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XAVIER LISSILLOUR

La France des « îlots » de résistance


intellectuelle, politique et spirituelle
Par Nicolas Truong

Publié le 13 décembre 2019 à 04h30 - Mis à jour le 14 décembre 2019 à 16h12

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ENQUÊTE | Des hameaux, des villages, même des jardins sont


créés, occupés ou régénérés par des hommes et des femmes qui
ont voulu réaliser en pratique ce qu’ils défendaient en théorie.

Penser sa vie, mais aussi vivre sa pensée. Investir collectivement des lieux
afin de mener des vies accordées à ses idées. Réaliser en pratique ce que
l’on défend en théorie. Partout en France s’inventent des formes de vie qui
cherchent à échapper à l’individualisme, au consumérisme et à résister au
fatalisme. De Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) au plateau de
Millevaches, de la commune de Trémargat (Côtes-d’Armor) à la
communauté de Longo Maï, des catholiques décroissants de La Bénisson-
Dieu (Loire) aux « ingouvernables » de Tarnac (Corrèze) et d’Eymoutiers
(Haute-Vienne), un archipel d’oasis dessine une France des contre-sociétés.

De Tera à Malhaussette, en passant par le quartier des Lentillères à Dijon,


des hameaux, des villages, des jardins sont investis, créés, occupés ou
régénérés par une frange grandissante de la société. « Tous les jeunes que je
rencontre souhaitent vivre une telle expérience de vie », observe le
philosophe Dominique Bourg, directeur de la rédaction de La Pensée
écologique. « C’est un mouvement profond, une manière d’inventer
collectivement d’autres manières de vivre dans un monde abîmé », constate
l’essayiste Marielle Macé, auteure de Nos cabanes (Verdier, 128 pages,
6,50 euros).

« Avant, c’était dur mais “facile” : il fallait s’opposer à la


bétonisation et à la destruction du bocage. C’est
aujourd’hui que l’on construit », indique Alessandro
Pignocchi
La Zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes est, bien sûr, l’un des
emblèmes de ces nouveaux territoires occupés. Deux ans après l’abandon
du projet d’aéroport, il ne s’agit plus d’être contre, mais pour. Et d’inventer
un avenir dans un dispositif désormais encadré par l’Etat, « sans pour
autant être récupéré », explique Antonin, architecte et zadiste installé près
de la bibliothèque écolo-libertaire de la Rolandière. « Avant, c’était dur
mais “facile” : il fallait s’opposer à la bétonisation et à la destruction du
bocage. C’est aujourd’hui que l’on construit », abonde Alessandro
Pignocchi, chercheur en sciences cognitives et auteur de La Recomposition
des mondes (Seuil, 128 pages, 15 euros), BD en forme d’« ethnologie [de la
ZAD] à fleur de pinceau », comme le dit l’écrivain Alain Damasio.

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Alessandro Pignocchi : « A peine arrivé à Notre-Dame-des-Landes, j’ai été fasciné par


ce qui s’y jouait »

Mais tous affirment que l’opposition était déjà une proposition. « On s’est
opposé à un projet aberrant pour défendre d’autres formes de vie »,
explique Nicolas, installé dans la ZAD depuis dix ans. Une vie « soustraite
au règne de l’économie », dit-on ici. Une vie qui ne séparerait plus nature et
culture. « Un univers unique, un cosmos local », où l’on se retrouve « très
vite maillé aux luttes et au territoire parce que tout y est horizontal, sans
hiérarchie, ouvert à la contribution de quiconque veut donner la main »,
poursuit Damasio. Non pas une communauté, explique Antonin, mais un
maillage de collectifs « de paysans et d’anarchistes, de viandards et de
militants antispécistes, d’éleveurs et de squatteurs, de décroissants et de
néoruraux ».

Il ne faudra pourtant pas transformer Notre-Dame-des-Landes en


wonderful land. En raison de la précarité d’installations toujours menacées
de destruction, la vie y est souvent âpre. Et les débats font rage. La ZAD est
de destruction, la vie y est souvent âpre. Et les débats font rage. La ZAD est
à un tournant. D’autant que la rédaction du prochain Plan local
d’urbanisme intercommunal (PLUI) focalise l’attention. L’idée consiste
donc à gagner, sur le terrain juridique, le droit de construire de l’habitat
léger sur des terres agricoles, de préserver des communs, malgré l’accès à
la propriété d’une partie des zadistes sortis de l’illégalité. « La ZAD est une
terre de conflictualité », résume Antonin.

