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CHAPITRE
Enrochement
10.1 INTRODUCTION
Il se présente parfois des situations de cours d’eau naturels ou de canaux où il est impossible de cons-
truire ou d’aménager en respectant les critères de stabilité précédemment définis. Lorsque le sol ne
permet pas des conditions suffisamment stables, il faut rendre le cours d’eau et les structures résis-
tants à l’érosion en les protégeant.
L’utilisation de cailloux, de roches et plus récemment de roc concassé s’est montré une solution inté-
ressante pour protéger les cours d’eau et les canaux de l’érosion et réaliser certaines structures
hydrauliques. Les roches et les cailloux sont des matériaux souvent disponibles et accessibles près de
plusieurs chantiers. Pour être efficace, leur utilisation dans des projets d’hydraulique nécessite une
bonne connaissance de leurs propriétés et des lois de l’hydraulique.
Les roches, les cailloux ou la pierre concassée peuvent être utilisés pour protéger le fond des cours
d’eau, leurs talus et construire des barrages et des seuils dissipateurs d’énergie.
La dimension des petits cailloux est généralement déterminée par tamisage. Les tamis sont constitués
de mailles carrées et la dimension des cailloux tamisée est définie comme la largeur de l’ouverture
entre les mailles au travers duquel la roche ou le cailloux passe pour être retenue sur le tamis aux
mailles de plus petites dimensions. Pour un cailloux arrondi ou sphérique, la dimension des mailles
du tamis sera plus grande que la dimension moyenne. Pour les cailloux de forme allongée, la plus
petite section du cailloux passera dans l’ouverture des mailles du tamis de sorte que la dimension
moyenne sera près de l’ouverture des mailles du tamis.
158
L’ENROCHEMENT DES TALUS ET DU FOND
Pour la stabilité des roches dans les structures hydrauliques, Stephenson (1979) considère que c’est la
surface exposée à l’écoulement qui est importante. La plus grande face est souvent la plus critique et
la plus petite dimension de cette face contrôle la stabilité.
L’angle de repos des pierres et des cailloux dépend de leur grosseur et de leur angularité comme le
montre la figure 10.1.
46
1:1
44
Angle de repos (θ )
42
Roc concassé
40 1,25:1
Angulaires
38
Pente
36
34 Arrondies 1,5:1
32
30 1,75:1
28
26 2:1
1,00 10,00 100,00 1000,00
Diamètre des particules (mm)
Figure 10.1 Angle de repos du matériel granulaire (d’après, Simons, 1961).
L’analyse de la stabilité d’une particule (grain de sable ou caillou) sur un talus ou dans le fond d’un
canal est analysé en détails par Julien (2002).
Plusieurs organisations et auteurs ont proposé différentes méthodes ou équations pour déterminer la
grosseur minimale des roches ou des pierres à être utilisée pour réaliser des canaux ou cours d’eau
stable aux forces érosives. Prakash (2004) présente une revue exhaustive des différentes équations
qui ont été proposées. Escarameia (1998) et FHWA (2005) sont deux publications récentes traitant de
la protection des cours d’eau et présentes différentes approches dont celle de l’enrochement (riprap).
Dans la pratique, la dimension minimale des roches ou cailloux est déterminée par différentes métho-
des et la valeur de design est choisie en portant un jugement parmi les différentes valeurs calculées.
Les principales équations utilisées sont présentées dans cette section et elles sont regroupées selon
deux approches.
159 ENROCHEMENT
La méthode No l du U.S. Army Corps of Engineers (USACE, 1994) propose l’équation suivante :
2,5
γ 0,5 V
= SF C s C v C t( g Da K
d 30
Da γs − γ) [10.2]
K = facteur de correction pour la pente du talus = [ 1 − sin2 θ sin2 φ
]
θ = angle du talus par rapport à l’horizontale
ϕ = angle de repos des cailloux ou des roches
SF = facteur de sécurité (1.1 -- 1,5)
Da = profondeur locale de l’écoulement
Cs = coefficient de stabilité
Cv = coefficient de distribution verticale de la vitesse
Ct = coefficient d’épaisseur
Pour la protection du lit d’un canal ou d’un cours d’eau, K = 1 puisque θ ≅ 0. Le coefficient de stabi-
lité Cs est égal à 0,30 pour les pierres angulaires et 0,375 pour les pierres rondes. Le coefficient de
distribution verticale de la vitesse Cv est égal à 1,0 pour les canaux droits et peut atteindre 1,283 dans
les courbes. Le coefficient d’épaisseur Ct est égal à 1,0 lorsque l’épaisseur de l’enrochement est égale
au d100 .
160
L’ENROCHEMENT DES TALUS ET DU FOND
Gs V6 [10.4]
W 50 = 0, 0232
( Gs − 1 ) 3 cos3 θ
W50 = poids des pierres (kg) pour un diamètre d50 des pierres
Gs = densité relative des pierres
Le modèle empirique du U.S. Bureau of Reclamation {Peterka, 1958) spécifie simplement le d50 en
fonction de la vitesse moyenne dans le canal ou le cours d’eau :
d 50 = 0, 043 V 2.06
a
[10.5]
Pour des raisons de stabilité, il est recommandé d’utiliser des pierres de différentes dimensions dans
l’enrochement de sorte que les plus petites pierres occupent les espaces vides entre les plus grandes
pierres. Différentes répartitions de la grosseur des pierres sont recommandées par différentes organi-
sations et le tableau 9.1 présente celle de Barfield et al. (1981).
mesurer, elle est souvent définie de façon qualitative. Des mesures effectuées en Angleterre (Escara-
meia et al., 1995) ont permis de quantifier les niveaux de turbulence (turbulence intensity) présents
dans différents tronçons. Le niveau de turbulence a été défini comme le rapport de la racine carrée des
vitesses au carré (root mean square) sur la vitesse moyenne. Les vitesses étaient mesurées près du
fond, à une profondeur correspondant à 10 % de la profondeur d’eau au--dessus du fond. En l’absence
de mesures, Escarameia (1998) d’utiliser les données du tableau 8.2.
