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CM2

- L’Empire ottoman à l’ère des réformes




Au XIXe siècle, de vastes entreprises de réformes sont engagées dans les régions du MO et
du Maghreb. En réponse à l’affaiblissement de l’empire et aux pressions européennes,
sultans ottomans, gouverneurs des provinces arabes et intellectuels ont cherché à
transformer le système administratif, militaire et politique d’une part et, plus largement la
société.
Se pose à eux deux questions complexes : comment renforcer l’Empire ottoman? Que
prendre à l'Occident, pour se moderniser, sans y perdre son âme ?

Les réformes du XIXe siècle ne sont pas l’application mécanique d’idées venues de
l’extérieur. Aujourd’hui, on met l’accent sur les acteurs ottomans et la diversité de leurs
sources d’inspiration (européennes, musulmanes, égyptiennes, etc.). On ne saurait réduire
cette politique à une imposition de normes occidentales à un monde musulman
récalcitrant ; ou à un affrontement entre des réformateurs laïcs luttant contre des religieux
rétrogrades. Pragmatisme, emprunts et rejets caractérisent ces transactions culturelles.

Période de réorganisation = sens du mot Tanzîmât. Il s’agit de bâtir un État mieux
administré et mieux défendu. Certaines de ces réformes échouent, mais l’Empire qui
disparaît à l'issue de la Première Guerre mondiale est un État en mouvement, relativement
efficace, doté d'une force militaire non négligeable et capable de mobiliser sa population. Il
s'est adapté au voisinage d'une Europe très changeante, celle de l'essor du capitalisme, de la
révolution industrielle et de l'impérialisme.

I. La nécessité de réformer (contexte et prémisses)
A. Un déclin à nuancer
1) La réorganisation de l’empire répond à un constat objectif d’affaiblissement : l’EO perd du
terrain face à une Europe de plus en plus ambitieuse et intrusive.
- Prise de conscience d’un retard technologique par rapport aux Européens. Par exemple,
pour les constructions navales, les fortifications. Le rejet de l’imprimerie a aussi freiné la
circulation des ouvrages.
- Sentiment renforcé par le bouleversement de l’économie : Jusque-là relativement
autonome, l’économie ottomane dépend de plus en plus d’un capitalisme mondial dominé
par l’Europe occidentale.
- Un recul territorial préoccupant : comparer les cartes du XVIIe siècle et de la fin du XIXe
siècle. La Grèce devient indépendante en 1829-1930, les Balkans demandent leur
autonomie ; certaines régions sont colonisées par les Européens (CM3).
- Eveil des nationalismes dans les Balkans, en Grèce (c’est plus tardif dans les provinces
arabes). Révolution française, apparition de revendications libérales, souvent soutenues par
les Européens.
- Affaiblissement du pouvoir central : certaines provinces (Égypte, Tunisie) se gouvernent de
façon presque autonome. Les périphéries sont de moins en moins contrôlées.

1
Le diagnostic d’un déclin est promu, au milieu du XIXe siècle, par le tsar Nicolas Ier qui
assimile l’EO à « l’homme malade de l’Europe 1 », avec en arrière pensée, son
démembrement par les puissances européennes. Il s’agit moins d’un constat objectif que
d’un argument pour rallier la Grande-Bretagne à une alliance avec les Russes (contre
l’Empire ottoman), mais l’expression a eu un grand succès et sert (abusivement) à décrire
l’Empire ottoman pendant tout le XIXe siècle (jusqu’à la première Guerre mondiale)…
Une partie des élites ottomanes partage ce sentiment de décadence, par comparaison avec
le règne de Suleyman au XVIe siècle, présenté comme un âge d’or pour l’Empire, mais là
encore cette inquiétude ne traduit pas que des faits objectifs (l’inquiétude des élites de
l’Empire envers les faiblesses de celui-ci est récurrente dans l’histoire ottomane).
D’où la nécessite d’un point historiographique sur la question du déclin.