« Une école de la vie »


Installé dans la ferme des Fosses noires, Baptiste refuse d’opposer « les
méchants zadistes légalistes aux gentils anarchistes victimisés ». Lui a
rempli le formulaire qui permet d’être déclaré à la préfecture et, comme
beaucoup, « couvre » des constructions illégales d’autres zadistes, mais
estime que « tout le monde ne joue pas le jeu de la coopération ». Cela dit,
reconnaît-il, la ZAD est « une école de la vie. C’est plus compliqué de vivre en
collectif, mais plus excitant aussi ». Comme le résument les Considérations
sur la victoire (et ses conséquences) depuis la ZAD de Notre-Dame-des-
Landes, une brochure diffusée dans le bocage à l’été 2019, « il s’agit
désormais de ne pas perdre la victoire ».

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Dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le casse-tête de l’attribution des terres

D’autant que les intellectuels anticapitalistes s’écharpent sur la pertinence


du zadisme. « Grand soir » contre « archipels », « salaire à vie » contre
« oasis » ; « communisme » contre « communalisme », « néoléninisme »
contre « gauchisme » : le clivage est profond entre ceux qui rêvent d’un
soulèvement de masse, comme l’acte IV du mouvement des « gilets
jaunes », le 8 décembre 2018, a pu le laisser entrevoir, et ceux qui parient
sur la prolifération des communes autogérées.
Ce débat eut lieu notamment cet été à Eymoutiers, lors d’un échange entre
l’écrivain Alain Damasio et le philosophe Frédéric Lordon. Dans le cadre du
festival Les Ecrits d’août, créé à l’initiative du romancier, traducteur et
éditeur Serge Quadruppani, l’auteur des Furtifs (La Volte, 704 pages,
25 euros) plaida pour la stratégie des « îlots » de résistance, alors que le
contributeur du Monde diplomatique refusait de reléguer le grand soir
« dans les tombeaux de l’histoire ». Le premier défendant le principe des
ZAD, le second lui préférant l’expérience de Lip, l’usine horlogère occupée
et autogérée par ses salariés en 1973.

Dans Vivre sans ? Institutions, police, travail, argent… (La Fabrique,


304 pages, 14 euros), Frédéric Lordon enfonce le clou. Car tout
anticapitaliste peut-il être zadiste ? Confronté au même dilemme que
George Orwell qui, dans Le Quai de Wigan (1937), reconnaissait n’avoir
« pas envie de revenir à un mode de vie plus simple, plus dur, plus fruste et
probablement fondé sur le travail de la terre », mais qui, dans le même
temps, désirait l’avènement d’« une civilisation où le “progrès” ne se
définirait pas par la création d’un monde douillet à l’usage de petits
hommes grassouillets », Frédéric Lordon estime qu’avec un goût du
confort largement diffusé dans les corps, « le capitalisme nous a attrapés
en nous dorlotant ». Ainsi, poursuit-il, « si la seule proposition désirante en
face est de type ZAD généralisée, ça ne va pas être facile… »

Ici, on invente des rituels, on ne fait pas fi de la question du


spirituel. A la manière de ces « offrandes » faites aux arbres

Alessandro Pignocchi refuse cette « vision caricaturale » de la ZAD selon


laquelle ses habitants ne feraient que « patauger dans la boue ». Et fustige
« l’économisme » d’une partie de la gauche radicale. Car ici, on invente des
rituels, on ne fait pas fi de la question du spirituel. A la manière de ces
« offrandes » faites aux arbres, inspirées du modèle animiste des Indiens
« offrandes » faites aux arbres, inspirées du modèle animiste des Indiens

d’Amazonie pour qui les animaux et les plantes sont des sujets, avec
lesquels on interagit, et non des objets, que l’on protège ou exploite,
comme c’est le cas chez nous. Des cérémonies conduites « au second degré,
sans verser dans aucune forme de mysticisme », précise Alessandro
Pignocchi.

Le « désert de l’individualisme contemporain »


Conjuguer le naturel et le spirituel, l’esprit des lieux et le religieux, les
membres de l’éco-hameau de La Bénisson-Dieu en ont fait leur profession
de foi. Installés depuis l’été 2019 avec deux autres couples dans la Ferme
des anges, reliée au réseau Colibris de Pierre Rabhi, la philosophe
Marianne Durano et l’essayiste Gaultier Bès, tous deux mariés et membres
de la revue Limite, ont choisi d’échapper au « désert de l’individualisme
contemporain ».

