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MONTRÉAL, MEXICO, TOKYO…

LES MAIRES
 ÉVOQUENT L’APRÈS­COVID
PAGES 24 À 27

SCIENCE & MÉDECINE – 4 PAGES  « LANCETGATE » : LES FAILLES DE L’ÉDITION SCIENTIFIQUE
MERCREDI 17 JUIN 2020 · 76E ANNÉE · NO 23463 · 2,80 € · FRANCE MÉTROPOLITAINE · WWW.LEMONDE.FR FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY · DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

La France redoute une hausse massive des faillites
▶ Une étude dévoilée ▶ Le nombre d’emplois ▶ D’autres pays devraient ▶ Malgré les dispositifs ▶ Interrogé par Le Monde,
mardi 16 juin par l’assu­ directs concernés par ces être touchés : l’Espagne d’aide mis en place depuis Fabio Panetta, membre du
reur­crédit Coface évalue faillites pourrait avoisiner (+ 22 %), l’Italie (+ 37 %), mars, bien des entreprises directoire de la BCE, juge
à 21 % la hausse des les 200 000, notamment le Royaume­Uni (+ 37 %) et, françaises ont accumulé urgente l’approbation du
défaillances d’entreprises dans la restauration, le à un degré moindre, des dettes dont il faudra fonds de relance de l’UE
d’ici à la fin de 2021 tourisme ou les transports l’Allemagne (+ 12 %) s’acquitter tôt ou tard PAGE S 16- 17

QUAND LES NAZIS MASSACRAIENT LES TIRAILLEURS AFRICAINS Santé
▶ En juin 1940, près de 200 tirailleurs combattant pour la France sont exterminés par les Allemands au nord de Lyon
L’énorme déficit 
▶ Des photos inédites aident aujourd’hui à relater cette séquence tragique PAGE S 22- 23 de l’Assurance­
maladie
Selon un rapport interne
dont « Le Monde » a eu
connaissance, la branche
Assurance­maladie de
la « Sécu » pourrait afficher
Le 20 juin
1940, des
un déficit de 31,1 milliards
tirailleurs d’euros en 2020, contre
sénégalais 1,46 milliard un an plus tôt
ont été PAG E 11
conduits
par l’armée
allemande
à l’écart de Syrie
Chasselay
(Rhône),
avant d’être
Le régime Assad 
exécutés. La
scène a été
sous la pression 
photographiée
par un soldat
de la loi César
allemand.
COLLECTION Cet arsenal de sanctions,
BAPTISTE GARIN voté par le Congrès améri­
cain pour punir les attein­
tes aux droits de l’homme
en Syrie, entre en vigueur
mercredi 17 juin. Ces
mesures visent à la fois
le régime et ses éventuels
soutiens à l’étranger
PAGES 6-7 ET ÉDITORIAL PAGE 40

Crise sanitaire Les députés lancent leur enquête Terrorisme
la commission d’enquête parle­ « l’impact, la gestion et les consé­ examinée pour établir d’éven­
La proposition
de loi qui inquiète ET SI RÉUSSIR
C’ÉTAIT
mentaire sur la gestion de la crise quences » de l’épidémie, qui a fait tuelles défaillances.
sanitaire devait commencer ses
travaux mardi 16 juin à l’Assem­
près de 30 000 morts en France
en trois mois.
Au sein de la majorité, on re­
doute que l’exercice ne s’appa­
les juristes

TRANSMETTRE
blée nationale. Composée d’une La question des masques, des rente à un procès politique et à PAGE 10
trentaine de députés de tout tests, des capacités hospitalières, une traque des responsables.
bord, elle a six mois pour étudier tout comme celle des Ehpad, sera PAGE 11

Etats­Unis
Victoire des LGBT
AUTREMENT ?
LE REGARD DE PLANTU
devant la #FINANCE DURABLE
Cour suprême
PAGE 3

Dossier Imaginons l’avenir


Comment reverdir
le Sahel et freiner
l’avancée du désert
PAGES 3 6-37

Idées
Des extraits de
« Par ici la sortie ! »,
les cahiers des
éditions du Seuil
PAGE 21
Algérie 220 DA, Allemagne 3,70 €, Andorre 3,50 €, Autriche 3,80 €, Belgique 3,10 €, Cameroun 2 400 F CFA, Canada 5,70 $ Can, Chypre 3,20 €, Côte d'Ivoire 2 400 F CFA, Danemark 36 KRD, Espagne 3,50 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,10 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,20 €, Guyane 3,50 €,
Hongrie 1 330 HUF, Irlande 3,50 €, Italie 3,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 3,20 €, Malte 3,20 €, Maroc 22 DH, Pays-Bas 3,80 €, Portugal cont. 3,50 €, La Réunion 3,20 €, Sénégal 2 400 F CFA, Suisse 4,40 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,10 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA
INTERNATIONAL
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2| MERCREDI 17 JUIN 2020

Le président,
Andrzej Duda,
s’exprime sur la
chaîne publique
TVP Info
à propos
de la pandémie
de Covid­19
à Varsovie,
le 19 mai.
WOJCIECH OLKUSNIK/EFE

Pologne : une télévision publique aux ordres
Les chaînes d’Etat relaient la propagande du parti au pouvoir, avant le premier tour de la présidentielle le 28 juin

varsovie ­ correspondance senté comme un quasi­saint, pro­ tement, dont certains membres médias propagent sont très effica­ Après l’assassinat du maire de
tecteur de la tradition polonaise, de la majorité voudraient l’inter­
Commentaires ces. Le fait qu’après cinq ans de Gdansk, Pawel Adamowicz, en

I
ls sont surnommés le « mi­ grand modernisateur et distribu­ diction totale. Le présentateur exclusivement gouvernance, le président Duda ait janvier 2019, de nombreux com­
nistère de la propagande » teur d’argent public (domaines l’interpelle : « Le Décalogue dit 42 % d’intentions de vote et le PiS mentateurs ont pointé la respon­
ou qualifiés de « médias gou­ où il est dépourvu de prérogati­ clairement : “Tu ne tueras point”.
partisans, une popularité constante à 37 % est sabilité de la télévision publique
vernementaux ». Les médias ves), « le seul président depuis 1989 On ne peut pas aller aux “manifes­ mensonges en grande partie le résultat de cette dans le climat de haine créé
publics polonais sont devenus, qui tient ses promesses ». Son prin­ tations noires” [de soutien aux propagande. Car de nombreux autour de sa personne. Une étude
depuis l’arrivée au pouvoir du cipal rival, Rafal Trzaskowski (Pla­ droits des femmes] et ensuite aller
flagrants… tous faits bruts inciteraient à douter for­ commandée par la mairie de
parti national conservateur Droit te­forme civique, centre droit), s’agenouiller à l’Eglise. On ne peut les coups sont tement de l’efficacité de la politique Gdansk a démontré que l’année
et justice (PiS), fin 2015, un cas bien que catholique, est accusé de pas soutenir Dieu et le Diable en menée. A force d’être matraquée de précédant sa mort, son nom a été
d’école en matière d’information vouloir mettre en œuvre une « ré­ même temps. Comment peut­on
permis pour mensonges ou de semi­vérités, la la cible de 1 773 reportages lui at­
soumise. Alors que le président volution idéologique de gauche être hypocrite à ce point ? » discréditer société se retrouve profondément tribuant affairisme et « trahison »
sortant et candidat du PiS, Andr­ imposée à l’échelle européenne » et Les prises de position à l’an­ désorientée. » des intérêts nationaux. Ses pro­
zej Duda, est en lice pour sa réélec­ de croire dans le « Dieu de Spi­ tenne paraissent souvent si carica­
l’opposition La violence des campagnes de ches évoquent un véritable achar­
tion, la machine de désinforma­ noza », un « philosophe juif », héré­ turales qu’elles sont loin de faire désinformation dépasse d’ailleurs nement.
tion gouvernementale, à deux se­ tique, qui « clamait que le mal est l’unanimité au sein même de la souvent toutes les limites. Le Si le paysage médiatique polo­
maines du premier tour prévu le le bien et le bien est le mal. » majorité. Au PiS, beaucoup souli­ de la majorité, Jaroslaw Kaczynski, 8 juin, la justice a ordonné à la télé­ nais reste pluraliste, grâce à une
28 juin, tourne à plein régime en Une des premières promesses gnent qu’une propagande aussi dont il est un des rares confidents. vision publique de retirer d’Inter­ myriade de médias privés qui ont
sa faveur, forte d’une subvention électorales faites par Rafal Trzas­ agressive peut être contre­produc­ Le message des médias gouverne­ net un film documentaire intitulé préservé leur indépendance, Ja­
extraordinaire de 2 milliards de kowski, cible de violentes campa­ tive pour conquérir l’électorat mo­ mentaux est un ciment de « l’élec­ L’Invasion, traitant de l’organisa­ roslaw Kaczynski a maintes fois
zlotys (451 millions d’euros), vo­ gnes de discrédit en tant que déré. Le président Andrzej Duda et torat dur » du PiS en même temps tion par les militants des droits évoqué la nécessité d’une « repo­
tée par la majorité trois mois maire de Varsovie, a été l’annonce le premier ministre Mateusz Mo­ qu’un reflet de la Pologne voulue des homosexuels des « marches lonisation » de leur capital. Les
avant le scrutin. de la suppression de la chaîne TVP rawiecki font eux­mêmes partie par Jaroslaw Kaczynski. de l’égalité ». Le documentaire, dif­ journalistes polonais redoutent
Les médias publics polonais sont Info, devenue, avec le journal de des voix critiques. Il y a peu, le pré­ Comme le souligne Piotr Pa­ fusé en octobre 2019 à une heure donc le « scénario hongrois » où,
devenus un véritable phénomène 19 h 30 de la première chaîne, le sident sortant a ainsi tenté, sans cewicz, rédacteur en chef du site de grande écoute, a été qualifié de après les médias publics, les mé­
à l’échelle européenne et, plus lar­ symbole de cette réalité alterna­ succès, d’obtenir la tête du tout­ d’information en ligne OKO. press, « violemment homophobe » par dias privés ont été progressive­
gement, des démocraties occiden­ tive. Les bandeaux­titres de ces puissant patron de la télévision qui suit de manière rigoureuse les des défenseurs des droits de ment soumis au pouvoir. C’est là
tales. A l’exception peut­être de la deux institutions font d’ailleurs publique, Jacek Kurski. Mais ce médias gouvernementaux, « les l’homme et accusé d’« incitation à un des enjeux de l’élection prési­
Hongrie, aucun gouvernement l’objet de multiples compilations dernier est défendu bec et ongles études réalisées indiquent que les la haine » par le défenseur des dentielle du 28 juin. 
n’a autant asservi, à force de pur­ sur Internet, dont certaines sont par l’homme fort du pays et chef narrations et l’intoxication que ces droits civiques, Adam Bodnar. jakub iwaniuk
ges massives, les services publics restées célèbres : « Faible mobili­
d’information aux intérêts du sation devant le Parlement mal­
parti au pouvoir. Commentaires
exclusivement partisans, manipu­
gré l’appel de l’opposition au
putsch » ; « Des défenseurs de pé­ Andrzej Duda relance l’offensive contre les LGBT
lations grossières, mensonges fla­ dophiles, visages de l’opposition
grants… tous les coups sont per­ aux réformes de la justice ». à deux semaines du premier tour de que malpropre. (…) Arrêtez de diffuser des étrangers, est lié à la popularité croissante
mis pour discréditer l’opposition l’élection présidentielle polonaise, Andrzej “fake news” ». Les enregistrements des dis­ de Rafal Trzaskowski, maire libéral de Var­
et chanter les louanges de la majo­ Prises de position caricaturales Duda, candidat à sa succession, a donné à cours d’Andrzej Duda ne font toutefois pas sovie et principal concurrent du président
rité. L’ampleur de l’intoxication Le 11 juin, en ouverture de la mati­ sa campagne un retentissement interna­ apparaître de faute de citation. en exercice.
est telle que bien des Polonais af­ nale de TVP Info, la chaîne publi­ tional inattendu en multipliant les charges Au niveau politique, le ministre­président En février 2019, l’adoption par la munici­
firment qu’en matière de propa­ que d’information en continu, on contre « l’idéologie LGBT [lesbiennes, gays, wallon, et ancien chef du gouvernement palité de la capitale d’une « charte LGBT »
gande, « même les communistes pouvait entendre ceci dans un re­ bisexuels, transgenres] ». Après avoir signé belge, Elio Di Rupo, a qualifié dimanche les visant à renforcer les cours d’éducation
étaient plus subtils ». portage : « Des millions de Polo­ le 10 juin une « charte pour la famille » vi­ propos d’Andrzej Duda d’« ouvertement ho­ sexuelle dans les écoles et la lutte contre
Se plonger dans le monde de nais redoutent qu’en cas de vic­ sant notamment à « défendre l’institution mophobes » et « d’une violence inouïe ». De l’homophobie avait fourni au PiS un motif
l’information publique polonaise, toire de Rafal Trzaskowski, l’oppo­ du mariage comme union d’un homme et son côté, la commissaire Vera Jourova, char­ pour mobiliser ses partisans et se présen­
c’est se retrouver dans une réalité sition supprime les multiples allo­ d’une femme » et à « protéger les enfants » gée du respect des valeurs comme les droits ter en défenseur des familles face à de pré­
parallèle où les faits n’ont aucune cations sociales accordées par le en « interdisant la diffusion de l’idéologie fondamentaux et l’Etat de droit, a répondu tendues menaces de sexualisation des en­
importance, aucun équilibre n’est gouvernement du PiS. Quand l’op­ LGBT dans les institutions publiques », le aux députés européens trouver « triste que fants. Certaines collectivités locales étaient
nécessaire et aucun code éthique position était au pouvoir, elle cla­ candidat du parti national conservateur dans l’Europe d’aujourd’hui, de hauts res­ allées jusqu’à adopter des résolutions pour
n’est de rigueur. C’est un concen­ mait qu’il n’y avait pas d’argent Droit et justice (PiS) a de nouveau affirmé ponsables politiques décident de prendre se déclarer « libres de l’idéologie LGBT ».
tré de théorie sur la « post­vérité » pour les réaliser. Le PiS a trouvé samedi 13 juin que les LGBT n’étaient pas pour cible des minorités dans le but d’obtenir Les critiques de médias étrangers et de la
d’une part, de narrations populis­ l’argent, en combattant les mafias des personnes, mais une « idéologie » com­ des gains politiques ». Commission européenne permettent dans
tes de l’autre. Le discours domi­ fiscales qui, lorsque l’opposition parable à une « sorte de néobolchevisme ». le même temps au PiS et à son candidat
nant clame que le parti au pouvoir était au pouvoir, prospéraient La reprise de ces propos par des journaux Critiques de médias étrangers d’affirmer une double posture d’indépen­
est seul représentant légitime de avec sa complicité. » et agences de presse anglophones dont L’instrumentalisation de la question des dance et de victime à l’égard d’un « Occi­
l’intérêt national, et que l’opposi­ Les invités de l’opposition qui se Reuters, The Guardian et le Financial Times minorités sexuelles n’est de fait pas inédite dent » souvent diabolisé. « Pour avoir ex­
tion est au service de forces « anti­ risquent à participer aux débats a poussé le président polonais à s’expli­ en Pologne et avait beaucoup animé primé tout haut mon refus du colportage
patriotiques », la plupart du des chaînes publiques se retrou­ quer sur Twitter. Dans un premier temps, en 2019 les débats politiques précédant les dans les écoles de contenus à caractère idéo­
temps étrangères. Une opposi­ vent dans des positions intena­ il a semblé vouloir adoucir ses déclara­ élections européennes et législatives. Le logique qui éduquent les enfants et forment
tion régulièrement qualifiée bles. Le 11 juin, jour de la Fête­ tions en assurant que « nous sommes tous choix du PiS de ramener la campagne élec­ leurs valeurs morales, j’ai été attaqué à la
d’« antidémocratique ». Dieu, le député Ireneusz Ras, re­ égaux et chacun a le droit au respect de sa torale actuelle sur ce sujet, au risque de fois à l’ouest de l’Europe et dans notre pays »,
Alors que la campagne électo­ présentant de l’aile conservatrice dignité ». Toutefois, il a ensuite accusé ces couper encore un peu plus Andrzej Duda s’est défendu lundi Andrzej Duda lors
rale bat son plein, le président de la Plate­forme civique, est in­ médias d’avoir « cité ses mots hors de leur des électeurs modérés et de compliquer d’une réunion de campagne à Lublin. 
sortant, Andrzej Duda, y est pré­ terrogé sur la question de l’avor­ contexte dans le cadre d’une bataille politi­ ses relations avec certains dirigeants romain su (varsovie, correspondance)
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MERCREDI 17 JUIN 2020 international | 3

Etats­Unis : victoire des LGBT à la Cour suprême


Après dix ans de controverses, un arrêt interdit les discriminations à l’emploi envers les minorités sexuelles

washington ­ correspondant la surprise. Auteur de l’arrêt, il était Neil Gorsuch a répondu aux cri­ L’association conservatrice Judi­ licenciement justifié par une mau­
rangé jusqu’à présent parmi les tiques, y compris au sein de cours cial Crisis Network a vivement
L’auteur de l’arrêt, vaise utilisation des fonds dont il

L
a Cour suprême des plus conservateurs de la plus d’appel, qui estiment que les lé­ réagi en dénonçant une « trahi­ Neil Gorsuch, juge avait la responsabilité, en esti­
Etats­Unis a tranché, lun­ haute instance juridique du pays. gislateurs n’avaient pas souhaité son ». « Tous ces évangéliques qui se mant qu’il s’agissait en fait d’une
di 15 juin. Elle a estimé La querelle portait sur un pas­ anticiper les procédures ouver­ sont rangés du côté de [Donald]
nommé par Donald sanction contre sa participation à
que la loi de 1964 pour les sage de l’article VII de cette loi qui tes des décennies plus tard. Trump en 2016 pour qu’il les pro­ Trump, a créé un rassemblement homosexuel.
droits civiques, un monument interdit les discriminations liées « Ceux qui ont adopté la loi sur les tège des courants culturels vien­ Un instructeur en parachutisme,
du droit américain et de l’admi­ « à la race, à la couleur, à la religion, droits civils n’avaient sans doute nent de trouver leur excuse pour
la surprise. Il était Donald Zarda, qui s’est tué depuis
nistration de Lyndon B. Johnson, au sexe ou aux origines nationa­ pas prévu que leur travail condui­ rester chez eux en 2020 », a assuré rangé jusqu’à au cours d’un exercice, avait en­
s’applique également aux discri­ les ». Le texte visait les problèmes rait à ce résultat particulier. Ils ne Erick Erickson, un polémiste con­ gagé une démarche similaire
minations à l’emploi fondées sur rencontrés par les femmes sur le pensaient probablement pas à servateur. Le même jour, la Cour
présent parmi les après son licenciement par son
les orientations sexuelles et les marché du travail. L’interpréta­ bon nombre des conséquences qui suprême a par ailleurs rendu deux plus conservateurs employeur. Cette éviction était
identités de genre. tion du mot « sexe » a longtemps sont devenues apparentes au fil arrêts contraires aux attentes de survenue après qu’il avait dévoilé
La victoire de la communauté été restrictive. L’arrêt historique des ans, y compris l’interdiction l’administration républicaine, sur son orientation sexuelle pour
LGBT est nette. Deux juges nom­ Bostock v. Clayton County, Geor­ de toute discrimination fondée les armes à feu et sur les « villes sonne dont le style de vie et les mettre plus à son aise une cliente
més par des présidents républi­ gia élargit l’application de cette loi sur la maternité ou celle du harcè­ sanctuaires » où les sans­papiers croyances » contreviennent à leurs avant un saut en tandem.
cains, John Roberts et Neil Gor­ aux personnes LGBT. lement sexuel des hommes, esti­ ne sont pas poursuivis. convictions, a estimé Franklin Un troisième cas concernait une
such, ont en effet rejoint, à cette me­t­il. Mais les limites de l’ima­ De nombreux responsables de Graham, fils du célèbre prédica­ personne transgenre, licenciée
occasion, les quatre juges choisis Une « trahison » gination des législateurs ne four­ culte ont en effet critiqué l’arrêt teur Billy Graham. Aucune des après avoir signifié à son em­
par des présidents démocrates. Le « Un employeur qui licencie un indi­ nissent aucune raison d’ignorer Bostock v. Clayton County, Geor­ parties qui défendaient une inter­ ployeur, une entreprise de pom­
premier, qui préside la Cour su­ vidu parce qu’il est homosexuel ou les exigences de la loi. Lorsque les gia en estimant qu’il constitue une prétation restrictive de la loi de pes funèbres du Michigan, qu’elle
prême, avait déjà joué les pivots en transgenre licencie cette personne termes explicites d’une loi nous atteinte à la liberté religieuse. « Les 1964 n’avait invoqué l’argument souhaitait désormais apparaître
rejoignant ponctuellement les pour des traits ou des actions qu’il donnent une réponse et que des organisations chrétiennes ne de­ de la liberté religieuse. habillée en femme. Pas plus que
progressistes, reprenant le rôle n’aurait pas remis en question chez considérations extratextuelles en vraient jamais être obligées d’em­ L’arrêt de lundi met un point fi­ M. Zarda, Aimee Stephens n’a pu
longtemps joué par le juge An­ des membres d’un autre sexe, écrit suggèrent une autre, il ne peut y baucher des personnes qui ne cor­ nal à une controverse ouverte il y a cependant se réjouir de la déci­
thony Kennedy jusqu’à son départ Neil Gorsuch. Le sexe joue un rôle avoir de contestation. Seul le mot respondent pas à leurs croyances une décennie. Gerald Bostock, un sion. Elle est morte d’une insuffi­
à la retraite, en 2018. Le second, nécessaire et indiscutable dans la écrit constitue la loi, et toute per­ bibliques et ne devraient pas être fonctionnaire du comté de Clay­ sance rénale, le 12 mai. 
nommé par Donald Trump, a créé décision, ce que l’article VII interdit. » sonne a le droit d’en bénéficier. » empêchées de licencier une per­ ton, en Géorgie, avait contesté son gilles paris

Seize ans de prison pour


un Américain accusé
d’espionnage en Russie ET SI INVESTIR
Paul Whelan espère être libéré à la faveur d’un
échange de prisonniers avec Washington
C’ÉTAIT
S
moscou ­ correspondance

ur sa pancarte, regard droit


nonce du verdict, le condamné a
lancé un appel à Donald Trump
pour que le président américain
ENTREPRENDRE
POUR DEMAIN ?
face au juge, il a tout dit par intervienne en sa faveur.
écrit : « Une parodie de pro­ Depuis le début, l’affaire est
cès ! » Paul Whelan, Américain de d’autant plus politique qu’elle
50 ans, a été condamné pour es­ s’ajoute à la longue liste des sujets
pionnage au profit des Etats­Unis de tension entre Moscou et
à seize ans de prison, lundi 15 juin, Washington. « C’est la démonstra­

#FINANCE DURABLE
par un tribunal de Moscou. Cet tion, une fois de plus, de la radicali­
ancien marine, qui a aussi les na­ sation des services spéciaux russes
tionalités britannique, cana­ dans leur lutte contre les “enne­
dienne et irlandaise, avait été ar­ mis”. Cela recrée l’atmosphère des
rêté le 28 décembre 2018 dans le années Staline, dénonce Andreï
prestigieux hôtel moscovite Me­ Kolesnikov, politologue au centre
tropol, début d’une affaire sem­ Carnegie, à Moscou. Le cas Whe­
blant cousue de fil blanc. « Ils ont lan peut être utilisé politiquement
cru arrêter un James Bond en mis­ par le Kremlin de Vladimir Pou­
sion alors qu’ils ont kidnappé un tine. Sur la scène intérieure, pour
Mister Bean en vacances », a iro­ mobiliser l’électorat à la veille du
nisé Paul Whelan lors du procès vote constitutionnel du 1er juillet. Être une banque responsable, c’est accompagner
qui, depuis le 23 mars, s’est tenu à Sur la scène extérieure, avec un nos clients vers un avenir durable, intégrer les enjeux
huis clos. Motif invoqué par le nouvel argument à exploiter dans
juge : le caractère sensible des in­ sa relation avec Donald Trump. »
environnementaux dans nos actions et soutenir
formations du dossier. la société qui nous entoure. C’est agir aujourd’hui
Les services de sécurité ont ex­ « Requins en quête de sang » comme si c’était déjà demain.
pliqué que Paul Whelan avait été Cette condamnation pourrait
pris « en plein acte d’espionnage » : ouvrir la voie à une solution poli­
l’accusé avait en sa possession tique, avec un échange de prison­
une clef USB avec des informa­
tions classées. Un coup monté,
niers. L’avocat de Paul Whelan,
qui a décidé de faire appel, envi­
Imaginons l’avenir
s’est­il défendu. Cet ancien soldat sage la libération de son client en
américain, qui se rendait souvent contrepartie de celle de deux célè­
à Moscou, assure y être venu pour bres détenus russes aux Etats­
un mariage. Directeur de la sécu­ Unis : l’ex­vendeur d’armes Viktor
rité de BorgWarner, fabricant in­ Bout et Konstantin Iarochenko,
ternational de pièces détachées pilote condamné pour trafic de
pour automobiles, il avait noué drogue. Plus ou moins ouverte­
de nombreux contacts avec des ment, cette issue est aussi évo­
Russes, professionnels et person­ quée par les autorités russes, no­
nels. C’est l’un d’eux qui lui a tamment par le vice­président de
donné la clé USB. Paul Whelan la commission des affaires étran­
pensait qu’elle contenait des pho­ gères de la chambre basse du Par­
tographies d’un précédent séjour. lement, Alexeï Tchepa, mais réfu­
Le procès n’a guère permis tée par le Kremlin.
d’éclairer le fond de l’affaire. Le « Un échange est possible. Mais
procureur est convaincu, selon le cela nécessite un haut degré de con­
récit d’audience de l’avocat de Paul fiance. Est­ce le cas entre Vladimir
Whelan, qu’il est « un officier, au Poutine et Donald Trump ? s’inter­
moins un colonel, de l’agence de roge Andreï Kortounov, directeur
renseignement de la défense amé­ du Russian Council, think tank
ricaine ». Mobilisé sur ce cas, l’am­ russe sur les questions internatio­
bassadeur américain à Moscou, nales. A la veille de sa présidentielle,
John Sullivan, a dénoncé un pro­ Trump pourrait demander une fa­
cès « non équitable et peu transpa­ veur à Poutine, qui pourrait diffici­
rent où aucune preuve n’a été pro­ lement refuser. Des deux côtés, les
duite ». Après la condamnation, il requins sont en quête de sang. A
s’est engagé « à consulter le gouver­ Moscou, ils ont obtenu cette lourde
nement américain et Mike Pom­ condamnation. Les durs à Wa­
peo ». Le mois dernier, le secrétaire shington en profiteront pour se dé­
d’Etat américain a demandé la li­ chaîner contre la Russie. » 
bération de Paul Whelan. Dès l’an­ nicolas ruisseau
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4 | international MERCREDI 17 JUIN 2020

La Corée du Nord fait sauter Les Européens jouent


le sablier pour sauver
son bureau de liaison avec le Sud l’accord avec l’Iran
Pyongyang signale que la phase de détente des deux dernières années Paris, Londres et Berlin ont proposé à Téhéran
au printemps un « paquet intermédiaire »
est terminée et ouvre une escalade calibrée dans les provocations afin de contrer les sanctions américaines

tokyo ­ correspondant dée de mises en garde de Pyon­ La Chine tire parti du recul new york (nations unies) ­
Pyongyang estime gyang. géostratégique des Etats­Unis correspondante
« Le bon sens

E
n détruisant le bureau être le perdant Le régime estime être le perdant pour apparaître sa seule rivale. Et devrait interdire
de liaison avec la Corée
du Sud, le régime de
Pyongyang renoue avec
une tactique qui lui est fami­
lière : acculé, il monte au cré­
de la phase de
détente : depuis fin
2017, il a suspendu
de la phase de détente de ces deux
dernières années : depuis fin 2017,
il a suspendu ses essais nucléaires
et balistiques. Mais il n’a rien ob­
tenu en échange, sinon cette « re­
Pyongyang semble confiant que,
sans soutenir une nouvelle mon­
tée de tensions dans la péninsule
– dont la stabilité est un facteur
important de sa propre sécurité –,
L e mur approche. Comment
l’éviter ? Tel est le défi posé
aux Européens dans le dos­
sier iranien. Celui­ci mêle de
nombreux aspects : accord sur le
aux Etats-Unis
de se prétendre
participants au
neau. Selon le ministère de l’uni­ ses essais nucléaires connaissance » de facto par Pékin ne fera pas chorus avec les nucléaire (JCPOA) qui se vide de sa JCPOA pour mieux
fication sud­coréen, la Corée du Washington qui a rehaussé le Etats­Unis et leurs alliés pour substance, sanctions, embargo
Nord a fait sauter le bâtiment si­
et balistiques. Mais prestige de Kim Jong­un. Depuis condamner la RPDC de faire sur les armes, activités armées
le détruire »
tué à Kaesong, mardi 16 juin il n’a rien obtenu plus d’un an, les négociations avec preuve d’impatience. Depuis des sous­traitants de Téhéran au RICHARD GOWAN
dans l’après­midi, après avoir af­ les Etats­Unis sont au point mort, 2018, la Chine demande une le­ Moyen­Orient, montée en puis­ International Crisis Group
firmé le matin même travailler à
en échange et Séoul ne s’est guère soustrait vée, partielle au moins, des sanc­ sance de l’aile sécuritaire en Iran,
un « plan d’action » pour réoc­ aux pressions de Washington tions onusiennes à l’encontre de élections américaines en novem­
cuper des zones qui étaient dé­ pour développer la coopération la RPDC, qui risque de devenir un bre… Dans cet enchevêtrement, il doute un accord nucléaire déjà
militarisées. Une semaine plus un interlocuteur digne de rencon­ intercoréenne. Kim Jong­un peut nouveau sujet de divergence en­ existe des constantes. Washing­ moribond. « Le bon sens devrait in­
tôt, elle avait déjà fermé les ca­ trer le président de la première estimer ne rien avoir à perdre en tre Pékin et Washington, don­ ton entend poursuivre sa politi­ terdire aux Etats­Unis de se préten­
naux de communication avec le puissance du monde. revenant à la stratégie de la ten­ nant une marge de manœuvre que de pression maximale contre dre participants au JCPOA pour
Sud, après avoir mis en demeure Mais depuis l’échec du dernier sion en ciblant la Corée du Sud. supplémentaire à Pyongyang. Téhéran. Objectif : le rétablisse­ mieux le détruire, note Richard Go­
Séoul de faire cesser l’envoi par sommet, à Hanoï en février 2019, Dans un premier temps, le ré­ ment de toutes les sanctions onu­ wan, chargé des dossiers onusiens
des transfuges nord­coréens de la Corée du Nord est « sortie des Moment opportun gime nord­coréen peut espérer siennes qui existaient avant la si­ à l’International Crisis Group.
ballons de tracts de propagande radars » de Washington. Les sanc­ Au cours des derniers mois, le ré­ inciter le président Moon, dont le gnature du JCPOA, en 2015. De Mais, d’un point de vue juridique, il
par­delà la zone qui les sépare. tions onusiennes, renforcées à la gime a accusé Séoul de conniven­ capital politique tient en grande leur côté, les autres signataires, n’existe pas de riposte infaillible
Ces mesures sont un signal : la suite de la forte tension de 2017, ces avec les responsables d’« ac­ partie à sa politique de rappro­ dont la France, veulent sauver ce pour les Européens, pas plus que
phase de détente des deux derniè­ restent en place. Certes largement tions hostiles » à la RPDC, et lancé chement du Nord, à faire des ges­ rare acquis récent du multilatéra­ pour les Chinois et les Russes. Nous
res années est terminée, et s’an­ contournées par une contrebande une dizaine de missiles de tes en sa direction. Dans toute lisme, malgré leur marge de sommes en territoire inconnu. »
nonce une escalade calibrée dans avec la complaisance de la Chine, moyenne portée après avoir an­ confrontation armée dans la pé­ manœuvre très réduite. Face à cette offensive, la riposte
les provocations. Pyongyang a ces dernières, couplées au confi­ noncé qu’il continuait à renforcer ninsule, la première victime se­ Selon nos informations, les pays tente de s’organiser. Les ministres
aussi sonné le glas des efforts di­ nement de la RPDC pour éviter la son arsenal nucléaire et mettait rait la Corée du Sud. Et c’est bien de l’E3 (France, Allemagne, Royau­ des affaires étrangères de la Rus­
plomatiques avec Washington, contagion par le Covid­19, n’en pè­ au point une « nouvelle arme stra­ ce danger qui a poussé M. Moon à me­Uni) ont proposé au prin­ sie et de la Chine, Sergueï Lavrov
son ministre des affaires étrangè­ sent pas moins lourdement sur tégique », dont la nature n’a été favoriser un dialogue au plus temps à Téhéran un « paquet in­ et Wang Yi, ont écrit chacun de
res, Ri Son­gwon, déclarant ven­ l’économie même si un progressif pas précisée. haut niveau entre Pyongyang et termédiaire », destiné à sauver le leur côté aux autres membres du
dredi 12 juin : « L’espoir d’améliorer retour à la « normale » est notable Pour Kim Jong­un, le moment Washington. JCPOA. En échange d’un retour de Conseil de sécurité, pour les aler­
les relations avec les Etats­Unis à la frontière sino­nord­coréenne, peut sembler opportun de se faire Des considérations de politi­ l’Iran dans le cadre de l’accord, il ter sur ce tour de passe­passe juri­
s’est transformé en désespoir. » estime le chercheur Théo Clé­ entendre : chaos mondial de la que intérieure semblent enfin s’agirait de surmonter le blocage dique qui augure d’une bataille
La succession de phases de ten­ ment, dans NK News. sortie de la phase la plus dramati­ avoir joué dans cette montée au créé par les sanctions unilatérales rangée à New York. Les sanctions
sion et de détente dans la pénin­ Le régime de Pyongyang choi­ que de la pandémie ; vives ten­ créneau de Pyongyang : remobi­ américaines, en étendant notam­ américaines produisent « d’excel­
sule n’est certes pas nouvelle. sit un moment symbolique, sions internes aux Etats­Unis ; liser le pays – ce qui signifie ment un mécanisme appelé Ins­ lents résultats », a assuré, le 9 juin,
Avec, cette fois, une différence, autour du 20e anniversaire du confrontation entre Pékin et renforcer les contrôles sur une tex. Cette chambre de compensa­ l’envoyé spécial américain pour
dont les protagonistes, à com­ premier sommet intercoréen Washington avivée par la crise sa­ population qui souffre de pénu­ tion, qui a enfin réalisé sa pre­ l’Iran, Brian Hook, lors d’un entre­
mencer par les Etats­Unis et leurs (15 juin 2000), pour renouer avec nitaire, et dégradation accélérée ries aggravées par le confine­ mière opération fin mars, a été tien en ligne avec la Heritage
alliés, doivent tenir compte : la Ré­ la rhétorique de l’« ennemi sud­ de l’image de la première puis­ ment. Selon Tomas Ojea créée pour permettre aux entre­ Foundation. Selon lui, « la Russie
publique populaire démocrati­ coréen ». Il prend pour prétexte sance mondiale, qui non seule­ Quintana, rapporteur spécial sur prises européennes de maintenir et la Chine veulent vendre des ar­
que de Corée (RPDC) dispose dé­ une affaire, certes irritante pour ment peut difficilement préten­ la situation des droits de des échanges commerciaux avec mes à l’Iran, et l’embargo ne leur
sormais d’une force de dissuasion Pyongyang mais marginale dans dre à l’exemplarité mais méses­ l’homme en RPDC auprès des Na­ l’Iran. Les Iraniens disent appré­ convient pas ». Moscou et Pékin,
qu’elle n’avait pas, dans le passé. ses effets : les lâchers de ballons time ses alliés dans la région (Co­ tions unies, une augmentation cier l’effort diplomatique euro­ pour leur part, estiment que
Une puissance de feu reconnue porteurs de message dénonçant rée du Sud et Japon). Dernier du nombre des démunis dans les péen, mais le trouvent insuffi­ Washington a violé ses propres
par les Etats­Unis, dont le prési­ le régime par des réfugiés au Sud. facteur qui pousse Pyongyang à villes indique une détérioration sant. Ils aimeraient qu’Instex leur engagements en se retirant de
dent Donald Trump a rencontré à Au cours de ses entretiens avec agir : l’approche de l’élection pré­ de la situation des couches socia­ permette de vendre de nouveau l’accord sur le nucléaire.
trois reprises le dirigeant Kim Kim Jong­un, le président Moon sidentielle américaine. Que Do­ les les plus défavorisées. Autant leur pétrole. Un autre champ de confronta­
Jong­un. Aucun de ses prédéces­ Jae­in s’était engagé à faire cesser nald Trump soit réélu ou non, de facteurs géopolitiques et inté­ tion est animé, au sein de l’Agence
seurs en exercice n’avait été jus­ ces lancements. Ce qu’il n’a pas Pyongyang se sera invité dans la rieurs qui poussent Kim Jong­un « Pas de riposte infaillible » internationale de l’énergie atomi­
que­là : reconnaître de fait le diri­ fait. Le prétexte est mince, mais il campagne et aura confirmé ses à la surenchère.  Le 14 janvier, les pays de l’E3 ont dé­ que (AIEA). Un conseil des gou­
geant d’un « Etat voyou » comme s’inscrit dans une stratégie scan­ capacités de nuisance. philippe pons clenché le mécanisme de règle­ verneurs de l’agence examine
ment des différends prévu dans le cette semaine, les blocages cons­
JCPOA, en raison des violations tatés par ses inspecteurs déployés
successives par l’Iran de ses enga­ en Iran. L’AIEA s’offusque du fait
gements depuis le printemps que l’Iran ait empêché l’accès à

Etats­Unis­UE : pas de propositions concrètes 2019. Mais les Européens ne voient


pas ce mécanisme comme une
rupture, plutôt une façon de pré­
trois sites suspects pendant qua­
tre mois, sans répondre aux ques­
tions sur les activités conduites
server le dialogue. Les échanges sur place. Une possible résolution

à l’issue d’un « dialogue stratégique » avec les diplomates iraniens, per­


turbés par la crise sanitaire, se
poursuivent. Téhéran estime que
rappelant Téhéran à ses obliga­
tions est discutée au sein du con­
seil des gouverneurs. La difficulté
la proposition européenne pour­ est à la fois procédurale, en raison
Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a tenu une visioconférence avec ses homologues rait servir de base pour de futures du vote à distance, et politique, la
négociations, en cas de défaite de Russie n’étant guère désireuse de
Donald Trump à la présidentielle mettre l’Iran à l’index.
bruxelles­ bureau européen pays – le dossier israélo­palesti­ tat, le haut représentant a toute­ veau format pour des discussions de novembre. C’est cette éventua­ Ces sites sont liés à un pro­
nien, le voisinage oriental avec la fois botté en touche. La Chine ? de paix entre Israéliens et Palesti­ lité que les « faucons », à Washing­ gramme nucléaire militaire ira­

C onciliateur et arbitre des


divergences au sein de son
propre camp, Josep Borrell,
le haut représentant de l’Union
européenne (UE), aura fait ce qu’il
situation en Ukraine. En réalité,
« le seul message de Pompeo était :
unissons­nous et formons une coa­
lition contre Moscou et Pékin », ré­
sume un expert du dossier.
« Nous devrons régler conjointe­
ment de grandes questions, dont
la situation à Hongkong. » Une
proposition de futur « dialogue
spécifique » sur le dossier est donc
niens. « Il n’y avait rien à accepter,
ni à refuser, c’était une conversa­
tion, un échange de vues », répète
M. Borrell. Le secrétaire d’Etat ne
s’est pas engagé davantage quant
ton, veulent rendre impossible.
La stratégie américaine pour les
mois à venir se dessine en deux
temps. Washington veut poursui­
vre sa « pression maximale »,
nien abandonné dans les années
2000. Ils ne présentent pas de ris­
que immédiat en matière de pro­
lifération. Mais, en refusant que
les inspecteurs de l’AIEA y accè­
pouvait, lundi 15 juin, pour con­ Dans les chancelleries, le mes­ « sur la table ». Israël et la menace à d’éventuelles pressions que son comme l’a montré, le 27 mai, la fin dent, Téhéran ouvre la voie à un
vaincre qu’un débat de quelques sage délivré est plus enrobé. Pas d’annexions de territoires en Cis­ administration pourrait exercer annoncée des dérogations accor­ possible contentieux que l’admi­
heures entre les ministres euro­ question d’ajouter aux divergen­ jordanie ? M. Pompeo défend seu­ sur la Turquie, devenue un ac­ dées aux compagnies étrangères nistration Trump et ses alliés uti­
péens des affaires étrangères et le ces avec les Américains, mais plu­ lement l’approche de l’adminis­ teur­clé du conflit en Libye. In­ participant au programme nu­ lisent politiquement. Si elle est
secrétaire d’Etat américain, Mike tôt de les appeler, par exemple, à tration Trump, avec la nécessité quiets de la dégradation de la si­ cléaire civil iranien. Les Etats­ adoptée, la résolution préparée
Pompeo, avait produit un résultat. renouer la relation avec l’Organisa­ de concessions massives des Pa­ tuation dans ce pays, comme de la Unis envisagent de déposer une par les Européens à l’AIEA ne de­
S’il évoque « un dialogue stratégi­ tion mondiale de la santé, « parce lestiniens, dont l’abandon de Jé­ multiplication des activités de fo­ résolution au Conseil de sécurité vrait toutefois susciter que des
que » autour de la relation transat­ que la coopération multilatérale rusalem. Les Européens eux, sont rage turques au large de Chypre, de l’ONU afin de prolonger l’em­ réactions mesurées de la part de
lantique, « pilier de l’ordre mon­ est plus nécessaire que jamais ». divisés : le ministre hongrois, Pe­ les Européens prônent une déses­ bargo sur les armes convention­ Téhéran, selon un bon connais­
dial » une source ayant suivi cette M. Borrell n’a pas évoqué, toute­ ter Szijjarto, a indiqué que son calade, à laquelle Washington nelles, qui expirera en octobre. Se­ seur de la diplomatie iranienne,
discussion résumait la situation fois, le projet de sanctions améri­ pays mettrait son veto à toute dé­ pourrait, selon eux, contribuer. lon un diplomate à l’ONU, « la Rus­ qui affirme que le pays ne cédera
de la manière suivante : « Vous caines contre des membres de la cision « contraire aux intérêts d’Is­ L’étrange « dialogue stratégi­ sie et la Chine mettront leur veto à pas sur l’accès aux sites.
n’apprendrez rien, car il n’y a rien à Cour pénale internationale, que raël » tandis que le ministre que » de lundi doit désormais se coup sûr à une telle résolution ». La véritable bataille diplomati­
en apprendre »… « J’ai participé à Paris jugeait « consternant ». luxembourgeois, Jean Asselborn, poursuivre à l’OTAN où les minis­ Dès lors, les Etats­Unis compte­ que reste à livrer, c’est celle de l’em­
de nombreuses réunions impro­ tente toujours de fédérer les tres de la défense se réuniront raient demander la réintroduc­ bargo sur les armes et du snap­
ductives, mais à ce point­là… », sou­ « Echange de vues » Vingt­Sept sur un projet de recon­ (toujours par visioconférence) les tion automatique (« snapback ») back. « Téhéran ne va pas griller ses
pirait aussi un des participants à la « Le secrétaire d’Etat américain naissance de l’Etat palestinien. 17 et 18 juin. Cette fois, c’est avec le des sanctions de l’ONU contre cartouches avant l’échéance d’octo­
fin de cette visioconférence. s’est quand même prêté à un D’éventuelles sanctions contre Is­ secrétaire à la défense, Mark Esper, l’Iran en s’appuyant sur la résolu­ bre », indique une source ira­
Le menu de cet échange très at­ échange et je pense qu’il voit la vi­ raël en cas d’annexion sont un que débattront des Européens di­ tion 2231, qui avait suivi la signa­ nienne. Si les sanctions de l’ONU
tendu était copieux : les relations talité du lien transatlantique et la autre brûlot pour les Européens. visés entre ceux qui croient en­ ture du JCPOA. étaient rétablies par le coup de
conflictuelles avec la Chine, le pro­ nécessité de l’entretenir », souli­ Alors, l’UE répète à l’envi la né­ core à la réalité d’un engagement Bien que retirés de l’accord de­ force américain, l’Iran se sentirait
jet de désengagement militaire gnait une autre source diplomati­ cessité d’en revenir à son projet de américain sans faille des Etats­ puis mai 2018, les Etats­Unis sont libre de donner une impulsion iné­
américain en Allemagne – le prési­ que. Dans la bouche de M. Borrell, deux Etats afin d’assurer définiti­ Unis et ceux qui doutent de la vo­ toujours cités dans cette résolu­ dite à son programme nucléaire. 
dent Trump a confirmé plus tard ce lien est d’ailleurs « plus fort que vement la stabilité régionale. Et lonté de Washington de maintenir tion comme « participants ». Un tel carrie nooten,
vouloir réduire à 25 000 le nom­ jamais ». Interrogé sur les mani­ M. Pompeo ne dit rien quand l’Al­ leur « parapluie » protecteur.  développement fondé sur une ar­ allan kaval
bre de soldats stationnés dans ce festations concrètes de ce cons­ lemagne tente d’évoquer un nou­ jean­pierre stroobants gutie juridique condamnerait sans et piotr smolar (à paris)
Le Cercle des économistes

Les Rencontres Économiques Aix en Seine


Depuis la Maison de la Radio
3, 4 et 5 juillet 2020

AGIR FACE AUX


DÉRÈGLEMENTS
DU MONDE
ON VA S’EN SORTIR !

Le Cercle des économistes, association d’universitaires engagés, a voulu maintenir


ses Rencontres, qui ont lieu chaque année début juillet à Aix en Provence,
et qui seront accueillies cette année par la Maison de la Radio.

POURQUOI LES RENCONTRES ÉCONOMIQUES AIX EN SEINE ?

• Parce que le débat public est plus que jamais nécessaire, malgré les difficultés de l’exercice en raison de
la crise sanitaire,
• Parce que la France et l’Europe ont besoin de reconstruire un socle d’engagements conçus collectivement.
• Parce que les économistes doivent débattre avec d’autres voix des mondes académique, politique,
économique et social.
• Parce qu’un débat pluriel, ouvert au grand public, doit permettre de proposer des réponses aux trois
grands défis qui constitueront la trame de ces Rencontres : éviter une crise sociale, construire un grand
plan de relance débattu et partagé ; renouveler les relations européennes et internationales.
300 acteurs du monde académique, politique, économique et social et 14 associations de jeunes actifs et
étudiants ont répondu à l’appel, et interviendront durant ces journées.

Jean Hervé Lorenzi, Président du Cercle des économistes


Françoise Benhamou, Présidente du comité de programme

LANCEZ-VOUS!
PARTICIPEZ EN LIGNE À CE GRAND DÉBAT, AUX CÔTÉS DE :

• 34 Chefs de gouvernement, Ministres, responsables des institutions européennes, dont le Président


du Conseil Européen
• 100 universitaires, économistes intellectuels et chercheurs de 30 pays, représentants de Think thank
• 121 dirigeants d’entreprise et start up
• 22 femmes et hommes politiques de toutes sensibilités
• 13 responsables d’organisations syndicales et patronales européennes, dont les 5 responsables des
grandes centrales syndicales françaises et le Medef
• 14 associations de jeunes, actifs et étudiants, dont les dirigeants des deux principaux syndicats étudiants
• 10 responsables d’ONG

Au cours de ces 3 journées, les 14 associations de jeunes seront présents et présenteront leurs attentes.
La déclaration finale des Rencontres adressera les propositions issues de ces trois journées aux pouvoirs publics.

TOUS EN LIGNE ! sur lesrencontreseconomiques.fr

Postez dès maintenant vos questions et vos idées. Les 3, 4 et 5 juillet,


suivez les débats en live et interrogez les intervenants.

Avec le soutien de
SUIVEZ #AixEnSeine SUR
0123
6 | international MERCREDI 17 JUIN 2020

SANCTIONS  AMÉRICAINES  CONTRE  LE  RÉGIME  SYRIEN

La loi César,
pression
maximale
sur Assad
Les nouvelles sanctions
des Etats­Unis qui entrent en
application le 17 juin menacent
de placer le pays, ruiné par
la guerre, au bord de l’asphyxie
Portrait du président syrien Bachar Al­Assad, à Damas, le 10 juin. LOUAI BESHARA/AFP

beyrouth ­ correspondant gime baassiste. Selon un décompte du l’institution ». Plus classiquement, la loi ap­ hauts responsables et les pays, les individus
Monde, quatre cent dix personnalités syrien­ « SI LA LOI  pelle aussi à durcir les sanctions contre les et les institutions qui le soutiennent, prétend

S
ix mois après l’adoption de la loi nes – des dirigeants politiques, des responsa­ EST APPLIQUÉE  « responsables ou complices » d’atteintes aux son président, Anas Al­Abdeh. Elle ne cible
César par le Congrès américain, bles sécuritaires et des hommes d’affaires – droits de l’homme en Syrie et à soutenir la pas les civils, mais les protège plutôt, car l’ali­
ce nouvel arsenal de sanctions di­ et cent onze entreprises, banques et organes À LA LETTRE,  collecte de preuves de ces crimes. mentaire, l’humanitaire et le médical ne sont
rigées contre le pouvoir syrien, étatiques syriens ont été jusque­là placés sur Officiellement, il s’agit de « forcer le gouver­ pas concernés. »
d’une dureté et d’une ampleur la liste noire des Etats­Unis, en plus de sec­ CELA ÉQUIVAUDRA  nement de Bachar Al­Assad à cesser ses atta­ Les concepteurs du texte ont prévu effecti­
sans précédent, entre en applica­ teurs économiques entiers, comme le pé­ ques meurtrières contre le peuple syrien et à vement des exemptions pour tout ce qui a
tion. Les autorités américaines sont censées trole. Cette désignation entraîne un gel des
À L’IMPOSITION  soutenir une transition vers un gouverne­ trait à l’aide aux populations. Mais pour de
publier, mercredi 17 juin, une première liste avoirs, une impossibilité d’accès au système D’UN EMBARGO  ment qui respecte l’Etat de droit, les droits de nombreux spécialistes du conflit syrien, et
d’individus et d’entités tombant sous le coup bancaire international et une interdiction l’homme et la coexistence pacifique avec ses même quelques opposants qui osent rom­
de cette législation, qui s’apparente à la stra­ d’entrée sur le territoire américain. CONTRE LA SYRIE. ET,  voisins », une allusion à Israël. pre tout haut avec leur famille de pensée,
tégie de « pression maximale » édictée par « César a dédié sa vie à la recherche de la jus­ cette clause est loin d’être suffisante. Ils re­
Washington pour mettre à genoux la Répu­ « ATTAQUES MEURTRIÈRES »
COMME TOUJOURS,  tice pour ceux qui ont souffert sous le régime doutent que les formulations particulière­
blique islamique d’Iran. La particularité du Caesar Syria Civilian Pro­ C’EST L’HOMME  Assad. Cette nouvelle loi nous rapproche de ment vagues et extensives du texte n’abou­
Ce texte est baptisé en l’honneur d’un pho­ tection Act par rapport à ces précédents tex­ cet objectif », avait déclaré en décembre Mike tissent à placer la Syrie sous un blocus éco­
tographe de la police militaire syrienne, dési­ tes réside dans le fait qu’il ne vise pas seule­ DE LA RUE QUI SERA  Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, nomique de fait, dont les civils seront les
gné sous le nom de code « César », qui avait ment des Syriens. Toute personne ou entité, en référence au mystérieux photographe lé­ premières victimes.
fait défection en 2013, emportant avec lui un de quelque nationalité qu’elle soit, qui « ap­ LE PLUS AFFECTÉ » giste, qui a déposé à plusieurs reprises de­ « Il y a plusieurs tendances au sein de l’admi­
lot de 55 000 clichés. Des photos prises dans porte un soutien significatif au gouverne­ SINAN HATAHET vant le Congrès, de dos et soigneusement ca­ nistration américaine sur ce sujet, expose Si­
les geôles du régime syrien, montrant des ca­ ment syrien, financier, matériel ou technolo­ analyste proche de puchonné, pour ne pas être identifié. nan Hatahet, un analyste proche de l’opposi­
davres de prisonniers, la peau sur les os et le gique, ou qui conduit des transactions signifi­ l’opposition syrienne Les dirigeants de Damas ont réagi en dé­ tion syrienne. Certains, comme James Jeffrey
corps couvert de traces de supplices : la catives avec celui­ci » s’expose désormais à nonçant, sans surprise, une forme de « ter­ [le représentant spécial des Etats­Unis pour
preuve de la barbarie routinière du régime être pénalisée par le gouvernement améri­ rorisme économique ». Inversement, les as­ la Syrie] veulent faire plier Damas à tout prix,
syrien. Depuis leur publication certaines de cain, comme c’est le cas avec les entreprises sociations syro­américaines, qui ont fait d’autres sont moins radicaux. Si la loi est ap­
ces images ont parlé et des dizaines de fa­ étrangères commerçant avec l’Iran. pression sur les membres du Congrès, pen­ pliquée à la lettre, cela équivaudra à l’imposi­
milles syriennes y ont reconnu un père, un Cette menace de sanctions, dites secondai­ dant trois ans et demi, pour que ces sanc­ tion d’un embargo contre la Syrie. Et comme
fils ou une fille, disparus depuis des années. res ou extraterritoriales, s’applique notam­ tions soient votées, se réjouissent de leur toujours, c’est l’homme de la rue qui sera le
Cette nouvelle loi vient s’ajouter au volu­ ment aux secteurs du pétrole, de l’aéronauti­ entrée en vigueur, de même que la Coali­ plus affecté, car les affairistes propouvoir
mineux corpus de sanctions anti­Damas, que militaire, des finances et de la construc­ tion nationale syrienne, la formation politi­ trouveront toujours le moyen de se jouer de
inauguré en 1979, à l’époque de Hafez Al­As­ tion. La législation oblige l’administration que anti­Assad qui a les faveurs des capita­ ces mesures. »
sad, le père de l’actuel président, Bachar Al­ américaine à « déterminer si la banque cen­ les occidentales. Dans une telle situation, renchérit l’écono­
Assad, et musclé à partir de 2011, en réponse trale de Syrie se livre au blanchiment d’argent « La loi César cible exclusivement les inté­ miste syrien Samir Aita, « ce n’est pas le ré­
à la répression du soulèvement contre le ré­ et, dans l’affirmative, à infliger des sanctions à rêts du régime, ses agences de sécurité, ses gime qui s’effondrera, c’est la société. Regar­

Tenir et réprimer, les seules options d’un régime exsangue


Des manifestations ont lieu dans le sud de la Syrie, alors que Damas traque les critiques, y compris dans les milieux loyalistes

ANALYSE trôlée par des factions islamistes.