2) Point historiographique : Certains historiens discutent néanmoins aujourd’hui cette idée
de « déclin ». La vision d’un empire moribond, incapable de faire face à des forces
centrifuges, est rattrapée depuis 20-30 ans par une histoire qui met l’accent sur les réformes
entreprises par l’Empire pour se moderniser, sur son dynamisme, ses transformations.

La transformation de l’appareil d’État ne doit pas seulement être lue comme le moyen
utilisé par l’Empire pour combler son retard par rapport à une Europe qui l’aurait précédé
sur la voie de la civilisation et du progrès.
La croissance de l’appareil d’État et de la bureaucratie sont communes à bien des pays, selon
une chronologie presque similaire. L’Empire ottoman y perd de sa singularité.

B. Les premières réformes
On fait souvent commencer les Tanzimât en 1839 avec le rescrit de Gülhane, mais les
travaux récents insistent sur les années de préparation. Certains historiens parlent même
d’une « ère des réformes », un long siècle de réformes, qui irait de 1789 à 1922.
Des réformes sont ainsi entreprises dès la fin du XVIIIe siècle, sous les règnes de Selim III
(1789-1807) et de Mahmud II (1808-1839).

Ces réformes viennent du sommet de l’État : le pouvoir ottoman entreprend cette
modernisation par le haut et depuis le centre. Amélioration du contrôle d’Istanbul sur l’Irak,
la Syrie, Tripoli. Mais des réformes sont également impulsées très tôt dans certaines
provinces arabes (emprunts réciproques).
En Égypte, Mehmet Ali s'entoure de techniciens et de conseillers européens. À partir de
1820, il réorganise l’administration et l'armée et impose progressivement un modèle d'État
moderne centralisé. Il lance des travaux d'irrigation (grands barrages, canaux) et introduit
de nouvelles cultures. Le quartier de Bûlâq accueille une imprimerie dès 1822 et une école
d’ingénieurs en 1824. Le Caire devient la principale porte d’entrée des innovations venues
d’Europe.

Trans. : Il y a donc des aspirations diffuses, que le gouvernement ottoman cherche à
canaliser. Il est ainsi à l’initiative de réformes majeures, appelées Tanzîmât, à partir de 1839.


1
En 1853, lors d’une conversation avec Sir Hamilton Seymour, ambassadeur britannique à Saint-Pétersbourg.

2
II. Gouverner autrement et moderniser l’État
A. L’ère des Tanzîmât ou du libéralisme ottoman (1839-1878)
Les Tanzîmât sont une période d’intense activité législative et administrative, au cours de
laquelle l’État s’arroge de nouveaux domaines d’intervention.

1) Le rescrit de Gülhane : le 3 novembre 1839, le sultan Abdül-Medjîd (1839-1861) publie la
charte dite « de Gülhane », qui appelle à une réforme de l’impôt, du recrutement militaire et
de la justice. >> vu en TD

Contexte : depuis une dizaine d'années, l’empire a vu la Grèce, la Serbie, Alger lui échapper.
C’est aussi un moment de tension avec l’Égypte de Mehmed Ali. La réorganisation doit
permettre de renouer avec la grandeur passée.
Texte où les influences islamiques sont sensibles.
Le texte est préparé sous Mahmud II mais promulgué par son successeur. Des diplomates et
des fonctionnaires participent à sa rédaction (Mustafa Resid Pacha2).

2) La nouvelle charte impériale : le khatt-i Humayûn marque ensuite une accélération des
réformes, en février 1856. Les influences européennes s’y font davantage sentir, notamment
dans les mesures en faveur des minorités chrétiennes de l’Empire.
Contexte : fin de la guerre de Crimée, gagnée par l’EO avec l’aide de la GB et de la France.

