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DU GOUVERNEMENT DE L ’ORDRE

Constant CHEVILLON 1934

O toi, qui tiens entre tes mains le gouvernement d’une partie de l’Ordre,
inspire-toi des leçons de nos Maîtres. Sache d’abord qu’après ton accession
à une dignité de l’Ordre, alors seulement commencent les obstacles et les
difficultés, car avoir la charge est une chose, mais la conserver avec utilité
est une autre chose. Tu devras d’abord te rendre compte que seul ton
mérite et seule la confiance de tes chefs légitimes t’ont, par une lente
succession confié des tâches de plus en plus ardues et que tu devras avoir à
ur d’augmenter le patrimoine spirituel qui t’aura été confié. Il faut qu’à
ton départ pour l’Orient Eternel, le plus bel éloge que l’on puisse faire de
toi soit : l’ordre l’a élevé, il a élevé l’Ordre.
Le chef de Loge devra répondre à un double but : premièrement être la
Lumière des Lumières, le dépositaire de la tradition secrète, le gardien de la
pure doctrine de notre Souverain Sanctuaire et ensuite, secondement, être
l’ordonnateur habile de tous les rouages administratifs de l’Ordre. Une
grande science est bien, mais elle n’est profitable que lorsqu’elle est
harmonieusement répartie.
La puissance d’un gouvernement réside dans ses lois et dans sa justice,
qui applique et fait respecter ses lois. La puissance de l’Ordre réside dans
ses Grandes Constitutions, dont les prescriptions devront être toujours
suivies à la lettre, à l’exclusion de toute mesure arbitraire ; elle réside aussi
dans l’autorité spirituelle qui les applique avec équité, fermeté et
discernement.
Trop de libéralité nuit à une direction ; les chefs de l’Ordre ne peuvent
tout se permettre ou laisser faire ; ils ne peuvent tolérer, ni anarchie, ni
trop d’indépendance. Une extrême indulgence affaiblit la Hiérarchie et
provoque du désordre. Tu devras te pénétrer de cette vérité : « Que
l’Homme n’est point parfait et qu’il ne faut point lui accorder une
confiance aveugle » ; tu devras avoir confiance en tes Frères sans pour cela
cesser un seul instant d’exercer ton travail de contrôle sur leur labeur, de
façon à remédier à toute faiblesse humaine.
Il t’est conseillé de promettre de l’avancement à tes subordonnés et à
stimuler leur ardeur par des augmentations de pouvoir, sans toutefois
donner jamais de précision sur la date de cet avancement qui ne peut
jamais être précipité.
Le chef de Loge doit savoir adapter sa politique aux circonstances qui
sont en perpétuel changement. Il doit toujours apparaître à ses
subordonnés comme un Maître sévère, juste et incorruptible, sinon il
perdra toute autorité le jour où il apparaîtrait comme trop bon, partial ou
intéressé en quelque matière que ce soit.
Si tu es consulté sur un sujet qui intéresse l’Ordre et que ta décision doit
avoir de grandes conséquences sur la discipline, l’harmonie ou le travail
spirituel, aie soin de ne pas laisser apparaître ton opinion, sache écouter
plutôt que de répondre, interroger plutôt que d’instruire car il te faut le
temps de la réflexion, de l’étude et de la méditation profonde, et jamais tu
ne peux apparaître comme inconstant, contradictoire, léger ou irrésolu.
L’ordre a deux sortes d’ennemis : ceux du dehors et ceux du dedans. Ce
sont ces derniers qui sont les plus dangereux. L’ennemi intérieur naît soit
du désordre, soit du mécontentement, soit d’une injustice, soit d’une
ambition légitime déçue. Veille donc avec soin à ce que l’Ordre travaille
avec régularité et méthode :
• à ce que celui qui travaille soit récompensé et reçoive une
approbation ouverte pour son zèle ;
• à ce que nul passe-droit ne crée des suspicions et des mésententes
entre Frères ;
• veille enfin à tenir les promesses faites.
Le travail et le dévouement devant être les seuls éléments de
l’avancement au sein de l’Ordre, évite de pousser les éléments paresseux,
ignorants, instables ou égocentriques. Montre de la considération à tes
proches collaborateurs, sache les consulter souvent et régulièrement et ne
leur impose jamais de mesures hâtives susceptibles de rompre l’harmonie
de leur travail.
Sache enfin que même en faisant du bien à un Frère, on peut s’en faire
un ennemi car celui que l’on élève trop vite en arrive facilement à se croire
l’égal de son Maître et celui à qui l’on fait des confidences sait parfois les
employer contre vous. Eviter de faire des reproches blessants à un Frère
coupable. Il est des mots qui ne peuvent s’oublier et qui créent la révolte.
Aie soin enfin d’appuyer l’autorité de tes collaborateurs auprès de leurs
inférieurs, car ton autorité est en partie solidaire de la leur. Réprimande
celui qui te cache sa pensée, lis en tous comme dans un livre ouvert.

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