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Séra De Vriendt
in Ginette Barbé et al., Apprentissage d'une langue étrangère/seconde. Vol. 4
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Chapitre
La formation à l’enseignement
de la grammaire
Séra DE VRIENDT
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En fin de compte, il importe de construire un savoir implicite » (ma traduc-
tion, SDV). Ensuite, il conclut que « les règles sont peut-être (sic) efficaces, si
elles ont un domaine d’application (scope) étendu, si elles sont fiables (peu
d’exceptions) et si elles sont simples ».
Lors de la discussion, qui, à ma grande surprise, ne donna lieu à
aucune contestation des conceptions développées par Hulstijn, je fis remar-
quer que si une règle de grammaire a les trois caractéristiques susdites, il était,
à mes yeux, tout à fait inutile de la formuler d’une manière explicite et cela
inévitablement, à ce stade, dans la langue maternelle des apprenants (à sup-
poser qu’ils aient une langue maternelle commune !). Ainsi, par exemple, la
règle de formation de la 3e personne du singulier du verbe au présent (en
néerlandais) « ajouter la terminaison -t au radical du verbe » s’applique à la
classe, très nombreuse, des verbes, tolère peu d’exceptions (le verbe être et
quelques auxiliaires dits modaux) et est d’une forme très simple. Mais à quoi
bon la formuler, alors que l’apprenant va très rapidement entendre, produire
oralement, ensuite lire et écrire des centaines, sinon des milliers de fois les
formes en question ? Il lui arrivera sans doute de commettre l’une ou l’autre
faute, mais qui oserait prétendre que l’enseignement explicite de la gram-
maire ne génère ou ne laisse subsister aucune faute ?
J’ai défendu le point de vue selon lequel l’enseignement de la gram-
maire au niveau élémentaire pouvait intégralement se faire d’une manière
non explicite ou faiblement explicitée, mais systématique, dans un article inti-
tulé « Et la grammaire dans tout cela (bis) », paru dans le troisième volume de
la présente série, consacré à la méthodologie (De Vriendt 2003). Ce point
de vue sous-tend la conception de la formation à l’enseignement de la gram-
maire qui sera développée ci-dessous.
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• Comment l’enseigner ?
– d’une manière faiblement explicitée : pas de règles dans la langue
maternelle des apprenants, ni de paradigmes, mais une saisie des
phénomènes grammaticaux facilitée par la mimique, la gestuelle,
le croquis, la mise en évidence par l’image, la paraphrase, etc. ;
– d’une manière systématique : progression en spirale, activités
organisées dans chaque unité d’enseignement (plusieurs périodes)
autour d’une matière grammaticale.
• Quelles activités ? Toutes les activités de l’unité d’enseignement.
Le travail grammatical est ainsi intégré dans l’ensemble des activités
de la classe de langue étrangère. Pour un exemple détaillé, voir De
Vriendt 2003.
2. UN PROGRAMME DE FORMATION
Nous proposons ci-dessous, sous une forme succincte, un pro-
gramme de formation. Il peut être appliqué en tout ou en partie et d’une
manière plus ou moins approfondie selon les caractéristiques des participants
et le temps dont on dispose.
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tives, et comparer la manière dont il est traité dans différents cours
(explicité ou non ? mis en évidence ou non ? abondance et qualité des
phrases proposées ; aussi complet qu’il est souhaitable tenant compte
du niveau du cours ? etc.).
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grammaire traditionnelle et dans la plupart des cours de langue (avec éven-
tuellement quelques exercices d’inspiration structuraliste) est généralement
bien connue des (futurs) enseignants, ce qui n’est pas le cas de l’approche dite
fonctionnelle et notionnelle. Si l’on dispose d’assez de temps, on pourra
commencer par une présentation des travaux d’Austin et Searle ainsi que des
ouvrages publiés dans la langue étrangère concernée par la formation (par
exemple les publications concernant le niveau-seuil du Conseil de l’Europe).
On pourra ensuite examiner les conséquences d’une telle approche pour
l’agencement et la présentation d’une matière grammaticale, par exemple
comment on enseignera les réalisations de l’acte de parole : « demander à
quelqu’un de faire quelque chose » ou « comment situer un procès dans
l’espace ». Analyse de matériel, etc.
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germaniques en Belgique francophone : il s’agit de l’emploi des formes de
l’adjectif qualificatif. Celui-ci peut avoir deux formes, l’une sans terminaison
(celle que mentionnent les dictionnaires) que nous appellerons la forme
brève, l’autre qui a la terminaison -e que nous appellerons la forme longue.
