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Recueil Dalloz

Recueil Dalloz 2020 p.789

Concurrence - Distribution (1)


janvier 2019 - décembre 2019

Nicolas Ferrier, Agrégé des Facultés, Professeur à l'Université Montpellier, Directeur du Master 2
droit de la distribution et des contrats d'affaires

L'essentiel
À la mémoire de mon père

En matière de concurrence et distribution, l'actualité de l'année 2019 est d'abord marquée par la réforme du titre IV du
livre IV du code de commerce par les ordonnances n° 2019-358 et n° 2019-359 du 24 avril 2019. La jurisprudence et la
pratique décisionnelle s'inscrivent, quant à elles, dans une certaine continuité, avec des litiges récurrents, notamment en
matière de distribution sélective ou agence commerciale, sans toutefois donner lieu à de profondes évolutions.

I - Concurrence
A - Pratiques anticoncurrentielles

En droit de la concurrence, la qualification du refus, par un promoteur de réseau de distribution sélective,


d'agréer celui qui remplit les critères de sélection alimente toujours la jurisprudence. Le panorama précédent
était l'occasion de rapporter un jugement du tribunal de commerce de Paris qualifiant le refus isolé de
sélectionner d'acte unilatéral et non d'entente (T. com. Paris, 21 févr. 2018, n° 2017006510, D. 2019. 783, obs.
N. Ferrier ). Cette analyse, discutée, a été contredite par la cour d'appel de Paris (Paris, 23 janv. 2019, n°
16/16856 ; 20 févr. 2019, n° 15/13603 ; 27 mars 2019, n° 17/09056) et par l'Autorité de la concurrence (Aut.
conc., 9 mai 2019, n° 19-D-08) au motif qu'un « refus d'agrément non discriminatoire constitue donc un concours
de volontés entre fabricant et distributeurs qui consentent par avance, en signant les contrats, aux critères de
sélection et au principe de leur application non discriminatoire, qui veut que ne soient admis dans le réseau que
les distributeurs qui en remplissent les critères et qu'inversement ceux qui ne les remplissent pas en soient
exclus ». Il faut, en effet, rappeler que chaque distributeur sélectif s'interdit nécessairement de revendre les
produits hors réseau, ce qui vise tout distributeur non sélectionné, y compris, donc, ceux évincés de manière
discriminatoire ; d'autant, ajoute la cour, qu'« il n'est pas envisageable qu'au regard de la jurisprudence
Volkswagen, un refus d'agrément non discriminatoire soit considéré comme un concours de volontés alors qu'un
refus d'agrément discriminatoire ne le serait pas, car cela viderait les règles de licéité des réseaux de toute
efficacité, puisque seuls pourraient être alors sanctionnés les refus d'agrément opposés par des fabricants
disposant d'une position dominante ». Plus récemment, toutefois, il semble que la cour d'appel de Paris ait
procédé à un revirement (Paris, 27 nov. 2019, n° 18/06901). En l'espèce, un réparateur automobile contestait la
licéité du refus d'agrément par le promoteur au regard du droit des ententes (était également invoqué le droit de
la responsabilité, V. infra), estimant que, par ce refus, un autre distributeur déjà sélectionné bénéficierait d'un «
monopole absolu dans la réparation officielle des véhicules » sur la zone d'Angers. Après avoir énoncé que la
pratique alléguée « ne peut être qualifiée d'action concertée ou d'entente au sens de l'article L. 420-1 du code de
commerce que s'il est établi que les parties y ont librement consenti en vue d'empêcher, de restreindre ou de
fausser le jeu de la concurrence », la cour relève que « ce n'est pas parce que [le distributeur sélectionné]
dispose, comme distributeur et réparateur du réseau Mercedes, d'une implantation dans vingt-et-une villes de

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France, qu'est démontré, par le seul refus d'agrément litigieux, son accord implicite à la volonté [du promoteur]
de lui conférer "un monopole absolu dans la réparation officielle des véhicules Mercedes sur la zone d'Angers" ».
La cour semble ainsi considérer qu'un refus isolé ne suffit pas à caractériser une entente entre le promoteur et le
distributeur sélectionné. Un doute subsiste, toutefois, sur le sens de l'arrêt, car on peut se demander si la cour ne
s'est pas contentée de répondre au moyen, soulevé par le distributeur évincé, qui contestait l'accord entre le
promoteur et un distributeur en place destiné à accorder à celui-ci un monopole, les juges retenant seulement
que le refus litigieux ne suffit pas en lui-même à caractériser un accord ayant un tel objet (dans le même sens, N.
Éréséo, Lettre distr. 12/2019).

Internet éprouve les réseaux de distribution sélective et conduit toujours à s'interroger sur le point d'équilibre à
trouver entre, d'un côté, la liberté pour les fournisseurs d'organiser librement leur réseau de distribution et le
souci de protéger celui-ci contre les risques notamment d'atteinte à leur image, de parasitisme ou de contrefaçon
; d'un autre côté, l'interdiction des pratiques ayant pour objet ou effet de restreindre la concurrence.

Une première question est de savoir si de telles restrictions relèvent de la catégorie des restrictions par objet. La
réponse n'est pas toujours aisée, ne serait-ce que par l'imprécision de la notion de restriction par objet. À cet
égard, l'avocat général Bobek près la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) revient sur la méthodologie
de qualification (CJUE 5 sept. 2019, aff. C-228/18, concl. av. gén. Bobek). Après avoir rappelé que la notion doit
s'apprécier de manière restrictive, il propose une démarche en deux étapes. La première consiste à apprécier,
de manière plutôt formelle, le contenu et les objectifs de l'accord, afin d'établir si, au vu de l'expérience acquise,
sa nocivité est avérée et facilement décelable. La seconde conduit à vérifier, par un « contrôle basique de la
réalité sur le terrain » et « de manière assez générale », que la nature anticoncurrentielle présumée de l'accord
n'est pas remise en cause par des considérations liées à son contexte économique et juridique. On se rapproche
alors d'une analyse par les effets, et c'est précisément l'ambiguïté de la notion, qui repose à la fois sur une
approche formelle, abstraite, nourrie de l'expérience et une approche plus concrète. L'avocat général le
reconnaît d'ailleurs en relevant que la distinction est plus de degré que de nature et qu'il lui est « impossible
d'établir, en des termes abstraits, une distinction claire entre [la deuxième étape de] l'analyse de l'objet d'un
comportement et l'analyse de ses effets ». Au demeurant, bien que l'analyse repose sur l'expérience acquise, le
seul fait que des autorités nationales de concurrences aient refusé de la condamner ne suffit pas à exclure la
qualification de restriction par objet. Telle est la solution résultant d'un arrêt de la cour d'appel de Paris (Paris, 17
oct. 2019, n° 18/24456). En l'espèce, et pour s'en tenir à l'essentiel, une enseigne d'équipement de jardinage
exigeait que les produits dangereux achetés à distance soient retirés dans le magasin du vendeur afin d'assurer
le conseil et la mise en main de l'acheteur. La cour confirme en grande partie l'analyse de l'Autorité de la
concurrence (Aut. conc., 24 oct. 2018, n° 18-D-23, relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la
distribution de matériels de motoculture, D. 2019. 783, obs. N. Ferrier ; AJ contrat 2019. 41, obs. L. Vogel ),
qualifiant cette modalité de vente de restriction par objet, au motif qu'elle restreint la vente en ligne de manière
excessive au regard des objectifs, légitimes, recherchés tenant à garantir le bon usage des produits et la sécurité
des utilisateurs, puisqu'elle s'applique même aux acheteurs professionnels et qu'il existe des alternatives moins
contraignantes sous forme d'une assistance à distance (Rappr. Aut. conc., 1er juill. 2019, n° 19-D-14, qui qualifie
de restriction par objet l'obligation pour le vendeur de vélo haut de gamme acheté en ligne d'en assurer la
livraison dans son point de vente physique afin de préserver l'image de marque, la qualité du service et une
relation personnalisée avec le client, notamment en réalisant les réglages en sa présence ; au motif, là encore,
que ces objectifs peuvent être atteints autrement - les réglages pouvant se faire hors la présence de l'acheteur et
le conseil délivré par une hotline). L'analyse peut paraître sévère pour trois raisons. D'abord, la vente en ligne
n'était pas vraiment interdite, seules ses modalités étant encadrées (sauf à considérer que ces modalités
aboutissent de fait à une interdiction pure et simple). Ensuite, l'évidence qu'appelle la qualification de restriction
par objet est douteuse, dès lors que d'autres décisions ont refusé de poursuivre l'enseigne (sauf à considérer
que ces refus reposaient moins sur des raisons de fond que sur un choix en termes d'opportunité des
poursuites). En tout état de cause, la Cour estime que le fait que d'autres autorités nationales de concurrence «
se soient abstenues de poursuivre leurs investigations relatives à un éventuel manquement (...) ne sauraient, par
définition, être assimilés à des "renseignements précis, inconditionnels et concordants" fournis aux intéressées
quant à la conformité du [contrat] litigieux à l'article 101 du TFUE ». En conséquence, ces refus de poursuivre
n'ont pu faire naître chez l'enseigne une attente légitime, au sens du principe de protection de la confiance

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légitime, dans la validité de son contrat. Enfin, il paraît pour le moins abrupte de considérer qu'un conseil délivré
à distance soit aussi efficace (sauf à rappeler que cette mise en main concernait également les acheteurs
professionnels et à relever qu'elle ne pouvait se faire qu'auprès du vendeur lui-même et non d'un autre membre
du réseau). La cour refuse, par ailleurs, l'exemption individuelle mais réduit l'amende car le promoteur du réseau
avait entrepris, avant toute poursuite, la refonte de son dispositif contractuel afin de le mettre en conformité avec
la décision Pierre Fabre.

