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INFORMATION SUR LES INSTRUMENTS FINANCIERS.

Avant d’entamer cette partie, nous avons jugé bon de faire une
présentation des conditions générales des banques islamiques pour les
demandes de financement.

A) Les conditions générales de financement islamique

Les banques islamiques accordent des financements pour toutes les


activités excepté celles liées à l’alcool, à l’élevage de porc, à la production
d’armes, à la spéculation financière et toutes autres activités illicites ou
prohibées par la Charia. En sus de ces activités écartées du financement
islamique, la BIS jusqu’en 2006 pour des raisons stratégiques
n’intervenait pas non plus dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche.

En plus des conditions classiques de prêt qui sont : la rentabilité


financière, la solvabilité, les banques islamiques tiennent beaucoup à la
valeur sociale du projet surtout en termes de création d’emploi, d’impacts
économiques… pour instruire une demande de prêt les banques islamiques
exigent aussi la présentation de documents certifiés allant du bilan au
business plan mais aussi des garanties quelques fois. Concernant les
garanties, elles ne diffèrent pas beaucoup de celles des autres banques
seulement que la demande de garanties n’est pas en général
systématique au niveau des banques islamiques. C’est souvent les
relations banque-clients qui priment.

Les banques islamiques tiennent surtout à la rentabilité des projets


présentés car leur rémunération dépend de cette rentabilité. Elles exigent
souvent des taux de rentabilité très élevés pouvant atteindre 25 %. D’où
l’exigence d’un dossier de demande de crédit très solide renforcé par une
étude de projet complet. Dans le cadre de financement de projets, la
rémunération de banque est fixée par négociation entre le promoteur et le
banquier et porte sur la répartition du bénéfice futur. Les crédits octroyés
sont en général du court ou moyen terme et rarement du long terme.

B) Les instruments de financement par participation

1) Le Moudaraba (commandite simple)


C’est une opération sous forme de commandite simple, une association à
but lucratif matérialisée par un contrat entre la banque (Rabb al maal) et
un ou groupe d’entrepreneurs (Moudarib).

Dans cette opération, la banque est le seul pourvoyeur de fonds tandis


que le ou les promoteurs n’apportent que de l’industrie et/ou leur savoir
faire. Cependant, il peut arriver que l’on demande à l’entrepreneur de
participer au capital dans le but de pousser ce dernier à s’impliquer
davantage dans le projet.

Dans une opération de Moudaraba, la responsabilité de la bonne conduite


et la gestion du projet reposent sur les épaules de l’entrepreneur
(Moudarib). La banque évite de s’immiscer dans la gestion du projet sauf
si l’entrepreneur le souhaite. Toutefois dans la pratique, la banque désigne
un ou plusieurs experts chargés de suivre le déroulement du projet grâce
au plan de développement présenté par le promoteur. L’entrepreneur doit
coopérer pleinement avec ces experts et ces derniers doivent être
associés à toute modification stratégique ou changement susceptible
d’influencer les résultats. Le promoteur a donc le feu vert tant qu’il suit la
ligne de conduite stipulée dans le contrat de Moudaraba.

Les fonds de Moudaraba sont accordés après une analyse des dossiers de
demande présentés par les intéressés. Le choix porte d’abord sur les
projets qui ont une rentabilité prévisionnelle très élevée (atteignant 25 %)
et présentant moins de risques. A cela il faut ajouter la faisabilité du
projet, le coût des investissements, la compétence de l’entrepreneur, ses
expériences en la matière, sa moralité, sa motivation…

En général dans une opération de Moudaraba, la banque fournit 75 % à


95 % des fonds et cela par tranches selon la planification indiquée dans le
contrat.

Concernant les bénéfices, une clé de répartition est fixée suite aux
négociations entre les deux parties. La rémunération de la banque varie
entre 40 % et 55 % des bénéfices nets. En cas de faillite, la banque
supporte les pertes financières et le promoteur ne subira que des coûts
d’opportunité c’est-à-dire son temps et ses efforts. Cependant si la faillite
est due à une négligence ou une faute de gestion de l’entrepreneur, celui-
ci devra assumer sa part de responsabilité.

En théorie les prêts de Moudaraba ne nécessitent aucune garantie en


dehors de la compétence, de l’expertise, de la moralité de l’entrepreneur.
Mais il arrive que les banques demandent des garanties si le niveau du
risque est jugé considérable.

Au niveau de la BIS, les fonds de Moudaraba sont accordés aux clients


jouissant d’une bonne réputation et ayant la maitrise de leur domaine
d’activité. Toutefois quel que soit le client, la solidité et la rentabilité du
projet et les garanties sont les meilleurs arguments pour une banque.
Selon les conditions de banque 2006, l’ouverture du dossier Moudaraba
était fixée à 5.000 FCFA et la mise en place varie de 30.000 à 100.000
FCFA pour des prêts allant jusqu’à 50 millions FCFA.