Ce texte, adopté sous pression européenne transforme la place des chrétiens et des juifs
dans l’empire. La jaziya, impôt que payaient les chrétiens et les juifs, est supprimée. Ceux
qui veulent être exemptés du service militaire payent le bedel (les non-musulmans peuvent
acheter leur remplacement).
Le texte interdit les conversions forcées, garantit le respect des communautés non
musulmanes et l’égalité des sujets de l’empire devant l’impôt, la justice, l’instruction, les
obligations militaires, l’accès aux emplois publics.
Le texte invite les communautés religieuses à s’organiser, ce qu’elles vont faire. D’un côté,
on proclame l’égalité de tous les sujets devant l’empire dans l’idée de conforter le sentiment
d’appartenance à l’État ottoman, d’un autre on renforce les communautés. Les deux
politiques ne sont pas contradictoires, mais elles le deviennent quand certaines
communautés vont développer des sentiments nationalistes.

3) La Constitution (déc. 1876) : moment culminant de cette nouvelle façon de gouverner.
Contexte :
- Début du règne d’Abdülhamid II (1876-1909) qui n’est alors qu’un inconnu de 35 ans.
Il faut sortir d’une vision binaire qui opposerait modernité / occidentalisation /
sécularisation vs conservatisme et despotisme/Orient et Islam.
Très pieu, il aime le bon vin. Instruit en arabe, persan, sciences islamiques, histoire
ottomane et française, en finance et économie politique. Piano, goût pour la musique
classique occidentale, travail du bois. Connu aussi comme le « sultan rouge » à cause des
massacres des Arméniens de 1894-1896.


2
Entré comme secrétaire à la Porte, il a gravi tous les échelons. Ambassadeur à Paris et Londres dans les
années 1830, ministre des AE, grand vizir à plusieurs reprises après 1839.

3
- Cette constitution est proclamée en pleine crise balkanique (violences et répression en
Bosnie, au Monténégro, en Bulgarie et en Macédoine)3. L’un des objectifs est de stopper les
assauts des puissances européennes qui prennent pour prétexte la lenteur des réformes
pour intervenir dans les affaires de l’Empire. Sans succès, le texte n’est guère pris au sérieux
par les Européens.

Le texte4 : - réaffirme l’unité de l’EO sous l’égide du sultan-calife
- établit une chambre de notables, nommés à vie par le sultan, et une assemblée élue par la
population.
- Le sultan conserve la majeure partie de ses attributions : il n’est responsable devant
personne, nomme ou démet les ministres. Il peut promulguer des décrets et s’opposer aux
lois votées par le parlement. Mais des députés votent les lois et le budget, réel pas vers une
limitation du pouvoir du sultan.
- Réaffirme l’égalité de tous les sujets de sultan devant la loi, quelle que soit leur confession.

Le Parlement se réunit pour la première fois en 1877 : 71 députés musulmans, 44 chrétiens,
4 juifs. 14 langues = reflet de la diversité de l’Empire.
Apogée des réformes, preuve de la capacité de l’EO à se réformer : la Constitution a permis
l’éveil des consciences, le développement de la presse, des débats.

Retenir les dates 1839, 1856, 1876, même si ce n’est pas un mouvement continu et
uniforme.

Trans. : Ces réformes touchent de nombreux domaines et de vastes territoires. Dans un État
décentralisé comme l’Empire ottoman, la marge de manœuvre des pachas est importante.

B. Des réformes militaires, fiscales, administratives
1) Les réformes sont souvent dictées par des considérations militaires. C’est le cas pour
Mehmed Ali qui a en tête l’expédition d’Egypte5 ou d’Ahmed Bey en Tunisie, choqué par la
prise d’Alger 6 . Ce dernier impose la conscription qui rassemble des hommes d’origines
diverses, venus de toute la Régence, et ouvre des écoles destinées à former des officiers.

Être doté d’une armée moderne, c’est aussi disposer de nouveaux équipements (dvpt des
usines), il faut nourrir et soigner les hommes (dvpt de l’agriculture et de la médecine).
Enfin, l’extension du service militaire fonctionne comme un mécanisme d’intégration et de
promotion dans l’empire (lois militaires de 1843 et de 1869) et promeut un sentiment
ottomaniste.