Huit familles catholiques et décroissantes ont investi ce village, dominé


par une abbaye cistercienne à l’éclatante toiture bourguignonne et baigné
par les eaux fraîches de la Teyssonne. Une volonté de « changer la société
par le bas », explique François Nolle, l’un des pionniers, installé depuis
2016. Une aspiration à « vivre une vie réconciliée », observe Marianne
Durano. Réconciliée avec la nature, le partage des savoirs et des histoires,
la sobriété, l’échange de bons procédés, la mise en commun des outils du
quotidien. Une volonté de « vivre une fraternité concrète, aussi ».

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« Ecologie intégrale », écofascisme… : une histoire des écologies identitaires

Dans un hameau largement composé d’adultes appartenant à la sphère


professionnelle intellectuelle, à tel point qu’il s’agit peut-être du village
« le plus philosophique de France », s’amuse Marianne Durano, l’idée de
« le plus philosophique de France », s’amuse Marianne Durano, l’idée de
repartir de la pratique vise aussi à « désintellectualiser le débat » qui
commençait à s’enliser dans d’interminables joutes théoriques. La
conjonction de l’essor de ces « oasis » du mouvement Colibris et de
l’encyclique du pape intitulée Laudato Si’ (2015) ont suscité de nombreuses
vocations. Des désirs de départ pour mieux se retrouver et vivre en
cohérence avec une nouvelle forme de transcendance.

L’encyclique « Laudato Si’» propose « une renaissance du


christianisme à travers l’écologie », selon Dominique Bourg

Car cette lettre aux évêques est le socle théologique de la conversion


écologique d’une partie des catholiques. « Tout est lié » en est la phrase-clé.
Tout est lié, l’homme et la nature, la création et les créatures, le social et
l’environnemental : « les pauvres et la terre implorent », écrit François. A
« l’écologie humaine » de Jean-Paul II et de Benoît XVI, qui place l’homme
au sommet de la création et qui fut largement revendiquée lors de la
Manif pour tous, le pape François préfère la notion d’« écologie intégrale ».

Cette écologie plus radicale remet en cause « la culture du déchet », critique


sévèrement l’« écologie superficielle » qui « consolide (…) une joyeuse
irresponsabilité », et remet en cause ces « justes milieux » qui « retardent
seulement un peu l’effondrement ». Une doctrine qui fédère le groupe de
La Bénisson-Dieu. « C’est une encyclique décroissante » confirme Arnaud
du Crest, économiste et membre du groupe Ecologie, paroles de chrétiens
du diocèse de Nantes.

Ce texte révolutionnaire propose « une renaissance du christianisme à


travers l’écologie », poursuit Dominique Bourg, et soutient en outre que
« la conversion écologique requise pour créer un dynamisme de changement
durable est aussi une conversion communautaire ». C’est pourquoi lieux
associatifs et communautés – comme celle de La Bénisson-Dieu – ont
prospéré.

« Un retour au village »
Dans les années 1970, « c’était l’utopie du retour à la terre qui dominait.
Aujourd’hui, on observe un retour au village », analyse Gaultier Bès. A ceci
près qu’il s’agit pour lui de « remettre l’église au centre » de celui-ci. C’est
pourquoi, avec ses amis, ils y récitent des laudes, chaque matin, à l’aube.
Les frictions, pourtant, ne manquent pas. Les problèmes ne sont pas les
mêmes qu’à la ZAD. Aucun souci d’expropriation ici, d’autant que le
diocèse possède également quelques bâtiments souvent mis à leur
disposition ; mais un différend avec la mairie et une partie de la
population locale, notamment anticléricale.

« Nos convictions sont une critique latente de leur mode de


vie, largement consumériste et basé sur l’agriculture
productiviste », reconnaît Gaultier Bès

« Nos convictions sont une critique latente de leur mode de vie, largement
consumériste et basé sur l’agriculture productiviste », reconnaît Gaultier
Bès. Sans compter que ces représentants de la génération Laudato Si’ n’ont
pas, à une exception près, scolarisé leurs enfants à la communale, mais
ont ouvert une école privée Montessori dans le village le plus proche, à
Briennon. Une manière d’opter pour une pédagogie sensorielle tournée
vers l’expérimentation et les promenades en forêt, plutôt que « de mettre
10 000 euros dans des tablettes numériques », comme l’a fait l’école
publique, observe l’essayiste.