Durant nos recherches nous avons constaté que le Moudaraba est très peu
utilisé dans le monde de la finance islamique (annexe 9). Cela est peut-
être dû aux conditions et procédures de suivi (du côté des clients) ou aux
risques que représente cette opération pour les banques. On note
cependant une faible utilisation de cette opération au niveau international,
en général elle contribue à la mise en place de fonds d’investissement
destinés au financement de diverses activités dans le monde(23).
De manière générale, le contrat de Moudaraba est destiné aux opérateurs
économiques voulant exploiter des nouveaux marchés ou niches et aux
jeunes entrepreneurs ne disposant que de leur savoir faire et aux PME.

2) Le Mousharaka (la participation)

Le Mousharaka est un contrat de financement qui part du même principe


que la Moudaraba, seulement ici on est dans le cas d’une association qui
ressemble souvent à une société de fait. Le Mousharaka est un contrat de
partenariat entre deux ou plusieurs parties en général entre une
institution financière et un ou groupe d’entrepreneurs où chaque partie
doit réaliser un apport soit en numéraire ou en nature.

Les associations par Mousharaka peuvent revêtir la forme d’une société


anonyme et jouir de tous les droits en tant que telle. Dans cette opération
toutes les parties prenantes sont associées à la gestion du projet sauf en
cas de refus de l’une d’elles d’y prendre part. La rémunération des
associés est basée sur les bénéfices et le partage se faire au prorata des
apports. De même les pertes sont supportées par chaque associé en
fonction de sa participation. Aussi les associés sont rémunérés pour les
fonctions qu’ils assument dans la conduite du projet et cela
indépendamment de la répartition générale des bénéfices.

On distingue plusieurs types de Mousharaka, mais à notre niveau nous ne


parlerons que du Mousharaka de durée indéterminée et de Mousharaka
dégressif.
Le contrat de Mousharaka de durée indéterminée est une prise de
participation pure et simple de la banque dans une société et elle demeure
actionnaire tant que le projet fonction normalement.

Le contrat de Mousharaka dégressif est un prêt participatif où le


remboursement se fait selon un plan défini dans le contrat. A l’échéance,
la banque cède ses parts à l’entrepreneur et se retire complètement du
projet au bénéfice de ce dernier. Un contrat de Mousharaka respect dans
toutes ses lignes les règles du droit contractuel et islamique et est soumis
aux mêmes conditions que le contrat de Moudaraba. Le Mousharaka peut
s’appliquer aux activités du commerce, de l’industrie et de l’agriculture.
Les banques islamiques du Soudan utilisent cette technique de
financement dans le milieu agricole, elles fournissent aux paysans tous les
outils, les semences, les engrais, le carburant… A la vente des récoltes les
fermiers empochent 30 % et les 70 % restant sont répartis entre la
banque et le cultivateur selon les termes du contrat (24).

C) Les autres instruments de financement islamique

1) le Mourabaha

Le Mourabaha est un contrat de vente entre une banque islamique et un


client de la banque. Le client donne l’ordre à la banque d’acquérir pour
son compte un actif et s’engage dans un contrat à racheter le bien au prix
de revient avec une marge de bénéfice revenant à la banque. Cette marge
est déterminée à la suite de négociations entre la banque et le client
donneur d’ordre. Le calcul de cette marge se fait sur la base de la même
formule de calcul que le taux d’intérêt. Le contrat de Mourabaha ne porte
que sur des actifs existant au moment de la signature du contrat. Le
Mourabaha fait intervenir la banque sur deux terrains, d’abord elle
identifie et signe un contrat d’achat avec le fournisseur et en suite signe
un contrat de vente avec son client (le donneur d’ordre).
Après la signature du contrat, la banque se charge de toutes les
opérations liées à l’acquisition et au transfert du bien au donneur d’ordre.
Après la livraison, le bien devient la propriété exclusive du donneur
d’ordre. Ce dernier à la possibilité de payer comptant le bien après la
livraison ou opter pour un paiement différé. Dans ce dernier cas, le
paiement peut être sous forme de loyers avec un échéancier bien défini
que le client doit s’engager à respecter. Cette modalité de paiement
amène certains auteurs a affirmé que le Mourabaha est identique au prêt
à intérêt, parce que ces loyers comprennent la marge de profit de la
banque et peuvent être considérés comme des intérêts versés par le
client. En guise de réponse les théoriciens de la finance islamique
affirment que la différence entre ces deux opérations est que le prêt à
intérêt classique ne concerne que l’argent alors que le Mourabaha ne porte
que sur des actifs réels.

