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TRANSPORT DE CONTENEURS ET SÛRETÉ MARITIME

Sam Bateman

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2010/2 n° 25-26 | pages 39 à 47


ISSN 1636-3671
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ISBN 9782918587026
Article disponible en ligne à l'adresse :
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http://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2010-2-page-39.htm
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Pour citer cet article :


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Sam Bateman, « Transport de conteneurs et sûreté maritime », Outre-Terre 2010/2
(n° 25-26), p. 39-47.
DOI 10.3917/oute.025.0039
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Transport de conteneurs et
sûreté maritime
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Sam Bateman 1

L’essentiel du commerce international s’effectue par mer et la mondialisation a


eu pour effet une croissance du commerce maritime supérieure à celle de l’économie
mondiale. Le commerce en biens manufacturés a connu lui aussi une croissance dis-
proportionnée, le transport de conteneurs devenant un secteur à croissance rapide,
un secteur clé du transport international. Il représente en volume (tonnes) quelque
16 % de la cargaison mondiale  2, mais sa part dans le commerce maritime est bien
plus importante si l’on considère que la valeur par tonne des expéditions par conte-
neurs est nettement supérieure à celle des vraquiers 3.
Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont entraîné un bouleversement
majeur dans les dispositifs internationaux de sûreté maritime, en particulier l’in-
troduction de l’International Ship and Port Facility Security Code  4. La sûreté du
transport de conteneurs a plus retenu l’attention que celle des autres secteurs du
transport international, à l’origine, principalement aux États-Unis où on redoutait
que les conteneurs ne soient utilisés pour l’importation d’armes de destruction mas-
sive ou autres matériels afférents. Plus récemment, c’est la piraterie au large de la
Corne de l’Afrique qui a amené les observateurs à se focaliser de nouveau sur la
sûreté maritime.

L’auteur s’inspire ici d’une expérience personnelle à bord du grand porte-conte-


neur Post-Panamax (taille supérieure à la taille maximum permettant d’entrer dans
le canal de Panama) CMA-CGM Strauss, aux mois d’août et septembre 2009, en pas-
sage de Hong-Kong à Marseille à travers la mer Rouge et le canal de Suez 5. Le navire

1.  Professorial Research Fellow, Australian National Centre for Ocean Resources and Security (Ancors), Université de Wol-
longong, NSW 2522, Australia (email address : sbateman@uow.edu.au), et actuellement aussi Senior Fellow and Adviser to the
Maritime Security Programme at the S. Rajaratnam School of International Studies (RSIS), Nanyang Technological University,
Singapour, issambateman@ntu.edu.sg.
2.  United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD), Review of Maritime Transport 2009, New York, Na-
tions unies, 2009, p. 7.
3.  Selon une étude conduite en 1969, la valeur par tonne des matières premières va de 9 dollars par tonne de pierre, sable
et graviers à environ 144 dollars pour les céréales et à plus de 20 000 dollars pour l’électro-ménager et les textiles (l’expé-
dition de ce dernier article s’effectuant typiquement par conteneurs ), cf. Martin Stopford, Maritime Economics., Abingdon &
Oxon, Routledge, 2e éd. 2005, tableau 11, p. 386.
4.  Cf. pour une présentation exhaustive Steven Jones, Maritime Security – A Practical Guide, Londres, The Nautical Institute,
2006.
5.  Le CMA-CGM Strauss a été construit en Corée en 2004 avec un jauge brute (Gross Tonnage) de 65 247 tonneaux, une lon-
gueur totale de 277,3 mètres, une capacité de 5 782 équivalents vingt pieds (EVP) et une vitesse maximale de 24,5 nœuds ;
l’auteur présente ses vifs remerciements aux officiers et à l’équipage du CMA-CGM Strauss pour leur hospitalité, leur bonne
compagnie et les éclaircissements quant aux opérations effectuées par un grand bâtiment.
40 Sam Bateman

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bat pavillon des Bahamas ; il est armé en Grande-Bretagne ; l’opérateur est la ligne
Méditerranée Club Express (Mex) de la grande compagnie française CMA-CGM 6.