La Bénisson-Dieu est-elle une ZAD de droite ? Pas si simple, répondent


Marianne Durano et Gaultier Bès, qui ont pourtant fait partie des
Veilleurs, ces participants à des sit-in sur la voie publique, lors de la Manif
Veilleurs, ces participants à des sit-in sur la voie publique, lors de la Manif
pour tous et restent opposés à la PMA et à la GPA. Car la philosophe,
comme une partie de la gauche radicale, n’hésite pas à s’inspirer de la
notion de « biopouvoir » forgée par Michel Foucault, et l’essayiste, à
déclarer se sentir aujourd’hui « plus proche de François Ruffin que de
François-Xavier Bellamy ». D’autant que l’écologie, qui relie toutes ces
expériences, permet de dépasser les clivages entre la droite et la gauche
afin d’opposer la préservation de la vie à l’artificialisation du vivant.

« On vit de peu, ici »


Non pas tant le regain des communautés que le retour au village, donc.
Telle la municipalité de Trémargat, qui n’a pas attendu la prise de
conscience du réchauffement climatique pour y développer l’agriculture
paysanne et biologique. Et, surtout, inventer d’autres pratiques
démocratiques. Dans un paysage où des blocs de granit arrondis par le
temps parsèment des champs où pourraient apparaître sans mal fées, elfes
et korrigans, Trémargat tranche radicalement. Oasis dans une campagne
bretonne arraisonnée par l’agriculture intensive, la pauvreté et l’acidité de
ses terres l’ont paradoxalement sauvée.

Boudée par les grands céréaliers car trop accidentée, elle fut, petit à petit,
investie par les permaculteurs et les décroissants. Tout d’abord grâce aux
enfants d’agriculteurs qui, dans les années 1970, reprirent les fermes de
leurs parents. Un territoire qu’ils ont décidé de gérer collectivement, grâce
à leur communauté de pensée et à un pouvoir municipal tournant. En
effet, chaque maire ne fait qu’un mandat et il n’y a qu’une seule liste à
chaque élection. Ici, « on fonctionne à l’envers, c’est-à-dire qu’on met le
monde à l’endroit », dit un Trémargatois.

Le maire ne soumet pas ses projets au vote, mais fait appel aux idées de
ses administrés. Puis il demande à ceux qui sont intéressés de les mettre
en œuvre. C’est ainsi qu’ils font parfois des économies. A l’image de
l’aménagement du bourg en espace verts et festifs, qui aurait dû coûter
120 000 euros si la mairie avait contracté avec des prestataires de service,
mais qui en coûta dix fois moins parce que tout le monde mit la main à la
pâte.

Attablée à La Coriandre, le restaurant bio et bondé de cette commune de


200 habitants, Yvette Clément, maire du village depuis 2014, se dit
heureuse d’avoir finalement « réussi son pari ». Considérés « comme des
hippies » il y a quarante ans, les fermiers trémargatois sont aujourd’hui
« respectés ». La production est de qualité, la vie, accueillante, et les
chantiers participatifs, pléthoriques. Avec quinze associations, c’est peu
dire que le collectif porte. S’y installent de nouveaux arrivants « en quête
de sens », intéressés par ce village où la nature comme les hommes sont
respectés – « c’est l’une des communes les plus jeunes du département », se
réjouit-elle – mais aussi des « réfugiés » de la ZAD ou des migrants. Surtout
parce qu’on y trouve une solidarité, une modestie, une sobriété – « on vit
de peu, ici » – et une fraternité.

« Jamais de ma vie je n’aurais imaginé connaître une vie aussi riche », confie
Yvette Clément. Car tous sont unanimes à louer « le bonheur du partage »
et « la joie communicative de l’entraide ». « C’est probablement ce qui m’a le
plus touché à Trémargat, confirme Mathieu Rivat, auteur de Ces maires qui
changent tout. Le Génie créatif des communes (Actes Sud, 2017) : cette
vitalité, cette joie d’être ensemble et le goût des rapports humains. » Un
esprit perceptible au Trémargad Kafé, bar associatif devenu le véritable
poumon du village où l’on vient boire, jouer, discuter, débattre, se cultiver
et parfois même dormir dans le gîte bon marché situé à l’étage, auquel est
adossée une épicerie associative, Epice et tout, approvisionnée par les
maraîchers environnants.

