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Pierre Henri Texier est L’histoire d’une dynamique. De tonnes de Enfin, dans certaines filières le même opérateur
ingénieur du génie rural, coton graine en , la production de coton s’est triture les graines, conditionne et commercialise
des eaux et des forêts. Il a rapidement développée dans les pays africains de la l’huile de coton et l’aliment de bétail obtenu.
été coopérant technique au zone franc avec la création dans les années des Les structures de développement cotonnier, si sou-
Bénin et au Sénégal, sociétés d’économie mixte : Cotontchad au Tchad, vent critiquées, assuraient des fonctions économiques
directeur industriel de la CIDT en Côte d’Ivoire, Sodefitex au Sénégal, Sode- et sociales vitales telles que l’entretien des pistes, les
Compagnie française pour coton au Cameroun, CMDT au Mali, Sofitex au Bur- forages, l’alphabétisation, l’embouche bovine, l’ap-
le développement du textile kina et Socada en République Centrafricaine (RCA), pui aux forgerons, et le développement des cultures
(CFDT), directeur général puis des sociétés d’État : Sonapra au Bénin, Sotoco de mais et de riz. Elles concernaient dans dix pays
adjoint de Dagris et au Togo ¹. Elle est alors passée de tonnes de d’Afrique de l’Ouest et du Centre, près de millions
administrateur de coton graine en à tonnes en . de familles, millions de ruraux, salariés,
différentes sociétés L’Afrique de l’Ouest et du Centre, avec de la sans compter les effets induits de cette spéculation
cotonnières. production mondiale et des exportations, était sur les secteurs de l’énergie, du transport, des ban-
ainsi devenue au début du siècle, le deuxième ques, des assurances et de l’élevage.
exportateur mondial de fibre derrière les États Unis.
La productivité a été multipliée par quatre au cours La crise actuelle. Si le développement du coton
de la période -, passant de kg à plus de a connu ses « trente glorieuses », la filière connaît
kg de fibre/ha, soit au-dessus de la moyenne aujourd’hui une très grave crise. Depuis , la
mondiale d’alors en culture pluviale ( kg fibre/ha). production du coton a chuté de , millions de ton-
Les meilleurs producteurs africains dépassaient lar- nes. Ceci est dû au retournement des cours du co-
gement leurs homologues texans en culture pluviale, ton fibre, mais aussi à la stagnation ou à la baisse
pourtant très subventionnés et utilisant à foison in- des rendements à l’hectare, qui est plus ancienne.
trants et énergie. Le prix payé aux sociétés cotonnières pour le coton
Le modèle de vulgarisation qui a permis cette commercialisé à l’exportation souffre également de
réussite a été emprunt d’un très grand pragmatis- l’arrimage du franc CFA à l’euro, monnaie en forte
me, et réalisé par tâtonnements successifs, grâce à appréciation depuis plusieurs années par rapport au
la maîtrise par une seule structure, dans une zone dollar ; le cours du coton étant fixé en dollar, plus le
géographique déterminée, des différentes fonctions dollar est faible par rapport à l’euro, moins la tran-
de la chaîne de valeur agro-industrielle : saction rapportera au final en franc CFA. Cette crise
– en amont, production et mise en place des semen- a entraîné une perte globale de millions d’euros
ces, fourniture des engrais et des insecticides (et pour l’ensemble des sociétés de la zone.
plus récemment des herbicides) à un prix fixe et à La plupart des bailleurs de fonds se sont contentés
crédit pour le paysan ; de déclarations de principe (juillet réunion à
– en aval, commercialisation primaire du coton graine, Paris, novembre à Goré). Le lobbying contre les
Évolution de transport, égrenage (c’est à dire séparation physique subventions américaines et les plaintes du G afri-
la production du coton graine en fibre ( ) et graine ( )), cain auprès de l’Organisation mondiale du commerce
cotonnière et commercialisation de la fibre sur les marchés (OMC) sont restés lettre morte. Seule l’Europe a di-
en milliers internationaux. minué notablement sa production cotonnière.
de tonnes de La baisse de la rémunération du coton fibre, mais
coton graine . CIDT : Compagnie ivoirienne pour le développement aussi les libéralisations et privatisations mal conduites
des 10 pays des textiles, Sodefitex : Société de développement des ont contribué au dépôt de bilan de plusieurs sociétés
africains de fibres textiles, Sodecoton : Société de développement en Côte d’Ivoire, au Togo et au Bénin, à la disparition
la zone franc du coton, Sofitex : Société des fibres textiles, Socada : du coton en RCA et en Guinée Bissau, et à la mise sous
Société centrafricaine de développement agricole, contrainte de l’Organisation pour l’harmonisation du
(sources : CFDT/ Sonapra : Société nationale pour la promotion agricole, droit des affaires en Afrique (OHADA) des sociétés
Dagris) Sotoco : Société togolaise du coton. les plus importantes au Mali, Burkina Faso et Tchad.
Seules la Sodecoton et la Sodefitex, qui étaient dotées
de réserves financières, ont pu résister.
Années 1950 1960 1980 1990 2000 2004 2008 La baisse du prix au producteur et l’augmentation
du prix des engrais a entraîné la division par des
Coton graine 100 200 500 1 000 2 000 2 600 1 300 revenus des paysans (la Marge brute après rembourse-
ment des intrants est passée de à FCFA). Ü
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