Le commerce de conteneurs dans le monde


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Le commerce de conteneurs est le secteur le plus dynamique du transport ma-


ritime avec de forts taux de croissance du fret, particulièrement en Asie orientale.
Les cinq ports de conteneurs les plus importants se trouvent tous dans cette dernière
région  7. Ces ports desservent le commerce international de conteneurs autour du
monde entre l’Asie, le Moyen-Orient, l’Europe et l’Amérique du Nord, de même
qu’ils fonctionnent en « hubs » des services régionaux entre l’Asie et l’Australasie.
Comme les infrastructures de transport terrestre – route et rail – sont peu abon-
dantes en Asie orientale et en Asie du Sud-Est, le transport de conteneurs y apparaît
comme une composante clé du commerce intrarégional.
Les détroits de Malacca et de Singapour sont pour le commerce mondial de
conteneurs une artère vitale avec un très grand nombre de bâtiments les empruntant.
Le Nippon Maritime Centre de Singapour a conduit une enquête sur le volume du
trafic à travers le détroit de Malacca en 2004 pour le ministère japonais des Infras-
tructures terrestres et des Transports  8. Le tableau 1 montre qu’approximativement
31 % des navires qui ont emprunté le détroit en 2004 étaient des porte-conteneurs
avec un port en lourd (dwt) de près d’environ 34 000 tonnes.
Le commerce de conteneurs présente des particularités uniques qui le distin-
guent des autres secteurs du transport maritime international et il exige d’autres
considérations en matière de sûreté que celles concernant les pétroliers et les vra-
quiers. D’abord, le transport de conteneurs est une opération hautement centralisée,
les grands armateurs bénéficiant d’un coût avantageux lié aux économies d’échelle ;
il fournit les infrastructures nécessaires en matière de gestion efficace et de suivi. Le
haut niveau de compétence des équipages, la sécurité y compris, est caractéristique
du secteur. Les bâtiments de qualité inférieure sont rares 9.

6.  La CMA-CGM avait en 2009 une flotte de 280 porte-conteneurs ; c’est le troisième opérateur au monde dans le sec-
teur après le danois Møller-Mærsk et l’italien Mediterranean Shipping Company (MSC) basé en Suisse, UNCTAD, Review of
Maritime Transport 2009, op. cit., tableau 38, p. 100. La Mex assure un service d’expédition par conteneurs entre des ports
méditerranéens et des ports d’Asie du Nord-Est.
7.  Classement des huit principaux terminaux de conteneurs dans le monde : Singapour, Shanghai, Hong-Kong, Shenzhen,
Pusan, Dubaï, Ningbo et Guangzhou, UNCTAD, Review of Maritime Transport 2009, op. cit., tableau 38, p. 113.
8.  Cf. Kenji Nagamatsu, « Past and present vessel traffic in the Straits of Malacca and Singapore : Trends in the decade
1994-2004 », présenté au colloque de Kuala Lumpur sur les détroits de Malacca et de Singapour, Kuala Lumpur Meeting on
the Straits of Malacca and Singapore : Enhancing Safety, Security, and Environmental Protection, 18–20 septembre 2006.
9.  Un recherche encore inédite de l’auteur montre que les vieux bâtiments, donc le cas échéant de qualité inférieure en
termes de compétence de l’équipage et d’entretien, sont plus vulnérables aux attaques de pirate que les navires bien armés
et bien entretenus.
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Table 1 Number and Tonnage of Vessels Using the Malacca Strait 
by Ship Type 2004 (vessels above 100 GRT)

Type Number DWT (‘000) Average DWT (‘000)


Oil Tanker 22.995 1,857,067 81
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Container Vessel 29,672 1.013,552 34


RoRo/Car Carrier 4,454 59,771 13
Bulk Carrier 13,599 772,555 57
Gas Carrier 3,933 138,560 35
General Cargo Vessel 14,064 133,560 9
Other 5,038 14,180 3
TOTAL 93,755 3,989,321 43
(GRT, Gross Register Tonnage = jauge brute ; DWT, Deadweight Tonnage = Tpl, tonnes de port en lourd, Oil Tanker = pétrolier ;
Container Vessel = porte-conteneur ; RoRo=Roll On Roll Off (méthode de chargement par roulage au moyen d’une rampe) ; Bulk
Carrier = vraquier ; Gas Carrier = méthanier ; General Cargo Vessel = Cargo polyvalent)
Source: Japanese Ministry of Land Infrastructure and Transport survey