« Il n’y a pas de leader et peu de gens avec des ego


démesurés, ici », explique Yvette Clément, la maire de
Trémargat

Il faut dire qu’« il n’y a pas de leader et peu de gens avec des ego démesurés
ici », poursuit Yvette Clément. Ça aide, tout comme cette « culture
égalitariste », abonde Eric Bréhin, ancien maire et professeur de sciences
économiques, doublée d’une « solidarité paysanne sans doute liée à la
pauvreté des terres », ajoute Baptiste Gilbert, qui a quitté son commerce
urbain et les campagnes polluées par les pesticides pour devenir
maraîcher, cultiver tomates et fenouils en permaculture, avec une
véritable passion et science de la nature. « Cela fait chaud au cœur de voir
toutes ces personnes qui, ensemble, cherchent à ne pas être bouffées par le
capitalisme et le productivisme », conclut Yvette Clément.

« Réparer la terre »
Mais pour d’autres, la nouvelle économie peut rimer avec l’écologie.
Cofondée par Walter Bouvais, ancien directeur de la publication du
magazine Terra Eco, la « communauté » Open Lande réunit entrepreneurs,
agriculteurs, hackers et designers pour « réparer la terre ». L’idée ? Créer
une « fabrique » et un lieu de formation pour tous ceux – entreprise ou
particulier – qui opèrent leur transition écologique. Le principe ? « Passer
d’une société qui détruit à une société qui répare, et créer une économie qui
entre en collaboration avec le vivant », explique Walter Bouvais.

Installée sur le domaine de Land Rohan, propriété du groupe Brémond,


partenaire de ce projet indépendant, Open Lande est situé à deux pas de la
ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Alors qu’à la ZAD, on rêve d’une société
anticapitaliste, ici on « prototype » les projets qui reposent sur
l’exploitation du « capital invisible », tels que l’agroécologie ou
l’écopâturage. Qui fait partie de la communauté ? Des néopaysans, comme
Régis, ex-commercial à Londres devenu maraîcher. Des anciens cadres ou
Régis, ex-commercial à Londres devenu maraîcher. Des anciens cadres ou
dessinateurs d’entreprise qui souhaitent « se racheter » d’avoir collaboré à
des grands groupes peu soucieux de leur empreinte écologique. Ou encore
Lionel Fournier, président de Dirigeants responsables de l’Ouest. Leur
leitmotiv ? Ici encore, la « quête de sens » et le souci de « vivre en
cohérence ».

Libertaires, religieuses, municipales ou entrepreneuriales, les « oasis »


gagnent du terrain en France. Assiste-t-on au retour des communautés ?
Pas tout à fait. Car, dans les années 1970, tout était mis en commun. Alors
qu’aujourd’hui, chacun possède sa maison, son appartement, sa cabane ou
sa caravane, et détermine collectivement les espaces partagés. Les leçons
des années 1970 ont été tirées. Localistes et écologistes, ces lieux de vie
sont également parfois des hauts lieux de pensée. D’invention et de
subversion, aussi. « Il s’agit de corroder la centralité de Paris », explique un
« ingouvernable » installé à Eymoutiers, sur le plateau de Millevaches, où
certains, attablés à la terrasse du Magasin général de Tarnac, rêvent de
« transformer le plateau en un Chiapas français ».

« Il ne s’agit pas d’espaces marginaux, estime Marielle


Macé. Ce qui se vit dans ces zones à défendre devrait valoir
pour tout le monde »

Comme le dit Jacques Rancière dans En quel temps vivons-nous ? (La


Fabrique, 2017), « une place occupée dans une métropole, une ZAD, ce sont
des oasis ». Mais « il ne s’agit pas d’espaces marginaux, poursuit Marielle
Macé. Ce qui se vit dans ces zones à défendre devrait valoir pour tout le
monde ».

Au sens propre, l’oasis est une zone de végétation au milieu d’un désert,
entretenue par l’homme. Mais ces espaces ne sont plus isolés, ils sont
ouverts et connectés. C’est ainsi que tout est lié : ces lieux de vie où la
ouverts et connectés. C’est ainsi que tout est lié : ces lieux de vie où la

relation à la nature change la nature des relations sont devenus des


fabriques de nouveaux mondes.

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Nicolas Truong
Eymoutiers, Corrèze, Notre-Dame-des-Landes, Loire-Atlantique, La Bénisson-Dieu,
Loire, Trémargat, Côtes-d’Armor, envoyé spécial

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