Bachar Al­Assad espérait sûre­
aborde l’après­guerre en éclopé
et en proscrit.
l’aider à se redresser. Cette législa­
tion devrait tout d’abord suspen­
leurs pays ; et la chasse aux hawa­
las, ces agents de change tradi­
ment laissé filtrer dans ses mé­
dias quelques signaux d’agace­
beyrouth ­ correspondant
ment célébrer ses vingt ans à la Ensuite, en interdisant la déli­ dre sa réintégration sur la scène tionnels, à laquelle se livrent les ment vis­à­vis d’Assad. « Nous

I l y a quelques jours, des habi­


tants de Souweïda, bastion
druze du sud de la Syrie, ont
conspué en pleine rue la mé­
moire de Hafez Al­Assad, le père
tête de la Syrie dans un meilleur
contexte. Non pas que ce regain
de mobilisation constitue une
menace pour son pouvoir.
Autant que l’on puisse en juger
vrance au gouvernement syrien
« de services dans le domaine de la
construction et de l’ingénierie », la
loi César a les moyens de donner
le coup de grâce aux velléités de
diplomatique proche­orientale.
Le processus avait débuté en dé­
cembre 2018, avec la réouverture
de l’ambassade émiratie en Syrie.
Cette mesure est du pain béni
autorités syriennes.
Pour faire oublier ses responsa­
bilités massives dans la crise –
comme par exemple sa politique
de bombardements aveugles qui
partageons la même vision straté­
gique et la même tactique », a
assuré Mme Chaaban, probable­
ment consciente que, sans l’aide
financière de Moscou et de l’Iran,
de l’actuel président Bachar Al­ sur les vidéos mises en ligne sur reconstruction du régime. Cette pour la propagande d’Etat, qui a anéanti la base productive du le gouvernement aura le plus
Assad, décédé il y a vingt ans. Internet, la participation à ces clause devrait achever de dissua­ décrit les nouvelles sanctions pays –, Bachar Al­Assad a offert à grand mal à « tenir ».
« Que ton âme soit maudite », ont manifestations demeure mo­ der les fortunes syriennes, par­ de la Maison Blanche comme l’opinion deux victimes expiatoi­ Ce leitmotiv cohabite avec un
chanté les frondeurs, le majeur deste : quelques centaines de per­ ties se mettre à l’abri dans le une machine de guerre écono­ res : son cousin Rami Makhlouf, autre mot d’ordre, plus discret : ré­
tendu, en direction d’un portrait sonnes tout au plus. « Pour que le Golfe, de rentrer au pays et d’y mique. Avec elle, affirment les oligarque honni, qui a été évincé primer. Les opposants sont bien
du fondateur du régime baasiste. régime tremble sur ses bases, il réinvestir leur argent. thuriféraires du régime, les de la direction de Syriatel, la pre­ sûr visés, mais aussi les partisans
Ce rassemblement sacrilège par­ faudrait que ça se passe à Damas La loi César, nouvel arsenal de Etats­Unis espèrent réussir ce mière société de téléphonie mo­ du régime. Fin mai par exemple,
ticipe des manifestations hostiles ou dans les autres grandes villes sanctions américaines, promet qu’ils ont raté sur le terrain mili­ bile du pays ; et le premier minis­ les responsables de deux pages
au pouvoir syrien, qui se dérou­ sous son contrôle, comme Hama, de priver le dictateur syrien des taire : faire main basse sur la Sy­ tre, Imad Khamis, en poste depuis Facebook très populaires dans les
lent depuis une dizaine de jours Homs et Alep », observe un diplo­ deux leviers qui auraient pu rie, cheville ouvrière de « l’axe de 2016, qui a été remplacé, jeudi milieux loyalistes ont été arrêtés
dans la cité druze. mate étranger. la résistance » à Israël. Mais ce 11 juin, par le ministre de l’eau, après la parution d’articles criti­
L’inoxydable slogan des révo­ Mais ces protestations témoi­ laïus ne convainc qu’en partie les Hussein Arnous. quant la mauvaise gestion des
lutions arabes de 2011, « Le peuple gnent d’un climat d’instabilité loyalistes. autorités. En avril, Ziad Zanboua,
veut la chute du régime », y reten­ latent. Sous les cendres de la SI LE DIRIGEANT SYRIEN  Beaucoup comprennent que Agacement de la Russie un professeur d’économie de
tit, mêlé à des dénonciations de répression, les braises de la révo­ l’effondrement de la livre n’a pas Au­delà, le régime n’a qu’un mot l’université de Damas, a été bruta­
la corruption et de la débâcle lution du 15 mars 2011 rou­
A GAGNÉ LA GUERRE,  tant à voir avec les pressions de à la bouche : « tenir ». « Nous lement limogé. Sa faute ? Une
économique en cours qui est geoient toujours. Le méconten­ – EXCEPTÉ À IDLIB –,  Washington qu’avec des facteurs n’avons pas d’autre choix que la simple conférence dans laquelle il
marquée par une dégringolade tement est avivé par la chute li­ régionaux ou locaux : la chute si­ patience et la ténacité, qui finiront s’émouvait que les trois quarts de
de la monnaie nationale. bre de la livre syrienne, passée à IL ABORDE  multanée de la monnaie au Li­ bientôt par payer », a déclaré dé­ la population syrienne vivent en
Cette grogne s’est propagée 2 300 pour un dollar, contre 1 000 ban, base arrière de l’économie but juin Boutheïna Chaaban, deçà du seuil de pauvreté, et dé­
dans la région de Deraa, une en début d’année. Si Assad a ga­ L’APRÈS­GUERRE  syrienne ; les confinements à tra­ conseillère du président Assad. nonçait le rôle néfaste des chefs
ex­zone rebelle, contiguë de gné la guerre, hormis à Idlib où il EN ÉCLOPÉ  vers le monde, qui ont empêché Une exhortation accompagnée de milice et des mercenaires
Souweïda, et également dans celle a dû suspendre ses efforts de re­ des dizaines de milliers de réfu­ d’un appel du pied à la Russie, la étrangers. 
d’Idlib, dans le nord­ouest, con­ conquête sous pression russe, il ET EN PROSCRIT giés d’envoyer des dollars dans béquille du régime, qui a récem­ b. ba
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 international | 7

dons l’exemple de l’Iran ou du Venezuela. Une


population qui a faim ne fait pas une révolu­
tion, elle ne peut pas produire quelque chose
d’organisé. Accroître la pression sur le pays,
c’est prendre le risque du chaos total. »
La Russie et l’Iran, les deux principaux al­
liés de Damas, qui leur a offert des pans en­
tiers de son économie, comme le secteur des
phosphates ou le port de Lattaquié, en
LE CONTEXTE Frappée par la crise financière au Liban
échange de leur soutien militaire et diplo­
matique, sont peu susceptibles d’être gênés
par la loi César. Ces deux pays, qui sont déjà
sous sanctions américaines, ont appris à les
LA LOI CÉSAR
La loi César, votée par les Etats-
voisin, l’économie du pays suffoque
contourner. L’un de leurs stratagèmes con­
siste à positionner sur les marchés syriens
Unis en décembre 2019, impose
des sanctions d’une dureté iné-
La livre syrienne a plongé début juin, passant le seuil de 3 000 pour 1 dollar
des entreprises fantômes, faux nez de grou­ dite à la Syrie. Elle tient son nom sur le marché noir, et les nouvelles sanctions pourraient aggraver la situation
pes plus importants, ou bien des firmes de d’un photographe militaire sy-
troisième rang, qui se moquent d’être mis à rien qui a fait sortir de son pays
l’index par Washington. des milliers de photos de déte-
nus, morts de faim ou de torture beyrouth ­ correspondance A Damas, la livre syrienne a plongé dé­ La relance n’a pas eu lieu : soutiens du
« D’UNE PIERRE DEUX COUPS » dans les geôles du régime Assad. but juin, pour franchir le seuil de 3 000 régime, la Russie et l’Iran se sont arrogés
Les Etats les plus embarrassés par la loi César
sont le Liban, les Emirats arabes unis (EAU) et
l’Egypte, qui entretiennent tous des rela­
tions économiques avec la Syrie. Le premier,
en pleine crise monétaire, est implicitement
Sa particularité réside dans le
fait qu’elle est dirigée non pas
contre des individus ou des enti-
tés syriennes, mais contre toute
personne ou entreprise, de quel-
J e suis dans le brouillard, incapable
d’entrevoir une issue. Tout va de mal
en pis : la flambée du dollar, le confi­
nement qui a ralenti l’activité… »,
souffle au téléphone un Syrien engagé
pour 1 dollar sur le marché noir. Le règle­
ment de comptes au sommet du régime,
entre Bachar Al­Assad et son cousin Rami
Makhlouf, pèse aussi sur la confiance. « La
chute vertigineuse de la livre a créé des scè­
des pans de l’économie syrienne, mais
n’ont pas de ressources pour la recons­
truction. Quant aux bailleurs de fonds
occidentaux ou du Golfe, ils refusent de
financer sans conditions un régime ac­
visé par l’escalade économique américaine. que nationalité qu’elles soient, dans l’action humanitaire à Alep. L’ap­ nes de panique à Damas. De nombreux cusé de crimes contre l’humanité. Ce
Washington se défie du gouvernement en qui apportent un soutien au pauvrissement sans fin de la population, magasins ont fermé. Je venais d’augmenter dernier n’a fait aucune concession. Le
place à Beyrouth du fait du soutien que lui gouvernement de Damas. l’inquiétude de perdre son travail, la fer­ mes employés, je les ai prévenus : je ne bras de fer reste entier.
apporte le Hezbollah, le mouvement chiite meture de la frontière avec le Liban à la pourrai pas suivre le dollar. La machine va L’essentiel des ressources en pétrole
pro­iranien, engagé militairement en Syrie, suite de l’épidémie de Covid­19… tout est trop vite », rapporte un entrepreneur de la reste sous le contrôle des forces kurdes
au côté des forces loyalistes. APRÈS­GUERRE source d’inquiétude. « Nos financements capitale qui, comme les autres Syriens soutenues par les Américains. Mais le
« Trump veut faire d’une pierre deux coups, Cette loi survient à un moment- passaient par le Liban, qui est la soupape dans le pays ou faisant la navette vers Bey­ pouvoir fait, ponctuellement, rentrer de
prévient un diplomate européen, qui fait la clé. Le pouvoir central a repris de la Syrie : si elle s’est grippée, on se re­ routh contactés par Le Monde, souhaite té­ l’argent dans les caisses, en présentant
navette entre le Liban et la Syrie. La loi César l’essentiel des territoires tenus trouve asphyxiés, rappelle­t­il. Depuis la moigner sous le couvert de l’anonymat. l’addition aux profiteurs de guerre deve­
va affecter deux pays qui sont déjà au bord du par la rébellion et l’après-guerre crise financière de l’automne dernier à « Le seuil est revenu autour de 2 300, mais nus encombrants.
précipice. » Abou Dhabi et Le Caire, qui sont se profile. Mais tout porte à pen- Beyrouth, c’est la dégringolade. » même à ce niveau, il est très difficile de cou­ En 2019, le secteur privé a de son côté
favorables à un retour de la Syrie au sein de la ser que cette nouvelle période Les économies des deux pays sont inti­ vrir les besoins du quotidien, vu les salaires été soumis à une hausse des taxes.
Ligue arabe et qui ont commencé à réinves­ ne sera pas synonyme de paix et mement liées, de longue date. L’activité et l’inflation, explique l’humanitaire « Aujourd’hui, on reçoit régulièrement
tir dans ce pays, en prévision de sa recons­ de stabilisation. Anéanti par les libanaise a lourdement pâti de la guerre d’Alep. Les envois de fonds des Syriens de des visites des services de sécurité, qui vé­
truction, risquent aussi de devoir faire mar­ bombardements du régime et en Syrie, son corridor régional. De son l’étranger sont aussi affectés. On ressent rifient s’il n’y a pas un impayé remontant
che arrière. « Le texte américain va suspendre de son allié russe, le pays est au côté, Beyrouth a été le « principal moteur beaucoup de désespoir, de lassitude : les à une quinzaine d’années, ironise l’entre­
le mouvement de normalisation des pays ara­ point mort. La population est du secteur privé syrien » durant les hosti­ gens survivent, mais la page de la guerre ne preneur de Damas. Ils viennent prélever
bes avec Damas », prédit la même source. mécontente. En menaçant de lités, souligne l’économiste Samir Aita. se tourne pas. Les Syriens sont devenus dé­ leur part. De même, le racket se poursuit
Les effets de la loi ont d’ailleurs commencé mettre la Syrie en quarantaine Jusqu’à l’automne 2019, une grande par­ pendants de l’aide : c’est une catastrophe aux barrages sur les cargaisons qui tra­
à se faire sentir. La peur du « gendarme » économique, la loi César risque tie des importations étaient réglées à sociale. » De récentes scènes de pénurie versent le pays. »
américain incite un nombre croissant d’opé­ d’exacerber cette crise et d’em- travers les comptes syriens dans les ban­ dans les pharmacies sont rapportées. « A la télévision, on nous rabâche que
rateurs économiques étrangers à prendre pêcher toute reconstruction. ques libanaises, et le marché local per­ notre situation est causée par les sanc­
leurs distances avec le marché syrien, quand mettait aux entrepreneurs de s’approvi­ « Vol institutionnalisé » tions occidentales. Mais personne n’est
bien même leur partenaire n’est pas « listé » sionner en dollars. Une situation gelée, à Dans un pays où plus de 80 % de la popu­ dupe : elles sont évidemment à blâmer,
par les Etats­Unis. La tendance à la surcon­ la suite du blocage des dépôts en devi­ lation vit depuis plusieurs années sous le mais la corruption, le vol institutionnalisé
formité (« over­compliance »), déjà observée ses, des limitations des importations et seuil de pauvreté, les privations n’ont et l’incapacité du gouvernement à stabili­
avec les précédentes mesures américaines de la pénurie de billets verts. rien de nouveau. « Mais elles s’aggravent. ser la situation sont aussi critiquables »,
ainsi que les sanctions européennes, est en « La crise libanaise n’est pas résorbable Chez nous, on n’achète plus de viande, ren­ note l’humanitaire d’Alep.
train de s’intensifier, notamment dans le à court terme, et les pressions politiques chérit un jeune d’Alep. On voit des person­ De chaque côté de la frontière, au Liban
secteur financier. s’accentuent sur le Liban et la Syrie : on va nes faire les poubelles pour trouver de la ou en Syrie, l’entrée en vigueur de la loi
« Les banques du Golfe, les rares qui nous ac­ vers l’inconnu pour ces deux pays, vers un nourriture. » C’est aussi une Syrie tou­ César, mercredi 17 juin, suscite inquié­
cueillaient encore, sont sous la pression des effondrement des sociétés », s’inquiète jours plus à deux vitesses qui se met en tude et attentisme. Toute personne, en­
banques occidentales, avec lesquelles elles Samir Aita. En Syrie, l’économie a été place : « A Damas, de petits mendiants treprise ou Etat apportant un soutien au
collaborent, pour abandonner leurs clients sy­ durement affectée par la guerre : les prennent d’assaut les voitures. Et de l’autre régime est menacé de sanctions améri­
riens, témoigne un entrepreneur de Latta­ infrastructures ont été bombardées par côté, les restaurants fonctionnent, tout caines. « L’impact sur le Liban va peser
quié, actif dans l’agroalimentaire. Un de mes les forces prorégime, les usines pillées comme les hôtels de luxe : c’est le lieu de sur la situation syrienne. Les nouvelles
fournisseurs japonais m’a annoncé au début par les rebelles ou les miliciens loyalis­ rassemblement des parvenus de la guerre sanctions risquent de créer encore plus de
de l’année qu’il préférait arrêter de commer­ tes, et l’exploitation des ressources com­ qui, auparavant, se rendaient au Liban », difficultés pour travailler », explique un
cer avec moi, de crainte de se retrouver sous pliquée par la fragmentation du terri­ détaille l’homme d’affaires de Damas. autre homme d’affaires syrien.
sanctions. On pensait qu’on avait vu le pire toire. Dans ce paysage de décombres res­ Autour de 2017­2018, l’espoir était Comme d’autres, il ne croit pas à un ef­
après ces neuf années de guerre. Mais non, la tent l’agriculture – même si la produc­ grand dans les régions sous contrôle fondrement du régime, pas dans l’im­
situation empire encore. » tion a chuté – et la survie de certains loyaliste que l’activité reprenne, au fur et médiat en tout cas. « Le risque est que la
L’inquiétude est d’autant plus grande que industriels. à mesure que les combats diminuaient. Syrie revienne à ce qu’elle était dans les
la loi américaine a une durée de vie d’au L’impact de la crise financière à Bey­ « Mais c’est tout le contraire qui s’est pro­ années 1980 [sous Hafez Al­Assad] : un
moins cinq ans. En théorie, le président routh se mesure dans la chute de la livre duit, note la même source. La reprise des pays fermé, isolé, s’appuyant sur sa pro­
Trump peut suspendre ses dispositions, si le syrienne depuis l’hiver : « De façon excep­ zones rebelles s’est accompagnée d’un as­ duction agricole, et sur des produits de
pouvoir syrien satisfait à une liste de sept cri­ tionnelle pour un pays en guerre, l’Etat sèchement des dollars : les fonds envoyés piètre qualité sur le marché. Les services
tères. Mais certaines de ces exigences sont était parvenu à maintenir le taux de par les parrains des insurgés étaient réin­ de sécurité vont encore plus réprimer, et
tellement irréalistes, comme la mise en pro­ change relativement stable entre mi­2016 jectés sur le marché local, ils ont disparu. » la contrebande va permettre aux caci­
cès des responsables de crimes de guerre – ce et mi­2019. On voit une même tendance Selon divers interlocuteurs, des devises ques du régime de poursuivre leurs affai­
qui supposerait que le régime se juge lui­ dans le décrochage des monnaies liba­ parviennent par la contrebande depuis le res. Mais on va vers une mort lente du sec­
même –, qu’il est vain d’imaginer que la loi naise et syrienne, car les deux pays s’ali­ territoire insurgé d’Idlib, ou le Nord­Est teur privé. Et pour la population, vers en­
César puisse être révoquée avant 2025.  mentaient en dollars essentiellement sur syrien, dominé par les forces kurdes, core plus de privations. » 
benjamin barthe le même marché », souligne M. Aita. mais en moindre quantité. laure stephan

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MERCREDI 17 JUIN 2020

Glyphosate : la déontologie de l’Anses en question


Un collectif alerte sur les conditions d’attribution d’une étude­clé sur le potentiel cancérogène du pesticide

ENQUÊTE Conflits d’intérêts

E
n plein confinement, le et favoritisme
communiqué était passé
inaperçu : fin avril,
« minent
l’Agence nationale de sé­ la réponse
curité sanitaire de l’alimentation,
de l’environnement et du travail
scientifique
(Anses) dévoilait la composition attendue
du consortium de sept laboratoi­
res ayant remporté son appel
par les autorités »
d’offres pour mener une ambi­
tieuse étude sur le potentiel can­
cérogène du glyphosate. Et, peut­ députée des Deux­Sèvres, ce
être, trancher enfin la polémique. mode opératoire contrevient au
Six semaines plus tard, de vives code de déontologie de l’agence.
protestations se font jour. La dé­ « Cela paraît contraire au code de
putée Delphine Batho a interpellé déontologie de l’Anses mais on
le gouvernement, mardi 9 juin, peut également se référer à des
sur les conditions de sélection du avis rendus, notamment en 2014,
consortium, mettant en cause la par le Comité de déontologie et de
déontologie et l’indépendance de prévention des conflits d’intérêts
la procédure. Or le destin de l’her­ [CDPCI] de l’agence, confirme la
bicide controversé s’y joue peut­ juriste Marie­Angèle Hermitte, di­
être : une fois achevée, l’étude en rectrice de recherche au CNRS et
question devrait peser dans sa membre du CDPCI, interrogée par
réévaluation européenne, qui Le Monde. Nous avions précisé
doit aboutir en 2022. qu’un chercheur ne devrait évi­
La députée des Deux­Sèvres demment pas participer à la ré­
n’est pas seule à protester. Un col­ daction d’un appel d’offres et y
lectif de lanceurs d’alerte a candidater. Cela peut faire naître
adressé au Monde un document le soupçon que le cahier des char­
technique accablant d’une di­ ges a été constitué de manière à fa­
zaine de pages. Ces scientifiques, voriser sa propre candidature. »
que Le Monde a pu identifier Mme Hermitte précise s’exprimer
mais qui ont requis l’anonymat, à titre personnel, le CDPCI de l’An­ Manifestation contre des pesticides de synthèse devant les locaux de l’Anses, à Lyon (Rhône), le 8 février. NICOLAS LIPONNE
mettent sévèrement en cause le ses étant inactif.
projet retenu : conflits d’intérêts M. Nesslany dit comprendre ces
et favoritisme « minent la ré­ questionnements. « On peut s’in­ Courante dans le monde indus­ quement très intéressant et qui
ponse scientifique attendue par terroger, c’est normal, répond­il. triel, elle est trop coûteuse pour la
Seul le principe pourrait donner un cadre d’étude LE CONTEXTE
les autorités », affirment­ils. Les Mais il y a eu un appel d’offres in­ plupart des laboratoires de re­ actif pur sera pour d’autres produits » contro­
intéressés précisent être con­ ternational, et je sais que notre cherche publics. Or celui de versés. « Il ne faut pas tout mélan­
traints à une démarche d’alerte consortium est le seul qui ait pro­ M. Nesslany est le « seul labora­
étudié, et non les ger, explique­t­il. Dans le cas pré­
publique anonyme, afin, disent­ posé de répondre à chacun des toire public homologué en France produits contenant sent, on ne cherche à connaître GLYPHOSATE
ils, de ne pas être exposés à « des points du cahier des charges. » De à cet effet », écrivent les lanceurs que les propriétés du glyphosate : il « Cancérogène probable »
pressions, des effets négatifs sur son côté, l’Anses fait valoir que le d’alerte. Quant aux autres tests
également d’autres faut découper le travail et étudier En mars 2015, le glyphosate est
leurs carrières, des représailles ». cahier des charges a été rédigé en exigés, ils ne sont pas soumis à la substances qui en les co­formulants séparément. » classé « cancérogène probable »
Par ailleurs, le comité de déonto­ anglais et « poussé à l’internatio­ même certification. Le cahier des charges a été exa­ par le Centre international de
logie et de prévention des con­ nal » pour susciter un grand nom­ La génotoxicité étant un aspect
renforcent l’action miné et validé le 19 février 2019, recherche sur le cancer (CIRC).
flits d’intérêts (CDPCI) de l’Anses bre de candidatures de différents critique de la controverse autour au cours d’une réunion du comité Les agences sanitaires euro-
n’étant plus opérationnel depuis laboratoires, bien que peu de can­ du glyphosate, répond Fabrice d’experts ad hoc de l’Anses. Mais, péennes parviennent à une con-
janvier, après la démission de didatures se soient manifestées, Nesslany, « la certification BPL Or ce test, assurent les lanceurs souligne Mme Batho, M. Nesslany clusion inverse et n’identifient
plusieurs de ses membres, il ne selon l’agence. était nécessaire pour avoir une va­ d’alerte, « n’a été validé qu’à forte est aussi membre de cette autre pas à l’herbicide de potentiel
peut être saisi. leur réglementaire ». « Pour les dose, avec un hydrocarbure cancé­ instance. M. Nesslany dit y avoir cancérogène. En conséquence,
« Le consortium retenu pour Scientifiquement contestable autres tests, on se situe dans une rogène puissant, et n’est probable­ siégé ce jour­là, « pour présenter le le glyphosate est réautorisé
mener ces études, coordonné par Le conflit d’intérêts va en réalité démarche de science fondamen­ ment pas sensible pour un pesti­ cahier des charges à mes pairs, en 2017, pour cinq ans.
l’IPL [Institut Pasteur de Lille], au­delà du seul cas soulevé par tale, pour tenter de documenter les cide à faible dose ». pour discussions scientifiques ». Le
explique Mme Batho dans sa Mme Batho. Outre M. Nesslany, mécanismes d’action du glypho­ D’autres lacunes sont dénon­ procès­verbal de la réunion Voie de sortie
question au gouvernement, est deux autres des cinq experts sate », ajoute le chercheur de l’IPL. cées. « Aucune lignée cellulaire — transmis au Monde par l’Anses, En 2018, Emmanuel Macron
dirigé notamment par le prési­ ayant rédigé le fameux cahier Les exigences de protocoles, de proposée dans le cahier des char­ mais non encore publié sur son s’était engagé à ce que la France
dent du groupe d’expertise collec­ des charges ont vu leur labora­ lignées cellulaires (le type de cel­ ges ne permet d’étudier les lym­ site —, indique que le chercheur sorte unilatéralement du gly-
tive d’urgence [GECU] de l’Anses toire remporter la compétition lules utilisées dans les expérien­ phomes et cancers du sang mis en ne s’est pas déporté : il a participé phosate en trois ans. L’année
qui [en] a établi le cahier des char­ pour mener les travaux. « La res­ ces), des tests à conduire et jus­ évidence dans les études épidémio­ à valider le cahier des charges suivante, il revenait sur cet enga-
ges ». En d’autres termes, les mo­ triction des expériences requises qu’aux méthodes d’analyse des logiques [sur les agriculteurs] » en qu’il avait co­rédigé. Selon gement. Entre 2009 et 2018, les
dalités techniques de l’appel d’of­ par le cahier des charges, écrivent cassures de l’ADN : certaines de­ lien avec le glyphosate, ajoute le l’agence, cette situation ne pose ventes de glyphosate sont pas-
fres ont été déterminées par un les lanceurs d’alerte dans le do­ mandes du cahier des charges fa­ collectif dans son document. Par pas problème puisque « la délibé­ sée de 6 292 tonnes à 9 723 ton-
panel d’experts dont le patron, cument confidentiel transmis au vorisent, selon les lanceurs ailleurs, ajoutent les lanceurs ration était collective et que le tra­ nes, selon le Commissariat géné-
Fabrice Nesslany (IPL), a finale­ Monde, a clairement avantagé le d’alerte, des laboratoires précis. d’alerte, « le cahier des charges ne vail évalué l’était également ». ral au développement durable.
ment remporté l’appel d’offres. consortium lauréat, dont trois Des choix, selon eux, non justi­ stipule pas de tester des formula­
Au total, environ 1,2 million équipes étaient rédactrices [du ca­ fiés et scientifiquement contesta­ tions de glyphosate ». Seul le prin­ Procédure critiquée Réhomologation
d’euros de financement ont été hier des charges]. » bles. Par exemple, le test dit cipe actif pur sera en effet étudié, D’autres détails de la procédure Aux côtés de trois autres Etats
accordés par l’Anses au consor­ Pour les lanceurs d’alerte, le ca­ de « transformation cellulaire » et non les produits vendus dans le mise en œuvre sont critiqués par membres de l’Union euro-
tium copiloté par M. Nesslany — hier des charges est aussi scienti­ exigé par le cahier des charges a commerce contenant également les lanceurs d’alerte : l’Anses n’a péenne, la Hongrie, les Pays-Bas
une petite part de cette enve­ fiquement contestable. Le test de été développé par le laboratoire d’autres substances (appelées réuni qu’un groupe d’expertise et la Suède, la France est
loppe devant être attribuée, hors génotoxicité (toxicité pour l’ADN) de l’une des rédactrices de l’appel « co­formulants » ou « adju­ collective d’urgence (GECU) de chargée de réévaluer le
consortium, à un laboratoire du in vivo doit par exemple répondre d’offres, et favoriserait ainsi son vants ») qui en renforcent l’action. cinq experts, plutôt qu’un groupe glyphosate pour sa prochaine
Centre international de recher­ à une certification dite « Bonnes institution dans la compétition M. Nesslany défend pour sa part de travail, pour établir le cahier réhomologation, prévue pour
che sur le cancer (CIRC). Selon la pratiques de laboratoire » (BPL). pour remporter l’appel d’offres. un projet « très complet, scientifi­ des charges de l’étude à mener. 2022. Le rapport préliminaire
La différence est notable. « Les des quatre Etats rapporteurs
groupes de travail de l’Anses sont sera utilisé par l’Autorité euro-
Le comité d’éthique en déshérence depuis six mois constitués en général, après appel
à candidatures, d’une dizaine à
péenne de sécurité des aliments
(EFSA) pour décider de la
une vingtaine d’experts, écrivent­ réautorisation de l’herbicide.
l’information est demeurée secrète gereux pour les abeilles ; invalidation Coz. Certains d’entre nous pensaient que ils. Ce format aurait été le plus
pendant près de six mois et n’est toujours de l’autorisation du Roundup 360 par nous devions recevoir M. Nicolino, d’autres adapté pour garantir la compé­
pas officielle : depuis janvier, l’Agence na­ un tribunal administratif ou encore pensaient que ce n’était pas notre rôle et tence, l’indépendance et le carac­
tionale de sécurité sanitaire de l’alimenta­ alerte de biologistes sur les fongicides qu’il fallait s’en tenir à nos statuts. » tère contradictoire du groupe qualification qui suffit, en Eu­
tion, de l’environnement et du travail (An­ « SDHI » (pour « inhibiteurs de la succi­ Statutairement, le CDPCI de l’Anses ne chargé de rédiger le cahier des rope, à exclure du marché un pes­
ses) n’a plus de vigie déontologique. Le pré­ nate déshydrogénase »)… A plusieurs re­ peut en effet être saisi que par la direction charges de l’appel d’offres glypho­ ticide. Or M. Nesslany « est l’un
sident du Comité de déontologie et de pré­ prises, l’agence a été publiquement mise ou des membres de l’agence. « L’Anses a la sate. » Au contraire, les experts des auteurs du rapport d’expertise
vention des conflits d’intérêts (CDPCI), le en cause par des associations ou des cher­ possibilité de se réapproprier les saisines siégeant dans des GECU sont collective ayant fondé l’avis de l’An­
philosophe Pierre Le Coz, ainsi que deux cheurs, voire désavouée par la justice. extérieures, de les reprendre pour les ren­ nommés par le directeur général ses sur le glyphosate », note Del­
autres membres, n’ont pas été remplacés dre conformes, ajoute M. Le Coz. Il est de l’Anses, lorsqu’un avis est de­ phine Batho dans sa question au
après leur démission en janvier. Faute de Vive dispute ainsi arrivé à l’ancienne direction de nous mandé en urgence. Or, notent les gouvernement.
quorum, le CDPCI ne peut plus se réunir et La controverse sur les fongicides SDHI, en saisir des questions soulevées par des lanceurs d’alerte, le fameux ca­ Pour Mme Batho, c’est une autre
a interrompu ses activités. Interrogée, l’An­ particulier, a pris un tour très inflamma­ associations critiques envers le travail des hier des charges a été rendu dans entorse au code de déontologie
ses assure que « des nominations sont at­ toire. Saisie au printemps 2018 par un experts. La critique a du bon. Il est par­ une urgence toute relative… seize de l’Anses. Celui­ci, écrit­elle, in­
tendues » et que la remise en selle du co­ groupe de chercheurs académiques, l’An­ fois utile de donner un petit coup de pied mois après la saisine du gouver­ dique que « des prises de posi­
mité se fera rapidement. ses a été accusée d’avoir négligé dans la fourmilière. » nement, en mars 2018. tions antérieures » d’un expert
Sa désintégration est liée aux turbulen­ l’alerte au profit des intérêts industriels « La nouvelle direction de l’agence a eu Ce n’est pas tout. Le 9 février peuvent suffire à établir « le ris­
ces que l’agence a traversées ces derniers − notamment dans le livre­enquête du plus de pression en héritant des autorisa­ 2016, en pleine controverse que d’un manquement à l’impar­
mois. Pionnière sur certains sujets − elle a journaliste Fabrice Nicolino, président de tions de mise sur le marché des produits autour de la réautorisation de tialité ». Depuis cinq ans, tous
été la première grande agence sanitaire à l’association Nous voulons des coqueli­ phytosanitaires, explique le philosophe. l’herbicide au niveau européen, les travaux des agences régle­
se positionner sur la question des pertur­ cots (Le Crime est presque parfait, Les Liens Au comité de déontologie, cette perte de l’Anses avait rendu un avis plutôt mentaires sur le célèbre herbi­
bateurs endocriniens −, l’Anses n’en a pas qui libèrent, 2019). sérénité s’est ressentie. Les tensions deve­ favorable au glyphosate, en ligne cide ont été l’objet de critiques.
moins été prise dans de vives contro­ A l’automne 2019, l’agence est entrée naient ingérables : je ne voyais pas com­ avec les autres agences sanitaires Ceux de l’Anses ne devraient pas
verses sur des questions de pesticides. dans une très vive dispute avec ce mouve­ ment faire autrement que de démissionner mais en désaccord avec le CIRC, déroger à la règle. 
Polémique autour du chlordécone aux ment. « Des tensions sont apparues au sein avant la fin de mon mandat. »  pour qui cette substance est un stéphane foucart
Antilles ; bataille sur le sulfoxaflor, dan­ du comité de déontologie, raconte Pierre Le s. fo. et s. ho. « cancérogène probable » — une et stéphane horel
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0123
10 | MERCREDI 17 JUIN 2020

L
a France s’apprête à fran­
chir un nouveau pas
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de lutte contre le terro­
risme. Il s’agira de pouvoir ordon­
ner des « mesures de sûreté »,
comme le placement sous
surveillance électronique mobile,
à l’égard de personnes ayant
purgé une peine pour une infrac­
tion à caractère terroriste. Ces
entraves à la liberté pourront
rester en vigueur jusque vingt ans
après leur sortie de prison.
La proposition de loi, dont les
députés commencent l’examen
mercredi 17 juin en commission
des lois de l’Assemblée nationale
avant d’en débattre dans l’Hémi­
cycle le 22 juin, va susciter des
débats houleux parmi les juristes
et les défenseurs des libertés.
Alors que la peur du terrorisme
générée par la vague d’attentats
depuis 2015 reste forte, les
premiers signataires de cette
proposition de loi, Yaël Braun­Pi­
vet, présidente (La République en
marche, LRM) de la commission
des lois, Raphaël Gauvain (LRM)
et Gille Le Gendre, président du
groupe LRM, majoritaire à l’As­
semblée, se justifient ainsi dans
l’exposé des motifs : « L’introduc­
tion dans notre droit d’un régime
ad hoc de sûreté » est « nécessaire
pour répondre à une inquiétude
légitime des Français ».
L’enjeu concerne les quelque
500 personnes détenues, préve­
nues ou condamnées dans une
affaire de terrorisme islamiste.

Terrorisme : la majorité souhaite 
Que ce soit pour un délit connexe
puni de quelques années de
prison, une velléité de départ en
Syrie, la participation à des
combats dans les rangs de l’Etat

développer la justice préventive
islamique ou un projet d’attentat
en France, toutes ces personnes
entrent dans cette catégorie
baptisée, dans le jargon pénitenti­
aire, « TIS », pour terrorisme isla­
miste. Or, 43 détenus TIS
devraient sortir de prison cette
année à l’issue de leur peine, une L’Assemblée nationale examine à partir du 17 juin
soixantaine en 2021 et 46 en 2022.
Des chiffres régulièrement bran­ une proposition de loi qui permettra de placer moyen de prévenir la commission
de ces infractions ». Pour ce faire, la
judiciaire. Une peine complé­
mentaire d’ailleurs de plus en
dis devant l’opinion par ceux qui
y voient le signe d’un laxisme de des personnes sortant de prison sous bracelet justice va devoir évaluer la dange­
rosité d’un détenu et le risque de
plus souvent prononcée en
matière de terrorisme pour assu­
l’Etat face à la menace terroriste.
électronique pendant vingt ans. Un texte qui récidive. Tous les détenus TIS fe­
ront donc, à l’approche de leur fin
rer un suivi après la prison.
« Un tel dispositif de mesures de
Un dispositif jugé insuffisant
Des dispositifs, pourtant, existent. heurte les défenseurs des libertés publiques de peine, un séjour de six semai­
nes dans un service chargé de réa­
sûreté basé sur l’évaluation de la
dangerosité peut conduire à beau­
Depuis la réforme du renseigne­ liser « une évaluation pluridiscipli­ coup d’abus. Quel magistrat va
ment pénitentiaire et son intégra­ naire de dangerosité ». Puis la com­ prendre le risque d’affirmer pour
tion dans le second cercle du ren­ mission pluridisciplinaire des me­ un condamné terroriste qu’il n’y a
seignement, le suivi des sortants grammes pour les détenus les jectif est de créer de nouveaux sures de sûreté devra formuler pas de risque de récidive dans la
de prison est assuré de façon moins engagés dans la violence, outils pour « prévenir les risques
« On crée « un avis motivé sur la particulière durée ? », s’inquiète un magistrat
fluide. L’administration pénitenti­ placés en détention ordinaire. de passage à l’acte ». un système dangerosité du condamné ». de la Cour de cassation, qui
aire transmet aux services du mi­ Plus récemment, une prise en Ainsi, à l’issue d’une peine défi­ Le dispositif s’inspire de celui demande à ne pas être cité. Sans
nistère de l’intérieur les informa­ charge en milieu ouvert, bapti­ nitivement purgée, si une per­
juridique créé en 2008 sous Nicolas Sarkozy compter que le régime de sûreté
tions permettant de qualifier le be­ sée « Programme d’accueil indi­ sonne présente « une particulière terrifiant qui par la loi instaurant la rétention est particulièrement sévère et
soin de surveillance d’un individu vidualisé de réaffiliation so­ dangerosité caractérisée par un ris­ de sûreté et la surveillance de peut s’apparenter à une peine. Or,
six mois avant sa levée d’écrou. ciale », a été mise sur pied à Mar­ que élevé de commettre » une in­
n’existe même sûreté. Une loi contestée. Certains infliger une peine sans qu’il y ait
De plus, la loi de sécurité inté­ seille, Paris, Lille et Lyon pour des fraction terroriste, le tribunal d’ap­ pas pour les dénoncent une peine après la commission d’une infraction est
rieure d’octobre 2017 de sortie de personnes sous contrôle judi­ plication des peines pourra ordon­ peine, contraire au principe de la contraire à tous les principes
l’état d’urgence a introduit les ciaire, faisant l’objet d’une peine ner sur réquisition du procureur
tueurs en série » justice pénale selon lequel une constitutionnels. « Un bracelet
mesures individuelles de de sursis avec mise à l’épreuve ou des mesures coercitives comme ALAIN BLANC fois la peine exécutée, la dette à électronique pendant dix ans, si ce
contrôle administratif et de sortant de prison. l’obligation d’habiter une com­ vice-président de l’égard de la société est payée. Le n’est pas une peine, je ne sais pas
surveillance, comme le pointage L’ensemble de ces dispositifs est mune, l’interdiction de paraître l’Association française dispositif de 2008 concerne les ce que c’est », observe ce même
ou l’assignation à ne pas quitter donc jugé aujourd’hui insuffi­ dans certains lieux et de rencon­ de criminologie délinquants sexuels atteints de haut magistrat.
un périmètre. Entre le 1er no­ sant. Certaines personnes déte­ trer certaines personnes, l’obliga­ pathologies mentales. La dange­ Pour Jean­Marie Delarue,
vembre 2017 et le 27 mars 2020, nues pour des faits de terrorisme tion d’obtenir l’autorisation préa­ rosité du sortant de prison doit ex­contrôleur général des lieux de
258 personnes ont fait l’objet « peuvent présenter à leur sortie de lable d’un juge pour changer d’em­ ordonnées pour un an pourront effectivement être médicalement privation de liberté, c’est toute la
d’une telle mesure de police ad­ détention de sérieux risques de ploi et de pointer jusqu’à trois fois être renouvelées annuellement constatée, avec des troubles de la philosophie du dispositif qui pose
ministrative, selon les chiffres du réitération ou de passage à l’acte. par semaine dans un service de par le tribunal d’application des personnalité. problème. « Est­ce à la justice d’as­
ministère de l’intérieur. Elles seront suivies, certes, mais police ou de gendarmerie. peines dans la limite de dix ans, surer la surveillance d’un homme
De son côté, l’administration l’état de notre droit ne garantit pas voire vingt ans pour les personnes Une peine sans infraction libre ? », interroge­t­il. Il voit dans
pénitentiaire a entrepris un qu’elles puissent l’être de manière Evaluer la dangerosité qui ont été condamnées pour une Déjà critique sur la loi de 2008, cette proposition de loi « le double
énorme travail de prise en charge adaptée à leur dangerosité poten­ Il pourra également s’agir d’un infraction punie de dix ans d’em­ Alain Blanc, président pendant échec du travail sur la radicalisa­
de la radicalisation violente en tielle », lit­on dans l’exposé des placement sous surveillance élec­ prisonnement ou plus. cinq ans d’une commission pluri­ tion mené en détention et de la sur­
détention en créant les quartiers motifs de la proposition de loi tronique mobile, un bracelet Tous les TIS n’auront pas voca­ disciplinaire des mesures de sû­ veillance à l’extérieur, confiée aux
d’évaluation de la radicalisation, soutenue par le gouvernement et muni d’un GPS qui permet de don­ tion à faire l’objet de ces mesures, reté, aujourd’hui vice­président services de renseignement ». Lui
les quartiers de prise en charge dont la rapporteuse est ner l’alerte si la personne quitte un qui ne pourront être ordonnées de l’Association française de aussi se méfie de l’extrême
de la radicalisation, et des pro­ Mme Braun­Pivet elle­même. L’ob­ périmètre défini. Ces mesures que si elles « constituent l’unique criminologie, dénonce cette fois subjectivité que revêt la notion de
un texte dangereux. « Le terro­ dangerosité. « Ce tri entre les dan­
risme n’est pas une pathologie, gereux et les pas dangereux risque
Un fichier permet déjà un contrôle des condamnés pour terrorisme contrairement à une certaine dé­
linquance sexuelle. La plupart de
fort d’être inefficace et surtout
entaché d’arbitraire », estime­t­il.
ces TIS n’ont tué personne et on Un rapport publié le 10 juin par
il s’appelle le fijait : le fichier des deux hommes, pourtant largement Concrètement, les personnes inscrites au crée un système juridique terri­ Adeline Hazan, l’actuelle contrô­
auteurs d’infractions terroristes. Alors que connus des services de renseignement et Fijait doivent se présenter tous les trois fiant qui n’existe même pas pour leuse générale des lieux de priva­
l’Assemblée nationale doit examiner, à de police judiciaire. mois au commissariat ou à la gendarmerie les tueurs en série », affirme­t­il. tion de liberté, critique d’ailleurs
partir du 17 juin, une proposition de loi Elaboré sur le modèle du fichier des la plus proche de leur domicile pour confir­ Toute la difficulté du dispositif sévèrement la prise en charge de
visant à durcir le suivi des sortants de pri­ auteurs d’infractions sexuelles ou violentes mer leur adresse. Tout déplacement à repose sur la capacité à évaluer la la radicalisation en détention sur
son condamnés pour terrorisme, ce fichier (Fijais), le Fijait centralise en une seule base l’étranger doit être signalé au moins quinze dangerosité d’une personne. C’est la base de critères « opaques ».
de renseignement permet déjà d’organiser de données le nom, la filiation, et surtout jours avant le départ. Les inscrits au Fijait pourquoi la suppression de la En dépit de ces critiques,
une certaine surveillance. l’adresse actualisée de toutes les personnes peuvent en outre se voir interdire certains rétention de sûreté et de la Mme Braun­Pivet écrit que ces
Le Fijait existe depuis juillet 2015. C’est condamnées – ou mises en examen dans emplois, car le fichier peut être consulté surveillance de sûreté était préco­ nouvelles possibilités de suivi des
l’une des dispositions de la loi renseigne­ certains cas – dans des affaires de terro­ s’ils candidatent à des postes considérés nisée dès 2015 par la commission personnes une fois leur peine pri­
ment adoptée dans la foulée des attentats risme. Le Fijait concerne aussi tous les indi­ comme sensibles. Les données sont conser­ sur la refonte du droit des peines, son exécutée sont « aujourd’hui
de janvier 2015. Sa création vient de l’expé­ vidus n’ayant pas respecté une interdiction vées vingt ans pour les condamnés pour présidée par le juge Bruno Cotte. indispensables pour assurer dans
rience amère des services enquêteurs lors de sortie du territoire (IST). Il est toutefois terrorisme (cinq ans pour violation d’une La principale raison avancée par de bonnes conditions la sécurité
de la traque des frères Kouachi, auteurs de différent du fichier des signalements pour IST). En cas de non­respect du pointage, cette commission était « l’incapa­ des Français ». Le Conseil d’Etat
l’attaque contre Charlie Hebdo. Lors de ces la prévention de la radicalisation à caractère l’inscrit au Fijait s’expose à deux ans de cité de définir la notion de dange­ aura remis d’ici au 17 juin son avis
jours tragiques, des heures précieuses ont terroriste, qui peut intégrer des personnes prison et 30 000 euros d’amende.  rosité ». Elle recommandait à la sur cette proposition de loi. 
été perdues à chercher le domicile des seulement soupçonnées de radicalisation. élise vincent place des mesures de suivi socio­ jean­baptiste jacquin
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 france | 11

Crise du Covid : l’heure semaines avant les sénateurs. Par


ailleurs, l’opposition a critiqué le
projet gouvernemental de créer sa
Au sein
de la majorité,
sente les généralistes, estimant
qu’il y a « eu un problème de vérité
sur l’état des stocks ». « On voit

des comptes a sonné


propre commission, avec des « ex­ bien qu’il y a eu une dilution des
perts indépendants », pour « tirer
on redoute que responsabilités entre les ministres
les leçons de la gestion de crise », se­ cet exercice ne successifs, et, j’ai bien peur, de la
lon les mots de Matignon. Elle re­ négligence aussi. »
doute que l’exécutif cherche à
s’apparente à un Les médecins ne décolèrent pas

à l’Assemblée nationale étouffer le diagnostic, en le noyant


sous les paroles d’experts, et y voit
un « mépris » du Parlement.
Au sommet de l’Etat, on évoque
procès politique non plus au sujet des tests. « Nous
nous sommes retrouvés à faire des
diagnostics sur la base de scan­
ners. Comment la France a­t­elle
La commission d’enquête parlementaire sur la un nécessaire « exercice de retour
d’expérience ». « Ce n’est pas une
cette crise », observe Eric Ciotti.
M. Salomon est devenu une figure
pu prendre un tel retard ? », s’em­
porte Jean­Paul Ortiz, président
gestion de la pandémie entame ses travaux mardi commission d’enquête, tente­t­on
de relativiser dans l’entourage du
familière des Français, à travers
ses points de presse quotidiens.
du CSMF, un autre syndicat de gé­
néralistes. Pour Eric Caumes, chef
premier ministre. L’objectif de Chaque soir, depuis le 21 janvier, du service des maladies infectieu­
cette mission est d’identifier les le­ ils l’ont entendu égrener les ses à l’hôpital de la Pitié­Salpê­

L’
heure des explications. Au sein de la majorité, on re­ hension », appuie le député PS des viers d’amélioration, de sorte que morts et les hospitalisations en trière, l’audition mardi du direc­
La commission d’en­ doute que cet exercice s’apparente Landes Boris Vallaud, également nous soyons le mieux armés possi­ réanimation, mais aussi justifier teur général de la santé n’appor­
quête parlementaire à un procès politique, alors que 84 vice­président de la commission. ble à l’avenir. » Sa mise en place est les décisions prises par l’exécutif, tera « rien de nouveau » ; « Il avait
sur la gestion de la crise plaintes ont déjà été déposées à « On ne peut pas se contenter du « imminente », dit­on à l’Elysée, qui notamment au sujet de l’utilisa­ déjà tout dit en 2016 ! », estime le
sanitaire devait commencer ses l’encontre de membres du gou­ satisfecit que s’est délivré Macron à a la haute main sur le dispositif. tion limitée des tests et des médecin, en se référant à une
travaux mardi 16 juin, à l’Assem­ vernement, devant la Cour de jus­ la télévision dimanche soir ou du masques. Légitimant ces choix note rédigée par Jérôme Salomon,
blée nationale. Composée d’une tice de la République notamment. “j’assume” répété par [le premier « Un problème de vérité » par « ce qu’en disent les scientifi­ alors conseiller du candidat Em­
trentaine de députés de toutes les « Une commission d’enquête parle­ ministre] Edouard Philippe depuis La commission d’enquête de l’As­ ques », ne s’est­il pas contenté en manuel Macron. « La France n’est
sensibilités politiques, elle a six mentaire n’est ni un tribunal ni un le début de la crise », poursuit­il. semblée dispose de prérogatives réalité de gérer la pénurie ? pas prête. (…) Il faut se préparer à
mois pour faire la lumière sur feuilleton télévisé », met en garde Tous ont en tête le fiasco de la d’investigation et d’un champ Cette question, Jérôme Salomon faire face aux situations (…) incon­
« l’impact, la gestion et les consé­ sa présidente (La République en commission d’enquête sur l’af­ élargi par rapport à la première l’a éludée une première fois lors nues jusqu’à aujourd’hui, voire im­
quences » de l’épidémie de Co­ marche, ex­PS), Brigitte Bourgui­ faire Benalla, qui avait implosé en mission parlementaire, qui, dans de son audition par la mission pensables », écrivait­il alors.
vid­19, qui a fait près de 30 000 gnon, qui précise que les députés juillet 2018, après la démission du un rapport rendu début juin, a d’information, le 23 avril. Au sujet Après M. Salomon, les députés
morts en France en trois mois. ne devront pas « se substituer à la corapporteur, le député (LR) de pointé des « faiblesses » et un des masques, il a ainsi insisté sur entendront le président du
La question des masques, des justice », encore moins « chercher l’Yonne Guillaume Larrivé, sur « manque d’anticipation » de la le fait qu’« il existe des débats conseil scientifique, Jean­François
tests, des capacités hospitalières, les coupables pour les punir ». fond de divergences entre l’oppo­ France face à la pandémie, sans scientifiques sur l’efficacité du port Delfraissy, jeudi, ainsi que le très
comme la situation dans les sition et la majorité sur la liste des critiquer pour autant la gestion du du masque au quotidien par la médiatique et controversé profes­
établissements d’hébergement Porter le fer dans la plaie auditions à mener. « Notre anti­ gouvernement. Pendant six mois, population » et « une différence seur marseillais Didier Raoult, la
pour personnes âgées dépendan­ S’ils assurent, à l’instar d’Eric modèle », dit Damien Abad. « L’As­ les députés entendront hauts culturelle importante entre les semaine prochaine. Les responsa­
tes (Ehpad) – qui ont comptabilisé Ciotti, que la commission ne sera semblée ne peut pas se permettre fonctionnaires, politiques et pays européens et les pays asiati­ bles politiques seront auditionnés
plus de 10 000 morts – seront pas­ « ni un tribunal judiciaire ni un tri­ un deuxième naufrage », veut scientifiques. Ils mèneront aussi ques ». Il a aussi expliqué que le après les municipales, pour ne pas
sées au tamis des députés, qui bunal populaire », les députés LR croire le député (LR) de la Haute­ des inspections sur le terrain, masque était le plus souvent mal troubler le jeu électoral. L’ex­mi­
tenteront d’établir d’éventuelles – ils occupent des postes­clés dans Marne François Cornut­Gentille. notamment dans des hôpitaux porté, donnant « un sentiment de nistre de la santé et candidate
défaillances dans la réponse fran­ le dispositif – ont l’intention de Il y a deux ans, la commission d’Ile­de­France ou du Grand­Est. fausse sécurité ». Au sujet des tests (LRM) à Paris, Agnès Buzyn, sera
çaise à la crise. « Si nous sommes porter le fer dans la plaie. « Notre d’enquête du Sénat, qui menait ses Mardi, le premier à être audi­ virologiques, il soulignait surtout entendue le 30 juin. Elle sera sui­
confrontés à la même situation de­ objectif, c’est la vérité, la transpa­ travaux en parallèle de sa jumelle tionné devait être l’actuel direc­ leur manque de fiabilité. vie par les anciens ministres Mari­
main, nous devrons être mieux ar­ rence et la responsabilité », détaille à l’Assemblée, avait brusquement teur général de la santé, Jérôme Pas de quoi convaincre les mé­ sol Touraine, Xavier Bertrand et
més, mieux préparés », explique le le vice­président de la commis­ pris la lumière après l’échec de Salomon. Passé par le cabinet de decins. « On nous a demandé de Roselyne Bachelot. L’actuel minis­
rapporteur de la commission, le sion, Damien Abad (Ain). Le chef cette dernière. Cette fois­ci, l’As­ l’ancienne ministre de la santé soigner des malades, sans mas­ tre de la santé, Olivier Véran, et le
député (Les Républicains, LR) des de file des députés LR ne veut pas semblée nationale a bien l’inten­ Marisol Touraine, avant d’être le ques, sans blouses, sans charlottes. premier ministre, Edouard Phi­
Alpes­Maritimes Eric Ciotti, qui que les débats soient l’occasion tion de ne pas se faire voler la conseiller officieux d’Emmanuel Comment a­t­on pu se retrouver lippe, devraient l’être aussi. Tous
ne croit pas que « l’imprépara­ d’un « exercice d’autosatisfaction vedette, d’où l’accélération du ca­ Macron pendant la campagne dans cette situation ? », s’interroge témoigneront sous serment. 
tion » de la France soit « simple­ généralisé » de la part des respon­ lendrier, qui permet aux députés présidentielle de 2017, il est « un Jacques Battistoni, le président du chloé hecketsweiler
ment liée aux circonstances ». sables. « On a un besoin de compré­ de démarrer leurs auditions deux personnage­clé de la gestion de syndicat MG France, qui repré­ et solenn de royer

Le déficit de l’Assurance­maladie
pourrait atteindre 31 milliards d’euros
« Jamais la Sécurité sociale n’a subi une détérioration aussi brutale
et rapide », selon la commission des comptes de la « Sécu »

A u sein de notre Etat­provi­


dence, c’est l’Assurance­
maladie qui encaisse le
plus gros choc budgétaire lié à la
crise : en 2020, elle pourrait affi­
les prévisions de la loi de finance­
ment de la Sécurité sociale (LFSS)
pour 2020 : celle­ci tablait sur un
déficit presque dix fois moins
élevé (− 5,4 milliards). « Jamais la
cordés aux personnes pour pou­
voir garder leurs enfants),
1,7 milliard d’euros répartis entre
la distribution de masques dans
les pharmacies, les tests diagnos­
cher un déficit de 31,1 milliards Sécurité sociale n’a subi une dété­ tics effectués dans les laboratoires
d’euros, contre 1,46 milliard un an rioration aussi brutale et rapide de de ville… S’y ajoute une aide finan­
plus tôt. Une « dégradation excep­ ses comptes », écrit la CCSS. cière, évaluée à 1,4 milliard
tionnelle » mise en évidence dans Ces tendances tiennent, en pre­ d’euros, pour les professionnels de
une synthèse d’un rapport de la mier lieu, à la baisse spectaculaire santé qui n’ont pu travailler ces
commission des comptes de la Sé­ des recettes, dont les causes sont derniers mois, afin de leur per­
curité sociale (CCSS), que Le multiples : reports et exonéra­ mettre d’absorber une partie de
Monde a pu consulter, quelques tions de cotisations sociales ; sup­ leurs charges fixes. A l’inverse, le
heures avant sa présentation, pressions de postes dans les entre­ confinement a fait baisser le nom­
mardi 16 juin. prises, qui provoquent une dimi­ bre de consultations en médecine
La diffusion de ces chiffres a lieu nution de la masse salariale – donc de ville, soit 5,4 milliards d’euros
le jour où les soignants sont appe­ des contributions versées à la de dépenses en moins.
lés à se mobiliser afin de réclamer « Sécu » ; recours massif au chô­ Mais l’addition pourrait encore
des moyens supplémentaires. Le mage partiel, qui se traduit par la gonfler. Lors du lancement du Sé­
constat de la CCSS est préoccu­ distribution d’indemnités exemp­ gur de la santé, le 25 mai, le pre­
pant, même s’il nécessite d’être tées de cotisations… mier ministre, Edouard Philippe,
commenté prudemment en rai­ s’est engagé à une revalorisation
son des « marges d’incertitude très Boom des dépenses « significative » des rémunéra­
supérieures à celles habituellement Le cas de l’Assurance­maladie est tions des personnels soignants.
rencontrées à mi­année » pour éta­ un peu singulier car elle se re­ Ce coup de pouce, dont le coût
blir de telles projections. trouve prise en ciseaux entre « des reste à définir, sera programmé
En dehors de l’Assurance­mala­ pertes considérables de recettes » dans le projet de loi de finance­
die, les trois autres branches du ré­ liées à la dégradation de la situa­ ment de la Sécurité sociale (PLFSS)
gime général – famille, assurance­ tion économique et « des dépenses pour 2021, qui sera discuté devant
vieillesse, accidents du travail­ma­ exceptionnelles » pour affronter les le Parlement à l’automne.
ladies professionnelles (AT­MP) – conséquences de la crise sanitaire. Les finances des autres branches
seraient aussi dans le rouge. Résultat : l’Objectif national des du régime général repassent donc,
Même chose pour le Fonds de soli­ dépenses d’assurance­maladie elles aussi, sous la ligne de flottai­
darité vieillesse (FSV), qui prend en (Ondam) devra être réévalué « si­ son. La détérioration est impres­
charge les cotisations retraite des gnificativement » avec un dépasse­ sionnante pour l’assurance­
chômeurs et le minimum ment évalué à 8 milliards d’euros vieillesse, qui couvre les salariés
vieillesse. Au total, le trou de la par rapport à ce qui était anticipé. du privé. Son déficit serait multi­
« Sécu » (régime général et FSV) at­ Fixé à + 2,45 % en 2019 par les parle­ plié par dix, passant de 1,4 milliard
teindrait 52 milliards d’euros, con­ mentaires, il devrait dépasser d’euros en 2019 à 14,9 milliards
formément à ce qu’avait annoncé, + 6,5 %, « un niveau jamais atteint d’euros pour cette année. Quant à
le 2 juin, Gérald Darmanin. Le mi­ depuis le début de la décennie la branche accidents AT­MP, elle
nistre de l’action et des comptes 2000 », selon la CCSS. devrait renouer avec un solde né­
publics n’avait livré que cet ordre Cette envolée tient au boom des gatif pour la première fois depuis
de grandeur, sans donner de dé­ dépenses entraînées par l’épidé­ 2012, avec un « trou » estimé à
tails branche par branche. La CCSS mie : 4,5 milliards d’euros pour − 700 millions d’euros. Idem pour
apporte ces précisions. l’achat de masques, 3,8 milliards la branche famille, excédentaire
Les déséquilibres financiers ris­ d’euros supplémentaires en fa­ depuis deux ans, qui replongerait
quent donc d’être colossaux – en veur des établissements sanitai­ à − 3,1 milliards d’euros. 
tout cas nettement plus impor­ res, 2 milliards d’euros pour les ar­ raphaëlle besse desmoulières
tants que ceux mentionnés dans rêts maladie (notamment ceux ac­ et bertrand bissuel
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12 | france MERCREDI 17 JUIN 2020

Emmanuel Macron à la recherche de l’effet « blast »


Le chef de l’Etat récuse les « demi­mesures » et est toujours en quête de réformes à forte valeur symbolique

L
es lois de la politique sont
comme celles de la gra­
« Il faut qu’on ait
vité : elles vous ramènent moins de sujets,
toujours sur la terre
ferme. En 2017, Emmanuel Ma­
qu’on y mette
cron promettait de ne pas gouver­ beaucoup plus de
ner à coups de symboles, contrai­
rement à nombre de ses prédéces­
capital politique »
seurs. Son mantra, qui reste d’ac­ EMMANUEL MACRON
tualité, était celui de l’efficacité.
Trois ans plus tard, ministres et
dirigeants de la majorité n’ont lent inverser la tendance en
qu’une obsession : trouver des s’adressant au (très) grand public.
« marqueurs ». Une réforme d’am­ « Créer un secrétariat d’Etat à la
pleur, un discours de rupture… condition animale ne me choque­
Qu’importe, pourvu que cela rait pas », souffle ainsi un minis­
colore l’identité du quinquennat. tre pourtant peu ami des bêtes.
Le chef de l’Etat lui­même a pris Début juillet, Emmanuel Ma­
conscience que ses actes n’imprè­ cron doit recevoir les 150 mem­
gnent pas toujours dans l’opinion bres de la convention citoyenne
ou sur le terrain. A un proche, il pour le climat, qui auront conclu
confiait ainsi récemment : « Nous leurs travaux le 21 juin. La piste
avons trop été dans le gradualisme d’un référendum sur la base de
et les demi­mesures. » Dans son vi­ ces propositions n’est pas exclue.
seur, par exemple, la réforme du Mais comment trouver « la »
système de santé, qui « ne portait question au milieu de cette jungle
pas assez de sens » et avait « un que représente le problème en
rapport au temps et une ampleur apparence insurmontable du ré­
pas du tout suffisants par rapport chauffement climatique ? « Leurs
à l’état où était l’hôpital », comme propositions ne peuvent pas être
il l’a reconnu publiquement lors traitées séparément de la crise que
d’une visite à la Pitié­Salpêtrière, à nous vivons. Cela n’a pas de sens de
Paris, en mai. A deux ans de la fin faire un référendum là­dessus »,
du mandat serait maintenant évacue une secrétaire d’Etat.
venue l’heure du « blast », assure­ Emmanuel Macron, à l’Elysée, à Paris, le 4 juin. YOAN VALAT/AP D’autres macronistes cherchent
t­on à l’Elysée. Littéralement, des à s’enlever la pression de la re­
réformes à effet de souffle. cherche d’un effet « waouh » –
Un cadre de la majorité, un rien truction » du pays, qu’il veut « so­ juge aujourd’hui un proche. Il faut sant à un nouvel acte de décentra­ terme utilisé au lendemain de la
dépité, résume, sous couvert
« Il faut retrouver ciale et solidaire », passerait en ef­ porter quelques sujets forts en lisation permettrait à Emmanuel crise des « gilets jaunes ». « Il y a
d’anonymat, les sentiments d’une l’ambition qui fet « par la santé ». Le dossier ma­ ayant en tête qu’on est dans une Macron de se revendiquer de quelques marqueurs qui seront les
partie des macronistes. « Qu’est­ce jeur de la dépendance, promet­on crise de défiance, qu’il faut appor­ deux modèles prestigieux : Char­ acquis d’un président réforma­
que c’est, le bilan Macron ? La
était la nôtre au sein de l’exécutif, devrait à ce ti­ ter la preuve et l’efficacité. » les de Gaulle – même si ce dernier teur : le marché du travail, la
suppression de la taxe d’habita­ initialement », tre trouver un aboutissement au Le refus d’envisager un enterre­ a vu ses ambitions entravées en la SNCF…, fait valoir le délégué géné­
tion ? Les ordonnances travail ? cours des deux prochaines an­ ment de la réforme des retraites matière – et François Mitterrand, ral de LRM, Stanislas Guerini.
Nous étions à deux doigts de ne pas
juge un cadre nées. Mais le « nouveau chemin » doit être lu à cette aune. « Macron qui a posé le premier acte de ce Pour la suite, ce que nous vivons, ce
avoir la PMA à la fin du quinquen­ de la majorité promis par le chef de l’Etat pour le ne peut pas revenir face aux Fran­ transfert de compétences de Paris n’est pas le manque de grandes
nat ! On est loin de la révolution, mois de juillet n’est pas encore çais en 2022 avec un abandon en vers les régions. réformes symboliques, mais une
juge ce soutien de la première dessiné. Tout juste devine­t­on le rase campagne de la réforme crise de l’efficacité. Nous devons
heure. Ce ne sont pas les bons chif­ Vél’d’Hiv… Le député La Républi­ calibre des cailloux qu’il compte emblématique de la disruption « Changer le quotidien » nous concentrer sur notre capacité
fres économiques qui vous font que en marche (LRM) de la semer. Lorsqu’il recevait les dépu­ macronienne », analyse un fami­ Reste un dernier sujet iconique à mener nos projets jusqu’au bout
réélire. La politique, c’est des mar­ Vienne, Sacha Houlié, se montre tés de la majorité à l’Elysée, en lier de l’exécutif. La création d’un sur lequel l’exécutif n’a pas réussi et à changer le quotidien des
queurs. Il faut retrouver l’ambition lui (un peu) moins sévère et (un février, pour une séance de remo­ régime universel à points reste à convaincre : l’écologie. Une gens. » « Il faut un agenda politi­
qui était la nôtre initialement. » peu) plus optimiste que son collè­ bilisation, Emmanuel Macron in­ donc envisagée par le chef de affaire de symboles, là encore. que très concret, qui prenne peu de
gue. « Pour l’instant, nous n’avons vitait ses troupes à porter des ob­ l’Etat. Il ne souhaite pas plus re­ « Les difficultés avec l’écologie se temps législatif », embraye un
« Crise de la défiance » pas de marqueur suffisamment jets politiques « plus intelligibles, noncer à la très symbolique sup­ sont focalisées sur des objets dirigeant de la majorité. Emma­
Difficile de lutter face au legs de fort : François Hollande avait le plus concrets, plus sensibles pour pression de l’ENA, objet du res­ particuliers : le glyphosate, le plas­ nuel Macron veut que ses deux
certains « ex » : Valéry Giscard mariage pour tous, Nicolas les gens ». « Il faut qu’on ait moins sentiment envers une partie des tique… », relève un ministre. Des années restantes de mandat
d’Estaing a à son actif la légalisa­ Sarkozy le Grenelle de l’environne­ de sujets, qu’on y mette beaucoup élites, qui pourrait être remplacée questions sur lesquelles le gou­ soient « utiles », mais la dernière
tion de l’interruption volontaire ment. Le Ségur de la santé peut plus de capital politique », estimait par la flambant neuve « école vernement a perdu des points risque bien d’être phagocytée par
de grossesse, François Mitterrand réparer cela », veut croire l’élu. le président de la République. Une d’administration publique ». dans l’opinion, alors qu’il estime la campagne présidentielle. Le
l’abolition de la peine de mort, Lors de son allocution télévisée, idée fixe, que la crise due au coro­ Enfin, moins porteur auprès du agir en faveur d’une discrète temps vous ramène lui aussi tou­
Jacques Chirac la suppression du dimanche 14 juin, Emmanuel navirus n’a pas effacée. « Les plans grand public, mais tout aussi « écologie du quotidien ». Certains jours sur la terre ferme. 
service militaire et le discours du Macron a promis que la « recons­ intelligents à cinq ans, c’est fini, important, le scénario condui­ membres du gouvernement veu­ olivier faye

Le chef de l’Etat envisage de reporter les régionales MUNIC IPALE S


Le second tour est
décalé en Guyane
Le second tour des élections
Le sujet a été abordé avec Régions de France, lundi, à l’Elysée. Le scrutin est prévu pour l’instant en mars 2021 municipales en Guyane est
reporté en raison de l’épidé­
mie due au coronavirus, mais
il est maintenu le 28 juin à