Transition : La mise en place de ces réformes coûte très cher. Les défaites militaires

3
La Russie entre en guerre contre l'EO sous prétexte de secourir les Bulgares. En 1878, elle obtient par le traité
de San Stefano l'indépendance de la Roumanie et de la Serbie et la création d'une Grande Bulgarie, autour de
Sofia. Nouvelles négociations au congrès international à Berlin.
4
Préparé par une commission composée d’oulémas, d’officiers, d’hommes au service du sultan. Influence de
Midhat Pacha, grand vizir (école religieuse, carrière dans les provinces, à Nich, Danube, Bagdad).
5
Mehmed Ali refonde l’armée à partir de 1820. Il ordonne la conscription de 3000 soldats de Haute Egypte qui
forment le noyau de sa nouvelle armée. Les officiers sont entrainés par des officiers français.
6
Ahmad Bey (1837-1855) forme le noyau d’une armée moderne. Ouverture à Tunis de l’école polytechnique du
Bardo en 1838 qui ne recrute que des élèves musulmans et forme des officiers et des ingénieurs.

4
imposent aussi de nouveaux frais très importants. Cela explique l’accroissement de la
pression fiscale. Mais pour améliorer le système de collecte de l’impôt, il est nécessaire
aussi transformer les rouages de l’administration locale et centrale.

2) Période de rationalisation du fonctionnement de l’administration, où l’on vise à
accroître les ressources du Trésor par une collecte plus efficace des impôts :
Dans les années 1850, l’EO se dote d’un code de commerce moderne (1850), d’un code
pénal d’inspiration française (1858) et d’un code foncier (1858) (il favorise la propriété
privée et permet de mieux identifier les personnes imposables).
- Un code appelé le Mecelle (mejelle) entreprend de codifier la chari‘a publié entre 1870 et
1877. Une rationalisation qui n’est donc pas forcément synonyme de sécularisation.
Coexistence de plusieurs sources du droit, la chari‘a est l’une d’entre elles.

Fiscalité : Les autorités tendent à supprimer les impôts particuliers à chaque région pour
unifier les contributions. Elles remanient aussi l’administration locale chargée de la collecte.
Les fermiers fiscaux (multazim) et les caïds qui auparavant négociaient les impôts pour les
communautés locales deviennent plus clairement des agents de l’administration chargés de
soumettre les communautés à l’impôt.

3) L’administration municipale et provinciale est transformée par la mise en place
d’institutions locales aux pouvoirs plus étendus.
La loi sur les provinces de 1864 est plusieurs fois modifiée (redécoupages incessants), mais
aboutit à la création de 27 provinces. Les circonscriptions territoriales sont remodelées
plusieurs fois, mais elles ont à leur tête des wâlis dont l’autorité est limitée par la création de
conseils de notables, consultatifs (majlis)7.

Les villes : En 1856, Istanbul est dotée d’une municipalité. Le maire et le conseil de 12
membres fixent l’assiette des impôts locaux, surveillent les marchés, prennent des mesures
d’assainissement, contrôlent l’approvisionnement en eau et en nourriture, etc.
1877 : une loi étend le système municipal à l’ensemble des cités de l’Empire.
Exemple de la municipalité de Jérusalem qui lève, en 1907, des fonds pour construire une
horloge : politique suivie dans plusieurs villes. L’heure de l’Empire doit s’afficher partout. On
donne plus de pouvoir aux communautés locales, mais cela sert aussi l’uniformisation de
l’Empire.

Trans. On cantonne parfois les réformes au moment 1839-1876 (les Tanzîmat réduites à
leurs 3 grands textes). Or, cette période de basculement va bien au-delà. À la fois parce que
les menaces qui ont motivé les réformes n’ont pas disparu (ingérences européennes,
difficultés financières, recul territorial, etc.) ; mais aussi parce que les effets de certaines
mesures se font sentir dans les décennies qui suivent.


