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Le devoir

Introduction________________________________________________________________2
Valeur non morale et valeur morale_________________________________________________________2
Ethique et morale_______________________________________________________________________2
La logique de la morale__________________________________________________________________2
Ethique de conviction et éthique de responsabilité_____________________________________________2
I. Morale, religion et société____________________________________________________3
A. Moïse, Jésus, Mahomet_________________________________________________________3
1. Les dix commandements_______________________________________________________________3
2. Les différences entre religions___________________________________________________________4
3. Sécularisation et héritage religieux_______________________________________________________4
B. La religion au service de la raison (Platon)_________________________________________5
1. Ce qu’il faut dire : le devoir détermine le « vrai »____________________________________________5
2. Comment le dire : mythe et religion_______________________________________________________6
C. L’idée de devoir absolu_________________________________________________________7
D. Morale et société_______________________________________________________________8
II. La morale du devoir________________________________________________________8
A. Le déontologisme kantien_______________________________________________________8
1. L’intention bonne_____________________________________________________________________9
a. La seule chose véritablement bonne est une bonne volonté__________________________________9
b. Acte conforme au devoir et acte par devoir______________________________________________10
c. La raison peut déterminer la volonté___________________________________________________10
d. Le respect est le seul mobile moral____________________________________________________10
e. Conséquences et difficultés__________________________________________________________11
2. La forme de la loi morale : universalité et respect d’autrui____________________________________12
3. Présupposés, conditions, hypothèses_____________________________________________________13
B. La critique du kantisme________________________________________________________13
1. Le problème de l’égoïsme_____________________________________________________________13
2. Les sentiments moraux________________________________________________________________14
3. L’eudémonisme d’Aristote_____________________________________________________________15
4. L’utilitarisme anglais_________________________________________________________________15
III. L’éthique de la vie et de la joie_____________________________________________15
A. L’éthique de Spinoza__________________________________________________________15
B. La philosophie de la morale de Nietzsche__________________________________________16
1. La vie, source de toute valeur___________________________________________________________16
2. L’évaluation des valeurs_______________________________________________________________17
3. La généalogie de la morale : morale des forts et morale des faibles_____________________________17
4. Par-delà bien et mal__________________________________________________________________18
a. La sagesse tragique________________________________________________________________18
b. L’éternel retour___________________________________________________________________19
c. Le surhomme_____________________________________________________________________19
5. Nietzsche et le nazisme_______________________________________________________________19
Conclusion________________________________________________________________20
Classification des théories morales________________________________________________________20
Le fondement de la morale_______________________________________________________________21
La source de la moralité_________________________________________________________________21
Annexes___________________________________________________________________21
Quelques idées supplémentaires___________________________________________________21
Le taoïsme___________________________________________________________________________21

1
Le pardon____________________________________________________________________________21
Une théorie de la magie_________________________________________________________________22
Le devoir d’être heureux (Kant)___________________________________________________________22
Il y a tout de même de belles actions (Montaigne)_____________________________________________22
Juger et comprendre____________________________________________________________________22
Illustrations____________________________________________________________________23
Eichmann et la banalité du mal___________________________________________________________23
Autres exemples_______________________________________________________________________24
Citations_____________________________________________________________________________24
Sujets de dissertation____________________________________________________________25

Introduction

Valeur non morale et valeur morale


Un champignon comestible est bon. Cela signifie simplement qu’il convient,
subjectivement, à un être vivant donné, par exemple l’homme. Cette valeur est relative à un
être vivant, ce n’est pas une propriété intrinsèque du champignon (le champignon est bon
pour l’homme). Il ne s’agit pas ici de valeur morale. En ce sens, bon s’oppose à mauvais.
Une bonne action, au contraire, est bonne en soi. Sa valeur n’est pas relative à quelque
chose d’extérieur. C’est une valeur morale. Ici bon désigne la bonté morale et s’oppose à
méchant.

Ethique et morale
On peut distinguer deux types de devoirs : des devoirs envers nous-mêmes et des devoirs
envers les autres. La distinction entre éthique et morale peut désigner cela (mais on utilise
parfois le mot « éthique » pour désigner une réflexion sur la morale). En ce sens, l’éthique
consiste en un art de vivre personnel (on pense à l’éthique d’Aristote, de Spinoza ou de
Nietzsche), tandis que la morale désigne plutôt les devoirs qui s’imposent à nous par la
pression sociale et qui concernent essentiellement le respect d’autrui.

La logique de la morale
Le cas dont traite la morale est toujours semblable : un sujet, mû par une certaine intention,
accomplit un acte qui produit certaines conséquences. Qu’est-ce qui doit fournir le principe de
l’évaluation ? Les conséquences, l’acte lui-même, les intentions, ou même le sujet ? Pour les
utilitaristes, il faut considérer les conséquences ; pour Kant et les morales religieuses, il ne
faut considérer que l’acte et l’intention ; pour Nietzsche, il faut considérer le sujet, et savoir si
la source de l’acte (fût-elle inconsciente) est la force ou la faiblesse.

Ethique de conviction et éthique de responsabilité


Le dilemme majeur de la philosophie morale est de trancher la tension entre morale du
devoir et morale des conséquences (éthique de conviction et éthique de responsabilité, selon
la terminologie de Max Weber). Faut-il régler notre action en fonction de principes, ou ne
songer qu’aux conséquences de nos actes ? Bien souvent ces deux attitudes sont en
contradiction. Imaginez que vous êtes fait prisonnier dans la jungle. Le chef de la tribu vous
amène face à dix autres prisonniers, et vous demande d’en tuer un, n’importe lequel, en
échange de votre libération et de celle des neuf autres captifs. Sinon, il les tuera tous. Que
faut-il faire ? Selon la morale du devoir, il ne faut pas tuer. Il faut donc laisser les dix
prisonniers se faire abattre. Selon la morale des conséquences, il faut enfreindre le devoir (ne
pas tuer) afin d’atteindre une conséquence préférable (un seul mort au lieu de dix).

2
La formule de Machiavel selon laquelle « la fin justifie les moyens » pourrait constituer la
devise du partisan de l’éthique de responsabilité : elle en résume l’esprit.

I. Morale, religion et société

Le problème est le suivant : comment pousser les hommes à agir de manière désintéressée,
ou même d’une manière qui va à l’encontre de leurs intérêts ?
La religion fut la première solution apportée à ce problème social fondamental : par la
menace d’un au-delà régi par la justice divine, elle pousse les hommes à respecter la morale
par crainte de la vengeance divine et le désir du paradis.

A. Moïse, Jésus, Mahomet

1. Les dix commandements


Toute religion contient une morale. Dans chaque religion on trouve l’énoncé d’une « règle
du jeu », d’une conduite de vie, d’un ensemble de choses à faire et de choses à ne pas faire,
avec l’idée que celui qui respecte cette « voie » sera récompensé d’une manière ou d’une
autre par rapport à celui qui s’en écarte. On peut même considérer que cette dimension morale
constitue l’essence de toute religion, et distingue la religion d’autres formes de croyances, non
normatives1, comme les croyances théoriques et scientifiques.
Les dix commandements de la Bible constituent un exemple célèbre de loi morale énoncée
par la religion.

« Je suis Yahvé ton Dieu, celui qui t’a fait sortir du pays d’Egypte, du pays de
l’esclavage : tu n’auras pas d’autre Dieu que moi.
Tu ne feras pas de statue à l’image des choses qui sont là-haut dans le ciel, ou en bas sur
la terre, ou dans les eaux sous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles, tu ne les
serviras pas, car moi, Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux. Je punis la faute des pères sur
leurs fils, leurs petits-fils et les arrière-petits-fils, lorsqu’ils me haïssent. Mais je garde ma
faveur jusqu’à la millième génération pour ceux qui m’aiment et gardent mes
commandements.
Tu ne feras pas un mauvais usage du nom de Yahvé ton Dieu, car Yahvé ne tient pas
quitte celui qui fait un mauvais usage de son nom.
Souviens-toi du jour du sabbat et sanctifie-le. Pendant six jours tu serviras et tu feras ton
travail, mais le septième jour est un repos en l’honneur de Yahvé, ton Dieu. Tu ne feras
aucun travail, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni
l’étranger qui habite chez toi. Sache que Yahvé a fait en six jours les cieux, la terre, la mer et
tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour. C’est pour cela que Yahvé a béni ce
jour de sabbat et l’a rendu saint.
Entoure d’égards ton père et ta mère : c’est ainsi que tu vivras longtemps sur la terre que
Yahvé ton Dieu te donne.
Tu ne tueras pas.
Tu ne commettras pas d’adultère.
Tu ne voleras pas.
Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.
Tu ne resteras pas à désirer la maison de ton prochain, tu ne chercheras pas à prendre la
femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce
qui lui appartient. »
Ancien Testament, Exode, 20, 2-17.

Résumons : devoirs religieux (croire en un Dieu unique, interdiction de pratiquer l’idolâtrie


et de faire un « mauvais usage » du nom de Dieu) ; devoirs concernant la vie quotidienne
(jour hebdomadaire de repos) ; devoirs envers les parents (respect des parents) ; devoirs
1
Est normatif tout discours dont on dégage des règles ou des préceptes, toute doctrine qui établit une norme.

3
sociaux (interdiction du crime, de l’adultère, du mensonge) ; et enfin respect de la propriété
privée (interdiction de voler et de convoiter les biens d’autrui).
Ce sont donc des devoirs moraux aussi classiques que fondamentaux. Leur particularité est
d’émaner directement de Dieu, ce qui leur confère une autorité suprême et devrait assurer le
meilleur respect possible de ces commandements. On pourrait penser, à partir de cet exemple
et d’autres, que les religions encodent les morales traditionnelles en leur donnant un
fondement absolu dans l’autorité de Dieu.

2. Les différences entre religions


Il y a tout de même des différences d’une morale religieuse à une autre. Les prescriptions
hygiéniques sont différentes pour chaque religion 2 et semblent varier en fonction des
conditions d’existence de ces peuples – bien que les raisons hygiéniques ne suffisent pas tout
à fait à expliquer ces interdits. Mais, de manière un peu plus significative, le ton général de la
morale religieuse peut également varier. Par exemple, le Nouveau Testament rompt avec la loi
du talion (œil pour œil, dent pour dent) préconisée par l’Ancien en proposant une morale de
l’amour et du pardon : « Vous avez entendu qu’il a été dit : Œil pour œil, dent pour dent.
Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Si on te frappe sur la joue droite, présente
encore l’autre joue. Et si quelqu’un veut te réclamer ta tunique, donne-lui aussi ton manteau. »
(Nouveau Testament, évangile selon Matthieu, 5, 38-40) Remarquons d’ailleurs l’originalité
du christianisme par rapport aux deux autres monothéismes, en ce qu’il insiste moins sur le
respect formel de la loi que sur l’état d’esprit qui doit animer le croyant.

Ce qui entre dans la bouche ne rend pas la personne impure ; elle est rendue impure par ce
qui sort de sa bouche. (…) Vous ne comprenez pas que tout ce qui entre dans la bouche va
dans le ventre et termine aux ordures ? Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur, et c’est
cela qui rend l’homme impur. Du cœur proviennent les pensées mauvaises, le meurtre,
l’adultère, l’impureté, le vol, les faux témoignages et les calomnies. Tout cela rend l’homme
impur, mais manger sans s’être lavé les mains n’a jamais rendu quelqu’un impur.
Nouveau Testament, évangile selon Matthieu, 15, 11-20

3. Sécularisation et héritage religieux


Le mouvement de sécularisation qui marque la modernité ne doit pas occulter la porosité
entre morale et religion. Malgré le « désenchantement du monde », les cultures morales des
pays laïques restent profondément marquées par leurs traditions religieuses. La France, pays
qui se veut laïque par excellence, conserve ainsi une morale largement déterminée par le
christianisme.
Ainsi les « droits naturels », qui débouchent sur les droits de l’homme, constituent une
sécularisation des grands principes chrétiens : droit à la vie, à la liberté, interdiction du
suicide, respect de la propriété privée, etc. Et le droit français actuel regorge de principes
hérités de la culture chrétienne : c’est particulièrement évident pour le régime matrimonial
(monogamie) et pour le droit de la vie (bioéthique) : suicide, euthanasie, contraception,
avortement, opérations médicales sur l’homme (usage d’embryons, clonage, mères porteuses).
Le socialisme constitue une forme laïque de l’injonction chrétienne à secourir les pauvres et à
pratiquer l’aumône. Enfin, la structure même du droit, dans sa logique, présuppose une
approche morale héritée du christianisme : on suppose que les délinquants sont libres,
responsables de leurs actes, susceptibles d’être remis dans le droit chemin par la punition, etc.
Dernier point, suprêmement paradoxal : la laïcité elle-même est un héritage chrétien !
« Rendez à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu. » (Nouveau Testament, évangile
selon Matthieu, 22, 21).