O bstacle ou tremplin ? La
borne des élections ré­
gionales de mars 2021
est perçue de longue date comme
un rendez­vous crucial sur la
entend déployer à partir de
l’automne – les régions ont dans
leur champ de compétences l’ac­
tivité économique.
« Les régions vont être étroite­
grâce du conseiller territorial, cet
élu hybride qui exerce à la fois les
fonctions de conseiller départe­
mental et de conseiller régio­
nal. Créé fin 2010 sous Nicolas
noncé par les présidents de ré­
gion concernés, que récuse l’Ely­
sée. « Ils sont très actifs politique­
ment, il serait dommageable que
ce chantier prometteur ne puisse
solutions à leurs difficultés, pas
des tripatouillages électoraux,
fulmine la présidente de la ré­
gion Occitanie, Carole Delga. Je
n’accepte pas ce chantage. Les ré­
Mayotte, ont annoncé lundi
les ministères des outre­mer
et de l’intérieur. La Guyane,
frontalière avec le Brésil, où
l’épidémie explose, comptait
route de l’élection présidentielle ment associées au plan de relance. Sarkozy, il n’a jamais vu le jour, avancer à cause de procès d’inten­ gions ont besoin de l’aide de l’Etat lundi 1 326 personnes testées
de 2022. Elle pourrait être l’occa­ Est­ce que, dans une période où François Hollande l’ayant abrogé tion réciproques », souligne sim­ pour soutenir le maintien de l’em­ positives, un doublement en
sion pour Emmanuel Macron de nous sommes en train de relancer dès son arrivée à l’Elysée, en 2012. plement un proche de M. Ma­ ploi des salariés, l’activité des en­ huit jours. – (AFP.)
voir tomber, en cas de défaite, de l’économie, il est pertinent de lais­ Aujourd’hui, l’hypothèse est à cron. « La plupart des présidents treprises et la nécessaire transi­
potentiels concurrents dans la ser ouverte cette fenêtre de pé­ nouveau évoquée, y compris du sont tombés de leur siège », rap­ tion écologique. » Edouard Philippe « de
course à l’Elysée, comme les pré­ riode électorale ? Le président de la côté du Sénat, où le groupe de tra­ porte néanmoins le collabora­ Sous le feu des critiques de ses retour au Havre au plus
sidents de région sortants que République a ouvert le débat dans vail mis en place par Gérard Lar­ teur de l’un d’entre eux. pairs, M. Muselier a tenu à préci­ tard en mai 2022, peut-
sont Xavier Bertrand (Hauts­de­ une logique d’intérêt général », as­ cher devrait rendre ses proposi­ « Les élections, c’est un moment ser que « les éléments rapportés être beaucoup plus tôt »
France), Valérie Pécresse (Ile­de­ sume­t­on à l’Elysée. « Il ne faut tions à la fin du mois de juin. démocratique qu’il faut respec­ dans la presse ne correspondent Le premier ministre, Edouard
France) ou Laurent Wauquiez pas tout réduire à la compétition ter, ça ne peut pas être un choix pas à la réalité ». « On en a parlé, Philippe, candidat au second
(Auvergne­Rhône­Alpes). Mais ce électorale », ajoute un proche du « Chantage » d’opportunité pour des intérêts bien sûr, c’est moi qui ai abordé le tour des élections municipa­
pari est à quitte ou double. Car, en chef de l’Etat, qui vante une « dis­ Cependant, le simple fait qu’un personnels », selon l’entourage sujet, après deux heures et demie les au Havre, le 28 juin, af­
cas de victoire, ces derniers joui­ cussion centrale, sérieuse » avec report du scrutin puisse être en­ de Mme Pécresse. « Les Français de discussion très constructive. firme, dans un entretien à Pa­
raient d’une dynamique poten­ M. Muselier et M. Bonneau « sur visagé a mis le feu aux poudres attendent des actes concrets, des Mais il n’y a jamais eu de chan­ ris­Normandie, mardi 16 juin,
tiellement gênante pour un chef les transferts envisageables de chez les présidents de région. tage, ça n’a jamais été le couteau qu’il sera « de retour au Havre
de l’Etat en quête de réélection. Il bloc de compétences » de l’Etat « Les élections, c’est pas un jeu sous la gorge. Rien n’est faux mais au plus tard en mai 2022,
n’est donc pas anodin de sa part aux régions. Cette discussion de­ de dés », s’insurgeait dimanche tout est à l’envers », déplore­t­il. mais peut­être beaucoup plus
d’envisager un report du scrutin. vrait se poursuivre en juillet lors M. Bertrand sur BFM­TV. Un aga­
« Les Français Le président de Régions de tôt ». « Si [Emmanuel Macron]
Le président de la République a d’un nouveau rendez­vous avec cement décuplé par les propos attendent France continue de plaider pour pense, après l’élection munici­
posé le sujet sur la table du déjeu­ les régions, « dans la configura­ du chef de l’Etat, entre la poire et « un accord intelligent entre l’Etat pale, que je dois continuer
ner auquel il avait convié à l’Ely­ tion que vous souhaitez », a pré­ le fromage, lundi, sur le caractère
des solutions à et les régions ». Mais force est de ma mission à Matignon, j’as­
sée, lundi 15 juin, Renaud Muse­ cisé M. Macron. très politique des présidents de leurs difficultés, constater que bon nombre sumerai mes responsabilités.
lier et François Bonneau, respec­ Le chef de l’Etat entend bien région auxquels il est confronté. des fortes personnalités qui diri­ Il sait qui je suis, ce que j’in­
tivement président et président faire de cette réorganisation des « Je vous aide [financièrement] si
pas des gent les régions ne sont pas sur l carne, ce que je peux faire et
délégué de Régions de Fran­ pouvoirs entre l’Etat et les collec­ vous m’aidez à reporter les régio­ tripatouillages même ligne, le jugeant trop ce que je ne peux pas faire. S’il
ce. Officiellement, le but de la tivités un acte majeur de son nales après la présidentielle, car « complaisant avec Macron ». pense que quelqu’un d’autre
manœuvre serait de ne pas en­ quinquennat. Cette nouvelle va­ j’ai des opposants politiques
électoraux » Tout le monde n’a pas le même est plus utile, je respecterai
traver la bonne mise en place du gue de décentralisation pourrait parmi vous », aurait­il déclaré, se­ CAROLE DELGA agenda.  son choix en toute loyauté »,
plan de relance que l’exécutif aussi se traduire par le retour en lon Le Figaro. Un « chantage » dé­ présidente de la région Occitanie o. f. et patrick roger affirme M. Philippe.
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MERCREDI 17 JUIN 2020 france | 13

Affaire Kerviel :
une information
judiciaire ouverte
sur le volet fiscal
L’octroi contesté du crédit d’impôt de
2,2 milliards d’euros à la Société générale
est au cœur de ce pan du dossier

C’
est un nouvel nistres ont pu enfreindre la loi, en
épisode judiciaire octroyant cet avantage fiscal à la
dans l’interminable banque ou le maintenant ensuite.
affaire Kerviel, cette Pour comprendre la question
fraude qui a coûté près de 5 mil­ posée, il faut rappeler les faits, la
liards d’euros à la Société géné­ loi et la jurisprudence. Christine
rale, en 2008. Il concerne le volet Lagarde était ministre de l’écono­
fiscal du dossier, soit les 2,2 mil­ mie du gouvernement Fillon, et
liards d’euros de crédit d’impôt Eric Woerth ministre du budget, Jérôme Kerviel, à la sortie du palais de justice de Versailles, le 23 septembre 2016. MARTIN BUREAU/AFP
controversé, accordés par l’Etat à lorsque ce crédit d’impôt a été
la grande banque française pour validé, en application du code gé­
compenser ses lourdes pertes néral des impôts. Ce texte, qui ré­ sabilité importante de la banque la fraude Kerviel ne relèvent pas doit être remboursé, il y a là de quoi
financières d’alors. git les règles fiscales, permet aux dans la survenance de la fraude, d’un acte anormal de gestion – qui
« Il s’agit doubler le plan national d’urgence
Selon nos informations, l’asso­ entreprises déficitaires victimes du fait de ces manquements dans ne serait pas déductible de l’impôt de défendre pour l’hôpital. »« On a besoin de
ciation de lutte contre la corrup­ d’une fraude de déduire les pertes les procédures de contrôle et de – mais d’un accident d’exploita­ transparence, estime­t­il. Savoir
tion Anticor a décidé de se consti­ occasionnées de leurs résultats sécurité : « Les carences (…) ont tion. Et une carence du contrôle
un usage qui a décidé et pourquoi, car au
tuer partie civile dans l’enquête en imposables – avec un plafond, qui concouru à la production du interne ne saurait fonder un refus responsable des Français lambda, le fisc fait rare­
cours sur ce sujet au parquet de est fonction du volume d’impôts dommage, limitant le droit à l’in­ de déduction des pertes engen­ ment cadeau. »
Paris, après un vote de son conseil payés en France au cours des trois demnisation », a dit la cour. La drées par les opérations d’un sala­
deniers publics » Il reste que, sur ce sujet, les auto­
d’administration, réuni à distance ans précédents. Mais il pose polémique a alors enflé. Et tout au rié, montrant un risque excessif. ÉLISE VAN BENEDEN rités publiques ne sont pas res­
du 25 au 28 mars, pendant le confi­ notamment pour condition que long de cette période, des hom­ présidente d’Anticor tées inactives. Dès le lendemain
nement. Cette demande de consti­ les entreprises n’aient pas de mes politiques de gauche comme « Une nouvelle affaire » de l’arrêt de la cour d’appel de Ver­
tution de partie civile a été enre­ responsabilité dans la fraude, à de droite n’ont cessé de dénoncer C’est dans ce contexte incertain, sailles de 2016, comme l’avaient
gistrée par le parquet, lundi 18 mai. travers des défaillances de un « cadeau fiscal » fait à un fleu­ et pour donner du poids au dos­ rôme Kerviel. Lequel se dit révélé plusieurs journaux dont Le
De fait, une information judi­ contrôle ou des carences manifes­ ron de l’économie. « Comment ad­ sier, qu’intervient la constitution convaincu que « les 2,2 milliards Monde, Michel Sapin, alors minis­
ciaire visant des faits de « concus­ tes. Et c’est autour de ce point que mettre que lorsqu’une banque fait de partie civile d’Anticor. Comme d’euros n’ont jamais été dus », « la tre de l’économie, avait demandé
sion » liés à l’octroi de ce crédit s’organise la controverse. une erreur ce soit le contribuable Julien Bayou, l’association anti­ perte affichée n’ayant d’ailleurs à l’administration fiscale un
d’impôt, et restée jusqu’ici confi­ qui paie ? », avait lancé François corruption a été parmi les jamais été réellement expertisée ». réexamen de la situation de la
dentielle, a été ouverte par le par­ Interprétations contradictoires Hollande, en 2010. premières à questionner l’avan­ « C’est officiellement le début banque, « dans l’intérêt du Trésor
quet de Paris il y a plusieurs mois. Car rapidement après la décou­ Cependant si l’affaire s’entend tage fiscal accordé à la banque, et d’une nouvelle affaire. Je suis heu­ et des contribuables ».
Elle fait suite à une plainte contre verte de la fraude commise par politiquement, il en va autrement à réclamer un débat sur le fond. reux qu’une juge d’instruction ait Le fisc avait conclu que la ban­
X en ce sens, déposée le 6 fé­ l’ex­tradeur Jérôme Kerviel, défi­ en droit, où elle reste délicate à « Nous voulons nous assurer que été désignée et pas n’importe que n’avait plus le droit à sa « dé­
vrier 2019, avec constitution de nitivement condamné au pénal plaider. Car la jurisprudence du le traitement de cette affaire n’a laquelle, la juge de l’affaire Fillon et duction Kerviel » et une proposi­
partie civile, par l’ex­porte­parole en 2014, des failles dans le Conseil d’Etat laisse place à des pas donné lieu à une remise ou des financements libyens de Nico­ tion de rectification fiscale lui
d’Europe Ecologie­Les Verts Julien système de contrôle de la Société interprétations contradictoires, une transaction, dans des condi­ las Sarkozy, déclare pour sa part Ju­ avait été adressée, en 2017. Une
Bayou, devenu depuis secrétaire générale ont été constatées. Dès susceptibles d’être favorables à la tions qui pourraient recevoir la lien Bayou. Je me suis pris des murs procédure contradictoire qui, à
national du parti écologiste. 2008, plusieurs rapports d’en­ Société générale, comme ne qualification de concussion. Il dans ce dossier. Grâce à ma persé­ en croire le dernier « document
La concussion est un délit pénal quête ont pointé de « graves man­ manquent jamais de le rappeler s’agit de défendre un usage res­ vérance, la justice va enfin pouvoir de référence » publié par la So­
qui consiste, pour une personne quements » de son contrôle les conseils de la banque. ponsable des deniers publics et le enquêter. » ciété générale – un rapport finan­
dépositaire de l’autorité publique, interne de l’établissement, et le Ceux­ci sont certains que la déci­ principe d’égalité devant l’impôt, De fait, le secrétaire national des cier de 2019 – n’a pas encore été
à percevoir des droits, contribu­ gendarme des banques (l’ex­Com­ sion de la cour d’appel ne remet explique la présidente d’Anticor, Verts a vu échouer ses précéden­ suivie d’une notification de re­
tions, impôts ou taxes publics in­ mission bancaire) l’a condamné à pas en cause la déductibilité de la Elise Van Beneden. Il est normal tes tentatives de saisine de la jus­ dressement en bonne et due
dues, ou – et c’est ce qui est ici re­ ce sujet à un blâme et une perte « Kerviel ». Leur position se que l’association Anticor se batte tice. Cette fois, sa plainte n’a pu forme. Et ce, pour une bonne rai­
cherché – à accorder une exonéra­ amende de 4 millions d’euros, fonde sur un avis du Conseil pour que les contribuables n’aient aboutir qu’après le dépôt d’une son : la banque n’a pas encore dé­
tion ou une franchise de droits, pour « carences graves ». d’Etat de 2011, qui avait été saisi du pas à payer les conséquences des consignation de 10 000 euros, réu­ duit de ses résultats les « pertes
contributions, impôts ou taxes Surtout, sur le plan civil, dans sujet par le ministre du budget de pratiques irresponsables d’une so­ nie grâce à une cagnotte en li­ fiscales reportables » liées à la
contraire à la loi. La procédure un arrêt remarqué, le 23 septem­ l’époque, François Baroin, et sur ciété privée. » gne.« J’ai des pistes d’investigation fraude. Autrement dit, elle n’a
judiciaire, confiée à la juge d’ins­ bre 2016, après huit ans de feuille­ « sa jurisprudence constante ». Anticor a choisi de prendre pour à proposer, poursuit M. Bayou. Ce pas encore utilisé la créance
truction Aude Buresi, doit dire si ton judiciaire, la cour d’appel de Selon le Conseil d’Etat, soulignent avocat David Koubbi, qui n’est cadeau fiscal hors norme de d’impôt Kerviel. 
des hauts fonctionnaires ou mi­ Versailles a reconnu une respon­ ces avocats, les opérations liées à autre que l’ancien avocat de Jé­ 2,2 milliards d’euros hors intérêts anne michel

Mort de Steve Maia Caniço : le téléphone au cœur de l’enquête


Le 21 juin 2019, la soirée de musique électro à laquelle participait ce jeune homme retrouvé noyé dans la Loire a été dispersée par les policiers

nantes ­ correspondant sation précise de Steve au moment sécurité en faisant usage de grena­ masculine « se débattant, en pants à la fête ; l’autre a trait à des
du drame, précise sa sœur,
« L’objectif, c’est des lacrymogènes en grand agitant les bras ». Il a attrapé le violences sur les policiers.
d’obtenir une
Y a­t­il un moyen de lever
les dernières zones d’om­
bre qui entourent la mort
de Steve Maia Caniço, animateur
périscolaire de 24 ans ayant péri
Johanna Maia Caniço. S’il est éta­
bli qu’au moment des tirs de gre­
nades lacrymogènes, mon frère se
trouvait tout près du fleuve, alors il
sera difficile de contester l’exis­
géolocalisation
précise de Steve
nombre dans la nuit, en bordure
d’un fleuve et d’un quai non
protégé, et en dehors d’une opéra­
tion de maintien de l’ordre »,
énonce Cécile de Oliveira, avocate
malheureux par son pull, mais ce
dernier, du fait de ses mouve­
ments, a commencé à le « tirer
vers le fond » et il a dû se résoudre
à le lâcher. La silhouette est alors
Aucune mise en examen n’est
pour l’heure notifiée dans le
cadre des différentes enquêtes.
L’IGA a pointé « un manque de
discernement dans la conduite de
dans la Loire, à Nantes, lors de tence d’un lien de causalité entre
au moment de la famille. « partie en dérivant » tandis qu’il a l’intervention de police » menée
l’édition 2019 de la Fête de la l’intervention des forces de l’ordre du drame » L’expertise menée sur le télé­ hurlé : « Quelqu’un se noie ! » par le commissaire Grégoire Chas­
musique ? Est­il possible de savoir et la chute qui a entraîné sa mort. » phone pourrait étayer un témoi­ saing. Et ce, d’autant que la mairie
JOHANNA MAIA CANIÇO
où le jeune homme se trouvait gnage­clé : celui d’Alexis B., intéri­ « Manque de discernement » de Nantes et la préfecture assu­
sœur de Steve
lorsque les policiers ont dispersé, « Quelqu’un se noie ! » maire de 23 ans, hanté par le dé­ Alexis B. certifie ne pas avoir rent ne pas avoir fixé d’horaire li­
samedi 22 juin 2019, peu après Neuf « sound systems » étaient nouement tragique de la fête. « A identifié la silhouette en détresse mite de fête. M. Chassaing a fait
4 heures du matin, la soirée encore en place le long du quai aucun moment de la soirée, je ne parmi les rescapés secourus. Des l’objet d’une procédure de muta­
techno qui se jouait quai Wilson, quand une vingtaine de policiers l’inspection générale de l’admi­ me suis approché du bord de Loire, déclarations confirmées par un tion – mais il n’a été visé par
site dépourvu de la moindre sont venus, cette nuit­là, signifier nistration (IGA) remis à Christo­ sauf de manière involontaire lors­ membre de la Sécurité nautique aucune sanction – dans l’intérêt
barrière de sécurité ? A ces deux qu’il était l’heure de couper le phe Castaner, en septembre 2019. que j’ai couru à l’aveugle après Atlantique, mandatée par la ville du service et il est désormais
questions, le juge rennais David son. Les DJ ont commencé à La riposte a semé confusion et avoir respiré du gaz lacrymogène, de Nantes pour patrouiller sur la affecté à un poste d’auditeur,
Bénichou, en charge d’instruire démonter les murs de son. Vers panique. Aveuglés et perdus, au et donc juste avant ma chute dans Loire jusqu’à 8 heures du matin : dépendant de la direction centrale
l’information judiciaire ouverte 4 h 25, le collectif Lunatek a fait moins sept participants à la fête la Loire », a­t­il fait valoir aux « D’emblée, on a reçu le signale­ de la sécurité publique.
contre X pour homicide involon­ résonner un hymne antifa. Le ont chuté dans la Loire. Le corps enquêteurs le 4 juillet 2019. Le ment d’une personne ayant coulé. Sollicités, le ministère de l’inté­
taire, espère pouvoir apporter climat s’est aussitôt embrasé. Les de Steve Maia Caniço, qui ne jeune homme soutient n’avoir vu Des gens tentaient d’éclairer l’eau rieur et la direction départemen­
une réponse affirmative. policiers affirment avoir essuyé savait pas nager, a été retrouvé le « aucun policier, ni gyrophare » avec leurs téléphones, mais on n’y tale de la sécurité publique de
Le magistrat a diligenté des un tombereau d’injures et des jets 29 juillet. Une heure avant l’arri­ quand son groupe d’amis a subi­ voyait rien. » Loire­Atlantique se refusent à
expertises techniques, dont les de projectiles. En retour, ils « ont vée des policiers sur zone, le jeune tement été pris « dans un nuage Depuis la fin du mois de mars, tout commentaire sur l’affaire.
conclusions sont attendues avant fait usage de trente­trois grenades homme avait prévenu ses amis de lacrymogène ». M. Bénichou instruit deux autres Des proches de Steve Maia Caniço
la fin du mois. En l’occurrence, il lacrymogènes, de dix grenades de qu’il allait se reposer sur le quai. Parvenu à s’accrocher à une informations judiciaires relatives annoncent un rassemblement
s’agit de « faire parler » le télé­ désencerclement et de douze tirs « Les proches de Steve Maia alvéole du quai après être tombé à l’opération policière menée pacifique devant la préfecture de
phone portable du défunt. « L’ob­ de lanceur de balle de défense », Caniço considèrent qu’a minima dans l’eau, l’homme révèle avoir quai Wilson : l’une concerne les Nantes, dimanche 21 juin. 
jectif, c’est d’obtenir une géolocali­ ainsi que le détaille le rapport de la police a violé une obligation de porté secours à une silhouette plaintes déposées par 89 partici­ yan gauchard
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14 | france MERCREDI 17 JUIN 2020

L’affaire de Karachi : prison Face aux juges,


les trous de mémoire
ferme pour les six prévenus de Lamine Diack
Trois proches d’Edouard Balladur sont condamnés pour leur rôle dans un L’ancien patron de l’athlétisme mondial doit
répondre d’accusations d’« abus de confiance »
système de rétrocommissions lié à des contrats d’armement signés en 1994

L
e tribunal correctionnel
de Paris a condamné,
lundi 15 juin, à des peines
de deux à cinq ans de pri­
Le jugement
évoque
gées de vendre les équipements
militaires. Le jugement évoque
ainsi « le montant disproportionné
des commissions accordées – plus
cité dans la procédure, ce dernier
n’a pas été poursuivi –, a été con­
damné à quatre ans de prison
ferme, dont deux avec sursis, et
L’ exercice, délicat, ressem­
ble à un spectacle d’équili­
briste jonglant avec les pa­
radoxes. Durant la première se­
maine de son procès, Lamine
A l’audience,
pour Lamine
Diack, le fils,
son ferme les six personnes jugées
« le montant de 190 millions de francs –, sans jus­ 120 000 euros d’amende. Pour les Diack répétait avoir accepté de re­ Papa Massata,
dans le volet financier de l’affaire disproportionné tifications économiques et dans magistrats, M. Gaubert était tarder la révélation de cas de do­
apparaît tour
de Karachi, un scandale politico­fi­ des conditions anormalement « le maillon indispensable entre Ni­ page russes dans l’unique but de
nancier sur fond de commissions
des commissions avantageuses, dérogatoires et con­ colas Bazire et Ziad Takieddine » préserver la signature de contrats à tour comme
occultes versées à l’occasion de accordées » traires aux usages ». qui aurait « permis en toute con­ de sponsoring et donc la « santé fi­
une bouée
contrats d’armement signés naissance de cause, le retour en nancière » de la Fédération inter­
en 1994. Pour le tribunal, les fonds « Retour d’ascenseur » France sous forme de rétrocom­ nationale d’athlétisme (IAAF) qu’il et un boulet
détournés à cette occasion ont Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, Pour les juges, la preuve a été ap­ missions de fonds provenant des dirigea de 1999 à 2015. Mais lundi
contribué au financement occulte ont tous annoncé leur intention portée que les 10,25 millions de commissions litigieuses, à destina­ 15 juin, l’ancien dirigeant a tenté
de la campagne présidentielle de faire appel. francs en liquide versés providen­ tion du compte de campagne de de convaincre les juges de la Les liens filiaux sont parfois
malheureuse d’Edouard Balladur, Lancée par les révélations de Me­ tiellement en avril 1995 sur le M. Edouard Balladur ». 32e chambre correctionnelle du tri­ sonnants et trébuchants. Le
alors premier ministre, en 1995. diapart en septembre 2008, l’en­ compte de l’association de finan­ Enfin, Dominique Castellan, bunal judiciaire de Paris qu’il 21 mai 2012, la société Pamodzi
La décision du tribunal est de quête judiciaire, conduite d’abord cement de la campagne d’Edouard alors patron de la DCN­I, a été con­ n’était pas vraiment au fait des his­ Sports Consulting, appartenant
mauvais augure pour M. Balladur par le juge Marc Trévidic puis par Balladur provenaient de M. Ta­ damné à trois ans ferme dont un toires de gros sous de l’institution. à « PMD », verse 135 000 dollars
qui comparaîtra prochainement Renaud Van Ruymbeke, a établi kieddine. Le versement de cette avec sursis et 50 000 euros Le Sénégalais de 87 ans a­t­il per­ sur un compte bancaire de La­
devant la Cour de justice de la Ré­ que dans le cadre de deux contrats somme aurait constitué un « re­ d’amende. A l’audience, M. Castel­ mis à son fils, Papa Massata Diack, mine Diack, puis 130 000 dollars
publique (CJR) dans le volet minis­ d’armement conclu en 1994 entre tour d’ascenseur » aux balladu­ lan avait admis avoir reçu l’ordre ancien consultant marketing de le 6 février 2013. Au total, résume
tériel de l’affaire, aux côtés de son la France (par la direction des riens, qui avaient permis à du cabinet de M. Léotard d’impo­ l’IAAF, de détourner plusieurs l’un des deux procureurs, Fran­
ministre de la défense de l’époque, constructions navales internatio­ l’homme d’affaires de s’enrichir ser le « réseau K », le duo Takieddi­ millions d’euros en marge de con­ çois­Xavier Dulin, au terme
François Léotard. La CJR est la nales, DCN­I), le Pakistan et l’Ara­ grâce aux contrats d’armement. ne­El­Assir. trats de sponsoring, comme le d’une longue énumération, « en
seule juridiction habilitée à juger bie saoudite, un réseau d’intermé­ Si les plus lourdes peines, cinq Si le jugement du tribunal cor­ soupçonne la justice française ? Le quatre ans, environ 620 000 euros
les ministres pour des infractions diaires d’origine libanaise avait été ans de prison ferme, ont été infli­ rectionnel de Paris a mécontenté fils en question, personnage cen­ vous ont été versés sur vos comp­
commises lors de leur mandat. imposé au dernier moment, sans gées au tandem Takieddine­El­As­ les avocats des prévenus, il a satis­ tral de l’enquête judiciaire, est tes personnels soit par Papa
Pour justifier sa décision, jugée aucune justification commerciale. sir, Nicolas Bazire, ex­directeur du fait les familles des victimes de resté à Dakar, malgré le mandat Massata Diack, soit par ses socié­
particulièrement dure par les avo­ Il était animé par deux hommes, cabinet et chef de la campagne l’attentat de Karachi, convaincues d’arrêt à son encontre. Lamine tés. Pouvez­vous nous dire à quoi
cats des prévenus au vu de l’an­ Abdul Rahman El­Assir et le fan­ présidentielle d’Edouard Balladur, que cette affaire de rétrocommis­ Diack, lui, comparaît pour « abus cela correspond ?
cienneté des faits, le tribunal a dé­ tasque intermédiaire Ziad Takied­ et Renaud Donnedieu de Vabres, sions est à l’origine de l’attentat du de confiance », en plus des char­ – Je ne sais pas, je ne peux pas
noncé « une atteinte d’une gravité dine – le tribunal a décerné un alors proche collaborateur du mi­ 8 mai 2002 visant des salariés de la ges de corruption et de blanchi­ vous dire. Je suis décroché de
exceptionnelle non seulement à mandat d’arrêt contre les deux nistre de la défense, François Léo­ DCN­I travaillant alors au Pakis­ ment aggravé qui pèsent sur lui. Dakar depuis cinq ans [il a inter­
l’ordre public économique mais hommes, absents au délibéré. tard, n’ont pas été épargnés : ils tan. L’explosion avait tué à quinze A l’audience, pour le père, ce fils diction de quitter la France
aussi à la confiance dans le fonc­ Les contrats de sous­marins sont condamnés à cinq ans de pri­ personnes dont onze Français apparaît tour à tour comme une depuis son arrestation en
tionnement de la vie publique », a (Agosta) et de frégates (Sawari II) son dont deux avec sursis et de œuvrant à la construction des bouée et un boulet. Lamine Diack novembre 2015]. Si j’étais tran­
fortiori émanant de hauts fonc­ conclus respectivement avec le Pa­ lourdes amendes (respectivement sous­marins Agosta. vante les mérites de Papa Mas­ quillement chez moi, je pourrais
tionnaires et personnalités politi­ kistan et l’Arabie saoudite ont 300 000 et 120 000 euros). Il est re­ Alors que la piste Al­Qaida avait sata, capable de ramener de nou­ vous répondre. »
ques, desquels sont attendus une donné lieu à des rétrocommis­ proché à M. Bazire d’avoir eu « par­ été d’abord privilégiée, une autre veaux sponsors chinois, indien, Malgré l’insistance du magis­
probité « exemplaire ». sions occultes, dont une partie faite connaissance de l’origine dou­ hypothèse était apparue : l’atten­ russe ou coréen, et les millions trat, Lamine Diack n’avance
Condamnés pour « abus de aurait enrichi les prévenus, l’autre teuse » des 10,25 millions suspects tat aurait été commis en rétorsion d’euros qui vont avec. Un talent aucune piste pour évoquer ces
biens sociaux », « complicité » ou ayant abondé de manière tout versés sur le compte de campagne, à l’arrêt des commissions décidé généreusement récompensé : les versements reçus. Le parquet cri­
« recel » de ce délit – l’infraction de aussi illicite la campagne prési­ et à M. Donnedieu de Vabres en 1996 par Jacques Chirac. Un lien émoluments du consultant mar­ tique alors un « mélange des gen­
« financement politique illicite » dentielle d’Edouard Balladur. Le d’avoir œuvré en faveur du duo Ta­ de causalité éventuel, non con­ keting n’ont cessé de croître, de res » et la gestion hasardeuse des
étant prescrite –, les prévenus, tribunal stigmatise le versement kieddine­El­Assir. firmé à ce jour, qui devrait être au 900 à 1 200 dollars par jour, et des comptes de la fédération interna­
parmi lesquels l’ancien ministre de « commissions exorbitantes », De son côté, Thierry Gaubert, cœur du procès de MM. Balladur primes se chiffrant en centaines tionale, à l’image de ces 85 mil­
Renaud Donnedieu de Vabres et au détriment de DCN­I et de la alors conseiller du ministre du et Léotard devant la CJR.  de milliers d’euros ont été créées. lions de francs CFA (environ
deux proches de Nicolas Sarkozy, Sofresa, deux sociétés d’Etat char­ budget, Nicolas Sarkozy – souvent service société De 2012 à 2015, note le tribunal, 130 000 euros) versés pour la
Papa Massata Diack a facturé construction de plusieurs villas
2 millions d’euros à l’IAAF pour au Sénégal afin de loger des
ses services. Mais le consultant membres d’un mystérieux « bu­
marketing se faisait aussi payer reau de Dakar », ou ce prêt de

Le « charnier » de Paris­Descartes : les familles par d’autres partenaires de l’IAAF.


« Cela ne vous dérangeait pas que
votre fils soit payé par l’IAAF et
250 000 euros à la veuve d’un an­
cien président de la fédération.
Me Régis Bergonzi, l’avocat de
touche de l’argent des sponsors ? », l’IAAF, partie civile dans le dos­
demandent l’accès au rapport de l’IGAS s’interroge la présidente.

« Un vieux clou »
sier, s’interroge : « Vous n’étiez
pas capable de voir qu’une grande
partie des contrats de sponsoring
L’ex­président de la fédération in­ s’évaporaient par le biais d’inter­
Le document des inspections administratives dénonce « des manquements éthiques » ternationale assure ne pas avoir médiaires ? » Il n’aura pas de
été au courant des détails des con­ réponse. « Je commence à devenir
trats signés, ni des multiples jeux un vieux clou », dit Lamine Diack

A tonie générale », « graves


manquements éthiques
qui ont perduré pendant
plusieurs années », « présence de
rongeurs, corps en décomposi­
davre ». De son côté, la présidente
de l’université de Paris, Christine
Clerici, affirme dans un communi­
qué, mardi 16 juin, avoir informé le
procureur de la République de Pa­
de Frédéric Dardel, ex­président
de Paris­Descartes (2011­2019),
en première ligne lors des déri­
ves au CDC. Contacté par Le
Monde, ce dernier n’a pas donné
turne a eu lieu, fin janvier, au CDC.
Si l’université a porté plainte
« pour vol et intrusion du système
informatique », sa direction af­
firme aujourd’hui ignorer si des
de rétrocession entre les différen­
tes sociétés de son fils, permet­
tant le versement de nombreuses
commissions. Il dit avoir appris
au cours de l’enquête judiciaire
pour expliquer ses trous de
mémoire.
Me William Bourdon, l’un des
conseils du Sénégalais, tente une
autre question, comme on tend
tion »… C’est peu dire que les con­ ris, Rémy Heitz, « que son établisse­ suite. Pour leur part, les avocats archives et autres procès­verbaux que Papa Massata Diack avait une perche ou une béquille :
clusions des deux inspections ad­ ment se constituera partie civile de l’université de Paris, Mes Pa­ ont disparu. acheté 19 millions d’euros des – « Est­ce que vous vous dites,
ministratives (inspection générale dès qu’une information judiciaire trick Maisonneuve et Bérénice Ce rebondissement a accentué droits de sponsoring, avant de les avec le recul, que vous auriez dû
des affaires sociales, IGAS, et ins­ sera ouverte ». « Cette démarche de Warren, assurent que l’établis­ l’agacement des familles des don­ revendre 10 millions d’euros plus être plus vigilant ?
pection générale de l’éducation, vise à réaffirmer la pleine collabo­ sement « n’est là ni pour accabler, neurs, qui attendent l’ouverture cher à la banque russe VTB, effec­ – Incontestablement. J’étais as­
du sport et de la recherche, IGÉSR) ration de l’établissement à l’en­ désigner ou dédouaner ». d’une information judiciaire. « De­ tuant ainsi un gain substantiel. sez fatigué. »
diligentées en novembre 2019 par quête judiciaire afin que toute la lu­ Selon nos informations, plu­ puis tout ce temps, un juge d’ins­ Son fils, assure­t­il, ne le tenait L’octogénaire évoque le man­
le ministère de l’enseignement su­ mière soit faite sur les faits rappor­ sieurs auditions ont été menées truction devrait déjà être nommé pas directement informé de ce dat de trop pour parler de ses
périeur et de la recherche sur « le tés et que les responsabilités puis­ depuis décembre par la brigade de mais on a l’impression que l’en­ genre de transaction. Mais les quatre dernières années de prési­
fonctionnement ces dix dernières sent être établies par la justice », répression de la délinquance con­ quête préliminaire patauge. Cette courriels entre le président et le dence. Nelson Mandela, s’amu­
années » du Centre du don des indique Mme Clerici. tre la personne, qui cherche à éta­ affaire est une épine dans le pied de consultant marketing irriguent le se­t­il face au tribunal, lui avait
corps (CDC) de la rue des Saints­Pè­ blir les responsabilités de l’admi­ plusieurs hauts responsables qui dossier d’instruction, et mon­ bien dit que la meilleure chose à
res, à Paris, sont sévères. Agacement nistration sur le plan pénal. « Com­ savaient et qui ont fermé les yeux », trent que le père était souvent faire était de s’occuper de ses pe­
Samedi 13 juin, le ministère a pu­ Dans la synthèse du rapport d’ins­ ment des anatomistes, des méde­ soupire Solange Oostenbroek, tenu directement au courant des tits­enfants. 
blié une synthèse de huit pages du pection sur le CDC, fermé admi­ cins, des hauts fonctionnaires ont membre de l’association Charnier manœuvres du fils. yann bouchez
rapport des inspecteurs, chargés nistrativement depuis novembre pu laisser faire alors qu’ils ne pou­ Descartes justice et dignité.
de faire la lumière sur la chaîne des et le début du scandale, l’ancienne vaient pas ne pas savoir ? », s’inter­ Avocat des familles plaignantes,
responsabilités dans l’affaire du direction de Paris­Descartes est te­ roge un proche du dossier. Me Frédéric Douchez, lui, soup­
« charnier » du CDC. En novembre, nue pour responsable « car ces A ce jour, 67 familles ont déposé çonne la ministre Frédérique Vi­
L’Express avait révélé les dérives faits graves ont bien eu lieu, les aler­ plainte contre X pour « atteinte à dal de vouloir « protéger des indi­ POLIC E soirée d’affilée, dans une
liées à la conservation et à l’usage tes ont été adressées – entre 2012 et l’intégrité d’un cadavre » auprès du vidus qui ont le bras long » en ne Violences entre bandes : ville peu habituée à ce genre
des dépouilles au sein du plus 2016 – aux différentes autorités de parquet de Paris. Ces proches de publiant pas le rapport des deux quatrième soirée de trouble, des dizaines de
grand centre anatomique de l’université et il ne leur a pas été du­ « donneurs » ont créé, début juin, inspections. « Cette synthèse n’est de tensions à Dijon personnes armées de barres
France, créé en 1953 et rattaché à rablement apporté de correction une association, baptisée « Char­ pas objective, c’est une pantalon­ Dijon a été de nouveau la de fer et d’armes de poing,
l’université Paris­Descartes (de­ avant 2018 ». Et ce malgré plu­ nier Descartes justice et dignité ». nade, estime­t­il. Il est possible proie de tensions, dans la dont on ne sait si elles
venu en janvier l’université de Pa­ sieurs « documents », « rapports Laquelle entend se constituer par­ d’expurger les éléments les plus ac­ soirée, lundi 15 juin. Les for­ étaient factices ou non, se
ris, après la fusion avec sa externes », « photographies », por­ tie civile si « aucune suite pénale cablants. Il nous faut ce rapport. ces de l’ordre ont dû disper­ sont rassemblées, lundi,
consœur Paris­Diderot). tés à la connaissance de l’adminis­ n’est donnée » aux plaintes, com­ En février, Mme Clerici s’était enga­ ser un attroupement d’hom­ dans le quartier sensible des
La ministre, Frédérique Vidal, n’a tration de l’établissement. me l’assure Laurence Dezélée, vi­ gée auprès des familles à le leur mes cagoulés et armés Grésilles. Ces hommes, ca­
pas souhaité divulguer ce rapport. La veille de la publication de ce­présidente de l’association. donner. » Me Douchez assure qu’il voulant défendre leur quar­ goulés pour la plupart, ont
Elle assure l’avoir transmis au pôle cette synthèse, le ministère de Le 27 février, une délégation de va « faire une demande auprès tier après trois expéditions tiré en l’air, détruit des camé­
santé du parquet de Paris, qui a l’enseignement supérieur a mis familles a été reçue par Mme Clerici de la commission d’accès aux do­ punitives menées par des ras de vidéosurveillance et
ouvert en novembre une enquête un terme, par un arrêté, aux et ses avocats. Ces plaignants leur cuments administratifs » pour ré­ membres de la communauté incendié poubelles et véhicu­
préliminaire – toujours en cours – fonctions de l’un des principaux ont alors fait part de leur stupéfac­ cupérer le document.  tchétchène au cours du les, ont indiqué à l’AFP des
pour « atteinte à l’intégrité d’un ca­ conseillers de Mme Vidal. Il s’agit tion après qu’un cambriolage noc­ rémi dupré week­end. Pour la quatrième sources policières. – (AFP.)
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 sports | 15

Mondial 2010 : le rapport « perdu » de Knysna


La Fédération française de football ne retrouve pas le document crucial dans l’enquête sur la grève des Bleus

D
es fantômes conti­
nuent de hanter les
« Y a-t-il des noms
couloirs de la Fédéra­ que la FFF ne
tion française de foot­
ball (FFF). Ou plutôt, des « grévis­
souhaite pas voir
tes ». Ceux de Knysna, cette loca­ apparaître ? »,
lité sud­africaine où les joueurs de
l’équipe de France sont entrés
s’interroge
dans l’histoire par leur refus de un ex-membre
s’entraîner, en solidarité envers
Nicolas Anelka, exclu de l’effectif
de l’encadrement
pour avoir prétendument eu des des Bleus
propos injurieux envers son sé­
lectionneur, Raymond Dome­
nech (« Va te faire enc…, sale fils de 31 mars 2019. La démarche de la
pute », selon les termes rapportés CADA faisait suite à la demande
en une par L’Equipe). d’un certain « Monsieur X », son
C’était il y a dix ans, le 20 juin identité ayant été anonymisée.
2010, juste avant leur élimination Contactée par Le Monde, la FFF
au premier tour de la Coupe du confirme et assure que le rapport
monde. L’histoire comporte tou­ « n’a pas été archivé à l’époque ». A Knysna
jours des zones d’ombre. Le Plusieurs familiers des arcanes fé­ (Afrique
Monde a pris connaissance d’une déraux s’en étonnent. « Un tel rap­ du Sud),
étrange disparition. Selon le prési­ port ne peut pas se perdre au sein le 20 juin
dent de la FFF, Noël Le Gräet, en des instances juridiques de la FFF », 2010, jour
poste depuis 2011, un document estime un ancien cadre de l’insti­ de la grève
central a été perdu : le rapport de tution. « Y a­t­il des noms que la des joueurs
la mission d’information de la FFF FFF ne souhaite pas voir apparaî­ de l’équipe
chargée d’enquêter en urgence tre ? », s’interroge un ex­membre de France.
sur les événements de Knysna. de l’encadrement des Bleus. FRANCK FIFE/AFP
C’est la réponse donnée par M. Le
Graët à la Commission d’accès « Fiasco médiatique »
aux documents administratifs La mission d’information se com­
(CADA), après un premier refus de posait de trois membres : Patrick
communiquer la pièce. Braouezec, alors député (ex­PCF) professionnel. « Ce document, la l’impéritie de la fédération », ajoute rapport reste en son sein. Cela révélations à l’occasion d’un docu­
« Le président de la Fédération de Seine­Saint­Denis et président FFF l’a forcément dans ses archives, M. Davenas, l’institution ayant été faisait partie des conditions, mentaire attendu ce mois­ci sur
française de football a informé la de la Fondation du football ; Lau­ estime M. Davenas. Jean Lapeyre, incapable d’apaiser les dissen­ confirme M. Braouezec. Après, ils Netflix (Anelka : Misunderstood).
commission de ce qu’en dépit des rent Davenas, avocat général près le directeur juridique [de la fédéra­ sions entre Domenech et ses en ont fait ce qu’ils ont voulu. » L’ex­attaquant des Bleus justifie
recherches effectuées, le document la Cour de cassation ; Jacques Rio­ tion], nourri à l’intérêt supérieur du joueurs. Selon lui, M. Braouezec a Contacté par Le Monde, M. Du­ au Monde son choix d’avoir refusé
sollicité n’a pu être retrouvé », écrit lacci, haut magistrat à Versailles et foot français comme les hommes remis le rapport au président de la chaussoy assure n’avoir « aucun – comme quatre autres coéqui­
l’autorité administrative indé­ ex­président de la commission de politiques à la raison d’Etat, devrait FFF d’alors, Fernand Duchaussoy. souvenir d’avoir eu en main ce rap­ piers – d’être auditionné par la
pendante, dans un avis rendu le discipline de la Ligue de football l’avoir. » « Ce rapport montrait « La FFF nous avait demandé que le port écrit ». Le 6 août 2010, selon le mission d’information par sa vo­
procès­verbal, le conseil fédéral de lonté de ne « plus reporter le
la FFF « remercie » pourtant la mis­ maillot de l’équipe de France »,
Le mystérieux coauteur du communiqué des Bleus sion pour le « rapport très com­
plet », « rédigé » et « remis » la veille.
ayant « pris la décision d’arrêter
bien avant les faits ».
Le travail avait été mené au pas de Il avance un autre argument :
qui a écrit la lettre des joueurs de ébauché la lettre la nuit précédant la grève. (PRG) aux sports de la ville, proche de charge après l’audition de 18 des « Cette audition avait pour but de
l’équipe de France de football, le Avant de la transmettre, le matin du Jean­Michel Aulas, le président de l’Olym­ 23 joueurs – la plupart au télé­ sanctionner les joueurs, non de
20 juin 2010, durant le Mondial en Afrique 20 juin, à un avocat. Ce dernier a tenté de pique lyonnais (OL). phone. « Ce document comprend comprendre et connaître la vé­
du Sud, à Knysna, par laquelle ils justi­ ramener les joueurs à la raison. En vain. Il Contacté par Le Monde, M. Braillard dé­ la transcription des auditions rité. » Contestant toujours la te­
fiaient leur grève en solidarité avec Nicolas s’est ensuite efforcé d’adoucir la première ment avoir contribué à la rédaction du – anonymisées car c’était la seule neur des propos rapportés par
Anelka, mis à l’écart par le sélectionneur, version du communiqué. texte. Mais concède avoir su le matin du façon pour que les joueurs accep­ L’Equipe, il estime que « l’objectif
Raymond Domenech ? Il a longtemps été dit que cet avocat était 20 juin ce qui se tramait à Knysna, « indirec­ tent d’être entendus – et les conclu­ de la fédération était de se sous­
En 2011, le magazine France Football avait André Soulier, alors responsable de la com­ tement », par l’entourage d’un joueur. « On sions. Il n’est pas volumineux : 10 à traire de ce fiasco médiatique et de
mené l’enquête. Selon ses informations, mission juridique de la Ligue de football m’a demandé mon avis. Qu’un joueur 15 pages », selon M. Davenas. pointer du doigt le comportement
confirmées au Monde depuis, ce communi­ professionnel. « Ce n’est pas moi, j’ai trop puisse dire “J’ai demandé un conseil ou un Le rapport a conduit la FFF à dé­ des joueurs ». « Il est (…) bien diffi­
qué a été rédigé en partie par Stéphane d’affection pour Domenech, que je connais avis à Thierry Braillard”, ça, je vous le férer cinq joueurs – Nicolas cile de reconstituer les pièces du
Courgeon, ex­attaché de presse du joueur depuis qu’il est gamin, répond à présent confirme. Et je vous confirme quel était mon Anelka, Patrice Evra, Franck Ri­ puzzle et la seule chose dont on
lyonnais Jérémy Toulalan. Contacté, Me Soulier. Si les joueurs m’avaient sollicité, avis : j’ai dit qu’il s’agissait d’une grosse béry, Jérémy Toulalan, Eric Abi­ soit sûrs (…) demeure les dégâts
M. Courgeon « ne souhaite pas apporter de je leur aurais mis un coup de pied au cul. » connerie. Incontestablement, mon avis n’a dal – en commission de discipline. profonds causés à l’image de la FFF
commentaires supplémentaires », sans Aujourd’hui, plusieurs sources conver­ pas eu d’impact et n’a pas été suivi… » Les quatre premiers seront punis et du football français », avait écrit
confirmer ni infirmer. « Il n’y a pas eu que gentes prêtent à Thierry Braillard un rôle Malgré sa proximité avec l’OL, respectivement de 18 matchs de François Manardo, alors chef de
mon conseiller à l’écrire », avait déclaré Jé­ dans l’élaboration de la version finale de la M. Braillard assure n’avoir prévenu per­ suspension en équipe de France, presse de la FFF, dans un rapport
rémy Toulalan, en 2013, dans France Foot­ lettre. Celui qui deviendra, durant le quin­ sonne au club, pas plus qu’à la FFF, où, dit­il, 5 matchs, 3 matchs et 1 match, Eric interne, transmis en juillet 2010 à
ball. Contacté, il n’a pas souhaité s’exprimer. quennat de François Hollande, secrétaire il n’avait pas de contacts. « Je trouvais ça tel­ Abidal n’étant pas sanctionné. Laurent Blanc, successeur de
Selon des informations publiées par Le d’Etat aux sports (2014­2017) était alors lement énorme que j’en suis resté là. »  Jusque­là discret sur cet épisode, Raymond Domenech. 
Monde en 2015, un petit noyau de joueurs a avocat au barreau de Lyon, maire adjoint r. d. et a. pt Nicolas Anelka a promis des rémi dupré et adrien pécout

Pour Liverpool, « le football est moins important que la vie »


Les supporteurs du club de la ville, qui s’apprête à remporter la Premier League, sont partagés sur la reprise de la saison à partir de mercredi

liverpool ­ envoyé spécial dont la statue orne l’entrée du respecteront les conseils de sé­ donner la priorité à la santé et à la field à son fils de 3 ans. Le confine­ meurtrie. Sur le côté du stade se
stade d’Anfield : le football est curité, estime Spirit of Shankly, sécurité de la communauté ment et ses trois mois sans la trouve le mémorial rappelant les

I an Fisher irait au bout du


monde pour soutenir Liver­
pool Football Club. « Russie,
Turquie, Espagne… je suis allé les
voir partout. En 2019, j’ai emmené
« bien plus important » qu’une
affaire de vie ou de mort, avait­il
lancé un jour. « Ça, c’était avant le
Covid », réplique Ian Fisher.
Ne veut­il pas voir Liverpool
l’une des associations de suppor­
teurs. Nous encourageons les fans
à rester chez eux. »
Eddy Davis n’en croit pas un
mot. Ce supporteur des Reds
locale », écrivent les autorités.
Assise dans la minuscule courette
à l’avant de sa maison, à
cinquante mètres du stade,
Michelle Phennah fait la moue à
moindre nouvelle footballistique
ont représenté une dure épreuve.
« Il y a un trou en forme de ballon
de football dans ma vie. »
Lui dont l’oncle a été joueur à
96 morts du drame de Hillsbo­
rough en 1989, quand les suppor­
teurs se sont retrouvés écrasés
contre les grilles lors d’un mouve­
ment de foule. Celui­ci est devenu
mes deux fils de 12 et 21 ans à remporter son premier titre de habite dans l’une des tristes mai­ la lecture du message : « Les jours Liverpool FC reconnaît que la un lieu de recueillement pour
Madrid pour la finale de la Ligue champion d’Angleterre en trente sonnettes alignées à mi­chemin de match, j’ai régulièrement des santé doit primer. Mais, dans la tous les morts de la ville.
des champions, quand on a gagné ans ? « Oui, bien sûr. Mais on a entre Anfield et Goodison Park, gens qui rentrent dans mon jardin. mesure où les autorités assurent John et Nicola Howard sont
contre Tottenham. Ça m’a coûté 25 points d’avance [sur Manches­ stade du rival éternel, Everton. Vous croyez vraiment que le foot­ que tout a été prévu et où les sta­ venus déposer des fleurs à la
6 000 livres (6 700 euros). Je n’ai ter City], on est sûrs de l’emporter, Les deux enceintes se trouvent à ball, même à huis clos, va bien se des resteront vides, il pense que la mémoire d’une proche, récem­
plus un sou, mais ça valait la on aurait très bien pu nous donner dix minutes de marche l’une de passer ? J’ai deux enfants de 4 et reprise est possible. Les pubs sont ment décédée. « Avec le titre de
peine. » le titre et terminer la saison en l’état l’autre, séparées par un parc. 6 ans, je ne veux pas qu’ils pren­ fermés et Liverpool est encore à champion, ce qui va nous man­
Mais ce fidèle parmi les fidèles du classement, comme en France. » nent de risques. » l’heure du confinement. « J’ai quer est de ne pas pouvoir célébrer
n’est pas à l’aise face à la reprise Les autorités du football anglais Priorité à la santé Elle accuse les histoires de gros 34 ans, ça fait trente ans que Liver­ notre victoire collectivement »,
des matchs de Premier League, ont préféré tout faire pour re­ Dimanche 21 juin, le derby entre sous des clubs de s’être imposées. pool n’a pas remporté le cham­ explique Nicola. Son mari mon­
mercredi 17 juin (Aston Villa re­ prendre. Les 92 matchs qui res­ les deux équipes se déroulera à Selon Deloitte, les équipes de pionnat. Bien sûr, les matchs à tre des photos dans son télé­
çoit Sheffield United pour le pre­ tent pour boucler la saison vont Goodison Park. Liverpool pour­ Premier League vont perdre huis clos ne seront pas la même phone de leur célébration après
mier match). « Plus de 40 000 per­ être disputés à huis clos d’ici au rait officiellement remporter la 500 millions de livres de chiffre chose, il ne pourra pas y avoir de la victoire en Ligue des cham­
sonnes sont mortes du Covid­19 au 25 juillet. Les 1 200 joueurs et em­ Premier League ce jour­là, si Man­ d’affaires cette saison mais cela grande parade dans les rues pour pions en 2019.
Royaume­Uni. Le virus circule ployés des clubs sont testés tous chester City perd contre Arsenal aurait été bien pire sans la reprise célébrer, mais c’est important de Jürgen Klopp, l’entraîneur alle­
encore. Le football est quand les quatre jours. Le dernier résul­ quelques jours plus tôt. « Bien sûr des matchs, qui leur permet de gagner à la régulière en allant jus­ mand, a promis d’organiser un dé­
même moins important que la tat a donné seulement deux que le parc va être rempli de toucher les droits de retransmis­ qu’à la fin de la saison. » filé dans la ville dès que cela sera
vie », explique­t­il dans son épais contrôles positifs au coronavirus. monde et que les rues autour du sion télévisée. A Liverpool, le football n’est permis, sans doute en 2021. « Bien
accent liverpudlien. Mairie, police et groupes de sup­ stade seront combles », estime­t­il. Josh Jones fait partie des peut­être pas plus important que sûr qu’on y sera. Pour nous, rem­
La phrase fait écho à la boutade porteurs ont collaboré pour évi­ Pour tenter de rassurer les rive­ supporteurs qui célèbrent le la vie mais il représente plus porter le championnat, c’est aussi
de Bill Shankly, l’entraîneur ter les rassemblements à l’exté­ rains, la mairie a distribué des retour du football. Cet enseignant qu’un simple jeu. L’équipe est de­ fort que de gagner au Loto. » 
mythique des Reds (1959­1974), rieur du stade. « Les supporteurs prospectus. « Notre plan est de est venu montrer le stade d’An­ venue le symbole d’une ville éric albert
ÉCONOMIE & ENTREPRISE
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16 | MERCREDI 17 JUIN 2020

L’explosion attendue des faillites en France
A compter de l’été, le nombre de défaillances va s’accélérer de 21 % ; 200 000 emplois directs seraient affectés

M En France, des défaillances d'entreprises ajournées Une hausse attendue partout en Europe
algré les centaines
de milliards d’eu­
Durant le
ros déversés dans
Les défaillances d'entreprises en France, d’ici à 2021... confinement,
par mois, depuis 2016
leurs économies, Evolution des défaillances d'entreprises par pays
notamment pour venir en aide entre 2019 et 2021, en %
les entreprises
6 000
aux entreprises paralysées par les ont accumulé
mesures de confinement dues à 5 000 Allemagne 12
la crise sanitaire, les faillites vont
des dettes dont
4 000
s’accélérer fortement en Europe à France 21 elles devront
3 000 En France, le nombre
partir du second semestre de 2016 bien s’acquitter
de défaillances a chuté
cette année et en 2021. 2017 Espagne 22
2 000 de 72 % en glissement
Selon une étude de l’assureur­ annuel en avril grâce 2018
crédit Coface, publiée ce mardi 1 000 aux amendements 2019 Pays-Bas 36
16 juin, le nombre de défaillances temporaires des procédures 2020 en général un pic lors de leur troi­
0
d’entreprises va augmenter de Royaume-Uni 37 sième exercice.
21 % en France entre la fin de l’an­ Janv. Fév. Mars Avril Mai Juin Juill. Aout Sept. Oct. Nov. Déc. Les secteurs les plus concernés
née 2019 et la fin de l’année 2021. Italie 37 seront, bien sûr, ceux les plus af­
Le chiffre est sensiblement le Une baisse dans tous les secteurs d’activités fectés par la crise : le tourisme, la
même en Espagne (+ 22 %), nette­ restauration, les transports. Le
Les défaillances d'entreprises par secteur d'activités,
ment plus élevé au Royaume­Uni ... qui va refléter la chute du PIB en 2020 commerce et, notamment, l’ha­
entre mars 2019 et mars 2020
(+ 37 %) et en Italie (+ 37 %) ainsi billement­textile, ne devrait pas
Prévisions du PIB en volume (base 100 sur 2019),
qu’aux Pays­Bas (+ 36 %). En re­
11 755 11 536 10 360 par pays
échapper au phénomène.
10 210
vanche, l’Allemagne, moins péna­ 7 312 6 238 100
Quant au bâtiment, secteur
lisée sur le plan économique, con­ Hébergement d’activité où TPE et PME sont très
naîtrait beaucoup moins de failli­ Construction Commerce et restauration exposées aux retards de paie­
tes (+ 12 %) sur la période. A titre 96 ment, et qui représente tradition­
de comparaison, la crise finan­ 2019 2020 2019 2020 2019 2020 Pays-Bas nellement un quart des défaillan­
cière de 2008 avait entraîné une Allemagne 92 ces d’entreprises, il ne devrait pas
hausse des défaillances de 53 % au France échapper à cette tendance. Au
Royaume­Uni et de 25 % en Activité Espagne 88 contraire. Cette année, le retard
3 839 3 169 financière et Royaume-Uni
France, sur une période de deux 1 432 1 198 1 125 1 003
pris dans la commande publique
ans, entre 2007 et 2009. Industrie Agriculture d’assurance Italie en raison du report du second
84
Les conséquences de la crise du 2019 2020 2019 2020 2019 2020 2019 2020 2021 tour des élections municipales ne
Covid­19 vont donc mettre fin, va rien arranger.
pour la France, à dix ans de baisse Infographie : Le Monde Sources : Coface, Banque de France Pour les autres pays étudiés, Co­
tendancielle du nombre de failli­ face souligne que l’ampleur des
tes. Avec 52 002 procédures enre­ faillites sera en lien avec la chute
gistrées sur l’ensemble de 2019, duite ; il en est résulté un nombre 6 500 à la même période de 2019. pour les reports de cotisations so­ manœuvre supplémentaire du du PIB observé et les perspectives
la sinistralité des entreprises he­ artificiellement bas de procédu­ « Cela a permis d’éviter des situa­ ciales accordées pendant la crise. gouvernement se limite », note de reprise pour l’année 2021. Or,
xagonales avait atteint l’an passé res. Ainsi la Banque de France a tions qui ne sont ni nécessaires ni Parallèlement, la prise en charge Bruno De Moura Fernandes. d’après ces prévisions de crois­
son plus bas niveau depuis publié, lundi, des chiffres qui font souhaitables, mais nous allons des salaires par l’Etat par le dispo­ En l’absence de mesures d’aide sance, les Pays­Bas et l’Allemagne
dix ans, indiquait, en début d’an­ état d’une diminution de 13,5 % maintenant assister à un rattra­ sitif de chômage partiel, déjà en supplémentaires, combien d’en­ devraient être les pays les moins
née, le cabinet Altares, spé­ sur un an des défaillances en page en plusieurs vagues », ajoute retrait par rapport au début de treprises vont se retrouver ac­ affectés par la récession, avec un
cialiste de l’information sur les France en mars 2020, par rapport Bruno De Moura Fernandes, éco­ crise, n’a pas vocation à perdurer. culées, obligées de se tourner vers PIB en 2021 inférieurs de moins
entreprises. à mars 2019. Mais, précise l’insti­ nomiste chez Coface et signataire les tribunaux ? Pour la France, Co­ de 2 % à celui de 2019.
tution, « cette baisse n’indique pas de l’étude. Fragilité des jeunes pousses face estime ce nombre à 61 354 La France et l’Espagne feraient
Dispositifs d’aide nationaux une réduction du nombre d’entre­ En effet, si elles ont été large­ Les entreprises devront au cours d’ici à 2021. En se fondant sur le moins bien, mais mieux que le
La forte poussée de faillites an­ prises en difficulté ». ment accompagnées par les dis­ du second semestre de cette an­ chiffre de 3,2 emplois en Royaume­Uni et l’Italie. Le PIB
noncée par Coface succède à un « L’ouverture d’une procédure de positifs d’aide nationaux ou ré­ née engranger suffisamment de moyenne par société – un chiffre de ces deux derniers pays serait
premier semestre en trom­ défaillance étant devenue de facto gionaux pendant le confinement liquidités pour, non seulement, qui provient des statistiques des inférieur respectivement de 5 % et
pe­l’œil. Pour éviter une avalan­ volontaire, seules les entreprises et au­delà, les entreprises ont, faire face au paiement des salaires années écoulées et qui est assez 6 % à celui enregistré l’an passé, ce
che de défaillances au plus fort de les plus en difficulté, sans perspec­ pendant cette période, accumulé et à leurs charges courantes, alors stable dans le temps –, le nombre qui correspond sensiblement au
crise, la plupart des gouverne­ tive de redressement une fois la des dettes dont elles devront bien que l’activité restera en sous­ré­ d’emplois directs touchés devrait « classement » en termes d’aug­
ments ont, en effet, donné un dé­ crise sanitaire sous contrôle, ont s’acquitter tôt ou tard. gime, mais aussi, honorer les pre­ avoisiner les 200 000. mentation des défaillances. La si­
lai supplémentaire aux entrepri­ fait ce choix dès les premières se­ Au 5 juin, selon le tableau de mières échéances de leurs prêts. Un autre élément, totalement tuation particulière des Pays­Bas
ses pour entamer, en cas de diffi­ maines du confinement », confir­ bord mis en place par Bercy, « Si les charges sociales reportées indépendant de la crise du Co­ s’explique par un contexte diffé­
cultés ou de cessation de paie­ ment les experts de Coface dans 97 milliards d’euros de prêts ga­ étaient annulées, cela allégerait vid­19, pourrait accentuer le rent : les entreprises y font plus fa­
ment, les procédures obligatoires la note. rantis par l’Etat avaient été accor­ bien entendu la pression pour cer­ nombre de faillites dans l’Hexa­ cilement faillite qu’ailleurs, mais
auprès des juridictions spéciali­ Ainsi, entre le début du confine­ dés aux entreprises en difficulté : taines entreprises. Mais avec un gone en fin d’année : en 2017, le les créations, lorsque l’activité re­
sées. En outre, les tribunaux de ment et la fin du mois d’avril, « Il va falloir les rembourser », ob­ déficit public qui devrait dépasser nombre de créations y avait at­ prend, y sont également plus
commerce, au moins en France, moins de 1 500 entreprises ont serve Thierry Millon, directeur 11 % du PIB [produit intérieur teint un niveau record, et la mor­ nombreuses. 
étaient eux­mêmes en activité ré­ démarré une procédure, contre des études d’Altares. Même chose brut] cette année, la marge de talité des jeunes pousses atteint béatrice madeline

A Romorantin, les PME de l’usinage au bord du précipice


Depuis la fermeture de Matra, en 2003, les sous­traitants en mécanique ont appris à fuir le secteur automobile, mais la crise les rattrape

blois ­ correspondant Total ou EDF lancent de grands tique, en produisant des pièces d’Airbus, mais aussi des postes de un buggy. Les machines et le bâti­
chantiers, qui nécessiteront les pour le plus grand télescope du
« J’ai 12 000 euros travail ergonomiques pour les ment dédié étaient neufs, et ça ne