La formulation la plus fréquente de la règle, ou des règles, est la suivante :
l’adjectif a la forme brève lorsqu’il est attribut et lorsque, employé comme épi-
thète, il accompagne un nom neutre singulier et est précédé d’un détermi-
nant indéfini, dans les autres cas (épithète accompagnant un nom pluriel, ou
singulier masculin ou féminin, ou neutre mais précédé d’un déterminant
défini) on emploie la forme longue. Il faut bien admettre que le comporte-
ment des adjectifs épithètes neutres complique singulièrement les choses et
on peut comprendre que les enseignants ne voient pas bien comment ils
pourraient enseigner cela sans règles explicites (dans la langue maternelle des
apprenants). Il y a cependant une solution. Comme on peut le voir, si l’on
évite, provisoirement, d’employer un adjectif épithète neutre singulier en
contexte indéfini, la situation est simple : forme brève pour l’adjectif attribut,
forme longue pour l’adjectif épithète. C’est tellement simple que les élèves
peuvent acquérir cette différence d’emploi aisément grâce à un usage fré-
quent, orienté et bien organisé par l’enseignant. Il suffit donc de remettre à
plus tard, à la deuxième année ou à un deuxième module, le problème par-
ticulier des adjectifs épithètes accompagnant un nom neutre singulier
« indéfini ». S’il arrive que l’enseignant emploie un adjectif dans ce contexte
spécifique, s’il parle donc d’une petite maison (een klein huis) ou d’un cheval
blanc (een wit paard) ou si une telle expression se trouve dans un texte de
lecture, l’apprenant se trouvera confronté à une forme à première vue
déviante, mais, s’il s’en rend compte, elle pourra temporairement être con-
sidérée comme une exception. Un rapide comptage effectué sur le premier
volume d’un cours de néerlandais, tous textes confondus, donne le résultat
suivant : 52 adjectifs attributs, 90 épithètes présentant la forme dite longue
et 13 de forme brève. Ce qu’on gagne au change, c’est une utilisation géné-
ralement correcte et fluide des formes adjectivales.
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demandent qu’on leur donne des règles, soit parce qu’elles les rassurent, soit
parce qu’ils les ont apprises lors d’une formation antérieure. Nous proposons
alors la solution suivante : conserver à tout prix le caractère unilingue, donc
dans la langue étrangère, de la classe de langues, ce qui exclut la formulation
de règles et la traduction dans la langue maternelle des apprenants, mais pré-
voir une brève plage en fin de période où des questions et une explicitation
en langue maternelle sont permises. Ceci peut être proposé au groupe
d’apprenants lors de la « leçon zéro », que nous préférons appeler la « leçon
contrat », au cours de laquelle l’enseignant explique et commente l’organisa-
tion et divers aspects de son enseignement (le travail phonétique, la priorité
à l’oral, etc.).
Si on a pu obtenir l’assentiment du groupe concernant l’inutilité des
règles explicitées et l’intrusion néfaste que constitue leur formulation en lan-
gue maternelle dans la classe de langue étrangère, il convient d’examiner
alors quelles stratégies il faut appliquer pour favoriser l’acquisition des formes
et des structures et leur utilisation aisée et correcte dans le plus grand nombre
d’activités possibles. Ceci peut s’accompagner de l’analyse de matériel exis-
tant et de la création de matériel nouveau (voir 2.3.2).
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demandant aux participants de rechercher un poème ou une chanson illus-
trant le même thème grammatical. Le résultat de cette petite recherche est
souvent surprenant.
Si l’on dispose de beaucoup de temps, on peut choisir un thème
grammatical et passer en revue une gamme très étendue d’activités suscepti-
bles d’être proposées aux apprenants. Ceci peut se faire par phases : discus-
sion (quelles sont les formes et les structures qu’il faut proposer), analyse de
matériel, création de matériel propre, etc. Après cela, on peut demander aux
participants de rechercher et de produire un autre ensemble autour d’un
thème grammatical non traité en groupe.
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Lorsque les langues en question présentent des caractéristiques typo-
logiques nettement différentes, il faut réfléchir aux implications que
cela peut avoir sur les stratégies d’enseignement : un examen rai-
sonné des difficultés supposées fait souvent apparaître qu’en opérant
une distinction rationnelle entre, d’une part, ce qui est fondamental et
nécessaire au niveau élémentaire et, d’autre part, les formes et les
structures dont l’apprentissage systématique peut être remis à plus
tard, il est parfaitement possible d’appliquer les démarches proposées
dans cet article.