2
Les Juifs ne doivent pas manger de crustacés ; les Chrétiens ne doivent pas manger de viande le vendredi ; les
Musulmans ne doivent pas manger de porc.

4
B. La religion au service de la raison (Platon)

Platon envisage le devoir dans sa dimension politique (chez les Grecs il n’y a pas de
distinction entre la vie privée et la sphère publique comme dans les sociétés modernes : la vie
« privée » est étroitement assujettie aux impératifs de la société).
Pour comprendre la « morale » de Platon il suffit donc de revenir à son idéal politique : la
Cité idéale, ordonnée suivant la raison, donc soumise au philosophe roi, sorte de dictateur
éclairé. La justice et le devoir consistent donc à se conformer à un ordre naturel donné par la
raison. Dans la cité, cet ordre consiste en la soumission de tous à un roi éclairé, un sage qui
connaît le Bien. Dans l’âme humaine, cet ordre consiste en la soumission des désirs (l’hydre à
plusieurs tête) à la raison.
Le devoir, selon Platon, consiste donc à suivre la raison. Mais le paradoxe est que Platon
n’hésite pas à recourir au mythe, voire au mensonge, pour assurer cet idéal, pour réaliser la
justice.

1. Ce qu’il faut dire : le devoir détermine le « vrai »


Par exemple, bien qu’il ne soit pas du tout évident que l’homme juste soit plus heureux que
l’homme injuste, Platon n’hésite pas à l’affirmer, car c’est une nécessité morale de dire cela,
pour inciter les hommes à être justes. Même si c’était un mensonge, il faudrait le dire car ce
serait le mensonge le plus utile.

L’ÉTRANGER D’ATHÈNES : Oui, au nom de Zeus et d’Apollon, poursuivons, vous les


meilleurs des hommes. Supposons que nous posions à ces dieux mêmes qui ont établi vos lois
la question suivante : « Est-ce que la vie la plus juste est la plus plaisante, ou bien est-ce qu’il
existe deux vies, dont l’une est la plus plaisante et l’autre la plus juste  ? » S’ils répondaient
qu’il y en a deux, nous leur poserions peut-être cette nouvelle question (pour autant que nous
posions la bonne question) : « Lesquels faut-ils déclarer les plus heureux, ceux qui mènent la
vie la plus juste ou ceux qui mènent la vie la plus plaisante ? » S’ils répondaient : « Ceux qui
mènent la vie la plus plaisante », ce serait de leur part une réponse déconcertante. Je ne
souhaite pas que ce genre de propos se retrouve dans la bouche de dieux ; qu’on les attribue
plutôt à des pères et à des législateurs. Oui, supposons que les questions que je viens de poser
l’aient été à un père ou à un législateur, et qu’il réponde que celui qui mène la vie la plus
plaisante est le plus heureux. Là-dessus, je lui poserais cette question : « Père, ne souhaitais-
tu pas que je mène l’existence la plus heureuse qui soit ? Et pourtant tu ne cessais de
m’exhorter à mener la vie la plus juste qui soit. » Ainsi un législateur ou un père qui aurait
pris une position de ce genre apparaîtrait, j’imagine, comme un être déconcertant et
impuissant à rester d’accord avec lui-même. Si en revanche il déclarait que la vie la plus juste
est la vie la plus heureuse, quiconque l’entendrait chercherait j’imagine à savoir quel peut
bien être, dans la vie juste, ce bien et ce beau, supérieurs au plaisir, dont la loi fait l’éloge
lorsqu’ils s’y trouvent. Quel bien, en effet, pourrait-il advenir à un homme juste, auquel il ne
se mêle du plaisir ? La gloire et la louange qui viennent des hommes et des dieux sont-elles
quelque chose de bon et de beau mais de déplaisant, tandis que l’ignominie serait le
contraire ? « Pas du tout, cher législateur », dirons-nous. Eh bien, ne faire tort à personne et
n’être victime d’aucune injustice de la part de quiconque, est-ce quelque chose de déplaisant,
tout en étant bon et beau, tandis que le contraire est quelque chose de plaisant, tandis que le
contraire est quelque chose de plaisant, tout en étant laid et mauvais ?3
CLINIAS : Et comment pourrait-il en aller ainsi ?
– Ainsi la thèse qui n’isole pas le plaisant du juste, du bien et du beau possède à tout le
moins, pour ne rien dire de plus, la vertu persuasive de gagner des adeptes à la vie pieuse et
juste, en sorte que pour le législateur, le plus honteux des propos et le plus rebutant est celui
qui soutient qu’il n’en est pas ainsi. Car nul ne se laissera convaincre de son plein gré

3
L’ensemble de l’argument rappelle celui du Gorgias, qui montrait d’abord que le plaisir ne saurait être le
critère du bon et du juste, mais aussi et surtout, que la pratique de la justice était finalement la seule cause
possible des plaisirs véritables.

5
d’entreprendre ce qui ne comporte pas plus de joie que de douleur. Regarder les choses de
loin brouille la vision de tout le monde, pour ainsi dire, et surtout chez les enfants. Mais le
législateur amènera à un jugement qui sera à l’opposé de celui-là, en supprimant l’obscurité,
et il convaincra les gens par un moyen ou par un autre – habitudes, louanges, discours – que
les choses justes et les choses injustes ne sont que des représentations en trompe-l’œil. Les
choses injustes paraissent, au contraire de ce qui est juste, plaisantes à celui qui les considère
en étant lui-même injuste et méchant, tandis que les choses justes lui paraissent déplaisantes ;
en revanche, pour celui qui considère les choses contraires en étant lui-même juste, c’est tout
le contraire.
– Il semble en aller ainsi.
– Mais lorsqu’il s’agit de décider où se trouve la vérité, lequel des deux jugements aura le
dessus ? Celui de l’âme la moins bonne ou celui de l’âme la meilleure ?
– Forcément, je suppose, celui de l’âme la meilleure.
– Et forcément, la vie injuste n’est donc pas seulement la plus laide et la plus pénible, mais
elle est aussi en réalité moins plaisante que la vie juste et pieuse.
– Cela risque d’être le cas, mes amis, du moins en fonction de ce que tu viens de dire.
– Mais un législateur qui aurait un tant soit peu de valeur, si infime soit-elle, quand bien
même il n’en irait pas comme l’argument vient de le démontrer, n’aurait-il pas commis en
cette occasion, plus qu’en n’importe qu’elle autre circonstance où il aurait eu l’audace de
mentir aux jeunes gens dans l’intérêt du bien, son plus utile mensonge, celui capable de faire
que tous, non pas de force mais de leur plein gré, se conduisent de façon entièrement juste ?
Platon, Lois, livre II, 662c-663e

2. Comment le dire : mythe et religion


A cela s’ajoute l’usage constant du mythe et de la religion chez Platon. Pour pousser les
hommes à faire leur devoir, Platon n’hésite pas à inventer toutes sortes de fables. Certaines de
ces fables sont extrêmement proches des dogmes de la religion chrétienne, si bien que l’on
peut voir en Platon un fondateur du christianisme au même titre que Jésus. Hannah Arendt
remarque par exemple que Platon est celui qui a inventé l’enfer comme instrument politique  :
l’enfer a été inventé par Platon comme une menace dans l’au-delà, au terme d’un jugement
dernier, pour pousser les hommes à être justes ici-bas.
C’est le sens du « mythe d’Er » que Platon raconte à la fin de la République : Er était un
guerrier mort au combat mais qui revint à la vie après douze jours. Il raconta ce qu’il avait vu
dans l’au-delà. A peine détachée de lui, son âme s’était mise en chemin avec d’autres âmes.
Elles arrivèrent à un endroit où il y avait deux ouvertures dans la terre et deux autres dans le
ciel. Des juges siégeaient et rendaient la justice. Les peines étaient décuplées. Les âmes qui
avaient été injustes durant leur séjour sur terre étaient condamnées à descendre à gauche sous
terre et à y errer pendant 1000 ans. Les justes, au contraire, montaient à droite vers le ciel et
recevaient des récompenses proportionnelles à leurs bienfaits. Des deux autres ouvertures
arrivaient des âmes qui avaient purgé leur peine où consommé leur récompense. Après un
séjour dans la plaine, les âmes furent conduites à un endroit où on leur demanda de choisir
leur prochaine vie. Celles qui venaient du ciel se trompaient (elles choisissaient des vies
injustes et agréables : des vies de tyrans, etc.), alors que celles qui venaient de terre faisaient
le bon choix (car elles avaient été dressées par les souffrances endurées). Ainsi pour la
majorité des âmes il y avait permutation des vies bonnes et des vies mauvaises. Certains,
dégoûtés de l’existence humaine, choisissaient des vies animales. Ulysse, guéri du désir des
honneurs par le souvenir de ses souffrances passées, choisit la vie d’un homme simple, voué à
son travail. Puis les âmes furent menées dans la plaine du Léthé (oubli, en grec). Les âmes
burent l’eau du fleuve Amélès (insouciance). Les âmes établirent le campement et
s’endormirent. A minuit, il y eut un coup de tonnerre, un tremblement de terre, et les âmes
furent transportées vers leur lieu de naissance.
Et Platon conclut ainsi : « nous nous appliquerons à mettre en œuvre la justice de toutes les
manières avec le secours de la raison. Ainsi nous serons des amis pour nous-mêmes et aussi
pour les dieux, durant notre séjour terrestre autant qu’après, lorsque le moment sera venu de

6
récolter les trophées de la justice, à l’instar des athlètes victorieux qui défilent au stade. C’est
ainsi que durant cette vie et au cours de ce voyage de mille ans que nous avons décrit, nous
trouverons bonheur et succès dans notre vie. »4

C. L’idée de devoir absolu

Kant distingue des impératifs hypothétiques et des impératifs catégoriques. Un impératif


hypothétique prescrit d’accomplir une certaine action si on veut obtenir un certain effet. Tel
est le genre de « règle » données par un livre de cuisine ou par un professeur de tennis. Le
devoir moral, en revanche, ne se présente pas comme un devoir relatif à un but : il se veut au
contraire catégorique, inconditionné, absolu.
Mais comment comprendre un tel devoir absolu ? Un tel énoncé – « Tu dois » – semble
dépourvu de sens. Il ne décrit pas un fait. Si nous analysons le monde et que nous en
élaborons la description et l’explication, nous ne verrons jamais apparaître la proposition « tu
dois ». Aucun fait, aucun acte n’apparaît comme « moralement nécessaire ». Tout au plus
peut-on observer une nécessité naturelle, celle de la causalité qui régit les phénomènes. Mais
ce n’est pas du tout en ce sens que l’on parle de devoir moral.
Il y a une rupture entre l’ordre des faits et l’ordre du devoir, entre ce qui est et ce qui
devrait être. Et on ne peut déduire le devoir être de l’être.5 L’idée d’un devoir absolu semble
donc nous échapper totalement, ou en tout cas échapper totalement à la description
scientifique des faits.6
Comment peut-on donc comprendre cette idée de devoir absolu ? Qu’est-ce que cela peut
signifier de dire qu’un homme doit faire ceci ou cela, indépendamment de toute fin à
atteindre ? Prenons un cas concret : « Tu ne dois pas tuer. » A l’obscurité mystique de l’idée
d’un devoir absolu répond la limpidité évidente d’un tel énoncé. Il est évident que les énoncés
moraux visent à protéger les autres hommes et à faire respecter une forme de justice : dans ce
cas, il s’agit de ne pas tuer autrui. L’origine du devoir semble transparente : le désir qu’ont les
autres de survivre. On peut donc soupçonner que tout « Tu dois » est un « Je veux ». Si « je
dois » faire quelque chose, ce ne peut être que parce que quelqu’un, quelque part, veut que
j’agisse ainsi. L’idée de devoir absolu est peut-être donc tout simplement née d’un devoir
relatif dont on a perdu de vue la fin qu’il vise. Un devoir absolu serait un « principe », c’est-à-
dire un moyen dont on a perdu de vue la fin qu’il vise. Ce qui revient à dire que l’idée d’un
devoir absolu n’est qu’une illusion née de l’oubli de la fin visée.
La religion permet de donner un sens plus fort à l’idée de devoir absolu en faisant de Dieu
le fondement du devoir. Ici encore, le « Tu dois » repose sur un « Je veux » : il est la volonté
de Dieu. C’est le caractère absolu de Dieu qui fait que sa volonté, c’est-à-dire le devoir, est
absolu. L’idée de devoir absolu n’a donc de sens que dans le cadre religieux. Pour reprendre
la formule célèbre de Dostoïevski : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis. » Si Dieu n’existe
pas, nous n’avons de devoirs que dans la mesure où nous craignons la punition des hommes
ou notre propre mauvaise conscience. La seule substance du devoir est alors la volonté des
autres. Il ne faut renoncer à son égoïsme qu’au profit de l’égoïsme d’autrui. Pour reprendre la
formule du Marquis de Sade, c’est l’« extravagance du système déifique » qui nous fait croire
à un bien et un mal existant en soi.