Outre l'interdiction des ventes en ligne par les membres du réseau, c'est la question de l'exclusion des pure
players que vient illustrer la jurisprudence (Paris, 5 juin 2019, n° 17/11700). En l'espèce, la question était de
savoir si une enseigne d'électroménager peut conditionner son agrément à la détention d'un point de vente
physique pour la commercialisation de téléviseurs (TV) très haut de gamme, en excluant ainsi les pure players.
La cour répond par l'affirmative en raison de la nature spécifique des TV concernées (tenant surtout au fait que
ces appareils sont dotés d'« innovations techniques telles que le contrôle vocal du produit, un contrôle gestuel
(...) fonctionnalités qui nécessitent d'être présentées et expliquées par un vendeur "formé et qualifié" selon les
termes du contrat, les autres téléviseurs ne proposant pas ce type d'options dont l'utilisation est donc inconnue
par le consommateur »). Le soin ainsi porté pour justifier de la stricte nécessité du critère du point de vente
physique conforte l'évolution en faveur d'une appréciation plus concrète de l'interdiction des pure players.
L'époque où l'exclusion des pure players était admise de manière générale et abstraite semble révolue. Sans
doute peut-on ici distinguer selon que la distribution porte sur des produits de luxe ou sur des produits de haute
technologie. S'agissant des premiers, l'exclusion des pure players se justifiera surtout par le souci de préserver «
l'aura » de luxe, ainsi que de prévenir les actes de contrefaçon, étant toutefois rappelé qu'il existe aujourd'hui
des sites pure players agréés consacrés à de tels produits ; tandis que, pour les seconds, comme ceux en cause
dans la présente espèce, cette exclusion s'expliquera plutôt par la nécessité d'assurer leur bon usage à travers
une présentation ou démonstration ainsi qu'un conseil du consommateur « en présentiel » (un « showroom »
virtuel doit donc s'avérer insuffisant à satisfaire cette exigence). Un dernier argument peut également prévaloir,
qui tient au risque de parasitisme, dans la mesure où les consommateurs seraient tentés de s'informer auprès de
l'exploitant d'un point de vente physique avant d'acheter auprès du pure player, faisant alors supporter un coût
de commercialisation sur celui qui, en définitive, ne réalisera pas la vente. Mais, pour peu que ce risque soit réel
(étant souligné que le parasitisme peut également s'opérer en sens inverse, l'acheteur se renseignant sur
internet avant d'acheter en point de vente physique), reste à se demander si, pour lutter contre ce parasitisme,
l'exigence d'un point de vente physique ne va pas au-delà du nécessaire (comp. Lignes directrices 2010, pt 52,
d, qui envisage la faculté pour le promoteur de mettre à la charge des distributeurs une redevance fixe et
proportionnée pour soutenir les efforts de vente hors ligne de ses distributeurs). À l'heure de la négociation du
prochain règlement d'exemption sur les restrictions verticales, il est toutefois important de rappeler combien le
point de vente physique est un vecteur essentiel pour les réseaux de distribution, ce que conforte le constat
d'une approche omnicanal des consommateurs.

Lorsqu'une restriction de concurrence est avérée, une exemption, catégorielle voire individuelle, est
éventuellement possible. Théoriquement, l'analyse est menée d'abord sur le § 1 de l'article 101 TFUE
(l'existence d'une restriction), puis éventuellement sur le § 3 (le bénéfice d'une exemption). Il est, toutefois,
fréquent que la démarche soit inversée, tant il est plus simple de vérifier les conditions de l'exemption
catégorielle et, à défaut seulement, remonter au § 1. Au demeurant, l'articulation des § 1 et § 3 ne semble pas
toujours bien opérée, comme l'illustre un arrêt récent (Paris, 31 juill. 2019, n° 16/08280). En l'espèce, était
discutée la conformité, au droit de la concurrence, d'une obligation d'approvisionnement exclusif convenue, pour
neuf ans, dans un contrat de franchise de boulangerie. Si la cour exclut le bénéfice du règlement d'exemption en
raison de la durée de l'engagement (limitée à cinq ans), elle accorde l'exemption individuelle au motif que la
clause est « nécessaire pour disposer chez chacun [des franchisés] d'une uniformité de qualité et de goût des
produits fabriqués (...) et constitue un élément décisif pour l'image et l'identité du réseau ». Ce faisant, elle se
place sur le terrain du § 3, alors que la justification par le caractère indispensable de la clause pour protéger le
savoir-faire et l'identité du réseau relève, depuis l'arrêt Pronuptia, du § 1 et de la théorie des « restrictions
accessoires » (adde Lignes directrices préc., pt 190, b, en ce qu'elle écarte plus radicalement l'existence même
d'une restriction, pour peu évidemment que l'obligation n'aille pas au-delà de sa stricte nécessité (ce qui est en
l'occurrence admis par la cour, au titre d'une analyse qui peut paraître sommaire).

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La clause jugée restrictive de concurrence et non exemptable est nulle (TFUE, art. 101, § 2). Les parties
peuvent-elles, toutefois, prévenir dans le contrat une telle sanction ? Une réponse positive vient d'être apportée
(Paris, 22 mai 2019, n° 18/04239). En l'espèce, les juges déclarent anticoncurrentielle une clause d'exclusivité
territoriale absolue stipulée dans un contrat de franchise, mais n'annulent pas pour autant le contrat en donnant
plein effet à une « clause de divisibilité » stipulant que « toute clause ou condition du contrat qui ne pourrait
produire ses effets, notamment pour satisfaire aux exigences du droit européen ou par suite d'annulation
judiciaire, sera réputée non écrite sans que cela affecte la validité de l'ensemble de la convention ». La solution
ne doit pas surprendre dès lors que la nullité fondée sur l'article 101, § 2, TFUE, n'affecte l'intégralité du contrat
que si la clause litigieuse lui est inséparable (CJCE 11 sept. 2008, aff. C-279/06, D. 2009. 2888, obs. D. Ferrier
; RTD eur. 2009. 473, chron. L. Idot , et 775, chron. J.-B. Blaise ) ; peu important que la clause soit qualifiée
de restriction caractérisée au sens de l'article 5 du règlement d'exemption 330/2010 dès lors que cette
qualification emporte seulement exclusion de l'exemption catégorielle pour l'ensemble de l'accord et non sa
nullité. Comme des auteurs l'ont parfaitement résumé, « la portée de la nullité ne relève pas du droit de l'Union,
mais de la loi applicable au contrat » (M. Béhar-Touchais et J.-B. Gouache, CCC 1/2020, n° 1, p. 16). Il
appartient donc au juge de s'interroger sur la possibilité ou non de maintenir le contrat sans la clause litigieuse,
en prenant en considération, notamment (d'autres facteurs, tels que la gravité de l'atteinte, pourraient également
être pris en compte), la volonté des contractants, ici exprimée à travers la clause de divisibilité.

B - Pratiques restrictives de concurrence

L'essentiel de l'actualité pour l'année passée est marqué par la réforme du titre IV du livre IV du code de
commerce, ainsi que la jurisprudence en matière de déséquilibre significatif et rupture brutale.

1 - Réforme

En application de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 dite loi Egalim, le gouvernement a réformé le titre IV du
livre IV du code de commerce (Ord. n° 2019-358 et n° 2019-359 du 24 avr. 2019), l'objectif affiché étant, comme
souvent, de réorganiser, clarifier, préciser et simplifier les dispositions en vigueur. Il est toutefois douteux qu'elle
mette un terme à la frénésie réformatrice en la matière. L'encre est d'ailleurs à peine sèche qu'il est déjà
question de revoir la copie (V. les propositions formulées par la Commission d'enquête sur les relations
commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, Rapp. inf. n° 2268, Ass. nat., sept. 2019 ; Dir.
2019/633/UE du 17 avr. 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au
sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire...).