L’équation de Escarameia et May (1992) qui a été développée à partir d’essais en laboratoire utilise le
concept de turbulence :
V 2b
d 50 = C [10.6]
2 g (γ s γ − 1)
Pour l’enrochement, la valeur du coefficient “C” est estimée avec l’équation suivante qui est valide
pour des TI > 0,05 et des pentes de talus inférieures 1:2 :
C = 12, 3 TI − 0, 20 [10.7]
v b = (− 1, 48 TI + 1, 04) V [10.8]
162
PROTECTION DANS LES COURBE
Pour des intensité de turbulence TI > 0,5, la vitesse au fond peut être estimée par l’équation approxi-
mative suivante :
v b = (− 1, 48 TI + 1, 36) V [10.9]
L’équation [10.6] inclut un facteur de sécurité et elle estime alors de façon sécuritaire la taille des
pierres.
Cette équation est valide pour les pentes de talus inférieure 2:1. Pour des pentes de 1,5:1, il est recom-
mandé de multiplier le d30 par un facteur de 1,3.
C v = 1, 283 − 0, 2 lg 10 R [10.10]
W
R = rayon de courbure de la ligne de talweg la courbe
W = largeur de la surface d’eau
Dépendant de la géométrie de la courbe, ce coefficient va typiquement accroître la taille des pierres
jusqu’à 30% par rapport aux conditions d’un cours d’eau droit. Bien que ce coefficient aie été déve-
loppé pour l’équation [10.2], Escarameia (1998) recommande de l’utiliser avec les autres équations.
K S 0,555 q 23
d 50 = 1, 95 [10.11]
g 13
θ = angle d’enrochement;
φ = angle de repos des pierres
g = constante gravitationnelle (9,815 m s--2);
D85e = diamètre pour lequel 85% des pierres de l’enrochement sont plus
petites (mm);
q = débit unitaire (m3 s--1 m--1).
Cette équation étant implicite, elle doit être résolue par itération. Les figures 10.2 à 10.7 permettent
de simplifier ces calculs. Ces fleures montrent la variation de l’angle aval de l’enrochement en fonc-
tion du diamètre des pierres pour des débits spécifiques variant de 0,25 m3/s à 3,0 m3/s et pour des
angles de repos des pierres de 38°,--40° et 42°. La densité des pierres a été choisie égale à γs = 2,7.
164
Figure 10.2 Diamètre des pierres de l’enrochement (D85e) en fonction de l’angle aval
d’enrochement et du débit spécifique (0,25 < q < 1,00 m3 /s--m) pour un
angle au repos de 38°.
Figure 10.3 Diamètre des pierres de l’enrochement (D85e) en fonction de l’angle aval
d’enrochement et du débit spécifique (1,00 < q < 3,00 m3 /s--m) pour un
angle au repos de 38°.
165
Figure 10.7 Diamètre des pierres de l’enrochement (D85e) en fonction de l’angle aval
d’enrochement et du débit spécifique (1,00 < q < 3,00 m3 /s--m) pour un
angle au repos de 42°.
167
Clef
Figure 10.8 Enrochement d’un talus a) d’après Dickinson (1975) b) tel que réalisé au Qué-
bec.
Le point le plus sensible est en général le pied du talus. C’est là que doivent être les plus grosses
roches. Cet enrochement doit être bien ancré dans le fond du cours d’eau pour empêcher que l’écoule-
ment puisse faire bouger le fond du lit et créer des conditions favorables à l’affouillement sous les
roches. L’enrochement est nécessaire sur une hauteur correspondant à celle provoquée par une crue
annuelle (Shanklin, 1976). La grosseur des roches peut être déterminée selon les modèles présentés
précédemment et la pente des talus est, en général, de 1,5 :1 à 2 :1. Au Québec, quelques expériences
168
L’ENGAZONNEMENT DES TALUS
d’enrochement pour réparer des rives fortement endommagées ont été réalisées avec des pentes plus
fortes que celles recommandées et semblent donner de bons résultats.
10.8 CONCLUSION
De nombreux moyens existent pour protéger les cours d’eau de l’érosion et ils reposent tous sur les
principes suivants : il faut respecter les contraintes limites (vitesses maximales, forces d’arrache-
ment) dans les conditions naturelles ou rendre les structures résistantes aux conditions que nous leur
imposons. Dans ce dernier cas, l’utilisation de roches et de pierres est un moyen efficace de protec-
tion.
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BIBLIOGRAPHIE
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170
CONCLUSION
10.1. Un cours d’eau trapézoïdal ayant une base de 2,0 m, une profondeur de 0,9 m et une pente des
talus de 1,5:1 coule dans un loam argileux avec une pente de 0,006. Si le débit du cours d’eau
est de 2,6 m3/s,
a) Estimez la profondeur normale et la vitesse d’écoulement.
b) Quelle est la vitesse maximale acceptable?
c) Comme cette vitesse est non sécuritaire, vous devez envisager d’enrocher ce cours
d’eau. Calculez la grosseur des roches à mettre au fond et sur le talus pour le protéger
adéquatement, ce par les différentes formules.
10.2. Calculez la dimension de la voie d’eau et la grosseur des roches du problème 4.4 si la voie d’eau
devait être enrochée au lieu d’être enherbée.
10.3. Calculez la dimension de la voie d’eau et la grosseur des roches du problème 4.5 si la voie d’eau
devait être enrochée au lieu d’être enherbée.