D. Morale et société

4
Platon, République, livre X, 614b-621d.
5
Hume remarquait que les traités de morale commençaient par décrire ce qui est, puis, à un moment donné,
passaient de cette descriptions des faits à ce qui devrait être. Or rien ne permet de passer logiquement de « is » à
« ought », c’est-à-dire de l’être au devoir être.
6
Cf. le texte de Wittgenstein de votre manuel, p. 474-475.

7
La morale est « l’instinct du troupeau » : elle vise à défendre l’intérêt du groupe contre
l’intérêt individuel. (Nietzsche) L’autorité morale vient de la société. (Durkheim) Le moyen
dont se sert la société pour soumettre les individus est l’introjection de la cruauté, c’est-à-dire
la mauvaise conscience, incarnée dans le surmoi. (Freud) Nous pouvons détailler l’analyse
freudienne du dispositif psychologique et social que constitue la morale :
Selon Freud, les penchants agressifs des individus s’opposent à la cohésion sociale. Mais
par la culture (éducation), l’agression est intériorisée, renvoyée d’où elle est venue, dirigée
contre le moi propre. L’interdiction de certains désirs par le père impose le renoncement et
suscite un penchant à l’agression. Cette agression doit être refoulée à son tour.
On sort de cette situation économiquement difficile en accueillant en soi, par identification,
l’autorité inattaquable, laquelle devient le surmoi et entre en possession de toute cette
agression qu’enfant on aurait aimé exercer contre elle. La sévérité originelle du surmoi n’est
pas celle qu’on a connue du père ou qu’on lui impute, mais celle qui représente notre propre
agression contre lui. Le moi se divise ainsi en un moi et un surmoi, le surmoi étant l’instance
qui dirige l’agression contre le moi. La tension entre le surmoi sévère et le moi qui lui est
soumis est la conscience de culpabilité. C’est donc avec le surmoi qu’apparaît la conscience
morale.
Le mal est donc au début ce pour quoi on est menacé de perte d’amour (d’abord l’amour
du père, puis l’amour des autres) ; c’est par angoisse devant cette perte qu’il faut éviter le mal.
Cette angoisse devant la perte d’amour est l’angoisse « sociale ».
Le sentiment de culpabilité est l’expression du conflit d’ambivalence, du combat entre
Eros et Thanatos, entre le besoin d’amour et l’agressivité, entre les penchants égoïstes et le
devoir d’être altruiste. C’est la perception de la tension entre les tendances du moi et les
exigences du surmoi qui produit ce sentiment de culpabilité. Ce conflit est attisé par la vie en
commun. La culture ne peut réunir les hommes que par accroissement de leur sentiment de
culpabilité, qui finit par atteindre des hauteurs difficilement supportables. Le sentiment de
culpabilité est le problème le plus important du développement de la culture. Le prix à payer
pour la culture est une perte de bonheur, à cause de l’élévation du sentiment de culpabilité.
L’humanité aussi produit un surmoi, qui pousse au développement de la culture. Les
« pères » de l’humanité sont certains personnages exemplaires – qui sont souvent raillés et
maltraités de leur vivant (ex : Jésus). Le surmoi-de-la-culture a des exigences. Concernant les
relations des hommes entre eux, cette exigence se manifeste sous la forme de l’éthique. De
tout temps, on a attaché la plus grande valeur à cette éthique, comme si on attendait
précisément d’elle des performances particulièrement importantes. Sa fonction est d’atteindre
un commandement du surmoi afin d’écarter le plus grand obstacle de la culture, le penchant à
l’agression. C’est ainsi qu’elle produit des commandements du type « aime ton prochain
comme toi-même. »7

II. La morale du devoir

A. Le déontologisme kantien

On trouve chez Kant une philosophie morale qui se réclame de la raison tout en rejoignant
la religion. Mais pour Kant il ne s’agit pas (comme pour Platon) de faire appel à la religion
pour pousser les hommes à pratiquer un idéal commandé par la raison. Il s’agit plutôt, au
contraire, de montrer que la morale religieuse peut être retrouvée et même pratiquée à partir
de la raison elle-même.
Les devoirs du christianisme peuvent être déduits rationnellement, et la raison suffit à nous
commander de nous plier à ces devoirs. Kant renverse les choses à tel point qu’il peut dire que
7
Toute cette analyse est développée par Freud dans Le Malaise dans la culture, VII et VIII.

8
ce n’est pas la religion qui fonde la morale, mais au contraire la morale qui fonde la religion.
On a vue que la morale est autonome, elle se fonde sur la raison seule et peut se passer de la
religion. La religion en revanche dépend de la morale. L’existence de Dieu ne peut être ni
prouvée ni réfutée par la science. C’est notre conscience morale qui nous permet de trancher
en supposant que Dieu existe pour récompenser les justes et punir les injustes. Cette justice
divine n’est pourtant pas le fondement de la moralité car la véritable moralité, qui réside dans
la pureté des intentions (dans les bonnes intentions), ne consiste pas du tout à agir par crainte
de l’enfer ou désir du paradis mais uniquement de façon désintéressée, par pur respect de la
loi morale.

1. L’intention bonne

a. La seule chose véritablement bonne est une bonne volonté


Kant commence par remarquer que la seule chose qu’on puisse dire bonne est une bonne
volonté. Tout le reste en effet – santé, biens, gloire, richesse, talents, etc. – ne sont pas bons en
soi, leur valeur dépend de l’usage que l’on en fait. Même le bonheur n’est pas un bien en soi,
puisqu’il peut être une source de corruption.

De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du
monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n’est seulement une
BONNE VOLONTÉ. L’intelligence, le don de saisir les ressemblances des choses, la faculté de
discerner le particulier pour en juger, et les autres talents de l’esprit, de quelque nom qu’on
les désigne, ou bien le courage, la décision, la persévérance dans les desseins, comme
qualités du tempérament, sont sans doute à bien des égards choses bonnes et désirables ; mais
ces dons de la nature peuvent devenir aussi extrêmement mauvais et funestes si la volonté qui
doit en faire usage, et dont les dispositions propres s’appellent pour cela caractère, n’est
point bonne. Il en est de même des dons de la fortune. Le pouvoir, la richesse, la
considération, même la santé ainsi que le bien-être complet et le contentement de son état, ce
qu’on nomme le bonheur, engendrent une confiance en soi qui souvent aussi se convertit en
présomption, dès qu’il n’y a pas une bonne volonté pour redresser et tourner vers des fins
universelles l’influence que ces avantages ont sur l’âme, et du même coup tout le principe de
l’action ; sans compter qu’un spectateur raisonnable et impartial ne saurait jamais éprouver
de satisfaction à voir que tout réussisse perpétuellement à un être que ne relève aucun trait de
pure et bonne volonté, et qu’ainsi la bonne volonté paraît constituer la condition
indispensable même de ce qui nous rend dignes d’être heureux.
Il y a, bien plus, des qualités qui sont favorables à cette bonne volonté même et qui
peuvent rendre son œuvre beaucoup plus aisée, mais qui malgré cela n’ont pas de valeur
intrinsèque absolue, et qui au contraire supposent toujours encore une bonne volonté. C’est là
une condition qui limite la haute estime qu’on leur témoigne du reste avec raison, et qui ne
permet pas de les tenir pour bonnes absolument. La modération dans les affections et les
passions, la maîtrise de soi, la puissance de calme réflexion ne sont pas seulement bonnes à
beaucoup d’égards, mais elles paraissent constituer une partie même de la valeur intrinsèque
de la personne ; cependant il s’en faut de beaucoup qu’on puisse les considérer comme
bonnes sans restriction (malgré la valeur inconditionnée que leur ont conférée les anciens).
Car sans les principes d’une bonne volonté elles peuvent devenir extrêmement mauvaises ; le
sang-froid d’un scélérat ne le rend pas seulement beaucoup plus dangereux ; il le rend aussi
immédiatement à nos yeux plus détestable encore que nous ne l’eussions jugé sans cela.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section

Pour comprendre cela il faut d’abord bien comprendre la distinction entre la valeur morale
et la valeur non morale. La nourriture est bonne, mais sa valeur n’est pas d’ordre moral. Il en
va de même pour l’ensemble des choses qui peuvent être dites bonnes au sens où elles sont
favorables à un être vivant. Leur valeur est donc relative à un autre être, ce n’est pas une
valeur en soi. En revanche, une bonne intention n’est pas bonne relativement à quelque chose,

9
mais elle est bonne en soi, intrinsèquement. Mais qu’est-ce qu’une bonne volonté ? C’est la
volonté d’agir par devoir.

b. Acte conforme au devoir et acte par devoir


Kant distingue l’acte accompli par devoir et l’acte simplement conforme au devoir. Un
marchand qui reste honnête de peur de ternir sa réputation agit conformément au devoir mais
non par devoir : il a seulement en vue son intérêt bien compris. En revanche, celui qui
s’efforce de conserver sa vie à laquelle il ne tient plus agit par devoir. Ainsi, celui qui fait le
bien sans y être prédisposé a une plus grande valeur morale que celui qui a un tempérament
bienveillant car il fait le bien non par inclination, mais par devoir.
Agir sous l’influence de la sensibilité, même si l’action est conforme au devoir, cela est
pathologique (ce qui ne signifie pas « maladif » mais d’une manière passivement déterminée
par la sensibilité et non activement déterminée par la volonté). N’est pratique ou moral ce qui
dépend directement et uniquement de la raison.
Une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint
par elle, mais de la maxime d’après laquelle elle est décidée ; elle ne dépend donc pas de la
réalité de l’action, mais uniquement du principe du vouloir d’après lequel l’action est produite
sans égard à aucun des objets de la faculté de désirer. Ce n’est pas ce que je veux atteindre qui
fait la valeur morale de mon acte, mais la raison pour laquelle je veux l’atteindre.
Cela suppose que la raison peut déterminer la volonté, autrement dit que la raison est
pratique par elle-même.

c. La raison peut déterminer la volonté


La volonté est la faculté d’agir d’après des règles, i.e. d’après la représentation de lois ou
de principes. Pour dériver les actions des lois, la raison est requise. Donc la volonté n’est rien
d’autre qu’une raison pratique.
Mais la volonté humaine n’est pas parfaite : elle est soumise à la raison mais aussi à des
conditions subjectives (penchants de la sensibilité). Il y a donc conflit entre la raison et la
sensibilité dans la détermination de la volonté. La volonté n’obéit à la raison que contrainte
par elle. Donc les lois de la raison apparaissent à la volonté comme des commandements, des
impératifs. Tous les impératifs sont exprimés par le verbe devoir et indiquent par là le rapport
d’une loi objective de la raison à une volonté qui, selon sa constitution subjective, n’est pas
nécessairement déterminée par cette loi.
Les philosophes ont cru que l’action morale était impossible parce qu’ils pensaient que
toute action humaine est déterminée par un intérêt. Ils supposaient ainsi implicitement
l’hétéronomie de la volonté, i.e. le fait qu’elle doive être déterminée par quelque chose
d’extérieur à elle-même. Mais la volonté peut être autonome dans la mesure où elle peut se
déterminer par la raison, en l’absence de toute autre détermination extérieure. Elle peut donc
se donner à elle-même sa loi. Cette autonomie de la volonté est ce qui rend l’action morale
possible. L’homme peut obéir de lui-même à la loi car il se donne lui-même sa loi.

d. Le respect est le seul mobile moral


La raison détermine la loi morale, qui se présente comme un commandement ; mais il faut
néanmoins à l’homme des mobiles pour agir. Et puisque toute action procédant d’un mobile
tiré de la sensibilité ne peut être qualifiée de morale, il ne reste d’autre mobile à l’action qui
veut agir par devoir que le respect de la loi qui lui ordonne de faire son devoir : « il ne reste
rien pour la volonté qui puisse la déterminer, si ce n’est objectivement la loi, et
subjectivement un pur respect pour cette loi pratique, par suite la maxime d’obéir à cette loi,
même au préjudice de toutes mes inclinations ».