Si les évolutions sont nombreuses, elles n'ont pas toute la même importance. On relèvera, d'abord, un plan
d'ensemble plus cohérent. Sur le fond, s'agissant, en premier lieu, des règles de « transparence », certaines
dispositions ne font l'objet que de changements minimes. Ainsi, le contenu des conditions générales de vente
(CGV) est simplifié, l'article L. 441-1, III, du code de commerce suggérant que leur élaboration n'est pas
obligatoire (ce qui n'est pas nécessairement nouveau ; à cet égard, les art. L. 441-3 et L. 441-4 devraient être
compris comme imposant la communication des CGV dans un certain délai, seulement lorsqu'elles ont été
établies) ; la facture voit son régime aligné sur celui du code général des impôts et son contenu légèrement
complété. Ces dispositions sont désormais sanctionnées par des amendes administratives et non plus pénales.
D'autres dispositions font l'objet de changements plus importants. Tel est le cas de l'exigence d'une convention
unique récapitulant le résultat de la négociation. Là où l'ancien dispositif prévoyait un régime de droit commun
assez lourd et un régime allégé réservé aux grossistes, le nouveau dispositif a renversé l'approche, conduisant à
des règles plus adaptées aux relations considérées (sur cette perspective d'évolution, V. notre art., L'allégement
des règles de la négociation commerciale dans le commerce de gros, prémices d'un droit commun de la
négociation pour les relations égalitaires ?, JCP E 2015. 1508. V. aussi Prop. de l'Association française d'étude
de la concurrence (Afec) pour une réforme du droit des pratiques restrictives). Désormais, les relations réputées
plus inégalitaires relèvent d'un régime plus strict, les autres d'un régime plus souple. Ainsi, est désormais prévu,
d'un côté, un régime de droit commun qui correspond, brevitatis causa, à l'ancien régime applicable aux
grossistes (et qui s'applique d'ailleurs à ces derniers). Ce nouveau régime prévoit la possibilité de conditions

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dérogatoires (définies d'un commun accord ou unilatéralement ?), et n'exige plus la concomitance de l'entrée en
vigueur des obligations convenues à la date d'effet du prix convenu, ni la formalisation des nouveaux instruments
promotionnels « NIP ». Afin de faciliter le contrôle du prix convenu et de son éventuelle dérive, est désormais
précisé que la coopération commerciale participe également de la détermination du prix convenu (lequel
correspond donc dorénavant au « triple net », à l'instar du seuil de revente à perte [SRP], sans que l'on puisse,
selon nous, en déduire que ces services doivent remonter sur la facture fournisseur en déduction du prix d'achat
puisque tout service doit faire l'objet d'une facturation (C. com., art. L. 441-9) ; de manière corrélative, doit être
indiquée la rémunération globale de la coopération commerciale. D'un autre côté, s'agissant des produits de
grande consommation (« PGC ») définis comme ceux non durables à forte fréquence et récurrence de
consommation et dont la liste est fixée à l'article D. 441-9 du code de commerce, des règles spéciales viennent
s'ajouter, aboutissant à un régime plus strict que l'ancien régime de droit commun. Tout en maintenant ici les
anciennes exigences écartées du nouveau régime général (V. supra), le nouveau régime spécial impose, en
outre, l'indication d'un chiffre d'affaires prévisionnel et d'un plan d'affaires (ainsi que ses modalités de révision),
encadre les modalités de refus des CGV et interdit les conditions dérogatoires.

S'agissant, en second lieu, des dispositions relatives aux pratiques restrictives, expressément qualifiées aussi de
« pratiques commerciales déloyales », elles donnent lieu à des modifications substantielles, encore que, pour
certaines, l'évolution sera sans doute limitée. D'une manière générale, sont opérés, d'une part, une extension du
champ d'application puisque le texte ne vise plus le producteur, commerçant, industriel... mais, de façon très
englobante, celui qui exerce une activité de production, de distribution ou de services (encore que la
jurisprudence employait déjà la formule, V. infra), ce qui pourrait donc inclure le professionnel libéral (sauf à
l'écarter en raison de la référence, dans les textes, à une négociation ou une relation « commerciale ») ; d'autre
part, un resserrement sur les abus les plus emblématiques (et absorbant l'essentiel du contentieux).

S'agissant des pratiques visées à l'ancien § 1 de l'article L. 442-6 du code de commerce, ont été maintenus,
d'abord, les deux premiers griefs (1° et 2°), étant observé, là encore, une formulation désormais plus
accueillante. D'une part, n'est plus visé le « partenaire » mais l'« autre partie » : l'objectif étant explicitement de
combattre l'interprétation jurisprudentielle restrictive de la notion de partenariat (V. cep. Com. 15 janv. 2020, n°
18-10.512, D. 2020. 148 ; AJ contrat 2020. 153, obs. G. Chantepie ; Lettre distr. 2/2020, obs. S. Chaudouet,
qui semble anticiper la réforme), impliquant une relation suivie (avec toutefois une jurisprudence hésitante sur
l'applicabilité du texte dès le premier échange. V. par ex. Paris, 11 janv. 2019, n° 17/00234 qui l'admet), voire une
coopération (V. not. Paris, 24 mai 2019, n° 17/08357, RTD civ. 2019. 586, obs. H. Barbier , qui l'écarte pour une
relation de location en dépit « d'une certaine longévité et continuité »). D'autre part, sont visées des pratiques
susceptibles d'intervenir à tous les stades de la relation, y compris la négociation (encore qu'était déjà visée la
tentative). Sous réserve de ces premiers changements, le dispositif sur le déséquilibre significatif est identique.
En revanche, celui sur le service fictif ou surévalué vise désormais l'obtention d'un avantage manifestement
disproportionné au regard de la valeur de la « contrepartie » et non plus du « service » ; ce qui est
potentiellement plus large puisqu'il ne restreint pas le contrôle à la seule coopération commerciale (encore que la
jurisprudence antérieure s'orientait déjà dans cette voie). Si cette extension se confirme, le 1° de l'article L. 442-
1, I, du code de commerce pourrait supplanter le 2° puisqu'il permettrait un contrôle analogue, mais sans exiger
de soumission (encore que l'on puisse se demander si l'excès manifeste au sens du 1° est aussi accueillant que
le déséquilibre significatif au sens du 2°), devenant alors le nouveau centre de gravité du contrôle de la lésion
dans les contrats « B-B » (d'autant que certains abus relevaient déjà des deux dispositifs, V. Commission
d'examen des pratiques commerciales [CEPC], avis n° 18-6 et n° 19-1).

A ensuite été conservé le grief de rupture brutale d'une relation commerciale établie, avec désormais la
consécration de la jurisprudence consistant à prendre en compte d'autres circonstances que la seule durée de la
relation pour apprécier le préavis raisonnable (ce qui permettra notamment de tenir compte in concreto du fait
qu'il s'agit de produits « marques de distributeurs » [MDD], alors que le doublement systématique du préavis
prévu par l'ancien texte a disparu). Notons également : une prise en considération toujours ambiguë des usages
et accords interprofessionnels ; et un plafond de préavis à dix-huit mois, ce qui reste encore très élevé (il était
d'ailleurs question de le limiter à douze mois) et, sous couvert d'instiller plus de sécurité juridique, ne réduira
alors que très peu le contentieux.

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Enfin, se retrouve, à la demande des opérateurs économiques, la tierce complicité à la violation d'un réseau de
distribution, ce qui ne s'imposait pas dans la mesure où le droit commun des obligations permet déjà de
sanctionner cette pratique.

S'agissant, des stipulations visées à l'ancien article L. 442-6, II, du code de commerce, seule l'interdiction de
l'avantage rétroactif et de la clause du client le plus favorisé ont été conservées.

Les autres pratiques ou clauses visées par l'ancien article L. 442-6 n'ayant pas été reprises, il faut se demander
dans quelle mesure elles continueront à être sanctionnées au visa des nouvelles dispositions, alors que, pour
certaines, leur condamnation per se était peu convaincante (V. en particulier anc. C. com., art. L. 442-6, II, e).

En tout état de cause, en présence d'une clause abusive, la réforme permet à toute personne intéressée d'agir
en cessation. Surtout, elle ouvre à la victime une action en nullité, mettant ainsi fin à une jurisprudence contraire
controversée (en revanche, semble - a contrario - exclue l'action en réputé non écrit, parfois admise par les juges
et présentant l'intérêt d'être imprescriptible. V. Paris, 24 mai 2019, n° 17/08357, préc.). Les modalités de calcul
du plafond de l'amende administrative encourue se trouvent, par ailleurs, modifiées (V. C. com., art. L. 442-4).

Le régime applicable aux produits agricoles et alimentaires fait l'objet d'une attention toujours plus marquée
(avec une efficacité douteuse, V. Rapp. du Sénat sur la loi Egalim qui constate en particulier que le
rehaussement du SRP et la limitation des promotions selon des règles complexes, éclairées par la Direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes [DGCCRF] à travers des
Lignes directrices du 8 juillet 2019, n'ont pas permis d'améliorer la situation des producteurs, l'irréalisme d'un tel
« ruissellement par le haut » avait d'ailleurs été pointé). En premier lieu dans le code de commerce, où les règles
spécifiques ont pour l'essentiel été rassemblées au sein d'un chapitre afin d'en améliorer la lisibilité (C. com., art.
L. 443-1 s.), encore que certaines dispositions demeurent dans le « droit commun » (C. com., art. L. 441-8 et L.
442-7). Sur le fond, dans le prolongement de la loi Egalim et afin de permettre au producteur de retirer un revenu
équitable, l'article L. 443-4 du code de commerce exige que les CGV et la convention unique se réfèrent aux
indicateurs de prix définis dans le code rural (art. L. 631-24) et explicitent les conditions de leur prise en compte
pour la détermination des prix, permettant ainsi leur répercussion sur toute la chaîne contractuelle. On peut,
toutefois, s'interroger sur le sens de la « prise en compte » de ces indicateurs, voire sur l'utilité réelle du
mécanisme. Par ailleurs, l'interdiction de la pratique de prix abusivement bas (C. com., art. L. 442-7, mod. Ord.
n° 2019-358) a été étendue à tous produits agricoles ou alimentaires et ne suppose plus un contexte de crise
(peut-être parce celle-ci est devenue structurelle...). S'ajoute, en second lieu, une directive européenne du 17
avril 2019 (Dir. 2019/633/UE, préc.) qui fait suite à des projets successifs et qui, pour la première fois, encadre
les pratiques commerciales « B-B », hors droit des pratiques anticoncurrentielles, certes dans le seul secteur des
produits agricoles et alimentaires. Après avoir précisé le champ d'application à travers des seuils de chiffre
d'affaires des partenaires concernés (art. 1er), la directive, sans donner de définition générale d'une pratique
commerciale déloyale, présente une liste de pratiques interdites « per se » (art. 3, 1°) et une liste de pratiques
dont la validité est subordonnée à un accord préalable clair et dénué d'ambiguïté (art. 3, 2°). Cette directive aura,
cependant, une influence limitée en droit français car elle est d'harmonisation minimale alors que le droit français
est déjà très protecteur et fulmine certaines pratiques visées par la directive. Concrètement, les adaptations en
droit interne seront minimes sur les délais de paiement (art. 3, 1, a). La directive est plus conséquente sur les
pratiques restrictives où certaines pratiques sont condamnées en elle-même par la directive, mais sous condition
en droit interne (art. 3, I, c et e). Si l'influence concrète de cette directive est donc modeste, sa valeur symbolique
est forte car elle apparaît comme la première pierre d'un « titre IV » à l'européenne (on pourrait, dans un autre
domaine, ajouter le Règl. UE 2019/1150 du 20 juin 2019 promouvant l'équité et la transparence pour les
entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne).