Le Mourabaha pose les mêmes conditions de validité du droit contractuel,


d’abord les cocontractants doivent manifester librement leur
consentement, jouir de la capacité de contracter et le bien objet du
contrat doit être connu en détaille. Les dossiers de demande de
financement sous forme de Mourabaha déposés par les clients doit
comprendre non seulement la nature, la qualité, les quantités mais aussi
les caractéristiques techniques des biens concernés. Il ne doit y avoir
aucune ambiguïté au sujet du prix du bien, la banque et son client doivent
être informés en détaille sur toutes les charges liées à l’acquisition de
l’immobilisation. Ainsi la banque ne peut sous aucun prétexte modifier le
prix fixé au départ dans le contrat sauf avec l’accord du client donneur
d’ordre.
Pour les opérations de Mourabaha, les banques islamiques demandent les
mêmes types de garantie que les banques classiques.
En effet, pour se protéger contre les risques de défaut de paiement et de
changement d’avis des clients, les banques islamiques exigent des
garanties qui en principe doivent être en fonction des moyens du client. La
banque peut aussi prendre le bien vendu comme gage, tout dépend des
termes du contrat. La banque centrale du Liban par exemple conseille les
banques islamiques a exigé un apport personnel du client (“hamech al
jiddiya”) qui ne doit pas être inférieur à 15 % du montant total du contrat.
En cas de défaut de paiement lié à la mauvaise foi du client, la banque
peut appliquer des pénalités mais aussi exiger un dédommagement selon
un taux fixé dans le contrat.

Pour les exercices 2005 et 2006, la BIS a alloué des crédits de Mourabaha
à hauteur de 13972 et 15813 millions de FCFA (annexe 4), d’ailleurs le
Mourabaha est l’instrument de financement le plus utilisé dans le monde
de la finance islamique (annexe 9).

Le Mourabaha peut être très utile aux PME, qui à cause de leur faiblesse
sur le plan financier et commercial ont des difficultés à accéder à certains
marchés contrairement aux grandes entreprises. Pour les PME le
Mourabaha pourrait être un excellent moyen pour importer des
marchandises, des matières premières ou des équipements et outils
industriels.

2) Ijara ou crédit-bail

L’équivalent de l’opération de leasing ou de crédit bail dans la finance


islamique est l’Ijara. La différence ici n’est qu’une question de
terminologie et elle est aussi liée au fait que les banques islamiques ne
financent pas les actifs en rapport avec des activités prohibées par la
Sharia’a (matériel de production d’alcool).

Le circulaire n°36 du 13 Septembre 2007 de la banque central du Maroc,


dans son article 1 donne la définition suivante : « On entend par Ijara,
tout contrat selon lequel un établissement de crédit met, à titre locatif, un
bien meuble ou immeuble, identifié et propriété de cet établissement, à la
disposition d’un client pour un usage autorisé par la loi.»
Dans le contrat d’Ijara le client choisit lui-même le bien en question,
négocie le prix avec le fournisseur et ensuite informe la banque, à laquelle
il donne mandat pour l’acquisition du bien. Cette opération met donc en
rapport trois parties : le client, la banque et le fournisseur.

Dans une opération d’Ijara, le matériel demeure la propriété de la banque


pendant toute la durée du contrat. En d’autres termes l’établissement de
crédit garde la nue-propriété du bien et ne transfert au client que l’usus et
le fructus. Le contrat d’Ijara ne concerne que les biens durables et
répondant à un standard défini par la banque. Les actifs comme les
licences d’exploitation de ressources naturelles (pétrole, minéraux…), les
brevets, les droits d’auteur n’entrent pas dans le cadre de contrat d’Ijara.

Pour jouir d’un contrat d’Ijara, le client (locataire) doit fournir un certain
nombre de documents qui feront l’objet d’une analyse de la part de la
banque. Ce sont : la demande d’acquisition du bien sous Ijara, une facture
proforma, les états financiers des trois dernières années.

Le contrat d’Ijara doit contenir des clauses précisant : la nature de


l’opération, le bien, l’engagement du client à louer le bien, le montant des
loyers, les modalités de son paiement et les dates des échéances, les
divers frais et les cas ou conditions de résiliation du contrat et de son
renouvellement.

Dans cette opération, les loyers sont déterminés d’accords partis entre
l’institution de crédit islamique et le locataire. Les loyers sont en général
fixés en fonction des moyens du locataire, ainsi on distingue deux type de
barème : un barème linéaire et un barème dégressif.

Pendant toute la durée d’un contrat d’Ijara, le locataire est seul


responsable du bien, raison pour laquelle il est souvent sollicité
directement ou indirectement pour l’assurance.