J’ avais un très bon carnet de


commandes qui nous a fait
tenir jusqu’à mai, en fonc­
tionnant à 70 % de nos ca­
pacités. On va tourner à 50 % en
engins et outils adéquats. « Pour­
quoi ne pas enfin généraliser l’en­
fouissement des câbles électriques,
par exemple ? » Et de réclamer un
nouveau « made in France », plus
monde. » En déambulant parmi les
machines, on croise des fraiseurs
jeunes ou sexagénaires sur leurs
ordinateurs, en train de modéliser
des pièces à défaut de les fabriquer.
de commandes
pour le mois de
juillet. Je devrais
chaînes d’assemblage de missi­
les… et d’ascenseurs. « On essaie
de faire l’inverse de Matra, qui était
monoclient [avec Renault]. Et on
savait qu’il fallait quitter le secteur
les a pas empêchés de fermer. » Le
maire, Jeanny Lorgeoux, en place
depuis 1985 et candidat à sa suc­
cession, fut témoin de bien des
crises. Celle­ci lui paraît surmon­
juin et juillet. Puis zéro dès août. Le restrictif : « Saviez­vous que nos « A l’heure où je vous parle, j’ai
en avoir onze fois de l’automobile, trop peu renta­ table : « Les actionnaires de Caillau
mur. Nos interlocuteurs sont inca­ fabricants de machines agricoles 12 000 euros de commandes pour plus » ble. » Une grosse commande pour sont des gens de grande valeur. La
pables de nous donner des com­ achetaient toute leur fonderie en le mois de juillet. Normalement, je Otis Saint­Pétersbourg tarde à ve­ direction est excellente, le person­
GÉRALD GOUVEIA
mandes depuis fin mars, tous Chine ? » L’usinage de précision devrais en avoir onze fois plus, nir : « Elle nous sauverait l’année. » nel, talentueux. Leur sort est lié au
gérant d’Aurema
clients confondus », résume Sébas­ est une spécialité du bassin romo­ pour atteindre 180 000 euros en A l’automne 2018, Caillau faisait plan d’aide national et des études
tien Briqué, directeur de la PME rantinais, qui a essuyé plusieurs fin de mois », observe M. Gouveia. peau neuve. Une nouvelle usine permettent d’augurer une sortie
SKV, dont 60 % du chiffre d’affai­ crises ces vingt dernières années, Lui qui n’avait pas confiné s’ap­ phénoménales. Après avoir formé était inaugurée, à la sortie de Ro­ plus rapide pour l’automobile. »
res vient de l’aéronautique civile. dans le sillage de l’arrêt de l’an­ prête à demander enfin le chô­ nos intérimaires, on réfléchissait à morantin – 28 000 m2 pour ras­ Même optimisme pour le missi­
C’est à Romorantin (Loir­et­Cher), cien constructeur automobile mage partiel pour ses seize sala­ les embaucher. Et le Covid est sembler trois vieux sites, grâce à lier MBDA, principal donneur
sur des tours à métaux sophisti­ Matra, en 2003. Après être monté riés, « car là, clairement, on a un tombé comme un couperet… J’ai 20 millions d’euros de fonds pu­ d’ordre les PME locales de méca­
qués, que naissent les pièces mé­ à 10,3 % en 2013, le taux de chô­ gros souci ». Il mentionne une fait dix devis en trois mois. En blics. Aujourd’hui, ce géant du col­ nique de précision : « Il fonctionne
caniques habillant le haut des ca­ mage était redescendu à 8,2 %, fin commande terminée en avril, temps normal, c’est dix par jour », lier de serrage pour l’automobile sur le long terme et je ne m’in­
bines d’avions, en classe affaires. 2019. Mais les conséquences de la dont le client a repoussé la livrai­ se lamente Philippe Guillon, ex­ et l’aviation, qui emploie ici quiète pas trop. » Toutefois, l’édile
« Mais avec la faillite de certaines situation actuelle inquiètent. La son – et, partant, le paiement – à ouvrier de Matra et fondateur de 600 salariés, traverse la crise en si­ concède : « Je me fais plus de souci
compagnies aériennes, les autres plupart des ateliers locaux pro­ juillet 2021. « Certains gros don­ cette PME, au côté de son ancien lence. Il ne répond pas à la presse. pour Rasec. Ils sont en redresse­
iront chercher leurs avions sur le duisent des outils sur mesure neurs d’ordre manquent d’empa­ collègue Dominique Guichet. A la CGT de Romorantin, d’aucuns ment depuis mars et deux repre­
marché de l’occasion, à peu de pour les industriels de l’arme­ thie », note­t­il pudiquement. « Quand Matra a fermé, en 2003, on évoquent une activité marginale neurs pourraient tenir la route. »
frais. Je n’envisage pas un retour à ment : MBDA, Nexter et Safran. Dans une rue parallèle s’affairent a pris notre prime de licenciement, – dont témoigne le parking clair­ Ce fabricant de mobilier de super­
une activité normale avant 2023. » les 17 ouvriers de G2 Méca­Con­ on a racheté de vieilles bécanes et semé – et le spectre d’une délocali­ marchés paie chèrement une di­
M. Briqué appréhende le monde « Comme un couperet » cept. L’entreprise a préféré fermer on a créé cette boîte », dit­il. sation en Europe de l’Est. « Ils ont versification manquée en Ukrai­
d’après, « où des dizaines de mil­ C’est le cas d’Aurema, ex­fournis­ pendant 4 semaines en mars pour Les machines numériques sont si peu investi qu’ils n’auront aucun ne et en Russie. Cent vingt sala­
liers de petits sous­traitants fran­ seur de Matra. Gérald Gouveia en étaler au mieux les anciennes arrivées par la suite, tout comme état d’âme à partir », assure Régis riés sont inquiets pour leur ave­
çais comme moi iront envahir est le gérant depuis 2017. « L’arme­ commandes. Depuis trois mois, une activité prospère de bureau Barboux, secrétaire général de nir. « La question sera de savoir
d’autres marchés, dans le médical ment, pour nous, ce n’est plus que aucune nouvelle commande n’est d’études. En temps normal, ces l’union locale CGT. Il revient sur combien de gars seront gardés et
ou les centrales nucléaires ». Lui 35 %… On s’est ouvert au cosméti­ arrivée. « On partait sur une année hommes fabriquent des chariots Matra, où il a passé quarante ans : pour combien de temps. » 
aimerait que des géants comme que, à l’exosquelette et même à l’op­ exceptionnelle, avec des prévisions sur mesure pour des morceaux « On devait produire une citadine, jordan pouille
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 économie & entreprise | 17

Europe: «Plus on attend, plus il sera cher d’intervenir»


Fabio Panetta, membre de la BCE, juge « extrêmement » urgente l’approbation du fonds de relance de l’UE

E
t si l’Europe était en train vers une réponse européenne am­ on ne voit peut­être pas ces pro­ tionaux un actif qui serve de va­ La Grèce aussi avait suivi
de prouver qu’elle est ca­
« L’annonce bitieuse. L’Allemagne était perçue grès. Mais, dans vingt ans, ceux leur refuge, des marchés de capi­ un processus de convergence,
pable de réagir et d’être de la France et de comme résistant à une politique qui écriront les livres d’histoire taux profonds et liquides… Et et ça s’est mal fini…
protectrice face aux cri­ européenne commune. Cette per­ considéreront peut­être ce mo­ nous, la Banque centrale, devons Peut­être que, par le passé, l’im­
ses ? C’est la thèse défendue par
l’Allemagne était ception a changé. Et au niveau de ment comme celui où les réfor­ prendre nos responsabilités, agir portance de la convergence a été
Fabio Panetta, un des six mem­ très importante la BCE, nous avons tiré les leçons mes ont eu lieu, apportant plus avec force en cas de crise, comme sous­estimée. Aujourd’hui, on
bres du directoire de la Banque de la crise de la zone euro et nous d’intégration, de croissance et de nous le faisons actuellement, et prend ça bien plus sérieusement.
centrale européenne, qui a pris
pour pousser avons agi rapidement et de façon stabilité. Le choc du coronavirus fournir des liquidités en euros en Pour être intégrés dans l’ERM II [le
ses fonctions le 1er janvier. Dans vers une réponse déterminée. Agir ensemble signi­ pourrait être un moment­clé cas de turbulences. début d’un processus de deux ans
un entretien au Monde, l’Italien fie agir de façon plus efficace. Tous pour l’Europe, quand celle­ci a fi­ avant d’être accepté dans la mon­
reconnaît que les autorités euro­
ambitieuse » les Européens en bénéficient. nalement progressé. La BCE doit­elle devenir, naie unique], les pays doivent ac­
péennes n’ont pas été à la hauteur comme la Fed, un établisse­ cepter la supervision bancaire de
pendant la crise de la zone euro, L’Europe prouve­t­elle L’euro a été lancé il y a vingt ment prêteur international la BCE, par exemple. La Croatie et
mais estime que les choses sont ment monétaire. Si nous ache­ qu’elle est capable d’agir ? ans, mais il n’est pas devenu en dernier recours ? la Bulgarie ont pris des mesures
en train de changer. Au niveau de tons des obligations souveraines Jean Monnet a dit que « l’Europe un vrai concurrent du dollar. Nous devons aller dans cette di­ importantes pour converger.
la BCE, l’intervention a été beau­ et décidons de ne pas demander se ferait dans les crises et qu’elle Est­ce un échec ? rection, en effet.
coup plus rapide et décisive qu’il y leur remboursement, ce serait serait la somme des solutions Je crois que l’euro peut jouer un Quand feront­elles partie
a une décennie, avec une enve­ du financement monétaire. Ce qu’on [y] apporterait ». L’intégra­ rôle international plus impor­ La Bulgarie et la Croatie de l’euro ?
loppe de plus de 1 350 milliards n’est pas autorisé. tion européenne est un proces­ tant. Ce n’est pas encore le cas pourraient rejoindre l’euro. Je pense qu’elles seront accep­
d’euros d’achat de dettes. M. Pa­ Je connais le débat qu’il y a en sus permanent. Ça peut parfois parce qu’on paie le prix de notre Faut­il accepter des pays tées dans l’ERM II d’ici à la fin de
netta laisse clairement entendre France d’annuler les dettes mais paraître lent. Mais qui aurait absence de progrès pour termi­ dont les économies sont l’année au plus tard. Ensuite, c’est
qu’il est favorable à en faire plus ce n’est pas une option possible pensé il y a dix ans que les Etats ner le cadre institutionnel de la beaucoup plus pauvres un processus de deux ans. Donc, la
et que la politique monétaire res­ pour la BCE. Et il n’y a pas que les abandonneraient la responsabi­ zone euro. Pour réduire l’écart que le reste de la zone ? Croatie et la Bulgarie ont la possi­
tera « accommodante » pendant contraintes légales. Les citoyens lité de la supervision bancaire ? avec le dollar et pour que tous les Une entrée dans la zone bilité de faire partie de l’euro d’ici à
une « période prolongée ». Du côté risqueraient de perdre confiance Que les autorités européennes Etats membres bénéficient du euro n’a lieu qu’après un proces­ 2023 au plus tôt, si elles réussis­
des institutions européennes, les dans la monnaie, comme on peut apporteraient une réponse forte, rôle de monnaie internatio­ sus de convergence sérieux, sent tous les tests préliminaires. 
choses avancent également, le voir dans certains pays émer­ s’élevant à 10 % du PIB ? Probable­ nale de l’euro, la zone euro doit sur les institutions, sur les ban­ propos recueillis par
même s’il estime qu’il est « extrê­ gents, où il faut prendre une ment personne. Jour après jour, offrir aux investisseurs interna­ ques, et sur la macroéconomie… éric albert
mement urgent » que le fonds brouette pour transporter les
de relance de 750 milliards billets nécessaires à payer. Ça se
d’euros, proposé par la Commis­ terminerait en désastre financier.
sion européenne et discuté ven­ Ce n’est pas comme ça qu’on crée
dredi 19 juin, soit approuvé. de la prospérité et c’est pour ça
que les traités interdisent le fi­
En mars, la BCE a lancé le PEPP, nancement monétaire.

VOUS VOULEZ
un plan de rachat de dettes de
750 milliards d’euros. Le 4 juin, L’endettement des pays euro­
elle a rajouté 600 milliards péens va atteindre des records

UNE PREUVE
d’euros. Est­ce que cette après cette crise, particulière­
politique fonctionne ? ment en Italie. Est­on entré
Je crois que oui. Mais nous lut­ dans une nouvelle ère
tons contre de sérieux vents con­ de politique monétaire ?

DU POUVOIR DU
traires. Nous devons donc pren­ Sur la base de notre prévision
dre des mesures fortes pour évi­ d’inflation, je prévois une politi­
ter que les conditions de crédit ne que monétaire accommodante

COLLECTIF ?
se tendent, pour stabiliser l’éco­ pour une période prolongée afin
nomie et donc pour réagir face à de respecter notre mandat. Cette
l’inflation qui s’éloigne encore perspective offre les conditions
plus de notre objectif (de 2 %). nécessaires aux autorités euro­

EN VOICI CINQ.
C’est pour ça qu’on a pris la déci­ péennes et nationales pour sti­
sion d’augmenter l’enveloppe de muler la croissance, mener les ré­
600 milliards d’euros supplé­ formes nécessaires pour amélio­
mentaires. Nous devons être rer la compétitivité et sortir de
pragmatiques et nous tenir prêts cette crise mieux placés pour
* Une solution du Groupe VYV. Mutuelle soumise aux dispositions du livre II du code de la mutualité, n° SIREN 538 518 473, n° LEI 969500JLU5ZH89G4TD57. Crédit photo : Getty Images.

à ajuster notre politique pour res­ faire face aux futurs défis.
pecter notre mandat, en fonction
de nos prévisions de moyen La Commission européenne
Soutenir financièrement les entreprises et entrepreneurs touchés
terme. Il demeure beaucoup d’in­ propose un plan de relance par la crise sanitaire au moyen d’un fonds de soutien et d’un repor t
certitudes. On ne sait pas quand de 750 milliards d’euros, dont des cotisations dans le cadre d’un plan de solidarité de 150 millions d’euros.
et comment le virus sera con­ 500 milliards de dotations.
tenu, si le confinement sera en­ Ce serait historique. Mais Développer auprès de nos adhérents le ser vice de téléconsultation
core en vigueur ou remis en le sommet européen de cette MesDocteurs* pour lequel les demandes ont été multipliées par 6.
place, quel sera l’impact des me­ semaine, le 19 juin, s’annonce
sures économiques… Il n’aurait mal. A quel point est­il
pas été sage de déployer plus en­ urgent que les pays membres Maintenir le lien avec nos adhérents les plus isolés avec plus
core notre arsenal, le « Full agissent ? de 145 000 appels réalisés pendant le confinement grâce à la mobilisation
Monty », sans y voir plus clair. C’est extrêmement urgent. L’ob­ de nos salariés et des représentants des adhérents.
jectif doit être de le mettre en
Serait­il possible d’annuler œuvre dès que possible, et pas Aider les entreprises à reprendre leur activité par la mise à disposition
les dettes des Etats possédées après début 2021. Plus on attend, d’un kit de déconfinement avec des solutions concrètes disponibles
par la BCE, par exemple ? plus le choc va mettre à mal des
sur w w w.covid19.groupe-v y v.fr
Le traité sur le fonctionnement entreprises saines qui ont juste be­
de l’Union européenne est clair : soin de liquidités. Plus on attend,
l’article 123 interdit le finance­ et plus il sera cher d’intervenir. Par ticiper à la sauvegarde et à la création d’emplois dans les régions
grâce au Fonds Harmonie Mutuelle Emplois France de 200 millions d’euros.
Est­ce que les autorités
européennes agissent
PROFIL trop peu et trop tard ?
Les autorités européennes ont
déjà pris des mesures qui
auraient été inimaginables il y a
trois mois [prêts garantis et aides
de 540 milliards d’euros]. Nous de­
vons être réalistes, le débat politi­
que prend du temps. Les autorités
européennes ont déjà montré de
façon remarquable qu’elles
étaient prêtes à intervenir. Je suis
Né le 1er août 1959, Fabio plus optimiste qu’il y a trois mois.
Panetta est un habitué des
couloirs de la Banque centrale Pendant ce temps, l’euro­
européenne. S’il n’est entré à scepticisme monte. A quel
son directoire que le 1er janvier, point est­ce dangereux ?
il était à la banque centrale L’euroscepticisme a essentielle­
italienne depuis 2000, jusqu’à ment été motivé par les erreurs
devenir son numéro deux faites pendant la crise financière
en 2012. A ce titre, il participait et, plus récemment, par la crise
régulièrement aux réunions migratoire. Aujourd’hui, la ré­
du conseil des gouverneurs ponse au coronavirus est diffé­
de la BCE. Depuis 2014, il était rente. Les autorités européennes
aussi au comité de surveillance ont été bien plus rapides, plus dé­
du risque systémique, l’instance terminées. Elles ont fait ce qu’il
de la BCE supervisant les risques fallait, malgré des discussions Retrouvez nos engagements pour continuer à faire grandir
sur les marchés financiers. parfois tendues. L’Italie, entre le pouvoir du collectif sur harmonie-mutuelle.fr/solidaire
Il est généralement considéré autres, va recevoir des dotations
comme une « colombe » européennes venant d’une émis­
de la politique monétaire, sion de dettes de l’UE. L’annonce
étant prêt à intervenir de la France et de l’Allemagne était
fortement si nécessaire. très importante pour pousser
0123
18 | économie & entreprise MERCREDI 17 JUIN 2020

Covid­19 : l’Etat et
Sanofi s’associent
Le groupe pharmaceutique va investir
490 millions d’euros dans une nouvelle
usine en France. L’Etat débloque
une enveloppe de 200 millions
pour la recherche d’un vaccin

E
mmanuel Macron est ments contre le coronavirus. Et de
sorti du relatif confine­ relancer l’implantation d’indus­
ment auquel il s’était as­ tries de santé dans l’Hexagone.
treint durant la crise sa­ Le chef de l’Etat a ainsi an­ Paul Hudson,
nitaire. Le président de la Républi­ noncé, mardi, une enveloppe de directeur
que s’est rendu, mardi 16 juin, sur 200 millions d’euros dans le cadre général
le site de recherche et de produc­ du Programme d’investisse­ de Sanofi,
tion de vaccins de Sanofi, à Mar­ ments d’avenir : 120 millions le 6 février, au
cy­l’Etoile (Rhône), l’un des plus pour soutenir les capacités de siège du groupe,
importants au monde avec ses production de vaccins et de traite­ à Paris.
3 500 salariés. Le choix du géant ments ; et 80 millions destinés ÉRIC PIERMONT/AFP
pharmaceutique français et la aux essais thérapeutiques de pha­
présence de son directeur général ses 1, 2 et 3 pour les candidats­vac­
ne doivent rien au hasard : Paul cins contre le coronavirus. Une recentrer sur la fabrication d’un ter les capacités de sa nouvelle grands producteurs mondiaux de
Hudson avait suscité la polémi­ deuxième enveloppe devrait seul vaccin contre le nouvel agent usine de Neuville­sur­Saône et
M. Macron a vaccins (MSD, Pfizer, Janssen, Jo­
que, mi­mai, en déclarant que les être débloquée à l’automne, indi­ infectieux. Ce site à venir de Sa­ développer la production d’anti­ rappelé que le hnson & Johnson, AstraZeneca,
Etats­Unis, cofinanceurs de re­ que­t­on à l’Elysée. nofi Pasteur, entité mondiale de corps monoclonaux en installant Sanofi, GSK, CureVac et Mo­
cherches, seraient servis en prio­ De son côté, M. Hudson s’est en­ Sanofi chargée des vaccins, per­ des cuves de cultures cellulaires.
vaccin devra être derna). Objectifs de ces échanges :
rité dès la mise au point d’un vac­ gagé à investir 610 millions mettra de « sécuriser les approvi­ En cas de nouvelle crise, ces capa­ considéré faire le point sur leurs recherches,
cin Sanofi contre le Covid­19. Cela d’euros sur cinq ans. Sanofi sionnements de la France et de cités additionnelles seraient mi­ mais aussi sur l’accès global à ces
lui avait valu une convocation à construira à Neuville­sur­Saône l’Europe », a précisé Paul Hudson. ses à disposition de l’Europe –
comme un « bien produits, la juste rémunération
l’Elysée, où M. Macron avait souli­ (Rhône), pour 490 millions, une « l’échelon approprié pour prendre public mondial » des laboratoires et la répartition
gné la nécessité d’« extraire des nouvelle usine de vaccins em­ Lancés dans une course des décisions audacieuses », selon des capacités de production.
lois du marché » un tel vaccin et de ployant 200 personnes. Présen­ Par ailleurs, le groupe mobilisera lui – ou d’autres laboratoires
accessible à tous Le Covid­19 a changé bien des
le mettre à la disposition de tous tée comme unique au monde par 120 millions d’euros pour un nou­ pharmaceutiques. approches, y compris dans l’in­
dès que possible. sa conception, cette « evolutive veau centre de recherche, à Mar­ Les plus gros labos sont lancés dustrie pharmaceutique. Dans
Le ton a radicalement changé. vaccine facility » aura la capacité – cy­l’Etoile, consacré aux vaccins dans une course aux vaccins et même manière avec d’autres labo­ une situation aussi grave, « une
Le gouvernement et Sanofi veu­ contrairement aux usines tradi­ contre les maladies émergentes et aux traitements contre le Co­ ratoires, indique l’entourage du plus grande coopération en
lent désormais aller de l’avant tionnelles – de produire trois ou les risques pandémiques. Si des vid­19. Sanofi y participe, mais président de la République. On si­ amont, des partenariats entre l’in­
dans un partenariat qui a pour quatre vaccins en même temps. programmes européens cofinan­ n’est pas le mieux placé pour l’ins­ gnera probablement avec Sanofi, dustrie et les gouvernements sont
objectif d’accélérer la mise au Mais si une pandémie du type Co­ cent des projets, a indiqué M. tant. L’anglo­suédois AstraZeneca avec qui les négociations com­ fondamentaux », analyse le pa­
point d’un vaccin et de traite­ vid­19 se développe, elle pourra se Hudson, Sanofi pourrait augmen­ a annoncé, samedi 13 juin, un ac­ mencent, et avec d’autres. La cou­ tron de Sanofi. M. Macron en
cord de principe avec quatre Etats verture vaccinale mondiale ne se semble aussi convaincu et sou­
européens (Allemagne, France, fera sans doute pas par un seul haite que l’exemple français ren­
Italie, Pays­Bas) pour leur fournir, vaccin, mais par plusieurs. » contre un large écho en Europe. Il
sans faire de profit, de 300 à M. Macron a rappelé qu’il devra en va de sa sécurité et de sa souve­
400 millions de doses d’un éven­ être considéré comme un « bien raineté sanitaires, très défaillan­
tuel vaccin contre le Covid­19 en public mondial » accessible à tous. tes ces trois derniers mois (princi­

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cours d’essais cliniques (phase 2 Autrement dit, un produit exclu pes actifs, masques, tests, vaccins,
et 3), à l’université d’Oxford des lois du marché, comme le ré­ produits de réanimation…) dans
(Royaume­Uni), soit une précom­ clament aussi l’Organisaton mon­ plusieurs pays. Et de la prépara­
mande de 750 millions d’euros. diale de la santé (OMS) et le secré­ tion à une nouvelle pandémie.
Paris a précisé que cette « alliance taire général des Nations unies, Elle pourrait être plus sévère que
inclusive pour le vaccin » est Antonio Guterres. celle du coronavirus qui a déjà
HORS-SÉRIE ouverte à d’autres pays. De retour à Paris mardi après­ tué, officiellement, 435 000 per­
Mais AstraZeneca ne bénéficie midi, le chef de l’Etat devait ani­ sonnes dans le monde et en a in­
d’aucune exclusivité. Les Euro­ mer une rencontre en visioconfé­ fecté plus de 8 millions. 
péens « entendent négocier de la rence avec les dirigeants des jean­michel bezat

1940 DE GAULLE
Berlin investit dans CureVac, biotech
qui suscite l’intérêt des Américains
L’Allemagne veut protéger ses pépites industrielles jugées stratégiques
LA RÉSISTANCE
PÉTAIN berlin ­ correspondance Il détient cependant un porte­ de percée dans la recherche du
LA COLLABORATION feuille de participations, essen­ vaccin. CureVac est détenue à

C’ est une décision qui


fera date dans la politi­
que industrielle alle­
mande : Berlin a annoncé, mardi
16 juin, son intention d’investir
tiellement dans d’anciens servi­
ces publics (Deutsche Bahn,
Deutsche Post, Deutsche Te­
lekom), ou dans des entreprises
sauvées par le contribuable (Com­
80 % par l’homme d’affaires Diet­
mar Hopp, fondateur du groupe
informatique allemand SAP. L’en­
treprise veut démarrer au mois de
juin ses premiers essais cliniques
300 millions d’euros dans Cure­ merzbank après la crise de 2009, pour son vaccin génétique.
Vac, une entreprise de biotechno­ et récemment Lufthansa, à cause Ce qui a convaincu le gouverne­
logie sise à Tübingen (Bade­Wur­ du Covid­19). Mais cette approche ment d’agir sans tarder est l’inten­
temberg), actuellement considé­ est revue depuis quelques an­ tion de CureVac d’entrer en Bourse
rée comme l’une des plus en nées, à cause des appétits chinois en juillet, et de se faire coter au
pointe, à l’échelle mondiale, dans concernant les industries alle­ Nasdaq, aux Etats­Unis. En raison
la recherche d’un vaccin contre le mandes d’avant­garde. des règles régissant les marchés fi­
Covid­19. Cette initiative concré­ nanciers, l’Etat allemand devait
tise la nouvelle orientation du Regagner de l’indépendance agir vite s’il voulait se garantir une
gouvernement dans le sens d’une Lundi, le ministre de l’économie, participation importante, a pré­
plus grande protection des pépi­ Peter Altmaier, a justifié l’inves­ cisé le ministère des finances au
tes industrielles jugées stratégi­ tissement public dans CureVac Bundestag (la Chambre basse du
ques face aux rachats étrangers. par la nouvelle stratégie adoptée Parlement), lundi soir.
L’investissement doit être effec­ par Berlin dans le cadre de son Les conséquences de la crise liée
Quelle année terrible ! 1940 commence avec la « drôle de guerre », suivie par l’invasion tué par la banque publique d’in­ plan de relance, qui vise notam­ au Covid­19 ont renforcé les crain­
vestissement KfW et permettra à ment à regagner une certaine in­ tes du gouvernement de voir cer­
allemande en mai, l’exode, l’armistice, la poignée de main honteuse entre Pétain et Hitler l’Etat d’acquérir 23 % du capital de dépendance dans la fabrication tains joyaux passer aux mains
à Montoire et enfin la collaboration avec l’occupant. L’espoir viendra de Londres, avec CureVac. C’est la première fois de produits pharmaceutiques et d’investisseurs étrangers. Fin mai,
que l’Etat procède à un investisse­ de vaccins. Il a insisté sur le fait il a fait part de sa volonté d’aug­
l’appel du 18 juin du général de Gaulle, qui saura fédérer l’esprit de résistance.
ment de cette taille dans une en­ que l’Etat n’interviendrait pas menter son droit de veto lors de
treprise de biotechnologie. Selon dans la gestion de l’entreprise. prises de participation d’investis­

1940 la tradition d’économie sociale de


marché du pays, il s’abstient d’or­
Au mois de mars 2020, CureVac
avait attiré l’attention du grand
seurs étrangers hors Union euro­
péenne dans des entreprises alle­
dinaire de toute intervention di­ public quand la presse avait relayé mandes de la santé, de l’intelli­
Un hors-série du « Monde » recte dans la vie des entreprises la rumeur (non confirmée) selon gence artificielle et de la roboti­
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et se borne à offrir un cadre juri­ laquelle le gouvernement améri­ que, secteurs où Berlin dispose
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dique et fiscal efficace pour leur cain avait cherché à s’arroger la d’une avance technologique. 
développement. production de l’entreprise en cas cécile boutelet
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 économie & entreprise | 19

PERTES & PROFITS | BP
Révolte d’hôteliers face à Booking par phili ppe esc ande

Les propriétaires d’établissements indépendants réclament une baisse L’Europe se prépare


des commissions exigées par le spécialiste de la réservation en ligne à l’après-pétrole

L Selon l’agence
es commentaires étaient naient de Booking.com et un cin­ taux, son responsable national, Un virus aura­t­il raison de notre patron de Total, Patrick Pou­
pourtant engageants. quième de son concurrent Expe­ Laurent Duc, s’engage à lancer un civilisation pétrolière ? Depuis yanné, l’âge de pierre ne s’est pas
Alice, de Belgique, saluait D-Edge, en 2018, dia. A partir de là, le leader des mot d’ordre : « “Lâchez­vous !” Je que l’on a abandonné l’huile de arrêté faute de pierres. On ne
la qualité du « room ser­ la moitié OTA aurait adopté, à en croire vous promets qu’on fera les actions baleine pour s’éclairer et que l’on peut projeter à l’infini des ten­
vice ». De son côté, Richard, de M. Le Houerou, « une attitude de destination par destination. C’est a mis de l’essence dans les mo­ dances passées, même en termes
Norvège, appréciait le calme et la des revenus des dominant autoritaire, devenue in­ l’été de la remise à plat des rela­ teurs, le pétrole a été le carburant de ressources naturelles.
proximité du centre­ville d’Ajac­ hôtels européens supportable ». tions commerciales. » Il demande de la formidable croissance éco­ Ensuite, le monde industriel est
cio. Et la note générale, 9 sur 10, Au sentiment de dépendance à Booking – en vain pour l’ins­ nomique du XXe siècle. Après en train de se reconstruire dans
promettait un séjour confortable. provenaient s’est ajouté, durant la crise liée au tant – de réduire sa commission à Shell et Total, c’est au tour de BP un univers de carbone cher. La
Las ! Sur Booking.com, le quatre­ de Booking.com Covid­19, celui d’une humiliation. 5 %, le temps de la crise. En atten­ de se projeter dans l’après­pé­ contrainte climatique est peu à
étoiles Les Mouettes, situé face au Booking a proposé aux clients le dant, les hôteliers se jettent dans trole. Et il donne un prix à cette peu absorbée par la machine ca­
golfe d’Ajaccio, n’a plus une cham­ remboursement de leur voyage, les bras du nouvel entrant sur le conversion : 17,5 milliards de dol­ pitaliste. Si BP revoit ainsi sensi­
bre de libre en août. en contradiction avec l’ordon­ marché des OTA : Leboncoin, qui lars (15,5 milliards d’euros). C’est blement ses prévisions de long
Et pour cause : Jean­Baptiste néral, affirmant entre autres que nance gouvernementale laissant propose une commission à 0 % le montant des dépréciations terme, c’est aussi parce qu’il y est
Pieri, propriétaire de l’établisse­ « Booking.com [avait] pour prio­ la possibilité d’offrir un à­valoir, en 2020, et à 10 % au­delà. d’actifs qu’il va inscrire à son bi­ poussé par des investisseurs de
ment, a retiré, comme la quasi­to­ rité l’aide et le soutien à ses parte­ afin de préserver la trésorerie des Dans son combat, l’UMIH peut lan pour entériner la perte de va­ plus en plus réticents à placer
talité de ses collègues de la ville de naires, en leur permettant de déve­ entreprises. Les remboursements compter sur le soutien de l’Asso­ leur de son activité. Jusqu’à pré­ leur argent dans des compagnies
Corse­du­Sud, toutes ses cham­ lopper leur marque et leur activité, décrétés par Booking ont rallumé ciation des franchisés d’Accor, qui sent, ses prévisions reposaient à l’avenir incertain et à la valori­
bres de la plate­forme néerlan­ et en les aidant à remplir leurs les braises d’un conflit en som­ rassemble plus de 1 200 hôtels, et sur une estimation de prix du sation déclinante. C’est la raison
daise de réservation d’héberge­ chambres tous les jours ». meil depuis la loi dite Macron de réclame l’intervention du gouver­ baril de pétrole de 70 dollars pour laquelle BP garde, en dépit
ments pour ce mois capital pour Entre les hôteliers français et le 2015 : les hôteliers français nement. Le très politique PDG pour la période 2020­2050. Ce des circonstances actuelles, une
l’industrie touristique locale. site amstellodamois, racheté avaient obtenu le droit de fixer d’Accor, Sébastien Bazin, suit la sera maintenant 55 dollars. si généreuse politique de verse­
« On a été choqués par leur com­ en 2005 par le groupe américain des tarifs différents de ceux de la fronde de près, en dépit d’un con­ Cette opération comptable n’est ment de dividendes.
portement durant le confinement, Priceline, la lune de miel a été de plate­forme. Une disposition peu trat existant avec Booking. pas anodine. Couplée à une pré­
avance M. Pieri, par ailleurs secré­ courte durée. Après avoir con­ connue des voyageurs, souvent « Pourquoi ne pas suivre l’exem­ vision parallèle d’un prix du car­ Défi immense
taire général de l’association des senti à des commissions inférieu­ persuadés que les OTA proposent ple des Corses ?, s’interroge Gwe­ bone à 100 dollars la tonne con­ Enfin, à ce tarif, certains pays
hôteliers du golfe d’Ajaccio. On res à 10 % dans les années 2000, le meilleur prix. naël Le Houerou. Si ça ne tenait tre 40 auparavant, elle creuse un sortiront de la carte pétrolière,
prend le risque. On demande une comme jadis les agences de qu’à moi, vous seriez déjà en train peu plus la tombe de l’or noir. certaines entreprises aussi. L’ère
baisse pérenne des commissions. voyage, Booking.com s’est fait « Pot de terre contre pot de fer » de me demander pourquoi l’on Bien sûr, nous n’en avons pas fini du pétrole low cost a commencé.
On est de toute façon sur une an­ gourmand en devenant le leader Aux yeux de Karim Soleilhavoup, s’est retiré de Booking. » De quoi avec cette huile précieuse, aussi Un défi immense pour les com­
née catastrophique, alors, perdu des « OTA » (Online Travel Agency, directeur général du réseau d’in­ donner une idée assez nette de bien pour fournir de l’énergie que pagnies pétrolières multinatio­
pour perdu… » Ce risque est cal­ les agences de voyage en ligne) et dépendants Logis Hôtels, « cette l’état d’esprit d’une profession comme constituant de base de la nales, justement spécialistes du
culé : en août, avec leur clientèle un intermédiaire indispensable. position proche de l’hégémonie qui, aujourd’hui, est à la recher­ chimie, et donc des produits du pétrole cher, qui doivent réduire
française, ils ont de bonnes chan­ Sa force : être capable de ramener donne l’impression à Booking che de toutes les économies pos­ quotidien. Mais elle a au moins leurs investissements et reporter
ces de remplir leur établissement l’homme d’affaires brésilien ou le qu’ils peuvent tout s’autoriser. sibles, les commissions étant la trois conséquences majeures. leurs ambitions ailleurs. Shell,
quoi qu’il en soit. Tout comme touriste allemand dans un hôtel Cette relation ne va pas. C’est le pot plus évidente. D’abord, il restera toujours du Total et BP mettent le cap sur le
cette quinzaine d’hôteliers du Cap indépendant qui, jusqu’alors, ne de terre contre le pot de fer. » Pour Philippe Doizelet, direc­ pétrole sous terre. A un prix gaz et aspirent toutes trois à de­
d’Agde (Hérault) qui, pendant le vivait que d’une clientèle locale. Les commissions d’Expedia, teur associé du cabinet Horwath aussi faible, une grande partie venir des électriciens de taille
confinement, ont pris l’initiative Gwenaël Le Houerou, vice­pré­ concurrent direct de Booking, HTL, « les hôteliers indépendants des gisements actuellement ex­ mondiale dans les vingt ans à ve­
de fixer le prix de leur chambre sident de l’Association des fran­ sont encore plus élevées – plus de sont dans la situation des produc­ ploités ne sont plus rentables, les nir, à l’image du danois Orsted,
à… 1 000 euros la nuit. chisés d’Accor et ancien directeur 20 %, contre 17,4 % en moyenne –, teurs des melons de Cavaillon pétroles de schiste aux Etats­ qui a abandonné le pétrole
Pas de quoi perturber outre me­ de chaînes, emploie l’image du mais sa cote est un petit peu [Vaucluse], contraints de verser Unis, les sables bitumineux du en 2018 et est devenu un leader
sure Booking.com, dont le siège pot de confiture : après y avoir moins basse : cet autre site, améri­ des cageots devant la préfecture Canada et surtout l’offshore pro­ mondial de l’éolien offshore.
se trouve à Amsterdam, qui goûté d’un doigt, les gérants d’hô­ cain, est jugé plus ouvert au dialo­ pour protester contre les centrales fond. Contrairement aux prévi­ Mais y aura­t­il de la place pour
n’a d’ailleurs pas réagi aux de­ tel finissent par y plonger jus­ gue et joue davantage le rôle d’un d’achat. On peut faire toutes les ro­ sions des Diafoirus de la collap­ tout le monde ?
mandes de renégociation venues qu’au poignet. « Et plus les hôtels tour­opérateur. domontades que l’on veut face à sologie, le monde ne s’arrêtera Le monde émergent, lui, brû­
de l’île de Beauté. Mais ces actions sont dépendants, plus ils doivent A l’UMIH, premier syndicat pa­ Booking, c’est la force de la pas parce qu’il n’aura plus une lera encore longtemps du pétrole
témoignent de l’ire des hôteliers payer cher, souligne M. Le Houe­ tronal de l’hôtellerie, d’aucuns preuve : le marché est désormais seule goutte à extraire, mais fourni par des compagnies natio­
face au mastodonte de la réserva­ rou. Quand un hôtelier indépen­ pestent contre ces acteurs qui entre les mains de la distribution. » parce que l’évolution de la so­ nales, comme celles du Golfe, qui
tion en ligne, accusé de manquer dant a 70 % de sa clientèle qui vient échappent à l’impôt et ont gagné Afin de rebattre les cartes, l’irrup­ ciété en a décidé autrement et représentent les deux tiers de la
de solidarité avec le reste du sec­ de Booking, on peut se demander à leur place en investissant des mil­ tion de Google, qui multiplie les que la technologie a rendu cela production mondiale. L’Europe,
teur. Contactés, les dirigeants de qui appartient vraiment le fonds liards d’euros dans le référence­ investissements dans le secteur, possible. Comme le résume le elle, a fait son choix. 
Booking.com ont refusé nos de­ de commerce. » Selon l’agence D­ ment sur Google. A l’occasion, serait au moins aussi efficace
mandes d’entretien et ont ré­ Edge, en 2018, la moitié des reve­ mercredi 17 juin, d’une réunion qu’un boycott. 
pondu par un message d’ordre gé­ nus des hôtels européens prove­ avec ses délégués départemen­ clément guillou

De Chambord à Cheverny, les châteaux 20 %


C’est la part des Américains qui déclarent être abonnés à des médias en
ligne, selon le rapport annuel de l’institut Reuters, publié mardi 16 juin.

de la Loire se languissent de leurs visiteurs Ce ratio est en progression de 4 points sur un an. En France comme en
Allemagne, la part des lecteurs ayant souscrit un abonnement numéri-
que est de 10 %, selon cette enquête réalisée pour Reuters par YouGov
auprès de citoyens de 40 pays. Cette étude montre que – alors que de
Locomotives de l’économie du tourisme en Loir­et­Cher, les sites rouvrent progressivement nombreux médias régionaux sont touchés par la crise –, 47 % des per-
sonnes interrogées se déclarent intéressées par l’actualité locale. Ce
chiffre baisse cependant dans les Etats les plus centralisés, comme le
blois ­ correspondant déambulant entre chaque pièce, billetterie, soit une portion des ment pour sa jeune propriétaire, Royaume-Uni et la France (31 %) ou la Corée du Sud (12 %).
les spectacles vivants, le grand 41 000 tickets d’entrée que le dé­ mais l’absence de recettes a pro­

E n ce moment, David Ha­


meau, directeur de l’office
du tourisme de Blois­
Chambord (Loir­et­Cher), multi­
plie les mots apaisants : « Allez, t’en
banquet dans la salle des Etats gé­
néraux : l’heure est à la sobriété.
« On retourne au produit brut, tra­
ditionnel, qu’est la visite », observe
Mme Foucault. Les ateliers de Qi
partement va bientôt acquérir
auprès des lieux touristiques fra­
gilisés et qui seront ensuite redis­
tribués au grand public, par des
jeux concours.
voqué un changement de cap :
« Plutôt qu’une ouverture toute la
journée, je vais privilégier deux vi­
sites guidées, plus qualitatives, à
11 heures et 16 h 30 », détaille
TO U RIS ME
Plan social chez TUI
France
La direction de TUI France,
par la pandémie. Le groupe
britannique, qui appartient à
l’indien Tata Motors et em­
ploie 32 000 personnes au
fais pas, ça va repartir avec le beau Gong dans le jardin d’Anne de Bre­ « On est bien content d’être en Isaure Marcotte de Sainte­Marie, premier opérateur touristi­ Royaume­Uni, explique dans
temps, je le sens ! », lance­t­il à ce tagne sont maintenus, « des visi­ France quand on voit la manière déjà écartelée entre ses chambres que dans l’Hexagone, va pré­ un communiqué devoir ré­
chauffeur de taxi morose. Ses ser­ teurs en auront besoin pour éva­ dont on a été aidé », glisee le mar­ d’hôte, sa petite boutique et une senter mercredi « son projet duire dans les prochains mois
vices concoctent des séjours mê­ cuer le stress ». quis Charles­Antoine de Vibraye. salle de mariage. de plan social » pour l’entre­ le nombre de ses employés
lant découvertes de châteaux et vi­ Son château de Cheverny et ses A Chambord, rouvert le 6 juin, prise à l’occasion d’un comité dans ses usines. –(AFP.)
rées nature pour les agences et les Annulation de travaux quarante­quatre salariés ont tra­ l’escalier à double révolution a social et économique (CSE)
particuliers. « Presque toutes les ré­ Selon qu’ils soient publics ou fa­ versé la tempête grâce au chô­ trouvé une légitimité sanitaire en extraordinaire, a affirmé, P RESS E
servations de groupes, jusqu’à la fin miliaux, petits ou grands, les châ­ mage partiel et un prêt garanti par permettant à ceux qui l’emprun­ lundi 15 juin, le secrétaire du Le Belge Rossel reprend
de l’année, ont été reportées… mais teaux n’ont pas encaissé la crise l’Etat de 500 000 euros. Début tent de ne jamais se croiser. Ce CSE. Ce dernier craint des « Paris-Normandie »
pas annulées. Et on commence à re­ liée au Covid­19 de la même ma­ juin, la fréquentation a atteint à château étatique qui, en temps « licenciements secs » parmi La justice a choisi, lundi
cevoir de nouvelles demandes de nière. A Tour­en­Sologne, le châ­ 35 % du chiffre habituel… « J’ai re­ normal, s’autofinance à plus de les quelque 900 salariés en 15 juin, le groupe Rossel, pro­
devis, c’est rassurant ! » teau privé de Villesavin vit sur­ trouvé mon personnel et c’était 80 %, a perdu 9 millions d’euros CDI. Le géant allemand du priétaire de La Voix du Nord,
Samedi 13 juin toutefois, dans la tout de ses entrées et de la loca­ bien plus émouvant que de retrou­ et devra renoncer à ses trente­ tourisme, premier voyagiste pour reprendre le journal lo­
cour pavée du château de Blois, où tion d’une salle pour les mariages ver de l’argent sur mon compte en cinq saisonniers. mondial, a annoncé, mi­mai, cal en difficulté Paris­Nor­
l’on ne pénètre plus sans masque, et salons en tout genre. Malgré la banque », explique le marquis. « On s’en sort avec plus de 20 % vouloir supprimer 8 000 mandie, au grand soulage­
seule une poignée de visiteurs as­ réouverture, les déconvenues se Une remise en question est, selon d’économies sur le budget de fonc­ postes sur 70 000 dans le ment des salariés, malgré
sistait au son et lumière quotidien. poursuivent : son traditionnel lui, inévitable : « Regardons les ex­ tionnement, et par l’annulation monde. –(AFP.) la suppression de 62 postes
« Y aller comporte pourtant moins « Rendez­vous du chocolat », or­ cès du tourisme de masse, avec ces d’un an et demi, voire deux ans, de sur 240. –(AFP.)
de risques qu’au supermarché ! », ganisé à la mi­octobre, vient paquebots en rade de Venise, par travaux sur le monument. On ne AU TO MO BIL E
soupire Aurélie Foucault, chargée d’être annulé, faute de sponsors. exemple. Demain sera­t­il pareil maintient que les travaux d’ur­ Jaguar supprime plus RESTAU RATIO N
du développement commercial. « Et des travaux ne pourront pas qu’hier ? N’avons­nous pas atteint gence, motivés par la sécurité », d’un millier de postes Les restaurants
Propriété de la ville et épicentre se faire comme les frontons de lu­ un moment décisif ? Peut­être en­ explique Jean d’Haussonville, le Le constructeur automobile Courtepaille à vendre
de son économie, la résidence pré­ carnes de la façade sud planifiés trons­nous dans un nouveau para­ directeur général du domaine. Jaguar Land Rover a annoncé, Le fonds britannique ICG a,
férée des rois à la Renaissance dans deux ans », dit Véronique de digme touristique, où il faudra faire Sting, programmé le 1er juillet de­ le 15 juin, la suppression de selon les Echos du mardi
avait enregistré un bond de fré­ Sparre, la propriétaire qui, mieux avec moins de visiteurs. » vant 20 000 spectateurs, a ac­ 1 100 emplois intérimaires au 16 juin, confié un mandat à la
quentation de 84 % ces dix derniè­ en 2018, bénéficiait de subsides Trois kilomètres plus loin, le cepté de déplacer son concert à Royaume­Uni et une perte banque Lazard pour céder le
res années, avant de perdre 1 mil­ de la mission Stéphane Bern pour château de Troussay, parfaite­ l’été 2021, soit pour le bicente­ avant impôt de 500 millions contrôle du groupe Courte­
lion d’euros de recettes ce premier rénover son pigeonnier géant. Le ment rénové, est le plus petit châ­ naire de l’ouverture du château de livres (558 millions paille. L’enseigne de restaura­
semestre 2020. Aux oubliettes, conseil départemental s’apprête teau de la Loire. Sa fermeture a au public.  d’euros) entre janvier et mars, tion compte 300 établisse­
donc, les figurants costumés à lui offrir plusieurs semaines de coïncidé avec un heureux événe­ jordan pouille du fait d’une activité frappée ments et 3 500 employés.
20 | campus 0123
MERCREDI 17 JUIN 2020

A l’université, le ras­le­bol des cours en ligne


Les enseignants s’alarment de la perte du « lien » pédagogique avec les cours à distance

effet aux enseignants de repenser


entièrement le rapport à leurs
cours, de réinventer les formats,
les interactions… « Il faut des
ressources pour cela, convient

C
haque semaine depuis Mael Virat. Or, avec la charge
la mi­mars, Alexandre administrative et le conflit entre
Mayol, maître de confé­ enjeux de recherche et de forma­
rences en sciences tion, les enseignants n’ont pas tous
économiques à l’université de les moyens, ne serait­ce que tem­
Lorraine, allumait son ordinateur, porels, de s’engager de cette ma­
se branchait sur Zoom et saluait nière­là dans des cours en ligne. »
ses étudiants. Ou plutôt, des dizai­ Dans cet univers tout numéri­
nes d’écrans noirs : autant de que, l’agacement et les incompré­
petits carrés sombres que d’étu­ hensions peuvent rapidement
diants, invisibles. Les micros remonter à la surface, côté étu­
étaient fermés, les caméras étein­ diants, mais aussi côté ensei­
tes afin d’éviter de saturer le gnants. Et les accidents sont vite
réseau, et pour respecter l’inti­ arrivés. Comme cette professeure
mité d’un chez­soi devenu lieu d’histoire de Sciences Po Rennes,
d’études. Puis, dans un « silence qui, au lieu d’envoyer un message
d’outre­tombe », Alexandre Mayol à son directeur des études, a expé­
commençait son cours. « Mon dié par erreur la conversation à
monologue », rectifie l’ensei­ toute sa classe. Elle s’y plaignait,
gnant, saisi par la désagréable im­ en des termes secs, du travail et de
pression de « parler dans le vide ». l’attitude de ses élèves, qui ne sai­
Ces mots sont dans toutes les sissaient pas bien les consignes :
bouches : interaction « au point « Qu’ils aillent dans les hôpitaux,
mort », « frustration », voire « ten­ ils apprendraient à hiérarchiser les
sions »… Lorsque, en mars, les uni­ problèmes. » L’e­mail a provoqué
versités et grandes écoles ont bas­ un tollé chez les étudiants, qui ont
culé vers des cours en ligne à cause reproché à l’enseignante son
de l’épidémie de Covid­19, la rela­ manque d’empathie vis­à­vis de
tion pédagogique entre ensei­ leurs difficultés individuelles.
gnants et étudiants a en effet dû
s’adapter, tant bien que mal et sans Casquette de « mentor »
préparation, à cette situation. ANNA WANDA GOGUSEY Emotionnellement lourde, cette
Un modèle qui pourrait se pour­ période de confinement a cepen­
suivre en septembre, si la situa­ dant permis, dans certains cas, de
tion sanitaire ne permet pas un élèves plus jeunes, les étudiants sociologie à Paris­I, raconte Un environnement difficile à consolider des liens entre
retour normal dans les établisse­ expriment un besoin d’attentions
« Les avalanches qu’avec les grèves de l’hiver, puis recréer quand même la commu­ étudiants et enseignants. Chloé,
ments. Non sans difficulté, ces particulières et de proximité avec de mails ont l’épidémie, elle n’a vu certains de nication la plus basique est en master de sciences de l’éduca­
derniers préparent déjà une « ren­ leurs enseignants. « Ils attendent ses professeurs « qu’une ou deux complexifiée par le passage en tion à Lyon­II, a pu s’appuyer sur
trée hybride », mêlant enseigne­ d’eux qu’ils les portent en tant
stressé plus fois ». « Avec le passage à distance, ligne. D’abord parce que, pendant l’un de ses professeurs, aupara­
ment en ligne et en présentiel. qu’individus, et pas seulement d’un étudiant : certains ont totalement disparu. ce confinement, une partie de la vant peu disponible. « Avec les
Dans cette formule défendue par comme apprenants », précise Plus aucun lien. » Difficile de gar­ jeunesse s’est retrouvée en « souf­ stages annulés, les sujets de
le ministère de l’enseignement Mael Virat.
cette génération, der sa motivation dans ces condi­ france numérique ». Même si mémoire à repenser, on avait
supérieur, les cours à distance Sauf qu’en ligne les sourires, les pourtant tions : la jeune femme de 18 ans certains établissements se sont l’impression que tout s’écroulait
pourraient rester majoritaires, traits d’humour, les digressions et s’est vue peu à peu sombrer, dépri­ mobilisés pour fournir clés 3G et autour nous. Son accompagne­
jusqu’à 80 % de la formation anecdotes personnelles tendent à
très connectée, mée par la situation. matériel en cours de route. Une ment a été essentiel », témoigne
selon les décisions de chaque disparaître. « Or, loin d’être acces­ n’a souventpas étude menée auprès d’étudiants l’étudiante de 24 ans.
établissement. soires, ces éléments contribuent à Communication complexifiée de licence à Dauphine, qui Les enseignants ont parfois
Dans les rangs professoraux, construire du lien et de l’implica­
les codes pour « Le risque est de susciter un vrai accueille pourtant un public plus endossé une casquette de « men­
cette perspective génère de l’in­ tion scolaire », souligne le interagir en ligne sentiment d’abandon, susceptible privilégié que la moyenne des tor », de soutien psychologique,
quiétude. D’autant qu’il s’agira chercheur, qui y voit une des d’alimenter une défiance envers universités, a montré que, durant pour éviter à ce public fragile de
d’accueillir de nouveaux étu­ raisons d’un taux de décrochage
dans un contexte l’institution », prévient Dominique le confinement, un tiers des sombrer. Cela s’est vite imposé à
diants, qu’ils n’auront même pas important. Ainsi, les MOOC, ces professionnel » Monchablon, psychiatre, chef de étudiants étaient dans une situa­ Stéphanie Lizy­Destrez, ensei­
rencontrés. cours en ligne ouverts à tous, sont service du Relais étudiants tion rendant impossible le suivi gnante en conception des systè­
CHARLOTTE RUGGERI
Comment l’université pourra­t­ suivis jusqu’au bout en moyenne lycéens, crée la Fondation Santé des cours à distance (pas d’ordina­ mes spatiaux à l’école d’ingénieur
professeure de géographie
elle alors les suivre et les former ? par seulement 10 % des person­ des Etudiants de France. Le jeune teur personnel ou pas de toulousaine Isae­Supaero. Entre
Beaucoup le constatent : avec nes inscrites. ne se rend pas à l’université dans la connexion Internet, ou encore les étudiants étrangers, restés
l’absence de la présence physique, Avec la distance, c’est la « partie seule quête de savoirs, il y pas d’espace pour travailler). confinés dans leur chambre uni­
certains éléments essentiels au humaine » de la profession d’en­ recherche également « une mosaï­ Ensuite, parce que ce bascule­ versitaire, et tous les autres, an­
processus d’apprentissage passent seignant qui s’évapore, juge que de modèles identificatoires », ment dans le numérique a changé goissés par des projets empê­
à la trappe. « Une partie de notre Frédéric Brossard, professeur de dans laquelle il va s’inscrire ou les règles des échanges. E­mails, chés… « Il a fallu être là pour les
travail de transmission s’appuie sur maths à Intégrale, prépa privée qu’il rejettera. « Les temps chats, forums… « Les avalanches rassurer, leur dire que leurs rêves
les sens, sur le non­verbal, insiste parisienne. Il avait pris l’habitude interstitiels, qui peuvent paraître de mails ont stressé plus d’un étu­ ne s’effondraient pas. Et puis il y a
Alexandre Mayol. En classe, on d’arriver plus tôt dans la salle de inutiles, vont nourrir ce processus diant : cette génération, pourtant eu de grandes douleurs : un
peut marcher entre les rangs, jeter classe et de rester quelques minu­ identificatoire, ajoute­t­elle. Il se très connectée, n’a souvent pas les étudiant hospitalisé, des jeunes qui
un œil sur chaque travail indivi­ tes après la fin, pour « discuter de concrétise notamment autour de la codes pour interagir en ligne dans ont perdu des proches. »
duellement, repérer l’étudiant qui tout et de rien » avec les élèves qui figure d’enseignants qui, par leurs un contexte professionnel », se Stéphanie Lizy­Destrez a alors
ne dit rien et qui est un peu perdu. en ressentiraient le besoin. Mais qualités personnelles, incarneront souvient Charlotte Ruggeri, pro­ pris sur son temps de déjeuner,
C’est impossible à distance. » depuis le confinement, le cours a la discipline ou le métier visé. » fesseure de géographie en classe ses soirées et, peu à peu, aussi sur
perdu de sa saveur. « Il dure pile Où trouver, dans les visioconfé­ prépa à Versailles et à Boulogne­ ses week­ends, pour appeler un
Besoin de proximité poil le temps imparti, autour d’un rences, ce « brin de désordre », Billancourt. « Savoir manifester sa par un ses étudiants, au
Privés des ressorts habituels de tableau virtuel, sans visages sur cette « touche de rêverie », qui s’im­ présence en ligne n’a rien d’évi­ détriment de sa vie de famille.
captation de l’attention, de nom­ l’écran », raconte l’enseignant, misce habituellement dans les dent », observe Thierry Soubrié, « C’était un moment auquel ils se
breux professeurs ont senti le lien pour qui cela n’a rien d’une salles de classe ? « Contrairement maître de conférences en sciences raccrochaient comme à une bouée
avec leurs classes s’effriter, tandis solution viable. au cours en ligne, celui en présen­ du langage à l’université de de sauvetage. » Aujourd’hui, elle
que la motivation des étudiants Toute l’expérience étudiante tiel est fait d’un contexte bien parti­ Grenoble et spécialiste de l’ensei­ ne le cache pas : « J’en ressors épui­
s’érodait. « Les deux sont intime­ peut s’en trouver mise à mal, culier : l’ambiance, la température gnement numérique. sée. » L’enseignante s’inquiète
ment connectés », abonde Mael privée de la confrontation à de l’amphi, les bruits parasites, la La difficulté est d’autant plus surtout pour la rentrée. Elle craint
Virat, chercheur en psychologie l’autre. Certains jeunes n’ont pas voix du prof… Cela va constituer grande quand l’enseignant peine une intégration difficile des nou­
de l’éducation et auteur de Quand vu un seul visage de professeurs l’espace propice à l’apprentissage : à prendre en main les outils nu­ veaux venus dans l’école si les
les profs aiment les élèves (Odile en trois mois, comme cette c’est la mémoire contextuelle, ana­ mériques, dans un contexte où premiers contacts en présentiel
Jacob, 2019). Selon lui, l’engage­ étudiante en master de relations lyse Dominique Monchablon. La la continuité pédagogique s’est sont limités. « Les priver de ce
ment scolaire et l’apprentissage internationales à la Sorbonne­ présence de l’enseignant et sa mise mise en place de manière très qu’ils ont à vivre à cette période de
dépendent du lien développé avec Nouvelle à qui on a seulement en scène, qu’elle soit charmante ou disparate, sans matériel et sans leur existence, cela aura des consé­
l’enseignant, figure d’attache­ envoyé des PDF. Céline, en antipathique, contribuent à l’ap­ formation spécifique. Ce nouvel quences qu’on imagine à peine. » 
ment pour le jeune. A l’instar des première année de philosophie et prentissage. » espace pédagogique impose en alice raybaud

DIX MINUTES DE CULTURE GÉNÉRALE


PAR JOUR CHEZ VOUS
Essai gratuit sur LeMonde.fr/memorable
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 bonnes feuilles | 21

Les éditions du Seuil lancent « Par ici la sortie ! », cahiers « éphémères


et irréguliers » pour raconter les temps présents et « imaginer les mondes
de demain ». Nous publions des extraits du dialogue entre les historiennes
Michelle Perrot et Elisabeth Roudinesco sur la place des femmes dans la crise