2 - Déséquilibre significatif

L'applicabilité de l'article L. 442-6, I, 2° ancien, du code de commerce est écartée lorsque la relation en cause ne
relève pas d'une activité de production, distribution, service (Paris, 10 avr. 2019, n° 18/00311, pour une cession

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de fonds de commerce) ou relève d'une disposition spéciale (T. com. Paris, 2 sept. 2019, n° 2017050625, AJ
contrat 2019. 433 , obs. F. Buy et J.-C. Roda ; Dalloz IP/IT 2019. 710, obs. A. Lecourt ; RSC 2019. 833,
obs. M.-C. Sordino , pour l'établissement de paiement électronique au motif qu'il relève du C. mon. fin.).

S'agissant de la (tentative de) soumission, se confirme une appréciation plus stricte. Il est, d'abord, rappelé que
la preuve en incombe au demandeur, soit la victime (Paris, 6 févr. 2019, n° 18/21919) ou le ministre (Com. 20
nov. 2019, n° 18-12.823, D. 2019. 2292 ). Contrairement à ce qui avait pu être jugé (par ex. Paris, 4 juill. 2013,
n° 12/07651, D. 2014. 893, obs. D. Ferrier ), la soumission ne saurait en principe se déduire de la seule
ampleur du déséquilibre (Paris, 24 mai 2019, n° 17/08357, préc.; 29 mars 2019, n° 16/25962), encore que les
juges s'appuient parfois sur l'existence d'une contrepartie ou d'une justification à la clause litigieuse pour établir
l'absence de soumission (Paris, 24 mai 2019, n° 17/08357, préc.). Elle repose sur la preuve, délicate à rapporter
puisqu'il s'agit d'un fait négatif, d'une absence de négociabilité (Paris, 12 juin 2019, n° 18/20323, D. 2020. 170,
obs. J.-D. Bretzner , qui présume une telle absence notamment de la clause organisant la primauté des
conditions générales d'achats (CGA) sur les CGV et dont la rédaction ne permet pas au fournisseur de proposer
facilement de contre-proposition pour négocier des clauses acceptables ; T. com. Paris, 2 sept. 2019, préc.). Elle
se déduit généralement d'un refus de toute modification, ce qui suppose que le demandeur ait contesté les
conditions ou tenté de les négocier lors de la conclusion du contrat (Paris, 24 mai 2019, n° 17/08357, préc.).
Dans cette approche, est pris en compte le fonctionnement inhérent du partenaire (ainsi une place de marché
est nécessairement dans l'impossibilité de négocier eu égard le nombre de contrats conclus, T. com. Paris, 2
sept. 2019, préc.) et, surtout, la puissance de négociation des parties (le rapport de force apparaissant même,
selon une décision, comme un critère de la soumission, alternatif à la non-négociabilité de la clause : Paris, 19
janv. 2019, n° 17/00234 ; rappr., a contrario, Paris, 6 nov. 2019, n° 18/03352). Ce rapport de force s'apprécie,
d'abord, au regard de la situation entre les parties, en tenant compte en particulier du caractère incontournable
du partenaire empêchant toute réelle alternative. L'analyse s'inspire assez logiquement de la notion de
dépendance économique (qui est un indice récurrent : Paris, 11 janv. 2019, n° 17/00234). L'approche est,
toutefois, moins étroite qu'en droit des pratiques anticoncurrentielles, encore qu'elle s'avère parfois très
restrictive en ce qu'elle suppose l'usage de menace ou de mesure de rétorsions visant à forcer l'acceptation
(Paris, 24 mai 2019, n° 17/08357, préc.), ce qui s'apparente davantage à de la violence classique qu'à de l'abus
d'exploitation (dans le même sens S. Chaudouet, Lettre distr. 6/2019). Le rapport de force s'apprécie, ensuite, au
regard de la structure du marché pertinent (Paris, 12 juin 2019, préc. ; T. com. Paris, 2 sept. 2019, préc.). Mais
se confirme une appréciation concrète, conduisant notamment à considérer que la soumission ne se déduit pas
de la seule puissance d'achat du distributeur, dès lors que certains fournisseurs peuvent lui résister (Com. 20
nov. 2019, n° 18-12.823, préc.)

S'agissant du déséquilibre significatif, se trouvent classiquement condamnées les clauses accordant un


avantage non réciproque (la réciprocité d'une prérogative étant parfois jugée apparente, au motif que, bien que
stipulée au profit des deux parties, elle ne présente en réalité d'intérêt que pour une seule, T. com. Paris, 2 sept.
2019, préc.) ; ou présentant un caractère potestatif (id.) ; ou disproportionnées (Paris, 12 juin 2019, préc., à
propos d'un taux d'escompte jugé excessif) ; ou dépourvues de justification (comp. a contrario, Paris, 17 oct.
2019, n° 17/08928, qui valide la clause sanctionnant sévèrement le manquement à l'obligation de ponctualité en
raison de son caractère inhérent au contrat) ; ou encore, selon une solution qui rappelle le régime des clauses
abusives en droit de la consommation, une clause imprécise (T. com. Paris, 2 sept. 2019, préc., à propos d'une
clause de performance, reposant sur des critères imprécis et dont l'évolution est discrétionnaire et ne dépend
pas exclusivement du comportement vendeur). Au demeurant, le défendeur peut échapper au grief s'il démontre
que la clause a priori suspecte est bien dotée d'une contrepartie de nature à la rééquilibrer, ce qui s'apprécie,
toutefois, à l'aune de l'avantage retiré par le cocontractant et non par un tiers (T. com. Paris, 2 sept. 2019, préc. :
l'intermédiaire en ligne à qui le vendeur reproche un déséquilibre significatif ne peut se prévaloir de l'avantage
que représente son service d'intermédiation pour les clients potentiels du vendeur. Comp. les gains d'efficiences
tenant à l'avantage que le consommateur peut retirer d'une pratique anticoncurrentielle). Se trouverait enfin
visée, selon une solution qui n'est pas nouvelle, la clause d'exclusion des CGV au profit des CGA (Paris, 12 juin
2019, préc.) qui contribuerait ainsi à démontrer, outre à titre principal la soumission (V. supra), de manière
accessoire le déséquilibre significatif (encore que l'arrêt soit sur ce point ambigu, car, si le ministre justifiait le
déséquilibre d'une telle clause par le « simple fait qu'elle opère un renversement de l'équilibre commercial tel

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qu'il est défini par la loi », les juges semblent caractériser le déséquilibre par les conditions commerciales,
notamment d'escompte, obtenues par le défendeur grâce à cette clause).

3 - Rupture brutale

S'agissant du champ d'application du dispositif, la Cour de cassation, censurant les juges du fond, a considéré
que l'article L. 442-6, I, 5°, était applicable au gérant-mandataire de fonds de commerce visé à l'article L. 146-1
du code de commerce, car le statut spécial dont il relève ne prévoit aucun préavis de rupture (Com. 2 oct. 2019,
n° 18-15.676, D. 2019. 1934 , et 2257, point de vue F. Buy ; AJ contrat 2019. 483 , obs. N. Dissaux ;
Lettre distr. 11/2019, obs. C. Mouly ; CCC 12/2019, n° 198). La cassation illustre la difficulté à manier la règle
speciala... étant relevé qu'en l'occurrence, il n'y a pas contradiction entre les deux dispositifs (ce que supposerait
l'adage), mais plutôt complémentarité.