• La formation des (futurs) enseignants en linguistique. Les partici-
pants aux formations, initiale ou continuée, peuvent avoir eu une for-
mation approfondie en linguistique, en particulier dans le domaine de
la langue qu’ils sont appelés à enseigner ou qu’ils enseignent déjà. Si
c’est le cas, la formation à l’enseignement de la grammaire s’en trou-
vera facilitée dans la mesure où il sera superflu de traiter en détails une
partie du programme proposé ci-dessus (par exemple toute la partie I
et éventuellement II). Tout au plus faudra-t-il peut-être les mettre en
garde contre une certaine tendance à faire de la théorie linguistique,
comme d’autres jeunes enseignants, fraîchement émoulus de l’univer-
sité, reproduisent dans leurs classes les séances d’explication de textes
littéraires qu’ils ont appréciées lors de leurs études. Il faut hélas recon-
naître que, trop souvent, la formation linguistique de base des (futurs)
enseignants est déficiente ; dans ce cas, la première partie de notre
programme s’avère généralement indispensable.
• Les objectifs. Il est bon d’expliquer ou de rappeler, lors des séances
de formation, que l’enseignant doit se fixer des objectifs, exprimés en
termes de savoirs et de savoir-faire. Il doit avoir des objectifs très pré-
cis pour chaque unité d’enseignement : « au moment d’entamer
l’unité X, mes apprenants ne sont en principe pas capables de faire
cela (Y) ni cela (Z), au terme de cette unité, donc après six ou huit ou
dix périodes, ils doivent en être capables, c’est-à-dire que le plus
grand nombre possible doit être capable de le faire avec une quantité
minimale d’erreurs ». C’est à partir de cela qu’il construit son ensei-
gnement, qu’il choisit, dans un manuel ou avec des apports exté-
rieurs, la suite d’activités qu’il va faire réaliser par les apprenants. Les
180 Itinéraires et stratégies de formation
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de clarté et de concision, écarte du débat la référence à l’apprentis-
sage et à l’enseignement des autres composantes du langage. Nous
tenons à rappeler ici que, pour nous, dans la réalité de la classe
comme dans celle de l’utilisation réelle de la langue, on ne peut isoler
artificiellement une des composantes, en l’occurrence la grammaire,
de tout le reste. Nous avons terminé notre article (De Vriendt 2003)
en rappelant que le travail grammatical se fait « en totale symbiose
avec le travail phonétique, avec l’acquisition du lexique, de la mimo-
gestuelle appropriée, etc., en un mot de toutes les composantes de la
compétence linguistique et de la compétence communicative en voie
d’élaboration chez l’apprenant » (voir aussi Rivenc 1982, p. 183).
• Le matériel. Tous les enseignants se servent d’un certain matériel,
cours de langue, manuel, syllabus, avec ou sans enregistrements
divers, etc. Dans certains cas, il leur est imposé. Ainsi, en formation
initiale, il est bon de signaler aux futurs enseignants que, heureux
d’avoir obtenu un emploi et arrivant dans l’école pour laquelle ils ont
été désignés, ils seront vraisemblablement appelés à se servir du
matériel choisi par leurs collègues. Il est dès lors de la plus haute
importance que l’enseignant, novice ou non, ait appris non seulement
à adopter une attitude critique vis-à-vis d’un matériel, quel qu’il soit,
imposé ou non, mais aussi qu’il soit entraîné à bien s’en servir, donc
à en exploiter les qualités, à le compléter là où cela peut être utile, à
combler les lacunes et à pallier les insuffisances éventuelles. C’est
pour cette raison qu’il a souvent été fait allusion à une analyse du
matériel existant, mais aussi à la sélection et à la production de maté-
riel complémentaire ou de remplacement.
• Niveau élémentaire. Pour rappel et afin de dissiper toute
équivoque : l’approche proposée ci-dessus se place uniquement dans
le cadre de la formation à l’enseignement de la grammaire au niveau
élémentaire. Il n’y a pas de critère permettant de déterminer avec pré-
cision quand se fait le passage du niveau élémentaire à un niveau
intermédiaire. Pour fixer les idées, disons que cela peut se situer après
deux années de cours dans l’enseignement secondaire (à raison de
quatre heures par semaine) et après plus ou moins cent heures
d’enseignement aux adultes.
La formation à l’enseignement de la grammaire 181
Une fois que les apprenants ont acquis une connaissance de base suf-
fisante de la langue étrangère, on peut envisager la discussion en classe, dans
cette langue, de problèmes grammaticaux, soit afin de faire une synthèse des
connaissances grammaticales déjà acquises, soit pour affiner les connaissan-
ces des apprenants sur certains points précis.
3. EN GUISE DE CONCLUSION
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Le programme que nous avons proposé ci-dessus permet des forma-
tions différenciées à l’enseignement de la grammaire, tenant compte des
caractéristiques des participants et des divers contextes dans lesquels les for-
mations sont organisées. La seule constante est la conception d’un enseigne-
ment de la grammaire intégré, associant continuellement le fond (le sens) et
la forme et visant à développer chez les apprenants une solide compétence
grammaticale par l’organisation d’un ensemble d’activités de réception et de
production.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Et aussi
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