Ensuite, alors que dans les cas du pétrolier et du vraquier la sûreté porte sur le
bâtiment en tant que tel, elle est centrée en matière de conteneurs sur le contenu de
la « boîte » et sur le rôle du navire dans la chaîne logistique qui effectue le service
porte à porte «  juste-à-temps  ». Justement, les conteneurs apparaissent comme le
maillon faible de la sûreté maritime dans la mesure où des articles interdits peuvent
s’y dissimuler soit parmi les marchandises déclarées, soit dans les parois ou le fond ;
sans compter les difficultés à cibler et à fouiller à fond.
Enfin, les porte-conteneurs sont plus sûrs dans la mesure même de leur vitesse
supérieure à celle de toutes les autres catégories de bâtiments. La vitesse est ici en
effet une caractéristique conceptionnelle  10. Les cargaisons de porte-conteneurs ont
de la valeur et des cargaisons d’aussi grande valeur appellent un inventaire coûteux,
d’où la motivation à les transporter rapidement 11. Ce qui veut généralement dire des
bateaux plus rapides dont la construction et l’armement sont chers 12.
Les porte-conteneurs représentent à peu près  13,6  % du tonnage de la flotte
mondiale 13. Au 1er juillet 2009, il y avait 4 678 porte-conteneurs, soit 8,8 % d’une
flotte mondiale de quelque 53 005 navires  14. En dépit de la crise financière et de
la phase déprimée dans laquelle se trouve le commerce international, la flotte mon-
diale de porte-conteneurs cellulaires intégraux a poursuivi une expansion substan-
tielle : 8,5 % d’augmentation en nombre pour l’année 2008 par rapport à l’année
précédente ; de 11,9 %, soit 17,3 millions de tonnes en port lourd (DWT) ; et de

10.  Cf. Martin Stopford, Maritime Economics, op. cit., p. 396.


11.  Ibid., p. 385.
12.  Les méthaniers sont les bâtiments dont la construction coûte le plus cher, mais les porte-conteneurs viennent en
seconde position. En avril 2009, un porte-conteneur de 8 000 EVP coûtait quelque 110 millions de dollars. La récession du
transport maritime avait néanmoins entraîné une baisse des prix et le prix d’avril 2009 était inférieur de 19 % à celui de
2008, cf. UNCTAD, Review of Maritime Transport 2009, tableau 20, p. 69.
13.  Sauf exceptions mentionnées séparément, les informations apportées dans le paragraphe qui suit proviennent d’UNC-
TAD, Review of Maritime Transport 2009, op. cit., en particulier au chapitre 2.
14.  International Chamber of Shipping (ICS), Shipping Facts, Shipping and World Trade, <www.marisec.org/shippingfacts/
worldtrade/number-of-ships.php>.
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12,9 % de capacité en EVP. La taille des bâtiments continue à augmenter avec une
capacité moyenne qui est passée de 2 516 EVP en janvier 2008 à 2 618 EVP en
janvier 2009.
Les porte-conteneurs vont en taille des petits bâtiments de 1  200 tonnes de
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DWT à de grands bâtiments frisant les 14 000 EVP. Le plus grand porte-conteneur
entré en service en 2008, le MSC Daniela, battant drapeau panaméen, avec une
capacité de 13 800 EVP, a pour propriétaire et armateur la Mediterranean Shipping
Company  15. Les bâtiments les plus grands sont caractéristiquement employés sur
les voies principales tout autour du monde ; ceux de taille moyenne sur les routes
interrégionales (du Nord-Est au Sud-Est de l’Asie et du Nord-Est/Sud-Est de l’Asie
à l’Australasie  ; ceux de plus petite taille, enfin, sur les routes des feeders (navires
collecteurs) à partir des hubs comme Singapour et Hong-Kong en direction de ports
moins importants. La vitesse va de 14 nœuds pour les plus petits navires à 25 nœuds
pour les plus grands bâtiments.