10
Le pur respect de la loi morale est donc le seul mobile qui puisse mener l’homme à agir
moralement, et donc le seul sentiment moral à proprement parler. La pitié ou la bienveillance
ne sont pas de véritables sentiments moraux car l’homme mû par ces sentiments l’est par sa
sensibilité et non par sa seule raison.
Pourquoi la loi morale suscite-t-elle le respect ? Pour l’objet conçu comme effet de
l’action, je peux avoir de l’inclination mais non du respect, parce que c’est simplement un
effet, non l’activité d’une volonté. De même, je ne peux avoir de respect pour aucune
inclination en général, qu’elle soit mienne ou d’un autre ; je peux tout au plus l’approuver
dans le premier cas, dans le second cas aller parfois jusqu’à l’aimer, i.e. la considérer
favorable à mon intérêt propre. Mais je peux avoir du respect pour ce qui s’oppose à toutes
ces inclinations naturelles. Une volonté divine, qui n’a pas de penchants, n’éprouve pas le
respect. Il n’y a respect que là où il y a lutte, effort vers le bien. La notion de respect est ainsi
intimement liée à la notion de devoir et à la notion de mérite. C’est en agissant par devoir
qu’on mérite le respect. La loi morale humilie notre égoïsme mais force notre respect. Le
sentiment du respect est l’effet positif de la loi morale considérée comme principe
déterminant de notre volonté : c’est le sentiment moral par excellence.
Il faut bien comprendre que le sentiment de respect n’est pas antérieur à la loi morale, il ne
lui sert pas de fondement. C’est la loi morale qui détermine le sentiment moral, et non
l’inverse. Le respect pour la loi n’est pas un mobile pour la moralité, mais c’est la moralité
même, considérée subjectivement comme mobile.

e. Conséquences et difficultés
Avec cette conception de la moralité, Kant a poussé jusqu’à ses dernières limites une
certaine dimension du concept naturel de moralité : l’idée d’une action désintéressée,
absolument non égoïste, accomplie seulement par devoir. Mais cela ne va pas sans difficulté.
D’abord, il est extrêmement difficile de savoir si une action donnée est morale en ce sens,
car il est difficile – voire impossible – de sonder les intentions, y compris quand il s’agit des
nôtres. Kant reconnaît d’ailleurs cette difficulté :

En fait, il est absolument impossible d’établir par expérience avec une entière certitude un
seul cas où la maxime d’une action d’ailleurs conforme au devoir ait uniquement reposé sur
des principes moraux et sur la représentation du devoir. Car il arrive parfois sans doute
qu’avec le plus scrupuleux examen de nous-mêmes nous ne trouvons absolument rien qui, en
dehors du principe moral du devoir, ait pu être assez puissant pour nous pousser à telle ou
telle bonne action et à tel grand sacrifice;  mais de là on ne peut nullement conclure avec
certitude que réellement ce ne soit point une secrète impulsion de l’amour-propre qui, sous le
simple mirage de cette idée, ait été la vraie cause déterminante de la volonté  ; c’est que nous
nous flattons volontiers en nous attribuant faussement un principe de détermination plus
noble ; mais en réalité nous ne pouvons jamais, même par l’examen le plus rigoureux,
pénétrer entièrement jusqu’aux mobiles secrets ; or, quand il s’agit de valeur morale,
l’essentiel n’est point dans les action, que l’on voit, mais dans ces principes intérieurs des
actions, que l’on ne voit pas.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 2e section
(Manuel p. 474)

Seul Dieu, qui « sonde les cœurs et les reins » (Ancien Testament, Psaume 7, 10), peut
connaître la vérité des intentions humaines. On pourrait même pousser plus loin et dire
qu’aucune action ne peut être morale au sens de Kant, tout simplement parce que toute action
doit nécessairement être déterminée par un intérêt quelconque. Une action sans intérêt aucun
est un monstre conceptuel, quelque chose de contradictoire et d’incompréhensible du point de
vue psychologique.

11
2. La forme de la loi morale : universalité et respect d’autrui
Si c’est la seule raison qui détermine le devoir, elle ne peut en donner que la forme
générale et non le contenu précis, dépendant de chaque situation particulière donnée. En effet,
ce que nous cherchons ici est un devoir absolu, et non un devoir relatif à une fin donnée. En
termes kantiens, nous cherchons un impératif catégorique et non seulement un impératif
hypothétique. Par exemple, le commandement « il faut mélanger des œufs et de la farine » est
un impératif hypothétique, conditionnée à la fin particulière qu’est la confection d’un gâteau.
En revanche, le commandement biblique « tu ne tueras point » se donne comme un impératif
catégorique, qui ne dépend nullement de telle ou telle fin à réaliser, mais qui est valable en
soi.
Car la raison n’indique rien de plus que la nécessité de se conformer à une loi universelle.
Ainsi, le seul principe que nous donne la raison est d’agir selon un principe qu’on puisse
vouloir comme principe universel. Il suffit de se demander, avant d’agir, si nous sommes
prêts à ce que tout le monde en fasse autant :

Car, puisque l’impératif ne contient en dehors de la loi que la nécessité, pour la maxime, de
se conformer à cette loi, et que la loi ne contient aucune condition à laquelle elle soit
astreinte, il ne reste rien que l’universalité d’une loi en général, à laquelle la maxime de
l’action doit être conforme, et c’est seulement cette conformité que l’impératif nous
représente proprement comme nécessaire.
Il n’y a donc qu’un impératif catégorique, et c’est celui-ci : Agis uniquement d’après la
maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 2e section, p. 94

La question, que Kant évoque sans y répondre, est de savoir si un principe aussi général du
devoir n’est pas, en fait, tellement formel qu’il devient complètement creux… Mais elle
permet tout de même de trancher dans certains cas. Par exemple, si la maxime de se tirer
d’embarras par une fausse promesse était érigée en loi, personne ne croirait plus aux
promesses, et par suite il ne me servirait à rien de mentir, de telle sorte que ma maxime, du
moment qu’elle serait érigée en loi universelle, se détruirait elle-même nécessairement. Par
conséquent, la raison nous interdit a priori de ne pas mentir.8
Par ailleurs, nous pouvons distinguer les êtres raisonnables (notamment l’homme) des
autres êtres en remarquant qu’ils existent comme fin en soi et non seulement comme moyen
dont telle ou telle volonté puisse user à son gré. Les choses n’ont jamais de valeur que pour
nous ; les êtres raisonnables ou personnes ont, au contraire, une valeur absolue. Si on refusait
de faire de la personne une fin en soi il n’y aurait pas de fin en soi et par suite il serait
impossible qu’il existât un impératif catégorique. Prendre en compte cette dimension est donc
une nécessité logique pour qu’il existe un impératif catégorique. On peut donc exprimer
l’impératif catégorique sous une deuxième forme : « Agis de telle sorte que tu traites
l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même
temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »9
Il faut donc respecter l’humanité : il ne faut pas médire, car c’est affaiblir le respect dû à
l’humanité en général. Et il ne faut évidemment pas asservir l’autre, le traiter en esclave, etc.
Remarquons que l’approche purement logique et déductive de Kant le conduit à privilégier
l’homme au détriment des animaux, le pensant au détriment du sentant, la raison au détriment
du sentiment.

8
Cf. texte du manuel p. 479.
9
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 2e section, p. 105.

12
3. Présupposés, conditions, hypothèses
Kant ne se contente pas d’établir ce qu’est le bien et ce qu’est la loi morale. Il en tire
également les conclusions qui s’imposent pour notre compréhension du monde. D’une
manière qui rappelle Platon, il déduit de son analyse de la moralité des vérités – ou au moins
des hypothèses – concernant le monde.
Le premier de ces postulats est le libre arbitre. Pour que l’homme puisse être moral au sens
de Kant, il faut en effet que la volonté puisse être autonome, donc être déterminée seulement
par la raison, indépendamment des inclinations naturelles. Si l’homme n’était qu’un
phénomène soumis à l’enchaînement naturel des causes et des effets et dépourvu de liberté sa
volonté ne pourrait pas être autonome. La moralité suppose donc la liberté. Du seul fait que
nous avons conscience de notre devoir moral, nous pouvons en déduire que nous sommes
libres : tu dois, donc tu peux.
D’autre part, l’idée du souverain bien est problématique, car elle suppose que la vertu et le
bonheur soient réunis. On pourrait dire à la manière des Epicuriens que la vertu consiste à
avoir conscience de sa maxime conduisant au bonheur, ou, comme les Stoïciens, que le
bonheur consiste à avoir conscience de sa vertu. Mais vertu et bonheur sont hétérogènes. Il
faut donc que la vertu engendre le bonheur. Pour cela, il faut que le désir du bonheur soit le
mobile de la vertu ou que la maxime de la vertu soit la cause efficiente du bonheur. Mais les
deux alternatives semblent impossibles : aucun mobile sensible ne peut déterminer une
volonté bonne, et le bonheur dépend de lois naturelles tandis que la vertu dépend de la loi
morale. Ce paradoxe peut être résolu par l’hypothèse de l’existence de Dieu et de
l’immortalité de l’âme. Alors le souverain bien pourrait être atteint, pour celui qui s’est
comporté de façon vertueuse, par l’accès au paradis après la mort.
Mais, paradoxe suprême, il est capital, pour Kant, que l’on ne connaisse pas Dieu, qu’on
n’ait aucune preuve de son existence, et qu’on puisse simplement supposer qu’il existe. Car si
nous savions que Dieu existe, la moralité en pâtirait car nous ne ferions plus le bien par devoir
mais plutôt en vue d’entrer au paradis après notre mort. La morale kantienne est une
sécularisation de la morale religieuse, mais la dimension de la morale qu’elle exacerbe (le
caractère bon au sens de désintéressé de la volonté) fait que cette morale n’est possible que si
on ignore que Dieu existe. La moralité au sens de Kant culmine donc avec la mort de Dieu  :
toutes choses égales par ailleurs, l’athée est plus moral que le croyant car l’espoir du paradis
n’entre pas dans ses mobiles.