La relation est établie lorsqu'elle est suivie, stable et habituelle, dans la mesure où le partenaire évincé pouvait
raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires. L'appréciation s'opère, d'abord,
à l'aune de la durée de la relation, laquelle pose question en cas de changement d'interlocuteur. À cet égard, la
jurisprudence rappelle une solution acquise selon laquelle la cession du fonds de commerce n'emporte pas, sauf
circonstances particulières, reprise par le cessionnaire de la relation entretenue par le cédant avec un partenaire
(Com. 3 juill. 2019, n° 17-13.826). La solution est plus délicate lorsque l'un des partenaires recourt à un
intermédiaire, puisqu'il faut alors déterminer si celui-ci entame une nouvelle relation avec l'autre partenaire ou s'il
s'inscrit dans le cadre de la relation préexistante entre ce dernier et son donneur d'ordre. La réponse dépend du
point de savoir si l'intermédiaire agit en son nom propre ou au nom du donneur d'ordre (Paris, 17 mai 2019, n°
17/18282, Lettre distr. 6/2019). Par ailleurs, le recours, par trois sociétés d'un même groupe, à un mandataire
commun chargé de rompre la relation entretenue avec un partenaire ne permet pas de caractériser une relation
commerciale unique nouée entre celui-ci et le groupe de sociétés, en l'absence d'action concertée entre les trois
sociétés (Com. 16 oct. 2019, n° 18-10.806).

La continuité d'un flux d'affaires ne suffit pas toujours à rendre la relation établie comme l'illustre un arrêt (Com.
2 oct. 2019, n° 18-14.849). En l'espèce, une relation s'engage, en 2005, sur la base d'une succession de
contrats biannuels tacitement reconduits. En cours de relation, l'un des partenaires se voit notifier le fait que s'il
n'améliore pas la qualité de sa prestation, la relation ne se poursuivra pas. Par la suite, un nouveau contrat est
conclu pour un an qui ne prévoit aucune tacite reconduction mais organise les modalités selon lesquelles des
réunions seront éventuellement organisées deux mois avant terme afin de permettre un nouvel accord. Au terme
du contrat, aucun nouvel accord n'est conclu, seules quelques commandes ponctuelles sont passées en 2009,
avant leur arrêt total. La Cour a considéré que cette chronologie ne permettait pas au partenaire évincé de
raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir.

Le caractère établi pose, par ailleurs, question chaque fois qu'est prétendu que la relation initialement établie est
devenue précaire. La précarisation a notamment été admise dans le cas où, s'agissant d'une relation reposant
sur un contrat à durée déterminée renouvelable sur demande, le partenaire évincé ne sollicite pas le
renouvellement (Com. 2 oct. 2019, n° 17-24.135) ; on peut, en effet, considérer que ce comportement exclut
toute attente légitime dans le maintien de la relation.

Et on peut même parfois hésiter sur l'existence d'une rupture « imputable », comme l'illustre un arrêt (Com. 3
juill. 2019, n° 18-10.580). Un viticulteur entretient depuis quarante-six ans une relation avec un négociant. En
2010, des négociations s'engagent pendant un an pour la commercialisation des produits et, faute d'accord,
aucune négociation n'est entamée pour les produits de l'année suivante. Comme en appel, la Cour de cassation
écarte le grief de brutalité, mais, là où les juges du fond s'étaient fondés sur le caractère ni imprévisible, ni
soudain, ni violent de la rupture, celle-ci estime que la rupture n'est imputable à aucune des parties dès lors qu'il
résulte de leurs échanges que la rupture est intervenue au terme d'une période d'une année, au cours de
laquelle de longues discussions ont été menées sur la fixation du prix des vins, sans qu'un accord ne soit obtenu
sur le prix du millésime 2009, ni sur celui de 2010 pour lequel elles n'ont entamé aucune négociation. Le
comportement respectif des partenaires apparaît ainsi comme un élément d'appréciation de la brutalité. La

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solution invite à s'interroger sur le moment à partir duquel une modification proposée par l'un des partenaires
conduit à lui imputer la rupture en cas de refus de l'autre. On pourrait ici distinguer à partir du critère de la
prévisibilité de la demande de modification. En effet, s'il n'y a pas de droit au maintien en l'état de la relation
puisque chaque partenaire doit légitimement s'attendre à des demandes de modifications, justifiées par la liberté
contractuelle et les exigences des affaires, il y aurait un seuil au-delà duquel les modifications demandées
peuvent légitimement surprendre le partenaire (rappr. Com. 20 nov. 2019, n° 18-11.966, qui distingue selon le
caractère substantiel ou non de la modification sollicitée, ainsi que sur son caractère négociable ou non). On
relèvera qu'en l'espèce, les modifications tarifaires demandées visaient à se maintenir au prix du marché ; alors
qu'il a, par ailleurs, été jugé que le partenaire à l'origine d'une augmentation disproportionnée des tarifs doit se
voir imputer la rupture (Paris, 17 janv. 2019, n° 16/23339). Au demeurant, une proposition de modification, même
substantielle, des termes de la relation ne caractérise pas une rupture dès lors qu'elle n'a pas été présentée
comme conditionnant le maintien de la relation (Paris, 3 oct. 2019, n° 17/01356). En revanche, selon une
solution qui paraît acquise, l'imputabilité de la rupture à l'un des partenaires est écartée lorsque la décision de
rompre est une conséquence de la conjoncture économique (Com. 6 févr. 2019, n° 17-23.361).

S'agissant de l'action exercée, la cour d'appel de Paris s'aligne enfin sur la position de la Cour de cassation (V.
encore Com. 27 mars 2019, n° 16-24.630), admettant le cumul des actions en responsabilité civile délictuelle
fondée sur l'article L. 442-6 et contractuelle fondée sur le droit commun lorsque deux griefs distincts sont
invoqués ; mais elle va parfois trop loin en admettant un cumul de réparation aboutissant à indemniser deux fois
le même préjudice, au mépris du principe de réparation intégrale (Paris, 8 mars 2019, n° 16/14856, Lettre distr.
4/2019).

Enfin, si, selon une solution discutable mais bien établie, la reconversion rapide du partenaire évincé est
indifférente dans l'évaluation du préjudice réparable (V. encore Com. 3 juill. 2019, n° 17-13.826), en revanche,
peut être prise en compte la cessation ultérieure de son activité pour réduire son indemnisation (Com. 23 janv.
2019, n° 15-14.212, D. 2019. 196 , et 1367, chron. A.-C. Le Bras ; AJ contrat 2019. 187, obs. O. Ancelin ;
RDT 2019. 182, obs. S. Tournaux ; Lettre distr. 3/2019, obs. C. Mouly), ce qui correspond notamment aux frais
évités en raison de la rupture.

II - Distribution
A - Accords de représentation

1 - Agent commercial

Les notions de pouvoir de négocier et éventuellement de conclure, qui conditionnent la qualification d'agent
commercial, alimentent toujours le contentieux. Dans l'attente de la réponse à la question préjudicielle posée à la
CJUE (T. com. Paris, 19 déc. 2018, n° 2017015204), il apparaît que le pouvoir de négocier suppose une réelle
marge de manoeuvre (Paris, 18 avr. 2019, n° 17/01169 ; Pau, 21 juin 2019, n° 17/03997). Par ailleurs, si de
nombreux arrêts adoptent une interprétation trop restrictive de la formule « éventuellement de conclure », que ni
l'esprit du texte, ni même sa lettre ne commandent, d'autres ne semblent pas faire du pouvoir de conclure une
condition du statut (implicit. Paris, 20 sept. 2018, n° 16/06067, D. 2019. 783, obs. N. Ferrier ; plus nettement,
Paris, 3 oct. 2019, n° 17/01356). Face à une telle incertitude, il serait opportun que la Cour de cassation, voire
la Cour de justice, se prononce nettement.

Un arrêt aborde le sujet délicat de la modification unilatérale du contrat d'agence, qui soulève des interrogations
classiques en droit commun des contrats, entre exigence de déterminabilité de l'objet du contrat et
reconnaissance de l'unilatéralisme ; mais également en droit de la distribution, entre nécessité pour le mandant
de faire évoluer son système de distribution et protection de l'agent commercial (Versailles, 9 juill. 2019, n°
18/03601). En l'espèce, le contrat prévoit la faculté pour le mandant de modifier unilatéralement les clients
entrant dans le secteur de représentation de l'agent commercial (lui permettant ainsi de reprendre « en direct »
un client) à condition d'accorder un préavis et de remplacer la clientèle reprise ou d'indemniser l'agent selon des
modalités fixées par la clause. Le mandant retire un client à l'agent, lequel soulève, en vain, deux griefs. D'une
part, la clause serait réputée non écrite car, sous couvert de modification du contrat par retrait d'un client, elle

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dissimulerait une faculté de résiliation du contrat et contournerait ainsi l'article L. 134-12 du code de commerce
accordant une indemnité de cessation. Mais les juges relèvent que la modification pratiquée est ici limitée (retrait
d'un seul client), « sauf à interdire toute évolution du portefeuille de l'agent commercial ». D'autre part,
l'indemnité accordée serait insuffisante. Mais la Cour la juge conforme aux stipulations contractuelles. Cette
solution soulève par sa motivation des interrogations en présence d'une modification plus substantielle (retrait de
plusieurs clients ou d'un client particulièrement important pour l'agent) ou en l'absence de contrepartie convenue
(remplacement de client ou indemnisation). Et, lorsqu'elle est déclarée valable, une telle modification conduit à
se demander si l'indemnité de cessation éventuellement due dans le cas d'une rupture du contrat dans les trois
ans de la modification doit prendre en compte ce retrait de client. Si une réponse positive peut se prévaloir du fait
que l'indemnité est généralement évaluée à deux ans de commissions calculées sur la moyenne des trois
dernières années, on peut objecter qu'il s'agit là d'un usage auquel les juges n'hésitent pas à déroger si les
circonstances le justifient (V. infra). Or, ici, l'agent n'avait plus vocation à tirer profit de la clientèle qui lui avait été
ainsi retirée en application de la clause (en ce sens, S. Brena, Lettre distr. 9/2019).