Maintenant les femmes

L
journaux télévisés montrant les essaims de de la construction sociale et psychique de la Les suggestions idéologiques et pratiques
blouses bleues autour des lits et des bran­ représentation de la différence des sexes, ne manquent pas, et les initiatives locales
cards sont impressionnantes. Elles provo­ que dans d’autres disciplines. Et c’est pour­ ont montré l’étonnante réactivité des acteurs
quent une prise de conscience qui se mani­ quoi les études de genre – de Robert Stoller à face à l’imprévu. On a pris conscience de la
feste, par exemple, dans les charivaris de Judith Butler – se sont développées avec suc­ fragilité de notre modèle de croissance effré­
20 heures en leur honneur. Il y a là une cès dans toutes les universités, en même née, de ses excès, de la possibilité de vivre
opportunité pour la revalorisation de ce temps que les études dites « culturelles ». plus sobrement, surtout, de choisir d’autres
secteur d’emploi mal payé, peu considéré et, Ces études ont été novatrices, car elles ont priorités moins coûteuses à court terme –
par conséquent, laissé aux plus pauvres de permis de montrer que les femmes ne se ré­ l’accès à la culture par exemple –, mais qui
la société, naguère les Bretonnes, émigrées duisaient pas à leur anatomie ou à leur con­ nécessitent des investissements de longue
de l’intérieur, remplacées plus tard par les dition biologique. (…) durée, plus que jamais dans l’éducation. (…)
femmes issues des DOM­TOM, puis par les Cependant, au fil des années, la notion de Je ne crois pas (ou plus) à la « table rase ».
Africaines, migrantes de fraîche date. genre est devenue un slogan identitaire, Le passé pèse lourd, ne serait­ce que dans la
Il faut rappeler ici le poids du passé, qui visant à ranger le sujet dans une « case » ori­ forme de nos villes, les structures de l’in­
explique en partie la situation de l’hôpital ginelle, en fonction de son orientation dustrie, le dessin de nos champs. Demain
public. Jadis – avant la IIIe République –, les sexuelle ou de sa couleur de peau. La der­ ressemblera d’abord étrangement au pré­
religieuses assuraient le travail hospitalier, nière en date émane du gouvernement sent, d’autant plus que nous aurons envie
gratuitement et sans limite de temps. Cette colombien qui, confronté au Covid­19, a ac­ de retrouver « la vie d’avant ». Pourtant, ce
pratique a pesé sur la nôtre. Tandis que l’An­ cepté un bien étrange déconfinement dans sera impossible tant les choses ont été
gleterre, grâce à la légendaire infirmière son pays. Pour limiter l’affluence dans les ébranlées, fissurées, dissoutes. Il faudra bri­
Florence Nightingale [1820­1910, pionnière rues de plusieurs villes, et notamment à Bo­ coler, rafistoler, inventer. Mais en profon­
des soins infirmiers modernes], optait, dans gota, les autorités municipales ont eu re­ deur, dans ces « points chauds » du globe
les années 1860, pour un modèle fondé sur cours à un « droit genré » : les hommes et les que sont les épidémies, ou autres phénomè­
la qualification et sur une rémunération femmes ont donc été invités à sortir séparé­ nes au cheminement silencieux qui explo­
convenable, la France choisissait de laïciser ment, jours impairs pour les uns, jours pairs sent dans la soudaineté des éruptions, oui,
es éditions du Seuil lancent Par ici la sortie !, les hôpitaux, mais dans la continuité so­ pour les autres. Quant aux personnes dites des changements s’opèrent, qui modifient
cahiers qui « ne pouvaient être que collectifs, ciale, les filles de salle remplaçant les sœurs, « transgenres », elles ont été invitées à choi­ la vie de l’humanité tout entière. Une hu­
au sens fort, parce qu’issus d’une volonté par­ parfois même internées comme elles, ainsi sir librement leur « jour ». Voilà l’un des manité dont cette pandémie nous a rendue
tagée par les éditeurs et auteurs de la maison à Paris, où le médecin Désiré­Magloire effets pervers de la reconnaissance de la ca­ sensible l’unité de destin. L’événement que
de faire sens face à l’événement ». Dans ce Bourneville [1840­1909] fut un agent effi­ tégorie « non binaire » ou « neutre » dans les nous vivons est à cet égard révélateur et
premier numéro interviennent, entre cace de la laïcisation des hôpitaux. législations (c’est le cas dans plusieurs villes sans doute précurseur.
autres, Eva Illouz, Emmanuel Todd, Patrick La reconnaissance du métier d’infirmière colombiennes, en Californie et ailleurs) qui
Boucheron, Thomas Piketty, Marie Cosnay. a été le résultat d’une longue lutte. Il fallut autorisent chaque citoyen, sur simple de­ E. R. : Je ne voudrais verser ni dans un pes­
Nous publions des extraits de « Maintenant les efforts de femmes comme Léonie Chap­ mande (le vécu subjectif), à choisir son sexe, simisme nihiliste ni dans un optimisme
les femmes », le dialogue entre les historien­ tal [1873­1937], appuyée par une tradition en fonction de son genre. Car le droit ne peut béat et je partage votre position sur la « ta­
nes Michelle Perrot, spécialiste de l’histoire protestante, pour obtenir entre les deux pas se fonder sur des constructions subjecti­ ble rase ». Je n’y ai jamais cru, même si j’ai
des femmes et des classes populaires, et guerres la constitution d’un corps d’infir­ ves, mais sur des réalités objectivables. (…) toujours éprouvé une vraie émotion à chan­
Elisabeth Roudinesco, psychanalyste et bio­ mières qualifié et diplômé, se détachant ter L’Internationale en l’honneur de l’his­
graphe de Jacques Lacan et de Sigmund d’une masse de « bonnes à tout faire », bre­ M. P. : Que répondre quand on nous inter­ toire du mouvement ouvrier, celui du Front
Freud, sur la place des femmes dans la crise. tonnes, antillaises et africaines, d’un dé­ roge : cette épreuve sera­t­elle l’occasion populaire, de ses grèves, de ses joies, de ses
vouement sans limite. Des réformes s’im­ d’une avancée ou d’un grand bond en ar­ peines, ce mouvement qui a aujourd’hui
Michelle Perrot : La crise que nous vivons posent aujourd’hui, qui allient meilleure ré­ rière ? A mon avis, les lendemains seront dif­ disparu avec la chute du mur de Berlin et
rend visibles le travail et le rôle des femmes munération, formation et qualification ficiles, entre une nécessaire reprise écono­ l’échec des régimes communistes. (…)
dans le privé et le public, ce travail de l’om­ renforcées, reconnaissance. mique, mais surtout de la vie tout court ; et Je partage volontiers l’idée qu’un réfor­
bre si souvent sous­estimé. Dans la famille, La dignité est aussi importante que le sa­ un virus toujours là, contre lequel on n’a misme radical puisse être un véritable enga­
quelle que soit la bonne volonté des hom­ laire dans ces métiers de relations humai­ trouvé ni remède vraiment efficace ni vac­ gement pour les années à venir. Mais je ne
mes parfois désarçonnés, elles nes. Et le care, notion théorisée depuis près cin, ce qui interdit la prévention. On en vou­ vois aucun bénéfice à tirer de ce confine­
assurent l’essentiel des tâches d’un demi­siècle par les chercheuses amé­ dra à la science, pourtant tellement mobili­ ment obligatoire ni de ce déconfinement
domestiques et la scolarité des ricaines et françaises, n’a pas seulement sée, oubliant que la recherche, surtout biolo­ nécessaire. Je n’ai aucune sympathie pour la
enfants, qui leur posent sou­ une définition sociale, mais un sens éthi­ gique, requiert un temps incompressible. culture du « rester zen » ou de la « rési­
vent des problèmes. Il leur re­ que : le soin des corps, de la santé s’inscrit Au­delà des solidarités, les individualis­ lience » (je préfère la résistance et le com­
vient d’établir un emploi du dans un respect plus vaste de la nature, de mes se sont affirmés, tant au niveau des bat), ni la moindre attirance pour l’obscu­
temps, de tenter de garder un la terre, de la vie. Il est un aspect fonda­ collectivités que des personnes. Comment rantisme qui s’est développé dans notre
équilibre quotidien, d’apaiser mental d’une écologie dont nous prenons en serait­il autrement quand on demande société, notamment avec le rejet des vaccins
les tensions entre les uns et les de plus en plus conscience. Les savoirs des à chacun de s’isoler, considérant l’autre au profit des médecines alternatives, des
autres. On leur a tellement dit femmes, leurs pratiques d’entretien, comme un potentiel danger ? La notion de poudres de perlimpinpin et autres décoc­
qu’elles étaient responsables d’épargne, de préservation de la vie, leur « bien commun » n’a pas fait taire les inté­ tions homéopathiques. Et je ne crois pas
de l’harmonie du foyer qu’au expérience du quotidien, revêtent ici une rêts corporatifs ou partisans, qui n’atten­ que le « jour d’après » puisse être un nou­
fond elles le croient, comme importance singulière. (…) dent qu’une occasion pour se manifester veau grand soir de la liberté.
si les injonctions guerrières à avec la force que peut donner le sentiment Pendant cette période, je n’ai fait que rêver
la mobilisation générale leur Elisabeth Roudinesco : Je voudrais souli­ du devoir accompli. Les inégalités, si vive­ que le jour d’après soit le renouvellement du
faisaient oublier les leçons gner, comme vous, que les femmes ont été ment ressenties depuis quelques an­ jour d’avant, à la fois différent et semblable.
PAR ICI LA SORTIE ! du Deuxième Sexe [de Simone en première ligne dans les hôpitaux et les nées, l’ont été plus fortement encore à la Je ne pense pas qu’on puisse maîtriser
n0 1, juin 2020, de Beauvoir] (« On ne naît magasins et qu’elles ont été, par ailleurs, da­ faveur d’une crise sanitaire révélatrice des l’avenir, toujours imprévisible. J’aime les
192 pages, pas femme, on le devient »). vantage victimes de la violence des hom­ failles qui fissurent la société, notamment lieux urbains bourrés de monde, les bistrots,
14,90 euros Vécu par les hommes comme mes. Et il est vrai qu’elles n’occupent pas le sous l’angle des conditions de vie (loge­ les brocantes, les regards, les mélanges, les
une parenthèse dévirilisante, même « front » que les hommes : c’est à el­ ment surtout) et de la scolarité, et qui justi­ aventures, les rues, même un peu sales. En
le confinement peut consti­ les qu’est dévolue l’activité soignante (infir­ fient les revendications. bref, j’aime les villes du monde entier : Ber­
tuer pour les femmes un rappel à l’ordre mières) et aux hommes l’activité guerrière Le procès de l’Etat, qui en France n’a pas lin, Paris, Rome, New York, Londres, Buenos
des sexes. Responsables, elles risquent de (les héros). Mais il y a un changement : les fait plus mal qu’un autre, et s’est montré Aires, Sao Paulo, ces villes pleines d’histoire,
se sentir coupables. femmes peuvent aujourd’hui accéder à des relativement protecteur, reprendra de plus de mémoire, de souvenirs, de musées.
Le rôle des femmes dans la société est plus métiers qui leur étaient fermés autrefois. Le belle. L’Europe, engoncée dans le compara­ Je crains moi aussi les formes outrancières
évident encore et on le redécouvre comme métier des armes notamment : police, ar­ tisme des différences, n’a pas répondu de d’un hygiénisme qui risquerait de nous
si on l’avait oublié, ou jamais vu. Dans les mée, etc. Elles ne sont pas moins compé­ manière efficace et les divisions se sont plu­ entraîner vers le règne du biopouvoir. Ce vi­
supermarchés, la caissière, si souvent hous­ tentes que les hommes, malgré les différen­ tôt accentuées, entre les « vertueux », rus n’a rien de rédempteur. Il n’est pas un
pillée par des clients de mauvaise humeur, ces physiques. En tout cas, on redécouvre capables de se défendre, et les autres, les organisme vivant mais un pur agent d’in­
est devenue un agent et un symbole des ici l’importance des métiers qualifiés de sous­développés, qui, au fond, n’ont que ce fection qui s’empare du vivant : une pulsion
bienfaits du commerce. Pour la confection « subalternes » par les spécialistes des étu­ qu’ils méritent. Les lendemains ne chante­ de mort à l’état brut, au sens freudien, qu’il
des masques, on redécouvre les vertus des des de genre, ceux où les femmes sont ma­ ront pas, et je suis parfois tentée d’écouter faut détruire par la science médicale.
couturières, jadis femmes pivots de la socia­ joritaires, et surtout celles issues de l’émi­ les plus Cassandre d’entre nous. Le virus n’est la métaphore de rien, il est
bilité des villages ou des quartiers, comme gration (caissières, employées de maison, D’un autre côté, cet événement extraordi­ un réel échappant à toute conceptualité et
l’a montré Yvonne Verdier dans un livre de­ auxiliaires de vie, personnel de nettoyage, naire (les comparaisons avec les épidémies avec lequel on ne peut pas vivre en bonne
venu un classique [Façons de dire, façons de aides­soignantes, etc.). antérieures montrent son ampleur et sa sin­ intelligence : on ne peut que désirer l’exter­
faire, Gallimard, 1979]. Cependant faut­il faire une lecture « gen­ gularité) est une expérience sans précédent miner. Comment vivre en effet sans se
L’immense secteur du care, le nom mo­ rée » de cet événement ? La question a été qui devrait – et pourrait – susciter de nou­ toucher, sans se regarder, sans observer les
derne donné aux soins de toute nature, cor­ ouvertement posée durant cette période. Je velles manières de penser et de vivre. Obli­ visages ? Comment vivre sans les échanges,
porels surtout, englobe aussi bien les aides à suis hésitante. L’introduction de cette no­ gés de « vivre en repos dans une chambre », sans le langage et la parole ?
domicile que les aides­soignantes dans les tion de « genre » a été, certes, un moment nous avons vécu une expérience pasca­ Et qu’on ne vienne pas me dire que les
Ehpad [établissement d’hébergement pour fort pour l’étude de la condition féminine, lienne dont nous devrions tirer profit tant visioconférences sont préférables au con­
personnes âgées dépendantes] et dans les autant chez les historiens qui ont pu, sur le plan personnel que collectif, dans la tact direct avec des interlocuteurs. Utiles
hôpitaux. Les images quotidiennes des comme vous, Michelle, penser la question hiérarchie de nos valeurs et de nos choix. oui, désirables jamais. 
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MERCREDI 17 JUIN 2020

Ces tirailleurs africains


massacrés par les nazis
Les 19 et 20 juin 1940, 188 tirailleurs « sénégalais », 6 tirailleurs
nord­africains et 2 légionnaires, l’un russe, l’autre albanais,
sont exécutés par l’armée allemande au nord de Lyon.
Leur histoire ressurgit aujourd’hui grâce à des photos inédites

coupe, arme réglementaire qui faisait partie


de leur paquetage. Puis ces troupes colonia­
les participèrent à l’occupation française de
la Ruhr, de 1923 à 1925. Dans Mein Kampf,
Adolf Hitler voit comme une humiliation
cet « afflux de sang nègre sur le Rhin ».
Les nazis développeront par la suite une
intense propagande contre ce qu’ils appelè­
rent « Die Schwarze Schande », « la honte
noire ». « Envers ces soldats indigènes, toute
bienveillance serait une erreur, ils sont à traiter
avec la plus grande rigueur », pouvait­on lire
dans un ordre venu de l’état­major du général
Heinz Guderian, un des artisans de la victoire
éclair contre la France. Après la capitulation,
les exécutions de prisonniers noirs qui, selon
l’historien Raffael Scheck, ont fait plusieurs
milliers de victimes seront réduites à des
péripéties de la guerre et jamais jugées.
Les affrontements des 19 et 20 juin au nord
de Lyon figurent parmi les derniers combats
de la campagne de France. A moins qu’ils ne se
classent déjà parmi les premiers actes
héroïques de la lutte contre l’occupant nazi. En
effet, en cette veille d’été, la défaite militaire
française est consommée : le 17 juin, le maré­
chal Pétain a annoncé un cessez­le­feu et de­
mandé l’armistice (signé le 22 juin à Rethon­
des) ; le lendemain, le général de Gaulle a ap­
pelé, depuis Londres, les Français à poursuivre
le combat. A Chasselay, ni les tirailleurs ni
leurs officiers n’ont évidemment entendu le
message lancé sur les ondes de la BBC. Malgré
tout, ils vont contribuer, dès le lendemain, à
entretenir cette « flamme de la résistance
française » que l’exilé appelle de ses vœux.

CHASSE À L’HOMME
Les 2 200 hommes du 25e régiment de
tirailleurs sénégalais font alors partie des
troupes déployées depuis le 16 juin de Caluire
Au « Tata » (« enceinte sacrée », en wolof) de Chasselay (Rhône), le 15 juin. BRUNO AMSELLEM / DIVERGENCE POUR « LE MONDE » à Tarare, sur une ligne de défense censée
retarder l’entrée des Allemands dans Lyon.
Les effectifs en présence donnent la mesure
du défi : moins de 5 000 hommes doivent

S
e sentent­ils un peu chez eux, loin les plus chanceux : au moins ont­ils un nom, de la scène. Avant le carnage, ces Blancs s’opposer aux 20 000 soldats du régiment
de chez eux, ces tirailleurs enterrés un prénom, à l’ordre et à l’orthographe errati­ avaient été mis à l’écart et forcés à se coucher d’infanterie Grossdeutschland et de la divi­
dans ce cimetière militaire éton­ ques ; c’est déjà le début d’une reconnaissance au sol sous la menace de mitraillettes. sion SS Totenkopf, qui déboulent jusqu’à ce
nant ? A Chasselay (Rhône), et d’une histoire. Une cinquantaine d’autres Dans un témoignage daté de 1975, le caporal point de jonction des nationales 6 et 7. Les
2 700 habitants, le « Tata » (« en­ tombes sont condamnées, elles, à l’anony­ Gaspard Scandariato raconte la suite : « Tout Allemands se pensent déjà en terrain
ceinte sacrée », en wolof) tente de mat, frappées de la mention « inconnu ». à coup, un crépitement d’armes automatiques conquis ; ils ont traversé la Bourgogne sans
garder enclose la mémoire de soldats noirs Des hommes, des soldats, un double statut retentit, se renouvelant à trois ou quatre repri­ rencontrer d’opposition et savent que Lyon a
massacrés par l’armée allemande, les 19 et que déniaient à ces Noirs, à ces « Affen » (« sin­ ses, auquel succédèrent des hurlements et des été déclarée « ville ouverte » le 18 au matin.
20 juin 1940. Il y a quatre­vingts ans, ces ges »), les militaires allemands coupables de grands cris de douleur. Quelques tirailleurs qui Tandis qu’ailleurs les soldats français préfè­
tirailleurs avaient fait un bon bout de chemin les avoir exécutés. Huit photos terrifiantes, n’avaient pas été touchés par les premières ra­ rent rompre et s’enfuir, à Chasselay et dans les
depuis leur continent jusqu’à ce coin de prises par un homme de la Wehrmacht, illus­ fales s’étaient enfuis dans le champ bordant le communes environnantes, comme Lentilly,
France pour y laisser leur peau. Car leur destin trent la rage raciste à l’œuvre lors des fameu­ chemin, mais alors les grenadiers panzers qui Fleurieu ou L’Arbresle, les tirailleurs sénéga­
s’est bien résumé à cela : une histoire de peau. ses journées. Les photos en question, totale­ accompagnaient les blindés les ajustèrent lais et quelques artilleurs aux moyens dérisoi­
Tandis que le drapeau tricolore claque au ment inédites, dormaient dans un vieil « IL NE S’AGISSAIT  sans hâte et au bout de quelques minutes res font face à la Wehrmacht. Ils ouvrent le feu,
vent sur sa hampe, les 196 stèles sont ali­ album, mis sur un site d’enchères par un bro­ PAS DE SS,  les détonations cessèrent. L’ordre nous fut le 19 vers 10 heures, sur les émissaires alle­
gnées au cordeau, comme si la mort pouvait canteur outre­Rhin et acheté par un jeune col­ donné de nous remettre debout et, colonne mands venus leur intimer de se rendre.
être une ultime parade militaire. Un numéro lectionneur privé de Troyes, Baptiste Garin. COMME ON L’A  par trois, nous passâmes horrifiés devant ceux S’ensuivent plusieurs heures de combats
de régiment, une date de décès, une mention Sur une double page était épinglé un massacre qui quelques heures auparavant avaient meurtriers, notamment autour du couvent
« mort pour la France ». Les pierres levées de tirailleurs. « J’ai été saisi d’une émotion LONGTEMPS CRU,  combattu côte à côte avec nous et qui mainte­ de Montluzin. Le lendemain, à la tête d’une
semblent regarder la porte d’entrée en bois étrange, d’un malaise et puis du sentiment d’un nant gisaient morts pour notre patrie. Quel­ poignée de braves regroupés dans le parc du
où huit masques animistes ont été sculptés. cauchemar en croisant le regard de ces pauvres
MAIS D’HOMMES DE  ques tirailleurs gémissaient encore et nous château du Plantin, le capitaine Gouzy décide
Le quadrilatère est entouré d’un mur de près types », raconte l’acquéreur. Il prend contact LA WEHRMACHT » entendîmes des coups de feu épars alors que même d’un « baroud d’honneur », qui s’achè­
de trois mètres de haut, peint en rouge avec un historien, Julien Fargettas. Voilà un nous étions déjà éloignés des lieux du mas­ vera de façon tragique au Vide­Sac.
latérite, flanqué de tourelles en pisé, elles­ quart de siècle que cet ancien militaire de JULIEN FARGETTAS sacre. » Selon Julien Fargettas, les photos Pendant ces deux journées, les Allemands
mêmes hérissées de pieux, et ce sont quel­ 46 ans travaille sur cet épisode. Il vient même historien permettent d’identifier l’unité et les soldats organisent une chasse à l’homme dans Chas­
ques arpents incandescents d’Afrique, aux d’y consacrer un livre : Juin 1940. Combats et responsables de la tuerie. « Il ne s’agissait pas selay. Maison par maison, cache par cache, ils
excès d’image d’Epinal, qui semblent réfrac­ massacres en Lyonnais (Poutan, 250 pages, de SS, comme on l’a longtemps cru, mais traquent les tirailleurs rescapés. Exécutions
tés dans la verte campagne lyonnaise, au 21 euros). Julien Fargettas identifie la scène. d’hommes de la Wehrmacht », assure­t­il. individuelles et tueries collectives se pour­
milieu des vergers et au pied des monts d’Or. L’épisode de Chasselay fut le dernier d’une suivent. Certains corps sont aspergés d’es­
Ces tirailleurs coloniaux, génériquement « CRÉPITEMENT D’ARMES AUTOMATIQUES » série d’exactions commises contre les sence et brûlés. Des prisonniers sont exhibés
appelés « sénégalais », venaient majoritaire­ Le 20 juin 1940, en fin d’après­midi, quarante­ tirailleurs africains pendant la campagne de comme des trophées, attachés à l’avant de
ment de ce pays, mais aussi du Mali, de Gui­ huit tirailleurs faits prisonniers sont France. Des crimes étudiés notamment par chars. Quelques gradés blancs sont exécutés
née, de Côte d’Ivoire, du Gabon, là où la terre conduits à l’écart des maisons de Chasselay, l’historien allemand Raffael Scheck, pro­ pour avoir tenté de protéger leurs camarades,
rougeoie pour de vrai. Ils appartenaient à tou­ dans un champ, au lieu­dit Vide­Sac. Là fesseur à l’université américaine de Colby comme les sous­lieutenants de Montalivet et
tes les ethnies de la région, peuls, bambaras même où est érigé aujourd’hui le Tata. Désar­ (Maine) et auteur de Une saison noire. Les Cevaer. Le capitaine Gouzy reçoit une balle
ou malinké. Une brève recherche dans les ar­ més, les bras en l’air, ils vont bientôt être fau­ massacres de tirailleurs sénégalais. Mai­ dans la jambe pour avoir protesté contre les
chives militaires permet de découvrir que chés par les mitrailleuses de deux chars, ache­ juin 1940 (Taillandier, 2007). D’après lui, la traitements infligés à ses hommes.
Gora Badiane, tué à 25 ans, venait de Djithiar ; vés au fusil et avec des tirs d’obus, certains haine des Allemands pour les tirailleurs et la Des habitants de Chasselay multiplient,
Diallo Amadou, 31 ans, de Magana ; Kandjé écrasés par les chenilles des blindés lancés à peur qu’ils en avaient remontent à la pre­ eux aussi, les démonstrations de courage. La
Ibrahima, 21 ans, de Kaolack ; Bakary Gou­ la poursuite des fuyards. Ces preuves photo­ mière guerre mondiale. Dans les tranchées, pharmacienne, Henriette Morin, se rend au
diaby, 23 ans, de « Djimondé ­ subdivision de graphiques d’un crime de guerre corroborent les soldats noirs étaient alors accusés de Vide­Sac le 21 juin au lever du jour. Elle donne
Bignona ­ Cercle de Ziguinchor ». Ceux­là sont les descriptions des gradés français témoins mutiler leurs ennemis avec un coupe­ les premiers soins à deux blessés stoïques,
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l’un avec un bras arraché, l’autre avec les Afrique du Nord. Trois jours plus tard, les
deux jambes écrasées par les chenilles (ce Allemands entrent en zone libre.
dernier succombera à la gangrène). Des fer­ Après la guerre, le Tata reste un endroit fré­
miers cachent les rescapés avant de les exfil­ quenté. La IVe République, qui espérait pré­
trer. Des blessés sont soignés dans une server son empire colonial sous l’appellation
antenne d’urgence par le docteur Payronet, la revisitée et fallacieuse d’Union française,
pharmacienne Morin et une bonne sœur tente d’utiliser la symbolique de ce cimetière
infirmière, puis transférés clandestinement et le sacrifice des tirailleurs. De grandes céré­
vers l’hôpital militaire Desgenettes de Lyon. monies se tiennent à Chasselay, dont une en
Malgré l’interdiction, dictée par les présence du président Vincent Auriol,
Allemands, de leur donner une sépulture, en 1949. Mais, après les indépendances afri­
une soixantaine d’hommes du village creu­ caines, le lieu perd sa vertu démonstrative. Le
sent une fosse commune de 30 mètres de sacrifice des tirailleurs sénégalais, cette « hos­
long au Vide­Sac et enterrent les corps. Ils tie noire » célébrée par Léopold Sédar
rentreront chez eux totalement bouleversés. Senghor dans un poème, et plus générale­
Dans son bureau, Jacques Pariost, le maire ment les morts de 1940 sont éclipsés par les
de Chasselay, 71 ans, sort d’un carton les martyrs de la Résistance ou les massacres de
papiers retrouvés à l’époque sur les cadavres. la Libération. Le pouvoir gaulliste a beau
Des numéros de matricule et d’autres pièces déclarer le Tata « nécropole nationale »
d’identification, méthodiquement classés en 1966, les événements de Chasselay sont
par le secrétaire de mairie et maître d’école peu à peu ravalés au rang d’histoire locale.
de l’époque, Raymond Murard. Des carnets Fidèle à son passé, la commune, elle,
remplis d’instructions tactiques à l’usage des n’oublie pas. Elle organise des commémora­
jeunes recrues. Des lettres intimes, surtout, à tions, réunissant chaque année la popula­
l’encre délavée, reçues de la famille ou tion, quelques militaires et des associations
envoyées à des proches. Les enveloppes ont africaines venues de Lyon. Des passionnés
plusieurs adresses, successivement rayées, d’histoire s’emploient également à sauvegar­
suivant leur destinataire du centre de recru­ der le souvenir de ces journées terribles.
tement de Thiaroye, au Sénégal, jusqu’au Michel Chinal, 76 ans, un géomètre à la
camp de formation de Souge, près de retraite, a ainsi enregistré, à partir de la fin
Bordeaux, puis vers les zones de combat. des années 1980 – en 8 mm puis en VHS –, le
Les missives sont écrites dans un français témoignage des derniers survivants. « Il fal­
tendre ou cérémonieux, à l’occasion lait le faire », dit­il simplement. Précieuses ar­
approximatif. Parfois rédigées en langue et chives où l’on voit en couleurs délavées la
caractères wolof, elles sont riches en saluta­ pharmacienne Henriette Morin ou le capi­
tions et mots de réconfort à une « chère taine d’artillerie Raphaël Pangaud décrire de
mère », un « cher cousin » ou encore à « mon­ manière clinique les tueries, loin des récits
sieur frère ». Des courriers à la fois banals et par trop ronflants recueillis après la guerre.
émouvants, comme celui du sergent­chef
Dabi Compaore, qui écrit aux siens, les L’ALLEMAND QUI MANGEAIT DES CERISES
rassure, se dit en bonne santé. La lettre ne Raphaël Pangaud, officier de réserve âgé de
quittera jamais la poche de sa capote. 43 ans en 1940, a combattu au couvent de
Jacques Pariost se sait en charge du présent Montluzin. Caché dans un fossé, il a assisté à
et du passé, des vivants et des morts. « Il n’y a l’assassinat des tirailleurs capturés. « Nous
pas de fierté à être le maire d’une commune où avons entendu les cris des Sénégalais qui
a eu lieu un massacre », assure­t­il. Mais, à étaient mitraillés dans la cour du couvent. Ces
coup sûr, c’est un lourd héritage. Tout en pauvres types hurlaient. » Puis il a été à son
nous faisant visiter le petit musée local où tour fait prisonnier et interrogé par un
sont entreposés des effets ayant appartenu officier allemand, un certain Wagner, au
aux tirailleurs, il invoque « la transmission du français châtié, qui boulottait des cerises
devoir de mémoire aux enfants ». dans une chapelle tandis que les soldats
En quatre­vingts ans, Chasselay a bien africains étaient pourchassés et exécutés à
changé. Le village d’autrefois est devenu une l’extérieur. « Je ne comprends pas que vous
petite ville résidentielle dont la plupart des ayez des Nègres dans vos armées. Nous, nous
habitants travaillent à Lyon. Quant au ne ferions jamais ça », disait Wagner, entre
couvent de Montluzin, il a été repris par une deux couplets sur les mérites d’Hitler.
congrégation de moines, et les récits qui De lieu de mémoire, le Tata aurait ainsi pu
traversaient les générations de sœurs, devenir un carré de silence et d’oubli,
magnifiant notamment le rôle de la mère comme en laissent toutes les guerres sur
supérieure, sœur Clotide, forte femme célé­ tous les territoires. Mais il semble l’objet
brée pour avoir défié l’ennemi, s’en sont allés d’un regain d’intérêt, comme si l’histoire de
avec les dernières pensionnaires. ces tirailleurs retrouvait une pertinence,
peut­être une actualité. Des jeunes Français,
DE LA PROPAGANDE À L’OUBLI Le 20 juin dans l’après­midi, des tirailleurs railleurs. Le gouvernement de Vichy se méfie fils d’immigrés africains, revendiquent l’hé­
Alors que la mémoire s’effiloche peu à peu, faits prisonniers et désarmés sont conduits d’abord de ce qui peut apparaître comme une ritage de ces soldats, à l’instar du rappeur
il ne reste plus guère que Jean Vapillon, à l’écart de Chasselay (Rhône). Les bras en l’air, bravade envers les Allemands. Mais il finit Black M. Des chefs d’Etat africains font de
87 ans tout juste, pour évoquer ses ils sont entassés dans un champ, au lieu­dit par autoriser, en 1942, le regroupement dans plus en plus régulièrement le déplacement à
souvenirs de gamin, forcément sommaires. Vide­Sac, puis exécutés à l’aide des un cimetière des corps des 48 tirailleurs Chasselay. La secrétaire d’Etat auprès de la
Il se souvient de son émotion de môme en mitrailleuses de deux tanks. Les corps morts au Vide­Sac et des dizaines d’autres ministre des armées, Geneviève Darrieus­
voyant arriver au village ces soldats noirs. sont ensuite abandonnés sur place. La scène, dépouilles enfouies à la hâte dans des fosses secq, est attendue sur place pour les céré­
Lui revient aussi l’image de la cave où il photographiée par un soldat allemand, communes des environs. monies prévues ce dimanche 21 juin.
s’était terré pendant les combats, jusqu’à a été formellement identifiée, fin 2019, Au total, 188 tirailleurs tués les 19 et Julien Fargettas, lui, poursuit son travail
l’irruption des Allemands. « Ils ont demandé par l’historien Julien Fargettas. Le maire 20 juin 1940, dont cinquante non identifiés, d’historien. Bien que les archives du 25e RTS
s’il y avait des Sénégalais. Ma mère leur a dit : de la commune, Jacques Pariost, a également ainsi que six tirailleurs nord­africains et deux aient brûlé en 1944, il a identifié les noms de
“Non, pas de Sénégalais. Ils sont repartis.” » authentifié avec certitude le lieu. légionnaires (un Albanais et un Russe) sont plusieurs des morts enterrés comme « in­
La tante de Jean Vapillon, Jeanne Damour, COLLECTION BAPTISTE GARIN ainsi réunis dans l’enceinte dont l’architec­ connu ». Ils s’appelaient Bop Colou, né
s’était illustrée, à l’époque, en sauvant ture est née de l’imagination de Marchiani. A en 1916 à Diourbel (Sénégal), Issa Samake, né
plusieurs tirailleurs. l’heure où l’empire colonial est peu à peu en 1915 à Segou (Soudan français, devenu
Faute de témoins, il reste donc en aide­mé­ reconquis par les forces gaullistes, la mémoire depuis le Mali) ou Abdou Seck, né en 1919 à
moire ce cimetière très particulier, créé de ces soldats « indigènes », officiellement Kaolack (Sénégal). M. Fargettas espère voir
pendant la guerre, principalement par la « morts au champ d’honneur », devient même bientôt leurs noms inscrits sur le Tata,
volonté d’un homme, Jean Marchiani, un outil de propagande. Des collaborationnis­ comme une réparation. Après une identité
responsable local de l’association des anciens tes sentent peut­être aussi le vent tourner, en retrouvée, voilà que des photos redonnent
combattants. Dès juillet 1940, cet ancien cette année charnière de la guerre… La désormais des visages à ces hommes qui, il y
poilu, portant béret et nanti de solides rela­ cérémonie d’inauguration, retransmise à la a quatre­vingts ans, payèrent de leur vie le
tions dans les cercles pétainistes, entreprend radio officielle, se déroule le 8 décembre 1942, seul fait d’être noir. 
de donner une sépulture décente aux ti­ le jour du débarquement des Américains en benoît hopquin
24 | dossier 0123
MERCREDI 17 JUIN 2020

LES  VILLES­MONDE  APRÈS  LE  COVID

Valérie Plante, dans


Partout dans le monde, son bureau, le 10 juin,
les maires ont été en pre- et une vue de la ville
mière ligne dans la gestion depuis l’un de ses
de la pandémie due « poumons verts »,
au nouveau coronavirus. le mont Royal.
Les principaux foyers EMILIE REGNIER POUR « LE MONDE »
infectieux se sont concen-
trés dans les métropoles,
et plus ces métropoles
étaient attractives et
connectées, plus elles ont
souffert – « L’épidémie
a clairement profité des
forces de la mondialisation
urbaine pour se dévelop-
per », écrivait le géographe
Michel Lussault dans
nos colonnes.
Comment les édiles ont-ils
vécu cette crise inédite ?
Comment articulent-ils ses
premiers enseignements
avec les politiques urbai-
nes qu’ils avaient mises
en œuvre, notamment
en matière de lutte contre
le réchauffement climati-
que ? Nos correspondants
ont interrogé, dans le
monde entier, dix maires.
Leurs entretiens,
dont nous publions ici
les cinq derniers, témoi-
gnent de la vulnérabilité
des métropoles mais aussi
des ressources qu’elles
sont capables de mobiliser
pour répondre aux crises
sanitaire, climatique
et démocratique.

Montréal | Valérie Plante


« Après la pandémie, il faut rendre nos villes
plus solidaires et plus écologiques »
Selon l’élue québécoise, il s’agit de concilier l’activité au cœur des centres­villes et la sécurité sanitaire

ENTRETIEN ces touristes, de ces hommes d’affaires


qui voyagent. Malgré leur absence provi­
play : ces villes où l’on habite, où l’on tra­
vaille et où l’on se détend. Montréal est
d’espace aux cyclistes et aux piétons, de
se réapproprier la rue. C’est comme une
habitants, et donc pour leurs élus. Ce qui
est compliqué, c’est que les ressources fi­
montréal ­ correspondance
soire, il est vital d’y conserver de l’activité. déjà cette ville à taille humaine, faite de vitrine pour montrer ce qu’il est possible nancières proviennent des échelons su­
Nous travaillons donc actuellement avec « quartiers », avec des artères commer­ de mettre en œuvre pour que la ville soit périeurs, les provinces ou les Etats. Mais,

P
rincipal foyer de contami­ les universités, les grandes entreprises ciales locales, des écoles de quartiers, des plus solidaire et plus écologique. par exemple, les objectifs de la province
nation au Québec, Montréal installées dans les tours du centre­ville services publics délocalisés dans chaque du Québec en matière de diminution
est dirigée depuis 2017 par pour voir à quoi pourrait ressembler un quartier. Depuis que je suis maire, la ville Vous ne craignez pas que, en raison des gaz à effet de serre ne peuvent se
Valérie Plante. Au sein de mélange de télétravail et de télé­études, s’est aussi lancée dans l’acquisition de des risques sanitaires qui vont perdu­ passer de Montréal. Les efforts que je fais
l’association C40, un réseau tout en maintenant une présence physi­ terrains pour les maintenir en espaces rer, la voiture reste pour les citadins pour réaménager l’espace public, favori­
qui regroupe des villes du que. Car ce qu’on entend, c’est que les tra­ verts. Nous avons sans doute intérêt à une valeur refuge qu’ils vont ser les transports « doux » ou faire en
monde entier, elle a été chargée, avec dix vailleurs n’ont pas envie de passer les renforcer ces aspects­là pour que chaque largement plébisciter au détriment sorte que la ville de demain soit sociale­
autres maires, de réfléchir à un plan de deux prochaines années en télétravail, communauté soit un peu plus auto­ des transports en commun ? ment moins inégalitaire, bénéficient à
redressement post­Covid­19, qui devra les gens ont besoin de contact humain. nome et, d’une certaine façon, minimise C’est vrai que la voiture peut sembler tous les Québécois, et plus largement à
allier la réduction des inégalités et la lutte Il faut imaginer un système hybride, et les échanges. Car au­delà des épidémies, aujourd’hui une « bulle de sécurité », et tous les Canadiens. J’ai le sentiment que
contre le réchauffement climatique. c’est l’utilisation de l’espace public en c’est aussi une bonne façon de réduire les qu’elle est indispensable dans certains Montréal ouvre la voie, et cela met une
centre­ville qui est au cœur de la ré­ émissions de gaz à effet de serre. Cela cas : un aîné ou quelqu’un en situation pression sur les gouvernements, qui par­
Toutes les métropoles ont subi de flexion. Nous avons commencé à nous étant dit, le milieu du travail ne suit pas de handicap doit pouvoir se déplacer. fois sont un peu plus frileux ou coincés
plein fouet la crise due au Covid­19, adapter. Par exemple, en maximisant cet ces règles­là. Le bureau où l’on doit se Mais nous avons l’opportunité de mon­ par des ententes internationales.
dont Montréal, qui est devenue l’épi­ été l’espace des bars et des restaurants rendre est souvent à l’extérieur de notre trer qu’on peut en diminuer l’utilisation.
centre de l’épidémie au Canada. Cela avec des terrasses prises sur l’espace pu­ quartier. A nous de prouver que l’utilisation des Le président français, Emmanuel
remet­il en cause le concept de « ville­ blic, ou encore en piétonnisant certaines Mais il nous faudra également nous transports collectifs se fait en toute sé­ Macron, disait en avril au « Financial
monde », qui vit de flux et d’échanges ? rues pour s’assurer que les commerces lo­ concentrer sur les quartiers les plus po­ curité sanitaire, et à nous de l’organiser Times » : « Il faut que les choses
Le concept de « ville­monde » n’est pas caux répondent aux attentes des consom­ pulaires, où l’épidémie a souvent été viru­ pour que les gens respectent les normes impensables deviennent pensables. »
caduc, mais la crise nous amène à appro­ mateurs. On veut que les gens préfèrent lente. Nous nous sommes rendu compte de distanciation. Qu’est­ce qui était impensable
fondir notre réflexion sur le partage des aller faire leurs courses dehors, de façon que nos travailleurs dits « essentiels » y Je crois être la première responsable à Montréal il y a quelques mois et que
espaces au cœur de nos métropoles. En sûre, plutôt qu’ils achètent en ligne via habitaient pour la plupart. Nous devons politique au Québec à avoir porté un vous souhaitez voir devenir pensable ?
Amérique du Nord tout particulièrement, des grandes compagnies internationales. nous atteler à mieux les protéger, en tra­ masque, car je pense qu’il est fondamen­ Il y a encore quelques semaines, mon
les villes ont été créées et aménagées en vaillant sur la « dédensification » et sur tal de reprendre confiance dans notre plan de piétonnisation et de pistes cycla­
fonction de la voiture. Nous nous ren­ Moins d’échanges avec l’extérieur, l’habitat social. La relance économique système de transports collectifs. Dans les bles, qui équivaut à supprimer des cen­
dons compte que les trottoirs, par exem­ mais souhaitez­vous également doit aussi être une relance sociale car la grandes villes, malgré toute la bonne vo­ taines et des centaines de places de sta­
ple, ne sont pas du tout adaptés aux nou­ réduire les flux à l’intérieur de la ville ? pandémie a exacerbé les inégalités. lonté du monde, on ne pourra pas tou­ tionnement, aurait provoqué un tollé !
velles règles de distanciation physique. Je suis personnellement très attachée jours respecter les deux mètres de dis­ Or, pour l’instant, je n’ai reçu aucune
C’est donc tout l’aménagement de l’es­ au concept d’urbanisme du work and Vous avez annoncé, le 15 mai, tance [recommandés au Québec, contre plainte. Je ne me fais pas d’illusions, ça va
pace public qui est à revoir, et notamment 320 kilomètres supplémentaires 1 mètre en France]. Le port du masque venir [rires], mais je suis convaincue que,
celui des voies de circulation. de voies piétonnes et cyclables doit devenir une norme sociale. dans les périodes de crise, on trouve
Cette redéfinition de l’espace public va pour cet été : est­ce que ces l’occasion de faire des changements
se faire en parallèle avec une autre évolu­ aménagements seront pérennes ? Le C40, réseau qui regroupe des « chocs » qui remportent l’adhésion de la
tion née avec la crise, qui va être une ré­ « LA RELANCE  Nous sommes en mode « adaptation ». grandes villes du monde entier, milite population. Les gouvernements qui se
volution dans le monde de l’économie, ÉCONOMIQUE DOIT  Nous commençons par concentrer nos pour allier réduction des inégalités sont succédé au Québec, toujours du
c’est la notion de télétravail. Ce sont ces efforts sur le temporaire, car certaines et lutte contre le réchauffement centre ou du centre droit, ont souvent
opportunités qu’il s’agit de saisir. AUSSI ÊTRE UNE  voies n’ont pas vocation à rester piéton­ climatique. Quels sont vos leviers procédé de la sorte, en s’appuyant sur
nes en plein hiver à Montréal. Mais en pour être entendus des Etats ? des crises pour négocier des virages im­
Mais la raréfaction des touristes cet RELANCE SOCIALE  ajoutant plus de 100 km de pistes cycla­ Les changements aujourd’hui viennent portants. Moi qui me revendique « pro­
été et plus encore celle des étudiants bles aux 1 200 km déjà existants, nous des villes car l’impact des changements gressiste », portée par des valeurs d’équi­
internationaux à la rentrée ne
CAR LA PANDÉMIE renforçons notre « réseau d’autoroutes climatiques – canicules, inondations, té sociale et des préoccupations environ­
vont­elles pas être préjudiciables ? A EXACERBÉ  du vélo ». Cette crise est une formidable tempêtes de neige – se fait plus dure­ nementales, je vais utiliser leur méthode
Il est exact que le centre­ville de Mon­ opportunité de montrer aux Montréa­ ment ressentir dans les villes que par­ de « traitement de choc ». 
tréal vit au rythme de ces étudiants, de LES INÉGALITÉS » lais ce que ça veut dire de laisser plus tout ailleurs. C’est très concret pour leurs propos recueillis par hélène jouan
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MERCREDI 17 JUIN 2020 dossier | 25

▶▶▶

Tokyo | Yuriko Koike


« Pérenniser les réflexes acquis »
Un télétravail généralisé, des transports en commun moins chargés :
la vie des Japonais est positivement bouleversée depuis l’épidémie

ENTRETIEN Les transports en commun,


dont le taux d’occupation attei­
horaires de fermeture des restau­
rants. Il fallait avoir les mêmes,
qu’on le quitte, ou pour valider
un document, est toujours large­ DÉSORMAIS, 
Vous êtes très impliquée
dans le C40, cette structure
tokyo ­ correspondance
gnait de 150 % à 180 % aux heures sinon des gens auraient pu se ment répandu. L’absence de lien IL EST OBLIGATOIRE  réunissant une centaine des
de pointe avant la pandémie, sont déplacer vers les zones d’ouver­ entre le numéro personnel appelé plus grandes villes du monde

L
a pandémie de Covid­19 a devenus moins encombrés et ture plus tardive. A un moment « MyNumber » et les comptes ban­ DE LAISSER SES  pour réfléchir et mettre en
permis à la gouverneure plus agréables. Les gens se sont donné, l’Etat doit aussi prendre caires a compliqué le versement œuvre des initiatives en faveur
de Tokyo, Yuriko Koike, habitués à ce confort et ne veu­ l’initiative. Le virus s’est propagé des aides de l’Etat. Cette crise de­ COORDONNÉES LORS  de l’environnement. En quoi
de redonner une visibi­ lent plus revenir à la situation rapidement. vrait nous permettre d’avancer ce cadre a­t­il été utile pendant
lité à sa fonction. Jusque­là, les d’avant. Pour que l’amélioration sur la transformation numérique.
DE TOUT PASSAGE  la pandémie ?
gouverneurs japonais tendaient se poursuive, il faut continuer de Pendant la pandémie, le Japon Nous le faisons pour la gestion DANS UN LIEU PUBLIC Nous discutons lors de réunions
à suivre les instructions du gou­ soutenir le télétravail. Il faut aussi est apparu en retard dans de la pandémie. Tokyo a créé un en visioconférence. Un groupe
vernement. Grâce à une commu­ réfléchir aux horaires de bureau, l’usage des technologies système opérationnel à partir du de travail a été créé. Des villes
nication claire et à des messages ne pas rester prisonnier du cré­ numériques. Qu’en pensez­ 12 juin. Au moment d’entrer dans Apple afin de créer un système ont adopté des mesures intéres­
efficaces, sa gestion du virus, neau entre 9 heures et 17 heures. vous, sachant que les Japonais un lieu public, il faut laisser ses d’alerte pour avertir de la me­ santes, qui méritent d’être par­
qui avait contaminé, le 9 juin, La flexibilité doit être de mise. sont très attachés au respect coordonnées avec un code QR ou nace de la contamination. Les Ja­ tagées. J’aimerais échanger sur
5 396 personnes et fait 311 morts à Avant le SARS­CoV­2, les gens de la vie privée ? la messagerie Line. Si une per­ ponais détestent que l’on s’im­ des questions comme l’hygiène
Tokyo, est apparue plus convain­ utilisaient beaucoup la voiture. Les paiements en espèces res­ sonne contaminée est repérée, misce dans leur quotidien, mais, publique, qui est à la base de la
cante que celle de l’administra­ J’aimerais qu’ils se déplacent plus tent la norme, en effet. L’usage les personnes présentes seront à un moment, il faut choisir en­ santé des gens. 
tion du premier ministre, Shinzo à pied ou à vélo. En 2018, la bicy­ du tampon personnel, à apposer informées. Le gouvernement tra­ tre l’aspect pratique et le respect propos recueillis par
Abe. Cela pourrait faciliter sa ré­ clette représentait 13 % du total quand on arrive au travail ou lors­ vaille de son côté avec Google et exclusif de la vie privée. philippe mesmer
élection lors du scrutin prévu en des déplacements à Tokyo. J’ai­
juillet, même si elle doit faire face merais améliorer cela en aména­
à une polémique sur son parcours geant plus de parkings pour les
universitaire. Contrairement à ce vélos et en améliorant la sécurité
qu’elle affirme, elle n’aurait ja­ pour les cyclistes et les systèmes
mais obtenu de diplôme à l’uni­ de location­partage. Nous avan­
versité du Caire, en Egypte, où çons aussi dans un projet devant
elle a étudié la sociologie dans les permettre de mieux profiter de la
années 1970. ville, même à pied.

Même si Tokyo reste Qu’en est­il de l’énergie ?


« en alerte », la pandémie de Pendant la pandémie, comme
Covid­19 semble maîtrisée. les gens restaient chez eux, nous
Quel premier bilan tirez­vous ? avons constaté une augmentation
Je remercie les citoyens. Je leur des eaux usées et de la consom­
ai proposé une mesure appelée mation d’énergie des foyers. Les
« stay home ». C’était une simple émissions de dioxyde de carbone
demande de rester à la maison car ont baissé mais, malheureuse­
la loi interdit de contraindre les ment, ce n’est pas dû à la mise en
gens. La mesure est restée en place place de politiques adéquates. Il
jusqu’au 6 mai. Les gens l’ont res­ faut donc agir pour pérenniser la
pectée, même s’ils ne risquaient réduction des émissions. J’aime­
aucune amende ou sanction. rais avancer dans la mise en œuvre
de la politique « zéro émission » de
Voyez­vous dans cette Tokyo, qui s’articule autour des
pandémie une chance économies d’énergie et de l’usage
de transformer la ville ? des énergies renouvelables. L’hy­
Cette crise nous indique à quoi drogène est une option qui nous
doivent ressembler les grandes intéresse. Nous développons son
villes de demain. Elle nous oblige usage et cherchons des moyens de
à créer un nouveau quotidien. le promouvoir.
Ainsi du télétravail. Je le promou­
vais avant la pandémie, en vain. Est­ce aussi l’occasion
Pendant ces semaines de « stay de réfléchir au problème
home », nous avons constaté que de la densité démographique ?
la part des entreprises de plus de Aujourd’hui, la tendance est de
30 salariés recourant au télétravail venir habiter dans des tours du
est passée de 24 % à 62 %. L’ensei­ centre de Tokyo pour des raisons
gnement à distance n’existait pas. pratiques, pour l’accès aux hôpi­
Il a fallu le mettre en place pour taux et aux écoles par exemple.
pallier la fermeture des écoles. Sur Cela pourrait changer avec le dé­
le plan hospitalier, ce fut difficile veloppement du télétravail, qui
mais nous avons pu assurer un pourrait devenir une nouvelle
nombre suffisant de lits pour les norme, et la généralisation des
malades du Covid­19. « bureaux satellites », aménagés
En parallèle, les gens ont pris dans des zones moins denses,
l’habitude des « trois règles » : évi­ comme celle de Tama, municipa­
ter les foules, éviter les lieux clos lité excentrée de Tokyo.
et respecter la distanciation physi­
que. Cela s’est ajouté au lavage des Par rapport au gouvernement,
mains et au port du masque, com­ vous êtes apparue plus
mun au Japon depuis la grippe efficace, voire en avance
espagnole d’il y a un siècle. La sen­ dans les réponses à apporter
sibilisation s’était faite alors à tra­ à la propagation du virus.
vers des campagnes d’affichage Comment s’est passée la coor­
contre la « bactérie terrifiante ». dination avec l’Etat central ?
L’usage s’est généralisé et, aujour­ Parfois, il est plus facile de déci­
d’hui, je constate que même les der quand on est sur place, au ni­
Français s’y sont mis. veau municipal ou départemen­
L’état d’urgence a été levé mais tal. Mais, dès que plusieurs dé­
j’aimerais que cela continue. Le partements sont concernés, il
risque d’une deuxième vague faut une coordination. Par exem­
n’est pas exclu, comme l’a montré ple, avec les départements voisins
la grippe espagnole. A l’époque, les de Chiba, Saitama et Kanagawa,
contaminations ont été plus nom­ nous avons décidé ensemble des
breuses pendant la deuxième va­
gue. Tokyo compte 14 millions
d’habitants et, chaque jour, trois
millions d’habitants des départe­ « J’AI PROPOSÉ UNE 
ments voisins viennent y tra­
vailler. Il faut donner des informa­ MESURE APPELÉE 
tions précises, mener les réformes
permettant de pérenniser les ré­
“STAY HOME”.
flexes acquis tout en maintenant LES GENS 
les prestations médicales et en
soutenant l’activité économique. L’ONT RESPECTÉE,
Réfléchir à la ville de demain MÊME S’ILS 
oblige à repenser les trans­ NE RISQUAIENT 
ports. Qu’avez­vous pu
observer dans ce domaine ? AUCUNE SANCTION »
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26 | dossier MERCREDI 17 JUIN 2020

LES  VILLES­MONDE  APRÈS  LE  COVID

« La mégalopole
de demain
sera plus
participative »
Mexico | Claudia
Sheinbaum
Dans l’impossibilité d’imposer
un confinement strict, la maire mexicaine
a misé sur la transparence
et le contact direct avec ses administrés

ENTRETIEN Notre capitale concentre près de 9 millions


d’habitants, 22 millions avec ses 59 banlieues
eux, dès le 23 mars, un mois avant l’entrée
dans le stade 3 de la contagion avec l’accélé­
urgences, le C5 repère désormais les concen­
trations humaines. Une patrouille de police
mexico ­ correspondance
dans l’Etat voisin de Mexico. Notre urbanisa­ ration de l’épidémie. On a d’abord fermé les est alors envoyée sur place pour rappeler les
tion n’a pas de frontière. La pandémie encore écoles, puis les bars, les cinémas, les théâtres… consignes de confinement. On a aussi créé

A
u cœur de Mexico, les cou­ moins. Avec 6 millions de voyages quotidiens une application pour téléphone portable,
loirs du palais colonial qui en temps normal, le métro est un haut lieu de Votre stratégie a­t­elle fonctionné ? baptisée « App CDMX », qui informe notam­
abrite la mairie sont déser­ contagion. Chaque jour, les allées de notre Oui. Nous sommes à environ 75 % de notre ment sur la disponibilité hospitalière en
tés pendant le pic de la pan­ Central de Abasto [centrale d’approvisionne­ capacité hospitalière. Quant à la mobilité, elle temps réel. Mexico est la deuxième ville au
démie de Covid­19. Claudia ment] – les plus grandes halles d’Amérique la­ a baissé de 60 % à 70 % dans la ville. Ça nous a monde, après Moscou, en nombre de bornes
Sheinbaum, l’édile de la ca­ tine – sont arpentées par 500 000 personnes, permis d’aplanir la courbe des contagions afin de connexion Internet gratuite.
pitale mexicaine, reçoit dans une grande 90 000 y travaillent. La crise est aussi sociale : de moins saturer les hôpitaux. Les habitants
salle de réunion vide. Là, cette scientifique la moitié de la population travaille dans sont des gens informés : 90 % ont un télé­ Que pensez­vous des applications
de 57 ans, de gauche et militante écologiste, l’économie informelle. La plupart des morts phone portable, 60 % sont sur Facebook. C’est de traçabilité des malades, comme
suit sur un écran géant la mobilité urbaine du Covid­19 étaient atteints de maladies chro­ l’avantage d’être une ville très connectée. « NOUS ALLONS  StopCovid qui fait débat en France ?
et les foyers de contagion en temps réel niques, comme le diabète ou l’obésité. Heu­ CRÉER DES ESPACES  Nous avons un accord avec Google Maps et
dans un pays qui a opté, fin mars, pour un reusement, la capitale dispose du meilleur Quel rôle ont joué les technologies Waze. Pareil avec les compagnies téléphoni­
confinement volontaire, puis pour un dé­ réseau hospitalier du pays. pour convaincre les habitants d’appliquer VERTS, BÉNÉFIQUES  ques. Mais ce n’est pas de l’espionnage, juste
confinement progressif, depuis début juin, vos mesures de confinement ? des indicateurs de la mobilité collective des
alors que les contagions et les décès conti­ Le président Andres Manuel Lopez On a lancé un programme de diagnostics à POUR LA SANTÉ  habitants. Ici aussi, le recours à un système de
nuent d’augmenter dans la zone métropoli­ Obrador, dit « AMLO », est du même parti distance. Les malades nous contactent d’abord traçabilité plus individuelle des malades sus­
taine de la vallée de Mexico (53 896 cas con­ de gauche que vous. Il a opté pour par SMS. Si les symptômes sont confirmés,
PSYCHOLOGIQUE cite la polémique. Les risques de violations de
firmés et 5 867 morts au 10 juin, soit un tiers un confinement volontaire. Pourquoi ? un médecin passe un coup de fil pour les ET PHYSIQUE  la vie privée sont élevés. Peut­être que l’ap­
des cas à l’échelle nationale). Elle répond AMLO et moi croyons en la conscience des orienter vers les centres de soins disponibles plication sera proposée, mais uniquement de
aux questions du Monde sur l’avenir post­ habitants pour prendre eux­mêmes les me­ ou envoyer une ambulance à domicile pour DES HABITANTS » manière volontaire.
Covid­19 d’une mégalopole dotée de tech­ sures de distanciation physique nécessaires. les cas graves. Les malades légers restent
nologies de pointe, mais affectée par le De toute façon, il était impossible d’imposer ainsi chez eux. On leur envoie un kit sanitaire A quoi ressemblera la mégalopole
manque d’eau courante. un confinement obligatoire. Nos policiers à domicile (masques, thermomètre, oxymè­ « post­Covid­19 » ?
sont occupés par l’insécurité, qui n’a pas tre, paracétamol…) et une aide financière de La première leçon concerne la nécessité
La concentration urbaine a longtemps été cessé malgré l’urgence sanitaire. Ici, de 40 % à 1 000 pesos [41 euros]. d’avoir un système sanitaire plus robuste. La
un atout pour une capitale comme 50 % des gens vivent, au jour le jour, de l’éco­ Ce programme est géré par notre centre de crise nous a rappelé que la santé est un droit,
Mexico. Ne s’est­elle pas transformée en nomie informelle. Impossible de les plonger télésurveillance [C5] dernière génération. et non pas une marchandise. C’est dans l’es­
piège face à la crise due au Covid­19 ? brutalement dans la misère. Ses 23 000 caméras haute définition, répar­ prit de « l’économie morale » voulue par
Les vertus des grandes villes se révèlent Nous avons donc pris des mesures en ties dans la ville, ne servent pas uniquement AMLO. Une économie qui ne laisse pas le
être des vulnérabilités face à un tel virus. amont, invitant les habitants à rester chez à la circulation ou à la sécurité. Au­delà des marché gouverner seul. La mégalopole de

Manchester | ENTRETIEN
londres ­ correspondante
celui des maisons de retraite. Là, le premier
a fourni des équipements de protection au
est nettement descendu dans le sud du
pays et à Londres. C’est probablement lié à

Andy Burnham second. Enfin, nous avons pris la décision


immédiate de fournir des chambres indivi­
la pauvreté, à la précarité des logements et
du travail. Je ne crois pas à l’argument selon

A
ndy Burnham, 50 ans, est le duelles aux sans­abri [nombreux dans l’ag­ lequel les gens du Nord ont moins bien res­

« Cette crise maire depuis 2017 du « Greater


Manchester », deuxième agglo­
mération du Royaume­Uni,
avec 2,8 millions d’habitants. Membre du
glomération]. Nous essayons maintenant
de trouver des solutions de long terme.