B. La critique du kantisme

1. Le problème de l’égoïsme
La question de l’égoïsme repose en grande partie sur un problème de langage. L’adjectif
« égoïste » peut porter sur les actes (est égoïste l’acte accompli au détriment d’autrui) ou sur
les intentions. En ce deuxième sens, il peut sembler que toute intention est égoïste. Des
moralistes comme La Rochefoucauld ont montré comment l’amour propre constitue la
motivation secrète de toutes nos actions, y compris de celles qui semblent les plus
désintéressées. Même nos actes altruistes reposeraient donc sur des motivations égoïstes :
éviter la critique, la punition, obtenir l’amour d’autrui, etc., ce que résume la formule de
Freud : « Le mal est donc au début ce pour quoi on est menacé de perte d’amour ; c’est pas
angoisse devant cette perte qu’il faut éviter le mal. »10
On peut toutefois distinguer, parmi ces différents mobiles égoïstes, l’altruisme forcé et à
contrecœur de la bonté naturelle ou de la bienveillance. Si on ajoute certains cas d’altruisme
inné, comme le sacrifice d’une mère pour ses enfants, on peut même remettre en question
l’idée que tout acte répond à une intention essentiellement égoïste. C’est ainsi que Nietzsche
10
Freud, Le Malaise dans la culture, VII.

13
soutient qu’il n’y a pas d’actes altruistes, mais qu’il n’y a pas non plus d’actes égoïstes, car il
n’y a pas d’ego : « Il n’y a ni actions égoïstes, ni actions altruistes : ces deux notions sont un
contresens psychologique. »11
L’action altruiste peut donc être accomplie par intérêt, par moralité, par amour ou par
instinct. On peut sans doute dire que toutes ces intentions sont toujours « égoïstes », mais
c’est utiliser le mot en un sens différent de son sens courant, et en un sens qui ne préjuge pas
du jugement moral à porter sur de telles intentions. Il n’y a peut-être pas de contradiction
entre altruisme et égoïsme : comment faire le bonheur des autres sans faire aussi le sien ?
Comment aimer quelqu’un sans s’aimer soi-même ? La conception aristotélicienne de l’amitié
est ainsi indissociablement égoïste et altruiste.

2. Les sentiments moraux


La morale kantienne va très loin. L’idée que ce sont les intentions qui comptent est une
idée naturelle, mais Kant la pousse si loin qu’elle en devient intenable. Si seule la pure
volonté au sens de Kant peut être dite bonne, alors il est à craindre que rien sur terre ne soit
véritablement bon.
Le plus étrange est peut-être le rejet par Kant des sentiments moraux tels que l’amour et la
pitié. Car si nous regardons de près les intentions des hommes, nous n’y trouverons guère ce
« pur respect de la loi morale » érigé par Kant en idéal et unique sentiment moral, mais nous y
trouverons en revanche d’autres sentiments moraux. Bien que ces sentiments donnent lieu à
une action « passive », déterminée par la sensibilité et non par la raison, et donc, si l’on veut,
égoïste (en déformant toutefois de façon significative le sens habituel de ce mot), ils sont
néanmoins, semble-t-il, la source la plus « pure » d’altruisme que l’on puisse trouver en
l’homme.
On peut même affirmer que le « pur respect de la loi » est un mythe et que les sentiments
moraux sont la source unique de moralité. Ainsi, pour Leibniz, il faut concevoir l’amour
désintéressé comme bienveillance, c’est-à-dire un plaisir pris à faire plaisir à autrui. Un tel
sentiment est noble sans être chimérique.12 Rousseau, quant à lui, voit dans la pitié un
sentiment primordial de l’homme : « méditant sur les premières et plus simples opérations de
l’âme humaine, j’y crois apercevoir deux principes antérieurs à la raison, dont l’un nous
intéresse ardemment à notre bien-être et à la conservation de nous-mêmes, et l’autre nous
inspire une répugnance naturelle à voir périr ou souffrir tout être sensible et principalement
nos semblables. C’est du concours et de la combinaison que notre esprit est en état de faire de
ces deux principes, sans qu’il soit nécessaire d’y faire entrer celui de la sociabilité, que me
paraissent découler toutes les règles du droit naturel ».13 L’ensemble de la philosophie morale
anglaise s’est constituée, aux XVIIe et XVIIIe siècles, autour de l’idée de sentiments moraux.
Pour Hume, par exemple, la sympathie (c’est-à-dire la faculté de « pâtir avec ») est la source
de la moralité, en nous attachant à nos semblables et à nos proches. Hume critique l’idée selon
laquelle la raison pourrait nous montrer notre devoir moral : car la raison ne traite que de faits,
et le devoir n’est pas un fait. Enfin, selon Schopenhauer la conscience morale se compose
d’environ « 1/5 de crainte des hommes, 1/5 de craintes religieuses, 1/5 de préjugés, 1/5 de
vanité, 1/5 d’habitude »14. Au terme de son analyse, il affirme que la pitié est la seule véritable
source de moralité : « Cette pitié, voilà le seul principe réel de toute justice spontanée et de
toute vraie charité. Si une action a une valeur morale, c’est dans la mesure où elle en vient :
dès qu’elle a une autre origine, elle ne vaut plus rien. »15

11
Nietzsche, Ecce homo, III, 5.
12
Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain, livre II, chap. XX.
13
Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité, Préface.
14
Arthur Schopenhauer, Le Fondement de la morale, III.
15
Ibid.

14
L’idée que la morale repose essentiellement sur le sentiment – et sur des sentiments
d’amour et de pitié – est très proche de la tradition chrétienne. Dans le christianisme, amour et
pitié sont en effet les sentiments vertueux par excellence, ceux qui permettent d’atteindre la
bonté véritable et de pratiquer l’altruisme et le sacrifice de soi, conformément aux préceptes
de Dieu transmis par Jésus, dont le plus célèbre commandement invite précisément à « aimer
son prochain comme soi-même ».

3. L’eudémonisme d’Aristote
L’éthique d’Aristote est un eudémonisme (du grec eudaimonismos, bonheur) : elle fait du
bonheur la valeur suprême, le but de la vie. Nous avons vu que le bonheur selon Aristote
consiste dans l’action politique et surtout dans l’activité contemplative, c’est-à-dire la pensée
et la contemplation de la vérité. Il en découle deux sortes de vertus et de devoirs : des vertus
éthiques (courage, tempérance, justice, bonté, etc.) et des vertus intellectuelles (faculté de
saisir les principes par l’intuition, art de démontrer).
Nous pouvons préciser que la grande théorie d’Aristote est que les vertus éthiques
consistent en une médiété, c’est-à-dire un juste milieu, un moyen terme entre deux extrêmes.
Ainsi, le courage est un juste milieu entre la peur et la témérité, la tempérance est entre le
dérèglement (hubris) et l’insensibilité, la mansuétude est entre l’apathie et la colère, la
générosité est entre la prodigalité et l’avarice, la véracité est entre la vantardise et la
dépréciation de soi, la réserve est entre la timidité et l’effronterie, etc.16

4. L’utilitarisme anglais
L’utilitarisme est la doctrine morale selon laquelle est bonne l’action qui mène au
maximum de bonheur pour le plus grand nombre. Cette théorie morale est donc un
conséquentialisme : ce sont les conséquences des actes qui déterminent lesquels doivent être
accomplis. Pour les utilitaristes, le bonheur est la valeur suprême – l’utilitarisme est un
eudémonisme – et par conséquent un devoir n’a aucun sens s’il ne vise pas à accroître le
bonheur commun. C’est ce point de vue qu’exprime le philosophe utilitariste anglais du XIXe
siècle, John Stuart Mill, dans le texte de votre manuel, p. 478.
Pour les utilitaristes, au-delà du sentiment moral, c’est notre intérêt bien compris nous
mène à faire le bien, car le plus grand bonheur du plus grand nombre implique également
notre bonheur. Spinoza (qui n’est pas un utilitariste) avait déjà exprimé ce point de vue, selon
lequel les hommes qui suivent la raison s’accordent nécessairement. 17 Cette idée rejoint la
vieille idée de Socrate selon laquelle nul n’est méchant volontairement.

III. L’éthique de la vie et de la joie

A. L’éthique de Spinoza

Le premier, Spinoza a rompu avec nombre d’éléments de la morale chrétienne pour


constituer une éthique affirmative, une éthique de la vie, de la puissance et du bonheur. Pour
Spinoza, chaque chose s’efforce de persévérer dans son être (Ethique, III, 6) et cet effort ou
désir (conatus) est l’essence de chaque chose (Ethique, III, 7). Par conséquent, il serait
absolument vain et absurde de tenter de réprimer ce désir, comme y invite la morale
chrétienne : ce serait nier la vie elle-même, donc la Nature, donc Dieu (Spinoza est
panthéiste : pour lui, Dieu s’identifie à la Nature, c’est-à-dire au Tout). Au contraire, l’éthique
ne peut que consister à développer et appuyer ce désir par la raison.

16
Cf. le texte de votre manuel, p. 483.
17
Cf. le texte de votre manuel, p. 477.

15
Ce désir consiste à se conserver en recherchant ce qui nous est utile (l’utile propre).
L’éthique consiste tout simplement à mettre la raison au service de cette recherche de ce qui
nous est utile. Comme pour l’utilitarisme, la recherche de notre intérêt bien compris est le but
de l’éthique, et cet intérêt bien compris n’est pas contradictoire avec celui des autres (Ethique,
IV, 35 ; cf. votre manuel, p. 477). Cet intérêt bien compris conduit même à s’associer, à
constituer une société et un Etat, et à obéir à la loi qui en découle, car elle vise l’intérêt
commun. Si les hommes étaient mus par la raison, ils obéiraient donc à la loi civile et à la loi
morale (pourvu que ces lois soient raisonnables).
Ce désir vise à conserver notre être, c’est-à-dire à accroître notre puissance. L’homme est,
comme toute chose, une affection du Tout (l’homme est au Tout ce que la vague est à l’océan)
qui est affectée par les choses qu’elle rencontre. Certaines de ces affections, ou modifications,
font varier notre puissance : on parle alors d’affects. Par exemple, si un poisson rencontre une
pomme, cela lui est indifférent, cela ne fait pas varier sa puissance : c’est donc une affection
et non un affect. Mais si je mange un champignon comestible, cela me donne des forces, cela
accroît ma puissance : cette affection de mon corps est donc aussi un affect.
Les affects se divisent en deux catégories. Si notre puissance augmente, nous ressentons
une sensation agréable : c’est un affect de joie, une passion joyeuse. La joie, l’amour, le
plaisir sont de tels affects. Si au contraire ma puissance est diminuée, c’est une passion triste.
La tristesse, la souffrance, la douleur, la pitié, sont des passions tristes.
L’éthique de Spinoza recommande sans la moindre hésitation de fuir les passions tristes et
de rechercher les passions joyeuses. En ce sens, Spinoza s’oppose à tout un pan de la morale
chrétienne, qui valorise au contraire les passions tristes (souffrance, pitié, humiliation, etc.) et
la négation de soi. Ainsi, Spinoza affirme explicitement que ni la pitié (Ethique, IV, 50), ni
l’humilité (Ethique, IV, 53), ni le repentir (Ethique, IV, 54) ni le mépris de soi (Ethique, IV,
48 et 56) ne sont des vertus.
Le devoir, chez Spinoza, ne consiste donc pas du tout à nier son propre intérêt au profit de
celui d’autrui, mais uniquement à bien comprendre quel est notre propre intérêt et à se mettre
à son service. Ce faisant, nous nous mettons automatiquement au service d’autrui, car les
intérêts des hommes s’accordent.
Spinoza se rattache néanmoins à la tradition chrétienne sur un point : son éthique accorde
une place prépondérante à l’amour. L’amour est une joie qu’accompagne l’idée d’une cause
extérieure (Ethique, III, 13, scolie), c’est-à-dire une augmentation de notre puissance
accompagnée de l’idée d’une cause extérieure. L’amour de Dieu (c’est-à-dire du monde) est
la clé de l’éthique : c’est cet affect qui nous permet d’atteindre une félicité absolue et éternelle
(Ethique, V, 36, scolie). De plus, l’homme raisonnable s’efforce de compenser les affects
tristes qu’un autre a envers lui – haine, colère, mépris, etc. – par l’amour. Car les affects de
haine sont mauvais, et seul l’amour peut détruire la haine (Ethique, IV, 46).
En un mot : Spinoza valorise les affects de joie ; c’est pourquoi il rejette toutes les passions
tristes érigées en vertus par le christianisme mais retient l’amour.

B. La philosophie de la morale de Nietzsche

Nietzsche est, avec Kant, le grand philosophe de la morale. Son éthique se situe dans
l’esprit de celle de Spinoza, mais il la dépasse sur de nombreux points.