7
Chrétiens et juifs y siègent mais peu nombreux et ont peu de pouvoir.

5
III. Après 1878, concrétisation des réformes et modernisation de l’Empire dans un
cadre autoritaire
A. La crise des années 1876-1882
L’apogée de la politique de réforme est de courte durée : Abdülhamid II rend la politique
libérale responsable de la défaite et en 1878, l’Assemblée est dissoute, la constitution
suspendue et Midhat Pacha, son instigateur, est exilé puis assassiné ; les libéraux sont
marginalisés. Ce revirement est justifié par la crise politique et financière qu’affronte alors
l’Empire ottoman.

1) Une nouvelle défaite face aux Russes ampute l’EO de ses dernières provinces
européennes.
Au congrès de Berlin de juillet 1878, la Serbie et le Monténégro obtiennent leur
l’indépendance, la Bulgarie s’autonomise ; Chypre passe sous domination britannique ; les
provinces de Kars et d’Ardahan (dans le Caucase) sont cédées à la Russie.
Les pertes territoriales sont énormes, privant l’empire de près d’1/5 de ses sujets (220 000
km² et 5,5 millions d’habitants).
Dans la foulée, le protectorat français est établi sur la Tunisie (1881), la GB occupe
militairement l’Égypte (1882) (CM3).

2) Mise sous tutelle financière de l’empire
Pour se moderniser, l’Empire ottoman souscrit de nombreux emprunts auprès des
puissances européennes. Les taux sont très élevés (autour de 10% dans les années 1850-
1870) et en 1875 et 1881, il est en situation de banqueroute. Les créanciers imposent la
création d’une administration de la dette publique dont le Conseil composé de 7 membres
(1 Français, 1 Anglais, 1 Italien, 1 Autrichien, 1 Allemand, 1 Ottoman et 1 délégué de la
Banque ottomane) se comporte désormais comme un État dans l’État (décret de
Muharrem).
Entre 25 et 30% des ressources du budget impérial va désormais directement rembourser
les créanciers (sel, impôt sur les alcools, droits de timbre, dîmes sur les soies).
Perte de souveraineté par le contrôle des finances.

Trans. : Abdülhamid règne donc sur un territoire restreint, un espace moins européen et
plus musulman. Sa souveraineté limitée, non pas le parlement mais par les empiètements
européens.

B. La politique autoritaire et califale d’Abdülhamid II (1878-1908)
1) Panislamisme : Après 1878, le sultan Abdülhamid II réaffirme le caractère musulman de
l’Empire. Il reconcentre les pouvoirs autour de sa personne et d’une Anatolie musulmane
vers laquelle converge les populations musulmanes chassées des États nouvellement
indépendants.
Il insiste moins sur l’aspect ottoman de son pouvoir et fait de la religion une arme politique.
Mise en avant du califat : il donne l’image d’une vie pieuse et respectueuse de l’Islam.
Le sultan lance une politique panislamique pour éviter la sécession des périphéries
musulmanes non-turques de l’Empire, c’est-à-dire les Albanais, les Kurdes et surtout les
Arabes. Tentative de resserrer les liens par la religion.

6
Abdülhamid II favorise, en parallèle, les investissements dans les provinces arabes : entre
1882 et 1908, on y construit plus de kilomètres de voies ferrées qu’en Anatolie (47% contre
37%). Le chemin de fer du Hedjaz relie Médine à Damas en 1908. Ce projet doit assurer le
contrôle des Villes saintes et empêcher qu’elles deviennent le foyer d’un État arabe dont le
souverain pourrait se prévaloir du titre de calife.
Conséquence : les communautés non-musulmanes ne s’y retrouvent pas forcément.
L’ottomanisme promu durant les Tanzimât, comme identité partagée par tous les sujets de
l’Empire, se voit concurrencé par l’affirmation des communautés, les millet, qui poussent
des revendications spécifiques.

2) Un tournant autoritaire : En dépit de sa courte durée, la constitution et les élections au
Parlement marquent les esprits. Sous le règne d’Abdulhamid II, une opposition se forme en
réaction aux dérives autocratiques.
Moment d’éveil des consciences. Malgré la censure, la presse se développe.
Des militants, qu’on appelle bientôt les Jeunes Turcs, réclament le rétablissement de la
constitution. Le mouvement se forme à Istanbul, à la fin des années 1880, dans les écoles
militaires, et il survit ensuite à Salonique (dans l’armée de Macédoine) (CM5).