Le Royaume­Uni compte près de 41 000


pecté le confinement, qu’ils ont fait des fê­
tes, etc. Nous avons un système de décision
beaucoup trop centré sur Londres, or la dé­
cision de sortir du confinement a été prise

a souligné parti travailliste, il a été ministre de la


santé dans les gouvernements de Tony
Blair et de Gordon Brown. Il a fait enten­
dre une voix singulière depuis le début de
décès officiels du Covid. Comment avez­
vous agi pour protéger, notamment,
ceux qui étaient obligés d’aller travailler ?
Le virus a exposé les inégalités avec vio­
à Londres, en ne tenant compte que du con­
texte londonien et de celui du Sud, où l’épi­
démie a reflué plus vite que dans le nord de
l’Angleterre. Sadiq Khan, le maire de Lon­

nos hypocrisies » la pandémie, réclamant une politique sa­


nitaire différenciée dans une Angleterre
encore très centrée autour de Londres.
lence, et il y a plus d’inégalités et de pau­
vreté dans le nord de l’Angleterre que dans
le reste du pays. Difficile, donc, de dire si
nous avons fait mieux qu’à Londres car le
dres, a été invité à participer aux réunions
du Cobra [le cabinet de crise de Downing
Street], mais pas nous, les maires des autres
grandes villes d’Angleterre.
Comment avez­vous réagi quand virus a fait davantage de ravages dans les
La deuxième agglomération l’épidémie a atteint Manchester ? zones de grande précarité, où les commu­ Quelles leçons avez­vous déjà tirées
du Royaume­Uni s’est sentie ignorée J’ai commencé par établir un « comité
Covid » municipal : nous avons rassemblé
nautés sont mal logées, et chez ceux qui
avaient des emplois précaires et ne pou­
de la pandémie ?
Que les changements peuvent advenir
par le pouvoir central tous les responsables des services publics et
des milieux d’affaires, pour faire face en­
vaient pas se permettre d’arrêter de tra­
vailler, même s’ils avaient des symptômes,
vraiment très vite, quand la volonté est là.
L’exemple des sans­abri est parlant : on a
semble, en une communauté unie. Nous car ils avaient besoin d’argent. tellement dit, avant la pandémie, qu’on ne
avons aussi mis en place un système d’aide Nous avons ainsi constaté [le 5 juin] que le pouvait rien faire pour eux… Nous avons
mutuelle : en Angleterre, le système hospi­ taux de transmission dans le nord­ouest du créé un fichier des données de santé [sur
talier est très centralisé, mais il est séparé de pays était juste supérieur à un, alors qu’il le grand Manchester] des personnes en
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MERCREDI 17 JUIN 2020 dossier | 27

Florence | Dario Nardella


« Au fond, je suis optimiste,
nous nous relèverons »
L’édile de la capitale toscane en appelle
au gouvernement italien pour relancer l’activité

ENTRETIEN « C’EST L’ENSEMBLE 
l’heure, il n’y a pas d’autre loi
que celle du marché.
rome ­ correspondant
DE NOTRE CLASSE  Votre crainte est­elle

D MOYENNE QUI RISQUE 
epuis la fin du de basculer dans une situation
XIIIe siècle, c’est dans de dépendance absolue,
les murs de l’ancien DE GLISSER DANS UNE  à la vénitienne ?
Palazzo della Signoria Ce que nous avons constaté avec
(aujourd’hui Palazzo Vecchio) GRANDE PRÉCARITÉ  le confinement, c’est que certains
que sont gérées les affaires de ET QUE NOUS  quartiers, notamment l’Oltrarno,
Florence. Presque seul au cœur sont encore occupés par des jeu­
Claudia de ce gigantesque palais déserté, DEVONS AIDER » nes, des familles. En revanche, le
Sheinbaum, visité chaque jour, habituelle­ centre historique était à 100 %
à la mairie de ment, par des milliers de touris­ vide durant le confinement.
Mexico, le 10 juin, tes, le maire de la cité toscane,
et la cathédrale Dario Nardella, a accordé un entre­ incroyable, mais en tant que En dehors du tourisme,
métropolitaine tien au Monde, dans son sublime maire, quel genre de senti­ quel secteur a été, ici,
de la ville. LISETTE bureau décoré de fresques à la ments cela vous inspire­t­il ? le plus touché ?
POOLE POUR « LE MONDE » gloire des Médicis, pour évoquer C’est un mélange de beauté et C’est incontestablement la mo­
les conséquences de la pandémie de désolation. Derrière ce calme, de. Ce que le grand public ne sait
et les pistes pour que Florence, et il y a de la tristesse, de la souf­ pas, c’est qu’au niveau de la pro­
avec elle les grandes villes d’art ita­ france, des morts. Nous avons eu duction textile, la capitale ita­
liennes, trouve les moyens d’une 172 décès dans la ville (pour lienne n’est pas Milan, mais Flo­
demain sera aussi plus participative. C’est une de la ville, mal desservis. Une première mon­ nouvelle renaissance. 400 000 habitants), ce qui, en rence ! Une marque comme Gucci
conviction démocratique. Avec les réseaux so­ diale. Côté télétravail, il devrait se poursuivre, proportion, est moins que Milan, a toute sa production à Florence,
ciaux, on est en contact direct avec nos admi­ notamment pour les salariés de la mairie. Le 3 juin, le gouvernement mais plus que Rome. La situation comme de nombreuses marques
nistrés. Plus besoin des médias. Notre com­ Mais on doit gérer des particularités locales. Conte a rétabli les liaisons s’est améliorée, et nous n’avons du groupe LVMH. Le marché chi­
munication est quotidienne et transparente On aimerait bien instaurer des slow streets interrégionales et rouvert les presque plus de nouveaux cas nois, qui représentait l’essentiel
sur la gestion de la crise sanitaire. Mais il s’agit contre le virus. Ces rues piétonnes, qui per­ frontières nationales, permet­ depuis plusieurs semaines. de notre croissance, s’est complè­
surtout d’une relation de responsabilité mu­ mettent la distanciation, ne sont néanmoins tant, en théorie, le redémar­ Pour l’économie, et surtout le tement arrêté.
tuelle entre le gouvernement et les citoyens. possibles que dans des villes bien quadrillées. rage du tourisme. Vu depuis tourisme, c’est terrible. Le PIB de
Chaque jour, je suis en relation avec le gou­ Notre urbanisation, elle, est trop anarchique. votre ville, l’activité est­elle l’agglomération florentine est es­ Dans ce contexte, quelle
verneur de l’Etat de Mexico. Notre zone ur­ Nous prévoyons plutôt de créer des espaces vraiment en train de repartir ? timé à 35 milliards d’euros, et le serait l’urgence absolue pour
baine commune nous oblige à coordonner verts, bénéfiques pour l’environnement mais Ça commence, très doucement. tourisme représente 15 % de ce votre ville ?
notre capacité hospitalière. Cette relation aussi pour la santé psychologique et physique Ces derniers jours, dans le centre, chiffre – nous avons recensé Dans cette crise, les villes les
permanente, qui dépasse les différences poli­ des habitants. j’ai vu quelques touristes. La 14 millions de visites l’an passé. plus internationales sont celles
tiques, perdurera pour gérer d’autres fléaux. Galerie des Offices a rouvert, de Mais cette activité est très concen­ qui souffrent le plus. Florence,
En tête, les problèmes d’eau liés à un système Mexico est très impliquée au sein même que l’Accademia (où est trée dans le centre de la ville. Et là, Milan ou Venise. Le gouverne­
aquifère défaillant. Comment demander aux du réseau mondial des villes qui luttent exposé le David de Michel­Ange), l’économie souffre terriblement. ment s’est engagé à hauteur de
gens de se laver les mains s’ils n’ont pas accès contre le dérèglement climatique, les musées nationaux rouvrent C’est pour cette raison que nous 7 milliards, mais nous n’avons
à l’eau courante chez eux ? Nous avons déjà le C40. Le rôle d’acteur international les uns après les autres, la plupart faisons tout pour encourager les reçu, pour l’heure, que 10 mil­
augmenté le nombre de trajets de camions­ des mégalopoles va­t­il s’accentuer ? des églises sont de nouveau ac­ gens à revenir. Si tout va bien, lions d’euros. De notre côté, nous
citernes de 400 à 1 600 par jour. Face à l’urgence, le défi est de trouver le déli­ cessibles aux visites, avec toutes nous espérons récupérer 30 % de avons supprimé, pour cette an­
cat équilibre pour réduire le nombre de per­ les limitations imposées par la notre activité touristique d’ici à la née, la taxe d’occupation de l’es­
Qu’est­ce qui devrait changer après sonnes hospitalisées et de morts sans trop sécurité… A l’aéroport, le trafic fin de l’année. Mais nous savons pace public (les terrasses des bars
le Covid­19 ? affecter l’économie de millions de familles. repart également. Le 4 juin a at­ que nous ne retrouverons pas de et des restaurants), nous avons
La mobilité. C’est sûr. La crise a prouvé Mais nous devons aussi construire une terri le premier vol Air France niveaux importants avant 2021. suspendu le paiement de la taxe
qu’on peut s’organiser pour réduire le trafic « nouvelle normalité » dans la durée. On a venu de Paris depuis près de trois pour le ramassage des ordures.
automobile. On va créer d’autres pistes cycla­ beaucoup parlé de l’adaptation des villes au mois. C’est très important pour Comment comptez­vous Nous n’encaissons plus la taxe
bles. Mais notre priorité reste les transports changement climatique. La crise du Covid­19 le tourisme, mais aussi pour faire revenir les touristes, de séjour (48 millions d’euros
publics. Les inégalités sociales sont aussi en­ nous montre qu’il nous faut aller plus loin d’autres activités liées à l’export, sans pour autant revenir sur notre budget prévisionnel)
vironnementales. Les distances et les forts avec un développement durable plus adapté en particulier la mode et le luxe, au tourisme de masse ? – cette année, nous n’avons pour
dénivelés empêchent l’utilisation du vélo aux crises sanitaires. On ne reviendra pas à très implantés dans la région. Nous avions commencé à me­ l’heure encaissé que 2 millions,
dans l’immensité urbaine. On lance ces notre vie d’avant­Covid­19. On est au pied du ner une réflexion avant la crise, en janvier. C’est ce que nous
jours­ci la construction d’un trolleybus. Un mur. C’est peut­être un mal pour un bien. A Evidemment, pouvoir se pro­ mais c’est vrai que le virus a tout avons fait savoir, en tant que
bus électrique suspendu [à 5 mètres de hau­ nous de construire un futur meilleur.  mener dans votre ville dans démultiplié, rendant l’urgence maires de Milan, de Rome, de
teur] dans les quartiers populaires de l’ouest propos recueillis par frédéric saliba ces conditions est une chance encore plus urgente… Nous ve­ Venise, de Florence et de Naples :
nons de présenter un plan « Rin­ si les villes s’effondrent, c’est
sace Firenze » (« Florence renaît »), l’image du pays tout entier qui
qui affronte le thème de l’« over­ s’effondrera.
tourisme », comme disent les
maison de retraite, partagé par l’hôpital. En le changement. Il est normal que la réponse partie, celui de Gordon Brown, a perdu les Anglo­Saxons. Ces dernières se­ Comment la population
temps normal, nous aurions fait face à de immédiate à la pandémie soit nationale, élections et ce rapport a été complètement maines, nous avons décidé de traverse­t­elle cette période ?
multiples refus. Cela m’a déterminé à être mais la reprise, après la pandémie, doit être ignoré. Rien n’a été fait durant une décen­ bloquer l’entrée du centre aux Nous sommes sortis de l’ur­
plus persévérant à l’avenir : ces résistances gérée au niveau régional. Le gouvernement nie, alors que le problème a été parfaite­ bus touristiques. Pour une ville gence sanitaire pour entrer dans
au changement ne sont pas justifiées. Johnson a été élu sur la promesse de redon­ ment identifié. Début juin, le ministère de comme Florence, c’est une révo­ l’urgence sociale. La colère so­
Notre ville est très ouverte sur le monde, ner du pouvoir aux régions, mais j’ai été la santé a publié un rapport montrant à lution. On en avait en moyenne ciale est très forte et l’inquiétude
avec un aéroport important, des universités choqué de voir à quel point il revenait à une quel point les communautés pauvres 360 par jour, ce trafic rapporte perceptible. C’est l’ensemble de
accueillant nombre d’étudiants étrangers pensée « London centric ». avaient été plus touchées que les autres par 18 millions d’euros par an à la notre classe moyenne qui risque
[20 %], des clubs de foot célèbres, et elle a été le Covid, à commencer, fatalement, par les ville ! Cette mesure entrera en vi­ de glisser dans des situations de
très touchée aussi pour cela. Elle dépend Comment envisagez­vous le déconfine­ BAME [Black, Asian and Minority Ethnic]. gueur au cours de l’été. L’autre grande précarité et que nous de­
beaucoup des gros événements, les matchs, ment et la récession qui s’annonce ? Les gens regardent le monde au sortir de défi est d’essayer de faire revenir vons aider. Mais je suis convain­
les concerts. Nous avons d’ailleurs la plate­ Je suis très inquiet. Les années 2020 pour­ la pandémie et voient les inégalités encore dans le centre des activités qui cu que la ville repartira de plus
forme United We Stream, qui diffuse des raient être aussi dures ici que les années plus crûment qu’avant. Pendant le confine­ l’ont déserté depuis les années belle, parce qu’on perçoit bien
concerts live et lève de l’argent pour aider 1980, avec un chômage des jeunes très élevé. ment, on a applaudi les travailleurs essen­ 1980­1990. Les bureaux, les sièges que les étrangers ont l’envie de
les clubs de Manchester, sur le modèle de ce Le gouvernement doit se réveiller et nous tiels, qui, souvent, étaient aussi les plus pré­ sociaux, les résidents. revenir ici. Il faut donner de
qu’a fait Berlin. Mais je ne pense pas que la donner la liberté, par exemple, de lever de la caires de nos sociétés. Cette crise a souligné l’envie, de l’enthousiasme. C’est
ville va changer après la pandémie, elle va dette pour construire des logements acces­ nos hypocrisies. Et les événements de Min­ Et en ce qui concerne aussi pour ça que nous avons dé­
rester cosmopolite. sibles, pour encourager les gens à opter pour neapolis sont arrivés [le meurtre de George les locations touristiques cidé, ces derniers mois, de propo­
des voitures électriques, etc. Il faudrait qu’il Floyd]. Le racisme aussi est une pandémie, a d’appartements ? ser la candidature de notre ville
Pensez­vous que vos prérogatives nous alloue les fonds de manière flexible, en déclaré Raheem Sterling, un des joueurs de Nous ne disposons pas, en Ita­ pour le départ d’une des prochai­
de maire pourraient évoluer ? nous laissant le choix de les consacrer aux Manchester City. Il y a bien un débat, ici, sur lie, d’un cadre légal qui permette nes éditions du tour de France…
J’espère bien. Avec d’autres élus, Sadiq projets qui font sens localement. l’accélération de la transition écologique, la de les contenir, comme à Paris. Au fond je suis optimiste, nous
Khan à Londres, Andy Street à Birmingham, Il y a dix ans, j’étais ministre de la santé, et nécessité d’encourager les gens à utiliser le Nous voudrions mettre un pla­ nous relèverons. Il faut juste que
Steve Rotheram pour la région de Liverpool, j’ai reçu un rapport historique du profes­ vélo, les véhicules propres, mais il apparaît fond aux tarifs des locations tou­ l’Etat nous donne les moyens de
nous avons réussi à faire entendre nos voix seur Michael Marmot qui montrait que l’ac­ plus urgent de réduire les inégalités.  ristiques, mais on doit avancer passer ce moment terrible. 
comme jamais. Les maires ont fait évoluer le cès à la santé était plus inégal dans le Nord. propos recueillis par par décrets locaux, qui sont très propos recueillis par
débat national. Peut­être que cela accélérera Peu après, le gouvernement dont je faisais cécile ducourtieux facilement contestables. Pour jérôme gautheret
CULTURE
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28 | MERCREDI 17 JUIN 2020

Thomas Dutronc, fils de Django
Le guitariste et chanteur publie « Frenchy », autour d’un répertoire patrimonial à vocation internationale

PORTRAIT

O
n ne naît pas « Thomas
Dutronc », on le de­
vient. Tout « fils de »
qu’il soit, rejeton bien­
aimé de deux artistes très populai­
res (Françoise Hardy et Jacques
Dutronc), beau gosse, drôle, si pro­
fondément aimable que ça en se­
rait suspect, né avec un médiator
en argent sous la langue, le citoyen
Thomas Dutronc aura souqué
ferme pour devenir pas à pas, sans
passe­droit, sans brûler les étapes,
l’excellent guitariste que les musi­
ciens reconnaissent, et le chanteur
malgré lui, plutôt tardif, à 34 ans :
premier à s’étonner du succès de
Comme un Manouche sans gui­
tare, son premier album (2007).
Suivront Silence on tourne, on
tourne en rond (2011), Eternels, jus­
qu’à demain (2015), Live Is Love,
enregistré sur la route (2018) pour
la renaissance du prestigieux la­
bel Blue Note. Voici Frenchy, qua­
torze chansons connues et chan­
tées partout – C’est si bon, La Vie Chez lui,
en rose, Les Feuilles mortes, etc. –, à Paris,
avec des invitées de luxe (Diana le 12 juin.
Krall, Youn Sun Nah, Stacey JEAN-FRANÇOIS ROBERT/
Kent…), des solistes aussi discrets MODDS POUR
qu’éblouissants (Eric Legnini, « LE MONDE »
piano, Rocky Gresset, guitare), un
sens de la diction, du murmure et
de la mise en place que maîtrise à
la perfection Dutronc Jr., le chan­
teur sachant enfin chanter :
« Dans mon premier album,
Comme un Manouche sans gui­
tare, je vois les défauts. Cette fois, il
me semble que j’y suis… »
La longue marche, il l’aura ac­
complie humblement. Par con­
viction et pour l’amour de
Django. Sans sauter les étapes.
Après vie gracieuse et sévère re­
mise en cause personnelle. Doué, de l’image et du son) entre fu­ quoi, mais aussi Herbie Hancock mense fan de guitare, ça n’a pas été crutement chez Blue Note
sans doute, mais comme dit mées et fêtes. Après quoi, il s’enti­ et Prince, Jean­Pierre Poirier lui
« Je dis Django, difficile de me rapprocher de Babik comme une chance, sans se mon­
Brassens (une de ses mille et trois che de rock, de disco et, dans la fait découvrir Miles Davis et on me traite Reinhardt ou Biréli Lagrène… » ter le bourrichon.
références), «… sans technique, un foulée, de rap (Eazy­E, Ice­T) pour Monk : Smoke Gets in Your Eyes Deux ans en tant que modeste Le vendredi 13 mars, vers mi­
don n’est rien qu’une sale manie… » faire peur dans les teufs. Fatigué qu’il connaissait par les Platters et
de rétro. Jamais guitariste rythmique du groupe nuit, on le retrouve au Méridien
des dérives, soudain angoissé de Gainsbourg. Il était temps, en ef­ si je parle Gipsy de Biréli Lagrène (« un de la Porte Maillot. Frenchy,
Génie de la rencontre sens et de maturité, il attaque la fet, d’aller au nerf ! Il découvre sur­ monstre incroyable »), ça vous l’album, doit sortir très vite. On
Alors ? Dandy très bosseur ? guitare par la face nord, grâce à un tout Django, sa passion absolue.
de Mozart… Les forge la pompe, l’impitoyable ac­ baigne en pleine innocence. Igno­
Glandeur sérieux ? Rêveur lu­ voisin, « Jean­Pierre Poirier, un Dans les 33­tours de ses illustres gens n’ont pas compagnement du style manou­ rant qu’un grand confinement
cide ? « J’aime m’éclater, c’est vrai… mec de mon quartier qui était fou parents, il déniche la version de che. Parfois, non sans malice (au très abrutissant et conduit à la
Que l’âme exulte, et pas que le de jazz, très exigeant, il vivait avec Nuages millésimée 1949. Se
l’âme musicale » Trianon, tel soir d’octobre 2003), diable va nous tomber dessus.
corps ! Hier soir, on écoutait de la sa mère couturière dans un minus­ prend à collectionner compulsi­ Biréli et le monumental Hono se Thomas Dutronc joue entre po­
musique, avec trois copains… Quel cule appartement. C’était un type vement : choc foudroyant. Dix tournaient vers le jeune homme tes, comme il aime jouer. Il y a là
bonheur, quel enchantement… La passionnant, cinglé d’harmonie et thèmes de Django analysés par Saint­Ouen, découvre La Chope aux traits fins qui se faisait tout Mino Cinelu, en partance pour
musique relève de la magie, de la d’une érudition incroyable ». Thomas Dutronc dans la revue, des puces où jouent sans s’en faire petit derrière Diego Imbert, le Brooklyn, la délicieuse Mylène
mystique… » Il se réfère à Brassens, Ce génie de la rencontre et de une leçon pour tout jeune guita­ des génies inconnus. Micros ra­ bassiste promis aussi à un bel ave­ Demongeot qui va bientôt se co­
mais surtout à Django : « Avec le l’attention aux autres sera son sa­ riste : « Django est le musicien ab­ fistolés avec du chatterton, guita­ nir. Les deux Manouches ont gner le Covid­19 et en réchapper,
temps, j’ai compris que seul comp­ lut. En mars 2020, la revue Jazz solu. Le rythme, l’harmonie, l’éner­ res échevelées que l’on monte à alors ce sourire engageant, tu par­ un photographe, deux attachées
tait le travail : la guitare, compo­ Magazine en fait son rédacteur en gie, le sens du rebond et de l’inven­ l’amiable, « un monde qu’on les, qui fait peur. Ils lui servent de presse, beaucoup de gaieté et
ser, écrire… Même les obligations chef (n° 725). On pense à un tion perpétuelle… Incompréhensi­ m’avait caché, l’équivalent du une pompe princière. A lui de tant de légèreté perdue.
de la vie, les impôts, les papiers, « coup ». Entretien très sérieux ble qu’on ne l’aligne pas au même blues en Europe ! » Il décide de s’y choruser. C’est son tour ! Ça ne ri­ A 1 heure 48 du mat, l’irrésistible
tout concourt à te détourner de aidant, on découvre une autobio­ rang que Mozart, Bach, Beethoven mettre. Ne savait pas à quel point gole plus. Impossible de s’échap­ Dutronc lance une idée brillante :
l’activité fondamentale… Laquelle graphie passionnante, d’une luci­ ou Chopin… Je dis Django, on me c’était si dur. Finis les rades et les per. Sans compter que la guitare il connaît un petit resto près du
a vite fait de passer à la trappe… dité bizarre. Puis un Dutronc en traite de rétro. Jamais si je parle de bœufs à l’emporte­pièce, à Paris est réglée pour accompagner. Le Panthéon qui sert toute la nuit.
L’essentiel peut t’oublier… Je n’en grand intervieweur – Pat Metheny, Mozart… Les gens n’ont pas l’âme ou en Corse. Romane et Ninine le jeune homme, au sourire si doux, Mais oui, mais oui… Ça, ça mar­
suis pas encore à la grande sa­ George Benson, Biréli Lagrène, musicale… Bien sûr, on peut l’en­ prennent sous leur aile. Il bosse sue sang et eau, il fait face. Sa chait naguère. Une fois n’est pas
gesse, mais le temps des fêtes et des Stochelo Rosenberg, Matthieu tendre en streaming, mais au prix comme un fou sans se leurrer : « A chance de jeune homme bien né, coutume, on choisit la raison avec
sorties a fait son temps… » Chedid, son copain d’enfance qui d’un son si détestable, qu’on a vite 23 ans, “fils de”, gentil garçon au il la paie au prix fort. Il accepte. retour à la maison. Qu’est­ce
Bref séjour déçu à la fac dans est déjà un monstre de technique envie de passer à autre chose… » grand cœur, très respectueux mais C’est sa force. qu’on regrette ! Ne jamais choisir
l’idée de préparer la Fémis (Ecole lorsque lui tâtonne encore. Ici commence le chemin de pas le dernier pour boire un coup la voix de la raison ! Voitures, cris
nationale supérieure des métiers Dutronc aimait tout et n’importe Damas de notre ami. Il traîne à et sortir des vannes, et surtout, im­ Charmante bande-son joyeux, rires, portières qui cla­
Avec Biréli, ils passent un mois en quent… « On s’appelle, pour l’inter­
Californie, jouent tous les soirs view… » C’est une époque où de­
L’art de faire entendre le plaisir de chanter dans de petits clubs. Au retour, il
forme un trio AJT Guitare Trio,
main est encore un autre jour. Ça
ne va pas durer. Deux jours plus
avec Antoine Tatich et Jérôme tard, on est tous en prison, avec
esthétique art déco, photos de Yann tons humbles, dit­il, je ne saurais me placer Youn Sun Nah dans Playground Love, Sta­ Ciosi, bien présent sur Frenchy, amendes de 135 euros si on n’est
Orhan, ingé­son historique (Jay Newland), sur le même plan, ni même dans la conti­ cey Kent (Un homme et une femme), Haley racle les rades de l’Est parisien ou pas sages.
Vincent Carpentier et Thomas Dutronc nuité des héros du jazz qui ont fait l’histoire Reinhart (Ne me quitte pas), le grand Jeff du fin fond de la Corse. Lui, il Dans ce contexte, Frenchy sem­
ont fignolé le subtil. Destiné à une carrière du label. » Humble et lucide : « Je voulais un Goldblum (La Belle Vie). donne son charme et son élé­ ble parfaitement incongru. C’est
internationale, Frenchy prend sa raison groupe de jazz indiscutable, Thomas Thomas Dutronc a l’art de faire entendre gance, et glane en retour toutes les un album de quatorze chansons
d’être dans le corps de Dutronc Jr., sa voix, Bramerie, Eric Legnini [piano], Rocky le plaisir de chanter. Intimidé, de chanter leçons possibles : celles des connues dans le monde entier. De
son style voué à Brassens, mais surtout à Gresset [un des princes de la guitare La Mer (Beyond the Sea) après George modestes, des incroyables C’est si bon avec Iggy Pop et Diana
Django, en quatorze chansons que tout un manouche], plus Denis Benarrosh et Benson qu’il interviewe avec beaucoup de Manouches présents au festival Krall, à La Belle Vie (avec Jeff
chacun peut reprendre à la fin. Jérôme Ciosi, guitare et drums, pondéra­ joie pour Jazz Magazine (n° 725) ? « Je dois de Patrimonio, en Corse (Stochelo, Goldblum), en passant par La Vie
C’est si bon. Ouverture au petit poil : des­ tion, amitié, conseil… » Stéphane dire que je n’ai pas trop réécouté avant d’en­ Tchavolo, Dorado), ou des maîtres en rose avec Billy Gibbons (ZZ Top)
cente de contrebasse très classe (Thomas Belmondo (bugle) et Marc Berthoumieux registrer. J’aime les rencontres, les musi­ de la guitare qui lui donnent des et Plus je t’embrasse, plus j’aime
Bramerie), discret soutien de batterie pop­ (accordéon), donnent – ajoutez sept gout­ ciens. En voyage, je ne cherche ni le luxe des cours (Sylvain Luc). Découvre les t’embrasser, etc. Imprudent dé­
rock­variété (Denis Benarrosh, choix tes de bandonéon (Michel Portal, sur Petite grands hôtels ni la poésie des bas­fonds. pointures, de Wes Montgomery à menti du grand confinement à
voulu, afin de tempérer le niveau du jazz, Fleur) – la touche finale. Prendre un verre avec Billy Gibbons à Los Paco de Lucia, avec toujours venir. Hypothèse scientifique qui
recruté pour « sa sonorité et son jeu pres­ Angeles, et toc, qui vient dire bonjour ? Pete Django comme référence absolue. en vaut bien d’autres : ce sera la
que abstrait », dit le chanteur), voix d’Iggy « Quelque chose de beau » Townshend… Ça oui, ça me plaît… » Chan­ Potlatch parfait à l’amiable, sur promesse de cette charmante
Pop (vraie trouvaille, il se régale, en fait à « Rocky [Gresset], je le connais depuis qu’il a son préférée ? Que reste­t­il de nos amours ? fond de respect et de modestie, bande­son inventée par des fous
peine trop), puis celle de Thomas Dutronc, 15 ans. Il marche à fond. On va faire quelque Mais elle ne figure pas dans Frenchy… « Ce c’est comme ça et pas autrement. de musique et de Django, qui aura
en fin de labiales, et pour couronner le chose de beau. L’engageant, je pensais à lui, sera pour le tome 2… »  Sa mère a accepté de financer son irrité notre Covid­19. Lequel
tout, Diana Krall délicieuse, impros en noir qu’il se fasse connaître en concert, dans des f. m. apprentissage jusqu’à 25 ans. Il n’aime pas la joie, ça se voit, ni
et blanc… Version feutrée, sulfureuse, petits clubs, qu’il rencontre des musiciens, prend le don au sérieux. Chan­ qu’on s’embrasse, c’est défendu,
susurrée. Une incontestable réussite. que ce soit sa chance… » Prosélytisme ou gé­ Frenchy, 1 CD Blue Note. teur, il le deviendra dix ans plus ni qu’on se réunisse, qu’on fasse
Deuxième album de Dutronc, so Frenchy, nérosité ? Des duos charmants : Billy Gib­ En concert, les 2 et 3 octobre, tard, étonné du succès de son pre­ peuple et qu’on boive des coups. 
pour l’illustre catalogue Blue Note : « Res­ bons (ZZ Top) sur La Vie en rose, l’exquise à La Cigale, Paris 18e. mier album mais vivant son re­ francis marmande
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 culture | 29

Une Fête de la musique


2020 en format modeste
La manifestation est maintenue, dimanche
21 juin, mais avec des aménagements

MUSIQUE par exemple, comme le rappor­


tent nos confrères du quotidien

S ur le site Internet du minis­


tère de la culture, dans la
partie consacrée à la Fête de
la musique, seul le visuel de l’affi­
che de l’édition 2020 apparaît. Sur
Le Progrès, dimanche 14 juin, si
« aucune scène susceptible d’atti­
rer un public important ne sera
mise à disposition des associa­
tions ou des musiciens », les bars et
« Dimanche
après­midi »
fond rose­rouge, une paire de restaurants devraient pouvoir (1966­1967).
jambes et des chaussures noires aménager des espaces pour COLLECTION
évoquent un mouvement dan­ accueillir des formations. PARTICULIÈRE
sant. Aucune trace, comme c’est le
cas habituellement, des milliers Deux concerts sans public
de musiciennes et musiciens A Pau, il a été annoncé qu’une
amateurs qui y sont recensés, par dizaine de groupes de la région se
genres pratiqués, lieux, horaires produiront sur des camions­pla­
durant la journée et la nuit du teaux pour un parcours dans la
21 juin, un peu partout en France ville et les communes proches. A
et dans de nombreux pays à Strasbourg, la ville a annoncé, dès
l’étranger. Les protocoles sanitai­ mardi 9 juin, que des animateurs
res en vigueur, en raison de la à vélo « vont parcourir les quar­
pandémie de Covid­19, même tiers » et organiseront des « blind­
s’ils sont moins stricts à mesure tests, des karaokés, des jeux de per­
que l’on avance dans le déconfine­ cussions à la demande des habi­
ment, ne devraient pas permettre tants » à leurs balcons. A Blois,
que ce dimanche 21 juin ait son al­ samedi 20 juin, des fanfares pour­
lure normale avec des foules raient déambuler en centre­ville,
nombreuses rassemblées à tou­ afin d’éviter des attroupements
che­touche devant des podiums,
sur des places, les trottoirs où se
produisent ensembles vocaux,
groupes de rock, formations de
fixes et, le dimanche, des cours
d’écoles seraient les lieux de con­
certs, avec port du masque obliga­
toire pour le public, qui devra
Trois œuvres de jeunesse signées
Jean­Claude Brisseau
jazz ou de musique classique, etc. s’inscrire pour pouvoir y assister.
Toutefois, c’est sous une forme Pour qui voudrait absolument
bien plus modeste que le rendez­ faire la fête avec des vedettes, c’est
vous, dont la première édition du côté de France 2 que cela se
remonte à 1982, devrait être passera. Depuis plusieurs années,
maintenu. Au ministère de la la chaîne emploie les grands La Cinémathèque française propose trois moyens­métrages inédits
culture, à quelques jours du moyens pour un concert en lien
21 juin, plusieurs initiatives ont avec la Fête de la musique, qui a eu
été étudiées. Parmi lesquelles un lieu à Toulouse, en 2016 et en 2017,
concert de Jean­Michel Jarre, dif­
fusé en direct sur des réseaux
et à Nice, en 2018 et en 2019. Prévu
initialement de nouveau à Nice, il
CINÉMA sacrée, nous avons jugé de notre
devoir de montrer ces films sur no­
pipe, allongé sur son lit, le per­
sonnage laisse libre cours à des
absorbe même la totalité de l’exis­
tence, ce que la politique ne

M
sociaux comme Facebook, la sera diffusé, sans public, depuis la ise en place au tre plate­forme pour compléter la fantasmagories érotiques suffi­ peut pas faire. » 
chaîne de vidéos YouTube ou des salle parisienne de l’Accor Arena, début du confine­ connaissance qui est due à tout samment poussées pour justi­ jacques mandelbaum
sites partenaires. Autre idée, déjà vendredi 19 juin. Les circonstan­ ment, la plate­ grand cinéaste. » Tournés entre fier une restriction réglemen­
réalisée lors d’éditions précéden­ ces exceptionnelles cette année forme de La Ciné­ 1966 et 1968, en 8 et en Super­8 taire. Déjà, Jean­Claude Brisseau Dimanche après­midi (26 min) ;
tes, proposer une chanson du ré­ n’ont pas incité à sortir d’une mathèque française, ci­devant millimètres, par le jeune étudiant tenait de Georges Bataille, à qui L’Après­midi d’un jeune homme
pertoire français, qui pourrait zone de confort de variétés grand nommée « Henri » en hommage en lettres qu’était alors Brisseau, l’on doit cette pensée, issue du qui s’ennuie (33 min,
être interprétée par tout un cha­ public (Vianney, Vitaa et Slimane, au fondateur Langlois, distille ces moyens­métrages raviront, Bleu du ciel (1957) : « Le monde interdiction aux moins de 16 ans
cun au même moment sur l’en­ Pascal Obispo, Patrick Bruel, chaque soir, à titre gratuit, des de fait, les cinéphiles, pour le des amants n’est pas moins vrai avec avertissement) ; Mort
semble du territoire, de préfé­ Gims, Dadju, Amir, Boulevard des trésors cinéphiliques. Devant le point de vue archéologique qu’ils que celui de la politique. Il dans l’après­midi (42 min).
rence depuis chez soi, en se airs, Claudio Capéo, Kendji Girac, succès, elle poursuit sur cette belle fournissent sur l’œuvre.
mettant à la fenêtre. Tryo, Bénabar…), sans accorder la lancée et révèle trois films inédits
Il serait aussi de la responsabi­ moindre place à la musique clas­ de Jean­Claude Brisseau, mort le Figure paternelle dévoyée
lité des mairies, des préfectures, sique ou aux musiques du 11 mai 2019, à l’âge de 74 ans. Tout y est d’emblée, de fait. L’ob­
des lieux d’accueil, salles ou monde. Le jazz s’en sortant in ex­ Programmation à l’évidence session du corps féminin comme
podiums aménagés, que soient tremis avec l’annonce de la venue plus sensible que les autres, eu mystère ouvrant à la reconnais­
organisés, ici et là, des concerts, de Thomas Dutronc. égard à la réputation sulfureuse sance du monde, l’opacité de la
avec un public réduit, à qui il A la radio, France Inter diffu­ de ce réalisateur qui n’en est pas jouissance comme moyen d’ac­
devrait être demandé de respec­ sera, comme depuis plusieurs an­ moins l’un des créateurs les plus céder à la lumière métaphysique,
ter les mesures de distanciation. nées, un concert à l’Olympia, là puissants et troublants du le lien tragique et indéfectible en­
Les décisions d’autorisation va­ aussi sans public, avec Pomme, cinéma français (De bruit et de tre l’amour et la mort, le désastre
rient selon les villes et sont an­ Louise Attaque, Philippe Katerine fureur, 1988 ; Noce blanche, 1989 ; de l’enfance, la figure paternelle
noncées au jour le jour. A Lyon, et un DJ­set d’Etienne de Crécy. L’Ange noir, 1994…). On ne rou­ dévoyée, le courage inouï du
Sans faire mieux donc pour le re­ vrira pas ici le dossier judiciaire geste intime.
flet de toutes les pratiques et de la de cet artiste condamné par la On ne saurait ici résumer ces
diversité musicale, dont se vante justice pour harcèlement sexuel films, qui ne racontent pas à
Une chanson régulièrement le service public en 2005, si ce n’est pour rappeler proprement parler d’histoires.
du répertoire de la télévision et de la radio. que, dans le sillage d’une action Ce sont plutôt des bouts d’essai
France Musique sauvant l’hon­ #balancetonporc destinée à em­ qui charrient figures et motifs,
français pourrait neur avec une soirée qui réunira pêcher Roman Polanski d’inau­ déplacent des influences
être interprétée des artistes de musique classi­ gurer à La Cinémathèque fran­ (Godard, Rohmer, Hitchcock…),
que, de comédie musicale et de çaise une rétrospective de ses inventent des postures. Diman­
partout au même jazz, sans plus de précisions au films en novembre 2017, l’institu­ che après­midi est un récit en
moment, lundi 15 juin.  tion avait jugé plus prudent d’an­ noir et blanc enténébré, dit en
sylvain siclier nuler la programmation de la ré­ voix off, filmé sur des images do­
de préférence trospective dédiée à Jean­Claude cumentaires de la ville, bercé par

ESPRIT
depuis chez soi Fetedelamusique.culture.gouv.fr Brisseau, en janvier 2018. la partition poignante du Mépris
Sorti du temple de la cinéphilie composée par Georges Delerue.
Victor Simon, La Toile judéo-chrétienne (détail), 1937, huile sur toile, 194,5 x 298 cm

peu avant d’être occulté jusque Entre la description de l’enfance


dans sa mort par la cérémonie et de la vieillesse, également
des Césars 2020, voici donc que le abominables, seul un souvenir

ES-TU LÀ ?
LaM, Inv.: 2019.4.1, Photo : © Nicolas Dewitte / LaM

C R I S E S A N I TA I RE B A N D E D E SSI N É E fantôme de Brisseau rentre su­ érotique semble devoir tenir


Chute de 21 % prévue Les Noirs américains brepticement par la fenêtre l’édifice de la vie.
pour le chiffre d’affaires mis en valeur dans d’« Henri » pour se rappeler à no­ Mort dans l’après­midi, polar
de la musique le prochain Lucky Luke tre souvenir. La mort de l’impé­ romantique pansexuel, com­
enregistrée Le prochain album de Lucky trant apaisera­t­elle le torchon mence où A bout de souffle finit,
La musique enregistrée en
France prévoit pour fin 2020
Luke, Un cow­boy dans le co­
ton (le 23 octobre chez Lucky
qui n’aura cessé de brûler entre
activistes radicaux et brûlants
mais trouve dans la femme dési­
rée non celle par qui la mort ar­
LES PEINTRES ET LES VOIX
une chute de 21 % (235 millions Comics), mettra en avant les cinéphiles ? rive, plutôt celle par qui « dans DE L’AU-DELÀ
d’euros) de son chiffre d’affai­ Noirs américains, a annoncé, Frédéric Bonnaud, directeur de une autre vie peut­être, [le héros]
res, selon une étude du cabi­ lundi 15 juin, Jul, scénariste La Cinémathèque française, peu saurait apprendre à frémir devant
net EY publiée le 15 juin. depuis deux volumes de la optimiste sur le sujet, s’en expli­ la magnificence des choses ».
« Les revenus du streaming série créée par Morris. « Les que : « Lisa Heredia, la veuve et Le plus étonnant des trois reste
(­7 % par rapport au chiffre histoires de Lucky Luke sont la monteuse de Jean­Claude L’Après­midi d’un jeune homme
d’affaires prévisionnel avant censées se dérouler durant la Brisseau, nous a confié ces films. qui s’ennuie. Trente­trois minu­
le Covid­19) ne permettront pas guerre de Sécession, et au­ Ce sont ses tout premiers essais, tes d’un film muet amateur, qui
d’amortir l’effondrement des delà, pourtant jamais les Afro­ qu’il a montrés quelques années monte en alternance des vues de
ventes de disques et des droits Américains ne sont représen­ plus tard à Eric Rohmer, qui en fut Paris durant les événements de
voisins (­ 40 %), dû à la ferme­ tés dans les albums, sauf de enthousiasmé et qu’il a introduit Mai 68 et la rêverie solitaire du
ture des magasins », pour le manière marginale », a expli­ auprès [de la maison de produc­ jeune Brisseau, claquemuré dans
Syndicat national de l’édition qué le complice du dessina­ tion] des Films du Losange. sa chambre. Sur le théâtre social,
phonographique (SNEP) et teur Achdé en précisant que Comme il est pour l’instant peu des rues désertées, des bris de #MuseeMaillol
l’Union des producteurs pho­ cette nouvelle aventure a été probable que la société nous per­ verre, des cohortes de CRS, des
nographiques français indé­ conçue « bien avant le décès mette de reprogrammer la rétros­ voitures renversées. Sur le théâ­
pendants (UPFI). – (AFP.) de George Floyd ». – (AFP.) pective qui aurait dû lui être con­ tre intime, lisant et fumant la
30 | télévision 0123
MERCREDI 17 JUIN 2020

Les frères Larrieu sur la pente raide du désir VOTRE


SOIRÉE
TÉLÉ
Dans « 21 nuits avec Pattie », les réalisateurs naviguent entre comédie policière et poème fantastique

ARTE velle camarade les performances


MERCREDI 17 - 20 H 55 et les talents sexuels. MERCREDI  17  JUIN
FILM Foisonnant de détails à faire rou­
gir un légionnaire, ce récit gour­ TF1

S
uivez la pente la plus mand est le premier d’une série 21.05 The Resident
raide. » Sur une petite qui va conditionner le retour de Série. Avec Matt Czuchry, Manish
route déserte, perdue au Caroline à la vie. La disparition du Dayal
milieu d’une nature fo­ corps de la défunte précipitera le (EU, 2018).
restière et rocailleuse, chauffée à film sur un territoire mouvant et 22.50 Night Shift
blanc par le soleil d’été, Caroline incertain, entre la comédie poli­ Série. Avec Eoin Macken, Jill Flint
(Isabelle Carré) se répète cette cière et le poème fantastique, pro­ (EU, 2015).
phrase qui doit la guider jusqu’à pice à tous les emballements fic­
destination. Nous sommes au tionnels. L’entrée en scène d’un France 2
mois d’août, dans la vallée de la commandant de police à l’imagi­ 21.05 Romance
montagne Noire, qui joint l’Aude naire débridé (Laurent Poitre­ Série. Avec Olga Kurylenko, Pierre
et le Tarn. Après un long détour naux, piquant et drolatique), l’hy­ Deladonchamps, Barbara Schulz
qui les a conduits des Pyrénées pothèse d’un kidnappeur nécro­ (Fr., 2020).
(La Brèche de Roland, Un homme, phile chauffent l’imagination des 22.50 Dans les yeux d’Olivier
un vrai, Le Voyage aux Pyrénées) personnages et des spectateurs. Le Magazine présenté par Olivier
au Vercors (Peindre ou faire mystère de l’évaporation se résou­ Delacroix. Portés disparus.
l’amour), de la côte basque (Les dra de lui­même, quand le fan­
Derniers Jours du monde) aux Al­ tôme de Zaza, joué par la chorégra­ France 3
pes suisses (L’amour est un crime phe Mathilde Monnier, viendra 21.05 Des racines et des ailes
parfait), les frères Larrieu sont de danser pour sa fille au clair de Passion patrimoine :
retour sur ces coteaux du sud du André Dussollier et Isabelle Carré dans « 21 nuits avec Pattie ». JÉRÔME PRÉBOIS/PATHÉ lune, l’invitant à s’abandonner à sur les chemins du Var
Massif central, ce « pays des hom­ l’esprit dionysiaque des lieux. Magazine présenté par Carole
mes libres » où ils plantèrent le dé­ Rien ne résiste à un tel élan, pas Gaessler.
cor de leur premier long­métrage, nes ne passent pas. Des hommes grande amie, dont le corps re­ crète et souriante, qui ne se sou­ même la mort, qui se soumet ici 23.05 Les Secrets de la belle
Fin d’été (1999), rugueuse célébra­ se baignent nus dans la piscine. pose sur un lit, caressé par les vient plus bien à quand remonte aux pulsions nécrophiles des uns, endormie
tion des vertus de la vie à poil Des jeunes gens beaux et bronzés voiles blancs d’une moustiquaire la dernière fois que le frisson du à l’envie de danser des autres. Ja­ Documentaire de Vincent Dupouy
comme remède à l’aseptisation déboulent en horde dans le jardin que fait danser un savant atte­ désir lui a chatouillé l’échine. A mais cet hédonisme solaire n’a (Fr., 2020, 54 min).
galopante des habitus urbains. depuis l’intérieur de la maison. lage de ventilateurs. peine les deux femmes ont­elles paru si précieux qu’aujourd’hui. 
Au pied du sentier pentu que Ca­ Pattie aime le sexe, les bals de fait connaissance qu’elles croisent isabelle regnier Canal+
roline dévale au son des accords Récit gourmand l’été, se baigner nue dans la rivière André (Denis Lavant), un gars du 21.10 Football
d’un blues suave se niche la mai­ Au premier étage, la lumineuse glacée. Plus que tout, elle aime cru bourré de tics, au parler tordu 21 nuits avec Pattie, d’Arnaud Manchester City - Arsenal
son de sa mère, Zaza, comme on Pattie (Karin Viard, plantureuse mettre son plaisir en mots et, dans comme un pied de vigne, sorte de et Jean­Marie Larrieu. Avec Karin Premier League.
l’appelait dans le coin, une femme et sexy, merveilleusement drôle) ce décor sauvage, son verbe folâtre satyre sautillant affairé sur le mo­ Viard, Isabelle Carré, André 23.10 Match of ze Day
qu’elle connaissait à peine, et qui finit de préparer la chambre réveille les sens de la nouvelle ve­ teur de son pick­up, dont Pattie Dussollier, Denis Lavant Football. Magazine présenté par
vient de mourir. Ici, les télépho­ mortuaire de celle qui fut sa nue, mère de famille pâlotte, dis­ s’empresse de dépeindre à sa nou­ (Fr., 2020, 115 min). Joris Sabi

France 5
20.55 La Grande Librairie
Magazine présenté par François

Images d’une France figée et déserte vue du ciel Busnel.


22.35 C dans l’air
Magazine présenté par Caroline
Quinze artistes commentent le survol, durant le confinement, de villes auxquelles ils sont attachés Roux.

Arte
20.55 21 nuits avec Pattie
FRANCE 3 commentaire, quinze artistes suf­ quel point il a fait beau en ce prin­ Strasbourg, Laurent Gerra à le deuil de sa jeunesse à La Cour­ Film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu.
MERCREDI 17 -23 H 05 fisamment attachés aux lieux où temps. Cet étrange tour de France Lanslebourg­Mont­Cenis, en Sa­ neuve, en Seine­Saint­Denis ; la Avec Isabelle Carré, Karine Viard,
DOCUMENTAIRE ils ont vécu leur enfance, leur ado­ débute par la Corse, où Thomas voie, Nicole Garcia à Nice… Cha­ chanteuse Jeanne Cherhal, intaris­ André Dussollier, Sergi Lopez
lescence, pour avoir enregistré, Dutronc a séjourné durant ses pre­ que description a son charme – à sable sur Nantes et son ancienne (Fr., 2015, 115 min).

O n avait presque oublié –


déjà ! – les rues, les ave­
nues, les places, les plages
désertées, comme figées. Alors
que les manifestations font à nou­
dans l’urgence, un texte de leur
composition. Tous se livrent, avec
plus ou moins de stupeur, de joie,
de nostalgie… et de talent. Malgré
cette hétérogénéité, Les Secrets de
mières années, d’Ajaccio à Calvi,
dont il connaît chaque ruelle. Le
timbre rieur de Line Renaud se fait
complice, lorsqu’elle confesse ses
bêtises dans l’église d’Armentières
l’exception de celle d’Amboise (In­
dre­et­Loire) par Stéphane Bern,
passé à côté du sujet. Certaines
sonnent particulièrement juste,
comme les souvenirs de Sonia
usine LU, devenue « lieu unique ».
« Comment vous dire ma sidéra­
tion » : Pierre Palmade trouve
aussi les mots pour parler de Bor­
deaux, de sa cathédrale où il aurait
22.50 On achève bien les gros
Documentaire de Laurent Follea,
Gabrielle Deydier, Valentine Oberti
(Fr., 2019, 55 min).

veau la « une » de l’actualité, ces la belle endormie accède au rang (Nord). Laurent Voulzy entretient, Rolland – Miss Bourgogne 1999, aimé se marier, de la cité surnom­ M6
vues aériennes, prises durant les de document, à regarder « contre lui, un lien quasi mystique avec le Miss France 2000 – à Cluny (Saô­ mée « la belle endormie », avant 21.05 Top Chef
cinquante­cinq jours de confine­ soi­même », tant notre cerveau n’a Mont­Saint­Michel (Manche), où il ne­et­Loire). qu’elle ne réalise sa mue.  Emission de télé-réalité présentée
ment, hypnotisent. Quinze villes qu’une envie : oublier. a enregistré un album en 2019. Formidable, encore, le Perpignan catherine pacary par Stéphane Rotenberg
ont été survolées pour réaliser ces Les chansons Here Comes the Le Lyon de Bertrand Tavernier, vu par Cali, « oiseau libre » hési­ 23.50 Top Chef, des moments
plans esthétisants, jeux de blan­ Sun, des Beatles, puis Sunny (ver­ le Brest de Jane Birkin, le Marseille tant, étourdi, entre peur et admira­ Les Secrets de la belle endormie, de inoubliables
cheur et de soleil couchant. Au sion Boney M, 1976) rappellent à d’Ariane Ascaride, Alex Lutz à tion ; Amel Bent incapable de faire Vincent Dupouy (Fr., 2020, 54 min). Magazine.

0123 est édité par la Société éditrice


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0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 carnet | 31
Joëlle, Maryvonne Samuel-Deleau,

Claude Samuel Le Carnet


sa femme,
Ses enfants
Et ses petits-enfants,

font part du décès de


son épouse,

Jérôme, Valérie, Nathalie, Olivia,


ses enfants,
La cérémonie d’adieu à

Claude
Cérémonie

Journaliste Merci de nous adresser


vos demandes par mail
Gérard FARDOUX,
professeur d’université
leurs conjoints, Musni (†), Thierry,
Jean-Marie, Pedro,

David-Sean et Barbara, Erwan,


CHAMPETIER de RIBES,
née BERTHOUD,

université de Provence, décédée le 3 avril 2020,


Mathéo, Thomas, Anouk, Alice,
en précisant impérativement
survenu le 12 juin 2020. Lucas, Agathe, aura lieu le samedi 27 juin,
votre numéro ses petits-enfants, à 11 heures, au Temple protestant de
de téléphone personnel, Les obsèques ont eu lieu dans la l’Annonciation, 19, rue Cortembert,
votre nom et prénom, plus stricte intimité. Allister, Paris 16e.
son arrière-petit-fils,
adresse postale et votre Nous serons heureux de vous y
éventuelle référence Laurent, Madeleine Deleau, accueillir.
son frère,
d’abonnement. Ses nièces et ses neveux,
sa belle-mère,
Caroline Champetier de Ribes,
Sa famille, Dorothée et Pascal Ponroy,
L’équipe du Carnet Ses amis du Maroc, de Marseille, André, Hélène Samuel, Catherine
et Philippe Rebotton, Valérie Champetier de Ribes,
reviendra vers vous de Bordeaux, de Paris ou d’ailleurs Grégoire Champetier de Ribes.
Et tous les enfants qu’elle a son cousin et ses petites-cousines,
dans les meilleurs délais.
rencontrés, aimés et accompagnés
dans la vie, ont l’immense tristesse de faire part Cérémonie du souvenir
du décès de
carnet@mpublicite.fr ont l’immense tristesse de faire part Marc et Dominique Voisin-
du décès de Claude SAMUEL, Roméo,
Mélanie, Philipp, Ernest, Joseph
AU CARNET DU «MONDE» survenu le 14 juin 2020, Voisin-Selders,
Marie-Claire HABIB, dans sa quatre-vingt-neuvième année. Camille et Thomas Voisin-
sociologue, archiviste, Rambaud,
Décès jardinière, éveilleuse, L’inhumation aura lieu au Renaud et Pauline Voisin-Héritier,
cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, frère, nièces et neveux de
Le 6 juin 2020
le mercredi 17 juin, dans l’intimité
survenu le 9 juin 2020, familiale en raison des restrictions Pascal VOISIN,
Félix AUDUSSE, dans sa soixante-septième année, sanitaires.
à Marseille, face à la Méditerranée. frappé par le Covid-19, dans sa
a tiré sa révérence, à l’aube de ses
quatre-vingt-dix-huit ans. soixante treizième année, le 28 mars
L’inhumation aura lieu le jeudi Ni fleurs ni couronnes.
2020, vous informent qu’une
Pur produit du modèle 18 juin, à 15 h 30, au cimetière cérémonie du souvenir aura lieu
du Montparnasse, Paris 14e. Un hommage lui sera rendu au cimetière de Morsang-sur-Orge,
républicain, ce fils de paysan ultérieurement.
angevin, normalien, instituteur à la le 22 juin, à 11 heures.
Libération, intégra ensuite « C’est seulement à l’heure
l’administration de la Jeunesse et des où il s’éteint que le collectionneur 8, allée Georges Rouault,
Sports où il acheva sa carrière est compris. » 75020 Paris. Remerciements
comme directeur régional en Walter Benjamin. deleausamuel.maryvonne@gmail.
GUY VIVIEN Aquitaine. Sa vie durant, il fut un com
défenseur de l’éducation populaire
et du service public. Yves et Françoise Le Roy,
Catherine et François Bersani, Montpellier. Nantes. Paris.

L
e journaliste Claude Sa­ 23 JUIN 1931 Naissance Sa fille, Véronique et Jean-Michel Guérin, Valleraugue (Gard).
Son fils, ses frère et sœurs,
muel est mort le 14 juin, à Paris Olivier Bersani, Mme Claude Sanguinède,
dans un hôpital parisien, 1959-60 Critique musical Ses petits-enfants
Et ses arrière-petits-enfants, avec Antoine et Ariane, Mme Jeanine Poujol,
à l’âge de 88 ans. Engagé à « L’Express » Florent Bersani, ses sœurs,
en faveur de la musique contem­ 1962 « Panorama de la chériront toujours la mémoire de Philippe et Hélène Guérin, Sa nièce, ses neveux
cet homme de bien, dont les cendres avec Faustine, Et ses petits-neveux, La Fédération des Aveugles
poraine par ses nombreux écrits musique contemporaine » Anne Guérin, Ses amis et artistes, de France
ont été dispersées aux vents de l’Île-
et par son action sur le terrain de 1965-1972 Directeur artisti- de-Ré. avec Lucas, rend hommage
festivals devenus historiques que du Festival international Sylvie et Nicolas Rallet, font part de la disparition de à ses généreux bienfaiteurs.
(Royan, La Rochelle), ce proche de d’art contemporain de Royan Ils rappellent le souvenir de son avec Virginie, Lucie et Erwan,
épouse, Eric et Oriane Guérin, Nicole SANGUINÈDE, En désignant notre association
Pierre Boulez a accompagné les 1973-1979 Directeur artisti- avec Aliénor et Valérian, avocat honoraire,
comme bénéficiaire
créateurs de la seconde moitié du que des Rencontres interna- Geneviève, Laurence et Didier Larmet, de leur patrimoine,
née CHAUSSINAND avec Lyse et Loïc, survenue le 8 juin 2020,
XXe siècle avec une prédilection tionales d’art contemporain à Montpellier. ils contribuent à améliorer
(1921-2013). Béatrice Guérin et Eric David, la vie quotidienne
affichée pour l’avant­garde. de La Rochelle
ses neveux et nièces des personnes aveugles
Claude Samuel naît à Paris le 1989-1996 Directeur de la Les obsèques ont eu lieu au Grand
Et toute la famille, et malvoyantes.
Mme Nicole Aydjian, Temple de Maguelone, à Montpellier.
23 juin 1931. Poussé par ses pa­ musique de Radio France son épouse, Leur mémoire restera à jamais
rents à devenir chirurgien­den­ 14 JUIN 2020 Mort à Paris Coralie, Stéphane, Serge, font part du rappel à Dieu de
ancrée dans nos souvenirs.
ses enfants Montpellier.
tiste, il délaisse quelque peu ses M. Dominique LE ROY, Nous ne les oublierons jamais.
études dans le domaine médical, Et toute sa famille,
docteur en droit, La Société civile professionnelle
en 1952, pour suivre les concerts Fédération des Aveugles
ont la profonde tristesse de faire part d’avocats Sanguinède Di Frenna de France,
du Domaine musical, instance compositeur, avec la création de du décès de le 3 juin 2020. & Associés, 6, rue Gager Gabillot,
booléenne, qui marquent, selon Trajectoires. Il se souvient de la ca­ Fabrice Di Frenna, 75015 Paris.
M. Jacques AYDJIAN, En raison des circonstances, il a
ses propres termes, son « entrée pacité de Claude Samuel à « s’atti­ Christophe Demarcq, Tél. : 01 44 42 91 91.
ancien inspecteur été inhumé dans l’intimité familiale.
Julien Guillemat,
en mélomanie ». Parrainé par le rer des sympathies » auprès des de l’Enseignement technique,
Le 19 septembre, à 12 heures, une Brice Lombardo,
compositeur et chef d’orchestre responsables d’institutions pour
survenu à Laon, le 10 juin 2020, messe ad requiem sera célébrée ses associés, Formation
Maurice Le Roux, Claude Samuel monter des programmes en dépit à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. par le père Vincent de Mello, en la L’ensemble des collaborateurs
collabore, dès 1957, à la collection d’une logistique « précaire », la chapelle du Bon Conseil, 6, rue Albert et des assistantes,
« Philips Réalités », pour laquelle plupart des concerts se déroulant La cérémonie religieuse a eu lieu de Lapparent, Paris 7e.
il rédige des notices discographi­ dans la salle du casino municipal. le mardi 16 juin, à 14 h 30, en l’église ont le triste regret de faire part
Saint-Marcel de Laon. La famille souhaite remercier du décès de
ques, et entreprend, l’année sui­ Mis à mal par une contestation chaleureusement les équipes du
vante, un ambitieux Panorama locale portant, entre autres, sur Pompes funèbres Becret, docteur Dell’Isola, à l’hôpital Suisse Nicole SANGUINÈDE,
6-10, boulevard Gras-Brancourt, de Paris ainsi que celles de
de l’art musical contemporain, qui un dépassement budgétaire,
02000 Laon. avocat honoraire,
l’association Notre-Dame de Bon cofondatrice du cabinet,
sera publié en 1962 par Gallimard. Claude Samuel démissionne en Tél : 03 23 23 48 30. Secours - Saint-Augustin, Paris 14e
Le jeune homme n’est pas un rat 1972 pour repartir de plus belle, et de la maison médicale Jeanne L’Inalco
de bibliothèque mais un capteur l’année suivante, sous l’égide des Garnier, Paris 15e. le 8 juin 2020, à Montpellier.
Bourges. Paris. Poitiers. lance un DU d’ethnomédecine
d’anecdotes. Pour mener à bien Rencontres internationales d’art Les obsèques ont eu lieu le 11 juin, en septembre 2020
Maria, M. Yves le Roy, D’une durée de deux ans,
son projet d’ouvrage synthétique, contemporain de La Rochelle. Gil­ impasse des églantines 1, au Grand Temple Maguelone, à
son épouse, ce nouveau DU comprend 12 UE
il sillonne l’Europe afin de re­ bert Amy, qui fut aussi de cette Odile, Marc, Anne et Claire, Fribourg CH-1700 Suisse. Montpellier.
de langues
cueillir des informations à la aventure, y voit une saisissante il­ ses enfants, Mme Catherine Bersani,
9, rue Léon Vaudoyer, (initiation chinois ou hindi),
source des compositeurs : Karl­ lustration du « pouvoir de convic­ leurs conjoints, Olivier, Emmanuelle, Elisabeth Paquotte, de sciences humaines et sociales
Antoine et Jimmy, 75007 Paris.
heinz Stockhausen (à Cologne), tion » propre à ce directeur artisti­ Mme Véronique Guérin, sa compagne, (droit de la santé, anthropologie
Basile, Anatole, Selim, Nadia,
Karl Amadeus Hartmann (à que que rien n’arrêtait. Arcadio, Lune, Agate, Marin et Leanne, 16, Grand’rue, Nils et Tiffany Tavernier, et géographie de la santé),
ses petits-enfants, 17430 Lussant. ses enfants, d’ethnobotanique,
Vienne), Luigi Nono (à Venise) et Autre témoignage de la passion
dominique.leroy.1949@gmail.com Yordan, Olivia et Lise, d’ethnopharmacologie,
Bruno Maderna (à Milan). de Claude Samuel pour la ont l’immense tristesse de faire part ses petits-enfants, de médecine chinoise
« cause » contemporaine, le Cen­ du décès de Marylene, et ayurvédique.
« Pouvoir de conviction » tre Acanthes (fondé en 1977) a per­ Hélène, Nina, William, sa sœur, Ce diplôme est ouvert
Jean Ahmed ses sœurs, son frère à tous les professionnels de santé,
Bourreau de travail, Claude Sa­ mis pendant trente ans à de jeu­ Jean-Philippe et Iona,
BENYAHIA KOUIDER, et leurs conjoints, médecins, pharmaciens,
muel poursuit la rédaction de son nes musiciens de se former Zoé, Léna, Sébastien, Elsa, Lili, ses neveux
artisan plâtrier, et leurs enfants, infirmiers, sages-femmes,
livre en menant de front des acti­ (d’abord à Aix­en­Provence, puis à ancien conseiller municipal ses nièces et neveu kinésithérapeutes, ergothérapeutes,
vités de journaliste – successive­ Villeneuve­lès­Avignon et enfin à de Bourges, et leurs conjoints, ainsi qu’aux autres professionnels
Christine Camuset, ont la tristesse de faire part du décès
ment à L’Express et à France Obser­ Metz), dans le cadre d’une acadé­ de à partir du niveau L2-L3
survenu le 10 juin 2020, (sélection sur dossier).
vateur (1959­1960) puis simulta­ mie d’été, au contact de presti­ à l’âge de quatre-vingt-deux ans. ont la tristesse de faire part du décès,
Colo TAVERNIER O’HAGAN, INALCO,
nément à Paris­Presse et au Nou­ gieux aînés tels que Messiaen et survenu le 13 juin 2020, de
La cérémonie a lieu ce mercredi scénariste et auteure. 65, rue des Grands Moulins,
veau Candide (à compter de 1961) Boulez, auxquels Claude Samuel a 17 juin, à 10 heures, dans la 75013 Paris.
Bernard RUBINSTEIN,
– et de producteur discographi­ consacré plusieurs ouvrages. cathédrale de Bourges. chevalier Renseignements :
Une cérémonie aura lieu le
que pour la firme Véga, avec, entre Directeur de la musique à Radio de l’ordre du Mérite maritime. www.inalco.fr/formations/ecoles
vendredi 19 juin 2020, à 15 h 30, au
autres, le premier enregistrement France de 1989 à 1996, Claude Sa­ Laval. Sablé-sur-Sarthe. cimetière de Montmartre, Paris 18e.
de la Turangalîla­Symphonie muel a eu toute latitude pour créer On se réunira le vendredi 19 juin,
Doh et Olivier, à 13 heures, au crématorium du Société éditrice du « Monde » SA
d’Olivier Messiaen, sous la direc­ un forum de la création contem­
ses enfants, cimetière du Père-Lachaise, place Sa famille Président du directoire, directeur de la publication
tion de Maurice Le Roux. poraine au format XXL : le festival Et ses amis, Louis Dreyfus
leurs conjoints, Billy-Hélène et Patrice, Gambetta, Paris 20e. Directeur du « Monde », directeur délégué de la
En 1965, il lance à Royan (Cha­ Présences. « Il est trop facile, au Quentin, Mathias et Zoey, Gauvain, publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
rente­Maritime) le Festival inter­ nom du service public, de produire ses petits-enfants, Conformément à sa volonté, ses ont la profonde tristesse de faire part Directeur de la rédaction Luc Bronner
Monique Mourot, cendres seront dispersées en mer, en du décès de Directrice déléguée à l’organisation des rédactions
national d’art contemporain de des concerts auxquels n’assiste­ sa sœur, présence de sa famille et de ses amis. Françoise Tovo
Direction adjointe de la rédaction
Royanun festival bâti sur le mo­ raient que les amis des auteurs ; L’ensemble des familles Dourthe Yves THIBORD, Grégoire Allix, Philippe Broussard, Emmanuelle
dèle des grands rendez­vous trop facile aussi de se donner et Thierry, Hélène Rubinstein-Carrera, DJ, animateur radio, Chevallereau, Alexis Delcambre, Benoît Hopquin,
Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot,
européens de la musique contem­ bonne conscience avec la diffusion 18, rue de la Grange-Batelière, découvreur et diffuseur reconnu Cécile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (Evénements)
ont la tristesse de faire part du décès 75009 Paris.
poraine. Une première en France. d’un programme radiophonique de de musiques pop et rock du monde Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
Rédaction en chef numérique
entier et promoteur du raï, Hélène Bekmezian
Au fil de huit éditions, il y pro­ d’ouvrages nouveaux », estimait Nina Rubinstein,
grammera quantité d’œuvres en Claude Samuel dans une lettre M. Pierre DOURTHE, 3, rue de l’Armorique,
Rédaction en chef quotidien
Michel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws,
ingénieur centralien, survenu le 8 juin 2020, dans sa Franck Nouchi (Débats et Idées)
créations, et non des moindres, à adressée en 1992 aux participants 75015 Paris.
soixante-dixième année, à Fragnes Directeur délégué aux relations avec les lecteurs
survenu le 13 juin 2020, ninarubinstein@orange.fr
l’instar de De natura sonoris, de de la deuxième édition du festival (Saône-et-Loire). Gilles van Kote
Krzysztof Penderecki, en 1966. Présences, dans le but de les assu­ à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert
William Rubinstein, Chef d’édition Sabine Ledoux
En avril 1968, Gilbert Amy se rer que la diffusion des œuvres 7, avenue Mirabeau, Ses obsèques ont eu lieu le 15 juin, Directrice du design Mélina Zerbib
Un dernier hommage lui sera en Saône-et-Loire. Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
trouve deux jours de suite à l’affi­ nouvelles ne relevait pas, pour lui, rendu vendredi 19 juin, à 14 h 30, bâtiment C, Photographie Nicolas Jimenez
au crématorium de Mayenne. Vous 06000 Nice. Infographie Delphine Papin
che du festival. Le 4, comme chef d’un simple respect du cahier des william@ihnice.com Cet avis tient lieu de faire-part.
pouvez apporter une rose. Directrice des ressources humaines du groupe
d’orchestre appelé à diriger la créa­ charges. L’engagement de toute Emilie Conte
Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
tion du Temps restitué, de Jean Bar­ une vie aurait suffi à le prouver.  Le présent avis tient lieu de faire- Christine Camuset, Adresser les messages à Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président,
raqué, puis, le lendemain, comme pierre gervasoni part et de remerciements. camuset.courcelles@orange.fr cosmopop.yves@gmail.com Sébastien Carganico, vice-président
SCIENCE & MÉDECINE
0123
32 | MERCREDI 17 JUIN 2020