Facteurs de risques

Les porte-conteneurs présentent un taux de risque plus élevé quant à l’introduc-


tion éventuelle d’armes de destruction massive ou matériels afférents. Ces risques
étant cependant plutôt fonction de maillons potentiellement faibles dans la chaîne
logistique que liée aux bâtiments en tant que tels. Posons tout de suite la thèse : les
grands porte-conteneurs en route sont relativement moins vulnérables aux attaques
de pirates compte tenu de leur taille, de la vitesse à laquelle ils marchent et d’équipa-
ges professionnels, alors que ce sont les feeders, plus petits, à bas franc-bord (distance
entre le niveau de la mer et la partie supérieure du pont) et une vitesse inférieure qui
sont occasionnellement attaqués.
La question de la vulnérabilité en matière de porte-conteneurs touche aux pro-
duits transportés dans le conteneur. Une cargaison dangereuse peut être transportée
dans des conteneurs individuels, mais elle doit être déclarée conformément à l’In-
ternational Maritime Dangerous Goods (IMDG, Code maritime international des
marchandises dangereuses). Ce dernier classe les produits dangereux en cinq catégo-
ries : les explosifs, les gaz sous pressions, les liquides inflammables, les solides inflam-
mables et les substances susceptibles de combustion spontanée ou d’accidents liés à
l’humidité, les substances en oxydation et les peroxydes organiques, les substances
toxiques et contagieuses, les substances radioactives et corrosives (entre autres). Le
code fournit un cadre réglementaire pour ces produits : emballage, arrimage, isole-
ment et précautions contre les incendies.
Les cargaisons en conteneurs non déclarées ou déclarées de façon erronée consti-
tuent un problème majeur. Une investigation du contenu des conteneurs rejetés sur

15.  UNCTAD, Review of Maritime Transport 2009, op. cit., p. 38.


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le rivage après que le MSC Napoli eut fait naufrage sur les côtes de Grande-Bretagne
en 2007 allait révéler que nombre de produits n’étaient pas déclarés et ne figuraient
pas sur le connaissement du navire  16. Nombre d’accidents spectaculaires ont aussi
résulté de la combustion ou de l’explosion du contenu de conteneurs. En mars 2006,
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le grand porte-conteneur Hyundai Fortune fut ravagé par une forte explosion et un
incendie massif des piles de conteneurs de sa plage arrière, probablement à cause
d’une cargaison dangereuse incorrectement arrimée et déclarée 17.
Les passagers clandestins sont un problème majeur pour les transporteurs de
conteneurs, en particulier dans les ports d’Afrique de l’Ouest et à Djibouti. Ils ont
plusieurs méthodes pour monter à bord, y compris en corrompant les dockers de
façon à accéder à des conteneurs vides après avoir grimpé par les chaînes de la ligne
de mouillage. Les conteneurs vides, normalement non scellés, ne sont en général
fouillés par l’équipage qu’après avoir été portés à bord. Les grands porte-conteneurs
évitent de recourir à des sociétés privées et d’employer des gardes en route, mais
ceux-ci peuvent être embauchés le temps du mouillage dans un port à clandestinité
fréquente en tant que supplétifs de patrouilles sur le pont supérieur.

Mesures de sûreté

Les attaques terroristes du 11-Septembre à New York ont entraîné des change-
ments majeurs en termes de sûreté maritime. L’idée était que des terroristes pou-
vaient exploiter les failles du trafic international pour s’en prendre directement à un
navire et à des infrastructures portuaires, d’une part, ou bien introduire des armes
(très probablement) de destruction massive et autres matériels de terrorisme par le
bais d’un bâtiment dans un pays donné. De nombreuses mesures ont été adoptées
si bien que l’industrie navale dispose aujourd’hui d’une culture de la sûreté et d’un
cadre réglementaire bien plus amples qu’avant le 11-Septembre. Le transport de
conteneurs s’en est trouvé fortement marqué.
Les nouvelles mesures adoptées par l’Organisation maritime internationale
(Omi), soit l’organisation de l’Onu responsable des règlements internationaux en
matière de sécurité et de sûreté et de la prévention de la pollution par les navires, in-
cluent l’International Ship and Port Facility Security (ISPS) Code et une action coor-
donnée avec l’Organisation internationale du travail (OIT), c’est-à-dire la produc-
tion d’un document actualisé d’identification du bâtiment et de garantie de sûreté
pour les zones portuaires. Les États-Unis ont simultanément pris une série d’initiati-
ves au plan mondial de façon à élever le niveau de sûreté de la cargaison maritime, en
particulier à travers la Container Shipping Initiative (CSI) : la surveillance (localisa-