1. La vie, source de toute valeur


La vie est la source de toute valeur. En effet, il n’existe pas d’arrière-monde, de
transcendance, de Dieu, à partir duquel on pourrait juger le monde et la vie. L’homme seul est
source des valeurs, créateur des valeurs. Par conséquent, il est tout à fait paradoxal de

16
condamner ce monde, le corps ou la vie, comme le fait la morale chrétienne. Car c’est notre
corps lui-même qui juge, qui crée les valeurs au nom desquelles on le condamne !

Je veux dire leur fait à ceux qui méprisent le corps. Leur mépris est la substance de leur
respect. Qu’est-ce donc qui a créé estime et mépris, valeur et vouloir ? (…)
Jusque dans votre folie et dans votre mépris, contempteurs 18 du corps, vous servez votre
Soi. Je vous le dis, c’est votre Soi qui veut mourir et se détourne de la vie.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Des contempteurs du corps

Pour le dire en un mot : la vie, étant la source des valeurs, ne peut être elle-même évaluée.
On retrouve la même idée chez Montaigne 19, que Nietzsche appréciait beaucoup, et dans la
formule d’André Malraux reprise par Alain Souchon : « la vie ne vaut rien, mais rien ne vaut
la vie ». De la même manière, le mètre-étalon (c’est une barre métallique conservée à Paris et
qui définit le mètre : un mètre, c’est, par définition, la longueur de cette barre à une
température donnée) ne peut pas être lui-même mesuré, car on ne peut pas le comparer à lui-
même. On peut dire à la rigueur qu’il mesure un mètre, mais c’est en un sens très différent
que quand on le dit d’une autre chose : car c’est par définition qu’il mesure un mètre.

2. L’évaluation des valeurs


La vie permet en revanche d’évaluer toute chose. Nietzsche évalue l’art (le Beau), la
connaissance (le Vrai), et même la morale (le Bien), à partir du critère de la vie. C’est-à-dire
que la vie permet de tout évaluer, y compris les valeurs elles-mêmes.
Nietzsche se lance donc dans l’étude des morales et des religions et les juge à l’aune du
critère suprême qu’est la vie, ou plus exactement la santé, la force. Or toutes les morales
défendues jusqu’à présent ont consisté à nier la vie. L’exemple type d’une telle morale
négatrice de la vie est la morale chrétienne, qui se prolonge en Europe sous forme de
socialisme, d’anarchisme, de bouddhisme, de libéralisme, etc. La morale chrétienne invente
tout un « arrière-monde » fictif (le ciel) au nom duquel elle réprime durement la vie. L’éloge
de la souffrance et du sacrifice de soi, la condamnation de l’égoïsme, la répression de la
sexualité et du plaisir, la valorisation des passions tristes, tout dans le christianisme vise à
réprimer la santé et la vie. Nietzsche voit dans ces morales l’expression du nihilisme, c’est-à-
dire la tendance de la vie à se nier elle-même. Un tel paradoxe est possible car l’homme
préfère encore vouloir le néant plutôt que ne rien vouloir (Généalogie de la morale, III, § 28).

3. La généalogie de la morale : morale des forts et morale des faibles


Nietzsche distingue une morale des faibles et une morale des forts. Les forts, les
dominants, les aristocrates, ont d’abord inventé les valeurs et la morale. Est bon, selon cette
morale, ce qui est noble, digne, élevé, loyal, etc. Mais les esclaves et les faibles ont fini par se
révolter et par mettre en place la morale chrétienne, dont les valeurs sont définies
négativement, en réaction à la force. Le bien n’est pas premier, il est défini négativement : est
bon tout ce qui n’est pas mauvais, ou plutôt tout ce qui n’est pas méchant. (En effet,
l’opposition bon/mauvais est propre à la morale des forts, tandis que l’opposition
bon/méchant caractérise la morale des faibles.) Est bon tout ce qui se sacrifie soi-même : le
pauvre, l’homme altruiste, inoffensif, tel est l’idéal du christianisme.
18
Ceux qui méprisent.
19
« Et l’opinion qui desdaigne notre vie, elle est ridicule : Car en fin c’est nostre estre, c’est nostre tout. Les
choses qui ont un estre plus noble et plus riche, peuvent accuser le nostre : mais c’est contre nature, que nous
nous mesprisons et mettons nous mesmes à nonchaloir ; c’est une maladie particuliere, et qui ne se voit en
aucune autre creature, de se hayr et desdaigner. C’est de pareille vanité, que nous desirons estre autre chose, que
ce que nous sommes. Le fruict d’un tel desir ne nous touche pas, d’autant qu’il se contredit et s’empesche en
soy : celuy qui desire d’estre faict d’un homme ange, il ne faict rien pour luy : Il n’en vaudroit de rien mieux, car
n’estant plus, qui se resjouyra et ressentira de cet amendement pour luy ? » (Montaigne, Essais, II, 3)

17
En parcourant les nombreuses morales raffinées ou grossières qui ont régné ou règnent
encore sur la terre, j’ai vu que certains traits revenaient régulièrement ensemble et se liaient
les uns aux autres, de sorte qu’à la fin deux types fondamentaux se révélèrent à mes yeux et
que je découvris une différence fondamentale. Il existe une morale des maîtres et une morale
des esclaves ; j’ajoute tout de suite que toutes les civilisations supérieures et composites ont
tenté de concilier ces deux morales, que plus souvent encore elles se mélangent sans
s’accorder, qu’elles coexistent même quelquefois à l’intérieur d’un même individu et d’une
même âme. Ces critères moraux différents sont nés soit au sein d’une classe dominante,
consciente et satisfaite de ce qui la distinguait de la classe dominée, soit parmi les sujets, les
esclaves et les subalternes de tout rang. Dans le premier cas, quand les maîtres déterminent la
notion du « bien », ce sont les sentiments de fierté et de supériorité qui sont ressentis comme
distinctifs et qui fondent la hiérarchie. (…) L’humanité aristocratique sent qu’elle détermine
les valeurs, elle n’a pas besoin d’approbation, elle juge que ce qui lui nuit est nuisible en soi,
elle sait que c’est elle qui confère de la dignité aux choses, elle est créatrice de valeurs. Elle
honore tout ce qu’elle trouve en soi : une telle morale est une glorification de soi. Elle met au
premier plan le sentiment de la plénitude, de la puissance qui veut déborder, le bonheur de
connaître une forte tension, la conscience d’une richesse qui voudrait donner et prodiguer :
l’aristocrate secourt lui aussi le malheureux, non pas ou presque pas par compassion, mais
par l’effet d’un besoin qui naît de la surabondance de sa force. (…) Les êtres aristocratiques
et courageux qui pensent de la sorte sont très éloignés de la morale qui voit dans la
compassion ou dans l’altruisme ou dans le désintéressement le signe distinctif du sentiment
moral. (…) Supposons que les êtres brimés, opprimés, souffrants, dépendants, incertains
d’eux-mêmes et fatigués se mettent à proposer une morale : quel sera le caractère commun de
leurs appréciations morales ? Ils exprimeront probablement une défiance pleine de
pessimisme à l’endroit de la condition humaine, peut-être condamneront-ils l’homme et la
condition humaine tout ensemble. Le regard de l’esclave est défavorable aux vertus du
puissant (…). En revanche, il préconisera et mettra en lumière les qualités qui servent à
alléger l’existence de ceux qui souffrent : il honorera la pitié, l’esprit de serviabilité et
d’altruisme, l’affection, la patience, l’empressement, l’humilité, l’amabilité, car ce sont là les
qualités les plus utiles, et à peu près les seuls remèdes pour supporter le poids de l’existence.
La morale des esclaves est essentiellement une morale utilitaire.
Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 260

Ces deux morales correspondent, au fond, à deux types de valeurs. D’un côté la valeur non
morale : la valeur de la nourriture, du soleil, de la santé. Est bon ce qui favorise la vie. De
l’autre la valeur morale : celle-ci ne concerne que les êtres moraux, c’est-à-dire les hommes,
et consiste généralement à prendre en compte les intérêts d’autrui. La morale est
essentiellement hétérogène, car elle tient compte de ces deux types de valeurs. On retrouve ici
l’opposition entre morale du devoir et morale des conséquences. On retrouve aussi le dilemme
entre efficacité et justice : faut-il, par exemple, rémunérer un travailleur en fonction de ses
efforts ou en fonction de son efficacité ? Faut-il le payer à l’heure ou au rendement ? Nous
sommes partagés entre une logique humaine et une logique naturelle, entre la bonté (morale)
et le bon (non moral).

4. Par-delà bien et mal

a. La sagesse tragique
Si l’on ajoute à cela l’idée que la morale repose sur l’erreur et le mensonge – elle suppose
la croyance au libre arbitre et à la responsabilité, au désintérêt et à l’altruisme, qui sont autant
de fictions humaines –, on comprendra sans mal que Nietzsche propose finalement de rejeter
cette morale des esclaves et invite à se placer « par-delà bien et mal ». Une telle attitude est ce
que Nietzsche appelle la sagesse tragique. Le monde est plein de souffrance, d’injustice et de

18
cruauté.20 L’histoire est absurde et chaotique. Aucune justice divine ne viendra racheter ni
« sauver » tout cela. Pourtant, au lieu de s’en affliger, de juger, de condamner, de vouloir
améliorer l’humanité, le philosophe tragique se contentera de contempler ce monde, de
l’accepter (c’est ce que Nietzsche appelle le « grand oui », la grande affirmation du monde) et
même d’y prendre plaisir, exactement comme on prend plaisir aux tragédies jouées sur scène.
Se réjouir de ce spectacle désolant : il faut une force véritablement dionysiaque21 pour en être
capable. Le philosophe tragique sera un philosophe dionysiaque.

b. L’éternel retour
L’idée de l’éternel retour est l’idée que ce monde plein de mal et d’absurdité reviendra
éternellement. Cette idée réconcilie devenir et éternité, et surtout elle permet de mesurer la
force d’un esprit : le véritable immoraliste, le véritable philosophe dionysiaque sera celui qui
est capable de supporter cette pensée, de vouloir l’éternel retour. La contemplation joyeuse du
monde cruel et tragique culmine dans la pensée de l’éternel retour.

c. Le surhomme
Nietzsche appelle Surhomme (Übermensch) cet homme à venir qui aura dépassé la morale.
Tout homme, jusqu’à présent, est resté sous le ciel de la morale. Tous les philosophes
jusqu’alors étaient même au service de cette morale. Être par-delà bien et mal, c’est donc être
au-delà de ce qui s’est appelé « humain » jusqu’à présent. Le Surhomme sera aussi le premier
homme honnête, après des millénaires de morale fondée sur le mensonge.

5. Nietzsche et le nazisme
La philosophie de Nietzsche, constituée à la fin du XIX e siècle, a été récupérée par les
mouvements fascistes et nazis qui avaient pour idéal l’avènement de l’homme nouveau, dans
lequel on pourrait voir un genre de surhomme nietzschéen. La plupart des philosophes
s’empressent de défendre la pensée nietzschéenne contre cette récupération sulfureuse, et
récusent22 toute ambivalence dans la philosophie de Nietzsche. Il me semble au contraire que
cette ambiguïté est tout à fait présente. Il n’est pas évident de savoir ce que Nietzsche aurait
pensé du nazisme, d’autant plus que ce mouvement, à l’origine, se présentait comme un
mouvement révolutionnaire offrant une alternative au libéralisme matérialiste occidental aussi
bien qu’au communisme russe, et a pu séduire certains jeunes enthousiastes, au moins dans un
premier temps.23
La question est de savoir ce que Nietzsche entend exactement par ses idées de surhomme,
de « grande politique » et de domination. Je ne pense pas que l’on puisse exclure de l’idée de
nietzschéenne de domination les dimensions politique, économique et sociale qu’il mentionne
explicitement, quoique de manière imprécise. En ce sens, il reste politiquement incorrect et
dangereux, comme il s’en vante lui-même. En revanche, on peut insister sur le caractère
intellectuel et sublimé de cette domination et de cette puissance. Les exemples de surhomme
que donne Nietzsche sont de grands esprits comme Shakespeare et Goethe – peu de rapport,
donc, avec un Mussolini ou avec l’Aryen imaginé par Hitler.
20
Si vous en doutez, souvenez-vous de la formule de Schopenhauer : le monde peut paraître beau, avec ses
montagnes, forêts, animaux ; mais le monde n’est pas un panorama : c’est une toute autre chose de voir ces
créatures et d’être ces créatures, qui passent leur vie à souffrir et à s’entrebouffer, si bien que chacune est le
tombeau vivant de mille autres. Cf. cours sur le bonheur, annexe.
21
De Dionysos, dieu grec du vin, de l’ivresse et de la musique, dont Nietzsche fait un idéal philosophique et
esthétique composé de force et de légèreté : l’homme dionysiaque est celui qui est assez fort pour se réjouir de la
destruction. En art, le dionysiaque s’oppose à l’apollinien, qui représente l’ordre et l’équilibre de l’œuvre d’art.
22
Rejettent, écartent, refusent.
23
Pensez au futurisme, mouvement artistique né en Italie en 1909 autour de Marinetti et qui exalte le monde
moderne, les machines, la vitesse, la violence et la guerre.