DOSSIER

Covid­19 : le « Lancetgate »,
un incident éditorial révélateur
Comment une petite société américaine, Surgisphere, est parvenue à accéder à l’un des plus grands
journaux médicaux et, à travers lui, à infléchir la politique sanitaire d’un pays comme la France

Q
uelle sera la place de Sapan De­ les patients atteints de Covid­19. Cet article
sai au panthéon de l’inconduite était accompagné de deux études allant
scientifique ? Devra­t­on le clas­ dans le même sens publiées simultanément
ser au rayon des fraudeurs pa­ dans le NEJM. Fondé là aussi sur un registre
tentés, ou plutôt à celui des arri­ de données de Surgisphere puisées auprès
vistes aux données frelatées ? Ce médecin et de 169 hôpitaux dans 11 pays, ce travail passe
entrepreneur américain, fondateur d’une alors peu ou prou sous les radars.
obscure société, Surgisphere, est en tout cas Le 22 mai, en revanche, quand The Lancet
parvenu, en quelques semaines, à cosigner publie une étude signée de ces trois coau­
des études sur le Covid­19 dans deux des plus teurs et d’un chercheur suisse, l’attention
prestigieuses revues médicales – le New En­ des médias et des réseaux sociaux est im­
gland Journal of Medecine (NEJM) puis The médiate. Mandeep Mehra et ses collègues
Lancet – fondées sur des données de santé constatent en effet que, parmi des patients
qu’il dit avoir collectées auprès d’hôpitaux hospitalisés pour Covid­19, la mortalité et
du monde entier. Et ainsi à infléchir la politi­ les arythmies cardiaques sont sensiblement
que sanitaire d’un pays comme la France augmentées chez ceux prenant de la chloro­
– qui a abrogé l’usage de l’hydroxychloro­ quine ou de l’hydroxychloroquine, associée
quine contre le nouveau coronavirus – et à ou non à des antibiotiques comme l’azithro­
faire suspendre des essais cliniques interna­ mycine. Publié après plusieurs études rele­
tionaux sur cette molécule, au plus fort vant l’inefficacité de la molécule vantée aux
d’une pandémie mondiale. Avant de choir de Etats­Unis par le président Trump sur la foi
ce piédestal, ses données mises en cause, sa d’observations mises en avant par l’infectio­
réputation en pièces et ses articles rétractés. logue Didier Raoult, ce nouveau résultat est
Cette ascension et cette chute éclairs met­ repris par de nombreux journaux. La taille
tent à nu certains des ressorts intimes de la de l’échantillon impressionne : 96 000 pa­
recherche et interrogent sur la faillibilité du tients, 671 hôpitaux, toujours tirés des bases
contrôle qualité dans la diffusion de la pro­ de données de Surgisphere.
duction scientifique, à la fois bien public et Mais, dès le lendemain, des voix se font en­
secteur économique hyperconcurrentiel. tendre pour pointer des incohérences mé­
D’autant que s’ajoute à cette fable du « Lan­ thodologiques. En France, l’ancien ministre
cetgate » un ingrédient, l’hydroxychloro­ de la santé Philippe Douste­Blazy, qui siège
quine, qui hystérise tout ce qu’elle touche. au conseil d’administration de l’IHU dirigé
par Didier Raoult, met en doute le sérieux de
Sapan Desai, l’insaisissable l’étude. Une confusion de sa part fait penser
Qui donc est Sapan Desai ? Insaisissable, le qu’il l’a peut­être lue trop hâtivement.
personnage nettoie aujourd’hui sa légende Didier Raoult ne tarde pas à qualifier l’étude
sur les réseaux sociaux et les sites Internet – de « foireuse ». Mais on s’interroge sur son
celui de sa société Surgisphere est désormais parti pris : quelques jours plus tôt, n’a­t­il
suspendu –, comme pour cacher ses fras­ pas qualifié de « très bonne » une étude favo­
ques et brouiller les pistes. Il n’a pas répondu rable à l’hydroxychloroquine conduite à
à nos sollicitations. Agé de 41 ans, il est di­ l’hôpital de Garches, dont le preprint sera en­
plômé de médecine de l’université de l’Illi­ suite retiré à la demande de coauteurs ?
nois en 2006. En 2007, alors qu’il se spécia­ Le cercle des critiques ne se réduit pas aux
lise en chirurgie vasculaire à l’université soutiens inconditionnels de l’hydroxychlo­
Duke, il crée Surgisphere, une société desti­ roquine. Une lettre ouverte lancée par
née à diffuser des manuels médicaux. l’épidémiologiste James Watson, rattaché à
En 2010, il fonde le Journal of Surgical Radio­ Oxford, rassemble bientôt près de 200 signa­
logy, dont la parution cesse en 2013, alors taires, qui soulèvent une dizaine de ques­
même qu’il revendique 50 000 abonnés et tions méthodologiques, mais aussi éthiques.
près d’un million de pages vues par mois Ils ne se contenteront pas d’un erratum du
– « ce qui l’aurait placé dans l’élite de l’édition Lancet, qui admet une erreur de codage
universitaire », ironise la revue Science. Le ayant fait passer des morts asiatiques pour
médecin, qui a passé un MBA en gestion de la australiens et publie un nouveau tableau de
santé à Salt Lake City, se serait alors réorienté chiffres – rectification qui valide les interro­
vers la gestion de données hospitalières. gations de Philippe Douste­Blazy.
Voici comment il se présente à travers la
plate­forme Crunchbase : « Il est le visionnaire Les turpitudes d’un modèle honni
derrière QuartzClinical, une plate­forme d’ana­ Mais les critiques vont en fait bien au­delà, et
lyse des données de santé basée sur le cloud l’impensable commence alors à être envi­
qui aide les hôpitaux à repenser leur mode de sagé : se pourrait­il que le jeu de données
fonctionnement. (…) Le docteur Desai aime fourni par Surgisphere ne soit qu’un mirage
former d’autres professionnels par l’intermé­ sorti du cloud ? Les experts mandatés par
diaire de ClinicalReview, la filiale d’enseigne­ Mandeep Mehra pour auditer les données ne
ment médical de Surgisphere et l’un des plus pourront jamais les voir. Surgisphere fait va­
grands portails d’enseignement médical en rattaché à l’université de l’Utah, liens de contribuer à cette recherche à une époque loir la force des accords de confidentialité le
ligne du monde. » aujourd’hui rompus, indique celle­ci. La re­ où les besoins sont grands, je n’ai pas fait as­ liant aux hôpitaux. Face à cette impossibilité
La réalité est moins reluisante. The Scientist vue Science a noté que, sur les 100 publica­ sez pour m’assurer que la source de données matérielle de valider les données, Mehra, Pa­
a ainsi relevé que certaines des distinctions tions scientifiques listées sous son profil « IL N’Y A PAS était appropriée pour cet usage, fait­il savoir tel et Frank Ruschitzka (hôpital universitaire
dont se prévaut le chirurgien sont moins dans cette université, les deux tiers ren­ dans un communiqué. Pour cela et pour tou­ de Zurich) demandent le retrait de l’article du
prestigieuses qu’il n’y paraît, que des méde­ voient à des travaux signés par des homony­ TANT D’EXPERTS tes les perturbations – directes et indirectes –, Lancet – sans Sapan Desai. La revue britanni­
cins cités comme ayant plébiscité en ligne ses mes. Il a fondé des sociétés et collabore avec DU COVID QUE je suis vraiment désolé. » que annonce la rétractation le 4 juin. Deux
revues ont demandé que ces recensions d’autres commercialisant des traitements à heures plus tard, le NEJM fait de même.
soient effacées, car ils ne les avaient jamais base de cellules souches présumés lutter ÇA. COMMENT Les incohérences rapidement pointées Que s’est­il passé ? Comment une petite so­
écrites. Desai fait l’objet dans l’Illinois de plu­ contre des problèmes cardiaques, le vieillis­ PEUT-ON Reprenons la chronologie de ces publica­ ciété inconnue quelques semaines plus tôt a­
sieurs plaintes concernant sa pratique médi­ sement ou les défaillances sexuelles. Les tions. La collaboration du trio s’est d’abord t­elle pu publier des données invérifiables
cale – poursuites qu’il juge « infondées », indi­ études cliniques vantant ces traitements IMAGINER QU’ILS manifestée à travers une étude publiée en dans deux revues médicales réputées impi­
que The Scientist. Il a tenté une levée de fonds semblent s’être arrêtées à des stades très AIENT PU RELIRE preprint, c’est­à­dire pas encore endossée toyables dans la sélection des manuscrits ?
qui a tourné court pour la mise au point d’un préliminaires, constate aussi Science. par une revue scientifique. Mise en ligne en Le NEJM renvoie une part de la responsabi­
système de stimulation cérébrale. Remon­ Avant d’adopter le mutisme face aux ques­ LES MILLIERS avril, elle suggérait qu’un antiparasitaire, lité aux reviewers, ces scientifiques, relec­
tant plus encore dans le temps, la biologiste tions de la presse, Amit Patel a indiqué sur D’ARTICLES l’ivermectine, pourrait être efficace contre le teurs bénévoles, qui épluchent les articles à
Elisabeth Bik, qui s’est spécialisée dans la Twitter avoir servi d’intermédiaire entre SARS­CoV­2, en se fondant sur les dossiers la demande des revues et sont essentiels au
détection de la fraude scientifique, a relevé Desai et le troisième personnage central du PUBLIÉS SUR médicaux de 68 000 patients de 169 hôpi­ contrôle qualité de l’édition scientifique.
des duplications d’images suspectes dans sa « Lancetgate », Mandeep Mehra. Médecin LE SUJET ? » taux dans le monde – un registre fourni par Mais aussi aux auteurs eux­mêmes : « Dans
thèse de médecine. formé en Inde, ce spécialiste respecté des IVAN ORANSKY
Surgisphere. Cette étude observationnelle l’article, ils ont indiqué que tous se portaient
Sa société Surgisphere suscite bien des transplantations cardiaques s’est hissé jus­ MÉDECIN ET avait conduit plusieurs pays, notamment en garants de l’exactitude et de l’exhaustivité des
questions. Basée au domicile de Desai, elle qu’à un des sommets de la médecine améri­ JOURNALISTE Amérique du Sud, à adopter ce traitement. données. » Le NEJM rappelle qu’il publie
revendiquait il y a peu une dizaine de salariés caine, la Harvard Medical School. Son CV Certains s’étaient cependant interrogés sur 200 articles de recherche par an, qu’il n’a ré­
– l’un décédé, certains au CV peu en rapport sans tache a sans doute retenu l’attention la méthodologie – l’épidémiologiste Domi­ tracté que 18 articles au cours des vingt der­
avec l’activité de la société. des éditeurs du NEJM et du Lancet quand il nique Costagliola (Sorbonne Université, In­ nières années. Ce dernier cas est qualifié
A ce stade, il convient de présenter un leur a soumis, avec Patel, Desai et d’autres serm) a qualifié l’article de « nul ». d’« aberrant ». « Nous sommes en train de re­
autre protagoniste, Amit Patel, coauteur des coauteurs, des manuscrits où la puissance Ce n’était qu’un début. Le 1er mai, le New voir nos procédures, y compris la manière
articles désormais rétractés du NEJM et du des données fournies par Surgisphere était England Journal of Medicine publie une nou­ dont nous évaluons les recherches analysant
Lancet. « Par mariage », dit­il, il fait partie mise au service d’une cause urgente, la lutte velle étude associant le trio à d’autres cher­ de grands ensembles de données provenant
des relations familiales de Sapan Desai. Chi­ contre le Covid­19. Il est le seul du trio à avoir cheurs, montrant que la prise d’antihyper­ de dossiers médicaux électroniques », nous a
rurgien cardiaque, il était jusqu’à il y a peu fait montre de contrition : « Dans mon espoir tenseurs ne modifiait pas la mortalité chez indiqué le journal médical.
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 science & médecine | 33

Richard Horton, rédacteur en chef du trop, nous ne vérifions pas assez, c’est ce que code source de l’outil de notation de la gravité
Lancet, expliquait dans un Tweet juste avant cet épisode doit nous enseigner. » Mahmoud du Covid [proposé en ligne par Surgisphere]. LES DATES
l’affaire que, même face à l’urgence du Covid, Zureik, professeur d’épidémiologie à l’univer­ (…) Je ne crois pas que quiconque soit prêt à
les procédures d’évaluation des manuscrits sité Versailles­Saint­Quentin, confirme : « En “inventer” ce modèle à partir de zéro ou en uti­
restaient aussi rigoureuses qu’auparavant. ce moment, les éditeurs demandent d’évaluer lisant des données synthétiques. Mais il existe
Au moment de boucler notre article, il ne des articles en quarante­huit heures et harcè­ une zone grise entre l’existence et la qualité. » AVRIL 2020
souhaitait pas s’exprimer avant d’avoir dé­ lent les relecteurs avec plein de messages. Une Une étude en preprint suggère
mêlé comment avait pu se produire cette fois notre avis rendu, on n’a aucune nouvelle, Grand flou autour des données que l’ivermectine, un médica-
« fraude monumentale », comme il l’a quali­ notamment des auteurs à qui l’on demande D’où ces données proviendraient­elles ? Plu­ ment antiparasitaire, peut être
fiée selon le New York Times. Suprême ironie, des précisions », regrette­t­il. sieurs hôpitaux cités comme partenaires par utile dans la lutte contre le
Sapan Desai, qui avait écrit en 2013 un article Bernd Pulverer, éditeur en chef de The Surgisphere ont nié lui avoir confié les dos­ Covid-19. L’article est notam-
dénonçant la fraude dans le secteur médical, EMBO Journal, estime qu’un travail de vérifi­ siers médicaux numériques de leurs pa­ ment cosigné par Amit Patel
avait volé au secours de l’intégrité des procé­ cation plus scrupuleux des reviewers du Lan­ tients. Pour Nozha Boujemaa, spécialiste de (Université de l’Utah), Mandeep
dures du Lancet, le 20 mai, sur Twitter, deux cet aurait pu leur mettre la puce à l’oreille, l’intelligence artificielle appliquée à la méde­ Mehra (Harvard School of Medi-
jours avant la publication de son article… mais que les auteurs restent les premiers ga­ cine (Median Technologies) et contributrice cine) et Sapan Desai, fondateur
rants de la qualité de leurs données. « Pour les du cahier « Science & médecine », il est tout à de la société Surgisphere, qui a
« Le système ne fonctionne pas » données cliniques, l’accès peut être compliqué fait possible que Surgisphere ne soit qu’un in­ fourni les données médicales.
Dans le milieu de l’édition scientifique, ceux pour des raisons de protection des patients. termédiaire, « une vitrine marketing », trai­
qui tentent de faire émerger ces dernières
années des modèles ouverts prônant le libre
Elles ne sont souvent disponibles que sous une
forme agrégée, anonymisée, rappelle­t­il. Ce­
tant des données aspirées par d’autres « en
contrebande » dans les registres électroni­ 1ER MAI
accès aux publications scientifiques et un pendant, dans l’article du Lancet, il n’y a aucun ques des hôpitaux. « Ce type de société existe. Le New England Journal of
partage des données voient dans le « Lan­ accès aux données sources, seulement des ta­ Elles proposent des logiciels gratuits, parfois Medicine (NEJM) publie une
cetgate » un concentré des turpitudes d’un bleaux avec des résumés. » Pour lui, la transpa­ directement intégrés aux systèmes d’image­ étude cosignée par ces trois
modèle commercial honni – Elsevier, pro­ rence « est au cœur de l’autorégulation scienti­ rie. » Une façon commode de s’affranchir du auteurs montrant que les per-
priétaire du Lancet et de 2 500 revues, déga­ fique ». Mais, au­delà, « les journaux scientifi­ parcours d’obstacle réglementaire pour accé­ sonnes sous antihypertenseurs
geait en 2018 un bénéfice de 1 milliard ques doivent ouvrir la boîte noire du processus der à des données sensibles – « c’est le même ne sont pas à risque accru
d’euros, avec une marge de 35 %… Ces « ma­ éditorial à l’examen du public ! » principe qu’avec la gratuité des services propo­ de décéder du Covid-19.
chines à cash » sont accusées de faire passer sés par les géants du numérique », rappelle­t­
le profit devant la qualité scientifique. Les pouvoirs publics trop rapides ? elle. Mais la qualité de l’analyse clinique s’en
Face à l’afflux d’études engendrées par la Une dimension frappante du « Lancetgate », ressent, illustrant l’adage « garbage in, gar­ 22 MAI
crise due au Covid­19, certains grands ac­ c’est aussi la rapidité avec laquelle les pouvoirs bage out » (« quand on entre des ordures dans The Lancet publie une étude de
teurs, comme Nature, ont pris les devants en publics ont réagi à la publication du Lancet. le système, il en sort des ordures »). ces trois coauteurs faisant état
autorisant, voire encourageant, la prépublica­ Dès le lendemain, le ministère de la santé Mahmoud Zureik partage le même soup­ d’une mortalité et d’arythmies
tion des articles qui leur sont soumis : ce sont français saisissait le Haut Conseil de santé pu­ çon : « Je ne pense pas que ces données aient cardiaques accrues chez les
autant de relecteurs qui peuvent relever à blique (HCSP) pour avis. Le HCSP a honoré la été inventées. Un fraudeur aurait pu faire patients traités par chloroquine
l’avance les faiblesses d’un manuscrit et évi­ « IMAGINER QU’ON VA commande, rendant en un peu plus de vingt­ mieux que ce qui a été publié », estime le ou hydroxychloroquine, asso-
ter des « sorties de route » dommageables. POUVOIR CONTRÔLER quatre heures un rapport de 28 pages qui chercheur. Il dit avoir déjà décliné des pro­ ciées ou non à des antibiotiques
« Le système de prépublication a certes du allait conduire à l’arrêt de l’utilisation de l’hy­ positions de sociétés de service « qui aspi­ comme l’azithromycine.
bon, mais je suis terriblement gênée que ces TOUTES LES DONNÉES droxychloroquine contre le Covid­19, décrété rent ainsi des données au profit des industries
résultats soient d’abord diffusés dans les mé­ SOURCES EST le 27 mai. « The Lancet est une revue avec une pharmaceutiques. La direction de l’hôpital
23 MAI
dias, sur les réseaux sociaux, avant toute éva­ bonne image, les auteurs stipulaient que leurs peut très bien ignorer cette pratique. Cela ex­
luation scientifique, commente la biologiste UTOPIQUE. données étaient vérifiées, le papier avait été va­ pliquerait la qualité médiocre des données et Le directeur général de la santé
Françoise Barré­Sinoussi (Prix Nobel 2008), LE FONDEMENT lidé par les relecteurs et ses résultats étaient leur absence de représentativité ». saisit le Haut Conseil de santé
qui préside l’un des comités Covid mis en plausibles », justifie le virologue Bruno Lina, Pour Nozha Boujemaa, les recherches clini­ publique (HCSP) pour avis sur
place par le gouvernement. Cela me préoc­ DE LA PRATIQUE membre du groupe de travail consulté. « L’avis ques académiques vont devoir se soumettre l’usage de l’hydroxychloroquine.
cupe. » Pour elle, des accidents comme celui SCIENTIFIQUE, C’EST du HCSP s’est fondé sur le principe primum aux mêmes exigences de traçabilité et d’in­ L’ancien ministre de la santé
arrivé au Lancet, « ce n’est pas si étonnant que non nocere, d’abord ne pas nuire, avec en arriè­ tégrité des données que celles imposées aux Philippe Douste-Blazy émet des
cela en période de crise, dans des situations LA CONFIANCE » re­plan l’idée de ne pas reproduire l’affaire du entreprises pharmaceutiques par les « gen­ doutes sur la qualité de l’étude
d’urgence comme celle­ci ». CHRISTIAN FUNCK BRENTANO Mediator », résume­t­il. Ce groupe de travail darmes du médicament » que sont la FDA du Lancet. Le lendemain, le HCSP
Pour certains observateurs, le mal est bien CARDIOLOGUE ET aurait­il discerné les faiblesses de l’étude s’il américaine ou l’EMA européenne : « L’intérêt rend un avis négatif.
PHARMACOLOGUE
plus profond. « Ce genre de choses arrive sou­ avait eu plus de temps ? Le président du HCSP, du “Lancetgate” est de révéler ces failles, il va
vent et nous devons arrêter de traiter chacune Franck Chauvin, ne souhaite pas commenter, falloir en tenir compte. »
de ces histoires comme surprenante, estime le rappelant que « la publication du Lancet n’était « Imaginer qu’on va pouvoir contrôler toutes 25 MAI
médecin et journaliste Ivan Oransky, fonda­ qu’une des études prises en compte ». les données sources est utopique », estime L’Organisation mondiale de la
teur du site Retraction Watch, spécialisé Interrogé le 9 juin au Sénat sur la rétracta­ pour sa part le cardiologue et pharmacolo­ santé (OMS) annonce la suspen-
dans l’étude des dysfontionnements de l’édi­ tion de l’étude, le ministre de la santé a quali­ gue Christian Funck­Brentano (La Pitié­Salpê­ sion provisoire de l’inclusion
tion scientifique. Le système ne fonctionne fié l’épisode de « regrettable », et de « dou­ trière), qui rappelle en outre pourquoi le sys­ de patients sous hydroxychloro-
pas. » Et d’énumérer l’absence de transpa­ teuse » la qualité méthodologique de l’article. tème a pu se laisser abuser : « Le fondement de quine dans son essai clinique
rence sur les reviewers et leurs revues, sur les « Cela ne veut pas dire que le traitement en la pratique scientifique, c’est la confiance. » Solidarity, destiné à tester
données, la faiblesse des contrôles statisti­ question ait fait montre de son efficacité dans Dans un commentaire publié par The Lancet plusieurs traitements contre le
ques… « Il est clair que, sur les 1 500 articles des essais cliniques », a rappelé Olivier Véran, le même jour que l’article du trio, il avait Covid-19. Didier Raoult qualifie
rétractés chaque année – dont les deux tiers constatant que « le temps scientifique n’est pas pointé des observations « intrigantes », sans l’étude du Lancet de « foireuse ».
pour mauvaise conduite –, il y a de nombreux le temps politique ». Le contrôle a posteriori suspecter la qualité des données. Il est pour
problèmes liés aux données. » qui caractérise la démarche scientifique lui « très frustrant que ceux qui se sont posé
Selon Ivan Oransky, la crise engendrée par montre ses limites en temps de crise, quand des questions aient d’abord été les religieux de 26 MAI
le SARS­CoV­2 n’a été qu’un révélateur : « Il n’y des décisions urgentes doivent être prises. l’hydroxychloroquine ». Le blogueur allemand Une lettre ouverte recensant de
a pas tant d’experts du Covid que ça dans le Reste le cœur du mystère Surgisphere. Ses Leonid Schneider s’interroge à ce propos : si nombreuses questions métho-
monde. Comment peut­on imaginer qu’ils données existent­elles vraiment, ou ont­elles Sapan Desai ne s’était pas mis sur le chemin dologiques est adressée au Lan-
aient pu relire les 47 000 articles déjà publiés été inventées ? Lu Chen, bio­informaticien de cette molécule au centre de toutes les po­ cet et aux coauteurs de l’étude.
sur le sujet ? On demande donc à des cher­ aux National Institutes of Health américains, lémiques, aurait­il été si vite rattrapé par la
cheurs qui ne sont pas spécialisés. Mais ça a été un des premiers à tirer la sonnette patrouille ? Bonne question. 
arrive aussi en temps normal. » Pour lui, le sys­ d’alarme à propos de la qualité de l’étude du sandrine cabut, nathaniel herzberg 27 MAI
tème marque aussi trop de révérence envers Lancet. « Mais je crois toujours que la base de david larousserie, hervé morin Le décret qui permettait l’utilisa-
les mandarins de la science. « Nous croyons données entière existe, dit­il. J’ai enquêté sur le et pascale santi tion de l’hydroxychloroquine
pour lutter contre le Covid-19 est
abrogé. Les essais cliniques fran-
çais impliquant l’hydroxychloro-
quine sont suspendus.

LES GROS « SCORES » DE DIDIER RAOULT, AUTEUR PROLIFIQUE 28 MAI


The Lancet apporte un correctif

U ne étude défavorable à l’hydroxy­


chloroquine face au Covid­19, pu­
bliée fin mai dans The Lancet,
avait été qualifiée de « foireuse » par Didier
Raoult. Ces travaux, rétractés depuis, ont
Une des particularités de Raoult est d’ap­
précier les autocitations, qui gonflent ainsi
ses scores. Plus de 25 % des références qu’il
cite sont les siennes ou celles de ses coau­
teurs, selon un décompte de John Ioanni­
tarification à l’activité (recherche et ensei­
gnement ne pouvant se « tarifer »).
A Marseille, en 2017, l’IHU dirigé par
Didier Raoult a rapporté 20 % des points
Sigaps de l’AP­HM, selon un billet de blog
En mars, Didier Raoult a publié dans In­
ternational Journal of Antimicrobial Agents
un article cosigné par son collègue Jean­
Marc Rolain… éditeur en chef du journal
(qui compte aussi trois autres chercheurs
à l’article de Mehra et al., mais
indique que ses conclusions res-
tent inchangées. Sapan Desai
annonce un audit indépendant
sur ses données.
conduit, comme un retour de balancier, à dis (Stanford, Etats­Unis). En France, cer­ hébergé par Mediapart, signé par l’infectio­ de Marseille). Dans Emerging Infectious
scruter les pratiques de publication de l’in­ tains chercheurs sont à plus de 50 %. logue, qui se félicite de cette performance Diseases, Didier Raoult, qui y est éditeur
fectiologue marseillais. Cela révèle des Cette productivité s’avère payante. De­ avec « seulement 3 % des chercheurs » de associé depuis vingt ans, ainsi qu’un de 2 JUIN
mœurs qui, pour être communes, ne gran­ puis 2006, la France a institué un système l’établissement. Dans un Tweet, l’attaché de ses collègues, a publié environ 80 articles. The Lancet met en garde ses lec-
dissent pas le monde de l’édition scientifi­ où une partie du budget public des CHU ou presse de l’IHU a rappelé que l’argent n’al­ « Comme pour tous les membres du comité teurs (« expression of concern »)
que : excès de publications, autoréférence, autres établissements de santé est directe­ lait pas dans le budget de l’institut, mais de rédaction, et comme c’est le cas pour de sur le fait que « d’importantes
comités éditoriaux suspects de partialité, ment calculée à partir du nombre de publi­ dans celui de l’AP­HM. Néanmoins, cela nombreuses autres revues, nous attendons questions scientifiques ont été
intéressement à la quantité produite… cations de leurs équipes. Les journaux sont peut servir. En 2014, comme le raconte d’eux qu’ils soumettent de temps en temps soulevées concernant les données
Le microbiologiste est sans conteste le classés en cinq catégories en fonction du Raoult lui­même dans le livre d’Hervé Vau­ certains de leurs propres manuscrits. Le rapportées dans l’article de Man-
chercheur qui publie le plus en France, nombre de fois où leurs articles sont cités. doit L’IHU Méditerranée Infection. Le défi de taux d’acceptation est bien inférieur à deep Mehra et ses coauteurs ».
avec 2018 articles signés entre 1979 et En outre, d’après la place du chercheur la recherche et de la médecine intégrées (Mi­ 50 %. Nous évitons le favoritisme en en­
2018, selon la base de données Scopus. dans la liste des signatures, un coefficient chel Lafon), « nous avons menacé de faire la voyant toutes les soumissions à l’examen
C’est 710 de plus que le second Français, se­ multiplicatif est appliqué. Ensuite, ces grève des signatures Sigaps (…) aussi long­ par les pairs. Aucun éditeur associé n’est 4 JUIN
lon cette même base. En 2016, plus de points sont convertis en euros de manière temps que nous ne trouverions pas de ter­ autorisé à superviser l’examen d’un de ses The Lancet et le NEJM annoncent
220 articles, éditoriaux dans des revues… à répartir une enveloppe globale. rain d’entente pour la mise en route de articles », rappelle Peter Drotman, le direc­ la rétractation des articles impli-
portaient la signature de Didier Raoult. En l’IHU ». Les Sigaps servent aussi à négocier teur de la revue. quant les données de Surgis-
revanche, ce dernier n’est pas le plus cité Conflits d’intérêts des postes, à l’avancement des carrières… Dernier exemple des plus troublants. Se­ phere. L’OMS indique reprendre
des chercheurs français – une douzaine se En 2016, 1,573 milliard d’euros a ainsi été Publier beaucoup est donc rentable et lon la base de données PubMed, parmi les l’inclusion de patients sous
trouvent devant lui, mais dans d’autres distribué (en tenant compte d’un système pousse à jouer avec les règles. Par exemple 719 articles publiés par New Microbes and hydroxychloroquine dans son
domaines. Une « citation » correspond à équivalent pour les implications dans des en publiant dans des journaux peu scru­ New Infections, 234 sont signés Didier essai Solidarity.
une entrée dans la liste des références bi­ essais cliniques). A l’origine, ces systèmes, puleux sur la qualité de ce qu’ils produi­ Raoult (33 %). Quatre de ses collègues de
bliographiques qui accompagnent chaque nommés Sigaps pour les publications, sent (et qui ont même parfois été qualifiés l’IHU, et trois autres chercheurs de Mar­
article. Plus un travail est référencé, plus il Sigrec pour les essais cliniques, devaient de prédateurs). Ou en profitant de rela­ seille, sont éditeurs associés de ce journal. 
est considéré comme important. compenser les pertes liées au passage à la tions dans les comités de sélection. d. l.
0123
34 | science & médecine MERCREDI 17 JUIN 2020

Un robot pour filmer le vol des insectes
Etudier le vol des insectes relève ravageuse de culture volant jusqu’à Structure du robot
de l’exploit. Petites, véloces, les bestioles 3 mètres par seconde. Deux caméras
ne laissaient jusqu’ici aux scientifiques enregistrent la position de l’insecte, Papillon Agrotis ipsilon
que deux tristes possibilités : les attacher qu’elles transmettent sans fil à un
ZOOLOGIE ou les observer en vol stationnaire, ordinateur. Celui-ci commande alors
(environ 2 cm de long) Eclairage infrarouge
et batterie
notamment quand elles se nourrissent. des enrouleurs permettant de faire
Des chercheurs du CNRS et de coïncider, toutes les 10 millisecondes,
La loutre de mer  l’université de Lorraine (Loria, CRAN)
et de l’Institut national de recherche
la position 3D de l’insecte avec celle
du châssis volant. Le lépidoptère reste

rapporte gros pour l’agriculture, l’alimentation et


l’environnement (Inrae) ont inventé
un nouveau dispositif, décrit, le 10 juin,
ainsi constamment dans le cube, sous
l’œil numérique des chercheurs. Après
ce papillon, l’équipe prévoit de traquer
dans la revue Science Robotics : un robot les mouvements des drosophiles et des Caméra

C’ est un club très sélect mais assez


éclectique. Le castor et le chien de
prairie y voisinent avec le loup
mais aussi l’abeille, le ver de terre et quelques
autres. Créé en 1969 par le naturaliste améri­
guidé par huit câbles, capable de suivre
un insecte en vol totalement libre. Ils ont
ainsi pu observer les mouvements du
papillon Agrotis ipsilon, une noctuelle
moustiques, pour analyser notamment
leurs stratégies face aux stimuli olfactifs
et visuels.
permettant d’adapter
la vitesse du robot
à celle de l’insecte
30 cm
Caméra à haute
vitesse pour capturer
la cinématique
cain Robert T. Paine (1933­2016), il rassemble
Schéma du dispositif expérimental (mouvement des ailes)
ce que les scientifiques nomment les espèces de l’insecte
clé de voûte, qui jouent, dans leur environ­ 6m
nement, un rôle sans commune mesure
avec la réalité de leur population.
La loutre de mer y dispose d’un fauteuil de
choix. Non contente de son image emblé­ Câble
matique, de son appétit féroce (un quart de
son poids avalé chaque jour) et de sa capacité
exceptionnelle à manier des outils (pour Treuil motorisé But de l’étude
casser les coquillages), elle fait tourner tout 3m pour faire bouger
un petit monde autour de ses moustaches. le châssis volant
Sur la côte pacifique canadienne, la partie a
bien failli s’arrêter, au milieu du siècle der­
nier, après un siècle et demi de commerce de Châssis
sa fourrure. Mais les mesures de protection, volant
puis de réintroduction lancées dans les an­
nées 1970, lui ont sauvé la mise. « Une vraie
success story environnementale, qui a rendu Comprendre le vol Comprendre ses
4m
l’écosystème plus productif et plus résilient, Source : CNRS à ailes battantes à réactions face à
souligne l’écologue Edward Gregr, profes­ Infographie : Le Monde l’échelle de l’insecte des stimuli olfactifs
seur assistant à l’université de Colombie­ Nathaniel Herzberg, Audrey Lagadec et visuels
Britannique. Mais la cascade trophique qu’elle
a provoquée n’a pas fait que des heureux. »
La loutre est alors entrée en conflit avec les
pêcheries de crustacés, qui avaient fleuri en
son absence. Un problème, d’autant que
celles­ci sont souvent tenues par les popula­
tions autochtones, sujet épineux au Canada. CARTE BLANCHE des membranes intracellulaires. Chaque
antenne transmet l’énergie lumineuse
ses à une contrainte mécanique, les phy­
cobilisomes se dissocient des membra­
Edward Gregr et ses collègues ont donc dé­ qu’elle absorbe à un complexe molécu­ nes. Isolés, donc devenus incapables de
cidé de poser l’équation, environnementale,
mais aussi économique. Publiés dans la re­
vue Science, les résultats sont spectaculaires.
Le mode « pause »  laire ancré dans ces membranes – le
photosystème –, ce qui initie la chaîne
des transferts énergétiques et des réac­
transmettre leur énergie aux photosys­
tèmes, ils se déchargent de l’excès
d’énergie captée, entre autres, par l’émis­
« Ce n’est pas la première fois qu’une étude dé­
montre le résultat contre­intuitif que les pré­
des cyanobactéries tions chimiques de la photosynthèse.
En observant la croissance des bacté­
sion d’une fluorescence rouge.
Ainsi, les bactéries dont le confine­
dateurs génèrent indirectement de la biodiver­ ries dans un espace contraint en deux di­ ment spatial s’oppose à leur expansion
sité, mais c’est la première fois qu’on démontre Par ALICE LEBRETON de ces signaux leur permet d’adapter mensions et illuminé de façon uni­ interrompent leur activité photosynthé­
que cela peut s’accompagner de gains écono­ leur métabolisme en conséquence. A forme, les chercheurs ont constaté que tique, quel que soit l’apport lumineux
miques », salue l’écologue Franck Courchamp
(CNRS, Paris­Saclay) : 46 millions de dollars
canadiens (30 millions d’euros) par an, ont
chiffré les chercheurs.
D evant un buffet à volonté, l’in­
clination d’un convive à rem­
plir son assiette ne dépend pas
uniquement de la disponibilité des vic­
tuailles. Sa décision – après parfois bien
l’image du gourmand incommodé par
un costume trop étroit, les bactéries doi­
vent ainsi parfois modérer leur apport
énergétique faute d’espace, comme l’il­
lustre un article publié dans le numéro
les bactéries positionnées le plus au cen­
tre d’une colonie deviennent fluorescen­
tes ; ils ont alors cherché à comprendre
les raisons de cette émission lumineuse.
dont elles disposent. La conséquence di­
recte de cette mise en pause du métabo­
lisme énergétique et de la production de
matière organique est un ralentisse­
ment de la croissance des cyanobacté­
Aussi loups, renards… des hésitations, voire à regret – tient éga­ de mai de la revue Nature Microbiology Contrainte mécanique ries situées au centre des colonies, com­
Le retour de ce Gargantua des mers, obligé de lement compte de ce qu’il lui reste d’ap­ par une équipe de recherche de l’univer­ En reproduisant l’expérience dans diffé­ parativement à celles qui occupent des
se gaver pour supporter le froid du Pacifique pétit, de l’esthétique de chaque plat, de sité de Boulder (Colorado). rentes conditions, par exemple en fai­ positions plus externes et disposent de
Nord, coûterait certes 7,3 millions de dollars cette odeur d’ail qui fait saliver l’un et dé­ Le groupe dirigé par Jeffrey Cameron sant varier la viscosité du milieu de cul­ plus d’espace à coloniser. Il reste toute­
canadiens (CA$) par an aux pêcheurs de co­ goûte l’autre, du nombre de calories dé­ étudie et modélise la croissance de bac­ ture, ce qui permet d’augmenter ou de fois à identifier les mécanismes précis
quillages. « Ces coûts économiques et sociaux pensées lors de son dernier tour de téries photosynthétiques du phylum des réduire les frictions entre les bactéries et qui détectent la pression de surface et
sont bien connus, car faciles à documenter, danse, ou de la sensation inconfortable cyanobactéries. Comme les plantes, ces leur substrat ainsi qu’entre elles, ils ont entraînent le décrochage des phycobili­
mais les bénéfices écologiques le sont net­ que sa ceinture est soudain trop serrée. bactéries utilisent l’énergie lumineuse montré que l’émission de fluorescence somes, afin de comprendre en détail ce
tement moins », souligne la biologiste Jane Les micro­organismes intègrent eux afin de synthétiser, à partir d’eau et de est directement induite par la contrainte « sens du toucher » bactérien. 
Watson, professeure émérite à l’université de aussi de multiples signaux, parfois dioxyde de carbone, la matière organi­ mécanique qui s’exerce lorsqu’elles de­
contradictoires, qui les informent sur que nécessaire à leur croissance et à leur viennent plus serrées, et non à des diffé­ Alice Lebreton
leur environnement et leur état physio­ métabolisme énergétique. Les cyano­ rences d’illumination ou d’apport de chargée de recherche à l’Institut national
logique. Bien qu’ils les perçoivent de bactéries captent la lumière du jour substances nutritives. Ils ont également de recherche pour l’agriculture, l’alimenta-
manière différente et qu’aucun cerveau grâce aux phycobilisomes, des antennes identifié la source moléculaire de l’émis­ tion et l’environnement (Inrae), Institut
ne décide de leurs actions, l’intégration constituées de pigments et associées à sion : lorsque les bactéries sont soumi­ de biologie de l’Ecole normale supérieure

AFFAIRE DE LOGIQUE – N° 1150


Seaux périlleux N° 1150
Solution du problème 1149
JAMES THOMPSON/BBC
Trois seaux ont pour contenances respectives 8, 5 et 3 litres. Au départ, le seau de 8 litres est plein tandis que les 1. Le nombre 101 149 répond à la question.
Vancouver, également signataire de l’étude. deux autres sont vides. Le but est d’obtenir exactement 4 litres dans un des deux plus grands. Les seaux n’étant pas On part de 1 1492 = 1 320 201 = 13 × 105 + 20 201.
L’article les décrit et les chiffre : en réduisant gradués, les seules opérations possibles sont le vidage complet d’un seau dans un autre ou le remplissage complet Alors, 101 1492 = (105 + 1 149)2
la biomasse d’invertébrés et plus particuliè­ d’un seau par un autre. Mais, comme la manipulation est périlleuse, une fraction – toujours la même – de la quantité = 1010 + 2 × 105 × 1 149 + 11492
= 1010 + 2 × 105 × 1 149 + 13 × 105 + 20 201.
rement d’oursins, les loutres ont permis le d’eau transvasée est perdue. Ainsi, si cette fraction est 1/8, en remplissant le seau de 3 litres, le seau de 8 litres perd
101 1492 = 1010 + 2311 × 105 + 20 201 = 10 231 120 201.
foisonnement de la forêt de kelp. Or ces al­ x = 3/7 de litre, puisque x = (3 + x) / 8 donne x = 3/7. Il reste 8 – 3 – 3/7 = 32/7 de litre, qu’il verse dans le seau de 5 litres.
2. Le nouveau nombre est 458 499.
gues tiennent lieu d’habitat, parfois de sites Victoire ! 4/7 = (4 + 4/7)/8 sont perdus, il y a maintenant 32/7 – 4/7 = 4 litres dans le seau de 5 litres.
• Le nombre cherché, N, compte six chiffres, parmi les-
de reproduction, à de nombreuses espèces de 1. Si la fraction d’eau perdue est 1/9, est-il possible d’obtenir 4 litres en trois transvasements ?
quels celui situé tout à gauche est 4 ou 5. En effet, son
poissons (hareng, saumon, flétan, morue lin­ 2. Et si la fraction d’eau perdue est 1/7, est-il possible d’obtenir 4 litres ? Si oui, en combien de transvasements ? carré est compris entre 100 011 222 333 et 333 222 111 000.
gue…). Cette pêche­là rapporterait 9,4 mil­ • N se termine par 99, car, parmi les carrés 442, 552, 662,
Le temps du confinement est passé. Il subsiste néanmoins beaucoup d’événements virtuels dont on peut encore profiter.
lions de CA$ chaque année. Le kelp constitue 772, 882 et 992, seul 992, qui se termine par 01, n’a pas de
un précieux puits de carbone. Bénéfice an­ CONGRÈS VIRTUEL MATH.EN.JEANS FUTURA SCIENCES MATHS EN PODCASTS
LES MERCREDIS ET SAMEDIS UN SITE POUR EXPLORER LE MONDE L’INVENTAIRE DE NICOLAS HULOT
chiffre supérieur à 3.
noncé : 2,2 millions de CA$. Enfin, la loutre est • Si N se termine par XY99, X et Y valent 4 ou 8. En effet,
Chaque année, depuis trente ans, le congrès Futura est né en 2001 de la volonté de Nicolas Hulot (ce n’est pas qui vous croyez,
devenue une véritable attraction touristique. de MATh.en.JEANS (association qui coor- décrypter les innovations et actualités d’un mais un enseignant de maths) a pris les les quatre derniers chiffres de XY992 sont, après dévelop-
Sur toute la côte ouest canadienne, les cita­ donne le jumelage d’établissements et de point de vue scientifique pour transmettre soin de répertorier des extraits de podcasts pement, 2(9 – X)103 + 2(9 – Y)102 + 1. X et Y ne peuvent être
dins en mal de nature ont dynamisé la vie chercheurs) permet à des élèves de se ren- les clés nécessaires pour suivre la constante d’émissions de France Culture accessibles compris entre 5 et 7 (il y aurait des nombres supérieurs à
économique locale, avec des gains chiffrés contrer en plusieurs points pour présenter mutation du monde. Il couvre en version dès le collège faisant le lien entre mathéma-
leurs travaux de recherche, d’échanger des numérique une large palette des sciences, tiques, histoire et société. Quelques
3 dans le carré de N) et 9 est pris deux fois.
par l’étude à 42 millions de CA$. idées ou simplement de partager une aven- avec des exposés, des vidéos, des photos et exemples : « La mathématique et ses ver- • N est divisible par 3, puisque la somme des chiffres de
Les auteurs veulent y voir un argument de ture liée aux mathématiques. Exception- des blogs. A suivre autour des mathéma- tiges » (invité : Mickaël Launay), « L’odyssée son carré, 3 × (0 + 1 + 2 + 3) = 18, est divisible par 9.
poids en faveur de la préservation des grands nellement, cette année, c’est sur la chaîne tiques : « Le jeu de la moyenne du cycliste », de pi » (invités Jean-Paul Delahaye et Roger • Restent possibles, dans l’ordre croissant : A = 454 899,
prédateurs, protecteurs indirects de la bio­ « YouTube » de l’association que le rendez- de Karen Uhlenbeck, première femme à rece- Mansuy), « Alan Turing, l’homme derrière la B = 458 499, C = 478 899, D = 544 899, E = 548 499,
vous a lieu. Jusqu’à la fin du mois de juin, voir le prix Abel, « Les fabuleuses décou- machine » (invité Jean Lassègue), « Ada Love-
diversité. Difficile de ne pas songer au loup, tous les mercredis et samedis, chacun peut vertes de Terence Tao », « Merveilleux lace, la grande ordinatrice » (invitées Cathe-
F = 568 899 et G = 584 499. Si on ne dispose pas d’outil cal-
ennemi des bergers et des éleveurs, mais clé assister à la présentation des travaux, les nombres premiers », « Les étranges pouvoirs rine Dufour et Isabelle Collet), « Fibonacci, culant au-delà de dix chiffres, on peut néanmoins conclure
de voûte d’un autre écosystème. Moins de séances des samedis 6, 13 et 27 juin se ter- du nombre vingt et un » « Héritage : com- une suite qui vaut de l’or » (invité Marc en éliminant C, E, F et G (le carré du nombre formé de leurs
loups, plus de coyotes, moins de renards, minant par de courtes conférences. ment partager un troupeau de chevaux ? »… Moyon). De quoi développer sa culture ! cinq derniers chiffres contient des chiffres supérieurs à 3),
Infos sur www.mathenjeans.fr/congres2020 Futura-sciences.com/sciences/mathematiques Lien : Padlet.com/nhulot/4i0dtarknydgpq69 A dont le troisième chiffre du carré est 6 ou 7, ainsi que D
plus de petits mammifères, donc de tiques…
et donc de maladie de Lyme.  E. BUSSER, G. COHEN ET J.L. LEGRAND © POLE 2020 affairedelogique@poleditions.com (le deuxième chiffre de son carré est 9). Reste B, dont le
nathaniel herzberg carré, 458 4992 = 210 221 333 001, répond à la question.
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 science & médecine | 35

A Gergovie, sur les traces de César... et de Napoléon III
En 52 avant J.-C., Vercingétorix inflige une cuisante défaite aux Romains, dont l’un des camps est en cours de fouilles.
Le site avait déjà été étudié en 1862 à la demande de l’empereur français, en quête d’un nouveau « roman national »
orcet (puy­de­dôme) ­ envoyé spécial Le problème, pour les chercheurs, c’est
que la présence romaine sur le site a été

U ne maison comme il y en a tant,


avec un terrain autour. Ce ne se­
rait que du très banal à Orcet,
dans la banlieue de Clermont­Ferrand, si,
dans la rue juste devant, ne se trouvait
de courte durée.
« Si on ajoute aux légionnaires 10 000 ca­
valiers éduens [des Gaulois alliés à César]
et tout le “train” de l’armée – les valets, les
muletiers, etc. –, on pouvait compter jus­
une borne de basalte sombre où sont gra­ qu’à 50 000 hommes ici, estime Yann
vés ces mots : « Camp occupé par Jules Deberge. Ce qui implique d’avoir chaque
César l’an 52 avant J.­C. » L’endroit n’est jour 50 tonnes d’approvisionnement et
pas si quelconque : de l’autre côté de ce une centaine de tonnes de fourrage. »
mamelon pavillonnaire, à un peu plus de Autant dire que, face à ces problèmes
trois kilomètres à vol d’oiseau, s’élève le logistiques en plein territoire ennemi
plateau de Gergovie, où le général ro­ où il est virtuellement entouré – les op­
main subit le plus cinglant revers de la pida de Corent et de Gondole ne sont
guerre des Gaules, face aux troupes du qu’à quelques kilomètres –, César est
chef arverne Vercingétorix. contraint à une stratégie agressive, à une
Le propriétaire des lieux ayant décidé rapide prise de risques.
d’y bâtir de nouvelles constructions,
l’Institut national de recherches archéo­ 300 personnes armées de pelles
logiques préventives (Inrap) a entrepris Après une manœuvre de diversion, il
d’explorer le terrain avant que les par­ lance ses troupes dans la rude montée
paings ne s’y empilent. Le rendez­vous du plateau. Ses soldats arrivent jusqu’à
des archéologues avec l’histoire aurait Gergovie mais les Gaulois se regroupent
dû commencer le 16 mars, une fois le sol bien et les repoussent. « Ils se font black­
décapé. Mais l’épidémie de Covid­19, bouler jusqu’en bas, résume Yann
telle une charge de cavaliers numides ou Deberge. César écrit qu’il perd 700 hom­
une rafale de frondeurs des Baléares, ces mes dont 46 centurions. Cela représente
mercenaires qui épaulaient parfois les les trois quarts du corps encadrant d’une
légions romaines, a obligé les cher­ légion. Et il ne parle pas des pertes chez
cheurs à battre en retraite et à se retran­ Ci­dessus : vue les combattants non légionnaires qu’il
cher chez eux… Le siège de 2020 a duré aérienne des fouilles avait avec lui. Il lève le camp deux jours
deux mois mais, dès la levée du confine­ préventives sur le site après la déroute. »
ment, le 11 mai, les archéologues ont re­ du « grand camp » Si le site du grand camp de César – il y
pris possession du terrain. de César à Orcet avait un petit camp installé sur une
La borne signale que nous sommes à (Puy­de­Dôme). colline proche de Gergovie qu’il avait
l’angle sud­est du « grand camp » que prise aux Gaulois – n’a pour l’heure livré
César évoque dans ses Commentaires sur Ci­contre : Yann que peu de vestiges, les archéologues y
la guerre des Gaules. Remontons plus de Deberge, de l’Inrap, ont toutefois découvert les traces lais­
deux millénaires en arrière. Au prin­ dans un fossé du sées par un autre personnage histori­
temps de 52 av. J.­C., qui sera la dernière grand camp de César. que : Napoléon III. Comme l’explique
année du conflit, les troupes romaines Les fouilles ont permis Dominique Garcia, président de l’Inrap,
viennent d’assiéger et de prendre Avari­ d’exhumer des objets, « les rois de France justifiaient leur pré­
cum (Bourges). Responsable des opéra­ dont ce piquet de sence par une lignée dont ils descen­
tions à Orcet, Yann Deberge est spécia­ tente. DENIS GLIKSMAN/INRAP daient. Comme il est en rupture, Napo­
liste de la période gauloise et fouille le léon III a besoin de construire un autre
pays clermontois depuis un quart de siè­ roman national, une histoire des Fran­
cle. Il raconte : « César prend Bourges, la çais, et il lui faut une documentation nou­
pille, tue la population et fait du butin. Il velle. Il se met dans les pas des Gaulois de
suit ensuite les troupes gauloises le long Vercingétorix et dans ceux de César dont
de l’Allier jusqu’à Gergovie. Vercingétorix il va écrire une histoire », parue au milieu
l’attire en plein cœur du pays arverne, en des années 1860.
territoire hostile. » Cette documentation nouvelle lui sera
fournie par l’archéologie. L’empereur
La vie quotidienne du soldat romain s’appuie sur des soldats pour découvrir et
Ville récente, perchée au sommet d’une répertorier les sites antiques décrits dans
table basaltique quasiment imprenable, ce manuel militaire qu’est La Guerre des
Gergovie domine de 400 mètres les alen­ Gaules. Ce sera la mission de la Commis­
tours. Le grand camp de César est un tra­ Ils ont également eu la surprise de met­ campeurs d’aujourd’hui appelleraient sion de la topographie des Gaules. Pen­
pèze de 35 hectares de superficie, assez de tre au jour un fossé secondaire, qui vient une « sardine ». Il faut imaginer plu­ dant l’été 1862, elle est devant Gergovie.
place pour loger les six légions romaines, mourir en biais dans le premier. Yann sieurs centaines de grandes tentes en Quelque 300 personnes ont été recru­
soit 24 000 soldats. Première tâche lors Deberge rappelle que nous sommes à un cuir de 20 mètres carrés, où les soldats tées, armées de pelles, pour avancer en
de l’installation : protéger le camp. Pour « SI ON AJOUTE coin du trapèze et émet l’hypothèse qu’il dormaient à huit ou dix. ligne et sonder le sol. C’est ainsi qu’elles
ce faire, les légionnaires creusent un AUX LÉGIONNAIRES s’agit « d’un renforcement de l’angle car Petit à petit, on s’approche de ce dont retrouvent les deux camps césariens
fossé en V qui en fera le tour. La terre pré­ les angles sont des points faibles sur le les textes ne parlent pas : la vie quoti­ ainsi que le double fossé qui les joignait et
levée est déposée du côté intérieur de 10 000 CAVALIERS plan militaire ». Dans le périmètre du dienne du soldat romain pendant la permettait aux légionnaires de se rendre
façon à former un talus, l’agger, au som­ ÉDUENS ET TOUT LE camp, il faut l’œil exercé de l’archéolo­ guerre des Gaules. « On suppose qu’il en sécurité d’un cantonnement à l’autre.
met duquel il était aussi possible de plan­ gue pour deviner, dans un creux du sol, mangeait beaucoup de céréales, avance A Orcet, le passage des fouilleurs de
ter une palissade. Par rapport au fond du “TRAIN” DE L’ARMÉE, l’ancienne présence d’un four. Les Yann Deberge. Nous avons prélevé des Napoléon III se lit encore grâce à la
fossé, le talus mesurait de 3 à 4 mètres de ON POUVAIT chercheurs en ont découvert trois autres sédiments pour les tamiser à la recherche borne de basalte mais aussi dans le sol :
haut. A Orcet, celui­ci a disparu et le fossé plus loin. Dernière trouvaille en date, de grains brûlés. » Si la viande était au deux mini­tranchées ont été retrou­
a, bien sûr, été comblé par le temps, les COMPTER JUSQU’À trois clous – boursouflés par l’oxyda­ menu, les os des animaux débités sont vées, dont l’une a juste la largeur d’une
hommes et les éléments, mais sa trace au 50 000 HOMMES ICI » tion – de caligae, les sandales lacées que pour le moment absents : « Nous n’avons pelle. « Une tranchouillette », sourit Yann
sol demeure. Malgré l’érosion intense YANN DEBERGE
portaient les légionnaires. Il y a égale­ pas trouvé de dépotoir ni de latrines, Deberge, conscient de faire de l’archéolo­
dans la région, les archéologues l’ont dé­ RESPONSABLE DES ment ce piquet de tente, une grande poursuit l’archéologue de l’Inrap. Pour gie de l’archéologie. 
gagé sur une trentaine de mètres. OPÉRATIONS À ORCET pointe en fer percée d’un trou, ce que les l’heure, il n’y a pas non plus d’armement. » pierre barthélémy

L’INRAP DANS UNE SITUATION DÉLICATE APRÈS LE CONFINEMENT

E n découvrant, sur le quai de


la gare de Paris­Bercy, les
petits cercles qui indiquent
aux voyageurs où se tenir pour
maintenir une distance d’au
mie. Lundi 16 mars, ordre a été
donné de fermer et de mettre en
sécurité les 130 chantiers en
cours. Puis tout le monde s’est
confiné. Directeur général de
Il a ensuite fallu penser à l’après,
aux conditions à mettre en place
pour la réouverture des chantiers.
« Nous avons adopté, début mai,
un plan basé sur une reprise très
où, depuis août 2019, 70 archéolo­
gues venus de toute la France
mettent au jour une exception­
nelle nécropole romaine allant du
Ier au IIIe siècle.
des jerricans d’eau personnalisés
pour ne pas se servir à des fontai­
nes collectives, faire en sorte que
chacun ait des outils pour ne plus
avoir à les partager…
Ces deux dernières années,
l’Inrap a réussi à dégager des excé­
dents de 1 à 2 millions d’euros par
an. « Il faudrait vingt ans à ce ni­
veau­là pour effacer les surcoûts
moins 1 mètre entre eux, Domini­ l’Inrap, Daniel Guérin explique progressive pour vérifier que tout L’addition de l’épidémie de de la crise Covid », conclut Daniel
que Garcia, le président de l’Insti­ qu’« en raison de son statut d’éta­ se passait bien, détaille Daniel « Distorsion de concurrence » Covid­19 sera salée. Elle s’élèvera à Guérin, lequel craint aussi que la
tut national de recherches archéo­ blissement public administratif, Guérin. Une vingtaine de petites Redémarrage des fouilles ne si­ 25 millions d’euros (pour un bud­ crise économique du pays ne
logiques préventives (Inrap), se l’Inrap n’a pas obtenu d’être éligi­ opérations, avec deux ou trois per­ gnifie pas pour autant retour à la get annuel de 160 millions) si l’on mette en difficulté, voire en
demande sur le ton de la plaisante­ ble au chômage partiel. Nous sonnes par chantier, ont rouvert normale. « Chaque chantier a un ajoute ces surcoûts en matériel faillite, certaines des entreprises
rie comment des collègues venus avons mobilisé les archéologues lors de la première semaine de référent Covid qui assure le respect aux salaires qu’il a fallu verser qui financent les fouilles préven­
du futur interpréteraient ces mar­ pour qu’ils télétravaillent et plus déconfinement. Environ soixante et le suivi des règles sanitaires », alors que l’Inrap était totalement tives sur les terrains qu’elles sou­
ques au sol… Même si on ignore de 300 rapports de fouilles et de la deuxième semaine. Le tout en précise Daniel Guérin. Il a fallu à l’arrêt. Les dirigeants de l’établis­ haitent aménager. Les négocia­
encore quelles traces la pandémie diagnostics [ces sondages du sol respectant la règle des 100 kilomè­ acheter des centaines de milliers sement dénoncent au passage tions pour un refinancement de
de Covid­19 livrera à l’archéologie qui évaluent le potentiel archéo­ tres, ce qui permettait de ne pas de masques, intensifier le net­ « une distorsion de concurrence », l’Inrap ont donc déjà commencé
de l’avenir, on voit en revanche logique d’un terrain et la néces­ avoir à régler des problèmes d’hé­ toyage des cantonnements et en car les entreprises privées qui ef­ auprès de Bercy et du ministère
déjà bien ses effets pour les cher­ sité d’y effectuer des fouilles ap­ bergement. » Avec la deuxième particulier des points de contact, fectuent des fouilles archéologi­ de la culture, mais elles s’annon­
cheurs d’aujourd’hui. profondies] ont ainsi été rendus phase du déconfinement, la re­ louer des véhicules et des installa­ ques préventives « ont pu basculer cent âpres tant sont nombreux
S’il n’a eu aucun décès à déplorer aux services de l’Etat ». Mais 60 % prise de l’activité s’est accélérée. tions de chantier supplémentai­ leurs salariés sur le dispositif de ceux qui, dans le secteur culturel,
parmi ses quelque 2 200 agents, des effectifs se sont tout de même Lundi 8 juin a ainsi rouvert le res pour respecter les règles de chômage partiel et n’ont pas eu à tendent déjà la sébile… 
l’Inrap ressort éprouvé de l’épidé­ retrouvés sans activité. chantier des fouilles de Narbonne distanciation physique, fournir supporter les mêmes charges ». p. b.
36 | dossier spécial 0123
MERCREDI 17 JUIN 2020

REVERDIR  LE  SAHEL

Des arbres
et des bêches
contre l’avancée
du désert
Des initiatives tentent de refertiliser
la région sahélienne, alors que
la désertification grignote chaque année
un peu plus de terres arables, contribuant
à déstabiliser la zone
bamako ­ correspondance vers une régénération naturelle
de leurs forêts, d’autres, comme
le Burkina Faso, le Mali ou la Mau­