16. ������������������������������������������������������������������
Cf. Janet Porter, « Investigators scrutinise MSC Napoli boxes », Lloyd’s List online, 23 mars 2007, <www.lloydslist.com/
art/20017413448>, consulté le 26 mars 2007.
17.  «  Hyundai Fortune fire update  : What was in the box  ?  », EagleSpeek, 13 avril 2006, <www.eaglespeak.us/2006/04/
hyundai-fortune-fire-update-what-was.html>, consulté le 26 février 2009.
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tion et préinspection) de conteneurs à haut risque en partance pour les USA par des
inspecteurs américains des douanes dans des ports étrangers. Nombre d’autres pays
se sont eux aussi employés à intensifier le contrôle en amont des conteneurs. Même
si l’objectif est d’ordre sécuritaire, cela bénéficie également au contrôle douanier et à
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la protection des frontières dans la mesure où il y a là un instrument de dissuasion à


l’égard des trafiquants de drogue et des contrebandiers.
Les USA ont ordonné une sélection à 100  % de tous les conteneurs arrivant
sur le territoire américain d’ici 2012. Et néanmoins déclenché par là une critique
véhémente de cette politique au plan international quant aux retards importants de
livraison et en ce qui concerne le coût – excédant les bénéfices potentiellement géné-
rés par la mesure – qui en résultera pour les partenaires commerciaux comme pour
les ports étrangers, de même qu’en termes de représailles éventuelles 18.

Impact de la récession du transport maritime

La crise financière a provoqué un ralentissement du taux de croissance du com-


merce international. Avec un effet significatif de perte pour le commerce maritime,
singulièrement le transport de conteneurs qui a enregistré la plus vive décélération
de tous les secteurs, le taux de croissance chutant de 11 % à 4,7 % – plus de la moi-
tié – en 2008 19. Le transport de conteneurs a été gravement affecté par le ralentisse-
ment de l’économie, en particulier en Asie où les bénéfices des lignes principales ont
baissé de près de 37 %, des centaines de porte-conteneurs ayant été mis sur cales 20.
L’auteur de ces lignes a perçu physiquement ce déclin du trafic lors de son passage
sur le CMA-CCM Strauss en août-septembre 2009. Le bâtiment transportait 4 060
équivalents vingt pieds – quelque 70 % de sa capacité totale de 5 782 équivalents
vingt pieds – à destination de l’Europe alors qu’il aurait normalement dû être plein
selon l’équipage.
Les armateurs sont pressés de réduire les coûts. L’équipage du CMA CGM Strauss
a été réduit en 2009 de 21 à 19 par suppression de l’officier de rang 3 chargé des
formalités administratives. La disparition du premier poste entraînant en particulier
un surcroît de travail notable pour le commandant et l’officier de rang 3 qui a nomi-
nalement hérité des fonctions afférentes. Le commandant remplit également celles
de l’agent de sûreté du navire. Ce qui implique dans son cas une accumulation de
paperasserie.
La navigation maritime n’est pas un métier qui séduit. Les navigateurs ont tou-
jours eu de longues journées de travail, par tous les temps et quelquefois dans de

18.  Cf. Lloyds List, « No to 100 % box scans », 24 février 2009, <www.lloydslist.com/ll/home/blogView.htm?blogId=20001019181>,
consulté le 26 février 2009.
19.  UNCTAD, Review of Maritime Transport 2009, op. cit., p. 7.
20.  Cf. ����������������������������������������������������������
Kevin Brown, « Asian ship lines face threat of seizure », Financial Times online, 23 septembre 2009, <www.ft.com/
cms/s/0/d13466bc-a862-11de-9242-00144feabdc0.html?SID=google>, consulté le 2 octobre 2009.
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mauvaises conditions. Il y a eu les mesures de sûreté de l’après-11-Septembre et
maintenant ces personnels sont confrontés aux restrictions et aux épreuves supplé-
mentaires – réduction des salaires et des équipages – consécutives à la récession du
transport international elle-même due à la crise financière.
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Le commerce en conteneurs exige beaucoup plus des équipages que celui qui
s’effectue par pétroliers ou vraquiers. Les premiers sont particulièrement touchés par
la fatigue et le stress. Comparativement aux autres catégories de bâtiments, les porte-
conteneurs connaissent normalement de plus courtes périodes au port, mais l’acti-
vité de chargement au port est plus intensive et les vitesses de passage souvent plus
rapides entre les ports dans des eaux côtières où la navigation est complexe compte
tenu de la densité du trafic. Le commandant et ses officiers supérieurs sont soumis à
la pression de devoir à la fois s’en tenir au strict planning requis par la nature même
du commerce en conteneurs et d’offrir simultanément un service « juste-à-temps ».
Le contraste entre la vie à bord d’un grand porte-conteneur moderne et celle du
navire à cargaison mixte d’il y a 40 ans est frappant. Les différences les plus évidentes
apparaissent avec des équipages beaucoup plus restreints et des périodes de mouilla-
ge dans les ports très raccourcies. Il y a 40 ans, la vie sociale à bord et les distractions
à terre étaient nettement plus diversifiées. Autrefois, de longues mouillages dans
un port permettaient d’aller faire du tourisme et de nouer des amitiés. Le navigant
contemporain, en particulier sur les porte-conteneurs, n’a pas ces occasions. Et la
pression du travail à bord est beaucoup plus intense. Problème supplémentaire  :
nombre de nouveaux terminaux pour porte-conteneurs sont vastes et nécessaire-
ment situés assez loin de tout centre commercial. Aller à terre pour s’y distraire de-
vient physiquement difficile. D’ailleurs, les occasions d’aller à terre et de s’y distraire
sont encore plus réduites pour les équipages des grands porte-conteneurs, ceci s’ap-
pliquant en particulier aux officiers supérieurs de haut rang. Hautement répétitive,
l’activité de ces derniers devient routinière et ennuyeuse. Surchargés de travail et
sous-payés, les équipages ne sont pas très enclins à suivre les règlements de sûreté, les
armateurs de porte-conteneurs étant confrontés au défi considérable de maintenir le
moral de leurs équipages tout en gouvernant des bâtiments sécurisés et performants.
Un défi encore exacerbé par la crise financière avec des armateurs tentés de pratiquer
des coupes sombres tant au sein des équipages que dans les salaires.