Le contrat d’Ijara nécessite aussi des garanties qui peuvent être des
sûretés réelles ou personnelles, souvent c’est le bien objet du leasing qui
constitue la garantie.

L’Ijara est un contrat synallagmatique et sa durée est irrévocable. Les


causes pouvant mettre fin au contrat d’Ijara sont : le non-paiement des
loyers, la sous location, la cession ou la mise en gage du bien, l’asymétrie
de l’information…

Si le locataire ne respecte pas ses engagements, il devra restituer le bien


à la banque et verser les loyers restants en guise d’indemnisation. Les
banques islamiques sont beaucoup plus souples concernant les garanties
dans les contrats d’Ijara que les banques classiques dans les contrats de
crédit bail.
En effet les banques islamiques sont en principe plus sensibles aux
difficultés d’ordre économiques et financières auxquelles peuvent être
confrontés les locataires et qui sont indépendant de ces derniers. En
général dans ces cas, les banques islamiques accordent un délai
supplémentaire pour permettre aux locataires d’améliorer leur position de
trésorerie.

A la fin du contrat, le locataire peut renouveler le contrat, dans ce cas les


loyers seront inférieurs à ceux du premier contrat. Il peut aussi décider de
restituer le bien et mettre fin au contrat d’Ijara ou simplement convenir
avec la banque pour un transfert de propriété en achetant le bien. Dans ce
dernier cas en principe la banque ne demande qu’une somme symbolique
puisqu’elle est déjà rentrée dans ses fonds, la BID en général remet le
bien au locataire à la fin du contrat.

L’Ijara ou le crédit bail est un mode de financement qui peut permettre


aux particuliers et aux entreprises d’obtenir des équipements ou des
immobilisations qu’ils ne peuvent acheter directement. Ce type de
financement doit être privilégié par les PME à cause des avantages du
système des amortissements et du fait que les loyers payés sont
considérés comme des charges sur le plan comptable.

Le contrat d’Ijara est aussi utilisé dans la conception des obligations


islamiques (Sukuk) où les loyers représentent les coupons et le bien l’actif
sous-jacent.

Au niveau de la société générale de banque du Sénégal (SGBS) par


exemple dans le cadre d’une opération de crédit bail, la banque peut
financer le matériel jusqu’à hauteur de 100% du prix d’achat, les frais de
dossiers sont de 0,25% de la base locative (minimum 75000 FCFA) et les
loyers sont réglés d’avance le 15 de chaque mois.

Du coté de la BIS, l’ouverture du dossier de crédit Ijara (leasing) est fixée


à 5000 FCFA, la mise en place varie de 30.000 à 100.000 FCFA en
fonction du client et les loyers sont déterminés entre les parties (annexe
1).

3) Ijara Wa iktina ou location vente

L’Ijara wa iktina est un contrat de crédit bail au même titre que l’Ijara cité
ci-dessus, la seule différence est que le locataire s’engage dès le départ à
racheter le bien à la fin du contrat. Dans cette opération, les loyers payés
servent à la fois de rémunération à la banque mais aussi de marge
bénéficière. La BIS ouvre au nom du locataire un compte d’investissement
dans lequel seront versés les loyers et ce compte fait l’objet d’une
rémunération de la part de la banque au profit du client (locataire).

Nous avons aussi d’autres instruments de financement islamique qui sont


rarement utilisés dans les opérations financières islamiques et qui
pourraient être utiles aux PME. Comme instruments de financement nous
pouvons donc citer :
- L’Istisna
L’Istisna est une opération semblable au Mourabaha, mais ici le contrat
porte sur un bien qui doit être fabriqué ou construit. Exemple : la Sénélec
a besoin d’un modèle spécifique de turbine, elle s’adresse à la BIS avec
laquelle elle signe un contrat d’Istisna. La BIS contacte à son tour le
fabricant et se charge de payer toutes les charges liées à la fabrication du
matériel. Après la fabrication de la turbine, la BIS se charge de la livrer à
la Sénélec qui aura la possibilité de payer comptant ou selon un
échéancier.

Cette opération peut prendre la forme du système anglais du “Build


operate and transfer” (BOT) dans le cas où l’on décide d’étaler les
paiements sur une longue période.

- La vente Salam

La vente Salam obéi aux mêmes règles que le contrat d’Istisna, mais dans
le contrat de vente Salam les paiements sont exigés d’avance. En d’autres
termes le client doit libérer une partie ou la totalité des fonds avant que la
banque ne passe la commande du bien objet du contrat.

L’avantage de cette opération c’est que le client se met d’une certaine


manière à l’abri des risques de taux et de change que la banque devra
assumer le cas échéant en libérant les fonds d’avance.

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