19
Conclusion

Classification des théories morales

théorie morale
conception de la conception
correction morale de la valeur
déontologisme téléologisme
valeur morale valeur non morale
arétaïsme conséquentialisme
Porte sur l’ACTE Porte sur l’AGENT Porte sur les CONSEQUENCES
réaliser les tendances
de la nature humaine
perfectionnisme conséquentialisme

Accomplir certains Atteindre la Réaliser certains Produire les bonnes


ACTES VERTU ETATS CONSEQUENCES
- morale des commandements - Aristote (EN : liste des - Aristote - utilitarisme :
divins : Occam, Duns Scot, vertus et vices) - Nietzsche Bentham, Mill
Kierkegaard - Nietzsche (« vertus » - Thomas d’Aquin
- version laïque : Kant du Surhomme) - Spinoza
- et un peu chez Descartes, Pascal, - Leibniz
Berkeley - Marx

Ancien Testament : éthique des commandements divins.


Hiérarchie : (1) correction morale ; (2) valeur non morale ; (3) valeur morale.
(1) Est obligatoire ce qui est commandé par Dieu. Est interdit ce qui est interdit par Dieu. Est
permis ce qui n’est ni obligatoire ni interdit. Dans de nombreux cas il faut deviner ce que
Dieu aurait voulu. Idem en droit : quel est l’esprit de la loi, qu’aurait voulu le législateur ?
(2) Une chose est bonne si (et seulement si) Dieu commande que nous la fassions venir à
l’existence ou la préservions. Ex : « il n’y aura plus d’esclaves ». Une chose est mauvaise, etc.
Une chose est moralement neutre si elle n’est ni bonne ni mauvaise.
(3) Genèse, chap. 22 : portrait type du vertueux (« le juste ») : Abraham : confiance aveugle
en le commandement divin de sacrifier son fils Isaac. La vertu est la confiance et l’obéissance
aveugles en les commandements divins.

Conséquentialisme : Le désirable prime sur le juste, l’axiologique sur le déontique. L’action


morale est un instrument pour la réalisation du Bien.
Difficulté : pour la moralité commune les actions sont blâmables ou louables
indépendamment de leurs conséquences. (Ex : une bonne action qui échoue est jugée
moralement bonne.)
On peut résoudre cette difficulté en modifiant légèrement l’utilitarisme, et en affirmant que
l’action moralement bonne n’est pas celle qui produit les meilleures conséquences mais celle
qui vise à produire les meilleures conséquences. On juge donc les intentions, mais à l’aune des
conséquences envisagées.

Le fondement de la morale
- Dieu (prophètes, théologiens, croyants)

20
- ordre naturel soumis à la raison (Platon)
- raison pure (Kant)
- passions et sentiments (Rousseau, Hume, Schopenhauer)
- bonheur (utilitaristes : Jeremy Bentham, John Stuart Mill)
- société (Durkheim, Freud)
- vie (Nietzsche)

La source de la moralité
- les sentiments religieux (Platon)
- la colère morale (le lion) (Platon)
- le pur respect de la loi (Kant)
- les sentiments moraux :
- la pitié (Rousseau, Schopenhauer)
- la sympathie (Hume)
- l’intérêt bien compris :
- l’intérêt propre bien compris (Spinoza)
- le bonheur du plus grand nombre est dans mon intérêt (Bentham, Mill)
- les sentiments sociaux égoïstes :
- l’amour de bienveillance (Leibniz)
- le désir d’être aimé (Freud)
- l’amour des éloges (La Rochefoucauld), la vanité (Schopenhauer)
- la cruauté sociale intériorisée, retournée contre soi :
- la mauvaise conscience (Nietzsche)
- le surmoi (Freud)
- l’habitude (Nietzsche, Schopenhauer)

Annexes

Quelques idées supplémentaires

Le taoïsme
Par taoïsme, j’entends l’idée que bien et mal sont inextricablement liés et logiquement
indissociables. Le taoïsme peut s’entendre en deux sens, selon qu’il porte sur la valeur morale
ou sur la valeur non morale.
(1) Taoïsme de la valeur non morale : pas de bon sans mauvais.
On n’apprécie le bien que par contraste, par opposition avec le mal.
(2) Taoïsme de la valeur morale : pas de bonté sans méchanceté.
Il n’y a de bonté morale que parce qu’il peut y avoir de la méchanceté. Sans la possibilité de
faire le mal, faire le bien ne serait pas une vertu. Il n’y a bonté que là où il y a liberté, donc
seulement là où la méchanceté existe, au moins potentiellement. Cela signifie que la bonté est
indissociable de la méchanceté, elle la suppose.
Ces conceptions taoïstes détruisent les idées manichéennes ou naïves selon lesquelles il serait
possible, un jour, que le mal disparaisse et qu’il ne reste plus que le bien (idéologies et utopies
sociales, paradis et mythes religieux, etc.).

Le pardon
Il existe deux types d’injustice, deux manières possibles d’enfreindre la loi. On peut
enfreindre la loi dans notre propre intérêt. C’est ce qui se passe le plus souvent (quand on
commet une faute morale, une incorrection, quand on bouscule quelqu’un dans la rue, quand
on vole, quand on pille, quand on viole, quand on tue, quand on commet un génocide, quand

21
on bavarde en classe). Mais on peut enfreindre la loi dans l’intérêt d’autrui : c’est ce qui se
passe, notamment, quand on pardonne. Hannah Arendt insiste sur la nécessité de pardonner.

Une théorie de la magie


Il existe des phénomènes magiques. Prenons le fameux principe : Ne pas faire à autrui ce
que l’on ne voudrait pas qu’il nous fasse. Il n’y a aucune raison rationnelle d’agir selon ce
principe, à moins de passer un contrat explicite avec autrui. Habituellement les conditions ne
sont pas remplies pour qu’il y ait un sens à suivre cette maxime : car habituellement (en tout
cas avec les inconnus) ma bonté envers autrui ne l’engage pas à faire de même envers moi. Et
pourtant on agit selon ce principe. Et cela fonctionne parce que les autres aussi agissent selon
ce principe. La conjonction de deux actes illogiques en droit fait que ces actes ne sont pas
illogiques en fait. L’addition de deux absurdités les rend toutes deux pleines de sens.
Cela rappelle les raisonnements de Pascal : parfois il est absurde de faire une chose, mais
l’homme étant irrationnel, il est en fait raisonnable de faire cette chose qui semblait absurde.
Il est parfois rationnel d’agir irrationnellement avec un être irrationnel.
On trouve aussi cette idée chez Baudelaire : « C’est par le malentendu universel que tout le
monde s’accorde. Car si, par malheur, on se comprenait, on ne pourrait jamais s’accorder. »
(Baudelaire, Mon cœur mis à nu)

Le devoir d’être heureux (Kant)


Selon Kant nous avons le devoir d’être heureux pour ne pas être tentés de commettre le mal.
Si nous étions malheureux (misérables, pauvres) nous serions en effet tentés de déroger à
notre devoir, par exemple en commettant un vol.24

Il y a tout de même de belles actions (Montaigne)


Montaigne viendrait tempérer la critique du kantisme que nous avons faite. Nous disions que
toute action est suspecte, qu’à toute action on peut trouver des intentions égoïstes. Mais voici
ce que nous répondrait Montaigne :
« Je vois la plupart des esprits de mon temps faire les ingénieux à obscurcir la gloire des
belles et généreuses actions anciennes, leur donnant quelque interprétation vile et leur
controuvant des occasions et des causes vaines. Grande subtilité ! Qu’on me donne l’action la
plus excellente et pure, je m’en vais y fournir vraisemblablement cinquante vicieuses
intentions. (…) La même peine qu’on prend à détracter de ces grands noms, et la même
licence, je la prendrais volontiers à leur prêter quelque tour d’épaule et à les hausser. » Car
ces médisants n’ont pas la vue assez forte et assez nette pour concevoir la splendeur de la
vertu en sa pureté naïve. (Essais, I, 32)
Ce à quoi on pourrait ajouter ces mots de Goethe :
« Mais, cela va sans dire, pour pouvoir ressentir et vénérer la grandeur d’une personnalité, il
faut être quelqu’un. Tous ceux, par exemple, qui ont dénié à Euripide le sens du sublime
n’étaient que de pauvres sires incapables de toute élévation ; ou bien ce furent d’éhontés
charlatans qui, dans leur présomption, voulaient eux-mêmes se grandir aux yeux d’un public
ignorant, et qui de fait apparurent plus grands qu’ils ne l’étaient. » (Conversations avec
Eckermann, 13 février 1831)
En un mot : pour croire en la bonté il faut avoir cette bonté en soi, pour percevoir une beauté
il faut avoir cette beauté en soi.

Juger et comprendre
Nietzsche pose la question : et si la morale reposait sur l’erreur ? Et si le mensonge et
l’ignorance étaient la condition de tout jugement moral ? Car il y a une contradiction (pense-t-
il) entre le déterminisme universel du monde et les idées de libre arbitre et de responsabilité :

24
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Section I.

22
Le criminel qui connaît tout l’enchaînement des circonstances ne considère pas, comme son
juge et son censeur, que son acte est en dehors de l’ordre et de la compréhension : sa peine
cependant lui est mesurée exactement selon le degré d’étonnement qui s’empare de ceux-ci,
en voyant cette chose incompréhensible pour eux, l’acte du criminel. – Lorsque le défenseur
d’un criminel connaît suffisamment le cas et sa genèse, les circonstances atténuantes qu’il
présentera, les unes après les autres, finiront nécessairement par effacer toute la faute. Ou,
pour l’exprimer plus exactement encore : le défenseur atténuera degré par degré cet
étonnement qui veut condamner et attribuer la peine, il finir même par le supprimer
complètement, en forçant tous les auditeurs honnêtes à s’avouer dans leur for intérieur : « Il
lui fallut agir de la façon dont il a agi ; en punissant, nous punirions l’éternelle nécessité. » –
Mesurer le degré de la peine selon le degré de connaissance que l’on a ou peut avoir de
l’histoire du crime, – n’est-ce pas contraire à toute équité ?
Nietzsche, Humain, trop humain, III, § 24

On retrouve cette idée chez de nombreux auteurs, par exemple chez l’écrivain allemand
contemporain Bernhard Schlink, qui écrit dans Le Liseur qu’on ne peut simultanément
comprendre et juger. Kundera, quant à lui, insiste sur le fait que l’homme veut justement
toujours juger avant même de comprendre. Et il faut reconnaître que la plupart du temps,
comprendre ne nous intéresse pas. A quoi bon comprendre ? Au contraire, nous voulons
juger, nous aimons cela, nous jugeons avec passion. Attitude que La Rochefoucauld, à son
tour, nous aide à comprendre : « Si nous n’avions point de défauts, nous ne prendrions pas
tant de plaisir à en remarquer dans les autres. »25