Piraterie et transport de conteneurs

De l’analyse des incidents de piraterie et de brigandage à main armée à l’encontre


de navires en 2009 il ressort que les porte-conteneurs sont moins vulnérables que les
autres types de bâtiments 21. Ce qui semble contredire la surreprésentation des atta-

21.  Ce paragraphe se fonde sur les données de l’International Chamber of Commerce (ICC), International Maritime Bureau
(IMB), Piracy and Armed Robbery against Ships – Annual Report for the Period 1 January- 31 December 2009, janvier 2010.
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ques effectuées et tentées sur des porte-conteneurs pendant cette année. En effet, sur
406 incidents quelque 15,5 % concernent des porte-conteneurs, soit comme nous
l’avons vu environ 8,8 % de la flotte mondiale en nombre absolu. Mais ces chiffres
globaux sont trompeurs et il est nécessaire de les décortiquer.
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Une majorité de 36 sur 63 attaques de porte-conteneurs ont été perpétrées au


port ou à l’ancre, là où la vulnérabilité n’est pas fonction de la taille de la catégorie
ou du bâtiment. Tout navire au port ou à l’ancre peut faire l’objet d’une attaque, en
particulier dans les ports et autour des ports à haute fréquence d’incidents de ce type
et si toutes les précautions n’ont pas été prises au préalable. Les porte-conteneurs
peuvent même être plus vulnérables au port à cause de leur grande taille, d’équipages
relativement restreints et de la probabilité qu’ils fréquentent des ports où il est plus
difficile de maintenir la sûreté qu’autour des très grands terminaux éloignés qu’em-
pruntent les pétroliers et les vraquiers.
Pour se donner une idée correcte de la vulnérabilité des différentes catégories
de bâtiments, il faut examiner les attaques sur des navires en route  22. Quand un
navire est en route, sa vulnérabilité aux attaques de pirates ou de brigands armés est
fonction de facteurs tels la taille du bâtiment, sa vitesse, son franc-bord, l’impor-
tance de l’équipage et même du type de voyage dans lequel le navire s’est engagé. Ce
dernier aspect peut compter parce que la plupart des porte-conteneurs suivent un
planning alors que les pétroliers et les vraquiers ont un programme moins serré qui
leur permet des parcours plus lents et les autorise même à s’attarder en mer le temps
de recevoir des instructions quant à la prochaine destination.