L'indemnité de cessation prévue à l'article L. 134-12 est écartée lorsque, notamment, la rupture est provoquée
par la faute grave de l'agent (C. com., art. L. 134-13). Mais le mandant peut-il se prévaloir d'une faute grave qu'il
n'a invoquée ni avant ni au moment de la décision de rompre la relation ? Deux arrêts illustrent la difficulté. Dans
le premier (Paris, 3 oct. 2019, n° 18/23501), les juges retiennent, pour refuser le droit à indemnité, des faits
fautifs découverts postérieurement, mais dans des circonstances particulières puisque le mandant avait bien
notifié la rupture en raison de fautes graves commises par l'agent. Certes, on peut douter du sens exact de l'arrêt
dès lors qu'est précisé : « il est indifférent que cette faute ait été révélée au mandat postérieurement à la rupture,
dès lors qu'il n'est pas discuté qu'elle a été commise antérieurement à la rupture de la relation ». Néanmoins, si
l'on veut concilier l'arrêt et la position de la CJUE, qui, par une interprétation littérale de la directive, exige que la
rupture intervienne pour faute grave (CJUE 28 oct. 2010, aff. C-203/09, D. 2010. 2575, obs. E. Chevrier ), il
importe seulement de vérifier si la décision de rompre est motivée ou non par une faute grave, celle-ci pouvant
s'apprécier à l'aune de comportements révélés postérieurement à la rupture dès lors qu'ils lui sont bien
antérieurs. En revanche, le mandant ne peut se prévaloir des comportements fautifs s'il en avait connaissance
lors de sa décision de rompre mais ne les a pas invoqués à ce moment (Chambéry, 24 sept. 2019, n° 17/02769),
sa tolérance en démontrant l'absence de gravité. Dans le second (Com. 19 juin 2019, n° 18-11.727), la cour
d'appel avait écarté l'argument tiré de la faute grave au motif qu'elle « n'a jamais été invoquée ni avant la rupture,
ni lors de l'envoi de la lettre de rupture ». Elle est censurée au motif qu'était invoquée devant elle une faute
grave, de sorte qu'elle aurait dû examiner, « ne serait-ce que succinctement, les éléments de preuve qui étaient
invoqués pour l'établir, alors que le mandant n'avait pas l'obligation de les dénoncer lors de la notification de sa
décision de ne pas renouveler un contrat, laquelle pouvait intervenir sans motif ». Selon cet arrêt, le mandant
peut, après la rupture, faire état d'une faute grave commise antérieurement mais révélée postérieurement. La
solution suggère que le mandant peut, non seulement se prévaloir d'un comportement qu'il n'a pas visé à
l'occasion de la rupture, mais, au-delà, rompre la relation sans même invoquer le principe d'une faute grave. Le
mandant peut donc demeurer silencieux quant à ses motivations au moment de la rupture, sans perdre la
possibilité d'invoquer par la suite la faute grave, pour peu qu'il démontre la réalité de la faute grave et son
antériorité à la rupture. La portée exacte de la solution reste toutefois délicate à apprécier car il est possible que
la Cour de cassation se soit simplement prononcée sur l'exigence formelle d'un motif tenant à la faute grave (la
réponse étant ici négative) et non celle, substantielle, d'une faute grave ayant provoqué la rupture.

Lorsque l'agent a droit à l'indemnité de cessation, celle-ci est généralement évaluée à deux ans de commissions
calculées sur la moyenne des trois dernières années, mais les juges minorent parfois ce montant au regard des
circonstances. Dans un arrêt récent (Versailles, 5 déc. 2019, n° 18/07600), le mandant sollicite précisément la
minoration de l'indemnité au motif que la relation n'a duré que trois ans. En vain, dès lors qu'il « ne peut
utilement opposer à son mandataire la durée du mandat, qui lui est imputable, pour ensuite solliciter une
minoration de l'indemnité de rupture à ce titre ». La solution est discutable car la durée de la relation participe
habituellement de l'évaluation de l'indemnité et le fait que cette durée, relativement courte, soit « imputable » au
mandant ne devrait rien y changer dès lors que la décision de rompre est, en tout état de cause, non fautive (en
ce sens, S. Brena, Lettre distr. 1/2020).

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Le calcul de l'indemnité soulève une difficulté particulière lorsque la relation est née antérieurement au contrat
qui prend fin. Un arrêt vient illustrer le propos (Lyon, 6 juin 2019, n° 16/08178). En l'espèce, est conclu un
contrat d'agence d'une durée d'un an, qui exige un avenant en cas de poursuite des relations contractuelles au-
delà du terme. Malgré l'absence d'avenant, la relation se poursuit au terme du contrat, avant de prendre fin, dix-
huit mois plus tard, par la résiliation du mandant moyennant un préavis de trois mois. L'agent conteste, en vain,
la durée du préavis et le montant de l'indemnité de cessation au motif que leur calcul n'a pas pris en compte la
durée du premier contrat. Les juges, visant l'article L. 134-11 du code de commerce, estiment que le contrat
exécuté après le terme était « devenu un contrat à durée indéterminée donnant naissance à une convention
nouvelle ». Ils en déduisent que la durée de préavis doit être calculée sans tenir compte de la période
correspondant au contrat antérieur à durée déterminée (V. pourtant C. com., art. L. 134-11, al. 2, sauf à
considérer que le texte vise le contrat prorogé et non celui renouvelé) et que l'indemnité de cessation doit être
calculée sur la seule base du contrat à durée indéterminée résilié (en l'occurrence, est retenue une indemnité
équivalente à dix-huit mois de commissions). La solution revient à évaluer l'indemnité de cessation à l'aune du
seul contrat qui prend fin, rejoignant ainsi l'analyse selon laquelle, en cas de succession de contrats, chacun
d'entre eux fait naître, lors de sa rupture, son propre droit à indemnité, alors même que la relation perdurerait (en
ce sens, P. Grignon, JCP E 2018. 1002, qui estime qu'un droit à indemnité de cessation née pour le contrat qui
s'éteint même du fait de son renouvellement).

2 - Gérant de succursale

Depuis longtemps, la jurisprudence considère que le fait qu'un contrat de distribution soit conclu entre deux
sociétés n'empêche pas le dirigeant de la société distributrice de bénéficier, dans ses relations avec le
fournisseur, du statut de gérant de succursale au sens de l'article L. 7321-1 du code du travail, pour peu qu'il en
remplisse les conditions, ce qui lui permet alors de bénéficier du régime du salariat et, notamment, d'obtenir du
fournisseur un rappel de salaires. Il faut, toutefois, admettre que la solution ne va pas sans mal et a d'ailleurs mis
du temps à s'imposer. Au demeurant, une fois son principe acquis, sa mise en oeuvre reste parfois délicate. Tel
est, notamment, le cas lorsqu'au titre du contrat de distribution, le fournisseur à qui est, par ailleurs, reconnue la
qualité « d'employeur » à l'égard du dirigeant, a déjà payé la société distributrice pour son activité de distribution.
Dans ce cas, le fournisseur victime de l'inexécution fautive du contrat de distribution peut-il obtenir, au titre de sa
réparation, que ses paiements effectués auprès de la société distributrice soient déduits des rappels de salaires
auquel il est tenu à l'égard du dirigeant ? Si les juges du fond l'ont admis (Paris, 21 sept. 2018, n° 16/23299, D.
2019. 783, obs. N. Ferrier ; 11 oct. 2017, n° 15/22922), la Cour de cassation s'y oppose, estimant que : «
Lorsqu'un fournisseur a conclu avec une personne morale un contrat pour la distribution de ses produits et que le
statut de gérant de succursale est reconnu au dirigeant de cette personne, le fournisseur, condamné à payer à
ce dernier les sommes qui lui étaient dues en application de ce statut d'ordre public, auquel il ne peut être porté
atteinte, même indirectement, n'est pas admis à réclamer à la personne morale, fût-ce pour partie, le
reversement des sommes ayant rémunéré les prestations qu'elle a effectuées en exécution du contrat de
distribution » (Com. 11 déc. 2019, n° 18-10.790, D. 2020. 51 , note C. Grimaldi ; AJ contrat 2020. 95, obs. N.
Dissaux ; arrêt rabattu par Com. 12 févr. 2020, n° 18-10.790, D. 2020. 388 ). La solution est discutable, car
elle amène le fournisseur à payer deux fois la même prestation, certes auprès de bénéficiaires distincts. Et l'on
comprend mal en quoi la solution contraire porterait atteinte, même indirecte, au statut d'ordre public, sauf à
considérer que la société condamnée à reverser au fournisseur une partie de la rémunération qu'elle aurait
perçue puisse se retourner contre son dirigeant pour lui demander à son tour un remboursement à due
concurrence (comme en l'espèce, le dirigeant a souvent déjà été rémunéré par sa société pour son activité de
direction au titre de laquelle il revendique, par ailleurs, le statut de gérant de succursale à l'égard du fournisseur,
de sorte que, de manière là encore discutable, il est susceptible de bénéficier d'une double rémunération pour la
même prestation). Mais si cette action de la société était admise, ce qui est douteux, elle ne remettrait pas en
cause le fait que son dirigeant a bien reçu du fournisseur la rémunération prévue au statut. Au demeurant, la
double rémunération dont profiterait le dirigeant est-elle véritablement conforme à l'esprit du statut ? Il a d'ailleurs
été jugé que, dans l'hypothèse voisine où le gérant de succursale est partie au contrat conclu avec le
fournisseur, il ne peut cumuler la rémunération due par le fournisseur et celles perçues au sein de son entreprise
au titre de bénéfice commercial en sa qualité d'exploitant à titre personnel (Soc. 26 oct. 2011, n° 09-72.836).
L'arrêt en cause ne révèle-t-il pas les limites de l'application du statut de gérant au dirigeant de la société

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distributrice ?