Illustrations

Eichmann et la banalité du mal


Adolf Eichmann était un haut fonctionnaire du régime nazi. Il fut responsable de la
logistique de la solution finale. Il organisa notamment la déportation des victimes vers les
camps de concentration. A la fin de la guerre, après quelques péripéties il parvient finalement
à gagner l’argentine grâce à l’aide d’un moine franciscain. En 1960, Eichmann est enlevé par
une équipe d’agents du Mossad (service secret israélien) et transporté en Israël pour être jugé
de ses actes. Eichmann comparaît à Jérusalem l’année suivante pour crimes contre l’humanité.
Il fut reconnu coupable, condamné à mort et pendu en 1962.
Hannah Arendt, grande philosophe juive du XXe siècle, s’est rendue au procès pour étudier
le « cas Eichmann » afin de mieux comprendre comment la Shoah avait été possible. La ligne
de défense d’Eichmann était simple : il disait n’avoir rien fait d’autre que « suivre les ordres »
et respecté son serment. En ce sens, on peut rapprocher sa conduite du kantisme, qui
commande parfois une application de principes généraux en dépit du bon sens (cf. controverse
entre Kant et Constant sur la question du mensonge : selon Kant, si un homme poursuivi par
des criminels vient se cacher chez moi, quand les criminels arrivent et me demandent où il se
trouve, je dois leur indiquer, car il ne faut jamais mentir). Eichmann lui-même affirmait suivre
les principes kantiens, mais on peut facilement montrer qu’il les avait mal compris. Arendt
voit dans Eichmann le symptôme de la « banalité du mal » qui advient avec la modernité
« légale rationnelle » : c’est le mal qui naît de l’obéissance aveugle aux règles d’un système
qui nous dépasse et auquel nous renonçons à nous opposer. Voici un extrait du procès
d’Eichmann :

EICHMANN : Je déclarerai pour terminer que déjà, à l’époque, personnellement, je


considérais que cette solution violente n’était pas justifiée. Je la considérais comme un acte
monstrueux. Mais à mon grand regret, étant lié par mon serment de loyauté, je devais dans
mon secteur m’occuper de la question de l’organisation des transports. Je n’ai pas été relevé
de ce serment.
25
La Rochefoucauld, Maximes, § 31.

23
Je ne me sens donc pas responsable en mon for intérieur. Je me sentais dégagé de toute
responsabilité. J’étais très soulagé de n’avoir rien à faire avec la réalité de l’extermination
physique. J’étais bien assez occupé par le travail que l’on m’avait ordonné de prendre en
charge. J’étais adapté à ce travail de bureau dans la section, j’ai fait mon devoir,
conformément aux ordres. Et on ne m’a jamais reproché d’avoir manqué à mon devoir.
Extrait des séances du procès Eichmann (1961)

On évoque souvent l’expérience de Milgram pour illustrer cette tendance à se soumettre à


l’autorité. Stanley Milgram, un scientifique américain, a réalisé l’expérience suivante en
1963 : on propose à un volontaire de participer à une expérimentation psychologique. Un
docteur pose des questions à un candidat, et à chaque mauvaise réponse, le volontaire doit
appuyer sur un bouton qui envoie une décharge électrique au candidat. On demande, au fil de
l’expérience, d’envoyer des décharges électriques de plus en plus fortes. La scène est
évidemment truquée : le candidat ne reçoit pas des décharges électriques, c’est un acteur qui
simule la douleur. Le résultat frappant de cette expérience est que 65 % des volontaires
allèrent jusqu’à des décharges mortelles, même si ce fut généralement avec réticence et
difficulté (nervosité extrême, protestations verbales, rires nerveux, etc.). Ces expériences
montrent la propension effrayante des individus à obéir sans se révolter. Il semblerait que
nous soyons tous (devenus) nazis.

Application pratique
Une jeune femme mariée, délaissée par son mari trop pris par son métier, se laisse séduire et
va passer la nuit chez son séducteur, dans une maison située de l’autre côté de la rivière. Pour
rentrer chez elle, elle doit retraverser le pont. Mais un fou menaçant lui interdit le passage.
Elle court alors trouver un passeur qui lui demande le prix du passage. Elle n’a pas d’argent.
Elle s’explique et supplie. Il refuse de travailler sans être payé d’avance. Elle va trouver un
ami célibataire qui habite du même côté et qui lui voue depuis toujours un amour idéal, mais à
qui elle n’a jamais cédé. Elle lui raconte tout et lui demande de l’argent. Il refuse. Elle décide
alors, après une nouvelle tentative vaine auprès du passeur, de passer le pont. Le fou la tue.

1. Lequel parmi ces six personnages, la femme, le mari, l’amant, le fou, le passeur, l’ami,
considérez-vous comme le plus responsable de ce qui est arrivé ? Classez-les par ordre de
responsabilité décroissante. Justifiez en quelques mots votre réponse.
2. Selon vous, lequel a commis la plus lourde faute aux yeux de la morale ? (Nous
l’appellerons le plus coupable.) Classez-les six comme en 1.
3. Lequel d’entre eux paraît être la cause principale du drame ? Même classement que pour 1
et 2.
4. Les acteurs du drame obtiennent-ils le même classement sous les trois rubriques
proposées ?
5. Analyse des trois notions : responsabilité, culpabilité, causalité.
6. Quelles pourraient être les excuses des protagonistes ? (Distinguer excuses et
justifications.) [La justification assume la responsabilité mais conteste le caractère mauvais de l’acte, pour
l’excuse c’est l’inverse. La demande de pardon assume les deux.]
7. La folie excuse-t-elle l’auteur du crime ? Dans quel sens ?

Autres exemples
- Dans le film Dogville de Lars von Trier, une jeune fille, Grace (Nicole Kidman), arrive dans
un petit village de montagne. Elle se fait progressivement exploiter, humilier et même violer
par les habitants du village. Finalement, son père, patron mafieux, arrive dans le village avec
sa bande de sbires. Il demande à sa fille ce qu’elle veut qu’il fasse aux habitants. Grace veut
leur pardonner. Son père lui répond qu’un tel pardon serait de l’arrogance : avoir de hautes

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exigences morales envers soi-même et ne rien exiger d’autrui, c’est nous mettre au-dessus de
lui. Pour connaître les conséquences de ce raisonnement, regardez le film…
- Historiquement, en Europe, on a vu se succéder deux morales bien différentes. A la morale
aristocratique a succédé la morale bourgeoise. La morale aristocratique consiste en un code de
l’honneur sévèrement respecté, qui méprise la vie, l’argent et les biens matériels. Il faut être
prêt à mourir en duel pour une belle, pour un mot, pour un regard, un affront. La morale
bourgeoise, en revanche, pragmatique et utilitariste, vise à l’efficacité : il faut supporter tout
affront, pourvu qu’il ne soit pas coûteux. Le symbolique importe peu, le matériel est au-
dessus. Aujourd’hui, la morale bourgeoise l’a complètement emporté, et il ne reste rien de la
morale aristocratique (le dernier duel en France eut lieu en 1967, entre Gaston Defferre et
René Ribière26). On découvre aujourd’hui une résurgence du sens de l’honneur chez les jeunes
de banlieue. Autre exemple : le coup de tête donné par Zinedine Zidane lors de la finale de la
coupe du monde de football de 2006 montre que celui-ci plaçait plus haut un certain sens de
l’honneur (ou de la famille) que la préoccupation – mesquine en comparaison – de gagner le
match.

Citations
- « …sans même parler des méchants qui sont heureux, espèce que les moralistes passent sous
silence » (Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 39)
- « Les méchants ont sans doute compris quelque chose que les bons ignorent. » (Woody
Allen)
- « La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie » chantait Alain Souchon, reprenant la formule
d’André Malraux : « J’ai appris qu’une vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut une vie. » Cf.
Nietzsche.
- « la pesanteur de l’indignation morale, signe certain, chez un philosophe, que l’humour
philosophique l’a quitté » (Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 25)
- « Connais-toi toi-même » (inscription du temple de Delphes)
- « Nous aurions souvent honte de nos plus belles actions si le monde voyait tous les motifs
qui les produisent. » (La Rochefoucauld)
- « Je vois le meilleur et je l’approuve, je fais le pire. » (Ovide)
- « L’homme est né pour le plaisir : il le sent, il n’en faut point d’autre preuve. Il suit donc sa
raison en se donnant au plaisir. » (Pascal)
- « J’aime mieux une vie commode qu’une fatigante vertu. » (Molière, Amphitryon)
- Le comble de l’orgueil, c’est de se mépriser soi-même. (Flaubert)
- Le ciel étoilé au-dessus de moi, la loi morale en moi. (Kant)
- « Si nous n’avions point de défauts, nous ne prendrions pas tant de plaisir à en remarquer
dans les autres. » (La Rochefoucauld)
- L’honneur, c’est comme les allumettes : on ne peut s’en servir qu’une seule fois.

Sujets de dissertation

Pourquoi faut-il faire son devoir ? Origine et


D’où vient que je sais où est mon devoir ? fondement
D’où vient le devoir ? Quelle est la source du devoir ?
Qui nous dicte nos devoirs ?
du devoir
Sait-on toujours et nécessairement où est son devoir ? Peut-on être sûr de bien agir ? Que faire ?
Que commande le devoir ?
Le devoir moral est-il d’origine sociale ? La conscience morale a-t-elle une origine
sociale ? L’obligation est-elle nécessairement sociale ? Le devoir se réduit-il à un Devoir,
ensemble de contraintes sociales ?
26
Gaston Defferre avait traité René Ribière d’abruti dans l’hémicycle de l’assemblée nationale. Ribière demanda
réparation par le fer (en l’occurrence l’épée), et perdit le duel après avoir été blessé deux fois.

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Le devoir moral se distingue-t-il toujours de l’obligation juridique ? société,
Quelle est la différence entre le devoir moral et le devoir religieux ? religion,
La désobéissance à la loi peut-elle être un devoir ? Désobéir peut-il être un devoir ?
loi
La moralité est-elle affaire de raisonnement ?
Peut-on fonder le bien sur le vrai ? Devoir et raison
Est-il vrai que « nul n’est méchant volontairement » ?
Le devoir est-il essentiellement rationnel ?
Quels devoirs avons-nous à l’égard de la vérité ?
Le devoir implique-t-il une dette ?
Les devoirs sont-ils seulement des contraintes ? Logique du devoir
Ne fait-on son devoir que par crainte du regard d’autrui ?
Avons-nous des devoirs envers nous-mêmes ?
Faire son devoir, est-ce renoncer à sa liberté ?
Le devoir suppose-t-il la liberté ? Devoir et liberté
Y a-t-il un devoir de liberté ?
Le devoir moral peut-il être libérateur ?
Les passions nous empêchent-elles de faire notre devoir ? Les passions sont-elles un
obstacle aux devoirs de l’homme ? Devoir et passions
L’amour peut-il remplacer le devoir ?
A-t-on le devoir d’aimer autrui ? L’amour peut-il être un devoir ?
Peut-on aimer faire le mal ?
Suffit-il de comprendre pour pardonner ? Le pardon
Y a-t-il des actes impardonnables ?
Est-il nécessairement utile de faire son devoir ? Utilité et intérêt
L’intérêt peut-il être un principe moral ?
La morale est-elle un ensemble de devoirs ? Devoir et morale
Peut-on concevoir une morale sans devoir ?
Y a-t-il plusieurs morales ? Universalité
Existe-t-il des devoirs universels ?
Y a-t-il un devoir d’être heureux ?
Faire son devoir, est-ce renoncer au bonheur ? Devoir et bonheur
Ai-je le devoir de faire le bonheur des autres ?
Le devoir est-il hostile à la vie ?
Qu’est-ce qu’être inhumain ? Pourquoi y a-t-il un devoir de mémoire ? Y a-t-il un
devoir de mémoire ? Est-ce un devoir de respecter la nature ? Peut-on faire son
devoir par habitude ? Suffit-il de faire son devoir ? Y a-t-il un devoir de prendre Autres…
conscience ? L’irrespect est-il contraire au devoir ? A-t-on toujours le pouvoir de
faire son devoir ? Est-ce un devoir que de se connaître ?
Y a-t-il des droits sans devoirs ? Les hommes peuvent-ils avoir des droits sans avoir
des devoirs ?

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