En 2009, il y a eu 7 attaques sur les porte-conteneurs en route (soit en gros


8,3 % sur un total de 84 navires attaqués en route durant cette année) ; 3 d’entre eux
se déplaçaient probablement à ce moment-là à une vitesse moindre sur des positions
d’embarquement du pilote. Les 4 porte-conteneurs qui ont été victimes d’attaques
en haute mer avaient tous une taille inférieure à la taille moyenne des porte-con-
teneurs à cellules (utilisées pour guider les conteneurs lors du chargement), ce qui
confirme l’importance de la taille pour l’évaluation du risque :

- L’Ellen S (9 957 tonneaux de jauge brute) a été attaqué au large de l’île de Man-
gkai en mer de Chine méridionale le 22 avril 23 ; le même bâtiment a de nouveau fait
l’objet d’une attaque le 24 octobre au mouillage devant Haiphong (Viêt-nam) ;
- Le Hansa Stavanger (15 988 tonneaux de jauge brute) a été détourné au large
des côtes somaliennes le 4 avril et acheminé vers le port de Eyl ; équipage et bâtiment
furent relâchés le 3 août après versement supposé de rançon ;

22.  Un navire est dit « en route » quand il n’est pas à l’ancre, pas fixé par des lignes de mouillage, pas attaché à terre
(par exemple le long d’un quai ou d’un môle), ou encore échoué ; un bâtiment stoppé sur mer reste considéré comme en
route.
23.  La zone est sinistrement réputée pour le nombre croissant des attaques qui s’y sont produites en 2008-2009, cf. éric
Frécon, « Piracy in the South China Sea – Maritime Ambushes off the Mangkai Passage », RSIS Commentary 100/2009,
9 octobre 2009.
Transport de conteneurs et sûreté maritime 47

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- Le Mærsk Alabama (14 120 tonneaux de jauge brute) a été pris d’assaut par des
pirates au large des côtes somaliennes le 7 avril, l’équipage réussissant à le reprendre
par la suite ; le commandant fut pris en otage mais délivré quelques jours plus tard
par des forces navales 24. Des pirates tentèrent une nouvelle fois d’attaquer ce navire
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au large des côtes somaliennes le 18 novembre mais ils furent repoussés par les tirs
des gardes armés embarqués à bord 25 ;
- Le Kota Wajar (16 772 tonneaux de jauge brute) a été détourné au large des
côtes somaliennes le 15 octobre et acheminé dans un port du pays ; l’équipage et le
bâtiment furent relâchés le 28 décembre après le versement supposé d’une rançon.

Il y a eu 23 tentatives d’attaques sur des porte-conteneurs pendant l’année 2009


et 20 d’entre elles se sont produites au large de la Corne de l’Afrique. Ce qui équi-
vaut à 11,8 % de toutes les tentatives dans ce secteur l’année en question. La plupart
de ces attaques étaient le fait d’embarcations à la poursuite des bâtiments, les pirates
essayant de faire ralentir ces derniers en leur tirant dessus au lance-roquettes. Les bâ-
timents se sont sauvés en forçant l’allure, avec des manœuvres d’évitement et autres
mesures préventives. Parfois, ce sont des navires de guerre patrouillant dans la zone
ou des hélicoptères décollant à partir de ces derniers qui ont dissuadé les pirates. Si
le nombre de tentatives d’attaques sur des conteneurs est significatif, le constat ma-
jeur demeure que les grands porte-conteneurs n’ont pas été ciblés à l’exception du
Nedlloyd Barentz (66 526 tonneaux de jauge brute). Ce qui vient confirmer la thèse :
ces bâtiments sont trop grands et trop rapides pour retenir l’attention des pirates.

On a désormais adopté de nombreuses mesures pour garantir la sûreté des navi-


res marchands passant au large de la Corne de l’Afrique, y compris l’Internationally
Recognized Transit Corridor (IRTC) dans un golfe d’Aden où patrouillent les navires
de guerre de plusieurs nations. Ce qui inclut des dispositifs de 5 transits escortés
en groupes par jour dans toutes les directions et à des vitesses de 10, 12, 14, 16 et
18 nœuds. Ce sont principalement les pétroliers, les vraquiers et les cargos mixtes
qui utilisent ces convois. Les grands porte-conteneurs préfèrent opérer en toute in-
dépendance et à une vitesse de plus de 20 nœuds pour éviter de payer des amendes.

// Traduit de l’anglais par Esther Baron

24.  Cf. Thomas B. Hunter, « Swords at Sea : Pirates, SEALS, and the Mærsk Alabama », Counter Terrorism – Journal of
Counterterrorism & Homeland Security International, vol. 15, n° 3, 2009, p. 38-43.
25.  Cf. Pauline Jelinek, « Admiral praises action off Somalia that foiled pirate attack against Mærsk Alabama », Washington
Examiner, 18 novembre 2009, <www.washingtonexaminer.com/politics/ap/70394057.html>.

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