui est au
fond celui que le roman s'est toujours posé,
parcourt tout le XVIIIe siècle sous la forme de la
prétention des histoires racontées à être vraies.
Les romanciers du XVIIIe siècle revendiquent
presque tous de ne publier que des histoires, des
mémoires, des lettres authentiques. Ce procédé
existe dès le XVIIe siècle, avec les Lettres de la
Religieuse portugaise, mais il est poussé à
l'extrême au XVIIIe siècle, qui est aussi le grand
siècle du roman par lettres: Les Lettres persanes
de Montesquieu, Lettres d'une péruvienne, de Mme
de Grafigny, Lettres de la marquise de M. au comte
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de R., de Crébillon, Lettres de Milady Catesby, de
Mme Riccoboni et surtout Julie ou la Nouvelle
Héloïse de Jean-Jacques Rousseau. Choderlos de
Laclos fait précéder Les Liaisons dangereuses
d'une préface du rédacteur qui affirme s'être
contenté d'un travail de sélection et de mise en
ordre des lettres de protagonistes.
On recense, dans la première partie du siècle,
un nombre important de romans écrits sous forme
de Mémoires. Un personnage principal raconte lui
même sa vie, ou une partie de sa vie. Le romancier
insiste sur la véracité de ces mémoires, affirmant
que le manuscrit a été trouvé dans un grenier,
traduit d'une langue étrangère, confié à l'éditeur par
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la famille du narrateur.... Il s'agit en réalité d’une
convention, à laquelle le lecteur adhère librement.
Quoi qu'il en soit, l'usage de la première personne
permet une transposition du réel plus plausible que
celui de la troisième personne.
‫ ہ‬condition que le
romancier respecte aussi le point de vue subjectif
du héros qui parle: ne raconter que ce que le héros
a pu voir; faire sentir la distance qui existe entre
passé remémoré présent de la remémoration ne
pas anticiper outre mesure sur l'avenir de la fiction
alors même que le héros est au courant des
événements futurs et du dénouement de la
narration.
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Par opposition au roman baroque, dont la
composition était complexe, savante et
compliquée, et au roman classique, centré sur une
intrigue unique et rigoureuse, le roman au XVIIIe
siècle résiste à tout ordre, et recherche le naturel et
l'impression d'improvisation. Il pousse jusqu'à ses
extrêmes conséquences l'apparent désordre de la
composition avec cette "rhapsodie" qu'est Jacques
le Fataliste.
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III. Les Grandes Périodes
Historiquement, on peut, distinguer trois
grandes périodes dans l'évolution du roman au
XVIIIe siècle:
A. Une Période de Recherches Confuses
Ces recherches se font dans la lignée baroque
(1690-1715) plus que dans la tradition classique.
C'est l'époque des Illustres françaises de Robert
Challe (1713). C'est l'analyse de la passion qui
constitue le sujet même de ces récits. Les Lettres
persanes (1721) de Montesquieu présentent aussi
une esthétique de l'éclatement par la multitude des
sujets abordés et la présence abondante de récits
secondaires.