I
ls auraient dû vivre des ritanie, sont plus entravés dans
centaines, voire des mil­ leur progression.
liers d’années. Un à un, Face à l’urgence d’un déséquili­
pourtant, à une cadence bre général de cette zone fragile,
inégalée par le passé, les SOS SAHEL parie sur un redémar­
plus vieux baobabs d’Afri­ rage du projet dans six pays (Sé­
que disparaissent. Le tueur a un négal, Mauritanie, Mali, Burkina
nom : « réchauffement climati­ Faso, Niger et Tchad) en réorien­
que », selon une équipe interna­ tant la lutte. Grâce à l’Initiative
tionale de chercheurs qui s’est verte, lancée en janvier 2019,
penchée sur la question, dans un l’ONG ambitionne de restaurer
article publié dans la revue 360 000 hectares de terres agri­
Nature Plants, en juin 2018. Intui­ coles et forêts et 10 000 hectares Projet agroenvironnemental, au Burkina Faso, dans la région du Sahel. JERÔMINE DERIGNY/ARGOS DIFFUSION/SAIF IMAGES
tivement, le Burkinabé Alfred de terres irriguées en dix ans, et
Sawadogo connaissait cet effet de créer 100 000 emplois dans
des dérèglements climatiques, lui 1 700 villages de ces six pays.
qui avait été témoin « des bao­ « Pour cela, nous allons concevoir doivent s’inventer de nouveaux saison, l’opposition entre les inté­ prévisions du Groupe d’experts
babs mythiques mourant par mil­ un écosystème agroforestier en moyens de subsister adaptés au
« Les groupes rêts des éleveurs et ceux des pay­ intergouvernemental sur l’évo­
liers lors de la grande sécheresse réintégrant l’arbre dans les cultu­ lieu et aux opportunités écono­ djihadistes sans devient plus forte, puisqu’ils lution du climat (GIEC), qui, si
qui, entre 1970 et 1990, a ravagé le res, comme on l’a fait en France miques locales. De l’installation se retrouvent en concurrence sur rien n’est fait, table sur un recul
Sahel ». Une période sombre, cer­ avec les pommiers de Normandie de puits pour les femmes qui ex­
prospèrent parce des surfaces agricoles toujours de 20 % des rendements agrico­
tes, mais aujourd’hui, il estime ou les noyers du Sud, explique ploitent la gomme arabique au qu’ils offrent une un peu plus étroites, avec des cou­ les sahéliens par décennie du­
« la situation plus catastrophique Rémi Hémeryck, délégué général Tchad à l’établissement de cuvet­ loirs de passage pour les trou­ rant tout le XXIe siècle.
encore qu’alors, et les dérègle­ de l’organisation. SOS SAHEL tes maraîchères au Sénégal, en
alternative aux peaux toujours plus réduits. Outre ses impacts agroécologi­
ments plus profonds ». Aussi le n’est pas la seule à parier sur les passant par l’aménagement de jeunes ruraux Alors même que les projections ques, économiques et sécuritai­
président de l’ONG SOS SAHEL à vertus de l’agroforesterie, pro­ cordons pierreux pour freiner tablent sur une augmentation res, le réchauffement climatique
Ouagadougou s’est­il engagé à re­ mue par d’autres acteurs, comme l’érosion au Burkina Faso, les
sahéliens » massive de la population des fait aussi le lit des risques sanitai­
verdir le Sahel, cette bande semi­ l’ONG américaine The Nature stratégies de reverdissement di­ EXTRAIT D’UN RAPPORT pays du Sahel central en 2050 res. Un argument de poids à
aride qui traverse l’Afrique d’est Conservancy, mais aussi de nom­ vergent, même si toutes poursui­ DU CRISIS GROUP (qui passerait de 84 millions à l’heure du Covid­19. « En détrui­
en ouest sur 3 millions de km2 et breux chercheurs. vent le même but et misent sur 196 millions d’habitants, en se sant l’habitat de nombreuses es­
partage l’Afrique en deux. les acteurs locaux et des solu­ basant sur les taux de natalité ac­ pèces, en provoquant leur déplace­
En 2007 déjà, un ambitieux pro­ OPPORTUNITÉS LOCALES tions durables. planétaire, le Sahel en premier tuels), tous les voyants sont déjà ment puis leur interaction avec les
jet avait été lancé par onze pays « On sous­estime souvent la capa­ Stopper la désertification qui lieu. Dans cette zone, qui borde le au rouge. Et le FMI rappelait ré­ hommes, les vagues de chaleur et
de la zone : la création d’une cité d’adaptation des agriculteurs grignote chaque année un peu Sahara sur 5 500 km, les muta­ cemment que « financer l’adap­ la déforestation font peser le ris­
Grande Muraille verte, pour res­ de ces régions, avance Luc Des­ plus les terres arables pourrait tions climatiques accroissent la tation au changement climatique que de laisser émerger des mala­
taurer les écosystèmes. Ce pro­ croix, directeur de recherche en contribuer à mettre fin au djiha­ compétition pour l’accès aux res­ sera plus rentable que les fréquen­ dies nouvelles », avance Laurent
gramme d’ampleur voulait re­ hydrologie à l’Institut de recher­ disme et aux conflits ethniques sources et au foncier. Dans un tes aides aux victimes de catas­ Vidal, représentant de l’IRD au
faire du Sahel une terre arborée, che pour le développement séculaires qui la minent. Et chan­ contexte d’instabilité, où 4,9 mil­ trophes ». Le coût de cette adap­ Mali. Dans un pays comme le
fertile et nourricière. Treize ans (IRD). Mais il est important de les ger le quotidien de 300 millions lions de personnes ont déjà fui à tation serait de 30 à 50 milliards Sénégal, le scientifique craint no­
plus tard, si l’Ethiopie, le Soudan soutenir face à ce dérèglement qui de personnes en freinant la dés­ cause des violences, « les groupes de dollars (de 26 à 44 milliards tamment le déplacement du rat
ou le Niger avancent à grands pas nous concerne tous », et de leur tabilisation de leur zone de vie. djihadistes prospèrent parce qu’ils d’euros) par an au cours de la noir qui, ayant perdu son habitat
laisser une véritable marge de Un pari qui se fonde sur les ana­ offrent une alternative aux jeunes prochaine décennie. forestier, se voit désormais forcé
manœuvre, sans imposer de so­ lyses des meilleurs spécialistes ruraux sahéliens privés d’un accès de manger les cultures pour sur­
Ce dossier est réalisé lutions venues du Nord. de la région. aux ressources », rappelle le Crisis INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE vivre, au risque de devenir un
dans le cadre d’un L’Initiative verte se décline dif­ Si l’Afrique est peu émettrice de Group, dans son rapport du C’est que, dans cette région, les vecteur de pathologies pour
partenariat avec SOS SAHEL féremment dans les six pays de la gaz à effet de serre, elle paie déjà 24 avril sur les guerres climati­ températures grimpent déjà de­ l’homme. Ailleurs, plus à l’ouest,
International France. zone, puisque les populations un prix élevé au réchauffement ques. Sans compter qu’à chaque puis l’aube des années 2000. En c’est l’extension des zones où
plus d’avoir été précoce, cette souffle l’harmattan qui a déjà
hausse y est une fois et demie élargi la diffusion des épidémies
TUNISIE Mer Méditerranée plus rapide qu’ailleurs sur la pla­ de méningite, notamment en
Ghardaïa nète. Et elle retarde les campa­ Côte d’Ivoire.
Océan gnes agricoles. Désormais, en ef­ Pour lutter contre ces maux
Atlantique MAROC
fet, au lieu de début mai, on ne qui risquent de précipiter des
plante plus avant la fin du mois millions de Sahéliens vers l’exil,
de juin, mais la saison s’achève les Africains participent, bien
ALGÉRIE LIBYE toujours en octobre. sûr, au combat mené à l’échelle
ÉGYPTE De plus, si le nombre de jours de la planète pour que les pays
Sahara T D U S A H A pluvieux diminue sur l’année, industrialisés limitent leurs
S E R R A
occidental D É on assiste à une recrudescence émissions de gaz à effet de serre.
des précipitations torrentielles, Mais certains veulent, en plus,
Projet de la Grande qui provoquent des inondations agir directement pour l’Afrique,
MAURITANIE Muraille verte souvent mortelles, lessivent les première victime, et reverdir ces
MALI sols, noient les plantations et terres que défend le secrétaire
Nouakchott
SOUDAN emportent les semis. Une cala­ général de l’ONU, Antonio Guter­
S A H E L Agadez mité pour les communautés sa­ res, à chaque occasion.
Gao TCHAD
Dakar NIGER Khartoum ÉRYTHRÉE héliennes, dont 70 % vivent Pour l’heure, les grands bailleurs
SÉNÉGAL Mopti Niamey Abéché d’agriculture et d’élevage. Si l’Or­ internationaux doivent financer
Bamako Lac Tchad El-Obeid ganisation des Nations unies un plan d’investissement climat
Ouagadougou Kano N’Djamena Makalé DJIBOUTI
BURKINA S A H E L pour l’alimentation et l’agricul­ pour la région du Sahel (2018­
FASO ture (FAO) évalue à 9,7 millions le 2030) et lancer un programme
NIGERIA Addis-Abeba nombre d’Ouest­Africains en in­ prioritaire pour la période 2020­
Ni

r
g

SOUDAN sécurité alimentaire entre juin et 2025. Mais en parallèle, l’Afrique


e

ÉTHIOPIE
DU SUD août 2019, ce chiffre pourrait mène également au quotidien
croître cette année, à cause du son combat de terrain, hectare
Juba Covid­19. Et encore plus dans les après hectare. 
années à venir, si l’on en croit les matteo maillard
Golfe de Guinée 500 km
0123
MERCREDI 17 JUIN 2020 | 37

Sauver les terres perdues du Burkina Faso


Des paysans parviennent à rendre leurs parcelles productives, en luttant pied à pied

ouagadougou ­ correspondance pour commencer à dompter la la­ dans la région du Plateau­Central pulations. « Un cercle vicieux, re­
térite, cette roche rouge qui ta­ burkinabé. Sur ce bassin­versant,
La répartition grette Adama Doulkom. Les dé­

A u début, on l’a pris pour le


« fou du village ». Quand
Seydou Ouedraogo a pro­
mis à ses voisins qu’il transforme­
rait sa parcelle désertique en une
pisse ce pays enclavé du Sahel.
« La terre était si aride qu’elle n’ar­
rivait même plus à absorber l’eau.
Mes grands­parents disaient que
plus rien ne pousserait ici. Même
l’érosion et les « zipelés », les sols
dégradés infertiles en moré, gri­
gnotent chaque jour un peu plus,
comme une maladie qui s’ins­
talle. Et les pluies se font de plus
des ressources
cristallise
les tensions intra-
placements aggravent la pression
sur d’autres régions et accélèrent
la désertification ici. »
Baisse des rendements, insé­
curité alimentaire, pénurie d’eau,
grande forêt, le paysan se sou­ mes frères ont abandonné », ra­ en plus rares. « Le barrage est à sec
communautaires, migrations… Les conséquences
vient encore du « impossible ! » conte le paysan, qui a commencé depuis deux mois, c’est pire chaque entre de la dégradation des terres sont
qu’il a reçu en retour. Mais grâce à seul, à l’aide d’une longue tige, année », s’inquiète un habitant, infinies dans ce pays où 92 % des
sa persévérance et l’utilisation de par extraire un à un les cailloux guettant dans le ciel l’arrivée de
cultivateurs ménages pauvres vivent en mi­
techniques ancestrales, les arbres du sol sableux. la saison des pluies, normale­ sédentaires lieu rural. De plus en plus, la ré­
ont repoussé là où tous pensaient En 2010, il entend parler de Tii­ ment entre juin et septembre. partition des ressources cristal­
la terre trop aride. « Avec du travail paalga (« nouvel arbre », en moré), S’ajoutent aussi « l’urbanisation
et éleveurs lise les tensions entre les com­
et de la patience, on peut tout une association qui lutte contre la et la pression démographique, qui nomades… munautés, entre cultivateurs sé­
faire ! », insiste en souriant celui désertification en formant et ac­ appauvrissent les terres, la défo­ dentaires et éleveurs nomades,
qu’à Kumnoogo, son village, on compagnant les paysans. Seydou restation causée par la coupe du mais également entre autochto­
appelle encore « le jeune », en dé­ Ouedraogo découvre le zaï et les bois de chauffe par les ménages », verte, seuls 30 000 hectares ont nes et migrants.
pit de ses 64 ans. demi­lunes, ces techniques de ré­ souligne Sidnoma Abdoul Aziz pour l’heure été récupérés. « Il fau­
A une cinquantaine de kilomè­ cupération des terres qui passent Traoré, docteur en économie de drait aller plus vite. Plus on attend, « Renforcer la cohésion sociale »
tres au nord de la capitale, sa forêt par le creusement de trous et de l’environnement. moins on agit, plus ce sera compli­ Les groupes armés exploitent les
de 9 hectares est devenue un mo­ cuvettes pour retenir l’eau de ruis­ qué et onéreux par la suite », s’im­ frustrations des populations
dèle. Celui du combat d’un paysan sellement. Autour de ses cultures, Un tiers du territoire dégradé patiente Adama Doulkom, le pour s’implanter et recruter.
persuadé de la « force régénéra­ il construit des diguettes an­ Au Burkina, un tiers du territoire, coordinateur burkinabé de l’ini­ Dans ce contexte, « la restaura­
trice » de la nature contre l’avan­ ti­érosion en pierre et des haies soit plus de 9 millions d’hectares tiative, qui travaille avec une ving­ tion des terres, le développement
cée du désert. Erosion, appauvris­ d’arbustes le long de son exploita­ de terres productives, est désor­ taine de partenaires, dont l’asso­ des zones délaissées doivent être
sement des sols, faible pluviomé­ tion. « Les arbres ont un rôle régu­ mais dégradé, avec une progres­ ciation Tiipaalga, dans 132 com­ vus comme des facteurs qui ren­
trie… Au Burkina Faso, où plus de lateur, ils luttent contre l’érosion, sion estimée à 360 000 hectares munes du pays. forcent la cohésion sociale et la
80 % de la population vivent de protègent du vent et nourrissent le en moyenne par an, selon l’Orga­ Pour faire avancer plus vite le résilience des communautés », in­
l’agriculture et de l’élevage, la sé­ sol », explique Serge Zoubga, char­ nisation des Nations unies pour projet, l’agence nationale de la siste Adama Doulkom.
cheresse progresse à pas de géant. gé de programme à Tiipaalga. l’alimentation et l’agriculture Grande Muraille verte du Burkina Pour reproduire l’exemple du
Alors, pour contrer ses effets, le Peu à peu, au fil des saisons, la (FAO). Un constat alarmant qui, Faso a sollicité, en 2019, l’aide de village de Kumnoogo, où le ren­
pays s’est engagé à restaurer terre de Seydou Ouedraogo se ré­ en 2007, a poussé le pays, accom­ la Suède pour accélérer la récupé­ dement des cultures a augmenté
5 millions d’hectares de terres dé­ génère, revit. Des espèces d’ar­ pagné des dix Etats de la bande ration des terres dégradées et de 30 % depuis le début de l’inter­
gradées d’ici à 2030. bres disparues du lieu recom­ sahélo­saharienne, à lancer l’ini­ augmenter la productivité agro­ vention de Tiipaalga, en 2003,
mencent à y pousser. Des man­ tiative d’une Grande Muraille sylvo­pastorale. Ce projet « Beog 80 cultivateurs ont été formés à la
Dompter la latérite guiers, des karités et des tamari­ verte, un ambitieux projet de re­ Puuto », ou « champs de l’avenir », restauration des sols et ont réussi
Aujourd’hui, sa forêt a 10 ans et niers fleurissent au pied de ses forestation de 7 000 kilomètres est mis en œuvre par un consor­ à faire reverdir leurs exploita­
Seydou Ouedraogo la protège plantations de céréales. « Avant je de long, de Dakar à Djibouti. Si tium d’ONG. L’objectif est de res­ tions. Tous veulent reproduire la
comme un écrin, un trésor fragile n’avais rien, maintenant je pro­ l’idée initiale, controversée, taurer 30 % des terres dégradées réussite de Seydou Ouedraogo.
dont il connaît tous les secrets, duis presque de tout, en me fati­ d’une « barrière d’arbres » a de­ dans sa zone d’intervention et, en « Il y a de la place pour tout le
chaque recoin, chaque plante. guant moins ! », résume, ravi, le puis été revue en « une mosaïque cinq ans, de nourrir 350 000 per­ monde ! », se réjouit ce père de
« Ça, c’est du néré, on fait le riz cultivateur, devenu autosuffi­ de pratiques durables d’utilisa­ sonnes sur les espaces récupérés sept enfants qui, grâce à ses cultu­
LES CHIFFRES soumbala avec ses graines. Et là,
de l’acacia, ça soigne le ventre »,
sant et qui engrange quelque
300 000 francs CFA de bénéfices
tion des terres », l’objectif reste ce­
lui de ses origines : atteindre la
dans 30 communes de quatre ré­
gions de la moitié nord du pays.
res, peut désormais les nourrir,
payer « leurs études », « leur faire
glisse­t­il, en langue moré, se fau­ par an (environ 460 euros) grâce neutralité en termes de dégrada­ Mais les financements man­ des cadeaux », même, raconte­t­il.
filant entre les arbres, caressant à la vente de mil, de maïs, de hari­ tion des terres. quent et la détérioration de la si­ « Quand j’étais pauvre, je pensais
10 leur écorce de ses mains rêches.
Dans son combat, il n’a rien lâ­
cots et aussi de miel.
Malgré cette réussite, le combat
Pour cela, le Burkina Faso de­
vrait restaurer 5 millions d’hecta­
tuation sécuritaire freine l’avan­
cée des projets. Au nord, certains
mourir jeune, je n’avais pas d’ave­
nir. Cette forêt m’a rendu immor­
C’est le nombre de pays ché ; jamais perdu patience. contre la désertification se pour­ res d’ici à 2030. Sur la zone d’inter­ programmes sont à l’arrêt à cause tel », conclut­il, définitif. 
traversés par le Sahel, D’abord, il lui a fallu deux ans suit au village de Kumnoogo, vention de la Grande Muraille des violences et de la fuite des po­ sophie douce
de l’embouchure du fleuve
Sénégal au Cap-Vert,
sur 3 millions de km².
Le Sahel est souvent réduit
aux cinq pays principaux
du Sahel central (Tchad,
Au Sénégal, une forêt face aux assauts de la mer
Niger, Mali, Burkina Faso,
Mauritanie). Sur la zone côtière des Niayes, les habitants gèrent une plantation de filaos pour préserver les cultures de l’érosion
84 MILLIONS
C’est le nombre d’habi- dakar ­ correspondance lés qu’il a même la capacité de ré­ Résistant, le filao qui en définit ensuite l’usage en fié nos cultures pour ne pas être dé­
tants qui peuplaient générer. Mais maintenir la forêt tolère les sols fonction des priorités de la com­ pendants d’une seule production et
le Sahel central en 2019
– dont la moitié a moins
de 15 ans. Si les taux de
natalité actuels se main-
tiennent, la zone pourrait
D’ un côté, le rugisse­
ment des vagues de
l’Atlantique. De l’autre,
la sérénité des cultures maraîchè­
res à perte de vue sur cette bande
ici, sur les quelque 9 000 hectares
classés par l’Etat sénégalais, né­
cessite un vrai suivi.
Au total, sept unions locales si­
milaires se sont regroupées au
salés qu’il a
même la capacité
de régénérer
munauté : financement d’une
école, d’un centre de santé, d’une
mosquée… « Une vraie diversifica­
tion des revenus pour les habitants
de la ville de Mboro et ses
avoir toujours quelque chose à ré­
colter », explique le producteur.
C’est justement pour maintenir
une activité durable et renforcer
la sécurité alimentaire dans la ré­
compter 196 millions littorale étroite des Niayes qui, au sein de l’Association des unions 30 000 habitants », se félicite Ma­ gion que l’Union forestière de
d’habitants en 2050. Sénégal, relie Dakar à Saint­Louis. maraîchères des Niayes (AUMN), madou Ndiaye. Mboro propose aux agriculteurs
Ibrahima Ka observe la frontière pour préserver et entretenir cette privés. Ils « n’auraient pas les mê­ des formations à la diversifica­
entre ces deux mondes. Une forêt, plantée au départ de Dakar mes convictions, ni la même impli­ Diversifier les cultures tion, les poussant à planter des ar­
4 000 étroite bande forestière de grands à compter de 1948 et arrivée à cation ou les mêmes intérêts », jus­ Mais même bien rodé, ce reboise­ bres fruitiers en plus d’exploiter
C’est le nombre de arbres qu’on prend d’abord pour Saint­Louis en 1996. Si une partie tifie celui qui regrette que l’Etat ment se complique au fil des ans, à leurs cultures maraîchères. « C’est
Sahéliens morts en 2019, des conifères, mais est composée de la bataille a été gagnée au plan­ n’abonde pas davantage ce projet cause du réchauffement climati­ bon pour l’environnement, car ces
au Mali, au Niger et au de filaos. L’homme lève les yeux tage, financé grâce au soutien de salvateur pour la production agri­ que. « Avant, nous pouvions régé­ arbres brisent le vent, protègent les
Burkina Faso, selon l’ONU, vers leur cime, à 25 mètres. « Sans plusieurs partenaires dont cole et la préservation du littoral. nérer la forêt sans arroser, grâce cultures et apportent de l’azote qui
à la suite des violences les filaos pour nous protéger de la l’Agence canadienne de dévelop­ Au total, dans le pays, 3 000 hec­ aux cuvettes. Mais désormais elles fertilise les champs », explique
djihadistes, mêlées mer et de la dune de sable, on ne pement international, le combat tares de terres ont déjà été restau­ sont sèches, et nous manquons Ndeye Fatou Ndao, secrétaire gé­
à des conflits pourrait plus ni habiter ici ni culti­ reste quotidien. D’ailleurs, « la rés grâce à la plantation de près de d’eau douce », se désole Mansour nérale du groupement. Et cela
intercommunautaires. ver nos champs », témoigne celui partie nord a disparu sous les eaux 2 millions d’arbres. « La durée de Ka, le président de l’Union fores­ permet aussi aux petites exploita­
qui a grandi sur ce territoire assez à cause de l’avancée de la mer. Et vie du filao est de vingt­cinq ans, tière de Mboro. Alors, pour répon­ tions agricoles, qui n’ont pas les
fertile pour fournir 80 % des fruits au sud, c’est l’extension croissante nous sommes donc obligés de re­ dre à ces nouveaux défis, l’ONG sé­ moyens de conserver les stocks de
5 MILLIONS et légumes du pays. de Dakar qui a grignoté la forêt, se boiser chaque année », explique négalaise SOS SAHEL a construit la récolte annuelle d’une mono­
C’est le nombre d’habi- Si cette terre de bord de mer est désole Mamadou Ndiaye, coordi­ Ibrahima Ka, gérant au sein de des puits, formé et équipé l’Union culture, de gagner de l’argent tout
tants de la zone centrale riche, elle est aussi menacée par nateur de l’AUMN. Mais nous ne l’union forestière de Mboro, qui forestière pour que les pépinières au long de l’année.
menacés, cette année, de l’érosion côtière au point que, baissons pas la garde. Et la loi in­ travaille main dans la main avec produisent leur relève de filaos Grâce à l’exploitation de la forêt
grave insécurité alimen- dans les années 1980, le Sénéga­ terdit les constructions sur cette la direction des Eaux et forêts, sans lesquels le maraîchage de­ de filaos, au développement de
taire pendant la période lais a dû déménager à plusieurs zone protégée. » chargée de l’évaluation du reboi­ vient impossible et toute l’écono­ l’agroforesterie et à la diversifica­
de soudure, celle juste reprises, chassé par le sable qui sement et du comptage des filaos. mie plonge. Mais pour que les fa­ tion des cultures maraîchères, les
avant les premières récol- ensevelissait les maisons de son Impliquer les populations locales En plus du reboisement, Ibra­ milles aient de quoi vivre, de plus rendements ont crû de 15 % en dix
tes, selon une étude du village. Pour survivre, Ibrahima Selon lui, la sauvegarde de cette him Ka gère l’exploitation des en plus, elles doivent s’aventurer ans sur ces terres agricoles. De
Programme alimentaire Ka s’est mobilisé au sein de forêt essentielle passe par une vé­ vieux filaos. Coiffé de sa cas­ dans des cultures nouvelles. quoi redonner espoir aux paysans.
mondial du mois d’avril. l’Union forestière de la commune ritable implication des popula­ quette blanche pour se protéger Omar El Hadj Diop et sa mère, Omar El Hadj Diop, qui s’occupe
de Mboro, association créée tions locales. « Ce sont elles qui ont d’un soleil très fort en ce mois de Fama Diop, ont franchi le pas. Sur du champ familial depuis plus de
en 1992 pour préserver la bande la responsabilité d’entretenir, d’ex­ mai, il marche au milieu des res­ leurs 3 hectares, ils cultivent dé­ trente ans, se réjouit aujourd’hui
protectrice des filaos qui, sur ploiter et de reboiser la forêt de fi­ tes de troncs sectionnés. « C’est ici sormais de tout : oignons, carot­ de ne « plus voir la dune avancer ».
400 mètres de large, serpente en laos, sous la supervision de la di­ que je gère la coupe des arbres et la tes, papayes, poivrons, mangues, Une petite victoire de l’homme
suivant la zone côtière des Niayes. rection des Eaux et forêts du minis­ vente des stères, destinées à la pommes de terre, et même oran­ sur les éléments qu’il savoure en
Résistant, cet arbre tropical est ca­ tère », explique le militant, qui re­ chauffe ou la scierie », explique­ ges et citrons grâce au forage de regardant en direction de la mer.
pable de stopper la désertifica­ fuse que ce travail passe aux t­il. Les revenus ainsi dégagés 12 mètres creusé pour répondre à Car le défi perdure, il le sait. 
tion parce qu’il tolère les sols sa­ mains d’acteurs économiques reviennent à l’Union forestière, la sécheresse. « Nous avons diversi­ théa ollivier
IDÉES
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38 | MERCREDI 17 JUIN 2020

Hervé Le Bras
Statistiques ethniques : au lieu
de combattre le mal, on le renforce
Identifier les personnes selon leurs origines

I
nspirée sans doute par les événements ré­ accentuerait le repli communautaire, estime le faut­il prêter une grande attention à la
cents, la porte­parole du gouvernement, lecture des statistiques américaines. La
Sibeth Ndiaye, propose dans une tribune démographe, qui répond à Sibeth Ndiaye. La porte­ rubrique Whites (« Blancs ») est en général
au Monde (le 14 et 15 juin) de « poser le dé­ parole du gouvernement avait, dans une tribune au indiquée par « Whites only non hispanic »,
bat autour des statistiques ethniques ». L’in­ c’est­à­dire les seules personnes ayant coché
tention n’est pas neuve. Lorsqu’il était prési­ « Monde », soulevé la possibilité de rouvrir ce débat uniquement la case White à l’exception de
dent de la République, Nicolas Sarkozy avait toute autre case qui les condamnerait à être
eu la même idée. Il avait mis en place, éjectées de cette catégorie, soit donc l’appli­
en 2009, une commission pour étudier le cation de la « one­drop rule ».
bien­fondé de l’instauration de statistiques Face à ces difficultés, le rapport du Comedd
ethniques en France, le comité pour la me­ Fabien Jobard et René Lévy sur les contrôles versité, à l’instar du recensement russe qui préconisait de poser la question du « ressenti
sure et l’évaluation de la diversité et des dis­ de police au faciès (parue dans Questions reconnaît 193 « nationalités » différentes, soit d’appartenance », autrement dit, à quelle
criminations (Comedd), dont le rapport (pu­ pénales en janvier 2010). Il existe de nom­ on simplifie arbitrairement, comme au Brésil appartenance ethnique la personne s’identi­
blié en février 2010) est disponible. Comme breuses études de cette nature et d’abondan­ où l’on distingue seulement cinq catégories : fiait. Cela ne lève pas le problème de nomen­
cette commission comptait peu de spécialis­ tes données, par exemple celles de l’échan­ brancos (« Blancs »), pardos (« métis »), pretos clature qui vient d’être discuté, cela le ren­
tes du sujet, une contre­commission de cher­ tillon démographique permanent auquel les (« Noirs »), indigenas (« Indiens »), amarelos force même, car il faudrait ensuite regrouper
cheurs et d’universitaires, la commission al­ chercheurs ont facilement accès. (« Jaunes »). Mais il en résulte une source per­ en quelques catégories tous ces ressentis.
ternative de réflexion sur les « statistiques Le refus d’identifier les personnes par une manente de conflit, les métis étant revendi­ Surtout, il est difficile de faire reposer des
ethniques » et les discriminations (Carced), appartenance ethnique a une raison simple : qués à la fois par les Blancs et les Noirs. Les obligations légales, destinées par exemple à
avait vu le jour. Son rapport a été publié sous au lieu de combattre le mal, on le renforce, Noirs et les Blancs eux­mêmes ne forment lutter contre la discrimination, sur le seul
le titre Le Retour de la race (L’Aube, 2009). chacun se retranchant dans son groupe eth­ pas deux groupes homogènes. ressenti dont on sait qu’il s’éloigne beaucoup
nique ou racial en s’identifiant à lui. On croit Quant aux métis, leur couleur de peau varie des faits dans de nombreux domaines.
Autorisées pour certaines recherches pouvoir lutter de cette manière contre les continûment du plus clair au plus foncé, sans Ces difficultés que l’on vient de passer en
En réalité, les deux rapports sont moins op­ discriminations alors qu’on renforce les ap­ compter des nuances jaunes ou cuivrées (les revue n’avaient pas échappé aux deux com­
posés qu’on aurait pu l’imaginer. Tous deux partenances communautaires, au lieu colonisateurs français distinguaient trois ra­ missions rappelées au début de cette
tombent d’accord pour proscrire l’utilisation d’œuvrer pour l’universalisme. Kenneth ces au Sénégal : les Arabes, les Noirs et les tribune, comme elles s’imposeraient à toute
de catégories ethniques ou raciales dans les Prewitt, ancien directeur du Census Bureau « Rouges », en fait les Peuls). Les personnes nouvelle initiative en la matière. La situa­
recensements et les actes d’état civil, mais (l’Insee américain), a largement développé concernées sont parfaitement conscientes de tion avait d’ailleurs été difficile pour le
proposent de continuer à les autoriser dans ce thème dans son ouvrage What is « Your » ces nuances. Ainsi, aux Antilles, l’anthropolo­ Comedd qui, après avoir annoncé son
les travaux de recherche précis. Ainsi, du re­ Race ? (Princeton University Press, 2013, non gue Jean­Luc Bonniol a recensé 27 termes dif­ rapport pour le mois de juin 2009, l’avait
cueil des noms et prénoms dans les CV dépo­ traduit). Ce sont d’ailleurs les grands pays où férents pour désigner la couleur de la peau. reporté de proche en proche, jusqu’à être
sés pour accéder à un emploi. Autre exemple, les statistiques ethno­raciales existent qui court­circuité en octobre 2009 par une autre
la remarquable enquête des sociologues souffrent le plus de discriminations et de Comment catégoriser les origines mixtes ? initiative de Sarkozy, son « grand débat sur
communautarisme : les Etats­Unis, le Brésil, La mixité des origines est sans doute la plus l’identité nationale », une illustration du
l’Afrique du Sud, notamment. grande difficulté à laquelle une nomencla­ retour de balancier évoqué plus haut à pro­
En outre, en « nommant » les races, comme ture des appartenances est confrontée, de par pos des « Blancs » : si l’on recourt à des
le recommande Sibeth Ndiaye, on nomme la mixité des unions sur un grand nombre de appartenances ethno­raciales, des « Blancs »
aussi inévitablement les « Blancs ». On fa­ générations. En France, où ces unions sont y figurent, et il faut flatter leur clientèle en
vorise la constitution de groupes supréma­ très fréquentes, le problème est encore plus parlant d’identité. 
PLUTÔT QUE DE cistes blancs et on encourage la crainte d’un aigu qu’en Afrique du Sud ou qu’aux Etats­
imaginaire « grand remplacement ». Plutôt Unis qui ont autorisé la déclaration de plu­
« NOMMER », LA que de « nommer », la porte­parole devrait sieurs appartenances (jusqu’à six, l’une eth­
PORTE-PAROLE DEVRAIT proposer d’« agir », par exemple, d’encadrer nique, hispanique ou non, et les cinq autres,
enfin les contrôles au faciès, source d’hu­ raciales), soit 64 combinaisons possibles.
PROPOSER D’« AGIR », miliations profondes et durables, en échange C’est bien sûr un trompe­l’œil car, dans les Hervé Le Bras est démographe,
de résultats insignifiants. tableaux statistiques, ces différentes combi­ spécialiste des migrations, chercheur émé-
PAR EXEMPLE, La nomenclature utilisée pour assigner les naisons sont regroupées dans les six élé­ rite à l’Institut national d’études
D’ENCADRER ENFIN LES individus à des races et à des ethnies soulève ments de départ selon le principe de la « one démographiques (INED) et historien
une autre grave difficulté des statistiques drop of blood rule » (une seule goutte de sang à l’Ecole des hautes études en sciences
CONTRÔLES AU FACIÈS ethno­raciales. Soit l’on admet une grande di­ non blanc fait de vous un non­Blanc). Ainsi sociales (EHESS)

Jean-Clément Martin Le racisme ne trouvera


aucune résolution par l’emploi de gadgets bricolés
L’historien réagit à la proposition de Jean­Marc Ayrault, l’esclavage colonial dans notre Faut­il instituer un permis d’éternité 1831] pour stigmatiser la radicalisation
droit, sachant que c’est son fils qui à points en soumettant les personnali­ des sans­culottes. L’exemple est à mé­
président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, a terminé la rédaction de cet édit ? tés du passé à un examen en oppres­ diter et sa répétition, à éviter.
de rebaptiser les lieux portant le nom de Colbert A propos de Colbert, la démarche de sion et en injustice ? Le roi des Belges, Pour reprendre une formule du
débaptiser les lieux qui portent son propriétaire d’un Congo où les atrocités poète et résistant René Char [1907­
nom est d’autant plus hasardeuse ont été innombrables, a peu de chances 1988], « notre héritage n’est précédé
ENTRETIEN imposant leurs choix au gré de leurs qu’elle s’inscrit dans une querelle déjà de réussir et je ne serai pas son défen­ d’aucun testament », qu’il faille faire le

S
emportements, même les plus légiti­ ouverte depuis plusieurs années par le seur. Mais on ne peut pas se contenter tri est indispensable pour jeter les
pécialiste de la Révolution fran­ mes. La précipitation politique est tou­ Conseil représentatif des associations de parler en termes imprécis d’oppres­ vieilleries léguées par les générations
çaise, Jean­Clément Martin est jours mauvaise conseillère, surtout noires de France (CRAN). En 2017, sion, ou de les examiner dans le seul re­ défuntes ; jeter tout sur le bûcher n’évi­
professeur émérite à l’univer­ quand il s’agit de jeter untel dans les Christiane Taubira avait déjà estimé le gistre des relations entre groupes hu­ tera pas que les souvenirs des trauma­
sité de Paris­I­Panthéon­Sor­ poubelles de l’histoire ou d’installer débat simpliste. On rappellera au pas­ mains « diversifiés ». Depuis des décen­ tismes et des querelles continuent de
bonne. Ancien directeur de l’Institut tel autre dans une posture héroïque. sage que l’interprétation de la création nies, une partie de la droite française jouer, d’autant plus que nous n’aurons
d’histoire de la Révolution française, il Les exemples abondent des souve­ et de l’application du Code noir de­ demande à l’Assemblée de supprimer plus les mots pour en parler.
a consacré de nombreux ouvrages à la rains qui, de l’Egypte antique à l’URSS, meure toujours discutée et qu’il est à l’inscription du nom du général Tur­ Le racisme ne trouvera aucune réso­
Révolution française, à la contre­révo­ ont martelé les noms de prédéces­ tout le moins illogique d’imputer au reau (commandant en 1794 les troupes lution par l’emploi de gadgets bricolés
lution ainsi qu’à la mémoire de cette seurs ou de rivaux, et de meneurs qui, seul Colbert la responsabilité des atro­ révolutionnaires en Vendée) sur l’Arc de pour répondre aux exigences des uns
période. Il réagit à la tribune du prési­ notamment pendant la Révolution cités liées à la traite et à l’esclavage, Triomphe. Qui va statuer et pour quoi ? et des autres. Le bricolage ne pourra
dent de la Fondation pour la mémoire française, ont promu dans l’urgence quand il voulait les encadrer. Sur de La France révolutionnaire avait été même qu’encourager les surenchères
de l’esclavage, Jean­Marc Ayrault, pu­ des personnages mal connus à des pareilles bases d’interprétation, nous confrontée à ce genre de situations. et les dérives démagogiques, dont on
bliée dans Le Monde des 14 et 15 juin, hauteurs imméritées. avons à craindre dans quelques décen­ Les tombeaux des rois avaient été dé­ ne sortira que par des coups de force et
proposant de débaptiser une salle de Peu de « grands hommes » vont être nies le jugement des générations à ve­ truits dans la basilique de Saint­Denis des décisions à l’emporte­pièce prises
l’Assemblée nationale portant le nom épargnés si leur implication dans la nir sur nos lois protégeant maladroite­ et leurs restes, profanés. Mais dans le par un souverain capricieux et irres­
de Colbert. traite, l’esclavage ou la discrimination ment les équilibres politiques, sociaux même temps, des reliques étaient en­ ponsable. Comme dans d’autres do­
est mise sur le tapis. Que faire de Napo­ et écologiques de notre pays et du trées dans le musée national, désacra­ maines où la gestion politique a été in­
Que pensez­vous de la proposition léon, de tous les républicains de la monde ! lisant les objets et les souvenirs, pour certaine, il est urgent d’investir des
de Jean­Marc Ayrault de débaptiser IIIe République, des premiers prési­ éviter leur disparition et la perte d’un commissions reconnues de personna­
des lieux portant le nom dents des Etats­ Unis, même de Vol­ Déboulonner des symboles passé proprement inoubliable. lités afin de définir publiquement,
de Colbert ? taire et de tant d’autres ? d’oppression et les remplacer Aujourd’hui encore, nous parlons né­ contradictoirement et lentement la
Avant de parler d’un cas particulier, par d’autres associés à la mémoire gativement du « vandalisme » pour gestion de notre mémoire avant ap­
il convient de parler de la méthode. La Le nom de Jean­Baptiste Colbert des luttes peut­il aider à traiter qualifier des destructions condamna­ probation par les élus. 
mémoire nationale ne peut pas être est­il indissociable du souvenir le racisme à la racine et à dépasser bles, en utilisant le mot créé par l’abbé propos recueillis par
l’apanage de groupes ou d’individus du Code noir, qui a fait entrer les blessures du passé ? Grégoire [prêtre antiesclavagiste, 1750­ antoine flandrin
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MERCREDI 17 JUIN 2020 idées | 39

Claire Cosquer Le « privilège blanc »


est inséparable du racisme
L
e racisme peut­il exister sans faire de La sociologue estime que l’expression, qui repose devenue célèbre d’habitus, forgée par
« privilégiés » ? Le racisme est un sys­ Pierre Bourdieu, permet de mettre en évi­
tème de hiérarchies sociales entre sur des avantages parfois peu perceptibles pour dence que les inégalités de classe se repro­
les personnes, positionnées selon la ses bénéficiaires, n’est pas dénuée de pertinence duisent aussi au travers de pratiques, de
façon dont elles sont perçues et rattachées goûts ou encore de comportements diffé­
à une supposée hérédité. Il se traduit con­ pour penser le contexte français renciés et inégalement valorisés. Les scien­
crètement par un système d’avantages et ces sociales investissent aujourd’hui ce
de désavantages, formant un immense ice­ concept d’habitus, parmi d’autres outils
berg dont les discriminations, la violence analytiques, pour comprendre comment
physique et verbale à caractère racial ne tier, ne pas avoir à éduquer ses enfants en une inégalité révolue : les violences poli­ les inégalités raciales perdurent bien après
sont que la partie émergée. leur apprenant à se protéger du racisme… cières, les discriminations à l’embauche, leur abolition en droit. L’expression de
L’expression « privilège blanc », propul­ Apparue outre­Atlantique, l’expression au logement ou devant la justice sont les « privilège blanc », finalement assez peu
sée de nouveau sur le devant de la scène de « privilège blanc » n’est pas dénuée de expressions les mieux connues du ra­ employée en sciences sociales, se révèle
médiatique par les manifestations récen­ pertinence pour penser le contexte fran­ cisme. Elles suffisent à définir un « privi­ moins exigeante que les concepts de do­
tes contre le racisme et les violences poli­ çais. Certes, les Etats­Unis et la France ont lège blanc » à la française : subir moins de mination blanche ou d’habitus blanc, qui
cières, désigne l’ensemble des avantages des histoires différentes. Les Etats­Unis contrôles policiers, par ailleurs moins vio­ cristallisent les pistes de recherche les plus
sociaux dont bénéficient les personnes forment une colonie de peuplement struc­ lents, ne pas se voir refuser un emploi ou dynamiques.
qui ne sont pas les cibles du racisme. Elle turée sur son sol même par l’esclavage, où un logement en raison de sa couleur de Loin de culpabiliser les personnes blan­
souligne que le racisme relève d’un rap­ la ségrégation raciale n’a été abolie en peau ou de son origine, réelle ou supposée. ches, l’expression de « privilège blanc »
port social, c’est­à­dire d’une relation entre droit qu’en 1968. Mais la France, détentrice Ces privilèges reposent, en France com­ permet plutôt de reconnaître à peu de frais
groupes sociaux : là où certains sont désa­ de l’un des plus grands empires coloniaux me aux Etats­Unis, sur un continuum du certains avantages, sans engager d’intros­
vantagés, d’autres sont au contraire avan­ au monde, dont l’« outre­mer » représente racisme qui relève aussi de ces « petites pection potentiellement plus douloureuse
tagés par les hiérarchies sociales. L’exis­ aujourd’hui les dernières miettes, a aussi choses du quotidien », des avantages par­ sur les comportements et les modes de
tence d’inégalités suppose donc, en toute construit sa richesse sur la division raciale fois peu perceptibles qui vont des sous­vê­ pensée qui maintiennent le racisme con­
logique, l’existence de privilèges. Dès lors, du monde et des échanges. tements couleur « chair » conçus pour des temporain. Si elle est imparfaite, elle con­
dire que le « privilège blanc » n’existe pas Napoléon, héros national acclamé, a réta­ peaux peu pigmentées au fait de n’être que tribue cependant à la compréhension du
en France revient de façon rigoureuse­ bli l’esclavage en 1802, et une statue de très rarement la seule personne blanche racisme comme une relation inégale entre
ment identique à affirmer que le racisme Jean­Baptiste Colbert, auteur du Code noir, dans la salle. groupes sociaux, là où le discours public
n’existe pas en France. Prétendre que seul trône devant le Palais­Bourbon. L’enco­ est volontiers d’ordre humanitaire, identi­
le second existe traduit soit une lecture dage racial du patrimoine national n’est Domination et habitus fiant des victimes et des discriminations
très partiale de l’expression « privilège pas qu’un héritage symbolique rappelant L’expression « privilège blanc » a certes mais passant sous silence les bénéfices et
blanc », par exemple en la réduisant à un des limites. Elle tend à consolider une les bénéficiaires. Les réactions particuliè­
privilège en droit, soit une compréhension image très statique des positions sociales : rement défensives qu’elle suscite, mécon­
très restrictive du racisme, soit les deux. on serait ainsi ce que l’on détient, en ma­ naissant souvent sa définition même, il­
Trouvant son origine dans les luttes des tière de ressources, de capitaux et d’avan­ lustrent une réticence aiguë à penser les
militants antiracistes et anticolonialistes, tages, moins ce que l’on fait et ce que l’on deux côtés de cette relation inégale. 
l’expression de « privilège blanc » a été po­ reproduit, d’une façon consciente ou in­
pularisée par le texte de la chercheuse état­ LES VIOLENCES consciente. L’approche en matière de pri­
sunienne Peggy McIntosh White Privilege. vilèges est à bien des égards moins riche
Unpacking the Invisible Knapsack, publié
POLICIÈRES, que l’approche en matière de domination.
en 1989. McIntosh y énumère des « petites LES DISCRIMINATIONS A titre de comparaison, on peut plus ou
choses du quotidien » qui relèvent de l’évi­ moins rapidement faire le tour des « privi­ Claire Cosquer est sociologue, chargée
dence pour une personne blanche mais SUFFISENT lèges » de classe en les définissant par les d’études à l’Institut Convergences
peuvent être problématiques, sinon im­ revenus, les patrimoines, les statuts socio­ Migrations et chercheuse associée
possibles, pour les autres : allumer la télé­ À DÉFINIR UN professionnels. à l’Observatoire sociologique
vision et y voir des personnes auxquelles il « PRIVILÈGE BLANC » L’approche en matière de domination du changement. Elle est spécialiste
est facile de s’identifier, déménager sans se amène à explorer un niveau beaucoup des « expatriations » et de la construction
soucier de l’accueil dans un nouveau quar­ À LA FRANÇAISE plus fin des hiérarchies sociales : la notion transnationale des identités blanches

Cloé Korman Le 27 mai, le meurtre de George Floyd aux


Etats­Unis est filmé en direct par une jeune
femme, Darnella Fraser, qui, n’osant pas
mique de la société : « les privilégiés »,
c’est un mot pour désigner les riches, et il
n’est pas question de perdre de vue cette
le sont. Ceux qui sont « avantagés », ceux
qui connaissent le goût de la chance :
cette idée que des choses heureuses ou

Derrière l’expression,
s’interposer devant les policiers armés, dé­ structuration­là des rapports de force qui normales arrivent par hasard, en dehors
cide d’enregistrer la scène sur son télé­ multiplient ou qui réduisent les possi­ d’un effort considérable de la volonté, et
phone. La croyance dans les faits, excep­ bles de nos existences. sans trop se poser la question de plaire
tionnellement, ne repose pas sur les mots Disant cela, j’admets l’utilité de cette ex­ ou de déplaire. Car contrairement à ce

un fait social
des témoins, mais sur des images. C’est l’oc­ pression, car je n’admets pas que l’on que nous enseignent les manuels d’auto­
casion d’une brèche dans la prise de con­ gomme certaines réalités. Celle­ci nous assistance, il n’y a pas toujours de bon­
naissance mondiale des violences policiè­ vient des sciences sociales : le « privilège heur à se sentir l’auteur de son succès,
res – mais pour croire ce qu’on avait sous blanc » (« White privilege ») est une expres­ de sa progression dans la société – il y a de
les yeux et qui dépassait l’entendement, sion importée des Etats­Unis, popularisée la colère, aussi, à devoir être en perma­
La romancière estime qu’il est difficile d’attaquer nous avions en mémoire tout ce qu’il y par les militants des « civil rights », qui évo­ nence sur ses gardes, à ne pas pouvoir
avait avant et qui étaient surtout des mots, quaient alors le « White skin privilege », et laisser faire le destin.
le terme « privilège blanc » dans la mesure où des milliers de témoignages de lassitude et conceptualisée par la féministe Peggy J’ai des doutes sur les raisons d’attaquer
il reflète des préjudices qui existent déjà de désespoirs accumulés – et nous som­ McIntosh dans un texte de 1989. Cela nous l’expression « privilège blanc ». Cela rap­
mes entrés dans un moment historique. vient des Etats­Unis, et alors ? Le mouve­ pelle de sombres hypocrisies sur le mot
Pourtant, la suite à donner à notre peine, ment antiraciste qui se déploie en ce mo­ « race » qui, comme elle n’est pas censée

I
à notre colère, dépend à nouveau du lan­ ment avec tant de force part aussi des exister d’un point de vue éthique, ne de­
l existe des lieux aveugles, où on ne gage et de la confiance donnée dans la pa­ Etats­Unis. En outre, l’histoire de l’oppres­ vrait pas exister comme mot, alors que
saura jamais exactement ce qui se role de chacun, à égalité. Parler sans sion des Noirs aux Etats­Unis, le passé es­ le racisme existe en tant que violence.
passe. Les coups qui s’abattent, les pré­ crainte d’être moqué, dénigré, et recevoir clavagiste se nouent au XVIIe siècle en Cela rappelle d’autres débats récents sur
jugés qui ne se disent pas, les insultes la confiance de son auditoire – qui ne veut grande harmonie avec la France, qui fait l’émergence de certains vocables mili­
qui s’échangent – la connaissance de ces pas dire la crédulité mais, a minima, le pré­ de la traite un élément structurant de son tants comme « racisés » ou « féminici­
choses­là, ensuite, ce sera parole contre jugé favorable qui permet d’engager la dis­ essor économique. des », accusés d’isoler des minorités, alors
parole. Ainsi de certains commissariats et cussion – est une chance, un atout, peut­ Nous vivons l’histoire sociale et raciale qu’ils ne font que rendre visibles, officiels,
gendarmeries d’où certaines personnes être un de nos biens les plus précieux. en miroir depuis bien longtemps, avec les des préjudices qui existent déjà. Les mots
interpellées ne sortent pas vivantes. Ainsi Etats­Unis. En traversant l’Atlantique, le ont un cheminement, une vitalité et une
de certains lieux à ciel ouvert où des con­ Nommer le groupe non discriminé mot « privilège » peut être mal pris dans le raison que connaissent le mieux ceux qui
trôles d’identité infondés tournent mal et Certains diront : un privilège, voire le contexte français car nous avons fait 1789 les emploient. Ne pas accepter certains
NE PAS ACCEPTER font également des victimes. Mais aussi
de certains immeubles où l’on visite des
« privilège blanc ». Cette expression a été
violemment critiquée pour son caractère
et l’abolition des privilèges : le terme ren­
voie à une supériorité qui était institu­
mots peut aussi signifier ne pas vouloir
entendre ceux qui les ont choisis, ceux
CERTAINS MOTS appartements à vendre ou à louer, des bu­ belliqueux, pour la constitution d’une tionnalisée, légale. Mais nul ne prétend qui les prononcent, pour parler de la réa­
reaux où on passe des entretiens d’em­ culpabilité là où ne se trouve que l’exer­ que le terme « privilège blanc » servirait à lité de ce qu’ils vivent. Et c’est précisé­
PEUT SIGNIFIER bauche, sans suite – tant de lieux où se cice d’un droit. Elle impose des affects stigmatiser les personnes blanches parce ment ce refus d’écouter, de croire, auquel
jouent des moments cruciaux et où honteux à ceux qui sont « privilégiés », qu’elles auraient des droits supérieurs par il est temps de mettre fin. 
NE PAS VOULOIR l’arbitraire peut régner sans contrôle. S’il alors que la lutte antiraciste implique la décision de l’Etat. Il désigne un fait so­
ENTENDRE CEUX y a des victimes, il faudra accepter que solidarité, la création de conditions pour cial, il s’est sécularisé. A moins qu’on ne
la preuve soit la parole, car sinon on op­ dépasser ses habitudes sociales – ainsi croie qu’« embastiller » veuille encore dé­
QUI LES ONT CHOISIS pose une violence supplémentaire aux aux Etats­Unis, en ce moment même, le signer le fait de séquestrer quelqu’un à la
victimes, celle de l’incrédulité. Etre capa­ slogan « End White Silence » (« Mettons fin Bastille (à l’Opéra ?) ou que « couper des
POUR PARLER ble de confiance dans un témoignage où au silence des Blancs ») est l’un des plus têtes » dans un conseil d’administration Cloé Korman est enseignante
DE LA RÉALITÉ il est question de vulnérabilités, de présents dans les manifestations. Enfin, je soit à ce point sanglant. en Seine-Saint-Denis et romancière,
peurs et d’humiliations est une qualité au le critiquerais pour ma part à cause du Le « privilège blanc » sert à nommer le autrice de « Tu ressembles à une juive »
DE CE QU’ILS VIVENT cœur de la démocratie. terrain qu’il prend sur une vision écono­ groupe non discriminé à côté de ceux qui (Seuil, 108 pages, 12 euros)
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40 | 0123 MERCREDI 17 JUIN 2020

FRANCE | CHRONIQUE SYRIE : 


par fr ançoi se f re ssoz
LES LIMITES 
contre de la Syrie en 2011, en réponse à la place un mécanisme de collecte et d’ana­
DES SANCTIONS 
Les cinq cents jours INTERNATIONALES
sanglante répression des manifestations
anti­Assad. La liste noire de Bruxelles re­
cense tout ce que le régime syrien compte
lyse des retombées de cette législation par­
ticulièrement agressive.
L’UE n’est pas à l’abri des critiques. Ses
d’Emmanuel Macron de tueurs, de tortionnaires, d’argentiers se­
crets et d’affairistes prédateurs. Des ban­
sanctions sectorielles et celles adoptées par
les Etats­Unis avant la loi César ont créé
ques, des entreprises et des organes étati­ « un effet paralysant ». Les acteurs écono­
ques sont aussi sous sanctions, de même miques étrangers tendent à se détourner

I
l arrive toujours un moment que des secteurs entiers, comme le pétrole, de la Syrie, du fait du surcoût financier et
dans le quinquennat où le L’ÉLABORATION  placé sous embargo. des tracas administratifs qu’entraîne la ges­
président de la République, DE LA DERNIÈRE  Pour les autorités syriennes et leurs alliés, tion d’un client potentiellement à risque.
l’homme le plus puissant du ces mesures restrictives s’apparentent à du Importer des ordinateurs ou remplacer
royaume, touche du doigt les li­ PARTIE DU MANDAT  « terrorisme d’Etat ». Américains et Euro­ les pièces détachées d’un appareil médical
mites de son pouvoir. Emmanuel péens vantent au contraire un système ciblé, peut désormais prendre des mois. Accéder
Macron en est là. Le chef de l’Etat DU PRÉSIDENT  visant les seules capacités de répression et au système bancaire international de­
sait vers quoi il veut embarquer le
pays, mais il n’est pas sûr de pou­
voir y parvenir. Ses munitions se
sont épuisées. Il doit les reconsti­
tuer vite pour ne pas ressembler à
EST AUTANT UNE 
AFFAIRE DE CAP 
QUE DE GOUVERNAIL
A lors que la guerre en Syrie touche à
sa fin, les sanctions internationales
continuent à s’empiler sur le pays.
Un nouvel arsenal punitif des Etats­Unis
doit ainsi entrer en vigueur mercredi
de financement du régime Assad, assorties
d’exemptions humanitaires. Il faut sortir de
ce débat binaire. La levée unilatérale de la to­
talité des sanctions, au motif que le régime
Assad a gagné la guerre et qu’il faut repren­
mande des trésors d’ingéniosité. Le champ
d’application des exemptions humanitai­
res est restreint au médical et à l’alimen­
taire. Il gagnerait à être étendu à la réhabili­
tation des infrastructures électriques, des
Nicolas Sarkozy, qui n’avait pu se 17 juin. Baptisées « loi César », en l’honneur dre langue avec le maître du pays, serait une écoles et des hôpitaux.
faire réélire en 2012, ou à François lorsque la popularité du premier du photographe­militaire syrien qui a ré­ faute politique. Les Occidentaux n’ont Mais, surtout, si les sanctions européen­
Hollande, qui n’est pas parvenu à ministre devient plus importante vélé les crimes perpétrés à échelle indus­ aucun intérêt à se priver de leur principal, si­ nes et américaines ont vocation a être autre
se représenter en 2017. que celle du président de la Répu­ trielle dans les geôles de Bachar Al­Assad, non unique, levier de pression sur Damas. chose qu’un réflexe pavlovien ou des incan­
L’élaboration de la dernière par­ blique, semblant lui conférer une ces sanctions dites secondaires visent non Mais il est temps de reconnaître les dé­ tations morales, elles doivent être accompa­
tie de son mandat, la préparation légitimité propre. plus seulement des Syriens, mais des per­ gâts que peuvent causer ces dispositifs bien gnées d’objectifs réalistes. Plutôt qu’exiger
des « cinq cents jours » qui le sépa­ Si le quinquennat Macron a lar­ sonnes ou des entités tierces, de toutes na­ intentionnés au sein d’une population déjà une transition politique qui n’est plus plau­
rent de la prochaine élection pré­ gement échappé au psychodrame tionalités, qui apportent un soutien au pou­ très durement éprouvée. La remarque vaut sible, Bruxelles et Washington devraient
sidentielle, comme le décompte créé par la mésentente du couple voir. Ce nouveau texte a pour but d’accroître principalement pour les Etats­Unis. Portée proposer un allégement graduel de certai­
l’ancien premier ministre, Jean­ Sarkozy/Fillon, il est néanmoins l’isolement de Damas, dans l’espoir de me­ à son paroxysme, la loi César risque de pla­ nes de leurs mesures en échange de conces­
Pierre Raffarin, dans une allusion impacté par une différentiation ner à une transition vers un Etat de droit. cer la Syrie sous un blocus économique po­ sions facilement identifiables, comme la li­
à peine voilée aux Cent­Jours de qui a été mise en lumière par le L’Union européenne, pour sa part, a re­ tentiellement tragique. Il appartient aux bération de détenus. La diplomatie, comme
Napoléon, est autant une affaire déconfinement : là où l’hôte de nouvelé le 28 mai les mesures prises à l’en­ organisations humanitaires de mettre en la politique, doit être l’art du possible. 
de cap que de gouvernail. Elle l’Elysée se rêve audacieux, disrup­
mêle intimement le projet et l’or­ tif, adversaire du gradualisme et
ganisation et comporte sa part des demi­mesures, partisan de
de risque : faut­il tout changer, y « l’effet blast », la machine Mati­
compris de premier ministre, ou gnon, peuplée de conseillers
simplement poser des rustines d’Etat, se montre beaucoup plus
sur un dispositif qui, structurelle­ prudente et tatillonne au point
ment, dysfonctionne ? de symboliser auprès de certains
Dans son livre Pour répondre à proches du président la résistance
la crise démocratique (Fayard), pu­ de ce qu’ils appellent « l’Etat pro­ présentent
blié deux ans et demi après la fin fond » au vent du changement.
de son mandat, François Hol­ A l’issue de son mandat, Fran­
lande tirait ainsi les leçons de son çois Hollande en était parvenu à
expérience : « Investi de toute la la conclusion qu’il fallait suppri­
charge et dans l’impossibilité de se mer le poste de numéro deux. Il
protéger, le président est partout n’est pas le seul à le préconiser.
et jugé responsable de tout. » Des personnalités aussi différen­
Autrement dit, l’existence du pre­ tes qu’Edouard Balladur et Lionel
mier ministre, nommé par lui, ne Jospin, qui ont tout deux exercé la
le protège aucunement des vicis­ charge de premier ministre, esti­
situdes quotidiennes. ment que, pour être efficace et
Lorsque, mardi 2 juin, plus de rester légitime, le pouvoir exécu­
20 000 manifestants se retrou­ tif doit désormais être unifié.
vent devant le palais de justice de
Paris et réclament justice pour Bousculer les administrations
Adama Traoré, mort à 24 ans à la Mais à ce stade du quinquennat et LE SALON DES MBA & EXECUTIVE MASTERS
suite d’une interpellation mus­ vu les difficultés du moment, Em­
clée, c’est vers Emmanuel Macron
que se tourne sa sœur, Assa. Lors­
manuel Macron n’a plus guère le
temps de se poser la question. Il
11e édition
que, jeudi 11 juin, des policiers en doit simplement jauger s’il est
colère déposent leurs menottes plus risqué pour lui de continuer
parce qu’ils s’estiment lâchés par
le ministre de l’intérieur, Christo­
avec Edouard Philippe que de
nommer un nouveau premier 19 et 20 juin 2020
phe Castaner, c’est au chef de l’Etat ministre. Dans le premier cas, il

2 JOURS EN LIVE
qu’ils adressent leur complainte. profite de tout ce que lui a ap­
Et quand des professions entières porté son premier ministre, no­
s’irritent des lenteurs du déconfi­ tamment une fraction non négli­
nement, c’est encore vers lui qu’el­ geable de l’électorat de droite mo­
les dirigent leurs suppliques.
Depuis l’instauration du quin­
dérée, mais doit, en retour, com­
poser avec sa part de prudence.
40 webinars et Masterclass présentés
quennat et l’inversion du calen­ Dans le second cas, il tente de ré­ par les directeurs de programmes
drier électoral, quelque chose cupérer l’intégralité du pouvoir
s’est déréglé dans le fonctionne­ pour revenir aux sources de sa d’établissements les plus reconnus
ment institutionnel : on s’adresse campagne présidentielle de 2017,
au président de la République qui était axée sur le couple li­
quotidiennement comme si tout berté/responsabilité et la lutte 3 conférences animées par
procédait de lui et que lui seul dé­
cidait. Or, s’il a effectivement la
contre les corporatismes.
L’enjeu se pose avec d’autant des journalistes du Monde
capacité d’impulser, le chef de plus d’acuité que des failles béan­
l’Etat n’a pas la main sur la ma­ tes sont apparues dans le fonc­
chine administrative. C’est à Ma­ tionnement de l’Etat à l’occasion
tignon que se tiennent les réu­ de l’épidémie de Covid­19 et que
nions ministérielles, là aussi que, le président de la République n’a
sous le contrôle du secrétariat gé­ pas renoncé à bousculer les ad­
néral du gouvernement, les pro­ ministrations et la haute fonc­
jets de loi s’élaborent. tion publique. Dimanche 14 juin,
Au début du mandat, le pouvoir il s’est de nouveau prononcé
présidentiel est tellement boosté pour l’octroi de libertés et de res­
par l’élection au suffrage univer­ ponsabilités nouvelles aux « hô­
sel direct que la coexistence des pitaux, universités, entrepreneurs,
deux maisons ne se voit pas. Mais maires et beaucoup d’autres ac­
pour peu que les difficultés sur­ teurs essentiels ».
gissent, le caractère bicéphale de « Si je ne fais pas tout dans cette
l’exécutif apparaît au grand jour. maison France, rien ne marche »,
Des irritations apparaissent alors, s’était irrité Nicolas Sarkozy tout
qui peuvent devenir un problème au long de son mandat. Lui
aussi avait cruellement éprouvé
cette sorte d’impuissance que
MACRON DOIT JAUGER  tout occupant de l’Elysée ressent
face à la résistance de la machine
S’IL EST PLUS RISQUÉ  administrative. Mais lorsque, en
POUR LUI DE CONTINUER  2010, l’homme de la rupture
s’était demandé s’il devait garder
AVEC ÉDOUARD  François Fillon à Matignon ou y
nommer Jean­Louis Borloo, il
PHILIPPE QUE DE  avait opté pour la continuité.
NOMMER UN NOUVEAU  Maintes fois proclamée, la dis­ INFOS & INSCRIPTIONS : MBAFAIR-LEMONDE.COM
ruption n’avait pas résisté à
PREMIER MINISTRE l’épreuve du pouvoir. 

Tirage du Monde daté mardi 16 juin : 132 255 exemplaires

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