B - Accords de réseau

Alors que le réseau de distribution ne fait l'objet d'aucune définition générale en droit positif, un arrêt récent vient
en éclairer la notion (Paris, 23 janv. 2019, n° 16/15238). En l'espèce, le dirigeant commun à deux sociétés ex-
franchisées d'un réseau d'instituts de beauté crée une enseigne qu'il appose sur l'ensemble de ses instituts de
soins et à laquelle d'autres instituts exploités par d'anciens franchisés vont se rallier. Le franchiseur lui reproche
alors d'avoir violé la clause de non-concurrence interdisant, à l'issue du contrat, de « créer un réseau concurrent
(dans le même domaine) sur toutes les villes où sont implantés les instituts franchisés... ». Le débat portait sur le
point de savoir si l'ex-franchisé avait ou non créé un « réseau ». La cour répond par la négative, précisant ainsi
la notion de réseau, dont la création « implique l'existence de contrats de franchise comportant des obligations
réciproques entre une tête de réseau décisionnaire et ses affiliés, ainsi qu'une organisation commune », ce qui
n'était pas le cas en l'espèce, et en ajoutant que « l'adoption par tous leurs magasins d'une enseigne commune
ne suffit pas à constituer un réseau ». Selon la cour, le réseau se caractérise par deux éléments : « des
obligations réciproques entre une tête de réseau décisionnaire et ses affiliés, ainsi qu'une organisation commune
».

D'une part, donc, une organisation de type « vertical » entre le promoteur et les membres au sens où il suppose
un pouvoir de la tête (le promoteur) sur les membres (les affiliés), la Cour visant d'ailleurs la qualité de «
décisionnaire » du promoteur. Le réseau doit alors être distingué du regroupement qui organise des rapports sur
un plan plus égalitaire. Ainsi, il se dégage de la notion de réseau telle qu'elle ressort de l'arrêt, l'exigence d'une
organisation de type vertical au sommet de laquelle se situerait le promoteur, tandis que les distributeurs
occuperaient la base. C'est ce mode de fonctionnement de type vertical qui a permis aux juges de distinguer le
contrat de franchise du contrat de partenariat (Aix-en-Provence, 21 juin 2018, n° 16/21090, D. 2019. 783, obs. N.
Ferrier ). Or cette « verticalité » des rapports entre le créateur de l'enseigne et ceux s'y étant ralliés faisait ici
manifestement défaut.

D'autre part, une « organisation commune », qui doit permettre la mise en oeuvre d'une politique commerciale
commune au sein du réseau, d'où résultera l'effet de synergie propre au réseau, et qui explique le pouvoir
décisionnaire et de contrôle du promoteur, précisément destiné à définir les termes de cette organisation et d'en
assurer le respect. On comprend alors que le seul fait de partager la même enseigne ne puisse suffire à
caractériser un réseau, même s'il peut en constituer un indice puisque l'enseigne commune permet d'expliquer la
mise en place d'une organisation commune. L'existence d'un réseau aurait, par exemple, impliqué une politique
commerciale commune, au-delà de la seule utilisation d'une même enseigne. On comprend d'ailleurs que les
deux caractères exigés (verticalité des rapports et organisation commune) sont, en réalité, liés, dans la mesure
où le respect d'une organisation commune requiert une structure qui puisse imposer les choix aux différents
membres du réseau.

1 - Distribution sélective

Le refus par le promoteur d'un réseau de distribution sélective d'agréer celui qui remplit pourtant les critères de
sélection alimente toujours le contentieux, tant en droit des pratiques anticoncurrentielles (V. supra) qu'en droit
commun des contrats.

Des arrêts récents confirment la jurisprudence selon laquelle un tel refus n'est pas fautif, sauf circonstances
particulières (Paris, 27 mars 2019, n° 17/09056, qui rappelle « qu'aucune obligation de conclure un contrat de
distribution sélective avec tous les distributeurs remplissant les critères de sélection ne pèse sur le fournisseur,
en raison du principe de la liberté contractuelle » et que rien ne l'oblige à maintenir son agrément, « les
engagements perpétuels étant prohibés » ; 31 juill. 2019, n° 16/20683, AJ contrat 2019. 447, obs. R. Pihéry ).
Certes, un arrêt avait retenu une solution contraire (Paris, 24 mai 2017, n° 15/12029), mais il a été cassé au
motif que l'exigence de bonne foi ne requiert pas, de la part du promoteur de réseau de distribution, la
détermination et la mise en oeuvre d'un processus de sélection (Com. 27 mars 2019, n° 17-22.083, D. 2019.

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692 , et 2208, chron. A.-C. Le Bras ; AJ contrat 2019. 295, obs. F. Buy et J.-C. Roda ; RTD civ. 2019. 570,
obs. H. Barbier ; JCP E 2019. 1416, note D. Mainguy ; et, sur renvoi, Paris, 23 oct. 2019, n° 19/07878). Si la
Cour de cassation rejoint ainsi le courant jurisprudentiel majoritaire, reste à savoir si cette solution concerne
seulement la distribution sélective quantitative, comme tel était le cas en l'espèce, ou si elle s'étend à la
distribution sélective purement qualitative. La première solution est défendue au nom d'un principe de
cohérence, le promoteur d'un réseau de distribution sélective purement qualitative ayant fait naître une attente
légitime en s'engageant à sélectionner tous ceux qui remplissent les critères. Néanmoins, la seconde doit, selon
nous, être retenue, en considérant qu'en droit des contrats, eu égard à la possibilité de discriminer, les candidats
n'ont aucune attente légitime dans le fait d'être sélectionné, le promoteur ne s'engageant pas à retenir tous ceux
qui remplissent les critères, mais seulement à sélectionner parmi ces derniers. La jurisprudence conforte cette
dernière analyse (Paris, 27 nov. 2019, n° 18/06901, qui, après avoir rappelé la liberté de ne pas sélectionner,
retient que « se trouve indifférente en l'espèce la distinction entre système de distribution sélective quantitative et
système de distribution sélective qualitative »).

2 - Distribution exclusive

La distribution exclusive confère au concessionnaire l'exclusivité de commercialisation sur un territoire défini. Le


plus souvent, elle protège le concessionnaire contre les ventes actives réalisées sur son territoire par d'autres
distributeurs approvisionnés par le promoteur.

La qualification de vente active est parfois assez simple. Elle vise, par exemple, le fait pour un concessionnaire
sous enseigne d'équipement automobile d'organiser des opérations promotionnelles sur le parking d'un
hypermarché situé sur le territoire exclusif d'un autre concessionnaire, en mettant à disposition de l'hypermarché
ses salariés qui vendent des pneumatiques étiquetées au nom de l'enseigne et qui en proposent ensuite un
montage sur un stand situé sur le parking et à l'aide d'une camionnette au nom de l'enseigne (Lyon, 12 nov.
2019, n° 17/00952). La solution s'explique assez bien par la notion de vente active, qui consiste à prospecter
spécialement une clientèle donnée, en l'occurrence celle relevant du territoire attribué à un autre
concessionnaire.

Mais la distinction entre vente active et passive peut s'avérer délicate, ne serait-ce que parce que la notion de
vente active, même éclairée par les lignes directrices accompagnant le règlement UE 330/2010 (V. pt 51), n'est
pas toujours simple à appréhender, en particulier appliquée au commerce en ligne, tant l'évolution des
techniques de vente et habitudes d'achat en ont bouleversé l'approche. C'est dans ce contexte qu'un arrêt mérite
d'être rapporté (Paris, 30 août 2019, n° 17/19477). En l'espèce, un distributeur exclusif sur la Suisse reproche
au fournisseur la violation de l'exclusivité territoriale en vendant les produits à des pure players dont le nom de
site vise la Suisse. Le grief est écarté au motif que les ventes réalisées par le fournisseur auprès de pure players
ne portent atteinte à l'exclusivité que si ces distributeurs parallèles revendent activement en Suisse. Or rien ne
prouve que le fournisseur « a entrepris, via lesdits sites, une politique de démarchage des clients du marché
helvétique » et « la circonstance que le site de La Redoute et des 3 Suisses, en Suisse, ait pour nom spécifique
de domaine "Laredoute.ch" et "3suisses.ch" et que les prix des produits proposés soient exprimés en monnaie
nationale de la confédération helvétique, qui révèle une adaptation des modalités de vente des produits
concernés au marché local, n'induit pas pour autant la mise en place de ventes actives de produits Kaporal via
ces deux sites ».