Lors de la révolution jeune turque, le règne d’Abdülahmid II est présenté comme une
période de despotisme (règne du secret, de la répression des opposants). Il a ensuite été
réhabilité dans les années 1960, en lien avec la montée de l’islam politique. Nostalgie du
sultan-calife.

Trans. : La suspension de la constitution, les pertes territoriales et les concessions faites aux
créanciers ne mettent pas fin aux réformes.

C. La poursuite de la modernisation
1) De nombreuses réformes ne donnent leur pleine mesure qu’à la fin du XIXe siècle.
Le nombre de fonctionnaires augmente et l’appareil étatique s’étend : de 2000 scribes à la
fin du XVIIIe siècle, on passe à près de 100 000 sous le règne d’Abdülhamid II. Ces agents de
l’administration sont formés dans des établissements publics d’éducation.
Les Tanzimât impulsent une réforme de l’éducation pour former des militaires et des
fonctionnaires loyaux et compétents. Mais les réalisations s’étalent sur plusieurs décennies
et se poursuivent sous le règne d’Abdülhamid II.

2) Cette modernisation se fait sous emprise européenne
Le dernier tiers du XIXe siècle est marqué par un afflux massif de capitaux étrangers,
notamment français.
Investissements dans le commerce et les transports : dans la construction de chemins de
fer. L’empire passe de 1800 km de voies ferrées en 1878 à 5 800 km en 1908.
Il faut noter l’explosion des investissements allemands : ils représentent 1,1% en 1888 et
27,5% en 1914 (France : 31,7% à 50,4%). Les Allemands obtiennent la concession des
chemins de fer d’Anatolie (1888) puis celle du chemin de fer de Bagdad.
Investissement également dans l’aménagement des ports ou les services publics comme le
tramway de Constantinople.

7
En revanche, les investissements étrangers ne contribuent guère au développement
industriel de l’Empire. Ce dernier reste pourvoyeur de matières premières et importe des
produits manufacturés européens : vêtements, armes, horloges, fils télégraphiques,
médicaments. La balance commerciale est presque toujours favorable à l’Europe.
L’Empire ottoman se trouve divisé en zones d’influence économiques [ppt] : la France est
très présente en Anatolie du Nord et au N-O et la Syrie ; les Anglais en Anatolie et
occidentale et dans le Golfe ; l’Allemagne prend en écharpe l’Empire et l’Italie en Anatolie
sud-occidentale (région d’Adalia).

Conclusion
1. Des réformes tous azimuts, mises en œuvre par le centre de l’Empire mais aussi dans les
provinces et dans les villes. Ces réformes ont modernisé l’appareil d’État, révolutionné les
transports, développé de nouvelles formes d’éducation, mais aussi ouvert des espaces de
débat politique.

2. Elles changent la nature de l’État. Les gouvernants s’adressent autrement à leurs sujets,
auxquels ils réclament de nouveaux impôts, dont celui du sang, le service militaire. Un
langage d’attachement à la nation émerge. Ambition de créer un homme nouveau, qui
serait un citoyen ottoman.

3. Emprise croissante de l’Europe : intégration de l’EO dans le capitalisme mondial lui-même
dominé par l’Europe. Ces réformes coûtent très cher et contribuent à l’endettement de l’EO.
Ces réformes n’empêchent pourtant pas de nouvelles victoires militaires européennes, la
montée des nationalismes dans les Balkans (encouragés/soutenus) par les Européens et les
Russes (les Russes, = les grands ennemis de l’empire), ni les occupations coloniales dans les
provinces arabes.


Remarque : L’Europe s’impose comme une source d’inspiration, sans constituer un modèle uniforme, pas plus
que les réformateurs ottomans ne forment un groupe soudé autour d’une même conception de l’Empire et de
son avenir.

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