Si, dans la distribution exclusive, une obligation d'assistance est souvent mise à la charge du concédant, sa
portée ne doit pas être exagérée, comme la Cour de cassation a eu l'occasion de le rappeler (Com. 19 juin
2019, n° 17-29.000, RTD civ. 2019. 570, obs. H. Barbier ). En l'espèce, un concessionnaire demande à son
concédant de lui accorder des facilités de paiement en raison de difficultés économiques, en vain. La cour
d'appel estime que, par ce refus, alors que le concessionnaire était au bord de l'asphyxie et tentait de redresser
son activité dans un contexte économique que les deux parties qualifient de difficile et alors que le concédant ne
justifiait pas de ce que sa propre situation financière ne lui permettait pas de se montrer plus conciliant, celui-ci a
manqué à son obligation de bonne foi et aux obligations de loyauté et de collaboration qui en découlent. L'arrêt
est cassé, la Cour de cassation, reprenant la formule du célèbre arrêt « Les Maréchaux » (Com. 10 juill. 2007, n°

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06-14.768, D. 2007. 1520, obs. X. Delpech , 2839, note P. Stoffel-Munck , 2764, chron. R. Salomon , 2844,
note P.-Y. Gautier , et 2966, obs. B. Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2007. 773, obs. B. Fages ; RTD com.
2007. 786, obs. P. Le Cannu et B. Dondero ), affirme que l'exigence de bonne foi n'autorise pas le juge à porter
atteinte aux modalités de paiement du prix fixé par les parties, lesquelles constituent la substance même des
droits et obligations légalement convenus entre les parties, et en déduit que la cour d'appel a violé l'ancien article
1134, alinéas 1er et 3, du code civil. Une solution analogue ressort d'un autre arrêt (Paris, 3 avr. 2019, n°
17/12787). En l'espèce, un concessionnaire estimait que le concédant aurait dû « réagir immédiatement face aux
difficultés dénoncées et (...) leur proposer des solutions commerciales et financières ». Il lui reprochait, en
particulier, de ne pas lui avoir proposé un rééchelonnement de sa dette et d'avoir maintenu les obligations
d'achat imposées par le contrat initial. Là encore, le grief est écarté, au motif que : « si le concédant doit une
certaine assistance commerciale et technique au concessionnaire, qui peut être également assortie d'une
assistance financière et d'un devoir de conseil, l'obligation d'assistance ne doit pas porter atteinte à
l'indépendance juridique du distributeur (...) et ne saurait imposer au concédant de redéfinir un nouveau plan
financier (...) ou de lui suggérer une réorientation, sauf dispositions contractuelles (...) »).

Ainsi l'assistance due au concessionnaire se trouve limitée, d'une part, au titre d'une considération restrictive du
devoir général de bonne foi excluant toute coopération renforcée ; d'autre part, en raison du risque d'immixtion
du concédant dans l'activité du concessionnaire alors que celui-ci est un distributeur indépendant.

3 - Franchise

À la veille de la révision du règlement d'exemption UE 330/2010 et à l'heure où certains s'interrogent sur


l'opportunité de prévoir, dans le prochain règlement, des dispositions spécifiques, voire une définition de la
franchise, parfois ramenée, à tort, à une forme de distribution sélective, un arrêt vient rappeler la singularité de
cette forme de distribution, qui désigne le contrat « par lequel une entreprise dénommée franchiseur confère à
une ou plusieurs autres entreprises dénommées franchisées le droit de réitérer, sous l'enseigne du franchiseur, à
l'aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion
préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l'avantage concurrentiel qu'il procure,
raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires profitables » (Douai, 21 nov. 2019, n°
18/02432). Le contrat se caractérise ainsi par des moyens (l'enseigne ; le « système de gestion » offrant un
avantage concurrentiel, ce qui renvoie au savoir-faire. Rappr. Paris, 23 janv. 2019, n° 16/15238, qui rappelle la
distinction entre le contrat de franchise, qui suppose la délivrance d'un savoir-faire et une assistance pendant
l'exécution, et la simple licence de marque) et la fin (permettre raisonnablement au franchisé diligent de faire des
affaires profitables : autrement dit l'espérance légitime de rentabilité).

Un arrêt revient sur la question de la cession forcée du contrat de franchise en cas de procédure collective du
franchiseur, fondée sur l'article L. 642-7 du code de commerce (Limoges, 28 janv. 2019, n° 17/01340, JCP E
2019. 1207, obs. A. Bories). L'application de ce dispositif dans une telle situation aurait pu se heurter à deux
obstacles, en l'occurrence écartés par la cour. D'abord, le rattachement du contrat de franchise à la catégorie
des contrats « de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l'activité (en l'occurrence du
franchiseur) », au sens de l'article précité ne va pas de soi, car on peut se demander si le franchisé fournit
effectivement un service au franchiseur, certains arrêts ayant répondu par la négative (V. not. Paris, 15 déc.
1992, n° 92/015762, JCP E 1993. I. 275, n° 6, obs. P. Pétel. Comp. cep. CJUE 19 déc. 2013, aff. C-9/12, Corman
Collins, pt 38, D. 2014. 1059, obs. F. Jault-Seseke , et 1967, obs. L. d'Avout ; AJCA 2014. 28 , note G.
Parleani ; Rev. crit. DIP 2014. 660, note D. Bureau ; RTD civ. 2014. 848, obs. L. Usunier ; RTD com. 2014.
443, obs. A. Marmisse-d'Abbadie d'Arrast , et 457, obs. P. Delebecque , qui qualifie le contrat de concession
de contrat de fourniture de service de distribution, en l'occurrence rendu par le concessionnaire au concédant).
Ensuite, le caractère intuitu personae du contrat de franchise pourrait également s'opposer au changement de
cocontractant. L'argument est en l'occurrence écarté au motif que l'intuitus personae ne présentait pas un
caractère réciproque puisque le contrat stipulait expressément que le franchisé ne pouvait se prévaloir d'aucune
modification dans la personne du franchiseur. La solution mérite d'être soulignée car elle admet l'efficacité d'une
clause excluant l'intuitus personae, ce dont on pouvait discuter. La cour semble toutefois estimer que la solution
serait identique en présence d'un intuitus personae réciproque puisqu'elle précise que la cession forcée s'impose

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« a fortiori lorsque le contrat ne prévoit aucune clause de réciprocité au caractère intuitu personae », suggérant,
selon un auteur (A. Bories) que « l'éventuelle réciprocité n'y ferait pas obstacle ».

Le sort du fichier-client au sein des réseaux de distribution est un sujet délicat car il renvoie à la question de la
titularité de la clientèle au sein des « commerces intégrés » et son exploitation par les membres du réseau (V.
déjà Paris, 3 avr. 2019, n° 17/12787, qui déboute un concessionnaire estimant avoir été privé de son droit de
propriété sur les fichiers de clientèle détenus et gérés par une société tierce pour le compte du concédant
aboutissant à une captation de sa clientèle ; au motif que, d'une part, la clientèle ainsi captée était attachée à la
marque et donc au concédant et, d'autre part, que rien n'interdisait au concessionnaire de constituer son propre
fichier clientèle). Un arrêt vient illustrer le propos en matière de franchise (Paris, 22 mai 2019, n° 17/05279,
Concurrences 3/2019, p. 92, obs. A.-C. Martin). En l'espèce, un franchisé invoquait l'absence de contrepartie, au
sens de l'article L. 442-6, I, 1°, ancien du code de commerce, de la clause du contrat l'obligeant à mettre à
disposition du franchiseur l'intégralité de sa base de données clients. La cour écarte le grief au motif que la base
de données reste attachée au fonds de commerce du franchisé, le franchiseur s'engageant à ne pas la diffuser à
un autre franchisé, ni à l'utiliser pour son seul compte ou celui d'une de ses filiales autrement que dans l'intérêt
du développement du site, vitrine de la marque, et ce avec le plein accord du franchisé. La cour ajoute qu'il
existe bien des contreparties à la mise à disposition temporaire, par le franchisé, de sa base de données clients
tenant à l'exploitation des coordonnées des clients, soit à des fins de fidélisation de ces derniers, soit à des fins
marketing, pour accroître le volume de vente des membres du réseau. On peut se demander, avec un auteur, si
la solution n'illustre pas l'idée selon laquelle le client du distributeur ou du promoteur d'hier est plus que jamais,
aujourd'hui, le client du réseau de distribution considéré dans sa dimension collective (A.-C. Martin, obs. préc. ;
V. Marx, la dimension collective des réseaux de distribution, préf. D. Ferrier, ANRT Diffusion, 2012). Il faut, tout
au moins, admettre qu'au cas d'espèce, l'exploitation, par le franchiseur, du fichier-client de l'un des franchisés
sert le réseau dans son ensemble, donc chacun de ses membres, soit en particulier ce franchisé qui trouve ainsi
une contrepartie à la mise à disposition de son fichier.

Mots clés :
CONCURRENCE - DISTRIBUTION * Panorama 2020

(1) En raison des contraintes de volume, les références bibliographiques ont été réduites au strict minimum.

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